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Full text of "Kami yo-no maki. Histoire des dynasties divines, publ. en jap., tr ..."

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PDBLICATIUKS  DE  L'ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES  VI\^\NTES. 

LES  POÈME.S  DE  L'ANNA  M 

'    . 

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Tv  I  M 

Nks,   Kl  EU 

• 

TÂN  TRUYÊN 

PUBJUIE  ET  TRADUIT  POUR  LA  PKEMIERE  FOIS 
TAU 

A^BEL  DEBjVnCHELS 

1*R0F£3SKI:R  a  LECOJ.E  1>KS  LA?^ai!E8   0KIE>iîALK5!    VlV\XTEî5. 


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y-ov^  K^  ^ 


TOME   PREMIER 

TEANôCEUTION.  lEADrcTlON  ET  NOTE.^ 


ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

tIBRAtBE  DK  LA  âOCJiTÉ  ASIATlgUE 
1>E  l.*ÉCOtç;0is  lAîFQCES  ORllSNTALE:^  YIVA^'TES.  ETC. 

2«,  liCE  BO\.\rARTE  28, 

1884, 


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GooqIc 


B*^?fc«c.fI-.»-w»j  r^;  .-  '*">'  -."•*•  '■».■  vu  . 


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PUBLICATIONS 


DE 


L'ÉCOLE  DES  LANGUES  OKIENTALES  VIVANTES 


ir  SÉRIE  —  VOLUME  XIV 


^  H  ^  ff  # 

KIM  VÂN  KIEU  TÂN  TRUYÊN 

POÈME  POPOIAIBE  ANNAMITE. 


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LES  POÈMES  DE  L'ANNAM 


^   #   ^   fr    # 


Kl  M  VAN  KIÊU 


TÂN  TRUYÊN 


PUBLIÉ  ET  TRADUIT  POUR  LA  PREMIÈRE  FOIS 
PAR 

ABEL  DES  MICHELS 

-PBOFE88EUB  A  L'ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES   VIVANTES. 


TOME   PREMIER 

IRIPTION.  TRADUCTION  ET  NOTES 


PA.RIS 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

LIBRAIRE  DE  LA  SOClÈTt  ASIATIQUE 
I>E    L'ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES  VIVANTES,  ETC. 

28,  RUE  BONAPARTE  28, 

1884. 


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INTRODUCTION. 


Le  titre  du  poème  annmnite  dont  je  publie  au- 
jourdUmi  la  traductmi  et  qui  est  Vœuvre  de  Nguyên 
Duj  Hfm  tam  tri  du  Ministère  des  Rites  sous  le 
règne  de  Cria  long^  signifie  littéralement  en  français  : 
< Nouvelle  histoire  de  Kim,  deVân  et  de  Kiêu>. 
L'auteur  y  a  réuni  les  noms  des  personnages  les  plus 
marquants  de  son  œuvre,  qui  est  d'ailleurs  connue 
en  CocImicMne  sous  la  dénomination  plus  simple  de 
€  Poème  de  Tûy  Kiêu>.  Il  l'a  tirée,  en  y  introdui- 
sant des  modifications  comidé'ables,  d'un  roman  chi- 
nois  que  plusieurs  lettrés  de  VAîinam  croient  avoir  été 
composé  par  l'un  des  Tài  tu.  Je  fie  saurais  dire  si 
cette  opinion  est  fondée,  car  le  seul  exemplaire  que 
je  connaisse  de  ce  livre  ne  porte  pas  de  nom  di" auteur. 
Il  présente  d'ailleurs  cette  particularité  remarquable 
qu^il  est  écrit  d'un  bout  à  l'autre  en  wên  tchcmg 


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Il  INTRODUCTION. 

sans  aucun  mélange  dekouân  ho  à;  ce  qui  est  eairê- 
mement  rare  dans  ce  genre  de  compositions  \ 

Une  jeune  fille  appartenant  à  une  famille  plus 
1i07iorahle  que  fortunée  va  faire  y  à  V  occasion  de  la 
4iFête  des  tombeauû^^,  une  excursion  dans  la  cam- 
pagne  en  compagiiie  de  sa  sœur  et  de  son  frère.  Elle 
rencontre  la  tombe  déserte  d\me  comédienne  autre- 
fois célèbre  par  sa  vie  licencieuse^  et  déplore  V aban- 
don ou  se  trouve  cette  sépulture.  Les  détails  que  lui 
dorme  son  frère  sur  la  vie  et  la  mort  de  Bqm  tien 
la  touchent  au  point  de  Ud  faire  verser  des  larmes. 
Elle  offre  nn  sacrifice  sur  le  tombeau  de  la  chanteuse^ 

^  Au  moment  où  f  allais  renvoyer  à  V imprimeur  la  première  épreuve  de 
cette  introduction  et  le  lendemain  même  du  jour  où,  dans  un  mémoire  que  fa- 
vais  Vhonneur  de  lire  devant  V Académie  des  Inscriptions  et  Belles-lettres ,  je 
disais  n* avoir  pu  découvrir  à  quel  roman  diinois  on  pouvait  rattacher  r œuvre 
poétique  de  Nguyen  Du,  je  reçus  de  M.  le  Professeur  Truang  Minh  Ky 
qui,  Vayan{  découvert  à  Saigon,  avait  F  obligeance  de  me  Renvoyer  aussitôt^  ce 
roman  que  f  avais  si  longtemps  cherché  en  vain.  Il  est  intitulé  .A-  ^g  ^^ 
^^  ;  ce  qui  signifie,  à  une  légère  nuance  près,  la  même  chose  que  le  titre  du 
pohne  lui-même.  MaUicureusement,  comme  je  viens  de  le  dire,  cet  exemplaire 
qui  provient  d^une  édition  tout  récemment  imprimée  à  Hà  noi  ne  porte  pas  de 
nom  d^ auteur.  On  trouve  pour  tous  renseignements  sur  la  couverture  que  cette 
édition,  revue  et  gravée  à  nouveau  par  un  lettré  nommé  ^§  ^^  3K  Phuâc 
Blnh  Le,  a  été  publiée  sous  le  règne  de  S^  ffi[  Tu  Duc  dans  le  premier  mois 
d^  automne  de  r  année  j^  -^,  c'est-à-dire  en  1876.  I 

Ce  roman  chinois  parvient  à  ma  connaissance  au  moment  où  le  premier 
tome  de  ma  traduction  du  poème  de  Tûy  Kiiu  est  presque  entièrement  com- 
posé et  prêt  à  paraître.  Cette  circonstance  explique  l^a  présence  dans  ce  volume 
d'un  certain  nombre  de  notes  destinées  à  faire  ressortir  l'origine  cJiinoise  du 
poème,  origine  sur  laquelle  l'existence  du  ^^  ^a  ^S  ^^  lèverait  toute  es- 
pèce de  doute  y  s'il  eut  ét^  possible  d'en  concevoir. 


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INTRODUCTION.  III 

et  prie  F  ombre  de  cette  dernière  de  lui  apparaître.  La 
morte  lui  ayant  aussitôt  manifesté  sa  présence  par 
des  signes  non  équivoques^  ce  fait  produit  sur  V  esprit 
de  Tny  Kièu  une  impressio7i  des  plus  prof  ondes.  De 
retour  dans  sa  demeure,  elle  voit  pendant  so?i  som- 
meil ^qm  tien  venir  à  elle  et  lui  amioncer  les  mal- 
heurs qui  vont  V  accabler  en  expiation  des  fautes  com- 
mises par  elle  dans  \me  vie  antérieure. 

Cepefidant  un  jeune  lettré,  compag?io7i  d'études  du 
frère  de  notre  héroïfie,  était  ve?iu  à  passer  au  momefit 
oh  elle  se  disposait  à  qiiitter  le  tombeau  après  le  sa- 
crifice offert.  Frappé  de  sa  beauté,  il  était  devenu 
subite?ne7it  épris  d'elle.  Sous  V empire  de  sa  nouvelle 
passion,  Kim  Trong  (c'est  son  7iom)  retourne  à 
Ve7idroit  où  il  a  vu  la  jeune  fille  da7is  V espoir  de  Vy 
renco7itrer  eiicore.  Son  espéra7ice  aya7it  été  déçue, 
il  se  rend  au  lieu  où  demeure  celle  qui  s'est  7*e7idue 
maîtresse  de  son  cœur,  et  trouve  le  moyeii  de  louer 
7uie  maison  da7is  le  voisi7iage. 

Après  deuœ7nois  datte7ite  infruct^ieuse  7iot7*e  amou- 
reux f?iit  par  apercevoir  l'objet  de  sa  flamme  dans 
le  jardi7i  de  la  mais07i  qu'elle  habite.  Il  se  hâté  de 
se  mo7it7'er  da7is  l'espoir  d'entrer  en  relation  avec 
elle.  Tûy  Ktêii,  effrayée,  rentre  précipitamment; 
mais  elle  oublie  son  épingle  de  tête  do7it  Kim  Tro7ig 
s'empare  aussitôt.  Le  Ie7idemai7i  la  jeu7ie  fille  s'aper- 


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IV  INTRODUCTION. 

çoit  que  cet  objet  manque  à  sa  toilette  et  retourfie  dans 
le  jardifi  pour  F  y  chercher.  Elle  s^  entend  appeler  par 
Kim  Trong^  qui  lui  déclare  son  amour  et  lui  rend 
S071  épifigle  accompagnée  de  quelques  présents. 

Quelques  jours  après,  Tûy  Kiêu,  projitant  de  ce 
que  tous  les  siens  ont  quitté  la  maison  pour  se  rendre 
à  une  fête  de  famille^  se  glisse  chez  le  jeune  lettré. 
Les  deuûj  amants  se  livrent  à  une  douce  causer ie, 
font  des  vers  et  de  la  musique,  et  se  jurent  ufie  éter- 
nelle fidélité.  Cependant  lapassio7i  de  Kim  Trong 
tend  à  devenir  coupable.  La  jeu?ie  file  le  ramène  à 
des  sentimeîits  plus  nobles  et,  le  jour  étant  venu,  elle 
retourne  daiis  sa  demeure.  La  famille  revient,  et  le 
malheur  semble  arrivei*  avec  elle.  Des  satellites  du 
tribunal  surviefinent  inopi?iément  et  arrêtent  le  père 
pour  une  dette  iîisignifiante  C07itractée  envers  un  mar- 
chand de  soieries.  On  co?ifsque  tout,  on  met  la  mai- 
son sous  scellés,  et  Ktêu,  n^ écoutant  plus  que  son 
amour  filial,  se  vend,  pour  racheter  son  père,  à  un 
misérable.  Ce  dernier  n^est  que  rimtrument  d^une 
vieille  femme  nommée  Tu  h  à  qui,  sous  le  couvert 
d'un  mariage  simulé,  entraîne  la  jeune  fille  dans  un 
mauvais  lieu.  Comme  elle  résiste  énergiquement  aiuv 
suggestions  de  la  mégère,  et  te?ite  même  de  s^ôter  la 
vie  porir  y  échapper.  Tu  bà,  pour  V amener  à  ses 
fins,  use  d^un  stratagème  abominable.  Elle  lui  dé- 


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INTRODUCTION. 


pêche  un  vaurim  fiommé  Sa  Khanh  qui  se  montre 
à  elle  sous  les  apparences  d\m  lettré  distingué.  La 
malheureuse  jeiifie  fille  voit  en  lui  un  libérateur;  elle 
se  confie  au  misérable  et  ^enfidt  avec  lui  La  vieille 
Tu  bà  la  po7irsuity  Vatteiîit  et  V enferme  dam  sa 
maisofi  de  prostitidion  ou,  aidée  de  Sa  Khanh,  elle 
ramène  à  force  de  mauvais  traitements  à  e^vercer 
le  înétier  immonde  dont  elle  tire  bénéfice. 

Parmi  les  nombretav jeunes  gens  qu^ attire  la  repu- 
tation  de  beauté  de  Tûy  Kiêu  se  trouve  un  jeune  lettré 
nommé  Thûc  sanh.  Il  rachète  la  victiîne  de  Tu  bà, 
remmène  et  vit  avec  elle.  Surviefit  le  père  du  lettré 
quiy  n'ayant  pu  faire  renoncer  soîifils  à  ime  liaison 
indigne  de  lui,  traîne  la  jeune  fille  deva^it  le  tribunal 
du  préfet.  Ce  magistrat  la  fait  d'abord  accabler  de 
coups;  mais,  voyant  Thûc  sanh  se  désespérer,  il 
est  touché  des  pleurs  du  jetme  homme,  V  interroge, 
et  apprend  de  lui  qm  la  persofine  qu'il  traite  ainsi 
est  une  jeune  fille  de  grand  talent.  On  met  Kiêu  à 
répreuve,  et  le  magistrat,  entièrement  subjugué,  in- 
vite lui-même  le  vieillard  à  comentir  à  Vunioti  des 
d^ux  amants. 

Cependant  Thûc  sanh,  sur  les  conseils  de  Tûy 
Kiêu,  retourne  provisoirement  près  de  sa  femme 
légitime;  mais  il  ne  lui  dit  rien  de  sa  nouvelle  u?iio?i. 
Ho  an  thon^  en  apprend  pas  moins  V  aventure.  Trans- 


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VI  INTRODUCTION. 

portée  de  jalousie j  elle  envoie  demv  scélérats  mettre  le 
feu  à  la  maison  de  sa  rivale,  et  fait  enlever  cette  der- 
nière  qu'acné  réduit  à  la  co?idition  d^ esclave.  Accablée 
de  mauvais  traiteîuentSy  ah^euvée  dliumiliations, 
Kiêu  désarme  sa  persécutrice  par  sa  résignation  et 
la  dignité  de  son  attitude^  et  Ho  an  tha  lui  permet 
de  se  retirer  dans  une  pagode  pour  y  passer  le  reste 
de  ses  jours  dam  la  pénitence.  Cependant  Thûc  sanh 
Vy  rejoint;  înais  il  est  surpris  par  Ho  an  thapendafit 
qu^il  causait  intimement  avec  la  je^me  femme.  Cette 
dernièrey  à  qui  une  servante  a  appris  qu^elle  avait  été 
épiéCj  est  saisie  de  terreur  et  se  réfugie  dans  une  pa- 
gode éloignée,  où  elle  se  concilie  facileme?it  les  boufies 
grâces  de  la  supérieure  Gide  duyên.  Malheureuse- 
ment cette  dernièrey  ayant  reçu  les  confidences  de 
notre  héroïne^  craint  d^ encourir  la  colère  de  Ho  an 
tha.  Elle  confie  Tûy  Kiêu  à  une  vieille  femme  nom- 
mée Bac  hà  quiy  sous  le  couvert  dJune  grande piété^ 
cache  les  mœurs  les  plus  infâmes.  Cette  dernière  con- 
fie Kiêu  à  son  neveu  qui  V emmène  dans  la  ville  de 
Châu  thaï  et  la  vend  au  propriétaire  dJune  maison 
de  prostitution.  La  malheureuse ^  enfouie  pour  la 
seconde  fois  dans  cette  fange j  7*eçoit  chez  elle  un  chef 
de  rebelles  nommé  Tù  hâi.  Il  la  délivre  et  Vépouse 
comme  V  avait  fait  une  première  fois  le  lettré  Thûc 
sanh.  Après  une  séparatioii  volontaire  de  six  moisy 


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INTRODUCTION.  VII 

le  guerrier  revimt  mctoriemv  des  troupes  de  FEm- 
pereur  qu^il  a  fait  trembler  sur  sou  trône.  Tûy  Kiêu 
reçoit  de  grands  honneurs  des  généraux  et  de  Var- 
mée.  Mie  profite  de  sa  puissance  actuelle  pour  récom- 
penser  généreusement  to^is  ceuù:  qui  Vont  secourue 
dam  V infortune  et  faire  mourir  ses  anciens  persé- 
cuteurs au  milieu  de  tortures  épouvantables.  Elle 
voudrait  retenir  auprès  d^elle  Gide  duyên  qu^elle  a 
invitée  à  venir  assister  à  cette  scène  de  justice  distri- 
butive;  mais  cette  dernièrej  qui  iiHest  autre  qiùme 
immortelle  déguisée^  la  quitte  en  lui  prédisant  qi^ elles 
se  reverront  dans  cinq  ans  au  fleuve  Tien  duàug. 

En  effet  le  général  de  r  Empereur  a  remporté  par  la 
trahison  et  avec  Vaide  inconsciente  de  la  jeune  femme 
une  rictoire  complète  sur  les  troupes  du  rebelle^  qui  a 
trouvé  la  mort  da)is  le  combat.  Le  vainqueur  donne 
Tùij  Kiêu  pour  femme  à  un  fiotable  du  pays  qui 
emmène  dans  son  bateau  la  nouvelle  épousée;  mais 
cette  dernièrCj  arrivée  dans  les  eaux  du  fleuve  Tiê^i 
duangy  se  souvient  de  la  prophétie  de  Gide  duyên 
et  se  précipite  dans  les  flots.  Elle  est  sauvée  par  Vim- 
mortelle  qui  V attendait  depuis  longtemps  sur  le  bord 
du  fleuve. 

Désormais  notre  hérdine  a  payé  sa  dette  au  mal- 
heur. La  mesure  de  souffrances  qui  lui  était  réservée 
en  expiation  des  fautes  de  son  existence  antérieure 


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vin  INTRODUCTION. 

est  épuisée.  Mie  retrouve  sa  famille  et  son  fiancé 
Kim  Trong  qui  réponse  et  vit  heureux  avec  elle. 

Ce  n^  était  pas  chose  facile  que  de  donner  pour  la 
première  fois  une  traduction  du  poème  de  TûyKiêu. 
Outre  qu^il  est  d\me  longueur  eœtraordiîiairCj  c^est 
peut-être  le  plus  difficile  de  toits  ceiix  qui  sont  éclos 
sous  le  pificeau  des  poètes  de  VAnnam.  Le  lecteur  ne 
s'étonnera  donc  pas  de  la  grande  quantité  de  notes 
explicatives  dont  f  ai  dû  en  accompagner  la  traduc- 
tion. Quelque  soin  que  f  aie  mis  à  suivre  de  très  près 
Vorigiiialj  elle  serait^  sans  ces  notes,  absolument  in- 
suffisante  pour  donner  une  intelligence  complète  de 
V œuvre  du  lettré  Nguyêîi  du,  tant  les  expressions 
en  sont  cherchées,  le  texte  difficile,  et  les  figures  aussi 
multiples  qu^ étranges. 

Un  des  caractères  les  plus  saillants  de  ce  long 
poème  co?isiste  da?is  les  idées  bouddhiques  quHl  ren- 
ferme, et  sous  rififiue^ice  desquelles  il  a  été  écrit.  Uon 
y  rencontre  notamment  à  chaque  instant  rexpressiofi 
de  cette  docfnne,  que  les  malheurs  de  notre  existence 
actuelle  sont  desfmés  à  expier  les  fautes  d^une  vie 
antérieure  et  en  prépare?it  une  troisième  après  la- 
quelle rame  huinaine  qui  aura  suffisamment  pro- 
gressé da7is  le  bien  sera  dispensée  d'mie  nouvelle 
incarnafiony  et  retournera  au  sein  du  Bouddha 
pour  y  demeurer  désormais  plo?igée  dans  cette  sorte 


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INTRODUCTION.  IX 

d'anéantlsseîYient  heureux  que  Von  désigne  sous  le 
nom  de  Nirvana. 

Le  style  de  Fouvrage  est  tonkinois.  L'une  des  édi- 
fions diaprés  lesquelles  fen  ai  établi  le  texte  m^est 
venue  directement  du  Tonkin;  et  si  Vautre  n^en  pro-- 
viefit  pas,  elle  est  du  moins  une  reproduction j  fort 
mauvaise  et  fort  altérée  d^ailleurSy  de  celles  qui  avaient 
paru  antérieurement  da7is  ce  pays.  La  rédaction  pri-- 
mitive  du  poème  de  Tûy  Kiêu  est  donc  évidemment 
fanbnoise.  Il  est  facile,  pour  s'efi  assurer,  de  con- 
stater le  grand  nombre  d^expressions  spéciales  au 
nord  de  Vempire  anfiamité  dont  il  est  rempli,  ainsi 
que  la  forme  particîdière  des  caractères  démotiques 
ou  chw  nÔ7n  qui  Oîit  servi  à  sa  rédaction;  caractères 
dont  une  immense  quantité  diffère  de  ceux  qui  sont 
géiéralement  adoptés  dans  la  basse  Cochinchine  et 
notamme7it  des  signes  que  Von  trouve  dans  le  die- 
tionnaire  de  Taberd.  Quant  à  la  forme  prosodique, 
elle  appartient  à  celle  que  Von  nomme  en  amiamite 
Van.  Les  vers  e?i  sont  alternativeme?it  de  huit  et  de  six 
pieds,  et  pourvus  chacun  de  deux  rimes  do?it  la  pre- 
mière se  trouve  entre  le  dernier  mofiosyllabe  du  vers  de 
six  pieds  et  le  sixième  du  vers  de  huit,  et  la  deuxième 
entre  le  dernier  monosyllabe  du  vers  de  huit  pieds 
et  le  dernier  du  vers  de  six.  Cette  entrecroisement 
de  rimes  produit  un  effet  impossible  à  inécoyinaître. 


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INTRODUCTION. 


Jo'mt  à  la  combinaiso7i  voulue  des  différentes  espèces 
de  tons  hhih  et  trac,  il  do?ine  mie  cadeîice  qui  im- 
pressionne agréablement  F  oreille  d\m  lecteur  quelque 
peu  habitué  et  surtout  sa?is  préjugés  à  V endroit  de 
la  musique  cochinchinoise. 

Parmi  les  difficultés  considérables  que  présentefit 
r étude  et  surtout  la  traduction  e?i  français  de  cette 
œuvre  à  piste  titre  si  réputée,  il  ne  faut  pas  comp- 
ter en  dernière  ligne  le  vague  qui  existe  da?is  les  dia- 
logues ou  les  soliloques  qui  s'y  rencontrent  à  chaque 
page.  Nulle  part  peut-être  on  ne  trouve  uneplm  grande 
difficulté  à  bien  déternmier  le  point  précis  ou  il  faut 
placer  le  changement  d'interlocuteur,  comme  aussi  à 
bien  distingua*  si  telle  ou  telle  réjlexiofi  morale  ou 
philosophique  appartient  à  Vun  des  héros  du  poème 
ou  à  V auteur  lui-même^  Ce  dernier  point  est  parfois 
si  impossible  à  élucider,  que  Von  serait  tenté  d'ad- 
mettre que  le  poète  a  eu  Vintention  formelle  de  laisser 
ses  lecteiirs  dans  le  doute.  La  ponctuation  ne  vient 
nullement  en  aide;  car,  de  même  que  dans  toutes  les 
œuvres  semblables^  elle  fait  absolument  défaut.  Il  en 
est  ainsi  en  ce  qui  concerne  le  sens  exact  qu'il  faut 
attribuer  à  certaines  expressiofis.  Tout  cela  vient  à  ce 
que  la  langue  poétique  de  VAnnam  ne  présente  pas  la 
même  fixité  que  celle  de  nos  idiomes  européens;  ce  qui 

'  VoiV,  par  exemple^  les  vers  380  à  385, 


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INTRODUCTION.  XI 

proviefity  je  croisy  du  monosyllahismey  qui  permet 
plus  facilemeyit  à  deuœ  auteurs  différents  et  quelque- 
fois au  même  de  dominer  à  telle  ou  telle  expression 
poétique  plusieurs  sens  figurés  distincts^  De  même 
que  tous  les  poètes  annamites  et  plus  encore^  V auteur 
du  Tny  Kiêu  affecte  d^ employer  une  véritable pro/u- 
sionde  termes  chinois;  etcommCy  en  sa  qualité  de  haut 
fonctionnaire  duMxnistère  des  Rites ^  il  avait  du  for- 
cément passer  par  les  grades  les  plus  élevés  des  con- 
courSj  il  a  tenu  à  moîitrer  son  imtruction  en  ce  genre 
en  faisant  force  allmioîis  atuv  classiques  chinois  et 
notamment  au  Thi  ki?ih  ou  Livre  des  Vers.  Nombre 
d'expressions  employées  par  Nguyên  Du  ont  en  effet 
leur  origine  dans  telle  ou  telle  ode  de  ce  recueil 
natiofial  des  poésies  chinoises^  et  souvent  V allusion 
qu  elles  renferment  est  heureuse  et  bien  trouvée.  Il 
est  d'ailleurs  facile  de  reconnaître  combien  était 
graîide  la  culture  d'esprit  de  l'aute^ir  du  Tny  Kiêu 
en  remarquant  que  so7ive?it  le  sens  des  expressions 
qu'il  emploie  est  réellement  profond  et  éveille  dans 
l'esprit  des  déductions  très  délicates.  Malheureuse- 
ment  il  a  le  défaut  de  ses  qualités;  et  à  côté  de  méta- 
phores remarquables  par  leur  profondeur  et  leur 
exactitude j  il  faut  bimi^  pour  êtrejmtCy  reconnaître 
qu'il  en  est  un  grand  nombre  d'attirés  qui  so7d  si 

'  Voir,  par  exemple,  les  différents  sens  que  présentent  les  mots  «en  anh». 


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XII  INTRODUCTION. 

alambiquéesque,  samimeexplicatmi  détaillée^  Userait 
impossible  de  les  faire  sais^ir  à  un  esprit  peu  fami-- 
liarisé  avec  le  langage  poétique  particidier  à  Vex- 
trême  orient  et  spécialement  à  la  Cochinchine.  Obéis-' 
sant  d^ailleurs  à  une  sorte  de  tradition  qui  semble 
coîuimme  à  tous  ces  poètes,  Nguyên  Du  se  plaît 
soiivent  à  co7istruire  tel  ou  tel  de  ses  vers  de  manière 
à  ce  qu^on  puisse  légitimement  lui  donner  deux  et 
parfois  même  trois  interprétations  différentes.  Les 
lettrés  annamites  trouvent  un  plaisir  to2it particulier 
à  creuse?*  les  vers  consfmits  de  cette  façon  et  à  dé- 
couvrir  les  différentes  significations  que  Vatiteur  a 
voulu  y  enfermer.  On  en  verra  plus  dhin  exemple 
dans  le  courant  de  ce  poème. 

JJédition  diaprés  laquelle  f  avais  commencé  la 
présente  traduction  était  presque  illisible,  tant  les  ca- 
ractères p?'imitif  s  en  avaient  été  dàiaturés  par  V im- 
primeur chinois,  ignorant  de  la  langue  annamite,  qui 
avait  été  chargé  d^en  faire  la  gravure  et  le  tirage. 
Ileureusemefit,  ainsi  que  je  Vai  dit  plus  haut,  fen  ai 
reçu  du  Tonkin  même  une  seconde,  contenant  comme 
c'est  V ordinaire  une  immeiise  quantité  de  variantes, 
mais  bien  su^périeure  au  point  de  vue  des  caractères 
qui  07it  servi  à  la  produire.  Il  m^a  donc  été  permis  de 
rétablir  le  texie  au  moye^i  d\m  procédé  semblable 
à  celui  que  f  avais  déjà  mis  en  usage  pour  la  repro- 


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INTRODUCTION.  XIII 

duction  de  celui  du  Lu  cVân  Tien.  J^ai  adopté  comme 
base  première  V édition  que  f  avais  eu  dès  r abord  à 
ma  disposition^  et  fefi  ai  chemi?i  faisant  corrigé  de 
mon  mieux  les  erreurs  au  7noyen  des  leçons,  toujours 
plus  correctes  au  point  de  vue  des  caractères  et  par- 
fois aussi  à  celui  des  expressio7is  que  fai  trouvées 
daus  la  deuxième.  J^ai  en  outre  remplacé  par  le 
caractère  complet  u/ne  multitude  de  signes  abrégés 
que  renfermait  H édition  primitive.  Gela  rendra  la 
lecture  plus  facile  et  permettra  en  même  temps  au 
lecteur  de  se  rendre  un  compte  exact  de  la  valeur  de 
ces  abréviatimis  par  la  comparaison  dii  texte  primi- 
tif  avec  le  texte  corrigé  que  je  publie.  tTaij  du  reste, 
respecté  le  plus  souvmit  la  forme  tonkinoise  des  dm 
710  m. 

L^ étude  scient ifque  de  la  la^igue  amiamite  est  en- 
core à  peu  près  lettre  morte;  et  bien  des  gens  se  figurent 
qiiil  71^ y  a  da7is  cet  idioine  7ii  co7istructio?i  7ii  syntaxe. 
Ce  préjugé  incompréhe7isible  fie  pourra  que  dispa- 
raître à  la  vue  du  texte  expliqué  de  poèmes  tels  que 
le  Téy  Kiêu;  texte  si  coficis  et  parfois  si  alambiqué 
quhm  seul  vers  dema7ide  quelquefois  d^ assez  lofigs 
tâto7i7ieme7its  aux  lettrés  les  plus  expérime7ités  avant 
d^être  compris  par  eux,  et  ne  peut  F  être  par  nous 
qu'au  moyen  de  Vapplication  rigoureuse  de  la  règle 
de  position.  Aussi  ai-je  cru  devoir  accompag7ier  la 


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XIV  INTRODUCTION. 

traductlo7iy  7i07i  smlement  de  notes  eiJcpUcatives  des 
métaphores  et  des  citatmiSy  mais  encore  d\m  grand 
nombre  d^mt&prétatmis  littérales  des  vers  dont  la 
comtniction  semble  obscure.  Tavais  déjà  adopté 
cette  méthode  po?ir  la  traduction  que  fai  donné  du 
Liic  Vân  Tien.  J'ai  recomm  depuis  que  fy  avais 
été  trop  avare  de  ces  explications;  aussi  les  ai- je 
d^ autant  plus  inultipliées  ici  que  le  Tûy  Kiëu  est  à 
coup  sûr  beaucoup  plus  malaisé  à  comprefidre  que 
le  poème  populaire  dont  je  viens  de  parler.  Je  peme 
que  les  pe^'sonnes  qui  tiennent  à  étudier  im  peu  à 
fond  ce  genre  de  littérature  voudront  bien  m^en 
savoir  quelque  gré.  Elles  y  trouveront  des  éclaircisse- 
ments "utiles  pour  comprendre  mie  foule  d^ exprès- 
sions  par  trop  cherchées^  au  moins  à  notre  poi?it 
de  vue  européen,  et  pourront  surmonter  ainsi  plus 
aisémeiît  les  difficultés  que  présentent  mie  foule  de 
termes  et  défigures  tout  au  moins  étraîiges.  J^  ai  cru 
devoir  allerjusqu^à  donner  quelques  notiofis  de  gram- 
maire proprement  dite  a\i  sujet  de  particularités 
encore  inobservées,  d^idiotismes  dont  V interprétation 
manque  dans  tous  les  ouvrages  publiés  jmqu\à  ce 
jour,  et  même  de  simples  mots  dont  les  dictioîmaires 
ne  font  pas  mention.  J^imiste  beaucoup  sur  Vap- 
plicatiofi  de  la  règle  de  position,  au  moins  dans 
les  passages  les  plus  compliqués.  En  efet,  bien  que 


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INTRODUCTION.  XV 

ce  Uvf'e  soit  loifi  (Têtre  destiné  à  des  commençants^  il 
s'agit  d'une  littérature  encore  à  peu  près  inconnne 
et  d'un  style  poétiqiw  pour  V iiitelUgence  duquel  cette 
règle  est  une  clef  ifidispefisahle.  Je  me  suis  efforcé 
enfin  de  signaler  avec  soiîi  les  ifiversions  les  plus 
difficiles  à  apercevoir^  à  cause  des  obstacles  qu'elles 
apportent  aussi  à  V intellige^ice  du  texte^  ainsi  que 
classez  fréqiwnts  jeux  de  mots  qui  viennetit  le  com- 
pliquer encore.  Tai  maintenu  dans  la  traduction  les 
métaphores  qu^  'notre  lafigue  ne  repousse  pas,  etfai 
remplacé  par  leurs  afialogues  les  plus  rapprochées 
celles  quHl  sei^ait  absolument  impossible  de  corner- 
ver  sans  deveiiir  inintelligible,  ou  qui  so7it  tout  au 
moins  antipathiques  au  génie  de  nos  idiomes  euro- 
péens.  fP ai  fait  de  même  pour  la  poiictuation,  que 
foi  fait  concorder  dam  la  trafiscription  du  texte  efi 
caractères  latins  et  dam  la  traduction  française 
toutes  les  fois  que  le  géiie  des  deux  langues  ne  ré- 
daine  pas  impérieusement  des  manières  différentes 
cfo  couper  fes  phrases. 

X  espère  que  les  orientalistes  qui  me  feront  llion- 
neur  de  lire  ce  livre  trouveront  ma  version  fidèle.  Si 
cependant  il  m^était  échappé  quelques  inervactitudes, 
chose  presque  inévitable  e?i  traduisant  pour  la  pre- 
mière fois  un  semblable  onv7*age  sur  le  seîis  duquel 
les  lettrés  indigènes  mx-mêmes  sont  souvent  en  contra- 


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XVI  INTRODUCTION. 

dictmiyf  espère  qu^ elles  voudront  bien  7ne  tenir  compte 
des  difficultés  que  f  ai  eu  à  surmonte?*,  et  récompeîiser 
par  quelque  ifidulgefice  le  travail  cofisidé'ahle  que  m^a 
coûté  la  publication  de  ce  livre. 

Versailles^  le  10  Mai  1884. 


A.  DES  MICHELS. 


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^  m  mm  i^ 

KIM  VAN  KIÊU 

TÂN  TRUYÊN 
POÈME  ANNAMITE. 


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TRADUCTION 

DE  LA 

PRÉFACE  EN  VERS  CHINOIS 

DU  PEOFESSBUE 

HOA  BÀNG  PHÀM^ 


Une  belle  personne  n'est  pas  allée  en  réalité  jusqu'au  fleuve  Tïên 

ËUe  n'ayait  point  encore,  à  la  moitié  de  sa  vie^  payé  sa  dette  de 
plaisir! 

Convenait -il  qu'elle  ensevelît  son  charmant  visage  ^  au  fond  du 
royaume  des  eaux, 

(^alors  qu')à  Kim  lang  elle  pouvait  garder  un  cœur  irréprochable^? 

Dans  un  songe  de  malheur  ^  son  destin  prit  son  origine, 

et  jusqu'au  bout  le  Cam  de  l'infortunée  ne  fit  entendre  que  (des  gé- 
missements de)  douleur,  que  (des  cris  de)  colère  ! 

Le  souvenir  de  ses  talents  et  de  son  amour,  depuis  mille  antiquités, 
ne  s'est  point  dissipé  encore^'! 

Par  de  nouveaux  accents  elle  n'eut  plus,  à  la  fin',  de  motif  de  se 
plaindre  d'autrui^. 

1.  Dans  une  autre  édition,  ce  lettré  est  appelé  Lwmg  Bhng  Pham. 

2.  Ce  vers  a  un  double  sens.  On  pent  aussi  l'interpréter  comme  parlant 
en  général,  et  traduire  ainsi  :  <  Les  belles  personnes  ne  vont  point  aÎTisi,  d'or- 
dinaire, jutqu^au  Jleuve  Tien  Svirnff.  » 

3.  Litt.  :  <  Son  visage  de  pierre  précieuse.  » 

4.  Litt.  :  «  Un  cœur  de  glace,  » 

6.  Litt.  :  ^EUe  a  enraciné  son  destin.» 

6.  Litt.  :  «  Un  rtwrceau  de  son  talent  et  de  son  cœur,  depuis  miUe  antiquités, 
a  éU  lié.* 

7.  Litl  :  «  Arrivée  au  fond,  » 

8.  Litt.  ;  <A  cause  de  ^i  se  serait-elle  plainte  f» 


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KIM  VAN  KïÊU  TAN  TEUYÊN. 


Trâm  nâm,  trong  côi  ngirW  ta, 
Chir  tài  chfr  sac  khéo  là  ghét  nhau  ! 
Trâi  qua  mot  cuoc  bè  dâu  ; 
Nhfrng  dëu  trông  thây  dâ  dau  don  long! 
5    La  chi  bî  sâc  tir  phong, 

TrW  xanh  quen  vdi  ma  hông  dânh  ghen  ? 
Kiéu  tliam  lân  dô*  trirô^c  dèn, 

1.  Litt.  :  « dans  (Tintérieur  des)  —  confins  —   des  hommes  (de  la 

région  habitée  par  les  hommes).  » 

2.  Litt.  :  «j^n  parcourant  —  j^ai  passé  par  —  une  —  tdtemance  —  de 
mer  —  (et  de  mûriers).  Pour  comprendre  cette  métaphore  aussi  étrange  que 
concise,  il  faut  connaître  l'adage  chinois  suivant,  que  Ton  trouve  cité  et 
expliqué  dans  le  Sjfj  ^^  (vol.  1,  p.  5,  verso)  :  ^  -j-»  iÊË  '^  — -  ^^^^ 

nhùt  bien.  Thuvnff  hâi  bien  vi  tang  dien;  tang  dien  bi^n  vi  Uii/ang  hài.  — 
«  Trente  années  constituent  une  transformation,  La  mer,  en  se  transformant,  devient 
un  champ  de  mfiriers;  le  champ  de  mûriers,  en  se  transformant,  devient  la  mer.» 


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KÏM  VÂN  KIËU  TlN  ÏRUYÊN. 


De  toat  tempg^  parmi  les  hommes  ^^ 

le  talent  et  la  beauté,  chose  étrange  !  furent  ennemis. 

J'w  parcouru  dans  la  vie  l'espace  d'une  génération  2^ 

et  tout  ce  que  j'y  ai  vu  m'a  fait  souflrir  dans  mon  cœur! 

Par  quel  étrange  mystère  envers  les  uns  avare,  envers  les  autres  5 

prodigue, 
le  CieP  a-t-il  pour  coutume  de  jalouser  les  belles  filles? 

En  parcourant  de  bons  livres  à  la  lueur  de  la  lampe, 

^  +  iÊË,  trente  ans,  c'est  ce  que  Ton  appeUe  en  chinois  — -  «^ 
nkvt  (toi,  en  annamite  moi  dai,  une  génération.  Selon  Tadage,  un  aussi  court 
espace  de  temps  suffit  pour  amener  dans  les  affaires  humaines  le  renverse- 
œent  absolu  de  bien  des  choses.  Mât  cwjc  fel  dâu  signifie  donc  ici  Tespace 
de  temps  qui  suffit  pour  que  la  mer  fasse  place  aux  mûriers,  ou  récipro- 
^ïoement;  c'est-à-dire  un  espace  de  trente  am. 

3.  Litt  :  «  Le  Ciel  —  bleu  *  ;  mais  le  mot  «  xarih  —  bleu  >  est  là 
iniquement  pour  faire  le  pendant  de  *hSng  —  rouge*,  au  second  hémis- 
tiche. —  €Mà  hâng,  des  joues  rouges*,  signifie  métaphoriquement  une  jolie 


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6  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

Phong  tinh  cô  lue  con  truyën  su*  xanh. 

Rang  nâm  Gia  tïnh  triëu  Minhy 
10    Bon  phu-OTig  phâng  lâng,  hai  kinh  virng  vàng. 

Cô  nhà  Viên  ngoai  ho  Vucmg, 

Gia  tu*  nghî  cûng  thu-ông  thuông  bwc  trung. 

Mot  trai  con  tluîr  rôt  16ng, 

Vicmig  quan  là  chir,  nôi  dông  nhu  gia. 
15    Dâu  long  hai  gâ  TÔ  nga; 

Tûy  kiêu  là  chi,  em  là  Tûy  vân. 

Mai  côt  câch,  tuyêt  tinh  thân  ; 


1.  On  sait  que  depuis  les  lUn  les  empereurs  de  la  Chine,  pour  fixer 
la  date  des  événements  de  leur  règne  que  le  cycle  de  soixante  ans,  se 
répétant  sans  cesse,  n'aurait  pu  suffisamment  déterminer,  adoptèrent  la  cou- 
tume de  donner  au  temps  pendant  lequel  ils  occupaient  le  trône  un  nom 
particulier,  ou  même  plusieurs  noms  successifs  TifiE  ^^j-  Les  dénomina- 
tions assignées  à  ces  périodes  d'années  ,n'avaient,  du  reste,  souvent  pas 
d'autre  origine  que  la  superstition  ou  le  caprice.  Celle  de  ^£  JH  (Qia 
tink)  se  rapporte  à  l'empereur  j^  ^  Tfii  Tông,  dont  le  nom  personnel 
était  ®  ^^  Hâu  Tong  (1522  —  1567),  qui  restaura  la  grande  muraille,  et 
sous  le  règne  de  qui  mourut  S*  François  Xavier.  Cette  date  assignée  aux 
aventui-es  qui  font  l'objet  du  présent  poème  suffirait  à  elle  seule  pour  faire 
connaîtie  que  le  sujet  en  est  chinois. 

2.  Par  ces  deux  capitiiles,  l'auteur  désigne  l'ancienne  capitale  des  Minh 
qui  était  Kim  lang  ou  Nankin,  et  Yen  kmk  ou  Pékin  où  la  cour  avait  été 
transférée  sous  le  règne  de  l'empereur  ^^  ^  Nhân  Tông, 

3.  Litt.  :  *Il  y  avait  —  la  maison  —  Viên  ngoai  —  de  la  famille  —  Virang,* 
—  < Viên 9  est  la  numérale  affectée  aux  mandarins;  <ngo^i*  signifie  «en 
dehors*;  les  deux  mots  réunis  constituent  une  qualification  dont  le  sens  est 
«  un  personnage  marquant  (litt.  en  dehors  du  mandarinat)  ». 


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V 


KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN.  7 

on  trouve  parfois  des  histoires  d'amour  conservées  dans  les  annales. 
On  dit  que  dans  les  années  Gia  tinh,  au  temps  où  les  Minh  régnaient  \ 

tout  le  pays  était  en  paix^  et  que  dans  les  deux  capitales^  régnait  la  lo 

sécurité. 
Le  Viên  ngoai^  Vwcmg 

était  un  homme  jouissant  d'une  fortune  médiocre  \ 

n  possédait  un  fils^  dernier  né  de  ses  enfants. 

Vuang  quan  était  son  nom  ;  il  devait  perpétuer  une  race  de  lettrés, 

(Le  jeune  homme)  avait  pour  aînées  deux  charmantes  jeunes  filles  ^  15 

La  plus  âgée  se  nommait  Tûy  Kiêu,  la  cadette  Tûy  Van. 

Lenr  taille  était  gracieuse  comme  le  Mai,  leur  visage  blanc  comme 
la  neige*; 

^-  Litt.  :  «jSa  fortune,  —  en  la  comparant,  —  tout  aussi  bien  —  (était) 

^^naire  —  et  de  degré  —  moyen.'» 

.     ^'  ^^  ^  Tff  Nya,  que  d'autres  nomment  ^  ^  Hàng  Nga,  était 

concubine  d'un  certain  ^p  ^S  Hàu  Nghê,  prince  de  ^S  Cung  et  fort 

^^//e    ^ircher  qui,  s'étant  révolté  contre  le  bas  et  vicieux  empereur  HJj^ 

jK    -^^éi  Khwamg  de  la  djrnastie  des  ^|  Ha,  le  rejeta  au  delà  du  Fleuve 

^,  '*^>     «t  garda  le  pouvoir  jusqu'à  sa  mort.  (V.  Wells  Williams.)  Il  aurait, 

^,  ^*'^^'   Mencius,  été  assassiné  par  son  élève  ^6  ^^  Phhng  Mông  qui  après 

le  t     ^'•'ïrvenu  sous  sa  direction  presque  au  même  degré  d'habileté  que  lui, 

p  ^^     l)our  n'avoir  point  de  supérieur  dans  le  tir  de  l'arc.  (V.  Mencius, 

Ûk     '     ^^v.  IV,  chap.  24.)  D'après  une  légende  populaire,  sa  concubine  éÔ 

r^    ^  ^Tifuit  à  la  suite  d'une  condamnation  injuste.  Elle  déroba  le  fameux 

"^^^e  d'immortalité  et  s'envola  dans  la  lune. 

.     ^Xiteur  du  poème,  pour  exprimer  combien  étaient  grands  les  charmes 

..^^^^^^x  jeunes  filles,  les  compare  à  cette  divinité  chinoise.  Le  vers  signifie 

A     ^^^^inent  :  €  Les  aînées  —  (étaient)  deux  —  personnes  —  To  Nga*.  On  dit 

**^^Hie  en  français,  en  employant  la  même  figure  :  €  C'est  wne  Diane*, 

.^-    X-âtt.  :  €  (Elles  étaient)  Mai  —  (quant  à)  la  taille;  —  (elles  étaient)  — 

^^    ' —  (quant  au)  —  visage.*  (Voyez  sur  le  mot  Mai,  ma  traduction  du 


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8  Kl  M  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Mot  ngrrôi  mot  vè,  mirôi  phân  ven  mirôi. 
Van  xem  trang  trong  khâc  vM, 
20    Tir  phong  dây  dàn,  net  ngirôi  na  nang. 
Hoa  cirW,  ngoc  thôt,  doan  trang  ! 

May  khoe  nirô-c  toc  ;  tuyêt  nhirô-ng  màu  da. 
Kiêu  xem  sâc  sâo  màn  ma  ; 
So  bë  tàî  sâc,  lai  là  phân  hou. 
25    Girang  thu  thùy,  vit  xuân  son. 

Hoa  ghen  thua  thâm,  lieu  hô-n  kém  xanh  ! 
Mot  hai  nghiêng  nirô-c  nghiêng  thành  ; 

poème  Luc  Vân  Tien  à  la  page  36,  en  note.)  L'expression  tinh  thdn  (subtils 
esprits),  qui  signifie  le  plus  souvent  humeur,  esprit^  iyivadté  (en  anglais  spi- 
ritsjy  est  parfois,  comme  ici,  prise  dans  l'acception  de  visctge;  cela  probable- 
ment par  extension,  parce  que  le  jeu  de  la  physionomie  reflète  l'humeur, 
le  caractère  intime  de  l'homme, 

1.  Litt.  :  ^YPourJ  une  —  personne  —  (il  i/  avait)  un  —  teint;  —  (quant 
aux)  dix  —  parties  —  (elles  étaient)  complètes  —  (dans  toutes  les)  dix.* 

Cette  manière  de  s'exprimer,  qui  est  plus  rare  dans  l'annamite  que  dans 
le  chinois,  vient  de  cette  dernière  langue,  dans  laquelle,  pour  exprimer  qu'une 
personne  ou  une  chose  est  douée  d'une  qualité  à  un  degré  plus  ou  moins 
éminent,  on  dit  que  sur  dix  parties  de  cette  qualité,  elle  en  possède  un 
plus  ou  moins  grand  nombre;  d'où,  par  suite,  l'expression  « -j-*  ÂS^  dix 
parties»,  employée  comme  une  forme  très  fréquente  du  superlatif  absolu. 

2.  Litt.  :  <De  son  extérieur   —   la  grâce  —  (était)  pleine;  —   la  modestie 

—  d^elle  —  (était)  épanouie.» 

3.  Litt.  :  <  Des  fleurs  —  elle  riait^  —  des  pierres  précieuses  —  elle  parlait 

—  avec  convenance.  > 

4.  Litt.  :  «  (Si)  on  comparait  —  le  côté  —  du  talent  —  et  de  la  beauté,  — 
en  outre  —  elle  était  —  (douée  de)  la  portion  —  la  plus  (considérable).  » 


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KiM  vAn  kiêu  tIn  truy^n.  9 

chacune  avait  des  charmes  diflTérents,  mais  chacune  aussi  les  avait 

irréprochables*. 
Vân,  douée  d'un  port  imposant,  d'une  rare  distinction, 

possédait  une  beauté  parfaite  ;  elle  était  pleine  de  modestie  \  20 

Son  rire  semblait  l'épanouissement  d'une  fleur;  ses  paroles  étaient 
pleines  de  convenance  ;  on  eût  dit  des  diamants  qui  sortaient  de 
sa  bouche  3! 

Le  brillant  de  ses  cheveux  eût  fait  l'orgueil  des  nuages;  la  neige, 
en  blancheur,  le  cédait  à  son  teint. 

Kiêu  était  vive  et  gracieuse  ; 

de  plus,  en  talent,  en  grâce,  elle  l'emportait  (sur  sa  sœur)*. 

Son  œil  était  limpide  comme  les  eaux  d'automne;  son  sourcil  bien  25 
arqué  rappelait  les  montagnes  au  printemps  ^ 

Les  fleurs  étaient  jalouses  de  ses  couleurs  ;  le  saule  verdoyant  pâlis- 
sait à  son  aspect^! 

Charmante  à  renverser  et  royaumes  '  et  villes, 

Phétn  hm,  par  sa  position  après  le  verbe  substantif  d'attribution  «M», 
devient  un  véritable  adjectif  composé. 

5.  Litt.  :  *  ((Tétait  un)  miroir  —  d^auiomnales  —  eaux^  —  une  image  — 
de  prinlanikres  —  montagnes.  ^ 

Pour  exprimer  la  limpidité  du  regard  d'une  belle  personne,  on  dit  mé- 
taphoriquement en  chinois  :«^  ^  fjj  — 'JSi^JîK^  >^^EI 
j^  ||  I  Mï  mue  nhu  nhikt  hoành  thu  thtU/,  mi  lo^  vi'^n  aon!  —  Son  ml  char- 
mant est  comme  un  étang  (rempli  par)  les  eaux  de  V automne;  son  sourcil  res- 
semble aux  montagnes  lointaines!*  On  sait  que  Tautomne  est  le  moment  de 
Tannée  où,  les  pluies  ayant  précipité  au  fond  les  particules  impures  qui  en 
troublaient  la  surface,  Teau  des  étangs,  d'ailleurs  abondamment  renouvelée, 
présente  l'aspect  le  plus  limpide.  D'un  autre  côté,  les  contours  des  collines 
couvertes  de  bois  chargés  d'une  verdure  encore  fraîche  se  dessinent  au  loin, 
par  une  sereine  matinée  de  printemps,  d'une  manière  nette  et  gracieuse. 

6.  Litt.  ;  « le  saule   —  boudait   —   (parce  qyC)  —  f7  était  moindre 

(quant  au)  vert!* 

Cette  figure  n'étant  pas  acceptable  en  français,  j'ai  dû  la  remplacer  par 
celle  qui  s'en  rapproche  le  plus  dans  notre  langue. 


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10  KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUYÇN. 

Sâc  dành  d6î  mot,  tài  dành  hoà  haï. 

Thông  minh  von  sân  tir  Trôî, 
30    Ven  nghë  tho*  hoa,  dû  mùi  ca  ngâm. 

Cung  thuong  làu  brrc  nâm  âm, 

Nghë  riêng  an  dirt  Hô  câm  mot  tnrang. 

Khùc  nhà  tay  lira  nên  khirong, 

Mot  thiên  bac  mang  lai  càng  nâo  nhân. 
35    Phong  liru  rat  mire  hông  quân, 

Xuân  xanh  xâp  xi  trên  tuân  câp  Icê. 

r^  mC  ^^^  mao  ki^u  nghiêu  vi  chi  viru  vât;  phn  dung  kitu  mi  tkâi  khà 
khwfnh  thànfi  !  —  (SiJ  U7i  délicat  visage  de  jeune  fiUe  s^ appelle  un  objet  de  mal- 
heur, un  frais  visage  de  femme  petit  vraiment  renverser  une  viUe!  *  (xjj  ^p 
Au  hoc,  vol.  2,  page  14,  verso.) 

Cette  maxime  du  J^  ^^  fait  allusion  aux  paroles  que  ^p  ^jjS    A 
Ly  phu  nhom,  concubine  de  rcmpcreur  "^  *jK*  Vd  de  des  |S|  Hdn,  jalouse 
d'une  jeune  et  belle  femme  dont  le  prince  avait  fait  son  épouse  et  sa  fa- 
vorite, s'en  allait  chantant  : 

«De  par  la  région  du  Nord  se  trouve  une  jolie  femme  qui  détruira  le 
»  monde  et  subsistera  seule;  (car)  d'un  premier  regard  elle  renverse  une 
»  ville,  d'un  second  elle  cause  la  chute  d'un  royaume!  (— -  i|S  'iS    A 
*  ^K  \    Pt   SË  "^S    ^\^    BB    ^hùrt  co  khugnh  nh<m  thànhj  tcli  co  khttynh 
^nhcrn  quoc!»)-^  satire  qui  lui  valut  son  renvoi. 

1.  Litt.  :  «  (Pour)  la  beauté  —   p.  aff.  —  on  mettait  à  part  —  Vuncf  — 
(pour)  les  talents  —  p.  aflf.  —  toutes  les  deux», 

2.  Litt.  :  «  (Quant  au)  Fa  —  (et  au)  Sol,  —  elle  connaissait  à  fond  —  les 
degrés  —  des  cinq  —  tons.» 

Les  cinq  tons  de  la  gamme  chinoise,  dont  les  Annamites  se  servent  aussi, 
sont  Fuj  Solj  La,  Bo,  Hé,  qui  portent  dans  leur  langue  les  noms  suivants  : 

nr-x  ^  ^  m  m 

Cung         Thtecmg   Qiâc    Trwng     Vu. 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  11 

si  tout^  deux  avaient  des  talents^  elle  était  douée  d'une  beauté  à 

part*. 
Ayant  reçu  du  Ciel  un  esprit  vif  et  pénétrant, 

elle  excellait  dans  la  poésie  et  dans  la  peinture  ;  elle  chantait  avec  30 
un  goût  parfait. 

Elle  était  versée  dans  la  connaissauce  des  cinq  gammes  de  la  mu- 
sique 2, 

et  possédait  sur  le  H3  odm,  un  talent  à  nul  autre  pareil  ^. 

Choisis  par  elle,  des  refrains  de  famille  sous  sa  main  devenaient  des 
morceaux  de  musique, 

et  lorsqu'elle  exprimait  les  plaintes  des  victimes  du  destin,  elle  ^  sa- 
vait remplir  les  cœurs  dune  tristesse  toujours  croissante. 

Coulant  ses  jours  au  sein  d'une  élégante  oisiveté,  35 

elle  avait  raisonnablement  dépassé  Fâge  de  l'imposition  de  l'épingle  ^. 

D  faat  y  ajouter  les  deux  demi-tons  Mi  et  Si  que  Ton  appelle  «  ^W^  ^ 
bien  CungCCteiiff  modifié)*  et  «^Ç»  Mf  hitn  Tncng  (Tnmg  modifié)*.  On  voit  que 
les  cinq  notes  de  notre  gamme  se  retrouvent  également  dans  celle  de  ces 
peuples.  L'expression  «  ^  raf  »  est  employée  pour  désigner  «  la  musique  >;  mais 
elle  signifie  aussi  «un  air  touchant*.  On  peut  donc  entendre  par  le  présent 
vers,  soit  que  Kiêu  était  une  grande  musicienne,  soit  qu'elle  excellait  par- 
ticalièrement  dans  le  genre  mélancolique;  et  en  effet  ce  talent  particulier 
que  lui  attribue  l'auteur  joue  un  grand  rôle  dans  le  poème.  Ces  vers  à 
double  et  quelquefois  à  triple  sens  semblent  être  très  goûtés  par  les  lettrés, 
et  on  les  rencontre  souvent  dans  la  poésie  cochinchinoise. 

3.  Le  Ho  câm  est  une  espèce  de  guitare. 

4.  Litt.  :  *(Par)  un  —  morceau  —  de  mince  —  destinée  —  encore  —  de 
plus  en  plus  —  elle  aUrislail  —  les  gens,  »  On  dit  en  chinois  :  «  'K  ^S  OTJ 
j|J^  Mang  bac  nhte  chi,  —  Une  destinée  mince  comme  le  papier,  v 

5.  Litt.  ;  «  Ses  printemps  —  verts  (sa  jeunesse)  —  sujfisamment  —  (étaient) 
au-dessus  de  —  la  décade  —  d'arriver  à  —  Vépingle,  » 

On  dit  des  jeunes  filles  :  «  -|-*  3t  PB  ^£  ^^i'  "^"  **^**  ^^  ~"  ^«*^ 
eUes  ont  quinze  (ans),  en  leur  impose  Vépmgle,y*  Cette  cérémonie  de  l'imposi- 
tion de  l'épingle,  ^£  kê  ou  "jj/X  4È:  constitue  un  rite  domestique  qui  a 
pour  but  de  constater  qu'une  jeune  fille  est  arrivée  à  l'âge  nubile.  Voici, 
selon  M.  Trân  Nguorn  Hanb,  comment  elle  est  pratiquée  : 


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12  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Ym  liëm  tnrdiig  xù  màn  che, 
TirÔTig  dông  ong  birôm,  di  vë  màc  ai. 
Ngày  xuân  con  en  dira  thoî, 
40    Thîêu  quang  chin  chue  dâ  ngoài  sâu  mircri. 
Cô  non  xanh  tâu  cliOTi  trô-i  ; 
Nhành  le  trâng  dièm  mot  vàî  bông  hoa. 

«  Lorsqu'une  jeune  fille  est  arrivée  à  sa  majorité,  c'est-à-dire  à  quinze 
»ans,  le  père  et  la  mère  ornent  les  deux  autels  élevés  aux  ancêtres  de 
»  leurs  familles,  convoquent  les  proches  parents  et  choisissent  pour  présider 
»à  la  cérémonie  une  dame  âgée  réputée  pour  sa  vertu  et  ses  lumières. 
»  Quand  le  repas  est  dressé  sur  les  autels  réunis,  quand  les  luminaires  bril- 
»lent  au  milieu  des  parfums,  deux  maîtres  des  cérémonies,  placés  à  cba- 
»  cune  des  extrémités  de  l'autel,  rappellent  quel  est  l'ordre  fixé  par  les  rites. 

«  Le  père  et  la  mère  viennent  alors  se  placer  devant  les  autels  et  disent 
»  à  voix  basse  :  «  Nous  avons  pour  devoir  d'informer  nos  ancêtres  que  notre 
»  fille  est,  selon  les  rites,  nubile  dès  ce  jour,  et  que  l'âge  de  quinze  ans 
»  auquel  elle  est  parvenue  lui  donne  droit  de  porter  l'épingle.  »  Puis  ils  se 
»  prosternent  quatre  fois,  et  les  autres  parents  les  imitent. 

«Cela  fait,  la  jeune  fille  est  amenée  devant  l'autel;  elle  se  prosterne 
»  quatre  fois  et  s'agenouille. 

«  Alors  la  dame  qui  préside  la  cérémonie,  ou,  quelquefois,  la  mère  elle- 
-même prend,  après  s'être  prosternée,  l'épingle  déposée  but  l'autel  et  la 
»  place  sur  le  chignon  de  la  jeune  fille,  qu'elle  ramène  ensuite  dans  l'inté- 
»  rieur  de  la  maison,  après  avoir  de  nouveau  salué  quatre  fois  l'autel  des 
•  ancêtres.  A  partir  de  ce  moment  la  jeune  fille  est  à  marier. 

«L'épingle  se  transmettra  de  génération  en  génération,  et  sera  consi- 
»dérée  comme  un  objet  sacré. 

«Après  la  cérémonie  un  festin  réunit  tous  les  assistants. >  (BtUletin  de 
la  Société  internationale  des  études  pratiques  d'économie  sociale,  t.  VII,  p.  274.) 

1.  Litt.  :  «Dans  une  calme  retraite  —  les  tentures  —  étaient  suspendues 
(autour  d'ellej,  —  les  rideaux  —  la  couvraient.^ 

2.  Litt.  :  <ç  (Du  côté  du)  mur  —  de  Voccident,  —  (que)  les  abeilles  —  et  les 
papillons  —  allassent  et  vinssent,  —  c'était  au  gré  de  —  ^t  (que  ce  soitj.* 

D'après  les  données  du  ^£L  ^oR  ou  Livre  des  changements,  l'entrée  d'une 
habitation  doit  être  tournée  vers  l'Orient  ou  l'Occident  selon  que  le  maître 
de  la  maison  porte  tel  ou  tel  nom,  qu'il  est  né  en  telle  ou  telle  année,  etc. 


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KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  13 

EUle  vivait  sans  bruit  derrière  les  tentures  du  gynécée  *, 

laissant^  à  son  gré^  s'agiter  au  dehors^  la  foule  aux  mœurs  légères 

et  facfles. 
Aux  jours  du  printemps^  telle  qu'une  navette,  l'hirondelle  allait  et 

venait  dans  l'espace  ^, 
et  des  neuf  dixaines  de  la  saisou  heureuse  *  six  déjà  s'étaient  écou-  40 

lées. 
Les  montagnes  verdoyantes  s'étendaient  jusqu'à  l'horizon, 

et  les  rameaux  du  poirier  se  piquaient  de  quelques  fleurs  blanches^. 

Dans  le  cas  actnel,  la  maison  devait  regarder  TOrient;  et  par  suite,  les 
pièces  les  plus  retirées,  notamment  Tappartement  des  femmes,  devaient  être 
situées  du  côté  de  TOccident,  le  plus  loin  possible  de  l'entrée.  La  jeune 
Gêu  était  ainsi  soustraite  à  la  vue  et  à  la  fréquentation  des  étrangers  qui, 
selon  les  mœurs  chinoises,  ne  pénètrent  jamais  dans  le  grynécée.  Elle  était 
donc,  à  ce  point  de  vue  comme  aux  autres,  aussi  bien  élevée  qu'une  jeune 
personne  distinguée  doit  Fêtre.  C'est  cette  dernière  idée  qui  fait  le  fond  de 
la  pensée  exprimée  dans  le  présent  vers. 

Par  *ong  btcàm  —  les  abeille»  et  les  papillon»*,  le  poète  entend  les  per- 
sonnes qui  vont  et  viennent  à  la  recherche  des  plaisirs  mondains,  comme 
ces  deux  insectes  voltigent  parmi  les  fleurs  pour  en  pomper  le  suc.  Cette 
expression  signifie  aussi,  par  dérivation,  les  plaisirs  eux-mêmes. 

3.  Litt.  :«....  faisait  passer  —  sa  navette.  » 

4.  Litt.  ;  «(Des)  de  Tkiêu  quang  —  les  neuf  —  dizaines,  —  avaient  été 
ni»  en  dehors  —  soixante  (jours),-»  Ngoài  —  en  dehors  est  un  adverbe;  mais 
1*  particule  dS,  en  le  précédant,  en  fait  un  véritable  verbe,  dont  le  sujet, 
placé  après  lui  par  inversion,  est  sàu  mtroi. 

5.  La  floraison  du  poirier,  dont  il  est  question  dans  ce  vers,  est  une 
nouvelle  preuve  que  la  Chine  est  bien  le  théâtre  où  se  passe  l'action  du 
poème.  En  effet,  le  poirier  est  rare  en  Cochinchine,  et  il  n'y  fructifie  jamais. 
«Un  jour,>  dit  dans  ses  intéressants  Souvenirs  de  Hué  mon  excellent  ami  et 
ancien  maître  M.  Btrc  Chaigneau,  «  mon  père,  alors  grand  mandarin  à  la  cour 
»de  Mhih  tnang,  reçut  après  sa  sieste  de  la  part  du  roi  une  énorme  boîte 
>  ronde  précédée  d'un  porteur  d'ordres  et  suivie  d'un  porteur  de  parasol. 

»0n  enleva  le  couvercle,  qui  cachait,  sur  une  assiette une  petite 

> poire  venant  de  Chine!  Malgré  le  respect  qu'il  devait  à  un  présent  royal, 
•  mon  père  ne  put  s'empêcher  de  pousser  une  exclamation  de  surprise,  que 
»ces  hommes,  sans  doute,  auront  prise  pour  de  l'admiration.  Le  cadeau, 
>tout  minime  qu'il  était,  avait  cependant  son  importance,  attendu  qu'il  n'e- 
•xiste  pas  de  poires  en  Cochinchine;  et  c'était  une  grande  marque  de  con- 
*8idération  de  la  part  du  roi  Mmh  mang». 


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14  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Thanh  minh  trong  tîêt  ngày  ba, 

Le  là  Tào  m^,  goî  là  Bap  thanh. 
45    Gân  xa  nào  nù'c  en  anh  ; 

Chi  em  sâm  sAa  bo  hành  chai  xuân. 

Dâp  dëu  tàî  tè  gîai  nhon, 

Ngwa  xe  nhir  nirô'c,  âo  quân  nhir  nen. 

Ngôn  Dgang  gô  dông  kéo  lên; 
60    Thoî  vàng  bô  râc,  tro  tàn  giây  bay. 


1.  Les  Annamites,  qui  se  servent  du  calendrier  des  Chinois,  divisent, 
comme  ce  dernier  peuple,  l*année  en  douze  mois  lunaires  et  vingt  quatre 
divisions  (^  -|-*  TO  "iff  -^)  qui  portent  chacune  un  nom  en  rapport 
avec  certains  phénomènes  saillants  de  températm-e  ou  de  végétation  qui 
ont  lieu  d'ordinaire  pendant  leur  cours,  non  dans  PAnnam,  mais  dans  le 
Nord  de  la  Chine;  car  c'est  à  Pékin  que  ce  système  a  été  imaginé.  Ces 
divisions  partent  du  jour  où  le  soleil  entre,  soit  dans  le  premier,  soit  dans 
le  quinzième  degré  de  chacun  des  signes  du  zodiaque,  sans  que  Taddition 
des  mois  intercalaires  que  nécessite  rétablissement  de  la  concordance  entre 
Tannée  lunaire  et  Tannée  solaire  influe  sur  leur  disposition.  Celle  dont  il 
est  question  ici,  et  dont  le  nom  chinois  signifie  ^Limpide  clarté»,  est  la 
cinquième,  et  commence  lorsque  le  soleil  entre  dans  le  signe  du  taureau, 
c'est-à-dire  au  5  avril. 

2.  Litt.  :  «  La  fête  —  est  —  (celle  de)  Tào  mô  (balayer  le»  tombeaux),  — 
(ce  qui)  $*  appelle  —  *  fouler  —  la  verdure,  t> 

Les  mots  «iS  ^^  taomô  —  balayer  les  tombeaux*^  OU  «-|s  ^Ê  ^n/t  mè 
—  faire  V examen  de»  tombeaux*  désignent  une  cérémonie  qui,  ainsi  que  son, 
nom  Tindique,  consiste  à  se  rendre  au  troisième  jour  du  Thanli  minh  dans 
le  lieu  où  se  trouvent  les  tombeaux  de  la  famille  pour  en  balayer  la  pous- 
sière. Lors  même  qu'ils  sont,  comme  c'est  le  cas  pour  les  tombeaux  des 
empereurs,  régulièrement  entretenus  dans  un  bon  état  de  propreté,  on  n'en 
fait  pas  moins  le  simulacre  de  ce  nettoyage. 

Dans  le  royaume  d'Annam,  cette  cérémonie  du  Téo  m^  a  lien  à  la  fin 
du  dernier  mois,  immédiatement  avant  les  fêtes  du  T^t  ou  jour  de  Tan. 


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KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  15 

An  toifflème  jonr  de  la  saison  Tharih  minh  ^, 

a  lieu  la  fête  des  tombeaux,  occasion  d'excursions  printanières'. 

Partout  circulait  la  foule  brillante  ^  ;  46 

Les  deux  sœurs  se  préparèrent  à  aller  pédestrement  jouir  de  la  sai- 
son nouveUe. 

Nombreux  étaient  les  hommes  de  talent,  nombreuses  les  jolies  per- 
sonnes. 

(La  foule)  des  chevaux  et  des  chars  semblait  une  onde  (mouvante), 
les  vêtements  brillaient  comme  la  pierre  Nen  K 

Aux  regards  de  tous  côtés,  s'ofi^ient  les  tertres  funéraires. 

Les  barres  d'or  *  gisaient  éparses  ;  la  cendre  se  dispersait,  le  papier  50 
s'envolait  au  vent. 

3.  Lâtt.  :  «  Prh  —  (dj  loin  —  (il  y  avait)  grande  fréquence  —  (d^Jhiron- 
ddUê  —  (et  de)  perroquet»,* 

L'antenr  compare  la  foule  à  un  rassemblement  d*hirondelles  et  de  per- 
roquets. Cette  figure  toute  étrange  qu'elle  soit,  ne  manque  pas  de  justesse. 
Les  promeneurs  sont  assimilés  à  des  hirondelles  à  cause  du  mouvement 
perpétuel  auquel  ils  se  livrent  en  allant  et  venant  dans  tous  les  sens,  et  à 
des  perroquets  à  cause  de  leur  bruyant  bavardage. 

L'espèce  de  Lcri  auquel  ses  mœurs  remarquablement  sociables  ont  valu 
l'honneur  de  cette  allusion  .est  l'oiseau  que  les  Chinois  appellent  «  |^  ^Ê 
Yîng  Wou*  nom  que  les  Annamites  prononcent  Anh  vu  ou  Anh  vo,  et  même, 
par  corruption,  Manh  rfi  et  Marili  vô.  Dans  son  remarquable  ouvrage  inti- 
tulé Le»  oiseaux  de  la  CochincJiine,  un  de  mes  anciens  élèves,  M.  le  D"  Gil- 
bert Tirant,  le  décrit  sous  les  noms  de  Conduis,  psUtacu»  et  Loriculus  veniaiU, 
iék  svm  en  cambodgien,  comme  un  charmant  petit  perroquet  de  mœurs  très 
douces  que  l'on  rencontre  communément  dans  toutes  les  parties  boisées  du 
Nord  et  de  l'Est  de  la  Cochinchine.'On  le  trouve  aussi,  dit  ce  savant  na- 
turaliste, dans  le  reste  de  l'Indo- Chine,  l'Assam,  le  Bengale  et  la  Chine 
méridionale. 

4.  Espèce  de  pierre  brillante  dont  l'éclat  est  remarquable. 

5.  Les  parents,  lors  de  la  fête  dont  il  est  question  ici,  ont  coutume 
d'offrir  aux  membres  défiints  de  leur  famille  des  images  des  objets  les  plus 
nécessaires  à  la  vie;  par  exemple,  des  demi- barres  ou  demi-pains  d'or  (thoi 
vàngy  thoi  bac),  des  sapèques  (gi/£y  tien),  des  aliments,  le  tout  représenté  sur 
des  feuilles  de  papier.  Ils  se  figurent  que,  par  la  combustion,  —  ces  images 


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16  KIM  VÂN  Kl  EU  tAN  TRUYÇN. 

Ta  ta  bông  ngâ  vë  tây, 

Chi  em  tho*  thân  dân  tay  ra  vë. 

B\r&c  dân  theo  ngon  tièu  khê, 

Lan  xem  phong  cânh  c6  bë  thanh  thanh, 
56    Nao  nao  d6ng  nirô-c  non  quanh, 

Nhip  câu  nhô  nhô  cuôi  gành  birô-c  ngang. 

86"  sô*  nâm  dât  bên  dàng, 

Dàu  dàu  ngon  cô  nèa  vàng  nita  xanh. 

Rang  :  «  Sao  trong  tiêt  Thanh  minh, 
60    «Ma  dây  hiroTig  kliôi  vâng  tanh  thê  ma?» 

Chàng  Quan  mô-i  dân  gân  xa  : 

«:0a?7i  tien  nàng  ây  xira  là  ca  nhi. 

«Néî  danh  tài  sâc  mot  thi  ; 

«Xôn  xao  ngoài  ciba  hiêm  gi  eu  anh? 

*ieviennent,  dans  les  régions  inférieures  où,  d'après  eux,  habitent  les  morts, 
i«8  objets  même  qu'elles  représentent,  et  constituent  ainsi  d'utiles  ressources 
jK)ur  les  défunts.» 

1.  Litt.  :  «.Cependant  —  ici  —  (quant  aux)  parfums  —  (et  à  la)  fumée  — 
(U  y  a)  absence  complète  —  (de  cette)  manihre  —  cependant  f^^ 

Vang  tanh,  absence  complète,  est  ici,  par  position,  un  véritable  verbe  im- 
|>ersonnel.  V&ng  signifie  solitaire^  absent,  et  tanh,  un  certain  genre  de  mauvaise 
oileur  telle,  par  exemple,  que  celle  du  poisson  pourri.  A  première  vue,  l'on 
ue  s'explique  ni  la  connexion  qui  existe  entre  ces  deux  idées,  ni  la  relation 
grammaticale  qui  peut  exister  entre  les  mots  qu'elles  représentent.  Cepen- 


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KiM  vAn  kiéu  tAn  truyen.  lî 

L'ombre  allait  s'allongeant  ;  le  soleil  à  Thorizon  baissait. 

Les  deux  sœurs  erraient,  oisives;  elles  prirent  de  compagnie  le  che- 
min du  retour. 
Elles  marchaient  en  suivant  le  lit  d'un  petit  ruisseau, 

et  voyaient  se  dérouler  à  leurs  yeuj  les  sites  verdoyants  du  pay- 
sage. 
Le  lit  du  cours  d'eau  s'infléchit  quelque  peu,  55 

et  au  bout  d'un  escarpement  elles  franchirent  un  petit  pont. 

Un  monticule  de  terre  apparut  au  bord  du  chemin, 

où  les  herbes  flétries  se  nuançaient  de  jaune  et  de  vert. 

*  Comment»  (dit  Kieu)  «se  fait-il  que,  dans  la  saison  de  Tharili  mirA, 

«  cette  tombe  soit  ainsi  veuve  de  la  fumée  des  parfums  *  ?  »  eo 

Vuong  guan  en  détail  lui  apprit  ce  qui  en  était. 

*  Cette  Bam  tiên^  lui  dit-il  «jadis  était  une  chanteuse. 

*  Jî  ftt  un  temps  où  son  talent  et  sa  beauté  étaient  célèbres  2. 

^If'on  faisait  grand  bruit  à  sa  porte,  et  les  galants  s'y  pressaient  ^î 

-  ^   Ton  se  rappelle  ce  fait  qu'une  maison  longtemps  inhabitée  sent, 

1»©   iiQQg  disons  en  français,  fe  renfermé,  on  pourra  comprendre  que  les 

j,  P^'^^tes  aient  pu  établir  dans  leur  esprit  une  corrélation  entre  Tidée 

/•^•«<ïe  et  celle  de  mauvaise  odeur, 
^.    ,  apposition  des  deux  mots  «.hteomg  —  parfuma*  et  ^taiih  —  puanteur > 
^^  ^  t^marquer.  Les  uns  manquant,  Tautre  se  développe. 

^.  Utt  :  ^EUe  éleva  —  (une)  réputation  —  (de)  talent  —  (et  de)  beauté  — 
^.  une  (certaine)  —  époque,  » 

^   3.  Litt.  ;  «  Tumultueux  —    en  dehors  de  —  la  porte  —  étaient  rares  —  en 
^  —  les  hirondellea  —  et  les  perroquets  f  » 


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18  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

65    «Kîêp  hông  nhan  c6  mong  manh  ! 

«Nèa  chitng  xuân  thoat  gây  nhành  Thiên  hteang! 

«C6  ngirW  khàch  ô*  viën  phrrcmg 

«Xa  nghe.  Cûng  niti^  tiêng  nàng;  tim  chai. 

«Thuyën  tinh  vira  ghé  dên  noi, 
70    «Thi  dà  trâm  gây,  binh  roi  bao  gîô"! 

«Phèng  không  lanh  ngât  nhfr  tô*; 


1.  Thiên  kuang  (litt.  parfum  du  ciel)  est  un  nom  que  Ton  donne  à  pln- 
sieurs  espèces  d'orchidées  odoriférantes,  ressemblant  au  MalaxU  (Wells 
Williams,  au  caractère  ^^};  m&îs  il  semble  s'appliquer  dans  la  présente 
métaphore  à  une  des  variétés  de  la  fleur  appelée  «jM^  ^  ^  AfJw  don 
koa  (Pœonia  Mouton)*,  Voy.  le  ijfj  |ftt,  liv.  IV,  p.  16,  verêo,  et  la  note 
sous  le  vers  826. 

2.  Litt.  :  «  (Lorsque)  la  barque  —  d'amour  —  à  peine  —  eUtordtmt  —  fiU 
aririvée  à  —  V endroit,-» 

3.  Litt.  :  «  alors  —  il  y  avait  eu  le  fait  que  —  Vépingle  —  avait  été  rom- 
pue —  et  le  vase  (de  fletirs)  —  tomU  à  terre  —  quand  f  » 

Les  femmes  de  l'Extrême-Orient  portent  une  épingle  dans  les  cheveux. 
Elles  ont,  en  outre,  comme  cela  se  voit  d'ailleurs  aussi  en  Europe,  l'habi- 
tude de  soigner  des  fleurs.  Or,  si  l'épingle  que  portait  une  jeune  femme  est 
rompue  ;  si  le  pot  de  fleurs  qu'elle  avait  l'habitude  d'arroser  f^  brisé,  sur 
le  sol  sans  qu'elle  vienne  le  relever,  on  sera  naturellement  fondé  à  con- 
clure de  ces  faits  qu'elle  n'est  plus  de  ce  monde.  Telle  est  l'explication  de 
cette  singulière  et  gracieuse  métaphore  qui  ne  peut  guère,  malheureuse- 
ment, être  reproduite  en  français,  où  elle  paraîtrait  par  trop  obscure.  — 
La  particule  du  passé  ââ,  que,  pour  plus  de  clarté,  je  traduis  ici  par  les 
mots  17  y  avait  eu  le  fait  que,  fait  des  quatre  mots  qui  la  suivent  un  véri- 
table verbe  composé.  C'est  là  un  exemple  frappant  du  rôle  que  jouent,  dans 
la  langue  annamite,  la  position  et  les  particules.  Les  mots  baoyio-—  quand  f 
qui  terminent  le  vers  indiquent  que  le  temps  écoulé  depuis  la  mort  de  Bam 
lien  était  déjà  si  considérable  qu'on  n'aurait  pu' en  déterminer  au  juste  la 
durée. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  19 

cMais  dans  la  vie  des  belles  filles  il  est  des  vicissitudes  !  65 

«  Au  milieu  de  son  printemps  le  rameau  de  Thiên  Imcmg  ^  vint  tout- 

»  à-coup  à  se  rompre  ! 
«Certain  étranger^  habitant  des  régions  lointaines^ 

«malgré  la  distance  en  entendit  parler.  La  réputation  de  la  belle 
>  arriva  jusqu'à  lui,  et  il  se  mit  en  chemin  pour  obtenir  ses  faveurs. 
«Mais  lorsque  Tamoureux  fut  parvenu  à  sa  demeure^, 

«le  fil  de  l'existence  (de  Bqm  tien)  depuis  longtemps  était  tranché ^j  70 

«Sa  chambre  vide  était  froide  et  silencieuse^, 


i.  Litt.  :  «  (Dan»  ta)  chambre  —  vide  —  le  froid  —  pinçait  —  comme  — 
«m  JeuiUe  de  papier  (sic).  > 

Cette  figare,  d'une  étrangeté  véritablement  par  trop  audacieuse,  est 
formée  de  la  combinaison  de  deux  métaphores  fondues,  ^ur  ainsi  dire, 
l'une  dans  l'autre. 

1**  On  dit  «  lanh  ngât  —  un  froid  qui  pince  »  poui*  exprimer  l'idée  d'un  froid 
violent  Cette  première  figure  est  aussi  en  usage  dans  notre  langage  fa- 
milier. 

^  Une  feuille  de  papier  est  un  des  objets  les  plus  minces  que  Ton 
puisse  rencontrer.  Cela  est  plus  vrai  encore  du  papier  destiné  à  l'impres- 
«ion  en  Chine;  car  il  l'est  tellement  que  pour  que  les  caractères  imprimés  sur 
le  recto  d'une  page  ne  se  confondent  pas  avec  ceux  du  verso,  on  est  obligé 
<le  le  doubler  et  de  laisser  blanche  la  partie  intérieure.  Cela  étant,  ng&t 
^  ^  signifie  *  pincer  tellement  fort  que  Cobjet  placé  entre  les  doigts  devienne, 
^^  ^^ffet  de  leur  pression,  aussi  mince  que  Vest  une  feuille  de  papier*. 

^n  froid  qui  pince  de  façon  à  causer  ù  la  peau  une  douleur  aussi  vive 

qne  e^iig  q^^  produirait  sur  elle  une  pression  de  doigts  assez  violente  pour 

'f  réduire  à  l'épaisseur  d'une  feuille  de  papier  serait  un  froid  terriblement 

"'•  ^n  somme,  toute  cette  expression  n'est  autre  chose  qu'une  foime  de 

P^flatif  des  plus  ampoulées.  La  chambre  de  Bam  tien  est  dite  être  aussi 

*^^  pour  exprimer  qu'elle  est  inhabitée  et  close  depuis  longtemps.  On  sait 

*^fiet  qu'une  pièce  fermée  pendant  un  temps  considérable  devient,  dans 

.l^'^ys  chauds,  assez  fraîche  pour  produire  sur  ceux  qui  y  pénètrent  une 

^^ble  impression  de  froid;  mais  de  là  au  terrible  refroidissement  que 

V^"le  indiquer  le  superlatif  métaphorique  employé  ici  par  l'auteur  du 

*^^e,  il  y  a  loin  î 

2* 


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20  KiM  vAn  kiêu  tAn  tkuyçn. 

«Dâu  xe  ngu-a  dâ  ;  reu  lô*  mô*  xanh  ! 
«Khôc  than  khôn  xiêt  su*  tinh! 
«Khéo  vô  duyên  bây!  Là  minh  v<>i  ta! 


1.  Litt.  :  «Le»  traces  —  des  chars  —  (et  des)  chevaiux  —  avaient  été  (n'e- 
xistaient plus,  étaient  effacées);  —  la  mousse  —  sombrement  —  étidt  verte!* 

j^5,  qui  n'est  à  proprement  parler  que  la  marque  du  passé,  donne  ici  l'idée 
d'une  chose  qui  a  été  et  n'existe  plus,  et  joue  le  rôle  d'un  véritable  verbe.  — 
La  teinte  sombre  ou  foncée  de  la  mousse  indique  l'exubérance  de  sa  végé- 
tation, qui  se  développe  en  toute  liberté  dans  ces  lieux  où  le  pied  de  l'homme 
ne  la  foule  plus.  On  dit  quelquefois  en  style  d'horticulture  qu'une  plante 
vigoureuse  est  d'un  vert  noir,  pour  exprimer  la  teinte  foncée  de  ses  feuilles. 

2.  Litt.  :  €  Pleurant  —  il  gémissait  —  (de  telle  sorte  que)  —  difficilement 
—  on  compterait  (ou  exprimerait)  —  la  chose  —  (de  ses)  sentiments.  » 

«  Su  ành  »  est  une  expression  dont  le  sens  varie  beaucoup  suivant  les 
phrases  dans  lesquelles  on  la  rencontre.  Elle  signifie  tantôt  «^passion,  senti- 
ment», tantôt  émotif»,  tantôt  simplement  *  chose,  affaire».  Le  premier  et  le 
troisième  de  ces  sens  sont  les  plus  applicables  ici.  J'ai  cru  devoir  adopter 
le  premier.  Il  est  bon  de  remarquer  que  les  quatre  mots  «  khân  xiët  sv  Cmh  » 
constituent,  par  leur  position  après  les  deux  verbes  khôc  et  than,  une  ex- 
pression adverbiale  de  manière. 

3.  Litt.  :  *(Elle  était)  habile  à  —  ne  point  avoir  —  de  bonheur  —  com- 
bien !  —  Elle  était  —  coTps  —  avec  —  nous  !  (Elle  possédait  la  même  espèce 
de  corps,  elle  était  de  la  même  race  que  nous!)» 

L'adjectif  ^khéo»,  employé  pour  exprimer  un  dépit  mêlé  d'étonnement,  est 
d'un  usage  fréquent  en  annamite.  11  offre  une  analogie  remarquable  avec 
certaines  locutions  de  notre  langage  familier,  telles,  par  exemple,  que  celles- 
ci  :  «Vous  vous  entendez  étonnamment  à  ne  faire  que  des  sottises  !  »  — 
«Vous  avez  le  talent  de  tout  faire  de  travers  !  »  Il  est  du  reste  à  remarquer 
qu'un  assez  grand  nombre  d'idiotismes  cochinchinois  se  rapprochent  con- 
sidérablement des  manières  de  parler  familières,  souvent  même  populacières 
de  notre  langue.  Ne  faudrait -il  pas  attribuer  cette  singulière  concordance 
dans  l'expression  des  idées  à  la  grande  ancienneté  de  l'idiome  parlé  dans 
l'Annam?  J'ai  eu  occasion  de  dire  ailleurs  qu'il  me  paraît  être  formé 
d'une  langue  primitive  dans  laquelle  se  sont  introduits  d'assez  nombreux 
mots  chinois,  dont  la  prononciation  s'est  modifiée  plus  ou  moins  selon  l'é- 
poque à  laquelle  ils  ont,  sous  l'influence  de  la  domination  chinoise,  obtenu 
droit  de  cité  dans  le  langage  usuel.  (Voyez  la  préface  de  ma  Chrestomathie 
codiinchinoise.)  Cette  introduction  du  chinois  dans  l'annamite,  beaucoup  moins 
prononcée  d'ailleurs  qu'on  ne  le  croit  généralement,  n'a  pas  amené  une  mo- 
dification -assez  grande  dans  le  génie  de  cette  dernière  langue  pour  y  faire 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  21 

c  et  sur  1^  pas  des  chevaux,  sur  les  traces  des  chars,  s'étendait  le 

>  manteau  vert  sombre  de  la  mousse  *  ! 

€  Amèrement  il  pleura  ses  amours  (envolées)  2! 

«ô  malhenreux  destin  !>  (s'écria- 1- il.)  c  Elle  était  hélas!  mortelle 

>  comme  nous  '  ! 


disparaître  les  façons  de  parler  primitives.  Or  l'annamite,  étant  un  idiome 
fort  ancien,  a  dû  être  parlé  par  des  tribus  dont  le  développement  intel- 
lectuel était  naturellement  inférieur  à  ce  qu'il  est  actuellement  chez  un 
peuple  beaucoup  plus  civilisé  que  ne  le  furent  certainement  ses  ancêtres. 
De  là  viennent  petit -être  ces  analogies  de  langage  qui  existent  entre  la 
phraséologie  annamite  et  celles  de  la  partie  la  moins  éclairée  de  notre 
nation.  Ce  serait  aux  savants  qui  s'occupent  spécialement  de  l'étude  de 
la  filiation  des  langues  à  nous  apprendre  si  cette  analogie  existe  dans 
tous  les  idiomes  dont  l'ancienneté  est  considérable.  On  la  retrouve,  quoique 
plus  rarement,  dans  certaines  expressions  du  chinois  parlé.  Toujours  est-il 
que,  sans  lui  accorder  une  valeur  exagérée,  ce  phénomène,  parfois  très  sail- 
lant dans  l'annamite,  me  paraît  digne  d'être  signalé  à  l'attention  de  ceux 
que  leurs  études  spéciales  rendent  plus  compétents  en  pareille  matière. 
Une  semblable  concordance  entre  les  formules  de  langage  usitées  chez  les 
peuples  de  race  primitive  et  celles  qu'emploient  les  classes  les  moins  poli- 
cées des  nations  civilisées  actuelles  constituerait  un  fait  curieux  dans  l'his- 
toire du  développement  de  l'esprit  humain. 

Le  mot  «^^  dwfèn^  est  un  de  ceux  dont  la  signification  varie  le  plus 
suivant  le  sujet  traité  dans  les  textes  où  il  se  rencontre.  Il  existe  cepen- 
dant une  dérivation  bien  réelle  entre  les  principaux  sens  qu'il  présente. 
Comme  on  le  trouve  fréquemment  dans  les  poèmes  annamites  avec  plusieurs 
de  ces  sens  (voy.  ce  vers  et  le  suivant),  je  crois  utile  de  les  rappeler  ici  et 
d'en  fure  ressortir  la  connexion.  ^^  signifie  : 

V  Le  coUel  ou  la  garniture  d'un  vêtement. 

2**  La  correspondance  entre  un  fait  actuel  et  un  autre  qui  existait  préalable' 
ment.  Deux  faits  dont  le  second  est  la  conséquence  du  premier  font  pour 
ainsi  dire  corps  l'un  avec  l'autre,  comme  la  garniture  ou  le  collet  d'un  ha- 
bit, bien  qu'étant  des  objets  distincts  du  vêtement  lui-même,  n'en  forment 
pas  moins  un  seul  tout  avec  lui. 

3**  Le  bonheur,  qui  n'est  qu'une  adaptation  providentielle  des  événements 
à  nos  besoins  et  à  nos  désirs. 

4®  L'amour  OU  le  mariage,  considérés  comme  la  réunion  de  deux  êtres 
destinés  providentiellement  l'un  à  l'autre.  C'est  par  une  association  d'idées 
voisine  que  nous  disons  quelquefois  que  les  mariages  sont  écrits  au  ciel. 

Dans  le  présent  vers,  le  mot  Ûx  a  le  sens  du  3"  (heureuse  destinée); 
dans  le  suivant,  il  aura  celui  du  4**,  et  exprimera  <  V union  de  deux  -êtres  qui 
«'aiment^. 


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22  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

75    «Bà  không  duyên  tnr<>c  châng  thà, 

«Thi  chi  chut  dfch  goi  là  duyêii  sau? 

«Sâm  sanh  nip  giây  xe  châu. 

«Bùi  DÔng  mot  nâm  màc  dâu  cô  hoa! 

«Trâibaothôlànâctà? 
80    «Ay  mô  vô  chù!  ai  ma  viêng  thàm?» 

Long  dâu  8ân  mon  thu'ang  tâm? 

Thoat  nghe,  Kiêu  thôt  dâm  dâm  châu  sa. 

Bau  don  thay  phân  don  bà  ! 


Le  mot  <  m\nh  —  œrpa  »  qui  se  présente  presque  toujours  comme  un  subs- 
tantif, devient  ici  adjectif  par  position  à  cause  du  verbe  qui  le  précède,  et 
signifie  «poêsêdant  un  corps*,  «  V<H  —  avec  »  exprime  ici  non  pas  la  communauté, 
l'association,  mais  la  similitude  de  nature.  Cet  hémistiche  contient  du  reste 
une  ellipse.  C'est  €cZng  mot  nành  vài  ta*  qu'il  faudrait  dire.  ^Cûng  mfil  mtnh* 
serait  alors  un  adjectif  composé,  toujours  par  suite  de  Tinfluence  du  verbe 
qualificatif  «/c^»;  mais  il  y  aurait  alors  deux  pieds  de  trop.  Ces  jeux  de  U 
règle  de  position  sont  indispensables  à  bien  connaître;  car  ils  donnent,  con- 
jointement avec  le  parallélisme,  la  clef  de  l'interprétation  des  vers  anna- 
mites qui,  si  l'on  n'en  tenait  pas  compte, jseraient  souvent  tout-à-fait  incom- 
préhensibles. 

1.  Litt.  :  ^(PuiaqtiJU  n'y  aura  pas  eu  d^  —  union  —  avant,  —  (çuej  ne 
pas  —  cela  a  mieux  valu,* 

B^à,  marque  du  passé,  fait  ici  du  signe  de  négation  không  un  verbe 
exprimant  la  non-possession  qui  correspond  exactement  au  4^  chinois. 

2.  Litt.  :  «.Alors  —  quoi  —  (en  f(Ut  de)  —  quelque  petite  chose  —  (qui,) 
s^ appelant,  —  soit  —  V  union  —  de  plus  tardf» 

^ich  est  un  terme  cantonnais  qui  signifie  «^une  petite  quantité*. 

3.  Litt.  :  «  .  .  ,  .  des  chars  —  de  pierres  précieuses.  » 

Les  xe  châu  sont  des  imitations  de  chars  renfermant  des  aliments  imi- 
tés aussi.  Ces  véhicules  sont  censés  destinés  à  transporter  leur  contenu 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  23 

<  Puisque  le  ciel  n'a  pas  voulu  que  nous  nous  aimions  en  ce  monde  *,  76 

<  comment  (du  moins)  lui  donner  quelque  gage  de  Tamour  qui,  dans 

>rautre,  (unira  nos  deux  cœurs)  2? 

«Il  prépara  des  corbeilles  de  papier,  des  aliments  à  Tusage  des 

>  morts  K 
«Acceptez»,  dit -il,  «ce  faible  présent,  tout  insignifiant  qu'il  puisse 

*être*! 

<  Qui  dira  combien  de  lunes  ont  (depuis  lors)  disparu  sous  Thorizon; 

> combien  de  soleils  se  sont  inclinés  dans  leur  course^? 
«  Ici  est  un  tombeau  sans  maître  !  qui  viendrait  le  visiter?  »  80 

Pourquoi  (Kiêu)  sentit-elle  alors  dans  son  cœur  naître  la  tristesse*? 

A  peine  avait- elle  entendu  (ce  récit)  qu'elle  versa  des  larmes  abon- 
dantes. 

<  Que  le  sort  de  la  femme  est  douloureux  !  »  dit-elle. 


jusqu'à  la  région  des  morts,  où  il  se  trouvera  à  la  disposition  du  destina- 
taire. Les  aliments  sont  qualifiés  symboliquement  de  *  pierres  précieuses*  parce 
qu'ils  sont  ce  qull  y  a  de  plus  indispensable  à  la  vie.  Quant  aux  nip  gié£y, 
ce  sont  des  paniers  remplis  de  ces  papiers  dorés  et  argentés  que  les  Chi- 
nois appellent  •^  j|^  et  ^g  j|^,  et  que  Ton  brûle  aux  funérailles  dans 
la  croyance  qu'ils  iront  se  changer,  dans  les  mains  du  défunt,  en  or  et  en 
argent  véritables. 

4.  Litt.  :  €fCeci  est)  de  condiments  —  une  poignée;  —  à  votre  gré  —  (ce 
•eront)  —  des  herbes  —  et  des  fleurs  (des  bagatelles)  !  » 

5.  Litt.  :  *On  a  passé  par  —  combien  (défaits  que)  —  le  lièvre  —  a  plongé 

—  (et)  le  corbeau  —  s^est  incliné  f» 

D'après  une  légende  bouddhique,  un  lièvre  (sasi),  y oulaxit  nourrir  ses 
congénères  affamés,  se  précipita  dans  le  feu  afin  d'y  rôtir  sa  chair  et  de 
leur  en  fidre  un  aliment.  Après  qu'ils  s'en  furent  repus,  Indra  transporta 
dans  la  lune  ce  qui  en  restait,  et  l'appela  «g^  jjf^  sakchi  ou  sakti  —  celui 
qtn  a  fait  un  sacrifice».  (Voyez  Wklls  Williams,  A  sgllabic  dictionarg  of  the 
ekinese  îanguage,  au  caractère  ^.)De  là  vient  ce  nom  de  «Kèwc»  que  l'on 
donne,  surtout  en  poésie,  à  la  lune. 

On  appelle  le  soleil  *dc  —  le  corbeau  »  ou  «  «îc  vàng  —  le  corbeau  d'or*  parce 
que  l'on  croit  voir  sur  son  disque  l'image  d'un  corbeau  à  trois  pattes. 

6.  Litt  :  ^Son  coeur,  —  (d^)  ou  (vient  qu^y)  —   étant  disposé  —  il  faiblit 

—  (quant  à)  la  tristesse  f* 


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24  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

LM  rang  :  <^Bac  mang»  cûng  là  161  chung! 
85    Phu  phàng  chî  bây,  Hoâ  công? 

Ngày  xanh  m6n  moi,  ma  hông  phui  pha  ! 

Song,  làm  va  khâp  ngirôi  ta; 

Haï  thay!  Nâm  xuông,  là  ma  không  chông? 

Nào  ngày  Phung  cha  Loan  chung? 
90    Nào  ngirôi  tîêc  loc?  Tham  hông  là  ai? 

Dâ  không  kè  doéi  ngirô-i  hoài  ! 

San  dây  ta  kiêm  mot  vài  nén  hirang! 

Goi  là  gâp  gô*  gitta  dàng  ! 

Hoa  là  ngirôi  dirô-i  suôî  vàng  biêt  cho  ! 
95    Lâm  dam  khan  vâi  nhô  to  ; 

Lâp  ngôî,  va  gât  inrô-c  mô,  birdc  ra. 

Mot  vùng  cô  ây  bông  ta, 


1.  Litt  :  «  (Tu  es)  insouciant  —  pourquoi  —  tant,  —  (6)  créant  —  artisan  f» 

2.  Litt.  :  <  Ou  (sont)  —  les  jours  (oh)  —  les  Phung  —  (vivaient)  en  désordre 
—  et  (oh)  les  Loan  —  (vivaient)  en  commun  f'» 

Le  Ph\mg  est  un  oiseau  fabuleux  dont  l'apparition,  qui  a  lieu  aux  épo- 
ques où  la  vertu  est  en  honneur,  est  réputée  de  bon  augure.  Sa  femelle 
8*appelle  Iloàng,  nom  que  Ton  traduit  généralement  par  ^Phénix*,  D'a- 
près M.  Wells  WiLLLàMs,  le  faisan  Argus  aurait  fourni  le  type  du  Phung, 
aussi  bien  que  celui  du  Loan,  oiseau  également  fabuleux  que  Ton  regarde 
comme  la  personnification  de  toute  grâce  et  de  toute  beauté.  Ce  dernier 


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KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN.  25 

«Ces  deux  mot8:<Destin  contrcUro,  sont  bien  applicables  à  toutes! 
«Pourquoi  donc,  ô  Créateur  !  te  montrer  si  insouciant  '  ?  86 

«Les  jours  de  sa  jeunesse  ont  disparu,  et  sa  beauté  s'est  effacée  ! 
«Vivante,  elle  était  réponse  de  chacun  ; 
«  hélas  !  la  voilà  morte,  et  devenue  un  fantôme  sans  époux  ! 
«Où  sont  les  jours  où  autour  d'elle  se  pressaient  les  galants*^? 

«Où  sont  (les  amoureux)  passionnés?  Qui,  (maintenant,)  désire  ses  9o 

>  charmes? 

«Personne  aujourd'hui  (sur  sa  tombe)  ne  jette  plus  un  regard  de 

>  pitié  ! 

«Puisque  nous  sommes  ici,  prenons  quehiues  bâtons  d'encens 
«  pour  faire  avec  elle,  en  chemin,  connaissance  ! 

«Peut-^&e  qu'aux  bords  de  la  Source  jawie  elle  ne  l'ignorera  pas  et 

>  nous  en  saura  gré  \  > 

Tout  bas  elle  récita  une  série  d'invocations,  95 

s'assit,  fit  quelques  inclinations  devant  la  tombe  et  s'éloigna. 

Sur  un  tertre  couvert  d'herbe  flétrie  dont  l'ombre  allait  s'allongeant. 


fait,  dit^on,  entendre  des  chants  délicieux.  Le  Phung  et  le  Loan  jouent  un 
très  grand  rôle  dans  les  poésies  chinoise  et  annamite.  Les  noms  de  ces  deux 
oiseaux  expriment  ici  métaphoriquement  la  foule  des  galants  qui  se  pressait 
autour  de  Bam  Tien. 

*Pkunff  cha  Loan  chung»  est  pour  ^  Phung  Loan  ckung  cka».  L^expression 
*chung  cha*,  qui  signifie  *mvre  en  commun*  et  qui  renferme  le  plus  sou- 
vent une  idée  de  désordre  est  dédoublée  ici,  tant  par  élégance  que  pour 
satisfaire  aux  règles  de  la  prosodie. 

3.  Litt.  :  « le  saura  ~  à  nous,  * 


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26  KIM  vAn  KIËU  tAN  TRUYEN. 

Gi6  hiu  hiu  thôî  mot  va  ngon  lau. 

Rut  tràm  8ân  giât  mai  dâu, 
100    Vach  da  cây,  vinh  bon  câu  ba  van. 

Lai  càng  mê  mai  tàm  thân  ! 

Lai  càng  dtrng  sfrng,  tan  ngân,  châng  ra! 

Lai  càng  û  dot  net  hoa  ! 

Sau  tuôn  diH  nôi  ;  châu  sa  vân  dài. 
105    Vân  rang  :  cChi  !  cûng  nrrc  cirM  ! 

«Cûng  drr  nirô-c  mât  khôc  ngirôi  dôi  xira?> 

Rang  :  «Hong  nhan  tur  thuô*  xira 

«Câi  dêu  bac  mang  cô  chùu  ai  dâu? 

«Nôi  niêm,  tirdng  dên  ma  dau! 
110    «Thây  ngirW  nâm  dây,  biêt  sau  thê  nào?> 

Qmn  rang  :  «Chi  nôi  hay  sao? 

«Mot  dëu  là  mot;  vân  vào,  khô  nghe! 

«Ô^  dây  âm  khf  nâng  ne  ; 

1.  Dans  son  chignon.  Litt.  :  *Swr  le  toit  de  sa  tête.» 

2.  Litt.  :  <i^TrUte,  —  eiUe  laissait  couler  ensemble  (les  larmes  de  ses  deux 
yeux)  —  par  cessation  —  (et)  par  continuité;  —  les  perles  —  tombaient  — 
courtement  —  et  longuement.* 


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KIM  vAN  KIËU  TÂN  TRUYÇN.  27 

aa  souffle  d'une  brise  légère  quelques  joncs  inclinaient  leur  pointe. 

Elle  arracha  Tépingle  qu'elle  avait  sous  la  main^  piquée  au  sommet 

de  sa  chevelure  ', 
et,  écrivant  sur  Técorce  d'un  arbre,  elle  composa  quatre  vers  de  trois  loo 

pieds. 
Et  la  mélancolie  allait  augmentant  dans  son  cœur! 

et  de  plus  en  plus  raidie  par  un  étrange  saisissement;  elle  demeurait 

immobile! 
et  ses  traits  charmants  s'assombrissaient  de  plus  en  plus  ! 

Plongée  dans  la  tristesse,  elle  laissait  de  ses  yeux  couler  des  larmes 

tantôt  rares,  tantôt  abondantes^, 
c  ô  ma  soeur  aînée  U  lui  dit  Van,  «  tu  me  donnes  envie  de  rire  !         106 

<  As-tu  donc  des  larmes  de  reste  pour  pleurer  ainsi  les  femmes  d'au- 

>trefois?> 
«En  aucun  temps»,  dit  Ki^u,  «parmi  les  belles  personnes 

«  le  destin  ennemi  en  épargna-t-il  une  seule  ? 

<  Cette  pensée  obsède  mon  cœur  et  je  souffre  ! 

«A  la  vue  de  celle  qui  est  couchée  ici,  je  me  demande  ce  que  plus  iio 

>  tard  il  doit  advenir  de  moi  ! 
«  Ma  sœur!»  lui  dit  Quan  (à  son  tour),  «  es  tu  donc  dans  ton  bon  sens  ^? 

«  Une  idée  est  une  idée  ;  mais  si  tu  en  mêles  plusieurs,  te  comprendre 

•  sera  difficile! 
«  L'air  est  humide  et  étouffant  ici  ; 

3.  Litt.  :  « Ma  aceur  amée  —  parle  —  comme  il  convient  —  ou  — 

comment  f* 

*Chi  noi  hay  aaof^  est  une  expression  qui  équivaut  pour  le  sens  général 
à  celle-ci  :  *Chi  nôi  ky  qudl  —  tu  di»  des  choêes  singulière»,  tu  te  livres  à  des 
cm^ectures  au  fond  desqueUes  U  n^y  a  rien  de  sérieux!» 


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28  KIM  vAn  KIÊU  tan  TRUYÇN. 

«Bong  chiëu  dâ  ngâ,  dàm  vë  côn  xa!» 
1 15    Kiêu  rang  :  «Nhirng  dirng  tài  hoa 
«Thâc  là  thây  pliâch,  con  là  tinh  anh! 

1.  Litt.  :  « Tous  les  —  Hres  supérieurs  —  an  talent  —  de  fleurs,  — 

(laraqu'ils)  sont  morts,   —  on   voit  —  (leur)  ombre,  —  (qui)  encore   —  est  — 
visifjle  —  (et)  wjilel^ 

Les  Chinois  et  eomme  eux  les  Annamites  lettiés  ont  sur  la  nature  et 
la  constitution  de  Tâme  humaine  des  idées  bien  diiférentes  des  nôtres.  Ils 
la  regardent  comme  formée  par  l'association  de  deux  principes  opposés.  Le 
premier,  qui  est  le  plus  noble,  se  nomme  ]|jA  Thân  ou  z6  lion;  le  second 
porte  le  nom  de  J^  Qui  ou  â^  Phâch. 

On  lit  dans  le  dictionnaire  de  Khang-hi,  sous  le  caractère  )||É  : 

xn.mm^%mmm.%%  mz 

#  ^  ^  S$  JS  ^  ^  J^  o  -^''"  «"'  ""*"•  ^""""^  ''""  "'  ""*"' 

âm  phâch  vi  qui.  Khi  chi  thân  ffià  vi  thân;  khuât  gia  vi  qui.  —  Il  y  a  aussi 
les  qui  tfidn  (expression  empruntée  à  des  paroles  de  Confucius  citées  dans 
le  Ui|  ^g  )•  Le  Hôn,  qui  procède  du  principe  mMe^  s^ appelle  Thdn;  le  Phâch, 
qui  procède  du  principe  femelle  s^appelle  Qui.  ^expansion  du  Khi  (souffle  pri- 
moi'dial  de  la  nature  ou  du  Ciel)  produit  le  Thdn;  son  retrait  produit  le  Çtt».  » 
L'âme,  telle  qu'elle  se  trouve  dans  l'homme  vivant,  est  un  de  ces  êtres 
immatériels  appelés  ^Quîthdn^,  qui  résultent  de  l'expansion  et  du  retrait  des 
deux  grands  principes  mâles  et  femelles  Àm  et  Vwong.  Le  nom  du  IjA 
tlidn  vient,  dit-on  (par  un  jeu  de  mot  philosophique  très  goûté  des  Chinois 
et  indiqué  dans  la  définition  citée  ci-dessus),  de  «'M  thâii  —  se  déuelopper*; 
parce  qu'étant  la  partie  la  plus 'subtile  de  la  nature  spirituelle  (ou  mieux 
immatérielle)  de  l'homme,  il  se  développe  après  la  mort  de  ce  dernier, 
s'étend  et  erre  dans  l'espace.  On  en  place  le  siège  dans  le  foie.  On  l'ap- 
pelle aussi  <2Ô  hctn»,  mot  que  nous  traduisons  par  «dwie»,  bien  qu'il  semble  y 
avoir  entre  cette  âme  chinoise  et  l'être  immatériel  que  nous  appelons  du  même 
nom  la  même  diflférence  qu'entre  le  T^'i'^  hébreu,  le  j:v£U(jl«  grec,  le  latin 
spiritus  d'une  part,  et  le  spirit  anglais  de  l'autre.  (Voy.  W.  H.  Medhurst, 
A  dissertation  on  the  theology  of  the  Chinese,  etc.)  On  distingue  d'ailleurs  trois 
i/cTn  ou  âmes  différentes;  Vâme  végétative  ou  ^b  z®  Sinh  hon,  Vâme  sen- 
sitive  ou  ^^  zfl  Giâc  hon,  et  Vâme  raisonnable  OU  IjA  âS  Thdn  hân. 
Les  noms  qui  leur  sont  donnés  font  suffisamment  connaître  les  fonctions 
qu'on  leur  attribue. 

Quant  au  JH  Qui,  que  l'on  nomme  aussi  Ô^  Phâch,  c'est  l'élément  gros- 
sier, l'âme  imparfaite,  qui  tire  son  origine  do  la  partie  subtile  du  principe 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn.  29 

clés  ombres  du  soir  descendent,  et  le  chemin  du  retour  est  long!  » 

c Lorsque >,  répondit  KiSu,  «une  personne  savante  et  lettrée  *  ii6 

«n*^  plus,  on  peut  voir  son  ombre,  encore  sensible  à  nos  yeux  K 

femelle  Àm,  Son  nom  lui  vient  de  «  ^  ^«»,  mot  qui  signifie  «retourner»;  parce 
qn*étant  la  partie  la  pins  grossière,  il  se  resserre,  se  contracte  sur  lui-même 
après  la  mort,  retourne  à  ses  éléments  primordiaux  et  s'enfonce  d<ans  la 
terre.  Ce  A^  peut  cependant  jouer,  dans  certaines  circonstances,  le  rôle 
de  ce  que  nous  appelons  «  une  ombre,  un  revenant,  un  fantôme  ».  C'est  préci- 
sément ce  que  l'on  affirme  avoir  lieu  dans  le  passage  qui  nous  occupe. 

r 

Lorsque,  dit  le  poète,  une  personne  savante  et  lettrée  a  quitté  la  vie,  son 

A^ ,  malgré  sa  nature  d'ordinaire  immobile  et  invisible,  peut  cependant  se 

manifester  à  nos  yeux.  Il  est  nécessaire,  pour  s'expliquer  cette  contradic- 

l  tion,  de  se  reporter  aux  passages  suivants  du  philosophe  Châu  phu  tth. 

\  Comme  un  de  ses  disciples  lui  demandait  pourquoi,  dans  certain  passage  du 

'  ^  j^^  ^^  ^^  principalement  question  des  ]pA  tandis  qu'on  s'y  occupe 

beaucoup  moins  des  JH  ,  Ckâu  répondit  :  «  Pour   les    ffl  ,  ils  sont  dis- 

•  sipés,  ne  donnent  pas  signe  d'existence,  et  n'ont  plus  aucune  forme;  c'est 
»  pourquoi  il  n'était  pas  nécessaire  de  s'en  occuper  spécialement.  Mais  lors- 
>  que  les  ]|jA  se  manifestant,  ce  phénomène  n'est  rien  autre  que  l'expansion 
^('fr}  J^  '  ^^®*  précisément  le  cas  pour  les  ancêtres.  Lorsque  les 
»  forces  qui  proviennent  du  ^S  sont  dissipées,  ils  deviennent  des   S9  ;  et 

•  cependant  leurs  descendants  les  font  venir  à  eux  en  pratiquant  la  pureté 
»et  la  sincérité.    Ils  prennent  alors  une  vaste  extension,  tellement  qu'il 

•  semble  qu'ils  soient  au-dessus  de  nos  têtes,  à  notre  droite  et  à  notre 

•  gauche.  N'est-ce  pas  là  une  expansion  de  ces  JH    qui  déjà  s'étaient  res- 
I                                 »  serrés  sur  eux-mêmes?» 

«  Il  faut,  dit  ailleurs  le  même  philosophe,  embrasser  cette  question  dans 

•  une  vue  générale  d'ensemble,  et  (bien  savoir  qu')au  milieu  même  des  ex- 
»  pansions,  il  y  a  une  contraction.  Nous  nous  rendrons  alors  compte  du  véri- 
»  table  état  des  choses.  Les  contractions  que  l'on  peut  percevoir  au  milieu 

•  d'une  expansion  se  rapportent  à  l'homme,  qui  possède  un  â^  ou  esprit 

•  animal  plus  grossier;  et  les  expanakma  qui  ont  lieu  au  milieu  d'une  contrac- 
»tion  *e  rapportent  aux  j9  ,  qui  alors  deviennent  parfois  jm  linh  —  efficaces 
»  (en  répondant  aux  vosux  de  ceux  qui  leur  adressent  un  cuUeJ.  »  (Voy.  Medhurst, 
A  dissertation  etc.,  pp.  169  et  172.)  Ce  qui  revient  à  dire  que  le  J^  ou  ||^ 
d'nn  ancêtre,  quoique  déjà  contracté  sur  lui-même  et  rentré  dans  le  sein 
de  la  terre,  peut  se  dilater  de  nouveau,  et  devenir  efficace^  autrement  dit 
agir  dans  le  sens  de  la  volonté  de  ses  descendants  qui  désirent  l'attirer 


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30  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

«De  hay  tinh  lai  gàp  tinh! 

«Chô*  xem!  At  thây  bien  lînh  bây  giô*.» 

Mot  loi  nôî  chfta  kip  thira, 
120    Phùt  dâu  trân  gîô  ciiôn  cb  dên  ngay! 

Ao  ào  gîô  loc  rang  cây, 

U  trong  dirÔTig  c6  hiroTig  bay  ft  nhiëu. 

Bè  chàng  ngon  giô  lân  theo; 

Vit  giày  tùng  birô'C  in  rêu  rànb  rành  ! 
125    Mât  nbin,  ai  nây  dëu  kinb! 

Nàng  rang  :  «Nây  tbât  tînb  tbành  châng  xa! 

«Hfru  tinh,  ta  lai  biêt  ta! 


auprès  d'eux.  Or  cette  espèce  d'évocation,  que  Châu  phu  ta-  dît  être  pos- 
sible aux  descendants  vertueux  lorsqu'il  s'agit  de  leurs  ancêtres,  l'auteur 
du  présent  poème  la  déclare  possible  aussi  lorsqu'une  personne  quelconque, 
animée  des  sentiments  convenables,  veut  en  évoquer  une  autre  qui  était 
douée,  durant  sa  vie,  d'une  nature  supérieure  et  distinguée. 

De  même  que  l'on  distingue  trois  SjË  diiférents,  de  même  aussi  l'on 
compte  cinq  ti^,  qui  ne  sont  autres  que  l'action  particulière  de  chacun  des 
cinq  sens.  Aucuns,  cependant,  ne  reconnaissent  point  ces  È^,  et  leur  con- 
testent la  qualité  d'esprit. 

D'après  ce  qui  précède  il  est  facile  de  comprendre  l'expression  *Unh  anh*, 
qui  serait,  sans  cela,  fort  obscure.  ^TirUi»  signifie  ici  *  la  forme  que  prend  un 
eiprit  pour  se  rendre  visible  aitx  hommes».  —  ^Anh*  veut  dire  *  affile*.  Le  hH, 
qui  d'ordinaire  se  dissocie  et  se  perd  dans  le  sein  de  la  terre,  qui,  par  consé- 
quent, est  alors  dépourvu  de  forme  et  de  mouvement,  peut  cependant^  lors- 
qu'il a  appartenu  à  une  personne  exceptionnellement  douée,  prendre  une 
forme  qui  le  rende  visible,  et  se  mouvoir  de  manière  à  aller  trouver  ceux 
à  qui  il  veut  se  manifester.  Aussi  le  voyons  nous,  aux  vers  120  et  124, 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYBN.  31 

«  n  est  facile  de  comprendre  que  Tafifection  appelle  raffection  ! 

«Attends  et  regarde!  nous  sommes  certains  de  la  voir  à  T instant 

»  mystérieusement  nous  apparaître  !  > 
Ayant  que  son  frère  eût  pu  répliquer  un  mot, 

un  vent  impétueux  et  subit  *  droit  sur  eux  arriva  tout-à-coup  !  120 

Bruyant  et  rapide  comme  le  saut  du  cerf  ^^  il  secouait  les  arbres, 

et  semblait  avec  lui  apporter  un  léger  parfum. 

En  suivant  pas  à  pas  la  direction  du  vent, 

ils  (virent)  les  traces  d'un  pied  nettement  marquées  sur  la  mousse. 

Les  yeux  fixés  sur  elles,  chacun  était  frappé  d'eflfroi!  126 

«Sûrement»  dit  la  jeune  fille  «le  spectre ^  n'est  pas  loin  de  nous! 

«La  sympathie  qui  nous  unit,  nous  fait  connaître  Tune  à  Tautre! 


annoncer  sa  présence  par  un  tourbillon  de  vent  impétueux  et  des  pas  qui, 
slmprimant  sur  la  mousse,  indiquent  qu'un  être  invisible  a  passé  près  des 
interlocuteurs  en  courant  avec  vélocité. 

1.  Utt.  :  *Taut  à  coup  —  itn  coup  —  de  vent  —  (de  ceux  qui  font)  rouler 
—  Icê  paviUont  —  arriva  —  droit  h 

Lorsque  le  vent  est  par  trop  violent,  Ton  est  forcé  de  rouler  les  dra- 
peaux autour  de  leur  hampe,  sans  quoi  ils  seraient  emportés.  De  là  rem- 
ploi de  cette  figure,  pour  exprimer  un  coup  de  vent  brusque  et  impétueux. 

2.  Litt.  :  «  Un  vent  —  de  cerf,  »  C'est  là  un  de  ces  superlatifs  métapho- 
riques qui  abondent  dans  la  poésie  et  même  dans  la  langue  vulgaire. 

3.  Litt.  :  «  .  .  .  .  Ceci  —  véritablement  —  (est  que)  du  tinh  —  la  réalité  — 
nepaa  —  (cêt)  loin!*  J'ai  dit  plus  haut  ce  que  signifie  le  mot  Hinh*  dans  ce 
passage.  <Thành*  veut  dire  ^réel*;  mais,  dans  cette  expression  qui  est  chi- 
noise, sa  position  lui  donne  le  rôle  d'un  substantif  qui  met  au  génitif  le  mot 
précédent  II  faut  donc  traduire  *tinh  ihàiih*  par  *la  réalité  du  tinh*,  c'est-à-dire 
<UfaU  que  le  Rffl  de  ^am  ti^n  a  9ubi  une  modification  qui  lui  permet  d'affecter 
Ut  »enê  de  Chomme», 


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32  KIM  vAn  KIÊU  tAn  ITÎUYÇN. 

«Châng  ne  u  hièn,  moi  là  chi  em  ! 

«Dâ  long  hîén  hîên  cho  xem, 
130    «Ta  16ng  nàng  lai  iiôi  thêm  va  loi!» 

Long  tha  laî  lâng  bôî  hôi, 

Gôc  cây  lai  vach  mot  bài  cô  thi. 

Dùng  dâng  dô*  ô*,  dâ  vê, 

Lac  vàng  dâu  dâ  tiêng  nghe  gân  gân. 
135    Trông  chihig  thây  mot  vân  nhân, 

Long  buông  tay  khâu,  birô^  lân  dàm  bâng. 

De  hue  lirng  tùi  gi6  trâng 

San  chou  theo  mot  vài  thâng  con  con. 

Tuyêt  in  sâc  ngira  eu  don  ; 
140    Cô  pha  màu  âo  nhuom  non  da  trôi. 

Nèo  xa  mdi  tô  mât  nguôi, 

1.  Co  thi  ne  signifie  pas  ici  d^ anciennes  poésies,  mais  dea  vers  ccmpottés  en 
longues  strophes  d'après  certaiiies  règles  prosodiques. 

2.  Litt.  :  «  .  .  .  .  gauche  —  (quant  à)  rester,  —  gauche  —  (quant  àj  partir,  » 

3.  Litt.  :  «(Qui,)  laissant  aller  —  la  bride,  —  marchait  —  jpcw  à  pas  — 
et  les  dam — fra/nchissait».  «Tay  —  mam»,  joue  ici  le  rôle  de  numérale  par 
rapport  à  *khâu  —  brider,  et  la  dernière  partie  du  vers  contient  une  inver- 
sion nécessitée  par  la  mesure  et  la  rime. 

4.  Litt.  :  «Portant  dans  les  hras  —  et  portant  sur  le  dos  —  le  sac  —  du 
vent  —  et  de  la  lune.  » 

o^Lung  —  dos»  de\nent  ici  verbe  par  position,  et  signifie  porter  sur  le  dos. 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  33 

«  Si  vous  ne  craignez  point  d'apparaître  dans  l'ombre,  voici  que  nous 

>  serons  deux  sœurs  ! 
«Puisque  vous  avez  bien  voulu  vous  manifester  à  notre  vue, 

«  à  nos  remerciements  j'ajouterai  quelques  paroles  !  *  130 

Puis,  son  jeune  cœur  envahi  par  un  trouble  indicible, 

sur  le  tronc  de  l'arbre  elle  grava  encore  des  vers  composés  à  la  ma- 
nière antique  K 
Incertaine,  hésitante  à  rester  comme  à  partir  2, 

elle  entendit  tout-à-coup  non  loin  d'elle  résonner  des  grelots  d'or.. 

Elle  regarda,  et  vit  un  lettré  135 

qui,  lâchant  la  bride  à  sa  monture,  s'avançait  dans  le  chemin  ^. 

Dans  leurs  mains,  sur  leur  dos  portant  l'attirail  de  voyage  *, 

derrière  lui  marchaient  quelques  jeunes  serviteurs. 

Son  cheval,  petit  et  vif,  était  blanc  comme  la  neige  »\ 

La  couleur  de  ses  vêtements  tenait  du  vert  de  l'herbe  et  du  bleu  du  140 

ciel  \ 
Dès  que  du  chemin  voisin  il  aperçut  leurs  visages 

par  oppositioii  à  de  hvi,  qui  veut  dire  porter  à  la  main.  —  Tût  gio  tràng  — 
Us  Mcê  du  veiU  et  de  la  Urne  est  nue  expression  poétique  pour  désigner  Uê 
bagage»,  parce  que  les  voyageurs  cheminent  exposés  au  vent  et  sous  les 
rayons  de  la  Inné. 

5.  Litt.  i  *(A  la)  neige  —  étaU  »emblable  —  la  couleur  —  de  (son)  cheval 
—  de  petite  taille,  ^ 

Cu  don  signifie  tm  cheval  de  petite  taille  et  à  V allure  vive.   C'est  aussi  le 
sens  du  mot  eu  employé  seul.  Don  signifie  de  taille  médiocre. 

6.  Litt  :  *(Aeec  la  couleur  de)  V herbe  —  on  avait  mélangé  —  la  nuance  — 
de  (bou)  vêtement  —  qui  était  teinte  —  clair  —  en  bleu  de  ciel,» 

3 


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34  KIM  VAn  KIÊU  TAN  TRUY^N. 

Khâch  dà  xuông  ngu*a,  tô-i  nai  to  tinh. 
Gîai  nhon  lân  hvtàc  dàm  xanh, 
Mot  vùng  nhir  thây  cây  qulnh  nhành  giao! 
145    Chàng  Vucmg  quen  mât;  ra  chào. 
Hai  Kiêu  e  mât,  nép  vào  dirôi  hoa. 
Nguyên  ngrrài  quanh  quât  dâu  xa. 
Ho  Kzm,  tên  Trqng;  von  nhà  trâm  anh. 


1.  «TV  ^^*  est  une  expression  chinoise  dont  le  sens  littéral  est  «(iû- 
courir  sur  une  affaire*. 

2.  Litt.  :  <t(Sur)  un  (même)  —  tertre  —  (c^ était)  comme  (a*)  —  U  voyait  — 
de  r arbre  —  Quinh  —  (deux)  branches  —  unies!» 

Le  C%  Quinh  ou  jB  ^Jt  Qulnh  hoa  est  une  espèce  très  rare  d'Hor- 
tensia qui,  disent  les  historiens  chinois,  faisait  les  délices  de  Tempereur 
parricide  ;fê  *êf  Duong  di,  de  la  dynastie  des  |S  2^y  (606  de  l'ère  chré- 
tienne). 

3.  Litt.  :  «  Les  deux  —  Kiêu  —  eurent  peur  —  quant  au  visage  —  (et),  se 
cachant,  —  entrèrent  —  sous  —  les  fleurs,  * 

«  Kiêu  »  est  une  qualification  que  Ton  donne  aux  jeunes  femmes  savantes 
et  belles.  L'auteur  en  a  fait  à  dessein  un  des  termes  du  nom  de  son  héroïne, 
dont  les  talents  et  les  attraits  sont  constamment  mis  en  relief  dans  le 
poème. 

4.  Litt.  :  «  Originairement  —  (c'était  un)  homme  —  des  alentours  j  —  oh 
(était-ce)  —  loinf* 

<c^âu  xa»  est  une  inversion  pour  «aja  dâu». 

Le  mot  «dâu  —  oh»  est  employé  dans  un  assez  grand  nombre  d*idio- 
tismes  annamites  pour  exprimer  le  vague,  le  doute,  l'incertitude  sur  une 
appréciation  quelconque.  «C'est  loin  —  où?»  équivaut  à  :  «On  ne  sait  pas 
au  juste  à  quelle  distance  se  ti-ouve  telle  ou  telle  chose,  telle  ou  telle  per- 
sonne». 

5.  Litt.  :  ^(Son)  nom  de  famille  —  (était)  Kim,  —  (son)  nom  particulier 
—  (était)  Trong;  —  de  sa  nature  —  (c^ était  un  homme  d'une)  maison  —  d'é- 
pingles —  et  de  bandelettes». 

Les  noms  des  Annamites  sont  généralement  composés  de  trois  éléments 
distincts. 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  35 

L'étranger  se  hâta  de  descendre  de  cheval  et  vint  échanger  quelques 

mots*. 
Ce  lettré  distingué,  en  continuant  à  s'avancer  vers  elles, 

croyait  voir,  réunies  sur  un  même  tertre,  deux  pousses  de  Tarbre 

Vuctng,  qui  le  connaissait,  s'avança  pour  le  saluer,  146 

et,  confuses,  les  deux  charmantes  filles  ^  sous  les  fleurs  se  dissimu- 
lèrent. 
Cet  homme  demeurait  quelque  part  dans  les  environs  K 

Son  nom  était  Kim  et  son  petit  nom  Trong;  sa  famille  était  hono- 
rable et  lettrée  ^ 

V  Le  Hjp  ou.  nom  de  famille,  qui  correspond  au  -Uj^  tânh  chinois. 

2**  Le  Ckû'  lot  ou  nom  intercalaire, 

3*  Le  Tên  tue  ou  nom  particulier. 

Le  nom  de  famille,  qui  se  transmet  de  père  en  fils,  ne  se  prononce 
presqne  jamais  et  n^apparaît  guère  que  dans  la  rédaction  des  actes,  dans 
le  corps  des  lettres  ou  encore  dans  la  signature.  Dans  la  correspondance, 
il  est  convenable  de  désigner  la  personne  à  qui  Ton  s'adresse  par  son  nom 
de  famille  plutôt  que  par  son  nom  particulier. 

L*usage  du  nom  intercalaire  n'est  pas  obligatoire  ;  cependant  il  est  d'u- 
sage que  les  enfants,  surtout  l'aîné,  conservent  celui  de  leur  père.  Pour 
les  cadets,  ils  peuvent  en  choisir  d'autres,  s'ils  veulent  établir  une  distinc- 
tion marquée  entre  les  branches  aînées  et  cadettes.  Les  femmes  n'ont  qu'un 
seul  et  unique  nom  intercalaire,  qui  est  «^  Un». 

Les  Annamites,  soit  qu'ils  se  parlent  l'un  à  l'autre,  soit  qu'ils  parlent 
d'un  tiers,  ne  se  servent  que  du  nom  particulier. 

Dans  la  signature  des  actes,  tous  les  noms  doivent  figurer  dans  l'ordre 
indiqué  ci -dessus.  Les  femmes  mariées,  aussi  bien  que  les  hommes,  y  in- 
scrivent leur  nom  particulier;  mais  loi-squ'on  parle  d'elles,  on  dit,  comme 
en  français  :  *  Madame  une  telle»,  en  énonçant  le  nom  ou  la  qualité  de 
leur  mari. 

L'usage  de  désigner  les  gens  par  leur  qualité  est  considéré  comme  poli 
et  convenable.  C'est  ce  sentiment  qui  fait  souvent  suppléer  a  renonciation 
de  cette  qualité,  lorsqu'elle  est  absente,  par  l'indication  de  l'ordre  de  nais- 
sance. On  dit  alors  :   *Anh  liai,  anh  ha,  anh  tu chi  nam,  chi  i>àu,  chi 

boy,  chi  Uim»,  etc. 

Les  souverains  ont  leur  nom  propre  comme  le  reste  des  hommes;  mais 
dès  qu'ils  sont  montés  sur  le  trône,  il  est  remplacé  par  le  nom  de  régne. 

3* 


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36  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUY^N. 

Nën  phù  hâu,  birc  tài  danh, 
150    Vân  chirong  net  Bât,  thông  mînh  tânh  Trài. 
Thiên  tir  tài  mao  tôt  vôî, 


<Gia  l(mg  —  Mirih  mang  —  Tfrdùc:^  sont  des  désignations  de  cette  espèce.  Du 
jour  de  son  avènement  au  trône,  le  nom  particulier  du  prince  ainsi  que 
celui  de  sa  mère  deviennent  comme  sacrés;  il  est  désormais  interdit  de  les 
porter  et  même  de  les  écrire  ou  de  les  prononcer  en  public.  On  tourne 
alors  la  difficulté  en  employant  un  caractère  synonyme,  dont  la  prononcia- 
tion, si  faire  se  peut,  ne  s'éloigne  pas  trop  de  celle  du  monosyllabe  mis  à 
rinterdit.  S'il  n'existe  pas  de  caractère  synonyme,  on  se  contente  de  modi- 
fier celui  qu'il  est  défendu  d'employer  en  lui  enlevant  quelques  traits  et 
en  altérant  la  prononciation  primitive. 

Si,  dans  une  réunion  publique,  un  théâtre  par  exemple,  des  dignitaires 
connus  sont  présents,  le  président  ou  le  directeur  doit  faire  connaître  aux 
acteurs  les  noms  particuliers  de  ces  personnages;  et  si  ces  noms  se  trouvent 
dans  le  discours  ou  dans  la  pièce,  on  doit  leur  donner  une  autre  pronon- 
ciation en  signe  de  respect. 

Le  nom  particulier  a«.une  signification  voulue,  et  la  superstition  y  a 
attiiché  une  importance  considérable.  On  a  attribué  une  influence  tutélaire 
aux  noms  les  plus  abjects,  un  effet  dangereux  à  ceux  qui  sont  gracieux  ou 
agréables.  Ces  derniers  sont  réputés  susceptibles  d'attirer  les  esprits  mal- 
faisants, qui  viendraient  alors  ravir  les  jeunes  enfants  qui  les  portent.  Dans 
l'intention  de  les  défendre  contre  ces  mauvais  génies,  on  leur  donne  des 
noms  pour  le  moins  ridicules  quand  ils  ne  sont  pas  incongrus.  C'est  ainsi 
que  l'on  rencontre  de  jeunes  garçons  ou  des  jeunes  filles  affublés  de  noms 
tels  que  ^Trâu,  buffle  —  Chô,  chien  —  Bt^  prostituée»  et  bien  pis  encore. 
Vers  l'âge  adulte  on  les  abandonne  et  on  les  remplace  par  d'autres  plus 
convenables,  le  plus  souvent  de  la  manière  suivante  :  I^  père  choisit  dans 
un  texte  quelconque  une  phrase  à  son  gré.  A  son  premier -né  il  donne  le 
premier  mot,  au  deuxième  le  second,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  épuisement 
de  la  phrase;  après  quoi  l'on  passe  à  une  autre,  si  besoin  est.  (Voy.  M. 
pu»  Truong  Vmh  KJ",  Leçon  supplémentaire  au  cours  de  caractères  chinois.) 

Le  personnage  dont  il  s'agit  ici  s'appelle  Kim  de  son  nom  de  famille  et 
Trotiff  de  son  nom  particulier.  Nulle  part  dans  le  poème  on  ne  lui  voit  de 
nom  intercalaire.  Nous  avons  vu  que  ce  dernier  n'existe  pas  forcément;  et, 
de  plus,  comme  je  l'ai  dit  ailleurs,  les  personnages,  comme  le  sujet,  sont 
ici  évidemment  chinois.  (Voy.  pour  les  noms  chez  les  Chinois,  ma  traduction 
du  Tarn  ttr  kinh,  p.  253  et  suivantes.) 

€Trâm  anh*  est  une  expression  qui,  comme  «^a«  Uiân»  désigne  les  let- 
trés et  les  dignitaires  (^  ^  ^  ^  ft  'ê  >^  ^  ^'^'^"*  "'*'^  ^^ 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  37 

Appuyé  sur  une  famille  dont  l'opulence  datait  de  loin,  s'élevant  par 
le  renom  de  son  talent  *. 

n  traçait  avec  son  pinceau  des  compositions  remarquables,  produits  i50 
du  brillant  esprit  dont  Tavait  doué  la  nature  2. 

Le  Ciel,  en  lui  donnant  le  talent  et  la  beauté,  Tavait  élevé  au-dessus 
du  vulgaire. 

thân  H  hoan  chi  xtmg.  —  ijb  S^  Au  hoc,  vol.  2,  p.  1,  verso).  Le  sens  de 
chacun  des  mots  qui  la  compose  en  justifie  clairement  remploi.  En  effet 
le  trém  n'est  autre  que  la  grosse  épingle  de  t«te  appelée  plus  communé- 
ment kè  r^  "âf  ^  -{fe  trâm  thû  kê  da),  sorte  de  broche  qui  se  pla- 
çait en  travers  derrière  la  tête,  où  elle  servait  à  relier  et  à  maintenir  la 
coiffure.  On  la  voit  très  nettement  représentée  dans  les  portraits  des  deux 
pfafloBophes  Confucius  et  Mencins  qui  font  partie  de  la  curieuse  iconogra- 
phie des  Chinois  célèbres  possédée  par  la  Bibliothèque  nationale.  Dans  la 
même  collection  se  trouve  la  représentation  d'un  certain  nombre  de  cos- 
tumes de  cérémonie  dans  lesquels  le  «  AnJi  »,  sorte  de  mentonnière  destinée 
à  assujettir  le  bonnet  (j^  ^S  ^^  jh.  anh  qtian  aàch  dS),  se  distingue 
aus^  fort  bien.  Quant  au  «  tàn  thân  >,  c'était,  comme  son  nom  l'indique,  une 
large  ceinture  de  couleur  rouge  clair  dont  les  extrémités  étaient  élégam- 
ment ornées. 

Ces  deux  parties  du  costume  étant  portées  exclusivement  par  les  per- 
sonnages qui  appartenaient  aux  classes  dont  j'ai  parlé  ci-dessus,  il  est  na- 
turel qu'on  les  ait  adoptées  pour  désig^iier  ces  derniers  dans  le  langage 
élégant. 

1.  Litt.  :  *  (Ayant  des)  fondements  —  opulents,  —  des  degrés  —  habiles  — 
et  renommés,^   • 

L'opulence  de  la  famille  de  Kim  Trmtg  est  assimilée  par  le  poète  aux 
fondements  d'un  édifice,  et  le  talent  de  ce  jeune  homme  à  des  degrés  qui, 
établis  sur  ces  fondements,  lui  permettent  de  s'élever  vers  les  honneurs. 
D'un  côté,  les  fondements  sont  riches;  de  l'autre,  les  degrés  sont  habiles 
et  célèbres;  ou,  pour  parler  français,  la  famille  est  opulente  et  le  talent  de 
son  jeune  membre  déjà  renommé.  Cette  métaphore  est  cherchée,  mais  elle 
ne  manque  pas  de  justesse.  Malheureusement,  le  génie  de  notre  langue  ne 
la  supporterait  pas,  et  j'ai  dû  chercher  à  la  rendre  par  des  équivaleutn, 
en  me  rapprochant  le  plus  possible  de  la  pensée  qu'elle  exprime.   «  Danh 

—  réputation*  devient  adjectif  par  position,  comme  ^tài  —  talent»  l'est  ici 
lui-même.  Son  rôle  principal  dans  le  vers  est  de  faire  le  pendant  du  mot 
•  hâu  —  abondant*^  qui  lui  correspond  à  la  fin  du  premier  hémistiche,  et 
fait  partie  de  l'expression  adjective  *phû  Mu  —  opulent»  qui  qualitie  *nên>. 

2.  Litt.  :  «  (Quant  aux)  compositions  littéraire»,  —  les  traits  (de  son  pinceau) 

—  (étaient)  de  la  Terre;  —  (quant  à)  V esprit  brillant,  —  sa  nature  —  (était) 
du  Ciel* 

Le  mot  *Bdt  —  Terre*  a  ici  pour  unique  rôle  d'établir  un  parallélisme 


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38  KIM  VAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Vào  trong,  phong  nhâ  ;  ra  ngoài,  hào  hoa. 
Dông  quanh  vân  dât  nirô-c  nhà  ; 
Vôi  Vuang  quan  tnrô'C  vân  là  dông  thân. 
155    Vân  nghe  thom  nyc  hircmg  lân, 


complet  entre  les  deux  hémistiches.  Il  ne  signifie  rien  par  lui-même;  et  s'il 
imprime  au  mot  «n^i  —  traits  de  pinceau*  une  idée  de  perfection,  c'est,  s'il 
m'est  permis  de  m'exprimer  ainsi,  jpar  ricochet,  sous  l'influence  du  mot  «TVcr» 

—  CieU,  dont  il  fait  la  contre-partie.  L'auteur  ne  l'a  choisi  qu'en  raison  de 
la  grande  habitude  où  l'on  est,  tant  dans  la  littérature  que  dans  la  langue 
vulgaire  cochinchinoise,  d'associer  ensemble  ces  deux  mots. 

L'Annamite,  dans  ses  serments,  dans  ses  plaintes,  dans  les  circonstances 
critiques  ou  solennelles  de  sa  vie,  prend  constamment  à  témoin  le  Ciel  et 
la  Terre;  si  bien  que  lorsque  le  premier  est  énoncé,  l'on  peut  s'attendre 
presque  à  coup  sûr  à  voir  apparaître  aussitôt  la  seconde. 

Cette  habitude  d'associer  ensemble  les  mots  «TVcrt»  et  ^Bé£t*  a  sans 
doute  son  origine  dans  le  système  do  la  cosmogonie  chinoise,  qui  admet 
trois  puissances,  le  Cidf  la  Terre,  et  CHovime,  ^^  '^  ^f  \'J^  ilfe  ^ 
Tarn  Tài  yià,  Thiiii,  Bia,  Nhoni ».  Etant  donnée  cette  manière  de  voir,  il  est 
assez  naturel  que  VHomme^  en  tant  que  la  plus  inférieure  et  la  plus  faible 
de  ces  trois  puissances,  invoque  les  deux  autres  ou  les  appelle  à  son  se- 
cours dans  les  circonstances  graves  de  son  existence. 

Le  mot  «TVot»  désigne  d'ailleurs,  comme  le  fait  le  mot  «C/c/»  dans  nos 
langues  européennes,  à  la  fois  la  voûte  du  firmament  et  la  providence  créa- 
trice et  conservatrice  de  toutes  choses  qui  vçille  sur  tous  nos  besoins,  con- 
naît toutes  nos  actions  et  toutes  nos  pensées.  Sans  indiquer  une  personnalité 
bien  définie,  c'est  le  vocable  le  plus  fréquemment  employé  pour  exprimer 
ridée  de  Dieu.  On  le  rencontre  aussi  très  souvent  avec  l'acception  géné- 
rale et  vague  que  nous  donnons  au  mot  ^nature*.  C'est  celle  qu'il  con- 
vient de  lui  assigner  de  préférence  dans  les  locutions  du  genre  de  celle 
qui  termine  le  vers  150. 

1.  Litt.  :  *  (lorsqu'il)  entrait  —  au  dedans,  —  (il  était)  —  élégant;  — 
(lorsquifj  sortait  —  au  dehors,  —  (il  était)  —  d'aune  suprême  distinction.* 

2.  IJtt.  :  «  (Comme)  aux  alentours  —  il  parcourait  en  tous  sens  —  la  terre 

—  du  royaume, 

avec  —  «  Vitang  quan  —  (dhs)  auparavant  —  se  fréquentant,  —  ils  étaient 
(devenus)  —  ensemble  —  intimes.* 

3.  Litt.  :  «  En  passant  —  il  avait  senti  —  un  parfum  —  qui  embaumait  — 
le  voisinage.* 


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K»IM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  39 

D  avait;  dans  tontes  ses  démarches  une  rare  élégance;  une  distinc- 
tion suprême  K 

Comme  il  vivait  constamment  dans  le  voisinage  ^, 

il  avait  beaucoup  fréquenté  Vuang  quan  et  noué  avec  lui  une  amitié 
intime  \ 

En  passant  il  avait  appris  par  les  propos  du  voisinage  ^  155 


Le  mot  «  JêA  vân»  a  proprement  le  sens  de  *  couper  en  travers:^,  et,  par 
dérivation,  chacnn  de  ceux  que  je  lui  attribue  dans  ces  trois  derniers  vers. 
En  effet  :  1**  Une  personne  qui  traverse  une  contrée  dans  toutes  les  directions 
peut  (en  usant,  bien  entendu,  de  la  liberté  extrême  de  comparaison  qui 
caractérise  les  poètes  de  la  Cochinchine),  être  assimilée  à  un  instrument 
tranchant,  qui,  promené  sur  une  surface  quelconque,  la  diviserait  dans  tous 
les  sens.  2*  L'idée  de  ce  parcours  répété,  effectué  en  compagnie  d'une 
autre  personne,  éveille  facilement  en  nous  celle  de  la  fréquentation  mutuelle 
de  deux  amis  qui  ont  accoutumé  de  se  livrer  ensemble  à  des  promenades, 
à  des  excursions,  à  des  parties  de  chasse  ou  de  plaisir,  etc.  3**  Enfin,  en 
restreignant  la  métaphore  exprimée  au  vers  153  (par  Tassociation  de  ce  mot 
coJn»  à  Texpression  ^dôiig  quanh*  qui  Vy  précède),  on  peut  la  réduire  à 
ridée  d'un  simple  passage,  ayant  lieu  une  seule  fois.  Au  vers  153,  l'instru- 
ment tranchant  se  promène  sur  la  surface  ^dong  quanh  —  atix  alentour»», 
c'est-à-dire  dans  toutes  les  directions;  autrement  dit,  Kim  Trong  va  et  vient 
dans  tous  les  sens.  Au  vers  165,  c'est  pendant  une  de  ces  sections  do  l'ins- 
trument, c'est-à-dire  un  jour  ou  il  passe  par  là,  qu'il  entend  parler  de  Tui/ 
Kieu  et  de  r»îy  Vân, 

J'avoue  du  reste  que  la  beauté  de  cette  triple  répétition  du  mot  ^|j 
m*échappe  absolument  Si  je  n'avais  sous  les  yeux  deux  éditions  différentes 
du  texte  en  chtr  nôni  de  ce  poème,  et  si,  dans  ces  deux  éditions  qui  pré- 
sentent de  notables  divergences,  non  seulement  dans  remploi  des  caractères 
idéographiques  adoptés^  mais  encore  dans  la  rédaction  elle-même,  ce  même 
caractère  chinois  ^êA  n'était  pas  identiquement  reproduit,  je  croirais  volon- 
tiers à  une  erreur  de  typographie.  11  faut  bien  le  dire,  ces  poèmes  anna- 
mites, d'ailleurs  si  originaux,  présentent  parfois,  à  côté  de  grandes  beautés, 
des  puérilités  singulières.  Ce  fait  concorde  du  reste  parfaitement  avec  le 
caractère  du  peuple  cochinchinois  qui,  très  civilisé  sous  tant  do  rapports, 
est  resté,  sons  quelques-uns,  pour  ainsi  dire  dans  une  véritable  enfance. 

De  même  que  son  correspondant  chinois  <  ^  van» y  le  mot  annamite 
*ngke»  signifie  non  seulement  < entendre»,  mais  encore  <t percevoir  une  odeur». 
La  même  analogie  se  rencontre  aussi  entre  le  chinois  «^.  kien»  et  l'an- 
namite •  ihâky»^  qui  ont  à  la  fois  le  sens  spécial  de  «t^oir»,  et  la  signifi- 
cation générale  de  apercevoir  par  le  moyen  des  sens».  Bien  plus,  pour  «cw- 


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40  KiM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÇN. 

Mot  nên  ^ng  tu&c  toâ  xuân  haï  kîëu. 
Nirdc  non  câch  mây  buông  thêu  ; 
Nhfrng  là  trôm  dâu,  thâm  yêu  choc  m5ng. 
May  thay  giâî  câu  tirang  phùng! 
160    Gàp  tuân  de  là,  thôa  long  tlm  hoa. 
B6ng  hông  liée  thay  néo  xa. 


teTMÎre»,  on  dit  en  chinois  «SE  ^^  ^^*«^  A-t^n»  et  en  annamite  *nghe  ihây  * 
deux  expressions  absolument  identiques. 

1.  Lîtt.  :  *CQue  sur)  une  fondation  —  de  ^6ng  tiare  —  on  détenait  —  le 
printemps  —  de  deux  —  Kiêu.* 

Après  avoir  été  promu  à  la  haute  dignité  de  ^  vwmg  par  Tempereur 
:^  Jftt  ^  Hi^u  Bien  dS,  que  son  fils  ^  ^  Tào  Phi  devait  plus  tard 

renverser  pour  fonder,  sous  le  nom  de  M  jjS^  Minh  de,  la  dynastie  des 
fi|  Nguy  (227  de  J.-Ch.  —  Epoque  des  Trois  royaumes),  "ffi  jjA  Tào  Théo 
s'était  emparé  du  territoire  ^^  (f)  J^  TrungNguyên,  Il  livrait  de  terribles 
combate  à  !M  ^A  Luru  Bi,  fondateur  des  ^  Hàn  postérieurs,  et  à  ]^ 
i^   Ton  Quyen,   qui,  après   s'être  fait  élire  empereur  dans    la  ville  de 

Bfi  ^  )fîF  ^^  '^^^'"'  P^^i  devait  donner  son  nom  à  la  dynastie  des  .ffi. 
Ngô,  Il  est  dit  dans  le  roman  historique  ^  H  ^^  Tam  qu^  cki  qu'il  fit 
bâtir  un  palais  et  le  nomma  «^S  ^^  ^^  Dong  twàc  dài  —  la  tour  de  V oiseau 
de  cuivre  >.  Il  projetait  d'y  retenir  captives  la  femme  de  Ton  Quyên  et  celle 
de  S9  5Em  Châu  Du,  allié  de  ce  dernier.  Il  avait  même  fait  vœu  de  se 
démettre  de  son  commandement  et  de  s'y  renfermer  avec  elles,  s'il  gagnait 
la  bataille  qu'il  allait  livrer  à  leurs  époux.  —  La  demeure  du  vién  ngoai 
Vwmg  est  poétiquement  assimilée  à  cette  tour,  comme  ses  deux  filles  le 
sont  aux  deux  héroïnes  du  roman  chinois. 

Le  mot  «  ^S  ^'^'»  —  printemps  »  présente  en  chinob  et  en  annamite 
plusieurs  acceptions  métaphoriques.  Celle  qu'on  doit  lui  attribuer  ici  se 
retrouve  dans  nos  langues  européennes. 

2.  Litt.  :  «  Des  eaux  —  (et)  des  montagnes  —  séparaient  (de  lui)  —  les  — 
chambres  —  de  broder  (les  chambres  ou  elles  brodaient).» 

Comme  chez  les  jeunes  personnes  demeurant  dans  l'intérieur  du  gynécée 
les  ouvrages  de  broderie  forment  une  des  occupations  principales  de  la 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  41 

qn'enfennées  dans  an  palais  semblable  à  celai  de  BSng  twàc,  deux 

channantes  jeunes  filles  voyaient  s'écouler  leur  printemps  '. 
Vivant  bien  loin  de  leur  retraite  \ 

il  brûlait  d'amour  et  vivait  dans  l'attente  -^ 

Mais  voUà  que  le  hasard  les  réunissait^  ô  bonheur^! 

Au  moment  où  tout  semblait  perdu •'^,  il  voyait  ses  désirs  satisfaits!  160 

n  contemplait  de  loin  cette  charmante  apparition  ^ 


journée,  ron  dit  poétiquement  «  buSng  thèu  —  une  change  ou  Von  brode  »  pour 
désigner  le  lieu  où  une  jeune  femme  vit  à  Tabri  des  regards  du  public. 

3.  Litt.  :  «  (Ce  qu'il  foUaUJ  —  seulement  —  c  était  (T  —  en  furtivement  — 
chériêMont  —  et  en  secret  —  aimant  —  attendre.  > 

4.  Litt  :  *0  bonheur!  —  par  (cette)  renconti'e  agréable  et  inopinée  —  en- 
semble —  ils  étaient  réunis  !t^ 

Les  quatre  mots  de  ce  dernier  vers  sont  chinois  et  forment  une  expres- 
fflon  courante  qui  signifie  *se  rencontrer  d'aune  manière  agréable  et  inattendue*. 
Chacun  des  mots  <iW  giai»  et  «^§  câu»  renferme  du  reste  en  lui-même 
ce  sens  complet. 

5.  litt.  :  €  Sencontrant  —  la  semaine  (V époque)  —  de  répandre  (laisser 
tomber)  —  les  feuilles^  —  il  était  satisfait  —  (quant  à-  son)  désir  —  de  cher- 
cher —  les  fleurs.  » 

Il  y  a  ici  une  sorte  de  jeu  de  mots  poétique.  Pour  le  saisir,  il  faut  con- 
naître une  particularité  de  la  végétation  de  Tarbre  que  les  Annamites  ap- 
pellent Mai.  (Voy.  sur  ce  végétal  ma  traduction  du  poème  Lxic  Vân  Tien, 
p.  36,  en  note.) 

Vers  la  fin  de  Tannée,  les  feuilles  du  Mai  se  mettent  à  tomber,  et  c'est 
lorsqu'il  les  a  entièrement  perdues  que  s'effectue  la  floraison.  Or,  comme 
les  feuilles  de  l'arbre  précieux,  les  espérances  de  Kim  trong  avaient  disparu 
jusqu'à  la  dernière;  et  précisément  en  ce  moment  là,  de  même  que  l'odo- 
rante parure  se  montre  à  nouveau  sur  le  Mai  dépouillé,  de  même  les  deux 
^KUu»,  objet  des  recherches  du  jeune  lettré,  se  montraient  inopinément  à 
ses  yeux  ravis.  Le  poète  joue  sur  le  double  sens  du  mot  «  hoa  »  qui  signifie 
à  la  fois  ^des  fleurs  (ici  celles  du  Mai)*  et  «Za  galanterie*.  Seulement  c« 
dernier  mot  ne  doit  point  être  pris  ici  dans  l'acception  déshonnête  qu'il 
présente  fort  souvent. 

6.  Litt.  :  *L*omhre  rose,* 


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42  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Xuân  hiroTig,  thu  cùc,  mân  ma  cà  hai! 

Ngirôi  quôc  sâc,  kè  thîên  tàî  ; 

Tinh  trong  nhir  dâ,  mât  ngoàî  c5n  e! 
166    Râp  rinh  can  tinh  cou  me; 

Rôn  ngôi  châng  tien,  dut  vë  chîn  khôn  ! 

B6ng  ta  nhu*  giuc  can  buôn. 

Khâch  dà  lên  ngira,  iigirôi  con  ghé  theo  ! 

Dirôî  câu  dâi  nirô-c  trong  veo  ; 
170    Ben  câu  ta  lieu  bong  chiëu  tha  la. 

Kiêu  tir  trô*  g6t  tniô-ng  hoa, 

Màt  trôi  lân  nui,  cliiêng  dà  thu  không. 

Gu-ang  Nga  vâng  vâng  dây  song. 

1.  Les  Annamites  comprennent  sous  le  nom  de  €Cûc^  plusieurs  espèces 
différentes.  Loi-sque  ce  mot  est  employé  seul,  il  désigne  la  Camomille  (An- 
thémis nobUis),  plante  de  la  famille  des  Composées,  tribu  des  Sénécîonidées. 

2.  Litt.  :  «  . .  .  .  att  talent  céleste,  ^ 

3.  Litt.  :  €(Qiuinl  à)  V affection,  —  au  dedans,  —  (elle  était)  comme  — 
existant  d/jà;  —  (quant  au)  visage,  —  au  deliors,  —  encore  —  ils  craignaient!» 

IjSl  particule  du  passé  «<fff»  assume  dans  ce  vers  à  elle  seule  un  sens 
verbal  complet  et  elle  y  joue  un  rôle  très  analogue  à  celui  que  remplit  dans 
le  chinois  de  style  écrit  la  particule  finale  affirmative  «-A.  dà».  Ce  sens 
verbal  est  déterminé  par  le  parallélisme  des  deux  hémistiches,  qui,  d'ail- 
leurs, est  parfait  ici.  On  voit  en  effet  que  «da»  occupe  à  la  fin  du  premier 
la  même  place  numérique  que  le  verbe  «c»  à  la  fin  du  second. 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  43 

Parfum  »  de  printemps,  Cûc  d'automne^  Tune  et  Fautre  étaient  gra- 
cieuses. 

La  jeune  fille  à  la  beauté  royale,  le  (jeune  homme)  au  talent  sur- 
humain ^ 

en  leur  cœur  s'agréaient  déjà  ;  mais  leurs  visages  n'osaient  encore  le 
laisser  voir!  ^ 

Palpitante,  tour  à  tour,  (Kieu)  revenait  à  elle  et  retombait  sous  le  165 
charme  *. 

Demeurer  plus  longtemps  était  malaisé;  mais  rompre  l'entretien  et 
partir,  c'était  chose  bien  difficile  ! 

L'ombre  du  soir,  en  s'allongeant,  vint  ajouter  à  son  souci. 

L'étranger  était  remonté  à  cheval;  pour  elle,  furtivement  elle  le 

regardait  encore  ! 
Sous  le  pont  courait  un  limpide  cristal, 

et  tout  auprès,  dans  l'ombre  du  soir,  le  saule  étendait  nonchalam-  no 
ment  ses  branches. 


Depuis  que  Ki^  dans  sa  demeure  était  rentrée  ^, 

le  soleil  était  descendu  derrière  les  montagnes,  et  déjà  le  gong  an- 
nonçait la  première  veille  ®. 
(^Le  visage  de)  Guctng  Nga'^  tristement  remplissait  la  fenêtre. 

4.  Litt  :  «  Palpitante,  —  par  accès  —  elle  revenait  à  elle,  —  par  accès  — 
eUe  était  troublée.» 

5.  Litt.  :  «  Depuis  que  Kiêu  —  avait  tourné  —  ses  talons  —  quant  h  (vers) 
—  les  tentures  —  fleuries  (brodées  de  fleurs),  » 

6.  L'expression  ^thu  không*  signifie  «aw  cr^fmscule»,  ^Thu»  veut  dire 
•fermer»^  et  ^không»^  ^Vespace*.  Lorsque  robscurité  vient,  il  semble  que 
l'espace  se  ferme  devant  nos  yeux.  Cette  expression  adverbiale,  précédée 
de  la  particule  du  passé,  est  transformée  par  cette  dernière  en  un  véritable 
verbe.  La  traduction  littérale  de  ce  vers  doit  donc  être  :  «  Le  soleil  —  plon- 
geait —  dans  les  montagnes;  —  le  gong  —  avait  fait  crépuscule  du  soir.  » 

Il  y  a  là  un  exemple  des  plus  frappants  de  la  force  que  possède  la  règle 
de  position  dans  la  langue  annamite,  non  moins  que  dans  la  langue  chinoise. 

7.  La  lune.  —  Voyez  la  note  du  vers  15. 


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44  KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

Vàng  gieo  ngân  nirô-c,  cây  lôiig  bong  sân. 
175    Hâi  dirÔTîg  râ  ngoii  dông  lân, 

Giot  sirang  gieo  nâng,  nhânh  xuân  là  dà! 

Bâm  dâm  làng  nhâm  bông  hoa, 

Bon  dirô-ng  gân  véi  nèo  xa  bô-i  bW. 

«NgirW  ma  dên  thê,  thl  thôi  ! 
180    «BW  phiën  hoa  cûng  là  dW  bô  di! 

«NgirM  dâu  gâp  g&  làm  chi? 

«Tràra  nàm  biêt  c6  duyên  gi  hay  không?» 

Ngôiî  ngang  tràm  moi  bên  long, 

Nên  câu  tuyet  dieu  ngu  trong  tânh  tinh. 

1.  Litt.  :  *.(L*arhre)  Jlâi  dvhing  —  écartait  —  sa  cinie  —  (à)  Voriental  — 
voiêinage.  » 

Le  fféU  âurimg  est  une  espèce  de  pommier  sauvage  cultivé  en  Chine  tant 
pour  la  beauté  de  ses  fleurs  que  pour  son  fruit  dont  on  fait  une  conserve 
recherchée  en  le  plongeant  tout  frais  dans  un  bain  de  sucre  fondu. 

2.  Les  ombres  que  projetaient  les  fleurs  frappées  obliquement  par  les 
rayons  de  la  lune. 

3.  Litt.  :  <Etle  recherdiait  avidement  —  le  chemin  —  rapproché  —  (efj  le 
sentier  —  éloigné  —  sans  fin.  » 

4.  Il  y  a  dans  ce  vers  un  double  sens.  L'auteur  y  joue  sur  le  mot  ^Phiên 
hoa*  qui,  selon  qu'il  répond  à  tel  ou  tel  CAractère,  présente  deux  sens  dia- 
métralement opposés.  Écrit  ainsi  :  «  ^  ^t  »  il  signifie  «  des  ennuis,  des 
désagréments  >.  (Voyez  Taberd,  Dictionnarium  anamitico  -  latinum,)  Si ,  au 
contraire,  on  le  représente  par  ces  caractères  :  «S  JBË  »  il  se  traduit 
par  €  montre  d'' élégance,  divertissements  de  toutes  sortes».  J'ai  adopté  le  pre- 
mier de  ces  deux  sens  dans  ma  traduction,  parce  qu'il  est  plus  en  har- 
monie avec  le  contexte,  et  que  les  deux  éditions  différentes  que  je  possède 
portant  les  caractères  «  ^  ^  »,  il  est  à  présumel*  qu'il  n'y  a  point  eu 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYIÊN.  45 

La  rosée  tombait  en  gonttes  d'or;  Fombre  des  arbres  dans  la  cour  se 

montrait. 
La  cime  du  Hai  dvibng  ^,  du  côté  de  Forient,  s'étalait  dans  le  voisi-  176 

nage. 
Lourdes  tombaient  les  gouttes  d'eau  ;  nonchalants;  les  rameaux  se 

penchaient! 
(ISJeu)  sérieuse  et  triste,  regardait  en  silence  les  ombres  des  fleurs^, 

et  sans  cesse  elle  repassait  dans  son  esprit  les  moindres  détails  (de 

Fentrevue)  \ 
«D  a  passé»,  dit-elle,  «et  voilà  tout! 

«Pleine  d'ennuis  comme  les  autres,  cette  existence,  elle  aussi,  pas-  180 

>8era*! 
«  Que  m'importait,  à  moi,  cette  rencontre  ? 

«  Sais-je  si,  dans  tout  le  cours  de  notre  vie,  quelque  lieu  nous  unira  '^î* 

Le  cœur  agité  par  mille  sentiments  divers^, 

elle  composa  sur  l'état  de  son  âme  des  vers  d'une  beauté  parfaite  '. 

ici  d'enrenr  dans  rimpression.  Mais,  d'un  autre  côté,  Fauteur  a  certaine- 
ment dû  faire  allusion  au  sens  donné  par  le  second  groupe  de  signes.  En 
effet,  1^  TSty  kieu  a  été  présentée  par  lui  comme  une  jeune  fille  menant  une 
vie  élégante  et  artistique;  2**  les  poètes  de  la  Cochinchine  reproduisent 
assez  souvent  sous  forme  de  vers  en  langue  vulgaire  annamite  les  adages 
de  la  langue  écrite  chinoise  qu'ils  trouvent  appropriés  à  leur  sujet.  Or  c'est 
le  cas  ici;  car  on  dît  en  chinois  sous  forme  de  maxime  :  «^  |BÈ  "jH^ 
JR  ÉB  jR  Jg^  ^X  Phiên  hoa  tke  giâx  chuyèn  nJian  thành  công.  —  Les 
foonUéê  du  monde  en  im  din  d'asU  sont  anéanties.»  £n  entendant  ainsi  les 
mots  *ph''ên  hoa*,  Tidée  exprimée  dans  le  vers  180  devient  singulière- 
ment analogue  à  celle  que  renferme  Fadage  chinois.  Le  vers  devrait  alors 
être  traduit  ainsi  :  ^  Cette  existence  dissipée,  comme  les  autres,  elie  aiissi,  pas- 
»sera!* 

5.  Voyez  sur  le  sens  du  mot  ^Buyên»,  la  note  du  vers  74. 

6.  Litt.   :  *  Empêtrée  —  (quant  àj  cent  bouts  (de  fil)  —  dans  la  région  de 
—  (sonj  eoBur,» 

7.  Litt.  :  «  Créant  —  des  lignes  de  vers  —   supérieures  à  toutes  autres,  — 
elle  empruntait  —  dans  —  (sesj  dispositions.  »   «  Nên  »  est  ici  au  causatif. 


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46  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

185    Chinh  chînh  bông  nguyêt  x^  mành  ; 
Dya  loan  bên  trîên  mot  minh  thiu  thiu. 
Thoât  dâu  thây  mot  tiêu  kiëu 
Cô  cMu  phong  vân,  c6  chiu  thanh  tân. 
Sircmg  in  mât,  tuyêt  pha  thân. 

190    Trên  vàng  lùng  d\hig  nhir  gân  nhir  xa. 
Chào  mihig  ;  don  hôi  dô  la  : 
«Nguôn  3ào  lac  loi  dâu  ma  dên  dây?» 
Thira  rang  :  «Thinh  khi  xira  nay  ! 
«Mô-i  cîmg  nhau  lue  ban  ngày;  dâ  quen? 


1.  Lîtt.  :  *  Une  jeune  Kiêu,T> 

2.  Litt.  :  ^Elle  avait  —  des  manihres  d'être  élégantes,  —  elle  avait  —  des 
manières  d'être  —  décentes.  » 

3.  Litt.  :  «La  rosée  —  était  semblable  à  —  son  visage;  —  la  neige  —  était 
mélangée  —  (quant  à)  son  corps.» 

4.  Litt.  :  <Au  dessus  de  —  Vor  (des  Imlustres)  —  elle  était  ari'êtée  par  le 
calme  —  comme  —  près  —  (ou)  comme  —  loin,* 

5.  Litt.  :  *(Vous  qui)  de  votre  nature  —  (t'tesj  S-ào,  —  égarée  -  quant  au 
sentier,  —  où  (est  la  raison  pour  laquelle)  —  vous  êtes  venue  —  icify> 

«  Bab*,  dans  la  langue  des  Chinois,  signifie  *  pêcher».  Cet  arbre  est  con- 
,  sidéré  par  eux  comme  supérieur  à  tous  les  autres  (Jj^}^  3t  TK  >2I  >BI 
•A  ^ào  ngu  môc  chi  tinh  da).  Les  Annamites  donnent  en  poésie  à  ée  mot 
une  signification  générale  et  assez  vague,  désignant  par  là  tonte  espèce 
d'arbuste  remarquable  par  la  beauté  de  ses  fleurs.  Dans  la  langue  vulgaire, 
on  l'applique,  non  seulement  au  pêcher  (Bah  trhi),  mais  surtout  à  la  pomme 
d'acajou  (Semecarpus  Anacardia),  et  aussi  à  deux  autres  arbres  de  la  famille 
des  Myrtacées  (Jambosa  annam,  Jambosa  malaccensis),  (Voy.  le  travail  de 
M.  Karl  Schrôder,  dans  La  Cochinchine  française  en  1878,) 

Par  métaphore  on  appelle  ^ào  les  femmes  douées  d'une  beauté  hors 
ligne,  parce  qu'on  compare  leurs  charmes  aux  belles  fleurs  de  cet  arbre. 


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KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  47 

La  lune,  baissant  à  Thorizon,  envoyait  ses  rayons  dans  les  branches  186 

des  arbres. 
(Kieu)  s'endormit  accoudée  sur  la  table  de  travail. 

Tout  à  coup  elle  aperçut  une  jeune  et  belle  fille  * 

dont  la  personne  était  élégante,  dont  le  maintien  était  décent  ^, 

Son  visage  était  transparent  comme  la  rosée  ;  son  corps  semblait  fait 

de  neige  \ 
An-dessus  de  la  balustrade  dorée,  elle  semblait,  tantôt  près,  tantôt  i^ 

loin,  suspendue  au  milieu  des  airs  ^. 
(Kijèu)  la  saluant  avec  empressement,  lui  demanda  (qui  elle  était). 

<  0  beauté  charmante  !  »  lui  dit  -  elle,  <  comment  avez  -vous  pu,  éga- 

>  rée,  arriver  jusqu'en  ces  lieux  ^9  » 

«Ceux  qui  possèdent  les  mêmes  sentiments  de  tout  temps  (cher- 

>  chèrent  à  se  rapprocher)  >,  lui  répondit  (l'apparition)  «. 
«Aujourd'hui  même  nous  étions  ensemble  !  L'avez-vous  déjà  oublié? 


6.  Litt.  :  *(U apparition)  répondit  respectueusement  :  —  ^Sons  —  et  senti- 
ments* —    (depuis)  autre/ois  — jusqu'à  présent!» 

Cette  explication  strictement  littérale  est  en  elle-même  absolument  in- 
compréhensible, si  Ton  n*en  possède  la  clef,  qui  réside  dans  Tallusion  que 
renferment  les  mots  ^Thinh  khi». 

Dans  l'histoire  de  Bd  Nha  et  de  Ta  ky,  qui  fait  partie  du  recueil  chi- 
nois ^A-  "^  M  Sn  Kim  co  kp  quan  —  Faits  extraordinaires  de  V antiquité 
et  de»  temps  modernes,  et  que  j'ai  racontée  dans  une  note  de  ma  traduction 
du  Lue  Vân  T^n,  on  trouve  une  phrase  qui,  passée  depuis  à  Tétat  de  ma- 
xime, a  été  reproduite  dans  plusieurs  recueils  épistolaires,  notamment  dans 
'**  *5S|c  itt  ^ro  ^S  -^^^  ^  ^'"^  nang»,  —  Cette  phrase  est  celle-ci  : 

*^^>te>P^  ^^>t6^  ^^"^  ^*"^  ^"^  '^'  ^"^  ^^^ 
tutmg  cdu».  —  Litt,  :  «Xc*  méme«  sons  se  correspondent,  les  mêmes  sentiments 
se  therekent.  »  Elle  se  rapporte  à  la  grande  amitié  qui  naquit  entre  Bâ  nha 
et  Tûr  kj  de  la  parité  de  leur  talent  musical.  On  en  a  généralisé  le  sens, 
et  on  remploie  pour  exprimer  élégamment  la  sympathie  qui  existe  entre 
deux  personnes  distinguées  par  suite  de  la  concordance  de  leurs  goûts  lit- 
téraires. On  voit  de  suite  que  les  deux  mots  «  Thinh  khi  »  dont  nous  nous  oc- 
cupons ici  ne  sont  autre  chose  que  les  deux  caractères  saillants  de  cet  adage. 


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48  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUY^N. 

195    «Hàn  gia  ô*  mai  tây  thiên! 

«Dir^i  àbng  nirô'C  chây;  bêii  trên  c6  câu. 

«May  16ng  ha  cô  dên  nhau? 

«May  16i  ha  tir  ném  châu,  gieo  vàng? 

«  Vâng  trinh  hoi  chù  !  xem  txrbug  ! 
200    «Ma  xem  trong  sô  doan  trirô-ng!  C6  tên! 

A 

«Au  dành  quâ  kiêp  nhcm  duyên! 

«Cûng  ngirôi  mot  hoi  mot  thiiyên;  dâu  xa? 

Le  poète,  négligeant  les  autres,  les  a  placés  dans  son  vers  comme  une  sorte 
d'abréviation  destinée  à  rappeler  à  la  mémoire  la  phrase  entière. 

C'est  à  peu  près  comme  si,  pour  faire  comprendre  qu'une  personne  a 
succombé  à  uu  péril  auquel  elle  s'exposait  sans  cesse,  l'on  disait  en  fran- 
çais :  «Elle  est  cruche  casêée!*,  par  allusion  au  proverbe  bien  connu  :  *T€Ênt 
va  la  cruche  à  Veau  qu'enfin  elle  se  caste».  Ce  genre  de  citation  extra-ellip- 
tique (s'il  m'était  permis  de  risquer  une  pareille  expression)  ne  serait  pas 
toléré  dans  notre  littérature.  Il  en  est  tout  autrement  dans  le  style  élégant 
annamite,  de  même  qu'en  chinois  écrit.  Un  des  exemples  les  plus  frappants 
et  les  plus  étranges  de  ce  genre  de  citation  abréviative  dans  cette  der- 
nière langue  se  trouve  dans  un  passage  du  grand  commentaire  du  ^^ 
^^  j|^  par  ^  -YÛ  JB.  On  y  lit,  à  propos  des  devoirs  communs  à  tous 

1^  hommes  :^^^f^^^^  ^M  i^    ^   &  M  M 

"J  >2  rVi  ^^^  ^^^'  '*^  ^^HPf  ^^^  ^^JP  Ihuàn  titng,  thi  vi  hinh  VU  chi  hoa, 
—  Si  le  mari  et  la  femme  aiment  la  bonne  harmonie,  s  il»  vivent  en  paix  et 
montrent  de  la  condescendance  Vun  pour  Vautre,  Von  appelle  cela  «  Vinfluence  de 
V  exemple  y*  (littéral.  :  Vinfluence  du  hinh  vu,  par  allusion  à  un  passage  du 
^^  jjK,  où  ces  deux  mots  forment  un  sens  régulier.  Voyez  ma  traduc- 
tion du  ^  ^  jjl^,  à  la  note  sur  le  n**  31).» 

1.  Litt.  :  «^(Ma)  froide  —  démettre  —  se  trouve  à  —  le  toit  —  de  V occi- 
dental —  sentier  de  tombeau,  » 

€Hàn  gia*  est  une  expression  à  double  sens.  C'est  d'abord  une  formule 
du  langage  poli  équivalente  à  «  |Ë  >^  hàn  x<i»  ou  à  «c  SE  P^  hàn  mon  >. 
En  outre  l'adjectif  «  hàn  »  y  peut  être  admis  avec  sa  signification  propre  de 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRlTïl&N.  49 

cMa  demeure  est  au  couchant,  au  bout  du  sentier  funéraire  '  !  195 

€  Au-dessous  court  un  ruisseau  ;  au-dessus  se  trouve  un  pont. 

<  Peu  de  ccBurs  à  des  morts  témoignent  des  égards  ^  ! 

<  Peu  de  gens  jettent  sur  un  tombeau  les  perles,  l'or  de  leurs  paroles  ^  ! 

«Adresse-toi^  au  Hoi  dhû!  Examine  attentivement! 

«Mais  cherche  au  registre  des  malheureuses^;  tu  y  trouveras  un  200 

>nom! 
«Ainsi  le  veut  Timmuable  destmée! 

«Nous  sommes  de  la  même  classe,  et  nos  sorts  sont  peu  différents^! 

*  froid  9,  ce  que  Tapparitioii  appelle  «sa  demeure»  n'étant  autre  chose  que 
^ou  tom\)eau.  —  «ST*  ihiêny^  signifie  un  sentier  qui  aboutit  à  une  tombe. 

î.  Litt.  :  €  Combien  de  —  ccBur«  —  en  heu  regardent  —  vera  d^ autres  f  > 

L'wteur  emploie  ici  Texpression  chinoise  *Hà  co  —  regarder  en  boa» 
{Kuce  qu'il  s'agit  d'égards  que  l'on  a  pour  les  morts,  lesquels  sont  consi- 
^réa  comme  situés  en  bas  par  rapport  à  nous.  —  Le  mot  <Knhau^  ne  signifie 
V^idtmutitellemerU»'^  car  deux  personnes  décédées  ne  peuvent  accomplir 
l'une  en  l'honneur  de  l'autre  les  cérémonies  funéraires.  Ce  mot,  comme  son 
correspondant  chinois  «  jjB  tuxmgpy  peut  exprimer  non  seulement  une  action 
'^iproque,  mais  encore  une  action  unilatérale. 

3.  Litt  :  «  Combien  de  —  parolta  —  en  bas  —  données  —  jettent  —  les 
f^j  -  sèment  —  Vorf» 

^  parallélisme  existe  ici  entre  les  premiers  hémistiches  des  vers  197 
et  188. 

**  *  ^  i  ^^  ^^  *  comme  «  -ô*  55  hoi  ââu  »  ou  «  -ô*  "âf  hoi 
^»  signifie  proprement  ^V administrateur  d'un  cercle^  le  président  d^une  so- 
***^»;  mais  ce  terme  est  pris  ici  ironiquement;  il  désigne  l'individu  qui 
?ère  une  maison  de  prostitution. 

6.  tBoan  trvàng  nhcm*,  litt.  :  ««ne  personne  dont  les  entrailles  sont  cou- 
P^  en  morceaux»  signifie  métaphoriquement  «mwc  personne  frappée  d'un 
9^'ond  malheur».  Cette  expression  renferme  souvent  en  elle-même  une  pen- 
sée de  fatalité,  et  se  prend  alors  dans  un  sens  assez  voisin  de  «  ^Ë  ^ 
*?c  TOo»!^,,  mais  avec  une  nuance  de  déshonneur  en  plus. 

6.  Litt  :  «  Tout  aussi  bien  —  (nous  sommes)  des  personnes  —  d'une  (même)  — 
**^  -"  (d)  d^un  même  —  bateau  j  —  oh  (est  le  fait  que)  —  (nous  serions)  éloignées  f» 

4 


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50  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYïiN. 

«Nây  mirôi  bàî  moi  moi  ra  ! 

«Câu  thân  lai  muron,  but  hoa  vë  vèi!» 
205    Kiêu  vâng  lânh  f  de  bài. 

Tay  tien  mot  vë  dû  murôi  khùc  ngâm. 

Xem  tho*  thâc  thôm,  khen  thâm. 

<Giâ  dành  tù  kh£u  câm  tâm  khâc  thirông! 

«Vi  dem  vào  tàp  doan  tnrimg, 
210    «Thi  deo  dâi  nhtrt!  Chi  nhurirag  cho  ai?» 

Thëm  hoa  kh&ch  dfi  trd*  hài; 

Nàng  c5n  b  lai,  mot  hai  tu*  tinh. 

Gi6  dâu  trich  biïc  mành  mành, 

Tinh  ra,  moi  biêt  rang  mlnh  chiêm  bao. 
216    Trông  theo;  nào  thây  dâu  nào? 


1.  Litl  :  «  Dea  pkraees  (vergj  —  de  génie  —  encore  —  emprîtnUml,  —  favec 
ton)  pinceau  —  Jleuri  —  trace  (lea)!» 

2.  Litt.  :  «5a  main  —  d'immortelle  —  cTtm  seul  —  trait  (de  pinceau)  — 
suffit  à  —  dix  —  morceaux  —  à  chanter*, 

Ngâm  signifie  proprement  *  fredonner,  chanter  à  demi-voix». 

8.  Litt.  :  «  (Leur)  prix  (leur  valeur)  —  convient  à  —  (une)  brodée  —  bouche, 
—  à  un  —  cceur  —  de  câm  —  (d'une  façon)  autre  qtie  —  Vordinaire*,  —  Le 
cAm  (en  annamite  Oà^)  est  une  espèce  de  brocart  à  fleurs  que  l'on  fabrique 
en  Chine.  E  est  très  estimé  et,  surtout  en  littérature,  sert  de  point  de  com- 
paraison lorsqu'on  veut  exprimer  une  disposition  élégante  et  distinguée.  Cette 
expression  *SÈ  pf  ^â  l(^  tùkhhu  chm  tâm»,  que  le  poète  annamite  a 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn.  51 

«Yoid  dix  nouveaux  sujets! 

«Cherche  en  ton  esprit  de  beaux  vers;  prends  ton  pinceau  et  écris- 
>lesi!> 

(Eeu)  lui  obéit;  elle  reçoit  le  sujet  et  trace  le  titre.  206 

Sa  main  habile^  sans  lever  le  pinceau^  compose  un  morceau  de  dix 
strophes  ^ 

(L'autre);  avec  une  attention  profonde;  les  examine;  elle  les  loue  tout 
bas. 

«  Ils  sont  dignes  d'un  esprit  orné;  d'une  bouche  éloquente  ^  !  >  (dit-elle)  ; 

>Ce  ne  sont  point  là  des  vers  ordinaires! 
«Si  on  les  insère  au  livre  des  destinées  malheureuses; 

«on  y  verra  qu'à  vous  est  la  première  place!  Qui  pourrait  vous  la  210 
>  disputer^?» 

Déjà  la  visiteuse  a  quitté  la  vérandah  fleurie^; 

que  la  jeune  fille  est  encore  là;  s'efforçant  de  s'expliquer  (ce  qui  vient 

de  se  passer)*. 
(Mais)  le  vent  tout  à  coup  ayant  déplacé  le  treUliS; 

elle  revient  à  elle  et  comprend  qu'elle  était  le  jouet  d'un  songe. 

Ses  regards  cherchent  (le  fantôme);  mais  rien!  Elle  n'en  voit  pas  216 
trace! 


introduite  en  entier  dans  ce  vers,  est  employée  couramment  en  Chine  pour 
désirer  un  leUré  accompli  et  éloquent. 

4.  litt.  :  <Âlorê  —  «m#  porterez  —  la  ceinture  —  en  premier!  —  En  quoi 
—  le  céderieM-vouê  —  à  —  qui  (que  ce  êoitjf»  Ce  passage  renferme  un  double 
sens.  Bçm  tien,  tout  en  exaltant  la  supériorité  littéraire  de  7%  kiêu,  lui 
fait  entendre  aussi  qu'elle  est  destinée  à  subir  les  douleurs  d'une  existence 
pareille  à  celle  qu'elle  même  a  menée  jadis. 

5.  Litt.  :  «  (Souê)  la  zéraniah  —  fleurie  —  la  visiteuse  —  a  tourné  —  ses 
thaussures  (du  côté  de  r extérieur ,  pour  s^ éloigner)», 

6.  litt  :«..-..  (pour)  à  toute  force  —  débrouiller  —  Vaffaire», 

4» 


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52  KiM  vAn  kiêu  tAn  TRUY^N. 

HiroTig  thita  diràng  hây  ra  vào  dâu  dây. 

Mot  minh  lirôTig  lur  canh  chây. 

Biràng  xa  nghï  nSî  sau  nây  ma  kinh  ! 

«Hoa  trôi  bèo  giat;  dâ  dành! 
220    «Bîêt  dâu  minh  biêt  phân  minh  thê  thôi? 

«Nôi  rîêng  dâp  dâp  s6ng  dôi?» 

Nghï  d6i  ccm  lai;  sut  sùî  dôi  cou. 

Giong  Kiêu  rën  rî  tnrôiig  loan  ; 

Nhà  huyên  chat  tlnh;  hôi  :  «Can  cô*  gi? 
225    «Cô*  sao  trân  troc  canh  khuya, 

«Màu  hoa  le  hây  dam  de  giot  mu-a? 

Thura  rang  :  «Chût  phân  ngây  tha 

«Du-ô-ng  sanh  dôi  no*  tôc  ta  chu-a  dën! 


1.  Litt.  :  «^  (Quant  au)  chemin  —  éloigné  —  élU  réfléchit  tfir  —  ce»  circon- 
stances —  futures  —  et  —  elle  craint!» 

Il  y  a  encore  ici  un  double  sens.  ^Bw/ng  xa*^  c'est  le  chemin  sur  le 
bord  duquel  se  trouve  le  tombeau  de  Bam  tien,  et  où  ont  commencé  ces 
apparitions  mystérieuses  dans  lesquelles  Kieu  a  trouvé  une  demi-révélation 
de  ses  futures  infortunes;  mais  c'est  aussi  une  métaphore  qui  représente  sa 
vie  elle-même,  vie  dont  les  péripéties  redoutables  sont  encore  cachées  dans 
les  lointains  de  Tavenir. 

2.  Ces  deux  images  de  la  faiblesse  incapable  de  résistance  se  rapportent  à 
Bam  tien,  que  les  désordres  de  sa  vie  entraînèrent  dans  un  malheur  irréparable, 
comme  le  courant  d'un  fleuve  emporte  une  fleur  détachée  de  sa  tige,  ou  bien  re- 
jette sur  la  rive,  pour  s'y  dessécher  ou  s'y  corrompre,  une  lentille  d'eau  isolée. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  53 

Cependant  on  reste  de  parfum  semble  encore  flotter  çà  et  là. 

(Kleu)  reste  là  bien  avant  dans  la  noit^  seule  ^  absorbée  dans  ses 

pensées. 
Elle  pense  an  sentier  lointain^  à  ce  que  Tavenir  lui  réserve.  Son 

âme  est  frappée  de  crainte  ^  ! 
<  Cest,  à  n'en  pas  douter  >,  se  dit-elle,  <  une  fleur  entraînée  par  le  cou- 

>rant^  une  lentille  d'eau  sur  la  rive  échouée  ^î 
<Puis-je  savoir  si  mon  propre  sort  ne  sera  pas  semblable  au  sien^?  220 

cHoi  aussi,  dois-je  me  voir  submergée  par  les  flots  du  malheur?  > 

A  plusieurs  reprises  elle  se  plonge  dans  ces  réflexions;  à  plusieurs 

reprises  la  tristesse  l'accable. 
Comme  Kieu  dans  sa  chambre  faisait  entendre  sa  voix  gémissante, 

sa  mère,  en  sursaut  réveillée,  lui  en  demanda  le  motif. 

«Qu'as- tu  >,  dit -elle,  «à  te  plaindre  ainsi  toute  seule  à  une  heure  225 

>aussi  tardive^? 
€  Pourquoi  ton  tendre  visage  est-il  encore  baigné  de  larmes  5?  > 

«Votre  humble  fille»,  répondit  (Kieu), 

«  n'a  rien  fait  encore  pour  reconnaître  à  votre  égard  le  double  bien- 
»fait  de  la  vie  et  de  l'éducation! 

3.  Litt.  :  «  Oit  savoir  —  (le  moyen  qtie)  —  moi-même  —  je  actche  —  (HJ  la 
condition  —  de  moi-même  —  (êera)  de  cette  quaZiU-làf  —  ((Ten  eslj  assez!* 

•Thê»  est  très  Bouvent  pris  en  poésie  pour  ^tk^éty*.  —  Les  Annamites  ter- 
minent fréquemment  leurs  phrases  par  Texclamation  ^UwH*  lorsqu'ils  veulent 
exprimer  une  résignation  forcée  en  présence  d'un  fait  préjudiciable  contre 
lequel  ils  ne  peuvent  rien.  Ce  monosyllabe  correspond  alors  assez  exacte- 
ment au  «  ^  j>^  >  du  *^  ^^  chinois,  lorsque  ce  dernier  est  employé  dans 
des  phrases  analogues. 

4.  Litt.  :  it(et  pourquoi)  la  couleur  —  de  la  fleur  —  de  poirier  —  encore 
—  est  eUe  trempée  —  de  gouttes  —  de  pluie  f» 

ô.  LÂtt.  :  « (Quant  à  mon)  peu  —  de  condition  —  d^enfant  privé 

de  raison*. 


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54  KiM  vAn  kiéu  tAn  truyên. 

«Buôi  ngày  choî  ma  Bara  tien  ; 
230    «Nhâp  di,  phùt  thây  ihig  lien  chiêm  bao! 

«Boan  tnrÔTig  là  sô  thê  nào? 

«Bài  ra  thê  ây,  vinh  vào  thê  kia! 

«Ciî*  trong  mong  triêu  ma  suy, 

«Phân  con,  thôi!  cô  ra  gi  mai  sau?» 
235    Day  rang  :  «Mông  triêu  cijr  dâu? 

cBông  không  mua  nfio  châc  sau  nghi  nao?» 

VuTig  làî  khuyên  giâî  thâp  cao  ; 

Chu-a  xong  dëu  nghï,  dâ  dam  mach  Tw&ag! 

Ngoài  song  thô  thè  anh  vàng  ; 
240    Dura  tu^ông  bông  lieu  bay  ngang  tnrac  mành. 

Hiên  ta  gâc  bông  chênh  chênh  ; 


1.  Litt.  :  «Le  au^et  —  sort  —  dam  cette  condition-là,  —  le  chant  fia  pièce 
de  vers)  —  entrera  —  dans  Vautre  condition!*. 

Tûy  kiiu  compare  son  existence  au  travail  d'un  lettré  qui,  se  proposant 
de  traiter  en  vers  un  sujet  donné,  se  voit  entraîné  par  son  inspiration  à 
le  faire  d'une  tonte  autre  manière  qu'il  ne  s'y  attendait.  La  jeune  fille  a 
commencé  sa  vie  au  sein  du  calme  et  du  bonheur;  mais  assiégée  qu'elle 
est  par  les  sombres  pressentiments  qu'ont  éveillé  dans  son  cœur  les  paroles 
de  Bam  tien,  elle  manifeste  la  crainte  de  la  voir  finir  tout  autrement. 

Le  poète  exprime  ici  d'une  manière  plus  noble,  mais,  en  revanche,  un 
peu  pédantesque,  l'idée  que  présente  dans  un  style  familier  notre  proverbe 
bien  connu  :  «  Tel  qui  rit  samedi,  dimanche  pleurerai* 


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Kl  M  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  55 

<«rallai^  pendant  le  joar^  me  promener  près  dn  tombeau  de  Bam 

€(et,  cette  nuit),  à  peine  avais-je  fermé  les  yeux,  que  je  Tai  vue  sou-  230 

>dain  en  songe  m'appar^tre! 
<Qni  sait  ce  que  me  réserve  ma  malheureuse  destinée? 

«Elle  commence  d'une  manière,  d'une  autre  elle  finira  '! 

«Si  je  m'en  rapporte  à  ce  rêve 2, 

«hélas!  dans  l'avenir  que  doit-il  en  être  de  moi?  » 

«Que  peuvent  prouver  des  songes? »  dit  la  mère.  ^ 

«Pourquoi  vas-tu  chercher  soudain  de  vains  sujets  de  tristesse'?» 

(KSu)  obéit  aux  représentations  maternelles; 

mais  elle  n'a  point  encore  mis  trêve  à  ses  réflexions,  que  ses  larmes 

déjà  coulent  abondanmient^! 
L'oiseau  Anh  vàng^  chuchotte  en  dehors  de  la  fenêtre, 

et  du  saule  appuyé  au  mur  les  chatons  volent  devant  la  porte.  240 

Sous  1^  rayons  obliques  (du  soleil)  l'ombre  du  toit  penché  (s'allonge)  *, 


2.  Dtt.  :  «  (SiJ  je  eontmtte  —  danê  —  (ce)  rêve  —  pour  —  réfléchir  (H  je 
prenda  ce  rêve  pour  le  point  de  départ  de»  déduction»  de  mon  esprit),  > 

3.  Litt  :  «  Tout  à  coup  —  à  vide  —  acheter  —  la  tHsteêse,  —  acheter  le 
chagrin,  —  (c'est)  quelle  idéef» 

4.  Utt  :  c  Pas  encore  —  eUe  a  terminé  complètement  la  chose  —  de  réfléchir, 
—  (qu'elle)  est  déjà  trempée  —  quant  à  la  source  —  (du  fleuve)  TuoTtg*. 

ô.  Uoiflean  dont  il  8*agit  ici  est  VOriolus  Sinensis  de  Gmel  (Oridus  Oochinchi- 
nensis  de  Brisson.  Yoy.  Les  oiseaux  de  la  Cochinchine,  par  le  D' G.  Tirant,  p.  177). 

6.  Lâtt  :*  Le  toit  —  indmê  —  appuie  par  le  bout  —  (son)  ombre  —  oUique*. 

Le  soleil  coachant  frappant  la  maison,  celle-ci  projette  une  ombre  que 
riotear  compare  à  un  corps  allongé  et  incliné  vers  la  terre,  sur  laquelle  il 
ft*a|q)aierait  par  son  extrémité. 


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56  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Nôi  riêng  rîêng  chanh  tac  riêng  mot  minh. 

Cho  hay  là  thôi  hûru  tinh  ! 

Bô  ai  dirt  moi  ta  mành  cho  xong  ? 

245    Chàng  Kim  tir  lai  tha  song, 

Nôi  nàng  cânh  cânh  bên  16ng  canh  khuya. 

Sâu  dong  càng  khâc  càng  dây  ; 

Ba  thu  don  lai  mot  ngày  dài  ghê  ! 

May  Tân  tôa  kfn  song  the! 
250    Bui  hông  lèo  déo  di  vê  chiêm  bao. 

Tuân  trâng  khuyêt,  dïa  dâu  hao  ; 

Mât  ma  tirô-ng  mât,  long  ngao  ngân  16ng  ! 

1.  Litt.  :  «  Quant  aux  choses  la  concernant  —  particulièree,  —  en  pariiciUier 

—  elle  est  émue  —  dans  son  cœur  —  particuUer  —  toute  seule  ».  Le  sens  exact 
de  «n^'»  ne  peut  se  rendre  en  français  que  par  une  périphrase.  Cette  triple 
répétition  du  mot  €riêng>,  comme  plus  haut  celle  du  mot  «v4n»,  me  semble 
quelque  peu  puérile. 

2.  Litt.  :  «t/e  parie  (en  ces  termes  :)  —  qui  —  romprait  —  le  fil  de  soie 

—  de  manière  à  —  en  finir  f» 

3.  Litt  :  ii épaisse*.  L'auteur  compare  la  tristesse  de  Kim  trong  à  un 
liquide  contenu  dans  un  récipient.  Plus  le  jeune  homme  y  plonge  la  me- 
sure et  la  retire  pleine,  et  plus  la  couche  augmente  d'épaisseur.  Cette  méta- 
phore a  peut-être  été  inspirée  à  Nguy%n  Du  par  un  passage  du  poème  fan- 
tastique «ûC  ^fc  ^p  ^^  ^S  Thach  Sanh  Ljj  Thông  iho'*^  où  Ton  voit 
le  Phh  ma  ou  gendre  du  roi  parier  avec  un  des  généraux  ennemis,  espèce 
de  Gargantua,  qu'il  ne  pourra  manger  en  un  repas  le  riz  contenu  dans  une 


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KiM  vAn  kiêd  tAn  tkuyên.  57 

et  (toujours),  en  sa  solitude,  (Kieu),  émue,  rappelle  en  son  esprit  tout 

ce  qui  lui  est  arrivé  K 
Telle  est,  on  le  sdt,  la  coutume  de  ceux  qui  aiment! 

Qui  serait  capable  de  rompre  le  fil  de  soie  (qui  retient  leur  cœur  cap- 
tifî?) 


Depuis  que  Etm  était  retourné  à  ses  études,  245 

le  souvenir  de  ISeu,  bien  avant  dans  la  nuit,  venait  assiéger  son  cœur. 
Plus  il  mesurait  sa  tristesse,  plus  elle  devenait  profonde  % 
et  rinterminable  jour  lui  semblait  long  de  trois  années^! 

Un  nuage  épais  comme  ceux  de  la  montagne  Tan  obstruait  la  vue 

de  sa  fenêtre. 
Il  ne  cessait  de  parcourir  en  rêve  les  champs  où  il  avait  rencontré  250 

(la  jeune  fille). 
Le  mois  tirait  sur  sa  fin;  l'huile  de  la  lampe  allait  s'épuisant. 

n  avait  soif  de  voir  (certain)  visage,  et  vers  (certain)  cœur  son  cœur 
s'élançait^! 

marmite  (noij  qu'il  fait  apporter  dans  la  coar  du  palais.  La  marmite  est 
enchantée.  Le  malheureux  Gargantua  voit  le  riz  monter  dans  le  récipient 
au  fur  et  à  mesure  qu'il  y  puise, 

€Bâ  lung  n^  loi  hiçn  rày  com  ra!» 
et  se  voit,  après  trois  jours  de  lutte,  contraint  de  renoncer  au  combat  d'une 
manière  fort  peu  poétique: 

€Chpc  co  mai  mi^a  dang  ba  bung  dây!^ 
4.  Litt.  :  €  (Comme)  trois  —  automnes  —   rasêembléa  —  un  (seul)  —  jour 

—  était  long,  —  Horreur  I-» 

La  position  assignée  dans  ce  vers  aux  quatre  mots  ^ha  Qm  d(fn  lai:»  en 
fait  nue  véritable  expression  adverbiale.  —  De  même,  en  raison  de  la  place 
qu'il  occupe,  et  aussi  sous  Tinfluence  de  cette  expression  adverbiale,  l'ad- 
jectif €dài>  devient  verbe  neutre. 

6.  Litt.  :  <(8on)  visage j  —  désirant  —  pensait  à  —  un  visage;  —  (son)  coeur 

—  errait  —  (autour  d'un)  cœur». 


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38  Kl  M  vAN  KIÊU  tAn  TRUYîiN. 

Phong  vân  hoi  giâ  nhur  dông! 
Tnrô'C  se  ngôn  thô,  ta  dùn  phiêm  loan. 
255    Mành  tiroTig  phât  phât  giô  dàn  ; 

Hirang  gây  mm  nhô*,  trà  khan  gîong  tinh. 
«Vf  châng  duyên  na  ba  sînh, 

1.  Litt.  :  ^Dana  aa  chambre  —  de  littérature  ^  —  d^un  souffle  —  froid  — 
ccvime  —  le  bronze.» 

2.  Litt.  :  *  (Quant  au)  bambou  —  il  montrait  —  ses  doigta  —  de  lièvre,  — 
{quant  àj  la  aoie  —  il  lâchait  —  aon  phiêm  —  de  Loan.  » 

Le  lièvre  est  un  animal  dont  la  course  est  très  rapide;  ses  pattes  sont 
longues  et  déliées.  De  là  vient  que  Fauteur,  pour  indiquer  la  finesse  des 
doigts  de  Kim  Trong  et  Tagilité  avec  laquelle  il  les  promène  sur  sa  flûte 
de  bambou  (b-wrcj,  fait  du  nom  de  cet  animal  un  adjectif  qualificatif.  Mais 
comme,  en  vertu  du  parallélisme,  cette  épithèt^  en  appelle  une  autre  du 
même  genre  à  la  place  correspondante  du  second  hémistiche,  le  phiêm  dont 
cm  va  parler  sera  qualifié  de  Loan.  Comme  je  Tai  dit  plus  haut,  le  nom  de 
cet  oiseau  fabuleux  est  admis  en  poésie  comme  caractéristique  de  tout 
ce  qui  est  beau  et  élégant.  —  Le  ^ phiêm*  est  une  espèce  de  chevalet 
destiné  à  tendre  les  cordes  du  ^n,  à  peu  près  comme  dans  notre  violon; 
mais  avec  cette  différence  que  le  chevalet  annamite  est  mobile,  et  que  le 
nmsicicn  le  déplace  sans  cesse  en  jouant  de  son  instrument 

3.  Litt.  :  <^Le  parfum  —  excitait  —  V odeur  —  du  aouvenir;  —  le  thé  — 
rendait  rauque  —  la  voix  —  de  V affection.-» 

Voilà  une  métaphore  tellement  alambiquée  qu'il  faut  faire  un  effort  d'esprit 
véritablement  considérable  poiu-  arriver  à  la  saisir.  L'auteur  assimile  le 
souvenir  à  un  parfum  dont  on  emporte  avec  soi  des  traces;  ce  qui  du  reste 
eBt  fort  poétique.  Il  exprime  dans  le  premier  hémistiche  cette  idée  que  le 
parfum  du  souvenir  de  Tùy  kiêu  était  resté  chez  Kim  trong  tellement  durable, 
que  celui  de  sa  cassolette,  au  lieu  d'être  perçu  lui-même,  ne  faisait  que  ra- 
viver l'autre.  Jusque-là,  tout  va  à  peu  près  bien,  quoique  cette  idée  soit 
déjà,  comme  on  dit  vulgairement,  singulièrement  tirée  par  les  cheveux.  Mais, 
maintenant,  pour  que  le  vers  soit  le  plus  parfait  possible  (au  point  de  vue 
du  goût  annamite),  le  poète  tient  à  trouver  un  second  hémistiche  qui  pré- 
Fonte  un  double  p:irallélisme;  celui  de  l'idée,  d'abord,  et  ensuite  celui  des 
tnots.  Et  pour  ce  faire,  de  même  qu'il  a  comparé  le  souvenir  à  un  parfum, 
de  même  il  assimile  l'amour  à  une  voix.  Comme,  dans  les  mœurs  élégantes 
de  l'Annam,  la  théière  est,  au  point  de  vue  de  l'usage  fréquent  qu'on  en 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  59 

Dans  son  cabinet  de  trayail;  soufflant  sans  entrain;  sans  chaleur  \ 

sur  sa  flûte  il  promenait  les  doigts^  et  sous  les  cordes  de  soie  il  dé- 
plaçait le  phiêm  de  sa  guitare^. 
Le  vent  agitait  le  store  de  la  fenêtre;  255 

les  parlfums  (de  sa  cassolette)  ravivaient  ses  souvenirs;  le  thé  qu'il 

bavait  excitait  sa  passion^. 
«  Si  nous  ne  sommes  point  destinés  l'un  à  l'autre  >  (dit-il); 


fait,  le  pendant  de  la  cassolette,  le  mot  €trà»  se  présentera  en  effet  tout 
naturellement  pour  être  opposé  an  mot  <hwmg*.  Mais  il  faut  trouver  un 
verbe  qni,  répondant  à  «^4^»,  forme  le  second  pied  du  second  hémistiche, 
comme  ce  dernier  mot  forme  le  second  pied  du  premier.  Il  faut,  de  plus, 
que  ce  verbe  soit  avec  «^nm^»,  qui  correspond  à  «mut»,  dans  une  connexion 
snfififiamment  acceptable.  Ce  verbe  sera  «ArAon»;  et  voici,  je  crois,  le  seul 
raisonnement  que  Ton  puisse  faire  pour  en  justifier  remploi  : 

Le  thé,  en  humectant  un  gosier  desséché,  tend  à  faire  cesser  Tenroue- 
ment  Dans  les  conditions  ordinaires,  Ztm  trong  en  éprouverait  le  bienfaisant 
effet;  mais  il  n^en  est  pas  ainsi  en  ce  qui  concerne  ^  la  voix  de  ton  amour  t^. 
Cette  «t»M5»  est  tellement  altérée  par  Tabsence  de  Tobjet  aimé,  qu'elle  reste 
rauque  malgré  Tinfluence  du  liquide  salutaire.  Bien  plus,  ce  dernier  ne  fait 
quen  augmenter  la  raucUé! 

Voilà  où  Tamour  du  parallélisme  peut  conduire  des  poètes  qui,  comme 
Nguy^n  Du,  possèdent  cependant  un  talent  hors  de  tout  conteste! 

Ce  vers  est  d*ailleurs  un  de  ceux  que  les  lettrés  annamites  eux-mêmes 
ne  comprennent  qu'avec  une  grande  difficulté.  Il  semble  que  ce  soit  pour 
les  poètes  de  ce  pays  une  preuve  de  talent  que  de  poser  des  énigmes  à 
ceux  qui  les  lisent  «Tespère  néanmoins,  en  avoir  donné  Tinterprétation  la 
plus  juste  possible.  Ceux  de  mes  lecteurs  qui  sont  versés  dans  la  connais- 
sance de  la  poésie  cochinchinoise  jugeront  si  cette  prétention  est  fondée 
on  non. 

4.  Litt.  :  «5i  —  ne  pa*  —  nous  correêpondona  à  —  la  dette  —  de  pré- 
detUnation.» 

*Chàng>  est  pour  *ckang,  ne  pas». 

^Ihufên*  est  ici  un  verbe,  et  signifie  *  correspondre  à  quelque  chose  qtU 
existait  préalablement  »  (voy.  la  note  sur  le  vers  74). 

Dans  les  idées  des  lettrés,  si  le  père  donne  la  vie  à  Tenfant  qui  naît 
de  lui  r^  ^^  ^  phu  sanh  cht),  le  maître  qui  Tinstruit  T^jp  ^r  ^ 
sv  giào  cht)  la  lui  donne  aussi  Son  élève  reçoit  de  lui  la  vie  intellectuelle 
et  morale.  Il  en  est  de  même  du  prince,  qui,  en  tant  que  propriétaire  du 
sol  entier,  est  réputé  nourrir  ses  sujets  en  leur  concédant  Tusage  des  ali- 
ments qu'ils  en  tirent  (JBl  ^^  J^^  quân  tv  cht),  et  par  suite,  renouveler 


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60  KIM  VAN  KIÊO  tan  TRUYJiN. 

«Làm  chi  flem  thôi  khuynh  thành  trêu  nguroi?» 

Bâng  khuâng  rùtà  cânh  nhô*  ngirôi  ! 
260    Nhd  nai  ky  ngo  ;  voi  dôi  chou  di. 

Mot  dông  cô  moc  xanh  ri, 

Nirô-c  ngâm  trong  vât  ;  thây  gi  nfra  dâu  ? 

Giô  chiëu  nhir  giuc  cou  sâu  ; 

Vi  lau  hiu  hât  nhur  màu  khây  trêu  ! 
265    Nghë  riêng  nhd  ft  tirông  uhiëu  ; 

Xâm  xâm  de  nêo  ;  Lara  kiêu  lân  sang. 

Thâm!  Nghiêm  km!  Cèng!  Cao  tirfmg! 

Can  d6ng  là  thâm  !  Dirt  dirô-ng  chîm  xanh  ! 

La  tha  ta  lieu  buông  mành  ; 

à  chaque  instant  Texistence  que  leur  père  leur  donna  une  première  fois 
lorsqu'ils  sont  tenus  au  monde. 

C'est  pour  cela  que  la  naissance,  Tinstruction  et  la  nourriture  ont  reçu 
collectivement,  dans  la  philosophie  des  lettrés,  la  désignation  générique  de 
r^^  Jf^  tant  sanh  —  les  trois  vies,  en  annamite  «  ba  sinh  *),  Mais  ces  trois  vies 
sont  dans  les  décrets  du  Ciel.  C'est  lui  qui  a  prédestiné  chaque  individu  à 
naître,  à  recevoir  Tinstruction,  à  entretenir  sa  vie  au  moyen  des  aliments 
qu'il  tire  du  sol,  lequel  est  au  Prince.  Cette  expression  :  *tam  sanh* 
ou  «6a  sinh*  comporte  donc  en  elle-même  l'idée  de  ^^ prédestination».  On 
peut  comprendre  dès  lors  pourquoi  «/a  dette  des  trois  vies*,  devient,  en 
poésie,  synonyme  de  ce  dernier  mot.  Il  y  a  dette  (n^),  parceqn'il  y  a  mandat 
du  Ciel.  Le  destin  de  chacun  doit  se  réaliser.  C'est  une  dette  au  paiement 
de  laquelle  tout  être  humain  est  astreint,  sans  aucun  moyen  de  s'y  sous- 
traire. 

1.  Litt.  :  cPtmr  faire  —  gu(À  —  a-t-eUe  apporté  —  sa  coutume  —  de  ren- 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  61 

■  «pourquoi  faire  de  moi  une  des  victimes  de  sa  beauté  irréstible  et  de 

>8e8  regards  provoquants  ^?  > 
Et  sans  cesse  à  sa  mémoire  revenait  le  paysage^  et  sans  cesse  y  re- 
venait la  personne! 
/Se  rappelant  les  lieux  témoins  de  Theureuse  rencontre,  il  s'y  rendit  260 
à  pas  précipités, 
n  ne  trouva  que  le  ruisseau  (sur  les  bords  duquel),  croissait  l'herbe 

verte 
baignée  par  Tonde  claire  et  limpide.  H  n'aperçut  rien  de  plus! 

Et  la  brise  du  soir  lui  semblait  augmenter  sa  tristesse, 

et  les  joncs  agités  lui  paraissaient  la  provoquer  encore! 

(Dans  son  cœur)  occupé  d'elle  seule,  le  peu  de  souvenirs  qu'il  re-  266 

trouvidt  éveillant  de  nombreuses  pensées'^, 
B  suivit  tout  droit  le  chemin  de  Lam  Kiêu,  et  finit  par  y  arriver. 

Entrer  était  impossible!  La  porte  était  barrée,  les  murs  d'une  grande 
V  hauteur  ^ 

I  Aucun  moyen  de  lui  écrire!  aucune  voie  pour  aller  à  elle^! 

Nonchalamment  les  saules  étendaient  leurs  rameaux. 


'  —  €m  viUeê  —  (çt  de)  provoquer  —  quant  à  la  prunelle  f»  (Voy.  la  note 
SOT  le  vers  27,) 

2.  Litt  :  ^  (Quant  au)  st^ei  de  pensées  —  particidier,  —  U  se  souvenait  de 
peu  —  (et)  pens€tit  —  beaucoup.  » 

^Nffhê»  ne  signifie  pas  ici  «tm  métier*,  mais  un  sujet  de  pensées  qni 
revient  perpétuellement  à  resprit.  De  même  que  l'exercice  d'une  profession 
se  compose  d'une  série  d'actes  identiques  continuellement  répétés,  de  même 
la  pensée  qui  nous  obsède  se  représente  constamment  à  nous. 

3.  Litt.  :  ^Profond!  —  sévère/  —  (Porte)  barrée/  —  Haut  —  (quant  au) 
mur/» 

4.  Litt.  :  «  (CTétmt)  tari  —  (quant  au)  courant  —  des  femUes  —  rouges/  — 
((Tétait)  coupé  —  (quant  au)  c/ienUn  —  des  oiseaux  —  bleus/-» 

Hàn  phu  nhony  pour  correspondre  avec  son  amant  Vu  ^«tt,  avait  imaginé 
de  lui  écrire  sur  des  feuilles  de  papier  rouge  (^J^  ^Ê)  qu'elle  abandonnait 
an  courant  de  l'eau.  De  là  cette  expression  métaphorique. 


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62  KIM  VÂN  KIÊU  tAn  TRUY^N. 

270    Con  anh  hoc  nôi  trên  nhành  mîa  mai. 

May  lân  cihi  dong,  then  gài! 

Dày  thëm  hoa  rang  ;  biêt  ngirôi  à  dâu  ? 

Chân  ngan  dihig  trot  giir  lâu  ! 

Dao  quanh  chat  thây  méi  sau  cô  nhà. 
275    Là  nhà  Ngô  viêt  thurang  gia. 

Ph6ng  không  de  dô  ;  ngirôi  xa  chira  vë, 

Lây  dëu  du  hoc,  hôi  thuê, 

Tùi  don,  câp  sâch,  de  huë  don  sang. 

Cô  cây,  cô  dâ  sân  sang  ; 
280    Cô  hiên  Lâm  tûy  net  vàng  chnra  phai. 

Màng  thâm  chôn  ây  chûr  bài  : 


Kvn  trçng,  qui  ne  sait  comment  joindre  celle  qu*il  aime,  est  comparé  à 
nn  oiseau  arrêté  dans  son  chemin.  «  Xanh  —  bleu  »  n'est  là  que  pour  faire 
le  pendant  de  €tham  —  rouge  t»,  qui  termine  le  premier  hémistiche. 

1.  Le  Loriquet.  (Voy.  la  note  sur  le  vers  46.) 

2.  Litt.  :  «7Z  prit  (comme  prétexte)  —  la  choêe  —  d'en  errant  —  étudier, 
—  et  interrogea  —  (quant  au  fait  de)  louer.  > 

8.  Litt.  :  €  Portant  dans  un  sac  —  son  Sxm,  —  portant  sous  son  bras  — 
ses  livres,  —  les  transportant  —  U  emménagea,» 

4.  Il  s'agit  ici  d'un  de  ces  jardins  paysagers  ornés  de  montagnes  en  minia- 
ture que  Ton  rencontre  si  fréquemment  à  la  Chine  auprès  des  riches  habitations. 

6.  «  Hiên  lam  tûy  »,  ou,  en  rétablissant  la  construction  chinoise  intervertie, 
€lam  tày  kiôn^j  signifie  littéralement  «un  côté  de  maison  (destiné)  à  encager 
les  Tvy»,  Les  maisons  élégantes  contiennent  ordinairement  sur  le  côté  (hièn) 
une  salle  spéciale  ayant  vue  sur  un  jardin  de  fleurs  et  destinée  aux  jeux 


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KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  63 

et  le  cf>n  anh  \  sur  sa  branche,  semblait  apprendre  à  parler.  270 

Combien  de  fois  (Kim)  trouva  la  porte  close  et  le  verrou  tiré! 

La  vérandab  était  pleine  de  fleurs  tombées;  mais  (la  jeune  fille),  où 

pouvait-elle  être? 
inmobile,  debout,  il  restait  là  de  longues  heures! 

^fflme     il  contournait  (le  jardin),  son  regard  furtif  tomba  sur  une 

fflaisoji  qui  se  trouvait  en  arrière. 
C'était  l'habitation  du  marchand  Ngô  vi^t  276 

^e  i''est;ait  vide;  le  propriétaire,  parti  au  loin,  n'était  pas  encore  de 

(Ktfm^  3^  donna  pour  un  étudiant  touriste,  et  demanda  si  on  pouvait 
la  lonerî; 

(P^)>   I>ortant  son  Bxrn  dans  un  sac  et  ses  livres  sous  son  bras,  il  y 
inst^U^  son  bagage  ». 

"  y  ^"^^it  là  des  arbres  et  des  rochers  disposés  fort  à  propos  ^, 

^^  ^xi'nn  cabinet  de  divertissements  littéraires  ^  dont  les  dorures  280 
^^t^ient  point  encore  effacées. 
^^  de  joie  de  trouver  ce  lieu  tout  juste  à  point  : 


^^*pnt  qui  constitaent  le  divertissement  favori  des  lettrés.  Là,  tout  en 
Devant  dn  vin,  ils  composent  des  charades,  font  assaut  de  talent  poétique, 
etc.  Le  2%,  auquel  ces  lettrés  sont  ici  poétiquement  assimilés,  est  la  femelle 
d'un  oiseau  dont  le  plumage  vert  est  très  employé  comme  ornement.  Le 
mile  est  appelé  «  É^  Pkê>,  L'oiseau  sans  distinction  de  sexe,  porte  le  nom 
^®  'Iç  ai:  1^  ^^  ^%  dâu>.  C'est  VEalcyon  smymenais  ou  Halcyon  pileata 
(Eniomobia  pileata  de  Boddaert).  Son  nom  français  est  Eala/on  à  coiffe  noire, 
^  joli  martin- pêcheur  est  très  commun  en  Cochinchîne  où  on  le  nomme 
^  »â  m  toiîï,  nom  qui  justifierait  Topiuion  de  A.  David,  qui  Ta  rencontré 
Pf^  de  Pékin.  D'après  ce  naturaliste,  il  émigrerait  pendant  l'hiver  en  C5o- 
chinchine.  Cependant,  M.  le  D'  Gilbert  Tirant  n'a,  dit-il,  rien  observé  tou- 
^^  cette  migration,  et  les  Halcyon  pileata  habitaient  toute  l'année  les  points 
^^  ^ï  a  pu  les  étudier.  Les  Chinois  font  un  grand  usage  de  cet  oiseau  pour 
^^ectionner  de  charmants  ouvrages  de  plumes. 


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64  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

cBa  sînh  au  hân  duyên  trW  chî  dây!> 

Song  hô  nâra  khép  cânh  mây. 

TirÔTig  dông  ghé  mât  ;  ngày  ngày  hâng  trông. 
285    Tâc  gang  dông  toâ  nguyên  phong  ! 

Tuyêt  mù!  Nào  thây  bông  hông  vào  ra? 

Nhûng  tà  quân  câc  lân  la, 

Tuân  trâng  thâm  thoât  ;  nay  dà  trôn  haï. 

Câch  tirông,  phâî  buéî  îm  trW, 
290    Dirôi  dào  dirông  c6  bông  ngirôi  tliiêt  tha! 

Buông  kim  x6c  âo  voi  ra. 

Hircng  c5n  ngât  ngât;  ngirôi  dà  vâng  tanh! 

Lan  theo  tirèng  gâm  dao  quanh, 

Trên  dào  liée  thây  mot  nhành  kim  xoa. 
295    Uatay!  Vôilây  vë  nhà; 


1.  Litt  :  €  (Quant  à)  la  deatinée  —  peut  être  —  véritablenient  —  Punion 

—  du  Ciel  —  (en)  quoi  (que  ce  eoit)  —  eêt  icif^ 

2.  Litt.  :  *Sa  fenêtre  —  coUée  (sic)  —  à  moitié  —  était  fermée  —  quant 
à  ees  ailes  —  de  nuages.* 

La  fenêtre  est  formée  de  cadres  sur  lesquels  est  collé  un  papier  huilé. 

—  «  Cành  »  est  une  expression  poétique  pour  désigner  léis  battants.  Quant 
au  mot  ^MâjfT^,  il  ne  figure  ici  que  comme  un  ornement  dont  la  signification 
littérale  est  choisie  pour  s'harmoniser  avec  Tidée   exprimée   par  le  mot 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  TRUYÇN.  65 

«Peut-être»,  pensa- t-il,  «dois-je  rencontrer  ici  Tunion  que  le  Ciel 

me  destine  *  !  > 
A  travers  les  battants  de  sa  fenêtre  entrebâillée - 

fl  glissait  son  regard  vers  le  mur  qui  s'élevait  à  Torient^  et  passait 

ses  journées  entières  à  regarder  (de  ce  côté). 
Mais  la  maison,  toujours  fermée,  ne  s'entr'ouvrit  point  d'une  ligne  ^!  285 

Rien!  aucune  ombre  gracieuse  (déjeune  fille),  entrant  ou  sortant,  ne 

se  laissait  apercevoir^  ! 
Depuis  qu'il  fréquentait  cette  demeure, 

les  semaines  et  les  mois  rapidement  avaient  passé  ;  deux  lunes  entières 

s'étaient  écoulées. 
(Enfin),  par-dessus  le  mur,  comme  le  temps  était  clair  et  serein, 

U  crut  voir  l'ombre  d'une  personne  qui  chuchottait  sous  un  arbuste  290 

fleurie 
Abandonnant  son  Kim,  il  assujettit  son  vêtement  et  sortit  en  toute 

hâte. 
Un  vague  parfum  flottait  encore  en  s'évanouissant  (dans  les  airs); 

mais  la  personne  avait  disparu! 
Suivant  pas  à  pas  la  muraille  fleurie  «,  il  fit  le  tour  du  jardin, 

et,  comme  il  jetait  un  coup  d'œil  du  côté  de  l'arbuste,  il  y  vit  une 

épingle  à  cheveux. 
Elle  était  (là),  tentant  sa  roain^!  11  étendit  le  bras,  la  prit,  et  re-  295 

tourna  dans  sa  demeure. 

3.  Litt  :  *  (Quant  à)  tm  pouce  —  (ou   à)   un  empan,   —  de  bronze  —  la 
serrure  —  avait  été  9cellée!» 

4.  Litt.  :  €  Absolument  —  (c^étail)  obscur!  —  Est-ce  que  —   Von  voyait  — 
une  omJIfre  —  rœe  —  eintrer  —  et  sorlirf» 

5.  Voy.  sur  le  Bùo,  ma  traduction  du  Liie  Vân  Tien,  p.  20,  en  note. 

6.  Sur  rétoffe  appelée  Oâ^m  se  trouvent  des  dessins  de  fleurs.  De  là 
J'emploi  de  ce  mot  comme  épithéte  appliquée  au  mur  qu'ornaient  des  plantes 
i  âenra  élégamment  disposées. 

7.  Litt.  :   <  JSlIf'  agréait  à  —  sa  maini>. 


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66  KLM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

«Nây  trong  que  câc  !  Dâu  ma  dên  dây  ? 

«Gàm  au  ngu'ôi  ây  bâu  nây  ! 

«Châng  duyên,  chu'a  de  vào  tay!  Aï  cam?> 

Lien  tay,  gâm  ghé;  biêng  nâm! 
300    Hây  con  thoâiig  thoâng  ;  hu'ang  tram  eliu-a  pliai. 

Tan  su'ang  dâ  thây  bong  ngu-M. 

Quanh  tirô-ng  ra  y  tim  toi  ngân  nga. 

Sanh  dà  c6  y  dcri  chô*. 

Câch  tu-ô-ng  len  tiêng,  xa  du'a  irôm  16ng. 
305    «Xoa  dâu  bât  du-ac  hir  không! 

«Biêt  dâu  Hiêp  phô  ma  mong  châu  vë?> 

Tiêng  Kiêii  nghe  lot  bên  kîa  : 

1.  Litt.  :  «Cpci  —  (eut  ime  chose  qtii  *c  troui)€)  danâ  —  deê  jeuneê  ^/^^  " 
les  palaiê!  —   Oh  (est  la  raison)  —  pour  (laqudle)  —  c'est  venu  —  te»  ^> 

2.  Litt.  :  « Cette  personne,  —  ce  htjou  !  » 

3.  Litt.  :  <(SiJ  ne  pas  —  il  y  avait  une  destinée,  — pas  encore  —  i^  ^^^ 
été  facile  que  —  il  entrât  dans  —  (ma)  main!   —  Qui  —  (le)  garderait  '* 

Le  mot  «  Dui/ên  »  sig^nifie  encore  ici  la  destinée,  en  tant  que  con^<^^^ 
sous  le  point  de  vue  du  lien  qui  doit  unir  les  deux  jeunes  gens.  ^^  ®*' 
verbe  impersonnel  par  position,  de  même  que  «rfl». 

4.  Litt.  :  «Continu  —  (quant  ù)  la  main,  —  il  dévorait  des  yeux;  —  ilétatt 
paresseux  —  (quant  à)  se  coucher!» 

6.  Litt.  :  «  Encore  —  (il  y  avait  le  fait  de)  répandre  de  Ugtres  émaTM^il*<^> 
—  le  parfum  —  de  P épingle  —  pas  encore  —  s'' était  évanoui*. 
«  Thoàng  thoàng  »  est  verbe  impersonnel  par  position. 
6.  Litt.  :  «  (A  la)  se  dissipant  —  rosée  —  déjà  —  il  vit  —  Vomhre    "  ^ 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  67 

«  Ceci,  >  dit -il,  «  est  un  objet  de  femme!  comment  le  rencontré-je  ici  *? 

«Mais,  j'y  pense!  ce  bijou  (doit  être  à)  cette  personne^! 

<  Si  le  destin  ne  Feût  voulu,  difficilement  il  fût  venu  à  moi!  Le  garde- 

>rai-je  (sans  le  rendre)?» 
Et  sa  main  ne  quittait  plus  (Fépingle);  il  la  dévorait  des  yeux, 

oubliant  de  se  mettre  au  lit^! 
Un  vag^ne  et  doux  parfum  se  dégageait  encore  (de  robjet)^  300 

Il  vit,  sur  le  matin,  paraître  la  jeune  fille  *. 

L'air  indécis,  elle  suivait  le  mur  en  cherchant  (son  épingle  de  tête). 

Le  jeune  lettré  avait  résolu  de  Tattendre. 

A  travers  le  mur  élevant  la  voix,  il  lui  tendait  de  loin  le  bijou  pour 

sonder  ses  dispositions''. 
«J'ai  trouvé,»  dit-il,  «par  hasard  une  épingle!  305 

«mais  où  prendre  le  Hiep pM  pour  y  renvoyer  cette  perle"?» 

La  voix  de  Kieu  lui  parvint,  arrivant  de  l'autre  côté: 

la  per9<mne».  —  La  cludear  du  soleil,  dès  qu'il  paraît,  fait  évaporer  la  rosée 
qui  couvre  les  plantes.  De  là  cette  expression  pour  désigner  le  matin. 

7.  Litt.  :  ^COommenlJ  saurais -je  —  m  (eut)  —  le  Htêp-phOj  —  pour  — 
/awic  que  bientôl  —  le»  perle»  —  (y)  retournent? t^ 

Pendant  la  durée  de  la  seconde  domination  chinoise,  qui  pesa  sur  l 'Annam 
de  r&nnée  32  à  Tannée  186  de  Tére  chrétienne  et  finit  à  Tavènement  de 
'-\'  3p  S^  ruanff  (le  Boi  lettré),  les  gouverneurs  envoyés  par  le  céleste 
empire  commirent  souvent  des  exactions.  Ils  imposaient  aux  Annamites  des 
corvées  insupportables,  les  contraignant  de  rechercher  et  de  réunir  à  leur 
profit  les  matières  précieuses  que  produisait  le  territoire  soumis  à  leur  ad- 
ministration. Les  habitants  du  -^  ^Ë  IIi^pJiô\  district  situé  au  bord  de 
la  mer,  se  livraient  à  la  pèche  des  perles,  qui  se  trouvaient,  par  suite, 
en  grande  abondance  dans  le  pays;  mais  des  gouverneurs  trop  avides 
voulant  les  obliger  à  livrer  le  produit  de  leur  pêche,  ils  émigrérent  en 
masse  k  ^S^    »W   Oiao  châu,  et  les  perles,  faute  de  pêcheurs,  manquèrent 


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68  KIM  vAN  Kl  eu  TAn  TRUYÇN. 

«Oh  16ng  quân  ta*  sa  gl  cùa  roi? 
«Chiêc  xoa  nào  cùa  mây  miroi? 
310    «Ma  Ibng  trong  ngâî  khinh*  tài  xîêt  bao?> 
Sanh  rang  :  «Lan  ly  ra  vào 
«Gân  dây;  nào  phâî  ngirôi  nào  xa  xôî? 
«Dirac  rày  nhfr  chut  thom  roi  ! 


aussi  tôt  dans  le  Hiêp-pM.  Un  fonctionnaire  plus  humain  nommé  Manh 
thubng  ayant  succédé  à  ses  avides  prédécesseurs,  les  anciens  habitants 
rallièrent,  et,  dit  l'auteur  du  HJ^  "jiS  B  ^^  i^.^C'  (Histoire  poétique 
de  FÂnnam): 

^Dtcâi  dong  Hi^p-pho  chûu  di  cûng  vt .» 

*Aux  rivages  du  Hiêp-pho  les  perles  disparues  revinrenL* 

Le  lettré  Kim  trçng^  compare,  dans  une  fijçure  qui  ne  laisse  pas  que  d'être 
assez  pédantesque,  Tépinglc  perdue  par  Tày  kieu  aux  perles  dont  il  est  parlé 
dans  le  poème  que  je  viens  de  cit<>r;  et,  comme  elles  venaient  du  Hiêp-pho, 
il  donne  ce  nom  à  la  maison  de  la  jeune  fille,  d'où  le  bijou  perdu  était  sorti. 

Il  est  à  remarquer  que  Nguyên  du  a  conservé,  dans  le  vers  qui  renferme 
cette  allusion,  la  facture  de  celui  d'où  elle  est  tirée.  Les  mots  «  mep-phS* 
et  le  monosyllabe  <«^»  sont  placés  exactement  de  la  même  façon  dans 
l'un  et  dans  l'autre. 

1.  Litt.  :  ^Le  bienfait  —  du  cœur  —  de  (vous,)  homme  supérieur,  —  fait 
cas  —  en  quoi  —  rf'im  oftjel  —  tomfté  à  terre?» 

Le  mot  Quân  tù;  selon  les  passages  où  il  se  rencontre,  est  susceptible 
de  plusieurs  interprétations  différentes  (voy.  ma  traduction  du  ^£^^  J^)* 
Il  a,  entre  autres,  le  sens  d^€ homme  supéi'ieur»^  de  ^phUosoplie  doué  d'un 
esprit  élevé  au-dessus  du  commun*.  C'est  aussi  une  expression  dont  les  jeunes 
filles  se  servent  pour  désigner  en  lui  parlant  l'homme  qu'elles  aiment  II 
faut  ici  lui  attribuer  à  la  fois  les  deux  sens.  K^i,  tout  en  exprimant  l'idée 
que  c'est  pour  elle  un  grand  honneur  de  voir  un  lettré  aussi  distingué 
que  Kim  trong  s'occuper  d'une  chose  d'aussi  peu  de  valeur  que  son  épingle 
tombée  à  terre,  emploie  en  outre  à  dessein  une  appellation  qui  fait  pres- 
sentir qu'il  ne  lui  est  pas  indifférent.  Il  y  a  là  un  double  sens,  comme 
il  s'en  rencontre  fréquemment  dans  les  poésies  cochinchinoises. 

Ce  double  sens  existe  d'ailleurs  aussi  dans  le  vers  considéré  dans  son 
ensemble.  En  effet,  si  l'on  suppose  un  point  d'arrêt  après  les  mots  *quàn 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN.  69 

c  0  noble  jeune  homme!  >  disait-elle,  «pourquoi  dans  votre  bonté  vous 

>  occuper  d'un  objet  tombé  à  terre  •? 
«Une  épingle,  c'est  bien  peu  de  chose'-*'. 

«Mais  combien  en  est-îl  de  ces  cœurs  qui,  prisant  haut  Tafifection,  3io 

> n'ont  que  mépris  pour  les  richesses^?» 
«  Je  suis  »  reprit  le  jeune  lettré,  «  un  voisin  qui  va  et  qui  vient 

«Près  d'ici,  et  non  pas  un  étranger,  croyez-moi  M 

«Ma  bonne  fortune,  en  ce  moment,  me  favorise  de  cette  rencontre 
ire^! 


ftr>,  il  faudra  traduire  ainsi  :  ^CCest  un)  bienfait  —  du  ccsur  —  (de  vous), 
ô  homme  mtpériew!  —  Je  fais  cas  —  en  quoi  —  d^un  objet  tombé  à  terre  f» 
Cette  seconde  interprétation  semble  moins  naturelle.  Cependant  elle  aurait 
Tavantage  de  mieux  cadrer  avec  les  deux  vers  suivants  qui  en  sont  comme 
le  développement.  Lo  manque  absolu  de  ponctuation  dans  les  textes  anna- 
mites favorise  beaucoup  ces  doubles  sens,  que  les  lettrés  de  la  Cochinchinc 
considèrent  comme  des  beautés. 

2.  Litt,  :  *(Une)  épingle  à  cheveux  —  esl-ce  donc  que  —    (cest)  une  chose 

—  de  combien  (que  ce  soit)  —  de  dixf* 

Cette  manière  de  parler  est  empruntée  au  chinois  parlé.  Dans  cette 
langue  Tone  des  formes  de  superlatif  les  plus  usitées  est  «-|^  Af^  dix 
parties  ».  On  dira  d'un  objet  qui  atteint  la  perfection  de  la  qualité  qu'il  est 
«-t-'  .^^  x|f  bon  quant  à  (ses)  dix  parties». 

Il  suit  de  là  que,  pour  exprimer  qu'une  chose  quelconque  ne  présente 
qa*an  degré  de  bonté'plus  ou  moins  rapproché  de  cette  perfection,  on  dit 
qu'elle  n'est  bonne  que  pour  cinq,  six,  sept,  un  nombre  quelconque  de  parties 
au-dessous  de  dix.  En  niant  (sous  forme  interrogative)  que  son  épingle  soit 
un  objet  susceptible  d'être  évalué  par  un  nombre  quelconque  d'unités  contenu 
dans  le  nombre  dix  (en  annamite  mwai)  Kieu  veut  donc  faire  comprendre 
qu'elle  ne  lui  attribue  aucune  valeur. 

3.  La  même  citation  se  trouve  dans  le  poème  Luc  Yân  Tien,  au  vers  205. 

4.  Litt.  :  « Est-ce  que  —  je  suis  —  un  hom/nie  —  quel  (quHl  soit) 

—  floignéf*  L'adverbe  •Xa-xôi  —  fom»  devient  ici  adjectif  par  position. 

5.  Litt.  :  €j''obtiens  —  maintenant  —  de  profiler  d*  —  un  peu  de  —  par- 
fum  —  tombé  à  terre*. 

Kim  trong  assimile  l'occasion  passagère  qu'il  a  eue  de  rencontrer  Tûy  kiêu 
à  un  peu  de  parfum  tombé  à  terre  qu'il  aurait  eu  la  bonne  fortune  de  ramasser 
pour  le  respirer.  Cette  image  est  des  plus  gracieuses;  mais  fendue  directe- 
ment en  français,  elle  serait  peut-être  obscure. 


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70  KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

«Ké  dà  thiêu  nâo  long  ngmai  bây  iiay  ! 
315    «Bây  lâu  moi  dirac  mot  ngày  ! 

«Dirng  cliaii!  Gan  chût  niëm  tây  goi  là!> 

Voi  vào  thêm  lây  cùa  nhà, 

Xuyên  vàng  hai  chiêc,  khân  là  mot  vuông. 

Vén  mây  nh6ii  birô-c  ugon  tirôiig. 
320    «Phâi  ngrrW  liôm  no  ro  rang!  châng  nhe?» 

SiroTig  sùng  dd  y  rut  rè! 

Kè  nhin  tô  mât!  ngirô-i  e  cùi  dâu; 

Rang  :  «Tir  ngâu  nhï  gâp  nhau, 

«Thâm  trông  trom  nliô*  bây  lâu  dà  don! 
325    «Xu-OTig  mai  tinh  dâ  xô  mon! 


1.  Litt.  :  <iEn  comptant  —  J'a»,  me  trouvant  privé  (de  vous),  —  été  attristé 
—  (quant  au)  cœur  —  de  vous  —  jusqiià  présent!» 

2.  Litt.  :  <i  An'êteZ'Vous  —  (quant  à  vos)  pieds!  —  (cela)  s  appelle  —  dé- 
verser —  un  peu  —  de  pensées  —  partiadières  !  » 

Les  mots  ^goi  là»  sont  placés  par  inversion  à  la  fin  du  vers.  Leur  place 
régulière  serait  après  ^Dimg  cho-n!*.  Je  la  leur  rends  dans  la  traduction 
littérale  que  je  donne  ici. 

Cette  expression,  assez  fréquente  en  poésie,  est  employée  lorsque  les 
personnages  que  Tauteur  fait  parler,  tout  en  expliquant  quelqu'un  de  leurs 
actes  ou  quelqu'une  de  leurs  paroles,  en  définissent  nettement  la  véritable 
portée  (voy.  au  vers  93). 

3.  Le  mot  •vuômf  —  carré»,  qui  est  ordinairement  adjectif,  devient 
ici  un  nom,   et  joue  par  rapport  à  ^khân»  le  même  rôle  de  numérale  que 


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KIM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  71 

«Jusqu'à  présent  mon  âme  languissait  après  vous  soucieuse  ^!  3i5 

«(Attendu)  pendant  de  longs  jours,  ce  jour-ci  enfin  m'est  donné! 
«Arrêtez!  laissez-moi  vous  découvrir  un  coin  de  mon  cœur^!* 
S'empressant  de  joindre  au  bijou  des  objets  qui  lui  appartiennent, 
deux  bracelets  en  or  avec  un  mouchoir  de  soie^, 
il  se  soulève  sur  là  pointe  des  pieds,  et  franchit  la  crête  du  mur^.      320 
«  Mais  c'est  bien  là»,  se  dit  Kigu,  «  le  jeune  homme  de  l'autre  jour!  » 
Elle  reste  stupéfaite,  interdite,  confuse! 

Elle  le  regarde  et  le  reconnaît  bien;  et  lui,  il  baisse  la  tête,  car  il 
craint  (d'avoir  déplu)! 

«Depuis  qu'inopinément  nous  nous  rencontrâmes»,  dit-il, 

«Que  de  fois  j'espérai  en  secret!  que  de  furtives  souvenances  (dans  325 

>mon  cœur)  se  sont  amassées  M 
«Je  me  snis  consumé  en  rêves  (d'amour),  et  ma  maigreur  égale  celle 

>de  l'arbre  Mai^! 


€ch%ec9  remplit  par  rapport  à  <xuytn  vàwjr».  Cela  permet  à  Tauteur  d'éta- 
blir un  parallélisme  absolument  complet  entre  les  deux  hémistiches.  Ce 
vers  est  un  modèle  du  genre.  On  peut  voir,  en  effet  que  chacun  des  mots 
du  second  hémistiche  répond  exactement  à  chacun  de  ceux  du  premier, 
tant  au  point  de  vue  que  nous  appelons  «grammatical»  qu^à  celui  de  la 
signification  absolue.  —  *Lh^  n'est  pas  ici  le  verbe  substantif,  mais  bien 
le  second  élément  de  Texpression  bisyllabique  «  /».«i  là  »,  qui  signifie  «  étoffe 
de  soie», 

4.  Litt.  :  <*•  Soulevant  —  les  nuages,  —  à  la  pointe  du  pied  —  il  enjambe 
—  la  crête  —  du  mur*. 

5.  Litt.  :  *(les  faits   d*Jen  secret  —   espérer,  —  (et  de)  furticenieut  —  se 
souvenir  —  depuis  lors  —  se  sont  accumulés  !  t> 

6.  Litt.  :  •'(Mes)  os  —  de  Mai  —  en  songeant  —  ao^  devenus  maigres». 


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72  KLM  VAN  KIÊU  TAN  TRUY|N. 

«Lân-lira  ai  biêt  lai  côu  liôm  nay? 
«Nâm  trôn  nhir  gèi  cung  mây; 
«Trân  trân  mot  phân  âp  cây  dâ  lieu! 
«Tien  dây  xin  mot  haï  dëu! 
:]:j()    «Dài  girong  soi  dên  dâu  bèo  cho  châng?» 
Ngâu  ngù"  nàng  moi  thira  rang  : 
«Thôi  nhà  bâng  tuyêt  chat  hàng  phi  phong! 


1.  Allusion  à  la  fable  de  ^  ^. 

2.  Lit  t.  :  *Le  cceur  tout  occupé,  —  (dans  mon)  unique  —  condition  (isolé), 
—  in  abîmant  derrière  —  un  arftre  —  je  me  suis  exposé!  » 

Kim  trçng  se  compare  à  un  chasseur  qui,  embusqué  derrière  un  arbre, 
attend  les  lièvres  à  Taffftt. 

3.  Litt^  :  « je  wrns  demanderai  une  ou  deux  choses». 

4.  Lit  t.  :  «Z»a  tour  —  de  miroirs  —  projettera  sa  lumih^  —  vers  —  la 
trace  —  de  la  lentille  d'eau  —  ou  nonf* 

Cette  expression  :  «  Bài  greang  —  Umr  de  miroirs  *  est  singulièrement  alam- 
biquée.  Elle  signifie,  en  somme,  «i une  personne  considérable*.  Une  telle  per- 
sonne est  appelée  ^dài  —  tour»,  parcequ'elle  dépasse  les  autres  dans  Testimo 
publique,  comme  cette  sorte  de  monument  dépasse  en  hauteur  les  habi- 
tiitions  qui  Tavoisincnt.  —  Quand  nous  nous  regardons  dans  un  miroir, 
notre  image  s'y  reflète.  Or,  qu'est-ce  que  la  considération  publique,  si  ce 
n'est,  s'il  est  possible  de  s'exprimer  ainsi,  la  résultante  des  reflets  que  pro- 
duisent, dans  l'esprit  de  chacun  des  individus  qui  composent  une  agglomé- 
ration d'hommes,  les  qualités  de  la  personne  qui  se  trouve  placée  en  évidence? 
Ces  esprits  divers  sont  considérés  dans  la  présente  métaphore  comme  des 
miroirs  qui,  superposés  les  uns  aux  autres,  formeraient  une  tour  projetant 
au  loin,  autour  d'elle,  d'éclatants  rayons  de  lumière.  D'où  l'emploi  de  cette 
expression  :  «rfài  gwang*,  pour  désigner  un  individu  que  sa  haute  person- 
nalité met  en  évidence  d'une  façon  exceptionnelle. 

Le  Bèo  ou  Lentille  d'eau  est  un  végétal  tout-à-fait  insignifiant.  Personne 
ne  pense  à  le  remarquer.  De  plus,  comme,  surnageant  au-dessus  de  l'eau, 
il  n'est  point  attaché  au  sol,  son  déplacement  ne  laisse  aucune  ti-ace.  C'est 
pour  cela  que  Kim  Trong,  poussant  aussi  loin  qu'il  est  possible  l'expression 


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KLM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  73 

'Jarais-je  pensé  qn'après  une  si  longue  attente,  je  iH)Uvai8  encore 
*  vous  rencontrer  en  ce  jour? 
•itendsint  une  année  entière,  vous  sembliez  retirée  dans  la  lune  ', 

*(iaiiclîs  que  moi)  seul  et  le  cœur  pris,  je  m'aventurais  à  vous  at- 

*  tondre,  épiant  le  moment  favorable ^1 

*PtiÎ4$cJ^'aujourd'hui  en  naît  Toccasion,  je  veux  vous  adresser  une 
■^  ïïiodeste  prière  3! 

«If^iîs    pouvez-vous,  du  haut  de  votre  grandeur,  accorder  quelque  330 

^  ^a^trtention  à  un  être  aussi  chétif  que  moi  ^?» 
Peiiisî  ve,  Kieu  répond  : 

'J^^xxs  notre  maison  les  mœurs  sont  pures,  la  vie  simple,  régulière, 

*  igmorée  *! 

^  ^^tt*  humUité  exagérée  qui  fait  le  fond  de  la  politesse  cochincbinoise, 

'^'"^^    ^voir  qualifié  Tuy  Kiêu  de  ••Tour  de  mit-oirs»,  se  compare  lui-même, 

.   ^-li  Bèo,  ce  qui  no  serait  pas  encore  assez  humble,  mais  à  la  (mce  presque 

'^•t>l.e  que  serait  censé  laisser  sur  les  eaux  cet  infime  végétal,  déplacé  par 

_  ^^^use  quelconque. 

~       XJtt,  :  *Les  mœurs  —  de  (notre)  maiwn  —  (sont)  de  glace  —   (et)  de 
—     ...  ». 
^-**»      lit  dans  \e  ify  â^  (^  ^,  p.  14,  verto)  : 

v-^  ^^  S  /d^  ffi  #  n  >  #  ^  ii  :e  ^  i?  ^-^  '«^'' 

1^         ^^  ckâu  thào,  tdt  tvong  ph\f  chi  thanh  tfdnk.  —  Posséder  un  cœur  de 


\^^  — ^    et  de  neige,  être  résolue  à  (suivre  Texemple  de  celle  qui  composa) 
^^**^-  ^wteott  de  a/pris*^  c'est  là  ce  qui  fait  à  une  veuve  une  réputation  im- 

*^çlace>,  dit  sur  ce  passage  le  commentateur  chinois,  «est-ce  qu'il 

»y  a  de  plus  résistant;  la  neige  est-ce  qu'il  y  a  de  plus  immaculé.  Dans 

'/îfiî/;quité,  une  épouse  pure  et  chaste  se  glorifiait  de  Tépithète  de  ^bàfig 

*4ê^i».  Elle  signifiait  que  son  cœur  était  solide  comme  la  glace,  qu'il  était 

'pur  cotome  la  neige.  —  ^  ^j^  ^  Cong  Bd  Tao,  prince  héritier  du 

•ro/auiuç  de  |â?  Vê  étant  mort,  sa  femme  4t  ^  Q*^  Khuang  resta 

*^'^    a   sa  mémoire.  Comme  ses  parents  voulaient  la  contraindre  à  se 

'ïï^Her,  elle  composa  la  pièce  de  vers  intitulée  JS  -JS-  Bà  chdu  —  le 

^^**    He  ct/prh»,  dans  laquelle  elle  se  liait  par  un  serment,  et  qui  fait 

*  partie    ç|q  ijvre  des  vers».  (Elle  se  trouve  dans  la  première  partie;  c'est 

«  PJ^mî^re  du  livre  3.) 

*  "^   '^  bâng  titgêit*  a  évidemment  ici  un  sens  plus  général  que  ne  l'indique 
\e  P^^SH^e  du  ;^  â^  que  je  viens  de  citer.  Cette  expressi<m  désiste  les 


\ 


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74  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

«Dâu  khi  là  thâm  chi  hông, 

«Nêu  cliâng  tlil  cûng  tai  long  me  cha! 
335    «Nàng  16ng  xot  lieu  vi  hoa! 

«Tré  con,  dà  biêt  dâu  ma  dâm  tliira?» 

Sanh  rang  :  «Rày  gî6,  mai  mira! 

«Ngày  xuâii  dâ  de  tiuh  ce*  mây  khi? 

«Dâu  châng  xét  tam  tiiih  si, 
340    «Thiet  dây  ma  c6  ich  gi  dên  ai? 

«Chût  chi  gâu-v6  mot  bai! 

«Cho  dành!  roi  se  lieu  bài  moi  manh! 


maisons  où  non-scuicmcnt  les  vonvcs,  mais  toutes  les  femmes,  quel  que 
soit  leur  état,  peuvent  aspirer  à  Tépithète  dont  le  traité  chinois  donne  Tex- 
plication. 

1.  Litt.  :  «  SXU  y  a)  —  des  circonstances  —  de  feuilles  —  rousses  —  (ou) 
de  fil  —  rouge,  » 

Ces  deux  expressions  :  €  feuilles  rousses»  et  •fil  rouge  *  signifient  au 
figuré  «te  mariage*.  La  première  est  une  allusion  à  Thistoire  de  Hàn  phn 
lûiorn.  Cette  princesse  écrivait  sur  des  feuilles  d'arbre  qu'elle  abandonnait 
au  courant  de  Teau,  et  que  recueillait  Vu  huu.  De  cette  intrigue  finit  par 
résulter  Tunion  des  deux  amants. 

Quant  au  ^fil  rouge  »,  cette  métaphore  vient  de  la  croyance  vulgaire  qui 
existe  en  Chine  et  dans  l 'Annam,  qu'un  génie  appelé  H  ^-  Ngut/H  ISo, 
qui  résiderait  au  sommet  d'une  haute  montagne,  est  occupé  à  tordre  des  fils 
de  soie  de  cette  couleur,  lesquels  représentent  les  unions  que  doivent  con- 
tracter les  humains.  On  dit  en  chinois  «  fR  ^ft^  ^j^  kè  xkh  thàng  —  twuer 
le  fil  rouget  pour  <i décider  un  mariage», 

2,  Litt.  :  <Je  suis  lourde  —  (quanl  au)  cœur  —  de  chagriner  —  le  satUe 
—  à  cause  des  —  fieurs!  ^ 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  75 

c  Lorsqu'il  s'agit  de  mariage  ', 

«Cest  au  père  et  à  la  mère  à  décider  ce  qui  convient!  335 

«11  m'est  pénible  d'être  la  cause  de  votre  peine  ^î 

«Mais  je  ne  suis  qu'une  enfant!  Comment  pourrais-je  oser  vous  ré- 

>  pondre?» 
«Le  vent  souffle  aujourd'hui,»  dit-il;  «demain  la  pluie  tombera! 3» 

«D  est  rare  que  tout  à  coup  se  présente  un  beau  jour  de  printemps! 

«Si  vous  n'avez  point  égard  à  l'amour  qui  (brûle)  mon  pauvre  cœur^, 

«Vraiment  à  qui  donc  pourrai-je  être  utile  dans  ce  monde?  340 

«Attachons-nous  tout  d'abord  à  cette  petite  affaii-e! 

«C!ommencez  par  consentir!  nous  verrons  ensuite  à  la  mener  h  bien  •'^! 


3.  Aujourd'hui  Foccasion  est  favorable  ;  demaiu  peut-être  elle  sera  contraire  ! 

4.  Litt  :  €Si  —   ne  pas  —  voua  examinez  —  f^ia)  paaaion  —  stupide^* 
Ce  mot  *alupide»,  s'il  était  employé  en  français,  signiâeinit  ici  ^dérahon- 

naUe,  tfweiu^e».  Ce  serait  pour  Kim  Trong  un  singulier  moyen  de  toucher 
le  coeur  de  celle  qu'il  aime  que  de  lui  dire  que  la  passion  qu'il  éprouve 
pour  elle  n'a  pas  le  sens  commun;  mais  bien  que  cette  épithète,  qui  n'est 
du  reste  qu'une  formule  polie,  s'applique  littéralement  au  mot  «6nA»,  elle 
affecte  logiquement  non  la  passion  elle-même,  mais  la  personne  qui  la  ressent. 
Du  reste,  le  mot  «TwA»  remplace  ici,  en  réalité,  le  mot  *tâm»  ou  ^tbng 

—  cœur*;  ce  qui  explique  l'emploi  de  la  numérale  *tâm*  dont  il  est  précédé. 
Je  suis  forcé  de  rendre  «  tâm  Ùnk  »  par  «  mon  pauvre  cœur  »,  ce  qui  n'est 

pas  rigoureusement  exact;  mais  l'idée  que  représente  cette  expression  est, 
comme  on  le  voit,  tellement  éloignée  du  génie  européen,  qu'une  traduction 
trop  exacte  en  serait  véritablement  choquante. 

5.  Litt.  :  *  Donnez  —  le  conaenlir!  —  ayant  fini  (cela)  —  noiia  aviserons  à 

—  un  moyen  —  de  procédé». 

'iMoiTt  signifie  proprement  oiVextrémité  d^un  fil»  et  figurativement  «?«* 
moyen  efficace  de  parvenir  à  un  résultat».  Nous  avons  en  français  une  ex- 
pression analogue  :  ^ tenir  le  fil  d'une  intrigue». 


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76  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRÙYÊN. 

«Khuôn  lînh  dâu  phu  tac  thành, 
«Cûiig  lieu  bô  quâ  xuân  xanh  mot  dôi! 

345    «Lirang  xuân  dâu  quyêt  hep  hoi, 

«Công  deo  duéi  châng  thiet  thoi  lâm  ru?> 
Lang  iighe  loi  u6i  nhu*  dâu, 
Chiu  xuân  de  khiên!  Net  thu  ngai  ngùng. 
Rang  :  «Khi  buôi  moi  la  lùng, 

350    «Né  long  cô  le;  câm  long  cho  daug! 

1.  Litt.  :  «  £.«  fcrt'nic  —  efficace,  —  si  elle  —  li'a  pas  ^gai'd  h  —  le»  poticea 

—  shwères». 

Cette  explicution  ligoureuscinent  littérale  du  vers  343  serait  absolument 
incompréhensible  sans  la  connaissance  du  sens  figuratif  des  expressions 
qu'il  renferme. 

Le  Ciel  est  considéré  éomme  une  «/orwic»,  un  i^  cadre  Ckhttôn)*  qui 
embrasse  et  renferme  tons  les  êtres  créés;  et  il  est  qualifié  de  *llnh  — 
ejficace»,  à  cause  de  la  puissance  régulatrice  qu'on  lui  attribue. 

La  politesse  des  peuples  de  Textrême  Orient  veut  que  la  personne 
qui  s'adresse  à  une  autre  emploie,  pour  désigner  son  interlocuteur  ou 
ce  qui  lui  appartient,  les  expressions  les  plus  relevées  et  les  plus  flat- 
teuses possible,  tiindis  qu'elle  rabaisse  dans  la  même  proportion  ce  qui  la 
concerne  elle-même.  Les  vers  qui  précédent  offrent  plusieurs  exemples  de 
cette  phraséologie,  qu'exagèrent  encore  les  formules  poétiques.  C'est  pour 
cela  que,  pour  désigner  son  propre  cœur,  Kim  Trmuj,  parlant  à  Tûi/  KXêuy 
emploie  l'expression  «^c  /o«^»,  qui  signifie  littéralement  «wkw  pou4x  de 
cœur»;  le  mot  *  pouce»  étant  employé  ici,  en  sa  qualité  de  nom  d'une  mesure 
de  petite  dimension,  pour  diminuer  l'importance  que  le  jeune  homme  attache 
à  son  propre  cœur.  Do  plus,  comme  les  poètes  annamites  ont  au  point  de 
vue  de  l'ellipse  une  audace  que  les  européens  n'oseraient  imiter,  Nguycu 
du  supprime  ici  le  mot  *lorvf  —  amr»,  et  ne  conserve  que  le  mot  *ldc 

—  pouce»  qui,  joint  surtout  à  son  épithète  ^Ihànli  —  êinche»,  est  consi- 
déré comme  suffisant  pour  exprimer  l'idée  entière. 

2.  Litt.  :  «  Tout  atvsù  bien  —  je  mexpone  à  —  IcÙJfser  —  passer  —  (quant 
au)  printemps  —  vert  —  (toute)  une  vie!» 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  77 

«  ^  le  Gel  puissant  abandonne  les  cœurs  sincères  '^ 
«Je  crains  que  pour  cette  vie,  ma  jeunesse  ne  soit  perdue  ^î  > 
«Si  vous  avez  résolu  d'être  avare  de  vos  faveurs^,  345 

«  N'est-ce  pas  grand  dommage  de  voir  tant  de  peine  prise  pour  rien  *  ?  » 
SUenciense;  elle  prêtait  l'oreille  à  ces  douces  paroles  ^ 

Son  coBur  facilement  se  laissait  gagner  à  l'amour!  Sur  ses  traits  se 

lisait  son  hésitation  ^ 
«Dans  l'étrange  situation  (où  nous  sommes  placés)  *,  dit-elle^ 

«je  dois  montrer  de  la  réserve;  mais  comment  retenir  mon  cœur'V  3i60 

«  Xmân  xanh >  est  nne  expression  poétique  qui  sigoifie  < la  jeunesse*.  Nous 
disons  :  «2e  printemps  de  la  rie». 

Pour  bien  comprendre  ce  vers,  il  faut  se  rappeler  que  Tidée  philosophique 
qui  domine  dans  ce  poème  repose  sur  la  doctrine  bouddhique  de  la  pluralité 
des  existences.  Kim  Trong  craint,  si  le  Ciel  Tabandonne  en  lui  refusant  Tamour 
de  Téy  ESiÊt,  de  voir  sa  jeunesse  perdue,  en  ce  sens  que  les  facultés  aimantes 
de  son  cœur  ne  trouveront  pas  d'autre  aliment;  mais  cela  dans  Cexistence 
actuelle  seulement,  sans  préjuger  de  ce  qui  se  passera  dans  les  autres. 

3.  Litt  :  «  En  mesurant  —  Vamour  —  si  —  vous  êtes  décidée  à  —  être  chiche,  » 
Le  mot  cxtfân»  a  ici  une  signification  différente  de  celle  qu'il  présente 

dans  le  vers  précédent  II  y  a  cependant  entre  ces  deux  acceptions  une 
connexité  visible. 

4.  Litt.  :  <La  peine  —  de  vous  poursuivre  de  mes  assiduités  —  ne  pas  — 
constituera  une  perle  —  extrêmement  f  » 

<&»  est  une  particule  interrogative  en  usage  au  Tonkin. 

5.  Litt.  :  «  8e  taisant  —  elle  écoutait  —  (ces)  paroles  —  (douces)  comme  — 
de  VhuOe*, 

6.  Litt,  :  «  (Quant  au  fait  â^)incliner  vers  —  V amour  —  elle  était  fac'ÛR  à 
~  eoceiler;  —  (quant  à  ses)  traits  —  elle  était  hésitante». 

Je  ne  tradois  pas  le  mot  «//m  —  automne»,  qui  nVst  là  que  pour  faire 
le  pendant  de  <xuân».  Bien  que  ce  dernier  signifie  ici  €  amour»,  comuio 
le  sens  primitif  en  est  ^printemps»,  Tautenr,  pour  amener  le  parallélisme  entre 
les  deux  hémistiches,  a  placé  dans  le  second  le  nom  de  la  saison  f>pposéo. 
J'ai  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  ce  singulier  artifice  de  la  versification 
annamite. 

7.  «Cho  dang»  est  un  idiotisme  qui  équivaut  à  ^làm  seio  cho  âteo^f» 


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78  KIM  vAn  KIËU  tAN  TRUYÊN. 

«Dâ  16ng  quân-tè  da  mang! 

«Mot  loi  «virng»  tac  dà  vàng  thî  chungîa 

Dipcrc  IW,  nhir  céi  tam  long! 

Dd"  kim  hirÔTi  vài  khân  hông,  trao  tay. 
366    Rang  :  «Trâm  nâm  cûng  tii*  dây, 

«Cùa  tin  goi  mot;  chût  nây  làm  ghi!» 

San  tay  bâ  quat  lioa  qui. 

Vdi  nhành  xoa  ây  tù^c-thi  dôi  trao. 

Mot  IM  vira  gân  tât  giao, 
360    Mai  saii  dirông  c6  xôn  xao  tiêng  ngirôi. 

Vôi-vàng  là  rang,  hoa  roi. 

Chàng  vë  tha  viên;  nàng  dW  lâu  trang. 

Tii*  phen  dâ  biêt  tiiôi  vàng, 


1.  Litt.  :  *  Il  y  a  eu  (le  fait  que)  —  le  coeur  —  de  (ixmâ,  ô)  homme,  supé- 
rieur! —  beaucoup  —  eut  occupé  d^ affaires!* 

Par  le  mot  «tfa»,  l'auteur  met  au  passé  tout  le  reste  du  vers,  qu'il 
faut  considérer  comme  un  long  verbe  composé;  et  il  le  fait  pour  donner 
plus  d'énergie  à  Taffirmation  qu'il  exprime.  Cette  formule  d'affirmation  par 
le  passé  est,  du  reste,  fort  commune  en  annamite.  « 

2.  Litt.  :  «  Un  seul  —  mot  :  —  ^ obéir*  —  est  gravé  êur  la  —  pierre  — 
(et)  Vor  —  (quant  au)  commencement  —  (et  quant  à)  la  fin!* 

3.  Litt.  :  «  Recevoir  —  (ce)  mot  —  ftU  comme  —  déahahiller  —  son  cœur!  » 
Cette  expression  est  fort  pittoresque.  Malheureusement  on  ne  peut  la  faire 
passer  en  français  sans  la  modifier.  Je  l'ai  rendue  par  une  figure  équi- 
valente. 


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KIM  vAn  KIËU  TAN  TRUYEN.  79 

«Votre  cœur,  ô  noble  jeune  homme  !  est  occupé  de  beaucoup  d'affaires  ! 

«(Moi),  je  ne  sais  qu'un  mot  :  «Obéir!»  et  ce  mot  pour  toujours  est 

>dit2!> 
(Kim  trong)  à  ces  paroles,  sentit   son  cœur  soulagé  d'un  grand 

poids''! 
Prenant  des  bijoux  en  or,  un  rouge  mouchoir  (de  soie),  il  les  mit 

dans  la  main  (de  Kiiu). 
«A  partir  de  ce  moment,  et  pour  toute  la  vie»,  dit-il,  365 

<  que,  grâce  à  ce  gage  (d'amour),  mon  nom  de  votre  cœur  ne  dis- 

>parai8se  plus^I» 
Elle  avait  justement  à  la  main  un  éventail  orné  de  fleurs  de  Qui. 

Y  joignant  l'épingle  à  cheveux,  elle  les  donna  aussitôt  (au  jeune 

homme). 
A  peine,  par  ces  quelques  mots,  s'étaient-ils  liés  l'un  à  l'autre  '% 

Qu'il  leur  sembla,  derrière  la  maison,  entendre  un  bruit  confus  de  360 

voix. 
An  plus  vite  les  deux  amants  l'un  de  l'autre  se  séparèrent  \ 

n  retonma  dans  sa  salle  d'étude;  elle  gagna  son  cabinet  d'atours. 

Depuis  le  moment  où  ils  connurent  leurs  sentiments  réciproques  ', 


4.  Lîtt  :  *CEn  fait)  de  choaeê  —  de  a-oire,  —  (cela)  ê^ appelle  —  une  (de 
cet  chfmea);  —  ce  peu-ci  —  fait  —  (t action  de)  graver! 

5.  Lîtt.  :  «  (Par)  un  —  mot  —  c^  peine  —  avaienl-ih  appliqué  —  le  vernis  — 
et  la  colle». 

Ponr  exprimer  Tîntîme  union  de  deux  personnes,  on  dit  en  chinois: 
j^  ^C.  jjB  Zfô  Oiao  tàt  tunrng  âdu  —  eUeê  sont  finies  Vune  à  Vautre  oomme 
ixile  et  vernis», 

6.  IJtt.  :  *En  toute  hâte  Icjt  —  feuilles  —  ioml)hent,  —  les  fleurs  tomlth-enl*. 

7.  Litt.  :  «  Depuis  —  la  fois  que  —  la  pierre  —  connut  Vâge  —  de  Vor,  » 
*Tuf'i  —  ûge»  est  ici  pour  ^qualité».  L'or  est  considéré  comme  étant 

d'autant  plus  ^^eux  qu'il  a  subi  à  plus  de  reprises  Tépreuve  de  Taffinage,  de 
même  qn'nne  personne  d'un  âge  avancé  est  regardée  comme  plus  parfaite, 


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80  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUY^N. 

Tinh  càng  thâm  tUa,  long  càng  ngân-nga. 
365    Sông  Tuomg  mot  dâi  nông  trô-, 

Ben  trông  dâu  no,  bên  chfr  cuôi  kia. 

Mot  tirÔTig  tuyët  chô*  sirang  che, 

Tin  xuân  dâu  de  di  vë  cho  nâng? 

Lan  lân  ngày  gio  dêm  trâng, 
370    Thira  hông,  râm  lue;  dâ  chung  xuân  qua. 

Ngày  viita  sanh  nhu't  ngoai  gia; 

Trên  haï  du-ông,  dwôi  nfra  là  hai  em. 

parceque  les  épreuves  de  la  vie  ont  amélioré  sa  nature.  Dans  ce  vers  les 
deux  amants  sont  assimilés  au  métal  précieux  ;  et  la  connaissance  que  leur 
entrevue  leur  a  donnée  de  leurs  sentiments  réciproques  est  comparée  par 
le  poète  à  l'action  de  la  pierre  de  touche,  qui  fait  apprécier  le  d^p^  de 
finesse  de  For. 

1.  Litt.  :  <ti  (Quant  à)  V amour,  —  de  plus  en  plu»  —  ils  étaient  imbibés  (êic); 
—  (quant  au)  ccsur  —  de  plus  en  plus  —  Us  étaient  troublé»*. 

2.  Litt.  :  «  Lcrsque  dans)  le  fleuve  —  Tteanf}  —  (U  y  a)  un  courant  —  peu 
pi'ofondf  » 

Le  fleuve  dont  il  s'agit  ici  tst  un  grand  tributaire  du  i^  "^^  ^'^»V  ^ 
kiâng  qui  traverse  la  moitié  orientale  du  jfj&l^  ^^^'^  w^"  ^^  pénètre  dans  le  lac 
T(mg  T\nli.  Il  donne  son  nom  aux  ^  |^  et  à  d'autres  villes  qui  Tavoisinent. 
(Voy.  Wells  Williams,  A  syUabic  dicUonary  of  Uie  chinese  language,  p.  791.) 

Il  est  dit  dans  l'histoire  de  l'état  de  ^  que  les  amants  qui  demeu- 
raient sur  les  deux  rives  de  ce  fleuve  avaient  coutume,  au  printemps,  de  se 
réunir  sur  ses  bords  et  de  s'y  promener  ensemble.  Mais,  lorsque  les  eaux 
étaient  basses  et  ne  pouvaient  porter  bateau,  ils  étaient  privés  de  moyen 
de  communication,  et  devaient,  comme  le  dit  le  vers  suivant,  attendre  chez 
eux  un  état  de  choses  plus  favorable. 

3.  Litt.  :  €  Les  nouvelles  —  de  printemps  —  om  (est  le  fait  que)  —  facile- 
ment —  eUes  vont  —  et  reviennent  —  avec  fréquence  f» 

4.  Litt.  :  «  Peu  à  peu  —  les  jours  —  ventaient  —  et  les  nuits  —  produi- 
saient le  clair  de  lunev. 


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KIM  vAN  KIÊU  TÂN  TRUY^N.  81 

leur  amour  devint  tous  les  jours  plus  profond  '  ;  tous  les  jours  leur 

oœar  se  troublait  davantage! 
Lorsque  dans  le  lit  du  fleuve  Tttang  les  eaux  sont  basses  \  366 

Sur  Tun  et  l'autre  bord  attendent  les  amants. 

  travers  un  mur,  à  ciel  découvert, 

il  n'est  guère  aisé  d'entretenir  fréquemment  des  correspondances 

amoureuses^! 
Petit  à  petit,  les  jours  (succédant)  aux  nuits  \ 

Le  rouge  des  fleurs  s'éteignait,  faisant  place  au  vert  croissant  du  870 

feuillage.  Le  printemps  avait  passé  ^. 
Survint  le  jour  de  naissance  de  Taïeul  maternel  (de  Kiêu). 

Elle  avût  son  frère  et  sa  mère,  un  frère  cadet,  une  jeune  sœur  ^. 

Les  substaotifs  «^>  et  €trâng>  ne  sont  ici  en  réalité  que  des  ornements 
poétîqaeB  destinés  à  faire  ressortir  le  parallélisme  par  la  place  quMls  oc- 
cupent dans  le  vers,  par  la  nature  des  choses  quUls  expriment,  et  par  le 
rapport  qu*ont  ces  choses,  en  temps  que  météores,  avec  le  jour  et  la  nuit.  Il 
&ut  noter  aussi  qu'ils  deviennent  verbes  par  position. 

5.  Litt.  i  *(n  y  eut)  le  rare  —  rouge;  —  (U  y  eut)  Vépaiê  —  vert;  —  ce 
fut  le  terme  —  (auqud)  le  printempê  —  passe». 

6.  Le  mot  *hâng  —  rouge»  est  choisi  de  préférence  comme  étant  le  nom 
de  la  teinte  qui  prédomine  dans  les  fleurs.  Ces  dernières  apparaissent  au 
printemps,  alors  qu'en  général  les  feuilles,  qui  viennent  de  naître,  sont  en- 
core peu  apparentes.  Quant  au  contraire  Tété  arrive,  les  fleurs  disparaissent 
peu  à  peu  et  la  teinte  rouge  qu'elles  donnaient  à  Tensemble  de  la  végé- 
tation s'efface  graduellement,  tandis  que  la  masse  verte  formée  par  le  feuil- 
lage devient  de  plus  en  plus  épaisse  et  touffue.  L'effacement  de  la  première 
couleur  et  la  prédominance  de  la  seconde  indique  donc  que  le  printemps 
ûût  i^ace  à  l'été. 

Les  expressions  ^tkita  hSng»  et  €râm  l^c»,  par  leur  position  symétrique 
au  commencement  du  vers,  constituent  de  véritables  expressions  imperson- 
neUes,  comme  «mira  dà  —  U  grêle  »,  ^xuông  tuyët  —  U  neige»  et  autres 
semblables;  la  particule  *âà»  met  au  passé  tout  ce  qui  suit,  et  en  fait 
une  expression  verbale  composée,  de  même  nature,  mais  plus  longue. 

7.  Lîtt.  :  €(Les  parents)  au-dessus  —  (étaient  les)  deux  —  (personnes)  vé- 
nérables; —  les  (parents)  au-dessous,  —  en  outre,  —  àaient  —  les  deux  —  cadets 
(la  sœur  cadette  et  le  jeune  frère  de  Tûy  Kiêu)», 

6 


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82  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUY^N. 

Tâng  bâng  sâm  âo  sihi  xiêm, 

Bèn  dâng  mot  le  xa  dem  tac  thành. 
375    Nhà  hirang  thanh  vâng  mot  minh; 

Gâm  ca  hoi  ngo  dâ  dành  cô  noi. 

TM  trân  thtrc  thirc  san  bày, 

Gôt  sen  thoât  thoât  dao  ngay  mai  tirông. 

Câch  hoa  se  dâng  tiêng  vàng: 
380    «DiriH  hoa  thây  dâ  c6  chàng  dihig  trông!» 

«Trâch  16ng  ha  hihig  bây  long! 

«Lèa  hiroTig  choc  de  lanh  lùng  bây  lâu! 

«Nhû-ng  là  dâp  nhô-  dôi  sau, 

Comme  je  Tai  dit  dans  une  des  notes  de  ma  traduction  du  Lx,tc  Vân  Tien, 
on  assimile  poétiquement  le  père  à  Tarbre  «i^  Xuân*  et  la  mère  à  la 

plante  «^  Huj/ên>*.  De  là  les  expressions  *>fê^^  Xuân  dubng  —  (la 
personne)  vénérable  (qwd\fiée)  Xuân  »,  «  ^*  ^g  Huyèn  dvbng  —  (la  personne) 
vénérable  (qualifiée)  Jftu/ên»;  OU  simplement  comme  ici  ^hai  duh-ng  —  fet 
deux  personnes  vénérables»,  en  sons-entendant  leur  qualificatif  poétique. 

1.  Litt.  :  €  Alors,  —  offrant  —  une  cérémonie,  —  au  loin  —  Us  portèrent  — 
un  cœur  —  sincère». 

2.  Litt.  :  «  (Avec  son)  talon  —  de  nénuphar.  »  «  Sen  —  nénuphar  »  est  une 
épithète  qui  n'a  pas  ici  de  sens  réel.  L'auteur  l'emploie  uniquement  parce 
qu'il  a  besoin  d'un  monoeyllabe  de  plus  pour  que  son  vers  soit  bien  coupé. 
(Voir  ce  que  j'ai  dit  sur  l'emploi  de  ce  singxdier  genre  d'épithètes  dans 
ma  traduction  du  poème  Luc  Vân  Tien,  page  95,  en  note.) 

3.  n  est  assez  singulier  de  trouver  sous  le  pinceau  d'un  poète  cochin- 
chinois  dont  l'oeuvre  aura  bientôt  cent  ans  cette  expression  :  *voix  d'or*: 
qui  s'est  introduite  tout  récemment  dans  notre  langue. 

4.  La  poésie  annamite  comporte  des  répétitions  que  l'on  ne  saurait  ad- 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  83 

(Tous)  s'empressèrent  de  revêtir  leurs  habits  de  cérémonie, 

et  lièrent  témoigner,  dans  un  sacrifice,  à  leor  ancêtre  une  affection 

sincère  '. 
La  jeune  fille  se  trouvant  toute  seule  à  la  maison,         ,  376 

(Kim  Trong)  se  dit  que  c'était,  à  coup  sûr,  Toccasion  de  se  réunir. 

Élégamment  il  disposa  les  friandises  de  la  saison; 

puis,  allant  d'un  pas^  rapide,  il  marcha  droit  sur  la  crête  du  mur. 

(Kiêu)  à  travers  les  fleurs  fit  entendre  sa  voix  d'or  ^r 

«Jevous  vois  bien», lui  dit-elle,  «(là-bas),  debout,  quime  regardez^!»  sso 

«J'ai»  (répondit  le  jeune  homme)  «à  me  plaindre  de  votre  cœur!» 

»  Combien  faut-il  qu'il  soit  insouciant 
«pour  avoir  laissé  depxds  si  longtemps  le  brûle -parfums  refroidir^! 

«Occupé  que  j'étais  sans  cesse  à  étouffer  mes  souvenirs,  à  donner  le 
>  change  à  ma  tristesse  ^, 

mettre  en  français.  Le  mot  *hoa  —  fleuré» y  se  trouvant  reproduit  dans  le 
vers  379  et  dans  celui  qui  le  suit  immédiatement,  je  suis  forcé,  sous  peine 
de  produire  un  effet  par  trop  choquant,  de  remplacer  dans  ce  damier  Tex- 
pression  <jpar  dessam  les  fleurt*  (traduction  de  «entrai  hoa»)  par  les  mots 
^là-ba»»  qui,  tout  en  rendant  l'idée  en  gros,  ne  donnent  point  le  sens  strict 
de  Tannamite. 

5.  ^m  Trçnff  se  plaint  de  ce  qu'elle  ne  lui  a  pas  donné  depuis  long- 
temps, en  lui  rendant  visite,  Foccasion  d'allumer  le  brûle-parfums  en  son 
honneur. 

6.  Idtt.  :  *  Absolument  —  c'éUnt  que  —  je  recouvrais  —  mes  souvenirs,  — 
je  changeais  —  (ma)  tristesse;» 

Ce  vers  est  à  double  sens;  on  peut  aussi  le  rendre  ainsi  : 

*  Accumulant  souvenir  sur  souvenir,  passamt  d'une  peine  à  une  autre,» 

En  effet  <dap»  signifie  à  la  fois  *  amonceler»  et  «recovi^rtr»,  et  «^<>t» 

peut  être  pris  an  transitif.  La  traduction  littérale  serait  alors: 

«  Ahsolvment  —  c^éttdt  que  —  f  amoncelais  —  les  souvenirs  —  et  je  faisais 

changer  (je  remplaçais  les  unes  par  les  autres)  —  les  tristesses;» 

6* 


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84  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

«Tuyêt  surong  nhuôm  nèa  mai  dâu,  hoa  râm!> 
385    Nàng  rang  :  «Giô  bât,  mira  cam! 

«Dâ  cam  te  v(M  tri  âm  bây  chây! 

«Vâng  nhà,  dirac  buèi  hôm  nay! 

«Lây  16ng,  goi  chût  ra  dây  ta  16ng!> 

Lan  theo  nui  giâ  di  v6ng. 
390    Cuôi  tva&ng  dirùng  c6  nèo  thông  moi  rào. 

San  ngang  ma  mât  Bông  dào, 

Rë  mây  trông  rô  loi  vào  Thièti  thai. 

Mât  nhin  mât  càng  thêm  tiroi! 


1.  Litt.  :  «La  ndge  —  et  la  rosée  —  ont  teint  —  la  nwiUé  de  —  U  sommet 
—  de  ma  tête  —  (de  la  couleur  des)  fleura  —  du  Eâm,  » 

Le  <  Cây  Râm  >  ou  en  latin  «  Phyllirea  indica  »  (Taberd)  est  une  plante 
dont  le  parfum  et  le  port  ressemblent  à  ceux  de  l'armoise,  mais  qui  est 
probablement  une  espèce  de  VUex  (Wells  Wiluams).  On  sait  que  les  fleurs 
agglomérées  de  Tarmoise  sont,  surtout  avant  Tépanouissement,  couvertes  de 
poils  très  fins  et  d'un  gris  presque  blanc.  Cette  particularité  explique  la  com- 
paraison que  nous  trouvons  dans  le  présent  vers.  On  dit,  du  reste,  couram- 
ment en  annamite  :  «  hoa  Râm  dâu  >  pour  désigner  une  chevelure  qui  blanchit. 

2.  Litt.  :«....  te  vent  —  me  saisissait  —  et  la  pluie  —  me  retenait.  » 
Kim  Trong  vient  de  parler  de  la  neige  et  de  la  rosée;  2%  kiêu  lui  ré- 
pond par  une  métaphore  analogue. 

3.  Voir,  sur  lesmots  «  tri  ^m  »,  ma  traduction  du  Lue  Vân  Tien,  p.  30,  en  note.  Le 
conte  d'où  cette  locution  tire  son  origine  se  trouve  dans  les  recueils  chinois  inti- 
tulés «>>^  "^  ^  ^  Kim  cl  ky  quan*  et  «^ {Hl^S  ^^"^  thêckm  nang.» 

4.  Litt.  ;  *la  montagne  —  simulée.*  Ce  genre  de  fabrique  est  très  com- 
mun dans  les  jardins  chinois,  où  Ton  sait  que  les  artistes  paysagistes  s'ef- 
forcent de  reproduire  en  petit  tous  les  accidents  naturels  du  soL  II  consiste 
en  une  agglomération  de  pierres  ou  de  briques  disposées  de  manière  à 
former  uîie  montagne  ou   un  rocher  en  miniature  au  pied  duquel  coule 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÇN.  85 

cla  neige  et  la  rosée  ont  fait  blanchir  mes  cheveux  '!  » 

< Mille  obstacles»;  répondit-elle^  < s'opposaient  à  ma  sortie^!  385 

<  (Voilà  pourquoi)  depuis  si  longtemps  je  suis,  ami  ^!  coupable  envers 
»vousï 

< Aujourd'hui  la  maison  est  vide  et  l'occasion  favorable! 

tVous  m'avez  pris  mon  cœur;  et  voici  que  je  sors  pour  vous  payer 

>de  retour!» 
(Ce  disant;)  elle  contourna  la  rocaille  K 

Au  bout  du  mur  se  trouvait  comme  un  sentier  récemment  barré.       390 

Elle  y  pénétra^  ouvrit  la  porte  de  la  retraite  *, 

et;  écartant  les  obstacles,  elle  distingua  nettement  le  chemin  qui 

menait  chez  Kim  Trong^. 
Ds  se  regardèrent  l'un  l'autre;  et  (plus  ils  se  contemplaient)  plus  ils 

se  trouvaient  charmants^! 

généralement  une  fontaine  qui  alimente  un  petit  lac.  Nous  avons  des  dis- 
positions analogues  au  Trianon  et  dans  beaucoup  de  nos  «Jardins  anglais  » 
qnll  serait  plus  exact  d'appeler  «jardins  chinoise, 

6.  Litt  '.  *De  la  grotU  —  du  Bbo  ».  Les  mots  «  Bong  dào  »  ou  «  Tien 
dông»  désignent  une  groUe  ou  réside  une  fée,  CTest,  ici,  la  demeure  de  2%  Kiêu. 

6.  Litt.  :  «  Écartant  —  les  nuages,  —  elle  aperçut  —  clairement  —  le  sen- 
tier —  pour  entrer  dans  —  la  tour  céleste,  » 

Nous  avons  dans  ce  vers  la  continuation  de  la  figure  du  vers  précédent. 
En  ouvrant  la  porte  qui  donnait  accès  dans  sa  demeure  (dông  dào),  la  fée 
(Tûy  Kiêu)  écarte  les  nuages  qui  Tempêchaient  d'apercevoir  le  chemin  qui 
mène  à  la  résidence  (Thim  thai)  de  l'immortel,  qui  est  Kim  Trong,  Cette 
métaphore  renferme  en  outre  un  jeu  de  mots.  En  effet,  «m%»  signifie  à  la  fois 
*  nuage»  et  *  rotin».  On  peut  donc  comprendre  ce  mot  des  deux  manières; 
hii  donner  le  sens  que  je  lui  ai  attribué  ci-dessus,  ou  traduire  tout  simplement 
<rê  mâg»  par  *  écarter  les  rotins  >y  en  Supposant  que  ces  plantes  avaient 
poussé  dans  le  sentier  abandonné  qui  faisait  communiquer  les  deux  habi- 
tations et  l'avaient  dissimulé  à  la  vue  en  l'encombrant  La  jeune  fille,  les 
rejetant  de  chaque  côté,  aperçoit  le  chemin  qu'elles  lui  cachaient. 

7.  litt  :  <  Un  visage  —  regardant  —  un  visage,  —  de  plus  en  plus  —  ils 
étaient  augmentés  —  quant  à  la  frakihetir.  » 


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86  KIM  VÂN  KIÊU  tAn  TRUY^N. 

Bên  loi  van  phirô-c,  bên  loi  hàn  huyên. 
396    Sânh  vai  vë  chôn  tha  hiên, 

Ngâm  loi  phong  nguyêt,  nàng  nguyën  non  sông. 

Trên  an  bût,  giâ,  thî  dông; 

Bam  thanh  mot  bi!rc  tranh  tông  treo  lên. 

Phong  sirong  dirac  vè  thiên  nhiên! 
400    Mân  khen;  net  bût  càng  nhin  càng  tiroi. 

Sanh  rang  :  «Phâc  hoa  viht  roi! 


1.  Lîtt.  :  ^CQuant  à  un)  côté  —  (U  y  eut)  des  paroUa  —  de  dix  mille  — 
bonheurs;  —  (quant  à  Vautre)  côté  —  (U  y  eut)  des  paroles  de  —  froid  — 
(ou)  aède.* 

La  jeune  fille  souhaite  au  jeune  homme  mille  félicités;  et  ce  dernier  lui 
répond  par  la  formule  de  politesse  *Hàn  huyên f»  qui  signifie  littéralement: 
€Avez-vous  froid^  OU  éprouvez-vous  une  douce  chaleur  f*,  et  qui  a,  en  gros,  à  peu 
près  le  même  sens  que  la  question  anglaise  :  *Are  you  wéllf*  Dans  son 
ensemble,  ce  vers  signifie  que  le  jeune  homme  et  la  jeune  fille  échangent 
en  se  rencontrant  d'aimables  paroles  de  salutation. 

2.  Litt.  :  «-B»  comparant  —  (leurs)  épaules  —  Us  se  rendirent  —  au  lieu  —  de 
la  saUe  de  littérature,  * 

J'ai  expliqué  sous  le  vers  280  ce  que  signifie  au  juste  le  mot  <ihiên*. 

—  Quant  à  Texpression  ^Sdnh  vai  —  comparer  les  épaules  t^^  elle  rend  d'une 
manière  pittoresque  la  situation  réciproque  de  deux  personnes  qui  se  tiennent 
à  côté  Tune  de  l'autre.  Elles  sont  supposées  s'être  placées  ainsi  pour  voir 
laquelle  des  deux  a  les  épaules  plus  hautes  que  l'autre.  Je  l'ai  rendae 
par  notre  expression  €côte  à  côte»,  qui  renferme  d'ailleurs  une  figure  ana- 
logue. 

3.  Litt,  :  <  Ils  murmurèrent  —  des  paroles  —  de  vent  —  et  de  lune,  —  (et) 
gravement  —  vouèrent  —  les  montagnes  —  et  les  rivières,* 

«  Lai  phong  nguyêt  —  des  paroles  de  vent  et  de  lune  »  est  une  formule  con- 
sacrée par  l'usage,  qui  signifie  des  discours  amoureux,  des  paroles  passionnées, 

—  Ck)mme  les  Annamites  ont  coutume  de  prendre  à  témoin  de  leurs  pro- 
messes les  fleuves  et  les  montagnes ,  «  vouer  les  montagnes  et  les  fleuves  » 
équivaut  à  n prononcer  un  serment  solennel». 


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KIM  VAN  KIEU  TÂN  TRUYÇN.  87 

Elle  formula  pour  lui  mille  souhaits  de  bonheur;  il  lui  adressa  mille 

civilités  '. 
Côte  à  côte  ils  dirigèrent  leurs  pas  vers  la  salle  de  poésie  2,  395 

oà,  murmurant  des  mots  passionnés^  ils  échangèrent  de  solennels 

serments  \ 
Sur  la  table  étaient  placés  des  pinceaux,  des  pupitres,  des  livres  *, 

et  Ton  y  voyait  suspendue  Timage  d'un  Tbng  au  feuillage  vert  ^, 

merveilleuse  imitation  de  la  nature®! 

Plus  on  en  considérait  les  nuances  et  le  dessin,  plus  on  en  sentait  40o 

la  beauté. 
«Cette  grossière  peinture  est  à  peine  terminée  »  dit  le  jeune  homme; 


4.  Litt.  :   « de»  ver»  de  cuivre*,   c'est-à-dire   ^ver»  gravé»  »ur  de» 

taUeUe»  de  cuivre». 

Dans  one  «utre  édition  que  je  possède,  an  lieu  de  *^^^*>  on  lit 
<^S^9  thœ  dffng  —  des  livre»  de  ctitore».  On  peut,  du  reste,  adopter  sans 
inconvénient  Tune  ou  l'autre  de  ces  versions;  car  la  seconde  est  admise 
comme  équivalant  à  la  première.  Cette  expression  <^^  ^^»  ou  *^^3» 
n'est  dans  ce  passage  qu'une  façon  élégante  et  poétique  de  désigner  *de» 
livre»  en  général 9,  EUe  est  analogue  aux  mots  *bià  dâ  —  tableUe»  de  pierre» 
que  l'on  rencontre  souvent  dans  des  passages  semblables.  I^s  livres  sont, 
dans  cette  figure,  assimilés  aux  tables  de  cuivre  sur  lesquelles  on  grave 
des  maximes  ou  des  faits  dignes  d'être  précieusement  conservés  et  légués 
à  la  postérité. 

5.  Le  Pin  est  considéré  comme  un  emblème  de  solidité,  de  longue  durée, 
de  longévité  et  de  constance,  tant  parce  qu'il  ne  perd  pas  ses  feuilles  pen- 
dant l'hiver,  que  parce  que,  d'après  une  croyance  généralement  répandue, 
sa  résine,  an  bout  de  mille  ans,  se  change  en  ambre  jaune.  Les  peintres 
placent  souvent  cet  arbre  dans  leurs  tableaux  comme  un  emblème  allégo- 
rique des  vertus  et  qualités  dont  je  viens  de  parler;  et  Kim  Trnng  en  avait 
sospendu  l'image  dans  son  cabinet  de  travail  pour  faire  comprendre  à  Tâg 
KHin  que  sa  constance  était  inaltérable. 

6.  Lltt  :  «  (Quant  au)  vent  —  (et  à  la)  ro»ée^  —  on  avait,  (en  le  peignant^ 
oUenu  —  de»  trait»  (de»  nuance»)  —  eonfcrtne»  au  ciel  (à  la  nature),* 

Ce  vers  est  passablement  obscur;  mais  en  appliquant  scrupuleusement 
la  règle  de  position,  et  en  tenant  compte  de  ce  genre  spécial  de  phraséo- 


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88  KIM  VAn  KIÊU  TAN  TRUY^N. 

cPhâm  de  xin  mot  vài  loi  thêm  hoa!> 
Tay  tien  giô  tâp  mira  sa, 
Khoâng  trên  dihig  bût,  thâo  va  bon  câu. 
405    Khen  tài  nhâ  ngoc  phùn  châu  : 

cNàng  Ban  gâ  Ta  cûng  dâu  thê  nay? 

logie  qu'affectionnent  les  poètes  cochinchinois,  on  arrive  assez  facilement 
à  en  déterminer  le  sens  exact.  Le  mot  <  Thien  »  ne  doit  pas  être  pris  dans 
son  acception  ordinaire  de  *ciel».  Il  exprime  ici  ce  que  nous  appelons 
*la  nature  *f  d'où  il  suit  que  Tadverbe  ^thien  nhiên»  répond  exactement 
à  notre  expression  «au  naturel*. 

Seulement,  comme  cet  adverbe  se  trouve  placé  après  un  substantif,  il 
change  de  nature  par  Tinfluence  de  la  position,  et  devient  un  véritable 
adjectif  tout  en  conservant  la  forme  adverbiale  *f^  nhièn*;  ou,  si  on 
préfère  le  considérer  ainsi,  c'est  un  adverbe  chinois  pris  de  toute  pièce  et 
adapté  au  vers  annamite  avec  la  fonction  d'adjectif  résultant  de  la  position 
qu'il  y  occupe. 

Quant  aux  mots  ^phong  9uang,  —  le  vent  et  la  rosée*,  ils  sont  destinés 
à  renforcer  au  commencement  du  vers  l'idée  que  renferme  l'expression 
adverbiale  de  la  fin.  Le  vent  et  la  roaée  sont  pris  pour  l'universalité  des 
influences  météoriques  susceptibles  d'agir  sur  un  végétal.  La  pensée  con- 
tenue dans  le  vers  est  donc  celle-ci  :  «Le  peintre  avait  réusêi  à  reproduire 
dans  V image  de  pin  qu'il  avait  tracée  toutes  les  nuances  que  Vœil  peut  rencontrer 
dans  un  arbre  exposé  aux  intempéries,  comme  Vest  un  pin  véritable.  »  £n  somme 
•phong  swang»  joue  là,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  le  rôle  d*un  superlatif 
détourné,  qui,  en  s'appliquant  à  l'adverbe-adjectif  *thiên  nhiên*  produit  dans 
Tesprit  l'idée  que  nous  exprimons  en  français  par  les  mots  «tm  naturd 
frappant». 

1.  Litt.  :  €(à  la  manière  d^un)  dirigeant  —  st^et  de  composition,  — je  vous 
demande  —  quelques  —  paroles  —  pour  ajouter  —  des  fleurs!* 

*Phâm  de*  est  un  sujet  de  composition  que  l'on  soumet  à  des  lettrés 
afin  qu'ils  le  développent.  C'est  par  un  raffinement  de  politesse  que  Kim 
Trong  qualifie  ainsi  les  quelques  mots  qu'il  sollicite  de  la  jeune  fille  et 
qu'à  la  fin  du  vers  il  assimile  à  des  fleurs. 

2.  Litt.  :  <  Sa  main  —  d'immortelle,  —  (à  la  manière)  du  vent  —  qui  pousse 
—  et  de  la  pluie  —  qui  tombe,  * 

3.  Litt.  :  «  //  loua  —  son  talent  —  de  cracker  —  des  pierres  précieuses  - 
et  d*étemuer  des  perles.  * 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÇN.  89 

«mais  veuillez  bien  la  rehausser  en  y  ajoutant  quelques  mots  '!  » 
De  sa  main  habile^  avec  vélocité  ^, 

elle  posa  son  pinceau  sur  l'espace  libre,  et  traça  en  haut  du  tableau 

quelques  vers  en  caractères  cursifs. 
(Son  hôte)  fit  Téloge  du  merveilleux  talent  qu'elle  montrait  dans  405 

rfanprovisation^: 
<  Les  savantes  Ban  et  Ta  >,  àii-JÏ,  *  n'eussent  point  écrit  aussi  bien  ^  ! 


4.  Litt.  :  ^LajeuneJUle  —  Ban  —  el  la  sœur  aînée  —  Ta,  —  iout  atusi  bien, 
—  où  (est  le  fait  qa^les  auraient  écrit)  —  de  cette  manière  f» 

Cette  Ban  était  la  sœur  de  «]S^@  ^on  cô»,  qui  fut  historiographe 

impérial  sous  le  règne  de  Temperettr  ^t  ^ffl  *Sn^  Hiêu  hoà  di  des  JÉ[  |S£ 
Bôt^  Hàn  (Hdn  orientaux).  Elle  est  d'ailleurs  connue  sous  cinq  noms  dif- 
férents :  V  igË^^  ^'^  ^^  ^^i  '^"^  %]Sii£  ^^^  ^^  ^^'  ^"^ 
^^^  ^ào  dai  gia;  ^"^  ^ ^  fj^  Tào  dùi  cô;  et  enfin  5*»  ^  j^ 
Ban  Thiêu.  Ce  dernier  nom  lui  était  commun  avec  un  autre  de  ses  frères, 
illustre  général  qui,  par  trente  années  de  victoires,  fit  reconnaître  la  supré- 
matie de  l'Empire  du  Milieu  à  plus  de  cinquante  royaumes.  Elle  avait, 
étant  enfant,  profité  si  bien  des  leçons  que  recevaient  ses  deux  frères  et 
auxquelles  elle  participait,  qu'elle  était  en  état  de  lutter  avec  eux  sur  le 
terrain  de  Tinstruction  littéraire.  Après  la  mort*de  son  mari  qu'elle  avait 
épousé  à  quatorze  ans  et  envers  qui  elle  s'était  montrée  le  modèle  des 
épouses,  elle  se  retira  chez  son  frère  Ban  co  qui,  émerveillé  de  l'instruction 
extraordinaire  et  du  goût  délicat  qu'il  rencontrait  chez  sa  sœur,  n'hésita 
pas  à  la  prendre  comme  collaboratrice  dans  la  composition  de  son  grand 
ouvrage  intitulé  *  ■{  ^^^  ^»^**  ^^^  ^^  —  ^  Livre  des  première  Hdn», 
ainsi  que  de  plusieurs  autres  fort  remarquables. 

Après  la  mort  de  Ban  cô  emporté  par  le  chagrin  où  l'avait  plongé  la 
disgrâce  dans  laquelle  il  était  tombé,  l'Empereur  se  souvint  des  éloges 
répétés  que  lui  avait  fait  de  sa  sœur  le  savant  historiographe.  Il  chargea 
cette  dernière  de  terminer  les  ouvrages  de  son  frère,  et,  lorsqu'ils  parurent, 
la  renommée  de  cette  savante  femme  se  répandit  dans  tout  l'empire.  Elle 
fut  chargée  de  l'instruction  de  l'impératrice,  pour  laquelle  elle  composa  un 
admirable  traité  sur  les  devoirs  de  la  femme.  Ce  livre  fut  si  admiré  que 
le  chef  des  lettrés  qui  travaillaient  chaque  jour  dans  la  bibliothèque  impé- 
riale voulut  que  sa  propre  femme  l'apprît  par  cœur. 

Lorsque  Ban  kp  mourut  âgée  de  70  ans,  l'empereur  lui  fit  faire  de 
q>lendides  funérailles,  et  de  nombreux  lettrés  composèrent  son  éloge  en  vers. 

L'autre  femme  savante  dont  il  est  question  dans  ce  passage  se  nommait 
H*  ^  H^  Ta  Boo  Huin.    «Elle  était»,  dit  le  ^  ^  jj^T,  «fille  du 


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90  KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

«Kiêp  tu  xira  vi  chira  dày! 
«Bwc  nào  dèi  dirac  gîâ  nây  cho  ngang?> 
Nàng  rang  :  «Trom  liée  dong  quang! 
410    «Châng  sân  ngoc  boi,  thôi  phirông  kîm  mon! 

»  frère  aîné  de  ^U*^  ^V  ^»»,  premier  ministre  du  roi  de  ^  Tétn.  Dès 
»  rage  le  plus  tendre  elle  savait  faire  des  vers.  (Un  jour  que)  la  neige  tom- 
»  bait  à  gros  iiocons  dans  la  cour  de  sa  maison.  An,  interrogeant  ses  enfants, 
»Ieur  dit  :  «Que  vous  rappelle  cette  neige,  à  la  fois  abondante  et  confuse?» 
»—  «Elle  ressemble»,  lui  dit  3^  -Diêwi  sa  nièce,  «à  du  sel  que  Ton  pro- 
»  jetterait  irrégulièrement  dans  Tespace».  —  «Elle  rappellerait  plutôt»  dit 
»  Dao  Huhn  «  des  chatons  de  saule  soulevés  par  le  vent.  »  An  fut  émerveillé 
»de  sa  réponse.  Plus  tard  elle  épousa  IS^  ^  Ngttng  Chi,  fils  de  ^ 
»  Vuang,  maréchal  de  la  gauche. 

«Son  mari  étant  mort,  elle  se  fit  remarquer  par  sa  chasteté.» 

1.  Litt.  :  €Le8  générations  —  réUgieuBCê  —  d'ctutrefois,  —  (ai)  on  le*  com- 
pare, —  pas  encore  —  sont  complètes,» 

Dans  les  croyances  qui  ont  cours  dans  Textrême  Orient,  loi*squ'une  per- 
sonne a  passé  sa  vie  à  se  perfectionner  dans  la  vertu  (tu),  ses  mérites  sont 
réversibles  sur  les  descendants,  qui  jouissent  d'une  existence  heureuse  et 
sont  surtout  doués  d'une  Intelligence  supérieure.  La  suite  de  générations 
constituée  par  cet  ancêtre  vertueux  et  la  série  des  descendants  qui  re- 
cueillent ainsi  la  récompense  du  bien  qu'il  a  fait  se  nomme  «£»éjp  tu,  — 
une  série  de  générations  religieuses».  L'auteur  donne  à  entendre  ici  qu'un 
ancêtre  de  la  jeune  fille  posséda  de  si  hautes  vertus,  qu'elles  exercent  en- 
core leur  heureuse  influence  sur  la  race,  comme  le  montrent  l'intelligence 
et  les  talents  dont  est  douée  Tug  Kiêu, 

2.  Litt.  :  «  Pour  quel  degré  (de  supériorité)  —  changer  —  pourrait-on  — 
cette  valeur-ci  —  pour  —  les  mettre  sur  la  même  ligne  f> 

3.  Litt.  :  «  (Si)  ne  ptts  (vous  faites  partie  de)  la  cour  —  des  gens  qui  portent 
sur  eux  deê  pierres  précieuses,  —  alors  —  (vous  êtes  de)  la  société  —  de  la 
porte  d'or!» 

*Ngoc»  signifie  *  pierre  précieuse»,  et  *bôi»  veut  dire  *  porter  sur  soi». 
Autrefois,  les  grands  personnages  portaient  à  la  ceinture  des  pendants  de 
pierres  précieuses;  et,  lorsqu'un  lettré  avait  brillé  dans  les  concours,  le  Roi 
l'autorisait  à  porter  de  ces  pierres  à  son  bonnet  et  à  sa  ceinture.  De  là 
vient  que  l'on  appelle  poétiquement  €Ngoc  boi  —  personnes  qui  portent  de 
riches  pendants  de  ceinture»  les  hauts  fonctionnaires  de  l'État.  Le  poète  dit 
*sân  ngoc  boi  —  la  cour  des  Ngçc  boi»,  parce  que  ces  fonctionnaires  se  réu- 
nissaient dans  la  cour  du  palais  pour  y  attendre  le  moment  de  Tandience 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn.  91 

«Le  nombre  de  celles  qui  durent  autrefois  leur  science  ou  bien 

>  qu'avaient  fait  leurs  ancêtres^  n'était  point  encore  complet  K 
«Qui  serait  capable  d'atteindre  à  la  hauteur  de  votre  talent^?» 

«A  la  dérobée»  dit  la  jeune  fille  «j'ai  regardé  votre  visage! 

«Si  vous  n'êtes  pas  un  de  ces  lettrés  qui  s'ornent  de  pierres  pré-  4io 
»cieuses3,  vous  êtes^  alorS;  un  académicien! 

dn  sonverain.  Le  Livre  des  vers  porte  souvent  de  ce  «^H  ô^)t»,  attribut  des 
princes  et  des  grands: 

m  ^  m  m  ^  is^ 
#  ï  ^  ^  «  m 
^  »  m  m  ^  ^ 

iSo    5lTo    ^o    Jto     So     ^o 

«  Chung  nam  hà  hitu  f 
*Httu  kj  hûu  dbng! 
€  Quân  tùr  cki  chl 
^PhéU  y  t&  thuang. 
«  BH  ngoc  tuâng  tuâng, 
«  Tho  kiiao  bâ^t  vmg! 

«Qu'y  a-t-il  sur  le  Chung  namf 

«n  y  a  des  réduits,  des  clairières! 

«Le  Prince  y  est  arrivé. 

«Sur  sa  robe  brodée  il  porte  ses  emblèmes. 

«  Les  pierres  de  ses  pendants  de  ceinture  font  entendre  leur  tintement. 

«Longue  vie  au  Prince!  On  ne  l'oubliera  pas!» 

(Livre  des  ver»,  Part.  I;  Liv.  XI,  ode  6  jftît^  Chung  nam,J 

^    Il    :?î    « 

^  m  B  m 
^  m.  M  ^ 

^o    Jâlo    ISIo    ffio 

*noac  dl  kg  t&u, 
*Bdt  âX  làf  tuong! 
^Hugen  hugen  bçi  toai, 
*Bdt  di  kg  irttémg!* 


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92  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

«Nghï  mlnh  phân  mông  cânh  chuôn! 
«Khuôn  xanh  bîêt  cô  vuông  trôn  ma  hay! 
«Nhô*  tû*  nâm  hây  tha  ngây, 
«Cô  ngirM  tirÔTig  sr  doân  ngay  mot  loi  : 
4 1 5    «  Anh  boa  phàt  ti^t  ra  ngoài! 

«Ngàn  thu  bac  maug,  mot  dW  tài  hoa! 
«Trông  ngirôi,  laî  nhâm  vaô  ta, 
«Mot  dày,  mot  mông;  biêt  là  cô  nên?» 
Sanh  rang  :  «Giâi  eau  là  duyen! 


«Si  on  leur  oflfre  du  vin, 

«Pour  eux  ce  n'est  point  une  liqueur! 

«  Si  on  leur  donne  de  longs  pendants  de  ceinture  ornés  de  pierres  précieuses, 

«Ils  ne  les  trouvent  point  assez  longs!» 

(Part.  II,  Liv.  V,  ode  9,  ^^  L^c  nga,) 
Pour  Texpression  €Kim  niôn»,  voir  ma  traduction  du  poème  de  Luc 
Vân  Tien,  page  64,  en  note. 

1,  Litt  :  *Je  réfléchis  sur  —  moi-même  —  (qui  suis  une  personne  d'une)  con- 
dition —  mince  —  (comme  une)  otfe  —  de  libellule!* 

2.  Litt.  :  «  La  forme  —  bleue  —  sait  —  s^U  y  a  —  le  fait  d^être  —  carré 
—  et  rond  —  pour  savoir/* 

Le  ciel  est  assimilé  métaphoriquement  à  une  forme  qui,  englobant  tontes 
les  créatures  au-dessus  desquelles  elle  s'étend,  les  embrasserait  comme  un 
moule  embrasse  ce  qu'il  contient. 

L'expression  «  Vuông  tron,  — -  carré  et  rond»  est  une  métaphore  très  ellip- 
tique dont  le  développement  serait  ceci  :  *que  Von  considère  cela  comme  un 
carré,  le  carré  est  complet  et  régulier;  qu'on  le  considère  comme  rond,  la  circon- 
férence en  est  complète  et  régulière  aussi,  »  De  là  l'adoption  de  cette  expression 
pour  exprimer  l'état  de  perfection,  de  régularité  d'une  chose  ou  d'un  état. 
Il  s'agit  ici  du  parfait  accomplissement  des  devoirs  qui  incombent  à  une 
épouse  envers  son  époux  et  réciproquement.  Dans  l'espèce,  ces  mots  «  vuông 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TBUYÇN.  93 

<  Je  pense  à  mon  mince  mérite  <  ! 
«  Le  Ciel  sait  si  pom*  Yons  je  pois  être  mie  digne  épouse  ^! 
«Je  me  sonviens  qne  jadis^  dsms  les  années  de  mon  enfance^ 
«Un  physiononûste 3  prononça  sur  moi  une  parole  prophétique: 
«An  dehors  la  splendeur  se  manifestera!»  dit-il.  ^^^ 

«Je  vois  d'interminables  infortunés;  toute  une  vie  de  courtisane 

«artiste^! 
«  Eln  vous  regardant  d'abord,  en  me  regardant  ensuite, 

«Vous  grand  et  moi  chétive,  je  ne  sais  s'il  nous  est  permis  de  nous 

>nnir!  > 
«Cest>;  dit  le  lettré;  «le  destin  qui  nous  met  tout  à  coup  en  pré- 

>sencel 

trvn*  correspondent  assez  exactement  pour  le  sens  à  l'expression  chinoise 
*ffl  SB  doàn  viên»y  bien  que  la  composition  étymologique  de  cette  dernière 
soit  un  peu  différente,  les  mots  S  et  19  signifiant  tous  les  deux  ^rond* 
on  €gloUtleux9. 

3.  Les  Chinois  et  les  Annamites,  comme  bien  d'autres  «peuples,  ajoutent 
une  grande  fois  aux  indications  que  les  traits  du  visage,  la  conformation 
des  mains,  Tallure  etc.  sont  réputés  fournir.  Cette  disposition  est  exploitée 
par  des  industriels  ambulants  qui  parcourent  les  localités  habitées,  s'éta- 
blissent dans  les  carrefours  et  y  donnent  des  consultations  publiques.  La 
nouvelle  chinoise  ^  J%,  "A  ^^  l'anecdote  intitulée  j^  '^  (^  ^  $) 
sont  basées  sur  cette  particularité  de  mœurs.  L'arrêt  que  rendent  ces  sortes 
de  prc^hètes  n'est  cependant  pas  réputé  être  absolument  sans  appel;  car 
si  Ti^twig  k'auH,  le  héros  du  âf  J^'fik»  ^oit  fondre  sur  sa  tête  le  malheur 
que  lui  annonçait  le  physionomiste  ^S^^'A  et  se  tue  lui-même,  en 
revanche  la  probité  de  iftjjj^  conjure  les  sinistres  prédictions  du  bonze 
— -ij^,  et  après  qu'il  a  rendu  les  ceintures  précieuses  il  voit  la  fortune 
lui  sourire  et  devient  prince  de  ^>.  Quant  à  ce  qui  concerne  l'héroïne  de 
notre  poème,  on  verra  se  réaliser  de  point  en  point  la  prédiction  du  phy- 
sionomiste dont  l'auteur  lui  met  ici  les  paroles  dans  la  bouche. 

4.  Litt.  :  «Jfôfe  —  oMUomnes  —  de  blanche  (maUieuretueJ  —  destinée,  — 
une  vie  —  de  talent  et  de  fleurai* 


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94  KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

420    <Xira  nay  nhân  dinh  thâng  thiên  cûng  nhiêu! 

«VI  dâu  gîâî  kîêt  dên  dëu, 

»Thl  dem  vàng  dà  ma  liëa  vdi  thân!» 

Bè  dëu  trung  khùc  an  can, 

L6ng  xuàn  phdi  phdi;  chén  xuân  tàng  tàng! 
425    Ngày  vui  vân,  châng  dây  gang! 

Trông  ra  âc  dâ  ngâm  girong  non  doài. 

Vâng  nhà,  châng  tien  ngôî  daî, 

Giâ  chàng,  nàng  moi  kfp  dôi  song  sa. 

Bên  nhà  vù'a  thây  tin  nhà; 
430    Haï  thân  c5n  d*  tiêc  hoa,  chira  vë. 

Cita  ngoài  vôi  xù  rem  the, 

Xâm  xâm  bâng  loi  vttôti  khuya  mot  minh. 

1.  Litt  :  ^(Depftiê)  autrefoU  —  (juêqu^)à  présent  —  (leêfait»  que)  de  V homme 

—  leê  dédêiofiM  —  Vont  emporté  sur  —  le  Ciel  —  tout  aussi  bien  —  ont  été 
nombreux,  9 

2.  Litt.  :  *Si  —  de  dénouer  —  ce  qui  est  noué  —  il  arrioait  —  une  chose,  > 

3.  Litt.  :  <  Alors  —  j'apporterais  —  Vor  —  et  la  piemre  —  pour  —  expostr 

—  avec  —  ma  personne!* 

Vor  et  la  pierre  sont,  en  poésie  surtout,  le  symbole  de  la  constance  et 
de  la  fermeté. 

4.  Litt,  :  «  Oompiktement  —  de  (leur  ccBurJ  —  les  détours  —  (mettaxU  au  jour) 
avec  empressement,* 

Ces  mots  < les  détours*  ou  «^  coins  du  cœur*,  qui  sont  en  chinœs  dans 
le  texte,  désignent  figurativement  ^les  pensées*. 


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KIM  VÂN  KIËU  TAN  TRUYÊN.  95 

«maiS;  de  tout  temps^  bien  des  décisions  hamaines  prévalurent  sur  420 

>  celles  du  CieP! 
«S'il  arrivait  que  quelque  chose  vînt  entraver  notre  union  ^^ 

«inébranlable,  à  cet  amour  je  dévouerais  du  moins  ma  vie  ^î  » 

Avec  force  détails  ils  mettent  à  nu  les  secrètes  pensées  de  leur  âme^; 

avec  volubilité  ils  se  parlent  de  leur  amour,  et  leur  passion  les  enivre  *! 

(Mais)  bien  courts  sont  les  jours  de  bonheur  ^1  426 

Ds  regardent  le  soleil,  et  le  voient  qui  disparaît  derrière  les  mon- 
tagnes de  rOuest'. 

La  maison  est  déserte,  et  ce  n'est  plus  le  temps  ^  de  rester  assise  à 
causer! 

(KiSu)  prend  congé  du  jeune  homme,  et  se  retire  dans  ses  apparte- 
ments K 

Eu  rentrant  à  la  maison  elle  reçoit  des  nouvelles  des  siens. 

Ses  parents,  attardés  au  festin,  ne  sont  point  encore  de  retour.  4do 

Sur  la  porte  d'entrée  s'empressant  d'abaisser  le  store. 

Seule,  au  milieu  de  la  nuit,  elle  se  dirige  sans  hésiter  à  travers  les 
sentiers  du  jardin. 

5.  mt.  :  «  Quant  au  cœur  —  de  printempa  —  ils  (parlent)  vite;  —  quant 
à  la  coupe  —  de  prkUempê  —  il*  sont  à  demi  ivresf» 

6.  litt.  :  « ne  pas  —  remplissent  —  un  empan!» 

7.  litt  :  *Ils  regardent  au  dehors  —  le  corbeau  Cd*orJ  —  qui  tient  défà 
dans  son  bec  —  le  miroir  —  des  montagnes  —  de  touesL* 

J'ai  dooné  plus  haut  Forigine  de  1  appellation  poétique  <<ic  vàng  —  le 
corbeau  d'or*  que  Ton  donne  au  soleil.  Cette  figure  est  mise  ici,  pour  ainsi 
dire,  en  action.  En  eflfet,  Tastre  qui  disparaît  derrière  la  cîme  des  mon- 
tagnes est  comparé  à  un  corbeau  qui  saisirait  ces  dernières  dans  son  bec 
et  se  mettrait  en  devoir  de  les  avaler. 

8.  Litt.  :  «  n  n'est  pas  commode  ....  » 

9.  «  8ong  sa  »,  litt.  :  «  les  fenêtres  grUlées  (tendues  de)  soie  *,  signifie  «  Vap- 
portement  des  dames  ». 


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96  KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Nhftt  thira  girong  gôi  dâu  nhành, 

Ngon  dèn  trông  trot  tnrÔTig  huinh  hât  hiu. 
435    Sanh  vûu  dira  an  thiu  thiu, 

D*  chlu  nhir  tînh,  dô*  chiu  nhir  mê. 

Tiêng  lên  se  dong  giâc  hoè  : 

«Bông  trâng  dâ  xê',  hoa  le  lai  gan!» 

Bàng  khnâng  dânh  Hiêp  non  Tharij 
440    C5n  nghi  giâc  mong  dêm  xuân  ma  màng. 

Nàng  rang  :  «Khoâng  vâng  dêm  tràng! 

<V1  hoa  cho  phâi  d5  dàng  tim  hoa! 

«Bây  giô-  tô  mât  dôi  ta! 

«Biet  dâu  roi  nfra  châng  là  chiêm  bao?» 
445    Voi  mihig  làm  le  nrô-c  vào. 


1.  Litt.  :  «  Bepotait  (comme  sur  un  oreUlerJ  —  (sa)  tête  —  dans  les  branches,  » 

2.  On  peut  anssi,  en  supprimant  les  guillemets  et  en  considérant  ce 
vers  comme  faisant  encore  partie  de  la  narration,  traduire  ainsi  :  «Le» 
ombres  projetées  par  la  lune  s^ allongeaient  sous  les  fleurs  au  poirier^  et  venaient 
toucher  (la  fenêtre).  »  L'absence  absolue  de  ponctuation  dans  le  texte  original 
en  caractères  se  prête  parfaitement  à  ces  doubles  sens.  J*ai  adopté  de  pré- 
férence la  première  interprétation,  parce  qu'elle  me  semble  découler  beau- 
coup plus  naturellement  du  sens  littéral  des  mots  du  texte.  «Tai  dû,  il  est 
vrai,  intercaler  pour  l'amener  les  mots  «elle  disait»;  mais  il  n'y  a  rien 
d'extraordinaire  à  ce  que  l'auteur  n'ait  pas  indiqué  par  une  formule  quel- 
conque qu'il  allait  faire  parler  un  de  ses  personnages.  Les  poètes  cochîn- 
chinois  ne  se  gênent  pas  pour  si  peu;  et  la  difficulté  de  déterminer  le  point 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAn  TRUYIÊN.  97 

La  Inné  lentement  montait  ^  dans  les  branches  des  mûriers. 

On  voyait  briller  nne  lampe;  dans  la  chambre  le  vent  agitait  les 

rideaux. 
Aceondé  sur  sa  table  de  travail,  le  jeune  homme  allait  s'endormir.    435 

Éveillé  à  moitié^  à  moitié  assoupi, 

il  entendit  une  voix  qui  doucement  venait  interrompre  son  sommeil. 

EUe  disait  :  «La  lune  à  l'horizon  s'abaisse;  voici  venir  la  fleur  du 
>  poirier  2!  > 

Mais  l'esprit  (du  lettré)  voyageait  au  pays  des  Immortels  ^\ 

(Km)  se  croyait  encore  le  jouet  d'un  de  ces  songes  qu'apporte  (avec  440 

elle)  une  nuit  de  printemps. 
«La  nuit»,  reprit  ISiu,  «est  tranquille  et  sereine! 

«Votre  pensée  me  poursuit,  et  me  force  à  venir  à  vous  ^! 

«  Nous  connaissons  maintenant  le  visage  l'un  de  l'autre! 

«Que  vous  dirai-je?  Désormais  ce  ne  seront  plus  des  rêves!» 

Aussitôt  il  s'empresse;  avec  politesse  il  l'introduit  chez  lui.  445 


précis  où  un  i>er8onnage  commence  à  parler,  comme  aussi  celui  où  a  lieu 
nu  changement  dlnterlocuteur,  vient  souvent  se  joindre  à  toutes  celles^aux- 
queUes  on  se  heurte  lorsqu'on  entreprend  la  traduction  de  leurs  œuvres. 

3.  Litt.  :  «jTZ  était  troublé  —  (quant  au)  sommet  —  du  (mont)  Hiêp^  — 
(quant  à  la)  montagne  —  ThSn,9 

Ce  sont  des  montagnes  que  Ton  suppose  habitées  par  les  Immortels. 
Les  mots  <Binh  hi^  non  ThSn*  forment  dans  Tesprit  de  Tauteur  une 
expression  générale  qu'il  emploie  pour  désigner  la  région  où  sont  censés 
habiter  ces  êtres  fictifs. 

4.  Litt,  :  <  A  cauêe  de  —  les  /leurs  —  il  m'est  donné  —  de  devoir  —  vi'a- 
ekeminer  —  pour  chercher  —  les  /leurs!» 

7 


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98  Kl  M  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Dàî  sen  nôî  nén,  song  dào  thêm  hirong! 
Tien  tlië  cûng  thâo  mot  chiroTig; 
T6c  mây  mot  mon,  dao  vàng  mot  dôî. 
Vâng  trâng  vâc  vàc  giira  trô-î; 
450    Dînli  nînh  haï  màt,  mot  16i  song  song. 
Toc  ta  cân  vân  tac  15ng, 
Trâm  nâm  tac  mot  chfr  €dong:>  tan  xiroTig! 
Clîén  hà  sânh  gîong  quinh  tirong. 


1.  Litt.  :  €( Quant  au)  palais  —  deê  nénuphar»^  —  en  y  joint  —  de»  pain» 
éC  encens;  —  (quant  à  la)  fenêtre  —  de  Bào,  —  on  y  ajoute  —  des  parfums  h 

Nous  avons  vu  que  dans  le  jardin  de  Tûy  Kiêu  se  trouvait  une  de  ces 
rocailles  qui  sont  toujours  placées  au  bord  d'un  lac  artificiel.  Dans  ce  lac 
poussaient  des  nénuphars.  De  là  Texpression  de  « j^oZom  des  nénuphars  >  pour 
désigner  la  demeure  de  la  jeune  fille,  et,  par  extension,  la  jeune  fille  elle- 
même. 

Cette  comparaison  en  appelle  une  semblable  en  vertu  de  la  règle  du 
parallélisme.  Voilà  pourquoi  le  poète  appelle  -Kîm  Trong  *Song  âào  —  la 
fenêtre  de  Bào».  Cette  dernière  figure  vient  de  ce  que  les  lettrés  aisés  ont 
devant  leur  fenêtre  un  jardin  planté  de  fleurs  dans  lequel  ils  se  promènent 
pour  se  délasser  de  leurs  études;  et  comme,  d'autre  part,  c'est  près  de  la 
fenêtre  qu'ils  se  livrent  au  travail,  cette  partie  de  leur  cabinet  est  prise 
pour  le  tout  *Song  dào»  signifie  donc  *  la  fenêtre  du  cabinet  de  travail  qui 
donne  sur  le  jardin  planté  de  Bào*  (ce  dernier  mot  étant  pris  ici  comme  une 
expression  générique  désignant  toute  espèce  de  fleurs  ou  d'arbustes  d'orne- 
ment), et  ici,  par  extension,  <  celui  qui  travaille  devant  cette  fenêtre  ou  dans  ce 
cabinet  9,  c'est-à-dire  «fe  lettré  lui-même  », 

La  fleur  du  nénuphar  est  d'un  aspect  agréable.  Si  on  y  ajoute  un  par- 
fum, tel,  par  exemple,  que  celui  de  l'encens,  elle  aura  plus  de  charme 
encore.  De  même  Kiêu  était  déjà  heureuse  de  se  savoir  aimée  de  Kim  Trong; 
mais  la  joie  que  lui  causait  leur  réunion  augmentait  encore  son  bonheur. 

Si  l'on  fait  répandre  une  odeur  plus  suave  aux  fleurs  du  jardin  du  lettré, 
ce  dernier  aura  plus  de  plaisir  à  les  respirer  dans  sa  promenade.  De  même 


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KIM  VÂN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  99 

Es  étaient  heureux  déjà;  à  leur  joie  s'ajoute  une  nouvelle  joie'! 
Ils  composent  une  poésie  renfermant  leurs  serments  (d'amour), 

et  chacun  d'eux,  prenant  un  couteau,  coupe  à  l'autre  une  boucle  de 

cheveux  \ 
(Devant)  Forbe  de  la  lune  éblouissant  au  sein  du  ciel, 

tête  à  tête  les  deux  amants  prononcent  un  mutuel  serment.  450 

(L'un  à  l'autre)  ils  se  font  mille  recommandations  amoureuses  ^, 

et  jurent  de  ne  se  point  quitter  que  leurs  os  ne  soient  réduits  en 

poussière^! 
Ib  font  tinter  l'une  contre  l'autre,  rouges  comme  la  nue  (au  soleil 

levant),  leurs  tasses  pleines  de  bon  vin  \ 


JK»  Trang  ressentait  déjà  une  grande  joie  de  savoir  son  amour  partagé 
par  la  jeune  fille;  mais  la  présence  de  Tobjet  aimé  rendait  son  bonheur 
plus  vif  encore. 

2.  Litt.  :  «  De  cheveux  —  de  nuages  —  une  mhhe;  —  de  couteaux  —  d'*or 

—  une  paire,» 

Lorsqu^un  jeune  homme  et  une  jeune  fille  veulent  se  lier  indissoluble- 
ment Fun  à  Tautre,  chacun  d'eux  prend  son  couteau  et  coupe  à  l'autre 
une  mèche  de  cheveux.  Souvent  même  ils  se  font  une  coupure  au  bout 
du  doigt,  et  chacun  d'eux  boit  le  sang  de  Tantre. 

Les  mots  «m^y»  et  <vàng»  ne  sont  ici  que  des  chevilles  poétiques. 

3.  Litt.  :  €(Comfne)  un  cheveu  —  (ou)  un  fil  de  cocon  —  ils  ae  font  des 
recommandaiions  —  (quant  à  leur)  pouce  —  de  coeur,* 

4.  Litt.  :  *  (Pendant)  cent  ans  —  ils  sculptent  —  leur  costtr  —  de  Vunique 

—  cttroictère  —  €ensemhle*  —  (jusqu'au  moment  de  —  se  dissoudre  —  (leurs)  os»^ 
6.  Litt  :  *X^^^)  Icwrs  tasses  —  (couleur  des)  nuages  colorés  en  rouge  —  ils 

comparent  —  le  son  —  du  —  bouillon  —  de  qu\nh.y^ 

*^Ê  hà*  signifie  des  nuages  colorés  en  rouge,  tels,  par  exemple,  qu'ils 
le  sont  au  soleil  levant.  Si  l'on  écrit  «]^  ha*,  c'est  le  nom  d'une  pierre 
rongeâtre.  Dans  les  deux  cas,  cette  épithète  s'applique  à  la  couleur  du  vin 
dont  les  tasses  sont  remplies.  —  On  appelle  €Tw(mg*  un  liquide  épais 
comme  du  bouillon  consommé,  du  sirop,  etc.  *Qui'nh*  est  le  nom  d'une 
pierre  précieuse  de  couleur  rouge  ;  et  «  Quïnli  twcmg  —  du  bouillon  de  qu)nh  » 
est  une  expression  x)oédque  qui  signifie  «de  bon  vin*, 

7* 


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100  KIM  VAn  KIÊU  tan  TRUYÊN. 

Dâî  là  hirang  lun,  binh  girang  bông  long. 
455    Sanh  rang  :  «Gîô  mât,  trâng  troiig! 

«Bây  lâu  nay  mot  chut  long  chèa  cam! 

«Giot  sirang  chèa  nàng  câu  Lam! 

^Sa  lân  kLân  quâ  ra  sàm  sd*  châng!» 

Nàng  rang  :  «Hong  dîêp,  xfch  thâng, 
460    «Mot  loi  cûng  dâ  tiêng  rang  tiroTig  tri! 

«Dirng  dêu  nguyêt  no  hoa  kia! 

Ngoàî  ra,  ai  laî  tiêc  gi  vdi  ai?» 

Rang  :  «Nghe  nôî  tîê\ig  câm  dàî! 


1.  Litt.  :  «Le  ruhan  —  de'êoie  —  (à  la  manière  d'un)  parfum  —  se  con- 
sume; —  le  vase  —  miroir  —  (quant  à  son)  ombre  —  s* écarte.» 

L*cntretien  de  deux  personnes  qui  causent  ensemble  est  assimilé  par  les 
poètes  à  un  ruban  de  soie  qui  se  déroule.  —  La  lune  est  comparée  à  un  vase 
(b\'nh)  fait  d'un  métal  si  poli  et  si  brillant  qu'il  pourrait  servir  de  miroir  (guong), 

2.  Un  certain  Lu  sanh  était  épris  de  la  fille  d'une  femme  qui  tenait  une 
auberge;  mais  cette  dernière  ne  voulait  l'agréer  pour  gendre  qu'à  une  seule 
condition.  C'était  qu'il  lui  apportât  un  boisseau  (diu)  rempli  de  pierres  pré- 
cieuses. Désespéré,  lAlê  sanh  s'éloignait,  lorsque,  passant  sur  un  pont  appelé 
«Zram  kieu  (le  poni  Lam)*,  il  rencontra  un  vieillard  qui,  après  s'être  en- 
quis  de  la  cause  de  son  désespoir,  lui  tendit  trois  cailloux  et  lui  dit  d'aller 
les  enterrer  dans  un  champ  voiûn.  «Si  tu  le  fais»,  ajouta-t-il,  «dans  cent 
jours  d'ici  ces  trois  cailloux  se  seront  changés  en  un  boisseau  de  pierres 
précieuses.»  Lu  sanh  obéit.  Les  choses  se  passèrent  comme  le  vieillard, 
qui  n'était  autre  qu'un  immortel,  le  lui  avait  prédit,  et  le  jeune  homme 
épousa  l'objet  de  sa  flamme.  C'est,  par  suite  de  cette  légende  que  le  <pont 
Lam  »  a  été  pris  comme  l'emblème  des  fiançailles.  —  Lorsque  la  rosée  tombe, 
elle  pénètre  la  terre;  les  sentiments,  lorsqu'ils  sont  exprimés  au  moyen  du 
langage,  pénètrent  dans  le  cœur.  C'est  pourquoi  l'on  compare  à  des  gouttes 
de  rosée  les  paroles  affectueuses.  Ce  vers  signifie  donc  :  «  Les  paroles  affee- 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÇN.  101 

MaiS;  telle  qu'an  parfani;  la  causerie  s'épuise;  Fastre  des  nuits  à  l'ho- 
rizon descend  *. 

«Le  vent  est  frais!  >  dit  le  jeune  homme!  <  la  lune  est  claire  et  bril-  455 
liante! 

«et  mon  cœur^  jusqu'à  présent;  n'est  pas  encore  satisfait! 

«Les  gouttes  de  la  rosée  n'ont  point  chargé  le  pont  Lara  V 

«mais  je  crains  que  ma  hardiesse  ne  me  rende  compromettant!  » 

«Lorsqu'il  s'agit  de  mariage  ^^ 

«  un  seul  mot  »;  dit  la  jeune  fille^  «  suffit  pour  dire  que  l'on  se  connaît  ^!  460 

«Ne  me  parlez  pas  d'un  amour  illicite^! 

«Mais  à  part  cela,  que  pourrais-je  vous  refuser  ^? » 

«J'ai  entendu»,  reprit  (Trong),  «les  sons  d'un  cam  de  bonne  com- 
»pagnie'! 

tnaues  que  twus  échangeona  n'ont  peu  encore  êuffisamnient  pénétré  dans  nos  cœurs  » 
et,  par  suite  :  «  Ces  ooetars  ne  se  connaissent  pas  encore  bien.  > 

3.  Litt.  :  €  (En  fait  de)  rouges  —  feuilles  —  (et  de)  rouge  —  fl,  > 
J'ai  expliqué  plus  haut  le  sens  de  ces  deux  expressions  figurées. 

4.  Litt.  :  «  Par  une  —  parole  —  tout  aussi  bien  —  (il  y)  a  (eu  le  fait  que) 
—  la  voix  —  dise:  —  ^i mutuellement  —  nous  (nous)  connaissons!^ 

6.  Litt.  :  «  Gardez-oous  —  (quant  à)  la  chose  —  de  cette  lune-ci  —  et  de 
ces  flturs4à!* 

L'expression  «  NguyU  hoa  —  la  lune  et  les  fleurs  >  signifie  <  le  lihertinage  ». 
-^  Le  mot  «no»  —  parlera  doit  être  supplié  après  ^dimg*. 

6.  Litt  :  *En  mettant  (cela)  en  dehors,  —  qui  —  encore  —  regretterait  — 
quoi  (que  ce  soit)  —  avec  —  qui  (que  ce  soit)f» 

€ygoài  —  dehors*  doit  être  pris  ici  comme  un  verbe  auquel  vient  s'a- 
dapter la  particule  d'élimination  €ra:^. 

7.  Litt.  :  €ll  dit  :  —  «/*a»  entendu  —  s'élever  —  votre  réputation  —  de 
Cdm  —  de  patiUon,  » 

€Bài»  signifie,  entre  autres  choses,  une  terrasse  carrée  servant  à  regarder 
au  loin,  OU  bien  itn  pavillon  en  belvédère;  mais  ce  mot  est  pris  ici,  en  géné- 
ral, pour  un  lieu  retiré  quelconque  où  les  personnes  de  la  bonne  société 
se  réunissent  pour  faire  de  la  musique,  s'exercer  à  la  poésie,  etc. 


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102  KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÇN. 

cNu-dc  non  luông  nhiïng  long  tai  Chung  ky.^ 
466    Thira  rang  :  «Tien  ki  sa  chi? 

«Dâ  long  day  dên;  day,  thl  phâi  virng!» 

Hiên  sau  treo  sân  câm  trâng; 

Voi  vàng  Sanh  dâ  tay  nirtig  ngang  mày. 

Nàng  rang  :  «Nghê  mon  riêng  tây 
470    «Làm  chi  cho  nâng  15ng  ngirM  lâm  ru?» 

Lira  dan  dây  vô  dây  vàn. 

Bon  dây  to  nhô  theo  van  Ctmg  t1iv?(fng. 

Khùc  dâu  Sb  Eân  chien  tHr^-ng; 

Nghe  ra  tiêng  sât  tiêng  vàng  chen  nhau! 
475    Khùc  dâu  Tu  ma  <LHoàng  câw^; 

Nghe  ra  nhir  oân  nhir  sau;  phâi  châng? 


1.  Litt.  :  €(A  travers)  le*  eaux  —  et  les  montagneSf  —  sans  cesse  —  il  ré- 
sonne à  —  Voreille  —  de  Chung  Kf/,» 

Le  jeune  lettré  se  compare  au  bûcheron  Chung  K^  (ou  Chung  Tàr  Ky), 
dont  les  oreilles  avaient  été  frappées  par  les  sons  du  câm  de  B&  nhà,  (Voir, 
pour  cette  légende,  ma  traduction  du  poème  Ly^  Vdn  Tien,  p.  30,  en  note.) 

2.  Ce  câm  est  appelé  ^câm  tràng  —  guitare  lune^  à  cause  de  sa  forme 
ronde. 

3.  Litt.  :  «  Avec  empressement  —  le  jeune  lettré  —  déjà  —  de  sa  mam  — 
le  souleva  —  vis-à-vis  —  de  ses  sourcils.* 

C'est  le  geste  que  font  les  Annamites  lorsqu'ils  veulent  user  de  poli- 
tesse en  présentant  un  objet  à  quelqu'un. 

4.  Litt.  :  «  Elle  dispose  —  les  cordes  —  militaires  —  et  les  cardes  littéraire*.  » 


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KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  103 

«et,  comme  à  celle  de  Chung  Ky,  partout;  dans  la  campagne^  ils  ré- 

>  sonnent  à  mon  oreille  <!  » 

«Pourquoi»,  répondit-elle,  «vous  occuper  de  mon  faible  talent?        465 

«Cet  ordre  là  provient  de  votre  bienveillance;  il  me  faut  donc  vous 

>  obéir!» 

Justement  au  fond  de  la  salle  un  luth  était  suspendu  ^. 

Le  jeune  homme,  d'un  geste  poli  ^,  s'empressa  de  le  lui  offrir. 

«Pourquoi»,  lui  dit  Kieu^  «de  ce  pauvre  talent  qu'en  particulier  (seu- 

>lement  j'exerce), 
«voulez-vous  donc,  seigneur,  que  je  vous  importune?  »  470 

Elle  met  d'accord  les  cordes,  tant  les  aigties  que  les  graves^. 

Épaisses  et  minces,  toutes  les  quatre  sont  disposées  selon  les  degrés 

de  la  gamme. 
Elle  joue  d'abord  un  morceau  sur  les  combats  de  Sa  et  de  Hdn 

où  s'élèvent,  confondus  ensemble,  les  sons  durs  et  les  sons  doux^; 

puis  un  autre  de  2w  ma  sur  «  le  Phénix  qui  cherche  (sa  femelle)  »,     475 

où  Ton  croirait  vraiment  entendre  et  des  cris  de  vengeance  et  des  ac- 
cents désolés  \ 

Ces  singulières  qualifications  s'appliquent,  la  première  aux  cordes  les 
plus  longues  et  la  seconde  aux  plus  courtes. 

5.  Par  les  mots  ^sona  de  fer»,  on  entend  les  sons  aigus  et  durs  à  Toreille', 
et  par  les  ««(m«  d^or»,  on  entend  les  sons  doux. 

*T^ng  t(U  —  le»  sona  durs»,  ou  «te  bruit  du  fer»  (car  il  y  a  ici,  ce  me 
semble,  un  jeu  de  mots),  désigne  les  cris  des  guerriers  qui  luttent  avec 
acharnement;  et  ^Ti^ng  vàng  —  lea  aona  doux»  ou  <id'or»  éveille  dans  l'es- 
prit ridée  d'un  *  chant  doux  el  plaintif», 

6.  Litt.  i  *On  y  entend  —  comme  —  ae  venger,  —  comme  être  triste;  — 
n'est-ce  paaf» 

<  ^eat-ce peu f  >  est  ici  pour  <  aana  doute/  »  Les  Annamites  expriment  souvent 
Taffirmation  énergique  au  moyen  d'une  formule  interrogative.  Nous  employons. 


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104  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Kê  khang  nây  khùc  Quâng  làng^ 

Mot  rang  :  clan  thùy»,  liai  rang  :  «liành  vâni 

Quâ  quan  nây  khùc  Chiêu  qvân, 
480    Nèa  phân  luyen  chùa,  nihi  phân  tir  gia. 

Trong  nhir  tiêng  liac  bay  qua, 

Duc  nhir  tiêng  suôi  môî  sa  niia  vW; 

Tiêng  khoan  nhir  giô  thoâng  ngoài, 

Tiêng  mau  dâp  dâp  nhir  trôi  do  mira. 
485    Ngon  dèn  khi  tô  khi  mb] 

Khiên  ngirôi  ngôi  dây  ciing  nga  ngân  sau. 

Khi  dira  gôi,  khi  oui  dâu, 

Khi  gô  chfn  khùc,  khi  châu  dôi  mày. 

Rang  :  «Hay,  thi  thât  là  hay! 
490    «Nghe  ra,  ngàm  dâng  nuôt  cay  thë  nào! 

«Lira  chi  nhfrng  khùc  tiêu  tao, 


da  reste,  dans  notre  langage  familier  les  mots  ^ne»t-ce  patf*  à  peu  près 
de  la  même  manière. 

1.  On  trouve  tout  au  long  dans  la  transcription  du  Lt^c  Vân  Tien  de 
Jeanneaux  l'histoire  de  Théroïne  dont  il  est  question  ici.  Le  morceau  qn© 
cite  Fauteur  du  présent  poème  contient  les  plaintes  de  la  jeune  fille  an 
moment  où,  gage  de  paix,  elle  franchit  la  frontière  au  lieu  appelé  «3Ên 


^ 


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KIM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  105 

Enfin  le  morceau  de  Quàng  làng,  (dans  lequel  excellait)  Kê  khang, 

où  il  est  d'abord  question  d'eaux  qui  fuient;  puis  d'un  voyage  dans 

les  nuées. 
Elle  exécuta  encore  le  morceau  de  ^Chiêuquân  passant  la  frontière  *  *, 

dans  lequel  la  princesse  (exprime)  et  sa  passion  pour  son  prince  et  480 

le  regret  (amer)  des  siens  *^. 
Tantôt  c'étaient  des  sons  aigus  comme  le  cri  du  Hoc  traversant  les 

airs, 
et  tantôt  des  notes  graves  comme  le  bruit  d'un  ruisseau  qui  tombe 

dans  un  fleuve  au  milieu  de  son  cours. 
(Parfois)  son  chant  était  lent  comme  le  soufBe  d'une  molle  brisC; 

(et  parfois)  fl  se  précipitait  comme  la  pluie  tombant  du  cieL 

A  la  clarté  de  la  lampe  tantôt  vive  et  tantôt  mourante^  48ô 

elle  rendait  son  auditeur  comme  enivré  de  tristesse. 

Tantôt  il  s'appuyait  sur  son  coussin^  tantôt  il  baissait  la  tête; 

tantôt  (son  cœur)  se  serrait  violemment  3;  tantôt  il  fronçait  les  sour- 
cils. 

«Oh!  certes!»  s'écria-t-il,  «votre  habileté  est  grande!» 

«Quels  douloureux  sentiments  cette  musique  excite  en  moi!  490 

«  Mais  pourquoi  ne  jouer  que  des  morceaux  mélancoliques 


ngpe  mon  —  porte  de*  pierres  précieuses»  et  va  pénétrer  dans  le  pays  des 
Moi,  an  roi  desquels  H^  ^  Minh  d^  Ta  promise. 

2.  Litt  :  «  {Qvi)  —  (pour  une)  demie  —  partie  —  aime  avec  ardeur  —  son 
prinee,  —  (ei  pour  une)  demie  —  partie  —  pense  à  — ■  (sa)  famille.  » 

3.  Litt.  :  «  (Quant  à  des)  fois  —  il  est  serré  —  (quant  aux)  neuf  —  détours 
(de  ses  entrailles);  —  (quant  à  des)  fois  —  il  fronce  —  (saj  paire  de  —  sourcils  » 


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106  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

«Chot  long  minh  cûng  nao  nao  16ng  ngirô-i?» 

Rang  :  «Quen,  mât  net  di  roi! 

€Tè  vuî,  thôi!  cûng  tânh  Triri!  Biêt  sao?» 
495    «Loi  vàng  virng  lânh  y  cao, 

«Hoa  dan  dan  bcH  chut  nào!  Birac  không?» 

Hoa  hirang  càng  tô  thitc  hông, 

Bâu  mày  cuôi  mât  càng  nông  tam  yêu. 

Sông  tinh  xem  dâ  xiêu  xiêu, 
600    Xem  trong  au  yêm  cô  chiu  là  loi! 

TLffa  rang  :  «Dihig  lây  làm  choi! 

«Gië!  CLo  thu-a  hêt  mot  IM  dâ  nao! 

«Vî  cliî  mot  dôa  yêu  dào? 

1.  Litt.  :  «De  IX»  paroles  d'or,» 

2.  Litt.  :  «  Peut  être  que  —  peu  à  peu  —  Je  diminuerai  —  fine  petite  quan- 
tité —  quelle  (qu'elle  soit);  —  (niais  le)  pourrai-je,  —  oti  nonf» 

3.  Litt.  :  «  La  fleur,  —  parfumée  —  de  plus  en  plus,  —  laissait  voir  daire- 
ment  —  sa  couleur  —  rose»» 

4.  Litt.  :  «  n  semblait  que  —  dans  —  (sa)  mélancolie  —  U  aoait  le  fait  d'  — 
incliner  à  —  être  inconvenant,» 

ô.  Litt.  :  «  Doucement!  —  donnez-moi  la  fcumUé  de  —  vous  dire  respectueuse- 
ment —  en  tout  —  un  (seul)  —  mot  —  d^ahoid  —  donc!» 

€Nao»  est  pour  *nào»f  qui,  placé  ainsi,  équivaut  au  oiià.'  —  mais!»  ou 
•  donc!»  exclamatif.  L'accent  est  supprimé,  parce  que  les  règles  de  la  pro- 
sodie exigent  ici  un  caractère  affecté  du  ton  bhifi, 

6.  Litt.  :  ^A  de  Vimportance  —  en  quoi  —  un  délicat  —  pêcher f» 

«F»»  signifie  proprement  *  queue».  Pour  comprendre  comment  ce  mot 
peut  prendre  dans  Fidiotisme  par  lequel  ce  vers  commence  le  sens  d'«i«*- 


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KIM  VÂN  KIËU  TÂN  TRUYÇN.  107 

«qui  attristent  votre  cœur,  et  qui  découragent  le  mien?» 

«L'habitude  que  j'en  ai»;  dit-elle^  «en  émousse  Feffet  sur  moi. 

«S'ils  sont  joyeux  ou  s'ils  sont  tristes,  c'est  leur  nature!  Qu'en  di- 

>rais-je?» 
«Je  saisis»;  répond-il,  «la  haute  portée  de  vos  précieuses  paroles  \  495 

<  et  je  veux  modérer  quelque  peu  l'essor  (de  ma  passion)  ^î  mais  cela 

»me  sera-t-il  possible?» 
La  jeune  fille  devenait  de  plus  en  plus  séduisante  % 

et  se  rendait  maîtresse  absolue  du  cœur  (du  jeune  lettré). 

U  sembla  qu'il  commençait  à  céder  à  son  enivrement, 

et  l'on  eût  dit  que  dans  sa  mélancolie  se  glissait  quelque  inconve-  500 

nance  ^. 
«Oh!  ne  faites  point  un  jeu  (de  tout  cela)!  »  dit-elle. 

«Attendez!  permettez  d'abord  que  je  vous  dise  quelques  mots^ 

«Quelle  valeur  peut  avoir  une  faible  enfant  comme  moi  % 


porianee»  OU  de  €  valeur»,  il  faat  savoir  qu'en  chinois  Ton  dit  «J 
oÀ  vî»,  ce  qoi  signifie  littéralement  *  suivre  la  queue  (de  la  robe  de  quelqu'un 
cm  marchant)  derrière  (ses)  Udonê»,  à  peu  près  comme  le  fait  chez  nous  un 
laquais  qui  suit  sa  maîtresse  dans  la  rue.  Ceux  dont  on  suit  ainsi  *la  queue* 
sont  naturellement  des  personnages  de  marque.  De  là  vient  qu'on  en  arrive 
À  prendre  la  figure  représentée  par  le  mot  «JS  v*  —  queue*  pour  Tidée 
primordiale  qui  a  donné  naissance  à  Tidiotisme  dont  il  est  tiré. 

*B6a»  est  la  numérale  des  fleurs.  Les  mots  «Féu  dào*  viennent  encore 
d'une  expression  chinoise;  ou  plutôt  ils  ne  sont  autres  que  cette  expression 
elle-même  rendue  plus  condse  et  assujettie  à  la  règle  de  construction  du 
génitif  annamite,  qui  se  place  apcès  le  mot  qui  le  régit  On  dit  en  chinois  : 
c;tt  ^^  ^^  ^^  dah  ehi  yêu  yêu,  litt.  :  pécher  tendre  et  délicat*  pour  désigner 
€une  jeune  fiJLe  dx^ngwie*.  Le  poète  a  pris  les  deux  caractères  constitutifs 
de  cette  locution,  en  a  interverti  la  position,  et  a  ainsi  composé  avec  deux 
vocables  chinois  une  expression  annamite  dont  le  sens  est  exactement  le 


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108  KIM  vAN  KIÉU  TÂN  TRUYÊN. 

«VirÔTi  hông  chi  dâm  ngân  rào  cbim  xanh? 
505    «Dâ  clio  vào  bu-c  bô  kînh; 

«Bao  tùng  phu  lây  chûr  ttrink^  làm  dâu! 
«Ra  tuông  trên  Boc  trong  dâu, 
«Thi  con  ngirM  ây  ai  eau?  Làm  chi? 

même  que  celui  du  vers  du  ^pjj^)  dans  une  des  premières  odes  qui  com- 
mence  ainsi  : 

'È.    z    ^    m> 

^    "f-    ^    z 

m    ^    ^    9k 

«  Dào  chi  yêu  yêu! 
€  Chuâc  chuâc  ky  hoaf 
«  Chi  tur  vu  qui; 
«  Nghi  ky  thâlt  gia, 

«Le  pêcher  est  tendre  et  délicat! 
«Brillante  est  sa  floraison! 
«  Cette  jeune  femme  se  rend  chez  son  époux 
«Pour  mettre  sa  maison  en  ordre.» 

(Voy.  Le  Livre  des  vers,  P.  !'•,  Liv.  P',  ode  VI.) 

1.  Litt.  :  «  Dans  mon  jardin  —  rose  —  en  quoi  —  oserais-je,  —  (en)  leur 
faisant  obstacle^  —  arrêter  par  une  barrière  —  les  oiseaux  —  bleus  f» 

Vouloir  empêcher  au  moyen  d'une  clôture  des  oiseaux  de  pénétrer  dans 
un  jardin  serait  une  entreprise  impossible;  car  leurs  ailes  se  jouent  de  toutes 
les  barrièi-es.  De  même,  faible  et  délicate  jeune  fille,  Ki^u  est  incapable 
de  se  défendre  par  ses  propres  forces  contre  les  entreprises  des  galants; 
aussi  est-ce  par  la  persuasion  qu'elle  va  ramener  Kim  Trçng  à  des  visées 
plus  loyales. 

Ce  vers  est  susceptible  d'un  autre  sens.  «  Chim  xanh  —  les  oiseaux  bleus  » 
peut  s'entendre  des  désirs  amoureux.  Si  l'on  adopte  cette  acception,  on  peut 
comprendre  que  la  jeune  fille  dit  qu'elle  ne  peut  empêcher  sa  musique 
d'éveiller  dans  le  cœur  de  son  amant  des  sentiments  déshonnêtes.  Une  clô- 
ture n'empêche  pas  les  oiseaux  de  pénétrer  dans  un  jardin,  parce  qu'ayant 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  109 

«et  comment  oserais-je  empêcher  les  oiseaux  de  pénétrer  dans  mon 

»jardin>? 
«  (Mais)  vous  m'avez  donné  l'espoir  que  vous  m'élèveriez  au  rang  de  605 

»  votre  femme  ^! 
«Or,  la  chasteté,  chez  une  épouse,  est  la  première  des  vertus^! 

«Quant  à  celles  qui  imitent  les  baigneuses  du  fleuve  Boc,  les  pro- 

>  meneuses  des  mûriers  *, 
«qui  voudrait  pour  sa  compagne  d'une  fille  de  cette  sorte*? 

des  ailes,  ils  y  entrent  tout  naburdUmmt,  De  même,  Teffet  des  morceanx  que 
la  jeune  fille  vient  de  jouer  étant  aussi  la  conséquence  naturelle  de  la  mu- 
sique qu*ils  contiennent,  comment  Tartiste  pourrait-elle  y  mettre  obstacle? 
•Tai  préféré  la  première  interprétation  à  cause  de  l'idée  de  faiblesse 
aussi  bien  physique  que  morale  que  contiennent  les  mots  «  dôa  yèu  dào  » 
du  vers  précédent;  mais  cette  expression  peut  fort  bien  n'être  prise  que 
comme  une  formule  poétique  désignant  *une  simple  jeune  filles.  Dans  ce 
cas,  le  deuxième  sens  dont  je  viens  de  parler  devient  à  peu  près  aussi 
acceptable  que  le  premier. 

2.  Litt.  :  (Voua  ni'Javie*  donné  (d*)  —  entrer  dans  —  le  degré  —  de  la  toile 

—  et  du  Kmh.^ 

Le  Kinh  est  un  arbrisseau  buissonnant  que  Ton  trouve  en  grande  quan- 
tité dans  la  province  chinoise  du  »fl  '^S.  On  dit  d'une  femme  pauvre,  mais 

proprement  vêtue  :  «^1  ^'fjj  3ft  f^inh  soi  US  quân  —  elle  porte  une 
aigtUUe  de  tUe  en  buis  et  un  pantalon  de  colon  9,  Une  épouse  économe  est  à 
la  fois  propre  et  simple  dans  sa  mise;  eUe  porte  une  aiguille  et  un  pan- 
talon faits  des  matières  indiquées  plus  haut,  ou  tout  au  moins  de  matières 
aussi  peu  coûteuses.  De  là  vient  que  les  mots  bo  kinli  sont  pris  couram- 
ment dans  le  sens  de  abonne  ménagère». 

3.  Litt.  :  *(Dans  la)  règle  —  de  <^ suivre  le  mari»,  —  on  prend  —  le  ca- 
ractère —  €  chasteté»  —  (et  on  en)  fait  —  la  tête». 

On  sait  que  les  <^£^Cnu  tam  tkng  —  les  trois  obéissances»  constituent 
dans  la  morale  chinoise  les  trois  vertus  principales  de  la  femme.  ^f&4^ 
Thng  phu  —  Vobéissance  au  mari»  en  est  la  seconde. 

4.  Litt.  :  «  (Si  une  jeune  fille)  joue  le  rôle  de  —  (celles  qui  se  promenaicfU) 

—  (sur  le  bord  du  fleuve)  Boc  —  dans  les  mûriei's,  » 

Le  Bçe  est  une  rivière  qui  arrose  la  partie  sud-ouest  de  la  province  de 

L'auteur  fait  aUusion  à  certaines  jeunes  filles  éhontées  qui  donnaient 
rendez-vous  à  leurs  amants  dans  les  mûriers  dont  était  bordée  la  rive  de 
ce  fleuve. 

5.  Litt.  :  €  Alors  —  cette  personne  méprisable,  —  qui  la  demandei'oitf  — 
(Pour)  faire  —   quoi  (la  demanderait-on)  f  »' 


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110  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

«Phâi  dën  an  xôî,  à  thi, 
610    cTîêt  trâm  nâm  nfra  bô  di  mot  ngày! 
cGâm  doyen  ky  ngo  xira  nay! 
cLiia  dôî  ai  laî  dep  tày  Tliâi  Trwomg? 
cMây  mira  dânh  dô  dà  vàng! 
«Qnà  chln,  nên  dâ  chén  trlnh  en  anh! 
516    cTrong  khi  phoi  cânh  trên  nhành, 
cMà  long  rè  rûng  dâ  trinh  mot  bên! 


«(7on  ngiehiâ^y*  ne  signifie  pas  ici  ^Venfant  de  cette  personnes,  ^CmiSy* 
veut  dire  en  annamite  *^  cette  femme  *  ou  *  cette  JUle»,  On  emploie  ce  terme 
lorsqu'on  parle  d'une  personne  de  basse  condition  ou  méprisable.  Si  Ton  se 
rend  bien  compte  que  c'est  le  mot  *Con*  qui  apporte  dans  cette  locution 
une  nuance  de  mépris  ou  tout  au  moins  d'absence  d'égards,  on  comprendra 
facilement  qu'en  l'accolant  aux  mots  «  tiffu-cri  êiy  —  cette  personne  »,  le  poète 
compose  une  expression  de  même  nature  que  *ccn  ^y»,  mais  avec  quelque 
chose  de  plus  vague  et  de  plus  général. 

1.  Litt.  :  «  (Si)  c  était  une  choêe  —  de  manger  —  à  la  hâte  —  et  de  demettrer 
—  temporairement,  » 

•  Xoi»,  qui  ne  s'emploie  qu'en  composition  avec  certains  verbes,  tels  que^ 
par  exemple,  <|^  iàm»  ou  «[^  an*,  signifie  cà  2a  hâte,  en  pagsant;  — 
Th\  reçoit  ici  de  sa  position  dans  la  phrase  un  sens  qui  n'est  pas  commun, 
celui  d'adverbe  de  manière. 

Dans  l'interprétation  littérale  ci-dessus,  je  suis  forcé  de  traduire  séparé- 
ment les  deux  verbes  *an»  et  «<^»,  pour  faire  bien  comprendre  le  sens 
des  adverbes  qui  leur  répondent,  et,  par  suite,  l'idée  qu'exprime  le  vers 
pris  dans  son  entier;  mais  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  ces  deux  verbes, 
lorsqu'ils  se  suivent,  constituent  une  locution  tout  à  fait  spéciale  qui  signifie 
€86  comporter,  se  conduire,  agir*.  ^An  xoi  à"  tk\»  signifie  donc  en  réalité  ««e 
comporter,  en  passant,  suivant  les  circonstances*,  et,  dans  l'espèce,  *  profiter 
d'une  occasion  passagère», 

2.  Trmmg  Cung  et  Thôi  Oanh  Oanh,  s'étant  vus  et  n'ayant  pu  résister  à  la 
passion  qui  les  entraînait,  s'étaient  livrés  ensemble  aux  plaisirs  de  l'amonr. 
Le  jeune  homme  demanda  ensuite  la  jeune  fille  en  mariage;  mais  la  mère 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  111 

«  Si  nous  fixions  de  notre  amonr  un  court  passe-temps  d'occasion  ^, 

«je  serais  en  nn  seul  jour  déshonorée  pour  toute  ma  vie  !  5io 

«Je  pense  à  l'étrange  rencontre  de  deux  amants  du  temps  passé ^! 

«Qui  consentirait  à  s'unir  comme  le  firent  Thôi  et  Truang? 

«La  pluie  en  tombant  des  nuages  peut  dissoudre  la  pierre  et  For^! 

«Pour  m'être  trop  laissée  aller,  la  coupe  penche,  et  vous  allez  abuser 

>de  moi^! 
«A  parler  ainsi  des  choses  d'amour  *,  5i6 

«mon  cœur  trop  aisément  s'est  laissé  séduire^! 


de  cette  dernière  n^ayant  pas  voulu  consentir  à  cette  union,  les  deux  amants 
se  séparèrent. 

3.  €  Vo»  belles  paroles  fimroient  par  triompher  de  ma  fermeté,  »  Il  y  a  ici 
une  nnance  fort  délicate.  Les  nuages  sont  situés  très  haut  £n  les  faisant 
intervenir  dans  la  métaphore  qu^Ue  emploie,  la  jeune  fille  donne  à  entendre 
à  Kim  Trçng  qu'il  est  très  haut  placé  dans  son  estime,  et  que,  par  suite, 
malgré  la  fenne  résolution  qu'elle  a  prise  de  rester  vertueuse,  elle  n'a  que 
trop  à  craindre  de  se  laisser  aller  s'il  ne  cesse  pas  de  la  presser.  C'est  en 
grande  partie  à  ces  nuances,  parfois  si  fines  qu'il  est  presque  impossible  de 
les  rendre  exactement  en  français,  que  le  poème  de  Tta/  Kiêu  doit  d'être 
placé  si  haut  dans  l'estime  des  lettrés  annamites. 

4.  Litt.  :  •Toi  excédé  —  (U  fait  de)  m*incliner  (loers  vous);  —  c'est  pourquoi 
—  (wnlà  qu^Jil  y  a  eu  —  (le  fait  que)  la  tasse  —  penche  —  (d'une  façon  trom- 
peuse).* 

€  En  ank  »  qui  signifie  le  plus  souvent  «  des  personnes  mondaines  »  on  *  des 
li/jertins*  devient  ici  un  adjectif  et  prend  ici  le  sens  de  *  trompeur*,  La 
transition  est  assez  facile  à  saisir.  De  plus,  par  sa  position  dans  la  phrase, 
cet  adjectif  revêt  la  forme  adverbiale. 

6.  Litt  :  ^Pendant  que  —  nous  séchons  au  soleil  —  nos  ailes  —  sur  —  In 
branle,* 

Kiiu  se  compare  avec  Kim  Trong  à  deux  oiseaux  qui,  perchés  à  côté 
Tnn  de  l'antre  sur  la  même  branche,  étendent  leurs  ailes  au  soleil.  Cette 
habîtnde  s'observe  surtout  chez  ceux  qui  appartiennent  aux  genres  Columha 
et  Turtur, 

6,  Litt  :  *CMon)  cœur  —  trop  aisément  —  s^est  incliné  —  cTun  côté!» 


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112  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

«Mai  tây  de  lanh  hirong  nguyën, 

«Cho  duyên  dâm  thâm  ra  duyên  bî  bàng! 

«Gieo  thoi  tnrô*c,  châng  gî&  giàng, 
520    cDè  sau  nên  then  cùng  chàng,  bôi  ai? 

«Voi  chî  lîëu  ép  boa  nài? 

«C6n  thân  c6n  mot  dën  bôi;  c6  khi!» 

Thây  loi  doan  chânh  de  nghe, 

Chàng  càng  thêm  né,  thêm  vl  mirôi  phân. 
525    Bong  tàu  vita  Icrt  vè  ngân, 

Tin  dâu  dâ  dan  cèa  ngân  goi  vào. 

Nàng  thi  vôi  trô*  buông  dào, 

1.  Litt.  :  <CSi  8ouê  le)  toit  —  occidental  —  vouê  laissez  —  refroidir  —  le 
j^rfum  —  de  vos  promesses,* 

«  Oe  qui  se  trouve  sous  le  toit  occidental  »,  c'est  le  cceur.  En  e£fet,  CO  viscère 
est  placé  à  gauche,  comme  Test  Toccident,  lorsqu'on  regarde  vers  le  nord. 
Dans  cette  singulièi-o  métaphore,  le  toit  représente  la  poitrine,  qui  est  con- 
sidérée comme  un  édifice. 

II  y  a  ici  un  triple  sens.  En  effet,  outre  celui  que  je  viens  d'indiquer, 
1^  on  peut  comprendre  «m^t  tây* y  comme  désignant  la  salle  de  littérature 
(hièn  lâm  tûy),  OÙ  les  amoureux  ont  échangé  leurs  serments,  et  traduire 
ainsi  :  «^St  votis  oubliez  les  promesses  qu^en  brûlant  des  parfitms  nous  échan- 
geâmes dans  le  salon  de  Voccident.» 

2®  On  peut  encore  admettre  que  *mdi  tây*  est  synonyme  du  «mdi  tây 
thiên*  dont  il  est  parlé  au  vers  195.  Dans  ce  dernier  cas  Kiêu  parlerait 
d'elle-même,  et  ferait  allusion  au  tombeau  de  Bam  tien,  sur  lequel  elle  a 
offert  un  sacrifice,  et  où  elle  a  réfléchi  à  la  triste  destinée  que  la  vie  désor- 
donnée de  la  chanteuse  lui  a  faite,  en  se  promettant  d'éviter  les  écueils 
contre  lesquels  elle  se  brisa. 

2.  Lorsqu'un  tisserand  lance  sa  navette  au  hasard  sans  veiller  à  ce  qu'il 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  113 

«Si  le  vôtre  oublie  ses  serments  \ 

«un  amour  avouable  et  pur  va  devenir  une  honteuse  liaison! 
«Si  je  lance  tout  d'abord  la  navette  à  Faventure ^ 
«et  qu'il  me  faille  plus  tard  rougir  devant  vous,  qui  l'aura  voulu?     520 
«  A  quoi  bon  me  presser  ainsi  ^? 

«  Tant  que  je  vis  (vous  êtes  sûr)  qu'un  jour  vous  serez  dédommagé  *!  > 
A  ces  paroles  loyales  autant  que  persuasives, 

la  réserve,  le  respect  du  jeune  homme  allaient  croissant  de  plus  en 

plus. 
A  peine  les  rayons  de  la  lune  avaien^ils  fait  pâlir  l'éclat  de  la  Voie  525 

lactée  * 
qu'à  la  porte  tout  à  coup  se  présenta  un  porteur  de  nouvelles. 

La  jeune  fille  sans  retard  gagna  ses  appartements; 

fait,  rétoffe  qu'il  tisse  est  perdue.  Si  Kiêu  se  laissait  séduire  et  se  donnait 
imprademment  à  Kim  Trong^  Tunion  projetée  serait  compromise. 

8.  Litt.  :  «  (En  fait  de)  hâte  —  que  (doil-U  y  avoir  à)  —  le  saule  —  pres- 
9er,  —  (à)  la  fleur  —  importuner  f  9 

4.  Litt.  :  «  (Tant  qu^Jtl  y  aura  encore  —  (mon)  corps»  —  il  y  aura  encore  — 
un  —  (fait  de  vous)  dédommager;  —  il  y  aura  —  des  fois  (des  occasions)!* 

6.  Litt.  :  «  L*^  mbre  —  du  vaisseau  —  à  peine  —  avait  pâli  —  la  couleur 
—  (du  fleuve  d')argenty  » 

Lorsque  la  lune  brille  au  firmament,  les  étoiles  ordinaires  pâlissent  A 
plus  forte  raison  en  est-il  ainsi  de  celles  qui  composent  la  Voie  lactée  (en 
chinois  ^^  |^  Ngûn  kà  —  le  fleuve  d'M'gent)^  dont  Téloignement  fait  pa- 
raître réclat  beaucoup  moindre. 

De  même  que  la  Voie  lactée  est  assimUée  à  un  fleuve,  de  même  la  lune 
est  comparée  à  un  navire.  L'une  des  comparaisons  appelle  l'autre.  La  lune 
produit  une  telle  lumière  qu'elle  éteint  par  opposition  la  clarté  qui  vient 
des  étoiles;  mais  l'auteur  du  poème  attribue  cet  effet  à  l'ombre  que  cet 
astre  est  censé  projeter  dans  l'espace. 

8 


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114  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUY^iN. 

Sanh  thi  râo  birô-c,  sân  dào  vôî  ra. 

Cà^  ngoài  viht  ngô  then  hoa, 
530    Gia  dông  vào  gôi  tha  nhà  moi  sang. 

Bem  tin  thùc  phu  tii*  dirô-ng, 

Ba  va  lir  thân  tha  hircnig  de  hue. 

Lieu  dwang  câch  trd  son  khê, 

Xuân  dirÔTig  kfp  goi  sanh  vë  ho  tang. 
535    Mâng  tîn,  xiêt  nôi  kînh  hoàng? 

Bâng  minh  lén  1x0*0*0  dài  trang  tv  tlnh. 

Gôt  dâu  moi  nôi  dinh  nînh; 

N5i  nhà  tang  tôc,  nôi  minh  xa  xuôi. 

«Stt  dâu  chua  kip  dôi  hôi, 
540    «Duyên  dâu  chu-a  kip  mot  loi  trao  ta! 


1.  Litt.  :  « aoaU  abandonné  la  maison,* 

2.  Litt.  :  « quant  à  (par)  des  montaffnea  —  et  des  tojrents,* 

Il  est  bon  de  noter  les  dififérences  de  sens  qu'amène  dans  la  langue 
annamite  nn  changement  dans  la  position  des  mots.    «B^BQ.  Câch  tr&» 
veut  dire  *étre  éloigné*;  mais  si  Ton  intervertit  les  caractères, 
Trv  câch*  signifiera  échanger  de  maniérée»  ou  *dhabitude8*, 

3.  Litt.  :  «  (LoTêqu'Jil  entendit  annoncer  —  la  nouveUe,  —  (qui)  aurait  compté 
—  les  drcomtances  —  de  (son  fait  d^)Ure  terrifié?* 

4.  Litt.  :  *  (Quant  au)  taUm  —  (et  quant  à)  la  tête  ,  .  .  ,* 

5.  Litt.  :  «  Le  motif  —  (du  fait  de)  —  sa  famille  —  Hre  en  deuU  —  (quant 
à)  la  chevelure  ....  » 

Cette  expression  €tang  tôc*  vient  de  ce  que  dans  TAnnam  les  rites  du 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  115 

sans  retard  le  jeune  homme;  sortant^  se  rendit  dans  la  cour. 

Dès  qu'il  eût  poussé  le  verrou  de  la  porte  extérieure, 

un  serviteur  de  sa  famille  lui  transmit  une  lettre  des  siens,  tout  ré-  530 

cemment  arrivée. 
On  lui  apprenait  que  le  frère  cadet  de  son  père  avait  quitté  ce  monde  ^  î 

qu'on  l'avait,  pendant  un  voyage,  mis  au  cercueil  en  toute  hâte,  et 

que  des  pays  étrangers  (on  allait)  rapporter  son  corps 
(au  lieu  de)  Lieu  duomg,  situé  à  une  grande  distance  ^, 

son  père  le  pressait  de  se  rendre  pour  procéder  aux  funérailles. 

Qui  pourra  dire  à  quel  point  cette  nouvelle  le  renversa'*?  636 

n  s'empressa  de  se  glisser  dans  la  demeure  (de  Kieu)  afin  de  la  lui 

apprendre. 
De  point  en  point  ^  il  lui  raconta  tout; 

et  le  deuil  qui  frappait  sa  famille  ^,  et  le  voyage  lointain  (pour  lequel 

il  allait  partir). 
<Le  loisir  nous  a  manqué  pour  nous  expliquer  ensemble  >,  dit-il  « 

«  et  nous  n'avons  point  eu  le  temps  de  dire  un  mot  du  mariage  ?!      640 


denfl  défendent  aux  personnes  qui  le  portent  de  prendre  soin  de  leurs 
cheveux. 

6.  Litt.  :  «  CQuarU  à)  la  choêe,  —  où  (que  ce  êoU)  —  pas  encore  —  nouê 
avon»  aOeirU  —  une  paire  de  —  momenU,  » 

7,  Litt  :  *  (Quant  au)  mariage,  —  oh  (que  ce  êoU)  —  paa  encore  —  nous 
atone  aUekU  —  une  parole  —  de  —  noua  paster  —  le  fil  de  soie,  » 

Dans  certaines  provinces  de  la  Chine,  les  nouveaux  mariés  sont  dans 
lliabitnde  de  porter  un  fil  de  soie  enroulé  autour  d'un  de  leurs  doigts  en 
signe  de  la  promesse  qui  les  lie.  Cette  coutume  tire  son  origine  d'une  lé- 
gende dont  je  vais  avoir  à  parier  bientôt.  (Voy.  la  note  sous  le  vers  649 
et  celle  de  la  transcription  du  Lifc  Vân  Tien  par  Jeanneaux.)  «  Se  pa»»er  le 
fil  de  êoie  »  signifie  donc  éprendre  Vun  envers  Vautre  un  engagement  de  mariage  ». 

8* 


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116  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyIn. 

«Trftng  thê  c6n  dô  sô*  sô*! 
«Dâm  xa  xuôi  mât  ma  thira  thôt  16ng? 
«Ngoài  ngàn  dâm,  choc  ba  dông, 
«Moi  sâu  khi  gà  chira  xong.  Côn  chây! 
545    «Gin  vàng  gifr  ngoc  cho  hay, 

«Cho  dành  long  kè  chou  mây  cuôi  trM!» 

1 .  Litt.  :  «  En  deliors  de  —  Ccea)  mille  —  dam,  —  à  VexpirtUion  de  —  troia 
hivers,  » 

i^Ngàn  dam*  et  «/>«  âông»  représentent  ici  des  quantités  considérables, 
mais  indéterminées. 

2.  Litt.  :  «  Le  bout  de  fil  —  trùtle,  —  quand  il  sera  démêlé,  —  jjos  encore  — 
(tout)  sera  terminé.  —  Il  y  aura  encore  —  du  tard!-» 

Les  accidents  malheureux  qui  viennent  se  jeter  à  la  traverse  du  bonheur 
des  deux  amants  sont  comparés  par  Kvn  Trong  à  un  bout  de  fil  embrouillé 
qu'il  s'agit  simplement  de  démêler;  après  quoi  tout  ira  bien.  —  *Ckéfy  — 
tard  »,  devient  ici  substantif  par  position. 

3.  Litt.  :  «  Veillez  sur  —  Tor,  —  veillez  siir  —  la  pierre  précieuse  —  cTtmtf 
manière  —  convenable,* 

Le  verbe  ^^ghigiit*  est  dédoublé  par  élégance. 

4.  Ce  vers  est  assez  difficile  à  comprendre  au  premier  abord.  Ce  n'est 
que  par  une  sévère  application  de  la  règle  de  position  qu'il  est  possible  d'en 
dégager  la  signification  précise. 

^Bành»  est  un  verbe  d'une  nature  toute  particuKère.  Il  ne  se  trouve 
guère  que  dans  certaines  locutions  où  sa  signification  varie  suivant  les  mots 
dont  il  est  précédé  ou  suivi.  U  précède  ici  le  mot  ^Ihng  —  cœur*,  et  forme  avec 
lui  une  expression  dont  le  sens  est  bien  défini  par  l'usage,  et  qui  signifie 
^content,  satisfait*,  OU,  étymologiquement,  *fixé  —  (quant  au)  cœur*.  Mais 
cet  adjectif  composé,  se  trouvant  précédé  du  mot  *cho*  qui  veut  dire  •pour* 
ou  €de  manière  à»,  devient  par  position  un  verbe  actif  qui  a  évidemment 
pour  régime  le  pronom  relatif  <kl*  suivi  de  ses  compléments.  Or,  ce  verbe 
ne  peut  avoir  qu'un  sens,  celui  de  «  tenir  pour  satisfaisant,  avoir  pour  agréable  *; 
ce  qui,  étant  donné  l'enchaînement  d'idées  qu'exprime  le  présent  vers  et  ceux 
qui  l'accompagnent,  équivaut  à  *  garder  son  cœur  à  (quelqtCun)*. 

D'un  autre  côté,  après  le  pronom  relatif  «A:!»  qui  appelle  nécessairement 
un  verbe,  on  ne  trouve  au  premier  abord  que  quatre  substantifs  qui  se 
suivent  sans  aucun  intermédiaire.  Cependant  il  faut  nécessairement  trouver 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  ni 

^La  lune  du  serment  est  encore  là  (haut),  visible  à  nos  yeuxl 

*Si  mon  corps  s'éloigne  d'ici;  mon  cœur  oserait-il  changer? 

«Après  ce  grand  voyage  et  les  longs  jours  (de  la  séparation)  ', 

<  cette  tristesse  dissipée  ^,  tout  ne  sera  pas  fini.  De  longs  jours  noua 

> resteront  encore! 
«Sur  vos  sentiments  veillez  avec  sollicitude  •"*,  015 

«  afin  de  garder  votre  cœur  à  celui  qui  sera  si  loin  ^  !  > 

le  verbe  quelque  part;  et  comme  il  n'y  a  pas  de  raison  pour  attribuer  ce 
rôle  à  l'un  de  ces  noms  plutôt  qu'à  Tautre,  il  faut  en  conclure  que  t ïst 
l'association  entière  de  ces  quatre  substantifs  qui  reçoit  du  pronom  rel;itif 
le  rôle  de  verbe  que  ce  dernier  suppose  nécessairement. 

Mais  y  art-il  un,  deux,  ou  plusieurs  verbes?  Pour  déterminer  ce  point, 
il  faut  d'abord  bien  préciser  dans  quel  rapport  les  éléments  dont  8€  coin- 
pose  le  régime  de  *kè»  sont  les  uns  vis-à-vis  des  autres.  Or  on  sait  (ju'on 
annamite,  lorsque  deux  substantifs  se  suivent,  le  second  se  trouve  k  pi  us 
souvent  au  génitif  par  rapport  au  premier,  à  l'inverse  de  ce  qui  eo  passe 
dans  la  langue  chinoise.  Mais  il  existe  encore  une  autre  différence  cn'tro 
cette  dernière  langue  et  l'annamite;  c'est  que  si,  dans  le  style  écrit  cliinoîs, 
on  rencontre  parfois  un  grand  nombre  de  substantifs  qui,  en  raison  dt^  knir 
position,  se  mettent  au  génitif  les  uns  par  rapport  aux  autres,  il  est  r:ire 
en  annamite  d'en  trouver  plus  de  deux,  à  moins  que  l'on  ne  fasse  inter- 
venir dans  la  série  quelque  pronom  personnel. 

Nous  rencontrons  ici  quatre  substantifs  accolés.  Il  faut  donc  en  conclure 
qae  cette  association  doit  se  diviser  en  deux  groupes  placés  entre  eux  dims 
un  simple  rapport  de  conjonction;  et  qu'il  faut  traduire  €chan  mây  cuSi  trin» 
par  *le  pied  des  nuages  et  VextrémUédu  ciel 9,  Ces  deux  idiotismes  expriment 
du  reste  une  idée  sensiblement  identique.  Le  pied  ou  la  base  des  d naines 
paraît  à  nos  yeux  se  trouver  à  l'horizon;  il  en  est  de  même  de  l'extr^hnitè 
de  la  voûte  céleste,  qui  semble  y  reposer  sur  la  terre.  Mais,  à  me&uic  qvie 
l'on  s'avance,  cette  base  des  nuages,  cette  extrémité  du  ciel  reculent  in- 
définiment. De  là  suit  que  dire  d'une  personne  qu'elle  se  trouve  là  (nï  les 
nuages  reposent  sur  la  terre,  là  où  le  ciel  se  termine,  c'est  dire  (|il  elle 
est  extrêmement  éloignée  de  nous. 

Les  choses  étant  ainsi,  on  en  concluera  naturellement  que  chacun  dm 
groupes  de  deux  mots  qui  terminent  levers  constitue  une  locution  veih^tlr, 
et  que  la  traduction  littérale  devra  être  celle-ci: 

•Pour  —  tenir  pour  fixé  —  (quant  au)  cœur  —  celui  qui  —  sera  tut  jned 
des  nuages,  —  sera  à  V extrémité  du  ciel!» 


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118  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Tai  nghe,  ruot  roi  bôi  bdi; 
cNgân  ngô"  nàng  moi  gîâi  loi  tnrôtî  sau: 
^Ông  Tcrghét  bô  chi  nhau? 
550    «Chira  vni  sum  hiêp,  dâ  sâu  chia  phui! 
«Cîing  nhau  trot  dâ  nàng  loi; 
«Dàu  thay  mai  tôc,  dâm  dM  long  ta? 
«Qnân  bao  thâng  doi  nâm  chô*? 
«Nghï  ngrrôi  an  giô  nâm  mira  xôt  tKâm! 


1.  Litt.  :  ^Sea  oreiUeê  —  entendant  (cela),  —  ses  entt'oUleê  —  smU  troublèet 

—  confusément,'» 

2.  Litt.  :  «  Ong  Ta  —  (noua  hait)  —  à  (noua)  faire  abandonner  —  en  quoi 

—  Vun  Vautre  f  9 

^/^  (%  Te,  qu'on  appelle  aussi  en  chinois  «  M*^  NgwfHlao»  ou 
H  "K^-  Nguyèt  ha  lâo*,  est  un  personnage  qui  joue  dans  la  mythologie 
des  Chinois  et  des  Annamites  un  rôle  analogue  à  celui  des  Parques  dans 
la  fable  romaine.  Je  dis  analogue,  parce  que  si  les  terribles  divinités  char- 
gées de  tordre  le  fil  de  la  vie  humaine  le  tranchaient  ensuite,  celui  que 
fabrique  le  génie  dont  il  est  question  ici  ne  concerne  que  le  mariage  et 
n'a  rien  de  commun  avec  le  trépas.  Voici  la  légende  qu'on  raconte  à  son 
sujet,  et  que  je  traduis  du  ]^^^,  où  je  la  trouve  mentionnée: 

«  Sous  la  dynastie  des  ^  ^àng,  un  nommé  ^k  ffl  Vi  Co,  envoyé  pour 
•  mettre  l'ordre  dans  la  ville  de  5|CÎfi  Tong  thành,  rencontra  un  vieillard 
>qui  composait  des  livres  au  clair  de  la  lune,  et  qui  lui  apprit  que  ces 
3»  livres  étaient  les  registres  (où  sont  inscrits)  les  mariages  des  hommes. 
»Les  liens  rouges  que  j'ai  là  dans  mon  sac»,  ajouta  le  vieillard,  <sont 
»  destinés  à  attacher  les  pieds  des  maris  et  des  femmes.  Une  fois  ces  cordes 
»  fixées,  il  devient  à  jamais  impossible  de  les  changer.  »  Cff  lui  demanda 
»  alors  en  quel  lieu  se  trouvait  sa  future  épouse.  «  (Ta  future  épouse)  »,  lui 
»  fut-il  répondu,  «  est  la  fille  d'une  pauvre  femme  qui  vend  des  légumes  au 
>  marché.  >  Le  lendemain,  Co  alla  voir.  Il  aperçut  la  pauvre  femme  qui  por- 


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KIM  VAn  KIËU  TAn  TRUY^N.  119 

A  ces  paroles,  en  son  sein  la  jeune  fille  sent  une  vague  émotion  ', 
et,  d  une  voix  douce,  elle  s'exprime  ainsi  : 
€Ùng  Ter  nous  hait-il  donc^!  Veut-il  nous  enlever  Tun  à  l'autre? 

«Nous  n'avons  pas  encore  goûté  le  bonheur  d'être  réunis,  que  déjà  550 

> voilà  qu'il  nous  faut  subir  les  chagrins  d'une  séparation! 
«Nous  avons  entre  nous  échangé  tous  les  serments! 

«Quand  même  la  boucle  de  cheveux  (coupée)  aurait  repoussé  (sur 

»  ma  tête)  3,  oserais-je  aliéner  mon  cœur? 
«Que  m'importe  d'attendre  et  des  mois  et  des  jours? 

«(Toujours)  je  penserai  avec  une  émotion  secrète  à  Fami  exposé  aux 
>  vicissitudes  du  voyage  ^  ! 


>tait  dans  ses  bras  une  petite  fille  âgée  de  deux  ans.  C'était  une  créature 

>  des  plus  rustiques.  Il  ordonna  aussitôt  à  un  de  ses  hommes  de  percer  de 
>8on  arme  Tenfant,  qui  fut  atteinte  au  sourcil. 

«  Quatorze  ans  après,  l'intendant  ^  ^^  Vwmg  Thâi  donna  sa  fille  pour 
»  épouse  à  Vi  C6.  Elle  était  très  belle  de  corps  et  de  visage;  mais  elle  por- 
>tait  constaounent  entre  les  sourcils  certain  ornement  de  métal  fleuronné 
>qui  faisait  partie  de  sa  coififure.  Son  mari  la  pressant  de  questions  à  ce 
«sujet,  la  jeune  femme  lui  répondit  :  «Mon  véritable  père  était  le  gou- 
'vemeur  de  la  province.  Comme  il  était  mort  dans  la  ville  de  Tong  tkành 

>  alors  que  j'étais  encore  au  maillot,  ma  nourrice  se  mit  a  vendre  des  lé- 
«gnmes  pour  se  procurer  ma  subsistance,  et  elle  avait  coutume  de  me 
'porter  dans  ses  bras  sur  le  marché.  C'est  là  qu'un  bandit  me  fit  une 
> blessure  dont  je  porte  encore  la  cicatrice.»  0^  ^&v  — »  ^^'  ^^^^  ^^^ 
recto,) 

3.  «  Quaftd  bien  même  vous  seriez  assez  longtemps  absent  jpour  que  la  boucle 
de  cheveux  que  vous  m^avez  coupée  lorsque  nous  échangeâmes  nos  serments  ait 
le  temps  d'être  remplacée  par  «me  autre  aussi  longue,» 

«TV»  fait  le  pendant  de  «^»,  comme  «c?<K»  fait  celui  de  «^thay».  C'est 
une  véritable  cheville,  dont  la:  signification  rappelle  toutefois  le  mariage 
convenu  entre  les  deux  amants,  mariage  symbolisé  par  le  fil  de  soie  rouge 
dont  il  a  été  déjà  parlé. 

4.  Lîtt.  :  «J^  pensant  à  —  la  personne  —  (qui)  mange  —  le  vent  —  et 
couche  —  à  la  pluie » 


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120  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

566    «Bâ  nguyën  dôî  chu*  «dông  tâm»; 

«Trâm  nâm  thë  châng  ôm  cam  thuyën  ai! 

«Côn  non,  côn  nirô-c,  c6n  dàî, 

«Con  vë!  Côn  nhô-  dên  ngày  hôm  nay!» 

Dùng  dâng,  chira  nô*  rôi  tay, 
560    Vâng  dông  trông  dâ  dirng  ngay  noc  nhà. 

Ngai  ngùng,  mot  hxr&c  mot  xa, 

Mot  loi  trân  trong;  châu  sa  mây  hàng? 

Buoc  yen  quây  gânh  voi  vàng; 

Moi  sâu  se  nèa,  hxr&c  dàng  chia  liai. 
566    Buôn  muôn  phoiig  cânh  que  ngirM! 

Tiêng  cây  quyên  nhât;  bông  trM  nhan  thira. 


1 .  Litt.  :  «  Nouê  promîmes  —  (quant  aux)  deux  —  caractères  —  ^S  /(^ 
(un  même  cœur)!* 

2.  Litt.  :  «  (Pendant)  cent  —  ans  —  je  jure  de  —  n«  pas  porter  au  bras 
—  mon  câm  —  dans  le  bateau  —  de  qui  (que  ce  soit).* 

On  dit  aussi  en  chinois  pour  exprimer  la  même  idée  :  ^^^^^J9ljf@, 
Tî  ba  bi^J  bào  —  changer  son  t\  ba  de  bras,» 

3.  Litt.  :  li(S'il)  y  a  encore  —  des  montagnes,  —  (sHl)  y  a  encore  —  des 
eaux,  —  (si)  encore  —  c'est  long, 

il  y  aura  encore  —  le  fait  de  revenir!  —  Encore  —  nous  reporterons  nos 
souvenirs  —  vers  —  le  jour  —  d'aujourd'hui!» 

4.  Litt.  :  <cLa  brassée  (le  cercle)  —  de  V Occident.» 

5.  «  /Si  »  si^ifie  «««€  dieviUe*  et,  par  position,  «  cheviller».  La  douleur  des 
amants  est  comparée  à  une  cheville  plantée  dans  leur  cœur.  Au  moment  de 
la  séparation,  elle  y  pénètre  plus  avant  encore. 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  121 

«Nous  nous  promîmes  de  n'avoir  (à  nous  deux)  qu'un  même  cœur  *!  555 
«Jamais  en  cette  vie,  je  le  jure!  je  ne  serai  Tépouse  d'un  autre  ^î 
«Plus  sera  grande  la  distance^ 

«plus  au  retour  (avec  douceur)  nous  penserons  au  jour  présent^!» 
Indécis,  ils  n'ont  pu  encore  se  résoudre  à  désunir  leure  mains, 
qne  déjà  ils  voient  l'astre  du  jour  ^  planant  sur  le  faîte  du  toit.  56O 

(Trong),  à  chacun  des  pas  hésitants  qui  Féloignent, 

fait  quelque  importante  recommandation,  et  répand  des  ruisseaux 

de  larmes. 
Il  selle  son  cheval;  à  la  hâte  il  prend  son  bagage. 

Leur  peine  redouble'^!  Il  se  met  en  chemin,  et  les  deux  (amants) 

se  séparent 
Tristement  le  (jeune  homme)  contemple  les  innombrables  beautés  565 

des  paysages  étrangers! 
Dans  les  arbres  résonne  le  cri  répété  du  coucou;  au  ciel  l'ombre  de 

quelques  rares  Nhan  (se  projette  sur  les  nuages)  \ 

6.  Utt.  :  <  (En  fait  de)  bruit  —  cTarbrea,  —  le  coucou  —  eêt  serré j  —  en 
fait  d'ombre  —   du  del,  —  leê  nhan  —  sattt  elairtemés. 

Il  e%i  facile  de  voir  que  chaque  mot  du  second  hémistiche  est  dans  un 
parallélisme  parfait  avec  chacun  de  ceux  du  premier,  tant  au  point  de  vue 
de  la  valeur  grammaticale  qu*en  ce  qui  concerne  Tanalogie  de  signification. 
Dans  une  autre  édition  qui  me  vient  directement  du  Tonquin,  et  qui 
porte  comme  date  d'impression  «^  24*  année  de  Tv  Birc»,  ce  vers  est  mo- 
difié comme  il  suit  :  <  Bdu  nhành  qw/ên  nhat,  cuoi  Irai  nhan  (hua.  —  A  Vex- 
trénUté  des  branchée  nombreux  (chantent)  les  coucoits;  à  V horizon  (volent)  quelques 
rares  nhan»;  OU  littéralement  :  <Au  bout  —  des  branches  —  les  coucous  — 
sont  serrés;  —  au  bout  —  du  ciel  —  les  Nhan  —  sont  clairsemés.» 

Comme  j^ai  déjà  eu  occasion  de  le  dire  dans  la  préface  de  ma  traduc- 
tion du  Luc  Vân  Titn,  ces  divergences  entre  les  diverses  éditions  des  poèmes 
coebinchinois  se  rencontrent  pour  ainsi  dire  à  chaque  pus.   Il  serait  fasti- 


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122  '       KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYlêN. 

Nâo  ngirôi  châi  giô  dam  mira! 

Mot  ngày  nâng  gânh;  tiroTig  tir  mot  ngày. 

Nàng  thl  dtrng  rù  hîên  tây; 
570    Chfn  hôi  van  vit  nhir  vây  moi  ta. 

Trông  chirng;  khôi  ngôt  song  thira! 

Hoa  trôi  châc  thâm;  lieu  xa  xâc  vàng! 

Chân  ngân  râo  gôt  lâu  trang; 

Mot  doàn  mung  tho  ngoaî  hirong  mô-i  vë. 
576    Hàn  huyên  chira  kip  ta  de, 

dieux  pour  le  lecteur  de  les  lui  signaler  toutes.  Si  je  fais  remarquer 
celle-ci,  c'est  qu'il  me  semble  que  la  comparaison  des  deux  versions  peut 
donner  une  idée  nette  de  la  facture  du  vers  annamite  au  point  de  vue 
du  parallélisme.  On  peut  y  voir  que,  si  le  lettré  qui  a  publié  la  seconde 
édition  a  jugé  à  propos  de  modifier  les  deux  caractères  du  premier  hémi- 
stiche en  remplaçant  *Ueng  cày  —  le  bruit  des  arbres  »  par  *HJE>i^  ^^^ 
nhành  —  t extrémité  des  branchea*,  il  n'a  pu  le  faire  sans  modifier  dans  le 
fiiême  sens  les  deux  premiers  caractères  du  second.  En  effet,  dans  la  pre- 
mière rédaction  le  caractère  <tb<mg  —  ombre*  qui  désigne  un  phénomène 
affectant  le  sens  de  la  vue,  contrastait  parfaitement  avec  «^n^  —  bruU» 
qui  désigne  un  phénomène  affectant  le  sens  de  Touie;  mais  il  ne  remplirait 
plus  ce  rôle  en  face  de  55  ddu  —  extrémité»;  aussi  le  correcteur  Ta-t-il 
remplacé  par  *cu^i»,  qui,  signifiant  ^fin,  bout  cTtin  espace»,  cadre  au  con- 
traire parfaitement  avec  ce  dernier  mot.  Quant  au  caractère  €trbi»  qui 
suit,  il  a  dû  le  conserver,  parce  qu'il  est  aussi  bien  à  sa  place  dans  la  nou- 
velle version  que  dans  l'ancienne.  —  Le  Nlian  est  une  espèce  d'oie  sauvage. 

1.  Lîtt.  :«....  Vhomme  —  qui  est  peigné  —  quant  ou  (par  le)  vent  — 
(et  qui)  est  baigné  —  quant  à  (par)  la  pluie!» 

2.  Litt.  :   ^Par  neuf  —  tours  —  elle  enroulait  —  ainsi  —  le  bout  —  de 
soie.  » 


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KIM  vAn  KIÊU  TÂN  TRUYÊN.  123 

Plaignons  le  voyageur  exposé  an  vent;  à  la  pluie  ^! 

Chaque  jour  son  fardeau  lui  semble  plus  lourd^  chaque  jour  à  elle  il 
pense  davantage! 


La  jeune  fille  se  tenait  mélancoliquement  retirée  dans  le  pavillon 

occidental, 
et  son  amour  dans  son  cœur  poussait  de  profondes  racines  2.  571» 

De  temps  en  temps  elle  jetait  un  regard  (du  côté  de  la  maison  ;  mais) 

à  travers  la  jalousie  la  fumée  (des  parfums)  s'était  dissipée  K 
Décolorées^  les  fleurs  flottaient  sur  l'eau;  les  saules  se  dépouillaient  ^! 

Elle  errait  autour  de  sa  chambre^  marchant  d'un  pas  automatique  ^, 

lorsque  ses  parents  revinrent  tous  ensemble  de  leur  visite  de  félici- 
tations \ 
Les  premières  paroles  d'accueil  n'étaient  pas  encore  échangées  ^        57r» 

3.  La  maison  était  déserte. 

4.  Litt.  :  «  L€M  fleuri  —  titmagearU  —  étaient  déti*uUe3  —  quant  (à  leur) 
eouleur  —  rouge;  —  le»  saules  —  itaienl  —  arraché»  par  le  vent  —  quant  h 
(heurt  feuilletj  jaune»  ». 

Ce  vers  a  denx  sens.  Le  premier  est  le  sens  propre.  Les  arbres  ont 
laissé  tomber  leurs  dernières  fleurs,  qui  flottent  sur  Teau  du  vivier,  flétries 
et  décolorées.  Le  saule  a  jauni,  et  le  vent,  en  le  dépouillant  de  ses  feuilles, 
loi  donne  un  aspect  comme  lacéré  (xa  xdcj.  A  ces  signes  on  reconnaît  que 
l'automne  est  venu. 

Le  second  sens  est  figuré.  La  jeune  fille,  triste  et  isolée,  se  compare  à 
nne  fleur  flétrie  qui  flotte  sur  Teau  dans  laquelle  elle  est  tombée,  à  un 
saule  auquel  le  vent  arrache  ses  dernières  feuilles  jaunies. 

n  ne  faut  pas  oublier  que  la  scène  se  passe  en  Chine,  où  le  climat  et 
les  saisons  sont  tout  autres  que  ceux  de  TAnnam. 

5.  Litt.  :  «  JSaide,  elle  promenait  çà  et  là  —  se»  talon»  —  dan»  le  palais  — 
de  la  toiletU,» 

6.  Litt.  :  «  L'unique  —  troupe  —  qui  avait  (été)  féliciter  —  au  sujet  de  la 
longue  vie  —  dans  Vexlérieure  —  région  —  enfin  —  reoint  au  logis.» 

7.  Litt.  :  •(Les  caractères)  Ifàn  —  et  Huyèn,  —  pas  encore  —  on  avait 
atteint  —  (le  fait  d*)  en  écricant  —  (les)  inscrire  comme  argument,  » 


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124  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Saî  nha  bông  thây  bon  bë  xàn  xao! 

Ngirôi  nâcb  thir(>c,  kè  tay  dao; 

Bâu  trâu,  mât  ngira;  ào  ào  nhir  soi. 

Vo*  quàng  mot  lâo  mot  traî; 
580    Mot  dây  vô  lai  buôc  hai  thâm  tiiih. 

Dây  nhà  vang  tiêng  ruôi  xanh! 

Rung  rôi  không  det,  tan  tànb  gôi  may! 

Dô  te  nhnyën,  cùa  riêng  tây 

Sacb  sành  sanli;  quét  cho  dây  tùi  tham. 
585    Dëu  dâu  bay  bôc  ai  làm? 

Nây  ai  dan  huyên,  trât  hàm  bông  nhirng? 

Hôi  ra,  sau  mdi  biêt  rang; 

Phâi  tên  xirng  xuât;  là  thâng  bân  ta. 


Il  y  a  ici  une  inversion.  Les  mots  «JTàn  huyîn»,  dont  j'ai  donné  Tex- 
plication  sous  le  vers  394,  forment  le  régime  du  verbe  qui  termine  le  vers. 
L'autour  compare  la  jeune  fille  et  ses  parents  à  des  lettrés  qui  commencent 
une  composition  de  style,  et  les  compliments  de  bienvenue  à  l'argument  de 
cette  composition;  parce  que,  de  même  qu'avant  de  commencer  cette  der- 
nière on  en  reçoit  le  thème,  de  même  toute  conversation  entre  gens  qui  se 
i-evoient  commence  par  ces  questions  réciproques  que  l'on  s'adpesse  au  sujet 
de  la  santé,  et  que  l'auteur  désigne  ici  par  les  deux  mots  *Wva  huyèn*, 

1.  Litt.  :  <t(Ila  avaient)  des  tètes  —  de  buffle,  —  des  visages  —  de  chevaux, 
—  lU  produisaient  un  bruit  confus  —  comme  —  (quelque  chose  quij  bout.» 

«  Tieng  ào  ào»  est  une  expression  employée  pour  exprimer  le  bruit  pro- 
duit par  une  cohue  de  gens  qui  s'agitent  en  désordre. 


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KIM  vAn  kïêu  tAn  truyên.  125 

qne,  tout  à  coup,  Ton  vit  des  satellites  en  tumulte  envahir  (la  maison). 

Les  uns  portaient  un  bâton  sous  le  bras;  d'autres  avaient  un  sabre 

à  la  main. 
Leur  visage  était  rébarbatif,  ils  s'agitaient  avec  un  bruit  confus  '. 

Us  arrêtèrent  à  la  fois  et  le  vieillard  et  le  jeune  homme, 

et,  d'un  lien  impitoyable,  garottèrent  le  père  et  le  fils.  sso 

La  maison  était  pleine  de  ces  sbires  importuns;  leur  voix  retentis- 
sait partout*! 

Ils  brisaient  les  métiers  à  tisser,  bouleversaient  l'ouvrage  des  fem  mes  ^! 

Sur  les  ornements  de  leur  toilette,  sur  les  objets  à  leur  usage 

ils  faisaient  main  basse  partout,  et  remplissaient  avidement  leurs 

poches ^ 
De  qui  venait  ce  malheur  qui  surgissait  à  Timproviste?  585 

Qui  donc  avait  lancé  la  fausse  accusation,  la  calomnie  qui  tombait 

sur  ces  têtes? 
On  s'informa  et  l'on  apprit, 

d'après  le  nom  déclaré,  que  c'était  un  marchand  de  soieries. 


2.  Litt.  :  ^Rempliêêtmt  —  la  maigon  —  U»  faiêaierU  retentir  —  leur  voix 
—  de  mouches  —  vertes.* 

«  EuSi  xanh— mouchée  vertes  »,  traduction  approximative  du  chinois  «^f  |^^ 
thwmg  nhang  —  sauterelles  vertes*,  est  un  sobriquet  que  Ton  donne  aux  satel- 
lites du  tribunal  tant  à  cause  de  leur  importnnité  que  par  allusion  h  la  cou- 
leur de  leurs  vêtements.  (Test  un  enchaînement  d'idées  semblable  qui  a  fait 
donner  aux  gendarmes,  par  les  Annamites  de  notre  colonie,  le  nom  de 

3.  Litt  :  ^Us  paquets  à  coudre*. 

4.  Litt.  :  €étaierU  nettoyés  —  en  faisant  table  rase;  —  ils  balayaient  —  de 
façon  à  —  remplir  —  leurs  poches  —  avides*. 


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1 


126  KIM  vAn  kiêu  tAn  trdyên. 

Mot  nhà  hoàng  hôt  ngân  nga; 
690    Tiêng  «oan!»  dây  dât;  t&n  ngîrh  day  mây. 

Ha  tu*,  van  vâî  trot  ngày; 

Biêc  tai  lân  trnât,  phu  tay  toi  tàn! 

Rirîmg  cao  rût  ngircrc  dây  oan; 

Dân  yàng  dà,  cûng  nàt  gan  Iva  ngirài! 
595    Mât  trông,  dan  don  rang  rôi; 

Oan  nay  c5n  mot  kên  trôi  nhvng  xa! 

Mot  ngày  là  thôi  sai  nha; 

Làm  cho  khôc  hai,  châng  qna  vl  tien! 

«Sao  cho  côt  nhuc  ven  tuyën? 
600    «Trong  khi  ngô  bien,  tùng  quyên!  Biêt  sao? 

«Duyên  hôî  ngo,  âAc  cù  lao, 


1.  Litt.  :  «Le»  voix  CcriarU)  :  —  *Ir^u»t%ce!*  —  rempliÊêaienl  —  la  terref 
(Les  DOKB  criant  :)  *  Jugement  —  suborné  f  9  —  remplitêtderU  —  le$  nuaget.* 

2.  Litt  .•  €(Cétait,)  sur  une  poutre  —  éUvée,  —  tirer  —  à  rebours  —  ^ 
corde  —  de  Vii^usHee;* 

3.  Litt.  :  «Qttatid  même  (on  aurait  été)  —  Ver  —  (ou)  la  pierre,  —  i"^ 
aussi  bien  —  on  aurait  été  broyé  —  quant  au  foie  (om  cœur);  —  à  plus  fortfi 
raison  —  (étant)  un  homme!* 

4.  Litt.  :  <  (Devant)  cette  injustice  —  il  y  av<iU  encore  —  Vuniçme  (rtssoitrte 
dV  —  appeler  —  le  Ciel  —  (qui  n'est)  absolument  que  —  Unnf» 

6.  Litt  :  «  Comment  —  faire  que  —  les  os  —  et  la  chair  —  soient  irUads 
—  et  entiersf» 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYIÇN.  127 

Toat  le  monde;  dans  la  maison,  tronblé,  comme  en  délire^ 
criait  sans  trêve  à  l'injustice,  sans  trêve  protestait  contre  la  calomnie  K  soo 
Pendant  la  journée  entière  Ton  s'humilia,  l'on  supplia; 

mm  les  oreilles  (de  ces  gens)  étaient  sourdes  à  la  pitié;  leurs  mains 

ne  cessaient  d'exercer  leurs  cruelles  sévices! 
Tant  de  brutalités  injustes,  impitoyables  \ 

eussent  attendri  une  pierre;  pouvaient-elles  ne  point  briser  des  cœurs 

d'homme'? 
L'on  était,  en  les  voyant,  saisi  de  douleur  et  d'eflfroi,  695 

et  devant  un  pareil  malheur  on  ne  pouvait  qu'en  appeler  au  Ciel,  à 

ce  Ciel  inaccessible  ^! 
Hais  la  coutume  des  satellites  est  de  poursuivre  une  journée  entière 

toutes  ces  persécutions  dans  le  but  d'extorquer  de  l'argent. 

«Comment  puîs-je  »,  (se  dit  Kiêu,)  «  ne  point  manquer  au  devoir  que 

»  réclame  la  voix  du  sang  *? 
«Dans  une  occiirrence  pareille,  il  faut  se  conformer  aux  circonstan-  cou 

»ces*î  Pourrait-on  faire  autrement? 
«D'une  liaison  due  à  un  heureux  hasard  ou  des  fatigues  de  mes 

»parents  '', 


Les  mots  *cot  nky^  —  os  et  chair*  sont  entendus  figurativement,  soit 
de  Taffection  qui  règne  entre  personnes  réputées  *de  mêmes  os  et  de  même 
diair;  on,  comme  nous  disons  en  français,  ^de  même  sang*,  soit  des  devoirs 
qni  incombent  à  ces  personnes  par  suite  de  leur  parenté.  Cette  expression 
est  plus  fréquemment  employée  lorsqu'il  s'agit  des  frères;  mais  elle  exprime 
Sd  les  obligations  des  enfants  envers  leurs  parents. 

6.  Litt.  :  *  Lorsque  —  Von  rencontre  —  un  mcdheur  inattendu,  —  on  sfiit 
—  Us  dreonstanees ;  —  on  saurait  —  comment  (faire  autrement)?* 

7.  Litt.  :  *  L'union  —  éCune  heureuse  rencontre,  —  la  vertu  —  cm  lao,* 

«  HH  ngç  »,  litt.  :  *ense  réunissant  —  l'encovUrer  par  hasard  »  signifie  ^  faire 
une  heureuse  rencontre*. 


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128  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

«Chu*  «ft/iA»  cliir  thiê!u*^  bên  nào  nânglian? 

«Dé  lài  thê  hâi  mînh  scn! 

«Làm  con,  tnrdc  phâî  dën  an  sinh  thành!» 
605    «Quyêt  tinh!  nàng  moi  ha  tinh! 

«Gië  cho  de  thiêp  bân  minh  chuôc  cha!» 

Ho  Chung  cô  kè  laî  gîà, 

Cûng  trong  nha  dich,  lai  là  tu*  tara. 

Thây  nàng  hîêu  trong  tinh  thâm, 
610    Vi  nàng  nghi  :  «Cûng  thircmg  thâm  x6t  vay!> 

«Tfnh  bàî  lot  dô,  tron  dây! 

«C6  ba  trâm  lirçrng,  viêc  nây  môd  xnôî! 

«Hây  eau  tam  phù  giam  ngoài, 

«Nhù  rang  qnî  lieu  trong  dôi  ba  ngày! 
616    Thu^ang  nàng  con  trè  tho*  ngây! 

«Gàp  cou  hoa  giô  tai  bay  bât  ky! 


L*expressîon  ^Chlao  —  travail  et  fatigue*  désigne  à  la  fois  les  angoisses 
de  Tenfantement  et  les  soins  de  tonte  nature  dont  les  enfants  sont  Fobjet 
de  la  part  du  père  et  de  la  mère. 

1.  Lîtt  :  <ilhi  caractère  —  *  amour»  —  (ou)  du  caracihe  —  *piêU  fiUtde*, 
—  le  côté  —  quel  —  eêt  lourd  —  €plu9f» 

2.  Litt.  :  <c.  .  ,  .  les  parole»  —  de  jurer  —  la  mer,  —  de  jurer  —  fe» 
vumtagnesf» 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  129 

€  de  Famoar  on  de  la  piété  filiale;  qui  remportera  dans  la  balance  ^? 

< Laissons  de  côté  les  solennels  serments^! 

«  Une  fille  dabord  doit  payer  de  retour  les  bienfaits  de  la  naissance 

»et  de  l'éducation! 
«Ma  résolution  est  prise!  Je  sacrifierai  mon  amour!  605 

«Ah!  laissez-moi  me  vendre  afin  de  racheter  mon  père ^!» 

Un  nonuné  Chung,  un  vieillard, 

bien  qu'employé  du  tribunal,  possédait  un  cœur  charitable. 

A  la  vue  de  cette  jeune  fille  douée  d'une  si  haute  piété  filiale,  brû- 
lant d'un  si  profond  amour, 

il  réfléchit  sur  son  sort.  «Oh!»  se  dit-il,  «combien  elle  est  digne  de  6io 
>  pitié! 

«Cherchons  quelque  moyen  de  compenser  (cette  dette) ^! 

«Si  Ton  avait  trois  cents  onces  d'argent,  cette  affaire  s'arrangerait! 

«Demandez  (que  le  débiteur)  soit  provisoirement  confié  à  quelqu'un 

»et  détenu  au  dehors; 
«dites  que  dans  quelques  jours  toutes  choses  seront  réglées! 

J'ai  compassion  de  cette  pauvre  fille  6i6 

sur  laquelle  inopinément  vient  soufHer  le  vent  du  malheur''! 


3.  Litt.  :  «  Je  voum  prie  —  pour  que  —  vous  laissiez  —  la  concubine  —  vendre 
—  eUe-même  —  et  racheter  —  son  père!» 

4.  Litt.  :  ^CaUndona  —  un  biais  —  pour  couvrir  —  là  —  cl  compléter  — 
fci7» 

6.  Litt.  :  *qui  rencontre  —  une  crise  —  de  malheur  —  qui  vente  —  et  de 
calamité  —  qui  vole  —  inopinément!» 
*Gi6  —  vent»  est  verbe  par  position. 

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130  KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên. 

«Bail  long  tè  biêt  sanh  ly! 

«Thân  côn  chira  tiêc;  tiêc  gi  dên  duyên? 

«Hat  mira  sa  nghî  phân  hèn, 
620    «Lieu  dem  tac  cô,  quyêt  dën  ba  xnân!> 

Su*  15ng  ngô  vôi  bâng  nhân; 

Tin  sTrong  don  dâî  xa  gan  xân  xao. 

Gân  mien  cô  mot  mu  nào 

Dira  ngirW  viën  khâch,  tam  vào  van  danh. 
625    Hôi  tên,  rang  :  «  Jfâ  giâm  sanh^; 

Hôî  que,  rang  :  «Huyên  TAm  tkanh.  Cûng  gan!» 


1.  Litt.  «.  .  .  .  (de  ce  que  quant  à)  la  mort  —  je  me  sépare,  —  (quant  à) 
la  vie  —  je  me  sépare!* 

Les  ternies  de  Texpression  «  U  hîH  —  se  séparer  »  sont  intervertis  à  cause 
des  nécessités  de  la  prosodie,  et  dissociés  par  élé^nce. 

2.  Litt.  :  ^(Si,  quant  à)  une  goutte  —  de  pluiCy  —  y  ayant  égard  —  «"" 
réfléchissez  à  —  ma  condition  —  vile,» 

La  bienveillance  est  comparée  par  Fauteur  à  la  pluie,  parce  qne,  de 
même  que  cette  dernière  ravive  une  plante  qui  languit  sous  Tinfluence  de 
la  sécheresse,  de  même  la  bienveillance  ranime  en  quelque  sorte  un  cœnr 
qui  fléchit  sous  les  coups  de  l'infortune. 

3.  Litt.  :  «  En  m^ exposant  —  j^apporterai  —  (mon)  pouce  —  d'herhf  —  (^) 
je  suis  résolue  à  (vous)  —  payer  de  retour  —  (pendant)  trois  —  printemps  >* 

KiSu  se  compare  par  humilité  à  un  minime  brin  d'herbe.  Cette  méta- 
phore entraîne  naturellement  comme  contrepartie  Fexpression'  «Aa  aw^n  — 
trois  printetnps»  qui  est  une  figure  empruntée  au  même  ordre  d'idées.  Ces 
deux  mots  sont  l'équivalent  annamite  du  chinois  «  ^^  Jf^  tam  sanh  —  ^^ 
vies»  et  signifient  comme  lui  «pour  toujours*.  (Voy.  aussi  la  note  sons  le 
vers  257.) 

4.  L'auteur  ayant  besoin  d'une  expression  dissyllabique,  adapte  au  niot«^'» 


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KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 


131 


«Mon  cœur  souffre»  (dit  KiSu)  cde  me  voir  pour  toujours  séparée 
»de8  miens  '! 

«Je  n'ai  point  souci  de  ma  propre  personne;  comment  liésiteraîs-je 
Ȉ  sacrifier  mon  amour? 

«Si  pour  une  humble  créature  vous  avez  quelque  bieuveîllaiice^, 

«je  veux  consacrer  ma  chétive  existence  à  payer  de  retour  (ce  bien-  620 
»  fait)  3!» 

On  fit  connaître  à  une  entremetteuse  le  dessein  (de  la  jeune  fille). 

La  nouvelle  *  se  répandit  partout  et  fit  grand  bruit. 

Une  matrone  du  voisinage 

amenant  un  étranger,  fit  des  ouvertures  de  raariag:c  \ 

On  lui  demanda  son  nom;  elle  dit  qu'il  s'appelait  Ma  gldm  mnh,       tiïîrj 

On  l'interrogea  sur  son  pays;  elle  répondit  qu'il  éUiît  de  Lnm  Tltanh  ^ 
CTétait,  au  surplus,  un  district  voisin  ! 


—  fumvdUi^  répithète  de  ^surang  —  rotécT^.  Au  premier  abord  cette  m 6 ta 
phore  semble  quelque  peu  étrange.  Cependant,  en  rexamiiiîmt  de  près,  ou 
ne  peut  8*empêcher  de  la  trouver  assez  juste.  En  effet,  lurs^iue  la  roj^ée 
est  tombée  pendant  la  nuit,  on  la  trouve  le  matin  réjuinrïiie  parti niL  Or 
c'est  aussi  le  propre  des  nouvelles  à  sensation,  de  se  rrjKiiidié  à  ûm  àh- 
tances  fort  éloignées  avec  une  rapidité  presque  inconiprrlieTisibk. 

6.  Litt.  :  « et  chercha  —  à  s'ititrùduîre  —  pour  thniandt^r  —  h  pftïf 

nom-». 

6.  J^ailfinnais  dans  plusieurs  notes  précédentes  déjà  livrées  à  rîrapressiim 
que,  d'après  les  détails  du  poème,  les  héros  en  sont  évideiimiènf  riiiiimfî. 
Les  recherches  auxquelles  je  me  suis  livré,  et  qui  ont  ulioiiti  aiijoiiril  htiî 
seulement,  m*ont  prouvé  ce  fait  d'une  ftiçon  irréfragaliïr.  Je  suis  en  efifet 
parvenu  à  déterminer  exactement  le  théâtre  de  Faction,  Elle  se  passe  dans 
la  province  du  Ml  ^H  Chan  long;  et  les  diverses  localités  dout  il  est  question 
dans  le  poème  y  existent  bien  en  réalité.  B§  "^  Lâm  Thnnh  [  Lttt  T'^m), 
dont  il  est  question  ici,  ainsi  que  ^^  Q|r,  ou  mieux  j^  ffi  |^  LUu 
Dwmg  thành  (Leâo  Yâng  Uh'tng)  dont  il  est  parlé  au  vtrH  53 ;s^  sont  «ieus 
villes  situées  dans  le  ressort  de  la  préfecture  de  "^S  M  StF  Tmiff  Tchânif/oh. 


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132  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Quà  niên  giac  ngoai  bon  tuân; 

Ràu  mày  nhftn  nhni,  ào  qnân  bânh  bao. 

Tru-Ac  thây,  sau  t&  lao  xao. 
630    Nlîà  bàng  dira  moi;  nrAc  vào  lâu  trang. 

Ghé  lên,  ngôi  tôt  sân  sang; 

Phông  trong  moi  dâ  dira  nàng  kfp  ra. 

Nôi  mlnh,  thêm  tii*c  nôi  nhà; 

Thëm  hoa  mot  birAc,  giot  hoa  mây  hàng! 
635    Ngai  ngùng  tlien  giô^  e  sirong, 

Nghi  hoa  bông  then;  trông  girong  mât  dày! 


1.  Litt.  :  «  En  pa»»ant  —  les  années  —  il  avait  mis  de  coté  —  au-delà  de 
—  quatre  —  décades^, 

2.  Litt.  :  «  En  avant  —  (marcliait)  U  maître,  —  (etj  en  (trrihre  —  des  ser- 
viteurs —  menant  grand  bruit,  » 

L'expression  «  lao  xao  »  renferme  à  la  fois  Tidée  de  bruit  et  celle  de  multitude. 

3.  Litt.  :  *  ^intermédiaire  —  conduisit  —  le  (premier)  contractant,  —  On 
le  reçut  —  à  entrer  —  dans  le  palais  —  des  ajustements,  » 

€Nhà  —  maison»  est  ici  nn  terme  vague  qni  s*appliqne,  entre  antres, 
à  des  personnes  dont  on  ne  dit  pas  le  nom  et  qui,  dans  une  affaire,  jouent 
en  opposition  avec  d'autres  quelque  rôle  important.  Dans  le  cas  présent, 
il  répond  assez  bien  à  notre  mot  *  partie», 

«Moi»  est  une  expression  générale  qui,  s'appliquant,  dans  une  transaction, 
tantôt  à  une  partie  et  tantôt  à  l'autre,  désigne  le  sujet  des  obligations  ou 
conventions.  Il  s'agit  ici  de  Ma  Oiàm  Sanfi, 

4.  Litt.  :  «(Dans  In)  chambre  —  intérieure  —  (Vautre)  contractant  —  déjà 
(immédiatement)  —  conduisait  —  la  jefine  fille  —  à  rapidement  —  sortir.  » 

5.  Litt.  :  «  (Quant  aux)  choses  qui  concernaient  —  elle  même,  —  en  (joutant 
(davantage)  —  elle  était  oppressée  —  (au  sujet  des)  cJioses  qui  concemment  — 
(sa)  famille.  » 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  133 

(Cet  homme)  semblait  avoir  passé  quelque  peu  la  quarantaine  *. 
Il  avait  la  barbe  et  les  sourcils  fins;  sa  mise  était  élégante^ 
et  de  nombreux  serviteurs  le  suivaient  en  menant  grand  bruit  ^. 

L'entremetteuse  amena  son  client.  On  Tintroduisit  dans  le  cabinet  6do 

de  toilette  \ 
n  s'approcha;  il  s'assit  avec  grâce,  prêt  à  (entrer  en  pourparlers), 

et  la  matrone^  s'empressa  d'aller  quérir  la  jeune  fille  dans  sa  chambre. 

La  pensée  de  son  infortune  (serrait  le  cceur  de  Kiêu)]  mais  celle  du 

malheur  des  siens  l'oppressait  davantage  encore  ^! 
A  chaque  pas  qu'elle  faisait  sous  la  vérandah  fleurie,  de  ses  yeux 

coulaient  des  ruisseaux  de  précieuses  larmes  ^! 
Interdite,  elle  s'arrêta  pleine  de  confusion  et  de  crainte  ^.  635 

Pressentant  quelque  impureté,  elle  était  accablée.  Cette  pensée  lui 
faisait  monter  le  rouge  an  visage^! 


6.  Litt.  :  «  (Pour  sous)  la  vérandah  —  fleurie  —  un  pas,  —  de  gouttes  — 
fie  fleurs  (de  larmes)  —  combien  —  de  lignes!* 

Le  second  *hoa»  n*a  guère  d*autre  emploi  que  de  faire  le  pendant  du 
premier. 

7.  Litt.  :  «  Interdite  —  eUe  avait  honte  de  —  le  vent,  —  eUe  craignait  —  la 
rosée  h  —  Tout  la  couvrait  de  confusion,  tout  la  remplissait  de  crainte! 

8.  Litt.  :  *  Soupçonnant  —  des  fleurs,  —  (quant  à)  Votnbre  —  elle  était 
honteuse,  —  Regardant  —  le  miroir  (la  lune)  —  quant  au  visage  ^ —  elle  était 
épaisse.* 

Ce  vers  est  fort  difficile  à  comprendre,  à  cause  des  nombreuses  figures 
qu'il  renferme.  Je  vais  essayer  de  les  expliquer  le  plus  clairement  qu'il  me 
sera  possible. 

Les  fleurs  et  la  lune  jouent  un  grand  rôle  dans  la  phraséologie  licen- 
cieuse des  Annamites  et  des  Chinois.  On  sait  ce  qu*on  entend  en  Chine 
par  un  «bateau  de  fleurs».  Pour  exprimer  l'idée  que  deux  personnes  ont 
entre  elles  des  rapports  intimes  et  irrégnliers,  on  dit  souvent,  surtout  en 
vers,  qu'elles  vont  regarder  la  lune  et  V ombre  des  fleurs;  ce  qui  signifie  qu'on 
suppose  qu'elles  se  promènent  la  nuit  dans  un  jardin  solitaire,  avec  la  lune 
pour  seul  témoin.   Quant  au  rôle  de  Vombre,  la  décence  ne  permet  pas  de 


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134  KIM  VAN  KIËU  TAn  TRUY^N. 

Moi  càug  vén  tôc  bât  tay, 
Net  buôu  uhxjt  eue,  dieu  gay  nhu*  mai! 
Dân  do  eân  sâc  eân  tài; 
640    Ép  cung  eâm  nguyet,  thé  bài  quat  thc 


Texpliquer;  on  comprend  d'ailleurs  de  reste  ce  que  cela  signifie.  £a  disant 
que  Kieu  est  honteuse  parce  quelle  soupçonne  les  fleurs,  qu'elle  rou^  parce  quelle 
aperçoit  la  lune,  le  poète  veut  faire  entendre  que  cette  chaste  jeune  fille  a 
une  intuition  instinctive  de  la  souillure  qui  l'attend,  et  qu'à  cette  pensée 
la  honte  lui  fait  monter  le  rouge  au  visage.  —  J'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
parler  du  mot  ^gttang  —  miroir*  employé  métaphoriquement  pour  désigner 
la  lune,  —  «  Mât  dày  —  un  visage  épais  »  a  figurativement  le  sens  «ci'tm  visage 
qui  rougit».  C'est  qu'en  effet,  lorsque  le  rouge  monte  à  la  figure  de  quelqu'un, 
les  traits  sont  quelque  peu  gonfiés  par  l'effet  du  sang  qui  afflue,  et  le  \1sage 
semble  réellement  subir  un  certain  épaississement. 

1.  Litt.  :  *(S€s)  traits  —  s'attristèrent  —  comme  —  le  chrysanthème;  —  Cen- 
semble  de  sa  personne  —  maigrit  —  comme  le  Mai!» 

Voir,  sur  le  Mai,  ma  traduction  du  L\ic  Vân  Tien,  vers  230,  en  note. 

Les  mots  «  dieu  gây  nhu  mai»  qui  terminent  ce  vers  font  opposition  comme 
idée  aux  mots  ^trông  gurang  mat  dàg*  qui  forment  le  dernier  hémistiche  du 
vers  636. 

2.  Litt.  :  «^On  la  contraignit  —  quant  aux  notes  —  du  Cdm  —  lune,  —  on 
V essaya  —  quant  aux  compositions  —  des  éventais  —  (ornés)  de  vers,» 

Les  mots  ^nguyH  —  lune»  n'est  en  réalité  qu'une  cheville  destinée  à 
donner  au  substantif  qui  termine  cet  hémistiche  le  même  nombre  de  mono- 
syllabes qu'à  l'expression  ^quat  tho»  par  laquelle  finit  le  second.  Il  existe,  il  est 
vrai,  un  instrument  de  musique  particulier  qui  s'appelle  en  chinois  «  H  S 
NguyH  câm  »  et  en  annamite  vulgaire  «  5S  fl^  ^<^»»  tràng  »,  deux  mots  qui 
signifient  également  ^cdm  —  lune  (en  forme  de  lune)».  Il  en  a  été  parlé 
plus  haut.  C'est  une  espèce  de  guitare  à  quatre  cordes,  appelée  ainsi  à 
cause  de  la  forme  de  sa  boîte,  qui  est  ronde  ^  mais  il  faut  se  garder  de  se 
laisser  induire  en  erreur  par  la  ressemblance  des  mots  sans  tenir  compte 
de  la  règle  de  position.  Les  écrivains  de  l'Annam  ont  le  plus  grand  respect 
pour  les  expressions  chinoises,  et  se  permettent  très  rarement  d'y  intervertir 
l'ordre  des  termes.  Si  le  poète  avait  voulu  parler  spécialement  du  H  >S^ 
il  aurait  conservé  l'ordre  des  caractères  qui  forment  le  nom  de  cet  instru- 
ment, ou  bien  il  aurait  remplacé  ce  nom  par  son  équivalent  annamite.  Or, 
il  n'en  a  rien  fait;  d'où  il  faut  conclure  que,  si  le  choix  de  l'épithète  <nguyH» 
a  pu,  comme  c'est  très  probable,  être  amené  par  l'idée  de  l'instrument  dont 
je  viena  de  parler,  ce  mot  n'en  est  pas  moins  en  lui-même  un  simple  mono- 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  trdyçn.  135 

Mais  à  mesure  qae  l'étranger  soulevait  ses  cheveux^  lorsque  sa  main 

par  lui  était  saisie^ 
son  visage  prenait  une  expression  d'amère  tristesse.  Elle  sembla 

maigrir  soudain  <! 

On  évalua  sa  beauté,  on  soupesa  son  talent; 

on  la  contraignit  à  jouer  du  Cam,  à  composer  des  poésies  \  640 


syllabe  additionnel  destiné  avant  tout  à  conserver  le  parallélisme/  cette 
arche  sainte  des  poètes  cochinchinois. 

L^expression  <quat  tha»,  litt.  :  ^éventail  à  vers  (omè  de  vet-s)  »  doit  être, 
à  mon  sens,  interprété  d*une  manière  analogue.  On  sait  que,  dans  tout 
TExtréme  orient,  hommes  et  femmes  font  le  plus  grand  usage  de  l'éventail. 
Dans  TAnnam,  comme  en  Chine  et  au  Japon,  pays  où  les  maximes  et  les 
vers  sont,  s'il  m'est  permis  de  m'cxprimer  ainsi,  considérés  comme  un  orne- 
ment architectural,  il  est  naturel  que  Ton  ait  contracté  l'habitude  d  orner  ce 
petit  menble  d'inscriptions  diverses;  et  il  est  de  bon  goût,  chez  les  femmes 
lettrées,  de  montrer  leur  talent  en  y  traçant  elles-mêmes  des  poésies  cou- 
rantes. Cette  coutume  si  répandue  a  influé  naturellement  sur  la  phraséo- 
logie, et  il  en  est  résulté  que  l'expression  *Quat  Uuy»  constitue  souvent, 
notamment  en  poésie,  un  idiotisme  employé  pour  désigner  l'action  même 
de  /aire  de»  vers,  La  traduction  littérale  en  est,  dans  ce  cas  :  «  tracer  sur 
un  éventail  —  des  vers».  Il  faudrait  même,  pour  être  absolument  exact, 
forger  avec  le  mot  *quat  —  éventaU*  un  verbe  spécial  qui  n'existe  pas  dans 
notre  langue,  et  dire  :  *éventailler  des  vers».  Je  ne  pense  pas,  cependant, 
qne  ce  soit  ici  le  rôle  de  ce  mot  Pour  l'apprécier  exactement,  il  faut  exa- 
miner le  vers  au  point  de  vue  de  la  règle  du  parallélisme,  et  on  verra 
bientôt  que  l'auteur  a  voulu  s'y  conformer  aussi  strictement  que  possible. 
Si,  en  effet,  l'on  compare  chacun  des  mots  qui  composent  le  premier  hémis- 
tiche avec  ceux  qui  leur  répondent  dans  le  second  : 

ép        cung         câm         ^^ut/H, 
th-à;       bài  quai        thcr^ 

on  verra  du  premier  coup  d'oeil  que  ces  mots  se  correspondent  parfaitement  au 

p<Nnt  de  vue  de  la  forme  grammaticale,  et  même,  à  i)eu  de  chose  près,  en  ce 

qui  concerne  l'analogie  de  signification.  Le  verbe  «  ép  —  contraindre  »  répond 

à  un  autre  verbe,  «  ih^  —  essayer  »  ;  le  substantif  «  cung  —  notes  de  musique  » 

répond  au  substantif  *f*ài  —  composition  littéraires.  Il  en  est  de  même  de 

<ngwfêt  —  lune»  et  de  *tho^  —  vers»,  11  faut  bien  en  conclure  que  *quqt»^ 

qui  correspond  à  *câm»,  devra  être  aussi  un  substantif  comme  lui;  et  cela 

d*aatant  plus  que  cette  acception  est  celle  qu'il  a  originairement,  et  qu'il 

faut  l'en  détourner  pour  lui  donner  le  rôle  de  verbe.  Quant  à  ce  qui  est 

du  ca«  présent,   soit  qu'on  adopte  l'interprétation  que  je  viens  de  donner, 


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136  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Màn  nông,  mot  vè  mot  ira, 

Bâng  long  khâch  mdi  tùy  ce  dàt  diu. 

Rang  :  «Mua  ngoc  dên  Lam  kiêu, 

«Sfnh  nghi  xin  day  bao  nhîêu  dây  chirÔTig!» 
645  Moi  rang  :  «Dâng  gîâ  ngàn  vàng! 

Râp  nhà  nhô*  luang  ngirài  thirong!  Dâm  nài?) 

C6  kè  bôt  mot,  thêm  hai; 

Gifr  lâu  ngâ  giâ;  virng  ngoài  bon  tràm. 

«Mot  loi  thuyën  dâ  êm  dâm. 
650    «Hây  dira  canb  thiêp  tnrdt)  cam  làm  ghi!» 


8oit  qu*admettant  ici  une  infraction  invraisemblable  à  la  règle  du  parallé- 
lisme, on  donne  à  ^quat  tha»  le  sens  littéral  de  Tidiotisme  poétique  que 
j'ai  signalé  plus  haut,  le  résultat  final  sera  à  peu  près  le  même  au  point 
de  la  traduction  générale  du  vers  en  français;  mais  il  n*en  serait  pas  tou- 
jours ainsi;  loin  de  là!  Aussi  ne  crains-je  pas  de  m'exposer  au  reproche 
d'être  trop  diffus  en  signalant  à  diverses  reprises  Timportance  de  cette  étude 
du  parallélisme  qui,  avec  la  régie  de  position,  donne  la  clef  de  poèmes 
dont,  sans  elles,  l'interprétation  exacte  serait  absolument  impossible  dans 
une  multitude  de  cas. 

1.  Litt.  :  *( Comme)  elle  était  piquante,  —  (et  que,  pour)  une  manih^  d'être, 
—  (il  y  avait)  un  —  (fait  de  la)  goûter,  ^ 

«Fe  —  trait,  nuance*  est  souvent  pris  en  poésie  dans  le  sens  plus  gé- 
néral de  €  manière  d'être  ou  défaire*,  qu'il  comporte  d'ailleurs  quelquefois 
dans  la  langue  familière  elle-même;  comme,  par  exemple,  dans  l'expression 
«  trS  vê  »  qui  signifie  <  changer  de  façon  d'agir  ». 

2.  Litt  :  ^n  dit  :  <t(pour)  acheter  —  (cette)  pierre  prédeuH  —  et  la  faire 
veTiir  à  —  Lam  KiêUj* 

(Voir  la  note  sous  le  vers  457). 


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KIM  VAn  KIEU  tAN  TRUYÊN.  137 

Comme  il  lai  trouvait  de  grands  charmes^  que  tout  en  elle  était  de 

son  goût  \ 
l'étranger^  enchanté^  lui  témoigna  tous  les  égards  que  comportait  la 

situation. 
«Pour  acheter  cette  perle  dont  je  veux  faire  ma  compagne 2»,  dit-il, 

«  veuillez  m'apprendre  quel  prix  je  dois  verser  au  juste  pour  les  pré- 

>  sents  du  mariage  ^!  > 

«Le  prix»,  lui  dit  la  matrone,  «se  monte  à  mille  onces  d'or!  645 

«mais  je  m'en  rapporte  à  votre  bienveillante  générosité!  Oserais-je 

>  réclamer  quelque  chose  •*?> 

Le  marché  fut  très  pénible;  pour  une  once  que  Fun  rabattait,  l'autre 

en  (voulait)  ajouter  deux. 
Après  une  heure  de  débats,  le  prix  définitif  dépassa  quatre  cents  (taëls). 

Un  (dernier)  mot  fut  dit,  et  l'affaire  fut  conclue  *. 

«Avant  de  toucher»,  dit  Tépoux,  «il  vous  faut  me  faire  un  écrit  qui  600 
»  puisse  me  servir  de  preuve!  » 


3.  Litt  :  «  (QuanU  àj  —  de  fiançaUlea  —  lea  présenta,  —  je  voua  prie  — 
de  vCenaeigner  —  (iU  aont)  combien  —  là  —  nettement! -» 

àfâ  gidm  aanh  joue  ici  un  double  rôle.  Dans  ses  rapports  avec  Tûy  Kieu, 
il  feint  de  l'épouser  et  parle  de  présent»  de  fiançailles.  Vis-à-vis  du  public, 
an  contraire,  il  simule  Tachât  d'une  simple  ^^  hdu,  dont  il  feint  de  discuter 
le  prix  avec  sa  complice  Ta  bà. 

4.  Litt  :  «  Le  rebut  —  de  la  maiaon  —  a^appuie  sur  —  la  généroaité  —  de 
r homme  —  (qui)  a  de  la  bienveillance  f  —  Oaeraia  (je)  réclamer  ft 

€Nài  thèm*  signifie  proprement  :  <dematnder  une  augmentation*. 

5.  Utt.  :  «  (Encore)  un  —  mot,  —  (et)  la  barque  —  définitivement  —  Jul  à 
Vaiae  —  quant  au  courant.* 

€Bâ9  ne  joue  ici  qu'au  figuré  le  rôle  de  marque  du  passé;  c'est  pour- 
quoi je  le  traduis  par  le  mot  ^^ définitivement»,  qui  me  paraît  bien  rendre 
l'influence  exercée  par  cette  particule  sur  l'adjectif  *êm  —  doux,  à  Vaiae» 
qu'elle  transforme  d'ailleurs  en  verbe.  Lorsqu'une  chose  a  eu  lieu,  rien  ne 
peut  plus  l'empêcher  d'être,  l'existence  en  est  définitive. 

Nous  avons  en  français  une  métaphore  familière  très  analogue  :  *  L'af- 
faire va  aur  des  roulettes». 


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138  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Binh  thi  nap  thè  vu  qui, 

Tien  Ixtng  dâ  thây,  viêc  gi  châng  xong? 

Mot  IM  cay  vdi  Ckung  công; 

Khât  t6*  tam  lânh  Vicang  ang  vë  nhà. 
655    Thu-ang  nàng  con  trè  cha  già! 

Nhin  nàng,  ông  dâ  mâu  sa  ruot  xàu! 

«Nuôi  con,  nhCrng  u'ô'c  vë  sau 

«Trao  ta  phâi  lira,  gieo  câu  dâng  nai! 

«Trôi  làm  chî  cire  bây,  Trôi! 
660    «Nây  ai  vu  thâc  cho  ngu'ô'i  hiep  tan? 


1.  Litt.  :  «On  fixa  —  le  temps  (du  mariage^  —  on  livra  —  les  (présent») 
choisis — (et  V épouse)  se  rendit  chez  son  époux,* — Tout  fut  expédié  en  unclind'œil. 

L'expression  «^^^  ^V^  ^^*  équivaut  ici  à  «^g  ^9  thUikky^y  qui 
est  le  nom  de  la  cinquième  cérémonie  du  mariage.  «jSb  ^^  Nap  ^1»  est 
celui  de  la  première;  enfin  *^F^^  ^"  qui*,  singulière  locution  tirée  de 
l'ode  ;M^  ^*  du  Livre  des  vers  que  j'ai  eu  occasion  de  citer  plus  haut,  et 
dont  j'ai  donné  l'explication  dans  les  notes  de  ma  traduction  du  ~  ^  jj^, 
répond  à  «  ^^  |ft)  thân  nghinh  » ,  le  nom  de  la  sixième.  Ces  trois  céré- 
monies, avec  celle  du  «  M  j^  Vàn  tank  »  ou  «  ^  ^  Véln  danJi  >  dont 
il  a  déjà  été  question  au  vers  624,  sont  les  seules  qui  soient  encore  usitées 
aujourd'hui.  Elles  ont  ordinairement  lieu  à  des  intervalles  notables,  et  avant 
qu'elles  aient  été  toutes  accomplies,  un  temps  assez  long  s'écoule  d'ordi- 
naire. En  les  énonçant  l'une  après  l'autre  dans  le  même  vers,  l'autenr 
donne  à  entendre  qu'elles  furent  au  contraire,  dans  le  cas  présent,  expédiées 
séance  tenante  ;  et  il  explique  cette  infraction  aux  usages  ordinaires  par  U 
réflexion  satirique  que  renferme  le  vers  suivant. 

2.  Litt.  :  «  (OomnieJ  il  regarde  —  la  jeune  fille,  —  Vhomme  respectable  —  « 
éprouvé  cette  souffrance  (que)  —  (son)  sang  —  s^écouU  peu  à  peu  —  (et  que  set) 
entrailles  —  se  flétrissent,* 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  139 

On  fixa  répoque  du  mariage;  les  présents  furent  oflferts  et  Tépouse 

fut  livrée  K 
Lorsque  l'argent  est  sur  table,  quelle  affaire  n'aboutit  point? 

Un  seul  mot  fut  suffisant  pour  s'arranger  avee  Chung  công. 

Il  demanda  une  caution  écrite,  et  Vwang  ông  put  retourner  chez  lui. 

Plaignons  cette  jeune  enfant!  plaignons  aussi  ce  vieux  père!  665 

En  regardant  sa  fille,  il  sent  son  cœur  qui  saigne  et  se  déchire  ^1 

«Je  Favais»,  dit-il,  c élevée  dans  Fespérance  que  plus  tard 

«elle  choisirait  un  époux  d'un  âge  convenable,  d'une  position  as- 

>  sortie^! 
«0  Ciel!  Pourquoi  nous  accabler  ainsi? 

«  Qui  nous  calomnie  auprès  de  toi,  que  tu  ne  nous  aies  réunis  que  660 
»pour  nous  séparer  ensuite? 

La  particule  «<fâ»,  qui  fait  un  verbe  composé  de  la  phrase  qui  la  suit, 
joue  ici  un  rôle  analogue  à  celui  qu'elle  a  dans  le  vers  649.  Elle  équi- 
vaut à  peu  prés  à  la  formule  française  :  «  voilà  que  ,  .  .  .»  suivie  du 
prétérit 

3.  Litt.  :  «elle  transmettrait  —  un  fil  de  soie  —  convenable  —  quant  à  Vâge; 
—  elle  —  jetterait  —  une  balle  —  digne  du  lieu!» 

Il  y  a  là  deux  allusions. 

La  première  a  trait  à  la  façon  dont  ^^  Jjk  "^  Ly  lâm  ph^,  premier 

ministre  de  Fempereur  ^^  ^^  Hw/ên  long  des  «  ^f  Bàng  »  choisit  des  maris 
pour  ses  filles.  Il  convoqua,  dit-on,  devant  son  palais  tous  les  jeunes  man- 
darins du  pays  et,  ayant  fait  passer  par  une  fenêtre  un  certain  nombre  de 
fils  de  soie  rouge,  il  invita  chacun  d'eux  à  saisir  le  bout  d'un  de  ces  fils. 
L'autre  bout  était  tenu  pour  une  des  filles  du  ministre,  qui  échut  pour 
femme  au  jeune  homme  auquel  ce  fil  la  reliait. 

La  seconde  allusion  concerne  un  autre  personnage  dont  la  fille  ima- 
gina, pour  se  procurer  un  époux,  un  moyen  qui  ne  le  cédait  pas  en  sin- 
gularité au  premier.  Elle  confectionna  une  pelote  rondo  brodée  et,  l'ayant 
lancée  par  la  fenêtre,  elle  donna  sa  main  à  un  jeune  homme  qui  s'en  était 
emparé. 


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140  KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

«Bùa  dao  bao  quân  tbân  tàn? 

«Ncr  dày  doa  tré,  càng  oan  khôc  già? 

«Mot  IM  sau  trirô'c,  cûng  ra! 

«Thôi!  thi  mât  khuat  châng  thi  long  dau!» 
665    Théo  loi  nhir  chây  dông  châu; 

Lieu  minh  ông  dâ  gieo  dâu  tirông  vôi! 

Vôi  vàng  kè  giû*  ngnôi  coi! 

Nhô  to  nàng  lai  tim  IM  khuyên  can. 

«Vi  chi  mot  mânh  hông  nhan, 
670    «Toc  ta  chira  chût  dën  an  sinh  thành? 

«Dâng  tha,  dâ  then  Nàv^  oanh! 

«Lai  thua  gâ  Ly  bân  minh  hay  sao? 

«Xuân  huyên  tuéi  hac  càng  cao; 


1.  Litt.  :  *  Assez!  —  d'une  part  —  (si)  tiwn  visage  —  est  cacIU,  —  ne  pa» 
—  (T attire  part  —  mon  cœur  —  souffrira!» 

^KJiudt  mat»,  litt  :  itUre  caché  —  (quant  au)  visage»,  est  un  idiotisme 
qui  signifie  *être  trépassé». 

2.  Litt.  :  *  Suivant  (à  la  suite  de)  —  (ses)  paroles  —  (c'est)  comme  (s)  —  ^ 
faisait  couler  —  un  courant  —  de  perles,» 

3.  ^Yôi  —  cJiaux»  n'est  ici  qu'une  cheville  destinée  à  terminer  levers. 

4.  Litt.  :  «  Petites  —  (ou)  grosses,  —  la  jeune  fiUe,  -—  venant,  —  dierche  — 
des  paroles  —  d'en  exhortant  —  empêcJier.  » 

6.  Litt.  :  « une  —  numérale  —  de  rose  —  visage». 

Le  mot  *MânIi»,  dont  le  sens  propre  est  <i  mince,  déUé»,  est  emp 
comme  numérale  des  choses  minces  et  fragiles. 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  141 

«Qae  m'importerait  de  mourir  par  la  haehe  ou  bien  par  le  glaive? 

<  Pourquoi  maltraiter  mon  enfant^  augmentant  (ainsi)  sans  motif  la 

»  douleur  de  son  vieux  père? 
«J'en  ai  dit  assez;  je  pars! 

«Cen  est  fait!  en  cessant  de  vivre  »,  mon  cœur  du  moins  cessera 

>  de  souffiir!  » 
Cela  dit,  il  répand  un  torrent  de  larmes  ^,  665 

et  se  précipite  contre  la  muraille  %  afin  de  s'y  briser  la  tête! 

Bien  vite  on  le  surveille,  on  le  garde! 

Kîffu  arrive  et  s'efforce  de  trouver  des  paroles  pour  le  détourner  de 

sou  dessein  K 
<  Qu'importe  le  sort  d'une  pauvre  fille  ^ 

«qui  n'a  rien  fait  encore  pour  reconnaître  le  bienfait  de  l'existence  670 

»  qu'elle  vous  doit  ^? 
«Je  rougis  de  ne  pouvoir,  comme  le  fit  la  jeune  Oanh,  présenter  une 

>  supplique  au  Prince  '  ! 
«mais  le  céderai-je  à  ly  qui  se  vendit  (comme  esclave)? 


«Les  années  de  mes  vieux  parents  s'accumulent  sur  leur  tête 


8t 


6.  Utl  :  «  (Qtdj  quant  à)  un  cheveu  —  (ou  à)  un  fil  de  scie,  —  pas  encore 
—  un  peu  —  a  payé  de  retour  —  le  bienfait  —  de  créer  f* 

7.  Utt  :  «  (Quanl  à)  offrir  —  une  lettre,  —  fai  honte  —  (au  êt^et  de)  Nàng 
Oanhh 

On  ^oave  dana  le  ^^jj^  rhistoire  de  cette  héroïque  jeune  fille. 

8.  Litt.  :  «  Le  Xuân  —  et  le  Hm/ên,  —  (quant  à  leurê)  années  —  de  ITciCy 
de  plus  en  plus  —  sont  hauts!* 

Ce  vers  a  été  reproduit  presque  mot  pour  mot  par  Tauteur  du  L\vcVân 
Tihi  (v.  65),  et  j*en  ai  donné  Toxplication  dans  une  note  annexée  à  ma 
traduction.  Je  saisis  ici  Toccasion  de  réparer  une  erreur  que  j'ai  commise 
dans  cet  ouvrage  en  ce  qui  concerne  la  prononciation  du  caractère  ;fe. 


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142  KIM  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

«Mot  cây  gânh  vâc  bîêt  bao  nhîêu  nhành? 
675    «Long  tho*  dâu  châng  ditt  tinh, 

«Giô  mây  au  hân  tan  tành  nirô'C  non! 

«Thà  rang  :  «Lieu  mot  thân  con! 

«Hoa  dâu  râ  cânh,  là  c6n  xanh  cây! 

«Phân  sao,  dành  vây,  cûng  vây! 
680    «Câm  nhu*  châng  dô  nbirng  ngày  c6n  xanh. 

«Cûng  diîrng  tfnh  quât  tinh  quanh! 

«Tan  nhà  là  mot:  thiêt  minh  là  haï!» 

Phâi  loi  ông  cûng  êm  tai; 

^1^1  :i'^";  '1.°''^  ^"^'-  •-t*.^:^#^»iiî<A^ 

m  7^  ^^\  J^im  ^  ^  Thftçng  cô  hhi  dai  Xuûn  gîà  dï  bât  thiên 
tuë  vi  xuân^  bât  thiên  titê  vi  thn.  —  Dans  Us  temps  reculés  il  y  avait  le  grand 
XuâUf  qui  pendant  huit  mille  ans  voyait  le  printemps,  pendant  huit  mille  ans 
voyait  Vautomnc». 

Cette  erreur,  dans  laquelle  tombent  la  plupart  des  Annamites,  avait  été 
commise  par  Mgr.  Tabkrd  dans  son  dictionnaire  annamite-latin,  et  c'est  en 
suivant  les  errements  de  ce  savant  missionnaire  que  j'y  suis  tombé  moi- 
même.  J'en  dois  la  correction  à  un  jeune  et  savant  lettré,  M.  Truong  Minh 
Ky,  professeur  au  collège  Chasseloup  Laubat,  à  Saigon,  qui  me  Ta  signalée 
dans  une  lettre  où  il  me  remerciait  de  l'envoi  de  mon  livre.  C'est  dire 
qu'il  était  trop  tard  pour  la  faire  disparaître.  Je  m'empresse  de  l'indiquer  ici. 

1.  Litt.  :  «Le  vent  et  les  nuages  —  sans  aucun  doute  —  anéantiraient  — 
les  eaux  —  et  les  montagnes!* 

Les  mots  «  Giô  mây  »  peuvent  encore  être  entendus  dans  le  sens  figuré 
d'événements  suscités  par  le  Ciel  pour  mettre  à  néant  des  serments  désor- 
mais impies. 

2.  Litt.  :  «  //  vaut  mietix  —  disant  :  —  «  Exposons  —  la  seule  —  personne 
—  de  ("votre)  JiUel» 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÇN.  143 

<  (Chacun  d'eux  semble)  un  arbre  chargé,  qui  dira  de  combien  de 

»  rameaux? 

<  Si  je  ne  rompais  pas  les  liens  de  mon  amour^  675 

«contre  mes  serments  la  nature  se  révolterait  elle-même  *! 

«n  vaut  mieux  que  seule  je  me  dévoue  ^î 

«Pour  une  fleur  dont  tombent  les  pétales,  Tarbre  ne  perd  point  sa 

»  verte  parure  de  feuilles! 
«Puisque  c'est  là  mon  sort,  je  Faccepte  tel  qu'il  est  *! 

«Les  beaux  jours  da  ma  jeunesse  ne  pouvaient  durer  toujours  ^!       680 

«Que  votre  esprit  ne  s'égare  pas  à  former  tel  ou  tel  dessein  ^1 

«La  ruine  est  un  malheur;  le  suicide  en  vaut  deux  ^!  » 

Ces  conseils  pleins  de  raison  résonnent  doucement  à  l'oreille  (du 
vieux  père)  '. 

3.  Litt.  :  «  (Que  mon)  »oH  —  (êoU)  comment  (que  ce  aoU)^  —  (n)  c^est  arrêté 
—  ainti,  —  tout  aussi  bien  —  (que  ce  aoU)  ainsi!» 

Le  poète  a  modiOé  rintonation  du  second  >f\,  parce  qne  la  prosodie 
ne  permet  pas  de  terminer  le  vers  par  nn  mot  affecté  du  ton  •^. 

4.  Litt.  ««/c  tiens  —  comme  —  (une  chose  qui)  ne  pas  —  démettre  —  les 
jours  —  encore  —  verts!* 

5.  Litt.  :  «  Tout  aussi  bien  —  gardez-vous  de  —  calculer  —  d''un   côté,  -^ 
aviser  —  de  t autre!» 

L*expression  <quanh  quàt»,  qui  signifie  *de  côté  et  d'autre»,  est  â'issociée 
par  élégance. 

G.  Litt.  :  *  Etre  détruit  —  (quant  à)  la  maison  —  est  —  un;  —  nuire  à  — 
soi-même  —  est  —  deux!» 

7.  Litt.  :  *(Ces)  convenables   —  paroles  —  V/iomme  respectable  —  fout  aussi 
bien  —  tint  pour  douces  —  (quant  à)  V oreille,» 

II  y  a  inversion.  En  rétablissant  la  succession  naturelle  des  mots,  on  a 
la  phrase  : 

«  Ong  cung  cm  tai  phài  Ihi,  » 

On  voit  alors  que,  placée  après  cf/w^,  l'expression  *  êm  tai  »  devient  ver- 
bale, et  que  le  régime  direct  en  est  «pAa»  loi»;  que  de  plus,  ^phâi  —  il 


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144  KIM  VAn  KIÊU  TÂN  TRUYIn. 

Nhin  nhau,  giot  vân  giot  dài  ngôn  ngang! 
685    Mai  ngoàî  ho  Ma  vù^a  sang; 

Tô*  hoa  dâ  ky;  cân  vàng  m<>i  trao. 

Trâng  già  doc  dîa  làm  sao? 

Câm  dây  châng  lu*a,  buôc  vào  to  nhiên! 

Trong  tay  dâ  sân  dông  tien, 
690    Dâu  long  dèi  trâng  thay  den,  kho  gi? 

Ho  Ckung  ra  site  giùp  vi; 

Le  tâm  dâ  dât,  tung  ky  cûng  xong! 

Mot  nhà  dâ  tiêm  thong  dong. 

Tinh  ky  giuc  già;  dâ  mong  do  vê! 


faut,  U  convient*,  placé  devant  un  substantif  (îhi)  et  formant  avec  lui  un 
régime  direct,  perd  nécessairement  sa  nature  verbale  pour  devenir  un  ad- 
jectif. 

1.  Litt.  :  «i&  r^ardent  —  Vun  Vaxdre;  —  les  gouttes  —  courtes  —  et  les 
gouttes  —  longues  —  sont  récalcitrantes  (ne  peuvent  être  retenues),  > 

2.  Litt.  :«.....  /et  livres  cTor». 

€Eba»  n'est  là  que  pour  faire  un  pendant  à  ^vàvig*, 

3.  *Tràng  già*  est  la  traduction  annamite  (avec  conservation  de  la 
construction  chinoise)  des  mots  ^M/l^  Nguytt  l&o*,  dont  on  retrouve  le 
signe  idéographique  à  gauche  de  la  phonétique  qui  en  détermine  la  pro- 
nonciation et  les  transforme  en  chù  nom  cochinchinois. 

4.  «  Tinh  kg  —  le  terme  des  étoiles»  est  le  nom  poétique  de  Tépoque  ré- 
putée propice  pour  la  célébration  des  mariages.  Les  Chinois  ont  de  toute 
antiquité  regardé  comme  tel  le  temps  auquel  le  gi-oupe  d'étoiles  qu'ils 
nomment  «:^  sûm»  et  qui  fait  partie  de  la  constellation  d'OHon  est  vi- 
sible le  soir  à  l'horizon  ;  ce  qui  a  lieu  pendant  le  dixjéme  mois.  Or,  cette 
constellation  chinoise  portait  autrefois  le  nom  de  «  ^  S^  tam  tinh  —  les 


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KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  145 

Ils  se  regardent,  et  leurs  yeux  ne  cessent  de  verser  des  pleurs  '  ! 
Le  seigneur  Mà^  sur  ces  entrefaites,  était  sorti  de  la  maison.  685 

Le  contrat  était  signé;  il  paya  le  prix  (de  la  vente)  \ 
Oh!  que  tu  es  cruel,  vieillard  (assis  au  clair)  de  la  lune^, 
toi  qui  prends  les  fils  au  hasard,  sans  les  choisir! 
Qu'on  ait  l'argent  à  la  main, 

et  Ton  peut,  sans  difficulté,  changer  en  noir  le  blanc  à  sa  guise!        690 
Ho  Chung  s'eflForça  de  protéger  (KiSu); 
mais  les  présents  étaient  faits,  le  différend  était  réglé, 
la  famille  à  peu  près  libre  et  déchargée  de  sa  dette. 
Le  terme  était  imminent;  (l'épousée)  allait  partir  ^! 


troU  éimUê»,  On  la  troave  désignée  ainsi  à  trois  reprises  différentes,  dans 
rode  do  '^  ÛR  intitulée  :  «  j||9  j^  TrU  gâm»,  qui  fait  allusion  à  la  joie 
ressentie  par  deux  jeunes  époux  de  s'être  mariés  au  temps  convenable,  et 
dont  voici  la  première  strophe  : 


1m 

"f- 

M. 

4 

^~* 

it 

^o 

it 

^ 

M 

h 

"f- 

^ 

^ 

^ 

A 

^o 

Ao 

^o 

^o 

fïo 

€  Trh  8Ûm  thit  tànl 

€Tam  Unh  toi  thiênf 

•  Emu  Uch  hà 

tichi 

^ 


10 


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1 


146  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

695    Mot  minh  mrang  ngon  dèn  khuya, 

Âo  dam  giot  luy,  t6c  xe  moi  sâu. 

«Phân  dâu,  dâu  vây  cûng  dâu! 

«X6t  long  deo  âAng^  bây  lâu  mot  loi. 

«Công  trinh  kè  biêt  mây  miroi 
700    «Vi  ta  khàng  khft  cho  ngirW  dô*  dang? 

«The  16ng  chira  râo  chén  vàng. 


*Kiën  thâ  ùtomg  nhan! 

€  Ta  hi!  Ta  hêf 

«■Nhu  thtir  luomg  nhan  hàf* 

«Tout  autour  des  fagots  sont  les  liens  qui  les  assujettissent! 

«Les  Trois  étoiles  sont  au  ciel! 

«Quel  soir  que  le  soir  d'aujourd'hui, 

«(Où  je  puis)  voir  ce  bon  époux! 

«Ô  femme!  ô  femme! 

«Comment  (as-tu  fait)  pour  avoir  un  si  bon  époux?» 

On  sait  l'influence  considérable  qu'ont  exercée  sur  le  langage  des  lettrés 
de  la  Chine  les  anciennes  poésies  nationales  dont  le  recueil  porte  le  4iom 
de  «  ^  jj^  Thi  kink  »  OU  «  Livre  des  Vers  ».  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de 
s'étonner  qu'on  ait  pris  l'habitude  d'appeler  élégamment  le  temps  considéré 
comme  propice  pour  les  mariages  «  ^  S^  ^j  lam  tinh  ky  —  U  terme  det 
Trois  étoUet  (ou  les  Troit  étoiUa  apparaissent  sur  VhorizonJ  *,  et,  par  abréviation, 
simplement  «^^^1  ^  terme  des  étoiles», 

1,  Litt.  :  ^(Ses)  vêlements  —  étaient  trempés  —  (quant  aux)  gouttes  —  àe 
larmes,  —  (ses)  cheveux  —  étaient  tordus  —  (quant  aux)  bouts  (de  fil)  —delà 
tristesse,  » 

Pour  exprimer  à  quel  degré  son  héroïne  est  pénétrée  de  tristesse,  le  poète 
compare  ce  sentiment  à  de  la  soie,  et  suppose  cette  soie  tordue  avec  chacun 
des  cheveux  de  Kiiu  pour  fonner  avec  eux  des  fils. 

2.  Litt.  :  «  (Si)  la  condition  —  est  d'huHe,  —  quci  qu^il  en  soit  —  tout  aussi 
bien  —  que  ce  soit  de  Vhuilet* 

L'huile  est  une  substance  lubréfiante.   Si  l'on  se  trouvait  placé  debout 


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k 


KiM  vAn  kiëu  tAn  truyçn.  147 

Seule,  dans  la  nuit  profonde,  appuyée  contre  la  table  sur  laquelle  695 

brûlait  sa  lampe, 
sa  robe  trempée  de  ses  larmes,  elle  demeurait  éplorée  K 

«Quoi  qu'on  fasse»,  disait-elle,  «il  faut  subir  les  caprices  du  sort^! 

«Je  regrette  ce  cœur  qui  s'était  attaché  à  moi;  (je  regrette)  Tunique 

> pensée  qui  depuis  lors  (nous  anima)  ^\ 
«Je  me  serai  donné  des  peines  infinies^ 

«pour  me  lier  à  un  homme  qui  devait  manquer  son  but!  700 

«La  tasse  du  serment  n'est  point  encore  séchée  \ 


sur  une  surface  qui  en  est  frottée,  il  serait  difficile  de  se  tenir  immobile;  on 
se  trouverait  dans  une  condition  imtahle.  De  là  cette  expression  :  itpkân  dâu 
—  une  situation  d'huile*, 

n  y  a  d^ailleurs  ici  un  jeu  de  mots  basé  à  la  fois  sur  le  son  et  sur  le 
caractère.  Le  mot  •ddu  —  huile*,  qui  forme  le  second  et  le  sixième  pied 
du  vers,  se  prononce  exactement  comme  €dâu  —  quoique*,  qui  en  forme 
le  troisième,  et  qui  fait  t)artie  de  Tidiotisme  *ddu  vây  —  quoi  qu'il  en  soit*, 
litt  :  €  quoique  —  (ce  soit)  —  ainsi*;  et  le  caractère  y^  qui  représente  ces 
deux  mots  est  le  même. 

Ce  vers  est  presque  exactement  construit  sur  le  modèle  du  vers  679. 

3.  Litt.  :  «  J"c  suis  émue  de  tristesse  —  (quant  à  ce)  coeur  —  attaché,  —  (et 
sur)  depuis  lors  —  Vumque  —  parole!* 

Le  mot  *ïoi*  signifie  ici,  à  proprement  parler,  non-seulement  une  parole, 
nuds  un  but.  Deux  personnes  honorablement  éprises  Tune  de  l'autre  n'ont 
qu'une  pensée,  celle  de  s'épouser,  et  elles  en  parlent  sans  cesse.  De  là 
l'emploi  du  mot  «^*»  dans  ce  vers.  Nous  disons  à  peu  près  dans  le  même 
sens  ^VLOCoir  qiiune  chose  à  la  bouche*, 

4.  Litt,  :  *(En  fait  de)  travaux^  —  en  les  comptant  —  on  les  sait  —  de 
combien  —  (de  fois)  dixf* 

Ces  travaux,  ces  peines  étaient  sans  prix. 

MttoH  phân  —  dix  parties*,  ou  simplement  «mi*«ri»,  étant  l'expression 
de  la  perfection,  plusieurs  fois  «mtroi»  exprime,  s'il  est  permis  de  parler 
ainsi,  quelque  chose  de  plus  parfait  que  la  perfection  elle-même. 

5.  Allusion  à  la  cérémonie  par  laquelle  deux  futurs  époux  cimentent 
une  promesse  solennelle  do  mariage  en  mêlant  au  contenu  d'une  tasse 
quelques  gouttes  de  leur  sang,  et  en  buvant  tous  deux  ce  mélange. 

10* 


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148  KIM  VAN  KIËU  tAN  TRUYlpN. 

«Loi  thë  thôi  dâ  phu  phàng  v&i  hoa! 

«Trôi  Lieu  non  mr&c  bao  xa? 

«Nghï  dâu  rë  cîra,  chia  nhà  tù*  toi? 
705    «Biêt  bao  duyên  na,  thë  bôi? 

«Kiêp  nây,  thôi  the  thM  thôi!  c6n  gi? 

«Tâi  sanh  chira  dtrt  nhang  thë; 

<Làm  thân  trâu  ngu'a,  dën  nghi  tnr<>c  mai! 

«Ng*  tinh  chira  trâ  cho  ai! 
710    «Khôi  tinh  mang  xuông;  tuyën  dài  chira  tan!» 


1.  «JJoa»  n'est  pas  pris  ici  en  manvaise  part;  il  répond  simplement  à 
Texpression  française  cmofi  bien  aimé  9. 

2.  Litt.  :  «  (8ou8  le)  ciel  —  de  Lieu,  —  (quant  aux)  montagnes  —  (et  aux) 
eaux,  —  combien  —  (est-il)  fomf  » 

La  formule  intenogative  doit  être  ici,  comme  dans  beanconp  de  cas, 
traduite  par  Taffirmative,  qu'elle  ne  remplace  dans  le  texte  que  pour  donner 
plus  d'énergie  à  renonciation  du  fait.  Cette  manière  de  s'exprimer  existe 
aussi  dans  notre  langue,  mais  elle  y  est  moins  fréquente.   . 

3.  Litt.  :  cOn  aurait  pensé  —  ou  cela  —  (que  le  fait  de)  diviser  —  la  porte, 

—  (et)  diviser  la  maison  —  (proviendrait)  de  —  moif» 

^Ci-a  nlià*  signifie /amt//e,  ménage.  Ici  l'expression  est  scindée,  et  les 
mots  qui  la  composent  sont  unis  à  deux  verbes  qui  diffèrent  de  forme,  mais 
dont  la  signification  est  la  même. 

4.  Litt.  :  *((iui)  sait  —  combien  —  d'amour  —  dette,  (et)  de  serments  — 
paiement  f  » 

6.  Litt  :  €  (Quant  à)  cette  vie-d,  —  soit!  —  Il  y  a  encore  —  (U  reste  h  faire) 

—  quoif» 

<2'hôi  thë  th\  Uiôi  —  soit!»,  litt.  :  ^(si  cela)  finit  —  de  cette  manière  —  (th^ 
est  pour  tM  âSy)  —  eh,  bien!  —  il  suffit!»,  est  un  idiotisme  très  usité  et  qui 
jure  quelque  peu  dans  ce  vers;  car  il  est  à  peu  près  exclusivement  employé 
dans  le  style  de  la  conversation  familière.  L'auteur  a  sans  doute  voulu  tirer 
de  son  emploi  un  double  sens.   £n  effet,  la  position  permet  de  donner  au 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  149 

«et  ce  serment  prêté  à  Fami  de  mon  cœur  \  voilà  que  je  Fai  violé 
déjà! 

n  est  bien  loin^  au  pays  de  Lieu!  Des  montagnes^  des  eaux  nous 

•  séparent  2! 

«Qui  eât  pensé  que  j'allais  moi-même  rompre  les  liens  qui  devaient 

•  nous  unir  3? 

€  (Pourtant)  que  de  marques  d'amour  payées  de  solennelles  pro-  705 

•  messes*! 

«Cette  vie  doit  être  telle!  il  n'y  a  plus  à  y  compter^! 

«mais  dans  ma  future  existence^  je  n'oublierai  point  ce  que  nous 

•  nous  jurâmes®! 

«Dussé-je  mener  la  vie  d'une  bête  de  somme,  je  lui  prouverai  ma 

•  reconnaissance  pour  Famour  dont  il  m'honora! 

«Envers  mon  ami  '  je  n'ai  point  encore  acquitté  ma  dette  d'amour! 

•  Je  Femporterai  là-bas,  et  aux  bords  de  la  Source  jaune,  elle  sub-  7io 

•  sistera  toute  entière  ^!  • 

premier  «^ôî»  le  mot  «Arî^»  pour  sujet,  et  de  traduire  littéralement  :  *(SiJ 
cette  vie-ci  —  finit  —  de  cette  manière,  —  aoU  (cest  ataez)!  —  U  y  a  encore  (il 
reste  à  faire)  quoif» 

J'ai  cherché  pour  la  traduction  française  de  ce  vers  une  formule  qui 
répondît  à  la  fois  à  ces  deux  interprétations,  qui  ne  diffèrent  d'ailleurs,  au 
fond,  qu'au  point  de  vue  du  développement  de  l'idée. 

6.  Litt.  :  «  (Lorsque)  —  de  nouveau  —  je  vivrai,  —  pa^  encore  —  sera  coupé 
—  le  bâton  d'encens  —  du  serment/* 

Le  bâton  d'encens  allumé  en  témoignage  de  leurs  fiançailles  sera  censé, 
pour  Kiiu,  brûler  jusque  dans  l'autre  vie. 

7.  Voir,  pour  le  sens  que  présente  ici  le  mot  «a»»,  ma  traduction  du 
Lific  y  an  Tien,  p.  32,  en  note. 

8.  Litt.  :  *La  masse  —  d^ amour  —  je  porterai  —  en  bas;  —  au  palais  des 
(Neu/J  sources  —  p€is  encore  —  elle  sera  détruite/* 

Ce  vers  fait  allusion  à  un  de  ces  contes  véritablement  insensés  que  l'on 
rencontre  parfois  dans  la  collection  des  légendes  chinoises. 

Une  jeune  fille  aimait  un  étudiant  qui  la  payait  de  retour.  Il  se  trouva 
qu'elle  fut  violentée  par  un  étranger  et  qu'eUe  mourut.  Sa  passion,  qui  ne 
s'était  pas  éteinte  avec  sa  vie,  prit  une  forme  matérielle,  et  devint  un  petit 
être  ayant  l'apparence  d'un  homme,  qui  demenrait  étendu  sur  les  reins  de 
la  jeune  fille.  Le  mandarin  du  lieu  eut  connaissance  de  l'événement  et  fit 
exhumer  le  corps  pour  procéder  à  une  enquête  judiciaire.    L'étudiant  dut 


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150  KIM  VÂN  KlfiU  tAn  TRUY|N. 

Niêm  riêng  riêng  nhumg  bàn  hoàn; 

Dâu  chong  trâng  d!a,  luy  tràn  thSm  khân. 

Tûy  vân  chçrt  tinh  giâc  xuân; 

Dirôi  dèn  ghé  dên,  an  cân  hôî  han  : 
715    «C(T  trôi  dâu  bè  da  doan! 

«Mot  nhà,  de  chi  riêng  oan  mot  minh! 

«Mot  minh  ngôi  nhân  canh  tàn! 

«N5i  riêng  côn  mâc  mirôi  tinh  chî  dây?> 

Rang  :  «Long  dirong  thon  thiïc  dây; 
720    «Ta  duyên  c5n  yrrcÎTig  moi  nây  chwa  xong! 

«Hô*  moi  ra,  cûng  then  thùng; 

«Bè  15ng,  thi  phu  tam  long  \ài  ai! 

se  présenter.  Lorsqu'il  vît  apparaître  le  cadavre  de  celle  qu'il  avait  aimée, 
il  poussa  un  cri  et  fondit  en  larmes;  mais  sa  voix  ne  se  fut  pas  plutôt  fût 
entendre  que  le  *Kh^i  ành>  ou  «mcw^c  d'amour*  (sic)  que  la  jeune  fille 
portait  sur  elle  disparut. 

Tûy  Kieu  déclare  qu'il  n'en  sera  pas  ainsi  pour  elle,  et  qu'elle  portera 
son  €  Khoi  ùnh  »  jusque  dans  le  monde  des  morta. 

«  Tui/in  dài  —  palais  des  sources  »  est  la  même  chose  que  «  J^  ^  cht 
tnyin  —  les  Neuf  sources*  OU  «  «T^S   huynh  tuyên  —  la  Source  jaune*, 

1.  Litt.  :  *Da7u  sa  pensée  —  parUculière,  —  parliculièrement  —  (eUe  ^ 
fait)  absolument  que  —  se  souvenir  sans  cesse.* 

2.  Litt.  :  «  VhuUe,  —  ayant  été  allumée  toute  la  nuit,  —  a  blanchi  —  ?»<»'*' 
à  la  soucoupe;  —  les  larmes  —  en  débordant  —  ont  imbibé  —  (ton)  mouchoir.* 

3.  Litt  :  ^(Dans  les)  ressorts  —  du  Cid,  —  (quant  aux)  mûriers  ^  (f^  ^) 
la  mer  —  (U  y  a)  beaucoup  de  mystères/» 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  151 

Elle  est  là;  rappelant  sans  cesse  à  sa  pensée  (tons  les  malhenrs  qni 
Faecablent)  '. 

La  sonconpe  de  la  lampe  est  à  sec;  mais  son  monchoir  est  trempé  de 

lannes^ 
Tuy  Van  se  réveille  en  snrsant; 

elle  vient  près  de  la  lampe^  et  presse  (Kieu)  de  questions. 

«Les  desseins  mystérieux  du  Gel  changent  bien  souvent  toutes  715 

> choses'!»  (dit-elle), 
«mais,  parmi  toute  la  famille,  sur  vous  seule,  ô  ma  sœur!  il  fait 

»  tomber  cette  infortune! 
«Vous  restez  assise  ici,  jusqu'à  la  fin  des  veilles  de  la  nuit! 

«Pourquoi  dans  la  situation  où  vous  êtes,  vous  attacher  encore  à  des 
»  pensée  d'amour?» 

«Mon  cœur»,  lui  répond  Kiffu,  «est  rempli  d'anxiété! 

«Que  deviendra  ce  projet  de  mariage?  Cette  affaire  n'est  point  ré-  720 

»glée  encore*! 
«Si  j'ouvre  la  bouche,  il  me  faudra  rougir  de  honte, 

«et  si  je  garde  le  silence,  je  serai  ingrate  envers  lui  *! 

Voir  sur  €dâu  ftl»  la  phrase  du  ]^^  que  j'ai  citée  dans  la  note  sous 
le  vers  3. 

4.  litt.  :  «  La  soie  —  du  mariage  —  encore  —  est  déliée;  —  ce  bout  (de  fX) 
—  pas  encore  —  est  —  dégagé,» 

Un  fil  délié  n*est  pas  solide.  En  lui  comparant  Tunion  projetée  avec  Kim 
Trong,  Té^  Kiiu  veut  dire  que  rien  n'est  assuré  de  ce  côté.  En  effet,  pour 
ee  qui  la  concerne,  il  lui  est  désormais  impossible  d'être  l'épouse  du  jeune 
homme,  puisqu'elle  se  croit  mariée  à  Ma  Qiàm  Sanh;  et  d'autre  part  elle 
ne  sait  pas  encore  si  sa  sœur  Tûy  Vân  consentira  à  se  substituer  à  elle  dans 
l'exécution  de  ses  engagements. 

«ifot>  est  ici  l'extrémité  de  ce  fil  qui  représente  la  tristesse,  le  souci. 
Ce  fil  est  toujours  emmêlé  avec  le  reste;  ce  qui  veut  dire  que  le  cœur  de 
la  jeune  fille  n'est  pas  encore  délivré  du  souci  qui  le  ronge. 

5.  litt  :  «  (SiJ  je  laisse  —  (cela  dans  mon)  coeur,  —  alors  —  je  suis  in- 
grate —  (quant  auj  ccsur  —  avec  —  quelqu'un/* 


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152  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

«Cây  em!  Em  c6  chiu  loi, 
«Ngôi  lên  cho  chî!  lay  roi  se  thira! 

725    «Gifra  dàng  dtd  gânh  tirong  tir; 

«Keo  loan  châp  moi  to*  thira  màc  em! 
«Kè  tit  khi  gâp  chàng  Kim, 
cKhi  ngày  quat  irô'C,  khi  dêm  chén  thë. 
«Sur  dâu  sông  giô  bât  ky? 

730    «Hiêu  tinh  cô  nhe  hai  bë  ven  liai! 


€^e  l(nig*y  litt.  :  ^laisser  —  (quant  au)  cœur  (dans  le  coeur)*  est  un  idio- 
tisme qui  signifie  %  retenir  quelque  chose  dan»  son  esprit». 

L'auteur  joue  sur  le  mot  «long»;  mais  pour  indiquer  la  diflférence  du 
rôle  qu'il  joue  dans  chacun  des  deux  hémistiches,  il  le  fait  précéder  dans 
le  second  de  la  numérale  ^tdm*.  C'est  que  ^Jhng»  seul  signifie  aussi  bien 
^espnt»  que  «cceur»,  tandis  que  lorsqu'il  est  accompagné  de  sa  numérale 
il  n'a  exclusivement  que  le  dernier  de  ces  deux  sens.  ' 

1.  Litt  :  €  Assieds-toi  —  en  montant  —  pour  —  ta  sosur  àmée!  —  (Quand 
de)  se  prostei'ner  —  elle  aura  fini,  —  el^e  exposera  —  (son  désir)!» 

Le  mot  «fôn»  indique  ici  l'invitation  que  fait  Ki^  à  sa  sœur  cadette 
de  se  placer  par  rapport  à  elle  dans  une  position  moralement  supérieure, 
afin  de  lui  permettre  à  son  aînée  de  remplir  vis-à-vis  d'elle  le  rôle  de  sup- 
pliante; et  aussi  la  situation  matérielle  plus  élevée  où  elle  va  se  trouver 
en  prenant  place  sur  un  siège  au  fond  de  la  salle,  tandis  que  sa  sœur  sera 
prosternée  à  ses  pieds.  Voir,  pour  plus  de  détails  sur  cette  particularité  de 
mœurs,  ma  traduction  du  Luc  Vân  Tien,  p.  25,  en  note. 

2.  Litt.  :  «  Au  milieu  de  —  le  chemin  —  a  été  coupé  —  le  balancier  —  de 
Vun  à  Vautre  —  penser;» 

Ce  vers  contient  une  figure  extrêmement  originale,  mais  inacceptable 
dans  notre  langue.  Les  pensées  amoureuses  de  Tùy  KOii  et  de  Kim  Trçng 
sont  comparées  à  ces  deux  fardeaux  que  les  porte-faix  chinois  et  annamites 
ont  coutume  d'assujettir  aux  deux  bouts  d'un  balancier  ou  fléau  qu'ils  placent 
en  équilibre  sur  leurs  épaules.  Le  porteur  de  ce  fardeau  amoureux  le  trans- 
portait le  long  du  chemin  qui  devait  aboutir  au  mariage  des  deux  amants; 


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KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  153 

«  ô  ma  sœur,  j'ai  recours  à  toi!  accéderas-ta  à  ma  demande? 

cAssieds-toi^  laisse-moi  me  prosterner  à  tes  pieds!  Après  cela  je 

>  parlerai  <! 

cLe  lien  de  notre  amour  s'est  rompu  à  moitié  chemin  ^;  726 

«(mais)  tu  pourras^  si  tu  le  veux,  heureusement  le  renouer^! 
«Depuis  le  jour  où  je  connus  le  jeune  Kim, 
«nous  échangions  jour  et  nuit  nos  promesses  et  nos  serments  *. 
«Qui  eût  prévu  qu'un  malheur  subit  allait  soudain  tout  détruire  ^? 

«Il  est  (cependant)  un  moyen  de  respecter  tout  ensemble  et  les  730 

>  droits  de  la  piété  filiale  et  l'affection  des  époux  ^! 

mais  au  milieu  de  la  route,  le  fléau  s'est  trouvé  rompu,  et  les  voilà  désor- 
mais devenus  étrangers  Tun  à  Tautre! 

3.  Litt.  :  •Le  fait  de  coller  —  le  Loan  —  (eij  de  nouer  —  les  boula  — 
de  soie  —  qui  restent  —  est  à  la  volonté  de  —  (toi,  ma)  sœur  cadette!» 

c  Loan  »  est  le  nom  d'une  espèce  de  fil  de  soie  avec  lequel  on  confectionne 
des  cordes  d'instruments. 

4.  Litt.  :  €  Lorsque  —  (c^ était)  le  jour  —  nous  éventions  —  les  promesses; 
—  lorsque  —  (c^était  la  nuit)  —  nous  accompagnions  de  tasses  —  les  serments,  > 

€Quat  —  éventail»  et  ^ekén  —  tasse»  deviennent  des  verbes  par  position. 
Au  contraire,  «^  —  Jurer»  devient,  pour  la  même  raison,  un  substantif. 

Ces  deux  figures  sont  extrêmement  cherchées.  Lorsque  deux  Annamites 
causent  ensemble  pendant  la  chaleur  du  jour,  ils  font  naturellement  grand 
as3ge  de  l'éventail.  Le  soir,  au  contraire,  en  causant  l'on  boit  du  vin.  De 
là  ces  expressions  qui,  comme  on  le  voit,  ne  manquent  pas  de  couleur  locale. 
*Chén»  fait  encore  allusion  à  l'ivresse  du  vin,  en  tant  que  comparable  à 
celle  de  l'amour,  qui  est  l'objet  des  serments  dont  il  est  parlé  ici. 

5.  Litt.  :  *  L* affaire  —  où  (était-elle)  —  de  vagues  —  (et)  vent  —  inopinés?» 
On  peut  aussi  admettre  une  connexion  entre  ce  vers  et  le  suivant,  et 

traduire  ainsi  : 

•  A  présent  qu'un  malheur  inattendu  a  soudainement  tout  détruit, 
*il  est  (cependant)  tm  moyen  .  .  .  .» 

En  ce  cas  la  traduction  littérale  serait  : 

•  (Quant  à)  V affaire  —  où  (pouvait-on  la  pi'évoir^)  —  de  vagues,  etc,  .  .  .  .» 

6.  Litt.  :  «  (Quant  à)  la  piété  filiale  —  (et  à)  Vamour,  —  il  y  a  —  (un)  mot/en 
que  —  Us  deux  —  côtés  —  soient  intacts  —  tous  deux!» 


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I 


154  KIM  vAn  KIÊU  TAn  TOUYÊN. 

«Ngày  xuân  em  hây  c6ii  dài! 

«Xôt  tinh  mâu  mû!  thay  lui  nxr&c  non! 

«Chi  dâu  thit  nât  xTrang  m6n, 

«Ngâm  cirW!  Chln  suôi  cûng  c6n  thom  lây! 
735    «Chiêc  vành  vôi  birc  tir  mây, 

«Duyên  nây  thi  gîtr,  vât  nây  cûa  chung! 

«Dâu  em  nên  vçr  nên  chông, 

«Xot  ngirW  mang  bac;  ât  long  chô*  quên! 

«Mât  ngirW,  c6n  chût  cûa  tin; 
740    «Phfm  don  vôi  mânh  hirang  nguyën  ngày  xira. 

«Mai  sau,  dâu  cô  bao  giô* 

«Bot  lô  hu*0Tig  ây,  dô-  dây  phlm  nây, 

«Trông  ra  ngon  cô  là  cây, 

«Thay  hiu  hiu  gîô,  thôi  hay  chi  vë! 
745    «Hôn  côn  mang  nâng  IW  thë! 

«Nât  thân  bô  lieu,  c6n  nglii  truô-c  mai! 


1.  Litt.  :  €Soi8  émue  —  (quant  aux)  sentiments  —  du  sang!  —  Bemploct 
(moi)  —  (quant  aux)  paroles  —  d'eaux  ^  et  de  montagnes!'» 

2.  Litt.  :  «  (Ta)  sœur  aînée,  —  si  sa  chair  —  est  broyée,  —  (si)  ses  a  "' 
sont  usés,  » 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  155 

«Ton  printemps^  ô  ma  sœur^  durera  longtemps  encore! 
«Prends  pitié  de  ta  sœnr  aînée!  Cbarge-toi  de  ses  serments  *! 
«Quand  ma  chair  et  m^  os  seront  anéantis ^^ 

«•Pen  sourirai!  et  la  bonne  odeur  de  votre  union  viendra,  dans  le 

> monde  d'en  bas,  se  faire  sentir  jusqu'à  moi! 
«Voici  son  bracelet  et  sa  lettre!  735 


Bemplis  l'obligation  du  mariage!  et,  quant  à  ces  souvenirs,  qu'ils 

soient  communs  (entre  nous)! 
«Si  tu  contractes  cette  alliance, 

«tu  auras  eu  pitié  de  mon  infortune.  Mon  cœur,  certes!  ne  l'oubliera 

>pas! 
«Quand  je  n'y  serai  plus,  ces  quelques  souvenirs  te  resteront  de  moi; 

«ce  pfdm  de  sa  guitare  le  brâle-parfums  du  serment.  740 

«Et  si  quelque  jour  il  arrive 

«que,  brûlant  de  l'encens  dans  cette  cassolette,  tendant  avec  cepAim 

>les  cordes  de  ton  mstrument, 
«tu  viennes  à  regarder  l'extrémité  des  herbes  ou  bien  les  feuilles 

>des  arbres, 
«et  que  tu  les  voies  agitées  par  une  brise  murmurante,  sache  alors 

»que  c'est  ta  sœur  qui  revient  (pour  te  visiter)  ^\ 
«Mes  serments  lourdement  sur  mon  âme  pèseront  encore!  745 

«Lorsque  mon  corps  sera  détruit,  mon  amour  (pour  celui  qui  devait 
>être  mon  époux)  n'aura  pas  cessé  d'exister^! 

3.  Litt.  :  «  Tu  perçoives  —  le  *  hiu  hiu  >  —  du  vent . . .  .  >  «  Htu  hiu  »  est 
ane  des  onomatopées  dont  la  langue  annamite  est  si  riche. 

4.  Litt.  :  «  (LorsqueJ  sera  —  détruit  —  le  corps  —  du  jonc  —  (etj  du  saule, 
—  U  y  aura  encore  —  Vaffeetian  —  du  bambou  —  (et)  du  Mai!» 


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156  KIM  vAN  KIÊU  TAN  lllUYÊN. 

<Da  dài  câch  màt,  khoât  IM, 

«Rirôi  chan  giot  iurdc  cho  ngirôi  thâc  oan! 

«Bây  giô*  trâm  gây  girong  tan, 
750    <Kè  làm  sao  xiêt  muôn  vàn  ai  an? 

cTrâm  ngàn  gdi  lay  tinh  quân! 

«Tôc  ta  vân  vôi  cô  ngân  ây!  Thôi! 

cPhan  sao  phân  bac  nhir  vôi? 

cBâ  dành  ivx&c  chây,  bèo  trôi  la  làng! 
765     «Oi  Kim  lang!  Hô*i  Kim  lang! 

«Thôi!  Thôi!  Thiêp  dâ  phu  chàng  tir  dây!> 

Can  lô-î,  hôn  ngât,  mâu  say! 

Mot  hai  lâng  ngât,  dôi  tay  lanh  dông. 

Xuân  huyên  chat  tînh  giâc  nông; 


Voir,  sur  Texpression  *bô  lieu*,  ma  traduction  du  Lytc  Vân  Tien,  p.  60, 
en  note.  Cette  figure  a  surtout  trait  aux  jeunes  filles.  «  Trtrâc  mai*,  au  con- 
traire, se  dit  spécialement  du  mari  et  de  la  femme.  Le  premier  est  assimilé 
au  bambou  à  cause  de  sa  force  et  de  sa  taille  supérieure,  et  la  seconde 
au  Mai  à  cause  de  sa  faiblesse,  de  sa  grâce,  ainsi  que  du  charme  qu'elle 
répand  dans  son  intérieur  et  que  Ton  compare  au  parfum  qui  émane  des 
fleurs  de  cet  arbre. 

1.  Litt.  :  «  (Lorsque  dans)  de  la  nuit  —  le  paJeUs  — je  serai  éloifftUe  —  (quanl 
au)  visage,  —  je  serai  coucerle  —  (quant  aux)  paroles,  » 

2.  Cette  figure  se  trouve  déjà  dans  le  vers  70. 

3.  Litt.  :  €En  comptant  —  comment  —  énumérer  —  les  dix  mille  —  dix 
milliers  de  —  d'amour  —  tendresses  f  * 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  157 

«Quand  j'aurai  disparu  dans  la  demeure  ténébreuse  >;  et  que  ma 

>voix  ne  se  fera  plus  entendre^ 
<Tu  verseras  des  larmes  sur  la  fin  malheureuse  de  ta  sœur! 

«Maintenant  que  Taiguille  de  tête  est  rompue,  que  le  vase  est  mis 

>  en  morceaux  ^, 

«qui  pourra  dire  à  quel  point  Tun  l'autre  nous  nous  aimions^!  750 

«ô  mon  ami!  pour  toi  je  forme  mille  vœux^! 

«Il  devait  en  être  ainsi!  à  notre  courte  union  ce  terme  était  assigné! 

«ô  mon  destin!  pourquoi  te  montrer  si  cruel ^? 

«Cen  est  fait!  Le  fleuve  coule,  et  la  lentille  d'eau  flotte  à  l'aventure, 

>  emportée  par  le  courant! 

«ô  Kim!  ô  mon  bien-aimé!  766 

«Plus  d'espoir!  Je  te  perds  à  compter  de  ce  jour!» 

Elle  dit,  et  ses  esprits  l'abandonnent;  elle  tombe  évanouie  '! 

Sa  respiration  est  oppressée,  ses  mains  froides  comme  le  bronze. 

Ses  parents  brusquement  sont  arrachés  à  leur  sommeil. 


4.  Litt.  :  *CAu  nombre  de)  cent  —  mille  —  f  envoie  —  (des  actions  de)  — 
me  proêUmer  devant  —  de  t amour  —  le  prince!  i^ 

€T%nh  quân*  est  une  désignation  passionnée  que  les  femmes  annamites 
appliquent  à  celui  qu'elles  aiment  loi-squ'elles  lui  adressent  la  parole. 

6.  Litt.  :  €  (Ma)  desUnée  —  pourquoi  —  (est-elle  une)  destinée  —  blanche  — 
comme  —  la  diauxf» 

L'expression  ^bae  nhvvôi»,  qui  est  consacrée  par  Tusage  et  signifie  ^trh 
ingrat»,  renferme  un  jeu  de  mots  sur  le  sens  du  mot  «6a<;»,  qui  signifie  à 
la  fois  *  blanc*  et  *ingrat:^. 

6.  Litt  :  <  Étant  à  sec  —  de  paroles,  —  (quant  à)  Vàme  —  elle  s^ évanouit, 
—  quant  au  sang  —  elle  est  ivre!» 


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158  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

760    Mot  nhà  chat  nfch  kè  trong  ngirW  ngoài. 

Kè  thang,  ngirW  thuôc  bài  bài! 

M<H  dâu  cou  vâng;  chù*a  phai  gîot  hông! 

Hôi  sao  ra  su*  la  lùng; 

Kiêu  càng  nii-c  nô*,  mô*  không  ra  loi. 
766    NÔi  nhxigVân  moi  df  tai  : 

«Chiêc  vành  dây  v<>i  ib  bôi  ô-  dây! 

«May,  cha  làm  loi  duyên  mây, 

«Thôi!  thW  iiôî  ây,  sau  nây,  dâ  em!> 

1.  *Ohàt  nfch*  se  dit  d'une  foule  tellement  compacte  qu'il  est  impossible 
de  s'y  glisser. 

2.  Litt.  €(Ily  a  des  geru  qui)  apportent  un  bouillon;  —  (il  y  a  des  persormeê 
quij  apportent  un  niédicament  —  êimuUanémentl  » 

•  Thang  —  bouillon»  et  €thuoc  —  médicament*  deviennent  verbes  par  po- 
sition, n  faut  observer  en  outre  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  réellement  du  bouillon 
apporté  d'un  côté,  et  de  remèdes  apportés  d'un  autre.  Ces  deux  mots  ne 
sont  séparés  que  par  élégance  et  proviennent  du  dédoublement  de  l'expres- 
sion *  thang  thuffc*  qui  signifie  •une  poUon*,  litt.  :  •un  bouillon  —  de  médica- 
ment*. Ce  dédoublement  permet  à  l'auteur  l'emploi  des  deux  mots  €  Arc»  et 

•  ngwai*  qui  se  font  opposition  l'un  à  l'autre,  et  répondent  au  français: 

•  celui-ci celui-là  .  .  .  .» 

3.  Litt.  :  •Ahrê  êeulement  —  elle  est  colorée  —  quant  à  Vacok»  —  â^étour- 
dissement;  —  (mais)  pas  encore  —  sont  décolorées  (dissipées)  —  les  gouttes  — 
roses,* 

•  Ddu*  est  sjmonyme  de  •dâm*,  et  se  dit  d'une  teinte  qui  se  ravive. 
Le  mot  •hông*  est  appliqué  aux  larmes  par  le  poète  parce  qu'elles  coulent 
sur  un  jeune  et  beau  visage,  qualifié  poétiquement  de  «m4  hong*.  Cet 
adjectif  permet,  en  outre,  à  l'auteur  l'emploi  du  verbe  •phai*,  litt.  :  •se 
décolorer*,  qui  lui  était  nécessaire  pour  faire  une  opposition  de  sens  au 
verbe  •dâu*, 

4.  Litt.  :  €  (^)  par  bonheur  —  (notre) père  —  fait  manquer  Vunion  —  de  toi,* 

•  l2i  — faute,  erreur*  devient  ici  un  verbe,  et  prend  le  sens  de  «man- 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYl^N.  159 

et  dans  la  maison  se  pressent  ^  habitants  et  gens  du  dehors.  760 

Tous  à  la  fois  lui  apportent  qui  une  potion,  qui  une  autre  ^i 

Enfin  (la  jeune  fille)  commence  à  revenir  à  elle;  mais  ses  larmes  ne 

sont  point  taries  ^! 
Interrogée  sur  la  cause  de  cet  étrange  accident, 

SSu,  accablée  encore,  ouvrait  en  vain  la  bouche,  et  ne  pouvait  ar- 
ticuler un  mot. 

Mais  alors  F(ît),  tout  bas  à  Toreille,  lui  parla  de  ce  qui  intéressait  son  765 
cœur. 

«•Fai  ici»,  lui  dit-elle,  <le  bracelet  et  la  lettre! 

<Par  bonheur,  si,  à  cause  de  notre  père,  ton  union  est  rompue  \ 

«ta  sœur  est  là,  et  pour  cette  affaire  désormais  tu  peux  compter  sur 
»elle^! 

quer,  fairtfaiuMt  routes,  L'expresdoD  ^lamloi»  correspond  assez  bien  à  la 
location  française  *meUre  à  mal». 

6.  Litt.  :  « //  êuffU!  —  Eh  bien!  —  (daru)  cette  drcomtance-là,  —  pour  cet 
avenir^  —  désormaù  —  U  y  a  ta  sœur!* 

L'inteUigence  de  ce  vers  dépend  toute  entière  d*une  judicieuse  appli- 
cation de  la  règle  de  position. 

*Sau*  est  adverbe;  mais  Tadjonction  du  pronom  démonstratif  «n^l*^»  qui 
le  suit  le  transforme  en  un  substantif  qu'il  faut  traduire  par  €cet  aprèê-d*, 
ou  pour  parler  français  *  cet  avenir-ci  ».  ^Saunây»  fait  le  pendant  ^noiéty» 
qui  le  précède;  et  le  pronom  démonstratif  «n^fy  —  ce ....  ci»  qui  qualifie 
««ou»  fait  opposition  au  pronom  démonstratif  €éty  —  ce , , . ,  là»  qui  qua- 
lifie «not».  Le  choix  de  ces  deux  pronoms  est  fort  bien  motivé.  ^Nhidy»^ 
en  effet,  représente  des  malheurs  qui*  sont  dkt  à  présent  arrivés;  tandis  que 
€$au  ndy»  se  rapporte  aux  faits  qui  vont  désormais  se  produire. 

*Em  —  êOBur  cadette»,  sous  Tinflucnce  de  dâ,  marque  du  passé,  devient 
un  véritable  verbe  impersonnel,  qu'on  pourrait  traduire  par  <ily  a  (ta)  aceur 
cadette»;  et  en  tenant  compte  de  la  valeur  de  la  particule  qui  lui  imprime 
son  caractère  verbal,  i^  ^U  y  a  eu  (ta)  sosur»,  c'est-à-dire  :  *ce  fait  qu'il  y 
a  ta  êCBur  eH  déêormaiê  arrivé,  acquis,  tu  peux  donc  faire  fond  sur  lui». 

Cette  valeur  verbale  de  «en»»  étant  bien  établie,  on  voit  que  les  ex- 
pressions *nèidy»  et  ^sau  ndy»  deviennent,  par  leur  position,  des  expres- 
sions circonstancielles  de  lieu  et  de  temps,  et  qu'on  doit  les  traduire  ainsi  : 
«DAvs  ce^  drconstanee»,  «pour  V avenir  qui  s'ouvre  devant  nous». 


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160  KIM  vAN  KIÊU  tan  TRUYÊN. 

«Vi  ai  rang  câi  roi  kîm, 
770    «Bè  con  bèo  nèi  mây  chim  vi  ai? 

«LW  con  nhù  lai  mot  hai! 

«Dâu  m6n  ngân  dâ,  dâm  sai  tac  vàng?» 

Lay  thôi,  nàng  lai  thira  trinh  : 

«Nliô*  cha  giâ  dirac  nghïa  chàng  cho  xuôî! 
775    «Sa  chi  tliân  pliân  toi  d6i? 

«Dâu  rang  xirang  trâng  que  ngwùi,  quân  dâu?» 

Xiêt  dâu  trong  nôi  thâm  sau? 

Khâc  canh  lai  giuc  nam  lâu  mây  hôi. 

Kiêu  hoa  dâu  dâ  dên  ngoài; 
780    Quân  huyën  dâu  dâ  giuc  ngu-W  sanh  ly! 

1.  €Bu,ng  rod*  signifie  «tomber»,  et  *kim  cài»  signifie  échanger».  Le 
poète  a  dissocié  et  enchevêtré  les  nns  dans  les  autres  les  termes  de  ces 
deux  expressions.  Pour  en  effectuer  la  traduction  littérale  et  trouver  par 
suite  le  sens  du  vers,  il  faut  rétablir  Tordre  naturel  :  «  PI  ot  rang  rai  «U 
Arm».  On  verra  facilement  alors  que  les  deux  expressions  verbales  sont 
impersonnelles,  et  qu^il  faut  traduire  : 

Par  le  fait  de  —  qui  —  a  (eu  lieu  VacUon  de)  tomber,  —  a  (eu  lieu  Vactian 
de)  changer  f* 

L'inversion  d'une  formule  semblable  et  parallèle  qui  a  lieu  dans  le  vers 
suivant,  montre  clairement,  que  c'est  bien  là  le  sens  littéral  qu'il  faut  attri- 
buer à  celle-ci. 

2.  Litt.  :  €(V action  de)  —  laiêter  êumager  —  la  lentille  d'eau  —  et  être 
submergé  —  le  nuage  —  (a  eu  lieu)  par  le  fait  de  —  quif  » 

Tûy  vân,  dans  sa  modestie,  s'assimile  à  cet  infime  végétal  qu'on  appelle 
une  lentille  d'eau,  tandis  qu'elle  compare  sa  sœur  aux  nuages,  c'est-à-dire 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyIn.  161 

<  (Mais)  qui  donc  a  produit  an  (pareil)  changement  \ 

«et  laissé  surnager  la  lentille  d'eau,  tandis  que  le  nuage  était  sub-  770 
•  mergé^? 

«(ô  mon  père!  écoutez)  ce  que  votre  fille  solennellement  vous  dé- 

>  clare  ! 

«Avant  que  mon  cœur  lui  devienne  infidèle,  les  pierres,  Fargent 

>  s'useront^!» 

Puis,  après  s'être  prosternée,  (Kiêu)  reprend  comme  il  suit  : 

«Je  pourrai  (ainsi),  autorisée  de  vous,  récompenser  dignement  Taf- 

>  fection  de  ce  jeune  homme,  ô  mon  père! 

«  (Pour  moi,)  que  m'importe  d'être  réduite  à  la  condition  d'une  ser-  775 

>  vante, 

«et  que  l'on  dise  de  moi  que  mes  os  ont  blanchi  sur  une  terre  étran- 

>gère?» 
Qui  pourrait  peindre  la  tristesse  dans  laquelle  (tous  étaient  plongés)  ^? 

Au  pavillon  du  midi  les  quarts  et  les  veilles  avaient  sonné  maintes 

fois 
quand  un  palanquin  vint  s'arrêter  à  la  porte. 

Une  musique  se  fit  entendre,  donnant  le  signal  d'une  séparation  plus  78O 
douloureuse  que  la  mort  ^! 

à  ce  qu'il  y  a  de  pins  élevé.  £lle  se  demande  sous  cette  figure,  comment  elle, 
qui  a  si  peu  de  valeur,  se  trouve  épargnée  par  la  mauvaise  fortune,  tandis  que 
7%  Kiêu,  dont  les  qualités  sont  si  éminentes,  est  accablée  par  le  malheur. 

3.  Litt.  :  *  Quand  bien  m^ie  —  s'useraient  —  targent  —  et  la  piéride,  — 
(est-ce  quej  f  oserais  —  errer  —  (quant  à  son)  pouce  (de  cœur)  —  d'orf» 

Le  signe  d'interrogation  est  assez  souvent  supprimé  dans  la  poésie  an- 
namite quand  la  structure  du  vers  indique  suffisamment  qu'il  doit  être 
soos-entendu. 

*Vàng  —  or*  est  bien  un  qualificatif  honorifique  appliqué  au  cœur  de 
Kim  Trçng;  mais  son  rôle  principal  est  de  faire  pendant  au  mot  *ââ  — 
pierre*  qui  termine  le  premier  hémistiche  conmie  il  termine  le  second. 

4.  Litt.  :  *(Le  fait  d'énumérer  —  ou  (serait-U)  —  dans  (la  série  de)  — 
(ces)  drcûnstances  —  profondes  —  (et)  tristes?» 

5.  Litt.  :  «  Les  quan  —  et  les  instruments  à  corde,  —  (d')ou  (venaient-ils  f), 
—  déjà  —  pressaient  —  Us  gens  —  (qffii)  vivants  —  se  séparaient!» 

11 


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162  KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUY^N. 

Dau  long  kè  à  ngirW  di! 
Luy  rai  tliâm  dâ,  ta  chia  râ  tâm! 
Triri  hôm  mây  kéo;  toi  dam; 
Dau  dau  ngon  khôi;  dâm  dâm  nhànli  su'ang. 
785    Rxr&c  dâu  vë  dên  trù  phông. 

Bon  bë  xuân  tôa;  mot  nàng  ô*  trong. 
Ngâp  ngù'ng  then  loc,  e  hông; 


Le  quân  est  proprement  une  sorte  de  flageolet  à  six  trous;  mais  il  dé- 
signe ici  les  instruments  à  vent  en  général,  comme  «  huyên  »  désigne  les  ins- 
truments H  corde;  et  les  mots  *qiiàn  huyen»  forment  en  réalité  une  expression 
consacrée  par  Tusage  dont  le  sens  est  :  ^toutes  sortea  d^inatrumenta  de  mu- 
sique», 

*Sinh  ly  —  «e  séparer  vivants»  est  une  sorte  de  condensation  sous  forme 
d'adjectif  composé,  de  la  maxime  cochinchinoise  :  ^Thà  lia  chê^t,  chang  thà 
lia  s5ng  —  Il  vaut  mieux  se  séparer  morts  que  de  se  sépai'er  vivarUs  (la  sépa- 
ration amenée  par  la  mort  est  moins  douloureuse  que  celle  qui  a  lien  entre 
personnes  encore  vivantes).» 

11  n'y  a  pas,  que  je  sache,  do  maxime  semblable  en  français;  mais 
cxistat-elle,  il  ne  serait  pas  possible  de  rendre  l'idée  qu'elle  exprime  par 
les  simples  mots  «  séparés  vicants  »  auxquels  réix)nd  exactement,  dans  ce  vers 
annamite,  l'expression  chinoise  «  ^b  S&  sink  ly  ».  Ce  serait,  au  moins  dans 
le  cas  présent,  une  expression  absolument  vide  de  sens.  C'est  que  la  langue 
fmnçaise  ne  permet  pas,  comme  le  chinois  et  l'annamite,  de  rappeler  t«mte 
une  maxime  par  un  ou  deux  mots  appliqués,  sous  foime  d'épithète  ou 
d'adjectif  qualificatif,  à  une  personne  ou  à  une  chose. 

L'auteur  du  poème  s'est  peut-être  inspiré  aussi  de  ce  passage  du  roman 
chinois        *.  J^  >lfi  les  pruniers  qui  fleurissent  deux  fois  : 

—  Les  anciens  disaient  :  «  Parmi  les  innomhrafjles  misères  de  ce  monde,  il  n^eti 
»  est  point  de  comparable  à  la  séparation  qu'amhne  la  mort  et  à  celle  qui  a  lien 
*  entre  vivants.»  TUl  ^  ife  chap.  II,  p.  3,  vcrso.) 

i.  Lit  t.  :  «Le*  larmes  —  tombèrent  —  (de  manière)  à  im/4l>er  —  iles  pierres; 
~     (car)  la  soie,  —  se  divisant,  —  se  désunissait  (d^avec)    —   le  ver.» 


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KIM  VAN  KIËU  tAN  TRUYÊN.  163 

Ceux  qui  restaient,  celle  qui  partait,  sentirent  leur  cœur  se  déchirer! 

Abondantes  coulèrent  les  larmes!  (car)  les  parents  voyaient  d'eux- 
mêmes  se  séparer  leur  propre  chair  >  ! 

t  Ainsi)  le  ciel  du  soir  se  voile  (parfois)  de  nuages;  la  nuit  se  fait  et 
la  pluie  tombe  \ 

La  fumée  s'élève  en  mélancoliques  flocons;  ruisselants;  les  arbres 
(étendent)  leurs  branches  \ 

On  conduisit  la  jeune  épouse  dans  une  retraite  provisoire^  785 

et  on  la  laissa  seule  dans  une  chambre  soigneusement  fermée  ^. 

Incertaine  de  son  sort,  honteuse  de  s'être  vendue  et  craignant  (d'être 
victime  de)  sa  beauté, 

Ces  figures  ne  senûent  pas  compréhensibles  en  français;  je  les  ai  ren- 
dnes  par  des  équivalents.  —  *-ThSm  ââ*,  après  un  verbe  neutre,  est  adverbe 
par  position. 

â.  Litt.  :  «  D€ms  le  ciel  —  du  crépuMcule  du  9oir  —  leê  nuages  se  répandent; 

—  les  ténèbres  —  sont  trempées  d'eau.* 

3.  Litt.  :  *  Mélancoliques  —  (sonlj  les  flocons  —  de  fumée;  —  ruisselantes 

—  (sont)  les  branches  —  de  rosée  (mouillées  comme  si  elles  étaient  baignées  par 
ta  roméejf» 

Ces  quidificatifs  à  effet,  formés  par  la  répétition  d*un  adjectif  au  com- 
mencement d*nn  vers  ou  d*un  hémistiche,  sont  très  fréquents  chez  les  poètes 
snoamites,  qui  semblent  avoir  emprunté  ce  procédé  k  la  poésie  chinoise,  et 
particalièrement  au  Livre  des  vers  dans  lequel  on  en  renconti'e  des  exemples 
pour  ainsi  dire  à  chaque  page. 

Ce  vers  et  le  précédent  sont,  à  mon  sens,  pris  au  figuré,  et  expriment 
la  tristesse  de  la  situation;  mais  on  peut  également  leur  conserver  leur 
acception  naturelle,  et  les  regarder  comme  exprimant  simplement  la  venue 
d^une  nuit  pluvieuse. 

4.  litt.  :  <  (DesJ  quatre  —  entés  —  c^ était  soigneusement  fermé;  —  la  seule 

—  jeune  femme  —  se  trouvait  —  dedans.  » 

«  Xuân  têa*  est  une  expression  qu'il  serait  bien  difficile  de  traduire  litté- 
ralement, tant  elle  est  alambiquée.  *Xuûn*  dont  le  sens  natui'el  est  ^  prin- 
temps *,  a  pour  signification  secondaire  *les  plaisirs  de  Vamour»,  et,  en 
forçant  la  dérivation,  «  une  personne  dont  la  possession  est  précieuse  h  ce  point 
de  me,  une  feaimc  cUmée  de  grands  charmes  p.  Le  sens  de  ^Xuân  toa»  est 
donc  *&ien  enfermé,  comme  on  enfermerait  une  jolie  femme  qiCon  veut  absolu- 
tnent garder  €wprès  de  soi»;  on  pourrait  dire  peut-être  en  employant  un  style 
Quelaue  peu  plaisant  :  *  amoureusement  tenue  sous  clef». 

11* 


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164  KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Nghï  16ng  lai  xôt  xa  16ng  dôi  phen! 

*Phâm  tien  rai  dên  tay  hèn, 
790    «Hoài  công  nâng  gifr  mira  gin  vôî  ai! 

«Biêt  thân  den  birdc  lac  loài; 

«Nliuy  dào  dâ  bè  cho  ngirW  tlnh  chung! 

«  Vi  ai  ngân  doan  giô  dông! 

«Thiêt  long  khi  *;  dau  16ng  khi  di! 
795    cTrùng  phùng  dâu  hoa  c6  khi, 

«Thân  nây  thôi  c6  con  gî  ma  mong? 

«Dâ  sanh  ra  sô  long  dong, 

«Con  ôm  lây  kiêp  ma  hông  dirac  sao?» 

Trên  an  phût  thây  thanh  dao, 
800    Giâu  câm  nàng  dâ  gôi  vào  chéo  khân. 

«Phong  khi  nirô-c  dâ  dên  chan, 

«Dao  nây  thi  lieu  vôi  thân  phân  nây!» 


1.  Litt.  :  *  (Personne  du)  rang  de»  Immortel»,* 

2.  Litt.  :  «  Je  regrette  —  ma  peine  de  —  de  la  chaleur  —  me  pré»eroer  — 
(et)  de  Ju  pluie  —  me  garder  —  avec  —  quelquun  (Kim  Trong)!* 

Par  *nâng  mira  —  la  chaleur  et  la  pluie  t^,  Ki^  entend  les  mille  circons- 
tances susceptibles  de  porter  atteinte  à  la  fidélité  qu'elle  gardait  à  son  futur 
époux. 


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KIM  vAn  KIËU  TAN  TRUYÇN.  165 

elle  pensait  à  son  amonr,  et  ces  pensées  étaient  bien  amères! 

<  Jeune  fille  distinguée  \  tombée  en  de  viles  mains^ 

«  c'est  bien  en  vain  »,  se  disait-elle,  «  que  j'étais,  avec  tant  de  soin,  790 

> restée  fidèle  à  mes  serments^! 
«  Me  voici  (désormais)  abandonnée  à  Faventure, 

«et  la  fieur  du  Bào  aura  été  cueillie  pour  tout  le  monde! 

«Pour  lui,  j'ai  arrêté  le  souffle  de  Torient^! 

«Si  je  restais,  il  souffrirait;  il  souffrira  parce  que  je  pars! 

«Si  quelque  jour,  par  hasard,  je  le  rencontrais  de  nouveau,  795 

«désormais  que  pourrait-il  encore  espérer  de  moi? 

«Née  pour  une  existence  errante  et  malheureuse, 

«pourrais -je  (plus  tard)  vivre  encore  en  femme  élégante  et  dis- 
tinguée *?> 
Tout  à  coup  elle  voit  un  couteau  sur  la  table  ; 

elle  s'en  saisit  et  le  dissimule  dans  un  coin  de  son  mouchoir.  800 

«  Au  cas  >,  dit-elle,  «  où  le  flot  (du  déshonneur)  monterait  jusqu'à  mes 

»  pieds, 
«ce  couteau-ci  tranchera  les  difficultés  de  ma  vie  ^!  > 


3.  •J'ai  créé  des  embarras  dans  sa  vie,^ 

4.  Utt  :  «  Encore  —  embrasser  —  V existence  —  (d'aune  personne  aux)  joues 
—   roses  —  pourrais-je  —  comment  f» 

6.  Litt.  :  <  Ce  couteau-ci  —  alors  —  réglera  —  avec  —  cette  condition  —  ci 
(l<^  situation  qui  nCest  faite)!* 


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166  KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Diém  sau  mot  khâc  mot  cbây  ! 

Bâng  khaâiig  nhir  duh  nhir  say  mot  mlnh! 
805    Châng  là  gâ  Ma  Giâm  sanhy 

Vân  là  mot  dû^a  phoug  tinh  dâ  quen. 

Quâ  chai,  lai  gàp  hôi  den, 

Quen  vùng  lai  kiêm  an  mien  nguyêt  hoa. 

Lan  xanh  cô  mu  Tu  hà, 
810    Làng  choi,  dâ  trô*  vë  già;  hët  duyên. 

Tinh  cir  châng  hen  ma  nên; 

Mat  cira  mu-ôp  dâng  dôi  bên  mot  phu-dng. 

Chung  lirng  mô*  mot  cita  hàng, 

Quanh  nâm  buôn  phân  bân  hirang  dâ  le. 
815    Dao  tim  khâp  cher  thi  que, 


1.  Litt.  ;  «Xe*  coup»  —  trisUM  -—  (pour)  un  —  quart  —  (ont)  un  (fait  de) 
—  se  prolonger!* 

2.  «  Ching  là  —  ce  n'était  pas  >  est  une  expression  elliptique  dont  le  dé- 
veloppement est  :  «ce  rC était  pas  autre  chose  que » 

3.  *Hâi  den»  signifie  «  une  occasion  favorable  pour  se  Uvrer  à  la  débaude*. 

4.  Litt.  :  «  Habitué,  —  il  venait  —  chercher  à  —  manger  —  (dam)  la  ré- 
gion —  de  la  lune  —  (et)  des  /leurs,  » 

5.  Litt.  :  «  La  sciure  —  et  le  concombre  sauvage,  —  des  deux  —  parti  — 
(formèrentj  une  —  association,* 

La  sciure  de  bois  est  chose  vile;  le  concombre  sauvage  n*a  pas  plus  de 
valeur,  et  qui  plus  est,  il  blesse  le  goût  par  son  amertume.  De  là  remploi  de 
cette  comparaison  pour  désigner  une  créature  infâme  et  un  vaurien  naisible- 


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KIM  vAn  kiëu  tAn  truy$n.  167 

Les  quarts  de  ces  doulonreuses  veilles  tardent  toujours  plus  à  sonner  •  ! 

Elle  ne  sait;  dans  son  triste  isolement,  si  elle  rêve  ou  si  elle  est 

éveillée! 
Or  ^  AJà  Gidm  sanh  805 

n'était  autre  qu'un  libertin  adonné  aux  plaisirs  de  Tamour. 

Lorsqu  en  passant  par  là  il  rencontrait  une  occasion  favorable^, 

habitué  qu'il  était  des  lieux,  il  se  livrait  à  sa  passion  ^ 

Dans  la  maison  de  plaisir  se  trouvait  la  vieille  Tû  bà. 

Après  une  vie  de  débauche,  les  années  étaient  venues,  et  ses  charmes  sio 

avaient  disparu. 
La  chose  eut  lieu  par  hasard,  sans  qu'on  eût  rien  fixé  d'avance. 

Cette  infime  coquine  et  ce  fieflFé  vaurien  -^  se  mirent  en  société. 

Us  s'associèrent  tous  deux,  et  ouvrirent  une  boutique 

(dans  laquelle),  tout  le  long  de  l'année,  ils  vendaient  les  faveurs  des 

courtisanes  ". 
La  vieille,  pour  en  chercher,  courait  la  campagne  et  la  ville,  s  15 

Le  mirâp  dânff,  en  chinois  "S  fl]^  ^^ô  qua,  que  j  ^appelle  *  concombre  sau- 
vage *  faute  de  désignation  plus  exacte,  n'est  pas  la  plante  que  nous  nom- 
mons ainsi  en  français,  et  dont  le  nom  latin  est  ^nMomordica  elaterium^.  C'est 
une  autre  espèce  du  même  genre,  le  Monwrdica  charantia.  Bien  que  le  fruit 
en  soit  amer,  on  ne  Ten  associe  pas  moins  à  d'autres  ingrédients  pour  con- 
fectionner une  sorte  d'achard  ou  condiment  au  vinaigre.  Cuit,  il  perd  son 
amertume,  et  passe  pour  être  un  légume  sain,  rafraîchissant  et  stomachique. 
(Voy.  Tabebd,  Dictionarium  anamUko-UUinum,) 

6.  Litt.  ;  <  Tout  à  Ventour  de  —  Vannée  —  faire  le  commerce  —  du  fard  — 
et  vendre  —  le*  parfuma  —  étaient  leur  coutume,^ 

Par  €pkéhi  hucmg*  on  désigne  les  filles  publiques. 


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16.8  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Giâ  danli  liâu  ha  day  nghë  an  choi. 

Rùi  may  au  cûng  sir  TrW! 

Doan  tnrông  lai  chon  mât  ngirôi  vô  duyên  ! 

Xôt  nàng,  chût  phân  thuyën  quyên, 
820    Nhành  hoa  di  bân  vào  thuyën  lâi  buôn! 

Meo  lira  dâ  mâc  vào  khuôn! 

Sinh  nghi,  nap  giâ,  nghinh  hôn  sân  ngày  ! 

Mirng  thâm  :  «Cô*  dâ  dên  tay! 

«Càng  nh\n  vé  ngoc,  càng  say  khùc  hoàng! 
825     «Bâ  nên  quôc  sâc  thiên  hirang! 

1.  Litt.  :  «Xa  matheureuse  —  venail  —  choisir  (tomber  sur)  —  an  visage 

—  de  personne  —  sans  —  grâce  (de  manières  rebutantes)!» 

2.  Litt.  :  *Je  plains  —  la  jeune  femme,  —  petite  quantité  —  de  condition 

—  de  personne  belle  et  distinguée!» 

3.  L'auteur,  par  cette  métaphore,  compare  son  héroïne  à  une  chose  pré- 
cieuse tombée  dans  les  mains  d'une  personne  incapable  d'en  tirer  avantage. 
Il  y  a  aussi  là  une  allusion  aux  lieux  infâmes  appelés  «]]^  jte  hoâ  t'ing 

—  bateaux  de  fleurs  »  qui  sont  si  communs  à  Canton  et  dans  les  autres  villes 
du  littoral  de  la  Chine. 

4.  Litt.  :  <i(Par)  des  artifices  —  choisis  (bien  combinés)  —  elle  avait  été  prise 

—  à  entrer  dans  —  le  moule!* 

5.  On  comprend  facilement  ce  que  l'auteur  entend  par  ces  expressions 
ironiques. 

6.  Litt.  :«....  Le  drapeau  m'est  veim  à  la  main!» 

7.  Litt.  :  «  Plus  —  on  regardera  —  son  teint  —  de  pierre  prédeuse,  —  plus 

—  on  sera  ivre  —  du  morceau  de  —  Hoàng  (cdu)!» 

Ce  morceau  de  «  Hoàng  cdu  »  dont  il  a  déjà  été  question  au  vers  475  fut 
composé  par  ^  ]^  jj^  ^  Tu  Ma  Tmmg  Nhur.  Ce  célèbre  lettré  étant 
venu  dans  une  famille  où  se  trouvait  une  jeune  veuve  fort  instiniite,  apprit 
qu'elle  désirait  se  remarier,  et  qu'elle  attendait  pour  cela  qu'un  savant  se 


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KIM  VlN  KIÊU  TAN  TRUYBN.  169 

et,  se  donnant  pour  une  suivante,  elle  enseignait  un  honteux  métier. 
La  bonne  et  la  mauvaise  fortune  sont  choses  dépendant  du  Ciel! 

Le  de^in  malheureux  (de  Kiêu)  Favait  jetée  entre  les  mains  d'une 

rebutante  créature  '! 
Je  te  plains,  ô  pauvre  et  noble  fille  ^, 

rameau  flenri  qu'on  mène  vendre  sur  le  bateau  d'un  trafiquant  vul-  820 

gaire^! 
La  ruse  avait  réussi,  elle  était  tombée  dans  le  piège  ^  ! 

Le  temps  était  venu  d'oflfnr  les  cadeaux  de  noces;  on  pouvait  livrer 

la  fille  et  la  conduire,  à  son  époux '\ 
(La  vieille)  en  son  cœur  se  réjouit  :  «La  bonne  aubaine!»  (se  dit- 

elle)  «. 
>Plus  on  va  contempler  ses  charmes,  et  plus  on  va  se  passionner^!  » 

«La  voilà  devenue  une  brillante  courtisane ^! >  825 


présentât  pour  ]'époo8er.  Tw  ma  compoea  alors  le  morceau  de  musique  dont 
il  est  parlé  ici,  et  la  jeune  femme,  séduite  par  ces  accents  mélodieux,  s'en- 
fuit avec  le  letM  dont  e]le  fit  son  époux. 

Tûbà  ae  dit  ici  qu'en  contemplant  les  cfaarmes  de  Ki3u  les  hommes  en 
deviendront  épris  comme  le  fit  la  jeune  veuve  lorsqu'elle  entendit  la  musique 
séductrice  que  Tu  mS  faisait  résonner  à  son  oreille. 

8.  Lîtt.  :  «  SUe  ett  devenue  —  une  n^ale  —  beauté,  —  un  céleste  —  parfum.  » 
La  clef  de  cette  métaphore  se  trouve  dans  le  passage  suivant  du  ]^  ^^ 

kwmg  nài  miu  dim  chi  phû  qui  —  Par  «beauté  royale»  et  «parfum  du  ciel», 
<  on  entend  Populenie  beauté  deê  Mâu  don  »  ;  ce  que  le  commentaire  explique  ainsi  : 

c  ^^  ^^  (Huyin  tông)  des  Ë|-  (Bàng),  prenant  plaisir  aux  fleurs  dans  son 
»  palais,  fit  à  ^  1^  ^  ("Trân  Tu  k§)  cette  question  :  «Parmi  les  (lettrés) 
»de  la  capitale  qui  ont  reçu  Tordre  de  chanter  en  vers  la  fleur  ^W;  ^>  qiii 
»a  obtenu  le  premier  rang?»  —  «^5  IF.^J*  (Le  chành  Phong),  lui  fut-il 
»  répondu,  s'est  exprimé  ainsi  : 

«/>»  c  Beautés  célèbres»,  le  matmy  puisent  dans  le  vin  leur  gaUé; 

«  La  nuit,  les  «  Célestes  parfums  »  donnent  à  leurs  vêtements  leur  teinte  (bril- 
lante).» 


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170  KIM  vAN  KIËU  tAN  TRUYÉN. 

«Mot  cirM  nây  hân  ngàn  vàng  châng  ngoa! 

«Vë  dây;  iurdc  tnidc  bé  hoa! 

«Virong  ton,  qui  khâcli,  ât  là  dua  nhau! 

«Ba  bon  tràm  lirang  thd*  dâu; 
830    «Cûng  dà  vira  von;  c6n  sau  thi  loi!» 

«Miêng  ugon  kê  dên  tân  noi, 

«Von  nhà  cûng  tiêc;  cùa  trW  cûng  tham! 

«Dào  tien  dâ  bén  tay  phàm, 

«Thôi  vin  nhành  quit  cho  cam  su*  dôi. 
835    «Dirôi  trân  mây  màt  làng  chci? 

«  Quoique  ces  deux  vers  célébrassent  (la  fleur)  fjj^  ^,  ils  faisaient  en 
»  réalité  allusion  aux  concubines  impériales  (du  titre  de)  4'^[R  (^  P^V- 
»  L^Empereur  s'adressant  (alors)  à  ces  dernières,  leur  dit  :  «  Avant  de  vous 
omettre  à  votre  toilette,  vous  commencerez  par  boire  un  rouge  bord!»  (Je 
»  traduis  ainsi  S^  •^  ta  kim  —  or  poui'pre,  qui  est  évidemment  un  nom  de 
»vin  coloré  en  rouge.) 

1.  Litt-  :  *  Étant  de  retour  —  ici,  —  pour  la  fois  —  d'avant  —  on  cueU- 
lera  —  la  fleur/» 

€Nv&c  —  eau»,  signifie  par  dérivation  «un  bain  de  teinture»,  ^une  teinte». 
La  mégère  compare  en  quelque  sorte  rinfâmo  exploitation  à  laquelle  elle 
se  propose  de  se  livrer  à  l'action  du  teinturier  qui  trempe  à  diverses  re- 
prises une  étoffe  dans  le  bain  de  teinture  d'abord  pour  la  colorer,  puis 
ensuite  pour  lui  rendre  sa  nuance  primitive  et  la  faire  paraître  comme 
neuve. 

On  pourrait  traduire  aussi,  en  prenant  «dâi/»  dans  son  acception  très 
fréquente  de  pronom  personnel  de  la  première  personne  : 

<tCeêl  à  moi  à  cueillir  cette  fleur  la  première,  (Lorsque  cette  fleur  sera  cueiUie 
pour  la  première  fois,  c'est  à  moi  qu'en  reviendra  le  bénéfice) » 

2.  Litt.  ;  *  (Alors  que  ce)  morceau  —  savoureux,  —  s'approchant,  —  vient 
—  près  de  —  Vendroit  (où  il  doit  naturellement  entrer,  la  bouche).» 


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KIM  VAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  171 

«Auprès  d'an  de  ses  sourires,  mille  onces  d'or  ne  sont  rien! 

«Nous  void  de  retour  ici,  et  pour  la  première  fois  on  va  cueillir  cette 
>fleur^! 

«Grands  personnages,  nobles  étrangers  assurément  se  la  disputeront! 

«Essayons  d'en  demander  trois  ou  quatre  cent  taëls! 

«J'aurai  recouvré  ma  mise;  après,  (tout)  sera  bénéfice!»  830 

Ce  beau  morceau  lui  tombe  dans  la  bouche  \ 

mais  elle  n'en  regrette  pas  moins  son  capital,  et  voudrait  que  tout 

f&t  aubaine  3  ! 
Quand  une  figue  vient  à  la  main  d'un  être  méprisable, 

il  tire  à  lui  la  branche  de  mandarine  pour  améliorer  (encore)  sa  si- 
tuation^. 

«  Bien  peu  de  gens,  en  ce  monde,  cherchent  des  plaisirs  avouables  ^!  835 

3.  litt.  :  cLc  capital  —  de  »a  niaiëcn  —  tout  aussi  bien  —  elle  regrette; 

—  les  choses  —  du  Ciel  —  tout  aussi  bien  —  elle  convoite!» 

Les  deux  hémistiches  renferment  chacun  une  inversion.  —  «(7fk  Trbi  — 
les  choses  du  Ciel  (entoyies  par  le  Ciel)  »,  ce  sont  les  choses  qui  nous  arrivent 
ÎDOfiiDément,  les  aubaines. 

4.  Lorsque  ces  gens  méprisables  et  vils  font  par  hasard  quelque  béné- 
fice inattendu,  ils  deviennent  insatiables  et  cherchent  sans  mesure  à  grossir 
leur  avoir. 

<Bàotièn*  est  le  renversement  annamite  de  l'expression  chinoise  <f|l|>N^ 
tien  dèo  —  la  pêche  des  Immortels  »,  qui  est  un  des  noms  de  la  Jigi^. 

6.  Litt,  :  <.(Dans  la)  située  en  dessous  —  poussière  —  combien  de  —  visages 

—  de  gens  qui  se  livrent  décemment  aux  plaisirs  de  V amour  f» 

€  TrSn  »  est  pour  ^phbng  trdn  »  OU  «  chon  phong  trân  —  le  séjour  du  vent 
et  de  lapoussikre,  ce  bas  monde»,  «  Duài  trdn»  ne  doit  pas  se  ti'aduire  littérale- 
ment par  €sous  la  poussière»,  ce  qui,  du  i*este,  n'aurait  aucun  sens.  Les  An- 
namites emploient  fort  souvent  les  mots  ^trên»,  <i dirai»  et  <  Mi  ngoài»  dans 
on  sens  bien  différent  de  celui  que  comportent  nos  prépositions  «^sur»,  i^sous» 
et  <en  dehors  de».  Ces  vocables  forment  alors  avec  le  mot  qu'ils  régissent 
des  îdiotismes  fort  embarrassants  pour  les  personnes  qui  ne  sont  pas  suf- 
fisamment familiarisées  avec  la  langue.  Ainsi  *trèn  troi,  dtréi  ddt,  ngoài  cher» 


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172  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

«Choi  hoa,  ché*  de!  May  ngirôi  biêt  hoa? 
«Nirô-c  vô  liru,  mâu  mông  gà, 
«Miron  màii  chîêu  tâp;  lai  là  c6n  nguyên! 
«Map  mô"  dânh  lân  con  den! 

ne  signifiont  pas   ^^au-desêua  du  ciel,  aou»  la  terre,  en  dekort  du  marché »^ 
comme  ils  le  sembleraient  au  premier  abord,  mais  bien  *dan8  le  cid,  qai 
est  placé  au-dessus  de  la  personne  qui  parle;  sur  la  terre,  qui  se  trouve 
au-dessous  d'elle;  au  marché,  qui  est  situé  en  dehors  du  lieu  où  elle  se 
tient».   Souvent  même  le  point  de  comparaison  est  pris  en  dehors  de  la 
personne  qui  parle.  Cela  a  lieu  surtout  dans  les  expressions  figurées  comme 
celle  qui  nous  occupe.   Ici  le  point  de  comparaison  n'est  pas  la  situation 
occupée  par  Tu  bà,  mais  bien  le  ciel,  en  taivt  qu'opposé  à  la  terre.  Il  ne 
faut  cependant  pas  conclure  de  là  que  ^trêii,  duik  et  ngoçi>  perdent  dans 
ces  idiotismes  leur  caractère  de  préposition  (car  leur  "position  P^  rapport 
au  mot  qu'ils  régissent  indique  clairement  qu'ils  la  conservent),  mais  bien 
que  la  langue  française  ne  possède  pas  les  prépositions  correspondante». 
C'est  principalement  par  suite  de  cotte  lacune,  qui  provient  de  l'absence 
dans  notre  esprit  de  l'idée  elle-même,  en  tant  que  spontanée  du  moins, 
que  vient  la  difficulté  que  nous  éprouvons  à  saisir  immédiatement;  le  véri- 
table sens  de  ces  trois  mots  lorsqu'ils  sont  employés  ainsi,  particulièrement 
celui  du  dernier,  ^[%.    Aussi  pensé-je  qu'il  n'est  pas  inutile  d'indiquer  ici 
un  artifice  au  moyen  duquel  on  pourra,  je  crois,  éviter  toute  ej*renr.  Il 
consiste  à  considérer  dans  ce  cas  les  mots  dont  il  s'agit  comme  des  xidjectifs, 
et  la  locution  qu'ils  contribuent  à  former  comme  une  expression   Jocative. 
On  traduira  alors  littéralement  :  *(dan8  le)  situé  en  dessus  —  del;    ('«"'  ^) 
située  en  dessous  —  terre;  (dans  le)  situé  en  dehors  —  marché»,    Ol»  pourra 
éviter  ainsi  des  erreurs  de  traduction  qui  pourraient,  dans  certains  cas, 
aboutir  à  de  fâcheux  contresens. 

Le  mot  *mqt»  est  ici  une  espèce  de  numérale  amenée  par  ««i^»  c* 
s'appliquant  à  l'expression  ^làwj  chai*  à  laquelle  elle  fait  perdre  son  sens 
verbal  pour  le  transformer  en  substantif.  Ce  mot  ^làng  choi>  signifie  *^tre 
un  habitué  de  mauvais  lieux»;  mais  il  entraîne  en  même  temps  l'idée  de  ThI)- 
sence  d'un  scandale  extérieur. 

1.  Litt.  :  *  S'amuser  de  —  les  fleurs  —  sans  doute  —  est  ' facile;  —  (^^tiJ 
combien  d*  —  hommes  —  s^ entendent  à  —  les  fleurs  f  » 

2.  Amaranthiu  crista  galli, 

3.  Litt.  :  «  (De  manière  à  les)  aveugler  —  je  tromperai  —  les  enfants  —  noirf.* 
L'adverbe  ^mâp  mer»  est  placé  par  inversion  au  commencement  du  vers. 
Les  mots  *dành  lân»  signifient  quelque  chose  de  plus  que  notre  verbe 

*  tromper  »,  qui  se  rendrait  par  le  monosyllabe  «  lân  »,  soit  isolé,  soit  uni  à 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  173 

clk  ont  des  amours^  c'est  aisé!  mais,  combien  en  est-il  parmi  eux 

>qm  se  connaissent  en  maîtresses  ^? 
«Avec  de  l'eau  d'écorce  de  grenade^  avec  le  jus  de  la  Crête  de  coq  ^, 

«on  refait  la  couleur  primitive,  et  tout  se  retrouve  au  complet! 

«Le  bon  publie  aveuglément  viendra  donner  dans  mon  piège  ^! 

un  mot  aatre  qne  dành.  Les  Annamites  adjoignent  ce  dernier  verbe,  qui 
signifie  proprement  €  frapper*^  à  un  autre  lorsqu'ils  veulent  exprimer  une 
action  qui  se  répète  toujours  de  la  même  manière  et  qui  peut  être  assimilée 
à  une  série  de  coups  semblables  et  frappés  successivement.  C'est  ainsi  qu'ils 
disent  :  «  :J'T  jw  ^ifh  hoc  — jouer  de  Vargent»,  «  :j^  «4^  dunh  cd  —  pjciier», 
*  ^  BÉ  ^^  9^y^  "  /**^  ^  guerrt  »,  etc.  etc.  Ici  «  :J^  ^C  âành  lân  » 
sig^nifiera  donc  non-seulement  «i  tromper»,  mais  €  tromper  plusieur»  personne» 
suaxMtvemenl  et  de  la  même  mamère».  Cette  expression,  comme  malheureuse- 
ment une  foule  d'autres,  ne  se  trouve  pas  dans  les  dictionnaires  annamites; 
c'est  pourquoi  il  est  utile  d'en  expliquer  le  mécanisme. 

L'emploi  que  je  viens  de  signaler  du  verbe  ddnh  correspond  tout  à  fait 
à  celui  que  les  Chinois  font  du  verbe  <tà*  qui  signifie  également  ^frapper». 
Cest  ainsi  qu'ils  disent  «  :J^  "fè  ta  yù  —  pêcher»,  c  -j^  -jk  ta  choîii  — 
tirer  de  Veau»  etc  II  est  à  remarquer  que  le  caractère  est  le  même  dans 
les  deux  langues;  mais  0  semble  au  premier  abord  qu'il  y  diffère  complète- 
ment au  point  de  vue  de  la  prononciation.  Dans  l'annamite  elle  procède 
très  régulièrement  de  la  phonétique  "J^  dinb,  dont  1'»  s'est  changé  en  a  en 
compontion,  ce  qui  n'a  rien  d'anormal;  tandis  que  dans  le  chinois  cette 
phonétique,  qu'on  y  prononce  «Unh»,  ne  pourrait  en  aucune  façon  donner 
en  se  combinant  le  son  «te».  On  pourrait  en  conclure  qu'il  y  a  là  une  adap- 
tation irrégulière  faite  par  les  Annamites  à  un  mot  de  leur  langue  d'un 
caractère  chinois  qui,  tout  en  répondant  absolument  à  l'idée  qu'exprime  ce 
mot,  en  diffère  absolument  au  point  de  vue  du  son.  Ces  cas  d'adaptation  ir- 
régulière sont  fort  rares,  mais  ils  se  présentent  cependant  quelquefois.  C'est 
ainsi  que  le  signe  mj[,  qui  se  prononce  en  ^S  ^&  *kàn»,  et  en  sinico- 
aanamite  *eam»,  est  à  peu  près  universellement  adopté  dans  l'écriture  vul- 
gaire de  la  Cochînchine  pour  représenter  le  mot  «  dtîm  »,  qui  signifie  comme 
lui  «  oser  »,  mais  dont  la  prononciation  n'a  aucun  rapport  de  parenté  proche 
ou  éloignée  avec  la  phonétique  chinoise  jpj[.  La  représentation  de  ce  mot 
en  écriture  «  chO-  nom  »  devrait  être  quelque  chose  comme  ♦Ê.  11  en  est 
de  même  de  ^thita  —  aaiHr  V occasion»,  et  de  *thira  —  recevoir»  qui  sont 
représentés  par  les  caractères  3ç.  et  S^,  qu'on  prononce  en  ^  ^^  ^ch%ng» 
et  <tch%ng»,  ainsi  que  de  quelques  autres. 

Je  ne  croîs  pas,  cependant,  que  le  caractère  i^  ait  été  admis  comme 
uu  des  caractères  les  plus  fixes  de  l'écriture  vulgaire  annamite  seulement 


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174  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÇN. 

840    «Bao  nhiêu  cûng  bây  nhiêu  tien!  Mât  chî? 

«Mu  già  hoàc  cô  dëu  g\, 

«Lieu  công  mât  mot  buôi  qui  ma  thôi! 

«Dell  dây,  duô-ng  sa  xa  xuôî; 

«Ma  ta  bât  dong  nfra,  ngu'W  sanh  nghî!» 
845    Tiêc  thay  mot  doâ  Trà  mi! 

Con  ong  dâ  mô*  dàng  di  loi  vë! 

Mot  cou  mu-a  giô  nâng  ne, 

Thu'ang  g\  dên  ngoe?  Tiêc  g\  dên  huong? 


en  mison  de  la  parité  de  signification,  comme  cela  paraît  être  le  cas  pour 
f^.  Je  suis  disposé  tout  au  contraire  à  croire  que  la  prononciation  anna- 
mite vulgaire  ^dành»  dérive  d'une  prononciation  similaire  adoptée  autre- 
fois en  Chine  pour  ce  caractère,  concurremment  avec  «  rfa  »,  qui  a  été  con- 
servé pour  la  prononciation  sinico- annamite  du  même  signe.  M.  Wells 
Williams  donne  on  effet  les  sons  «fia»,  <idap»  et  titâng»  comme  corres- 
pondant anciennement  au  son  actuel  chinois  «^à».  «Da»  a  été  conservé 
sans  altération  dains  la  prononciation  sinico-annamite  (tîàj  du  caractère  dont 
nous  nous  occupons.  Quant  à  *tàng»,  affecté  d'une  brève,  il  présente  la 
plus  gi'ande  analogie  avec  le  «^itdnJi»  vulgaire  annamite;  il  est  probable 
même  qu'à  part  la  transformation  du  t  en  <t  qui  est  commune  et  n'a  pas 
d'importance,  le  son  que  M.  Wells  Williams  représente  par  «dfn^»  (affecté 
d'une  brèvej  est  identique  avec  <anh».  C'est  une  pure  question  de  trans- 
cription. 

De  même,  bien  que  le  savant  sinologue  que  je  viens  de  citer  n'indique 
pas  d'ancienne  prononciation  chinoise  coiTCspondant  au  ^tfiua»  annamite 
pour  les  caractères  ^  et  yS^,  je  suis  convaincu  qu'il  a  dû  en  exister  une; 
ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'à  à  Soua  t 'eôu,  au  son  <  cbing  »  du  1^  ^^  cor- 
respondent «scng»  et  ^ê'^ia»;  et  à  «tching»  correspondent  «cheng»,  «teng», 
«chfn»,  <^chHa»  et  «^"c».  Or  ceux  de  ces  sons  qui  sont  reproduite  ici  en 
italique  ont  un  rapport  de  parenté  visible  avec  *ikira»,   11  faut  donc  en 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  175 

«  Ântant  il  en  viendra^  autant  paieront  de  même,  et  je  n'y  perdrai  84o 

>rien  »! 
«S'il  arrive  quelque  chose  à  la  vieille, 

«Elle  fera  si  bien  qu'elle  en  sera  quitte  pour  perdre  quelques  instants 

> passés  à  genoux  devant  le  tribunal^! 
«Pour  arriver  jusqu'ici,  nous  avons  fait  beaucoup  de  chemin, 

«  et  si  nous  restions  inactifs,  on  pourrait  bien  concevoir  des  soupçons!  » 

ô  pauvre  tige  de  Trà  mi!  846 

L'abeUle  a  trouvé  le  chemin  (de  tes  fleurs),  et  (désormais)  son  va  et 
vient  commence  3! 

En  de  si  terribles  assauts  ^ 

qui  aura  compassion  de  cette  perle?  Qui  ménagera  ce  parfum? 


conclure  que  pour  qu'un  caractère  soit  prononcé  chez  des  populations  tout 
à  fait  distinctes  d'une  manière  sensiblement  analogue,  il  faut  que  les  vo- 
cables adoptés  par  elles  proviennent  d'une  origine  commune.  C'est  dans 
les  indications  qui  nous  restent  des  anciennes  prononciations  chinoises  que 
l'on  devra  chercher  la  clef  des  contradictions  qui  existent  entre  celle  qui 
a  été  adoptée  pour  certains  caractères  soit  annamites,  soit  sinico  annamites, 
et  la  phonétique  chinoise  qui  devrait  lui  servir  de  base. 

L'expression  «  con  den  —  &*  enfants-noir»  »,  comme  celle  de  «  dân  âen  —  A? 
peiiple-noir  »,  est  la  traduction  en  annamite  vulgaire  des  mots  chinois  «  |^  j^ 
le  dân*  qui  signifient  elliptiquement  <  le  peuple  aux  cheveux  noirs»,  c'est-à-dire 
*les  Chinois* y  et  par  extension  *la  masse  du  peuple  considérée  en  général^  le 
vulgaire*. 

1.  Litt.  :  <^  Autant  (il  en  viendra),  —  tout  aussi  bien  —  autant  (il  y  aura) 
—  émargent;  —  je  perdrai  —  quoif» 

2.  Elle  s'arrangera  pour  être  renvoyée  absoute  par  le  tribunal  en  cor- 
rompant les  juges  de  quelque  manière.  Devant  les  tribunaux  chinois  les 
accusés  se  tiennent  à  genoux. 

3.  Litt  :  «  VafieiUe  —  a  ouvert  —  le  chemin  —  d'aller  —  (et)  le  sentier  — 
de  revenir!* 

4.  Litt.  :  «  (Vans)  un  —  acehs  —  de  vent  —  (et)  de  pluie  —  grave,  * 


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176  KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

Tiec  xuân  mot  giâc  ma  màng, 
850    Duôc  hoa  de  d6;  mot  nàng  ngôi  tra! 

Giot  rîêng  tâm  ta  tuôn  mira, 

Phân  e  nôi  khâch,  phân  lo  n5i  m\nh! 

«Tuông  chi  là  gîông  hôi  tanh? 

«Thân  ngàn  vàng  dé  ô  danh  ma  hông! 
855    «Thôi!  C6n  chi  nfra  ma  mong? 

«DM  ngirôi  thôi  thê,  là  xong  mot  dW!» 

Gîân  duyên  tùi  phân  bôi  bW, 

Câm  dao,  nàng  dâ  toan  bàî  quyên  sinh! 

Nghï  di  nghï  lai  mot  mlnh  ; 
860    «Mot  mlnh  thM  chô*!  Hai  tinh  tliW  sao? 

«Sau  dâu  sanh  su*  thê  nào, 

«Triiy  nguyên,  châng  kèo  luy  vào  song  thân! 

«Dânh  lieu!  Au  hây  thâ  dan! 


1.  Lîtt.  :  «  Un  feaUn  —  de  printemps  —  dans  un  —  sommeil  —  elle  ne  dis- 
tingue pas  bien.» 

Le  régime  est  placé  par  inversion  au  commencement  du  vers. 

2.  Litt.  :  «  Les  gouttes  —  particulières  —  en  abondance  —  coulent  à  flots  — 
(comme  une)  pluie.  » 

Le  mot  «mtm  —  pluies  est  adverbe  par  position. 

3.  Litt.  :  «fJ5n  faU  de)  comédie  —  quoi  —  est  —  (celle)  espèce  —  puante f  9 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  177 

YoTant  dans  son  sommeil  confusément  des  choses  immondes  \ 
Kiêii  est  là;  seule;  accablée^  près  de  sa  lampe  solitaire!  ^50 

Elle  laisse  de  ses  yeux  s'échapper  un  torrent  de  larmes  \ 
Elle  a  peur  de  cet  étranger;  elle  s'inquiète  de  ce  qui  l'attend! 
«A  quoi  doit  aboutir»,  se  dit-elle,  «cette  comédie  suspecte^? 

«Je  laisse,  en  livrant  ce  corps  précieux,  souiller  ma  réputation  de  - 

>  jeune  fille  distinguée  ^! 
«Cen  est  assez,  hélas!  que  pourrais-je  espérer  encore?  855 

«Puisque  ma  vie  doit  être  telle,  il  ne  me  reste  plus  qu'à  en  trancher 

>lefil!> 
Irritée  contre  son  destin,  exhalant  contre  lui  de  vives  plaintes, 


la  jeune  fille  saisit  son  couteau;  elle  va  s'en  servir  pour  terminer  ses 

jours! 
(Mais)  dans  son  cœur  perplexe  les  réflexions  se  succèdent  : 


«Ah!  s'il  s'agissait  de  moi  seule!»  dit-elle.  «Mais  que  deviendront  860 

>(les  objets  de  mes)  deux  amours^? 
«S'il  s'ensuivait  plus  tard  quelque  aflfaire, 

«  et  qu'on  remontât  à  la  source,  infailliblement  on  s'en  prendrait  à  mes 

>  parents!» 

«Je  me  dévoue  à  tous  risques!  provisoirement  laissons  aller  les 

>  choses  «! 

4.  Litt.  :  €(Ma)  personne  —  de  mUle  —  (ImgoU)  cTor  —  laiêêe  —  touiller 

—  fna  réputation  —  de  joues  —  roses/» 

6.  Litt-  :  €(Qtumt  à)  Vuràque  —  moi-même,  —  d'un  côté  —  peu  importe/  — 
(Quant  à  mes)  deux  —  amours,  —  de  Vautre  côté  —  commentf» 

6.  Litt.  :  *  Je  frappe  —  (un  fait  de)  nC  exposer/  —  Définitivement  —  relâchons 

—  peu  à  peu/» 

*Bânh  Uiu»  signifie  €s^exposer  à  ses  risques  et  périls».  Le  verbe  ^dânk» 

12 


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178  KIM  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

«E^lp  chây,  thôi!  cûng  mot  lân  là  thôi!» 
866    Nhtrng  là  do  dân  ngirçrc  xuôî, 

Tîêng  gà  nghe  dâ  gây  thôi  mai  tirông. 

Lâu  mai  vita  lue  ngni  snong, 

Ma  sanh  giuc  giâ  voi  vàng  ra  di. 

Boan  tnrfmg  thay,  lue  phân  ky! 
870    Vô  eu  khâp  khînh;  bânh  xe  gâp  gMnh, 

Bë  ngoài  lên  dàm  tnràng  dinh; 

Vuœng  6ng  gânh  tiêe  tien  hành  dira  theo. 

joue  dans  cette  expression  le  même  rôle  que  dans  celles  qui  désignent  les 
diverses  sortes  de  jeu,  comme  c  :J^  ^|r  ddnk  cù  —jouer  au  dùque*,  c  ^J^  jffi 

ddnh  bài  —  jouer  aux  carte»  »,  «  JT*  JMl  dânh  c^  —  jouer  aux  échec»  »,  etc. 
etc.  Cela  vient  que  dans  le  fait  de  quelqu'un  qui  s'expose  ainsi  il  y  a  un 
aléa;  il  ne  sait  s'il  doit  succomber,  ou  s'il  échappera  au  malheur  qu'U  re- 
doute. 

1.  Litt.  :«.,..  fe  contraire  et  le  favorable,  » 

2.  Litt.  :  *(8ur)  le  palaiê  —  du  Mai,  —  de»  le  moment  de  —  »e  calmer 
(commencer  à  »e  dissiper)  —  la  rosée,  > 

L'auberge  est  appelée  le  palais  du  Mai  parce  qu'elle  renferme  sous  son 
toit  la  jeune  femme,  poétiquement  comparée  à  cet  arbre. 

3.  Litt.  :«....&  moment  —  de  diviser  —  la  divergence!» 

Le  mot  €ky»  désigne  le  point  où  aboutissent  des  chemins  divergents; 
et  ^pMn  là/*  Be  dit  de  l'action  de  gens  qui,  après  avoir  suivi  d'abord  le 
même  chemin,  se  séparent  à  cette  bifurcation. 

4.  €  KhéCp  kkînhj  gâp  glành  »  sont  des  onomatopées  très  expressives. 

6.  Litt.  :  «  A  Vextérieur  —  on  monte  —  le  dàm  —  de  la  située  à  une  longue 
distance  —  »tation.» 

La  poste  se  fait  en  Cochinchine  par  l'intermédiaire  de  cavaliers  qui, 
à  des  intervalles  déterminés,  partent  chargés  de  tubes  de  bambou  cachetés 
qui  renferment  les  correspondances.  Ces  cavaliers,  qui  peuvent  faire  de  seize 
à  dix-huit  lieues  par  jour,  se  reposent  de  distance  en  distance  dans  une 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÇN.  179 

<  Qae  ce  soit  tôt  oa  tard;  il  me  suffira  d'un  moment!» 
Pendant  qu'elle  reste  ainsi,  pesant  le  pour  et  le  contre  \  866 

sur  la  crête  de  la  muraille  voilà  que  le  coq  a  chanté. 
Dès  que  la  rosée  (de  la  nuit)  a  séché  sur  (le  toit  de)  l'auberge  '^, 
le  seigneur  Ma  en  toute  hâte  la  presse  de  se  mettre  en  route. 
Hélas!  qu'il  est  douloureux,  le  moment  où  l'on  se  sépare  ^î 
Le  sabot  du  cheval  résonne,  la  voiture  cahote  \  870 

et  l'on  arrive  ainsi  jusqu'à  la  station  du  tram  K 
Le  vieux  Vuomg  venait  derrière,  portant  le  repas  des  adieux'*. 

aorte  de  gare  située  au  bord  de  la  route  et  que  Ton  appelle  un  tram.  C'est 
là  qu'ils  se  relaient  ou  changent  de  chevaux. 

6.  Les  Chinois  donnent  un  dîner  d'adieu  à  leurs  amis  on  parents  qui 
partent  pour  un  voyage.  Cette  coutume,  qui  s'appelle  ^^  ^,  est  extrême- 
ment ancienne.  Dès  avant  l'époque  de  Confucius,  nous  voyons  les  amis  du 
voyageur  l'escorter  à  une  assez  longue  distance;  puis  après  que  ce  dernier 
avait  offert  un  sacrifice  au  génie  du  chemin,  ils  buvaient  avec  lui  et  lui 
ofifraient  un  festin  sur  le  lieu  même  de  la  séparation  (^t  «1}*  On  trouve 
dans  le  ^  j^  (ode  ^^  ^^^  une  description  assez  complète  et  fort  cu- 
rieuse de  cette  cérémonie. 

m  m  n  ^  m  %  m  %  m  m^  m 
^  M  ^  m  :st  m  m  m  -is  ik=f  m 

Wo  -i-o  $o  ^o  fio  Mo  Ho  ^o  ^o^oMoifto 

Hàn  hdu  xuât  to; 


XuéCt  tùc  vu  Bo, 
HÙn  Phu  Hm  cki 


12« 


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180  KiM  vAn  kiëu  tAn  têuyên. 

Ngoàî  thi  chù  khâch  dâp  dëu; 

Mot  nhà  huyên  vôi  mot  Kiêu  b  trong. 
876    Nhin  càng  Ift  châ  giot  hông! 

Dî  tai,  nàng  moi  giâî  15ng  thâp  cao. 

cVâ  sanh  ra  phân  tha  dào! 

«Công  cha  nghïa  me  kiêp  nào  trâ  xong? 

«Lô*  làng,  nirô-c  duc  pha  trong; 
880    tTrâm  nâm  de  mot  tam  long  tit  dây! 

«Xem  giro-ng  trong  bây  nhîêu  ngày, 

«Thân  con  châng  kèo  mâc  tay  bqm  già! 


Than  t&u  bâ  h&. 
Ky  hào  duy  hàf 
Bào  biêt,  Uên  ngu, 
jEj/  tÔc  duy  hàf 
Buy  tuân  câp  h^, 
Ky  tànff  duy  TUif 
Thvea  tho,  lo  xa. 
Bien  dâu  hthi  thà. 
Hdu  thi  yen  ift! 

Le  Hdu  de  Hèm  quitta  la  cour. 

n  partit  et  passa  la  nuit  à  B&. 

Bien  Phy,  lui  offrit,  au  festin  des  adieux, 

cent  h&  d'un  vin  clair  et  limpide. 

Or  les  viandes,  que  furent-elles? 

De  la  tortue  rôtie,  du  poisson  frais. 

Et  les  légumes,  que  furent-ils? 

Des  pousses  de  bambou,  des  racines  de  jonc. 

Que  furent  aussi  les  présents? 

Un  char  de  dignitaire  avec  son  attelage. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  181 

Au  dehors  hôte  et  convives  en  tumolte  (s'agitèrent) 

(tandis  qne)  KiSa  et  sa  mère  se  tenaient  seules  an  dedans. 

Plus  elles  se  regardaient^  plus  leurs  yeux  se  baignaient  de  larmes!  875  ^ 

Parlant  à  Toreille  (de  Vvrcmg  bà),  la  jeune  femme  ouvrit  complète- 
ment son  cœur  K 
<  (Le  Ciel)  en  me  créant  de  moi  fit  une  (faible)  fille  ^! 

«Dans  quelle  vie  me  sera-t-U  donné  de  m'acquitter  envers  mon  père 

>et  vous? 
«J'ai  manqué  le  but  (de  mon  existence)!  mais  je  veux  laver  ma  souil- 

>  lure  ^, 

«  et  jusqu'à  la  fin  de  mes  jours  mon  cœur  ne  vous  quittera  pas  ^!       ^^^ 

5  En  réfléchissant  ^  à  ce  qui  s'est  passé  ces  jours  ci^ 

«il  n'en  faut  point  douter  «!  votre  enfant  se  trouve  aux  mains  d'un 

>  misérable! 

Corbeilles  et  plats  étaient  en  grand  nombre, 
(car  les  autres)  Hdu  s'associaient  au  festin! 

Ici  les  choses  se  passent  autrement,  et  ce  n'est  pas  sans  intention  que 
le  poète  nous  montre  le  pauvre  Vttang  ông  portant  tout  le  repas  aux  deux 
bouts  de  son  balancier. 

1.  Ldtt.  :  « délia  —  ton  cçeur  —  dCune  manière  basse  —  tt  d^une 

^^amkre  haute.» 

2.  Litt.  :  «Or  —  je  sui*  née  —  dans  une  condition  —  de  tendre  —  &ào;> 

3.  Litt.  :  «  (SiJ  fai  manqué  mon  hut,  —  à  Veau  —  trouble  —  je  mélangerai 

—  (de  Veau)  limpide  I» 

4.  Litt.  :  €  (Pendant)  cent  —  ans  —  je  laisserai  —  (mon)  unique  —  cœur 

—  à  partir  d*  —  ici/» 

6.  Litt.  :  «JS»  regardant  —  à  la  manière  d\n  miroir  (comme  on  regarde 
dam  un  miroir)  —  dans  —  tous  ces  —  jours,» 

•  Cheomg»  est  adverbe  par  position.  La  jeune  femme  suppose  poétique- 
ment qne  devant  ses  yeux  se  trouve  placé  un  miroir  dans  lequel  se  voient 
les  événements  qui  se  sont  passés  récemment 

6.  €  Ching  kéo  »,  qui  signifie  «  sans  aucun  doute  »,  est  une  expression  dont 
l'étymologie  a  besoin  d'être  mise  en  lumière. 


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182  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

«Khi  vë,  bô  vâng  trong  nhà; 

«Khi  vào,  dùi  thâng;  khi  ra,  vôi  vàng! 
885    «Khi  an,  khi  n6i,  Id*  làng! 

«Khi  thây,  khi  td,  xem  thirùoig  xem  khinh. 

«Khàc  màu  kè  qui  ngrrôi  thanh! 

«Gâm  ra  cho  kï,  nhir  hinh  con  buôn. 

«Thôi!  Con  c5n  nôi  chi  con? 
890    «Sông,  nhir  dât  khàch;  thâc,  chôn  que  ngirôi!» 

Vuong  bà  nghe  bây  nhîêu  IM, 

Tîëng  «oan!»  dâ  muôn  vach  trôi  kêu  lên! 

Vài  tuân  chfra  can  chén  khuyên, 

Mai  ngoài  nghl  dâ  giuc  lien  ruôî  xe. 
895    X6t  con,  16ng  nàng  bè  bè, 

THrô-c  yen  ông  lai  nân  ne  thâp  cao. 

^Kêo»  veut  dire  €  de  peur  que  t^.  Associé  à  ^ching^,  négation  d'existence 
qui  suppose  nécessairement  la  présence  d'un  verbe  sous-entendu,  il  constitue 
une  formule  dont  la  traduction  littérale  serait  :  «ne  pas  (il  y  a  un)  —  de 
peur  que  >.  «  D  n'y  a  pas  de  de  peur  qtte  »  revient  à  dire  qu'on  se  trouve 
dans  une  situation  où  un  fait  inspirant  une  crainte  exprimée  par  l'expres- 
sion €de  peur  que*  (suivie  d'un  verbe)  est  certain  ou  inévitable.  On  ne  peut 
plus  dire  :  «de  peur  que  (cela  n'arrive)»,  puisque  la  chose  est  arrivée.  —  On 
rencontre  une  association  d'idées  analogue  dans  certaines  locutions  de  notre 
langage  familier,  telles  par  exemple  que  celle-ci  i  *U  n'y  a  peu  à  dire  non!» 

1.  Litt.  :  « il  laiêse  —  (le  fait  d'être)  solitaire  —  dans  —  la  maistm,  » 

2.  Litt.  :  «  Tantôt  —  les  maîtres,  —  tantôt  —  les  serviteurs  —  le  regardent 


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KIM  VÂN  KIËU  TAN  TRUYÊN.  183 

«n  laisse,  lorsqu'il  s'en  va,  la  maison  vide  et  déserte  >; 
€  lorsqu'il  rentre,  il  hésite;  lorsqu'il  sort,  c'est  à  la  hâte! 
cTout  sonne  faux  dans  ses  façons  d'agir!  885 

«Tant  les  maîtres  que  les  valets  le  traitent  sans  considération 2. 
«Ses  manières  ne  sont  point  celles  des  personnes  honorables! 
«En  y  regardant  de  près,  il  semble  qu'il  fait  un  trafic. 
«Cen  ^t  fait  de  votre  fille!  Elle  n'existe  plus  pour  vous *! 

«Vivante,  elle  habitera  une  terre  étrangère;  un  autre  sol  gardera  sa  890 

»  dépouille  !> 
A  ces  paroles,  Vv;(mg  bà 

voudrait  jusques  au  ciel  crier  à  l'injustice  ^! 

A  peine  avait-on,  à  quelques  reprises,  puisé  le  courage  dans  la  tasse 

des  adieux 
que  (Ma)  sortit  de  la  maison  et  pressa  le  départ  du  chariot. 

A  la  vue  de  sa  malheureuse  enfant  le  père  sent  son  cœur  lourdement  895 

oppressé! 
Il  se  tient  devant  le  cheval  ^,  et,  gémissant,  il  parle  ainsi  : 

—  (comme  on  regarde  un  être)  ordinaire,  —  le  regardent  —  (comme  on  regarde 
un  être  dont  on)  fait  peu  de  com,  » 

L'adjectif  ^thubng  —  ordinaire»  et  le  verbe  ^khvnh  — faire  peu  de  cas* 
deviennent  ici  adverbes  par  position. 

3.  Litt.  :  *  Assez!  —  (Votre)  fille  encore  —  est  dite  —  en  quoi  (votre)  fille  f» 

4.  Litt.  :  ii(par  le)  cri  :  —  *  Injustice!»  —  dès  à  présent  —  veut  —  rager 

—  te  Ciel  —  (et)  appeler  —  en  haut!» 

Une  lame  qui  raie  une  surface  y  produit  une  empreinte.  Vwomg  bà  vou- 
drait agir  de  cette  manière  sur  le  Ciel,  afin  de  produire  sur  lui  une  im- 
pression plus  considérable  et  en  obtenir  justice. 

5.  Litt*  :  €la  selle». 


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184  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUY^N. 

cXôt  thân  lieu  y  eu  thcr  dào, 

cRâp  nhà  dên  nôi  chen  vào  tôî  nguroi! 

cTit  dây  gôc  bè  ven  trôi, 
900    «Nâng  mira  thùi  thùî,  que  ngu^ôi  mot  thân! 

cNgàn  tam  nhir  bông  Tùng  quân! 

cTuyêt  surcrng  che  chô*  cho  thân  cât  dâng!» 

Can  loi,  khàch  moi  thura  rang  : 

cBuoc  chou  thôi  cûng  xich  thâng  nhiem  trao! 
905    «Mai  sau  dâu  dên  the  nào, 

«Kia  gu-ang  nhut  nguyêt!  No  dao  qui  thân!» 


1.  Litt.  :  €Ayez  pitié  de  —  la  perê<nme  -—  du  $auU  —  f<Me,  —  du  tendre 

—  J>oo,» 

2.  Litt  :  «  (Loin)  à  partir  cT  —  tct,  —  au  bout  —  de  la  mer,  —  près  de 

—  le  ciel,* 

3.  Litt.  :  «  (Par)  la  chaleur  —  (et  par)  la  pluie  —  seule  et  désolée,  —  dans 
la  patrie  —  deê  Jionunea  (étrangers)  —  un  seul  —  corps!* 

4.  Litt.  :  «  (Qucmt  à  ses)  mille  —  tétm  (de  hauteur)  —  je  m'appuie  sur  — 
V ombre  —  du  Titng/» 

Le  ^tâm»  est  une  mesure  de  longueur  qui  équivaut  à  cinq  Uwô-c  et  demi, 
c'est-à-dire  2°»6786. 

6.  Litt.  :  «  (Quant  à)  la  neige  —  et  à  la  rosée  —  exercez  votre  protection 

—  pour  —  le  corps  —  du  Cât  dângf* 

«Le  jS  Cât»,  dit  M.  Wells  Williams,  «est  une  plante  rampante  et  co- 
mestible, une  espèce  de  DoUchos  (probablement  D.  trilobus)  dont  les  fibres 
servent  à  faire  de  la  toile  et  dont  on  mange  quelquefois  les  tiges.  Cette 
sorte  de  plante  se  trouve  nommée  un  grand  nombre  de  folâ  dans  le  ^  ÛB,  * 
aussi  les  poètes  annamites,  qui  puisent  là  une  grande  partie  de  leurs  ins- 
pirations, n'ont-ils  garde  d'en  dédaigner  l'emploi  en  composant  leurs  méta- 
phores. Quant  au  mot  «  ^£  dâng  »,  c'est  le  nom  générique  des  plantes  qui 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  185 

«Ayez  compassion  de  nia  fille,  tendre  et  délicate  enfant  \ 
«que  le  malheur  de  notre  famille  a  rangée  parmi  vos  servantes! 
«A  partir  de  ce  jonr,  loin,  bien  loin  de  ces  lieux  ^, 

«seule  et  désolée  sur  une  terre  étrangère,  elle  va  être  exposée  aux  900 

»  vicissitudes  de  l'existence  ^î 
«Ainsi  qu'un  gigantesque  ÎSnjf,  lui  prêtant  votre  appui  tutélaire  ^, 

«protégez  cette  frêle  liane-*  contre  la  neige  et  la  rosée! » 

D  se  tait,  et  l'étranger  avec  respect  lui  répond  : 

«Ne  craignez  rien;  les  mystérieux  fils  rouges  nous  lieront  désormais 

»run  à  l'autre  «! 
«Si  dans  la  suite,  (par  mon  fait)  il  lui  arrivait  quelque  chose ',  905 

«ici  (nous  sont  témoins)  le  soleil  et  la  lune;  le  glaive  des  esprits 
»estlà^!» 

traînent  sur  le  sol.  La  réunion  des  deux  caractères  prend  en  chinois  une 
signification  méprisante,  celle  de  €parasUei>;  mais  en  Cochinchine  <c&  dàng^^ 
paraît  aussi  désigner,  au  propre  et  sans  figure,  le  DoUchos  trilobui. 

L'auteur  du  Tûy  Kiêu  a  voulu  évidemment  jouer  sur  cette  double  signi- 
fication. Vmmg  bà,  comparant  Ma  Oiâm  aanh  à  un  pin  majestueux,  lui 
demande  de  prêter  son  soutien  à  son  enfant  qu'elle  assimile  au  jS  Cdt, 
plante  qui,  abandonnée  à  elle-même,  ne  saurait  s'élever  an-dessus  du  sol 
où  elle  se  traîne;  mais  en  outre,  en  ajoutant  à  ce  mot  Jg  Tépithète  ^^ 
dànff,  elle  applique  par  humilité  à  sa  fille  une  dénomination  qui,  tout  en 
étant  celle  du  DoUque  à  troit  lobes,  désigne  aussi  couramment  un  être  gênant 
et  nécessiteux;  lui  donnant  à  entendre  que,  bien  que  Kiêu  ne  doive  être  pour 
lui  qu'un  parasite  désagréable^  elle  espère  néanmoins  de  sa  grandeur  d'âme 
qu'il  la  protégera  contre  les  accidents  fâcheux  de  la  vie,  désignés  ici  mé- 
taphoriquement sous  les  noms  de  ^ neige»  et  de  €ro$ée». 

6.  Litt.  :  «  (Pour  nous)  attacher  —  les  pieds,  —  U  suffit!  —  tout  aussi  bien  — 
ks  rouges  fils  —  mystérieusement  —  sont  donnés  t  »  —  Voir  la  légende  de  Vi  C3, 

7.  Litt  :  *  Demain  —  (ou)  après  —  si  —  (quelque  chose)  arrive  —  d'une 
manière  —  quelle  (qu'elle  soit),* 

8.  Ma  Qidm  Sanh  prend  à  témoins  le  soleil  et  la  lune  de  l'engagement 


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186  KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Bùng  dùng  giô  giuc  mây  Tan; 

Mot  xe  trong  côi  hông  trân  nhu*  bay. 

Trông  voi;  bât  luy;  phân  tay! 
910    G6c  trôi  thâm  thâm,  ngày  ngày  dâm  dàm. 

Nàng  thM  cSi  khâch  xa  xâm; 

Bac  phau  eau  giâ,  chan  dâm  ngàn  mây. 

Vi  lau  sât  sât  hoi  mai; 

Mot  trM  thu  de  riêng  tây  mot  ngirM! 
915    Dàm  khuya  ng(H  tanh  mù  khci; 

Thây  tràng  ma  then  nhirag  IM  non  sông! 


qu'il  contracte  d'aimer  et  de  protéger  la  jeune  femme  qu'il  feint  d'épouser; 
consentant  à  ce  que  les  esprits  lui  arrachent  la  vie,  s'il  vient  à  manquer  à 
sa  promesse. 

1.  Les  montagnes  de  ^è  Tân  ou  ^  ^k  Tdn  îânk  se  trouvent  dans 

le  sud  de  la  province  chinoise  du  |â|^  ]^  Thiim  tây  (Chèn  si),  Tûy  KUu, 
voyageant  dans  le  ijj  ]^  Son  tây  (Chân  n)  qui  l'avoisine,  aperçoit  cette 
chaîne  au  loin  dans  le  sud-ouest. 

2.  Litt  :  «  EUe  regarde  V espace j  —  elle  est  supprimée  —  (quant  aux)  larmes; 
—  elle  est  séparée  —  (quant  aux  mains)!* 

3.  Litt.  :  «  Le  coin  (Vextrémité)  —  du  ciel  —  se  faU  profond  j  —  de  jour  en 
jour  —  c''est  monotone!» 

L'expression  ^Ooc  trai*  peut  s'entendre  de  deux  manières;  soit  de  l'ho- 
rizon, qui  paraît  s'éloigner  sans  cesse  tant  que  le  but  du  voyage  n'est 
pas  atteint,  soit  du  coin  reculé  de  l'espace  où  la  jeune  femme  a  laissé  les 
siens;  coin  de  l'espace  qui  semble  s'enfoncer  dans  l'immensité' à  mesure 
qu'elle  s'en  éloigne.  J'ai  adopté  la  première  de  ces  deux  interprétations 
comme  étant  celle  qui  se  présente  le  plus  directement  à  l'esprit;  mais  tontes 
deux  sont  également  naturelles,  et  font  également  pendant  à  l'idée  contenue 


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KIM  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  187 

Broyant  comme  le  vent  qui  dissipe  les  nuées  sur  le  sommet  des 

monts  Tctn  \ 
le  char  semble  voler  dans  un  tourbillon  de  poussière. 

Kigu,  les  yeux  secs,  regarde  dans  Tespace.  Les  yoilà  (donc)  séparés  ^î 

L'horizon  fuit  devant  elle;  monotones  s'écoulent  les  jours ^!  91» 

La  jeune  fillC;  au  sein  de  régions  inconnues  et  lointaines, 

va  d'horizon  en  horizon,  parcourant  l'espace  immense  ^, 

Les  joncs  et  les  cannes  sauvages  sont  imprégnés  de  la  rosée  matinale  *\ 

La  voilà,  sous  ce  ciel  d'automne,  abandonnée  aux  mains  d'un  homme 

seul! 
La  nuit  a  chassé  la  mer  des  brouillards  ® ;  9i n 

mais  à  la  vue  de  l'astre  qui  l'éclairé,  elle  se  rappelle  avec  confusion 
le  serment  qu'elle  prononça  '. 


dans  le  second  hémistiche.  Le  poète  a  eu  très  probablement  l'intention  de 
donner  à  entendre  Tune  et  Tautre. 

4.  Litt.  :  €(D'*un)  blanc  —  éclatant  —  (U  y  a)  des  ponts  —  de  glace;  —  ses 
pieds  —  se  trempent  dans  —  mille  —  nuages.* 

Cette  fignre  semble  indiquer  au  premier  abord  que  l'héroïne  du  poème 
tranchit  des  montagnes  couvertes  de  glace  et  de  neige;  mais  elle  n'est  pas  ici 
antre  chose  qu'une  formule  poétique  employée  par  l'auteur  pour  exprimer 
la  longueur  du  chemin  parcouru.  Il  nous  la  montre  dans  le  lointain,  dispa- 
raissant à  nos  yeux  comme  le  voyageur  qui  va  franchir  le  col  d'une  haute 
montagne  semble  s'évanouir  peu  à  peu  dans  l'espace. 

6.  Litt.  :  «  Les  joncs  —  et  les  cannes  sauvages  —  adhèrent  à  —  V haleine  — 
du  matin,* 

Le  Vi  est  un  jonc  creux  à  l'intérieur.  Le  lau  est  une  espèce  de  canne 
sauvage  dont  la  tige,  comme  structure,  est  analogue  à  celle  de  la  canne  à 
sucre. 

6.  Litt.  :  «  Sur  les  dam  —  de  la  nuit  avancée  (parcourue  pendant  la  nuit 
avancée)  —  a  cessé  —  le  brouillard  —  haute  mer.* 

*Khod  —  haute  mer»,  est  adjectif  par  position. 

7.  Litt.  :  «fe»  paroles  —  de  montagnes  —  et  de  fleuves». 


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188  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Ritng  thu  tang  bich,  ùa  hông; 

Nghe  chim  nhu*  nhâc  tâm  16ng  thân  hôn! 

Nhûng  là  la  iurdc  la  non! 

920    Lâm  tri  vira  mot  thâng  trôn  dêh  noi. 

Xe  châu  ditng  bânh  cù-a  ngoàî; 

Rèm  trong  dâ  thây  mot  ngwM  birô-c  ra. 

Thoât  trong  Içrt  lot  màu  da! 

An  chî?  Cao  \àn  dây  dà  làm  sao? 
925    Tnrdc  xe  hôn  hô*  han  chào; 

Virag  loi,  nàng  moi  birô-c  vào,  tân  noi. 

Ben  thôi  mây  gâ  mày  ngài, 

Ben  thôi  ngôi  bon  nâm  ngirô*!  làng  choi. 

Giira  thôi  huro-ng  nên  hân  hoi; 
930    Treo  tranh  qnan  thânh  trâng  dôi  long  mày. 

Lan  xanh  quen  loi  xuu  nay; 

1.  Litt  :  «  La  forêt  —  d'automne  —  (quant  à  ses)  étages  —  hleua  —  est  décolorée 
—  (et)  rouge,"» 

2.  Litt  :  ^  Ahtolument  —  c^eêt  —  (le  fait  d)être  étranger  —  (quant  aux) 
eaux,  —  dêtre  étranger  —  (quant  aux)  montagnes!» 

3.  Le  Ngài  est  une  sorte  de  ver  dont  la  forme  est  très  analogue  à  celle 


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KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  189 

La  forêt  montre,  étagées,  ses  nappes  de  verdure  que  Tantomne  et 

rougit  et  décolore  *. 
Le  chant  des  oiseaux  ravive  au  cœur  (de  Kieu)  le  souvenir  (des  jours 


Partout  des  eau  inconnues;  des  montagnes  étrangères^! 

Lorsqu'on  parvint  à  Lâm  tri,  un  grand  mois  s'était  écoulé.  920 

Devant  une  porte  extérieure  le  char  termina  sa  course. 

A  travers  la  jalousie,  quelqu'un  se  fit  voir,  puis  sortit. 

Tout  à  coup,  aux  yeux  (de  la  jeune  fille)  parut  un  homme  au  teint 

blafard. 
De  quoi  se  nourrissait-il,  pour  avoir  cette  taille  énorme? 

Devant  le  char  il  fit  un  salut  joyeux,  et  s'informa  (de  la  santé  des  ^25 

arrivants). 
Invitée  à  le  faire,  la  jeune  fille  docilement  s'avança  dans  l'intérieur. 

(Elle  aperçut)  d'un  côté  des  femmes  aux  sourcils  disposés  en  forme 
de  Ngài^; 

de  l'autre,  elle  vit,  assis,  quatre  ou  cinq  élégants  libertins. 

Au  milieu  de  la  salle  étaient  placés  des  parfums  et  de  l'encens, 

et,  (l'on  voyait),  accrochée  au-dessus,  l'image  d'un  génie  aux  sourcils  93o 

entièrement  blancs. 
Telle  fut  de  tout  temps  la  coutume  de  ces  palais  du  plaisir^, 

da  bombyx  qui  donne  la  soie;  mais  il  est  plus  ondulé  et  pointu  à  sa  partie 
postérieure.  Les  filles  de  mauvaise  vie  ont  coutume  de  donner  à  leurs  sour- 
cils une  certaine  ressemblance  avec  cet  animal. 

4.  Litt.  :  «  Dan$  Uê  palais  —  verU  —  on  est  habitué  à  —  (cesj  sentiers  — 
(depuis)  autrefois  —  (jusqtCà)  pt'ésent,» 


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190  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyen. 

Nghë  nây  tlii  lây  ông  nây  tien  sur. 

HiroTig  hôm,  hoa  sôm,  phiroiig  thir. 

Cô  nào  xâu  via  cho  thura  moi  hàng, 
935    Côî  xîêm^  lot  âo  chân  churfmg, 

Tnrdc  thân  se  nguyen  mânh  hirong  lâm  dam. 

Nêm  hoa  lot  xuông,  chiêu  nâm; 

Birôin  ong  bay  lai  âm  âm  tit  vî. 

Kiêa  c6n  lieu  dât.  Biêt  gi? 
940    Cii*  loi  lay  xuông;  mu  thi  khan  ngay  : 

cCèa  hàng  buôn  bân  cho  may, 

«Dêm  dêm  hàn  thurc,  ngày  ngày  nguyen  tiêa! 


1.  Lîtt.  :  «  (Si  une)  demoiaelU  —  quelle  (qu'elle  9oU)  —  eat  tnauvaite  —  (gutaU 
aux)  esprit»  vitaux  —  de  manière  qu'  —  elle  soit  surpassée  (par  les  autres)  — 
quant  aux  acheteurs  —  de  (sa)  marchandise,  * 

Le  mot  €cho»  fait  des  trois  mots  qui  le  suivent  un  adverbe  de  manière. 

2.  Ce  jeûne  consiste  à  ne  manger  que  des  aliments  froids  préparés 
d'avance  (|^  M^  ^"^  *^)-  H  ^  pratique  dans  le  même  temps  que  les  céré- 
monies en  l'honneur  des  ancêtres  le  troisième  jour  du  troisième  mois,  c'est-à- 
dire  deux  jours  avant  l'époque  du  jS|  ^  thanh  minh.  Voici  quelle  en  est 
l'origine,  telle  qu'elle  se  trouve  rapportée  dans  le  Chinese  readers  manual 
^'ff  '^'^  Kfai  tchê  t'oûï  (était)  un  des  fidèles  adhérents  de  g  ]^ 
»  T 'chông  eûlh,  prince  de  -^  Tsfn,  dont  il  partagea  l'exil  en  654  av.  J.-C. 
»  Lorsque,  dix-neuf  ans  après,  le  prince  revint  et  s'empara  du  pouvoir,  Ki^ 
»  tchê  t'oûï  repoussa  obstinément  toutes  les  ofires  de  récompense  qui  loi 
»  furent  faites,  et,  pour  se  soustraire  aux  instances  de  T'chông  eûlh,  il  quitta 
»  la  cour  en  compagnie  de  sa  mère  avec  laquelle  il  disparut  au  sein  des  forêts 
»des  monts  ^  Jt  Ul-  l^'^près  le  ^  |£  ®*  ^®  ^"ftf»  ^®  prince,  après 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  191 

et  ce  personnage  est  Tesprit  protecteur  des  femmes  de  ce  métier. 

Le  soir  on  l'adore  avec  des  parfnms;  le  matin  c'est  avec  des  fleurs. 

Lorsqu'une  de  ces  demoiselles  manque  d'ardeur  et  que  sa  clientèle 

diminue  \ 
elle  se  dépouille  de  ses  vêtements^  et  dans  une  nudité  complète        935 

elle  adresse  tout  bas  sa  prière  au  génie  en  brûlant  (devant  lui) 

quelques  parfums; 
puis  sur  son  matelas  elle  étend  une  natte  et  s'y  couche. 

De  tous  côtés  alors,  d'un  vol  tumultueux,  viennent  papillons  et  abeilles. 

Kieu  se  tient  immobile,  comme  pétrifiée!  Que  comprendrait -elle  à 

ces  choses? 
Obéissant  à  l'ordre  (de  Tu  bà),  elle  se  prosterne;  et,  sans  rien  dissi-  940 

muler,  la  vieille  fait  cette  prière  : 
«(Si  tu  fais)  prospérer  le  commerce  de  la  boutique, 

«toutes  les  nuits  on  jeûnera  froid;  tous  les  jours  on  fera  Nguyên 


»de8  recherches  infructueuses,  tint  pour  perdu  son  fidèle  partisan,  et  changea 
>  pour  honorer  son  dévouement  le  nom  de  la  chaîne  des  montagnes  en  celui 

*  *1®  "ff^  llj  î  n^^Sj  d'après  une  légende  postérieure  en  date,  il  voulut  forcer 
>Kiai  tchê  t'oûï  à  sortir  de  sa  retraite,  et  fit  mettre  pour  cela  le  feu  à  la 
»  forêt.  L'obstiné  fugitif,  plutôt  que  de  soi-tir,  saisit  les  mains  de  sa  mère; 
>ils  entourèrent  de  leurs  bras  le  tronc  d'un  arbre  et  périrent  dans  les  flam- 
»mes.  En  souvem'r  de  cet  événement,  une  singulière  coutume  s'établit  dans 
>le  Nord-ouest  de  la  Chine.  Elle  consistait  à  s'abstenir  de  l'usage  du  feu 
»  pendant  toute  la  durée  du  troisième  mois  de  chaque  année  (époque  à  la- 

*  quelle,  disait-on,  avaient  été  brûlés  les  fugitifs);  et  comme,  par  suite,  on  ne 
«mangeait  que  des  aliments  froids,  cette  pratique  prit  le  nom  de  «  ]f^  ^  » 
>ou  c  1^  ^^  »,  et  aussi  de  «  ^^  M3  —  interdiction  de  la  fumée».  Pendant 
>ce  temps-là  tout  le  monde  mangeait  des  œufs  teints  de  diverses  couleurs, 
*et  l'on  dressait  des  branches  de  saule  à  l'entrée  des  maisons.  On  trouva 
»qne  cet  usage  de  s'abstenir  de  feu  causait  un  tel  préjudice  à  la  santé 
»  générale  que  dans  le  cinquième  siècle  de  l'ère  chrétienne  l'empereur  Wôu 


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192  KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

«Muôn  ngàn  ngirW  thây  cûng  yêu! 
«Xân  xao  anh  en!  dâp  dêu  tnrô'C  mai! 
946    cTîn  ve  vach  là  thcr  bàî, 


»  ti  des  Wéi  rendit  un  édit  spécial  pour  interdire  de  se  livrer  désormais  à 
»  cette  pratique.»  (W.  F.  Mayebs,  Chmeae  readera  manuai,  page  80.) 

Quant  au  jf*  ^j^  Nguyên  tiêu,  on  appelle  ainsi  la  nuit  pendant  laquelle 
tombe  la  pleine  lune  du  premier  mois  chinois,  et,  par  dérivation,  la  célèbre 
fête  de9  Lanternes,  dont  la  date  est  officiellement  fixée  à  cette  époque.  Cette 
fête  est  certainement  la  plus  curieuse  et  la  plus  animée  de  toutes  celles 
que  célèbrent  les  Chinois.  Je  ne  saurais  mieux  faire,  pour  en  présenter  une 
idée  exacte,  que  de  reproduire  ici  l'excellente  description  qu'en  donne  Tabbé 
Grosieb,  dans  sa  description  de  la  Chine  : 

«Cette  fête  est  fixée  au  quinzième  jour  du  premier  mois;  mais  elle  corn- 
»mence  dès  le  13  au  soir  et  ne  finit  que  dans  la  nuit  du  16  au  17.  Elle 
»est  générale  dans  tout  Tempire,  et  Ton  peut  dire  que,  pendant  ces  trois 
»ou  quatre  nuits,  toute  la  Chine  est  en  feu.  Les  villes,  les  villages,  les  ri- 
»vages  de  la  mer,  les  bords  des  chemins  et  des  rivières  sont  garnis  d'une 
»  multitude  innombrable  de  lanternes  de  toutes  les  couleurs  et  de  toutes 
»  les  formes.  Les  villes,  les  rues,  les  places  publiques,  les  façades,  les  cours 
»des  palais  en  sont  ornées;  on  en  voit  aux  portes  et  aux  fenêtres  des  mai- 
»sons  les  plus  pauvres.  Tous  les  ports  de  mer  sont  illuminés  par  celles  qu'on 
»  suspend  aux  mâts  et  aux  agrès  des  jonques  et  des  sommes  chinoises.  On 
»  allume  peut-être  dans  cette  fête  plus  de  deux  cent  millions  de  lanternes. 
»  Les  Chinois  opulents  rivalisent  de  magnificence  dans  ce  genre  d'illumina- 
»tion  et  se  piquent  de  suspendi-e  devant  leurs  maisons  les  plus  belles  lan- 
»  ternes;  celles  que  font  faire  les  grands  mandarins,  les  vice-rois  et  l'empereur 
»  lui-même  sont  d'un  travail  si  recherché,  que  chacune  d'elles  coûte  quelque- 
»  fois  jusqu'à  quatre  et  cinq  mille  francs.  On  en  construit  de  si  vastes,  qu'elles 
»  forment  des  salles  de  vingt  à  trente  pieds  de  diamètre,  où  l'on  pourrait 
»  manger,  coucher,  recevoir  des  visites  et  représenter  des  comédies.  On  y 
»  donne  en  eflTet,  par  l'artifice  de  gens  qni  s'y  cachent,  plusieurs  spectacles 
»pour  l'amusement  du  peuple. 

«Ds  y  font  paraître»,  cQt  le  P.  Ddhalde,  «des  ombres  qui  représentent 
»  des  princes  et  des  princesses,  des  soldats,  de  bouffons  et  d'autres  person- 
»  nages,  dont  les  gestes  sont  si  conformes  aux  paroles  de  ceux  qui  les  font 
»  mouvoir,  qu'on  croirait  véritablement  les  entendre  parler.»  Quelques-unes 
»de  ces  lanternes  reproduisent  aussi  toutes  les  merveilles  de  nos  lanternes 
»  magiques,  autre  invention  joyeuse  que  nous  devons  peut-être  aux  Chinois. 

«  Outre  ces  lanternes  monstrueuses  qui  sont  en  petit  nombre,  une  infinité 
»  d'autres  se  font  remarquer  par  leur  élégante  structure  et  la  richesse  do 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  193 

cQu'à  sa  vue  des  milliers  d'hommes  se  sentent  épris  d'amour! 

cQue  la  fonle  des  galants  se  presse  et  bmisse  à  nos  (»^UIes  ^i 

cQaand  se  sera  répandue  la  nouveBe  de  son  arrivée  ^y  945 


lenrs  ornements.  La  plupart  sont  de  forme  hexagone,  composées  de  six 
panneaux  de  quatre  pieds  de  haut  sur  un  pied  et  demi  de  large,  encadrés 
dans  des  bois  peints,  vernis  ou  dorés.  Le  panneau  est  formé  d'une  toile 
de  soie  fine  et  transparente  sur  laquelle  on  a  peint  des  fleurs,  des  rochers, 
des  animaux  et  quelquefois  des  figures  humaines.  Les  couleurs  employées 
dans  ces  peintures  sont  d'une  vivacité  admirable,  et  reçoivent  un  nouvel 
éclat  par  le  grand  nombre  de  lampes  ou  des  bougies  allumées  dans  Fin- 
térieur  de  ces  machines.  Les  six  angles  sont  ordinairement  surmontés  de 
figures  sculptées  et  dorées,  qui  forment  le  couronnement  de  la  lanterne. 
On  suspend  tout  autour  des  banderolles  de  satin  de  toutes  les  couleurs, 
qui  retombent  avec  grâce  le  long  de  ces  mêmes  angles,  sans  rien  dérober 
de  la  lumière  ni  des  six  tableaux. 

«Ces  lanternes  sont  aussi  variées  par  leurs  formes  que  par  la  matière 
qu'on  emploie  pour  les  faire.   Les  unes  sont  triangulaires,  carrées,  cylin- 
driques, en  boule,  pyramidales;  on  donne  aux  autres,  suivant  un  mission- 
naire, la  f<nine  de  vases,  de  fleurs,  de  fruits,  de  poissons,  de  barques,  etc. 
On  en  construit  de  toutes  les  dimensions,  en  soie,  en  gaze,  en  corne  peinte, 
en  nacre,  en  verre,  en  écailles  transparentes  d'huîtres,  en  papier  fin.  Le 
travail  fini  et  délicat  qu'on  remarque  dans  un  grand  nombre  de  ces  lan- 
ternes contribue  surtout  à  les  rendre  d'un  très  grand  prix. 
«Toutes  les  merveilles  de  la  pyrotechnie  se  joignent  à  celles  de  l'illumi- 
nation pour  donner  le  plus  grand  éclat  à  ces  fêtes  de  nuit   II  n'est  pas 
de  Chinois  aisé  qui  ne  prépare  quelque  pièce  d'artifice;  tous  tirent  au 
moms  des  fusées;  et  de  toutes  parts  des  gerbes,  des  flots  d'étoiles  et  des 
pluies  de  feu  éclairent  et  embrasent  l'atmosphère.» 
Dans  l'ardeur  de  ses  rapaces  désirs,  la  vieille  Tû  bà  promet  au  génie 
protecteur  de  son  infâme  établissement  qu'on  s'y  livrera  en  son  honneur, 
nuit  et  jour  et  tout  le  long  de  l'année,  à  des  pratiques  de  mortification  et 
à  des  cérémonies  qui  n'ont  régulièrement  lieu  qu'une  fois  par  an. 

1.  Litt.  :  «  Que  tumultueux  —  (soient)  les  perroquets  —  (etj  les  hirondelles/ 

—  (Qu'Jen  foule  (arrivent)  —  les  bambous  —  (et)  les  Mail* 
L'expression  figurée  •tneâe  mai*,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut,  signifie 

primitivement  «  le  mari  et  la  femme  *.  Par  dérivation,  elle  désigne  «  les  rap- 
porta qiti  existent  entre  les  époux,  le  mariage*.  Elle  est  employée  ici  dans  une 
acception  ironique. 

2.  Litt.  :  *  (Lorsque)  la  nouvelle  —  de  cigale  —  aura  écarté  —  les  feuiUes 

—  (quant  à  la)  lettre  —  (de  V)exh%ber  (annonçant  son  exhibition),* 

13 


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194  KIM  vAn  KIËU  TÂN  TRUYÇN. 

<Bini  ngirôi  cèa  tnrôc,  nràc  ngirôi  c*a  8au!> 

La  tai,  ngbe  chéa  biêt  dân; 

Xem  tinh  ra  câng  nhfrng  màn  diV  dang. 

Le  xoBg  hmmg  hoà  gia  dàng, 
950    Tu  bà  vât  nhnc,  lên  givàng,  ngoî  ngay. 

Day  r&Dg  :  «Con  lay  me  dây! 

cLay  roi,  thl  lay  càn  may  ben  kia!> 

Nàng  rang  :  cPhâî  birdc  lira  ly, 

cPhân  hèn,  yjrng  â&  cam  bê  tien  tinh. 
955    cBëu  dâu  lây  en  làm  anh? 


Les  cigales,  avec  leur  cri  perçant,  semblent  proclamer  en  tous  lieux  àes 
nouvelles  importantes.  De  lÀ  cette  épithëte  que  Ton  donne  en  poéûe  m 
mot  *tm». 

Le  poète  8*empare  de  cette  figure,  et  compare  la  nouvelle  qui  se  règ^A 
partout  à  des  missives  que  des  cigales,  écartant  le  rideau  de  feoillitg^  der- 
rière lequel  elles  chantent,  présenteraient  au  public. 

1.  Lîtt.  :  «  En  examinant  —  le  sentiment  —  il  re»êort  —  tout  outti  bien  — 
comme  —  une  couleur  —  de  manqué, 

11  semble  à  la  jeune  fille  qu'il  y  a  là  une  comédie  mal  jo^ée.  *^ 
dang»  signifie  littéralement  *ne  faire  une  chose  qu'à  demi,  mÀHi*^  "'" 
coup». 

2.  «  Câu  >  est  un  appellatif  qu'on  donne  aux  jeunes  gens. 

3.  Litt.  :  €  Subissant  le  fait  préjudiciable  que  —  mes  pas  —  s^  ^9^' 
(dans  ma)  condition  —  humble,  —  en  obéissant^  —  j'ai  accepté  wAff^^^^  " 
(quant  au)  coté  (rôle)  —  de  femme  de  second  rang.  » 

Nous  nous  trouvons  encore  ici  en  présence  d'une  de  ces  locutions  «n* 
gulièrement  elliptiques  que  permet  le  génie  de  la  langue  annamite  connut 


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KIM  VÂN  KlfiU  tAn  TRUYÊN.  195 

<  amène-les  à  la  porte  de  devant  !  Beconduis-Ies  par  celle  de  derrière  !  » 

(E^)  entend  ces  paroles  noQTelles  pour  son  oreille.  Elle  n'en  com- 
prend rien  encore, 

mais,  en  y  regardant  de  plus  près,  elle  pressent  dans  tout  cela  quelque 
chose  de  mauvais  aloi  K 

Quand  la  cérémonie  des  parfums  dans  la  maison  fut  terminée^ 

Tu  bà  sur  son  lit  remit  son  matelaS;  et  s'y  asseyant  sans  façon  :        900 

«Ma  fille >,  dit-elle  (à  ISSu),  «devant  ta  mère,  ici,  prosterne-toi! 

«après  quoi;  devant  ton  galant,  de  Tautre  côté,  tu  feras  de  même!» 

«Pauvre  égarée  que  je  suis»,  lui  répondit  la  jeune  fille 2, 

««rai  dâ,  dans  mon  humble  situation,  obéir  et  me  contenter  du  simple 

»rang  de  concubine  ^; 
«mais  comment  pourrais-je  prendre  un  passant  pour  un  époux  *?      955 


celui  de  la  langue  chinoise,  et  qui  sont  comme  la  condensation  en  un  ou 
deux  mots  de  tout  un  proverbe  ou  de  toute  une  longue  phrase.  En  se  re- 
pentant à  ce  que  j*ai  dit  sous  le  vers  695  au  sujet  de  Texpression  «  J^  ^ 
<M  Iqf9,  on  pourra  comprendre  comment  les  deux  mots  <  A\^^  ^»^  tinh» 
qui  signifient  littéralement  €pelUe  itoïU*  peuvent  constituer  une  expression 
d'humilité  polie  synonyme  de  «  concubine  »  ou  de  ^i  femme  de  second  rang  »,  et 
dont  le  complet  développement  serait  :  «  La  personne  qui  vous  est  unie,  dans 
un  rang  inférieur,  90u»  Vinfluence  des  Trois  étoiles  (^£  ^Ê  ^w»  tinhj,»  Cette 
longue  succession  d'idées  s'est  condensée  en  deux  simples  mots  par  un  même 
niécanisme  absolument  semblable  à  celui  qui  a  donné  naissance  aux  expres- 
sions <  j$  4A  ^^  ^^*  ^^'  ^^'  *^Wi  ^*^  ^^*  ^^'  ^^^^'  * ^J  "7^  ^^^ 
t«»  (grand  commentaire  du  ^  ^^  ÉR,  n**  31)  et  à  bien  d'autres. 

4.  Litt  :  «  (Cette)  chose  —  ou  (estréUe)  —  (à  savoir  que)  je  prendrais  — 
«««  hirondelle  —  (^pottr  en)  faire  —  un  perroquet  f» 

Les  galants,  comme  rhirondelle,  vont  et  viennent  sans  jamais  se  fixer. 
Le  perroquet  est  au  contraire  un  oiseau  sédentaire,  qui  ne  quitte  guère 
Taibre  qu'il  a  choisi  pour  demeure;  image  d'un  époux  fidèle,  qui  abandonne 
le  moins  possible  le  toit  conjugal. 

13* 


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196  KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

«Ngây  tho-  châng  biêt  moi  danh  phân  gi! 

cDù  dêu  nap  thê  vu  qui; 

«Dâ  khî  chung  cha,  laî  khi  dirng  ngôî. 

«Giô*  ra,  thay  byc,  déî  ngôî! 
960    «Dâm  xin  gài  laî  mot  16i  cho  mînh». 

Mu  nghe  rang  nôi  hay  tinh, 

Bây  giô*  moi  nôi  tam  Bành  mu  lên  : 

«Nây  nây!  Sur  dâ  quâ  nhiên! 

«Thôi!  Dà  cu-dp  cùa  chông  min  di  roi! 
965    «Bâo  thi  dî  dao  lây  ngu-ôi, 


1.  Litt.  :  ^  DéfinUivement  —  (H  y  avait  le)  quand  —  ils  vivraient  en  com- 
mun, —  et  en  otUre  —  (lej  quand  —  Us  se  tiendraient  debout  —  et  s"" assiéraient 
(ensemble).  » 

Le  «<f5»  établit  que  le  fait,  la  manière  de  vivre  exprimée  par  tout  le 
reste  du  vers  avait  été  définitivement  arrêté  entre  eux.  €B{tng  ng^^^  est 
encore  une  expression  elliptique  du  genre  de  celles  que  j'ai  rappelées  plus 
haut,  et  dont  le  développement  est  :  «  vivre  emeniUe,  toujours  à  coté  Vnn  de 
Vautre,  que  Von  soit  debout,  ou  qtie  Von  soit  assis». 

2.  Litt.  :  «  Alors  —  enjin  —  s^élevèrent  —  les  trois  —  Bèmh  —  de  la  vieille 
femme  —  en  haut.» 

Ces  trois  «^  Bànli*  sont  une  conception  des  adeptes  du  Taosséisme. 
Ils  prétendent  que  tout  être  humain  renferme  au  dedans  de  lui-même  trois 
esprits  de  ce  nom,  qui  jouent  vis-à-vis  de  lui  le  rôle  de  tentateur.  Ils  Tex- 
citent  à  mal  faire,  dans  le  but  de  Taccuser  ensuite  devant  le  roi  du  ciel 
des  fautes  quMl  aura  commises. 

3.  Litt.  :  «  Voici/  —  Voici!  —  la  chose  —  dès  à  présent  —  (se  comporte)  d^une 
manière  —  patente!* 

4iQuà  nhiên  »  est  un  adverbe  chinois  qui  signifie  ^réeUemenl,  certainement». 
«  a9a  >  en  fait  im  verbe  neutre  annamite  dont  le  sens  est  €passer  à  Vétat  de 
réalité,  devenir  patent  ». 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  197 

«Simple  et  sans  expérience,  j'ignore  et  le  nom  (que  je  dois  prendre) 
»et  la  condition  (qui  m'est  faite)! 

«Tout  est  en  règle;  on  a  remis  les  présents;  l'épouse  à  l'époux  s'est 
»  livrée, 

«et  ils  devaient  en  commun  vivre  l'un  auprès  de  l'autre  K 

«Mais  voici  que  maintenant  rangs  et  personnes  sont  changés! 

««Pose  (donc)  vous  demander  un  mot  d'éclaircissement. >  ^^ 

La  matrone,  à  ces  paroles  qui  font  voir  que  la  jeune  fille  entrevoit 
la  vérité, 

sent  en  elle-même  s'éveiller  tous  ses  mauvais  instincts  \ 

«Bon!>  dit-elle,  «voilà  qu'elle  sait  tout  ^\ 

«Cest,  maintenant,  une  affaire  manquée  M 

«Qui  m'obligesiit  *  à  m'en  aller  à  la  recherche  de  cette  demoiselle,     965 


4.  Litt.  :  «Cen  est  faUI  —  on  a  ravi  —  le  bien  —  du  mari  —  de  moi  — 
déJmiUoemenih 

Ce  vers  ne  doit  pas  être  interprété  littéralement  II  exprime  une  idée 
générale  de  regpret  et  de  dépit.  C'est  une  exclamation  équivalente  à  notre 
*UnUeêlperduh,  comme  beaucoup  d'autres  que  l'on  rencontre  dans  la  langue 
familière;  et  elle  tire  son  origine  d'une  situation  hypothétique  dans  laciuelle 
se  place  la  personne  qui  la  profère.  Rien  n'est  pénible  pour  une  maîtresse 
de  ménage  comme  de  voir  le  bien  de  la  famille  enlevé  par  des  brigands; 
et  quand  ce  bien  appartient  en  propre  à  son  mari,  la  femme  s'en  désole 
doublement;  car,  outre  le  chagrin  personnel  que  lui  cause  ce  vol,  elle  a 
grandement  à  craindre  d'être  vertement  réprimandée,  sinon  battue,  comme 
cela  se  fait  assez  couramment  dans  l'Annam.  La  mégère  se  place  donc  en 
esprit  dans  la  situation  d'une  femme  qui  constaterait  un  pareil  vol,  et  se 
sert,  pour  exprimer  son  désappointement^  de  l'exclamation  qui  viendrait  na- 
turellement à  la  bouche  de  cette  dernière. 

«Aftn»  signifie  «mot»  dans  la  bouche  d'un  supérieur  qui  parle  de  lui- 
même.  Tû  bà  emploie  ce  terme  parce  qu'elle  parle  avec  arrogance,  en  vertu 
des  droits  infâmes  qu'elle  s'arroge  sur  Tût/  KHu. 

5.  ^Bào*  est  pour  «^î  bâo  toif» 


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198  KIM  VÂN  KIÊD  TÂN  TRUYÊN. 

<Bam  vê  nrd'c  khâch,  kiêm  loi  ma  àii!> 

«Tuông  vô  ngâi!  CTvô  nhân! 

cBaôn  minh  tnrd'c  dâ  tân  mân  thû*  choi! 

«Alàn  bô  dâ  mât  di  roi! 
970    cThôi!  Thôi!  Von  liêng  di  dM  nhà  ma! 

cCon  kia  dâ  bân  cho  ta; 

«Nhap  gia,  phài  cijr  phép  nhà  tao  dây! 

cNây  kia!  Cô  d*  bài  bây! 

«Châng  phang  vào  mât,  ma  mây  dihig  nghe! 
975    tCà  sao,  chiu  trot  mot  bê! 

«Gâi  te,  ma  dâ  ngû^s,  nghê  s^m  sao? 

«Phài  làm  cho  biêt  phép  tao!> 

Giot  bi  tien,  râp  sân  vào  ra  tay. 

Nàng  rang  :  «TrM  thâm!  Bât  dày! 
980    «Thân  nây  dâ  bô  nhirng  ngày  ra  di! 


1.  Litt.  :  €Je  »uis  affligée  sur  —  moi-même  —  (de  ce  que)  d'abord  —  S°* 
fait  des  ba^tesaes  —  pour  en  essayant  —  m'amuserl* 

2.  €Màu  ho  9  est  un  terme  familier  de  commerce  dont  le  sens  est  :  «/«w^ 
ses  affaires*.  Les  deux  Caractères  chinois  qui  le  représentent,  et  qui  signi- 
fient, le  premier  €  Raccrocher»  et  le  second  ^coUerjty  indiquent  clairement 
Tordre  dMdées  duquel  cette  expression  tire  son  origine. 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  199 

«et  à  la  ramener  ici,  pour  attirer  les  gens  et  faire  aller  mon  com- 

»merce? 
<ô  l'ingrate  espèce!  Le  mauvais  cœur  que  voilà! 

«Que  j'ai  de  regret  de  m'être  d'abord  platement  abaissée  à  jouer  la 

>  comédie  M 

«Voilà  mon  aubaine  perdue  ^! 

«Cen  est  fait!  Adieu  mon  capital!  C'est  de  l'argent  jeté  à  l'eau  ^î      970 

«Cette  fille  là,  qui  m'a  été  vendue, 

«  étant  entrée  dans  ma  maison,  doit  en  suivre  le  règlement! 

c  Regardez-moi  donc  cette  sotte  eflfrontée  ^! 

«Tu  verras  si  je  ne  te  frappe  pas  au  visage,  pour  f  apprendre  à  m'é- 

>  coûter*! 

«Quelques  puissent  être  mes  motifs,  tu  dois  obéir  en  tous  points!      ^75 

«Une  fiUe  si  jeune,  avoir  déjà  des  caprices! 

«n  faut  qne  je  te  fasse  nn  peu  voir  qui  je  suis!  » 

Là-dessus,  saisissant  nn  fouet  de  cuir  tressé,  elle  s'avance  et  com- 
mence à  la  battre, 
«ô  Ciel  profond!  ô  terre  immense!»  s'écrie  la  jeune  fille; 

«du  jour  où  je  quittai  ma  demeure,  ce  pauvre  corps  était  perdu!       980 


3.  Litt.  :  €Ce8t  fini!  —  (Test  fini/  —  (mon)  capital  —  $'en  est  allé  —  (quant 
à)  lavU  (pour  toujours)  —  danf  la  maison  —  des  esprits  (dans  Vautre  monde)!* 

4.  Litt,  :  €Ceae-^,  —  la  voilà!  —  Elle  a  (U  fait  d')  —  Hre  —  soiJbe  —  et 
^rontée!* 

5.  Litt  :  <(Si  je)  ne  pas  —  lance  (un  coup)  —  à  entrer  dans  —  ta  figure, 
—  mais  (alors)  —  toi,  —  garde-toi  —  de  —  m^ écouter!* 


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200  KIM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÇN. 

«Thôi,  thôi  thôi!  Gà  tiêc  chi?> 

San  dao  tay  ào  ttrc  thi  dô*  ra. 

Sp"  gan  nât  ngoc  lieu  hoa; 

Mu  c5n  trông  mât,  nàng  dà  quâ  tay! 
985    Thu-ong  ôi!  Tài  sâc  mu^c  nây! 

Mot  dao  oan  nghiet  diH  dây  phong  tran! 

Nôi  oan  vô*  lô*  xa  gan; 

Trong  nhà  ngurdi  chat  mot  lân  nliu*  nêm. 

Nàng  thi  bât  bât  gîâc  tien. 
990    Mu  thi  mit  mit,  mât  nhin  hôn  bay! 

Vu^c  nàng  vào  chôn  hiên  tây; 

Cât  ngurôi  xem  s6c,  chay  thây  thuôc  thang. 

Nào  hay  chù-a  hêt  tran  duyên? 

Trong  mây  dugong  dâ  dihig  bên  mot  nàng! 
995    Dî  rang  :  «Nhon  quâ  dô-  dang! 


1.  Litt.  :  €  (Quant  à)  finir,  —  eh  bien!  —fimêsons!* 

2.  Litt.  :  <i(Tû  bà)  craint  —  (de  la  part  de  Kiêu)  le  foie  (le  courage)  — 
de  briser  —  la  pierre  précieiue  —  (et  de)  sacrifier  —  la  fleur,  » 

3.  Litt.  :  €  (Tandis  que)  la  vieille  —  encore  —  regarde  —  (son)  visage,  — 
la  jeune  fille  —  déjà  —  a  passé  outre  —  (quant  à)  la  main  !  » 

4.  Litt.  :  «  Un  couteau  —  fatal  —  tranche  d'un  seul  coup  —  le  Uen  —  du 
vent  —  et  de  la  poussière/» 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  201 

cS'il  faut  en  finir,  eh  bien!  soit  *!  que  pourrai-je  regretter?» 

Et,  sortant  de  sa  manche  le  couteau  qu'elle  y  gardait,  elle  le  brandit 
soudain. 

La  vieille  craint  qu'elle  n'ose  se  tuer  ^; 

mais  à  peine  Fa-t-elle  regardée  que  la  main  (de  Kiêu)  a  déjà  porté 

le  coup'! 
Hélas!  de  si  beaux  talents!  une  si  grande  beauté!  985 

Un  couteau  fatal  d'un  seul  coup  vient  de  les  retrancher  du  monde  *  ! 

Chacun  est  bouleversé  de  ce  funeste  événement 

Dans  la  maison  aussitôt  Ton  se  presse  et  l'on  s'étouffe  ^ 

La  jeune  fille  reste  sans  mouvement;  sa  respiration  a  cessé;  elle  est 

plongée  dans  un  sommeil  léthargique  ^. 
La  vieille,  épouvantée,  la  regarde  avec  stupeur'!  990 

On  emporte  Kteu  à  l'occident  dans  une  pièce  de  côté. 

Une  personne  est  chargée  de  sa  garde,  et  l'on  court  chercher  le  mé- 
decin. 

Qui  eût  pensé  qu'elle  n'avait  point  encore  accompli  sa  destinée  en 
ce  monde? 

A  ses  côtés,  debout  dans  un  nuage,  elle  croit  voir  une  jeune  femme 

qui,  à  l'oreille,  lui  dit  tout  bas  :  «  Il  te  reste  à  expier  les  fautes  de  ta  995 
>  vie  passée  ^! 

6.  Litt.  :  €Dan8  —  la  maison  —  les  gens  —  sont  serrés  —  (Tune  —  fois 
—  comme  —  des  coins,* 

6.  Litt.  :  •dans  un  sommeil  —  d'Immortel*.  Son  immobilité  est  telle  quMl 
semble  que  son  âme  soit  allée  voyager  au  pays  des  Immortels.  —  •Bât 
bat»  signifie  ««an»  mouvement  et  sans  respiration*. 

7.  Litt.  :«....  son  visage  —  regarde,  —  son  âme  —  s'envole/* 

8.  Litt  :  ^CDans)  des  causes  —  les  effets  —  tu  n^as  réussi  qu'à  demi/» 


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202  KIM  vAN  KIËU  TAN  TRUYIÊN. 

«Bâ  toan  trôn  nçr  doan  tnrông  dirac  sao? 

«Sô  c6n  nâng  nghîêp  ma  dào! 

«Ngirôi  dâu  muôn  quyêt,  TrM  nào  dâ  cho? 

cHây,  xîn,  hêt  kiêp  lieu  bô! 
1000    «Sông  Tien  dwang  se  hen  h5  vê  sau!:> 

Thuôc  thang  trot  mot  ngày  thâu, 

Gîâc  me  nghe  dâ  dâu  dâu  vita  tan. 

Tû  bà  chwc  San  bên  màn; 

Gieo  16i  thon  thôt  mên  man  gcr  dân  : 
1005    «Mot  ngu-M  de  c6  mây  thân? 

«Hoa  xuân  phât  nhuy,  ngày  xuân  c6n  dài! 

«Cûng  là  lô"  mot  lâm  hai! 

J'ai  déjà  eu  Toccasion  de  rappeler  que  dans  le  système  bouddhique,  sur 
lequel  roule  la  donnée  philosophique  de  ce  poème,  les  fautes  d'une  pre- 
mière existence  sont  expiées  par  les  malheurs  de  celle  qui  la  suit  De  là 
vient  la  singulière  expression  dont  se  sert  ici  le  poète,  «ffl  nhom  —  la 
causes*,  ce  sont  les  fautes  commises  dans  Texistence  précédente.  «S  quâ 
—  les  fruits»  ou  «fe»  résultats»,  ce  sont  les  conséquences  que  ces  fautes 
ont  fatalement  produites,  les  malheurs  que  le  coupable  subit  dans  sa  vie 
actuelle.  Kiêu  a  échoué  dans  la  combinaison  des  causes  avec  les  résultais, 
(H  Jft)'  c'est-à-dire  qu'elle  n'a  pas  su  vivre  assez  vertueusement  jadis 
pour  atteindre  le  but  qu'elle  devait  se  proposer,  à  savoir  le  bonheur  parfait 
dans  la  vie  présente.  Elle  n'a  su  le  faire  qu'à  denU  (d&  dang);  c'est-à-dire 
que  sa  première  vie  n'ayant  pas  été  complètement  mauvaise,  elle  n'est  pas 
définitivement  condamnée,  comme  l'est  Bwn  Tien  qui  lui  pai-le;  mais  elle 
aura  beaucoup  à  souifrir  avant  de  reti-ouver  le  bonheur,  qui  consistera  pour 
elle  dans  son  union  avec  Kim  Tnmg,  comme  on  le  voit  à  la  fin  du  poème. 


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KIM  VÂN  KIËU  tAN  TRUY^N.  203 

€  Crois-tu  donc  pouvoir  éluder  le  paiement  de  ta  dette  d'infortune? 
«Ton  destin  te  condamne  aux  malheurs  de  la  beauté  ^  ! 
«L'homme  peut  bien  vouloir  en  finir,  mais  le  ciel  le  permettrait-il? 
«Accomplis  jusques  au  bout  ta  destmée  de  faible  femme  ^! 
«Au  fleuve  Tien  Bvimg  je  te  donne  pour  plus  tard  rendez-vous!  »     looo 
Après  que  pendant  tout  un  jour  la  jeune  fille  eût  reçu  des  soins, 
il  sembla  que  la  léthargie  peu  à  peu  se  dissipait 
Tu  bà  qui;  près  des  rideaux,  épiait  le  moment  (favorable), 
lui  glissa,  pour  la  consoler,  des  cajoleries  enfantines  ^. 
«Possédons-nous  donc  plusieurs  corps!  »  lui  di^elle.  1005 

«Votre  fleur  ne  fait  que  de  s'épanouir,  et  le  printemps  est  (pour  vous) 

>long  encore! 
«Mais  moi,  sur  tous  les  points,  j'ai  commis  une  erreur  *! 

1.  Litt.  :  «Tbn  deatin  —  encore  —  eêt  lourd  —  (quant  otiasj  chargea  —  des 
joua  —  de  ^àof* 

2.  Litt.  :  «  VeuUïes,  —  je  te  prie,  —  acJiever  —  (ta)  destinée  —  de  aaide  — 
(et  de)  Bô  (de  faible  femme)!* 

<nay*  est  la  fonnale  de  Timpératif  excitatif.  Uauteur,  par  licence  poé- 
tique, met  ce  mot  après  le  verbe  qu'il  régit  afin  que  les  règles  de  la  prosodie 
ne  soient  pas  enfreintes. 

3.  Litt.  :  €  Jette  —  des  paroles  — fltUées  —  en  langage  de  barbare  —  pour 
dégager  —  (et)  débrouiller,* 

Les  mots  «  loi  mên  man  >  désignent  proprement  ces  discours  inintelligibles 
que  les  mères  tiennent  à  leurs  enfants  en  bas  âge  pour  apaiser  leurs  petits 
chagrins. 

4.  Litt.  :  <Tout  aussi  bien  —  c'était  —  me  fourvoyer  —  (quant  à)  un  — 
(et)  me  tromper  (quant  à)  deux,  » 


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204  KIM  vAN  KIÊD  TAN  TBUYÇN. 

cBâ  vàng  sao  nd*  ép  nài  mira  mây? 

«L*  chon  trot  dâ  vào  dây! 
1010    «Khôa  buông  xuân  dé  doi  ngày  dào  non! 

«NgirM  c5n,  thi  cùa  hây  c6n! 

cTim  naî  xtrng  dé  là  con  câi  nhà. 

«Làm  chî  toi  bâo  oan  gia? 

«Thîêt  minh  ma  haï  dên  ta  hay  gi?» 
1015    Kë  tai  mây  iiôi  nân  ni, 

Nàng  nghe  dirôiig  cûng  thi  phi  rach  r6i. 

Va  8uy  thân  mong  mây  loi, 


1.  Litt.  :  «La  pierre  —  (et)  Vor,  —  comment  —  a^aioiaeraU-cn  —  de  (le») 
c&titraindre  —  (et  de  les)  importuner  —  (quant  à)  la  pluie  —  et  aux  nuages  f* 

L'expression  «  mua  mây  —  la  pluie  et  les  nuages  »  a  un  double  rôle  ici. 
Elle  fonne  premièrement  antithèse  en  tant  qu'opposée  k  ^d  vàng  —  la 
pierre  et  Vor*,  Cette  dernière  locution  signifiant  ^i  la  fermeté»,  *  mua  mai/* 
se  prendra  pour  «  la  faiblesse  »,  c'est-à-dire  pour  <  un  acte  de  faiblesse,  de  sou- 
mission »j  car  la  pluie  et  la  vapeur  qui  produit  les  nuages  étant  choses  de 
leur  nature  inconsistantes,  peuvent  être  considérées  conmie  essentiellement 
opposées  à  la  pierre  et  à  Tor,  qui  sont  des  substances  dures.  Seconde- 
ment, il  faut  noter  que  les  mots  €mua  mây*  ne  sont  autre  chose  que 
la  traduction  annamite  de  «^Ê  p6  ^àn  vu»,  terme  graveleux  que  Ton 
rencontre  dans  les  romans  et  les  comédies  chinoises  (notamment  dans  le 
iyp  jX^  'ft)  ®*  ^"^  exprime  l'union  des  deux  sexes. 

2.  Litt.  :  «  Fermez  —  la  chambre  —  du  printemps;  —  laissant  de  côté  (tout 
cela),  —  cUtendez  —  les  jours  —  du  pêcher  —  tendre.  » 

Le  mot  *3cuân  —  printemps»  a  encore  ici  le  sens  licencieux  que  j'ai 
signalé  dans  une  des  notes  précédentes. 

Le  temps  où  les  pousses  du  pêcher  (ou  du  ^ào)  sont  tendres  est  celui 
de  la  floraison,  c'est-à-dire  l'époque  où  tous  les  êtres  se  reproduisent  dans 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  205 

«Comment  pourrait-on  contraindre;  importuner  la  fermeté  même  ^? 
«Vos  piedS;  en  s'égarant,  vous  ont  conduite  ici; 

«(mais)  bannissez  les  amours  jusqu'au  jour  où  votre  cœur  parlera  ^î  loio 
«Tant  que  Ton  vit,  rien  n'est  perdu! 
«  Je  verrai  à  vous  établir  comme  j'établirais  mon  enfant. 
«Pourquoi  vous  laisser  aller  à  une  action  aussi  atroce^? 

«Pourquoi  vous  nuire  à  vous  même?  pourquoi  nous  nuire  à  nous 

»au88i?»  • 

Elle  susurre  à  son  oreille  tant  de  paroles  câlines,  ioi6 

qu'en  les  écoutant  la  jeune  fille  finit  par  s'y  laisser  prendre  ^. 

En  outre,  réfléchissant  à  ce  qu'elle  entendit  en  songe 


la  nature;  de  là  remploi  des  mots  <ngb,y  âào  non»  pour  exprimer  Tidée 
d'un  cœur  qui  s'ouvre  à  Tamour. 

3.  €Tai  bâo  oan  gial*,  litt.  :  «De  (ce)  crime  —  la  rélrihuUon  —  nuira  —  à 
la  famille/»  est  une  phrase  chinoise  passée,  en  tant  qu'exclamation,  dans  la 
langue  annamite,  où  elle  est  employée  couramment  dans  le  sens  de  «  quelle 
horreur!»  ou  «quelle  atrocité!».  Suivant  le  génie  propre  à  cet  idiome  qui 
transforme  si  facilement  des  phrases  entières  en  véritables  noms,  adjectifs 
ou  verbes,  elle  peut  jouer,  selon  le  cas  et  le  besoin,  le  rôle  de  ces  diverses 
parties  du  discours.  C'est  ainsi  que  Ton  dit  fort  bien,  pour  désigner  un 
sacripant  :  ^Môl  Ihâng  loi  bâo  oan  gia»,  litt.  :  «î/n  individu  —  (qui  est  tel 
que  de  seg)  crimeê  —  la  rétribution  —  nuira  —  à  aa  famille»;  on  fait  alors 
de  cette  formule  un  adjectif.  Dans  le  cas  qui  nous  occupe  c'est  un  verbe 
composé  qu'elle  forme;  et  pour  avoir  le  sens  exact  du  vers  1013,  il  faut 
le  traduire  littéralement  ainsi  : 

«  (Pour)  faire  —  quoi  —  avez-vous  commi»  une  de  ces  fautes  dont  la  rétri- 
bution porte  malheur  à  une  famille  f» 

4.  Litt.  :  «  (Tandis  que)  la  jeune  fille  —  (les)  écoute  —  (c'est)  comme  si  — 
tout  aussi  bien  —  le  vrai  —  (et)  le  faux  —  (y)  étaient  manifestes,  »  Elle  croit 
y  voir  une  apparence  de  raison. 


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206  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Tùc  nhcm  tM  cûng  c6  Trôi  à  trong! 

cKiêp  nây  nçr  trâ  chùa  xong, 
1020    «Làm  chi,  thi  cûng  mot  chông  kiêp  sau!: 

Làng  nghe  dâm  thâm,  coi  âân, 

Thira  rang  :  cAî  cô  muôn  dâu  thè  nây? 

«Birac  nhir  16i  thê  là  may! 

«Hân  rang  mai  c6  nliir  rày  cho  chàng? 
1026    cSo"  khi  ong  birôm  dâî  dâng. 


1.  Le  mot  «J^  Tûc»,  pris  adjectivement,  signifie  ^àTaube»;  maisd&ns 
le  style  des  sectateurs  du  Bao,  ce  terme  désigne  les  choses  qui  se  rap- 
portent à  une  existence  antérieure. 

Les  deux  éditions  que  j'ai  entre  les  mains  portent  «J^  ^  tùc  nkân» 
au  lieu  de  «J^^R(  ^^  khiên»;  si  l'on  suivait  cette  version,  il  faudrait  tra- 
duire ainsi  : 

«  aux  sujets  des  JiançaUles  contractées  dans  une  existence  antérieure,  etc. 
etc.»; 

Évidemment  devant  les  termes  du  vers  précédent  cette  version  n'est  pas 
possible-,  car  pas  plus  dans  le  songe  où  KiSu  vient  de  voir  lui  apparaître 
Bam  tien  que  dans  celui  qui  est  décrit  au  commencement  du  poème,  il  n'est 
question  de  semblables  fiançailles;  tandis  qu'au  contraire,  l'apparition  y  parle 
aussi  nettement  que  possible  des  fautes  commises  par  la  jeune  fille  dans 
une  existence  passée.  L'éditeur  qui  a  publié  le  plus  ancien  de  mes  exem- 
plaires a  dû  être  trompé  par  une  similitude  de  son.  £n  reproduisant,  soit  le 
manuscrit,  soit  une  édition  précédente  du  poème,  au  lieu  des  mots  «j^  >^ 
t:ûc  khiên  —  les  fautes  commises  dans  une  existence  antérieure»,  il  aura  lu 
«J^  ff^  tûc  dtM/ên»  qui  présentent  une  consonnance  à  peu  près  semblable; 
puis,  soit  par  distraction,  soit  par  suite  de  cette  indépendance  d'esprit  ou 
de  ce  besoin  d'innovation  dont  semblent  possédés  les  lettrés  annamites,  à 
ce  qu'il  avait  cru  lire  il  aura  substitué  dans  la  composition  les  deux  ca- 
ractères «]^  i^  tûc  nhân*  qui  ont  à  peu  près  le  même  sens.   Plus  tard, 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  207 

au  sujet  des  faates  d'une  existence  antérieare  \  elle  voit  là  la  main 

du  ciel! 
cSi  cette  vie  ne  suffit  pas  à  Facquittement  de  ma  dettC; 

cdans  Fautre,  quoi  qu'il  arrive;  je  n'aurai  qu'un  époux!»  (dit-elle).  1020 

EUe  écoute  en  silence  les  douces  paroles  (de  la  vieille);  et;  baissant 

la  tête: 
cQui  consentirait >;  répond-t-eUe,  «à  demeurer  dans  cet  état? 

«Si  vous  tenez  votre  promesse;  je  m'estimerai  heureuse  ^î 

«(mais)  qui  sait  s'il  en  sera  de  demain  comme  d'aujourd'hui? 

«En  restant  au  milieu  de  ce  libertinage;  je  crains  d'y  succomber  1026 
>  (moi-même)'; 


FéditeoT  de  Fexemplaire  le  plus  récent  sera  tombé  de  confiance  dans  la 
même  erreur. 

Ces  altérations  sont  extrêmement  fréquentes  dans  les  diverses  éditions 
des  nombreux  poèmes  qui  forment  la  partie  la  plus  importante  de  la  litté- 
rature cochinchinoise;  et  c*est  surtout  à  ce  genre  d^œuvres  que  Ton  pour- 
rait appliquer  avec  justesse  le  proverbe  chinois  bien  connu  :  «  ^£  ip  yç  2K 
Tarn  ê€u>  thétt  bon  —  Après  troU  copies,  VoHgmal  est  perdu,» 

2.  Litt.  :  *CSi)  f  obtiens  —  (le  fait  qu'il  en  soit)  comme  (le  comporlent)  — 
des  paroles  —  de  cette  espèce  (de  Vespèce  de  celles  que  vous  venez  de  prononcer), 
—  ce  sera  —  heureusement/* 

<Th^»  est  pour  «<^».  Cette  substitution  est  très  fréquente,  même  dans 
la  langue  vulgaire  actueUe. 

3.  Litt  :  <  Je  crains  —  le  temps  (que)  —  les  abeilles  —  et  les  papillons  — 
me  (toucheraient)  du  bout  des  lèvres!* 

De  même  que  FabeUle  et  le  papillon  voltigent  de  fleur  en  fleur,  de  même 
les  tibertins  cherchent  à  obtenir  les  faveurs  de  toutes  les  femmes  sans  s'at- 
tacher longtemps  à  aucune.  De  là  cette  figure.  L'emploi  des  mots  «(taî  <2an^», 
qui  sont  originairement  un  adverbe  signifiant  <du  bout  des  lèvres*  et  qui 
deviennent  ici  par  position  le  verbe  €  toucher,  effleurer  du  bout  des  lèvres*, 
la  continue  heureusement;  car  les  deux  insectes  dont  il  est  parlé  dans  ce 
vers  semblent  effleurer  à  peine  les  fleurs  de  leur  trompe,  tant  est  rapide 
leur  passage  de  Fune  à^Fautre. 


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208  KIM  vAN  KIÉU  tAN  TRUYÊN. 

«Ben  dëu  sông  duc,  sao  bâng  thâc  trong!» 

Mu  rang  :  «Con  hây  thong  dong! 

«Phâi  dêu  15ng  laî  dôî  Ibng  ma  choi? 

«Mai  sau  ô*  châng  nhu*  16i, 
1030    «Trên  dâu  cô  bông  mât  trôi  sang  soi!» 

Thây  16i  quyêt  doân  hân  hôi, 

Bành  16ng,  nàng  cûng  se  nguôi  nguôî  dan. 

Truite  sau  ngung  bîêc  toâ  xuân, 

Vft  non  xa,  tâm  trâng  gân  ô*  chung. 
1035    Bon  bë  bât  ngât  xa  trông 

Cât  vàng  côn  no,  buî  hông  dâm  kîa. 

Bï  bàng  mây  sôm  dèn  khuya! 


1.  Litt.  :  €  (Quant  à  en)  venir  à  —  la  chose  —  de  vivre  trouble,  —  com- 
ment —  teraU-elle  égale  à  —  mourir  —  limpide  f» 

2.  Litt.  :  *  Devant  —  et  derrièj'C  —  gelée  —  (quant  à)  Vazur  —  (au  point 
de  vue  de)  sa  serrure  —  de  printemps.  » 

Ce  vers,  au  point  de  viie  de  la  métaphore,  sort  absolument  de  nos  con- 
ceptions habituelles.  Pour  exprimer  le  grand  calme  dont  jouit  son  héroïne, 
l'auteur  la  compare  à  une  mer  gelée.  L'adjectif  «6fôc»  qui  exprime  la  teinte 
bleu  verdâtre  que  prennent  les  eaux  profondes,  devient  ici  un  substantif, 
et  désigne  la  mer  elle-même. 

Le  mot  4ixuân*  a  le  même  sens  qu'au  vers  1010. 

3.  Litt,  :  «.Les  marques  —  des  montagnes  —  éloignées  —  (et)  la  lune  — 
proche  —  sont  —  en  commun  (avec  elle),> 

£lle  vit  pour  ainsi  dire  en  commun  avec  elles,  en  ce  sens  qu'elle  les  a 
constamment  sous  les  yeux. 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  209 

<  (et)  plutôt  que  d'en  venir  à  vivre  ainsi  souillée,  il  vaut  mieux  mourii 

»  chaste  (encore)  ^!> 
cMa  fille! >  lui  dit  la  vieille,  «agissez  comme  il  vous  plaira! 

«Me  ferais-je  de  nouveau  un  jeu  de  vous  abuser? 

«Si  dans  l'avenir  je  violais  ma  promesse, 

«Le  soleil  est  là,  sur  notre  tête,  qui  nous  éclaire  et  me  verra!  »  loau 

A  ces  paroles  empreintes  d'une  résolution  sincère, 

la  jeune  fille  se  rend,  et  dans  son  cœur  elle  sent  peu  à  peu  le  ciliim 

renaître. 
En  sûreté  désormais  derrière  une  porte  bien  close  ^, 

(elle  contemple)  à  la  fois  et  les  montagnes  lointaines,  et  la  lune  tlcjut 

les  rayons  viennent  la  visiter  \ 
Au  loin,  de  tous  côtés,  son  regard  soucieux  se  porte  lou 

sur  le  sable  *  de  la  colline,  sur  la  poussière  du  chemin. 

Le  matin,  beaucoup  de  nuages  (au  ciel)  !  beaucoup  de  lampes  aux 
maisons  la  nuit^! 


Dans  le  lointain,  les  montagnes  se  profilent  à  certaines  heures  sur  Tho* 
rizon  avec  la  netteté  d*un  trait  de  pinceau.  —  «râVn>,  numérale  des  cliuses 
plates,  s'applique  à  la  lune. 

4.  €Vàng»  et  *hong»  sont  deux  ornements  poétiques  qui  n'ajoutent  rîcu 
à  la  signification.  Ils  sont  tirés  de  la  nature  des  objets  dont  ils  qualilleiit 
le  nom.  Le  sable  est  souvent  jaune,  et  la  poussière  parfois  rougt.'ûtm; 
mais  Fauteur  n'entend  pas  dire  ici  que  le  sable  de  telle  ou  telle  colline  ilt>iit 
il  parle  est  jaune,  tandis  que  la  poussière  de  tel  ou  tel  dam  du  chemîti  est 
rouge. 

6.  Ceci  n'est  qu'une  façon  poétique  de  dire  que  les  jours  et  les  nuit  a  se 
succèdent  dans  une  monotone  uniformité.  La  présence  des  nuages  an  ciel 
le  matin,  celle  des  lampes  dans  les  maisons  le  soir  sont  en  effet  deux  eir- 
constances  qui  n'ont  absolument  rien  de  remarquable  et  qui  se  reproduiaçiit 
constamment. 

14 


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210  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Nlid*  dnh,  nhô*  cânh,  nhir  chia  tam  16n^  l 

TirÔTig  ngnM  àxrôi  nguyêt  chén  dông! 
1040    Tin  sircmg  luông  hây  rày  trông,  mai  alifcùc! 

Ven  trô-îy  goc  bê  bo*  va, 

Tâm  son  gut  n!ba  bao  gOr  cho  phaî? 

X6t  ngrrW  du'a  cita  hôm  mai! 

Quat  nông,  dâp  lanh,  nhftng  ai  dô  chù*? 
1045    Bong  lai  câch  mây  nâng  mira? 

Cô  khi  gôc  tft*  dâ  viîra  ngnM  ôm! 

Buôn  trông  cùa  bien  gân  hôm! 

Thuyên  ai  thoâng  cânh  giô  buôm  xa  xa? 


1.  Litt  :  *Elle  pense  à  —  Vhomme  (qui)  —  êouê  la  lune  —  (qwnu  àj  u 
tasse  —  fut  en  communauté  (avec  elle),* 

2.  Litt.  :  «( Prks  de  —  le  ciel,  —  au  coin  de  —  la  mer,  —  isolée,* 

3.  Litt.  :  *  (Quant  à)  éventer  —  (eux)  chauds  —  (et)  recouvrir  —  (eux)  froids, 
—  les  qui  —  sont  là  —  maintenant  f* 

Comp.  le  vers  1432  du  poème  L^c  Vân  Tien  : 

*E  khi  dm  lanh  buoi  nabi  Biê't  (fâuf» 

L'adverbe  €dà  —  là*  devient  verbe  par  position. 

4.  Litt  :  «  (La  inantagne  de)  Bong  Lai  —  est  éloignée  (d*eux)  —  de  combien 
de  —  chaleurs  —  (et  de)  pluies  f* 

Voir,  sur  la  montagne  de  <Bang  lai*,  ma  traduction  du  Luc  Vân  TVên 
(p.  66,  note  2). 

Tug  Kiêu,  pour  exprimer  le  grand  éloignement  où  elle  est  des  siens,  se 
suppose  reléguée  sur  cette  montagne  imaginaire. 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  tbuyIn.  211 

Pleurant  ses  affectionS;  regrettant  son  pays,  il  lui  semble  sentir  se 

déchirer  son  cœur! 
Elle  pense  à  celui  qui;  à  la  clarté  de  la  lune,  dans  la  même  tasse 

(avec  elle  a  bu)  ^  ! 
Toujours  elle  espère  avoir  de  ses  nouvelles  ;  elle  eu  attend  aujourd'hui,  îo4*j 

elle  en  attendra  demain! 
Seule,  abandonnée  sur  une  plage  lomtaine  ^, 

quand  verra-t-elle  de  son  cœur  s'effacer  cette  (chère)  image? 

Son  cœur  se  serre  en  pensant  à  ceux  qui,  soir  et  matin,  adossés  à  la 

porte,  (l'attendent)! 
Qui  est  là  maintenant  pour  les  rafraîchir  de  Téventail,  pour  réchauffer 

(leurs  membres)  refroidis  ^? 
Combien  de  fois  (à  ses  yeux),  dans  cette  région  inconnue,  le  soleil  io4G 

a-t-il  brillé?  Combien  de  fois  est  tombée  la  pluie  ^? 
Le  tronc  du  té^  déjà,  peut-être,  remplit  Tétreinte  des  deux  bras! 

Tristement  elle  regarde  le  port  à  la  tombée  du  jourl 

A  qui,  là-bas,  est  ce  bateau  dont  les  voiles  s'euiient  au  vent? 


5.  Litt.  :  *  Peul-êlre  que  —  le  tronc  —  du  ta  —  dh  à  prêtent  —  est  à  la 
memtre  —  (Tim  homme  —  qui  Vemhreuêe  de  ses  brcu!» 

Ce  vers  renferme  une  idée  d'une  fraîcheur  et  d'un  naturel  que  l'on  ne 
rencontre  pas  fréquemment  dans  les  poésies  cochincliinoiscs.  La  jeune  fille 
rappelle  à  son  souvenir  les  moindres  détails  de  son  heureuse  enfance.  Elle 
pense  à  un  arbre  planté  dans  le  jardin  paternel,  et  se  dit  qu'il  a  dû  bien 
grandir  depuis  qu'elle  n'est  plus  là.  On  comprend  du  reste  que  ses  souvenirs 
se  portent  tout  particulièrement  sur  cet  objet-,  car  le  isfe  Tw  est  un  arbre 
des  plus  majestueux,  dont  le  bois  est  fort  dur  et  des  plus  estimés.  Plus 
connu  en  Chine  sous  le  nom  de  «  "^  ^  Mac  vtnmg  —  le  Itoi  des  arf/res  » 
que  lui  ont  valu  sa  beauté  et  ses  qualités  exceptionnelles,  il  appartient  à  la 
famille  des  Enphorbiacées,  tribu  des  Crotonées,  ffcnre  Roulera.  Son  nom 
botanique  spécial  est  Roulera  Japonica.  Cette  espèce  ne  paraît  pas  appar- 
tenir à  la  Cochinchine;  du  moins  elle  n'est  mentionnée  ni  dans  YIIoHvm 
jhriduM  de  Tabkkt,  ni  dans  le  remarquable  travail  de  M.  Karl  Schroeder 
sur  les  végétaux  de  notre  colonie. 


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212  KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Buôn  trông  ngon  nirii'c  m<M  sa! 
1050    Hoa  trôi  man  màc  bîêt  là  vë  dâu? 

Buôn  trông  noî  cô  dàu  dàu! 

Chan  mây  màt  dât  mot  màu  xanh  xanh  ! 

Buôn  trông  giô  cuôn  màt  gành! 

Om  sôm,  tiêng  s6ng  kêu  quanh  ghê  ngôî  ! 
1055    Bông  quanh,  nhtrng  nu-ô-c  non  nguW; 

Bau  long  lun  lac,  nên  vài  bon  câu. 

Ngâm  ngùî  xù  hÛQ  rèm  châu, 

Câch  lâu  nghe  cô  tiêng  dâu  hoà  van. 

Mot  chàng  vijta  trac  thanh  xuân, 
1060    Ulnh  dung  chai  chuôt,  âo  khân  diu  dàng. 

Nghî  rang  :  «Cûng  mach  tho*  hu^ong!» 

Hôi  ra,  moi  biêt  rang  chàng  Sêr  Kliank. 

Bông  Nga  thâp  thoâng  du'ôi  mành; 

1.  Litt.  :  «Le  pied . —  des  nuages  —  et  la  surface  —  de  la  terre  —  (sont 
d'June  seule  —  couleur  —  bleuâtre/» 

2.  Litt  :  « la  surface  de  la  falcUse  ». 

La  falaise  est  prise  ici  pour  l'eau  qui  Favoisine.  Cette  licence  est  motivée 
par  la  nécessité  de  trouver  une  monosyllabe  rimant  avec  ^xanh», 

3.  Litt.  :  «  Aux  alentours  —  fil  n'y  a)  abtolument  que  —  les  eaux  —  et  les 
montagnes  —  des  hommes  (étrangers),* 

4.  <(Nên  —  devenir*,  est  ici  au  causatif. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  2ia 

Tristement  elle  regarde  les  eaux  qui  de  la  source  ont  jailli  tout  a 

rheure! 
D'où  viennent^UeS;  ces  fleurs  qui  flottent  éparpillées?  lOôO 

Tristement  elle  regarde  la  plaine  herbue  et  mélancolique! 

A  rhorizon  les  nuages  et  la  terre  se  confondent  en  un  lointain  bleuâtre  '^ 

Tristement  elle  regarde  la  vague  par  le  vent  roulée  sur  le  rivage  '^\ 

Les  flots  autour  de  sa  chaise  font  entendre  leur  fracas! 

Elle  ne  voit  autour  d'elle  que  paysages  inconnus  ^,  1055 

et,  pour  déplorer  son  exil,  elle  improvise  quelques  sti-ophes  de  quatre 

vers^. 
Elle  abaissait,  le  cœur  serré^  la  jalousie  de  sa  fenêtre, 

lorsque,  non  loin  de  la  maison,  elle  entendit  une  voix  qui  répondait 

avec  les  mêmes  rimes. 
CTétait  un  homme  jeune  encore, 

doué  d'une  belle  prestance,  et  vêtu  avec  recherche.  vmy 

«Cest  aussi  là  un  lettré!  »  se  dit-elle  \ 

Elle  lui  demanda  son  nom,  et  sut  qu'il  s'appelait  Sa  Khanh. 

Par  intervalles  sous  le  treillage  glissaient  les  rayons  de  la  lune  ^, 

5.  Lîtt.  :  «  Elle  pensa  -r  ditant  :  —  «  Awtsi  —  il  est  un  homme  appartenant 
h  la  parenté  —  des  lettrés  !v 

On  dît  en  chinois  :  «^  ^  ^  ^  Thœ  hmmg  chi  gia*,  Htt.  :  «C/Vk- 
maism  du  parjum  des  livres*  pour  désigner  €une  famille  lettrée*. 

*Mqch  —  parenté»  devient  par  position  un  adjectif,  qui  prend  d'autre 
part  le  rôle  de  verbe  qualificatif  par  suite  de  l'absence  d'un  autre  verbo 
dans  la  phrase. 

6.  Lâtt.  :«....  V ambre  de  —  (T6)  Nga  (ou  Khurang  Nga)*. 


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214  KIM  vAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Trông  chàng,  nàng  cùng  ra  tinh  deo  dai. 
1065    Thaii  :  côi!  Sâc  nirô-c!  Huang  trM! 

«Tiêc  cho  dâu  bông  lac  loài  dên  dây! 

«Que  trong  trâng!  Hirong  trên  mây! 

«Hac  bay  nô*  dé  cho  dày  doa  hoa? 

«Tiêc  dëu  lâm,  châng  biêt  ta! 
1070    «Vê  châu  vô-t  ngoc  de  dà  nhir  chai!» 


1.  Litt.  :«....  Couleur  —  de  Veau!  —  Parfum  —  du  ciel!» 

Par  ces  cxclamatioDs,  Tûy  Kieu  donne  à  entendre  qu'elle  trouve  à  Sa 
Khanh  une  beauté  surhumaine,  et  qu'elle  le  considère  non  comme  un  homme, 
mais  comme  une  créature  du  ciel. 

2.  Litt.  :  ^(Cest)  le  Que  —  (qui  est)  dans  —  la  lune!  —  (Ceat)  un  parfum 

—  (fpton  respire)  au-dessus  de  —  les  nuages!:» 

Ces  expressions  étranges  et  ampoulées  no  sauraient,  pas  plus  que  celles 
du  vers  1067,  être  traduites  directement  en  français. 

Le  Que  dont  il  s'agit  ici  n'est  pas  le  Laurier  cannéUier,  mais  Y  Olea  frugrans 
(en  chinois  ;j^  ^  Que  hoa\  arbre  très  odoriférant  qui  appartient  à  la  fa- 
mille des  OUacées,  Cette  espèce  est  extrêmement  estimée  en  Chine.  Les  fleurs, 
qui  répandent  un  parfum  délicieux,  servent  à  faire  une  espèce  de  conserve 
analogue  à  la  confiture  de  roses  des  Turcs,  et  à  parfumer  le  thé.  Les  Chi- 
nois se  figurent  qu'il  se  trouve  dans  la  lune  un  arbre  de  cette  espèce,  et 
lorsqu'ils  veulent  exprimer  poétiquement  que  quelqu'un  a  obtenu  le  grade 
de  licencié,  ils  disent  qu'il  est  allé  dans  cet  astre  y  cueillir  un  ramenu  de 
Q^  '  *  i^  ^  -H^  >|^  r^iem  cung  chiet  que»,  litt.  i  *Il  a  rompu  le  Que 
dans  le  palais  du  crapaud  rayé>.  (Ils  désignent  ainsi  la  lune  parce  qu'ils  la 
cn)ient  habitée  par  cette  sorte  d'animal.)  L'arbre  dont  nous  parlons  a  été 
adopté  comme  le  symbole  des  hautes  dignités  littéraires. 

oiHuang  irai»  est  une  expression  à  peu  près  synonyme  de  ^iho  huang*, 
mais  plus  laudative  encore.  Pour  en  faire  comprendre  la  valeur,  il  faudrait 
employer  cette  périphrase  :  «Le  parfum  littéraire  qtCU  répand  autour  de  lui 
n'est  pas  de  la  terre}  il  provient  du  Ciel!» 

3.  Litt.  :  «cJe  regrette  —  la  chose  —  de  (lui)   s'être  trompé  —  (etj  ne  pas 

—  connaître  —  moi  (je  regrette  que  ce  soit  par  erreur  qu'il  est  venu  id,  et  non 
parce  qu^il  savait  m^y  trouver)!» 


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KIM  vAN  KIËU  TAN  TRUYÇN.  21o 

A  Taspect  de  ce  jeune  homme,  elle  aussi  se  sentit  prise  de  Hyiiî|>athie. 
<  ô  qu'il  est  beau  ^  !  »  soupira-t-elle.  iô6& 

«Quel  malheur  que  dans  ces  parages  il  soit  venu  s'égarer î 

«Comme  il  a  Tair  d'un  illustre  lettré!  Combien  il  doit  [wsséder  de 

»  science  2! 
«Le  Hqc  qui  passe  en  volant  permettra-t-il  qu'on  maltraite  une  fleur? 

«Hélas!  venu  par  erreur,  il  ignore  mon  existence  ^\ 

«Ce  ne  serait  pour  lui  qu'un  jeu  de  me  tirer  de  (ce  bourbier)  ^!  ^        io7o 


4.  Lit  t.  :  «  Pêcher  —  la  perle,  —  tirer  de  Veau  —  la  pierre  preneuse  — 
(lui)  serait  facile;  —  ce  serait  certainement  comme  —  jouer!* 

Dans  rédition  que  je  suis  (en  y  corrigeant  toutefois  les  canictèiTs  fnux 
ou  défectueux),  on  trouve  intercalés  entre  les  numéros  I06ïï  et  lOia  bï% 
autres  vers  en  petits  caractères.  Ils  sont  précédés  de  cette  iiidication  en 
chinois  :  «  ^/  — •  2K  "TT  Situ  nhtrt  bon  vân  :  —  on  trouve  dan^  mi  autre 
exemplaire  :»  Ces  derniers  vers,  que  je  crois  intéressant  do  i\'i>i'iduiro  ici^ 
sont  les  seuls  que  contienne  l'édition  que  j'ai  reçue  du  Toiikin,  et  c'est 
probablement  à  elle  que  s'applique  le  renvoi  chinois.  Les  voici  avec  la  trfi- 
duction  : 

<Già  dành  tronff  nguyêt  trên  mây! 
*iHoa!  sao  hoa  khéo  d&  dày  bêùy,  hoa! 
«  Noi  can  riêng  ffidn  Trai  già! 
41  Long  nây  ai  ta  cho  taf  Ho-i  long! 
«  Thuyên  quyên  vl  hiët  anh  hnng! 
<iRa  tay  Ûido  cUi  so  18 ng  nhtt  chci!» 

«Il  serait  digne  d'être  un  génie!» 

«Où  trouves-tu  donc,  ô  amour!  tant  de  force  pour  nous  aiiïulIlr'P 

«En  mon  sein  naît  la  colère!  je  m'irrite  contre  le  Ciel!'^ 

»  Lht  :  «  Sa  valeur  —  est  digne  ci'  —  (un  être  qui  est)  dans  —  ïa  tunef  — 
au  dessus  des  —  nuages!* 

^  Litt  :  <  Fleurs  (désirs  amoureux)  —  comment,  —  (ô)  fleurs!  —  ^««-tXMi»  Aa- 
hUes  à  —  (nous)  amollir  —  tant,  —  fleurs!» 

'  litt  :  € le  vieux  Ciel», 


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216  KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Song  thn  dâ  khép  cành  ngoài; 

Taî  con  dông  vong  mây  IM  sât  dinli. 

Nghï  ngirôi  thôi,  lai  nghï  minh  ; 

Câm  16ng  chua  x6t,  ta  tinh  ba  vc? , 
1075    Nhfrng  là  lân  Ifra  n&ng  mua; 

Kiêp  phong  tran  biêt  bao  gib  !à  thôi? 

Dânh  lieu  nliân  mot  dôi  loi, 

Nhô"  tay  te  do  vô-t  nguô-i  tiâm  luîiuî 

Mânh  tien  kè  hêt  xa  gân; 
1080    Noi  nhà  bâo  dâp,  nôi  thâti  lac  làï. 

Tan  siroTîg  vira  rang  ngiiy  mai, 

«  Qui  donc  nous  fera  connaître  ce  que  tu  contiens,  ù  mon  cœurl  * 
«Fille  distinguée  moi-même,  je  reconnais  lui  homme  distingué.* 
«  S'il  se  prêtait  à  ouvrir  ma  prison,  m*échappL*r  no  serait  qif  un  jeu  !  ♦  ' 
Lintercalation  que  je  viens  de  signaler  a  cvideniment  été  m;il  ]ï]uH' 

par  suite  d'une  erreur  de  gravure.   Elle  devrait  so  trouver  après  le  veis 

que  je  cote  1071  dans  ma  transcription. 

■^  Ce  vers  n'est  pas  complètement  identique  dans  len  deux  édltiotis.  ÏMna  1r  phi5  in- 
cienne  on  lit  :  «at  ^  cko  te  ....»,  et  dans  l'autjB  :  * .  ,  ,  ni  to  rAo  ai  ..-,*» 
Si  l'on  adopte  la  première  version,  il  fiiut,  je  crois,  tnulïiirc  tomnie  je  Vm  MU  et  con- 
sidérer cette  plurase  comme  exprimant  la  confusion  et  Imftrtituïle  r^uo  l'htTe>îfit'  du  iwttK» 
•  constate  elle-même  dans  les  sentiments  do  son  propre  cn-ur  Daiu^  li  BecuiHle,  «  ox  —  qui  > 
doit  être  regardé  comme  s'appliquant  h  SîrKhanh  (voir,  hur  Lt;  rtVlc  lïu  ■  i:if  >,  ma  tradist-lkiti 
du  L?tc  Vân  Tihi,  page  32,  note  2). 

^  Litt  :  €(  Une)  fille  distinguée  —  en  (le)  comparaiU  (avec  etk^mhiK)  ~~  ctm- 
natt  —  nn  héros  (un  homme  diatinfjué),* 

^  Litt  :  ^(S'il)  faisait  sortir  —  (ses)  maimt  -*  (et)  déliuU  —  le  tui,  -^ 
(m^)échapper  du  —  long  —  serait  convne  —  jaiw?r .'  ^ 

Le  Oui  est  ime  cage  destinée  à  contenir  des  quadrupt^lcs,  m  tiammcnt  do*  pfircss  pw^ 
fois  aussi  des  criminek  Le  lîing  sert  au  contraire  à  rcuTcmier  d€»  fiâcaïuL 


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KIM  vAn  KIËU  tAn  TRUYIn.  217 

Elle  avait  fermé  les  volets  de  sa  fenêtre  '; 

mais  son  oreille  attentive  écoutait  encore  les  paroles  enchanteresses^. 

Pensant  à  Ini;  pensant  à  elle^ 

dans  son  cœur  abreuvé  d'amertume,  elle  sentit  le  trouble  se  glisser  3. 

Sans  cesse  en  proie  aux  jeux  de  la  fortune  \  %fm- 

quand  donc  terminerait-elle  son  passage  au  milieu  du  monde? 

Elle  résolut  d'envoyer  quelques  mots  de  lettre  (à  Sa  Khanh)-^ 

elle  aurait  recours  à  lui  pour  sortir  de  cet  abîme  *! 

Elle  confia  au  papier  toutes  ses  aventures; 

comment  elle  s'était  acquittée  de  la  dette  filiale,  et  son  isolement  i^po 

actuel. 
Le  lendemain,  dès  qu'apparat  l'aurore  <*, 

1.  <Thu  —  automne:^  est  une  cheville  poétique,  tirée  de  cette  idée  que 
les  fenêtres,  qu'on  laisse  souvent  ouvertes  en  été,  se  ferment  en  automne 
à  cause  du  mauvais  temps. 

2.  Litt.  :  «  Son  oreille  —  encore,  —  y  prenant  part,  —  épiait  de  loin  —  les 
paroles  —  en  fer  —  de  chu  fces  paroles  qui  faisaient  sur  son  âme  une  impres- 
sion pareille  à  celle  que  produit  un  clou  de  fer  sur  VoLjet  dans  lequel  on  Ven- 
fcnce),^ 

3.  Litt.  :  *Elle  est  émue  —  (quant  à  son)  cœur  —  douloureux,  —  elle  est 
pénétrée  —  (quant  à  ses)  sentiments  —  troublés,  :> 

4.  Litt.  :  ^Altsolument  —  c^est  —  tergiverser  —  (quant  à)  la  chaleur  —  (et 
à)  la  pluie;  » 

5.  Litt.  :  «  Elle  s'appuierait  sur  —  (sa)  main  —  (qui,  lui)  faisant  traverser 
le  courant  —  et  (la)  faisant  passer  à  gué,  —  tirerait  de  Veau  —  (une)  personne 
—  (T^)  s^enfonçait  dans  Vabîme.* 

6.  Litt.  :  <  (Au)  dissiper  —  de  la  rosée,  —  précisément  quand  —  commença 
à  briller  —  le  jour  —  du  lendemain,  » 


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218  KIM  vAn  KIËU  TAn  TRUYÊN. 

Cânh  hông  nàng  mô-i  nhân  IM,  gôi  sang. 

Trôi  tây  lùng  dèng  bông  vàng, 

Phuc  tha,  dâ  thây  tin  chàng  dên  nai. 
1085    Mo"  xem  mot  httc  tien  mai; 

Rành  rành  «ffcA  viêt^  cô  hai  chu*  de. 

Lây  trong  y  tit  ma  suy, 

^Ngày  hai  raipcri  mSt  tuât  tJà^y  phâi  châng? 

Chim  hôm  thôi  thoât  vë  rirng; 
1090    Doà  Trà  mi  dâ  ngâm  trâng  nèa  mành. 


1.  Litt.  :  <(Par  un)  opportun  —  Hông  —  la  jeune  fiUe  —  enfin  —  fit  par- 
venir —  ses  paroles  —  (et,  les)  envoyant,  —  les  transmit.  > 

Le  ^A  Hong  est,  d'après  M.  Wells  Williams,  une  oie  sauvage  de  grande 
taille  que  l'on  regarde  comme  appartenant  à  la  même  espèce  que  le  |}|| 
Nhan,  mais  qui  est  plus  grosse  et  est  probablement  un  tout  autre  oiseau.  Ce 
nom  est  appliqué  par  métaphore  aux  porteui-s  de  lettres.  (Voy.  Wells  Wil- 
liams, A  syllabic  dictionary  of  chinese  language,  au  carad.  yfe.) 

2.  *B6ng  —  ombrer  est  pris  ici  dans  le  sens  de  ^^ lueur,  lumière  affaiblie». 
Cette  acception  se  rencontre  fréquemment  dans  les  poésies  annamites. 

3.  L'auteur,  qui  a  besoin  d'un  mot  rimant  avec  ^nai»,  a  choisi  <mai*, 
parce  qu'il  est  question  ici  d'un  de  ces  billets  galants  T^  ^  hoa  tien) 
sur  le  papier  desquels  sont  dessinées  en  or  des  fleurs  de  diverses  espèces. 
Il  suppose  que  celui  dont  il  s'agit  portait  comme  ornement  la  fleur  de  l'arbre 
Mai, 

4.  Ce  vers  contient  un  jeu  de  mots  des  plus  ingénieux.  Des  deux  carac- 
tères «  =ë^  f^  tkh  viét  >  le  premier  signifie  <^àla  nuit  »  et  le  second  «ymn- 
chir*.  Leur  réunion  fait  donc  comprendre  à  Ttiy  Ki^  que  son  évasion  devra 
avoir  lieu  après  le  soleil  couché.  Mais,  en  outre,  si  l'on  décompose  ces  deux 
signes  on  leurs  éléments  dans  le  même  ordre  que  le  pinceau  les  trac«,  on 
obtient  la  série  suivante  : 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÇN.  219 

la  jeune  fille  profita  d'une  occasion  pour  faire  porter  son  billet  *. 
Les  jaunes  lueurs  du  soir  s'attardaient  au  ciel  occidental  ^ 

quand  eUe  vit  arriver,  dans  une  réponse,  des  nouvelles  du  jeune 

homme. 
Elle  ouvrit  l'enveloppe,  et  vit  un  billet  ^  1085 

dans  lequel  s'offraient  aux  yeux  les  caractères  <^tich  viet*. 

Elle  réfléchit  au  sens  caché  (de  cette  énigme). 

n  s'agissait,  à  n'en  pas  douter,  du  vingt-et-un  (du  mois)  et  de  l'heure 
TuatK 

Les  oiseaux,  sur  le  soh",  regagnaient  la  forêt. 

La  corolle  de  la  fleur  Trà  mi  ne  recevait  alors  que  la  moitié  des  1090 
rayons  de  la  lune  \ 


thâp  rûii  nhvrt  nhut  tâu  luéU. 

qui  forme  une  véritable  phrase  dont  le  sens  est  :  «  Le  vingt  et  unième  jour 
(de  ce  mois)  noua  parUrona  à  Vheure  Tuât  »,  c'est-à-dirc,  selon  notre  manière 
de  compter  *à  sept  heure»  du  aoîr*. 

Nous  avons  là  un  spécimen  de  cryptographie  fort  remarquable,  en  ce 
qu^fl  est  essentiellement  propre  au  système  de  formation  des  caractères  chi- 
nois. 

Les  mots  ^pkài  ckângf»  qui  terminent  le  vers  signifient  «n'est-ce  pas?» 
On  ne  pourrait  les  traduire  ainsi  en  français;  car  dans  notre  langue  cette 
formule  ne  s'emploie  que  lorsque  Ton  s'adresse  à  un  interlocuteur  quel- 
conque. Ils  correspondent,  comme  sens  général,  à  notre  expression  «*a?w 
aatcttn  doute». 

5.  Litt  :  «  La  fleur  —  du  Trà  mi  —  déêonnais  —  dévoraU  —  la  lune  — 
(quant  à)  la  moitié  du  —  disqite  (seulement J,  » 

La  fleur  de  ce  nom  présente  une  corolle  évasée  dont  l'ouverture  est 

toujours  tournée  du  côté  de  la  lumière.  L'auteur  dit  qu'elle  ne  recevait  que 

eelle  de  Ja  moitié  du  disque  lunaire,  parce  que,  le  21  du  mois,  cet  astre  était 

à  son  dernier  quartier.  L'obscurité  était  donc  suffisante  pour  que,  tout  en 

y  voysat  assez  pour  se  guider,  les  fugitifs  pussent  échapper  aux  regards. 


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220  KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Tirô-ng  dông  lay  dong  bông  nhànli. 
Rë  song,  dâ  thây  Sa  Khank  birô-c  vào! 
Sircmg  sùiig,  dânh  dan,  ra  chào; 
Doan  thôi  nàng  moi  dl  trao  an  can. 
1096    Rang  :  cTôi  bèo  nxtfyc  chût  thân! 

cLac  dàng,  mang  lay  no  nân  en  anh. 

«Dâm  nhô"  côt  nhuc  td*  sanh! 

«Côn  nhiêu  Mt  cb  ngâm  vành  vë  sau!» 

1.  Le  mot  dông  —  orienta,  et  par  position  *  oriental*  n'est  ici  qu'an  orne- 
ment, comme  «^u»,  au  vers  1071. 

2.  Litt.  :  nfElleJ  dit  :  ^Je  —  (auia  un)  Bèo  —  cTeau  —  (quant  à  mon)  peu 
de  corps!» 

Voir  sur  le  Bèo  ou  lentille  d'eau  ma  traduction  du  Luc  Vân  Tien,  page  44, 
note  2. 

L'expression  «Bèo  wMYfc»  devient  ici  par  position  un  verbe  qualificatif. 

3.  Litt.  :  *  AT  étant  trompée  de  —  chemin,  —  (en)  la  supportant  — fai  pris 
(sur  moi-même)  —  la  dette  —  de  sympathie*. 

L'expression  ێn  anh*  est  susceptible  de  plusieurs  significations  qui  pa- 
raissent très  éloignées  au  premier  abord,  mais  entre  lesquelles  on  trouve, 
en  les  examinant  de  plus  près,  une  connexion  évidente.  Dans  ma  traduction 
du  vers  45,  je  la  traduis  par  €une  foule  brillante*.  Elle  exprime  ici  ^des 
sentiments  de  sympalhie  qui,  sans  être  tout  à  fait  de  V amour,  lui  ressemblent  et 
y  conduisent*.  C'est  qu'en  effet  c'est  dans  les  réunions  de  personnes  des  deux 
sexes ,  où  chacun  se  pare  et  se  met  en  frais  de  galanterie,  que  prennent  le 
plus  généralement  naissance  les  liaisons  de  cette  nature.  H  est  à  remarquer 
qu'entendue  dans  cette  acception  l'association  de  substantifs  dont  il  s'agit 
devient  un  véritable  nom  abstrait  à  chacun  des  éléments  duquel  il  n'est 
plus  possible  d'attribuer  un  sens  particulier,  et  dont  la  signification  étymo- 
logique ne  pourrait  être  indiquée  que  par  une  longue  périphrase,  telle,  par 
exemple,  que  celle-ci  :  *  Un  de  ces  sentiments  qui  se  manifestent  dans  les  réu- 
nions de  personnes  brillamment  vêtues  (litt.  :  d'hirondelles  et  de  perroquets)*. 
Ces  sentiments  sont  la  galanterie  et  V amour;  mais  ce  sont  aussi  Vhypocrisie, 
la  duplicité;  aussi  ne  sera-t-on  pas  surpris  de  voir  l'expression  «en  anh*,  outre 


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KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÇN.  221 

•  Du  côté  du  mur  *  les  branches  remaërent; 

(Eeu)  ouvrit  sa  fenêtre  et  vit  Sa  Khanh  qui  entrait. 

E31e  rongit,  maiS;  s'annant  de  courage^  eUe  sortit  et  le  salua; 

puis,  lui  parlant  à  l'oreille^  elle  lui  fit  en  détail  tout  connaître. 

«Je  suis»,  lui  dit-elle,  «une  pauvre  créature  abandonnée^!  1090 

«Jetée  loin  de  mon  chemin,  j'ai  (pour  vous)  dans  mon  cœur  senti 

»  naître  la  sympathie  \ 
«  Je  veux  me  confier  à  vous  pour  la  vie  comme  pour  la  mort  ^, 

<  et  dans  la  suite,  en  mainte  occasion,  je  vous  prouverai  ma  gratitude  ^  !  » 

les  deux  sens  déjà  indiqués  de  ^fouU  brillante*  et  de  i^ sympathie»  ou  d'«M- 
triffue  amcureuit*,  signifier  aussi  très  fréquemmeut  «  la  fourberie  ^^  ou  «yôurôe», 
lorsque  la  position  qu'elle  occupe  en  fait  un  adjectif. 

Le  substantif  «no^  ou  ««mt  iv&n»,  qui  signifie  littéralement  *  dette»,  a 
en  poésie  un  sens  plus  étendu  que  ce  dernier  mot  ne  le  comporte  en  fran- 
çjûs.  Il  exprime  aussi,  en  effet,  un  sentiment  tel  qu'il  met,  vis-à-vis  de  la 
personne  qui  en  est  Tobjet,  celle  qui  le  ressent  dans  la  situation  d'un  dé- 
biteur vis-à-vis  de  son  créancier.  Tûy  Kiêu  éprouve  pour  Sa  Khanh  im  com- 
mencement d'amour,  qui  la  contraint  pour  ainsi  dire  à  manifester  de  la 
sympathie  à  cet  homme  comme  s'il  existait  entre  eux  une  obligation  par 
suite  de  laquelle  elle  serait  tenue  de  le  faire. 

4.  Litt  :  <«/'ofe  —  inappuyer  sur  —  les  os  et  la  chair,  —  (tmr)  la  mort  — 
(et)  la  vie/» 

On  dit  en  chinois  de  deux  personnes  unies  par  les  liens  du  sang  qu'elles 
sont  «  •&  R»  (?^  jâ&  cot  nhuc  hw/nh  de  —  frère  d'os  et  de  chair  ».  La  jeune 
fille  manifeste  à  ^  Khanh  l'intention  de  rester  aussi  étroitement  attachée 
à  Ini  que  le  sont  les  unes  aux  antres  les  personnes  auxquelles  s'applique 
d'ordinaire  cette  épithëte,  ou  encore  celles  qui  restent  unies  dans  la  vie 
cofoine  dans  la  mort  (^  là^  ta;  sanh), 

ô.  Litt  i  *Ily  awra  encore  —  beaucoup  (de  faits  de)  —  joindre  —  les  herbes 
—  (et)  tenir  dan»  le  bec  —  un  cercle  —  dorénavant!» 

Ce  vers  fait  allusion  à  deux  légendes.  La  première  est  celle  du  favori 
de  Wb  â^  ^g^  Th^>  <l6  ^  Tdn.  Elle  se  rapporte  à  l'époque  dite  des 
«3|  QÊ  Chien  quSc  —  Boyaumes  combattants».  En  ce  temps-là  subsistait  en- 
core une  affreuBe  coutume,  d'après  laquelle  les  grands  désignaient  de  leur 


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222  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUY^N. 

Lâng  ngôi,  thâm  ngâm,  gât  dâu  : 
1100    «Ta  dây!»  cPhâi  miron  ai  dâu  ma  rang? 
«Nàng  dà  bîêt  dên  ta  châng? 
cBè  trâm  luân  lâp  cho  bâng;  moi  tliôi!> 
Nàng  rang  :  «Muôn  su*  cm  nguM! 
«Thê  nào  xîn  quyêt  mot  bài  cho  xong!» 


vivant  nn  certain  nombre  de  personnes  pour  être  ensevelies  avec  eux;  cou- 
tume qu'on  trouve  mentionnée  dans  le  ^^  jH^  et  dans  le  "^  jK,  qui 
renferme  une  ode  des  plus  touchantes  intitulée  ^^^  J^  Hitynk  dHên  — 
Les  oisea^tx  jmmes*  dans  laquelle  le  poète  déplore  le  sort  des  trois  frères 
-¥•  !fi  ^'^  ^  condamnés  avec  cent  soixante- sept  autres  personnages  de 
marque  à  descendre  vivants  dans  le  tombeau  do  ^^^^  -M^  công,  prince 
de  ^è  Tdn,  Ngujf  Thù,  voulant  éviter  cet  horrible  sort  à  un  jeune  homme 
qu'il  affectionnait  beaucoup,  avait  recommandé  à  son  fils  aîné  de  faire  une 
exception  en  sa  faveur.  Malheureusement,  lorsqu'il  fut  à  Tagonie,  son  esprit 
obscurcit  et  il  donna  Tordre  contraire  à  son  plus  jeune  fils.  Néanmoins  Taîné, 
qui  avait  reçu  les  recommandations  de  son  père  alors  qu'il  était  en  pleine 
possession  de  ses  facultés,  parvint  à  persuader  à  son  frère  qu'il  n'y  avait 
point  à  tenir  compte  de  celles  qui  lui  avaient  été  faites  en  dernier  lieu,  et 
en  fin  de  compte  le  favori  fut  épargné. 

Plus  tard,  les  deux  frères  commandaient  les  troupes  du  prince  de  ^• 
Tân  contre  celles  de  celui  de  ^  Tân  avec  qui  leur  souverain  était  en 
guerre.  Ils  avaient  essuyé  une  défaite,  et  le  général  ennemi  avait  même 
brisé  leur  char.  Plongés  dans  l'abattement,  ils  ne  savaient  quel  parti  prendre, 
lorsque,  pendant  la  nuit,  l'aîné  entendit  tout  à  coup  une  voix  qui  prononçait 
ces  mots  :  <  ^  |^  ]^  TharUi  ihào  phâl  —  Ils  seront  défaite  par  les  herbes 
vertes!»  Tout  étonné,  il  réveilla  son  frère  et  lui  raconta  ce  qu'il  avait  en- 
tendu. Persuadés  alors  qu'une  intervention  surnaturelle  se  déclarait  en  leur 
faveur,  ils  'reprirent  courage,  montèrent  à  cheval,  et  marchèrent  au  devant 
de  l'ennemi.  Lorsqu'ils  se  trouvèrent  en  sa  présence,  ils  feignirent  de  prendre 
la  fuite  et  s'élancèrent  à  travers  un  marais  couvert  d'une  herbe  luxuriapte. 
Au  bout  d'un  certain  temps,  ne  se  voyant  pas  poursuivis,  ils  se  retour- 
nèrent et  virent  avec  étonnement  les  soldats  du  prince  de  Tân  qui  trébu- 
chaient au  milieu  du  marais  et  tombaient  à  terre  dans  le  plus  grand  désordre. 


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Kl  M  VAN  KIËU  tAn  TliUYÊN.  223 

Le  jeune  homme,  silencieux,  s'assied,  il  réfléchit  et  secoue  la  tête. 


> 


Me  voici!»  répondit-il.   «Où  trouveriez-vous,  dites-moi!  quelqu'un  iioo 

(de  plus  capable)  '? 
«Avez- vous,  ô  jeune  fille!  entendu  parler  de  moi? 

«Ne  craignez  rien!  Je  suis  homme  à  combler  Fabîme  où  vous  êtes 

>  plongée!» 
«Mille  grâces  vous  soient  rendues!  >  dit  Kiêu, 

«Oh!  veuillez  de  suite  arrêter  les  moyens  qu'il  convient  de  prendre!  » 


Ils  revinrent  aussitôt  sur  leurs  pas  et  firent  un  grand  carnage  dans  lequel 
le  général  ennemi  lui-même  resta  sur  le  champ  de  bataille.  C'était,  dit  la 
légende,  Tâme  du  père  du  favori  épargné  qui,  reconnaissante  de  la  com- 
passion qu'ils  avaient  montrée  envers  son  fils,  avait  noué  ensemble  les  tiges 
des  herbes.  Les  soldats  de  TVîn,  lancés  à  la  poursuite  des  fugitifs,  s'étaient 
trouvés  pris  dans  cet  enchevêtrement,  et  n'avaient  pu  éviter  la  chute  qui 
les  avait  mis  à  la  merci  de  leurs  ennemis. 

La  seconde  légende  a  trait  à  un  certain  chaidonneret  que  le  roi  H^  jj^ 
Thài  Mâu,  de  la  dynastie  des  1^  Thu<mg,  avait  reçu  en  présent.  Comme 
il  voyait  l'oiseau  rester  immobile,  ébouriffé  et  les  ailes  pendantes  tandis 
que  sa  femelle  voletait  au  dehors  en  criant  d'une  façon  lamentable,  l'Em- 
pereur fut  saisi  de  pitié  et  donna  la  liberté  au  captif. 

La  nuit  suivante,  pendant  son  sommeil,  le  prince  le  vit  pénétrer  dans 
sa  chambre.  Il  tenait  au  bec  un  anneau  fait  de  la  pierre  précieuse  appelée 
^  Bich  (eêpèce  de  jade  vert),  qu'il  déposa  dans  une  cassette  et  offrit  à  l'Em- 
pereur. Ce  dernier  crut  à  son  réveil  avoir  été  le  jouet  d'un  rêve-,  mais 
quelle  ne  fut  pas  sa  surprise,  lorsqu'allant  à  sa  cassette,  il  y  trouva  véri- 
tablement le  joyau  que  l'oiseau  lui  avait  apporté  pour  le  remercier  de  sa 
compassion! 

L'héroïne  de  notre  poème  promet  à  Sa  Khanli,  s'il  la  délivre,  de  se 
montrer  aussi  reconnaissante  envers  lui  que  l'esprit  qui  noua  les  herbes  du 
marais  pour  donner  la  victoire  aux  deux  généraux  de  Tâfn  et  le  chardon- 
neret qui  apporta  au  roi  Thài  Mâu  un  anneau  de  jade. 

1.  Litt.  :  «  «/c  —  »uis  ici!  —  //  faudrait  —  louei'  —  qui  —  où  —  pour  — 
—  diref» 

Cette  formule  :  «ma  rang»,  qui  est  du  reste  assez  rarement  em- 
ployée, présente  une  visible  analogie  avec  les  finales  /\\  f\)j  -Vr^TV? 
A'i  jk  'i   lOO  -y  ^^  mandchou. 


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224  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

1105    Rang  :  «Ta  c6  ngvra  Truy  pliong! 

«C6  tên  dirôi  tnrông!  Vôii  dong  kièn  nhi! 

«Thira  ccr!  lén  hvaàc  ra  di! 

«Ba  nurcî  sâu  chirô'c,  chudc  nào  lai  han? 

«Dâu  khi  gio  kép  mira  don, 
1110    «C6  ta  dây!  Cûng  châng  can  cô-  gi!» 

Nghe  IM,  nàng  dâ  sanh  nghi; 

Song  dà  quâ  dên;  quân  gi  dirçrc  thân? 

Cûng  lieu  nhâm  mât  sây  chcrn 

Ma  xem  Con  tac  xây  van  dên  dâu. 
1116    Cùng  nhau  lén  birô-c  dirôi  lâu; 

Song  song  ngira  tradc,  ngu'a  sau,  mot  doàn. 


1.  Litt  :«....  un  chevcU  qui  sttU  le  vent». 

2.  Litt.  :  ««/W  —  des  flèches  —  soua  —  (ma)  tente!  —  De  ma  nature  — 
je  êuia  de  la  race  —  des  forts  —  enfants!» 

L*expression  ^dbng  kiht  7ihi*  devient  par  position  un  verbe  qualificatif. 

3.  Litt.  :  ii  (Parmi)  trente-six  —  artifices,  —  (en  faU  d^)artifice  —  quoi  — 
encore  —  (est)  meilleur  f» 

Dans  cette  locution  «c^trcfc»  est  proprement  un  terme  stratégique,  qui 
signifie  ^un  moyen  d^engager  la  bataille».  —  L'adverbe  ^hon  —  pbts»  devient 
par  position  un  adjectif  qualificatif. 

4.  Litt.  :  «  5»  —  (dans  un)  temps  —  le  vent  —  est  double  —  (ou)  la  pluie 
—  simple  (s'il  vous  arrive  un  malheur  petit  ou  grand),» 

Pour  expliquer  le  rôle  de  «Mt»  dans  la  locution  *dâu  klii  —  s'il  arrive 
gî<e  .  .  .  .  >,  il  faut  le  considérer  comme  un  substantif,  et  observer  qu'il  se 
trouve  toujours,  par  suite  de  sa  position,  au  cas  circonstantiel  (s'il  m'est 
permis,  pour  être  plus  clair,  d'employer  cette  manière  de  parler). 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  225 

«Je  possède»,  reprit  Sa,  «  un  cheval  rapide  comme  le  vent  K  1105 

«J'ai  le  moyen  de  réussir '!  Je  suis  de  la  race  des  forts! 
«Saississez  Toccasion!  sortez  d'ici  en  cachette! 
<  De  tous  les  moyens  à  prendre,  en  e&t-il  de  plus  efficace  •'*? 
€  S'il  vous  arrive  quelque  mauvaise  aventure  \ 

«Je  suis  là!  Vous  n'avez  rien  à  craindre!  »  H 10 

La  jeune  flUe  à  ces  paroles  sentit  naître  des  soupçons; 
mais  elle  s'était  trop  avancée!  Que  lui  importait,  d'ailleurs? 
Elle  résolut  de  fermer  les  yeux  et  de  s'abandonner  à  l'aventure  * 
pour  voir  comment  pour  elle  allait  tourner  la  roue  de  la  Fortune  \ 
A  pas  de  loup  tous  deux  descendirent  au  bas  du  pavillon,  iii5 

et,  montés  sur  deux  chevaux,  ils  cheminèrent  l'un  derrière  l'autre  '. 


5.  Ici  «  #4y  ^^^^^  *  "C  signifie  pas  précisément  *  faire  im  faux  pas  >,  mais 
seulement  €  marcher  dont  les  canditians  de  ceux  qui  amtt  exposés  à  en  faire-», 
c'est-à-dire  «à  VaverUure,  à  Vaveuglette*, 

6.  litt  :  *Paur  voir  —  la  Fortune  —  en  tournant  —  irait  —  oùf* 

n  y  a  nne  analogie  remarquable  entre  la  métaphore  que  contient  ce 
vers  et  la  conception  de  la  Fortune  dans  la  mythologie  grecque.  Il  ne  fau- 
drait pas,  cependant,  pousser  trop  loin  la  similitude.  Chez  les  Grecs  et  les 
Romains,  l'idée  de  la  déesse  Fortune  ne  dérivait  nullement  de  celle  de 
création  coDune  le  <C<m  tao*  annamite,  qui  est  identique  au  j(^ 'fl^  ^<^ 
hod  chinois,  et  n'est  nullement  représenté  comme  une  femme  aveugle  qui 
erre  au  hasard,  le  pied  sur  nne  roue. 

7.  Litt.  :   *  Ensemble,  —  (un)  cheval  —  devant,  —  (un)  chev€U  —   derrih-e, 
—  fenj  un  groupe,  > 

lô 


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226  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Bêm  thu  khâc  mân  canh  tàn; 

Gi6  cây  lot  là,  trftng  ngàn  ngâm  gtrong. 

Loi  m5n  cô  Içrt  mùî  sirang. 
1120    L6ng  que  di  mot  birô-c  dirông  mot  dau! 

Tiêng  gà  hao  hâo  gây  mau, 

Tiêng  ngirM  dân  dâ  mai  sau  dây  dàng. 

Nàng  càng  thon  thitc  gau  vàng! 

Sa  Khanh  dâ  rë  dây  cnang  nèo  nào? 
1125    Mot  mlnh,  khôn!  biêt  làm  sao? 

Dâm  nhig  hxr&Q  thâp  hva&c  cao  hâi  hùiig. 

Hâa  nhi  thât  c<S  na  16ng! 

Làm  chi  giày  tfa  v5  hông  lâm  nao? 

Mot  doàn  dua  dên  tnidc  sau. 


1.  Litt  :  *  (Quant  à  celle)  nuU  —  d^aulomne,  —  les  quarla  —  étaient  coiu- 
plel»,  —  les  veillée  —  étaient  eocpirées,»  —  Le  matin  arrivait 

2.  Litt.  :  *(Par  le)  vent  —  les  arbres  —  étaient  esêw/éê  —  quant  auxfeuHlet; 
—  (quant  à)  la  lune,  —  les  montagnes  —  (en)  avalaient  —  le  miroir,  :^ 

3.  Litt.  :  €(Dans)  le  sentier  —  t«^(8ic)  —  V herbe  —  était  pâle  —  (quant 
à)  la  couleur  —  de  la  rosée,» 

4.  Litt.  :  «  La  jeune  file  —  de  plus  en  plus  —  fut  anxieuse  —  quant  à  — 
(son)  foie  —  d'or,  » 

6.  Litt.  :  €(Dans)  les  dàm  —  de  la  forêt  —  elle  marchait  —  bas,  —  elle 
marchait  haut,  —  saisie  de  terreur,* 

Elle  était  tellement  troublée  qu'elle  ne  pouvait  diriger  son  cheval,  dont 
Tallure  devint,  par  suite,  irrégulière. 


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KIM  vAN  KIËU  TAn  TRUYÊN.  227 

Les  heures  de  la  nuit  s'étaient  écoulées  i;  la  fin  des  veilles  était 

venue; 
le  vent  séchait  les  feuilles  des  arbres;  Tastre  des  nuits  allait  bientôt 

disparaître  ^. 
Dans  le  sentier  battu  la  rosée  voilait  Féclat  des  herbes  K 

Chaque  pas  que  faisait  (Kiêu)  ravivait  dans  son  âme  l'amer  souvenir  1120 
de  son  pays  natal! 

Le  chant  du  coq  se  fit  entendre  à  de  courtes  reprises; 

et,  tout  à  coup,  derrière  la  maison,  Ton  entendit  des  cris;  un  tumulte 

s'éleva. 
La  jeune  fille  en  son  cœur  ^  sentit  redoubler  ses  angoisses! 

Sa  Khanh  avait  tourné  bride!  Par  où  donc  avait-il  passé? 

Elle  était  là,  seule  et  ne  sachant  que  faire!  iits 

Au  sein  de  la  forêt  elle  s'abandonna,  pleine  d'épouvante,  à  l'allure 

irrégulière  de  son  cheval  K 
«  Oh  !  vraiment  !  >  se  dit-elle,  «  j'ai  envers  le  Créateur  ^  une  dette  d'îw- 

»  fortune  (à  payer)! 
«Pourquoi,  malheureuse  fille,  te  maltraite-t-il  ainsi ^?> 

Devant  elle,  derrière  elle,  arrivent  des  gens  en  troupe  ®. 


6.  Litt  :  «ie  Créateur  —  véritablenient  —  a  (possède)  —  la  dette  —  de 
(mon)  eeeur!» 

7.  Lîtt.  :  €(Pour)  faire  —  quoi  —  fouler  aux  pieds  —  le  violet,  —  rouhr 
entre  les  doigts  —  le  rose  —  beaucoup  —  doncf» 

Tûy  Ki£u  86  compare  à  une  fleur  fragile  que  Ton  se  fait  un  cruel  plal^^tr 
de  détruire.  Le  violet  et  le  rose,  étant  des  teintes  que  Ton  rencontre  coiu- 
mnnément  dans  les  fleurs,  sont  pris  ici  pour  les  fleurs  elle-même.  —  Ls 
substantif  ^giày  —  chaussure*  devient  verbe  par  position. 

8.  Lîtt.  :  *(En)  une  troupe  —  Us  rivalisaient  pour  —  venir  —  devant  — 
(et)  derrière,* 

16* 


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228  KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN. 

1130    Vùt  dâu  xuông  dât?  Cânh  dâu  len  trbi? 

Tu  bà  toc  thâng  dên  nai, 

Am  âm  âp  dîêu,  mot  hoi  lai  nhà. 

Himg  hành,  châng  liôî,  châng  tra; 

Giâng  tay  vùi  lieu  dâp  hoa  tci  bôi. 
1135    Thît  da  ai  cûng  là  ngirôi 

Long  nào  hông  rang  thâm  r6i  châng  dau? 

Hêt  loi  thù  phuc  khân  câu! 

Uôn  lirng  nui  dô  gîâp  dâu  mâu  sa! 

Rang  :  «Toi  chut  phan  dfm  bà! 
1140    «Nu'ci'C  non  lia  cèa  lia  nhà  dên  dây! 


1.  Litt  :  *  Brut/amtnerU  —  elle  V arrête  —  (pour)  V emmener,  —  (et  en)  une 
haleine  —  elle  vient  à  —  la  maison,* 

2.  Litt.  :  <^  Étendant  —  le  bras,  —  elle  couvre  de  terre  —  le  saule,  —  elle 
remblaie  —  la  fleur  —  de  manière  à  la  mettre  en  lambeaux,  » 

3.  Litt.  :  «  Étant  chair  —  (et)  peau,  —  qui  (que  ce  soit)  —  tout  aussi  bien 
—  étant  —  homme,* 

La  position  des  deux  mots  «^t^  —  chmr*  et  «(2a  —  peau*  devant  le 
pronom  «ai»  qui  leur  est  apposé  en  fait  nécessairement  des  verbes  quali- 
ficatifs; et  comme  ces  verbes  en  précédent  un  antre  verbe  (Ih)  dont  ce 
pronom  est  le  sujet,  ils  ne  peuvent  être  mis  à  un  autre  mode  qu'au  parti- 
cipe. «  Là  »,  à  son  tour,  est  participe  aussi  sous  l'influence  du  verbe  «  dau  > 
qui  arrête  et  détermine  le  sens  de  la  période  entière  à  la  fin  du  vers  sui- 
vant, n  faut  enfin  noter  que  «a»»,  lorsqu'il  est  suivi  de  «cSti^t  —  toul  aussi 
bien*,  ne  signifie  plus  ^quif»,  mais  *qui  que  ce  soit*. 

Voici,  dans  son  ensemble,  le  sens  général  de  ce  singulier  vers,  qui  serait 
absolument  incompréhensible  si  l'on  n'appliquait  rigoureusement  la  règle 
de  position  à  tous  les  éléments  qui  le  composent: 


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KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÇN.  229 

Oft  trouvera-t-elle  des  griffes  pour  s'enfoncer  dans  la  terre,  des  ailes  1130 

pour  monter  au  ciel? 
D'un  pas  précipité,  Tu  bà  sur  elle  arrive  droit, 

la  saisit  en  vociférant,  et  Temmène  tout  d'un  trait  dans  sa  demeure  ^ 

Brutalement,  sans  lui  adresser  une  question, 

elle  la  frappe  à  tour  de  bras,  elle  Faccable  de  mauvais  traitements  \ 

Quiconque,  étant  de  chair  et  d'os,  sent  dans  son  sein  battre  un  cœur  1135 

d'homme  ^, 
pourrait-il  voir,  sans  souffrir,  maltraiter  une  jeune  enfant^? 

(Malgré)  ses  protestations  d'obéissance,  malgré  ses  ardentes  suppli- 
cations, 

(la  mégère)  brutalement  lui  fait  courber  le  dos  et  la  jette  sur  le  sol  ^; 
elle  lui  écrase  la  tête  du  pied,  elle  la  met  tout  en  sang! 

«Je  ne  suis»,  dit  (Ki^),  «qu'une  pauvre  fille! 

«Exilée  de  la  maison  (paternelle),  je  suis  venue  ici  de  bien  loin  '^!     mo 


<  Qm  que  et  êoU  quiy  étant  composé  de  chair  et  de  peau,  est,  en  somme  (quelle 
que  puisse  être  la  dureté  de  son  coeur)  un  être  humain, 
pourrait-il f» 

4.  Litt.  :  *de  quel  ccmr  —  (au  sujet  de  ce  que)  le  rose  (la  fleur  rose)  — 
tombe,  —  (et)  le  rouge  (la  fleur  rouge)  —  se  détache  —  ne  pas  —  souffrirait?» 

Ce  vers  contient  une  inversion,  par  suite  de  laquelle  *dau  —  souffrir» 
qui  devient  ici  un  véritable  verbe  actif  à  peu  près  synonyme  de  *  déplorer», 
c«t  rejeté  à  la  fin. 

5.  Litt.  :  «  EUe  (lui)  courbe  —  le  dos  —  (à  la  manière  d'une)  montagne  — 
(qui)  est  répandue  (qui  croule);  —  elle  écrase  du  pied  —  (sa)  tête  —  (de  manière 
que)  le  sang  —  coule  f» 

L'expression  <  uSn  lung  nui  do  »  désigne  un  genre  de  violence  particulier 
qui  consiste  à  saisir  une  personne  par  les  cheveux  de  manière  à  lui  faire 
baisser  la  tête  et  gonfler  le  dos,  puis  à  la  jeter  brusquement  à  terre  en  lui 
imprimant  un  choc  violent.  —  «  Nui  do»  et  « màu  sa  »  sont,  à  cause  de  leur 
position  après  le  verbe,  des  expressions  adverbiales  de  manière. 

6.  Litt  :  «  (Quant  h)  des  montagnes  —  (et  h)  des  eaux  (franchissant  une  longue 


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230  KiM  vAn  kiéu  tAn  truyên. 

cBây  giô*  sông  thâc  ô*  tay! 

«Thân  nây  da  dên  thê  nây,  thi  thôi! 

«Nhirng  toi,  c6  sa  chi  toi? 

«Phân  tôî  dành  vây;  von  ngirôi  dây  dâu? 
1145    «Thân  liran  bao  quân  lâm  dâu? 

«Chut  long  trinh  bach!  tur  sau  cûng  chira!^ 

Birac  loi,  mu  moi  tùy  ce; 

Bât  ngurôi  bâo  lânh,  bât  tir  cung  chiêu. 

Bày  vai  cô  gâ  Ma  Kiêu, 
1150    X6t  nàng  ra  mdi  dành  lieu  cbiu  doan. 

Mu  càng  kè  nhât  kè  khoan; 

Gan  gîing  dên  mwc,  nông  nàn  mô-î  tha. 

Vu-c  nàng  vào  nghî  trong  nhà; 


distance),  —  me  êépararU  de  —  (ma)  porte,  me  séparant  de  —  (ma)  maison,  — 
je  suis  arrivée  —  idl:» 

1.  Litt.  :  €(Ma)  condition,  je  V accepte  —  mnsi!  —  (mais)  le  capital  —  de 
vous  —  (qui  est)  ici,  —  ou  (sera-t-il  f),  *  —  Kiêu  prévient  la  mégère  que,  si 
elle  la  fait  mourir  bous  les  coups,  elle  se  verra  intenter  un  procès  par  les 
parents  de  sa  victime,  et  y  perdra  son  capital. 

2.  Litt.  :  «Afon  corps  —  d'anguille  —  combien  —  a-t-il  soud  —  de  saUr 
—  (sa)  téUf» 

3.  Litt.  :  «  (En  fait  de  personne  qui)  comparait  —  les  épaules  — » 

L'expi'ession  «  bày  vai  —  qui  compare  (ses)  épaules  »  signifie  un  camarade. 

Les  camarades  sont  souvent  réunis,  et  lorsque  deux  d^entre  eux  marchent 


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KIM  VA'N  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  231 

«Entre  vos  mains  vons  tenez  maintenant  ma  vie! 

«Puisque  j'en  suis  venue  à  ce  point  de  misère,  il  me  faut  bien  me 
>  résigner! 

«Pour  ce  qui  est  de  moi,  qu'importe  ce  qui  m'adviendra! 

«Je  me  résigne  à  mon  sort;  mais  prenez  garde  à  votre  capital  '! 

«Je  suis  comme  l'anguille!  craint-elle  de  souiller  sa  tête^?  ii45 

«  Sincèrement  je  vous  l'affirme  !  je  ne  tenterai  plus  rien  désormais  !  > 

En  possession  de  cette  promesse,  la  vieille  met  l'occasion  à  profit. 

Elle  se  fait  donner  une  garantie;  elle  exige  une  déclaration  écrite. 

Une  de  ses  pareilles  ^  appelée  Ma  Kieii, 

touchée  de  compassion  pour  la  jeune  fille,  se  risque  à  servir  de  eau-  iiso 

tion. 
La  vieille  n'en  est  que  plus  âpre  à  tout  discuter  point  par  point  \ 

Elle  apporte  jusqu'au  bout  une  attention  scrupuleuse,  et  tombe  enfin 

d'accord  après  force  débats  K 
(Ma  Kiêu)  emmena  la  jeune  fille  chez  elle  afin  qu'elle  y  prît  du  repos. 


côte  à  côte,  ils  semblent  comparer  leurs  épaules  pour  voir  lequel  est  le 
plus  grand. 

4.  Litt.  :  «  La  vieille  femme  —  â^ autant  plue  —  compte  —  le  serré  —  (etj 
compte  le  large,» 

5.  Litt.  :  *EUt  apporte  une  êcrupuUuae  —  attention  —  jtuqu^à  la  —  limite  j 
—  (en  se  montrantj  âpre  —  enfin  —  elle  concède,* 

Lorsque  plusieurs  personnes  jouent  à  un  jeu  dans  lequel  se  trouve  une 
limite,  comme,  par  exemple,  une  raie  tracée  sur  le  sol,  on  mesure  les  écarts 
d'après  cette  ligne,  et  a  grand  soin  de  bien  Taffleurer  en  prenant  son  point 
de  départ.  De  là  vient  Texpression  «<ï^n  mue»  qui  signifie  proprement  *  aller 
Jusqu'à  la  ligne  >,  et  métaphoriquement  «  n^ahandonner  aucun  de  ses  avantages, 
ne  faire  aucune  concession*. 


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232  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Ma  Kim  lai  hd  y  ra  dân  loi  : 
1155    «Thôî!  Bà  mâc  lan,  th«  thôi! 

«Bi  dâu  cbâng  biêt  con  ngirô-i  S&  KhanM 

<Phn  tinh  noi  tiêng  lâu  xanh! 

«Mot  tay  chôn  bîet  mây  nhành  PM  dung! 

«Bà  dao,  sâp  8ân  chudc  dùng! 
1160    <La  chi  mot  côt  mot  dông  xira  nay? 

«Cô  ba  tràm  lirong,  trao  tay! 

«Không  nhirng,  chi  c6  chuyên  nay  trô  kia?» 

Roi  ra,  trè  màt  tire  thi  : 

«B<H  IM  kêu  chd!  Lay  cbi?  Ma  dM!> 
1165    Nàng  rang  :  «The  thôt  nâng  IM! 

«C6  dâu  ma  lai  cô  ngirôi  hiém  sâu?» 


1.  Lâtt.  :  ^Eat  allé  oh  —  ne  peu  —  on  sait  —  Vhomme  Sa  Khanhf» 

Le  sujet  est  reporté  à  la  fin  du  vers  par  inversion  —  «Cwi  nguai*  est 
pour  *Con  ngieai  ta».  C'est  ici  un  terme  méprisant. 

2.  Litt.  :  *  Ingrat  —  (quant  aux)  sentiments,  —  il  élève  (pour  vous)  —  la 
réputation  —  des  palais  —  verts  (d'une  Jiabitante  des  lieux  qtCon  désigne  ainsi)!* 

3.  Qui  dira  combien  à  lui  seul  il  a  perdu  de  rameaux  de  Phk  dungf 
Le  Phu  dung,  Phk  dong  ou  Phh  duông  est  V Hibiscus  mutabUis,  arbuste  de 

la  famille  des  Malvacées  dont  les  fleurs,  fort  délicates,  s'ouvrent  le  matin 
et  se  ferment  le  soir.  On  dit  en  chinois  «  ^  ^^  ^  Phù  dung  cUçn  >  pour 
désigner  un  frais  visage  de  jeune  fille.    Cette  plante,  qui  se  trouve  en 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUY^N.  233 

et  lai  donna  en  outre  le»  avis  qne  voici  : 

«  On  vous  a  dnpée!  c'est  une  chose  certaine!  ii55 

«  Qui  pourrait  savoir  par  où  a  disparu  ce  Sa  Khanh  *? 
«  D  vous  inflige^  Fingrat!  le  renom  d'une  courtisane  ^! 

«  Qui  dira  combien  (en  ce  lieu)  sa  seule  main  a  enseveli  de  branches 

>  de  PM  dung  ^! 

«  n  possède  toujours  quelque  ruse  à  son  service  *  ! 

«  Quoi  d'étonnant  que  de  tout  temps  ils  aient  été  associés  ensemble^?  iieo 
<  Si  vous  avez  trois  cents  taëls^  donnez-les! 
< Sinon,  à  quoi  bon  tout  ce  bavardage?» 
Là-dessus  elle  sortit;  puis  revenant  aussitôt  : 

< Assez  de  cris!>  reprit-elle.  «En  quoi  vous  a-ton  dupée?  Tout  le 

>  monde  en  agit  ainsi  ^!  » 

«L'on  m'avait  pourtant  fait»;  dit  Kiêu^  «de  solennelles  promesses!    ii65 

«  Comment  peut-il  se  trouver  des  personnes  aussi  cruelles?  > 


grande  quantité  dans  le  Sud  de  la  Chine  n'a  pas  encore,  à  ma  connaissance, 
été  signalée  dans  TAnnam. 

4.  Litt.  :  «  Il  tire  avec  force  —  (êonj  sabre^  —  U  prépare  —  des  ruses  — 
(ppwj  s* en  servir  I» 

5,  Utt  :  «fj&i  faii  iVjéUmnafU  —  qu'y  a-l-U  qu'J  —  (ils  aient  été)  une  — 
sorcière  —  (et)  un  —  magicien  —  (depuis)  autrefois  —  (jusqu'Jà  présent  f» 

De  même  que  sorcier  et  sorcière  s'entendent  pour  duper  le  public,  de 

même  ce  vaurien  et  cette  mégère  se  sont  associés  dans  leur  infâme  négoce. 

6,  UtL   :    «  Diminuez  —  tx>f  paroles  —  de  crier,  —  donc!  —  On  vous  a 

fittpée  •  «»»  quoif  —  Mais  —  (cest)  le  monde  (Ce  sont  choses  qui  arrivent  Unis 

le$  jcstrê  cUms  U  monde)  !^ 


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234  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Côn  dang  suy  tnr<>c  nghï  sait, 

Màt  mo  (dà  thây  ù  dâu?)  dân  vào. 

Sa  Khanh  lên  tiêng  rêu  rao  : 
1170    «Bo  nghe  rang  c6  con  nào  à  dây 

«Phao  cho  quên  giô  rù  mây! 

cHây  xem  c6  biê't  màt  nây  là  ai!» 

Nàng  rang  :  cThôi  thê;  thi  thôi! 

«Rang  không,  thi  cûng  là  loi  rang  không!» 
1175    Sa  Khanh  khoâc  mâng  dùng  âmg] 

Birdc  vào  vira  râp  thi  hiing  ra  tay. 

1.  Litt.  :  *(Un)  visage  —  cTécorce  d'aréquier  —  (elle  VavaU  vu  —  oitf)  -- 
étant  introduit  —  entra,* 

2.  Litt.  :  €(Par  des)  bavarder  —  fai  entendu  —  disant  :  —  ^il  y  a  — 
une  fille  —  quelconque  —  id* 

3.  Litt.  :  ^(qui)  calomnie  —  c^  (moi)  —  (le  fait  djattirer  —  le  vent  —  (et) 
d  entraîner  —  les  nuage»  f» 

4.  Litt  :  €.  ,..(n  cest)  assez  —  de  cette  manière,  —  eh  bien!  —  (c^esl)  assez!* 
M  Thê*  est  pour  *thi  ây*,  Sous  Tinfluence  de  Tusage  le  pronom  démons- 
tratif a  disparu,  on  plutôt  il  s'est  réduit  au  simple  signe  du  ton  interrogatîf 
(1^  W^'i  et  ce  signe  s'est  fondu  lui-même  avec  celui  que  portait  déjà  Je 
substantif.  La  concision  du  langage  a  fait  ensuite  disparaître  cette  intonation, 
qui  allongeait  tant  soit  peu  la  prononciation  du  mot  Cet  instinct  de  sim- 
plification dans  les  idiotismes,  les  locutions  on  même  les  mots  très  usités 
du  style  familier  qui  est  si  marqué  dans  les  idiomes  à  flexions.  Test  beau- 
coup moins  dans  les  langues  monosyllabiques;  car,  dans  ces  dernières  les 
émissions  de  voix  sont  généralement  si  courtes  que  tout  y  est  utile  pour 
rintelligence  du  sens.  Ces  langues  tendraient  plutôt  à  s'allonger  par  la 
multiplication  des  monosyllabes,  comme  on  peut  le  constater  surtout  dans 
le  chinois  vulgaire,  et  aussi,  quoique  à  un  bien  moindre  degré,  dans  Tanna- 
mite.  Cependant,  dans  cette  dernière  langue  elle-même,  il  n'est  pas  rare 
de  rencontrer  des  élisions  ou  des  ellipses.   Elles  consistent,  tantôt  dans  la 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUY^N.  235 

Pendant  qu'elle  se  livrait  à  (d'amëres)  réflexions^ 

elle  vit  entrer,  (où  Favait-elle  donc  vue  déjà?)  une  figure  répugnante  K 

C'était  Sd  Khanh,  qui,  élevant  la  voix,  cria  du  haut  de  sa  tête  : 

«  On  m'a  dit  *  qu'ici  se  trouve  une  fille  1170 

«qui,  calomnieusement,  m'accuse  de  l'avoir  séduite*^! 

«Regarde  donc  ce  visage  pour  voir  si  tu  le  connais! » 

«Eh  bien  soit^!»  dit  la  jeune  fille; 

«vous  dites  que  non;  je  veux  obéir,  et  je  dis  non  comme  vous!  » 

Si  Khanh,  vociférant  toutes  sortes  d'injures,  1175 

entra,  et  l'impudent  osa  porter  la  main  sur  elle  ^! 

suppression  d*un  mot  avec  ou  sans  modification  d*accent  (fia,  puis  M  pour 
thl  ây;  ong,  puis  6ng  pour  ông  dy,  etc.);  tantôt  dans  le  retranchement  d'un 
accent  et  d'une  lettre  (comme  on  le  constate  dans  le  mot  tém  mai,  qui 
signifie  «matin»  et  qui  se  prononce  w  mot);  tantôt  dans  celui  d'une  simple 
lettre  (dans  le  mot  an  nam.  que  Ton  prononce  a  nam)\  tantôt  enfin  dans 
Télision  complète  des  voyelles  d'un  monosyllabe  (dans  hai  nutcri  Aa«,  kai 
muai  lam,  etc.  que  Ton  prononce  souvent  hai  m'  hai^  hai  m'  làm,  etc.). 

D'autres  fois,  ce  sont  des  locutions  courantes  que  l'usage  a  condensées, 
et  réduites  à  un,  deux  ou  trois  mots.  C'est  ainsi  que  l'on  dit  :  *ai  nây* 
pour  «  ai  cûng  nhtt  n&y  —  qui  que  ce  sait,  tout  le  monde  »  /  «  hhn  lâu  »  pour 
«  kèn  gi  lâu  —  il  y  a  bien  longtemps  »  ;  <  xin  vo  pkép  »  pour  «  xin  pliép  J*  vô 
phép  —  je  voua  demande  pardon  »  ;  «  nay  mai  »  pour  «  ching  hôm  nay  th\  âèn 
mai  —  aujourd'hui  ou  demain»,  et  bien  d*autres. 

Je  ne  parle  pas  de  ces  citations  prodigieusement  abrégées  qui  ne  se 
trouvent  guère  que  dans  les  poésies,  et  dont  j'ai  eu  déjà  l'occasion  de 
signaler  quelques  exemples.  Ces  dernières  sont  d'une  toute  antre  nature, 
et  l'influence  de  l'usage  contribue  beaucoup  moins  à  leur  formation  que  le 
caprice,  on  pourrait  même  dire  souvent  «le  pédantisme»  de  l'auteur. 

6.  Litt,  :  «e»  marchant  —  entra,  —  (etj  tout  d'abord  —  se  mit  à  —  payer 
d'audace  —  et  faire  sortir  —  sa  mati^». 

€Thi  hhng»  signifie  littéralement  ^présumer  de  son  courage». 


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236  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÇN. 

Nàng  rang  :  «TrM  nhë!  C6  bay 
«Quên  anh  rù  en,  su*  nây  tai  ai! 
«Bem  ngirW  gîây  xuông  giêng  thoi! 

1180    cNôi  roi,  roi  lai  an  IW  dirac  ngay! 
«Côn  tien  «  Tîch  viet^  ô*  tay! 
<Rô  rang  mât  ây!  Mât  nây,  chô*  ai?> 
\Jyi  nghe;  dông  mât  trong  ngoài 
Ai  ai  cûng  khiëp  mat  ngirW  vô  lirang. 

1185    Riêng  tinh  an  dâ  rô  rang; 

Da  tuông  nghî  moi  kiêm  dàng  thâo  lui, 
Phông  riêng  riêng  nhfrng  sut  sùi; 
Nghï  thân,  ma  lai  ngâm  ngùi  cho  thân! 
Tiêc  thay  trong  giâ,  trâng  ngân! 

1190    Ben  phong  trân,  cûng  phong  trân  nhu*  ai! 


1.  Litt.  :  *  Attirer  —  le  perroquet,  —  entraîner  —  VhinmdeUe,  —  cette  choêe 
—  est  cUms  —  quif» 

Ce  que  j'ai  dit  plus  haut  de  roxpression  «  en  anh  »  suffit,  je  croîs,  pour 
donner  une  intelligence  suffisante  de  la  mét^iphore  contenue  dans  ce  vers. 

2.  Litt.  :  «  Anienant  —  une  personne  (moi)  —  vous  Vavez  faite  entrer  par 
force  —  en  bas  éC  —  un  puits  —  rétréci  à  Vouverture!» 

3.  Litt.  :  «  De  parler  —  ayant  fini,  —  après  cela  —  encore  —  manger  — 
(vos)  paroles  —  vous  pouvez  —  en  face!» 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAn  TRUYÇN.  237 

«Tu  sais,  ô  Ciel! »  s'écria  KiSu, 

«  Qui  de  nous  deux  a  séduit  Fantre  ^! 

«Vous  m'avez  jetée  dans  un  abîme  dont  je  ne  pourrai  plus  sortir  ^î 

c  Après  tout  ce  que  vous  avez  dit,  pouvez-vous  me  mentir  en  face  3?  use 

«  J'ai  encore  aux  mains  le  billet  (dans  lequel  sont  écrits  les  caractères) 

«Je  connais  bien  le  visage  de  Thomme!  quel  est  celui-ci,  (sinon  le 

>même*)?> 
Au  dedans  comme  au  dehors,  tout  le  monde  entend  ces  paroles, 

et  tous  sont  saisis  de  frayeur  en  voyant  cet  être  inhumain. 

Sa  lâche  trahison  étant  patente  aux  yeux  de  tous,  ii85 

racteur  de  cette  infâme  comédie  se  met  à  battre  en  retraite. 

Dans  sa  chambre  la  jeune  fille  ne  cesse  de  verser  des  pleurs, 

et,  pensant  à  ce  qui  l'attend,  elle  exhale  de  sourdes  plaintes. 

Pauvre  enfant!  Limpide  cristal  ^\ 

Au  contact  impur  de  ce  monde  tu  t'es  souillée  tout  comme  une  autre!  ii90 


4.  Litt.   :   ««/c  Uen»  peur  dair  (dans  ma  mémoire)  —  ce  visage-là!  —  ce 
visage-ci  —  certes  —  (qui  seraitcefj* 

L'adverbe  «r5  rang—  datrement»  étant  suivi  d'un  régime  direct,  prend 
Ul  fonction  verbale,  et  sig^nifie  *  avoir  pour  clair,  tenir  pour  bien  connu», 

5.  Litt  :  <Je  plains  —  combien!  —  la  transparence  —  de  la  glace  —  (et) 
la  blancheur  —  de  Vargent!» 

Les  adjectifs  <trong  —  transparent»  et  €tr&ng  —  blanc»  deviennent  subs- 
tantifs par  position.  Ces  deux  métaphores,  qui  sont  d'ailleurs  assez  gracieuses, 
ne  peuvent  ^ére  être  reproduites  textuellement  dans  une  traduction  française. 


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238  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyIn. 

Tè  vui,  cûng  mot  kiëp  ngu-fri! 

Hong  nhan  phâi  gîông  à  abri  mai  ru? 

Kîêp  xira  dâ  vung  dirÙTig  tu; 

Kiêp  nây  châng  kèo  dën  bô!  Môri  xuùî! 
1195    Dâu  sao  binh  dâ  vu  roi, 

Lây  thân  ma  trâ  na  dW  cho  xong! 

Vû'a  tuân  nguyêt  rang  girang  trong, 

Tû  bà  ghé  lai,  thong  dong  dSn  do  : 

«Nghë  choi  cûng  lâm  công  phu! 
1200    Con!  Ngirôi  ta  phài  biêt  cho  dû  dëu! 

Nàng  rang  :  «Mira  giô  dâp  diu, 

Lieu  thân,  thi  cûng  phâi  lieu  thë  thôi! 

Mu  rang  :  «Ai  cûng  nhtp  ai! 

«NgirW  ta  ai  c6  tien  hoài  dën  dây! 
1205    «U  trong  con  lâm  dëu  hay! 

«NÔi  dêm,  khép  mô*;  nôi  ngày,  riêng  clmng. 


1.  Lit  t.  :  •(Danê  ton)  exUtenee  —  d^atUrefoûf  ^  tu  i^  iii  mJiahile  —  qmttni 
au  chemin  —  de  pratiquer  (U  bien);* 

2.  Lîtt.  :  « le  vote  —  s^cêt  fendu  -^  ^une  manière  d^finUive^^ 


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KJM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUY|N.  239 

(Mws,)  qu'elle  soit  triste  on  joyeuse,  nous  ne  vivons  qu'une  vie, 

et  la  beauté  n'est  point  une  chose  qui  dure  toujours  ici-bas! 

Tu  fus,  dans  une  autre  existence,  incapable  de  bien  agir  i; 

en  ceDe-cî,  sans  doute,  il  te  faut  réparer,  afin  que  tout  soit  dans  l'ordre  ! 

Puisque,  de  toute  façon,  ta  vie  se  trouve  compromise  ^,  1195 

acquitte  avec  ton  corps  la  dette  qui  la  grève! 

A  l'époque  où  l'orbe  brillant  de  la  lune  resplendissait  (au  firmament  ^) 

Tû  hà  survint  et,  sans  gêne,  se  mit  à  l'endoctriner. 

«Le  métier  du  plaisir»,  lui  dit-elle,  «demande  beaucoup  de  peine, 

«et  il  faut,  ô  ma  fille!  le  connaître  bien  à  fond! >  1200 

«Les  peines >,  répondit  Ktêu,  «sur  moi  pleuvent  de  toutes  parts ^! 

«  puisque  j'ai  fait  abandon  de  moi-même,  je  dois  aussi  le  faire  en  cela! 

>I1  suffit!  » 
La  vieille  dit  :  «Un  homme  en  vaut  un  autre! 

«  et  quiconque  a  de  l'argent  trouve  toujours  cette  demeure  ouverte! 

«  Au  dedans,  l'on  met  en  œuvre  nombre  de  charmantes  pratiques.     1205 

«La  nuit  on  ferme  et  on  ouvre;  le  jour  tantôt  on  est  seule,  (tantôt) 
>  on  est  en  compagnie. 


3,  Litt  :  «  PréeUémeni  à  —  Vépoque  (ou)  —  la  lune  —  brillait  —  (quant  à 
scnj  vdrcir  —  jwir,» 

4.  \ÀtL  :  «.  .  .  .  X(C  loenl  —  (et)  la  pUde  —  (me  viennent)  en  abondance!» 


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240  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUY^N. 

«Nây  con!  Thuôc  lây  làm  long 

«Vành  ngoài  bây  chir,  vành  trong  tâm  nghê; 

«Choi  cho  lieu  chân  hoa  chê, 
1210    <Cho  lân  16c  dâ,  cho  me  mân  dW; 

«Khi  nghe  hanh,  khi  net  ngirW, 

«Khi  ngâm  ngm  nguyêt,  khi  cirdi  cot  hoa! 

«Beu  là  nghë  nghiêp  trong  nhà! 

«Bù  ngân  ây  net,  moi  là  ngirW  chai!» 
1215    Cùi  dâu,  virng  day  mây  15i; 

Dirô-ng  châu  net  nguyêt,  dirông  phaî  vè  hôngî 

Nhfrng  nghe  nôi  dâ  then  thùng! 

Nirô-c  d6i  lâm  nôi  la  lùng  khât  khe! 

X6t  mlnh  cfra  câc  phong  que, 


1.  Litt.  :  «..'.....  fais  (toi)  —  (un)  cœur,* 

Cest-à-dire  :  *  Aênmile-4tn  tellement  ces  choê&f  qu'il  nmhU  qu'elles  fauenL 
naturellement  partie  des  sentiments  de  tcn  cobut.t^ 

2.  Litt.  :  «  comme  —  fronçant  —  les  traits  —  de  lune,  —  comme  —  se  dé- 
colorant  —  (quant  à  sa)  nuance  —  rouge!  •» 

Les  sourcils  déliés  de  Tvy  Kiiu  sont  comparés  au  bord  du  disque  de 
la  lune  à  cause  de  Télégante  régularité  de  leur  courbure  et  de  la  pureté 
de  leur  dessin;  de  là  cette  singulière  expression. 

3.  Litt.  :  €(Dans)  le  royaume  —  du  monde  —  (sont)  beaucoup  de  —  dr- 
constances  —  étranges  —  et  très  aigres  I» 

«  Lâm  »  qui  n'est  en  prose  qu'une  des  formes  du  superlatif,  prend  assez 
souvent,  dans  la  poésie,  le  sens  de  ^nhiSu  —  beaucoup  de*. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  241 

«  Apprends  donc^  ô  ma  fille!  et  grave  dans  ta  mémoire  ^ 

c  les  six  caractères  du  cercle  du  dehors,  et  les  huit  moyens  du  cercle 

»du  dedans; 
«  comment  le  jeu  se  continue  jusqu'à  satiété  complète, 

«jusqu'à  ce  que  la  pierre  soit  brisée,  et  que  la  vie  semble  s'éteindre;  1210 

«conunent  on  soutient  un  entretien  galant,  comment  on  rehausse 

>ses  charmes; 
«  comment  il  faut  chanter  des  vers  voluptueux,  comment  on  rit  en 

»  regardant  les  fleurs! 
«  Tel  est  le  métier  qu'on  exerce  en  ce  logis! 

«  Lorsqu'à  tous  ces  secrets  l'on  est  initiée,  on  peut  se  dire  une  vraie 

»  courtisane!» 
Docile,  baissant  la  tête,  elle  écoutait  tout  cela,  1215 

tantôt  les  sourcils  froncés,  tantôt  la  pâleur  au  visage  2, 

honteuse  de  ce  qu'elle  entendait! 

Que  de  choses  étranges!  que  d'amertume  dans  ce  monde  ^\ 

Elle  pleurait  sur  elle  même,  jeune  fille  de  bonne  maison  ^! 


4.  Litt.  :  €Je  suis  émue  (au  sujet  de)  moi-niême,  —  (qui  suis  de  celles  qui 
se  sercenlj  —  des  portes  —  à  cdc  —  (etj  des  chambres  —  à  que!  » 

Le  ^  câc  est  une  espèce  d'écran  qui  se  place  devant  la  porte  des  aj)- 
partemente  pour  empêcher  les  passants  de  voir  à  1  intérieur  lorsqu'elle  est 
on  verte;  et  comme  ce  meuble  est,  plus  que  partout,  en  usage  dans  les 
pièces  où  il  y  a  des  femmes,  le  mot  même  qui  le  désigne  prend  aussi  par 
dérivation  le  sens  de  gynécée.  C'est  ainsi  qu'il  faut  l'entendre  ici. 

Il  fîr  t'a!  ôe  ïniuK'  du  mut  «^  (^e»  qui  signifie  proprement  «/a  porte 
*pti  nfipare  le*  apjforf^menU  priaéi  d^une  maison  de  ceux  dans  lesquels  on  reçoit 
/«y  ^r^HJftrs  • ,  ot  par  i!xtvu*iiiiii  ^  tes  appartenienls  defttinrs  aux  femmes  ».  Comme 
^'têi  iliiJi»  Li  sodé  té  reli'vé*-  que  Ton  fait  surtout  usage  de  ces  moyens  de 

16 


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242  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÇN. 

1220    Dô-  16ng  hoc  lây  nhû-ng  nghë  nghîêp  hay! 

«Khéo  là  mât  dan  mày  dày! 

«Kiêp  ngirôî  dâ  dên  thê  nây,  thôi  thôî!» 

Thirong  thay  tliân  phân  lac  lài! 

Dâu  sao,  cûng  ô*  tay  ngirôi!  biêt  sao? 
1225    Lâu  xanh  moi  xù  tnrchig  dào; 

Càng  treo  gfa  ngoc,  càng  cao  phâm  ngirôi! 

Biêt  bao  hxr&m  râ  ong  rW? 

Cuoc  say  dây  thâng;  trân  cirôi  trot  dêm! 

Bâp  diu  là  gî6  nhành  chim! 
1230    Sdm  dira  To7ig  ngocj  toi  tim  Trubng  klianh. 


séparation,  une  personne  qui  habite  une  maison  où  ils  se  trouvent  peut 
être  considérée  pour  distinguée. 

Il  faut  d'ailleurs  observer  que  les  quatre  mots  ^cù'a  càc  ph<mg  que»  font 
fonction  d'adjectifs  par  suite  do  leur  position.  Ils  ne  sont  du  reste  que  la 
réunion  et  la  traduction  en  annamite  des  deux  expressions  chinoises  «  SS  ^ 
5ti€  cac  »  et  «  BP  P^  que  mon  »  qui  signifient  toutes  deux  métaphoriquement 
«fe*  personnes  du  sexe  féminine, 

1.  Litt.  :  *  Habilement  —  elle  est  —  (douée  d'un)  visctge  —  audacieux  — 
(et  de)  sourcils  épais!» 

J'ai  expliqué  sous  le  vers  74  le  rôle  exclamatif  de  *^kJiéo»  dans  ce  genre 
de  phrases. 

L'expression  «  Mat  dày  mày  dan  —  un  visage  —  épais  —  et  des  sourcils  — 
atidacieux^  constitue  un  idiotisme  dont  le  sens  est  ^^  impudent,  effronté»,  et 
qui  présente  une  analogie  marquée  avec  la  locution  françiiise  ^acoir  le  front 
de  .  .  ,».  Elle  a  été  intervertie  à  cause  des  nécessités  de  la  prosodie. 

2.  Litt.  :*....  eh  bien!  —  cest  assez!» 


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•if-».        '        .>T.^'        1  -^J 


KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  243 

On  lui  révélait  vraiment  un  singulier  sujet  d'étude!  .  1220 

«Oh!  (dit-elle,  cette  femme)  montre  une  rare  effronterie  ^! 

<  Si,  dans  cette  existence,  je  dois  aller  jusque  là,  la  mesure  sera 

>  comble  2!» 
Pauvre  malheureuse  égarée! 

Elle  était,  bon  gré  malgré,  dans  les  mains  (de  la  misérable)!  que 

pouvait  elle  donc  faire? 
On  baissa  les  rideaux  ^  de  la  maison  de  plaisir,  1220 

et  le  prix  s'éleva  sans  cesse  avec  la  valeur  de  la  marchandise. 

Qui  dira  combien  de  galants  vinrent  chercher  les  fatigues  amou- 
reuses*? 
L'enivrement  durait  des  mois;  toute  la  nuit  résonnaient  les  rires  •'^! 

C'était  un  mouvement,  un  va  et  vient  interminable^! 

Le  matin  elle  reconduisait  T3ng  Ngoc;  elle  allait,  le  soir,  chercher  1230 
Truinig  Khanh, 

3.  Bào  n'est  ici  qu'une  cheville  poétique  vide  de  sens. 

4.  Litt.  :  «CM  sait  —  combien  de  —  papiUmis  —  furent  briaéê,  —  (et  com- 
bien tTj  abeilles  —  furent  mises  en  morceaux  f  * 

n  y  a  ici  un  de  ces  croisements  d'expressions  que  le  génie  de  la  langue 
annamite  affectionne,  surtout  dans  la  poésie  où  on  les  considère  comme 
une  beauté.  J'ai  dit  plus  haut  quel  est  le  sens  de  ^ong  btràm».  Quant  à 
l'expression  *rS  rcri*,  elle  signifie  proprement  *  épuisé,  clef  ait  ». 

5.  Litt.  :  «  Les  parties  —  â^ enivrement  —  remplissaient  —  des  mois,  —  les 
combats  —  de  rire  —  occupaient  entièretnent  —  des  nuits.» 

Les  adjectifs  ^ddt/  —  plein»  et  ^tràt  —  entier»  deviennent  verbes  par 
position. 

6.  Litt.  :  <i(C^étaUJ  sans  interruption  —  (quant  aux)  feuilles,  —  (au)  vent, 
—  (cMx)  brandies  —  (et  aux)  oiseaux!» 

Les  oiseaux,  attirés  par  les  feuilles  que  le  vent  agite,  viennent  se  per- 
cher sur  les  branches  des  arbres;  de  même  les  chalands  de  TA  bà,  attirés 
par  la  beauté  de  sa  victime,  ne  cessaient  d'affluer  dans  sa  maison  de  dé- 
bauche. 

16* 


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244  KIM  VÂN  Kl  EU  TÂN  TEUYÈK, 

Khi  tiuh  nrou^  lue  tàa  canh, 

Giu-t  minh;  minh  lai  tliiraiig  miiili;  xut  xa! 

«Khi  sao  phoDg  gam,  xû  là? 

«016*  sao  tan  tkv.  nhu*  boa  gitra  dirùiig? 
1235    «Mât  sao  dày  gio  dan  suang? 

«Thân!  sao  Wém  cliàn  ong  cliu'6'iig  bây,  thàii? 

«Mac  ngirW  mua  Sà^  mây  Tâ^i; 

«Nhfrng  minh  iiho  bîêt  eu  xuàn  là  gV? 

«Boi  phen  giô  (lira,  Iioa  ke! 
1240    «Nù-a  mành  tuyet  ngâm^  bon  hè  tràiig  thân! 

«Cânh  nào  cânh  cbâug  deo  sâu? 

«NgirM  buôn  cânb  co  vni  dân  bao  giè*? 


1.  Litt.  :  <i^  Quand  —  elle  retenait  à  elle  —  dn  vînt  —  ûw  uwnient  tfc  — 
s'épuiser  —  les  veilles,» 

2.  Litt.  :  «  Autrefois  —  comTneiit  (âS  faU-il  que)  -^  fiiùis  mifervtée  dan*  — 
le  géfm  —  (^  que)  f  abaissais         la  ifok  f  •» 

*Khi»  est  pour  ^khi  xua*^. 

3.  Litt.   :   «  (Mon)  visage  —  œmrneni  —  est-il  épmjf  —  fqutmi  nu)  v&d  — 
(et)  hardi  (quant  à)  la  rosée  f* 

Par  «te  vent  et  la  rosée*,  U  \mètv.  entund  la  lion  te,  les  affroDts  do  toute 
sorte  auxquels  la  vie  qu'elle  mène  ex4>os4.^  aon  huruïue, 

4.  Litt.  :  «  Mon  corps  —  cotmnenl  —  (qnmU  mix)  papUlmi*  —  €s-ttt  auda- 
cieux, —  (quant  aux)  abeilles  —  es-tu  hat*di  —  tanl^  —  (ô  mon)  corjmf* 

«Chàn  chubng*  signifie  «atidainçimi^, 

5.  Litt.  :  «  Au  gré  —  de»  gmts  —  (c'e^tj  la  pluie  —  de  ^,  —  (më  te  ^} 
les  nuages  —  de  Tdn.» 


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KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÇN.  245 

Lorsqu'à  Farrivée  du  jour  '  l'ivr^se  du  vin  se  dissipait, 

elle  éprouvait  en  pensant  à  elle-même  un  douloureux  tressaillement. 

«Quoi?»  (se  disait-elle)  «autrefois  de  ma  chambre  tendue  de  gam 

>  j'abaissais  les  rideaux  de  soie  ^, 

<  et  me  voilà,  maintenant,  brisée  comme  une  fleur  jetée  au  milieu 
>du  chemin? 

«  Quoi?  habituée  à  la  honte,  mon  visage  ne  sait  plus  rougir  3,  1235 

«et  toi,  ô  mon  corps!  tu  te  vautres  sans  crainte  dans  cet  obscène 

>  bourbier  ^? 

«  Devenue  le  jouet  des  hommes,  je  dois  subir  Tamour  de  tous  ^ 

«  sans  que  moi-même  je  sache  ce  que  c'est  que  le  plaisir! 

K  Fréquemment  le  vent  s'approche;  ensuite  la  fleur  lui  succède! 

t  n  me  faut  boire  ma  honte!  l'opprobre  vient  de  tous  côtés**!  1240 

L  De  quel  côté  rencontré-je  autre  chose  que  la  tristesse"? 

t  Où  donc  une  âme  navrée  poun*ait-elle  jamais  trouver  la  joie  ^?  » 


SJ-  et  Tân  sont  les  noms  de  deux  anciennes  principautés  chinoises  qui 
jonent  dans  la  poésie  annamite  le  même  rôle  que  ^p  Lt  et  J^  T'châng 
en  chinois  vulgaire,  Pierre  et  Patd  en  français,  pour  désigner  ^tel  ou  td, 
Ig  jpremier  venu», 

6.  On  comprendra  que  je  ne  cherche  pas  à  donner  Texplication  littérale 
«robscénités  que  la  poésie  annamite  n'admet  que  trop  aisément,  mais  que 
la  plume  d'un  écrivain  qui  se  respecte  se  refuse  à  faire  passer  dans  notre 

7.  Litt.  :  «  Quel  etêpect  —  (est  un)  aspect  —  (qui)  ne  pas  porte  avec  lui  — 
la  tristesse  f» 

8.  hitt.  :  «  {Lorsque)  V homme  —  est  triste,  —  Vctspect  —  a  (le  fait  à')  — 
Hre  gai  —  ^'^  —   «n  tm  temps  quelconque  f  » 


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246  RIM  vAn  KIËU  TAk  TRirv^N. 

«Boi  phen  net  vë  càu  tha; 

«Cung  câm  trong  nguyêt,  iméc  vir  tliré-î  hoa, 
1245     «Vui  là  vni  guçrng  kéo  là! 

«Ai  tri  âm  d6?  Màii  ma  vô^î  ai? 

«Thijra  ira  gi6  tvw&v  mira  mai; 

«Ngân  ngo*  tram  uui^  gîôt  mai  mot  thâii! 

«Om  long  dùi  doaii  xa  gâu; 
1250    «Châng  v6  ma  rôî;  châng  dâu  ma  dau! 

«Nliô*  an  chin  chir  cao  sâu! 


1.  Litt.  :  «  7/  y  a  —  la  ffamnie  —  d«  Œm  —  dan»  —  la  lutm  —  fei)  la 
uiarche  —  des  échecs  —  sotts  —  î^  jtêur*.  » 

2.  Litt.  :  «  (Mon  fait  d*)  ëlre  ^ale  --  eJtt  —  (un  fmi  iT)  être  gaie  —  d€  *V" 
forcer  —  ajin  que  —  je  sois  f'cc  qti'U  me  faut  fir€/I* 

Le  verbe  ^gwcmg  —  ê'efforr*fr  ^  esft  ict  au  partk'ï]k'  pas^è.  Comiiïe  il  ii^st 
pas  susceptible  de  ce  mode  en  trançaiê,  il  faudrait,  pour  îaîre  i^eutir  exacte- 
ment  le  rôle  que  sa  position  fui  ïiâsigni',  forcer  le  mot  *  effm-c^:  > ,-  car  notre 
mot  «forcé»  n'en  rend  qu'inroinplùti^inrnt  la  nuance- 

J'ai  déjà  parlé  du  sens  part  ion  lier  que  prést?iïtc  la  c(*itj  miction  «jtw* 
dans  les  expressions  analogut^â  à  eellt^  que  oontit^nt  ce  vers.  KHe  y  réunît 
véritablement  le  sens  des  deux  coujoiicttoiife^  fraiiç^tiriee  -Js  peur  que ^  et 
•parce  que^,  et  indique  à  la  ioh  iv  motif  cl  le  but  (Funo  aettoii;  l"  le  mi>îîf 
pour  lequel  ou  la  fait;  -i**  son  liut^  qui  est  de  parer  à  uu  dê^igrenieut,  k 
un  accident  que  Ton  craint. 

3.  Litt.  :  ^Qui  —  connaU  —  k^  *mt*  —  làf  ^  Je  strate  en  c&mmmiawU 
sympathique  de  goûts  —  avec  qni^t 

Voir  sur  l'origine  de  rexpressiiiu  «  TH  âm  »  ma  traduction  dn  Lm  Vân 
Tien,  p.  30,  en  note. 

Quant  à  «wan  ma»,  le  sens  eomplet  n'en  peut  tître  rendu  que  par  une 
périphrase,  telle  que  celle  que  j'emploie  dan  a  la  traduction  littérale  de  ce  vejis. 

4.  Litt  :  •Conformément  à  —  (hiqh  fait  d'javoir  pour  agréable,  —  (cttt)  k 
vent  —  du  bambou^  —  (c^eslj  lu  plms  —  du  Maifi 

J'ai  expliqué  plus  haut  le  sens  de  TexpreâsioE  ^trwée  mai*. 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  247 

«Maintes  fois  je  trace  des  vers; 

«  au  clair  de  la  lune  je  fais  résonner  mon  luth;  parmi  les  fleurs  du 

>  jardin  je  fais  quelque  partie  d'échecs  *. 

«  Ma  joie  est  une  joie  forcée,  une  gaaté  de  commande  ^!  1245 

«Mais,  en  ces  lieux,  qui  comprendrait  mon  cœur?  Avec  qui  par- 

>  tager  mes  goûts  3? 

«  Changeant  d'époux  au  gré  de  mon  caprice  ^, 

«  Je  ne  sais  à  quoi  me  fixer  !  Je  n'ai  qu'un  soin,  celui  de  ma  personne  ^  ! 

«A  tous  propos,  sur  toutes  choses,  il  me  faut  contenir  mon  cœur^! 

«  Troublé  sans  qu'on  le  froisse,  il  souflFre  sans  être  frappé^!  1250 

«Je  pense  au  bienfait  immense  dont  je  suis  redevable  aux  auteurs 

>  de  ma  vie  \ 

5.  Litt.  :  *Indéci»e  —  (quant  à)  cent  -^  drconatances,  — je  polis  —  et  fai- 
guiêe  —  (nwn)  seul  —  corps!» 

6.  Litt.  :  *Je  serre  dans  mes  bras  —  fnwn)  cœur  —  à  tous  points  de  vue 

—  de  près,  —  de  loin!» 

7.  Litt.  :  «  Ne  pas  —  il  est  roulé  (entre  les  mains)  —  nuiis  —  il  est  troublé; 

—  ne  pas  —  il  est  battu  —  mais  il  ressent  de  la  douleur!^ 
*Dân»  se  dit  de  raction  de  battre  la  viande  pour  la  mortifier. 

8.  Litt.  :  «  Je  pense  à  —  le  bienfait  —  des  neuf —  caractères  —  élevé — et  profond!  » 
Les  caractères  auxquels  Fauteur  fait  allusion  forment  les  deux  deniiers 

vers  de  la  première  stance  de  Tode  ^^  ^5  qui  est  la  huitième  de  la 
seconde  partie  du  ^j^*  et  dans  laquelle  un  fils  se  plaint  de  s'être  trouvé 
éJoigTié  de  ses  parents  au  moment  de  leur  mort,  et  de  n'avoir  pu  pratiquer 
envers  eux  les  derniers  devoirs  qu'impose  la  piété  filiale. 

4  ^  H  M 
n  M  m  3 
Wi        ^        P        ^ 

^      -^      m      m 


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248  Kl  M  VAN  KIËU  tAn  TRUYÊN. 

«Mot  ngày  mot  ngâ  bong  dâu  ta  ta! 
«Dàm  ngàn  mx&c  tliâm  non  xa; 
«Nghî  dâu  thâu  plian  con  ra  thë  nây? 
1255    «San  hoè  dôi  chut  tlia  ngây; 

«Trân  cam  ai  kè  dô*  thay  viêc  minli? 
^Nlid  16i  nguyën  m&c  tam  sinli! 


^Ltic  lue  gia  Nga! 
ce  Phi  Nga,  y  Cao! 
«  Ai  ai  kiT  phu  niâu  ! 
*  Sailli  ngâ  eu  lao!* 

«Luxuriant  est  le  Nga! 
«Ce  n'est  point  le  Nga,  ce  n'est  que  le  Cao! 
«Hélas!  ô  mon  père!  hélas!  ô  ma  mèi*e! 
«Pour  m'élevcr  que  vous  avez  souffert!» 

Dans  rédition  du  Se  j^  que  je  possède,  le  troisième  vers  ne  contient 
pas  le  «  J^  ».  Les  deux  derniers  vers  ne  se  com{>osent  aloi-s  que  de  huit 
caractères,  au  lieu  des  neuf  auxquels  il  est  tait  allusion  ici. 

Tvg  Kièu,  éloignée,  elle  aussi,  de  ses  parents,  craint  d'avoir  à  se  faire 
quelque  jour  les  mômes  reproches  que  le  fils  dans  la  bouche  duquel  Tau- 
teur  de  Tode  met  les  caractères  qu'elle  cite.  Elle  le  fait  comprendre  plus 
clairement  encore  dans  le  vers  suivant. 

1.  Litt.  :  <ii(PourJ  un  —  jour  —  (U  y  a)  un  —  (fait  de)  Umiber  —  de 
Vonil/re  —  du  mûrier  —  oblique!* 

Pour  exprimer  qu'un  vieillard  voit  s'écouler  paisiblement  ses  deniiers 
jours,  on  dit  très  élégamment  en  chinois  «qu'il  jouit,  sous  les  mdriers  et  les 
ot^ieauœ,  des  bHlltints  rayons  du  soleil  du  soir  (  ^&  i§q  *§!.  -B*  Tang  du  mô 
cânhj»,  «Or»,  dit  Kiêu,  <iVanibre  de  ces  mûriers  (sous  lesquels  mes  parents 
jouissent  de  la  vue  du  soleil  couchant)  s'allonge  de  jour  eji  jour  davantage 
(pour  eux)!»;  ce  qui  signifie  poétiquement  qu'ils  deviennent  tous  les  jours 
plus  âgés,  et  que  bientôt  il  leur  faudra  quitter  la  vie. 

2.  <^Ngàn  —  mille*  et  «ara  —  loin*  sont  adjectifs  par  parallélisme  comme 
répondant  à  «thnm  —  profonde  qui  l'est  par  sa  nature  même;  et  ces  trois 
adjectifs  deviennent  verbes  qualificatifs  par  suite  de  leur  position  dans  la 
phrase.  Il  faudrait  donc  construire  ainsi  la  traduction  littérale  de  ce  vers  : 


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KIM  vAn  KIËU  tAn  TRUYÊN.  249 

«Tous  les  jours  vers  le  tombeau  mes  vieux  parents  sïnclinent  cVa- 

>vantage  '! 
«(^Séparés  de  moi)  par  des  milliers  de  dâm\  de  profondes  eaux, 

»  des  montagnes  lointaines, 
«peuvent-ils  penser  que  leur  fille  en  est  réduite  à  cette  extrémité? 

«Leurs  deux  autres  enfants  sont  bien  jeunes  encore  ^1  i'-^^ 

«Qui  leur  présente,  à  ma  place,  les  aliments  de  leur  goût? 

«  Je  pense  à  la  promesse  (que  j'avais  faite  à  Kim  Tromj)  de  lui  con- 
>  sacrer  ma  vie^! 


<Le8  dam  —  (sont)  milliers,  —  les  eaux  —  (smU)  profondes,  —  les  mon- 
toffnat  —  (sont)  éloignées!* 

3.  Litt.  :  (Dans)  la  cour  —  des  IToè  —  (se  trouve)  une  paire  de  —  peii  de 

—  U»U  jeunes  enfants.  » 

D'après  M. Wells  Williams,  «le  M^  Hoè,  qui  appartient  à  la  famille  des 
»lé«^imineu8es,  est  commun  dans  les  provinces  du  nord  de  la  Chine.  C'est 
*une  sorte  de  caroubier  (Styphnohhium  japonicum  ou  Sophora  japonica)  qu'on 
»  cultive  pour  son  bois  et  pour  l'ombrage  qu'il  procure.  Un  prince  de  l'anti- 
»quité  rendait  la  justice  sous  un  de  ces  arbres»,  comme  le  fit  plus  tard  saint 
Louis  sous  le  chêne  de  Vincennes.  «  Ses  fleurs  fournissent  le  jaune  impérial  ; 
^  mélangées  avec  d'autres  ingrédients,  elles  donnent  une  couleur  verte.  Les 
>  graines  sont  entourées  d'un  suc  qui  les  défend  contre  la  gelée,  et  les 
•  siliques  demeurent  sur  l'arbre  jusqu'à  la  pousse  des  nouvelles  feuilles. 

*A  Canton,  ce  nom  est  donné  au  Cassîa  àlata,  dont  l'apparence  géné- 
*rale  est  la  même.» 

Ce  superbe  sophora  a  été  introduit  en  Europe  au  siècle  dernier.  Le 
premier  individu  qui  fut  planté  en  France  se  trouve  dans  les  jardins  du 
petit  Trianon,  à  Versailles;  et  malgré  sa  vieillesse,  il  présente  encore  un 
aspect  des  plus  majestueux. 

Comme  cet  arbre  est  un  des  plus  magnifiques  végétaux  de  la  flore  chi- 
noise, on  en  donne  en  poésie  le  nom  aux  enfants  pour  indiquer  l'espoir 
que  nounissent  leurs  parents  de  les  voir  arriver  à  des  dignités  éminentes  ; 
et,  par  une  extension  de  la  même  figure,  on  désigne  la  famille  sous  le  nom 
de  «&2n  Hoh  —  la  cour  ou  sont  plantés  les  Iloè». 

4.  Litt.  :  <i  Je  me  souviens  —  des  paroles  —  de  promettre  —  et  convenir  de 

—  la  prédestination.  » 

J'ai  dit  plus  haut  ce  qu'il  faut  entendre  par  l'expression  «  ^  ^^  tam 
sinh*  ou   ff*a  sinh». 


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250  KIM  vAn  KIËU  tAn  TRUYÇN. 

«Xa  xuôi,  ai  cô  bîêt  tinh  châng?  Ai? 

«Klii  vë,  Iiôi  lieu  chirang  dàî, 
1260    «Nhànli  xiiân  dâ  bè  cho  iigirôî  chiiyen  tay! 

«Tinh  sâu  moiig  trâ  iigâi  dày, 

«Hoa  kia  dâ  châp  cây  uây  cho  chu*a?> 

Moi  tinh  doi  doan  v6  ta, 

Giâc  hirang  quan  luông  uhûng  ma  canh  dài. 
1266    Soug  sa  v5  v5  phirang  trW! 

Nay  hoàng  hôn  dâ;  lai  mai  hôn  hoàng! 

Lan  lân  thô  bac  âc  vàng! 

Xot  ngirài  trong  hoi  doan  triràng  doi  can  ! 

Dâ  cho  lây  chu"  hông  nhariy 
1270    Làm  cho  cho  liai,  cho  tàn,  cho  cân! 

1.  Litt.  :  (Etant)  loin,  —  qui  (que  ce  aoit)  —  a  —  (le  fait  de)  coiviaUre  — 
(mon)  amour  —  (ou)  non?  —   Qui  (le  connaîtrait) f  •» 

2.  Litt.  :  « du  saule  —  du  pavillon  des  essais  litlérairesy  * 

3.  Litt.  :  «  (Par  un)  amour  —  profond  —  devant  incessamment  —  payer  — 
la  foi  —  épaisse,  » 

4.  L'autre  fleur,  c'est  Tûy  Vân;  Tarbre,  c'est  Kim  Trong,  La  jeune  femme 
se  demande  si  sa  sœur  cadette  a  tenu  la  promesse  qu'elle  lui  avait  fait 
d'épouser  son  fiancé. 

5.  Litt.  :  «  Le  bout  de  fil  —  de  ses  sentiments  —  à  maintes  —  reprises  — 
eM  enroulé  —  à  la  manière  de  la  soie.* 

6.  Litt.  :  «  De  la  fenêtre  —  le  sable  —  (vole)  tristement  —  dans  la  région 
—  du  ciel  (dans  V espace)!-» 

Le  poète  assimile  ce  qui  se  passe  au  dehoi-s  au  sable  que  le  vent  sou- 


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1- 


KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  251 

«  mais  peut-il,  à  cette  distance,  savoir  à  quel  point  je  Faime  '  ? 

«Lorsqu'à  son  retour,  il  s'informera  de  la  jeune  fille  lettrée*^, 

«le  rameau  printanier,  brisé,  de  main  en  main  (ici)  passerai  i2eo 

«Pour  couronner  dignement  Famour  profond  (qu'il  me  voua)  ■', 

«à  cet  arbre  l'autre  fleur  se  sera-t-elle  rattachée  *? 

Le  cœur  troublé  par  mille  pensées  qui  s'y  mêlent  et  s'y  confuiuIeiit'\ 

tout  le  long  de  la  nuit,  elle  songe  sans  trêve  aux  choses  de  sou  pays, 

(Mais)  tristement  le  temps  s'écoule  ^!  itïf>5 

A  aujourd'hui  demain  ressemblera^! 

La  lune  brille,  le  soleil  la  remplace,  et  le  temps  marche  touj^nn-ë  ^! 

Je  plains  cette  personne  rangée  h  tant  de  reprises  parmi  les  cou- 
damnés  du  destin! 
Le  Ciel,  en  lui  donnant  la  beauté  ^, 

l'abreuve,  tant  qu'elle  dure,  de  douleur  par  compensation  '^î  1270 

lève  et  qui,  vohmt  dans  Fcspace,  passe  rapidemeut  devant  la  fenOtre  ilvr- 
riére  laquelle  se  tient  son  héroïne. 

7.  Litt.   :    ^Maintenant  —   le  crépuscule  —  a  eu  lieu;   —   de   nonmatt   — 
demain  —  U  y  aura  le  crépuscule  !  y> 

Placée  ainsi,  la  marque  du  passé  *dà*  indique  que  la  chose  ]Tréiihibkt- 
ment  énoncée  a  eu  lieu  déjà,  que  dès  à  présent  elle  est  accompliL*. 

8.  Litt.  :  (Se  succédant)  peu  à  peu  —  U  y  a  le  lièvre  —  d'aryentt  —  U  y 
a  le  corbeau  —  d^or!* 

9.  Litt.  :  *(Lie  Ciel,  par  le  fait  qu)U   (lui)   a  donné  —  de  pi'endre  —  les 
car  acte  reê  —  *  rouge  —  visage,» 

10.  Litt.  :  ^  a  fait  (cela)  —  à  (elle)  —  de  manière  à  —  (lui)  nuire,  —  de 
manière  à  —  (la)  faire  se  faner,  —  de  manière  à  —  peser  (compemerjf* 
U  y  a  ici  un  effet  évidemment  cherché;  par  la  répétition  incessante  du 


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252  KIM  vAn  KIÉU  tAn  TRUYÊN. 

Dâ  dày  vào  kiêp  pliong  trâii; 

Sao  clio  si  nhuc  mot  lân;  mô-î  tliôi! 

Khâch  du  bông  cô  mot  ngirôi, 

Ky  tâm  ho  TMc;  cûng  loàî  tha  hirang. 
1275    Von  ngirM  huyên  Tîch  châu  Thuang; 

Théo  nghîêm  thân  mô*  ngôi  hàng  Lâm  tri. 

Hoa  khôî.  Mo  tîêng  Kiêu  nid; 

Thîêp  hông  tim  dên  hiraiig  que  gdi  vào. 

TnrÔTig  Ta  hiep  mât  hoa  dào, 
1280    Vè  nào  châug  mân?  Net  nào  châng  U'a? 

Hai  diclrng  mô'n  mèn  nhành  ta! 

Ngày  xuân,  càng  gio,  càng  mu*a,  càng  nông! 

mot  «  cho  »,  Tauteur  semble  avoir  voulu  exprimer  les  coups  répétés  dont  le 
ciel  impitoyable  accable  sa  victime,  la  terrîissant  toujours  sans  lui  per- 
mettre de  se  relever  jamais. 

1.  Litt  :  c.  ...  à  entrer  dans  —  le  siècle  —  du  vent  —  (et)  de  la  pous- 
sière, » 

2.  Litt.  :«....  (son)  parent  —  sévh-e^.  C'est  le  nom  que  les  fils  donnent 
par  respect  à  leur  père,  surtout  dans  les  lettres  qu'ils  lui  écrivent 

3.  Litt.  :  «  Tète  fleurie,  » 

4.  Litt.  :   «.  .  .  .  le  gynécée  parfumé.» 

5.  Thuc  sanh  avait  écrit  son  nom  sur  du  papier  rouge,  le  seul  qu'on  em- 
ploie en  Chine  pour  les  cartes  de  visites.  C'est  pour  cela  que  le  poète 
l'appelle  «  ||Lb  *J]  thiêp  hong  —  un  billet  rouge  ». 

6.  Litt.  :  (Dans  un)  pavillon  —  de  Tô  (Bvng  Pha)  —  Us  unirent  —  (leurs) 
visages  —  de  fleur  —  de  &tw!y> 

La  chose  que  prisent  le  plus  les  Annamites  et  les  Chinois,  celle  qui 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truy^n.  WB 

Exilée  au  sein  de  ce  monde  de  misère  \ 
de  toute  manière  il  fallait  qu'elle  fût  souillée  une  fois! 
Tout  à  coup  un  voyageur 

dont  le  petit  nom  était  Ky  Tant  et  le  nom  de  famille  Thûcy  appar- 
tenant; lui  aussi;  à  la  classe  des  lettrés^ 
originaire  du  huyen  de  Tich  et  du  châu  de  Thucmg,  tifô 

vint  à  la  suite  de  son  père  ^  qui  ouvrait  à  Lâm  tri  une  maison  de 

commerce. 
Doué  (lui-même)  d'une  grande  beauté  ^,  la  réputation  de  la  jeune  Kmu 

éveilla  ses  désirs, 
et  il  fit  porter  chez  elle  ^  un  billet  rouge  ^ 

Une  élégante  retraite  ^  réunit  ces  deux  êtres  charmants, 

*  et  Tun  dans  Fautre  ils  ne  trouvèrent  que  séductions  et  qu'atlraits.  isso 

Ravissante  est  la  fleur  Hài  dwo-ng'^  posée  sur  sa  jeune  tige! 

Plus  le  vent  souffle,  plus  la  pluie  tombe,  et  plus  nous  chaniie  un 
jour  de  printemps! 

donne  le  plus  de  relief  à  la  personnalité  d'un  homme,  c'est  la  culturti  lit- 
téraire. L'idée  de  ^littérature»  est  chez  eux  tellement  connexe  à  cellû  de 
€dûtinciion»,  de  ^auprCnie  élégance»,  qu'elle  se  confond  souvent  avec  elle. 
De  là  l'intervention  du  nom  de  Tô  ^ng  Pha,  célèbre  lettré  de  la  tlynastie 
des  -^^  Tong  pour  former  une  sorte  d'adjectif  dont  le  rôle  est  do  fîiîre 
comprendre  que  la  pièce  où  se  réunirent  les  deux  amants  était  à  la  fois 
retirée  comme  l'est  un  cabinet  de  travail,  et  élégante  comme  devait  l'être 
celui  dans  lequel  se  tenait  un  lettré  aussi  éminent  que  Tô  ^Cmg  Pha. 

7.  L'arbrisseau  appelé  *j&  ^^  Jiài  dubng»  (lit t.  :  €  sorbier  de  nter^) 
ou  «  t^  j^  Jrit  Bach  Uiiet  cki»  paraît  être  le  Pgruê  japonica.  Cependant, 
selon  31.  Wells  Williams,  cette  dénomination  s'appliquerait  à  deux  nutri^a 
espèces  végétales,  le  Cgd<yiiia  Japonica  et  le  Pyrua  spedabilia  ou  hac€lfrrn. 
Je  n'ai  trouvé  le  |^  ÎK  mentionné  dans  aucun  travail  concernant  In  Hme 
de  Cochinchine. 


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254  KiM  vAn  kiËu  tan  truyçn, 

Nguyêt  hoa,  lioa  ngiiyêt  nâo  nùng; 

DêiQ  xtiâu  ai  de  câm  long  dirçrc  cbàug? 
1285    La  chi?  TMiih  khî  le  hâng! 

Mot  day  dâ  biiôc;  ai  chàitg  cho  ra? 

&ém  duo  toi  mail  lân  la, 

Tnréc  cou  trâng  gid,  saii  ra  dâ  vaug. 

Dip  sao  iiiay  mân  la  durfnig? 
1230    Lai  vira  gàp  khoâng  iighîem  dumig  vê  qu*5  ^ 

Sank  càiig  mot  tînh  muM  mê. 

Ngày  xiuiii  lAm  lue  queii  vë  vài  xuàu. 


1,  Litt,  :  mC(Té£aUJ  iùmnanl  -^  en  qmîf  —  Thinh  kM  —  est  tm   r^*^'^'*^ 


J\'xi  expliqué  totif  nu  long  sous  le  vere  193  ce  que  signifient    1*^^ 


den 


rnota  <ikînh  klit>;  en  80  rcportaut  h  c«  que  j'en  m    dit    on  coniP' 
tMclIciucnt  ce  vers.  Le  dévclofïpemnnt  cuiuplct  de  Tidée  qu'il  nnifi^î""** 


jj^jiïlra 


celui-ci  •  ^.  .  .  .  le  rmmnnptaçnt  coiUenu  da^ut  la  -liia^mie  »     |^  ^S  HfQ  <R^  \ 
|3  ^^  >ffl  ^^   f^^  »"*  rakonfmuFjit  de  latin  kg  jour^  (e'cst  lil   Uiui  eh*J*^^ 
un  rien  U'extrLioiiliualreT  et  que  Ton  reucantre  coustumuiout) >. 

2.  Lîtt»  :  cLe  vmUn  —  (qtmni  à)  f^  pêche f  —  le  s&ir  —  (ipmrU  u)  f^^ 
^  Uk  se  hantaieJtL* 

3,  Lîtt.  :  ^D*ahord  —  c  était  imrorG  —  l^  lune  —  et  le  ticttli  —  p^**^ 

—  eela  reèêoHîi  (de^hUJ  —  bi  pîerte  ^  ei  For.  » 

Le  clîiir  de  lune  et  le  vent  sont  choaes  eÈsentrelIcment  iushxhles  *^*  jj"^ 
ssi^iTea;  In  pierre  et  l'or  Boni  au  eoutrairo  exfrêuaemeut  diirnble?  c*  **^" 
De  là  cette  double  luétnpliorc. 

K  T-ritt.  ;   «  Sank  —  de  j^ita  eti  phàë  —  (fionr)  un  —  (fmU  ék)  rei^€7iî^  * 

—  [snhisftuit)  dix  —  (/aiië  d'jêù'û  enim^,» 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  255 

Us  se  livraient  avec  ardeur  à  leurs  ébats  passionnés. 
Qui  donc  pourrait,  dans  une  nuit  d'amour,  mettre  un  frein  à  ses  désirs  ? 
Entre  cœurs  qui  sympathisent  ^  cela  n'a  rien  que  d'ordinaire!  i285 

Le  même  Ken  les  réunissait;  qui  aurait  pu,  en  Farracliîintj  leur 

rendre  la  liberté? 
Matin  et  soir,  toujours  ils  se  trouvaient  ensemble  2, 

et  ce  qui  n'était  d'abord  que  caprice  passager  devint  solide  afllectîoii  l 

Par  un  hasard  aussi  heureux  qu'étrange 

on  était  justement  arrivé  au  moment  où  le  père  s'en  retournait  dans  1290 

son  pays! 
De  moins  en  moins  le  jeune  homme  était  maître  de  lui-même  \ 

Les  jours  d'amour  passaient  bien  vite;  et,  tout  entier  à  sa  passiou,  il 
ne  songea  plus  au  retour  \ 


5.  Litt.  :  «Le»  jours  —  de  printemps  —  pctsaaient  vite;  —  «7  ouhliaît  — 
de  s'en  retourner  —  avec  —  le  printemps,^ 

Il  y  a  dans  ce  vers  un  jeu  de  mots  sur  le  mot  <cacuân»,  qui  n\t  pus  lu 
même  signification  dans  les  deux  hémistiches.  Dans  le  premier  il  a  h  sens 
d'amour  charnel.  Dans  le  second,  selon  qu'on  conserve  au  caractère  la  niiime 
forme  (^^)i  ou  qu'on  lui  adjoint  la  clef  75  (J^\  il  exprime  soit  Tobjet 
de  cet  amour,  soit  le  père  de  Thûc  Sanh,  jj^  ^^  xuân  hut/ên  signifijuit  ujùta- 
phoriquement  «fe  père  et  la  mère». 

Les  trois  éditions  que  je  possède  portent  ^^  sans  la  clef  75  ;  ninb  cela 
«'implique  nullement  que  le  poète  ait  voulu  adopter  exclusivement  It*  ]ia'- 
mier  sens;  car  Tes  lettrés  annamites  no  sont  nullement  difficiles  sur  l'oillio- 
graphe  des  caractères  démotiques,  et  il  est  beaucoup  plutôt  à  présumer 
que  la  phonétique  ^^»  commune  aux  deux  vocables,  aura  été  r^'étoi^  â 
dessein  dans  le  but  de  tenir  le  lecteur  dans  l'incertitude.  C'est  ifiiutînit 
plus  vraisemblable  que  le  vers,  entendu  dans  le  dernier  sens,  est  phis  cor- 
rect et  plus  conforme  au  génie  de  la  langue. 


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256  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Khi  gîô  câc,  khi  trâng  sân; 

Bâu  tien  chirô'c  rirau,  câu  thâu  nôi  tha. 
1295    Khi  hirang  schn,  khi  mây  tnra; 

Bàn  vây  dêm  nirô*c,  dirông  ta  hoà  d6ii. 

Map  mb  trong  cuoc  truy  hoan; 

Càng  quen  thuoc  net,  càng  dan  dfu  tinh. 

La  cho  câi  s6ng  khuinh  thành! 
1300    Làm  cho  dé  quân  xiêu  dinh  nhir  chai! 

Thûc  sanh  quen  net  bôc  rôî; 

Trâm  ngàn  dô  mot  trân  cirW  nhir  không! 

Mu  càng  tô  lue  chuôt  hông; 


1.  Litt.  :  <s.Ta'ntôt  —  (U  y  avait)  le  vent  —  du  palais;  —  Umtôt  —  (il  y 
avait)  la  lune  —  de  la  cour.* 

aOiô  câc»  et  €tràng  sân*  deviennent,  par  position,  des  expressions  ver- 
bales impersonnelles. 

2.  Litt.  :  €(Avec)  une  gourde  —  dHmmorlel  —  ils  (se)  versaient  —  le  vin; 
—  (avec)  des  phrases  —  de  génie  —  ils  joignaient  —  les  vers,  » 

Les  qualifications  parallèles  do  «  tien  —  immoi-tel  »  et  de  «  thdn  —  génie  » 
expriment  poétiquement  que  le  vin  et  le  vera  étaient  également  excellents. 

3.  Litt.  :  ^Tantôt  —  (il y  avait)  le  parfum  —  du  matin;  -  tantôt  (U y  avait) 
les  nuages  —  de  midi.* 

Même  obsei-vation  que  sur  le  vers  1294. 

4.  Litt.  ;  <ii(Sur)  Véchiquier  —  t7*  comptaient  —  les  marches  (des  piices);  — 
(au  moyen  des)  —  Jils  —  de  soie  —  ils  jouaient  d'accord  —  leurs  Dbn,  » 

5.  Litt.  :   *Ils  s'' absorbaient  —  dans  —  des  parties  —  de  rétrospectives  — 
gaUf's,  » 

G.  Litt.  :  «  Thûc  Sanh  —  était  accoutumé  aux  —  mœurs  —  de  prendre  par 
pincées  —  (de  f argent)  dissocié,» 


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^         kl 


KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  257 

Tantôt  dans  la  maison  et  tantôt  au  dehors,  passant  agréableiiiciit  le 

temps  \ 
ils  buvaient  d'excellent  vin  et  composaient  des  vers  merveilleux  ^. 

Le  matin  comme  au  milieu  du  jour  ils  s'abandonnaient  à  leur  ivresse  \  nm 

Ils  comptaient  les  cases  de  Téchiquier;  ils  mettaient  d'accord  leurs 

guitares  *, 
et  entamaient  d'absorbantes  causeries  sur  les  choses  gaies  d'autrefois  l 

Plus  ils  s'habituaient  l'un  à  l'autre,  et  plus  l'amour  les  enchaînait. 

Tu  fais,  ô  étrange  flot!  crouler  les  murs  fortifiés  des  villes! 

Tu  renverses  les  maisons,  tu  fais  pencher  les  palais!  et  cela,  i>oiir  i^m 

toi,  n'est  qu'un  jeu! 
TMc  Sanh  était  un  étourdi  qui  agissait  sans  réflexion  «, 

et  auprès  d'un  moment  de  plaisir  cent  ou  mille  (sapèques)  à  ms  yeux 

n'étaient  rien'! 
La  vieille  de  jour  en  jour  se  montrait  plus  accommodante  ^j 


Cette  expression  fait  allusion  à  la  manière  dont  le  public  annamite  ré- 
compense les  comédiens  dont  il  est  satisfait.  Les  spectateurs  généraux 
prennent  par  pincées  ou  même  par  poignées  des  sapèques  préel al ilt^ nient 
séparées  de  la  ligature  qui  les  réunissait,  et  ils  les  lancent  à  rartiate  dont 
les  chants  ou  le  jeu  les  charment.  Leur  libéralité  est  d'ailleurs  exrîtoi'  par 
un  individu  qui  représente  la  claque  des  théâtres  européens  et  qui,  aux 
moments  pathétiques,  frappe  sur  une  espèce  de  tambour  Tij^  âB  e^m 
châu).  Les  jeunes  gens  enthousiastes  prodiguent  sans  réflexion  aux  acteurs 
ces  sapèques  dites  ^ticn  rbi^;  c'est  pourquoi  le  poète,  voulant  fairi»  <:iitt!mtrc 
que  Théc  Sanh,  incapable  de  se  contenir,  suivait  toujours  l'imimîsîou  (k 
son  caprice,  le  dépeint  comme  agissant  de  même. 

7.  Litt.  :  *Cent  —  (ou)  mille  (pièces  de  monnaie)  —  il  versait  —  (dan»J  u7ï 
accès  —  de  rire  —  comme  —  l'ien!» 

8.  Litt.  :  €La  vieille  —  de  pif  ut  en  plus  —  enduisait  —  vert  —  eJ.  ^mltji- 
sait  —  rouge;-» 

Elle  se  pliait  obséquieusement  à  toutes  les  exigences  de  son  prmîigiic 
client. 

é  17 


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k 


^  Kl  M  vAn  KIÊU  tAn  truyên. 

Jlâu  tham  hê  tliây  haï  dông,  tlii  me! 
1305    Du(H  triiig  quyên  dâ  hôi  hè; 

Dâu  trrÙTig  Ifra  Imi  lâp  loà  dam  bùng. 

Phong  là  phâi  buèi  thoug  doiig, 

Thaii  liircnig,  nirng  hm  traô-iig  hoiig,  raeh  hoa. 

RO  rang  troiig  ngoc,  trâng  ngà! 
1310    Dây  dây  aân  duc  mot  toà  tliiCu  nhiêii! 

Smîh  càng  tô  uêt,  càng  khen. 

Ngu  thib  tay  thâo  mot  thiên  luât  Bmrug. 


1.  Lîtt,  :  *(Un)  êmvf  —  a^tpkU^  —  lowie*  H  (pt&nlet  foi»  —  iî  voit  —  la 
vapeur  —  de  V argent,  —   uhr»  —  il  t*l  etthrél» 

2.  Litt  ;   *  SotM  la  luné* 

3.  Lttt,  :  «awffîd  denifindé.*^ 

Le  coucou  est  réputé  nunoticer  par  son  chant  que  le  momeat  de»  sctaajlles 
est  arrivé, 

4.  Lïtt.  1  <  U  feu  du  fjrenoiikr.  » 

5.  Liti".  ;  *(Dans)  ga  ehamfjre  de  wié.» 

G.  Litt.  i  <  Femte^  —  die  était  créée  —  el  /ondtte  —  (à  la  manière  d'Jtme 
cmt«trudîon  (McUue)  —  naintelle.  ^ 

L'adverbe  chinois  «^  ^^  fhîên  nliiên*  ei^ifle  ^naturtlIetmctU,  de  êoi' 
m#nie»  (proprement  :  «A  /a  manière  de  [ce  tptt  crhj  le  Oiel*);  maïs  b»  poeiition 
le  transforme  en  un  adjectif  iumsiiuite;  et  tout  le  second  liétûtstiche  *môi 
£oà  thiên  nhien»  devient  pûur  la  mâme  niison  une  expresaiou  adverbiale 
de  manière, 

7,  Litt*  :  «  Fretuxni  —  (un)  Jtujei,  —  ta  maîii  —  traça  en  curtiif  —  une  — 
pa^ê  (tme  p^e  de  poétiej  —  de»  rè^lm  —  des  ihebn^.* 

Les  peuples  qui  ae  servent  de  récriture  chinoise  (Chinois,  Annamites;» 
Japonais)  emploient  pour  les  notes  courantes  et  les  papiers  sans  impt^r- 
tance  des  caractères  abrévîatifs  qui  portent  le  nom  génénqtîe  de  *^  ^ 
ih&û  tîe>.  Ces  signes  spéciaux,  qui  préât.«nti.'nt  d'ailleurs  une  foule  de  variétés 
dont  réchelle  varie  entre  les  caractères  de  récriture  règ^ulière  et  une  espèce 


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KIM  VlN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  259 

(car)  à  la  vue  de  Fargent  un  cœur  cupide  est  enivré  <! 
Le  coucou  avait  dans  les  airs^  par  ses  cris  annoncé  Tété  \  i305 

et  Ton  voyait  au  bout  du  mur  le  grenadier  en  feu^  épanouir  ses 

fienrs  éblouissantes. 
Aux  moments  où^  dans  sa  chambre  élégante  ^,  elle  jouissait  de  quelque 

loisir, 
.Kïeu  brûlait  des  parfums;  ou  bien,  prenant  une  étoffe  rouge,  (avec 

son  aiguille)  elle  j  traçait  des  fleurs. 
Vraiment,  pure  conmie  un  diamant  et  aussi  blanche  que  Tivoire, 

&vec  ses  chairs  de  marbre  et  sa  taille  bien  prise  elle  semblait  une  i3io 

statue  vivante^! 
Bdeiix  le  jeune  homme  la  connaissait,  et  plus  il  lui  trouvait  de  charmes. 

n  la  prit  pour  sujet,  et,  de  sa  main  rapidement  il  traça  des  vers  tels 
qu'on  les  faisait  au  temps  des  Bmbng'^. 

de  sténographie  extrêmement  simplifiée  (y^  ]^  dai  thào),  sont  employés 
surtout  pour  les  écrits  commerciaux,  particulièrement,  en  ce  qui  concerne 
1&  Chine  dans  les  provinces  de  ^  ^&  Fô  kim  et  de  &  ^^  Kouàng 
tâng;  ce  qui  tient  à  ce  que  dans  ces  régions  méridionales  le  commerce  est 
txès  actif,  tandis  qu'il  Test  beaucoup  moins  dans  le  nord,  où  les  études 
littéraires  sont  en  revanche  plus  suivies.  Dans  TAnnam,  ce  genre  d'écriture  est 
extrêmement  usité;  mais  c'est  au  Japon  qu'on  l'emploie  le  plus  fréquemment. 
Bien  que  l'écriture  ^]  soit  en  général  réservée  pour  les  papiers  d'af- 
fjûres  et  les  notes  privées,  et  qu'on  se  serve  pour  les  œuvres  littéraires 
de  récriture  régulière  dite  ^fr  ^I  le  th<y  ou  'Si  ^^  cham  tu,  on  a  pris 
^néralement  l'habitude  d'écrire  en  cursif  l'introduction  des  livres  et  sur- 
toat  les  pièces  et  recueils  poétiques.  C'est  même  l'un  de  ces  recueils,  rédigé 
en  '^  ]^  d'une  manière  remarquablement  élégante,  que  les  lettrés  anna- 
mites ont  adopté  comme  leur  modèle  le  plus  goûté  de  calligraphie  cursive. 
Ce  livre,  qui  est  intitulé  «-^^  ^  ^  ]^  ^^  Thiên  gia  thi  ihào  pkâp  — 
les  mille  poéêUê  de  famille  dormées  comme  modèles  de  récriture  tJiâo  »,  est  une 
collection  de  poésies  dues  aux  auteurs  les  plus  célèbres  entre  ceux  qui 
écrivirent  sous  la  dynastie  des  @S  Bttctng  (618—907  de  l'ère  chrétienne). 
Cette  époque  fut,  comme  il  est  facile  d'en  juger  en  lisant  la  savante  tra- 
duction d'un  grand  nombre  de  pièces  de  ce  temps  qu'a  publiée  M.  le  mar- 
quis D^HiaiTBT  DE  Saint-Dents,  l'âge  d'or  de  la  poésie  chinoise.  Les  pièces 

17* 


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260  Kl  M  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÇN. 

Nàng  rang  :  «Virng  biêt  15ng  chàng! 
«LM  16i  châu  ngoc,  hàng  hàng  gâm  thêu!> 

1315    Hay  hèn,  le  cûng  nôi  dieu. 

Nôi  sanh  nghî  mot;  hai  dêa  ngang  ngang! 

L6iig  c5n  gô"!  dâm  mây  vàng; 

«Hoa  van,  xin  hây  chiu  chàng  hôm  nay!> 

^^  "^  ^jt  ^  !^  ji  ^^^  gravées  en  cai-actères  ^  ]&  de  différentes 
formes,  à  côté  de  chacun  desquels  on  trouve  le  signe  régulier  ou  ^^Z. 
Ce  recueil  est  tellement  apprécié  comme  spécimen  de  récriture  cursive 
abrégée  que  Ton  donne  fréquemment  en  Cochinchine  à  ce  procédé  calli- 
graphique le  nom  d'écriture  «  thim  gia  »  au  lieu  de  sa  véritable  qualification 
qui  est  c  -y^  ^[  âai  thio  »  ;  et  Tautei^r  y  fait  certainement  allusion  dans 
le  présent  vers  lorsqu'il  dit  que  Tkûc  Sank  trace  une  pièce  de  vers  en 
écriture  cursice  dont  ce  livre  est  le  modèle  le  plus  remarquable,  et  d'après 
les  règles  de  la  poésie  en  usage  sous  les  Bvromg  dont  il  renferme  les  pièces 
les  plus  goûtées. 

L'art  de  tiacer  élégamment  ces  caractères  cursifs  est  d'ailleurs  fort  ap- 
précié par  les  lettrés  de  la  Chine.  Des  empereura  eux-mêmes  n'ont  pas 
dédaigné  d'en  faire  leur  étude  favorite,  et  l'on  voit  dans  les  romans  de 
littérature  des  personnages  vantés  pour  leur  talent  dans  ce  genre  de  calli- 
graphie.   C'est  ainsi  que  dans  le  célèbre  livre  intitulé  ^-  ijj  *^  «, 

l'ignorant  W  S  — ',  ayant  désigné  pour  concourir  à  sa  place  avec  fjj  M 
le  savant  j^^-S*  réputé  pour  son  habileté  à  tracer  les  caractères  cnreifs 
aussi  bien  que  les  carrés  Tfi  ^  ^  -31  )>  l'Empereur  fait  comprendre 
dans  les  épreuves  une  pièce  à  écrire  en  ]^.  La  composition  de  la  jeune 
fille  excite  l'admiration  générale,  et  ses  juges  comparent  les  caractères  tom- 
bés de  son  pinceau  «à  des  dragons  qui  volent,  à  des  serpents  qui  se  con- 
tournent de  mille  manières  ^^p  §ë  ^ffe  5$i  S^)»* 

Par  les  mots  *^luât  Buhmg  —  les  règles  (usitées  en  poésies  au  temps  de») 
Btedng  »  le  poète  donne  aussi  à  entendre  que  les  vers  de  Thûe  Sanh  étaient 
composés  de  sept  caractères  T  J^  ■«  ^  tfiétt  ngôn  tht).  C'était  en  effet 
la  forme  la  plus  généralement  adoptée  à  cette  époque  ;  aussi  lui  donne-t-on 
souvent  le  nom  de  «ffl*  "^X  Bàng  ihi  —  vers  des  Bir^g*. 


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KIM  vAN  KIËU  TAn  TRUYÊN.  261 

«Je  saisis  votre  pensée  *  !  »  lui  dit  alors  la  jeone  femme. 

«Les  mots  se  suivent  comme  autant  de  perles  et  de  diamants;  les 
>vers,  dans  leur  succession,  semblent  former  le  dessin  d'une  bro- 
>derie  de  gîim'^l  > 

Bien  ou  mal,  à  ces  rimes  elle  joignit  des  rimes  pareilles^.  1315 

Pour  le  jeune  homme,  il  n'avait  qu'une  unique  pensée;  les  deux  choses 

marchaient  de  front! 
(Tandis  que)  son  cœur  exhalait  encore  de  nombreux  soupirs  d'amour  ^  : 

«  En  comparant  nos  rimes  >,  dit  Kieu,  «  (je  vois)  ^  qu'il  me  faut  aujour- 
»d'hui  vous  reconnaître  pour  vainqueur!» 

1.  «  Vvnff»  litt.  :  ^f  obéis»  est  un  terme  de  déférence  employé  au  Tonkin  à  peu 
prés  dans  le  même  sens  que  le  mot  *jh.  da»,  qui  est  spécial  à  la  Cocliinchine. 

2.  Cette  formule  du  pluriel  par  répétition  des  mots,  qui  est  empruntée 
à  la  phraséologie  chinoise,  est  assez  rare  en  annamite.  Elle  implique  une 
idée  de  succession.  La  traduction  littérale  de  ce  vers  serait  exactement  : 

^Mot  —  (à)  mot  —  (ce  sont)  des  perles  —  (et)  des  pierres  précieuses;  — 
ligne  —  (à)  ligne  —  (c^est  un)  gâlm  —  brodé  h 

3.  Litt.  :  ^Élégants  —  (ou)  sans  valeur,  —  les  raisonnements  (les  idées)  — 
tout  aussi  bien  —  joignent  —  les  ^iêu,  » 

Les  mots  «not  dieu  —  joindre  les  Biêu»  expriment  un  genre  de  diver- 
tissement poétique  très  en  vogue  chez  les  lettrés  et  qui  consiste  à  faire 
à  deux  des  vers  alternants  sur  les  mêmes  rimes. 

^3  Biêu  (tiào)  est  le  nom  chinois  de  la  zibeline  de  Sibérie  (Mustela  zibe- 
lina).  LsL  manière  symétrique  dont  on  dispose  les  queues  de  ces  animaux  sur 
les  vêtements  confectionnés  avec  leur  fouriiire  fait  comprendre  facilement  la 
singulière  métaphore  renfermée  dans  Texpression  qui  nous  occupe. 

Si  cependant  les  renseignements  qui  m*ont  été  donnés  sont  bien  exacts, 
le  mot  *Biêu»  désignerait  dans  TAnnam  un  tout  autre  animal  que  la  zibe- 
line. Ce  serait  un  quadrupède  un  peu  plus  grand  que  le  cerf  de  Cochin- 
chine,  et  dont  la  peau,  très  précieuse,  serait  réservée  à  la  confection  des 
fourrures  de  l'Empereur.  Comme  ces  animaux  se  tiennent  toujoiu^,  lorsqu'ils 
sont  en  troupe,  les  uns  derrière  les  autres,  l'expression  <^ joindre  les  Biêu» 
signifierait  alors  «faire  des  vers  qui  se  correspondent  pour  le  sens  et  pour  la 
rime,  comme  se  suivent  les  individus  qui  composent  un  troupeau  de  Biêu», 

4.  Litt.  :  c  (Son)  cœur  —  encore  —  envoyait  —  des  réunions  —  de  nuages  —  d^or;  » 

5.  Litt.  :«....  Je  demande  à  ....  » 

Le  mot  <xin  — je  demande  à»  correspond  à  notre  formule  de  politesse 
*  permettez-moi  de  ......  11  y  a  cependant  entre  les  deux  une  diiférence 

qu'il  faut  bien  noter  pour  l'intelligence  de  certains  passages,  et  qui  tient 


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262  KI^  vAn  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Rang  :  «Sao  nôî  la  lùng  thay? 
1320    «Nhành  kia  châng  phâî  coî  nây  ma  ra!» 

Nàng  càng  ù  giot  thu  ba. 
'    Boan  tnrîmg  lue  ây  nghï  ma  buôn  tanh! 

«Thiêp  nhir  hoa  ââ  lia  nhành, 

«Chàng  nhir  con  birô-m  lîêng  vành  ma  choi! 
1325    «Chù  xuân  dành  dâ  cô  nol! 

«Vân  ngày  thôî  chd!  Dài  IM  làm  chi?» 

SanK  rang  :  «Tir  thiiô"  tirang  tri, 

«Tarn  riêng  riêng  nhîrng  nàng  vi  nirôt;  non! 

«Trâm  nâm  tinh  cuôc  vuông  trôn! 
1330    «Phâî  dô  cho  dên  ngon  ngnôn  lach  sông.» 

à  la  civilité  extrême  qui  règle  les  relations  chez  les  Annamites.  La  per- 
mission que  Ton  semble  demander  à  Tinterlocuteur  par  le  mot  «a»n»  im- 
plique, en  effet,  non-seulement  des  choses  avantageuses  pour  celui  qui  l'em- 
ploie, mais  encore  des  choses  désavantageuses  ou  même  préjudiciables.  Nous 
faisons  en  France  un  certain  effort  d*amour-propre  lorsque  nous  disons  : 
«Je  m'avoue  vaincu  »,  et  nous  n'ajoutons  rien  à  cette  formule.  Un  Annamite 
au  contraire,  s'il  est  poli,  dira  comme  le  fait  ici  notre  héroïne  :  ^Je  vous 
demande  la  permission  de  m' avouer  vaincu», 

1.  Mts  désirs  n'ont  rien  de  commun  avec  les  vers! 

2.  Litt.  :  €  La  jeune  femme  —  de  plus  en  plus  —  ét-ait  triste  —  (quant  aux) 
d'automne  —  flots.  » 

Le  ciel  étant  souvent  sombre  pendant  l'automne,  les  eaux,  qui  le  re- 
flètent, présentent  un  aspect  triste.  C'est  ce  qui  a  donné  naissance  à  cette 
figure,  employée  pour  désigner  poétiquement  les  larmes. 

3.  Litt.  :  <Xa  maîtresse  —  du  printemps  —  évidenimeiit  —  dks  à  présent 
—  a  —  (son  lieu)!» 


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KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYISN.  263 

«Pourquoi»,  répondiWl,  «ces  paroles  étranges?» 

«Le  rameau  (dont  je  m'occupe)  ne  sort  point  de  ce  tronc  ci  M  »,        1320 

Sentant  redoubler  sa  tristesse,  la  jeune  femme  pleura  2. 

En  ce  moment  la  pensée  de  son  infortune  au  fond  de  son  cœur  la 

navrait! 
«Je  suis»,  dit-elle,  «une  fleur  séparée  de  son  rameau, 

«  et  TOUS,  un  papillon  qui  planez  autour  pour  vous  distraire! 

«Vous  avez,  c'est  évident  !  une  épouse  légitime  3,  132® 

«  et  vous  êtes  en  ce  moment  absent  (de  votre  ménage).  Avouez-le 

»donc  sans  détours!» 
«Depuis»,  répondit  Thtjc  Sanh,  «que  nous  avons  fait  coimaissanee, 

«mon  cœur  à  moi  n'a  qu'un  souci  :  l'amour  qu'il  veut  vous  gardera 

«Afin  de  tout  régler,  et  d'assurer  pour  la  vie  la  réalisation  de  mon 
»  projet  5, 

«il  me  faut  sonder  à  fond  (les  dispositions  de  ma  femme) '^*.  i3;^o 

^Chû  xuân*,  litt  :  «Za  maUresse  du  printemps  » ,  est  une  métaphore  qui 
signifie  scelle  qui  préride  aux  amoura*.  Cette  singulière  mais  pc)t*tique  ex- 
pression désigne  Tépouse  légitime  ou  femme  de  premier  rang.  —  *fiwîjAij 
adverbe  par  position,  a  le  même  sens  que  <<2a  âành*. 

4.  Litt.  :  €Mon  morceau  (de  cœur)  —  particulier  —  en  particulier  —  flA#o- 
btment  —  est  lourd  —  à  cause  —  des  eaux  —  (et  des)  montagnes!^ 

Il  n'est  pas  dit  précédemment  que  Thûc  Sanh  ait  fait  un  serti MMit  à  Téi/ 
Kiêii;  mais  l'emploi  qu'il  fait  ici  des  mots  *nwàcnon*  qui  expriment  rommc 
je  l'ai  dit  plus  haut,  les  objets  que  l'on  prend  d'ordinaire  à  témïtin  ilo  ces 
sortes  de  serments  indique  bien  qu'il  veut  actuellement  témoigner  à  k  jeune 
femme  la  résolution  arrêtée  de  se  lier  à  elle.  —  €T^m*  est  puur  ^Mi»^ 
lîmff*, 

6.  Litt.  :  *(Afin  de  pour)  cetit  —  ans  —  régler  —  le  but  —  en  turré  ^- 
(et)  en  rond.» 

6.  Litt.  :  <  //  faut  —  sonder  —  jusqu'à  —  la  nappe  (d'eau)  —  de  la  Hmtrce 
—  et  le  chenal  —  du  fleuve,  » 


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264  Kl  M  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Nàng  rang  :  «Muôn  doi  on  long! 

cChùt  e  bên  thù  bên  tiing  de  dâu? 

«Binh  khirong  âng  nâ  bây  lâu, 

«Yêu  hoa,  yen  dirac  mot  màu  dièm  trang; 
1335    «Roi  ra  râ  phân  trao  hircmg, 

«L6ng  kia  gifr  dirac  tlnrfrng  thirfrng  mai  cLâng? 

«Va  trong  thëm  que,  cung  tring, 

«Chû  tnrong  dành  dâ  chi  Ilang  b  trong! 

«Bây  lâu  khâng  khft  dâi  dông; 
1340    «Thêm  ngu-M,  ngirW  cûng  cliia  16ng  riêng  tây! 

«V!  chi  chut  phân  bèo  mây, 

«Làm  cho  bê  ai  khi  dây  khi  voi? 

«Trâm  dëu  ngang  ngùu  vi  toi, 

1.  Litt.  :  «  Un  peu  —  je  crains  que  —  le  coté  —  de  (me)  prendre  (pour) 
femme  —  (et)  le  côté  —  de  êuivre  (mon)  époux^  —  aoit  faciles  —  okf  (ne  soient 
nullement  faciles),  » 

*    2.  Litt.  :  €( Alors  que)  —  (dans  un)  paisible  —  repos  —  notju  vaquions  (à 
nos  affaires)  —  jusqu'à  ce  jour,  » 

3.  Litt.  :  «a  (Quant  à)  aimer  —  la  fleur ,  —  aimer  —  vous  pouviez  —  une 
couleur  —  d'orner  (de  toilette)  ;* 

4.  Litt.  :  <  Or  —  dans  —  la  vérandah  —  du  Qu3  —  et  (dans)  le  palais 
—  de  la  lune,-» 

Voir,  pour  rintelligcnce  de  ces  figures,  ce  que  j*ai  dit  plus  haut  de 
l'arbre  ;|^  et  de  Kheang  Nqa  ou  llàTu/  Nga, 

5.  Litt.  :  <^( Quant  au  fait  de)  diriger,  —  évidemment  —  dhs  à  présent  — 
(ma)  sœur  —  Ilting  (Nga)  —  est  —  dedans!» 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  265 

«Soyez*,  reprit  JK^>  «mille  fois  remercié! 

«Mais  je  crains  que,  pour  nous  épouser,  nous  ne  rencontrions  quelques 

»  obstacles  ^  !  » 
«  En  ce  lieu  tranquille  où  jusqu'à  ce  jour  ^  nous  vaquions  à  nos  affaires, 

«  vous  pouviez  aimer  une  fille  et  vous  laisser  charmer  par  ses  artifices 

»de  toilette  3; 
«mais  quand  je  serai  hors  d'ici,  que  mon  fard  aura  disparu  et  que  1335 

»  j'aurai  donné  tout  mon  parfum, 
«votre  cœur  à  jamais  pourra-t-il  me  rester  fidèle? 

«Or  dans  votre  maison,  son  domaine ^ 

«(La  maîtresse  du  logis),  telle  que  Hàng  Nga  dans  la  lune,  dirige 

>et  gouverne  tout^! 
«Jusqu'à  présent  un  lien  étroit  a  réuni  vos  deux  coeurs^; 

«si  vous  en  introduisez  une  autre,  l'affection  se  divisera!  1340 

«  Et  que  suis-je  donc,  moi,  créature  malheureuse  et  vile  ', 

«pour  venir  modifier  le  noble  amour  de  votre  coeur^? 

«Si  ma  présence  amène  le  désordre'^, 

6.  Litt.  :  *  Jusqu'à  ce  jour  —  a  été  serré  —  le  lien  —  commun;» 

7.  Litt,  :  €A  de  Vimportance  —  en  quoi  —  (num)  peu  —  de  condition  — 
de  lenUUe  d'eau  —  et  de  nuagefT^ 

Tny  Kiêu  fait  entendre  par  là  qu'elle  est  vile  comme  la  lentille  d'eau,  et 
que,  de  même  que  les  nuages  sont  le  jouet  du  vent,  elle  est  le  jouet  de  la 
mauvaise  fortune. 

8.  Litt.  :  «  (Pour)  faire  que  —  la  mer  —  de  V amour  —  tantôt  —  soU  pleine 
—  (el)  tantôt  —  diminuée  (pour  exercer  une  influence  quelconque  sur  vos  affections 
domestiques  9)  ». 

9.  Litt.  :  «  (S'il  y  a)  cent  —  choses  —  désordonnées  —  à  cause  de  —  moi,  » 
Le  mot  «oî»  qui  se  trouve  dans  le  vers  suivant  comme  sujet  de  la 

phrase  montre  que  ce  qui  précède  est  nécessairement  une  proiK)8ition  con- 
ditionnelle; et  comme  cette  dernière  ne  renferme  aucun  mot  susceptible  de 


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266  KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

«Thân  sau  ai  chiu  toi  TrW  ây  cho? 
1345    «Nhir  chàng  c6  virng  tay  co, 

«Mir6i  phân  xin  dâp  dîêm  cho  mot  vài! 

«The  trong  dâu  lôn  hou  ngoài, 

«Tnrdc  hàm  su*  tir  gôi  ngrrM  dâng  la! 

«Cûi  dâu  lôn  xuông  mai  nhà, 
1360    «Giâu  mùi,  lai  toi  bâng  ba  lèa  hirng! 

«CTtrên  côn  cô  nhà  xuân. 

«Long  trên  trông  xuông,  biët  15ng  c6  thirang? 

«Sa  chi  lieu  ngô,  hoa  tu-ùng? 

jouer  le  rôle  du  verbe  indispensable,  il  faut  en  conclure  que  le  vers  dans 
son  entier  constitue  une  formule  verbale  impersonnelle. 

1.  Litt.  :  ^(Dana  ma)  condition  —  de  plus  tard  —  qui  —  sttbira  —  ce 
châtiment  du  Ciel  (le  châtiment  que  le  Ciel  m'infligera  pour  avoir  troublé  votre 
ménage)  —  pour  —  moif» 

2.  Litt.  :  ^Si  —  vous  avez  (le  fait  d^J  —  être  ferme  —  (quanl  h)  la  main 

—  contractée,» 

L'expression  «vînwjr  tay  co*  se  rapproche  singulièrement  de  notre  ex- 
pression vulgaire  €  avoir  la  poigne  solide».  Voir  à  ce  sujet  la  note  sous  le 
vers  74. 

3.  Litt.  :  «  (Poxtr)  dix  —  parties  —  je  (vous)  prie  de  —  (couvrir)  —  pour 
(moi)  —  un  —  quelque  (quelque  peu)!» 

4.  Litt.  :  ^  (Quant  à)  la  puissance  —  intérieure,  —  si  —  elle  est  grande 

—  plus  que  —  r extérieure,» 

La  puissance  intérieure,  c'est  celle  de  la  personne  qui  gouverne  Tinté- 
rieur,  c'est-à-dire  celle  de  la  femme,  La  puissance  extérieure  est  celle  du 
mari,  qui  a  dans  ses  attributions  la  gestion  des  affaires  du  dehors. 

5.  Litt.  :  «  Devant  —  la  mâchoire  —  du  lion  —  vous  appelez  —  la  personne 

—  ^ang  la!» 

Le  €Bàng  la»  est  une  espèce  de  liane   dont  il   m'est  impossible  de 


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.  ^.c    -   -"^^'-^^/i 


KIM  vAn  KIÊU  tAn  TftUYEN.  267 

€  qui  à  ma  place,  plus  tard;  en  subira  les  conséquences  >? 
«Si  vous  avez  la  main  ferme 2,  1345 

€  accordez-moi,  je  vous  en  supplie!  quelque  peu  de  protection^! 
cMais  si  son  pouvoir  l'emporte  sur  le  vôtre  ^, 
cvous  me  jetez,  faible  créature,  dans  la  gueule  du  lion^! 
«Si  j'entre  chez  vous  en  baissant  la  tête, 

«et  que  nous  celions  nos  rapports,  ce  sera  aussi  un  terrible  griefs  !  1350 
«Dans  un  rang  supérieur  se  trouve  encore  votre  père'. 

«Si  tant  est  qu'il  me  témoigne  des  égards^,  aura-t-il  pour  moi  de 
>raffection?> 

«Compte-t-on  pour  quelque  chose  le  lierre  de  la  porte,  la  fleur  de  la 
»muraflle*?» 

donner  le  nom  botanique.  Je  ne  croîs  pas  qu*elle  ait  jamais  été  classée.  Ce 
nom  signifie  €  liane  la».  Le  mot  «^S  la*  est  une  qualification  générique 
qui  s'applique  aux  plantes  parasites  et  à  celles  qui  s'enroulent  autour  des 
arbres. 

En  se  comparant  à  la  liane  dont  il  s'agit  ici,  Tût/  Kiiu  veut  dire  qu'elle 
n'a  aucune  force  de  résistance,  et  qu'elle  sera  incapable  de  supporter  les 
persécutions  de  l'épouse  légitime  si  Thûc  sanh  ne  la  soutient  pas  comme 
le  font  à  l'égard  du  ^Bâng  la*  les  arbres  qui  lui  servent  de  support. 

6.  Litt.  :  €(Et  que)  nou9  cachions  —  la  couleur,  —  encore  —  la  faute  — 
égtdera  —  trois  —  feux  —  qui  se  répandent!* 

7.  4iNhà  xuân*  est  la  traduction  annamite  de  l'expression  métaphorique 
chinoise  «^S  ^  Xuân  âuang*  que  l'on  trouvera  au  vers  1388,  et  qui 
signifie  «fe  père*. 

8.  Litt.  :  *(8i)  le  cœur  —  cTen  haut  —  regarde  —  &t  bas,  —  (qui)  sait 
—  (si  ce)  cosur  —  aura  —  (le  fait  d*)  aimer  f  * 

9.  Qu'importe  une  pauvre  fille  que  l'on  n'aime  qu'en  passant?  On  jette 
un  regard  sur  le  lierre  qui  s'accroche  aux  montants  de  la  porte,  sur  la 
fleurette  qui  se  montre  timidement  sur  la  muraille;  puis  on  passe  et  l'on 
n'y  pense  plus!  Ce  sont  des  accessoires  trop  infimes  de  l'habitation  pour 
que  le  maître  leur  accorde  autre  chose  qu'une  attention  de  hasard. 


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268  KIM  VÂN  KIËU  tAn  TRUYÊN- 

«Lâu  saiih  lai  bo  ra  pbiràiig  lâu  xaiih! 
1355    «L^i  càiig  lilia  daug  dai  likh! 

tDành  thân  phan  tliiep;  ngliî  danh  giil  eliàiig! 

«Thircnig  sao  cho  ven  thi  tliucrng! 

tTfnli  sao  cho  trou;  moi  dirà-iig  tlii  vâtig!» 

Sanh  rang  :  *Hay  iioî  de  ebiriig! 
1360    «Loiïg  dây  long  day  cLura  tihig  hay  sao? 

«Du'ôriîg  xa  clid  ngaî  Ngô  Lào! 

«Tnlm  deu  hây  cù*  trung  vào  mot  ta! 

tDfi  gân!  CW  cô  deu  xa? 

<DA  vàng  cûiig  qiiyët;  plioiig  ba  cûiig  lieu!* 


L  ÏAtt  :  9  (Si)  le  paiaî»  —  vf^'l  —  encore  —  je  qidUe^  —  je  (nett)  (f^h 
det>iendrid  (pnê  moijuj  —  fmie  ^fcrêoiine  de)  ia  ^ociélé  —  dcê  p^îlids  —  veri*'* 

2.  Litt,  :  ^Encci'T  -*  de  piuji  en  phts  —  je  serai  sordide  —  (qutrd  ^J  '* 
/ym^,  —  je  tertù  Hupide  —  (qimni  à)  tagpeH  !  » 

3.  Lïtt  :  ^Appro3cifntdiG&mefd*. 

4.  ïiïtt  i  *  Le  cŒur  —   d'ici  —  (etj  le  cmur  —  de  ?â  .  >  ,  .  ,» 

5.  ' -^  lY^yy»  »?st  le  nom  û\m  aïiDÎcn  royaTimo  dimois,  le  troîsièmii  wû 
couit  que  l\m  appt'lftit  *'^_  ^R  Tani  qmc  —  Im  Tr&îê  royanm^»-  En**?^' 
priïiïant  comme  il  lo  f:iit  ici,  l'nntciir,  tjiii  a  Umi  iViilioTil  plaeà  ract^m  de 
sou  poème  sons  le  rùgnc  do  l'ciupereur  S^  ôS  CVîa  thiFi  de  la  <i)D«'**''^ 
des  RH  ^^^*"^i  commet  un  étiornio  anueliroiiismc;  car  -[j^  ^  T/t?  ^ '"•?*  ^^^^ 

|,  est  monté  sur  lo  trône  do  CIudc  en  î'i^»  ^^■' 


le  nom  de  rè^c  était  ^E-iS» 
de  l'ùrc  clirétieiine,  tandb  que  le  royaume  de  ^^  avait  pris  fin  ik^^  ^ 
gimrmUe-dnq  nm  âUfiaras'ârit  (277)  ti  la  priiie  de  Nankin  par  ^  Jç  j^ 
Tw  Jffï  Viêm  i^ï^-^  'î^*  '^/^<'''^5  V'3  <?€'),  Peut-être  cependîinl  >>/^ 
Df*  vent -il  parler  do  la  vilïe  de  ^  ^>|    TÙ  châu,  ipii  etjiit  autrefois  1» 


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«      I 


KIM  vAn  KIËU  TAn  TRUYÊN.  200 

ainsi)  de  nouveau  cette  maison  de  plaisir  ne  serait  <[ik^ 

uer  (ailleurs)  la  vie  que  j'y  ai  menée  M 

ion  n'en  deviendrait  que  plus  vile,  mon  rôle  que  plus  ridi   1350 

i,  j'accepte  mon  sort;  mais  j'ai  souci  de  voti-e  honneur  1 

yi  comme  vous  pourrez  le  faire  sans  rien  compromettre!  '^ 

mt  de  point  en  point;  de  point  en  point  je  vous  (obéirai  1> 

lez  sanB  réfléchirai»  dit  TTiuc  Sanh, 

rs*  ne  se  connaissent-ils  donc  point  encore  ?i^  i300 

meî  de  la  distance!  L  ne  s'agit  point  d'un  voya^rc  en  Chinv 
1  au  Laos*'! 

t  pour  toutes  choses  à  vous  reposer  sur  moi  seul! 

■es  de  vous!  ce  qui  est  loin  n'existe  même  pas'^^! 

tout  doive  se  passer  au  mieux,  soit  que  je  doive  soulever 
apctes^  je  me  risquerai  quand  même'!» 

royaume  de  ^^,  et  à  laquelle  on  donne  encore  souvent  le  nom 
*%M  hu^  (V.  W*:Lt8  Williams,  au  caractère  .^  ). 
bc^iieonp  plus  porté  à  croire  que  le  poète  s'es^t  laissé  fillcr  k 
ion,  et  f|u'oul)li.iut  qu'il  fait  vivre  ses  héros  eu  Chîue,  il  cite 
inel  les  Amiatnites  donnent  assez  souvent  par  uiépriH  le  uom  de 
une  région  éloignée  de  Tendroit  où  se  trouvent  77tûc  Sanh  et 

rroborcmit  cette  supposition,  c'est  l'intervention  dn  Lam^  \\nys 
[lu'nois   du  ceutri^  jiensent  fort  peu,  et  qui  doit  au  coutmire, 

Ciit  do  peuiJÎades  hostiles  et  réfractaires  à  leur  diuuin:ïtion,  se 
sez  souvent  h  Te^prit  des  Annamites  comme  celui  d'au  lieu  où 
ms  d'ordinaire, 
ms  ufius  bi^âoiu  d'arrêter  notre  pensée  sur  une  absence  V  Litt.: 

fy)  af-t-Uj  —  la  chose  —  d'être  éloigné  f» 

<  (S'il  y   a)  In  pierre  —  (et)   Vor,   —  tout  aussi  hltni  —  je  j>ttis 
S'il  y  aj  —  le  vetd  —  et  les  flots,  —  tout  aussi  hîen  —  j>  m^tx- 


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C^ogle 


270  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

1365    Cùng  nhau  cân  vân  dên  dëu; 

Chî  non  thë  bien,  nâng  gieo  dên  16i. 

Nî  non  dêm  vân,  tinh  dài! 

Ngoàî  hiên  thô  dâ  non  doàî  nhâm  grrang. 

Mnron  dëu  trùc  vien  thdra  liroTig, 
1370    Ettô-c  vë;  hây  tam  giâu  nàng  mot  no*î. 

Chien,  h5a,  sâp  sân  liai  bài! 

Cây  tay  thay  tha,  mirÔTi  ngiriri  dô  la. 

Bân  tin  dên  mât  Tû  hà! 


Ce  vers  présente  un  double  sens.  On  peut  aussi,  en  effet,  le  traduire  ainsi: 
<De  la  fermeté,  fen  aurai;  et  ê*U  y  a  des  orages,  je  suis  résolu  à  les  affronter!» 

J*ai  préféré  adopter  la  première  de  ces  interprétations  dans  ma  traduction 
française,  parceque  Texpression  *Phong  ba»  désignant  un  état  de  choses,  il 
est  plus  conforme  à  la  loi  du  parallélisme  qui  domine  pour  ainsi  dire  tant 
dans  la  poésie  annamite  de  considérer  *dd  vàng*  qui  lui  fait  pendant 
comme  exprimant  aussi  une  situation  plutôt  qu'une  qualité,  et  comme  devant 
s'entendre  d'un  état  de  choses  stable,  calme  et  tranquille,  par  opposition  à 
^phong  ba*  qui  renferme  l'idée  de  la  tempête,  c'est-à-dire  du  bouleversement 
et  de  l'instabilité.  La  répétition  du  mot  ^cîrng  —  tout  aussi  bien*  après 
chacune  de  ces  deux  expressions  parallèles  vient  fortifier  encore  cette  im- 
pression d'une  opposition  absolue,  c'est-à-dire  existant  non  seulement  dans 
les  mots,  mais  encore  au  fond  même  de  l'idée  qu'ils  expriment 

1.  Litt  :«....  jusqu'à  —  (la  dernière)  chose,  » 

La  formule  *din  â^u»  est  elliptique,  et  équivaut  à  *den  dêu  sau  hit*. 

L'expression  «  càn  vàn  —  faille  des  recommandations  »  ne  se  trouve  pas  dans 
les  dictionnaires.  Elle  est  formée  de  deux  mots  dont  la  réunion  donne  le  sens 
de  it  visser  avec  grand  soin».  On  saisit  de  suite  la  relation  qui  existe  entre  la 
signification  littérale  de  cette  formule  et  le  sens  méthaphorique  qui  en  découle. 

2.  Litt.  :  *  Montrant  —  les  montagnes  —  (et)  jurant  —  la  mer,  —  lour- 
dement —  ils  lancèrent  —  jusqu'à  —  (la  dernière)  parole», 

€^m  Un*  correspond  à  ^d^  dêu*  et  contient  une  ellipse  semblable.  — 
L'adverbe  ^n^ng*  est  placé  par  exception  avant  le  verbe  pour  donner  plus 


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KIM  vAn  KIËU  tAn  TRUYIn.  271 

Us  se  firent  Fun  à  Tautre  les  recommandations  les  plus  minutieuses  \,  um 

et^  prenant  à  témoin  la  mer  et  les  montagnes,  ils  se  prodiguèrent  les 
serments  2. 

La  nuit  fut  trop  courte  pour  leur  amoureuse  causerie  3. 

Au  dehors  la  lune  disparaissait  derrière  la  cime  des  montagnes^. 

Ils  allèrent  prendre  le  frais  sous  les  bambous  du  jardin -\* 

puis,  rayant  reconduite,  il  se  mit  en  quête  d'un  lieu  (propice)  afin  isto 

d'y  cacher  la  jeune  femme. 
Se  préparant  à  la  guerre  comme  à  la  paix, 

il  eut  recours  aux  talents  d'un  écrivain,  et  s'adressa  à  une  personne 

habile  afin  de  tâter  le  terrain  ". 
(La  vieille)  Tû  hà  reçut  cette  nouvelle  en  plein  visage'! 


de  force  à  l'idée  qu'il  exprime.  Ce  procédé  est  Tinveree  de  celui  qui  est 
employé  en  chinois  dans  des  cas  semblables.  Cela  tient  à  ce  qu'ici  les 
syntaxes  des  deux  langues  sont  en  opposition  complète. 

3.  Litt.  :  *(IhJ  se  livraient  à  leurs  confidences  amoureuses  —  (quant  à)  une. 
nuit  —  courte  —  fet  à)  une  passion  —  longue», 

4.  Litt.  :  *En  dehors  —  (quant  au)  boudoir  —  le  lièvre  (la  lune)  —  avaU 
(subi  le  fait  que)  —  les  eaux  des  montagnes  —  avaient  —  dévoré  —  (son)  miroir,  » 

La  formule  *Non  doài  ngâmguong»,  qui  est  pour  ainsi  dire  consacrée  dans 
la  poésie  annamite  et  que  j'ai  déjà  eu  occasion  d'expliquer  devient,  soïis 
l'influence  de  la  particule  du  passé  4idà*,  un  verbe  composé  qui,  tout  en 
étant  actif  dans  la  forme,  produit  cependant  l'impression  du  passif  dans 
sa  relation  avec  le  sujet  €tJiâ*.  Il  faut,  pour  interpréter  ces  sortes  de  com- 
binaisons assez  mal  définies,  admettre  comme  je  l'ai  fait  que  le  verbe 
*ckiu»  doit  être  sous-entendu  après  le  mot  «d^5». 

6.  Litt.  :  «  Us  etnpruntèrent  —  la  chose  de  —  (dans)  des  bambous  —  Venclos 

—  profiter  de  —  la  fraîclieur.9 

6.  Il  s'adresse  k  un  écrivain  pour  qu'il  prépare  l'acte  de  vente,  et  loue 
les  services  d'un  intermédiaire  qui  devra  sonder  les  dispositions  de  Tû  hà, 
Thtic  sanh  fait  ces  deux  choses  en  même  temps  pour  no  pas  laisser  à  1a 
mégère  le  temps  de  la  réflexion.  Cette  intention  est  plus  accentuée  encoiti 
dans  le  vers  suivant. 

7.  Litt.  :  «O»  tira  (comme  on  tire  une  flèche)  —  la  nouvelle  —  au  —  visatjf; 

—  de  Tû  bà!* 


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272  KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Tliua  ca,  mu  cûng  câu  hoà;  dâm  sao? 
1375    Rô  rang  cùa  dân  tay  trao; 

Cung  di  mot  thiëp,  thân  vào  ctba  công. 

Công  xem  hai  le  dëu  xong; 

G6t  tien  phùt  dâ  thoât  v6ng  trân  ai. 

Mot  nhà  sum  hiep  tiTTÔ-c  mai; 
1380    Càng  sâu  ngâi  bien,  càng  dàî  tinh  sông. 

HTrcng  càng  diram,  lèa  càng  nông! 

Càng  xue  vè  nguyêt,  càng  long  màu  sen! 

Nia  nâm  hai  tîêng  vira  quen, 

San  ngô  nhành  bfch  dâ  chen  là  vàng. 


1.  Litt.  :  ^BcUbue  —  (quant  aux)  slraiaghneê,  —  la  vieille  —  ttnU  atusi 
bien  —  demanda  —  la  paix.  —  Elle  aurait  o^é  —  comment  f* 

2.  Litt.  :  ^Clairement  —  les  ofjjets  —  on  amena  —  et  la  main  —  leê  livra,* 

3.  Litt.  :  «  Exposant  V affaire  au  mandarin  —  on  (lui)  transmit  —  un  écrit 
-—  (qui)  pénétra  dans  —  la  porte  —  officielle  (le  tribunal),  » 

4.  Litt.  :  <  (Quant  à  des)  tcUons  —  d'immortels  —  en  un  din  d'œU  —  ils 
avaient  fui  —  le  cercle  —  de  la  poussière.  > 

L*autcur  compare  la  précipitation  joj^eusc  avec  laquelle  ses  héros  courent 
s'enfermer  dans  la  solitude  à  celle  d'immortels  qui,  fuyant  le  monde  et 
ses  souillures,  s'enfuieraîent  vers  la  montagne  de  Bong  lai,  qui  est  réputée 
leur  retraite  ordinaire.  —  *Trdn  ai»,  expression  bouddhique  formée  de  deux 
mots  qui  signifient  tous  les  deux  <^poussihre»,  répond  à  ce  qu'en  français 
nous  appelons  cZc  siède*. 

5.  Litt.  :  « (à  la  manière)  du  bambou  —  (et  à  la  manière  du) 

Mai,  » 

Cette  expression  composée  qui  désigne  métaphoriquement  *le  mari  et 
la  femme  »  devient  ici  par  suite  de  sa  position  un  adverbe  de  manière. 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUY|N.  273 

Elle  avait  trouvé  son  maître!  Qu'aurait-elle  osé  faire,  sinon  demander 
la  paix'? 

On  apporta  Targent  sur  la  table  ^  1376 

et  Ton  fit  parvenir  au  magistrat  une  demande  officielle  l 

Quand  il  eut  constaté  les  droits  des  deux  parties  et  vu  que  tout  était 

en  règle, 
(les  amoureux)  se  hâtèrent  de  s'enfuir  bien  loin  du  monde  K 

A  l'instar  de  deux  époux,  réunis  dans  la  même  demeure"^, 

ils  voyaient  de  jour  en  jour  leur  affection  devenir  plus  profonde,  leur  isso 

amour  devenir  plus  vif  ^. 
Mieux  cet  encens  brûlait,  plus  la  chaleur  en  était  ardente! 

Plus  ils  goûtaient  les  plaisirs  de  l'amour,  plus  ils  y  trouvaient  d'attrait  \ 

A  peine  étaient-ils,  après  la  moitié  d'une  année,  devenus  familiers 

l'un  à  l'antre  ^, 
que  dans  la  cour  les  rameaux  (bleuâtres)  des  arbres  Ngô  se  mêlèrent 

de  feuilles  jaunes*. 

6.  Litt.  :  «2>e  pliu  en  plus  —  ils  étaient  profonds  —  (quant  à)  t affection 

—  mer,  —  de  plu9  en  plu»  —  iU  étaient  long»  —  (quant  à)  V amour  —  fleuve.  » 

7.  Litt.  :  «P/ttf  —  était  belle  —  la  nuance  —  de  la  lune,  —  plu»  —  était, 
vive  —  la  couleur  —  du  nénuphar.» 

8.  Litt.  :  <  (Pendant)  une  demie  —  année  —  (quant  à)  Vhaleine  —  (et  à) 
la  voix  —  à  peine  —  étaient-il»  habitué»,  » 

9.  Litt.  :  «  (Dan»)  la  cour  —  de»  Ngô  —  les  branche»  —  de  B'ich  —  s'étaient 

—  mêlée»  —  de  feuille»  —  â^or.  » 

Le  B'ich  est  une  pierre  bleue.  —  L'arbre  Ngô,  dont  il  est  question  ici 
n'est  pas  le  *>{^  ^H^  Ngô  dông»  ou  Eleococca  verrucosa  qui  intervient  si 
souvent  dans  les  poésies  annamites  et  chinoises,  mais  bien  le  Stercidia  to- 
mentosa^  appelé  communément  *Varhre  topaze»^  et  qui  porte  en  chinois  le 
nom  de  *^Ê'^të  Bldi  Ngô»  à  cause  de  sa  couleur  (v.  Wells  Williams, 

au  caractère  >|§). 

La  teinte  jaune  que  prennent  avant  de  tomber  tant  les  feuilles  de  cet 
arbre  que  celles  du  Ngô  dông  annonce  que  l'automne  est  arrivé. 

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274  lîM  YAK  KIËU  TAN  TRUYÉN. 

J385    Mâïi  tlin  VT^a  nây  gio  sirmig, 

Xe  bô  da  tliay;  xuân  dutrng  den  noi! 

Pliong  loi  Tioi  gian  bfri  bM! 

Sot  long  c  âp  tinb  bài  pliâu  rbia. 

Qnyct  ïiffîiy  bien  bacb  mot  bê, 
l^îîo    Day  elio  ma  pljân  lai  vë  lâu  xaiih! 

Tliây  Icrî  ngbiem  biiân  nmb  rànli, 

fiâiili  lieu  Sanh  m(>i  lay  tlnîi  iiàî  kêu. 

Rang  :  «fCon  bie't  toi  dâ  iiîiieu! 

fltpàu  râîig  sâm  ôét  bua  nu^  cûng  mm\ 
1395    «Xot  vi  tay  dà  nbùng  cbàni! 

«Dai  loi,  mil  biêt  khôii  làm  sao  dày? 

^Cîliig  nhaii  va  tiêng  mot  ngày; 

«Om  cam,  ai  u&  diit  dây  cho  dànli? 

I.  Le  *ZîcT»  est  le  ^I)fpha,  vul^iureraent  îippdè  '^Qnmse  de  chal^*  I^g  poète 
âiip]}f)se  qiit\  pour  f*vîter  les  stH'ini«Hes  et  lu  bruit,  h  père  cle  Tftf'tc  Sanh  en 
avait  fait  garnir  les  rcmea  tli*  son  eliariot;  mais  son  Lut  ri!t*l,  en  adjoi^isiTL* 
au  mot  ^xe  —  ^har*  1©  nom  de  ce  i-o&cau,  esl  de  donner  plus  d'élè^^ 
à  roxpreSBioiL 

^*  Litt.  :  M.  Il  rr'j/ùbd  —  ^ul  fb^oii  —  de  régler  cîairÊmenl  —  un  été  (jfy^)* 

3.  Litt,  ;   « ,  .  ,  .  fWd  jùtie  de  fard,  » 

4.  Litt.  :  K  Quand  tmuifi  —  vou^  (parlsri^)  âîtmû  —  fondit  —  Tfisrtf^^  ^ 
et  hache,  ^-  tout  au^H  fneti  —  je  le»  tttpporteraù  volfmiîeril» 

5.  Litt*  ;  «*/e  d^f&re  —  parce  qit€  —  (ma)  viam  —  *Vjï^  trcMpéi  dani  -^ 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN.  275 

Du  prunier  automnal  venaient  de  sortir  les  pousses  que  baigne  la  i385 

froide  rosée 
lorsqu'on  vit  s'approcher  un  char  '.  C'était  le  père  qui  arrivait! 

Comme  le  vent,  comme  un  tonnerre,  bruyamment  sa  colère  éclata! 

n  résolut  de  les  effrayer,  afin  de  provoquer  leur  séparation. 

Pour  obtenir  ce  résultat  il  prit  une  décision  nette  ^, 

et  ordonna  à  la  belle  ^  de  retourner  dans  la  maison  de  plaisir!  1390 

Etevant  ces  ordres  sévères  et  précis, 

Sai)h,  se  risquant,  prit  le  parti  de  recourir  aux  supplications. 

«Votre  fils»,  dit-il,  «sait  qu'il  est  bien  coupable, 

«et,  quelque  durs  que  soient  vos  reproches,  il  les  subira  volontiers  M 

«(Mais)  maintenant,  hélas!  le  mal  est  fait-^!  1395 

«A  présent  que  je  suis  fou,  comment  saurais-je  agir  en  sage? 

«Alors  que  l'on  pourrait  dire^  que  nous  ne  sommes  restés  ensemble 

»  qu'un  seul  jour, 
«Qui  donc,  lorsqu'il  joue  d'unCam,  consentirait  à  en  rompre  les  cordes'? 

I^  tache  existe,  et  on  ne  peut  plus  empêcher  qu'elle  se  produise.  Ce 
qui  est  fait  est  fait!» 

6.  Litt.  :  «  (Qtiant  au  fait  d*)  être  ensemble,  —  quand  —  il  y  aurait  le  mot 
—  •pcuter  un  sévi  —  jour,  » 

*Oing  nhttu*,  ^Uëng^  et  ^môt  nghji^  sont  trois  expressions  qui  doivent 
être  considérées  comme  ayant  toutes  un  sens  verbal.  Il  est  facile  de  voir 
qu'elles  le  doivent  à  la  position  toute  particulière  qu'occupe  dans  le  vers 
la  conjonction  «u5  —  quoique^. 

7.  ••Cho  ilànJi»  signifie  «de  $on  plein  gré»,  litt.  :  «à  la  façon  de  quelqu'un 
qtd  consent»,  La  préposition  ^cho»  fait  ici,  comme  on  le  voit,  un  adverbe 
de  manière  du  mot  «  âhiih  ». 

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276  KJM  VÂN  KIËU  tAn  THUYÈN- 

*r  Ltrçrng  trên  quy e  t  rhâng  tliirong  tinh, 
1400    *Bac  den!  Thùî!  Cd  tie'c  miiih  làm  chi?> 

Thay  loi  vàng  dâ  tri  tri, 

Sot  gau,  ông  mèi  câo  «jùi  cûa  cuiig. 

Bât  bâiig  n*>i  soiig  dnng  dimg! 

Phù  dir&ïig  sai  là  phieii  liông  tliui  tra, 
1405    Ciiiig  îiltau  theo  gut  sai  nlia; 

Song  song  vào  trirô-c  sân  hoa,  lay  qui, 

Trôîig  lên  màt  sât  den  si! 

Lâp  uy,  tnrdc  da  uy  ra  nàng  lô-i  : 

«Gâ  kîa  daî  iiêt  clioi  bW; 
1410    «Mil  con  ngirM  ây  là  ngirôi  dong  dira! 


(^ifon  jmploie  loraqn'on  s'adreg^e  k  un  péie  ou  à  tiu  î^ii]ji'' rieur  de  qui  Too 
Mmd  une  déei&ion,  C*cst  laualoguo  île  la  formule  * Lhih  y  irht  -  M^ 
d*fn  hitnt*,  ofiitêe  aeiil émeut  lorsqu'on  «'adreseï^  au  Souvcraiu, 

2.  Litt.  :  ^  Blanc  —  (au)  fwir,  —  il  »nfft!  —  TauraÎM  —  (ie/ail  de)  rt^r^^ 

—  moi-mcme  —  (p^urj  faire  —  r/wolf  * 

-1  LÎW.  :  «  V&^ani  —  (et*)  paroles  —  d'm*  —   (fij  de  jdertf  —  ^Ml^^^ 
répHéfët  9 

i,  Litt*  :  «  Eehan£lé  —  fqttxfnt  au)  foie^  —  Thonorahlt  perwonnasé  —  ^^P 

—  acntêmit  —  ti^agmouiîla  —  drvaïû  la  portr  —  offcîelle.  > 
5,  Lîtt*  :   ^Yotci  tieiiiV  la  calealrophe  f  *^ 

G,  Lîtt.  :  <  Du  ptrfil  —  U  préhire  —  emîoifii  —  lu  fiuiUe  —  di  t^^^  "" 
rctujfe  —   ipmtr)  oMMÎgner  —  ftt)  m^umm^^^ 


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Qoo^ç: 


p 


^ 


KTM  vAn  Kl  Eu  tAn  teuyçx.  3?Î 

«Si  vone^  arez  réBoIa  de  n*avoir  point  compassion  de  mon  amonr, 
-Tont  me  devient  indifférent!  je  n'ai  nul  ^uci  de  moi-même^!  *       1400 
lie  voyant  tonjours  répéter  obstinément  la  même  chose  ^, 
Oatréj  le  père  finit  par  s'adreeser  an  magistrat*. 
Voici  qne  but  tib  sol  uni  s'élèvent  des  flots  tumultueux^! 
Le  préfet  envoie  la  citation;  on  va  procéder  à  l'enquête ^ 
Tmî  le  monde  marche  à  la  suite  des  envoyés  du  tribunal.  iiûfî 

Ensemble  on  entre  an  prétoire  ;  on  se  prosternej  on  reste  à  genoux. 
Ils  lèvent  le^*  yeux  et  voient  un  visage  dur  et  sombre'! 

Tout  d'abord,  d'un  ton  d'autorité,  le  magistrat  fait  entendre  ces  paroles 
sévères  : 

<  Le  jeune  homme  que  voici  mène  une  vie  folle  et  dissipée; 

«mais,  quant  à  cette  fille,  c'est  ime  vile  créature  dont  on  n'a  point  Hto 
Ȉ  tenir  compte  1 

Les  Chinois  et  à  leur  irnîtation  les  Annainites  désignetit  souvent  les  per- 
ieiiim^es  offieicls  f>u  réputés  tels  par  le  nom  du  lieu  (Lias  lequel  ils  exercent 
leurs  fonctions.  C'e«t  ainsi  que  Ton  dît  ;  ■  jSp  ^  Fki  dwbnn  —  le  prétoire 
du  préfeî^j  *^S  'g'  Ih^m.  âtf'frng  —  k  préioîre  du  soiu-pré/H*,  *^iS  *&* 
XuM  âîtimff  —  la  talle  de  /mtUlls  dari»  Ictqudh  le  père  exei-^e  non  autorité  -, 
f  ffl  iffi  JWfii  âhih  —  la  Cour  >  ete.,  pour  «  le  préfet,  le  sùits-prêfett  le  père^ 
U  m*,  etc. 


7.  Litt*  :€.,..  wn  i?i^a^e  —  (h  fer  —  très  noir,  * 

Cette  expresfiîoîi  n'est  qu'mie  traduction  approximative  du  surnom  qui 
I  fut  donné  à  "fe -^  B^^  ^^i  q'iî  rendit  la  justiee  sons  les  ^^  Tong  avec 

nne  iotéi^té  quasi  snrnatnrelle.  On  dîsfiit  de  lui  qu^il  avait  SB  jg  ^^  ffij 
Eh  mi  ihU't  diin  —  deâ  soutcUê  noirs  et  im  ^ia^€  de  jh% 


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278  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyIn. 

«Tuôiig  chi  hoa  thâi  liirang  thira? 
«Miran  màu  son  phân  dârih  lira  con  den! 
«Suy  trong  tinli  trang  iiguyên  dan, 
«Bë  nào  thi  cùng  cliéa  an  bë  nào! 
1415    «Phép  công  chiêu  an  luan  vào  : 

«C6  hai  dirô*ng  ây;  muôn  sao,  màc  minh! 
«Mot  là  cir  phép  gia  hinli, 
«Mot  là  lai  cir  lâu  xanh  phù  vê. 
Nàng  rang  :  «Dâ  quyêt  mot  bë! 
1420    «Nhên  nây  vuang  lây  ta  kia  mây  lân? 
«Bue  trong,  thân  cûng  là  thân; 
Yen  tha,  virng  chîu  trirô*c  sân  loi  dinh! 
Day  rang  :  «Ciî*  phép  gia  hinh!» 

1.  Litt.  :«....  une  a'éaJture  qui  a  servi  d'objet  aux  passions  de  chacun!  * 

2.  Litt.  :  «.Empruntant  —  la  couleur  —  du  rouge  —  et  du  fard  —  die 
séduit  —  les  enfants  —  noirs!* 

«Con  deny>,  comme  je  Tai  déjà  dit,  répond  en 'annamite  aux  expressions 
chinoises  «^  ^  Le  dânt^,  «^  ^^  Le  quân»  et  «3^  é^  Lé  chàng»  qui 
signifient  «le  peuple,  la  muUittule  (aux  cheveux  noirs) ^,  Par  extension,  elle 
signifie  «les gens  simples*,  qui  sont  réputés  former  la  grande  masse  du  peuple, 
une  haute  intelligence  et  une  grande  énergie  morale  étant  des  qualités 
d'exception. 

3.  Litt.  :  «  (Quant  h)  le  côté  —  quel^  —  eh  bien  !  —  tout  aussi  bien  —  pas 
encore  —  on  est  en  paix  —  (quant  à)  le  côté  —  quel!* 

4.  Litt.  :  «  Cette  araignce-ci  —  s' accrocJiant  —  prendra  —  ce  fU  de  soie  là 
—  combien  de  —  foisf* 


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KIM  vAx  KIÈU  TAn  TttUTÊN.  279 

*^ Quelle  valeur  |w.uvent  avoir  nue  fleur  abaudoimée,  quelqueî^  restci^ 

*de  {lartouî  '? 
<Art:€  8oti  ronge  et  Bon  tard  elle  attire  et  séduit  les  âhnpIeB-! 

tA  eonsïdéî^r  le  contenu  de  la  plainte, 

<à  quelque  point  de  vue  qu'on  se  place,  ou  ue  ëait  à  quai  g'arréter^l 

•  Selon  les  lois  de  la  justice  et  après  avoir  examiné  le  délit,  voici  ce  Ui5 

»  que  nous  décidons  : 
"11  y  a  deux  partis  à  prendre;  voue  êtes  libre  de  choisir  1 

»0u  bien  selon  la  loi  je  vous  ferai  châticrj 

ton  je  vous  enverrai  reprendre  votre  vie  dans  la  maison  de  plaisir.» 

*yion  parti  est  bien  pris  S  répondit  la  jeune  femme. 

t Combien  de  fois  cette  araignée  me  prendra-t-ellc  dany  ses  pattes  ^?  1^20 

nQue  je  sois  souillée  ou  pure,  je  n'en  sms  ^jas  moins  une  femme  ^! 

«(Tonte)  jeune  et  faible  (qne  je  Sfus^i^  je  veux  subir  dans  cette  en- 

»  ceinte  les  effets  de  votre  colère '^1  » 
«Selon  la  loi  qu'on  la  châtie!»  commande  le  magistrat. 

Par  *^ixi£é  araiffnée*^  la  jeunc  femme  désigne  la  mauvaise  fortune,  qui 
l'achame  apr^s  elle  ccmiint*  llnsccte  k  laqiiclliv  elle  ta  coiTipiirc  accroche 
avec  ees  pattes  le  fil  qu1l  sécrète  et  donÉ  il  foriuc  sa  tuile. 

6.  Litt.  ;  *TrmiMe  —  (ou)  limpide^  —  fnwn  cùrpë)  iaut  auêti  ùien  —  &tt  — 
ftin)  csfrpjt,  —  Ce  torp$  fjué  votif  allez  meurtrir  n''art  pwt  cTi'Mie  mitrû  nalHrt 
^e  t^ui  des  e^titre*  fefiimt^;  il  saftra  aùn^rir  cmmue  le  Uftr/v 

On  lit  ut  encore  enti^ndre  ce  vcr&  ainsi  ;  «  Somllée  mi  pan; ,  je  nen  »«i> 
jjût  moim*   mis  créftlufc   himiamc,   et  emnme  lelk  je  mérileraîa  plna   rfét^ard^^.* 

6.  lAtV  ;«,,-,  en  oMùmni  -  Je  aH]ijïQHa*m  —  en  avatti  —  (quant  à) 
h  cour  ^  U  ^rmidenwni  du  tomvet^reS* 

«  Truàc  tdn  s    ne   SÎgnitic   pns   ici   «  deuaid  la  cour  *,  mai«  "  il^iia  l^  ("Ottr  ** 

11  faut  sippltqner  à  cet  idiotisme  la  coustmctioti  que  J*ui  indiquée  tlai*s  hi 
iw»te  aons  le  vers  836, 


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280  KIM  vAn  KIEU  tAN  TRUYÊN. 

Ba  cây  chat  lai  mot  nhành  mâu  â(ni! 
1425    Phân  dành!  chi  dâm  kêu  oan? 

Bào  giun  cuôn  ma,  lieu  tan  tâc  mày! 

Mot  sân  lâm  cât  dâ  dây! 

GiroTig  lô*  nirô'c  thùy!  mai  gây  voc  sirong! 

Nghï  tinh  chàug  Thùc  ma  thirang; 
1430    Néo  xa  trông  thây,  long  càng  x6t  xa! 

Khôc  rang  :  «Oan  khôc  vi  ta! 

«Cô  nghe  mînh  trir^c,  chèa  dà  khôi  sau! 

«Can  long,  châng  biët  nghï  sâu! 

«De  ai  trâng  tûi  hoa  sau  vi  ai?» 


1.  On  la  met  à  la  cangue. 

2.  Litt  :  <Lc  &ào,  —  se  retirant  sur  lui-même  —  replie  —  la  tendre 
extrémité  de  sa  tige;  —  le  saule  —  est  anéanti  —  quant  à  ses  sourcils  (ses 
feuilles)!^  —  Les  feuilles  du  saule  ont  la  forme  des  sourcils  humains. 

Le  poète  joue  sur  les  deux  expressions  «ma  âào  —  mie  jeune  beauté  », 
litt.  :  ^ des  joues  —  de  âào*  et  ^may  lieu  —  des  sourcils  bien  foui-nis»,  litt.: 
^des  sourcils  de  saule».  Cette  sorte  de  jeu  do  mots  qu'il  est  impossible  de 
reproduire  exactement  en  français  a  un  grand  charme  pour  des  esprits 
annamites,  surtout  quand  le  parallélisme  y  est  bien  observé,  comme  c'est 
le  cas  ici.  —  Tout  cela  veut  dire  que  le  corps  de  Kiêu  frissonne  et  se 
contracte  sous  l'impression  des  coups  qu'il  reçoit. 

3.  Litt.  :  «  Le  miroir  —  est  sombre  —  (quant  à  sa)  teinte  —  de  mercure; 
—  le  Mai  —  est  maigre  (flétri)  —  (quant  à  sa)  taille  —  de  rosée! > 

Elle  pâlit  et  s'affaisse. 

<Suomg*  est  là  uniquement  pour  faire  pendant  à  ^th^».  Le  choix  de 
cette  singulière  épithète  est  motivé  par  le  double  sens  de  ce  dernier  mot, 
qui  signifie  à  la  fois  ^mercure»  et  «eau». 


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KIM  VÂN  KIËU  TAN  TRUYÇN.  281 

Dans  trois  pièces  de  bois  on  lie  ce  rameau  de  Mâu  dctn^f 
Elle  se  résigne  à  son  sort!  comment  oser  crier  à  l'injustice?  1426 

Le  Bào  se  retire  sur  lui-même,  il  replie  le  bout  de  sa  tige;  les  feuilles 

du  saule  sont  lacérées  ^î 
Elle  est  là,  seule  et  souillée,  au  milieu  de  cette  cour  pleine  de  boue 

et  de  sable! 
Du  miroir  s'assombrit  l'éclat!  Le  Mai  voit  se  flétrir  sa  taille  délicate'! 

En  pensant  à  l'amour  de  Thuc  elle  est  saisie  de  compassion. 

Elle  l'aperçoit  de  loin,  et  sa  douleur  augmente  encore!  ^^^^ 

«Cest  pour  moi»,  dit  (l'autre)  en  pleurant,  «  qu'elle  souflFre  des  tour- 

»ments  immérités! 
«Pour  m'avoir  écouté  d'abord,  elle  ne  peut  maintenant  s'y  soustraire! 

«Son  cœur  sincère  ne  pouvait  prévoir  toutes  ces  conséquences^! 

«  Pourquoi  faut-il  que  pour  moi  elle  ait  à  pleurer  son  sort,  à  éprouver 
cette  douleur  5?» 

4.  Litt.  :  *  (Quant  au)  gué  —  de  son  cœur  —  ne  pas  —  elle  savait  — 
réfléchir  sur  —  (ce  qui  est)  profond!» 

€Can  long»  est  une  expression  qui  signifie  *  sincèrement,  du  fond  du  cœur». 
Il  y  a  encore  ici  un  jeu  de  mots  sur  l'opposition  des  mots  <(can  —  gué»  et 
€sâu  —  profond».  Là  OÙ  il  y  a  un  gué,  le  lit  du  fleuve  est  rapproché  de 
la  surface  de  Teau,  il  y  a  peu  de  profondeur. 

5.  Litt.  :  «On  laisse  —  quelqu'un  —  (quant  à)  la  lune  —  de  déplorer  (sa 
misère),  —  (quant  à)  la  fleur  —  d'être  triste  —  à  cause  de  —  quif» 

Voir  sur  la  véritable  portée  du  mot  tai»  ma  traduction  du  Luc  Vân 
Tien,  p.  32  en  note.  Les  mots  •lune»  et  *  fleurs»  jouent  un  si  grand  rOle 
dans  la  poésie  annamite,  qu'on  les  voit  parfois,  comme  ici,  employés  comme 
de  simples  chevilles  dépourvues  ou  à  peu  près  de  signification.  Il  est 
probable  cependant  que  Taut^ur  a  voulu,  par  l'intervention  de  ces  deux 
mots  dans  les  étranges  métaphores  qu'ils  contribuent  à  former  ici,  rappeler 
quelle  est  l'origine  des  souffrances  de  son  héroïne.  Gn  sait  que  *  H  ^ 
Nguyèt  hoa»  en  chinois,  ou  *Tràng  hoa»  en  annamite  vulgaire,  qui  signifient 


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282  Kl  M  VÂN  KFÊtF  TAN  TKUVÊN. 

1435    Pliû  duàiïg  iij^^lic  tljoàng:  vào  tai, 

Dùu{^  lùiig,  lai  j^au  àen  Im  liLug  tây. 

Sut  BÎii  cliàiig  mô-î  tliura  ngay; 

Bail  duoi  lai  kft  sir  iigày  càii  thâii, 

«Nàng  dà  tïiih  het  xa  gân; 
1140    *Tir  xira  nàny*  dà  bîêt  thân  eu  rày! 

«Taî  toi  xûîig  lây  inùt  tay, 

«Bè  nàng  clio  dên  n3i  uây  vl  tôî!* 

Nglic  IW  nui,  eùng  tliircriig  lô-i; 

Bçp  oai,  mc^i  day  mè  bàî  giài  vây, 
1445    Rang  ;  «NliTT  bân  c6  tliê  nây, 

«Traiig  lioa,  iiliiïng  cûiig  tld  jibi  bîêt  dcii! 

6a7i/i  rang  :  «Xut  pbâu  bot  beo! 

IJtUirnleincnt  *la  (une  H  k^^ur»*,  uoiistitneTit  une  cxprcssbn  qni  ^^^P^ 
*  ia  ih'ftfittche,  lu  Ubsrtinitffe  v, 

L   Lit t,  :«.....  e£  eu  ortfrc  —  *7  (ùti)  urrtithe  —  jtuipùniT^  —  /wrrrfw 
—  imiihtiiîèreif  —  fïfij  «ecrhleg,» 

■i.  Litt.  :  *CM*iHni  ^J  (o  i^^^î    —  ^^a^  qfmni    oj  la  f/we«e  —  m  outrt  - 
,lînijtth'e  —  ka  ehmctt  —  du  jouf  —  fie  drfuandûr  —  ralUatwt.  » 

3.  Litt.  ^  *  Lti  JÊtate  /cumie  —  «t-aî^  calculé  —  en  tout  —  le  ioh  —  ^ 

4.  Lïtt,   ;  *  J>qîMNf   —   <iî/^re/btff  —   la  jeune  femme  —  a  tu  qtte  —  ™  r 
/f*  r^trrurtiY  —   nurtilt  -    lu  viaitttenartl  (œ  qui  hi  arriVc  maini^niaïilj'' 

M.  Wt:i-i^B  WiLLUim  îiasigiie,  entre  nutref!,  îui  camcturc  -^  f^';^"'^^ 
siîîis  de   ^l^hufjinf^  to  one  '^  «elf».  C'est,  ii  mon  sens,  celui  nu'il  laut  "' 


I 


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KIM  VAn  KIËU  tAn  TRUYÊN.  283 

Uoreille  du  préfet  saisit  quelque  chose  de  ces  paroles.  1435 

Il  en  est  touché,  se  renseigne,  et  force  Thtc  à  ouvrir  son  cœur^. 
Le  jeune  homme  en  versant  des  larmes  lui  dit  tout  avec  franchise, 

et  raconte,  sans  rien  omettre,  ce  qui  se  passa  lorsqu41  la  demanda 
pour  femme  2. 

«Elle  avait»,  dît-il,  «prévu  les  conséquences  de  tout  cela^, 

«et  d'avance  elle  savait  ce  qui  lui  amve^  aujourd'hui!  Uio 

«La  faute  en  est  à  moi  seul,  qui  ai  pris  sur  moi  de  tout  faire, 

«  et  suis  cause  que,  pour  moi,  elle  en  est  réduite  à  cette  extrémité!  » 

A  ces  mots  (le  magistrat)  sent  dans  sou  cœur  s'éveiller  la  pitié. 

Il  se  laisse  fléchir  et  ordonne  qu'on  cesse  de  torturer  (la  jeune  femme). 

«S'il  en  est»,  dit-il,  «comme  vous  l'affirmez,  1446 

«toute  fille  de  joie  qu'elle  est,  elle  n'est  pas  sans  jugement^!» 

«Ayez»,  dit  Sanli,  «pitié  de  sa  faiblesse «! 


attribuer  ici,  si  Ton  admet  comme  exacte  l'orthographe  du  texte  en  carac- 
tères. 

5.  Litt.  :  *  (Etant  une  peisonne  que  ccmcetment)  la  lune  —  (et  les)  /leurs  — 
cest  cJtsolnment  que  —  tout  aussi  hien  —  (quant  au)  vrai  —  (et  au)  faux  — 
elle  connaît  —  les  choses!» 

L'expression  *tràng  hoa»^  dont  j'ai  donné  plus  haut  le  sens,  doit  être 
prise  ici  adjectivement  à  cause  des  deux  particules  adversatives  «nhung» 
et  €cung»,  et  de  la  nature  du  verbe  *biet  —  connaître  »,  qui  ne  peut  avoir 
pour  sujet  qu'un  substantif  désignant  un  être  animé. 

6.  Litt.  :«....  rfc  (cette)  condition  —  de  mousse  —  et  de  lentille  d'eau!» 
La  mousse  et  la  lentille  d'eau  sont  deux  choses  extrêmement  faciles  à 

anéantir;  de  là  cette  comparaison. 


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284  Kl  M  vAn  Kl  Eu  tân  teuyên. 

iThco  doi  cûng  va  it  nhiëii  bût  ngliiêiK 
Cwm  rhig  :  «Dà  thê,  thi  uêûI 

1450     tifoc  già  îiâj^  11)4  mot  tîiiên,  trinli  ïighë!* 
Nàiig  viriig,  cât  bût^  tay  de, 
Tien  hoa  trinb  trwàtc  an  phê  xem  tnîmg, 
Khen  rang  :  «Giâ  lu'd't  tbaiih  Bm^iig! 
«Tài  nây,  sAc  ây,  ugàn  vàng  chù'a  cânî 

1455    *Tbât  là  tàî  tt  gîaï  iilicrn! 

L  Lit  t.  :  ^  $iàieant  —  *et  mmliiîonj  —  to^  au**i  Aîen  —  néanjrmîn»  — feBi 
CMt  4i>uée  d^)  nn  peu  —  heattcoitp  —  de  jnncmu  —  (et)  (Vûnttier!* 

L*eKprc8skui  *  U  nltlcu  htii  nqhîen  ^  joue,  par  suite  de  la  place  qu'elle 
occupe T  le  rûle  d'un  adjectif  qualificalif. 

2.  LitÈ.  :   *Canffu€  de  ûplf.^» 

3.  Litt*  ;  ■  Le  papier  à  fiettr^  —  e/fe  prhmîe  —  dejmM  —  h  t^ihmî^  — 
(pour  qtian  It)  voie  —  claifeinerU.  » 

Ou  emploie  fréquemment,  pour  y  traeer  les  eomi^sitions  poétifiuep,  m 
pHpier  sur  lequel  ?fmt  inqirimees  des  fleurs  d*or.  On  le  fait  surtour  hîm\m 
les  verîi  sont  ilestîuê^  à  éfn?  offertî^  à  une  personne  que  Ton  houoni. 

Les  mots  chîiiois  «^  J^  un  phêit  qui  signifient  proprement  ^prmM 
tiQicièUenimt  un  arrrté^  deviennent  ici,  par  position,  un  adjectif  attributif 
quali&ant  le  mot  ^dtmg^  qui  est  Bous-entt'udu  —  ^U  perBmtjmr^t  qui  tiétidt 
oJ^ckileTtierU  >- 

4.  Litt.  :  ^^(Â)  ce  talent,  —  (à)  cetie  beauté^  —  miUe  —  (tm&e^  if >  cr  — 
jMiff  encoriî  —  feraient  cmitt^epokh  !  ^ 

5.  Le  préfet»  voulant  exprimer  raduùradon  que  lui  cause  le  talent  poé- 
tique de  Tûtf  kîiii,  ne  trouve  rien  de  mieux  que  de  la  qualifier  de  <^  ^ 
Tàî  itc  ft*Mâi  Èihj  >*  Pour  faire  connaître  la  véritable  portée  tle  Véloge  qui!  le 
piïcte  met  dans  lu  bmiclie  do  ce  fonctionnaire,  je  ne  sauralâ  mieux  faife 
que  do  citer  la  renian|u:ible  detinition  ([u*u  laissée  de  cette  expreasioa  Unt^* 
raneîen  et  savant  professeur  de  ehiiioia  uuKlenio  à  TEcolc  des  laagac* 
orientales  vivante»,  en  respectant  Torthog-raplie  que  ee  sinolog-ue  avait  cm 
devoir  adopter  dans  la  trauscriptiou  des  eanictérca  cliimuïi. 

«Qu'est-ce  qu'un   Tlisaï-tseu,    et  que  faut-il    entendre   par  ce  mot 


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ï- 


KIM  vAk  KIËU  TÂN  TRUYÊN.  285 

«Elle  a,  pour  sa  condition,  quelque  peu  de  littérature  '1  » 

cS'O  en  est  aînsi^  c'est  bien!  »  dit  eu  riant  (le  préfet), 

«Que  SUT  le  mot  de  cangue^  elle  e&saie  une  coniï>osîtian,  et  nous  1450 

ï  fasse  Toir  Bon  talent!» 
La  jeune  femme  oliclt,  prend  le  pinceau  et  compose; 

fpuîsi  elle  soumet  son  œuvre  à  Texamen  du  magiistmt^, 

(Ce  dernier)  loue  (les  vers)  et  dit  ;  «Us  dépassent  en  valeor  ceux  du 

»  beau  temps  des  Bitirag! 
c Mille  uuees  dW  ne  paieraient-*  pas  ce  talent  et  cette  beauté! 

ïCest  yraiment  un  Tài  tA^  {aussi  bien  qu'une)  charmante  fille!       1455 

enmposé,  que  ron  îi?Dcontre  souvent  dans  ]ea  préfaces  des  écrivains  cliî- 

«M.  S-TAîrtBLAi  JiîLiKK  a  parfaitement  expliqué  le  sens  des  deux  carnet  ères 
qui  Texprîment  ;  «Le  caractère  Tlisaï  (pria  îsûlément)  désîg-ue  les  talents 
naturels  de  Thomme,  innaUs  ingenît  dotes ^  par  opposition  aux  tulents  <\\ï\  sont 
le  friiît  de  rétude  (examcTï  critique,  p.  121).  Tseu  (fils)  est,  d'après  k*  dictioii- 
n^re  de  Kking-hi,  une  qnalîti cation  tlistinjçftée  qu'on  emploie  pour  designer 
im  philosophe,  un  pieux  perstrnuflge  oti  uti  personnage  élevé  en  digTjitéi 
mais  MoEnisox  fait  observer  tju'on  l'applique  souvent  aux  écrivains  èmincnta 
qui  ont  traite  de  la  morale,  de  la  philosophie  ou  d^  la  Huéruiure  (simple 
fsposê,  p.  163). 

*Un  ThsalT-tseu  est  donc  an  écrivain  distingTié,  on  plutôt,  comme  Ta  dit 
Ki.ipÊ<mi,  un  bel  esprit,  A  ce  sujet,  il  y  a  une  remanine  que  je  ne  puis 
m'emjjécher  de  faire;  c'est  que  le  mot  Thsaï-tseu  a  eu  le  loOme  sort  dans 
la  langue  chinoi.se  que  ïe  mot  èd  e^piîi  dans  notre  lang-ue  française.  «Il  ne 
*e  pn^nait  autrt^fois»  dit  la  Habce,  «que  dans  un  sens  très  favorable  ;  c'était 
le  titre  le  plus  honorifique  de  ceux  qui  cultivaient  les  lettres  ,  .  .  Aujour- 
dliiïî  le  mot  de  bel  esprit  ne  nrms  prtV^eute  plus  que  Tîdée  d'un  mérit^î  secon- 
daire. Ce  changement  n  dfi  s'opèrcr  qimnd  le  nombre  des  écrivains  qui 
pouvaient  niêrîter  d'être  cpialitiès  de  lienux  *^f4prits  est  venu  à  se  multiplier 
davantage.  Alors  ce  qui  appartcuiiit  à  tant  de  gens  n'a  pbis  paru  uns  dh- 
ImtUon  WÊMez  hùnorafJej  H  Vmk  :i  eberehé  d^tuUrc»  ^ert/î^Mf  pour  ^^primer  la 
rupénoriù!  *,  Ce  changement  très  remarquable  s'est  opêrè  dans  la  langue 
cMaoïse.  Au  commencement  de  la  dynastie  des  Mîug,  vers  Tan  MO-t  de 
notre  ère,  on  comptait  six  ThsalT-tseu,  bi'juix  esprit;?  on  écrivaiuB  du  premier 
ordre  :  le  philosophe  Tehouang-tseu,  qui  vivait  quatre  siècles  tivant  noire 


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286  KIM  VAN  KIËU  TÂN  TRUYÇN. 

«  Châu  Tràn  nào  c6  Châu  Trân  nào  han? 
«Thôi!  Birng  châc  dû*  mua  hÔTi! 
«Làm  chî  la  birc  cho  dÔTi  ngang  ciing? 
«Bâ  dira  dên  tnrô-c  cira  công; 
1460    «Ngoài  thi  là  nhë,  song  trong  là  tinh! 
«Dâu  con  trong  dao  gia  d\nh! 
«Thôî  thi  dep  nôi  bât  binh  là  xong!^ 


1» 


Klp  truyën  sâm  sèa  le  công; 

ère-,  Khio-youen,  poète  de  la  dynastie  des  Tchcon;  Sse-ma-thsièn^  le  plus 
célèbre  des  historiens  chinois;  le  poète  Tou-fon,  le  romancier  Chi  naï-ngan, 
et  Wang-chi-fou,  écrivain  dramatique. 

Sous  les  Thsing,  on  a  d*abord  exclu  du  nombre  des  Thsaï-tsen  les  quatre 
premiers  écrivains  que  je  viens  de  citer;  puis  on  a  mis  Fauteur  du  San- 
kôue-tchi  à  la  place  de  Tchouang-tseu;  Fauteur  du  Hao-khieou-tchoucn  à 
la  place  de  Khiô-youen,  et  Fauteur  du  Yu-kîao-li  à  la  place  de  Ssc-ma- 
thsièn.  Est-ce  volontairement,  systématiquement  qu'on  a  fait  descendre  du 
rang  supérieur  qu'ils  occupaient  le  plus  grand  philosophe  do  la  secte  des 
Tao-sse,  le  plus  grand  poète  de  la  dynastie  des  Tcheou,  le  plus  célèbre  des 
historiens  chinois,  celui  qu'on  a  surnommé  le  Prince  de  l'histoire,  et  Tou- 
fou,  qui  \ivait  dans  le  huitième  siècle  de  notre  ère?  Je  n'affirme  rien,  mais 
j'incline  à  croire  que  le  mot  Thsaï-tseu  a  cessé  d'être  le  titre  honorifique  de 
ces  grands  hommes,  parcequ'il  n'a  «pZw*  paru  une  distincHon  assez  horiortible». 

Le  magistrat  qui  fait  l'éloge  de  Tày  kiëu  est  un  fonctionnaire  vivant 
sous  la  dynastie  des  Ming,  époque  où,  suivant  l'opinion  du  savant  Bazik 
que  je  viens  de  citer,  le  titre  de  Thsdi-tseu  {Tài  ta-  suivant  la  prononciation 
adoptée  en  Cochinchine)  n'avait  pas  encore  subi  l'espèce  de  déchéance  qu'il 
signale.  Nguyên  Du  fait  certainement  parler  ses  personnages  suivant  l'osprit 
de  l'époque  à  laquelle  il  les  fait  vivre  et  agir.  Il  y  a  donc  lieu  d'admettre 
qu'en  qualifiant  la  jeune  femme  de  «^  -^  tài  tà^,  le  préfet  veut  lui 
appliquer  le  titre  littéraire  le  plus  élevé  qu'il  connaisse. 

1.  Litt.  :  <((En  fait  de)  Châu  Trdn,  —  est-ce  qu'  —  il  y  a  —  (un)  Châu 
Trân  —  qtiel  (quHl  soit)  —  pltts  avantageux  f» 

«;^  Châu»  et  «^B  7V^»  sont  les  noms  do  deux  états  qui  jouèrent 
un  grand  rôle  à  l'époque  des  S^  fi|  Chi^n  quâ'c  —  Boyaumes  combattants. 


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Kl  M  VAN  KIÊU  tAn  TRUY^N.  287 

cOù  pourrait-on  trouver  une  préférable  union  ^? 

«Allons!  n'écoutons  pas  la  rigueur  et  la  colère ^1 

«Pourquoi  troubler  l'harmonie  iVun  instrument  si  bien  d'accord ^1 

<Vou8  l'avez  amenée  devant  mon  tribunal; 

«la  raison  ne  perd  pas  ses  droits;  mais  il  faut  ici  écouter  son  cœur^!  ugo 

«Les  affaires  des  brus  et  des  fils  sont  des  affaires  de  famille^! 

«Allons!  allons!  que  la  querelle  cesse!  et  tout  ira  pour  le  mieux ^•!!> 

Il  ordonne  aussitôt  de  tout  préparer  pour  la  cérémonie; 

Lea  alliances  furent  assez  fréquentes  entre  eux  pour  que  leur  nom  ait  été 
adopté  en  poésie  comme  une  métaphore  courante  pour  exprimer  «^Vumon 
de  deux  époux».  Il  n'est  peut-être  pas  i!n  poème  annamite  où  cette  expres- 
sion n'intervienne  au  moins  une  fois. 

Il  est  utile  de  remarquer  à  quel  point  la  position  change  la  signification 
du  mot  €nào*.  Elle  modifie  aussi  considérablement  celle  de  *han»  qui 
d'adverbe  qu'il  est  presque  constamment,  devient  ici  un  adjectif  qualificatif. 

2.  Litt.  :«....,....  gardons  nous  d'  —  acquérir  —  la  cruauté  —  (et) 
â^  acheter  —  VirrUation!» 

L'adjectif  «dS*  —  cruel  p  est  transformé  en  substantif  par  suite  de  sa 
position  qui  en  fait  le  régime  direct  du  verbe  «chàc»,  lequel  provient  du 
dédoublement  avec  inversion  du  verbe  composé  «mua  châc  —  acheter >. 

3.  Litt.  :  «  (Pour)  faire  —  quoi  —  déranger  —  les  degrés  —  pour  que  — 
le  don  —  goU  de  travers  —  quant  à  la  gamine  f» 

Le  préfet  compare  l'harmonie  qui  règne  dans  un  couple  si  bien  assorti  à 
celle  que  produit  un  Bbn  parfaitement  d'accord.  En  séparant  les  deux  amants, 
on  romprait  cette  harmonie,  et  on  ferait,  d'après  lui,  une  faute  analogue  à 
celle  d'un  homme  qui  détruirait  l'accord  dans  l'instrument  dont  il  parle. 

4.  Litt.  :  «Au  dehors,  —  eh  hien!  —  c'est  —  la  raison,  —  mais  —  au 
dedans  —  cest  —  V  affection  !» 

«Nhe*  est  une  forme  tonquinoise  pour  *lê».  On  peut  encore  entendre 
ce  vers  ainsi  :  «  Pour  les  étrangers,  il  y  aie  droit  strict;  mais  dans  la  famille, 
en  jugeant.  Von  doit  tenir  compte  de  V affection.  » 

6.  Litt.  :  «Les  brus  —  (et)  les  fils  —  sont  dans  —  la  règle  —  de  V  intérieur  !» 
6.  Litt.  :  «Assez,  —  alors!  —  réprimer  —  les  circonstances  —  (de)  ne  pas 
—  être  en  paix  —  sera  —  achever!» 


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288  KIM  vAn  KIËU  tAN  TRUY^N. 

Kiêu  hoa  tiuh  giô,  duôc  hông  diêm  sao. 
1465    Bày  hàng  c6  vô  xâii  xao, 

Song  song  dira  toi  tnrchig  dào  sânh  dôi. 

Thirong  vi  net,  trong  vi  tàî, 

Thùc  ông,  thôi!  cûng  dep  IM  phong  ba. 

Hue  lan  nâo  niïc  mot  nhà! 
1470    Tùng  cay  dâng,  lai  mân  ma  han  xira. 

Mâng  vuî  nrau  sôm  cô*  tnra, 

Dào  dà  bay  thâm,  sen  vira  nây  xanh. 

Trirô-ng  hô  vâng  vè  dêm  thanh, 


1.  Litt.  :  «Z)c*  palaTiquinê  —  à  fleurs  —  (ç^t*)  *ont  rapide»  —  à  la  ma- 
nière du  vent,  —  des  torches  —  rouges  —  (qui)  brillent  —  à  la  manière  de* 
étoiles,  9 

Les  substantifs  ^^sao»  ot  «yîo»  deviennent  par  position  des  adverbes 
de  manière.  —  L'adjectif  ^Unh»  devient  verbe  par  parallélisme,  comme 
pendant  du  verbe  ^diem»  qui  lui  correspond  dans  l'autre  hémistiche. 

2.  Litt.  :  «  Ensemble  —  on  (les)  conduit  —  f)ers  —  les  tentures  —  de  ^ào 
—  (pour)  comparer  —  le  couple.  * 

Les  €^ào»^  comme  nous  l'avons  vu,  sont  des  arbrisseaux  que  l'on  con- 
sidère comme  le  symbole  de  l'élégance  et  de  la  distinction.  De  là  vient 
l'emploi  de  leur  nom  dans  une  foule  de  cas  où  Ton  veut  exprimer  par  une 
épithôte  la  beauté  d'un  objet  quelconque.  Pour  tapisser  la  chambre  qui 
doit  recevoir  les  époux  on  se  sert  tout  naturellement  de  ce  qu'on  peut  se 
procurer  de  plus  beau.  On  comprend  dès  lors  que  ces  tentures,  qualifiées 
«i>ào»  à  cause  de  leur  magnificence  supposée,  soient  prises  dans  ce  vers 
pour  la  chambre  nuptiale  elle-même. 

3.  Litt.  :  «(Quant  à)  Thuc  ông,  —  c'en  était  assez!  —  tout  aussi  bien  — 
il  réprima  —  (ses)  paroles  —  de  vent  —  et  de  flots.  » 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYEN.  289 

des  palanquins  rapides  comme  le  vent;  des  torches  brillantes  comme 

les  étoiles  K 
On  dispose  de  bruyantes  lignes  de  musiciens  et  de  danseurs^  1465 

et  tous  deux  sont  conduits  à  la  chambre  (nuptiale)^  pour  consommer 

leur  union. 
Aimant  la  jeune  femme  pour  sa  modestie^  plein  d'estime  pour  ses 

talentS; 
TMc  6ng  lui-même  finit  par  oublier  sa  colère^. 

Le  parfum  du  Hti4  Lan*  se  répandait  par  toute  la  maison! 

Après  répreuve  subie*,  leur  liaison  fut  plus  douce  encore.  U7o 

Pendant  que,  tout  à  la  joie,  le  matin  ils  boivent  du  vin,  qu'au  milieu 

du  jour  *  ils  jouent  aux  échecs, 
le  Bào  a  perdu  sa  rouge  (parure)  ';  voici  que  le  nénuphar  laisse  voir 

ses  feuilles  vertes. 
Dans  leur  chambre  solitaire,  au  sein  de  la  nuit  sereine, 


L'action  dn  vent  sur  les  flots  produit  la  tempête,  laquelle  exprime  au 
figuré  les  sentiments  d'une  personne  irritée. 

4.  La  présence  des  jeunes  époux,  —  D'après  M.  Wells  Williams,  «BS 
Lan*  est  le  nom  générique  de  toutes  les  plantes  appartenant  à  la  famille 
des  Orchidées,  telles  que  les  Malaxis,  Epidendrttm,  Vanda,  etc.  Cette  dénomi- 
nation s'applique  même  par  extension  à  d'autres  fleurs  remarquables  par 
leur  parfum  et  leur  beauté;  et  cela,  soit  qu'elles  aient  pour  support  des 
pédoncules  spéciaux,  soit  qu'elles  soient  insérées  alternativement  sur  le 
même  de  manière  à  former  un  épi;  mais  le  nom  de  «]»  €S  Huê  Lan» 
est  propre  à  un  genre  particulier  d'orchidée  qui  croît  dans  les  régions  maré- 
cageuses et  se  distingue  par  la  grande  quantité  de  fleurs  que  supporte  son 
pédoncule  floral.  Cette  dénomination  générique  s'applique  à  plusieurs  espèces, 
probablement  les  Angrœcum,  Cymbidium,  etc. 

5.  Lîtt.  :  «  (Après  qu^J  ils  eurent  expérimenté  —  Vamer,  —  en  retour  —  ce 
fui  plaisant  —  plus  qu*  —  autrefois,  » 

6.  Litt.  :  «  Pendant  ç?<'  —  ils  se  réjouissaient  —  (quant  au)  vin  —  du  matin 
—  (et  attxj  échecs  —  de  midi,» 

7.  Le  printemps  tirait  sur  sa  fin, 

19 


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290  KIM  vAn  KIËU  tAn  TRUY^N. 

E  tinli,  nàng  moi  bày  tinh  riêng  chung  : 
1475    «Phan  bô  tir  ven  chir  tùng, 

«DÔi  thay  nhàn  câ  dâ  hông  dây  niên! 

«Tin  nhà  ngày  mot  thâm  tin. 

«Màn  tinh  cât  luy,  lat  tinh  tào  khirong! 

1.  Litt.  :  ^Craigiumt  —  (au  sujet  de)  V  amour  y  —  la  jeune  femme  —  enfin 

—  exposa  —  les  affaires  —  particulières  —  (et)  communes,* 

Le  poète  joue  sur  le  mot  «AnA»  qui  présente  un  sens  différent  dans 
chacun  des  deux  hémistiches. 

2.  Litt.  :  *(Moi,  personne  de)  la  condition  —  du  Bô  (humble  comme  le  Bô), 

—  depuis  que  —  jl^ai  rendu  complet  —  le  caractère  —  «*tti«jrc»,  (depuis  que 
j^ai  réalisé,  par  V accomplissement  régulier  du  mariage,  tout  ce  qui  est  compris 
daTis  celui  des  — '  ^fSt  qui  me  concerne  (  ztt  Jt  tkng  phu  —  V obéissance  au 
mari),'» 

3.  Litt.    :    •(Quant    au  fait    de)    changer   Vun   pour  Vautre    —    le  Nhan 

—  et  le  poisson,  —  il  y  a  eu  —  presque  —  (le  fait  de)  remplir  —  (une) 
année!'» 

Voici  encore  une  métaphore  si  étrangère  au  génie  de  notre  langue  qu'il 
est  absolument  impossible  de  la  conserver  dans  la  traduction  française, 
sans  peine  de  faire  de  cette  dernière  un  pathos  incompréhensible. 

Le  Nhqn  passe  sa  vie  dans  les  nuages;  le  poisson  passe  la  sienne  dans 
l'eau.  Ce  sont  par  conséquent  deux  êtres  qui  ne  peuvent  jamais  se  trouver 
associés  ensemble;  et  pourtant,  par  le  mariage  insolite  qui  a  eu  lieu,  une 
vile  courtisane  a  été  unie  à  un  jeune  homme  de  la  haute  société,  ce  qui 
constitue  un  fait  aussi  extraordinaire  que  le  serait  la  réunion  du  poisson 
qui  séjourne  humblement  au-dessous  de  la  surface  des  eaux  avec  le  A^Aai» 
qui  vole  au  plus  haut  des  airs. 

Le  verbe  «<*o»  thay*  indique  qu'il  y  a  échange  de  rôles.  En  élevant  k 
lui  le  poisson  (Tûy  kiêu),  le  Nhan  (Thûc  sanJi)  lui  a  donné  son  rang,  tandis 
qu'il  s'abaissait  lui-même  jusqu'à  l'infime  condition  de  la  courtisane  qu'il 
épousait. 

4.  Litt.   :    «  Vous  êtes  salé  —   (quant  à)  V amour  —   du  dolique  rampant, 

—  vous  êtes  fade  —  (quamt  à)  Vamour  —  du  résidu  —  et  de  la  balle  (des 
grains)  I  » 

Le  «Jg  tS  ^i  %»  selon  les  conjectures  les  plus  fondées,  est  une 
liane  grimpante  appartenant  au  genre  Dolichos  (famille  des  Légumineuses, 
tribu  des  PapiUonacées),  Le  Livre  des  Vers  en  fait  mention  à  plusieurs 
reprises: 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  291 

Inquiète  pour  leur  amour^  elle  dit  ce  qu'elle  craint  tant  pour  elle  qne 

pour  tous  deux  K 
«Depuis  que,  pauvre  créature,  je  vous  consacrai  mon  existence ^j       uiâ 

«Voilà»  dit-elle,  «près  d'un  an  que  sont  réunis  deux  êtres  si  peu 
>  faits  pour  vivre  ensemble  ^1 

«  Chaque  jour  s'écoule  sans  apporter  de  nouvelles  de  votre  famille. 
«Vous  êtes  de  flamme  pour  moi,  de  glace  pour  votre  épouse^! 


m  H  m  ^ 
m  m  m  m 


^^Nam  htèu  etcu  mpc; 
€Càt  lûy  luy  chi, 
*Lac  chl  quân  tft 
«Phuràc  Ifj  tuy  chi!  9 

«Au  midi  se  trouve  un  arbre  dont  les  branches  se  courbent  vers  le  sol, 

«Le  Dolique  grimpant  les  couvre. 

«Nous  mettons  notre  joie  en  notre  auguste  maîtresse! 

«Que  rien  ne  manque  à  son  bonheur,  à  sa  dignité!» 


(Sect.  1,  liv.  1.  Ode  4  0  TfÇJ 


y^  m  m  ^ 
m  ^  =f  t 
^  #  ^  if 

«  Mac  mac  càt  luy, 
<Thl  vu  dieu  mai! 
€  Khi  dp.  qvân  tit 
*Cdu  phu&c  bat  hôi!» 


19* 


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292  KIM  VAn  KIËU  tAn  TRUYÊN. 

«Nghï  ra  thiêt  cûng  nên  dnông! 
1480    «Tâm  hai  ai  kè  giva  giàiig  cho  ta? 
tTrom  nghe  kê  \&n  trong  nhà 
«0  vào  khuôn  phép,  nôi  ra  moi  giëng. 
«E  thay  nhfrng  da  phi  thuông! 
«De  dô  rùn  bien;  khôn  lirông  dây  sông! 


«Luxuriant  est  le  (feuillage  du)  Dolique  grimpant, 
«qui  monte  aux  branches,  aux  arbustes! 
«  Le  prince,  à  Taise  et  plein  de  joie 
«ne  cherche  point  le  bonheur  dans  (les  chemins)  tortueux! 

(Sect.  3,  liv.  1.  Ode  5 

^  m  m  ^  ^  m 
M  i&  m  ^  m  m 

^    A    A    Jï.    ^    il^ 


«  Mien  mien  cdt  luy 
€Tai  hà  chi  hù! 
^Chnng  vièn  kuynh  dé, 
«  V»  tha  nhan  ph\i! 
«  Vi  tha  nhan  phy>; 
*Diêc  mac  ngà  co!> 

«Les  Doliqucs  grimpants  étendent  de  tous  côtés  leur  luxuriante  végétation 

«sur  les  rives  du  fleuve  Hà! 

«Pour  moi,  de  mes  frères  éloigné  pour  toujours, 

«j\Mppelle  un  étranger  «mon  père»! 

«J'appelle  un  étranger  «mon  père»; 

«  Mais  lui  ne  me  regarde  point!  » 

(Sect.  I,  liv.  6.  Ode  7  ;jg  ^.) 
L'ode  d'où  est  tiré  ce  deraier  passage  porte  le  nom  de  la  plante  même 
qui  nous  occupe. 


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KIM  vAN  KIËU  TAN  TRUYÇN.  293 

«SU  lui  venait  quelque  doute,  il  serait  vraiment  fondé  M 
«Qui  pourra  nous  prémunir  (contre  TefiFet)  de  ses  soupçons 2?  1480 

«  Je  me  suis  informée  sous  main,  et  je  sais  que  la  reine  de  votre  logis 
«mène  une  conduite  réglée,  que  sa  parole  est  sage  et  sévère'*. 
«Ces  cœurs  extraordinaires  sont  grandement  à  redouter! 

«Sonder  le  fond  de  la  mer  est  aisé;  (mais)  il  est  difficile  de  mesurer 
>(ce  que  contient)  le  lit  d'un  fleuve! 

Quant  à  ce  qui  concerne  rexpressîon  «îjStt  M|  Tah  khuàng»^  j'en  ai  donné 
l'explication  dans  ma  traduction  du  Ly4i  Vân  Tien  (voir  la  note  sous  le 
vers  408). 

1.  Litt.  :«....  véritablement  —  Umt  aussi  bien  —  cela  deviendra  —  la 
vraisemblance  /» 

La  conjonction  ^dwmg  ~  comme*  devient  substantif  par  position. 

2.  Litt  :  «  (Quant  aux)  bulles  d'air  —  (et  aux)  émanations,  —  qui  —  sera 
celui  qui  —  préservera  —  à  —  nousf 

Lorsque  Ton  voit  sur  Feau  s'élever  des  bulles  d'air,  on  sait  qu'au  fond 
de  la  rivière  se  trouve  quelque  poisson.  Lorsqu'on  perçoit  une  odeur,  on 
sait  que  l'objet  qui  la  répand  n'est  pas  loin;  d'où  l'expression  ««^»i  hai 
—  les  bttUes  d'air  et  V exhalaison  »,  qui  se  rapproche  singulièrement  de  notre 
locution  familière  savoir  vent  de  quelque  chose.» 

*Kê  —  celui  qui»,  devient  sous  l'influence  de  «a»?  —  quif»  un  véri- 
table verbe  :  *être  celui  ç««  ....».  —  La  préposition  ^cfio*,  placée  entre 
un  verbe  ordinairement  actif  et  son  régime,  indique  que  l'action,  le  fait 
qu'exprime  ce  verbe  a  lieu  pour  le  bénéfice,  pour  l'utilité  de  quelqu'un. 
Elle  donne  au  verbe  qui  en  est  affecté  une  grande  analogie  avec  ces  verbes 
actifs  de  la  langue  espagnole  qui  sont  suivis  de  la  préposition  «à»  lorsque 
l'action  qu'ils  expriment  concerne  une  personne  (matar  à  un  hrnnbre  —  tuer 
un  homme).  Il  ne  faudrait  pas  cependant  pousser  l'analogie  trop  loin;  car 
en  espagnol  c'est  la  nature  de  l'être  dont  le  nom  forme  le  régime  direct 
du  verbe  qui  entraîne  l'addition  do  la  proposition  «à»,  et  non,  comme  en 
annamite,  l'idée  d'un  avantage  ou  d'un  service  rendu. 

3.  Litt.  i  *en  se  comportant  —  entre  dans  —  la  règle,  —  en  parlant  — 
sort  dans  —  la  loi.» 

Les  particules  opposées  «  vab  »  et  «  ra  »  ont  ici  pour  rôle  essentiel  d'accen- 
tuer le  parallélisme  entre  les  verbes  «o-»  et  «not»,  et  d'exprimer  la  concor- 
dance qui  existe  entre  la  conduite  et  les  paroles  de  la  personne  en  question. 


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294  KIM  VAn  KIEU  TÂN  TRUYEN. 

1485    «Ma  ta  trot  mot  nâm  rong 

«The  nào  cûng  cliâng  giâu  gîung  dircrc  nào! 

«Bây  giô*  chita  tô  âm  hao; 

«Hoâc  là  trong  cô  làm  sao  châng  là! 

«Xin  chàng  lieu  kfp  laî  nhà, 
1490    «Tradc  là  dep  y,  sau  ta  biêt  tinh! 

«Bêm  ngày  giû*  mwc  giâu  quanh, 

«Rày  lân,  mai  Ifra,  nhu*  hinh  chûa  thông!» 

Nghe  lô-i  khuyên  dô  thong  dong, 

Binh  16ng  Sanh  mdi  quyêt  Ûnh  bôi  trang. 
1495    Rang  ra  gôi  dên  thung  dàng; 

Thttc  ông  cûng  voi  giuc  chàng  ninh  gia. 

Tien  dira  mot  cbén  quan  hà. 

1 .  Litt.  :  «  D^une  manière  —  quelle  quelle  boU,  —  tout  aunsi  bien  —  ne  pas 

—  ditsimuler  —  nouê  pourrons!  —  Quel  (moyen  aurions  nous  de  le  faire?)» 
Le  mot  ^nào  —  quelf»  joue  à  la  fin  du  vers  un  rôle  tout  à  fait  sem- 
blable à  celui  que  remplit  le  mot  ^dâu  —  ohf»,  lorsqu'il  est  placé  de  même 
(voy.  ma  traduction  du  L\ic  Vân  Tien,  p.  296,  en  note).  Pour  en  bien  saisir 
la  valeur,  il  faut  développer  le  sens  de  la  manière  que  je  fais  ici. 

2.  Litt.    :  €  Peut-être  que  —  là  dedans  —  il  y  a  —  comment  que  ce  soit 
(une  chose  quelconque) ,  —  ou  ne  pas  —  cela  est!* 

3.  Litt.  :  « vous  gardez  —  (une)  règle,  —  vous  cachez  —  autour ;> 

4.  Les  deux  monosyllabes  qui  composent  régulièrement  le  verbe  «Wn  Iwa 

—  tergiverser  p  sont  dissociés,  et  chacun  d'eux  est  joint  à  un  adverbe  spécial. 

5.  Litt.  :  «  (En  qualité  de)  présent  fait  à  V occasion  du  départ,   —  U  donna 

—  une  tasse  —  de  postes  de  frontihre  —  (et  de)  fleuves,  » 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  295 

«Pour  nouS;  tout  le  long  de  Fannée  1485 

«nous  ne  pourrions,  quelques  soient  nos  efforts,  dissimuler  (notre 

»  liaison)'! 
«  Elle  n'a  pas  encore  donné  de  ses  nouvelles, 

«et  je  crains  qu'il  n'y  ait  là  dessous  quelque  chose 2 ! 

«  Pensez,  je  vous  en  prie,  à  vous  rendre  au  plus  vite  en  votre  demeure, 

«d'abord  pour  plaire  à  votre  femme,  puis  pour  savoir  ce  qui  en  est!  1490 

«Car  nuit  et  jour  vous  suivez  une  règle  tracée,  vous  me  céiez  mille 
»  choses^; 

«vous  hésitez  le  matin,  vous  tergiversez  le  soir,  comme  un  homme 
»qui  n'est  point  fixé^!» 

En  entendant  ces  avis  que  (la  jeune  femme)  à  cœur  ouvert  lui  don- 
nait, 

Sanh,  se  décidant,  prit  le  parti  de  retourner  dans  sa  maison. 

Il  alla  le  lendemain  en  faire  part  à  son  père.  1495 

TTiûc  ông,  lui  aussi,  le  pressa  de  rejoindre  sa  famille, 

et  fit  au  voyageur  son  présent  de  départe 

Le  caractère  <  BS  guan  »  signifie  entre  autres  choses  un  poste  établi  au 
point  où  Ton  passe  la  frontière.  Comme  cette  dernière  est  souvent  formée  par 
les  crêtes  d'une  chaîne  de  montagnes,  on  l'emploie  ici  dans  ce  dernier  sens. 

Lorsqu'une  personne  fait  un  long  voyage,  il  lui  arrive  le  plus  souvent 
d'avoir  à  franchir  des  montagnes,  à  traverser  des  rivières  ou  à  naviguer  sur 
leurs  eaux.  C'est  pour  cela  que  les  mots  ^vionlagneê  et  fleuves  >  ont  été  adoptés 
pour  former  une  expression  métaphorique  qui  est  synonyme  de  ^voyage*^ 
et  qu'une  <  tasse  de  montagnes  et  de  fleuves  »  serait  la  tasse  de  vin  que  boit 
le  voyageur  au  moment  de  se  mettre  en  route  (ce  que  nous  appelons  le 
«coup  de  Cétner*)\  mais  cette  manière  de  parler  exprime  en  réalité  le  festin 
d'adieu  qu'en  Chine  les  parents  et  les  amis  sont  dans  la  coutume  d'offrir 
aux  voyageurs,  généralement  après  les  avoir  accompagnés  jusqu'à  une  cer- 
taine distance. 


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VIENNE.  —  TYP.  ADOLPHE  HOLZHAUSEN. 

IMPRIMKCR  DE  LA  COUR  I.  &  R.  KT  DE  L'UNIVERSITÉ. 


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,    .^V'ïf     .■ 


VIENNE.  —  TYP.  ADOLPHE  HOLZHAUSEN. 

IMPRIMKUR  DE  LA  COUR  I.  &  R.  RT  DE  L'UNIVERSITÉ. 


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OUVRAGES  DU  MÊME  AUTEUR. 

-  Esgaî  sur  Im  affinftùa  de  k  civilisation  cliez  les  Annamites  et  chez 

lï-  --  ^  ^  ^  'i'*i«i  tir  kîtih  (San  têzé  kïn^)  on  lo  Lîvro  des  plirasofl 

de  truis  Pîirsu'tùies,   rivx^f  le  f^^innd  co  mm  en  taire  de  \'u'criitî  tiiu  thsifig.  

Jpxt^  traiîscTÎptïoii  ann^imitc  et  rhimiise,  ex l'iicatî ou  littérale  et  trfi4loetion 
CompIètCB.  (PufilkaLion  de  V École  deê  lawjueê  orknlafeê  vwantta.J  i8H2. 

En  prépamiîiiii  : 

hUlfirigJic  de»  Sf^hr.  roi/anmes.  fAnn''rft  6'n2—4-î3  de  Ci're  chrétienne.) 
H.  —   ^fliCo)^^  Mîug  Èin  pîio  kïén.  Oiivmi^e  pliiiosapîiiqtie. 

iCi'K  di  Kv  cMuiîi-rs  rhiijnis  tj  mit  pas  encore  été  truduits.) 

Annamite. 

ï.  —  Dîseoiir»  prt>noDcé  à  roii\'ertpre  du  cours  de  Crtcliitichitioia  à  rÉc(de 
aïmexe  de  iii  S^irlioïint^.  IHGD. 

IL  --  Lea  sîk  iutmiatïmiF  eliez  les  ATînamites.  1869. 

m.  —  Dîi  systêMïD  des  intonations  ehinoif^câ  et  de  ses  rîi|)i)orta  «vee  celui 
des  inroniitionti  annnmitea.  Imprimerie  nritionale,  18G9, 

IV.  —  lîtiit  contpaen  tarigiiç  eOchînehinQÎM\  aaivis  d'exercices  pratiques 
sur  la  cniiveiî^atioo  et  la  constmetioD  di^s  phrase**,  par  P.  Tnro-a^  viiili  ki 
tn»n^erit.H  en  canietôres  iî^oratifM  par  A.  E.  des  ^Michels.   XMd, 

V.  —  Dialogues  corliinrliinoLs,  publiés  eir  WAS  soa^  la  direeti.m  de 
M^  Talierd.  évét|ut3  d'bîuirnpoli*»  expliqués  litténdement  en  français,  en 
au^lai*  et  en  btin  avec  étude  philoloe^iiiue  par  A,  E,  dea  Michel».   1871, 

VI.  —  Chrcîitoniatlne  cocLiiicbinoise,  Kecneil  de  textes  ann«niiteâ  publiés^ 
traduits  pimr  l:i  jnemière  foij?,  it  trauticrits  en  earàetôres  %nrîUif:3.  1J*T2. 
(Premier  tîiKeîeide.) 

VJl.  —  t'bu'  uoin  annani.  Petit  dictionnaire  pratique  à  l'usage  du  cours 
d':unKiolite.  1877. 

VllI.  —  Lue  van  tien.  Piu^iue  populaire.  Texk^  en  cliîï  iiGm,  transeripti^m 
en  earactéres  latins,  traduetion  et  notes.  CFiMkaiion  dt  rÉatk  de^  hm^ut* 
o  rînnta h-Jt  v  iv ante^.J  1 8S3. 

Entikremcni  terminé  et  prêt  à  puUîre  sou*  preste  : 

Les*  (Il  UT  en  diVi  xîra.  —  Coni^»  pfaUantf  annamite» ,  traduits  en  en  lier 
pour  hi  première  fan*. 

En  préparation  : 
Les  poènjcs  de  rAnnjiui: 

'à,  -^  Le  fini  liîim  ijuuc  siV  diôn  m, 

i.  —  Le  Tbaeîi   nanb  hy  thôiig  ther  —  traiiijtuit  eu  eametères  latins 
pour  îa  première  km. 
Ct^  deux  tîeriiîeï's  ouvrages  sont  cjû^alement  tradiiitts  fiour  la  première  foîs^. 


^igitizêd 


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lUBH 


PUBLICATIONS 


DE 


:)LE  DES  UNGUES  OEIENTALES  VIVANTES 


II-^  SERIE  —  VOLUME  XV 


KIM  VAN  KIEU  TAN  TRUYEN 

POÈME  POPULAIRE  ANNAMITE. 


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LES  POÈMES  DE  L'ANNAM 
^   H  ^  fr   # 

KIM  VAN  KIÊU 

TÂN  TRUYÊN 

PUBLIÉ,  ET  TRADUIT  POUR  LA  PREMIÈRE  FOIS 
PAB 

ABEL  DES  MICHELS 

PBOFESSEUB  ▲  L  ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES  VIVANTES 


TOME  II,  PREMIÈRE  PARTIE 

'^tVANCjpS.  TRANSCRIPTION,  TRADUCTION  ET  NOTES 


JCni 


ÉCHANGES 
nTE»N.\TI«NAllXl|l 

•J^v  — y^J 

v<rN-_-.-^'v'  PARIS 

^^ii-^^ ERNEST  LEROUX,  EDITEUR 

UBBABtE  OB  hk  SOCliTti  ÀSUTIQUE 

DB  L'ACOtl  DES  LAHOVES  OBIBNTàLBS  TtTANTBS,  ETC. 

98,  Km  BOKAPABTE  86, 

1885. 


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Œ^    3?    ^&   W    w 

KIM  VAN  KIÊU 

TÂN  TRUYÊN 

POÈME  ANNAMITE. 


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KIM  VAN  KÏÉU  TÂN  TRUYÊN. 


Xuân  dinh  thoât  dâ,  dao  ra  cao  dinh. 
Sông  Tân  mot  dâî  xanh  xanh 
1500    Loi  thôi  bfr  lieu.  May  nhành  dircmg  quan? 
Câm  tay,  dài  thè,  vân  than! 
Chia  phxii  ngÙTig  chén;  hîêp  tan  nghen  loi. 
Nàng  rang  :  «Non  nu*<>c  xa  khoî! 

1.  Litt.  :  *  (Lorsque  —  ce  qtti  coTicmmaUJ  —  du  Xuân  le  âhih  —  auMiiiot 
—  eut  été  (fui  terminé) j  —  il  se  rendit  à  —  de  se  lamenter  —  le  â\nh.* 

Le  â\nh  est  un  ^rand  bâtiment  carré  qui  sert  de  lieu  de  réunion  aux 
notables  des  communes  annamites.  Cet  édifice,  toujours  en  assez  mauvais 
état,  est  le  plus  souvent  la  pagode  du  génie  protecteur  du  Village.  Il  sert, 
d'ailleurs,  au  besoin  de  théâtre,  et  même  d'abri  temporaire  pour  les  voyageurs 
de  marque.  C'est  dans  cette  dernière  acception  qu'il  faut  entendre  ce  que  le 
poète  en  dit  ici. 

Il  y  a  dans  ce  vers  un  jeu  de  mots  chinois  qui  est  absolument  intraduisible 
en  français.  Tkùc  ông  est  loge  dans  l'intérieur  du  «  B\nli  »;  c'est  pourquoi  le 
poète  appelle  cet  édifice  «;j^  A  Xuân  d\nh  —  le  mnh  du  Xuân  (appeUatim 
poétique  du  ph-e)  ».  Après  y  être  entré  pour  lui  faire  ses  adieux,  le  jeune 
homme  se  rend  dans  la  cour  d'où  il  doit  partir  pour  commencer  son  voyagc'i 


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KIM  VAN  Kl  EU  TAN  TRUYÊN. 


Sanh  eut  quitté  son  père,  il  se  rendit  au  dhih  où  allait  avoir 
emelle  séparation  '. 
)  rimraen.se  ruban  azuré  du  fleuve  Tan, 

in  {qii*il  va  suivre)  est  bordé  de  saules  aux  branches  non-  i50o 
ites,  intemiinable  lig^ne  de  verdoyants  rameaux^! 
la  main  (de  Ki^u)-,  il  soupire,  et  soupire  encore^! 

yjiu  lie)  la  st^paratinn  glace  la  tasse  (dans  leur  main);  les 
^  d'adieu  s'arrêtent  dans  leur  gorgée 
liez  an  loin  S-'  dit  la  jeune  femme. 

ï  c'est  la  (jifil  prentira  congé  de  Kiêu,  laquelle  va  gémir  de  ce 
Hte  autre  partie  du  Bnth  reçoit  dans  le  vers  le  nom  de  «^ft  ^C 

— ■  le  flin/i  de»  litmêîUftlions», 
[.   :   '^  EmÎ  Tumchalan^  —  Ojuant  aux)  bordé  —  de  taules,   —   Combien 
fichcM  —  de  verdure  immmse! 

t,  ^  <  .  -  .  .  »  longuement  —  il  soupire,  —  courtement  —  il  toupire!-» 
t.  :  -"î  La  Méparaii&n  —  glace  —  la  tasse;  —  la  réunion  —  qui  se  distout 
îe  dans  Uur  gorge  —  les  paroles.^ 

L  :  *  /vf*  mcntagnes  —  ei  les  eaux  (que  vous  allez  franchir)  —  sont 
*—    txmimr  la  haute  wier/* 

bstantif  «  Khai  —  la  haute  mer»  devient  par  position  un  adverbe 
re, 

1* 


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4  KIM  VAn  KIÊU  TAN  TEUYÊN. 

«Sao  clio  trong  âm,  tlii  ngoài  môi  êm! 
1505    «De  Ion  chî  thâm  trôn  kîm? 

«Làm  chî  birng  mât  bât  chîm  kh6  16ng? 

«Dôi  ta  chût  ngâi  dèo  b6ng, 

«Dên  nhà,  trirô-c  lieu  nôî  song  cho  minh! 

«Dâu  khi  mira  gio,  bât  binh, 
1510    «LÔTi  dành  oai  Idn,  toi  dành  phân  toi! 

«Haii  dëu  gîâu  ngirçrc  giân  xiiôi, 

«Lai  mang  nhfrng  viêc  tày  tr6i  dên  sau! 

«ThiroTig  nhaii;  xin  nhd  Ifri  nhau! 


1.  Litt.  :  ^(SiJ  comment  (que  ce  aoitj  —  voua  donnez  à  —  U  detUm»  —  (h 
facuUA  d^Jêtre  dana  une  douce  chaleur,  —  aloi'a  —  le  dekora  —  en^  —  aero 
à  aon  aiae!» 

*Le  dedana*,  c'est  Tépouse  de  premier  rang;  «fe  dehora*,  c'est  la  con- 
cubine. Cette  dernière  fait  comprendre  par  là  qu'elle  ne  se  préoccupe  que 
d'une  seule  chose,  la  paix  qu'elle  veut  voir  régner  dans  le  ménage  de  celui 
qu'elle  aime.  Lorsqu'on  ressent  une  chaleur  modérée  (étm),  on  se  trouve  à 
son  aise  (êm).  C'est  comme  si  Kiêu  disait  au  jeune  homme  :  *La  fadeur 
que  voua  procurerez  à  votre  épouae  me  réchauffera  moi-même».  On  connaît  1h 
célèbre  phrase  de  Madame  de  Sévigné  :  ^J'ai  mal  à  aon  cœur!»  Le  poète 
ministre  de  la  cour  de  Oia  hmg  s'est  rencontré  avec  la  grande  dame  bel 
esprit  de  la  cour  de  Louis  XIV. 

Ce  vers  est  un  exemple  frappant  de  l'influence  qu'exerce  en  annamite  h 
position  sur  le  sens  des  caractères.  On  voit,  en  eflfet,  que  quatire  mots  sur 
huit  (sao,  cho,  trong,  ngoài)  y  prennent  une  valeur  grammaticale  toute  dif- 
férente de  celle  qu'ils  ont  ordinairement,  et  cela  par  suite  de  la  position 
qu'ils  occupent  soit  réciproquement,  soit  par  rapport  aux  antres  monosyllabes 
du  vers. 

2.  «2)lt  est  pour  ^lU  dlf  ^  Comment  aerait-il  facile  f  (Il  n'eat  nuUemenl 
facile!)» 


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KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN.  5 

«Pourvu  qu'au  dedans  tout  soit  bien  ',  au  dehors  on  sera  satisfait! 

«  Il  est  malaisé  de  passer  un  til  rouge  à  travers  le  chas  d'une  aiguille  ^!  1505 

«  Qu'aviez- vous  besoin  de  vous  créer  des  embarras,  en  allant,  à  l'insu 

»de  votre  épouse,  à  la  recherche  d'autres  amours  ^V 
«  Si  entre  nous  deux  règne  quelque  affection, 

«Dès  que  vous  serez  dans  votre  demeure,  risquez  d'abord^  quelques 

»  paroles  claires! 
«Que  s'il  suiTÎent  une  tempête^ 

«et  que  celle  qui  commande  fasse  sentir  son  autorité,  moi  j'agirai  i5io 

»  suivant  ma  condition. 
«Cela  vaut  mieux  que  de  dissimuler  ici,  de  dissimuler  là*', 

«et  d'accumuler  sur  notre  tête  une  montagne  de  malheure'! 

«Nous  nous  aimons!  Je  retiendrai  ce  que  nous  nous  sommes  dit! 


Cette  figure  Blgnitie  :  «/^  vous  sera  difficile  de  persuader  à  votre  épouse 
de  faire  votre  volonté  h  mon  égard.  De  même  que  celui  qui  veut  enfler  une 
aiguille  doit  s^y  reprendre  plusieurs  fois,  de  même  il  vous  faudra  faire  bien  des 
tentatives  avant  de  réussir!^ 

3.  Litt.  :  €(Pour)  faire  —  qttoiy  —  en  couv^rant  —  hs  yeux  —  (et)  en 
prenant  —  Voiseau,  —  avoir  des  difficultés  —  quant  au  cœur  f  y* 

«Prendre  un  oiseau  à  Tinsu  de  son  maître  en  couvrant  les  yeux  de  ce 
dernier  (pour  qu'il  ne  voie  pas  le  larcin)»,  signifie  «faire  une  chose  quel- 
conque à  rinsu  de  la  personne  intéressée  à  s'y  opposer,  en  usant  de  ruse 
pour  que  cette  dernière  ne  s'aperçoive  de  rien».  Cette  locution  cochin- 
chinoise  ne  saurait  être  conservée  en  français.  N'ayant  pas  cours  dans  notre 
langue,  elle  y  amènerait  de  l'obscurité. 

4.  «^oi  *on^»  signifie  proprement  <i sonder  le  terrain». 

5.  Litt.  :  «  iSiî  —  il  y  a  une  fois  —  de  pluie  —  et  de  vent,  —  (et  que)  ne 
pas  —  on  êoit  en  paix,  » 

Sous  l'influence  de  <ddu^,  le  mot  «Mi  —  quand  ^  ou  «/owv  tonne,  avec 
ses  compléments  *mua^  et  «^rtV»,  une  expression  verbale  impersonnelle. 

6.  Litt.  :  « cachet-  —  contre  le  courant  —  (et)  cacher  —  suivant  le 

courant.  » 

7.  Litt.  :«....  des  affaires  —  égales  —  au  ciel v 


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6  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

«Nàm  chây,  cûng  châng  di  dâu  ma  chây! 
1615    «Chén  dira  nhà  bira  hôm  nay! 

«Chén  mâng  xin  doi  dêm  nây  nàm  sau!» 

NgnM  lên  ngu^a,  kè  cliîa  bâu  ; 

Rirag  pliong  tliu  dâ  nhuôm  màu  quan  san. 

Dàm  hông  buî  cuôn  chinh  an; 
1520    Trông  DgirM,  dâ  khuât  mây  ngàn  cây  xanh! 

Ngirôi  vë  chîch  bông  iiâm  canh; 

Kè  di  muôn  dàm,  mot  mînh  pha  phui  ! 

Vâng  trâng  ai  rë  làm  dôi, 

Nèa  in  gôi  chiec,  nira  soi  dàm  tnrcrag? 


1.  Litt.  :  «Le»  années  —  deviennent  tard;  —  (viais  nous,)  totU  aussi  bien 

—  ne  pas  —  nous  allons  —  oh  (que  ce  soit)  —  pour  que  —  ce  soit  tard!* 
^Chdy*  est  un  adverbe  qui  signifie  *lard»;  mais  par  la  position  qu^il 

occupe  à  l'égard  des  autres  mots,  il  se  transforme  en  verbe,  et  signifie 
«i  devenir  lard»,  c'est-à-dire  *  passer»  en  ce  qui  concerne  les  années,  et  «ne 
plus  Hre  à  temps»  en  ce  qui  concerne  les  personnes. 

2.  Litt.  :  *(U  y  a  une)  personne  —  (qtU)  monte  sur  —  le  cheval,  —  (il  y 
a)  celle  qui  —  est  séparée  —  (en  tant  que)  collet.  » 

Le  mari  et  la  femme  sont  comparés  poétiquement  à  un  vêtement  et  à 
son  collet-,  d'où  il  suit  que,  pour  exprimer  la  séparation  des  époux,  Ton  dit 
souvent,  comme  ici,  que  le  collet  est  séparé  du  vêtement  auquel  il  était  uni. 

3.  Litt.  :  *La  forêt  —  des  érables  —  d'automne  —  a  teint  —  la  couleur 

—  des  passages  —  de  montagnes  (les  passages  des  montagnes  présentent  une 
teinte  automnale  produite  par  la  forêt  d'érables  qtti  les  couvre).  » 

Il  ne  faut  pas  prendre  à  la  lettre  l'expression  <fqium  san  —  lesjtassages 
des  montagnes».  L'auteur  l'emploie  ici  pour  exprimer  l'effet  que  produit  le 
paysage  vu  de  très  loin.  L'origine  de  cette  singulière  manière  de  parler  se 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyçn.  7 

«Les  jours  passent,  mais  nous,  nous  restons!  nous  serons  toujours  à 

»  temps*! 
«Prenez  cette  tasse-ci  pour  vous  souvenir  du  jour  présent!  1515 

«  Pour  boire  celle  (du  retour)  je  vous  attends  Tan  prochain  à  pareille 

»  nuit!  » 
H  monte  à  cheval  et  Ton  se  sépare*^. 

A  perte  de  vue^  s'étend  la  forêt  d'érables  revêtue  de  sa  parure 

automnale. 
La  poussière  du  chemin  tournoie  et  couvre  la  selle. 

Il  cherche  à  lavoir  (encore);  mais  des  milliers  d'arbres  la  dissimulent  1020 

à  ses  yeux. 
(Pour  elle)  elle  retourne  dans  sa  demeure,  et  toute  la  nuit  elle  reste 

seule. 
Lui  va,  et,  seul  (aussi),  tristement  il  parcourt  l'immense  étendue! 

Qui  a  donc  ainsi  en  deux  partagé  l'orbe  de  la  lune, 

qu'une  moitié  s'imprime  dans  l'oreiller  solitaire,  tandis  que  l'autre 
illumine  la  longue  route*? 

trouve  dans  ce  fait  que  les  lieux  habités  sont  généralement  dans  la  plaine  ; 
d'où  il  suit  que  les  défilés,  qui>  se  trouvant  au  point  de  Jonction  des  deux 
déclivités,  sont  à  une  grande  distance  du  pied  de  la  montagne,  ne  peuvent 
être  vus  que  de  très  loin. 

Le  nom  de  «tt|^  Ph<mg»  est  donné  en  Chine  à  plusieurs  sortes  d'érable, 
et  aussi,  mais  à  tort,  à  quelques  autres  espèces  botaniques. 

On  sait  que  la  feuille  des  érables  prend  à  l'automne  une  teinte  pourpre. 
Cette  particularité  a  fait  donner  à  cette  espèce  le  nom  chinois  de  «  ^  ;|^ 
Ban  phong*.  En  parlant  d'une  forêt  d' érables  d'atUonine  (tels  quils  sont  à 
CauiomneJ,  le  poète  veut  donc  indiquer  que  les  arbres  qui  composent  cette 
forêt  sont  revêtus  de  feuilles  rouges;  ce  qui  fait  que  les  montagnes  qu'elle 
couvre,  vues  de  la  plaine,  semblent  teintes  de  cette  couleur. 

4.  L'auteur  assimile  à  l'orbe  de  la  lune  les  visages  des  époux  réunis; 
et  maintenant  qu'ils  sont  séparés,  il  en  conclut  poétiquement  que  cet  orbe 
a  été  divisé  en  deux  parties  égales,  dont  l'une  va  par  les  chemins,  tandis 
que  l'autre  repose  solitairement  sur  l'oreiller  de  la  chambre  nuptiale. 


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8  KIM  VAN  KIÊU  tan  TRUYÇN. 

1525    Kè  chi  nhûng  nôi  doc  diràng? 

Ph5ng  trong  lai  nôi  chù  tnrang  àt  nhà! 

Von  d5ng  ho  Hoan  danh  gia; 

Con  quan  lai  bo,  goi  là  Hoan  thû. 

Duyên  Barig  thuân  nèo  giô  dira; 
1530    Cùng  chàng  kêt  toc  xe  ta  nhtrng  ngày. 

Ô' an,  thi  net  cùng  hay; 

Nôi  dëu  rang  buôc  thi  tay  cûng  gîà. 

1.  Litt.  :  *J'*énumérerais  —  (pour)  quoi  —  Ze#  drconHtmcea  —  de  le  long 
du  —  chemin  f* 

2.  Litt  :  «  Danê  /-a  chambre  —  à  son  tour  —  surgit  —  celle  qui  dirige  — 
à  la  maison!* 

3.  Litt.  :  «  (Sa)  destinée  —  de  Bâng  —  (par  un)  favorMe  —  sentier  —  U 
vent  —  poussait.* 

Pour  comprendre  ce  vers,  qui  renferme  d'ailleurs  une  inversion,  il  faut 
se  reporter  à  ce  passage  du  traité  chinois  intitulé  «  M  j(^  w  ^  ^"*^ 
tdm  bvru  giàm  —  Le  miroir  précieux  des  cœurs  éclairés»  : 

Bac  nhttt  Tihtft,  quâ  nhvrt  nhwt;  ââc  nhiU  th\,  quâ  nhttt  tht.  Cân  hành  mon 
hànhf  tien  trtnh  chi  hihi  hua  âa  lô.  Thï  lai  phong  tô'ng  Bâng  vwmg  ak.  — 
Quand  on  a  un  jour,  on  passe  un  jour  (on  met  à  profit  ce  jour).  Quand  ob 
a  une  heure,  on  passe  une  heure  (on  met  à  profit  cette  heure).  Qu'on  aille 
vite  ou  qu'on  aille  lentement,  plusieurs  voies  nous  mènent  au  degré  d'élé- 
vation auquel  il  nous  est  donné  de  parvenir.  Lorsque  le  temps  en  est  venu, 
le  vent  nous  transporte  au  palais  de  Bang  vuong>. 

Le  commentaire  qui  suit  donne  la  clef  de  ces  paroles  énigmatiqnes.  Je 
le  traduis  textuellement. 

«Sous  les  ^B*  Bàng,  3p  ^jfc  Vuo^  Bot,  surnommé  -^  ^^  Ta  An, 
était,  dès  l'âge  de  six  ans,  habile  aux  exercices  littéraires.  A  douze,  il  ftl^ 
visiter  son  père;  (mais)  il  n'avait  pas  de  cheval.  Comme  il  était  parvenu  à 
sept  cents  lis  de  "^  M   Nam  xuang,  il  rêva  que  l'Esprit  des  eaux 


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KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  9 

on  raconter  toate^  les  péripéties  du  voyage  *?  1526 

eue  Ta  paraître  la  maîtresse  du  logis ^î 

irtenait  à  FiUastre  înaison  des  Hoqn^; 

fille  crTiB  miuîsrtre^  et  son  nom  était  Hoan  ihcr. 

n  avait  été  heoreuse, 

k  ce  jour  elle  avait  vécu  en  compagnie  de  son  époux  *.  1630 

i  de  mœurs  vertueui^es 

idait  à  merveille  à  prévenir  les  infidélités  \ 

it  sur  les  aîlee  du  veut,  et  qu'en  une  seule  nuit  il  atteignait 
e  san  voyag^c);  qu'il  assistait  à  un  festin  donné  par  le  Du 
hnl  Tnandchou)  et  coraposait  une  pièce  de  vers  dans  le  palais 
^  3^  Bâiii/  vtemitj.  ti/eite  aventure)  le  rendit  plus  célèbre  encore». 

^  ^  ^^'^'  It  P-  y  recto.) 

^j[  Vtam^  B(d  était  un  poète  des  plus  remarquables  qui  florissait 
Cne  de  Ferniverpur  "^  ^^  Cao  long.  Sa  réputation  était  universelle, 
ce  proffiDde  faisait  nffîîier  les  disciples  à  Técole  qu'il  avait  ouverte. 
iM-inent,  sa  vie  fut  courte;  c«r,  à  peine  âgé  de  vingt  huit  ans,  il 
mort  dans  les  eaux  d'une  rivière  qu'il  tentait  de  traverser, 
re  cadet  de  Fw^ro^  BqI  était  le  lettré  ^  3jj|  Vurmg  Tri^u  de 
>w^  mmi,  rotina  par  uutï  histoire  de  là  dynastie  des  ^^  Tîty. 

.  :  «  Av^  —  le  jeune  homme  —  eUe  avait  joint  —  les  chevelures  — 
a  soie  —  fmc»  les  jours.  » 

yts  ^^'e  ta»  renferment  une  allusion  à  la  coutume  où  sont  à  la 
nouveaux  mariés  de  mêler  à  leur  tresse  quelques  brins  de  soie 

.  :  m  (Si  Von)  parle  —  de  la  chose  —  de  lier,  —  eh  bien!  —  (sa) 
ytd  aussi  bien  - —  Mail  vtfiille.  » 

-^rier  trop  jeune  manque  d'expérience;  mais  a  mesure  qu'il  vieillit 

de  rii.'ibilefé-  Oit  jKinr  cela  que  le  mot  *già  —  vieux»  se  prend 

ans  un  lâtyle  un  peu  familier  comme  synonyme  d'habile  et  même 


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GfSie 


f 


10  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Tir  nghe  vircm  moi  thêm  hoa, 
Mieng  ngmiyi  dâ  lâm,  tin  nhà  thi  không. 
1535    Lii'a  tâm  càng  giap,  càng  nông. 

Giân  ngirôi  den  bac  ra  16iig  trâng  hoa. 
«VI  bâng  thù  thiêt  cùng  ta, 
«Cûng  dung  ké  dirôi;  nidi  là  dirô'ng  trên! 
«Daî  chi  châng  gîir  lây  nën? 
1540    «Têt  gi  ma  châc  tiêng  ghien  vào  mmli? 
«Lai  con  birng  bit  giâu  qnanh! 
«Làm  chi  nhtrng  thôi  trè  ranh  nçc  cirôi? 
«Tinh  rang  :  «Câch  màt  khuât  IW!» 
«Giâu  ta,  ta  cûng  lieu  bài  giâu  cho! 

1.  Que  son  mari  avait  pris  une  seconde  femme. 

2.  Le  mot  «/am»  qui  n'est  d'ordinaire  qu'une  simple  marque  de>«uper- 
latif,  est  transfoimé  par  la  particule  du  passé  «<tâ»  en  un  verbe  qualificatif 
qu'il  faudrait,  si  la  langue  française  le  permettait,  traduire  par  ^être  trha»^ 
et  qui  équivaut  ici,  étant  donnée  la  nature  du  sujet,  à  *êlTe  très  aciices* 
ou  *très  nombretueë»,  —  *Tm  nhà*  ne  signifie  pas  dans  ce  passage  «rfa* 
nouvelles  de  la  famille»,  mais  bien  «cZ«*  nouvelles  arrivant  à  Vintérieur*.  Ce 
sens  est  indiqué  par  l'opposition  qui  existe  entre  ces  deux  mots  et  *mieng 
ngwai  —  les  langues  des  hommes  (des  étrangers)»;  opposition  qu6  fait  nettement 
ressortir  le  parfait  parallélisme  qui  existe  entre  les  deux  expressions. 

3.  Litt.  :  *Elle  était  irritée  contre  —  Chomme  —  ingrat  —  (qui)  produinail 
au  dehors  —  un  cœur  —  de  lune  —  et  de  fleurs  (les  sentiments  d''un  libertin),  » 

4.  Litt.  :  «7oM^  aussi  bien  —  f  aurais  montré  de  Vindulgence  pour  —  celle 
qui  —  est  au  dessous  (de  moi);  —  alors  —  c^eùt  été  —  la  voie  —  (d'une  per- 
sonne) placée  au-dessus!» 

«  Trên  »  est  ici  un  participe,  comme  le  montre  le  parallélisme  dans  lequel 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  11 

Depuis  qu'elle  avait  entendu  dire  qu'au  jardin  l'on  venait  d'ajouter 

une  fleuri, 
les  langues  du  dehors  n'avaient  point  chômé;  mais  au  dedans  elle 

était  sans  nouvelles  2. 
Plus  on  étouflFe  le  feu  qui  consume  le  cœur  et  plus  il  devient  ardent.  1635 

Elle  s'irritait  contre  l'ingrat  qui  cherchait  des  amours  étrangères  ^ 

«S'il  m'eût  tout  avoué >,  disait-elle, 

«Je  me  fusse  montrée  digne  de  mon  rang  en  marquant  quelque 

>  indulgence  envers  une  inférieure  ^ 
«Aurai-je  cette  folie  de  renoncer  à  la  haute  main*? 

«Irai-je,  (d'autre  part),  me  faire  un  renom  de  femme  jalouse*^?         1540 

«Dissimulons  toujours!  Gardons-nous  de  rien  laisser  voir"! 

«  Pourquoi  me  livrerais-je  à  des  agissements  ridicules  et  enfantins? 

«Il  se  figure  qu'il  est  bien  loin  de  moi,  que  je  n'ai  point  de  ses 

»  nouvelles^! 
«Puisqu'il  me  joue,  je  verrai  à  le  jouer  pareillement! 

il  se  trouve  avec  «cienn»,  préposition  dans  laquelle  le  pronom  relatif  «A;^» 
qui  la  précède  ne  permet  pas  de  méconnaître  un  rôle  semblable.  II  ne 
faudrait  donc  pas  traduire  <nîwmg  trên»  par  «^  voie  (In  règle  de  conduite) 
supérieure  *,  mais  bien  par  «Za  voie  de  ceux  (<jue  doivent  suivre  ceux)  qui  sont 
placée  au-desêuê  (des  autres)». 

5.  Litt.  :  <LJe  serais  sotte  —  (pour)  quoi  —  de  ne  pas  —  conserver  pour 
moi-même  —  les  fondations  f  » 

Le  poète  appelle  «  nên  —fondations  »  le  gouvernement  du  ménage  parceque, 
de  même  que  la  maison  matérielle  repose  sur  le  soubassement,  de  même 
tout,  dans  Tintérieur,  dépend  de  la  direction. 

6.  Litt.  :  *Il  1/  a  de  bon  —  quoi  —  pour  —  acheter  —  (le  fait  que)  la 
réputation  —  de  jalousie  —  entre  dans  —  moi-même  f» 

7.  Litt.  :  «  De  nouveau  —  encore  —  fermons  hermétiquement  —  (et)  cachons 

—  autour!» 

8.  Litt.  :  «//  calcule  —  disant  :  —  €je  suis  éloigné  —  (quant  au  visage) 

—  W  je  «*w  caché  —  (qTiant  aux)  paroles!» 


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12  KIM  yÂN  KJËU  TAN  TRITYÇN, 

î^i5    «Lo  chi  vîêc  ây  ma  lu? 

*Kîê'u  trong  mîèïig  ehéii  c6  bu  di  dâu? 

*Lhîii  clio  nliÎTi  cliâïïg  dwqc  nliaii! 

^Làiïi  clio  day  df%  cât  dâu  eliâiig-  Ifîii! 

«Làni  cho  trông-  tliây  nbân  tien, 
1550    *Cho  Tigirm  thani  vân  ban  thuyën  biêt  tay!* 

Troïig  loîîg  kfn  cbâiig  ai  hay; 

Ngoài  tai,  dé  màc  gio  bay  mai  iigo«ai. 

Tuâii  sau,  liong  eu  liai  ugirèl 

Màvh  tîn;  y  <*iing  lîêu  bài  tâii  eôiig, 
Î&5.1    Tien  tli(T  iiAi  giiin  duiig  dînig! 

Gô^m  thay!  «Tliêu  det  ra  U'mg  treu  iigirm! 

«Laiig  quân  nào  phâi  iibir  at? 

^Bëii  nây  bâii  hùi  iiliûiij»,^  ngiitrî  tb|  jilii! 

L  Kilo  retombera  toiijoiîrs  dans  la  tJigse,  —  ll«  »otit  outre  îtit-^  roaJ»s1 

t!,  Litt*  :  <^.  .  ,  -  ffewfWï^  ?iïf  ^eto*. » 

3*  Lit  t.  ;  "Pour  que  —  V  homme  —  ôjtii^   àatd  avidr,  tU  —  plmehr^»*  - 

Vax  ruétfipbore  qui?  t'Oiïtioiit  ee  vara  présente  une  gratidB  ftuaJoirip  «^"^ 
lu  lUctoiT  fran^ftia  *â^mnf!r  un  ftmif  pour  amir  un  €b»^», 

4,  IML  :  •  Kri  dtshffrit  ch  —  «f*  om7/«*  ^  irffe  ImwêttU  -*  «w  *;rrf  '^*  ^ 

Lu  mot  4  îf-zaiii  j  oenipi.'  «lu lis  ce  ver»  deux  positions  qiiî  \\\\  ûmnfn^  ^^ 
valeur»  lïrammatîcnlr»  bien  ciltfémntcSi 


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KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  13 

3011  me  créer  tant  de  souci  de  cette  aflFaire?  1546 

rnii,  dau8  uue  tasse^  a  beau  courir!  où  irait-elle  '? 

a|^r  de  façon  quils  ne  puissent  se  reconnaître! 

la  maltraiter  au  point  qu'elle  n'ose  relever  le  front! 

ïrai  se  regarder  en  face  2, 

î  réjjoux  qui  m'a  sacrifié  à  une  créature  de  rien  sache  ce  1660 

je  Huift  capable  ^Îj» 

^rDia  son  se<^rét  dans  son  cœur  sans  le  révéler  à  pei'sonne, 

ut  Foreille  à  la  rumeur  publique,  elle  lui  laissait  prendre  à 

eur  un  libre  essor*. 

naine  suivante,  survinrent  tout  à  coup  deux  hommes 

se  faire  valoir^  lui  révélèrent  la  nouvelle  \ 

dame  entra  dans  une  terrible  colère!  1555 

if  >rreur  !  >  s'éeria-t-elle.  «  Ce  sont  là  des  histoires  forgées  pour 
;r  mon  dépit  *■! 

vous  donc  que  mon  époux'  soit  comme  les  autres  hommes? 

cei-tainement  une  invention  de  médisants  désireux  de  semer 

corde  ^î 

:  ï  E^vélèretii  —  la  fwuvelle;  —  (leur)  intention  —  tout  ausai  bien 
*}a^lÊÊt  à  ^  un  tnoi^en  —  de  mettre  en  avant  —  fleursj  mét-iteê.* 

;   t<7«*i  hQrrilih   —  combien!  —   (Teitt  brodp  —  et  tiêsé  —   (pour) 

tertérieur  —  un  cœur  —  de  vexer!* 

:  *  Le  prince  dùttin^nt  »  C'est  Texpression  dont  se  servent  les 
i  la  bonne  société  lorsqu'elles  parlent  de  leur  mari. 

:  < ,  .  .»..,**  proviennent  de  —  personnes  —  de  oui  —  et  de 

es  dîscuayîonsT  les  uns  disent  «owi/»  et  les  autres  «?Mm/»;  les 
nu  eut  le  ^pmir*^  i?t  les  autres  soutiennent  le  *  contre».  De  là  vient 


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C  -^Ogfe; 


14  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Vôî  vàng  làm  dfir,  ra  uy; 
1560    Dù-a  thi  :  «va  mieng!»  dihi  thi  :  «bè  rang!* 

Trong  ngoài  kln  mit  nhir  birng. 

Nào  ai  c5n  d&m  n6i  nâng  mot  15i? 

Buông  thêu  khuya  sô-m  thânh  thoi, 

Ra  vào  mot  mire;  nôi  cirôi  nhir  không. 
1565    Bêm  ngày  15ng  nhûng  dân  long. 

Sanh  dà  vê  dêh  lâu  hông;  xuông  yen. 

LW  tan  hiêp,  nôi  hàn  huyên; 

Chip  ûnh  eàng  mân,  chu*  duyên  càng  nông. 

Tây  trân  vnî  ehén  thong  dong; 

Texpression  *m$t  nguin  thi  phi»  employée  pour  désigner  une  personne  qui 
€êhne  la  zizanie*.  Les  Mandchoux  disent  absolument  dans  le  même  sens  : 


(>^M-^Ji^t^ 


Ces  mots  signifient  aussi  *un  médiêarU».  On  dit  en  chinois  <â^  A 
^&  ^fe  Thuyët  nhcm  thi  phi»  pour  *  médire  de  quelqu'un».  L*auteur  a  pro- 
bablement choisi  à  dessein  cette  expression  à  cause  du  double  sens  qu'elle 
présente. 

1.  Litt  ',  *A  la  hâte,  —  faisant  —  la  cruelle  —  (et)  produisant  au  dehors 
—  de  la  majesté,» 

2.  Litt  :  *Au  dedans  —  (eij  au  dehors  —  il  y  avait  (le  fait  d'être)  altso- 
ItÊment  secret  —  comme  —  (un  vase)  hermétiquement  fermé», 

3.  Litt.  :  «  EUe  sortait  —  (et)  entrait  —  conformément  à  une  menu  —  règle 
(de  la  même  manière);  —  elle  parlait  —  et  riait  —  comme  «*  —  il  n'y  afxtit 
rien.» 

^  Không»,  négation  marquant  le  vide,  la  non-existence,  devient  ici  verbe 
impersonnel  par  position. 


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KIM  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  15 

Puis  soudain;  prenant  un  ton  dur  et  altier  \ 

elle  menaça  de  souffleter  Fun  et  de  briser  les  dents  de  l'autre.  I66O 

Au  dedans  comme  au  dehors  les  bouches  n'eurent  garde  de  s'ouvrir  2. 
Qui  eût  encore  osé  hasarder  nn  seul  mot? 
D'un  air  dégagé,  matin  et  soir;  dans  sa  chambre 

elle  allait  et  venait,  gardant  la  même  allure  3,  parlant  et  riant  comme 

si  de  rien  n'était. 
Pendant  que  nuit  et  jour  elle  ourdissait  sa  trame  *,  1666 

voilà  que  Sanh,  de  retour*^;  descendit  de  son  cheval. 

Les  questions  dont  ils  s'accablèrent  sur  l'absence,  sur  le  retour,  sur 

l'état  de  leur  santé  ^; 
ravivèrent  leur  affection  '  efc  rendirent  leur  amour  plus  ardent. 

Le  festin  du  retour ^  fut  gai;  avec  abandon  les  tasses  (circulèrent); 

4.  Litt.  :  <i  (Pendant  guej  —  nuit  —  (etj  jour  —  (son)  coeur  (ne  faisait) 
absolument  que  —  faire  des  recommandations  à  —  (son)  coeur,  » 

5.  Litt.  :  €Sanh  —  était,  —  revenant,  —  arrivé  au  —  pavillon-rouge,* 
L'adjectif  «A^n^  —  rouge*  appliqué  à  la  maison  de  Thuc  sanli  n'indique 

pas  absolument  que  cet  édifice  était  peint  en  rouge.  C'est  une  épithète 
honorifique,  choisie  par  l'auteur  parce  que  le  rouge  est  réputé  la  couleur 
heureuse  et  noble  par  excellence;  ce  qui  fait  qu'on  l'affecte,  soit  aux  objets 
auxquels  on  désire  attacher  un  heureux  présage,  comme,  par  exemple,  la 
chaise  à  porteurs  qui  sert  dans  les  mariages  à  conduire  la  fiancée  à  la 
maison  de  son  époux,  soit  à  ceux  qui  sont  à  l'usage  des  fonctionnaires  de 
rang  élevé,  comme  les  globules  des  hauts  mandarins,  les  sceaux,  etc. 

6.  Litt.  ;  <(Par)  les  paroles  —  de  se  séparer  —  et  de  se  réunir,  —  (par) 
Us  circonstances  —  de  froid  —  (et)  de  chaud,  » 

7.  <  Le  caractère  «  affection  »  —  de  plus  en  plus  —  fut  salé,  —  le  caractère 
—  *  amour»  —  de  plus  en  plus  fut  ardent.* 

8.  L'expression  chinoise  «|^  jw  ^"^  trdn*,  litt.  ;  *  laver  la  poussière*, 
désigne  le  festin  que  l'on  a  coutume  d'offrir  aux  amis  et  aux  parents 
voyageurs  à  l'occasion  de  leur  retour. 


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iS  KiM  vAn  kiëu  tAn  tkutIn. 

u^7U    N5Î  16iig,  ai  à  trong  long  mk  ra? 

Chàng  vê  xem  y  tii'  nhà; 

Su-  mhih  cÛTig  lâp  lâii  la  giâi  bày, 

May  plieii  cirM  tlnh,  iiôi  eay? 

Tùc  ta  châng  dôiig  mây  raay  sir  tliili, 
i57fi    Nghï  ra  btnig  km  mîêiig  bhih! 

Nào  ai  eu  kliào  ma  mhûi  dà  xuiigV 

Nliû-ïig  là  e  âp  diuig  dâiig; 

Riit  dfty  m  nûa  dyiig  ritiig,  laî  thôi! 

C6  klii  nu  triiyÈn,  mua  cn:M. 
I5sa    tTièu  thu  lai  iighï  nhmig  dëu  dâu  dâu?» 

Rang  :  «Troîig  iigoc  dii  vàng  thaii, 


L  y  tu  ;  *  (  Qimnt  atm)  df^^nitancûM  —  de  (mm)  oœiip,  —  ^ul  — «^ 

—  daiu  —  (*on)  cffîir  —  est  ^  fm^  *oWa£iÉ  {'gï*f  idrfdl'i  d^  ton  ciBW^f» 
li.  Lit!»  :   -»  L^iîiletiiimi  de  ht  «laiVen*  *■ 

B.   Litt,   ;  1  L%ffaire  —  de  lui-mêfite  —  ùmt,  auHxi  hîtii  —  ii  wtt^  ^  ^^'^ 

—  §^avança'îi£  peu  à  peu  —  il  délitdé  —  ^J  ûrrtmffeaii.  * 

4.  Un.  :  <€hfnbieti  de  —  foùt  —  eUe  rtnH  —  à  h  nmm^^rr  d*  i;fir''r'""* 
i/H<  i^vierd  à  »m,  —   (et)  parlait  —  (à  lu  Hitinihrr.  d^nne  permnm)  îcnr/» 

Liî  verbe  ^link  —  ret^enh-  à  #o*»  et  l*aUjectîf  *aia^  —  tcrr.>^  tirapî^MiH^nt 
tous  dfiix  il  leur  pobition  une  valeur  itlentit|UL*,  ot  forment  deia  mlvefM 
lie  luatîîère. 

vwuvatl  —  uni*  miniinf  partk  —  d^  Vaffnire!> 

ti*  LîtL  :  -  /vT^r  —  rrmortmi  ûir^tmniî)  ^  fermer  —  /irrni^t^tf^r"'  *" 
fi^fiaiiJ!  tV  l'orifice  —  dti  vagef* 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÊN.  17 

(mais)  de  qui  donc  en  son  cœur  était-elle  préoccupée  '?  1570 

Ayant  vu  dès  son  retour  quelle  était  la  pensée  de  sa  femme  2, 
il  laissa  de  côté  sa  propre  affaire  et  s* efforça  de  la  rasséréner  3. 

Souvent  elle  riait  avec  froideur,  puis  elle  prononçait  des  mots  incohé- 
rents^; 
(mais)  de  ce  qui  Foccupait  elle  ne  touchait  pas  un  mot  s. 

Elle  restait  impénétrable  ^  !  1576 

Aucun  genre  de  torture  n'eût  pu  la  faire  parler'! 

Elle  laissait  traîner  Tafifaire  en  longueur, 

de  peur  qu'en  tirant  sur  une  seule  liane,  toute  la  forêt  ne  s'ébranlât 
et  que  tout  ne  fût  perdu  ^  ! 

Parfois  elle  semblait  goûter  les  plaisanteries  et  riait  d'un  rire  em- 
prunté ^ 
«A  quoi  pensez-vous  donc  encore,  ô  ma  noble  épouse?»  (dit  Sanh).  i580 

«  Pour  les  choses  importantes  aussi  bien  que  pour  les  futiles  *", 

Le  poète  compare  Hban  tha  à  un  vase  hermétiquement  clos,  et  son  secret 
au  liquide  qu'il  contient. 

7.  Litt.  :  ^Est-ce  que  —  qui  (que  ce  fût)  —  aurait  eu  —  (le  fait  de  la) 
mettre  à  la  question  —  pour  qu^  —  elle  —  eut  avoué? * 

8.  On  dit  en  français  :  «2Vop  tevidre  la  corde*. 

9.  Litt.  :  ^11  y  avait  —  des  fois  (que),  —  s'égayant  des  —  contes  (que  lui 
faisait  son  marij  —  elle  achetait  —  le  rire.'» 

10.  Litt.  :  « Dans  —  les  piei^res  précieuses  —  (et)  les  pierres 

^communes),  —  Vor  —  (et)  le  cuivre,» 

ÏAis  pierres  précieuses  et  Tor  sont  des  choses  de  prix  à  l'acquisition 
et  à  la  conservation  desquelles  on  s'attache.  L'on  néglige  au  contraire  la 
pierre  ordinaire  et  le  cuivre  qui  sont  des  matières  de  peu  de  valeur.  Aussi 
les  premiers  représentent-ils  métaphoriquement  les  affaires  de  haute  impor- 
tance, et  les  seconds  celles  qui  n'offrent  point  d'intérêt. 

2 


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18  KIM  vAn  kiéu  tAn  truyên. 

«MwM  phân  ta  dâ  tin  nhau  câ  mirôi. 
«Khen  cho  nhtrng  miêug  dông  dài, 
1585    «Birôin  ong  lai  dât  iihfrag  dëu  no  kia! 
«Thiêp  dâu  bung  châng  hay  suy, 
«Bâ  do*  bung  nghî,  lai  bia  mieng  ciràî!» 
Thây  Icri  tbùng  thînh  nbir  choi, 
Thuân  lô-i,  chàng  cûng  n6î  xuôi  âà  dèn: 

1590    «Nhirng  là  cirô-i  phân  cot  son, 

» 

«Dèn  khuya  cliong  bong  trâng  trôn  sânh  vaiîj 


1.  Lîtt.  :  <^(Sur)  dix  —  parties  —  iioua  —  aviona  eu  confiance  en  —  Vun 
Vautre  —  (quant  à)  la  totalité  des  —  dix.* 

2.  Litt.  :  «7c  loue  —  à  (vous)  —  (quant  àj  les  bouches  —  parlant  à  tort 
et  à  travers,» 

3.  Litt.  :  «  (et  comment,  à  la  manière  du)  papillon  —  (et)  de  VaheUle,  —  en 
outre  —  vous  composez  —  des  choses  —  celles-ci  —  et  celles-là!» 

Les  deux  substantifs  <  hw&m  —  papillon  »  et  «  ong  —  abeille  »  forment  par 
position  une  expression  adverbiale  de  manière,  ffoan  thv  raille  son  époux, 
qui,  dit-elle,  va  chercher  bien  loin  les  choses  invraisemblables  qu'il  lui  ra- 
conte pour  se  donner  une  contenance  et  endormir  ses  soupçons;  ressem- 
blant ainsi  à  Tabeille  et  au  papillon,  qui  voltigent  à  Faventtire  et  au  gré 
de  leur  caprice,  et  puisent  dans  toutes  les  fleurs  une  gouttelette  de  miel. 

Les  adjectifs  démonstiatifs  «Ttp»  et  «^•ta»  deviennent  ici,  par  un  chan- 
gement de  position  assez  remarquable,  de  véritables  adjectifs  qualificatifs. 

4.  Litt.  :  *J^ai  été  souillée  —  (quant  à  un)  ventre  (un  cœur)  —  (qui)  dou- 
tait, —  et  en  outre  —  fai  été  eocposée  à  la  manière  d^une  insa'iption  —  (quant 
aux)  bouches  —  (qui)  riaient. 

Le  rôle  du  mot  ^bia  —  inscription»  est  fort  obscur  au  premier  abord. 
On  ne  peut  en  mettre  au  jour  le  véritable  sens  qu'en  tenant  rigoureuse- 
ment compte  de  la  position  et  de  la  valeur  que  lui  donne  le  parallélisme. 

Ici  en  efl'et,  comme  dans  tous  les  vers  analogues  dont  la  facture  est 
correcte,  chacun  des  mots  du  second  hémistiche  présente  la  même  valeur 
grammaticale  que  ceux  qui  lui  correspondent  dans  le  premier.  D'cMi  il  suit 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYBN.  19 

«nous  avions»;  répondit-elle,  «pleine  confiance  Fun  dans  Fautre^ 
«J'admire  la  façon  dont  vous  parlez  à  tort  et  à  travers 2, 
«allant  chercher;  je  ne  sais  où;  je  ne  sais  quelles  histoires^!  1580 

«  Bien  que  mon  cœur  n'ait  point  coutume  de  réfléchir, 

«je  Fai  laissé  souiller  par  de  mauvais  soupçons;  j'ai;  de  pluS;  encouru 

»  les  rires  du  public  ^  !  » 
Voyant  qu'elle  parlait  sur  ce  ton  calme  et  badiu; 

il  lui  donna  la  réplique,  et  pour  éviter  un  orage,  il  répondit  de  façon 

à  lui  plaire  \ 
«Quant  à  ce  qui  est  de  courir  les  filles^,  1590 

«je  n'ai  eu  »,  dit-il,  «  pour  compagnes  que  la  pleine  lune  et  ma  lampe 
»de  nuit'!» 

que  €da  —  sale*,  devenant  par  position  verbe  passif ,  «6ia  —  tablette,  im- 
cripUon*  doit  jouer  le  même  rôle,  et  ne  peut  signifier  que  «ê^re  comme  une 
hucription  ridicule,  qui  prête  à  rire  aux  tjens  qui  la  lisent^.  Réciproquement, 
*da*  ne  peut  être  un  verbe  actif;  car,  si  Ton  peut  à  la  rigueur  traduire 
littéralement  «rfcr  hnng  iighï»  par  <i  souiller  —  (son  propre)  cœur  —  (gyi) 
doute*  en  faisant  de  ^bung»  un  régime  direct,  on  ne  pourrait  faire  paral- 
lèlement de  ^mièng*  le  régime  direct  de  «6ia»  et  traduire  «6*a  mi^g  cuai* 
par  «  exposer  à  la  matiière  d'une  inscription  —  les  bouches  —  (qui)  rient  »  ;  car 
cela  n'aurait  aucun  sens.  On  est  donc  conduit  par  le  raisonnement  à  re- 
garder «c{<7»  et  €bia>  comme  deux  verbes  passifs  parallèles,  et  à  admettre 
que  *bung  nght»  et  «mièng  cvbi»  sont,  non  des  régimes,  mais  des  expres- 
sions modificatives  qui  déterminent  la  portée  de  ces  deux  verbes  passifs. 
On  voit  vite,  du  reste,  que  Texpression  «6»a  mi^ng  cmri*  traduite  ainsi  a, 
sons  sa  forme  annamite,  beaucoup  d'analogie  avec  la  locution  *être  exposé 
à  la  risée  publique»  qui  lui  correspond  en  français. 

6.  Litt.  :  « j>arla  —  dans  le  sens  du  courant  —  pour  retenir  (en 

Pair)  —  le  bâton». 

6.  Litt.  :  « de  rire  avec  —  le  fard,  —  de  plaisanter  avec  —  le 

vermillon». 

Les  courtisans  usant  avec  profusion  de  ces  deux  cosmétiques,  <  le  fard 
et  le  vermillon»  sont  pris  métaphoriquement  pour  les  désigner. 

7.  Litt.  :  «Jfo  lampe  —  de  nuU  avancée  — je  garde  allumée  pendant  toute  la  nuit 
—  (quant  à)  V ombre;  —  la  lune  —  ronde  —  je  compare  —  (quant  aux)  épatdes», 

2* 


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20  KLM  yAk  KiIu  tAn  TEOYÊK. 

Non  xuân  gbi  \irOT  béu  mW; 
Giêng  vSiiig  dà  iiây  mot  vài  tin  iigA. 
Chaiih  niëm  iihà  cânh  giâiig  bô; 
1595    Mot  iiiëm  quan  tâi^  mây  mua  gîd  trâug! 
Tinh  riêog  ch4a  dâra  di  râug, 
Tiéii  tlicr  tnrô'c  dâ  lieu  cliû-ng  nhft  qiia, 
*Câch  nSiB  mây  bac  xa  xa! 
*Lâm  tri  cfing  phâi  tiiili  dëu  tliâii  hôn!> 

160D    Duffc  lori  nlin  mè  tac  son; 

Ces  lieux  héiiiistîchi*s  pr6sL*Mtt?ut  F  un  vi  l'ïiutn*  iiiiï?  mvi*n«ion. 

Le  m^tt  <  Aiîïi^7  *  intervit^nt  ici  en  compagnie  du  ujot  •  Jhi  —  lanj*è  »,  y 
HUe^  daii&  respèfe^  une  lauipe  de  nnît  reste  bien  ?i!  In  niée  pour  tïmim'î  *tv 
la  lumières  mîiia  la  persaune  qui  wen  sert  n'use  pûiir  aàxm  dire  de  celle! il 
mi  ère  que  d'une  maulère  iWirct-te;  elle  n  grand  min  de  hi  dirigei"  J^  d»** 
KÎi^re  il  rt5ïiter  elle  -  même  d^is  Vomhfé^  nliii  de  pouvoir  doniLir,  tit^  qiii  («* 
serait  impossible  si  ses  yeux  restaient  exjKi&éi  à  la  clarté. 

1.   Litti   :   <i  Âujn  montoffueit  ^^  de  prhd^fip«  (uu  prmiéntpM)  -*  fittfflÇtW" 

Le  pmla  —  <IV  —  amdi  p&uêté  —  une  —  p^Ue  t^umUité  de  —  fnmt^ 
de  Ngê^. 

Le  mot  *  nmi  —  fttmia^n^  *  n't^t  ici  qu*uti  Minple  ni'ciîîiRôirtt  éméié  à 
ilfiMbler  le  nii>t  ^urfuln  —  j^r;riterap«*>  tft  elioisi  uniquement  piircv  i|U*îl  **l^* 
if'i  de  sidsou,  e'e^t  à-dire  d'nne  clioee  qui  concerne  la  naiure.  il  5^  *  lA»  ^'ii 
iîM*'me  tempsi,  un  double  sens.  Outre  que  rexpreaaion  *  fum  ^téii  *  es^imm*  1  iil**' 
e!e  printeuipH,  elle  présente  le  ^îeng  erotique  qu'entraîne  »i  souvent  t*n  p*^^»* 
îe  dernier  de  eee  deux  mot».  Quant  au  ^Vuçc*,  eest  k  pnqireiirin  iwifli^f 
lia  ]KM.i.soii  ]ij>p;iTteuant  ati  pleure  Corviuji  (C,  gr_vpotîi)  donl  le  ntjm  ctnijjpî*^t 
vhl  *fidj  ^  Vnt^€  uffif'  an  'Ë^  5S  ÎV*'  dâ^'.  *^t  t|Ui  e*t  fcirt  coiïinmf*  i 
l^anlou,  (ii\  un  le  fait  sôeber  l'onniie  îe  ptuckfish  (v.  Wklm  Wtu.ïi.^t  *•"* 
ee  caraetére;.  Le  ^tfJi  utwt»,  espèce  de  ragoût  coTîfectkmut^  a\  ee  f c  iwii^*** 
i-rn^  est  une  i^fMiruiandiBe  fort  reclierebée*  Mius  îï  ne  n'rti^it  pa»  k\  f*"»'*^'' 
menf  du  rnjîout   en  iiueaiion.  Le  nom   en   est  employé  n»étaplion»iJi*'iMf'iï 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  21 

D  avait,  au  printemps,  goûté  au  ragoût  de  Vyrac^] 

maintenant  près  du  puits,  le  Ngô,  émettant  quelques  pousses,  annon- 
çait la  saison  (d'automne)  2, 
Le  cœur  (de  Sanh)  s'émut  au  souvenir  de  pittoresques  rives  ^; 

il  ne  rêvait  que  voies  et  chemins,  que  voyages  interminables  "^l  1595 

Mais  comme  il  n'osait  ouvrir  la  bouche  de  ce  qui  l'occupait  en  secret, 

sa  noble  épouse,  se  hasardant,  entama  la  question  la  première. 

«Votre  père  est  loin  de  vous!»  dit-elle. 

«  n  faut  aussi  songer  à  aller  à  Lâm  tri  pour  lui  rendre  vos  devoirs  ^  !  » 

Ces  paroles  dilatèrent  le  cœur  "^  (du  jeune  homme),  I600 

par  le  poète  pour  désigner  les  relations  amoureuses  que  Thûc  aanh  avait 
eues  avec  Tùy  kiiu. 

Le  poète  appelle  «  tîn  —  nouvelle*  »  les  rejets  du  Ngô  parce  que  ces  pous- 
ses, qui  se  font  jour  au  commencement  de  Tautomne  apportent  pour  ainsi 
dire,  la  nouvelle  que  cette  saison  arrive.  Une  autre  édition  porte  «^  i^ 
là  Ngô  —  de*  feuiUe*  de  Ngô  »  -,  mais  cette  variante  ne  change  rien  à  Fidée 
exprimée  dans  le  vers. 

5.  Litt  :*.,..  il  *e  tournent  —  de*  paysages  —  de  flewoe*  —  (et)  de  lacs  », 

Au  bord  des  fleuves  et  des  lacs  la  verdure  est  plus  fraîche  et  le  coup 
d*œil  plus  gai. 

Les  Chinois  ont  comme  nous  l'habitude  d'aller  en  touristes  visiter  des 
sites  pittoresques.  Le  poète  dit  ironiquement  que  son  héros  se  sent  tout-à- 
coup  pris  du  besoin  de  se- livrer  à  des  excursions,  faisant  entendre  par  la 
qu'il  cherche  un  prétexte  de  s'absenter  pour  aller  rejoindre  Ttig  kien. 

3.  Litt.  :  <  Uniquement  —  il  pensait  à  —  des  passage*  —  et  des  /rontièreu, 
—   fàj  combien  de  —  saisons  —  de  vent  —  et  de  lune!* 

Les  mots  ^Gi6  trâng  —  vent  et  lune*  forment,  comme  je  l'ai  expliqué 
plus  haut,  une  désignation  poétique  des  voyages. 

4.  €Thân  hôn*  est  une  formule  abrégée  pour  «j^  -^  ^  x  Thân  hôn 
dmh  Unh  —  s*vnfonaer  soir  et  maUn  de  la  santé  de  ses  parents  »,  phnise  tirée 
du  Livre  des  Rites. 

5.  Litt.  :  «  (Le  fait  d")  obtenir  —  (ces)  paroles  —  (fut)  comme  —  (le  fait 
d')ouvrir  —  (son)  pouce  —  de  vermiUon», 


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22  KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Vô  eu  thâng  ruôi  iurdc  non  que  ngirM. 
Long  dong  dây  nu'ô'C  in  trW; 
Thành  xây  trè  biêe,  non  phoi  bông  vàng. 
V6  eu  vira  chông  dâm  tràng, 
1605    Xe  hu'OTig  nàng  dâ  thuân  dàng  qui  ninh. 
Tbwa  nhà  huyên  hêt  moi  tinh, 
Nèi  chàng  ô*  bae,  nô'i  minb  ehiu  den. 
Nghï  rang  :  «Gian  lày  bô-n  ghen, 
«Xâu  ebàng;  ma  e6  ai  kben  ebi  mlnb? 

^Tâc  son*  est  synonyme  de  «^  l(mg*,  appellation  poétique  du  cœur. 
Comme  ce  viscère  est  rouge,  les  poètes  le  désignent  souvent  ainsi  par  le 
nom  de  sa  couleur,  bien  qu'il  s'agisse  aloi-s  non  du  cœur  matériel  (trdi  Um), 
mais  du  cœur  moral  (long). 

1.  Litt.  :  «Xe  aahot  —  de  (son)  petit  cheval  de  course  —  Umt  drvit  —  se 
précipita  vers  —  les  eaux  —  (et)  les  montagnes   —   du  pays  —  des  hommes*, 

2.  Litt.  :  «  (Sanh)  était  errant  —  (quant  au)  fond  -^  des  eaux  —  (qui)  res- 
semblait au  —  ciel*. 

Le  sujet  du  verbe  étant  presque  constamment  sous- entendu  dans  les 
poésies  annamites,  il  en  résulte  la  nécessité  de  le  suppléer  dans  la  traduc- 
tion, en  évitant  Tabus  du  pronom  personnel,  dont  l'emploi  amènci-ait  sou- 
vent une  grande  obscurité,  parfois  même  une  impossibilité  absolue  de  con- 
naître exactement  l'auteur  de  l'action  que  le  verbe  exprime. 

3.  Le  poète  décrit  les  jeux  de  lumière  que  produit  sur  le  soir  le  soleil 
au  sein  de  l'atmosphère  sereine  de  l'automne,  et  la  teinte  que  prend  en 
cette  saison  le  feuillage  des  arbres  qui  couvrent  les  montagnes. 

4.  Litt.  :  «  (Que,  sur  son)  char  —  parfumé,  —  la  jeune  femm^,  —  suivant 
—  le  chemin,  —  retournait  —  saluer», 

^Ninh  —  saluer»,  se  dit  proprement  des  visites  qu'une  nouvelle  épousée 
fait  à  ses  parents  après  son  mariage.  En  accomplissant  ces  actes,  elle  re- 
tourne (^)  réellement  dans  la  maison  paternelle. 

Cette  expression  est  tirée  de  la  troisième  strophe  de  l'ode  «  jS  §[  Ckii 
dàm  »  (la  seconde  du  Livre  des  Vers). 


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KIM  VÂN  KIËU  tAn  TRUYÊN.  23 

et  droit  vers  les  pays  lointains  *  son  petit  cheval  s'élança. 
(Sanh)  allait,  longeant  des  eaux  dont  le  fond  réfléchissait  le  ciel*^. 

Les  remparts  des  vDles  s'élevaient  bleuâtres,  les  montagnes,  jaunies, 

au  soleil  se  séchaient  3. 
à  peine  le  petit  cheval  eut-il  pris  sa  course, 

que  la  dame  sur  son  char  alla  visiter  ses  parents^.  I6O6 

Elle  raconta  tout  à  sa  mère; 

et  ringratitude  de  son  époux,  et  le  chagrin  qu'elle  en  ressentait  ^ 

«Je  considère  »,  dit-elle,  «  que  si  je  m'irrite,  si  je  boude  par  jalousie, 

«je  ferai  rougir  mon  époux;  mais  quelqu'un  m'approuvera- t-il? 

m    W    m    m    -0    w 

^  m  m  m  ^  ^ 
^j!t  w  n  n  w  m 

#       ^o    tlo    ^^     Mo    ^ 

«  Ngôn  câo  stv  thif 
^Ngôn  cdo  ngôn  qui! 
*Bac  6  ngà  tu! 
«Bac  cdn  ngS  y! 
^Hat  cdnf  Hat  phâf 
«  Qui  ninh  phn  mâu!> 
«J*en  ai  prévenu  la  Grande  maîtresse! 

«Elle  doit  annoncer  (au  Roi)  que  Je  vais  visiter  mes  parents! 
«Je  laverai  mes  vêtements  privés! 
«Je  laverai  ceux  de  cérémonie! 
«Que  laverai-je?  Que  ne  laverai-je  point? 

«Je  vais  retourner  à  la  maison  paternelle  pour  y  visiter  mes  parents!» 
5.  Litt.  :  «  La  circonstance  —  dû  jeune  homme  —  (qui)  se  conduitait  —  en 
blanc,  —  la  circonatance  —  d'elle-même  —  (qui)  supportait  —  en  tioiV». 

Il  y  a  là  un  jeu  de  mot  absolument  intraduisible  en  français,  parce  qu'il 
est  basé  sur  la  composition  du  mot  annamite  ^bac  den  —  ingrate,  litt.  : 


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I         I 


I     \  24  KIM  vAn  KIËU  tAn  TMUYÊN. 

1610    «Vây  nên  ngânli  mat  làm  thinli! 
I  «Mwu  cao  vôii  dS  niiji  ranli  nhûng  iigày! 

<^Lâm  tri  du'ô-ng  bô  tliaug  chây  ; 

«Ma  dirô-ng  liai  dau  sang  ngay  thi  gaii. 

«Don  thuyën,  lira  mat  gia  iihâu; 
1615    «Hây  dem  dây  xi<  h  biiôe  i  lien  iiàiig  vê* 

«Làm  cho  cho  met  elio  me, 

«Làm  cho  dau  ddii  o  hë  cho  iiao! 

«Trirô-c  cho  bô  gliét  nliirng  ngurcri, 

«Sau  cho  de  mot  trè  cu^M  vë  gau!^* 
1620    Phu  nhân  khen  rhué^c  cuiig  mâu; 

Chiu  con,  môî  day  niàe  dâii  ra  tay. 

Sû-a  sang  buôm  gio  lèo  mây- 


<ihlanc  et  noir».  Le  poète  expriiue  ihiiis  le  premier  hémistiche  que  Thntu 
se  conduit  avec  ingratitude.  Dans  le  a€(!ond,  il  dit  que  sa  feiDine  Hoan 
souffre  des  effets  de  cette  coudnite.  Pour  rendre  ëlê^''amïnent  c^tte  idée 
un  même  terme,  il  en  dissocie  ]ef^  deux  tjlt- meurs,  puis  il  rêuuil  le  prei 
(hacj  au  verbe  « ^  —  se  conduiie,  se  ûomporler ^^  qui  Concerne  le  sujet  T 
sanh,  et  le  second  fdenj  au  verbe  ^t^hiu  —  jtw/jiV,  éprouver:^,  qui  se  rapp( 
à  l'objet  Hban  tho. 

1.  Litt.  :  «Ainsi  donc  —  il  convieid  de  —  déi^timer  —  le  visoffe  —  (M)  hé  tùii 

2.  Litt.  :  €(pour  que)  je  fatêe  —  à  (eUe)   —   de  titauière  à  —  ^«  tpt\ 
soit  épuisée,  —  de  manière  à  —  fûe  que)  je  soi*  stdHréCf  » 

3.  Litt.  :  *(pour  que)  je  fas$e  —  à  (^e)  —  souffrir  de  vwes  dml^n 
abondamment  —  de  manière  à  —  ('ce  qtAjdle  soU  démuragmî  * 


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Kl  M  VAN  KIËU  tAN  TRUYÊN.  25 

emi  doue  l'affaire  bous  silence  ^,  I610 

t  qne  de  longue  main  j'ai  ourdi  une  ruse  habile! 
1er  par  terre  à  Lnm  tri,  Ton  est  obligé  de  marcher  tout  un 
T  eau  il  faut  peu  de  temps,  car  le  trajet  est  direct. 

préparer  un  bateau.  Parmi  mes  gens  je  choisirai  (deux) 

ûes. 

ûrtemnt  rtea  liens,  et  ramèneront  les  pieds  garottés,  I615 

e  je  puisse  Taccabler,  que  je  puisse  Tépuiser  de  fatigue  ^, 

er  de  douleur  et  la  mettre  au  désespoir  3. 

d'abord  sur  eux  satisfaire  ma  haine, 

faire,  pour  Tavenir,  un  objet  de  dérision!» 

e  dame  trouva  l'expédient  très  sage,  1620 

nt  à  sîi  fille  son  assentiment,  elle  lui  laissa  liberté  entière  K 

la  voiles  et  agrès -^. 


Hîsyllatîe  -  rko  >  H  dans  les  deux  hémistiches  de  ces  vers  une  va- 
«ition  bien  différente.  Dans  le  premier,  il  représente  notre  prépo- 
,  et  il  a  pour  régime  le  pronom  personnel  «no»  qui  est  sous-en- 
Eîs  l€  second,  il  forme  avec  le  verbe  passif  qui  le  suit  un  adverbe 

&, 

:  *  Le  t^ant  (au  point  de  vue  de  la  volonté)  à  —  sa  JiUe,  —  alors 
UMj  ordfmnà  de  —  à  ^on  gré  —  faire  sortir  —  (sa)  main*, 

;«.***  tie*  ooileë  —  de  vent  (que  le  venu  pousse)  —  des  cordages 
ft*  fmmitanl  jmqu'auj:  nuages)  9, 
table  rôle  de  =«%  —  nuages»  est  de  faire  le  pendant  de  *gi6 


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M  KIM  VAK  KlfiU  TAN  TEUYÈîi. 

Khuyen  Ung  lai  *'Iion  raôt  vài  cou  <]iiang- 
Dàïi  do  hët  uàe  moi  dàiig, 
1625    Thuàn  phong  mot  lA  virot  suîig  bièu  7e, 
Nàîij,^  tii'  cl  liée  h(mg  soiig  the^ 
Botriig  kîa  nui  uo  iilitr  ciiia  moi  sâu. 
Bong  tang  da  xê  ngang  dan  ! 


îiux  «TiHix  sct'IiTîUs  qui*  7/iwt*  //irr  «liarj^o  d'cnifç^tT  sa  rivîik  «L^mbleiit  ^fn*  *!^ 
tf?*  dt-nuitiiuiitioii»  trmlitionritiMeH  4114.^  le»  rifUniiidortt  cIjiiioma|iiili<^ui'nt  niii 
^Njii»  fÎL"  Me  ot  du  conÏL*  €liarg{'î*  de  nuclque  lubskni  c^mmbU^  ab&nUtDMmt 
triiiiiiH.^  jMo[ien3  désigne  certaina  perBouua^es  di3  ses  coûiéiiies  d^apr^s  k*  Kile 
rtiniiiine  qii'ïï  htwv  h^^a^mm.  Oh  les  retrouvî?  ilsïis  le  ïoïiî;*ii  fliiiioiV  jHp  j^ 
'^^  «m  r«Ti  voit  ^  Jf^  î.1^  plriîiHÏn*  à  la  mère  rk^  ^  |:b  ^  dr  etMjQv 
\v.  Tiiihlt!  -^  -^  a  ïmt  ù  oie  ver  sa  fille  par  àm  mis^mbloâ  (Hît.  :  |»o*^  4m 

m  ^  ^ ^  i^....ïw  7  mê^m  :K tT  A i 

■Alors  ce  noble  Tô  K'omU .  .  .  .avait  onltmiié  à  iiit  §rniijd' nomlin- île 
inrâêralilus  rie  pénétrer  rie  force  daus  sa  nialson  et  d'enlever  ea  tî!lc.  • 

'i-  IJtt.  :  t  Suivant  fimpitlâioti  du  —  lîftii,  —  fqHiini  à)  «tm!  {êCfd%}  ^ /milii 
fcoiir)  —  ffrt  7iafi^tin7iif  —  ils  franchirtrd  —  £et  Wi«r  —  dis  jTJ  », 

Il  s'a^rit  probiiblement  ici  d'rin  de  ees  lne8  ^alen  fine  Foo  reiicafitri"  «u 
Miiiie,  ïiritîiuiiijeiit  tiaiiâ  îa  province  du  [^  ^.  L'nncîeu  royaunie  de  S 
To  qui  joua  UTi  grand  rôle  dans  rhistoire  de  ia  Chine  entre  li'u  anitée^  HttS 
avant  J.-C.  et  265  de  r*^re  chrétienne,  et  drmt  le  [x^He  donne  It  mm  i 
ta  frrtt^  t|«e  les  ravi»9eiir8  de  ÏVii/  ^t^^t  &e  disfiosent  à  rranchir,  s'êteudiiit 
jii&fpi'anx  r^gioni*  on  se  passe  la  scène.  II  coinpi^ïiaitT  *?R  i^ffet,  unt'  gnî»*!*' 
partie»  cîii    UJ  W_  Bcptentrional 

î.e  mot  'l'i  —  ftnilh*  est  employé  ici  k  la  place  du  «nÎT^etiuitif  «M« 
—  t^oi^e*,  dopt  il  vHt  la  iiiiinéralov 

3.  Litt.  :  'La  jmnt!  Jl^mme,  —  dêptiië  qn  —  eUéî  étak  imlér  —  ffHÉtd  ^ 
rmnhre  —  fguimi  à  a  a)  fm%Urt  —  de  9ohJîu€». 

I/idée  conteuut?  dans  ce  vers  est  celle-ci  ; 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  27 

Kkayen  et  Uhg  '  s'adjoignirent  quelques  gens  de  sac  et  de  corde. 
Lorsqu'ils  furent  munis  de  toutes  les  instructions  nécessaires^ 
un  vent  favorable  aidant;  ils  franchirent  la  distance  d'une  traite^.     1625 
Depuis  que  seule  en  sa  chambre  la  jeune  femme  était  restée^, 
sa  tristesse,  comme  divisée,  s'étendait  à  plusieurs  objets^. 

(Déjà)  l'ombre  portée  des  mûriers  s'était  abaissée  à  la  hauteur  de  la 
tête  M 

Lorsque  deux  personnes  sont  réunies  dans  la  même  chambre,  Tombre 
qu'elles  projettent  le  soir,  lorsque  la  lampe  est  allumée  à  l'intérieur,  soit 
sur  les  murailles,  soit  sur  le  store  qui  clôt  la  fenêtre,  est  naturellement 
double;  mais  si  Tune  d*elle  est  absente,  la  même  ombre  devient  unique  et 
comme  dépareillée.  {Chiec  est  proprement  la  numérale  des  objets  qui  vont 
par  paire,  lorsqu'Us  sont  pris  isolément.)  Or  telle  était  la  situation  de  Tvy 
kiêuj  depuis  que  Thûc  sanh  Tavait  quittée.  Les  personnes  de  Textérieur,  qui 
étaient  habituées  à  voir  se  projeter  sur  les  murs  la  double  ombre  des  deux 
amant«,  n'apercevaient  plus  que  celle  de  la  jeune  femme. 

*^The^y  ou  mieux  ^gié  ihe»  désigne  une  espèce  de  soie  d'une  trame  ex- 
trêmement ténue.  S'il  s'agit  du  store,  ce  mot  s'applique  ici  au  fin  treillis 
dont  on  suppose  qu'il  est  fait;  mais  le  mot  €8ong  —  fcTiêlre*  se  prenant 
aussi  au  figuré  pour  la  chambre  toute  entière,  on  peut,  si  l'on  préfère,  lui 
donner  cette  acception,  et  admettre  que  cette  retraite  était  tapissée  de  soie; 
mais  le  choix  de  l'interprétation  de  ce  terme  est  assez  indifférent;  car,  au 
fond,  il  n'y  a  là  qu'une  expression  poétique  adoptée  par  l'auteur  pour  dé- 
signer la  chambre  de  Tûy  kiêu. 

Il  est  bon  de  noter  encore  l'influence  de  la  position,  qui  fait  ici  un  verbe 
d'une  simple  particule  numérale. 

4.  IJtt.  :  *  (Quant  àj  ce  côté  là  —  (et  quant  à)  cette  circonstance  ci,  —  (cé- 
taitj  comme  «i  —  on  avait  divisé  —  le  bout  de  fil  —  de  (sa)  tristesse  !t^ 

Voir  sur  l'expression  «mot  sdu*  ma  traduction  du  Luc  Vân  Tien  (p.  16 
en  note). 

5.  Litt.  :  «  Vombre  —  des  mûriers  —  s^etait  inclinée  —  à  la  hauteur  de  — 
U  têU». 

L'automne  était  arrivé.  Cette  saison  est,  en  Chine,  celle  où  on  taille  les 
mûriers  nains,  ce  qui  se  fait  en  les  rabattant  à  la  hauteur  de  la  tête;  d'où 
il  résulte  que  les  rayons  de  la  lune  produisent,  en  rencontrant  ces  arbres, 
une  ombre  qui  naît  au  niveau  indiqué. 


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28  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Biêt  dâu  âm  lanh?  Biêt  dâu  ngot  bùi? 
1630    Toc  thë  dâ  châm  quanh  vai! 

Nào  16i  non  lïxt&c?  Nào  16i  sât  son? 

Dèo  bông  chut  phân  con  con; 

Nhân  duyên  biêt  cô  vuông  tron  cho  châng? 

«Thân  sao  nliiëu  n5i  bât  bâng? 
1635    «Lieu  nhu*  cung  quâng  chî  Hang!  Nghï  nao?» 

Dêm  thu  giô  lot  song  dào; 

Nù^  vành  trâng  khuyêt,  Ba  sao  gifra  trôi. 

1.  Litt.  :  «  Elle  savait  —  m  —  c'était  chaud  —  (et  ou)  c^ était  froid  f  — 
Elle  êavait  —  oh  —  c'était  doux  —  fet  oh)  c'était  savoureux  fp 

Elle  ne  savait  à  qui  s'adresser. 
Ce  vers  peut  être  interprété  de  deux  manières  : 
1°  On  peut  l'entendre  dans  le  sens  que  je  lui  donne. 
2**  On  peut  le  considérer  comme  se  rapportant  à  l'amant  de  r»/y  Jfe*^ 
qui  ne  sait  si,  en  ce  moment,  il  est  heureux  ou  malheureux. 

2.  Le  temps  qui  s'était  écoulé  depuis  que  ce  serment  avait  été  échangé 
était  déjà  si  long  que  la  boucle  de  cheveux  coupée  sur  la  tête  de  la  jeune 
femme  avait  eu  le  temps  de  croître  assez  pour  arriver  jusqu'au  niveau  de 
ses  épaules;  et  pourtant  ce  serment  n'était  pas  encore  accompli! 

3.  Litt.  :  «0«  (étaient)  —  les  paroles  —  de  montagnes  —  et  d'eau  f  —  Oh 
(étaient)  les  paroles  —  de  fer  —  et  de  vermillon  f* 

Le  poète  qualifie  ces  paroles  de  ^paroles  de  fer  ^^  pour  marquer  l'éner- 
gie de  la  résolution  qui  animait  les  deux  amants,  alors  qu'ils  les  pronon- 
cèrent; il  les  qualifie  de  •paroles  de  t?«r»it/fon>,  parce  qu'elles  émanaient  de 
c<Bur8  purs  et  sincères,  que  l'on  désigne  métaphoriquement  en  annamite  par 
le  nom  de  «  tbng  son  —  cœurs  de  vermillon  »  ;  car  OU  suppose  que  la  couleur 
naturelle  du  cœur,  qui  est  le  rouge,  se  ternit  lorsque  les  sentiments  qu'il 
renferme  perdent  de  leur  pureté. 

4.  Litt.  :  €Des  hommes  —  l'union,  —  on  savait  (si)  —  elle  aurait  —  (le 
fait  d')  être  carrée  —  (et)  ronde  (d'arriver  à  son  parfait  accomplissement)  — 
pour  (eux)  —  ou  nonf* 


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KlM  VAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  29 

Où  trouver  une  protection?  Où  rencontrer  le  bonheur»? 
La  boucle  du  serment  venait  toucher  son  épaule*-^!  1630 

Qu'étaient-eUes  devenues,  les  paroles  de  ce  serment  si  énergique  et 

si  sincère*? 
(Sanh)  avait  montré  de  la  sympathie  à  une  pauvre  fille; 

mais  qui  pouvait  dire  si  leurs  liens  devaient  ou  non  se  resserrer^? 

«Que  de  malheurs  fondent  sur  moi^!>  dit-elle. 

Devrai -je  (ainsi  toujours  attendre),  comme,  à  la  lune,  Hàng  (Nga)  1635 

dans  son  palais^?  A  quoi  pense  donc  (Thûc  Savh)? 
Le  vent  de  cette  nuit  d'automne  s'insinuait  à  travers  sa  fenêtre. 

La  lune  décroissante  montrait  la  moitié  de  son  disque  ;  les  Trois  étoiles 
au  firmament  brillaient  ^ 

Le  c^rré  et  le  rond  sont  deux  figures  géométriques  parfaitement  régulières. 
De  là  remploi  qu*on  en  fait  pour  exprimer  qu'une  chose  suit  son  cours 
avec  une  entière  régularité,  qu'elle  arrive  à  son  parfait  accomplissement. 

5.  Litt  :  €(Ma)  personne  —  pourquoi  —  (poêse-t-eUe  par)  beaucoup  —  de 
circonêtanceê  —  non  —  tranquilles  f  y* 

L'expression  composée  ^nhiiu  nii  bat  bang»  devient  par  position  un  vé- 
ritable verbe  qualificatif  qui  se  rapporte  à  €lhân», 

6.  Litt.  :  €je  risque  —  (qu^il  en  soit)  comme  —  du  palais  —  vasie  —  de 
ma  soeur  atnée  —  Hâng  (Nga)!  —  Il  pense  à  —  quelle  (chose) f» 

Kiêu  veut  dire  par  là  qu'elle  n'aura  pas  la  patience  d'attendre  toujours 
Thûc  sanh  dans  la  solitude  où  elle  est  confinée  comme  Hang  Nga  attend 
son  époux  dans  la  lune. 

«^  jK  Cung  quâng»  est  pour  «  &  ^£  ^  Quâng  hàn  cung  —  le  pa- 
lais du  vaste  froid  »,  un  des  noms  que  l'on  donne  à  la  lune. 

7.  Litt.  :  *La  moitié  du  —  cercle  —  de  la  lune  —  manquait;  —  les  Trois 
étoiles  —  étaient  —  au  milieu  de  —  le  ciel». 

Ce  vers  contient  une  allusion  à  la  première  strophe  de  l'ode  «]||B  j^ 
TVtt  mâu»  (Livre  des  Vers,  Sect.  1,  Liv.  X,  ode  V)  que  j'ai  déjà  eu  occa- 
sion de  citer  à  propos  du  vers  695. 

Cette  mention  des  <7'row  étoiles»  est  faite  ironiquement;  car  loin  d'avoir 
à  se  réjouir  d'avoir  été  mariée  dans  un  temps  favorable  et  d'être  réunie 
à  son  époux,  Tvg  kiêu  va  être  enlevée  par  les  émissaires  de  sa  rivale. 


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30  KIM  vAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Nén  hirang  dên  trirô-c  thîên  dài; 

Nôi  long  khan  chèa  can  161  van  vân! 
1640    Dirôd  lioa  dây  lu  âc  nhân; 

Am  âm  khôc  quf,  kinh  thân  moc  ra! 

Dây  San  girom  tôt  sang  16a! 

Thât  kinh,  nàng  chèa  bi^t  rang  làm  sao! 

Thuôc  me  dâu  dâ  nrdi  vào; 
1645    Mo*  màng  nhu  giâc  chiêm  bao;  biêt  gi? 

Giây  ngay  lên  ngira  tii-c  thi; 

Ph6ng  thêii,  vien  sâch,  bon  bë  lèa  dông. 

San  thây  vô  chu  bên  sông. 

Bam  vào  de  dô.  Lan  song  ai  hay? 
1650    Toi  doi  phâch  lac  hôn  bay, 

Pha  càn  bui  cô,  gôc  cây  an  minh. 

Thûc  ông  nhà  cOng  gân  quanh. 

Chçrt  trông  ngon  Wa,  thât  kinh,  rung  r6î! 

1.  Litt.  :  ^(  Quant  à)  la  circonstance  —   de  son  comr  —   (qtti)  faisait  des 
vcsux,  —  pas  encore  —  elle  était  à  sec  —  de  paroles  —  de  dire  —  et  de  dire», 

2.  Litt.  :  «  Bruyamment,  —  pleurant  —  à  la  manière  des  damons ^  —  fpon- 
vanlanl  —  à  la  manière  des  génies  —  ils  surgirent!» 

«^Qui»  et  *thdn»  sont  adverbes  par  position. 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  31 

Vers  le  ciel  son  encens  montait; 

mais  elle  n'avait  pas  terminé  sa  prière;  elle  priait  et  priait  encore  '! 
Du  sein  des  fleurs  surgit  la  bande  de  misérables.  1640 

Ils  apparurent  poussant  d'infernales  clameurs'-^. 
Partout,  nus,  dans  la  cour  étincelaient  les  sabres! 

Glacée  d'épouvante,  la  jeune  femme  ignorait  encore  ce  que  ce  pou- 
vait être. 
On  lui  avait  versé  je  ne  sais  quelle  boisson  enivrante  ; 

elle  était  comme  plongée  dans  un  songe,  inconsciente  de  ce  qui  se  1645 
passait. 

On  la  poussa  vers  un  cheval;  on  l'y  fit  monter  sur  le  champ, 

(tandis)  que  chambre  et  bibliothèque  devenaient  la  proie  des  flammes. 

Précisément  au  bord  de  la  rivière  se  trouvait  un  cadavre  abandonné^. 

On  l'introduisit  (dans  la  maison)  et  on  l'y  laissa.  Personne  n'aurait 

pu  découvrir  le  subterfuge  M 
Hors  d'eux  de  terreur'',  seiTiteurs  et  servantes  i650 

couraient  aflblés  dans  les  buissons;  ils  se  cachèrent  derrière  des 

troncs  d'arbres. 
La  maison  de  Thûc  ông  se  trouvait  dans  le  voisinage. 

Tout-à-coup  il  aperçut  les  flammes  et  fut  saisi  d'épouvante  ! 

3.  Litt.  \  *.  .  ,  ,  un  cadavre  êona  propriétaires, 

4.  €Lûn9  signifie  «i frauder»  et  ^song»,  *  une  partie  de  jeu», 

5.  Litt.  :  «  Les  servante»  —  (quant  an)  phâch  —  ti* égaraient,  —  (quant  au) 
htm  —  vofnienij» 


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32  KIM  vAn  KIËU  tAK  TRUYÊSf. 

T&  tliây  ehay  thlug  dën  liai; 
1655    Toi  bèî  tirdi  lt!ta,  Ûm  ugrïin  lao  xao. 

(iiô  tang  ngon  lèa  càug  cao! 

Toi  doi  tim  dti;  nkng  nào  thây  dân? 

Hét  lia  hô*t  hàî  iiliiii  nhau! 

Giëug  sâUj  biiî  râîii^  tiirô-c  sau  tim  quàiig. 
1660    Cliay  ra  l4iôu  cù  phuiig  liuaiig; 

Truiig  tliaii  thây  mot  dôiig  straiig  eliày  tàii! 

Ngay  tiiih,  ai  bie't  rauu  gian? 

Hân  nàîîg  tliôi!  Lai  eô  bàii  rang  :  «AI»? 

"rh4a  ùmj  roi  ky  yiw  dài. 
i^îGfj    Ngliî  con  vâiig  vé,  tliiiang  ogirM  net  na! 

I)i  bàî  nhât  gôî  vë  tihk  ; 

Nào  là  kliàm  liêm,  nào  là  te  traï. 

Le  tliirô^ng  dft  ven  mut  haï, 

Lue  triuh  cbàng  eûng  deii  nai  bây  gîfr. 

li   Lift.   :  *  Le^  itervifjSiirx  et  te»  serwsniêg  —  rh^r^t^rmU  —  «i^'wi «»'*''•  ' 
îti  jtiiiie  fenimt»  —  érf^ffC-çii'   —   iU  (la)  virent.  —  mV  fffui*  ft  fti/)fy 

t.  L'fin  inMtrmit  k  lu  rigueur  se  disppiiai'r  i\v  tr.itîniri*  Ips  ai^jertifr'*^  " 
prnfùnd  '  ut  -  rdm  —  épaU>,  ces  Utnix  L*|>it litotes  iit^  st'  îr<rtiv«nf  \h  Hi*''  ^""'^ 


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KTM  vAK  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  33 

i  domestiques^  tous  accounirent  aussitôt  ! 
imnlte  !  On  jetait  de  Teau  sur  le  feu  ;  on  recherchait  Tûy  1666 
e  par  le  vent^  de  plus  en  plus  montait  la  flamme, 
îteurs  eurent  beau  chercher i;  déjeune  femme  nulle  part! 
uoode  se  regardait  ;  on  ne  savait  quel  parti  prendre  ! 

!ha  dans  le  puits  profond,  au  sein  des  buissons  touffus^;  de- 

derrièrej  aux  environs! 

'on  courut  à  leudroit  où  naguère  se  trouvait  la  chambre,      166O 

it  dans  les  charbons  un  monceau  d'os  consumés! 

au  e<Bur  sincère  pouvaient-ils  soupçonner  une  fraude? 

îen  elle!  et  qui  serait-ce?»  dirent-ils  en  se  consultant 3. 

7  répandit  des  larmes  abondantes  K 

t  à  sou  fiïs  absent  ;  il  regrettait  cette  modeste  fille  !  1665 

porta  chex  lui  les  ossements  soigneusement  enveloppés; 

leevelît,  on  Eâcrifia,  on  jeûna. 

i  avait  accompli  fjuelques-unes  des  cérémonies  accoutumées 

e  jeune  homme  sar\'int,  arrivant  par  la  route  de  terre. 

UD  de  ces  effets  de  parallélisme  si  recherchés  par  les  poètes  an- 

*  :   *En  vérëé  —  celait  la  jeune  femme!  —  il  aufJUait!  —  En  outre 
ml  ^  (U  fait  dé)  délibérer  —  digant  :  —  «gwtf  » 
.  :   €  .  ,  .  .  Udtta  t&niher  —  des  larmes  —  courtes  —  et  longues*. 

3 


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M  Kl  M  vAX  KlEc  TAN  TRl-YÇX. 

IIÎ70    Birét*  vào  chôii  m  lau  thcr; 

Tro  tliaii  mot  dông!  Nâiig  mira  IkÎii  tv^imgl 
Sang  Tïhà  cha,  toi  tiniug  dirôug; 
Linh  sang,  bài  vi;  tliir  uàug  A  trfnî 
Hô-i  6i!  NÔi  hêt  stt^  diiyéii! 

l^iîi    Ta  tînli  dut  mot,  lén  phîën  chày  gan! 
Gieo  mlnli  vàt  va  klicic  thaii* 
«Con  ngirôrl  tliê  ây!  Thàc  oan  tbe'uay! 
«Châc  rang  mai  tnr^c  lai  vâyî 
«Aï  hay  vlnh  quyêt  dên  ogày  dura  nhau?» 

ir,80    Thumig  càng  ngliî,  nghï  càng  dau! 

«De  ai  lâp  thâm^  qnat  sau  cho  khuày?;» 
Gân  oiiën  nghe  co  mot  thây 
Phi  |iliù  tri  qui,  eao  tay  tliông  huyën* 
Trêii  Tarn  btni,  diréi  Cêtii  tuyê^^. 


1.  Lift.  :  *  Lt  Jil  -—  de  rafe^ihn  ^  Jîl  9i  t^mpêr  —   ^f*  rttlrmfUmi  —  I 
frit   —  du  chmjrin  —  Jit  *t  i^in't/pr  —  jn>«  foi&/» 

2.  Les  éjïiMIX. 

Ik  Lit  t.  :  *  Eët-ûe  qut  —  ipidijuun  —  vfmJdfijffdt  —  tn  irkêÊêm  —  {^i/  mbi 
é$rmt  (dt4M«erak  attee  Véiîêniaiij  iê  4^ififff*m  —  de  man&tm  à  m  qm*  — 3m  tttmt 


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KIM  VÂN  KIÊIJ  TAn  TRUYÇN.  35 

n  se  dirigea  vers  l'endroit  où  se  trouvait  jadis  le  cabinet  de  travail.  1670 

(Plus  rien  qu')une  masse  de  charbons  et  de  cendres  !  Des  murs  ou- 
verts à  tous  les  vents  ! 
n  se  rendit  à  la  maison  de  son  père  ;  et  là,  au  milieu  de  la  salle, 

8ur  un  autel  (il  aperçut)  la  tablette  de  la  jeune  femme  ! 

Hélas  !  Hélaâ  !  on  lui  raconta  tout  ! 

A  la  pensée  de  ses  amours  perdues  ses  entrailles  se  déchirèrent  ;  il  1676 

sentit  dans  son  cœur  la  brûlure  du  chagrin^  ! 
Pleurant,  gémissant,  il  se  jeta  sur  le  sol  (comme)  pour  y  briser  (son 

corps). 
«Une  telle  femme!»  s'écria-t-il;  «un  si  horrible  trépas! 

«J'étais  persuadé  que,  le  Mai  et  le  bambou ^  allaient  être  de  nou- 

>  veau  réunis! 
«Pouvais -je  penser  que,  le  jour  de  notre  séparation,  elle  me  disait 

>un  éternel  adieu?» 
Son  regret  excitait  ses  pensées,  ses  pensées  ravivaient  sa  douleur!     leso 

Qui  calmerait  cette  tristesse?  Qui  dissiperait  ce  chagiin^? 

Il  apprit  qu'aux  environs  se  trouvait  un  maître  (sorcier) 

habile  à  faire  voler  les  amulettes,  à  invoquer  les  démous,  à  pénétrer 

dans  les  enfers  \ 
Que  ce  fût  dans  le  paradis  ^,  que  ce  fût  auprès  des  neuf  sources, 


Le  substantif  composé  i^thàm  sâu  —  profonde  afjlictwn*  est  dédoublé, 
et  les  éléments  qui  le  composent  aflfectés  comme  régime  aux  deux  verbes 
que  renferme  la  préposition. 

4.  «^^   Huyên*  est  ici  pour  «^^  ^jSk  huyên  d&  —  la  sombre  capitale». 

5.  Le  paradis  de  Bouddha. 

3* 


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36  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

1685    Tim  dâu,  thi  cûng  biêt  tin  r3  rang! 

Sâm  sanh  le  vât,  dira  sang; 

Xin  tim  cho  thây  màt  nàng  hôi  han. 

Dao  nhon  phuc  tnrô'c  tlnli  dàn  ; 

Xuât  thân  dây  phùt,  chira  tàn  nén  liirang! 
1690    TrO"  vë  mînh  bach  n6i  tirÔTig  : 

«Mât  nàng  cMng  thây;  vîêc  nàng  dâ  tra. 

«Ngirôi  nây  nâng  kiêp  oan  gîa! 

«Côn  nhiêu  nçr  lâm!  Sao  dà  thâc  cho? 

«Mang  cung  dang  mâc  nan  to! 
1695    «Mot  nâm  nfra  mô-i  thâm  do;  dirac  tin! 

«Hai  bên  hîêp  mât  chin  chin; 

«Muôn  nhin,  ma  châng  dâm  nhin!  La  thay!» 

«Dell  dâu  nôi  la  dirô'iig  nây? 

«Su*  nàng  là  thê,  IW  thây  dâm  tin? 

1.  Litt.  :  *  Cette  personne-ci  —  est  lourde  —  (quant  à  non)  existence  —  de 
malheurs  !  » 

2.  Le  verbe  neutre  annamite  «  :^  thàc  —  mourir»  reçoit  de  la  prépo- 
sition «  -^  cJio  —  à»  qui  le  suit  une  valeur  tout  à  fait  différente  de  celle 
qu'il  a  onlinairement.  Employé  ainsi,  il  renfenne  une  idée  de  faveur,  de 
permission,  de  faculté  accordée  à  quelqu'un.  La  traduction  littérale  ;  ««wi- 
ment  —  a-l-on  mort  —  à  (elle)»  est  par  trop  barbare,  et  réellement  incom- 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  37 

où  qu'il  s'enquît,  toujours  il  avait  des  nouvelles  certaines  !  1686 

(Sanh)  prépara  des  cadeaux,  les  oflFrit, 

puis  il  pria  le  magicien  de  chercher  à  voir  la  jeune  femme  afin  de 

rinterroger. 
Le  sorcier  se  prosterna  devant  Tautel, 

et  son  âme  sortit  eu  moins  de  temps  qu'un  pain  d'encens  n'en  met 

à  brûler. 
Il  revint,  et  clairement  il  dit  :  1690 

<  Je  n'ai  point  vu  la  jeune  femme,  mais  je  me  suis  enquis  de  ce  qui 

>  la  concerne. 

«  Il  lui  faut,  en  cette  vie,  porter  un  lourd  poids  de  malheur  *  ! 

«Sa  dette  est  grande  encore;  comment  lui  serait -il  accordé  de 
mourir  2? 

«  Son  destin  lui  réserve  de  grandes  infortunes  ! 

<  Informez- vous  dans  un  an,  et  vous  aurez  de  ses  nouvelles  !  1695 
«Tous  deux  vous  serez  mis  en  face  l'un  de  l'autre. 

«Vous  voudriez -vous  reconnaître,  mais,  chose  étrange!  vous  ne  Fo- 

>  serez  !  » 

«Vous  me  dites»,  dit  Sanh,  «des  choses  singulières^! 

«Après  ce  qui  lui  est  arrivé,  comment  croirais  je  à  vos  paroles  *? 

préhensible  en  français.  Elle  reproduirait  cependant,  sMl  était  possible  de 
remployer,  le  sens  exact  que  donne  au  verbe  dont  il  s'agit  la  position  qu'il 
occupe  dans  le  vers. 

3.  Litt.  :  «  (Quant  aux)  choêeg,  —  oh  (est  le  fait  que)  —  vous  (les  dites)  — 
étranyes  —  de  cette  n^anière-cif* 

Nous  disons  familièrement  en  français  :  *0h  prenez-vous  tout  cela?» 

4.  ^Thë»  est  pour  *t}^  dy»,  —  Le  second  hémistiche  contient  une  in- 


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m  KT*r  vAn  kiêlî  tIn  TRirrÉN* 

1700    'cCliâiig  qna  dông  côt  qiiàiig  xuyéii! 

<Ngiràî  di\u  ma  laî  tlïây  treii  coi  trâii?» 

Tiêe  hoa;  nhfrng  ngàm  tigiii  xiiân! 

*TliâE  nây  de  lai  may  lân  gaji  tien?» 

^Xiréc  troï  hoa  rang  dâ  y  eu! 
1705    <C6  dâu  dia  nguc  à  mîëii  nli0ii  gian?» 

Klmtjèn  ITitg  dâ  dên  iimii  giaii; 

VïTC  nàng  dira  xuong  dé  an  dirô-i  tlmyën, 

Buôm  cao  lèo  tliâiig  eâiib  xifîng  ; 

Bfe  eliùîig  lîiiyeii  HcA,  bâiig  mïëu  virât  sang. 
Il  10    Beu  bëii,  len  tiirétî  thinh  ducnig; 

Kkmjmi  Uny  liai  dùa  nap  nàiig  dâng  côiig. 

Vire  nàîig  tara  xuôiig  mon  pliung. 

Hây  con  tliip  thfp;  giâc  nôjjg  rhtra  pliai. 


VfTïinn,  dc^tînèî^  «  f obtenir  le  paraliélisine  de  poi^îtioti  tnitrc  ^m  nàn^  — 
r7io*e«  de  In  jetatr  Jhnm*?^  t^t  *  i*r*  Ût^tf  ^-  hit  parole*  dn  maUt^^^  ïhA  lH 
[n  vffs,  ]M)ur  êtru  imt'ux  fuit^  n'en  est  pas  nioÎDa  ckir. 

I ,  I  Jtt,  :   -£  /^  rtffnttnii.  -*  /a  Jifëttr;  —  fU  ne  faiëaù)  aA«?/«fiî*nl  (f«€  -  ?/ 

J'ai  rlit  pins  bant  ce  qu'il  faiit  eatonclrp  par  */*T<r-  t't  .|>r*ni^ni»i 
*i.    Lîtti   ;    '  ^V  cof^tjr  —   t^Mt-r^  ffUf!  —  tifi  ntjftvénn  —  i^rmhien  rA?  —  fiit  t 

3.  <E]k  n'existe  pïus*!- 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  39 

«  (^Tout  ceci)  n'est  autre  chose  qu'une  jonglerie  de  sorcier!  noo 

«Où  pourrait-elle  donc  être,  qu'en  ce  monde  on  puisse  la  revoir?» 

H  regrettait  l'objet  de  ses  amours,  et  repassait  sans  cesse  en  son 

esprit  les  plaisirs  (qu'il  goûtait  avec  elle)  '. 
«Comment  pourrais -je  jamais  >,  disait -il,  «retrouver  une  personne 

>  aussi  accomplie  ^  ? 
«Les  eaux  ont  emporté  cette  fleur  tombée;  c'est  certain ^î 

«Comment  les  enfers  pourraient  -  ils  se  trouver  dans  le  monde  des  1705 

hommes^?» 
Khuyen  et  Uhg  avaient  mené  à  bonne  fin  leur  entreprise  perverse. 

Ils  portèrent  avec  précaution  la  jeune  femme  vers  la  barque,  et  l'y 

mirent  en  sûreté. 
La  voile  fut  hissée,  bien  assujettie  par  les  cordages.  Au  vent,  de  côté, 

elle  se  présenta. 
Mettant  le  cap  sur  le  huyen  de  Tich,  ils  cinglèrent  droit  vers  ce  lieu, 

et  (dès)  leur  arrivée  à  l'embarcadère,  ils  se  présentèrent  à  la  salle  1710 

de  réception. 
(Là)  Khuyen  et  Uhg  livrèrent  la  jeune  femme  et  demandèrent  leur 

récompense  ^ 
On  déposa  provisoirement  Kiêu^  dans  une  pièce  voisine  de  l'entrée. 

Elle  demeurait  insensible,  et  son  sommeil  durait  toujours  ; 


4.  «  Comment  pourrait-an  retrouver  en  ce  monde  une  personne  qui,  étant  morte, 
habile  Uê  régionê  inférieures  f*  KHu  ne  peut  être  à  la  fois  sur  la  terre  et 
dans  le  royaume  des  ombres.  Il  faudrait  pour  cela  que  Tordre  immuable 
des  choses  fût  bouleversé,  que  les  enfers  et  le  monde  des  hommes  fussent 
confondus  ensemble. 

5.  Lit  t.  :«....  offrirent  —  (leurs)  mérites^. 

6.  Le  poète  emploie  dans  ce  vers,  pour  désigner  son  héroïne,  le  même 
terme  (nàng)  que  dans  le  précédent.  Il  n'est  pas  possible  de  faire  de  même 
en  français,  où  de  pareilles  répétitions  seraient  intolérables. 


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40  RÎM  TAK  KTEU  TAn  rBUYÇH. 

llmuli  lirmig  iighe  tiiûi  lioii  mai, 
ni/v    «Cèa  lilui  dilu  mâty  Lan  ûki  nào  dây?» 

Bàug  lioàug  ilà  tîiili  dà  say, 

Tliiiih  trCii  màîig  tiêiig  dû!  iigsy  lêii  hau, 

A  Imbu  trCu  diréi  giiM*  mau; 

Hâi  Iiùiig  îum^  mèi  tlieu  sau  muî  ngw&î. 
1720    Liée  trông  tuà  roiig  dày  dài; 

^Tkièn  qiHiM  hmng  te.»  eu  bàî  trco  tren. 

Bâiig  ughy  dèii  thàp  liai  beu; 

Treii  giuirng  tliât  bùti,  ngôi  Icn  mot  bà. 

Gaii  gùiig  iigoiî  hii,  nhành  tra; 
lîâô    Su-  luiiih  nkug  M  cû  mk  gèi  tliira. 

Uât  tiiih  nui  giân  inây  mua! 

L  Lïtt.  :  -  (Aprht  tjue  *^e  /fit  ëesmlé  le  temps  de  cuire  une  marmiié  diRj  Ltti" 
jaune  —  on  ùntmtdU  —  revenir  à  die  —  ëon  âme  —  dm  Mai*, 

Les  uuAs  '^hy'^nk  Itrauf}*  eoiistituent  une  espèce  d'elJi|ï»*?  ih  1»  nj^ 
nature  â[uv  edle  *h  VtjLpws^\on  ^ûtitàh  khi*  doot  j'ai  pari 6  ploîi  hmt. 
Vidée  qu'ils  reiiiVroient  est  la  même  cpie  eelle  que  doiis  voyons  expnu 
au  vers  iBëîJ  par  les  raofB  ^chua  ùin  néa  hinm^*,  —  Par  répithète  «  Jf«' 
poète  fait  camprendre  que  Tàme  dont  il  s'agît  est  celle  d^uue  per^jnn*^  if* 
h  beauté  gracieuse  et  éléjtçiiute  est  comparable  à  celle  de  l'arbi-e  decui^*- 

2.  Lîtt»  :  -  (Tièdtf/ée  m  cm  ierm^s  :J  *  Du  €id  —  umnânrin  —  &  Tré^  ' 
—   U  y  avait   —   une  lâbleUe  —  «uâpmidue  en  hikUi  *-. 

Le  *  rrïîru?  U  ^1  litt,  :  ^  EnUnent  préddeni  »  esl  une  eepéee  fit*  h»«t  d'^' 
teur  des  services  civils.  Il  est  placé  au- dessus  des  miijistri**i  iju'il  dlrl 
Comme  le  père  de  Buan  Mct  avait  été  revêtu  de  cette  d^Aité^  rBiBtp«n 


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KIM  tAn  kiêu  tAx  TRUY^N.  41 

eu  nprès  'j  ou  Teu  tendit  qui  reprenait  conuaissanee. 

n'ent»  ili*îait-elle  4 que  je  ne  suis  plus  dans  ma  chambre  V  et  1715 

I  est  donc  i*e  j^alais*  ci?> 

ourdie  encore^  à  moitié  réveillée;  à  moitié  assoupie^ 

endit  dans  k  salle  une  voix  qui  lui  enjoignait  de  se  présenter 

ijte. 

?ant^j  survenant  dtf  toutes  pai-ts,  Texcitèrent  à  se  hâter. 

l'effmî,  la  jeune  femme  à  leur  suite  se  mit  en  marche. 

a  un  coup  d'ciïi!  autour  d'elle  et  aperçut  une  salle  immense     1720 

t  de  laquelle  était  suspendue  une  tablette  avec  ces  mots  : 
ndarin  impirkdj  président  du  Ministère'^», 

deux  cotés  (de  k  table")  étaient,  en  plein  jour,  allumées  des 
un  lit  onié  des  Hept  choses  précieuses,  elle  vit  une  dame 
k  pressa  de  questions  ^, 
une  femme  lui  fit  connaître  tout  ce  qui  la  concernait.  1725 

ne  lui  parle)  durement,  eUe  entre  dans  une  terrible  colère  \ 

:  conféré j  â  titre  de  distinction  honorifique,  le  droit  d'en  exposer 

rracé  en  raractères  d*or  sur  une  tablette  qui  demeurait  suspendue 

salle  principale  de  pïi  maison. 

;8  personnes  qtii  occupent  de  hautes  positions  administratives  sont 

dans  l'habitude  de  faire  placer  en  plein  jour  des  bougies  allumées 

ible  devant  laquelle  elles  s'asseyent. 

tt.  :   <  En  ùpproftnidhjfont,  —  (qttant  àj  la  cime  —  elle  interrogea;  — 

U3ê)  hfranchat  — -   eîît  i'ênquU*, 

tt.  ;   «  Samt   —    xentimmd  —  elle  élève  —  une  colère  —  de  nuages  — 

:eur  compare  la  colère  qui  surgit  dans  le  coeur  de  Hoan  thtr  à  un 

II  éclate*   Le  verbe  *gidn  —  se  fâcher,  se  mettre  en  colère*  devient 
if  par  position. 


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42  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Nliiêc  nàng  nhimg  «giông  ba  thô*  quen  thân>! 

cCon  nây  châng  phâi  thiên  nhân! 

cChâng  màu  trôn  chù,  thi  quân  Ion  chông! 
1730    «Ra  tuông  mèo  ma  c6  dông, 

cRa  tuông  lûng  tung!  Châng  xong  bë  nào! 

«Bft  dem  mlnh  bân  cA'a  tao, 

«Lai  con  khnng  khinh,  làm  cao  thê  nây! 

«Gîa  phâp  dâu  trè  no  bay? 
1735    «Hây  clio  ba  chue  biêt  tay  mot  lâu!» 

A  huÙTi  trên  Axriri  «da!»  rân; 

Dâu  rang  tràm  mîeng  khôn  phân  nhë  nào! 

Tnrdc  côn  ra  sirc  âp  vào! 

Thit  nào  châng  nât?  Gan  nào  châng  kînh? 
1740    X6t  thay  dào  ly  mot  nhành! 

1 .  Litt.  :  «  Elle  (ne)  dit  comme  insidtes  à  ~~  la  jeune  fenwie  —  abêolwntnt 
que  des  :  —  «  eêp^,ce  —  de  dévergondée  —  qui  es  habituée  —  (quant  à  ta)  per- 
sonne !»  (Créature  qui  vis  dans  V habitude  du  dévergondage!)» 

2.  On  trouve  sur  les  tombeaux  des  chats  errants  qui  s'y  reposent;  et 
Faigrette  court  çà  et  là  dans  la  campagne,  en  quête  des  ordures  dont  elle 
se  nourrit.  De  là  cette  figure  employée  par  Hoan  tha  pour  exprimer  que 
Tût/  kiêu  est  une  malheureuse  sans  feu  ni  lieu. 

3.  Litt.  :«....  iV(5  pas  —  (la  rechercïie  de  ce  qu'elle  est  au' juste)  —  est 
achevée  —  (quant  à)  un  côté  —  quel  (qtiil  soit)!» 

4.  Litt.  i^Dela  maison  —  discipline,  —  ou  (sont)  —  ces  garçons,  —  vous(auires)f» 


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KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  43 

Elle  rinsulte,  elle  l'appelle  :  ^dévergondée!  JUle perdue \f^ 
«Cette  créature»,  dit-elle,  «n'est  point  une  personne  honnête! 

«  Si  ce  n'est  pas  une  esclave  fugitive,  elle  est  de  celles  qui  se  trom- 

>pent  de  mari! 
«On  dirait  d'un  chat  de  tombeaux,  d'une  aigrette  vagabonde^!         1730 

«Elle  a  l'air  embarrassé!  Tout  cela  n'est  nullement  clair 3! 

«Tu  es  venue  toi-même  te  vendre  dans  ma  maison, 

«  et  tu  te  montres  grossière?  et  tu  prends  ces  grands  airs  (avec  moi)? 

«Où  sont  donc  les  gens  chargés  de  manier  le  rotin ^? 

«Donnez-lui  en  trente  (coups)!  et  qu'elle  sente  une  fois  ce  que  pèse  1735 

>  votre  bras  !  > 
«Madame  va  être  obéie!  >  dirent  en  chœur  les  suivantes. 

Kieu  aurait  eu  cent  bouches  qu'elle  n'eût  pu  placer  un  mot  ! 

Avec  un  bâton  de  bambou  on  la  frappe  à  tour  de  bras! 

Quelle  chair  n'en  serait  broyée?  Quel  cœur  n'en  serait  frappé  d'é- 
pouvante? 
Hélas!  ce  Bào  et  ce  prunier  appartiennent  à  la  même  branche*^!      1740 


6.  Lîtt.  :  *Je  sttis  ému  —  combien!  —  (Ce)  pêcher  —  (el  ce)  prunier  — 
(sont)  éCune  (même)  —  branche!  (ces  deux  personnes  sont  femmes  toutes  deux!) 
D'un  —  côté  —  (il  y  a)  la  pluie  —  (et)  le  vent;  —  on  est  brisé  —  d'un  — 
côté  (de  Vautre  coté)!* 

Le  Pêcher,  c'est  Tûy  kieu;  le  prunier,  c'est  Hoan  tho. 
On  pourrait  aussi  considérer  les  deux  mots  <Bào»  et  «iy»  comme  se 
rapportant  tous  deux  à  Tity  kWu,  Il  faudrait  alors  traduire  ainsi  ces  deux 
vers  : 

^  Que  je  plains  ce  rameau  de  pêcher,  cette  branche  de  prunier  ! 
Pour  le  briser,  un  orage  a  suffi!» 


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44  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUY^N. 

Mot  phen  mira  gio,  tan  tành  mot  phen! 
Hoa  iw  truyën  day  dèi  tên, 
Phong  thêu  day  âp  vào  phiên  thi  Û. 
Ra  vào  theo  lu  thanh  y; 
1745    Dâi  dâu,  toc  roi,  da  chl,  quâii  bao? 

Hoan  gia  c6  mot  mu  nào. 
Thây  ngirM  thây  net  ra  vào  ma  thirang. 
Khi  trà  chén,  khi  thuôc  thang; 
Giùp  IM  phirang  tien,  mô*  dàng  hâo  sanh. 
1750    Day  rang  :  «May  rùi  dâ  dành! 

«Lieu  bô!  Minh  giû*  lây  minh  cho  hay! 
«Cûng  là  oan  nghiêp  chi  dây; 


Je  préfère  la  première  version,  bien  qu'il  faille,  pour  Tobtenir,  donner 
au  mot  *phen*  le  sens  de  *c6té»,  qu'il  n'a  que  par  dérivation.  Dans  le  style 
imagé  le  pêcher  et  le  prunier  sont  généralement  opposés  Fun  à  l'autre. 
Cette  opposition  est  même  nettement  exprimée  dans  la  maxime  chinoise  sui- 
vante, qui  a  vraisemblablement  inspiré  au  poète  annamite  l'idée  renfermée 
dans  ces  deux  vers  :  «  ijA^  ^fe  "^  ^^  Bào  ly  iranh  xuân  —  Le  pêcher  et 
le  prunier  rivcUisent  (ê^aJtiraiU)  prirUanierê», 

Il  est,  du  reste,  assez  probable  que  Ngwfkn  Du  aura  eu  le  dessein  d'é- 
tablir ici,  comme  il  le  fait  souvent,  une  amphibologie  calculée. 

1.  Voy.  la  note  précédente. 

2.  L'expression  «  Hoa  nô  »,  litt.  :  «  Fleur  etdaoe  »  se  prend*  dans  le  sens 
à^^etdave  de  fankMie,  esclave  dont  on  ne  tire  ctucun  prqfil». 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  45 

Le  premier  provoque  Forage,  et  le  second  est  brisé  '  ! 

On  lui  ordonna  de  quitter  son  nom,  de  prendre  celui  de  Hoa  nô^, 

et  de  se  tenir  dans  la  chambre  de  travail  pour  faire,  à  son  tour  de 

rôle,  le  service  de  suivante  \ 
Elle  dut  aller  et  venir  avec  les  autres  domestiques  ^ 

Peu  importait  que  la  fatigue  la  brisât,  que  sa  chevelure  fût  en  dés-  1745 
ordre,  et  que  sa  peau  fût  plombée  ! 

Dans  la  famille  de  Hoqn  se  trouvait  une  vieille  dame. 

Ayant  vu  Kmi,  elle  remarqua  sa  distinction,  et  la  prit  en  pitié. 

Elle  lui  donnait  tantôt  une  tasse  de  thé,  tantôt  quelque  médicament, 

lui  disant  de  bonnes  paroles,  et  cherchant  à  lui  rendre  la  vie  (plus) 

supportable  l 
«Le  bonheur  comme  Tinfortune  sont»,  lui  disait-elle,  €  choses  fixées  1750 

»d*avance! 
«Veille  bien  sur  toi,  ô  gracieuse  et  faible  enfant®! 

«Peut-être  portes-tu  aujourd'hui  un  héritage  de  malheur; 


3.  Litt.  :  •(Dans)  la  chanihre  —  à  broder  —  on  (lui)  ordonna  d'  —  en 
9* approchant  —  entrer  dans  —  les  rôles  —  d^ assistantes  —  servantes  ••. 

4.  Litt.  :  «.  .  .  .  la  troupe  —  des  bl^is  —  hafjits». 

Les  serviteurs  des  g^'^nds  personnages  sont  ainsi  désignés  a  cause  de 
la  couleur  affectée  à  leur  vêtement. 

5.  Litt.  :  €  Employant  pour  V aider  —  des  paroles  —  charitables  —  et  (lui) 
ouvrant  —  (une)  voie  —  de  bonne  —  existence*. 

Le  verbe  giûp  a  ici  pour  régime  direct  non  pas  le  nom  de  la  personne, 
mais  celui  du  moyen  d'action.  La  langue  française  ne  permettant  pas  un 
semblable  emploi  du  verbe  aider ,  je  suis  forcé  d'employer  une  périphrase. 

G.  Litt.  :  cO  savle  et  jonc!» 


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46  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

«Sa  ca  méi  dên  thê  nây  châng  nhiriig! 

«U  dây  tai  vâch,  mach  rirag! 
1755    «Thây  ai  ngirô-î  cwu,  cûng  dirng  nhin  chi! 

«Kèo  khi  sâm  sét  bât  ky! 

«Con  ong  câi  khiën  kêu  gi  dirac  oan?» 

Nàng  càng  dé  ngoc  iihir  chan; 

No  long  no  nhirng  bàn  hoàn  niëm  tây. 
1760    «Phong  trân  kiêp  dà  chiu  dày; 

«Lâm  than  cûng  c6  thir  nây  bâng  hai! 

«Làm  sao  bac  châng  vira  thôi? 

«Châng  châng  buoc  mai  lây  ngirM  hông  nhan? 

«Bâ  dành!  Tùc  trâi  tien  oan! 

1.  Litt.  :  <Tcmbant  dans  —  des  machinations,  —  enfin  —   tu  es  arrivée  à 
—  cette  condition  —  peut-être  —  aussi  f* 

2.  Litt.  :  €lci  —  (il  y  a)  des  oreilles  —  de  murs,  —  des  sources  —  de  forêts!» 
Ce  vers  fait  allusion  au  proverbe  cochinchinois  :  ^Bkng  c6  mach,  vâch 

cô  tai,  —  La  forêt  a  des  sources,  les  murs  ont  des  oreilles  (de  même  que  dans 
la  forêt  qui  est  déserte,  U  y  a  cependant  des  sources,  de  même,  sur  utic  muraille 
qui  semMe  unie,  U  existe  des  oreilles)». 

L'identité  absolue  du  second  membre  de  ce  dicton  annamite  avec  notre 
proverbe  français  est  très  remarquable. 

3.  Litt.  :  «  (Si)  tu  vois  —  qui  (que  ce  soit)  —  homme  ancien,  —  tout  aussi 
bien  —  garde-toi  de  —  (le)  reconnaître  —  en  quoi  (que  ce  soit)!» 

Les  mots  «  ngurbi  cyni  —  homme  ancien  »  sont  synonymes  du  chinois  €  "db 

A  CO  nhom  »  et  signifient  comme  lui  «  une  ancienne  connaissance  ».  Il  est  bon  de 

remarquer  que  cette  expression,  composée  elle-même  d'un  substantif  et  d'un 

adjectif,  devient  par  position  un  adjectif  bisyllabique,  lequel  qualifie  le  pronom 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUY^N.  47 

«  peut-être  aussi  de  (perverses)  machinations  t'ont-elles  réduite  à  ce 

»  point  de  misère  *  ! 
«Ici  les  murs  ont  des  oreilles^  et  Ton  sait  tout  ce  qui  se  passe ^! 

«Si  tu  aperçois  un  visage  familier  »,  garde-toi  de  le  reconnaître^        1755 

«de  peur  qu'inopinément  la  foudre  ne  vienne  à  éclater! 

«Et  comment  (alors)  une  abeille,  une  fourmi  pourrait  -  elle  obtenir 

>  justice^?» 
(A  ces  mots)  les  larmes  de  Kiëu  coulèrent  en  flots  plus  abondants 

encore*, 
et  son  cœur  fut  rempli  d'une  inquiétude  secrète^. 

«Mon  destin  dans  ce  monde  est  d'être  exilée!  »  dit-elle;  17G0 

«mais  cette  fois  ma  misère  redouble'! 

«La  série  de  mes  malheurs  n'est-elle  donc  point  épuisée? 

«  (Le  destin  ennemi)  autour  de  ma  beauté  toujoure  resserre  ses  liens! 

«Il  n'en  faut  point  douter!  je  paie  une  ancienne  dette®! 

<at»  qui  le  précède.  Il  y  a  lieu  de  noter  ici  le  rôle  de  *ch%  —  quoir^  qui  n'est 
pas,  comme  on  pourrait  le  croire,  le  régime  direct  de  ^nKm^,  mais  bien  un 
véritable  adverbe  de  manière  qu'il  faut  traduire  par  «en  quoi  (que  ce  êoUJ*, 

4.  Litt.  :  «.  .  .  .  crier  —  en  quoi  (que  ce  noU)  —  pourraient  —  V injustice f  * 
On  dit  en  annamite  écrier  V injustices  au  lieu  de  *. crier  à  V injustice*.  Le 

régime  direct  de  «Aréu»  est  *ocm*,  ^Kéu  gi  duac  oan*  est  une  inversion 
pour  *kéu  oan  g*  duoc*.  Le  mot  €g\»  doit,  en  conséquence,  être  pris  ici 
adverbialement,  comme  son  équivalent  «c/t»»  qui  terniine  le  vers  1755. 

5.  Litt.  :  «  La  jeune  femme  —  d'autant  plus  —  versa  —  des  pierres  pré- 
cieuses —  comme  —  une  averse  de  pluie,* 

6.  Litt.  :  *  Saturée  —  (quant  au)  cœur,  —  elle  (n  jetait  saturée  —  absolu- 
ment que  d'  —  inquiétude  —  (quant  à)  —  ses  pensées  —  secrètes*. 

7.  Litt.  :  €  (Quant  à)  Vinfortune,  —  aussi  —   il  y  (en)  a  —  cette  fois  — 
comme  —  deux!* 

8.  Litt.  :  €(Test  arrêté!  —  (il  y  a  une)  concernant  une  existence  antérieure 
—  dette;  —  (il  y  a  une)  précédente  —  injustice!* 


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'^\yi   'f^  ' 


48  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

1766    «Cûng  lieu  ngoc  nât  hoa  tàn;  ma  chi?* 

Nhiïng  là  nirang  nâu  qua  thi, 

Tièu  tha  phài  buèi  moi  vë  ninh  gîa. 

Me  con  trô  chuyen  lân  la  ; 

Phu  nhan  moi  goi  nàng  ra  day  16i  : 
1770    «Tièu  tha  dirôi  trirông  thiêu  ngirM; 

«Cho  vë  bên  ây  theo  dôi  dài  trang!> 

Lânh  16i,  nàng  méi  theo  sang  ; 

Biêt  dâu  dia  ngnc,  thiên  dàng  là  dâu? 

S&m  khuya  khân  mâc,  lirac  dâu  ; 
1775    Phan  con  hâu  giir  con  hâu  dâm  sai? 

Phâi  dêm  êm  â  chiëu  trôi, 

Le  caractère  «J§^  tûc»  signifie,  dans  la  doctrine  des  ^T  ^,  quelque 
chose  qui  concerne  une  existence  précédente.  C'est  ainsi  qu'on  dit  :  «J^ 
jp£  Tûc  duyên*  pour  désigner  deux  personnes  qui,  dans  cette  vie  antérieure, 
furent  unies  par  les  liens  de  Tamitié,  ou  bien  encore  un  homme  et  une  femme 
qui  furent  dés  lors  liés  Tun  à  l'autre  par  le  destin  comme  devant,  dans  une 
vie  future,  devenir  mari  et  femme.  (Voy.  Wells  Willums,  au  car.  J^.) 

Nous  sommes  toujours  en  présence  de  la  donnée  fondamentale  du  poème; 
à  savoir  les  malheurs  infligés  à  l'héroïne  comme  expiation  de  fautes  com- 
mises dans  une  existence  antérieure. 

1.  Ce  vers  et  ceux  qui  précèdent  peuvent  aussi  bien  être  mis  dans  la 
bouche  de  l'auteur,  à  titre  de  réflexion  philosophique. 

2.  Le  titre  de  <^tim  tha*  se  donne  aux  jeunes  femmes  de  rang  élevé. 

3.  Litt.  :  «*0M«  Us  tentures  (de  ses  appartements)  t^, 

4.  Litt.  :  «On  (te)  donne  —  de  te  rendre  —  de  ce  côté  —  (pour)  suture  — 
fea  fonctions  —  â! ornement  du  palais^. 


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KIM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  49 

«Si  le  diamant  est  brisé,  si  la  fleur  est  flétrie,  qu'importe  *  !  »  1765 

Pendant  que  (de  cette  façon)  s'écoulait  son  existence 

le  moment  vint  où  la  jeune  dame^  alla  visiter  ses  parents. 

La  mère  et  la  fille  eurent  ensemble  de  fréquents  entretiens. 

Enfin  la  vieille  dame  appela  KiSu  et  lui  donna  les  ordres  suivants  : 

«Ta  maîtresse  a  besoin  de  quelqu'un  pour  son  service  personnel'*.     1770 

«Vas,  et  remplis  Toffice  de  servante  pour  la  toilette*!  > 

La  jeune  femme  obéit  et  se  rendit  à  ses  fonctions. 

Bien  ou  mal,  elle  ignorait  ce  qu'elle  y  devait  trouver*! 

Nuit  et  jour  «,  un  turban  sur  la  tête,  un  peigne  dans  les  cheveux, 

elle  remplissait  son  rôle  de  servante.  Elle  n'eut  osé  y  manquer!        1775 

Un  soir  que  le  ciel  était  serein. 

L'expression  «©à»  —  trang»  désigne  les  servantes  qui  sont  spéciale- 
ment affectées  à  la  toilette  des  grandes  dames.  Le  verbe  €  trang  >  dont  le 
sens  exact  est  corner  la  tête  et  peindre  les  yeux»  est,  comme  le  verbe  «dô» 
—  matuier»,  pris  ici  substantivement,  ainsi  que  le  fait  voir  la  position  qu'il 
cccnpe. 

5.  Litt.  :  *EUe  savait  —  oh,  —  V enfer,  —   le  paradis  —  étaient  —  oUf» 
Ce  vers,  comme  bien  d'antres,  montre  clairement  que  l'auteur  du  poème 

était  un  sectateur  de  Bouddha.  Ce  fait  est  assez  extraordinaire,  vu  le  mé- 
pris que  les  lettrés,  adeptes  de  la  doctrine  philosophique  de  Confucius,  pro- 
fessent potu*  cette  religion. 

6.  Litt.  :  *Le  matin  —  (et)  dans  la  nuit  avancée  —  éUe  encadrait  d'un 
turban  —  son  visage,  —  eUe  garnissait  d'un  peigne  —  sa  tête». 

Les  substantifs  «  khan  —  turban  »  et  «  Ittoc  —  peigne  »  deviennent  ici  des 
verbes.  Cette  acception,  excessivement  rare,  montre  bien  quelle  est  la  force 
de  la  règle  de  position  dans  la  poésie  cochinchinoise. 

4 


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50  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Tnrôtî  ta  hôî  dên,  nghë  choi  moi  ngày. 

Lftnh  loi,  nàng  méi  nhâc  dày. 

NI  non,  thânh  thôt,  de  say  long  ngirM! 
1780    Tieu  tha  xem  cûng  thirong  tàî  ; 

Khuôn  oai  dirông  cûng  bcH  vài  bon  phàn. 

CiVa  ngirô-î  dày  doa  chût  thân 

Sôm  nftn  nî  bông,  dêm  nga  ngân  long! 

Lâm  tri  chût  nghîa  dèo  bong, 
1785    Nirô-c  bèo  dé  chir  ^twûng  phhng>  kîêp  sau! 

Bon  phiroiig  mây  trâng  mot  màu  ! 

Trông  vM;  cô  quôc  biêt  dâu  là  nhà? 

Lan  lân  thâng  lun,  ngày  qua  ; 


1.  Lîtt.  :  «.  .  . .  rappela  les  cordef*. 

2.  Litt.  :  «  (Du)  cadre  —  de  (aa)  nu^esté  —  (ce  fui)  comme  (si)  —  aiuêi 
—  elle  diminuait  —  qudquea  —  quatre  —  parUeê*, 

^Murtri  phétn  —  dix  parties»  étant  la  totalité,  €vài  bon  phân  —  quelques 
(environ)  qiuUre  parties*  représente  ««ne  certaine  quantité*, 

3.  Litt.  :  «  (De)  la  porte  —  d^eUe  —  eJh  avait  maltraité  —  (œ)  peu  —  de 
corps  (cette  pauvre  créature)». 

*Ctta  ngtibi»,  idiotisme  qui  signifie  €à  son  service»,  est  placé  par  inver- 
sion au  commencement  du  vers.  Sa  place  véritable  est  à  la  fin,  où  il  for- 
merait par  position  un  adjectif  se  rapportant  à  €chût  thân».  Le  mot  «dhi», 
de  même  que  le  chinois  «H  mon»  qui  lui  correspond,  a  parfois  le  sens 
que  nous  attachons  au  mot  *  maison»  lorsqu'il  s'agit  de  Toiganisation  du 
ménage  chez  les  personnes  élevées  en  dignité. 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  51 

8a  maîtresse  loi  demanda  si  elle  connaissait  la  musique^  cet  élément 
de  distraction  jonmalière. 

Obéissante;  la  jenne  femme  accorda  son  instrument^. 

Des  sons  doux  et  plaintifs^  une  voix  au  timbre  élevé;  facilement 

enivrent  le  cœur. 
Devant  ce  talent;  la  dame  pamt  se  laisser  toucher;  1780 

et  sembla  quelque  peu  se  relâcher  de  sa  rigueur^. 

Elle  avait  maltraité  cette  pauvre  servante' 

qui;  le  matiU;  dans  Fombre  se  plaignait;  et  passait  des  nuits  anxieuses! 

(Mais)  à  celui  qui;  à  Ldm  tri,  lui  avait  montré  quelque  attachement; 

il  lui  restait  Fespoir  d'être  réunie  dans  une  existence  future^!  17S5 

De  toutes  parts  elle  ne  voyait  que  nuages  d'un  blanc  uniforme  ! 

Elle  regardait  au  loin  sur  les  eaux.  Où  était  son  pays?  Où  se  trou- 
vait sa  maison^? 
Peu  à  peu  les  mois  passaient;  peu  à  peu  se  succédaient  les  jours. 


4.  .Litt.  :  «  Veau  —  et  la  lentille  aquatique  —  étaient  UUêêés  —  (quant  aux) 
earaetèrea  —  €en9emlle  —  se  rencontrer*  —  dont  la  vie  futt$re!  (Cet  espoir 
leur  étaU  laissé.)* 

La  lentille  aquatique  ne  se  trouvant  que  sur  Teau,  on  peut  dire  qulb 
sont  inséparables  et  faits  Tun  pour  l'autre.  De  plus,  Teau  supporte  le  faible 
végétal  et  le  nourrit  De  même,  Thuc  sanh  et  7%  kiSu  ne  pouvaient  vivre 
heureux  étant  séparés,  d'autant  que,  soit  par  sa  qualité  d'homme,  soit  par 
la  position  qu'il  occupait  dans  le  monde,  Thûc  sanh  était  pour  la  pauvre 
fille  un  protecteur,  un  support.  De  là  la  singulière  figure  que  le  poète  em- 
ploie ici  pour  désigner  ces  deux  personnages. 

o.  Litt.  :  *EUe  regardait  —  la  haute  mer,  —  (Dans)  le  vieux  —  royaume 
—  on  savait  —  oh  —  c^était  —  (sa)  maison  f* 

*ÉfiC  H  ^  ^^  ~~  ^  ^^^"^  royaume*  est  un  idiotisme  dont  le  sens  est 
«Ze  pays  natal*, 

4* 


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52  KIM  VAN  KIÊU  tAn  TOUYEN. 

Nôi  gan  nào  biêt?  Dirô-ng  xa  thê  nây  : 
1790    Lâm  tri  tù*  thirô*  oan  bay, 

Phèng  không  thirang  kè  thâng  ngày  chfch  thân! 

Mày  xanh  trâng  mcVi  in  ngân; 

Phân  thwa  hirong  eu  boi  phân  xôt  xa! 

Sen  tàn,  mai  lai  chiêhg  hoa. 
1795    Sâu  dài,  ngày  vân!  Bông  dâ,  sang  xuân! 

Tim  dâii  cho  thây  cô  nhân? 

Lay  câu  vân  mang,  cèî  dan,  nhô*  thirong! 

Chanh  niêm  nhô*  dên  gia  hircrng! 

Nhô*  que  chàng  lai  tim  dwông  thâm  que. 
1800    Tîèu  tha  don  c*a  giâ  gië. 

Hàn  huyên  viSra  can  moi  bë  gan  xa, 

1.  Les  oiseaux  Oan  et  Uang  (Anas  galerieulataj  représentent  figurative- 
ment  les  époux  bien  unis.  Oan  est  le  mâle,  c'est-à-dire  Thûc  »anh,  et  U^mg 
la  femelle,  ou  Tûf/  kiêu. 

2.  Litt.  :  ^(Dana  êa)  chambre  —  vide  —  j«  plains  —  edle  qui  —  (Jwi- 
danl)  les  mois  —  (et)  les  jours  —  était  dépareillée  —  (quant  au)  wrptl* 

L*oiseau  Virnff  (Tûy  kiSu)  était  dépareillé  (chich). 

8.  Litt  :  «  (Se»)  sourciU  —  verts  —  de  la  lune  —  nouvelle  —  imprinnakii 
(reproduisaient)  —  la  trace*. 

Lorsqu'une  plante  végète  vigoureusement,  elle  est  verte.  Or  KUu  étant 
dans  la  fleur  de  la  jeunesse,  ses  sourcils  étaient  bien  fournis  et  pouvaient 
être  comparés  à  un  végétal  en  pleine  sève.  C'est  pour  cela  que  le  poète 
leur  donne  cette  épithête. 

Autrefois,  lorsqu'elle  était  libre,  la  jeune  femme  les  lissait,  les  disposait 


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KiM  vAn  kiêu  ïAn  truyên.  53 

Qorait  œ  qui  avait  lieu  près  d'elle;  au  loin,  voici  ce  qu'il  en 
qu'à  Lâm  tri  l'oiseau  Oan  '  s'était  envolé,  1790 

lélasl  eu  8a  cliaiubre  vide,  elle  avait  vu  s'écouler  le  temps  ^î 
m  soureik  ressemblaient  à  la  lune  nouvelle^! 

^enir  des  amours  passées  provoquait  en  elle  une  vive  souf- 
re \ 

uphar  î^e  âétrissait^  et  de  nouveau  sur  le  Mat,  à  la  fleur  allait 
îder  le  fruit 

e^e  est  longue,  maiB  les  jours  sont  courts!  Après  l'hiver  vint  1796 
intemps! 
rallait-il  chercher  pour  apercevoir  l'ami  d'autrefois  ? 

i  pleurant  sur  son  (propre)  sort,  son  esprit  troublé  avec  amour 
portait  vers  lui, 

îceur  battait  au  souvenir  de  son  village  ! 

ianh)  se  rappela  son  pays  ;  il  voulut  aller  le  revoir. 

e  épouse,  pleine  de  joie,  le  vint  recevoir  à  la  porte.  1800 

eurent  pris  fin  les  empressements  de  l'arrivée,  les  questions 
ute  nature*, 

eut;  mais  îHijourtVliui ,  réduite  à  la  condition  d'esclave,  elle  n'en 
liiâ  aucun  ïioin;  au^si,  en  raison  de  leur  croissance  rapide,  leurs 
i  ne  sont  plus  retenus  par  aucun  cosmétique,  prennent- ils  la  dis- 
d'yn  segment  d^  eerclu  évidé  par  en  bas,  ressemblant  ainsi,  comme 
ïiir,  au  croissant  *le  lifc  lune  nouvelle. 

!e  détail  sur  rextéricnr  de  son  héroïne,  le  poète  donne  à  entendre 
i  son  décounigeTuent,  ello  ne  prenait  plus  aucun  soin  de  sa  personne, 
tt.  :  m  Le  fard  —  rexianl  —  (etj  le  parfum  —  ancien  —  considéraMe- 
rémowoaimi  douloureitjtement». 

tt.  \  *  (Lorsque)  —  fer  «li^m?»  —  et  les  «huyên?»  tout  juste  — furent 
de  làw  —  co^  —  prê#  — -  et  loin,  » 
pour  le  sens  dss  motâ  <Aàn»  et  ^  huyên  :^,  la  note  sous  le  vers  394. 


Digitizecfby  Vj^^QI^ 

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54  KIM  VAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Nhà  hmmg  cao  cnôn  htcc  là, 
Ph6ng  trong  truyën  goi  nàng  ra  lay  mwng. 
Bvtàc  ra;  mot  bir^c  mot  ngûng! 
1805    Trông  xa,  nàng  dâ  tô  chihig  nèo  xa, 
«Phài  rang  n&ng  quàng  dèn  loà? 
<R0  rang  ngôi  ct6  ch&ng  là  Thiic  sanhf 
«Bây  giir  tinh  m<M  rô  tinh! 
cThôi!  Thôi!  Bâ  mâc  vào  v5ng!  Châng  sai! 
1810    «Chiréc  dâu  c6  chiréc  la  dM? 

«NgirM  dâu  ma  lai  c6  ngnM  tinh  ma? 
<m  rang  thiêt  lita  dôi  ta! 
<Làm  ra  con  à  chû  nhà  dôi  noi! 
cBë  ngoài,  lot  lot  n6î  cirW; 
1815    cMà  trong,  nham  hièm;  giêit  ngirM  không  dao!> 

L'auteur  compare  les  questions  empressées  que  s'adressent  sur  leur  santé 
Thûe  êcmh  et  sa  femme  à  Teau  qui  coule  dans  le  lit  d*une  rivière.  Noos 
disons,  en  employant  une  métaphore  analogue  :  *tmflnx  de  paroU$».  Lorsque 
la  rivière  est  à  sec,  on  n'y  trouve  plus  d'eau;  lorsque  ces  mille  questions 
ont  été  faites,  les  époux  n'ont  plus  rien  à  se  dire.  L'expression  «c^  £rt, 
litt  à  aec  de  paroUê*,  est  d'ailleurs  courante  en  annamite. 

1.  Litt.  :  ^Begardant  —  au  îoki,  —  la  jeune  femme  —  a  perçu  —  appro- 
xknaUvemerU  —  dans  (un)  êenUer  (un  endroit)  —  éUngnL 

2.  Litt.  :  *  Maintenant,  —  (quant  à)  F  affaire  —  enjin  —  fai  pour  daire 
—  Vicaire!» 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  55 

dans  la  maison^  josques  en  haut;  Ton  roula  les  tentures  de  soie^ 

et  Tây  Kiêu  reçut  Tordre  de  venir  dans  la  salle  se  prosterner  au  pied 

du  maître^  afin  de  le  féliciter. 
Elle  sort  (de  sa  retraite).  A  chaque  pas  qu'elle  fait^  davantage  elle 

se  sent  glacée  ! 
Elle  jette  les  yeux  au  loin  ;  il  lui  semble  y  voir  quelqu'un  M  1805 

€  Est-ce  le  soleil  qui  m'éblouit?»  se  dit-elle;  «sont-ce  les  lampes  qui 
m'aveuglent? 

L'homme  que  je  vois  clairement  assis  là^  est-ce  que  ce  n'est  point 
^ThûcSanhf 

cLe  mystère  à  présent  se  dévoile  à  mes  yeux^î 

«  Je  suis  tombée  dans  un  piège  !  Il  n'y  a  point  à  en  douter! 

«  Mais  quelle  machination  inouie  ^  !  1810 

«Gomment  peut -il  se  trouver  des  gens  doués  de  cette  malice  infer- 

>nale4? 
€  Oui  !  c'est  bien  vrai  !  Tous  deux  (nous  voici  réunis)  ! 

«  (Mais)  je  suis  servante  et  lui  maître;  nos  positions  sont  différentes^! 

«  (Ma  maîtresse)  au  dehors^  semble  plaisanter  et  rirC; 

€  mais,  sournoise  et  perfide  au  dedans,  elle  tuerait  les  gens  sans  cou-  I8I6 
>teau*!» 

3.  Utt.  :  *(P<mrJ  une  niaehintUion,  —  où  —  fy)  a  (-t-UJ  —  une  machina- 
tion —  étrange  —  fquani  au)  monde  (de  cette  sortefj» 

Les  formules  du  genre  de  celle  que  contiennent  ce  vers  et  le  suivant 
supposent  Tellipse  des  mots  *duf<mg  %»  ou  «^1  ^  —  de  cette  tarte», 

4.  Lâtt.  :  €(Pour)  dee  hammeê,  —  oh  —  (y)  a  (-t-UJ  —  des  Iiommea  — 
manttre»  —  (et)  démon»  (de  cette  sorte)  f» 

6.  Litt  :  «  Nouê  formons  —  une  servante  —  et  un  maître,  —  deux  —  en- 
droit» (deux  positions)!» 

6.  On  emploierait  dans  notre  langage  familier  une  expression  analogue  : 
«Elle  nuit  aux  gens  sans  avoir  Tair  d'y  toucher!»  —  Nkam  signifie  «tme 


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56  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

Bây  giô"  dât  thâp  trM  cao! 
An  làm  sao,  nôi  làm  sao  bây  gib? 
Càng  trông  mât,  càng  ngân  nga, 
Ruot  tâm  dôi  doan  nhir  ta  roi  bM. 
1820    Sa  oai,  dâm  châng  virng  IM? 

Cuôi  dâu,  nép  xuông  sân  mai  mot  chiêu. 
Sanh  dà  phâch  lac,  bon  phiêu! 
«Thirong  ôi!  Châng  phâî  nàng  Kiêu  &  dây? 
cNhon  làm  sao  dên  thê  nây? 
1826    «Thôi!  Thôi!  Ta  dâ  mâc  tay!  Bà  roi!» 
Sa  quen  dâm  ha  ra  loi; 
Khôn  ngân  giot  ngoc  sut  sùi  nhô  sa. 

haute  montagne»  et  hûm  veut  dire  dangereux.  Sur  les  cîmes  escarpées  des 
montagnes  se  trouvent  des  précipices  à  pic  dans  lesquels  on  tombe  parfois 
sans  les  avoir  aperçus.  Une  personne  du  caractère  attribué  ici  à  Hoan  th<r 
fait  du  mal  à  ses  semblables  sans  quMls  aient  pu  se  mettre  sur  leurs  gar- 
des; de  là  cette  épithète  métaphorique. 

1.  Litt.  ;  €  Maintenant  —  Us  êont  terre  —  basse  —  (etj  ciel  —  haut!» 

2.  Litt.  :  €  Manger  —  comment,  —  parler  —  comment  —  maintenant?»  • 
^An  noï»  signifie  savoir  une  manière  d'être  (quelconque)». 

3.  Litt.  :  «  (Ses)  entrailles  —  ver  à  soie  —  en  plusieurs  —  sections  —  comme 
—  de  la  soie  —  sont  embrouillées». 

On  donne  ordinairement  en  poésie  aux  entrailles  Tépithéte  de  €tàm  — 
ver  à  soie»  parce  que  le  corps  de  cet  insecte,  rétréci  de  place  en  place,  a 
une  ressemblance  éloignée  avec  les  entrailles  de  Thomme  ou  des  animaux. 

4.  Litt.  :  «  Sanh  —  a  (subi  le  fait  que)  —  (son)  phâch  —  était  égaré,  — 
(et  que  son)  hon  —  échouait,» 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUY^N.  57 

Les  voici;  maintenant;  Tun  en  bas  et  l'autre  en  haut  *  ! 

Quelle  contenance  prendre  ^9 

Plus  Fun  et  l'autre  ils  se  regardent  et  plus  ils  restent  interdits. 

Mille  pensées  embrouillées  et  confnses  se  combattent  dans  leur 

cœur  5. 
Intimidée  (par  sa  maîtresse);  oserait-elle  ne  pas  obéir?  1820 

Elle  baisse  la  tetC;  incline  le  visage,  et  sur  le  sol  fait  un  prosteme- 

ment. 
Les  esprits  de  Sanh  l'abandonnent^! 

«Hélas!  Hélas !>  pense-t-il,  «n'est-ce  point  Kiâi  qui  est  là? 

«Comment  en  cet  état  a-t-elle  pu  se  voir  réduite? 

«Cen  est  fait!  nous  sommes  tombés  entre  les  mains  (de  ma  femme)  !>  1825 

Si  elle  le  reconnaît;  il  craint  qu'elle  n'ose  parler, 

(et)  malgré  lui  les  larmes  s'échappent  de  ses  yeux\ 

Les  deux  verbes  «^»  et  <xiêu:»,  réunis  d'ordinaire  ensemble  pour  for- 
mer un  verbe  composé  qui  sig^nifie  ^b' égarera,  sont  dissociés  ici  par  élé- 
gance. Les  deux  expressions  €phâch  lac*  et  *hon  xiêu»  sont  d'ailleurs 
transformés  en  verbes  composés  par  la  particule  ^dâ*  qui  les  précède. 

(Voir,  pour  la  définition  du  <phâch»  et  du  «A^n»  la  note  sous  le  vers  IIC.) 

5.  Les  mots  ^^giçt  —  gouttes»  et  «^  C*^)J  —  verser  des  larmes»  sont  re- 
présentés dans  le  texte  en  chv  nom  par  le  même  signe  j^!^*  Cette  identité 
de  caractère  est  logique,  car  la  phonétique  ^  dôt  est  susceptible  de  don- 
ner les  deux  sons,  et  la  clef  de  Teau  est  également  appropriée  au  sens 
général  de  chacun  de  ces  mots;  mais  ce  double  emploi  d'un  chtk  nom  pour 
exprimer  dans  Je  même  vers,  deux  mots  de  signification  différente  n'en  est 
pas  moins  fâcheux.  C'est  là  un  des  très  nombreux  inconvénients  de  ce  sys- 
tème d'écriture. 

J'ai  cru  devoir  conserver  ces  caractères  tels  quels  parce  qu'ils  sont  égale- 
ment reproduits  dans  les  deux  éditions  différentes  que  je  possède;  ce  qui 


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58  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

îïitt  th(T  trông  mât,  hôi  tra  : 
«Moi  vë,  c6  viêc  du  ma  dong  dung?» 
1830    Sanh  rang  :  cHîêu  phuc  vihi  xong! 

<Sny  long  trâc  ti;  dan  16ng  chung  thiên!» 

ELhen  rang  :  cHiên  td*  dft  nên!» 

Tây  trân  miron  chén  giâi  phiên  dêm  thu. 

semble  indiquer  qu*ils  sont  généralement  adoptés.  Il  serait  dn  reste  asseï 
difficile  de  les  différencier.  Taberd  donne  pour  le  mot  *giot>  le  même  cane* 
tère  qne  mes  deux  éditions. 

Quant  à  «#^>,  le  chw  nôni  ^^  qu'il  adopte  répond  suffisamment  to 
son;  miûs  la  clef  de  Teau,  indispensable  ici  vu  la  signification  du  mot  (ré- 
pandre des  larmes),  y  manque.  Peut-être  pourrait-on  écrire  <'}^*' 

1.  Lâtt  :«....  (îet)  de  la  piéU  filiale  —  vetementê  —  tout  jûue  —  «"< 
achevée. f» 

m  ±  m.  %  m  ^ 

*    ^    ^    Ho  M    « 

m  m  m  ^  n  *& 

Mo  Mo  Mo  f-    ^O  ^O 

n 

«o 

€Trâc  U  H  M!^ 

^Chiêm  vang  mâu  ki! 

*Mâu  vt^  :  *Ta  dtc  qui  hànk  dich! 

«TVic  da  vô  mi! 

^Thtimig  thân  chien  toi! 

*Du  Ici  va  khi! 
«Gravissant  cette  colline  dénudée, 
«je  dirige  mes  regards  vers  (les  lieux  où  vit)  ma  mère. 
«Hélas!»  dit-elle  :  «mon  enfant  est  au  service! 
«Le  matin,  la  nuit,  il  est  sans  sommeil! 


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KIM  VlN  KIËU  tAn  TBUYÊN.  59 

s.  noble  dame  le  regarde  an  visage  et  Tinterroge  (en  ces  termes)  : 
A  peine  de  retour  îeij  quelle  chose  vous  attriste  ?  » 
Je  viei^  de  prendre  le  deuil  de  mon  père!  »  dit  Savh  K  ^^^ 

En  songeant  que  je  ne  le  re  verrai  plus,  je  suis  pensif  Je  soufire  au 
»foBd  du  oœur^!» 
Voil  vraiment  un  bon  filgU  reprend  (la  dame)  avec  éloge. 

31e  emprunte  une  tasse  au  featin  d'arrivée  (et  la  lui  oflfre)  pour  dis- 
siper son  chagrin  ^ 

•  Oh!  qu'a  veille  bîeB  sur  lui-même, 
«pour  rcreuir,  pour  ne  point  succomber!» 

Ces  puolee  sont  misea  p&r  Fauteur  de  Tode  IV  (livre  IX  de  la  pre- 
liùre  paitie  du  ^  ÈSA  dans  In.  bouche  d'un  jeune  soldat  du  contingent 
(  ^  ^3^j/  quî  regrette  d'être  obligé  de  combattre  sans  gloire  pour  le 
ervice  do  roi  de  ^  TSn^  Toppresseur  de  son  pays. 

M  É^  5^  ^  ^àng  thnn$  lien  mm  est  un  idiotisme  qui  signifie  en 
hiuoig  *  aller  au  ftotd  de  ta  cat-rièrCf  arriver  êans  accident  au  terme  deêa  vie». 

Liante ur  du  Kim.  vân  Hiu  iruyên  sMnspirant  des  paroles  de  la  strophe 
jue  je  vienB  de  citer,  fait  dea  deux  mots  saillants  (trâe  H)  du  premier  vers 
c  cette  strophe  nue  exprea^iou  métaphorique  à  laquelle  il  donne  le  sens 
e  *r€ffreU£r  tm  de  4t9  par^jus^,  îci,  ce  parent,  c'est  le  père,  et  non  la  mère 
onmie  dans  l^ode  du  ^^  ÊR ,  puisque  c'est  son  père  que  Sanh  dit  avoir 
•erdu.  D'un  autre  côté,  comme  le  montre  l'idiotisme  que  j'ai  rappelé  en 
Qmnû  lieu,  jÊ^  ^  chung  thihi  (Utt  :  *le  terminal  —  del»)  doit  être  pris 
Mm  le  mrm  de  ^^ndc  la  me*.  Ces  données  permettent  de  saisir  le  sens 
!es  métaphores  tout  d'abord  slngalièrement  obscures  que  contient  ce  vers, 
tout  la  traduction  littérale  est  : 

«Je  ré^iéehii  —  (qu^M  à  mcn)  eceur  —  de  manier  sur  —  la  eoUine  peUe, 
-  je  »ùuffre  —  fquani  à  mcnj  cœur  —  du  terminal  —  ciel.  » 

De  même  que,  sur  *fà  eaUine  pelée *y  le  jeune  soldat  regrette  sa  mère 
tbseute,  de  tnêioe  Thuc  jonA  regrette  son  père  mort;  et  son  cœur  souffire 
L  la  pensée  que  m  vie  entière  (ehung  thOnJ  s'écoulera  sans  plus  jamais  le 
rolr. 

3.  Litt  :  «  Du  (fetUn  dctimé  à)  la/ver  —  la  pounilhre  —  éUe  emprunte  — 
me  tmte  - —  pour  diënper  —  la  iriêteêêt  —  de  la  mdt  —  d^automne*, 

*T^  irdn  —  lav^  la  pûuaaih^e»,  se  dit  d'un  festin  de  bienvenue  que 
'm  a  coutume,  en  C^iue,  d*offrir  à  un  ami  qui  revient  de  voyage;  festin 


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I 


60  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Va  chông  chén  tac,  chén  thù  ; 
1835    Bât  nàng  dihig  chu-c  tri  hô  hai  noi. 

Bât  khoan,  bât  nhât  dên  IM; 

Bât  qui  tân  mât,  bât  moi  tân  tay! 

Sanh  càng  nhir  dai  nhir  ngây; 

Sut  dài  sut  vân  chén  dây  chén  voi. 
1840    Lâng  dî;  chat  nôi,  chat  cu-M; 

Cào  say,  chàng  dâ  tinh  bài  lâng  ra. 

Tièu  tha  vôi  thét  con  Hoa  : 

«Khuyên  chàng  châng  can,  th6i  ta  c6  don!» 

Sanh  càng  nât  ruot,  tan  hôn  ! 
1845    Chén  mM  phâi  ngâm;  bon  h6n  trau  ngay! 

qui  fait  le  pendant  du  ^^1  ^j^  tân  hành  dont  il  a  été  parlé  à  roccasion 
du  vers  873.  —  Les  mots  *âêm  thu»  ne  sont  ici  autre  chose  qu*un  rem- 
plissage. 

1.  g^  tac,  se  dit  du  convive  qui  rend  à  son  hôte  toast  pour  toast.  M|| 
thu  exprime  la  même  action  venant  de  Thôte. 

2.  Litt.  :  « c^  tenir  —  la  bouteille  —  dans  les  deux  —  endroiU*. 

3.  Litt.  :  «  Elle  (la)  aaiêit  —  étendu  —  elle  (la)  saùU  —  resserré  —  jus- 
qu^à  —  (un)  mot  (jusqu'au  moindre  mol),» 

4.  Litt.  :  «iî  verse  des  larmes  —  en  Umg,  —  il  verse  des  larmes  —  en  court 
—  (avec  sa)  tasse  pleine  —  (et  sa)  tasse  —  vide*, 

La  facture  du  premier  hémistiche  de  ce  vers  est  identique  à  celle  du 
commencement  du  vers  1836.  Dai  et  vSn  jouent  le  même  rôle  adverbial 
que  khoan  et  nhat.  Le  second  hémistiche  pris  en  entier  forme  pareillement 
une  expression  adverbiale  de  circonstance. 

5.  Litt.  :  «  (Si)  tu  exhorte  —  mon  époux  —  pas  —  du  fond  du  coeur . . .  .> 


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KiM  vAn  kiêu  1  An  truyên.  61 

Le  mari  et  la  femme  font  (alors)  circuler  les  coupes  ', 

et  (Hoqn  Tha)  force  Kleu  à  se  tenir  près  d'eux  pour  verser  le  vin  à  1886 
Fun  et  à  l'autre  2. 

Elle  saisit  la  moindre  occasion  de  lui  faire  des  réprimandes  ^^ 

la  fait  agenouiller  à  toucher  leurs  visages^  la  force  à  oârir  jusqu'à 

toucher  leurs  mains  ! 
Tkdc  Sanh  de  plus  en  plus  semble  perdre  l'esprit;. 

Que  son  verre  soit  plein  ou  vide,  ses  pleurs  ne  cessent  de  couler^. 

Tantôt  il  marche  en  silence,  tantôt  il  parle  tout-à-coup;  tantôt  (en-  1840 
fin)  subitement  il  rit. 

Il  s'excuse,  disant  qu'il  est  ivre;  il  cherche  quelque  moyen  de  chan- 
ger de  conversation. 

Aussitôt  la  noble  dame  accable  la  servante  Hoa. 

«Si  tu  mets  la  moindre  mollesse^  à  inviter  monsieur  à  boire,  je  te 

»  fais  bâtonner!  »  lui  dit-elle. 
Sanh,  le  cœur  de  plus  en  plus  déchiré,  l'âme  de  plus  en  plus  anéantie, 

ne  peut  avaler  le  vin  qu'on  lui  offre;  il  est  gorgé  d'amertume**!         1845 

€Cçn*  est  ici  pour  *can  thng».  Le  premier  mot  de  cette  expression 
signifie  proprement  cà  «ce».  Le  cœur  est  comparé  à  un  fleuve,  dont  les 
eaux  sont  représentées  par  les  sentiments  et  la  volonté.  Un  fleuve  est 
à  sec  lorsqu'il  n'y  a  plus  d'eau.  Le  cœur  est  «à  «ec»  quand  les  senti- 
ments qu'ils  renferment  ont  été  consacrés  à  un  amour,  un  résultat,  une 
entreprise  quelconque.  Les  Chinois  disent  dans  le  même  sens  <  Égt  t(^  », 
litt  :  •^^uiêer  son  cceur*, 

6.  Litt.  :  €Leê  tasse»  —  d'invitation  (que  sa  femme  VinvUe  à  boire)  —  il 
hti  faut  —  garder  dans  sa  bouche,  —  et  le  Bon  hôn  —  avaler  —  tout  droit!» 

Dans  chacun  des  hémistiches  de  ce  vers  le  régime  direct  est  placé  par 
inversion  avant  le  verbe. 

Le  0%  bbn  him  (Sapnvdus  saponaria  ou  longifolia)  —  Saponaria  offidnalis, 
flf  ;fa[  P'èn  fân  des  Chinois,  qui  a  reçu  en  français  le  nom  d'Arbre  à  sa- 
ponaire, est  un  arbre  de  la  famille  des  Sapindacées  dont  la  baie,  écrasée  et 
macérée  dans  l'eau,  peut,  comme  notre  saponaire  officinale,  servir  au  blan- 


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62  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

Tim  tho  cirW  tînh  nôi  say. 

ChiVa  xong  cuôc  nrou,  lai  bày  tro  choi. 

Rang  :  €Hoa  nô  dû  moi  tài  ! 

cBàn  âbn  thiSr  dao  mot  bài;  chàng  nghe!» 
1850    Nàng  dà  tan  hoàn  tê  mê! 

Virng  loi,  ra  tnrdc  blnh  the,  vàn  dàn. 

Bon  dây  nhir  khôc,  nhir  than! 

Khiên  ngirôi  trên  tiêc  cûng  tan  nàt  16ng! 

Cûng  trong  mot  tiêng  ta  dông, 
1855    NgirM  ngoài  cirài  rô,  ngirài  trong  kh6c  thâm! 

Giot  châu  IS  châ  khôn  cam. 

Cûi  dâu,  chàng  nh&ng  bat  thâm  giot  Tucmg! 

Tièu  tha  lai  thét  lây  nàng  : 


chiflsage  à  la  manière  du  savon.  Comme  ces  baies  sont  fort  amères,  le  poète 
les  emploie  ici  métaphoriquement  pour  exprimer  la  douleur  dont  est  abreuvé 
Tkùc  êonh. 

1.  Elle  se  moque  de  son  mari. 

2.  ^expression  €trh  ehri*  qui  signifie  littéralement  «tm  dM)ertiê9emad* 
doit  être  prise  ici  dans  le  sens  spécial  de  «cJtvereiMemen^  muncal,  coneeK». 

8.  Il  s'agit  du  grand  paravent  que  Ton  place  à  Tintérieur,  en  face  de 
la  porte  d'entrée,  pour  intercepter  la  vue  du  dehors. 

4.  Litt.  :  ^Tout  ouêH  bien  —  dans  —  Vunique  —  ton  —  de  la  toie  —  et 
du  B&ng  fyU  une  vertu  merveilleuêe,  qui  fait  que  .  .  .  .J  » 

Par  «la  soie  et  le  dung*  le  poète  entend  Tinstrument  dont  joue  2%  itôW. 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  63 

La  dame  rit  de  sang  froid  et  parle  comme  si  elle  était  ivre  *. 

On  n'a  pas  fini  de  boire  qu'elle  organise  nn  concert^; 

disant  :  €  Hoa  nô  possède  tous  les  talents  ! 

«Elle  va,  pour  vous  divertir,  essayer  de  vous  jouer  un  morceau,  ô 

»  mon  ami,  écoutez  la  I  » 
La  jeune  femme,  que  le  désespoir  égare,  i^^ 

obéit,  se  place  devant  le  paravent^,  et  met  son  instrument  d'accord. 

Les  quatre  cordes  semblent  pleurer,  elles  semblent  gémir! 

Les  deux  convives,  à  cette  musique,  sentent  leur  cœur  se  déchirer! 

Par  la  seule  vertu  des  sons  que  rendent  le  dâng^  et  la  soie, 

en  dehors  Sanh  rit  aux  éclats  ;  en  dedans  il  verse  des  larmes  !  1855 

Ses  pleurs  coulent  en  abondance;  il  ne  peut  les  retenir. 

La  tête  baissée,  en  cachette,  il  leur  donne  un  libre  course 

La  dame  fait  à  Kiiu  reproches  sur  reproches  : 


Le  XH  M^  ^^Hif  %  (Ekeococca  ainentU)  est,  dit  M.  Wellb  Williams, 
un  grand  arbre  appartenant  à  la  famille  des  Euphorbiacées,  dont  le  bois 
léger  et  durable  sert  à  faire  des  instruments  de  musique. 

Un  jour  le  célèbre  lettré  ^  ^  Tkdi  Ung,  musicien  renommé,  était 
assis  au  coin  du  feu  dans  la  maison  d*un  hôte  chez  lequel  il  s'était  réfugié. 
Tout-à-coup  il  entendit  craquer  un  morceau  de  B&ng  que  Ton  avait  déposé 
dans  le  foyer.  Le  son  de  ce  bois  lui  parut  si  beau  et  si  clair,  qu'il  tira  du 
feu  la  bûche  qui  commençait  à  se  consumer,  et  en  fabriqua  une  guitare. 
(Test  de  ce  fait  que  Texpression  de  ««otè  et  âSng*  tire  son  origine.  La 
«soie»  désigne  les  cordes  de  Tinstrument;  le  *dong»  en  désigne  le  corps. 

5.  Litt  :«....  des  gouUe$  —  (du  fleuve)  Tu(mg», 


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64  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

cCuoc  vui  khây  khùc  doan  tràng  ây  chî? 
1860    cSao  ching  biêt  ^  ttr  gi! 

cCho  chàng  buon  bâ,  toi  thi  tai  ngirol!> 

Sanh  càng  thâm  thiêt  bôi  bÔi. 

Vôi  vàng  càng  nôi  càng  cirôi  cho  qua. 

Khùc  rông  canh  dft  dîèm  ba. 
1865    Tièu  tha  nhin  màt;  dirimg  dà  cam  tâm! 

L6ng  rîêng  khâp  khdi  mùng  thâm; 

Buôn  nây  dft  bô  dan  ngâm  xnu  nay! 

Sanh  thôi  gan  héo,  mot  gây! 

N8i  16ng  càng  nghl,  càng  cay  dâng  15ng. 
1870    Ngcrôi  vào  chung  gôi  loan  ph5ng; 

Nàng  ra  du-a  bông  dèn  chong  canh  dàî, 

Dën  nay  moi  biêt  dâu  duôi  ! 

Mâu  ghen  dâu  c6,  la  dW  nhà  ghen! 

1.  Litt.  :  «  De  toute  manih^  —  ne  pas  —  je  êai»  —  (en  fait  6^)  idée  — 
quoi!» 

2.  Litt  :«....  pour  —  passer», 

3.  Litt  :  «  (Par)  cette  tristesse  —  elle  a  laissé  de  côté  —  la  douleur  —  se- 
crète —  de  jusqu^à  ce  jour! 9 

4.  Litt.  :€....  foie  —  pâle  —  entrailles  —  maigres!  •  Ces  quatre  mots 
forment  par  position  une  sorte  d*a<^*ectif  composé. 

6.  Litt.  :  «//  entre  —  mettre  en  commun  —  Voreiller  —  de  la  chambre  de 


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KIM  vIn  KÏÊU  tAN  TRUYÊN. 


65 


ûoi»,  lui  dît-elle^  «  jouez- vons  ce  morceau  mélancolique  dans 

moment  où  Ton  se  réjouit? 

ïst  iDcoîicevable  '1  quelle  idée  avez-vous  donc?  1860 

0  époux  est  attristé,  c'est  à  tous  qu'il  faut  s'en  prendre!  » 

leur  de  Sanh  devient  toujours  plus  profonde;  toujours  davan- 

se  gonfle  son  c^eur. 

oies  se  pressciit  de  pluB  en  plus^  de  plus  en  plus  il  rit  pour 

bonne  contenance^, 

nïk  que  le  tambour  a  marqué  la  troisième  veille. 

le  les  re^rde  au  \isage;  il  lui  scrable  que  leurs  cœurs  sont  1865 
ord  (danë  la  douleur). 
■même  elle  est  ra\iel 

iste^se  la  venge  du  dépit  que  jusqu'à  ce  jour  elle  renferma 

son  cœur^î 

le  Sa^ih  est  abattue  ^  ! 

réfléchit  en  lui-merae^  et  plus  il  ressent  d'amertume. 

dans  la  chambre  conju^le;  sur  roreiller  commun  il  repose  1870 

i(?Uj  elle  s'en  va;  appuyée  (sur  une  table),  toute  la  nuit  elle 
ï  à  la  lueur  de  Ba  lampe, 
nprend  tout^  à  cette  heure! 

a  jalousie  règne^  il  se  passe  d'étranges  choses'! 

î  fa  ehambre  ornée  de  tênittreâ  bridée*  r^prcsmUmt  Us  oiseaux  fabuleux 

tt  :  «.  .  ,  .  /û  tiiê  —  U  la  q\tm&^. 

tt,  ;  < .  ,  .  ,  *md  àrang&t  —  (quant  au)  fmmde  —  les  famiUes  (les  per- 

—  qfd  êoni  jalousa  !  ^ 

lot  *nhà  —  nmU&n,  fmiUk-  est  souvt^nt  employé,  notamment  en 
pour  défii^ier  soit  dea  personnes,  soit  surtout  des  catégories  de 
^a  prisée  en  général 

5 


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66  KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

Chirô-c  dâu  rë  tùy  chia  uyên? 
1875    Ai  ra  dàng  nây,  ai  nhin  dirac  ai? 

Bây  gîir  mot  dât  mot  trM, 

Hêt  dêu  dùi  thâng!  Hêt  dëu  thi  phi! 

Nhe  nhir  btrc,  nâng  nhir  chi, 

Gô-  sao  ra  nçr?  C6n  gi  là  duyên? 
1880    Lô*  làng  chut  phân  thuyën  quyên, 

Bè  sâu,  sông  câ!  Cô  tuyën  dirac  vay! 

Mot  mlnh  âm  y  dêm  chây; 

Dïa  dâu  vai,  rnrô-c  mât  dây  nâm  canh! 

Sô-m  khuya  hâu  ha  dài  dinh, 
1886     Tiêu  tha  cham  mât,  de  tinh,  hôi  tra. 

Lu'a  loi,  nàng  moi  thira  qua; 

Phâi  khi  minh  lai  x6t  xa  nôi  minh! 

Tiêu  tha  lai  hôi  Thûc  sank  : 


1.  Litt.  :  «  Sont  finies  —  les  choses  —  incertaines;  —  sont  finies  —  les  cho- 
ses —  de  oui  —  et  non!» 

2.  Litt.  :«....  encore  —  quoi  —  est  —  (son  mariage)  », 

3.  Litt.  :  «  (Quant  à)  la  mer  —  profonde  —  et  au  fieuve  —  grand,  —  awÀr 
—  (le  fait  d^)  accomplir  en  entier  ses  devoirs  —  pourra-t-éUe  ainsi  f» 


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KIM  vAN  KIËU  tAn  TRUYÊN.  67 

Par  quel  artifice  a-t-on  pu  du  Tûy  séparer  le  TJyen'i 

Chacun  va  de  son  côté;  sans  qu'aucun  des  deux  puisse  reconnaître  1875 

Fautre! 
Maintenant  qu'ils  habitent  la  même  terrC;  qu'ils  sont  sous  le  même 

ciel, 
Aucun  doute  n'est  plus  possible;  toute  incertitude  a  cessé*! 

Qu'elle  soit  légère  comme  le  jonc  à  moelle,  qu'elle  soit  lourde  comme 
le  plomb, 

comment  se  délivrerait-elle  de  sa  dette  d'infortune?  et  que  sont  de- 
venus (ses  projets  d')union2? 

Pauvre  fille  de  talent  égarée  loin  de  sa  voie,  lôso 

dans  cet  abîme  de  malheur  comment  remplir  sa  mission^? 

Toute  la  nuit  elle  est  seule,  toute  la  nuit  elle  gémit. 

L'huile  de  lampe  s'épuise;  mais  tout  le  long  des  cinq  veilles  ses  lar- 
mes ne  tarissent  point! 

(Pendant  que),  matin  et  soir,  elle  faisait  dans  la  maison  son  office  de 

servante, 
la  noble  dame,  par  surprise,  se  rencontrait  face  à  face  avec  elle.  Elle  1885 

guettait  ses  allures,  elle  l'accablait  de  questions. 
La  jeune  femme,  pour  répondre,  avait  à  peser  ses  paroles, 

et  rencontrait  mainte  occasion  de  déplorer  son  triste  sort. 

La  dame,  de  nouveau,  interrogea  Thûc  Savh. 


Le  mot  «toyên»  n'est  pas  ici  l'adjectif  signifiant  «entier»;  c'est  un  verbe 
dont  le  sens  est  :  *  accomplir  tout  ce  qui  est  demandé  de  nous  (ta  do  àU  that 
is  required»,  Voy.  Wells  WiLLLàiis,  au  car.  ;^).  Tûy  kiêu  vient  de  penser 
à  Tanéantissement  des  projets  d'union  qu'elle  avait  formés;  et  elle  se  la- 
mente de  ce  qu'il  ne  lui  sera  jamais  possible,  à  ce  qu'elle  croit,  d'accom- 
plir envers  Kim  trong  tous  les  devoirs  qui  incombent  à  une  épouse. 

5* 


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68  Kl  M  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

«Cây  chàng  tra  lây  thiêt  tinh  cho  nao!> 
1890    Sanh  dà  rât  ruôt  nhir  bào! 

N6i  ra  châng  tien,  trông  vào  châng  dang. 

Nhfrng  e  lai  luy  dên  nàng, 

Phô  song  moi  se  lieu  dàng  hôi  tra. 

Oui  dâu,  qui  torde  sân  hoa, 
1895    Bach  cung  nàng  moi  lên  qua  mot  tô*. 

Dîen  tien  trinh  vô-i  Tiêu  tha:, 

Thoât  xem  du'àng  cô  ngân  nga  chut  tinh. 

Lien  tay  trao  lai  Thûc  sanh, 

Rang  :  «Tàî  nên  trong,  ma  tinh  nên  thu-ang! 
1900    «Vf  sinh  c6  sô  giàu  sang. 

«Giâ  nây  dâu  duc,  nhà  vàng  cûng  nên! 

1.  Litt.  :  <S€mh  —  dèa  à  présent  —  ressentait  une  dotdeur  cuisante  — 
(quant  à  ses)  entrailles  —  comme  si  —  on  les  rabotait!* 

2.  Litt.  :  «  (Quxvnt  à)  s'expliquer  —  ne  pas  —  c'était  commode;  —  en  re- 
gardant  en  (lui-même)  —  ne  pas  —  t7  se  regardait  comme  capable». 

Ce  vers  est  un  modèle  de  parallélisme.  Chaque  mot  du  dernier  hémis- 
tiche présente  exactement  la  même  valeur  fi^rammaticale  que  celui  qui  lui 
correspond  dans  le  premier.  De  plus,  les  particules  des  verbes  forment  entre 
elles  une  opposition  fort  heureuse. 

3.  Litt.  :  €Sân  hoa  —  la  cour  fleurie»  est  une  de  ces  expressions  vagues 
et  purement  omamentales  que  Ton  rencontre  assez  fréquemment  dans  les 
poésies  annamites.  Ici,  elle  désigne  les  maîtres  de  Tûg  kiiu. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyIn.  69 

«A  propos! >  lui  dit-elle,  «tirez  donc  tout  cela  au  clair! > 
Satih  était  sur  les  épines  ^  !  1890 

Parler  n'était  guère  facile,  il  ne  s'en  sentait  point  capable  2; 
maiS;  craignant  pour  la  jeune  femme  de  fôcheuses  conséquences^ 
il  tâta  le  terrain  pour  risquer  Tinterrogatoire. 
Tûy  Kieu  incline  la  tête,  se  prosterne  devant  ses  maîtres  3, 
et  présentant  une  supplique  en  blanc  *,  1895 

elle  explique  sa  position  en  présence  de  la  noble  dame. 
Une  impression  de  pitié  soudain  semble  émouvoir  le  cœur  de  celle-cL 
Elle  passe  la  supplique  à  Thûc  Sanh. 

«Son  talent»;  dit- elle,  «est  digne  d'estime;  ses  sentiments  excitent 

»  la  compassion. 
«  On  dirait  qu'elle  était  née  pour  être  heureuse  et  distinguée.  1900 

«Avec  sa  valeur  en  or  on  pourrait  fondre  une  maison^! 


4.  Lîtt.  :  €  De  blanche  —  supplique  —  la  jeune  JUle  —  alors  —  élève  — 
une  —  feuille». 

Dans  les  cas  très  graves  les  plaignants  ont  le  droit  d'arrêter  nn  man- 
darin sur  la  voie  publique  et  de  lui  présenter  une  feuille  de  papier  blanc. 
La  nature  même  de  cette  sorte  de  supplique  fait  connaître  au  fonctionnaire 
l'importance  de  Taffaire  qui  la  motive.  Ici,  c'est  le  désespoir  où  est  réduite 
Kiêu  qui  la  pousse  à  prendre  ce  parti  extrême. 

6.  Lîtt.  :  «Cfe  prtX'd,  —  si  —  on  (le)  fondait,  —  une  maison  —  cTor  — 
tout  aussi  bien  —  deviendrait  (serait  élevée)!  —  si  sa  valeur  était  représentée 
par  de  For,  il  y  en  aurait  assez  pour  bâtir  une  maison». 

Nous  disons  «tm  objet,  un  cheval  de  prix:f;  les  Annamites  appliquent 
cette  expression  aux  personnes  elles-mêmes. 


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70  KIM  vAN  KIËU  TAn  TRUYÊN. 

«Bë  tran  chim  noi  thuyën  quyên. 

«Hfiru  tàî!  Thmnig  nôi  vô  duyen  la  dM!» 

Sanh  rang  :  «Thîêt  c6  nliir  16i, 
1905    «Hong  nhan  bac  mang  mot  ngirW,  nào  vay? 

«Ngàn  xira  au  cûng  thê  nây! 

«Tir  bi  au  lieu  b(H  tay;  moi  vira!» 

Tiêu  thcr  rang  :  «Y  trong  tir, 

«Rap  dem  mang  bac,  xin  nhir  cù*a  không. 
1910    «Thôi,  thl  thôî!  Cûng  chiu  long! 

«Cûng  cho  cho  nghl  trong  v6ng  birô-c  ra. 

«San  Qitan  âm  câc  vu'Ôti  ta. 

«C6  cây  trâm  thu'ô'c;  c6  hoa  bon  miia. 


1.  Litt.  :  ^(QiMnt  à  ce  qtCen  f<Ut  de)  vermeil  —  visage  —  (et  de)  Uanche  — 
destinée  —  (U  y  ait)  une  unique  —  personne,  —  est-ce  que  donc  —  c'est  eUnsif» 

Les  qualificatifs  *hSng  —  vermeil*  et  «ôoc  —  Uanche*  sont  employés 
parallèlement  Tun  à  l'autre,  de  même  que  les  substantifs  *nhan  — ^  visage* 
et  <^mang  —  destinée*  auxquels  ils  se  rapportent.  Les  mots  *mot  ngubi  — 
une  personne*  deviennent  par  position  une  expression  verbale  impersonnelle; 
pour  la  même  raison  *vay  (pour  vây)  —  ainsi»  joue  le  rôle  de  verbe. 

2.  Litt.  :  *  pendant  dix  mille  autrefois*. 

3.  Litt.  :  «(Vous  montrant)  douce  —  il  convient  de  —  voir  à  —  diminuer 
— .  (votre)  main  —  et  alors  —  ce  sera  —  (comm^  il  convient)/* 

4.  Litt.  :  «  Directement  —  apportant  —  sa  destinée  blanche  —  die  demande 
à  —  profiter  —  d'une  porte  —  vide*. 

Il  y  a  parallélisme  de  position  et  de  sens  entre  les  deux  adjectifs  €bae* 
et  *  không*. 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  TRUY^N.  71 

«Cest  une  fille  bien  élevée  qu'a  submergée  Tocéan  de  ce  monde. 

«Elle  est  habile;  et  j'ai  pitié  de  son  étrange  infortune!» 

«S'il  en  est  comme  vous  dites»,  lui  répondit  Sanh, 

«n'y  a-t-il  donc  que  cette  femme  à  qui  sa  beauté  fasse  un  destin  mal-  1905 
> heureux  »? 

«Il  en  fut  de  tout  temps ^  comme  il  en  est  aujourd'hui! 

«Montrez- lui  quelque  douceur;  pesez  sur  elle  d'une  main  moins 

»  lourde,  et  tout  sera  pour  le  mieux  ^!  » 
«Si  je  comprends  bien  sa  supplique  »,  reprit  Hoçn  thcr, 

«elle  nous  demande  un  refuge  où  abriter  son  infortune^. 

«  Eh  bien  !  après  tout,  j'y  consens  !  1910 

«Je  lui  permets  de  résider  auprès  (de  notre  demeure)*. 

«Justement  dans  le  jardin  est  un  temple  de  Quan  âm. 

«  Il  s'y  trouve  des  arbres  de  cent  coudées,  des  fleurs  de  toute  saison  % 


6.  Litt.  :  €Tout  ausn  bien  —  accordant  —  je  donne  à  —  elle  —  danê  — 
le  cercle  (de  notre  famille)  —  (la  faculté)  de  marcher  —  (et)  aortir  (d^ aller  et 
de  venir)*. 

L'expression  qa'emploie  ici  le  poète  se  rapproche  assez  de  notre  locu- 
tion métaphorique  :  «graviter  dans  Torbite  de  quelqu'un». 

6.  Il  y  a  là  un  double  sens. 

La  première  interprétation  est  la  plus  naturelle;  c'est  que  dans  le  jar- 
din de  la  pagode  se  trouvent  de  grands  arbres  et  des  fleurs  en  toute  sai- 
son; mais,  en  outre,  il  faut  savoir  qu'on  désigne  sous  le  nom  d'«ar6r««  de 
cent  coudéeê*  les  baguettes  odoriférantes  que  les  bonzes  brûlent  dans  les 
pagodes.  Ils  doivent,  tout  le  long  de  Vannée,  faire  leurs  dévotions  devant  ces 
baguettes  allumées.  De  là  la  qualification  de  «  hoa  bon  mùa  —  des  fleurs  des 
quatre  saisons  t^  que  l'on  donne  à  leurs  prières. 


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72  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

«C6  c6  tho,  c6  san  hô. 
1916    cCho  nàng  ra  dô  giô*  cbùa  tung  kinh! 

«Tirng  tirng,  trôi  moi  binh  minh, 

«Hirang  hoa  ngû  cùng  sâm  sanh  le  thirông». 

Dira  nàng  dên  tirrô-c  Phât  dirông; 

Tarn  qui,  ngû  giâi,  cho  nàng  xuât  gia. 
1920    Ao  xanh  dôi  lây  ca  sa; 

Phâp  danh  lai  dôi  tên  ra  Trac  tuySn. 

Sôin  khuya  tfnh  dû  dâu  dèn; 

Xuân  thu  cât  San  haï  tên  Inrang  trà. 

Nàng  tir  lânh  gôt  virè'n  hoa, 
1926    Dirông  gân  nhig  tfa,  dirông  xa  bni  hông. 


1.  Par  «Tarn  qui  —  les  trois  refuges  (en  sanscrit  TAehoiranc^i^  on  entend 
la  profession  de  foi  bouddhiste,  qni  consiste  dans  les  formules  suivantes  : 
«^  '^  '^  Qni  y  Phât  —  Je  me  réfugie  en  Bouddlia*,  «^  ^  ^  Qui 

y  phâp  —  Je  me  réfugie  en  Dharma  (la  loi  religieuse)  »,  et  «  '^î  >ffr  fg    Qui 
y  làng  —  Je  me  réfugie  dans  VéUU  religieux  (Sangha)», 

Les  ^cinq  Défenses  (Pamlia  Vèramanl)^  sont  les  suivantes  : 
1°  Ne  tuez  pas  ce  qui  a  vie. 
2°  Ne  volez  pas. 
3**  Ne  soyez  pas  luxurieux. 
4**  Ne  parlez  pas  à  la  légère. 
6°  No  buvez  pas  de  vin. 

(W.  F.  Mayebs,  Chinese  reader^s  manual.) 

2.  Le  vêtement  des  bonzes  s'appelle  en  annamite  ^àocasa*.  Il  est  fait 
de  morceaux  d'étoffe  jaune  rapportés. 


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Kl  M  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  73 

<  de  vieux  arbres,  des  viviers,  des  rocailles.  I9i5 

€  Qu'elle  s'y  rende  et  garde  la  pagode  en  psalmodiant  des  prières  ! 
«Alors  que  l'aurore  amène  les  premières  clartés  du  jour, 

«  elle  préparera  les  cinq  offrandes  d'épices  et  disposera  tout  pour  les 

>  cérémonies  accoutumées  ». 
On  conduisit  la  jeune  fetome  dans  le  temple  de  Bouddha 

pour  qu'elle  y  menât  la  vie  religieuse  en  faisant  la  profession  de  foi,  1920 

en  observant  les  cinq  défenses  \ 
Elle  changea  ses  vêtements  bleus  contre  la  robe  des  bonzesses^, 

et  son  nom  (mondain)  contre  le  nom  religieux  de  Trac  tuyênK 

Matin  et  soir  on  lui  mesurait  l'huile,  ou  lui  comptait  les  bougies  suf- 

âsantes, 
et,  pour  toute  l'année,  deux  petits  serviteurs  lui  furent  assignés*. 

Depuis  que  dans  ce  jardin  elle  s'était  retirée,  1926 

il  lui  semblait  qu'elle  se  rapprochait  de  la  sainteté,  qu'elle  s'éloignait 
des  souillures  humaines  ^ 

3.  Ce  nom  signifie  ^la  tource  purifiante», 

4.  Litt.  :  €Pour  le  printemps  —  et  T automne  —  (<m  lui)  désigna  —  tout 
prêta  —  deux  —  ncmiê  —  d'encens  —  et  thé*. 

Les  petits  serviteurs  désignés  sous  le  nom  de  ^htromg  ira»  ont,  comme 
lenr  nom  Tindiquo,  pour  attiibutions  principales  d'allumer  rencens  et  de 
servir  le  thé. 

5.  Litt.  :  €Elle  était  comme  —  près  de  —  la  forêt  —  violette,  —  elle  était 
comme  —  loin  de  —  la  poussière  —  rouge». 

Bvbng  est  verbe  par  position. 

Dans  la  phraséologie  bouddhique,  le  mot  <irhmg  — forU»  désigne  la 
sainteté,  parce  qu'elle  est  réputée  s'acquérir  dans  les  monastères,  lesquels 
sont  situés  au  sein  des  forêts  qui  couvrent  les  montagnes.  Quant  au  mot 
«^a»,  U  est  là  pour  faire  pendant  à  l'adjectif  *h&ng»  qui  occupe  la  place 
correspondante  dans  le  dernier  hémistiche. 


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74  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Nhân  duyên  dâu  lai  côn  mong? 

Khôi  dêu  then  phân,  tùî  hông,  thi  thôî! 

PhM  tien  thâm  lâp,  sau  vùi; 

Ngày  phô,  thù  to;  dêm  nôi  tâm  hirong. 
1930    Cho  hay  giot  nirô-c  nhành  dirong, 

Lita  16ng  tirô-i  tât  moi  diràng  tran  duyên. 

Sông  nâu  tù*  trô*  màu  thuyën, 

San  thu  trâng  dâ  vàî  phen  dirng  dâu. 

<5uan  ph5ng,  then  nhât,  lu-ôi  mau! 
1935    Nôi  cu-M  tiTrô-c  mât,  roi  châu  vâng  ngu*ôi! 

Câc  kinh  viên  sâch  dôi  nai  ! 


«  B^%  h&ng  »  est  la  traduction  annamite  de  Texpression  chinoise  «  j^  J^ 
k&ng  tréh  —  la potuêière  rouge».  Par  «j^  trân  —  potunère»,  les  bouddhistes 
entendent  tout  ce  qui  attire  dans  le  monde,  tout  ce  qui  tient  à  Tintérêt  ou 
à  la  vanité  humaine,  tous  les  atti-aits  que  la  matière  exerce  sur  nous,  et 
qu'ils  rangent  dans  les  six  catégories  suivantes,  appelées  par  eux  les  six 
ÊÊ  \.A^  ^Ê  '^  ^''^  ^^  sanscrit  Bâhf/a  ayatana)  : 

1**  "A   Sâc,  la  forme  (sansc.  Rùpa), 

-**  ^  Think,  le  son  (sansc.  Sadda). 

S^  5^  Huang,  Todorat  (sansc.  Oandha). 

4*»  ^  Vi,  le  goût  (sansc.  JRasa). 

6**  jffi  Xûc,  le  toucher  (sansc.  Pôttabha). 

C**  j^  Phdp,  la  perception  du  caractère  ou  de  l'espèce  (sansc.  Dharma). 

On  dit  que  ces  ^^  sont  «rouges»,  parce  que  de  même  que  le  rouge, 


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KIM  VAN  KIËU  TAn  TRUYÊN.  75 

Pouvait-elle  rêver  encore  au  bonheur  de  cette  terre? 

Elle  était  désormais  afiranchie  des  honteuses  vanités  du  monde  *! 

Devant  Fautel  de  Phât,  elle  sentait  s'engourdir  sa  tristesse  \ 

Le  jour  elle  pratiquait  Tabstinence  "^j  elle  gardait  la  pagode;  la  nuit 

dans  le  brûle-parfums  elle  entretenait  Fencens. 
n  faut  savoir  que  les  gouttes  de  Teau  qui  jaillit  de  la  branche  de  1930 

Duang 
calment  par  leur  fraîcheur  le  feu  des  passions  en  effaçant  toute 

souillure  mondaine. 
Depuis  que,  revêtant  la  robe  brune  ^,  elle  était  entrée  en  religion, 

la  lune  plusieurs  fois  dans  la  cour  avait  brillé  sur  sa  tête. 

La  porte  était  soigneusement  fermée;  (elle  était  là  comme  un  oiseau 

que  le)  filet  enserre. 
En  présence  des  autres  elle  parlait  gaiement;  seule,  elle  répandait  1935 

des  larmes  ! 
Le  palais  de  la  prière  et  le  cabinet  d'étude  étaient  éloignés  Fun  de 

l'autre  *; 

étant  une  couleur  éclatante,  attire  les  regards,  de  même  ils  attirent  sur 
eux  Tattention  de  notre  esprit. 

1.  Lîtt.  :  ^EUe  échappait  à  —  la  chose  —  d'avoir  honte  de  —  le  fard,  — 
de  déplorer  —  le  rouge,  —  et  voilà  tout!* 

2.  Litt.  :  *  Devant  le  Bouddha  —  (son)  afJUction  —  était  couverte  de  terre, 
—  (ia)  tristesse  —  était  couverte  de  teTre*. 

3.  Les  bonzes  font  abstinence  tous  les  jours. 

4.  Litt.  :  «  (Quant  à)  la  cotdeur  de  sang  —  brun  —  depuis  qu^  — _  elle  était 
retournée  à  —  la  cotdeur  —  du  bouddhisme,'» 

Le  s&ng  est  une  écorce  qui  fournit  la  couleur  jaune  marron  avec  laquelle 
on  teint  Tétoffe  qui  sert  à  faire  les  habits  des  bonzes. 

Le  mot  *thui/ên»  dit  M.  Wells  Williams,  signifie  :  «demeurer  assis, 
plongé  dans  une  contemplation  abstraite,  comme  cela  est  requis  pour  le 
€dyana>  OU  abstraction;  d'où  ce  mot  est  devenu  un  des  termes  par  lesquels 
on  désigne  les  prêtres  de  Bouddha»,  et  par  extension  les  bouddhistes  en 
général. 

6.  Litt.  :  «.  . . .  (étaient)  deux  —  endroits*. 


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76  KIM  VAn  KIÊD  tAn  TRUYÊN. 

Trong  gang  thirô-c  lai  bi  mirôi  quan  san! 

Nhtrng  là  ngâm  thô*  ngùi  tlian, 

Ti^  tha  phâi  buèî  vân  an  vë  nhà. 
1940    Thita  ca  Sanh  moi  lén  ra  ; 

Xâm  xâm  dên  mai  Yxxbn  hoa  vôi  nàng. 

Sut  sùi  kè  nôi  doan  tràng, 

Giot  châu  tam  ta  irô-t  tràn  âo  xanh! 

Rang  :  «Cam  chiu  bac  vôi  tinh! 
1945    «Chù  dông  de  toi  mot  minh  cho  hoa? 

«Thâp  ce  thna  tri  don  bà; 

«Trong  vào,  dau  mot;  nôi  ra,  ngai  loi! 

«VI  ta  cho  luy  dên  ngirôi; 


1.  Litt.  :  «  Dam  —  %m  empan  —  de  coudée,  —  en  outre,  —  elle  était  triste 
—  (qucml  à)  dix  —  pasêoges  —  de  montagnes-». 

Après  le  goût  du  parallélisme,  celui  qui  domine  le  plus  chez  les  poètes 
annamites  est  le  goût  des  oppositions.  Ce  vers  en  est  un  exemple  assez 
remarquable.  L*auteur  parle  ici  de  dix  passages  de  montagnes  pour  exprimer 
le  grand  éloignement  où  KHu  se  trouve  des  siens,  parce  que  c'est  par  les 
passages  que  Ton  franchit  les  montagnes,  et  que  plus  il  y  en  a,  plus  cela 
suppose  de  montagnes  placées  les  unes  derrière  les  autres,  et,  par  consé- 
quent, plus  la  distance  est  grande.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  le  pays  où 
se  passe  l'action  du  poème  est  une  région  très  montagneuse.  €Miroi  —  cKr» 
est  pris  ici  pour  une  quantité  indéterminée,  mais  considérable. 

2.  Litt.  :  «  Les  gouttes  —  de  perles  —  abondamment  —  en  le  mouillant  — 
débordaient  sur  —  son  vêtement  —  bleu». 

Le  mot  €ocank  —  bleu»  n'a  ici  d'autre  emploi  que  de  rimer  avec  le  mot 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyçn.  77 

Mais  toute  enfermée  qu'elle  était  dans  un  espace  resserré,  là  bas,  par 

delà  les  montagnes,  au  loin  sa  pensée  s'envolait  '  ! 
Pendant  qu'elle  gémissait  en  son  cœur  et  se  livrait  à  la  tristesse, 

il  advint  que  la  grande  dame  alla  visiter  sa  famille. 

Sanh  profita  de  l'occasion;  il  sortit  en  cachette  1940 

et  se  rendit  tout  droit  au  jardin  de  la  pagode  pour  y  rejoindre  -ffieV. 

Tandis  qu'elle  lui  contait  en  pleurant  ses  infortunes, 

des  flots  de  larmes  qu'il  versait  son  vêtement  était  trempé  '. 

«Je  l'avoue»,  dit-il,  «j'ai  payé  votre  aflTection  d'ingratitude 2, 

«  et  moi  qui  pourtant  suis  le  maître,  j'ai  laissé  tomber  sur  vous  seule  1945 
>ce  malheur  3! 

«Je  me  suis  laissé  vaincre  par  la  ruse  et  la  finesse  d'une  femme! 

«  Quand  je  fais  un  retour  sur  moi-même,  je  sens  mon  cœur  se  déchi- 
>rer!  Lorsqueje  veux  parler,  mes  paroles  meurent  dansmagorge^! 
«  Cest  moi  qui  causai  votre  infortune  ; 


«ânA»  qui  termine  le  vers  suivant  Dans  les  habitudes  de  la  prosodie  anna- 
mite, les  deux  sons  •anh»  et  «tn^»  sont,  en  effet,  considérés  comme  rimant 
ensemble.  Kiiu  ne  porte  pas  réellement  un  vêtement  bleu,  puisqu'on  a  vu 
quelques  vers  plus  haut  qu'elle  Tavait  échangé  contre  la  robe  jaune  brun 
des  bonzesses. 

3.  Litt.  :  < De  plein  gré  —  je  confeste  —  avoir  été  ingrat  —  avec 

(envers)  —  (votre)  affed,%on*, 

4.  Litt.  :  *(Moi  qui)  gouverne  —  V  Orient  —  ai  laissé  —  la  faute  (le  mal- 
heur) —  tout  seul  —  à  —  la  fleur  (à  vous)!* 

5.  Litt.  :  €  (Quand)  je  regarde  (cela)  en  dedans  (de  moi-même)  —  je  souffre 

—  (quant  à  mes)  entrailles;  —  (quand)  j'en  parle  —  en  dehors  (de  mai-même) 

—  je  suis  obstrué  —  (quant  à  mes)  paroles!» 

Ce  vers  est  un  modèle  de  parallélisme  au  point  de  vue  du  rôle  gram- 
matical des  mots  et  de  l'opposition  des  idées.  On  voit  en  effet  qu'il  n'est 


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78  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

«Cât  lâm,  ngoc  trâng,  thiêt  th5i  xuân  xanh! 
i960    «Quân  chî  lên  câc,  xuông  gành? 

«Cûiig  toan  8Ông  thâc  vôi  tinh  cho  xong! 
«Tông  dirÔTig  chut  chéa  cam  15ng; 
«Cân  rang  bé  mot  chtr  dông  làm  hai! 
«Then  minh  dâ  nâi  vàng  phai! 
1955    «Trâm  thân  de  chuoc  mot  IM  dirac  sao?» 
Nàng  rang  :  «Chiêc  bâ  sông  dào 
«Phù  tram  cûng  mâc  lue  nào  rûi  may! 
«Chut  thân  quân  quai  vùng  vây, 

pas  un  verbe,  une  particule,  un  substantif  du  premier  hémistiche  qui  n'ait 
son  pendant  dans  le  second. 

1.  Ldtt.  :  *(Que  le)  Ddique  rampant  —  a  trempé  dans  Veau  —  (et)  la 
pierre  précieuse  —  blanche  —  a  été  endommagée  —  dans  (son)  printemps  !> 

2.  Litt.  :  €Je  tiendrais  compte  —  en  quoi  —  de  monter  dans  —  un  palais, 
—  de  descendre  —  une  faleiisef  » 

*^V  ^É  -^^  dttrang*  est  une  expression  chinoise  qui  signifie  «ce^ 
qui  préside  aux  ancêtres*,  c'est-à-dire  le  chef  de  la  famille,  qui  a  seul  mis- 
sion d'accomplir  les  cérémonies  de  leur  culte. 

3.  Litt.  :  «72  m^rd  —  (ses)  dents  —  (de  ce  que),  rompant  —  Vunigue  — 
caradkre  —  dSng  (ensemble),  —  on  en  a  fait  —  deux  !  » 

L'expression  «  can  rang  —  supporter  avec  beaucoup  de  peine  (litt.  :  mordre 
ses  dents)»  constitue  un  verbe  actif  composé  dont  le  régime  direct  est  la 
proposition  entière  qui  le  suit.  —  Le  père  de  Thvc  sanh  croit  encore  que 
Tûy  kiêu  a  péri  dans  Tincendie  de  sa  maison. 

4 de  ce  qu'une  personne  d'une  telle  valeur  succombe  par  ma 

faute  sous  le  poids  d'une  semblable  infortune. 

5.  Allusion  à  la  première  strophe  de  l'ode  du  ^  j^  intitulée  «  ijA 
4H*  Bà  châu  —  le  bateau  de  cf/prhs». 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÇN.  79 

«c'est  par  moi  que  s'est  flétrie  votre  fraîche  et  brUlante  jeunesse  M 
«Que  ne  ferais-je  point  (pour  vous  plaire)^?  i960 

«Que  je  vive  ou  que  je  meure,  je  veux  être  digne  de  vous! 
«Le  chef  de  ma  maison  ^  n'est  nullement  consolé  encore, 
«et  il  est  irrité  de  voir  notre  union  rompue  ^! 

«Je  suis  honteux  de  ce  que  la  pierre  est  brisée,  de  ce  que  l'or  est 
>temi^! 

«  Que  ne  puis-je  au  prix  de  cent  vies  racheter  la  parole  (violée)!»     1966 

«Telle»,  dit  Kiiu,  «qu'un  bateau  de  cyprès^  emporté  par  les  grands 

»  flots, 
«au  gré  du  bonheur  ou  de  l'infortune  je  flotte  ou  je  suis  submergée! 

«  Pendant  que  je  me  débattais  (contre  les  malheurs  qui  m'accablent)^, 

«   igi   ^   m  ^   a 

m  n  ^  w^  %  ^ 
^  m  m  r^  ^  ^ 

^o    ïSo    Mo    ^o    l^o    ^To 

^Phiêm  bl  là  châu! 

^Diêc  phi&n  ky  Itru! 

«  Cành  cdnh  bâ^t  mi, 

«  Nhu  hùru  an  uni, 

«  F»  ngE  v6  t&u 

«2^  ngao  di  du. 
«Flottant  à  Taventure,  il  s'en  va,  le  bateau  de  cyprès! 
«Il  flotte  à  Taventure,  et  le  courant  l'emporte! 
«Sans  repos  comme  sans  sommeil, 
«Je  suis  semblable  à  un  blessé  qui  souffre! 
«Ce  n'est  pas  que  je  manque  de  vin 
«pour  errer  çà  et  là  au  gré  de  mon  caprice!» 
Le  bois  de  cyprès  est  réputé  propre  à  construire  des  barques. 
6.  Litt.  :  €  (Pendant  que  mon)  peu  —  de  corps  —  pliant  sous  le  poids  -^ 
te  démenait^  9 


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80  Kl  M  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

«Song  thù-a  con  tirông  dên  rày  utra  sao? 
i960    «Cûng  lieu  mot  giot  mira  dào; 

«Ma  cho  thiên  ha  trông  vào,  cûng  hay! 

«Chût  vi  cam  dâ  bén  dây, 

«Châng  tràm  nàm,  cûng  mot  ugày  duyên  ta! 

«Lieu  ma  ma  cà-a  cho  ra! 
1965    «Ay  là  tinh  nàiig;  ây  là  on  sâu!» 

Sanh  rang  :  «Riêng  tirôiig  bây  lâu! 

«Long  ngu'ô'i  nham  hièm!  Biêt  dâu  ma  lirô-ng? 

«Nfra  khi  dông  to  phu  phàng, 

«C6  riêng  dây  cûng  lai  càng  cire  dây! 
1970    «Lieu  ma  xa  chay  cao  bay! 

«Ai  an  ta  cô  ngân  nây  ma  thôi! 

«Bây  giô*  kê  ngirac  ngirôi  xuôi; 

«Biêt  bao  giô*  lai  nôi  16i  mr&c  non?> 


1.  Litt  :  «  Tout  aussi  bien   —  je  me  suis  exposée  à  —  une  —  goutte  — 
d^a/oerse  ». 

2.  Notre  amour  a  pris  naissance. 

3.  ^expression  ^tràm  nàm  —  cent  ans»  signifie  *  toute  la  vie». 

4.  Litt.  :  •(S'il)  y  avait  —  du  particulier  —  là,  —  tout  aussi  bien  —  en 
retour  —  d'autant  plus  —  ce  serait  douloureux  —  ici!» 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYIn.  81 

«anrais-je  pu  m'attendre  à* vivre  jusqu'à  ce  jour? 
«J'ai  dû  subir  quelques  tracas \  i960 

«  et  si  je  me  laissais  voir^  (votre  femme)  le  saurait. 
<  Quoi  qu'il  en  soit,  le  câm  avait  été  mis  d'accord  2, 
«et  notre  union  a  duré  sinon  cent  ans^,  du  moins  un  jour! 
«Voyez  à  m'ouvrir  la  porte  afin  que  je  puisse  sortir! 

«Ce  sera  là  une  grande  preuve  d'aflTection!  Ce  sera  un  bienfait  1965 

>  signalé!» 
«Je  n'ai  jamais  cessé  d'y  penser!»,  (lui)  dit  Sanh-, 

«  (mais)  ma  femme  est  méchante  et  dissimulée  !  Comment  savoir  ce 

»  qu'il  faut  faire? 
«  Si  quelque  tempête  venait  à  nous  séparer  de  nouveau 

«  et  qu'il  vous  survînt  quelque  ennui,  j'en  souffrirais  plus  encore  que 

»vous^! 
«  Efforcez-vous  de  vous  enfuir  bien  loin  *,  1^70 

«  et  notre  amour  toujours  sera  le  même  ! 

«Nous  sommes  aujourd'hui  séparés  l'un  de  l'autre «! 

«  qui  sait  quand  nous  pourrons  renouer  l'union  que  nous  nous  jurâmes'? 


«  Bâ^t/9,  mot  tonkinois  qui  est  synonyme  de  <iâà  —  là*  signifie  ici  «t>oti#», 
de  même  qne  ^lâûy  —  ici*  signifie  «moî». 

6.  Litt.  :  €  Voyez  à  —  loin  —  courir,  —  haut  —  voler,* 

6.  Litt,  :  «  MaiiUenarU  —  (il  y  aj  celui  qui  —  est  à  contre  —  courarU  — 
feij  la  personne  —  (qui  va)  dans  le  sens  du  courant!» 

7.  Litt.  :€..,,  de  nouveau  —  nous  joindrons  —  les  paroles  —  d'eaux  — 
(etj  de  montagnes?* 

6 


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82  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Dâu  rang  :  «Sông  can,  dâ  mon, 
1975    «Con  tâm  dën  chêt  cûng  c6n  kéo  ta!» 

Cùng  nhan  kè  le  sau  xira. 

N6Î  roi,  laî  n6i;  16i  chira  hêt  IW! 

Mât  trông,  tay  châng  nô*  rW! 

Hoa  Û  dâ  dông  tîêng  ngirôi  nèo  xa. 
1980    Ngân  nga  n6î  tûî,  dihig  ra; 

Tiêu  tha  dâu  dâ  thêm  hoa  hxràc  vào! 

CirW  cirM,  n6i  nôî  ngot  ngào. 

Hôi  chàng  :  «Moi  à  chôn  nào  laî  chod?» 

Dôi  quanh,  Sanh  moi  lieu  loi  : 
1985    «Tâm  hoa  quâ  birô-c,  xem  ngirM  vîêt  kinh». 

Khen  rang  :  «But  phâp  dâ  tinh! 

«So  vào  vôi  thiêp  Huomg  dïnh  nào  thua? 

1.  Sanh  veut  dire  par  là  qu'aucune  circonstance  ne  peut  les  empêcher  de 
s'aimer.  Puisque  des  situations  impossibles  à  réaliser  ne  sauraient  amener  ce 
résultat,  à  plus  forte  raison  en  est-il  ainsi  de  celles  qui  sont  possibles. 

2.  Nous  nous  aimerions  toujours  de  même. 

3.  Litt.  :  «  Elle  riait,  —  riait,  —  ditait  —  disaU  —  (deê  ckotes)  nUeUeuêet,  » 

4.  Elle  fait  semblant  de  ne  pas  reconnaître  son  mari  et  de  le  prendre 
pour  un  étranger. 

5.  Une  des  fonctions  de  2%  kiiu  dans  la  pagode  était  d'y  écrire  des 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYIn.  83 

«Quand  les  fleuves  seraient  à  sec,  quand  les  pierres  seraient  usées i, 

«le  ver  à  soie,  jusqu'à  sa  mort,  filera  toujours  son  cocon ^î  1976 

Ensemble  ils  s'entretenaient  de  l'avenir  et  du  passé. 

Quand  ils  avaient  fini  de  parler,  de  rechef  ils  parlaient  encore;  leur 

langue  était  infatigable! 
Us  se  regardaient,  et  leurs  mains  ne  pouvaient  se  séparer  ! 

Une  servante  (vint  les  prévenir)  qu'au  dehors  on  entendait  du  bruit. 

(8anh)y  indécis,  exprima  sa  douleur;  il  se  préparait  à  partir,  i980 

quand,  tout^à-coup  la  noble  dame  s'avança  sous  la  vérandah  fleurie. 

Son  visage  était  riant,  sa  parole  mielleuse  et  aisée '. 

^lyoù  êtes- vous  venu  vous  promener  ici?»  demanda-t-elle  (à  Thûc 
sanh)  *. 

Ce  dernier,  alors,  chercha  des  détours  : 

«Je  cueillais  des  fleurs»,  dit-il.  «Entraîné  trop  loin  dans  ma  course,  1985 
>  (j'ai)  profité  de  Toccasion  pour  visiter  (cette)  personne  qui  écrit 
»  des  oraisons*.  / 

«Elle  a  une  main  merveilleuse!»  ajouta-t-il  en  louant  (KiSu), 

«  Comparées  au  modèle  de  Huomg  â\nh  ®,  ses  œuvres,  certes  !  n'auraient 
»  point  le  dessous! 

prières.  •—  Ce  vers,  extrêmement  concis,  ne  peut  être  complètement  rendu 
en  français  que  par  une  phrase  assez  longue. 

C.  ^&  JÉC  Huang  dinh  —  le  pavillon  des  parfums,  plus  communément 

nommé  S|  SC   Lan  dïnh   —   le  pavillon  du  Lan  (Epidendrum),  était  au 
rV'  siècle  de  Tère  chrétienne,  le  rendez-vous  d'un  cercle  de  lettrés  distin-    ' 
gués  et  joyeux  dont  les  compositions  en  prose  et  en  vers  étaient  transcrites 
par  la  main  du  célèbre  calligraphe  "^P  ^^  ji^  Vtmng  hy  M,  On  a  gravé, 
à  différentes  époques,  des  facsimile  de  ses  textes  sur  des  tables  de  marbre, 

6» 


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84  KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUY^N. 

«Tiêc  thay  liru  lac  giang  hô! 

«Ngàn  vàng  thîêt  cûng  nên  mua  lây  tàî'.j 
1990    «Thuyên  trà  rôt  mr&c  Hong  mai; 

Thong  dong  nôi  gôt,  tha  traî  cûng  vê. 

Nàng  càng  e  hTù  ê; 

Di  tai  hôî  lai  hoa  Û  Inrô-c  sau. 

Hoa  rang  :  «Bà  dên  dâ  lâu! 
1996    «Chôn  chon  dihig  nép,  dô  dâu  nihi  gib. 

«Rành  rành  chou  t6c  kè  ta; 

«May  16i  nghe  hêt  dâ  dir  tô  tirông; 

«Bao  nhiêu  doan  khô,  tinh  thirong, 

«Nôi  ông  vât  va,  nôi  bà  thô*  than! 
2000    «Dàn  toi  dihig  lai  mot  bên; 


et  les  reproductions  de  ces  inscriptions  sont  connues  sous  le  nom  du  pa- 
villon d'où  provenaient  les  originaux. 

Ce  ^  ^  jj^  Vuang  hy  chi  ou  j^  ^  Dâi  thâu  vécut  de  Tannée 
321  à  Tannée  379  de  Tère  chrétienne.  C'était  un  fonctionnaire  distingué; 
mais  il  est  particulièrement  célèbre  pour  son  talent  d'écrivain.  C'est  à  lui 
que  Ton  doit  en  très  grande  partie  les  principes  de  Técriture  moderne.  On 
lui  attribue  Tinvention  de  la  forme  appelée  "Mif  ^È  giai  tha,  U  est  désigné 
souvent  sous  le  nom  de  ^  yfe  ®  Vuang  hvu  quân,  à  cause  du  titre  de 

sa  charge  qui    était  celle  de  «>^  JS  48*  S!  ^^^  9*^^  iwàng  quân*, 
(Matbb*8,  Chineae  reader^s  manual,) 

1.  Litt.  :«....  (danêj  les  Jleuves  —  et  les  lac»,  * 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  85 

«Pauvre  femme!  Dans  ce  monde ^,  égarée  loin  de  sa  voie, 
«en  vérité  son  talent  vaudrait  bien  mille  pièces  d'or!» 
(Kiëu)  leur  versa  le  thé  de  HSfig  mai,  1990 

puis,  avec  une  allure  pleine  d'aisance,  ils  retournèrent  chez  eux  de 

compagnie^. 
La  jeune  femme,  de  plus  en  plus  soucieuse. 


parlant  à  Toreille  de  la  servante,  lui  demanda  le  détail  (de  ce  qui 

s'était  passé)  ^ 
«Cette  dame»,  dit  celle-ci,  «était  là  depuis  longtemps. 

«Elle  s'est  tenue  immobile,  aux  aguets  dans  un  coin,  environ  une  1995 

»  demi-heure. 
«Elle  a  saisi  jusqu'à  la  moindre  chose ^, 

«et,  sans  en  perdre  une  seule,  a  entendu  toutes  vos  paroles^; 

«toutes  vos  paroles  de  tristesse,  toutes  vos  paroles  d'amour, 


« 


ce  que  vous  disiez  en  contant  vos  peines,  les  soupirs  que  madame 
a  poussés! 
«Elle  m'a  commandé  de  rester  debout  auprès  d'elle;  2000 


2.  Utt.  :  «  Avec  aisance  —  joignant  —  les  talonê  (de  Vun  à  ceux  de  Vautre), 

—  (à)  des  livres  —  le  cabinei  —  tout  aussi  bien  —  Us  s^en  retournèrent». 

3.  Litt  :  « en  avant  —  et  en  arrière*, 

4.  Litt.  :  *EUe  a  distingué  clairement  —   la  hase  —  des  cheveux  —  et  les 
intervalles  —  des  fils  de  soie  grége  ». 

L'adverbe  *rành  rành  —  clairement*  est  ici  verbe  actif  par  position. 

6.  Litt.  :  «  (Quant  au  fait  que)  les  paroles  —  elle  a  entendu  —  toutes,  — 
il  y  a  eu  —  un  superfiu  —  clairement*. 

Par  leur  position,   les  deux  adjectifs   «rfv  —  superflu*   et   «^  twang 

—  dair*,  deviennent  le  premier  un  verbe  qualificatif,  et  le  second  un 
adverbe. 


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86  KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

«Chân  tai  roi  môi  birô-c  lên  trên  lâu». 

Nghe  tliôi,  kinh  hâi  xiêt  dâu? 

«Bô-n  bà  dirô-ng  ây  thây  au  mot  ngirôi! 

«Ay  moi  gan!  Ay  môi  tài! 
2005    «Nghï,  càng  thêm  nghi!  Rèn  gai!  Rung  rW! 

«Ngirôi  dâu  sâu  sâc  nu-ô-c  d6i? 

«Ma  chàng  TMc  cûng  ra  ngu*6i  b5  tay! 

«Thiet  tang  bât  duçrc  du^ô-ng  nây, 

«Mâu  glien  ai  cûng  nheo  mày  cân  rang! 
2010    «The  ma  êm,  châng  dâi  dâng; 

«Chào  mM  vui  vè,  nôi  nftng  diu  dàng! 

«Giân  ru?  Ra  da  thê  tliirô-ng; 

«Cuôi  ru?  Mdi  thiet  khôn  lirô-ng  hièm  sâu! 

1 .  Litt.  :  «  (Lorsque  le  fait  de)  déborder  —  (quant  à  ses)  oreUle»  —  a  éié 
complètement  terminé,  ....  » 

2.  Litt.  :  «  (Quant  à  les)  voir  —  certainement  —  U  y  a  une  unique  —  per- 
sonnelle 

«  Mot  ngithi  —  une  unique  personne  »  devient  par  position  une  expression 
verbale  impersonnelle. 

3.  Litt.  :  «  (Si)  de  vrais  —  objets  volés  —  saisir  —  eUe  a  pu  —  de  cette 
manière,  » 

Il  y  a  ici  une  allusion  aux  codes  annamite  et  chinois,  qui  règlent,  en 
cas  de  vol,  la  gravité  de  la  peine  sur  la  valeur  du  corps  du  délit  19£ 
tang),  cVst-à-dîre  des  objets  volés,  réunis  en  un  tout. 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TEUYÇN.  87 

«pniS;  après  avoir  tout  entendU;  elle  est  montée  au  mirador^». 
A  ces  mots,  qui  dira  l'effroi  (de  IS^Su)? 

«Certes!  »  dit- elle  «jamais  on  n'a  vu  qu'une  femme  de  cette  espèce ^1 
«Quelle  énei^e,  et  quelle  habileté! 

«Plus  j'y  pense  et  plus  cette  pensée  m'obsède!  J'en  ai  la  chair  de  2006 

»  poule!  J'en  tremble  de  frayeur! 
«Où  trouver  de  par  le  monde  une  personne  plus  redoutable? 


« 


Quant  à  ce  Thûc,  c'est  un  homme  qui  rampe  sur  les  mains  (devant 
elle)! 
»Si  elle  a  pu  contre  nous  acquérir  une  semblable  preuve^, 

«qui  ne  serait,  (à  sa  place,)  transporté  de  jalousie^  ? 

«Peut-être  (cependant)  se  tiendra-t-elle  en  paix,  et  n'en  fera-t-elle  2010 

•  point  une  affaire, 
«  puisqu'elle  s'est  montrée  aimable  et  gaie,  que  ses  paroles  étaient 

>  affables! 
«  (Mais)  lorsqu'elle  est  irritée,  elle  dissimule;  sa  contenance  ne  change 

»  point"*, 
«et  l'on  ne  peut  savoir  les  pièges  qu'elle  cache  dans  son  sourire"! 

S^  ^  ®  WL  iÊf  $f  ^  ®  So  ^"^^  ^'^  ^"^**  ^^*  ^'  ^"'^'^  **^  ^^ 

chi  tang  hiçp  nhi  vi  nhirt,  Itcc  tang  chi  khinh  trçng  luân  toi  chi  khinh  trong  », 

(M  jë  #^>  ^  ^  —'  p'*^  2*>'  ^'^•) 

4.  Litt.  :  «  (Quant  au)  sang  —  de  jalousie  —  qui  (que  ce  soit)  —  tout  aussi 
bien  —  JrcnceraU  —  les  sourcils  —  (et)  mordrait  —  (ses)  dents!» 

5.  Litt.  :  «  Est-elle  irritée  f  —  elle  produit  au-dehors  —  un  ventre  (un  cœur) 
—  de  la  condition  —  ordinaire»; 

6.  Litt.  :  *  Rit' elle  f  —  alors  —  véritablement  —  il  est  difficile  de  —  me- 
surer —  (son  fait  <fj  être  dangereuse!» 

uRu»  est  une  particule  interrogative  particulière  à  la  phraséologie  ton- 
kinoise. 


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^ 


88  KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

«Thân  ta  ta  phâî  lo  an! 
2015    «Mieng  hiim  doc  r&n  à  dâu  chôn  nây! 

«Vf  chàng  châp  cânh  cao  bay! 

«Rào  cây  lâu,  cûng  cô  ngày  bè  hoa! 

«Phân  bèo,  bao  quân  nirô-c  sa? 

«Linh  dinh  dâu  nûa,  cûng  là  linh  dinh! 
2020    «Chîn  e  que  khàch  mot  minh, 

«Tay  không,  chii-a  de  tim  vành  âm  no!  ^ 

Nghï  di  nghï  lai  quanh  co, 

Phât  tien  sàn  c6  moi  do  kim  ngân. 

Ben  minh  giât  de  ho  thân, 
2025    Long  nghe  canh  dâ  mot  phân  trông  ba. 

Cât  minh  qua  ngon  tu'ông  hoa, 


1.  Quelque  piège  ici  me  menace, 

2.  Litt.  :  ^TpCaHacker  det  aUeê*,    ^ 

3.  Si  elle  me  gai-de  êi  longtemps  près  cCeUe,  cett  qu'elle  me  ménage  quelque 
douloureuse  surprise. 

4.  Ldtt.  :  *(Dans  ma)  condition  —  de  lentille  d'eau  —  combien  e*^'^  ^ 
—  je  mHnquihte  de  —  Veau  —  qui  tombe  f» 

De  même  que  la  lentille  aquatique,  étant  constamment  plonge 
Teau,  n'éprouve  ni  bien  ni  mal  de  la  pluie  qui  tombe  sur  elle,  de  ^ 
Kiiu,  habituée  à  être  abreuvée  de  douleur,  s'occupe  fort  peu  des  n^^ 
souffrances  qui  peuvent  l'attendre. 


> 


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KiM  vAn  Kiêu  tAn  truyçn. 
lie  faudra  veiller  gar  ma  pereoone! 


89 


r)  qaelqTiepart  ici  se  trouvent  la  dent  du  tigre  ou  le  venin  du  2015 
serpent  '  î 

e  ne  puis-je  me  douuer  des  ailes  ^  et  m'en  voler  au  haut  des  airs! 

ene  enferme  longtemps  l'arbre,  c'est  pour  en  briser  un  jour  les 
leurs  3! 

a  lentille  de  marais  quHmporte  la  pluie  qui  tombe  ^? 

'elle  surnage  ici  ou  là,  ce  n'en  est  pas  moins  surnager! 

is  vraiment  j'ai  peur  que^  toute  seule,  au  sein  d'un  pays  étran-  2020 

rer, 

mains  vides^  je  ne  puisse  pourv  oir  à  ma  subsistance  ^  !  » 

8  s'être  abandonnée  à  bien  des  réflexions  diverses^, 

vit)  que  dans  la  pagode  ^  elle  avait  sous  la  main  tous  les  usten- 

es  d'or  d'argent. 

les  prenait  avec  elle  pour  subvenir  à  ses  besoins, 

que)  en  prêtant  roreillc  elle  entendit  frapper  le  premier  coup  2025 
la  troisième  veille, 
se  bissa,  franchit  la  crête  du  mur  du  jardin, 


Lîtt.  :   *  <  .  .  .  ptu  enmrc  —  U  eM  facile  —  de  chercher  —  le  cercle  — 

chaudetiieni  —  et  dêire  r<Uf«a*iét^. 
es  dcas:  cboseâ  qui  août  les  plus  essentielles  à  Texistence  sont  le  vête- 

et  k  nourriture, 

'un  autre  <^tû^  pôtir  que  cette  existence  ne  cesse  point,  il  faut  que  ce 
'entretient  nous  aoît  fourni  satin  interruption.  De  là  cette  métaphore, 

laquelle  le  poète  représente  la  vie  matérielle  comme  un  cercle,  c'est- 
B  une  succeafflou  non  interronipnti  de  luttes  contre  le  refroidissement 

faîm. 

.  Litt.  :  *  (Ctmmt)  m^  réjîêjchisnanî  —  elle  allaU,  —  en  réfléchissant  —  elle 
i  —  toHueuëcrtiffnii  » 
,  Lîtt  :    •  JJevani  k  Botiddha,  » 


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Gt 


90  KIM  VAN  KIÊU  TA*N  TRUYÉN. 

Lan  dir6*ng  theo  b6ng  trâng  ta  vë  tây. 
Mit  mù  dâm  cât,  chôî  cây. 
Tiêng  gà  dêm  c6,  dâu  giày  eau  sirong. 
2030    Canh  khuya  thân  gâi  dàm  tnrdiig, 
E  dàng  sa!  Phân  thirong  dâi  dâu! 
Trôi  dông  vira  rang  ngàn  dâu. 

1.  Litt.  :  €ll  faUait  obscur  —  (quant  aux)  dàm  —  de  salle  —  (ei)  aux 
touffes  —  d^  arbres^. 

2.  Voilà  une  série  de  huit  substantifs  placés  à  la  suite  l'un  de  Tautre  : 
«  Fbw5,  coq,  herbe,  nuit,  trace,  chawtsure,  pont,  rosée!»  Au  premier  coup  d'œil 
on  serait  tenté  de  croire  que  le  poète  a  voulu  poser  à  ses  lecteurs  une 
véritable  énigme.  Cependant,  en  s'aidant  de  la  règle  de  position  et  de  la 
loi  du  parallélisme  qui  sont,  comme  je  Tai  déjà  dit  à  plusieui-s  reprises,  les 
deux  clefs  de  la  traduction  des  poésies  annamites,  on  peut  arriver  assez 
facilement  à  fixer  le  sens  de  ce  vers. 

En  vertu  de  la  loi  du  parallélisme,  il  est  dès  Tabord  à  peu  près  certain 
que  ces  huits  substantifs,  ou  plutôt  ces  huit  mots  présumés  tels,  doivent 
être  divisés  également  par  une  coupure  qui  formera  deux  propositions  com- 
posées chacune  de  quatre  monosyllabes.  Et  en  efifet,  en  y  regardant  de  plus 
près,  on  voit  que  *tiénff  —  voix*  et  «cJ  —  herbe»,  premier  et  quatrième 
mot  du  premier  des  hémistiches  ainsi  formés,  présentent,  au  point  de  vue 
des  choses  qu'ils  expriment,  une  relation  non  douteuse  avec  leurs  corres- 
pondants du  second,  qui  sont  *dàu  —  trace»  et  *suomg  —  rosée»,  La  voix 
du  coq  fait  reconnaître  son  voisinage,  comme  la  trace  laissée  par  les  pieds 
de  quelqu'un  fait  reconnaître  son  passage.  D'un  autre  côté  Vherbe  est,  la 
nuit,  imprégnée  de  rosée.  Il  n'est  donc  guère  possible  d'admettre  une  autre 
coupure,  et  non  s  avons  bien  là  deux  propositions  parallèles,  renfermant 
deux  idées  évidemment  correspondantes. 

Cela  étant,  il  n'y  a  plus  qu'à  découvrir  quel  est,  d^ns  chacune  de  ces 
deux  propositions,  celui  des  quatre  substantifs  qui  fait  fonction  de  verbe; 
car  toute  proposition  suppose  l'existence  de  cette  partie  du  discours.  Or,  si 
on  ne  le  détermine  pas  immédiatement  dans  la  première,  on  voit  que,  dans 
la  seconde,  le  mot  «cWi*  —  trace»  est  seul  susceptible  de  jouer  ce  rôle. 
Il  suit  de  là,  toujours  en  vertu  du  parallélisme,  que  dans  le  premier  hé- 
mistiche, le  verbe  sera  le  mot  correspondant  à  «dcm»,  c'est-à-dii-e  •tieng». 
On  s'apercevra  bien  vite  alors  que  «</à  -  coq»  et  *giài/  —  chaussure»  étant, 
par  la  nature  même  des  objets  qu'ils  expriment,  des  génitifs  inséparables 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN.  91 

et  suivit  le  chemin  dans  la  direction  de  Fombre  (que  formait)  la  lune 

en  s'inclinant  vers  Toccident. 
Sur  la  route,  dans  les  touflfes  d'arbres  \  partout  régnait  l'obscurité. 

Elle  entendait  le  coq  dans  Fombre.  Sur  le  pont  trempée  de  rosée  sa 

chaussure  laissait  une  trace  ^. 
Au  cœur  de  la  nuit,  pauvre  enfant  qui  parcours  cette  longue  route,  2030 

je  redoute  pour  toi  ce  voyage!  j'ai  compassion  de  tes  fatigues! 

Au  moment  où  au  sommet  des  mûriers  ^  Ton  voyait  s'éclaircir  le  ciel 
oriental, 

des  substantifs  «Uênff»  et  «cW-ti»,  ils  doivent  forcément  les  suivre  dans  leur 
fonction  grammaticale*,  et  que  si  ces  derniers  mots  sont  verbes,  ils  doivent 
s'unir  à  eux  pour  former  deu^  expressions  verbales  impersonnelles  corres- 
pondantes, qui  se  traduiront  en  français  par  :  €  Il  1/  a  des  cris  de  coq»  — 
^i II  y  a  des  traces  de  chaussures*.  Cela  étant  bien  établi,  il  est  facile  de  voir 
que  les  substantifs  «  dêm  —  nuit  »  et  «  câu  —  pont  »,  sont  au  locatif  par  po- 
sition, et  signifient  ^tdans  la  nuit*,  ^sur  le  pont».  ^Le  pont  de  rosée*,  c'est 
*  le  pont  trempé  de  rosée*:  Cette  sorte  de  génitif  elliptique  est  courante  dans 
la  poésie  cocbinchinoise. 

Quant  au  mot  «c^  —  herbe*,  le  poète,  comme  dans  une  multitude  de 
cas  analogues,  ne  Ta  probablement  placé  après  le  «  dêm  —  nuit  *,  que  pour 
sacrifier  au  parallélisme,  en  mettant  dans  le  premier  hémistiche,  au  rang 
correspondant  à  celui  qu'occupe  dans  le  second  le  mot  *suong  —  rosée*, 
une  épithéte  qui  lui  corresponde  par  une  certaine  concordance  d'idées. 
L'herbe  étant  souvent  représentée  dans  la  poésie  comme  trempée  de  rosée, 
le  mot  qui  la  désigne  en  annamite  lui  a  paru  suffisamment  approprié  à  son 
but.  U  ne  s'est  guère  inquiété  de  voir  s'il  constituait  au  mot  *dêm  —  nuit* 
une  épithéte  bien  nettement  compréhensible.  Les  poètes  de  la  Cochinchino 
ne  s'embarrassent  pas  pour  si  peu  !  «  La  nuit  herbue  *,  c'est  la  nuit  pendant 
laquelle  la  jeune  fiUe  foule  Vherbe  en  s'enjuf/ant.  On  saisit  cette  relation  avec 
un  léger  effort  d'intelligence  ;  mais  dans  l'esprit  du  poète,  le  véritable  mé- 
rite du  mot  €cé*,  c'est  qu'il  répond  bien  au  mot  *surang*. 

Il  faudra  donc  traduire  littéralement  ce  vers  comme  il  suit  : 

*Il  y  a  des  cris  de  coq  —  (dans)  la  nuit  —  herbue;  —  Il  y  a  des  traces 
de  chaussures  —  sur  le  pont  —  baigné  de  rosée,* 

3.  Litt.  :  «Xe  ciel  —  de  V  Orient  —  tout  juste  —  commençait  à  s'éclaircir 
—  au  haut  —  des  mûriers*. 

Il  s'agit  de  ces  mûriers  nains  qu'on  cultive  en  bordure  dans  les  champs. 
Voilà  pourquoi  l'auteur  peut  dire  qu'on  voit  l'horizon  s'éclairer  à  travers 
le  sommet  de  leurs  branches.  Cette  sorte  de  mûrier  a  été  introduite  depuis 
peu  dans  l'agriculture  françjiise  sous  le  nom  de  mûrier  Lhnu. 


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92  KIM  vAn  KI£u  TAn  TRUY^N. 

Ba  va  nào  dâ  bîêt  dâu  là  nhà? 

Chùa  dâu  trông  thây  nèo  xa! 
2035    Eành  rành  tChiêu  an  am>  ba  chu*  bày. 

Xâm  xâm  gô  cfta  birô-c  vào. 

Tra  tri,  nghe  tîêng,  nrô-c,  moi  vào  trong. 

Thây  màu  an  màc  nâu  sông, 

Gîâc  duyên  sir  tnr6*ng  lành  16ng  lien  thirang. 
2040    Gan  gùng  nhành  ngon  cho  tirông; 

La  lùng  nàng  hây  tim  dirông  nôi  quanh. 

«Tièu  thiën  que  à  Bac  kinh; 

«Qui  su*  qui  phât,  tu  hành  bây  lâu. 

«Bon  su*  roi  cûng  dên  sau; 
2045    «Day  dua  phâp  bèu,  sang  hâu  su*  huinh. 

«Rày  vâng  dîên  bien  rành  rành! 

1.  Ces  trois  mots  sont  chinois. 

2.  Litt.  :  «  (Quant  aux)  rameaux  —  (et  quant  à)  la  ame  ....  » 

3.  Litt.  :  *  (Etant)  étrangère,  —  la  jeune  femme  —  chercha  —  un  chemin 
—  de  parler  —  par  détours». 

4.  Le  mot  âB  signifie  ««e  conformer  à  la  loi».  Les  bouddhistes  dési- 
gnent sous  le  nom  de  «  ^£  â^  tam  qui  —  les  trois  qui  »,  trois  actions  ou 
plutôt  trois  manières  d'être  qui  consistent  à  suivre  le  bouddha,  la  loi  et 
les  règles  du  sacerdoce.  Ces  ^  â^  paraissent  être  la  conséquence  ou  la 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  93 

elle  marchait  à  Taventure,  et  ne  savait  où  (rencontrer)  une  habitation. 

Au  loin,  tout-à-coup,  elle  aperçut  une  pagode, 

sur  laquelle  elle  vit  clairement  inscrits  ces  mots  :  ^T&nvple  de  V appel  2035 

^àla  retraite*  ^ 
Elle  alla  droit  (à  cet  édifice),  heurta  la  porte  et  entra. 

Le  gardien,  entendant  du  bruit,  vint  au  devant  d'elle  et  Finvita  à 
pénétrer  dans  Tintérieur. 

En  voyant  qu'elle  portait  un  vêtement  teint  de  la  couleur  marron  que 
donne  le  SSng, 

le  coBur  bienveillant  de  la  supérieure  Gide  duyen  se  prit  de  sym- 
pathie pour  elle. 

EDe  rinterrogea  sur  les  moindres  détails  ^  afin  de  tout  connaître  2040 
clairement; 

(mais)  la  jeune  étrangère  s'efforça  de  lui  donner  le  change  ^. 

«Je  suis  de  Pékin»  (dit-elle), 

«  et  depuis  bien  longtemps,  embrassant  la  vie  religieuse,  je  me  suis 

> vouée  au  culte  de  Bouddha^. 
«D'ailleurs  ma  supérieure  doit  venir  ici  plus  tard. 

«Elle  m'a  commandé  de  vous  apporter  ces  objets  précieux  du  culte ^  2046 

«A  ses  ordres  fidèlement  j'obéis  et  vous  les  présente®!» 


réalisation  des  ^^  S  dont  j'ai  parlé  dans  une  note  antérieure.  Le  pré- 
sent vers  n'en  mentionne  que  deux,  le  premier  et  le  dernier. 

5.  Litt.  :  itElle  «l'a  ordonné  —  de  (vous)  transmettre  —  (ces)  de  la  loi  — 
(choses)  précieuses,  —  (et  de,)  me  transportant  (ici),  —  assister  —  le  bonze  — 
(mon)  Jrère  aîné  ». 

Dans  la  religion  bouddhique,  les  bonzes  et  les  bonzesses  sont  considérés 
comme  étant,  au  point  de  vue  religieux,  de  même  sexe.  C'est  pour  cela 
qu'ils  s'appellent  tous  indifféremment  *huynk  —  frhre  aîné», 

6.  Litt.  :  */ace  à  face  —  je  les  présente  >. 


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94  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

Chuông  vàng,  khânh  bac  bên  minh  àà  ra. 
Xem  qua,  sir  moi  day  qua: 
«Phâi  noî  Hàng  thuy  là  ta  hâu  tinh? 
2050    «Hiên  dô  dirông  sa  mot  minh; 

«CT  dây  ch6*  doî  sir  huinh  it  ngày  ! 

«Gôi  thân  dirçrc  chôn  am  mây. 

«Muôî  dira  dâp  dôi,  thâng  ngày  thong  dong! 

«Kê  kinh  câu  eu  thuôc  long, 


1.  Le  kkành  est  une  espèce  d'instrnment  de  musique  consistant  en  une 
plaque  sonore  suspendue  à  un  cadre  de  bois  plus  ou  moins  ornementé,  et 
dont  on  joue  en  la  frappant  avec  un  marteau.  Il  servait  dans  Tantiquité  à 
régler,  comme  une  espèce  de  diapason,  le  ton  de  tous  les  instruments  de 
musique.  Ainsi  que  Tindique  la  clef  du  caractère  qui  le  désigne,  on  le  fa- 
briquait avec  une  pierre  sonore.  On  en  a  fait  ensuite  de  différentes  matières. 
Aujourd'hui  le  métal  qui  sert  à  sa  fabrication  est  généralement  le  même 
que  celui  qui  entre  dans  la  composition  des  cloches.  Celui  dont  il  est  parlé 
ici  est  en  argent.  C'est  probablement  une  des  espèces  appelées  ^  ^Ç 
Sank  khânh  OU  ^§  St  Tx^mg  khânh;  dénominations  que  le  P.  A.  Zottou, 
qui  a  donné  dans  son  Cursus  lUteraturœ  sinicœ  (Vol.  II,  notœ  prsBviœ,  p.  67) 
une  description  complète  de  toutes  les  variétés  de  cet  instrument,  traduit 
par  fistulai-is  et  hymnifer. 

Ces  khânh,  isolés  ou  multiples  selon  Tusage  auquel  on  les  destinait, 
ont  été  en  usage  à  la  Chine  de  toute  antiquité.  Nous  voyons  au  42*  para- 
graphe du  XIV  livre  du  iâ|'  ^^  Confucius  lui-même  jouer  de  cet  instru- 
ment. Le  livre  des  vers  en  parle  en  plusieurs  endroits.  (Voy.  les  odes  ^t 

^'  ^  !J^'  ^  ^  ^^  ifi^O  ^^^°  P^^^'  ^^  ^^^^^  ^^J^  ^^^^  employé  230o 
ans  avant  Tère  chrétienne*,  car  on  le  voit  mentionné  dans  le  ^^  ^jR  on 
Livre  des  Annales  au  chapitre  intitulé  «  ^  ^  Vb  cffng  —  le  tribut  de  Vô  », 
à  l'occasion  des  contributions  à  fournir  par  les  habitants  de  la  province  de 
1^  ^  2>ir  châu  :  *^  ^  ^  ^  Tich  c^  khânh  thfi  -^  on  foumissaU, 
larsqu^on  en  était  requis,  des  pierres  à  polir  les  khânh». 

Les  clochettes  et  cloches  de  toutes  grandeurs  sont,  comme  le  khânh, 


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KIM  ¥AK  KIÊU  TAn  TRUYEN. 


95 


I Pïus)  elle  tendit  la  cloËhettê  d'or  et  le  Khdnh  d'argent  *  qu'elle 

avait  sur  eUe, 
La  supérienre  les  regarda  et  dit^  : 

cÊteg-TOOS  donc  da  eouTeat  de  Hàng  thày  que  dirige  une  amie  à 

>moi? 
«Toos  voyagez  bien  isolée^  nia  fille ^!  206O 

I Restez  ici  quelques  jourii  en  attendant  ma  sœur  la  supérienre! 

s  An  sdn  de  cette  pagode^  vous  pouvez  vous  établir. 

tVons  en  suivrez  le  régime ,  et  vous  y  vivrez  an  jour  le  jour  sans 

ï  contrainte  K 
Œn  fait  de  prières^  vous  réciterez  celles  qui  vous  sont  habituelles 

>et  que  vous  savez  par  e«înr'' j 

citées  fiOQveEtt  ûaub  les  clasâiqnDs.   Elles  semblent  avoir  formé  avec  les 
:Ambourfi  (S^)»  1^  ^^^^  ^^  '^  muai  que  chinoise  antique. 

ï.  Lee  Atmamites,  qui  sont  peut-être  plus  formalistes  encore  que  les 
Jhinoi»,  Dot  dans  leur  langue  de  a  termes  spéciaux  affectés  aux  différents 
legrés  hiérarchiqneâ  de  la  Boeîété;  et  cela,  non  seulement  pour  les  pronoms 
personnels^  mais  encore  pour  beaucoup  de  verbes  qui,  tout  en  rendant  au 
cmd  la  même  idée,  Yaricnt  selon  le  degré  que  la  personne  dont  ils  expriment 
'action  occupe  dans  récheîle  sociale.  C'est  ainsi  qu'ici,  au  lieu  du  verbe  <iinf)i» 
[m  est  employé  dans  les  relations  ordiimires  pour  exprimer  Tidée  de  parler, 
e  poète  fait  usa^e  du  mot  *dc^*  qui  signifie  proprement  ^erueigner»,  parce 
ju'il  s*agit  de  la  supérieure  d'un  Couvent  parlant  à  une  de  ses  subordonnées. 
î*îl  était  question  du  roi,  ce  serait  le  verbe  €pkân  — juger,  rendre  une  dédaion* 
[u'il  faudrait  employen  II  est  cependant  bon  de  noter  que  ces  nuances,  qui 
ont  assez  strictement  observées  dana  le  style  élevé  et  particulièrement  dans 
ft  poésie,  s'effacent  plu&  oit  moins  Jîms  la  conversation  familière. 

3,  Litt.  :«...*  (^yûfa)  vertueuj:  disciple/* 

4-  Utt  1   *  ...  .  dans  le  lieu  —  de  la  petite  pagode  —  de  nuages». 

Voir,  pour  rexpîication  de  cette  singulière  épithète,  ma  traduction  du 
uc  Vân   T^Tif  vers  1154,  en  noie, 

5.  Litt.  ;   <{Qu^nt  à)  h  «et  —  (ei)   les  légumes,  couvrez   —  et  changez  (les 

ut  pour  Us  aulrçs)  —  Us  moU  —  (ti)  les  jours  —  à  votre  aise,  » 

Les  mots  ^dàp  âm  tliôwj  ti//%»  dont  je  donne  ci-dessus  la  traduction 

éraie,   correspond  à  notre  expression  française  *  vivre  au  jour  le  jour». 

^    Lf tt.   -    *  { ^^'J  pHiî«ii  —   (set'Dfd)  i£s  phrases  —  ancienneji  —  possédées 


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96  KiM  vAn  kiëu  tAn  teuyçn. 

2055    «Hirong  dèn  viec  eu,  traî  ph6ng  quen  tay>. 

SÔTD  khnya  ra  mai  phên  mây, 

Ngon  dèn  khêu  nguyet,  tiêng  chày  nàng  sircmg. 

Thây  nàng  thông  huê  khâc  thirùng, 

Sir  càng  né  mât,  nàng  càng  vfrng  chou. 


Le  mot  4%  kf  signifie  proprement  les  mouv^nents  de  main  que  les 
bonzes  font  en  priant;  ÛR  kinh  désigne  les  prières  vocales. 

Le  verbe  se  trouve  ici,  par  position,  renfermé  dans  Texpression  que 
fonnent  les  qnatre  derniers  monosyllabes  du  vers.  Cette  application  de  U 
règle  de  position  est  mise  en  relief  par  la  disposition  parallèle  que  Ton  cons- 
tate entre  ce  vers  et  le  solvant,  qui  complète  le  distique,  et  dont  le  sens  lit- 
téral est  :  €(  Votre)  nroioe  —  (sera)  lea  action»  —  anàeaneê;  —  le  jeune  —  delà 
chambre  —  (sera)  celui  auquel  vous  He»  JiabUuée  —  (quant  aux)  maint  >,  et  OÙ 
il  est  facile  de  voir  que  ^huang  dèn»^  litt  ^Venceru  et  les  lampée  (Ventretien 
de  Veneena  et  des  lampes,  le  service  du  temple)»  répond  à  •kê  kinh»,  €vièceA* 
à  €câu  câ»,  et,  par  continuation  du  parallélisme,  *quen  tay»  k  ^h^  kinh»  et 
à  *trai  phbng». 

Le  mot  €tay  —  main»  est  placé  là  pour  obtenir  dans  la  quantité  des 
monosyllabes  qui  composent  chacune  des  expressions  correspondantes  le 
parallélisme  qui  existe  déjà  dans  les  idées  qu'elles  représentent.  L'emploi 
de  ce  mot  est  d'ailleurs  justifié  par  la  nature  du  verbe  qui  l'accompagne, 
la  main  étant  l'organe  de  notre  corps  avec  le  secours  duquel  nous  accom- 
plissons la  plus  grande  partie  des  actions  accoutumées  de  notre  vie. 

La  prière  des  bonzes,  appelée  «A;|  kinh»,  se  fait  le  matin  à  quatre  heures 
et  le  soir  à  six.  Un  religieux  entre  alors  dans  la  pagode  et  y  récite  la 
prière,  qu'il  accompagne  de  temps  en  temps  par  des  coups  frappés  sur  une 
cloche  avec  un  instrument  en  forme  de  pilon.  C'est  ce  que,  dans  leor 
langage  spécial,  ils  appellent  ^công  phu  —  la  corvée», 

1.  Voir  la  note  précédente. 

2.  Litt.  :«....  sortait  (de  sa  cellule  pour  entrer  sous)  —  le  toit  —  aux 
doisons  —  de  nuages», 

3.  Voici  encore  un  vers  qui,  tant  à  cause  des  inversions  qu'il  contient 
que  d'un  singulier  artifice  poétique  dont  use  l'auteur,  semble,  à  première 
vue,  absolument  incompréhensible. 

En  effet,  l'association  de  ces  huit  mots  :  ^Flamane,  lampe,  moucher,  hue, 
bruit,  pilon,  lourd,  rosée  ne  présente  dès  l'abord  rien  d'intelligible.  Pour  en 
démêler  le  sens,  il  faut  commencer  par  éliminer  les  deux  mots  f^ii^  et 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  97 

«Vous  ferez  le  service  auqnel  vous  êtes  accoutumée,  et  vous  jeûnerez  2066 

> selon  vos  habitudes^  >. 
Matin  et  soir,  entrant  dans  la  pagode^, 

Kieu  haussait  la  mèche  des  lampes  et  frappait  du  pilon  à  coups  re- 
tentissants ^ 
En  voyant  cette  jeune  femme  d'une  rare  perspicacité, 

la  supérieure  de  jour  en  jour  la  comblait  de  plus  d'égards,  et  de  jour 
en  jour  KiSii  lui  témoignait  plus  de  déférence^. 

9V<mg,  qui  n'ont  ici  d'autre  rôle  que  celui  de  cheville.  L'auteur  avait  besoin 
de  compléter  le  premier  hémistiche  par  un  monosyllabe  quelconque,  lequel, 
en  vertu  du  parallélisme,  devait  nécessairement  avoir  pour  pendant  à  la 
fin  du  second  hémistiche  un  autre  monosyllabe  exprimant  une  idée  analogue. 
Comme  les  deux  mots  ^nguyèt  —  lunei  et  *stciyng  —  roêée»  sont  très 
fréquemment  associés  en  poésie  (probablement  parceque  la  rosée  se  dépose 
sur  la  terre  pendant  les  nuits  où  le  ciel  est  découvert,  et  où,  par  conséquent, 
les  rayons  de  la  lune  ne  sont  pas  interceptés),  il  a  adopté  ces  deux  mono- 
syllabes, pour  en  faire  la  terminaisotn  de  chacun  des  deux  hémistiches. 

On  peut  admettre  cependant  que,  parlant  de  fonctions  qui  se  renou- 
vellent avec  la  plus  grande  régularité,  l'auteur  a  pu  être  conduit  par  la 
pensée  de  cette  régularité  même  à  choisir  de  préférence  deux  mots  ex- 
primant des  phénomènes  qui  se  reproduisent  pendant  la  nuit,  laquelle  vient 
réffuUèrement  interrompre  le  jour. 

Quoi  qu'il  en  soit,  une  fois  ces  deux  chevilles  éliminées,  nous  nous  trouvons 
en  présence  des  mots  importants  du  vers  (s'il  m'est  permis  de  m'exprimer 
ainsi).  Ces  mots  sont  placés  dans  l'ordre  suivant  : 

Ngon  dèn  khêu  ....  tieng  chat/  nang 

Or,  en  examinant  les  trois  premiers,  il  est  très  facile  de  constater  d'après 
le  sens  même  de  ces  mots  qu'il  y  a  ici  une  inversion.  En  effet,  le  mot 
kkht  joue  tm^oura  (autant  qu'on  peut  employer  cet  adverbe  en  parlant  d'un 
monosyllabe  annamite)  le  rôle  de  verbe  actif.  Son  régime  direct  se  trouve 
donc  dans  les  mots  ngçn  dhn  qui  le  précèdent,  et  il  faut  traduire  :  ^Elle 
haussait  la  flamme  (la  mèche)  des  lampes».  Cela  étant  acquis,  nous  devons,  en 
vertu  du  parallélisme,  retrouver  la  même  valeur  grammaticale  dans  les  trois 
mots  correspondants  *tiing  chày  ndng»-^  c'est-à-dire  que  l'adverbe  ^nàng  — 
lourd»  deviendra  un  verbe  (rendre  lourd),  lequel  régira  par  inversion  les 
deux  mots  <^tiêng  chày  —  le  hruit  du  pilon».  Or  *  rendre  lourd  le  hruit  du 
pilon»  ne  se  dirait  pas  en  français;  mais  on  comprend  facilement  que  le 
sens  de  cette  métaphore  annamite  est  *appuger  avec  le  pilon,  frapper  fort 
avec  le  pilon  de  manière  à  produire  un  bruit  retentissant», 

4.  Le  mot  *chan  —  pied»  est  ici  pour  faire  le  pendant  de  «m^  —  visage» 
dans  l'expression  «ni  mat  —  avoir  des  égards»,  litt.  :  «airotr  égard  au  visage», 

7 


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98  KiM  vAn  kiêd  tAn  truyên. 

2060    Cfra  thuyën  vira  tràng  cuôi  xuân; 

B6ng  hoa  dây  dât;  vé  ngâii  ngang  trôi. 

Gi6  quang,  mây  tinh  thânh  thoi. 

C6  ngirôi  dàn  viêt  lên  chai  cû^a  già. 

Dd*  dô  chuông  khânh,  xem  qua, 
2065    Khen  rang  :  «Khéo  het  cùa  iihà  Hoan  nu(mg!> 

Gide  duyên  tliîêt  y  lo  lir6*iig; 

Bêm  thaiih  mô-i  liôi  lai  iiàug  triidc  sau. 

Ngliï  rang  :  «Khôn  nôi  giau  màu!> 


Les  pieds  servent  d'ailleurs  à  une  personne  qui  reçoit  un  ordre  pour  se 
rendre  au  lieu  où  elle  doit  l'exécuter,  comme  les  mains  servent  à  en  opérer 
l'exécution  elle-même.  C'est  dans  ce  sens  qu'il  faut  comprendre  l'expression 
pittoresque  ^Kè  tay  cJtan  —  les  serviteurs»,  ceux  qui  sont  pour  ainsi  dire  les 
pieds  et  les  mains  du  maître. 

1.  Litt.  :  «  ....  /a  nuance  —  d'argent  ». 

2.  Le  mot  Unh  veut  dire  à  la  fois  ^ calme  et  jwr»;  mais  on  ne  pourrait 
en  français  appliquer  directement  aux  nuages  la  première  de  ces  épithètes. 

3.  J'ai  omis,  en  rétablissant  le  texte  en  cAff  nom  de  rectifier  le  premier 
des  caractères  de  l'expression  «  Bàn  viêt  ».  Il  faut  lire  jfê  et  non  ^J.  Les 

iS  j^  Bàn  viêt  ou  ^l^  ^^  Bàn  na  sont  des  bienfaiteurs  (jj^  ^  thl 
chu)  des  couvents  bouddhiques.  Au  moyen  des  dons  qu'ils  leur  font,  ils  tra- 
versent (j^)  la  mer  de  la  pauvreté.  Bana  est  le  nom  que  porte  en  sanscrit 
la  vertu  de  la  charité  religieuse  et  du  renoncement.  (Voy.  Wells  Williams, 
au  car.  >|^.} 

Le  mot  '^  (/ià,  qui  termine  ce  vere  est  une  abréviation  pour  'fjjf  ^ 

già  lam  OU  |i^  -ttp  ^S  tàng  già  lam,  expression  bouddhique  qui  vient  du 
sanscrit  sangharama  et  signifie  *un  monastère»  ou  «un  couvent»,  (Voy.  Wklls 
Williams,  au  car.  -ttlf.} 


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KIM  vAn  KIËU  TÂN  TRDYIn.  99 

Devant  la  porte  de  la  bonzerie  le  printemps,  sur  sa  fin,  passait.         206O 

Les  fleurs  couvraient  la  terre;  en  travers  du  ciel  brillait  la  Voie 

lactée  \ 
Le  vent  était  vivifiant,  le  calme  régnait;  les  nuages  (d'un  blanc) 

pur  2  étaient  plaisants  à  là  vue. 
Un  pieux  bienfaiteur  vint  faire  un  tour  au  couvent  ^. 

Comme  il  examinait^  les  objets  du  culte,  il  considéra  la  clochette  et 

le  Khdnh. 
«C'est  singulier!»  dit-il,  en  les  admirant.  «Ils  sont  absolument  pareils  2065 

>à  ceux  qui  sont  chez  madame  Hoqn!> 
Gide  duyên  en  son  cœur  ressentit  quelque  inquiétude, 

et,  prenant  à  part  la  jeune  femme  ^,  elle  la  pressa  de  nouvelles  ques- 
tions. 
Pensant  qu'elle  ne  pourrait  lui  celer  la  vérité^. 


4.  Litt.  :«....»/  soulevait*, 

5.  Litt  :  *Par  une  nuit  sereine ».  Dans  les  pays  chauds  surtout 

la  nuit  est,  lorsqu'elle  est  belle  et  sereine,  le  moment  des  promenades,  et, 
par  suite,  des  apartés  et  des  confidences.  De  là  cette  expression  métapho- 
rique. 

6.  Litt.  :  «  EUe  réfléchit  —  disant  que  —  difficilement  —  elle  parviendrait 
à  dissimuler  —  la  couleur  (les  apparences),» 

Le  verbe  «noi»,  qui  signifie  littéralement  *  surnager»  est  ici  par  position 
au  causatif,  et  se  traduirait  par  *  faire  surnager».  Il  est  assez  facile  de 
comprendre  la  relation  qu'il  y  a  entre  cette  signification  primitive  du  mot 
et  son  sens  dérivé  qui  est  ici  «parvenir».  Un  objet  qui  surnage  n'est  pas 
perdu;  on  peut  s'en  emparer-,  mais  il  en  est  autrement  de  celui  qui  va  au 
fond  de  l'eau.  Ici,  le  résultat  à  obtenir  est  une  action,  celle  de  «dissimuler 
les  apparences»;  et  cet  action  est  assimilée  à  un  objet  qu'on  ne  pourrait 
faire  surnager  sur  l'eau.  On  ne  pourrait  saisir  cet  objet,  puisqu'il  serait 
allé  au  fond;  c'est-à-dire  que  l'on  ne  peut  atteindre  le  résultat  désiré. 

Màu  —  la  couleur,  et  par  dérivation  «les  apparences,  les  manifestations 
extérieures»  désigne  métaphoriquement  les  signes  auxquels  on  reconnaît  la 
vérité  d'un  fait,  d'une  situation.  En  effet,  de  même  que  la  couleur  d'un 
objet  le  fait  saisir  à  nos  yeux,  de  même  les  indices  visibles  fout  reconnaître 
la  véritable  situation  des  choses,  la  vraie  nature  des  événements. 

7» 


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100  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Su*  mlnh  nàng  mdi  gàt  â&a  bày  ngay. 
2070    «Bây  gîir  su*  dâ  dirông  nây, 

«Phân  hèn,  dâu  riii,  dan  may,  tai  ngir6i!> 

Gide  duyên  nghe  nôî  rang  rôi. 

Nfra  thn-OTig,  nù'a  sçr,  bôî  hôî  châng  xong. 

Df  tai  nàng  moi  gîâî  16ng  : 
2075    «6  dây  cira  Phâty  là  không  hep  gi! 

«E  châng  nhtrng  su*  bât  ky; 

«Bè  nàng  cho  den  thë  thi  cûng  thircng! 

<Lânh  xa  tra-ô-c!  Lien  tâm  dirông! 

«Ngôi  chfr  nu'ô'c  dên  nên  dwông  con  quêîj 
2080    C6  nhà  mu  Bac  bên  kia; 


1.  Litt.  :  €( Quant  à)  raffaire,  —  éCéUt-n\ême  —  la  jeune  femme  —  f^ 

—  (quant  au)  talon  —  (et  quant  à)  la  lête  —  Vexpoaa  —  tout  droU>, 
L'expression  *  quant  au  talon  et  à  la  tête*  ou,  ce  qui  revient  an  même, 

«cZm  talon  à  la  tête*  ressemble  beaucoup  à  notre  locution  €deUi  tête  au  pied*] 
mais  cette  dernière  manière  de  s'exprimer  ne  s'emploie  pas  en  français  lors- 
qu'il s'agit  d'un  fait  moral. 

2.  Litt.  :  «  (Quant  à  —  ma)  condition  —  viU,  —  Jtoit  —  le  malheur,  —  m^ 

—  le  bonheur  —  est  en  —  vou*!* 

3.  Litt.  :  «.  .  .  .  la  porte  —  de  Phât   —   (qui)  est  —  non    -  étriÀte  —  » 
quoi  (que  ce  soit)*, 

4.  Litt.  :  <  Je  crains,  —  qui  sait  f   —   des  choses  —   sans  —  terme  f^*i 
La  finale  ^ctiàng*  (modification  de  ^chang*^  lequel  est  pour  tha^làdutng 

—  ou  non  *),  qui  se  place  d'ordinaire  à  la  fin  des  phrases  et  leur  donne  nn 
sens  interrogatif  ou  dubitatif,  se  trouve,  par  l'effet  d'une  licence  poétique, 
transposée  immédiatement  après  le  verbe.  Je  la  traduis  dans  l'explicatiw 


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Kl  M  VÂN  KIËU  l'iN  TRUYÊN. 


101 


deniièrei  loi  exposa  f^n^  détours  mn  histoire  d'au  bout  à 


re' 


aloïÊnaiit  i|tie  les  choses  ont  toumé  aiiisii*,  dit-elle^ 


2070 


tene?.  datis  voa  mains  la  perte  et  le  mini  d'une  pauvre  créa- 

uym  à  ces  mois  fut  saisie  de  frayeur. 

idae  entre  la  compassion  et  la  crainte,  elle  ne  pouvait  sortir 

on  indécision. 

parlaut  à  Voreille  de  I^ii^  elle  lui  fit  connaître  sa  pensée. 

dit-elle,  ^  dans  la  maison  de  Phâty  on  ne  contraint  qni  que  ce  2076 

(cependant)  je  crains  qnll  ne  survienne  quelque  événement 

3révn^, 

je  vous  Y  laissais  exposée '\  j'aurais  (ensmte)  k  vous  plaindre! 

£  avant,  fuyez  loin  !  Voyez  à  eberclier  votre  voie! 

dre  ici  sans  houger  que  le  flot  monte  et  vous  arrête  serait 

ise  par  trop  inepte  **  !  » 

in  de  là  demeurait  une  vieille  femuie  nommée  B^,  208O 

de  eta  vtjtn  par  ^^  mUf^  atln  de  lui  couder  ver  ie  plus  possible 
iT  dubitative. 

itt.   :    *  Si  je  Imê^JtU  —  (txttaj  Jeunt  J'enmit   --  jitMqu'à  (cm  choses  là), 
ite  maitièrû  ^  alors  —  taul  ausiri  bïen  —  je  vous  pùùndrais!» 
eat  pour  iftë  d^,  comme  je  Vi\\  exp!i(]ué  plus  Ijaut. 

Itt.  :  <  liestant.  asêùfe  —  &tteiuire  que  ^  frua  —  nrHm  —  deviendrait 
itnière    —  tPmàe  (toUe)  jWe  de  campaffjti^f* 

era  fait  alhi&iim  à  un  dicton  anïmiuite  doat  ]n  vulgariré  fait  un  sin- 
ontraste  avec  la  di^Jiîté  de  In  ]jrr!^oime  dans  la  btmclir  de  laciuelle 
:  le  Etei:.  Four  exprimer  iprune  ypreoime  court  un  danger  menaçant, 
|ue  l'eau  lui  monte  jusqu'à  cette  partit^  du  corps  que  l'on  appelle 
potie/;  fnuéc  Uri  trôiij.  C'est  qu'eu  effet  lorsque,  daua  une  inondation 
Œiple,  un  H'i'Nt  taîssé  «iirpreudrc  par  le  tiot  et  qu'il  est  arrivé  à  cette 
,  il  n  eal  pltiâ  possible  de  courir  pour  lui  éebupper. 


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Gol 


p-'r^^^^VW^ 


102  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TOUYÊN. 

Am  mây  quen  loi  di  vë  dâu  hirang. 

Nhân  sang,  dân  hêt  moi  dirông, 

Don  nhà  hây  tam  cho  nàng  trù  chou. 

Nhirng  mâng  dirçrc  chôn  an  thân, 
2085    Voi  vàng  nào  kip  tinh  gân  tînh  xa? 

Nào  ngô*  cûng  to  bom  già, 

Bac  bà  hoc  vôi  Tû  bà  dông  mon? 

Thây  nàng  lat  phân  dirçrm  son, 

Mâng  thâm  dircrc  chôn  bân  buôn  cô  IM. 
2090    «Hir  không !  »  dàt  bô  nên  IM  ! 

Nàng  dà  giôii  giâc  rang  rôi  lâm  phen. 

Mu  càng  xuôî  duôi  cho  lien  ; 

Lây  16i  hung  hièm  ép  duyên  Châu  Trdn. 

1.  Litt.  :  €(Dan8  la)  pagode  —  de  nuage»,  —  éiant  famUUariaée  avec  —  let 
sentier 8,  —  elle  allait  —  et  venait  —  (quant  à)  VhtUle  —  et  Veneenê». 

2.  Litt.  :  « .  .  .  .  est-ce  que  —  elle  était  à  temps  —  de  calculer  —  le  près 
—  et  de  calculer  —  le  loinf* 

3.  Litt.  :  «.  .  .  .  du  même  —  ancêtre  —  une  drôlesse,* 

4.  Le  root  M  mon  —  porte  est  assez  souvent  employé  dans  les  textes 
chinois  non  seulement  dans  le  sens  de  secte,  classe,  profession,  mais  encore 
dans  celui  d'école,  Confucius  l'emploie  déjà  ainsi  dans  cette  parole,  qui  est 
rapportée  dans  le  É^  ^  Luân  ngù  (Liv.  XI,  §  2). 

già,  giai  h4t  câp  mon  dà.  —  De  tous  ceux  qui  m*ont  suivi  dans  Tétat  de 
Trân  et  dans  celui  de  Thài,  on  n'en  trouverait  aucun  dans  mon  école». 


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KIM  vAn  KIËU  tAN  TKUYÊN.  103 

qui  fréquentait  la  pagode,  oflrant  de  Thuile  et  de  l'encens  '. 

Gide  duyên  la  fit  venir  et  lui  donna  ses  instructions 

afin  qu'elle  disposât  sa  demeure  pour  y  donner  à  la  jeune  femme  un 

asile  provisoire. 
Toute  à  la  joie  d'avoir  trouvé  une  retraite  paisible, 

(KiSu)  ne  put,  dans  son  empressement,  ni  calculer  ni  réfléchir  2.       2085 

Pouvait- elle  se  douter  (qu'elle  avait  aflFaire)  à  une  vieille  misérable 

de  la  même  catégorie  % 
et  que  Bac  bà  avait  étudié  à  la  même  école  ^  que  Tu  bà? 

Voyant  cette  jeune  personne  au  teint  de  rose  et  de  lys*, 

la  vieille  se  réjouit  en  son  for  intérieur  de  cette  occasion  de  bénéfice. 

«Ce  qui  tombe  dans  le  fossé  ...  !  »  Elle  savait  le  proverbe^!  2090 

Saisie  d'eflFroi,  la  jeune  femme  ne  cessait  de  frissonner. 

La  matrone  la  pressait  sans  lui  laisser  de  répit, 

et  voulait,  par  d'aflfreux  discours,  la  contraindre  au  mariage'. 

5.  Litt.  :  «.  .  .  .  à  couleur  pâle  —  de  céiniêe,  —  à  couleur  vive  —  de  ver- 
millon,» 

6.  L'expression  «Atr  không  —  litt.  :  gâté  et  vide»  signifie  généralement 
«  sans  cause  »  et  désigne  subsidiairement,  comme  c'est  le  cas  ici,  «  une  chose 
dont  on  ne  pouvait  prévoir  la  rencontre  et  que  Ton  trouve  par  hasard,  wie 
aubaine». 

7.  Litt.  :  <  PrenaTit  —  de.9  paroles  —  effrayantes  -  elle  forçait  —  Vunion 
—  de  Châu  —  et  de  Trltn^, 

On  dit  en  chinois  «  it  j^fc  ^^  tSS  Cçng  kiet  Châu  Trân  »  pour  «  am- 
tracter  un  mariage».  Dans  l'ouvrage  intitulé  ^Bông  châu  Wi  quôc»  et  qui 
est  une  histoire  romanesque  des  petits  états  qui  subsistèrent  en  Chine  du 
huitième  au  troisième  siècle  de  Tère  chrétienne,  on  voit  des  alliances  se 


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104  KIM  VAN  KIÊD  tan  TBUYÇN. 

Rang  :  ^Nàng  muôn  d&m  mot  thân, 
2095    tLai  mang  nay  tîêng  du-  gan  lành  xa! 

cKhéo!  Oan  gia  càa  phà  gia! 

cCon  ai  d&m  gm  vào  nhà  ntra  dày? 

«E^p  toan  kiëm  chôn  xa  dây; 

cEiông  nhirng,  chô*  de  ma  bay  dirfrag  trôi? 
2100    tNoi  gan,  thl  châng  tien  noi; 

cNoi  xa,  thi  châng  cô  ngirM  nào  xa! 

tNây  chàng  Bac  hanh  châu  nhà. 

«Cûng  trong  thân  thfch  mot  rà;  châng  ai! 

former  fréquemment  entre  ceux  de  ^  Châu  et  de  ^  Trân,  (Test  de  U 
qu'est  venue  l'expression  qui  nous  occupe,  et  dans  laquelle  les  familles  qui 
s'allient  par  le  mariage  de  leurs  membres  sont  comparées  à  ces  deux  pe- 
tits royaumes. 

1.  Litt  :  €  .  .  .  .  quant  à  —  dix  mUle  —  dam  —  tin  wniqut  —  corpt,> 

2.  Litt  :  «  (et)  en  outre  —  vouê  êtes  entachée  cT  —  tme  réputaHm  —  0^ 
quej  le  cruel  —  eH  près  —  et  le  doux  —  eH  loin/» 

^ Mang  9  signifie  ^porter  suspendu  au  cou  ou  à  VépauLe»;  et  c2^»,  lors- 
qu'il est  placé  après  un  autre  verbe,  indique  en  général  que  l'acte  exprimé 
par  ce  dernier  est  fait  par  le  sujet  pour  lui-même,  que  l'effet  de  cet  acte 
le  concerne  lui-même  et  non  un  autre.  Quant  aux  mots  €<iô  ^  W  a»»» 
ils  se  rapportent  au  mot  *-l<n»  sous -entendu  ici  par  l'auteur,  et  âgnifi^ot 
«  les  méchantes  paroles  sont  rapprochées,  les  bonnes  sont  éloignées  >.  De  pItUi  ^ 
dicton  devient  par  position  un  véritable  adjectif  composé  qualifiant  le  Bob»- 
tantif  ^tiëng  —  renommée  *  qui  le  précède. 

3.  Litt.  :  « un  lieu  —  de  tordre  —  (oh  Von  torde  pour  vw)  -  ^ 

lien*. 

Il  s'agit  des  liens  tordus  par  le  vieillard  Nguyêt  l3o,  (Voy.  la  note  som 
le  vers  549.) 

4.  Litt.  :  *(SiJ  vous  restez  oisive,  —  est- ce  que  —  il  y  aura  de  îafoàBi 
—  pour  —  voler  -     dans  le  chemin  —  du  cielt» 


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Kl  M  vAn  KIÊU  tAn  truy|n<  105 

êtes^j  lui  dit-elle,  «isolée,  éloignée  de  votre  pSLyn\ 

•  Tons  VoD  dit  plus  de  mal  que  de  bîeu^^! 

:i  ^îent  des  maisone  qiie  le  destin  poursuit  corrompt,  certes! 

autres  familles  \ 

oudrait  encore  ici  Yooâ  accneiltir  dans  ^  demeura  ? 

t  TOUS  hâter  de  chercher  nn  parti  *, 

TOUS  n'ayez  plus  aucun  moyen  de  Balut^  ! 

a  près  dici  rien  de  convenable  \ 

a  de  ces  lieux  vous  n'atmes  personnel 

mon  neveu  Bac  hqnh, 

nn  de  mes  parents  directs,  et  non  point  le  premier  venu*! 

Ziiu.  n'accepte  pas  le  parti  qu'on  lui  offre^  elle  ce  trouvera  sur  cette 
icun  chemin  par  où  eïle  puisse  éch:ipper.  Il  faudrait,  pour  ce  faire, 
9'envoïât  au  ciel,  chose  qui  lui  est  impossible, 

tît,  :  «  Le  lieu  —  rapproché  —  tTmi  f^êiê  —  nt  pas  ^-  est  commode  — 
que)  Uèu^M 

lemier  *  mn>  ne  doit  pas  être  considéré  comme  un  substaotif  qua- 
'  l'adjectif  *ii^n*  qui  le  pri^eêdc;  car  daus  co  cas  le  génie  particu- 
la  langue  annamite  exigerait  qu'il  ffit  suivi  de  ce  dernier.  Ce  mot 
îent  par  position  uu  véritable  adverbe  de  manière.  Il  existe,  il  est 
elques  Joeu rions  où  l'adjectif  semble  être  plaeê  avant  le  substantif, 
cela  a  lieu  eu  cbinoia  (voy,  la  grauuuarre  aouaiuite  de  P»"  TnrcVng 
\\  p.  31);  mais  outre  que  dans  ces  cas,  fort  rares  d'ailleurs,  la  va- 
bfitantive  du  monosyllabe  qui  suit  Tadjeetif  pourrait  être  contestée, 
rois  pas  qu'il  y  ait  des  motifs  auflisantà  pour  regarder  i'cxpression 
1^1  comme  une  nouvelle  exception  h  cette  règle  si  générale  en  an- 
qtii  veut  que  Tadjcctif  soit  toujours  placé  après  le  ûoui  qu'il  qualifie, 
itt,  :  «  Toui  aiiêH  iiien  —  il  e^t  pm-mi  —  (met)  parentr  —  ^ entrailles  ; 
iu»  —  il  eH  (im)  qui  fit 

fjrèpoaition  *iron0  —  ptsmd*  devient  ici  verbe  par  [>o&ition. 
Ht  au  mot  «ai  —  quif»  qui  termine  le  vers,  il  joue  ici  un  rôle  des 
iguliers- 


2095 


1^^ 


2100 


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Gomc 


106  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn. 

«Qu'a  nhà  buôn  bân  Châu  thai:^ 
2105     «Thiet  thà  c6  mot,  doii  sai  châng  hë! 

«The  nào  nàng  cûng  phâî  nghe! 

«Thành  thâu  roi  se  lieu  vë  Châu  thai. 

«Bây  giô*  ai  lai  biêlt  ai? 

«Dâu  long  bien  rong,  sông  dài  thinh  thinh. 
2110    «Nàng  dâu  cbâng  quyêt  thuân  linh, 

«Trâi  loi  nèo  tru'ô'C,  luy  minb  dên  sau!> 

Nàng  càng  màt  û,  mày  châu. 

Càng  nghe  mu  nôi,  càng  dau  nhw  dan. 

Nghï  minh  tung  dât  sây  chan! 
2115    The  cùng  nàng  mô*i  xa  gân  thô*  than  : 

«Thiêp  nhw  con  en  lac  doàn; 


Ce  mot,  qm  est  ordinairement  un  pronom,  se  transforme  ici  par  position 
en  un  véritable  substantif.  *Bac  hanh  n'est  pas  (un)  quif»;  c'est-à-dire  :  il 
n'est  pas  de  ces  gens  dont  on  dit  :  ^qui  est-il f»,-  il  est  connu,  et  non  pas 
le  premier  venu,  un  étranger. 

1.  Litt.  :  ^(En  fait  d*J  être  honnête,  —  U  y  a  —  V unique  (lui);  —  (quant 
au  fait  d*J  être  siîicère,  —  à  manquer  à  sa  parole  —  i7  ne  penserait  pas!* 

2.  IJtt.  :  ^  (Lorsque)  d'établir  —  (votre)  personne  —  vous  aurez  achevé, . . .» 

3.  Litt.  :  ^Au  gré  de  —  votre  cœur  —  (qu'il  y  ait)  la  mer  —  vaste  —  et 
les  fleuves  —  loTigs  —  d'une  manihre  immense!  —  (livrez-vous  sans  frein  à  vos 
désirs  !)  » 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  107 

«n  possède  à  Châu  Thai  une  maison  de  commerce. 
«  Sa  sincérité  est  extrême  ;  jamais  il  ne  voudrait  tromper  '  !  ^^^^ 

«Bon  gré  malgré,  jeune  femme!  il  vous  faut  écouter  (mes  paroles)! 
«Lorsque  vous  serez  mariée^,  vous  verrez  à  vous  rendre  à  Châu  thai. 
«  (Tous  les  deux)  jusqu'à  présent  vous  n'avez  point  fait  connaissance. 
«A  votre  guise  livrez-vous  aux  épanchements  de  l'amour^! 
«Si  vous  n'êtes  pas  décidée  à  vous  montrer  obéissante,  2110 

«si  tout  d'abord  vous  me  résistez*,  plus  tard  il  vous  en  coûtera!» 

Les  traits  de  la  jeune  femme  s'assombrissaient  de  plus  en  plus;  de 

plus  en  plus  ses  sourcils  se  fronçaient. 
Plus  elle  écoutait  les  paroles  de  la  vieille,  et  plus  son  cœur  était  à 

la  torture  \ 
Elle  pensait  à  son  extrême  embarras,  à  la  chute  qu'il  lui  fallait  faire  ^! 

Réduite  aux  abois,  en  soupirant  elle  parla  ainsi  :  2115 

«Telle  que  l'hirondelle  égarée  loin  de  ses  compagnes 


4.  Litt.  :  «  Si  vou»  êtes  opposée  à  —  mes  paroles  —  dans  le  sentier  —  d'à- 
vanij  —  vous  attirerez  des  mécomptes  à  —  vous  —  (pour)  plus  tard*. 

Le  mot  €néo  —  sentier  »  est  employé  dans  un  sens  détourné  et  un  peu 
vague.  11  répond  ici  assez  exactement  à  notre  mot  *  conjonctures*.  On  trouve 
fréquemment  le  substantif  <dàng  —  chemin  »t  employé  d'une  manière  ana- 
logue. 

5.  Litt.  :  « de  plus  en  plus  —  souffrait  —  comme  (si)  —  on  battait 

sa  chair  à  coups  de  marteau*. 

*Ddn*  signifie  proprement  <t battre  la  viande  pour  la  mortifier*. 
0.  Litt.  :  €Elle  réfléchissait  —  (sur  ce  qu)  elle-même,  —  acculée  —  quant 
au  terrain,  —  portait  à  faux  —  le  pied!» 


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108  KIM  vAN  KIÉU  tAN  TRUYÊN. 

«Phâî  cung,  rày  dâ  sa  làn  mày  cung! 
«Cùng  dàng,  dâu  tfnh  chtr  ^tiing^'^ 
«Biêt  ngtrM,  biêt  mât;  bîêt  long  làm  sao? 
2120    «Nfra  khi  muôn  mot  th^  nào, 

«Bân  hùm,  buôu  qui,  châc  vào  lirng  dâu? 


1.  Litt.  :  €  Ayant  êupporlé  V action  pr^udiciable  de  —  Varc,  —  maiTiCenant 
—  désormais  —  je  crains  —  la  portée  —  du  ressort  —  de  tare/* 

Nous  avons  en  français,  en  style  plus  familier,  un  proverbe  analogue  : 
<Ckal  échaudé  craint  Veau  froide», 

La  signification  que  je  donne  ici  au  mot  *phài»  est  celle  qu'il  a,  non 
seulement  devant  un  verbe  qui  exprime  une  action  préjudiciable  au  sujet 
(cas  spécial  où  il  devient  une  des  marques  du  passif),  mais  encore  devant 
un  substantif  qui  désigne  un  instrument^  un  objet,  une  action,  une  influence 
capable  de  nuire  à  une  personne  quelconque.  On  saisit  facilement  comment, 
de  l'idée  de  nécessité  exprimée  primitivement  par  ce  verbe  dont  le  sens 
primordial  est  ^ falloir,  devoir»,  on  peut  passer  à  celle  qu'il  exprime  ici. 
Celui  qui  souffre  une  action  préjudiciable  pour  lui  y  est  condamné  par  sa 
destinée.  Il  doU  la  souffrir,  quoi  qu'U  fasse.  Les  croyances  d'un  peuple  se 
retrouvent  jusque  dans  la  phraséologie,  et  il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que 
le  fatalisme  bouddhique  des  Annamites  se  reflète  jusque  dans  la  forme  du 
passif  adoptée  par  eux,  lorsque  ce  passif  renferme  en  lui-même  l'idée  de 
châtiment,  de  condamnation  ou  simplement  de  préjudice  inévitable.  (Voir, 
sous  le  vers  74,  la  note  sur  les  différentes  acceptions  du  mot  «|^  dttyên».) 

2.  Litt.  :  « *»  —  je  songe  à  —  mettre  en  pratique  le  caractère  jfSt 

(tung),  > 

Les  deux  dcniiei-s  mots  du  vers  deviennent  par  j^sition  une  expression 
verbale.  L'auteur  ne  pouvait  faire  suivre  le  verbe  ^dnh  —  compter,  songer 
à»  du  simple  mot  <itu7ig»i  car,  outre  qu'il  lui  fallait  placer  avant  un  autre 
monosyllabe  affecté  d'un  des  tons  tràc,  ce  mot  *ihng»  est  un  vocable  chi- 
nois qui  ne  s'emploie  guère  seul  en  annamite  dans  le  Sens  qu'il  a  ici.  Il 
fallait  indiquer  par  le  procédé  ordinaire  (lequel  consista  à  faire  précéder 
les  termes  de  cette  nature  du  mot  ^chiH  —  car€ictère»)  qu'il  s'agit  ici  de 
l'une  des  Trois  obéissances  C~^  4&\  ^  savoir  celle  qui  concerne  la  femme 
dans  ses  rapports  avec  le  mari;  mais  alors,  le  verbe  corrélatif  à  ^thût» 
manquant,  c'est  l'expression  entière  «i^  :^  chu  tung»  qui  doit  forcément 
en  jouer  le  rôle.  Il  ne  faut  donc  pas  traduire  ces  deux  mots  par  «  le  carac- 
tère ;^»,  ce  qui  n'exprimerait  pas  l'action  supposée  par  le  verbe  ^Unk» 


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-TW- 


KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  109 

cet  blessée  par  une  flèche *,  maintenant  je  crains  la  portée  de  l'arc! 

«Si,  me  voyant  à  bout  de  ressources,  je  me  décide^  à  épouser  cet 

>  homme, 
<  en  faisant  connaissance  avec  lui,  j'apprendrai  bien  quel  est  son  vi- 

>sage;  mais  que  saurais-je  de  son  cœur? 
«Si,  dans  la  suite,  il  arrivait  quelque  événement  imprévu',  2120 

«ayant  traité  sans  garantie,  quelle  assurance  pourrais-je  voir^? 


qui  signifie  €  compter,  songer  à  faire  quelque  chose  »,  mais  bien,  comme  je 
le  fais,  par  ^meitrt  en  pratique  le  caradkre  4jt*' 

3.  Ldtt.  :  «  En  outre  —  quand  —  dan»  dix  mille  (choses)  —  U  y  (en)  aura 
une  —  cTuTte  mamère  —  quelle  gttelle  soit,* 

Ce  vers,  extrêmement  concis,  ne  peut  être  compris  sans  une  stricte  ap- 
plication de  la  règle  de  position.  ^Muôn  —  dix  mille*  est  au  locatif  par 
rapport  à  *môt  —  une»,  comme  l'indique  la  place  qu*il  occupe  et  qui  est, 
surtout  en  poésie,  celle  des  expressions  circonstancielles  de  temps  ou  de 
lieu.  *Mçt»  est  verbe,  comme  étant  le  seul  mot  de  la  phrase  susceptible 
d*avoir  cette  acception  que  nécessite  forcément  la  présence  de  la  préposi- 
tion <^khi  —  quand*  au  commencement  de  la  phrase.  Enfin  le  mot  «nào» 
qui  la  termine,  et  qui  signifie  ordinairement  ^qml  ou  quelle*,  prend  ici  le 
sens  de  < quelle  qtie  ce  soit,  quelconque*  qui  doit  lui  être  attribué  toutes  les 
fois  quMl  se  trouve  dans  une  phrase  exprimant  une  supposition,  un  doute, 
une  conditicm,  comme  aussi  dans  les  phrases  interrogatives  ou  négatives  où, 
soit  la  particule  de  négation  ^îchfhig  ou  ekung»,  soit  toute  autre  particule 
équivalente  se  trouve  exprimée. 

L'expression  ^une  chose  sur  dix  mille*  signifie  ««n  événement  imprévu  quel 
qu'il  soit*.  En  effet,  lorsqu'il  s'agit  de  prévoir  les  événements  qui  peuvent 
arriver,  le  champ  est  illimité;  on  peut  en  supposer  dix  mille,  c'est-à-dire 
une  quantité  aussi  grande  qu'on  te  voudra. 

4.  Litt.  :  «  Vendant  —  le  tigre  —  et  trafiquant  de  —  le  diable,  —  (le  fait 
d*)  être  sûre  —  qu'ils  entreront  dans  —  (mes)  reins  (ma  ceinture)  —  est  ouf* 

La  figure  que  contient  ce  vers,  tout  obscure  qu'elle  soit  au  premier 
abord,  est  incontestablement  d'une  grande  originalité. 

On  ne  vend  pas  sérieusement  à  quelqu'un  un  tigre  ou  un  diable;  car  il 
est  évident  que  cette  terrible  marchandise  est  par  trop  difficile  à  livrer; 
d'où  suit  la  présente  métaphore  pour  désigner  un  contrat  illusoire,  dans 
lequel  l'une  des  parties  est  dans  l'impossibilité  absolue  de  savoir  quel  marché 
elle  fait  en  réalité.  —  Les  Annamit^'s  sont  dans  l'habitude  de  placer  dans 
leur  ceinture  l'argent  ou  les  choses  précieuses  qu'ils  reçoivent  ou  portent 
avec  eux. 


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1 10  KIM  vAn  kiêu  tAn  'mUYÊN. 

«Dâu  ai  long  co  sô*  eau, 

«Tâm  mînh  xîn  quyêt  vô*i  nhau  mot  loi! 

«Chirng  mînh  c6  dât  c6  tr6i, 
2125     «Bây  gibt  virot  bien  ra  khai  quân  gi?» 

Dircrc  15i,  mu  moi  ra  di, 

Mâch  tin  ho  Bac.  Tire  thi  sâm  sînh. 

Mot  nhà  don  dep  linh  fflnh; 

Quét  sân,  dàt  trâc,  riht  binh,  thâp  huxmg. 
2130    Bac  sanh  qui  xuông  voi  vàng, 

Quâ  loi  nguyen  hêt  Thành  hoàng,  Tho  công. 

1.  Litt.  :  *Si  —  quelqu'un  (vous)  —  datiê  (son)  cœur  —  a  —  et  qu  -  ^ 
demandCf  » 

Voir,  pour  cet  emploi  du  mot  «at»  la  note  de  ma  traduction  du  Lue 
Vân  Tiêo,  sous  le  vers  206. 

2.  Litt.  :  «  (Quant  au)  cœur  —  jurant  devant  la  Dwinité  —  je  vous  demoMâe 
<r  —  affirmer  —  envers  moi  —  un  mot!» 

Le  mot  «^s  tikau*  qui  répond  au  Jfl  chinois,  exprime  parfois  comme 
lui  une  action  unilatérale. 

3.  Litt.  :  « de,  naviguant  sur  —  la  mer,  —  nCéloigner  —  au  lary^ 

—  je  m'inquiète  —  en  quoif* 

4.  Pour  accomplir  la  cérémonie. 

6.  Litt.  :  «  En  excédant  —  les  paroles  —  il  prie  —  en  tout  —  Tkành  hoàfig 

—  (etj  Tho  công*. 

Thànli  hoàng  est  regardé  comme  le  dieu  tntélaire  des  villages.  Je  trouve 
dans  le  célèbre  livre  annamite  intitulé  «  Bien  phân  ta  cJihh  (^  J^  ^ 
"ïp)  Tori^ne  du  culte  dont  ce  personnage  est  Tobjet. 

«Ce  Thành  hoàng ^^  dit  Touvrage  que  je  viens  de  citer,  «était  nn  géoé- 
»ral  qui  vivait  sous  la  dynastie  des  ^àng  et  s'appelait  Truang  tuSn.  Il 
»  remplissait  les  fonctions  de  vice-roi.  Une  révolte  ayant  eu  lieu,  il  fut  vainra 
»  dans  un  combat  qui  se  livra  sur  une  plage  de  sable.  Lorsque  le  Roi  ^ 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  111 

«Si  VOUS  avez  réellement  Fintention  de  réaliser  cette  alliance*, 

<  veuillez  me  le  garantir  par  un  engagement  sacré  ^! 

<  Avec  le  ciel  et  la  terre  pour  témoins  de  cette  promesse, 

€  sans  plus  d'inquiétude,  je  suis  prête  à  tout  affronter^  !  >  2125 

En  possession  de  ces  paroles,  la  vieille  alla 

prévenir  Bac.  On  prépara  aussitôt  (les  présents  de  mariage); 

on  disposa  une  maison  bien  montée. 

La  cour  fut  balayée;  on  y  plaça  des  estrades,  on  nettoya  les  vases, 

on  alluma  Fencens. 
Bac  sanh  s'empressa  de  s'agenouiller  •,  2130 

et,  avec  un  flux  de  paroles,  prit  Thành  Hoàng,  prit  Tho  công^  à 
témoin  de  son  serment. 

>prit  que  Trunmg  tudn  avait  perdu  la  vie  dauB  la  bataille,  il  lui  décerna 
»  aussitôt  le  titre  de  Thành  hoàmj  (WJ  ê.)  ^^  ^"^  éleva  un  temple  pour 
»ry  adorer,  voulant  ainsi  reconnaître  la  loyauté  sans  tache  de  ce  fidèle 
•  sujet».  {Bien  phân  ta  chhih,  p.  88.) 

Quant  à  Tho  côny,  le  dieu  des  jardins  chinois,  le  Bi^n  phân  le  confond 
avec  Tho  ché,  lequel,  d'après  cet  ouvrage,  n'est  autre  que  ^C  ^  Viecmg 
cJiéU,  un  des  immortels  les  plus  célèbres  parmi  ceux  qui  rêvèrent  les  Bao 
«7.  Cependant  Mgr.  Tabkrd,  dans  son  Dictionarium  anamilico-lalinum,  les 
considère  comme  deux  pereonnages  distincts. 

Voici  ce  qu'en  dit  le  livre  chinois  intitulé  ^)J  ^l||  >tt  Li^l  tien  truyèn 
—  Jliêtoire  des  Immortels»  :  c^C   ^   Vtcang  chat  était  im  homme   de  ^B^ 

»4U  Cu  châu  qui  vivait  sous  les  ^-  Tdn,  Il  alla  dans  la  montagne  pour 
> abattre  des  arbres,  et  s'avança  jusqu'à  ^  ^  ijl   Thach  tMt  tan  (la 

>  montagne  de  la  maison  de  pierre).  Ayant  aperçu  dans  la  grotte  des  vieil- 
»  lards  qui  faisaient  une  partie  d'échecs,  Chéit  déposa  sa  coignée  et  les  re- 
> garda  (jouer).  Les  vieillards  lui  donnèrent  un  objet  qui  ressemblait  à  un 

>  noyau  de  jujube  ;  ils  lui  ordonnèrent  de  le  garder  dans  sa  bouche  et  d'en 
»  avaler  le  jus.  (Ils  lui  affirmèrent  qu'en  ce  faisant)  il  ne  ressentirait  plus 
>ni  la  faim  ni  le  soif.  Voilà  longtemps  que  tu  es  ici!  lui  dirent-ils  ensuite; 


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112  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Tnrô*c  sân  16ng  dft  giâi  lèng; 

Trong  màn  làm  le  ta  hông  kêt  duyên. 

Thành  thân,  môî  nrô*c  xuông  thuyën; 
2136    Thuân  buôm  mot  là  xuôi  mien  Châu  ihai. 

Thuyën  viira  dâu  bên  thành  thoî, 

Bac  sanh  lên  tnrô*c,  tim  noî  moi  ngirôi. 

Cùng  nhà  hàng  vien  xira  nay! 

Cûng  phirfmg  bân  thit;  cùng  tay  buôn  ngirM! 
2140    Xem  ngirM  dinh  giâ  vira  roi, 


»tu  feras  bien  de  t*en  retourner.  ChéU  prit  (donc)  sa  collée;  mais  le  manche 
»  était  réduit  en  poussière!  Il  se  rendit  chez  lui  en  toute  hâte.  (Or  depuis 
»quMl  avait  quitté  sa  demeure)  il  s'était  écoulé  plusieurs  siècles  et  il  y  avait 
»  bien  longtemps  qu'il  ne  restait  plus  personne  de  sa  famille.  D  rentra  dans 
^  la  montagne  où  il  reçut  le  ^^  Buo  (embrassa  les  pratiques  du  Taosséisme). 

^0n  Ty  rencontre  souvent.»  (^j  ^|I|  ^  Liv.  III,  page  3,  verso.) 

Cette  histoire  est  précédée  dans  Tcxemplaire  que  je  possède  d'une  gra- 
vure chinoise  où  Ton  voit  Vttang  Chdl  qui,  coiffé  d*un  grand  chapeau  de 
paille,  s*appuie  les  bras  croisés  sur  un  rocher  dans  une  posture  pleine  d*a- 
bandon,  et  regarde  d'un  air  à  la  fois  curieux  et  sagace  les  deux  Immortels 
absorbés  par  leur  partie.  Les  figures  de  tous  les  personnages  sont  remplies 
de  naturel  et  d'expression;  mais,  chose  singulière!  Téchiquier  sur  lequel 
les  deux  joueurs  concentrent  toute  leur  attention  est  absolument  vide  de 
pièces! 

La  version  que  je  viens  de  traduire  du  ^||  ^}^  4jfL  ne  montre  nulle- 
ment pourquoi  Vttcmg  Chat  est  considéré  par  les  Chinois  et  les  Annamites 
comme  le  génie  protecteur  des  jardins.  Celle  que  je  trouve  dans  le  Bi^ 
phân  et  qui  diffère  considérablement  de  la  première  donne  au  contraire  une 
explication  très  naturelle  de  cette  croyance. 

Tf^  ché  (^  i)»  lït-on  dans  cet  ouvrage,  était  un  homme  qui  vi- 
vait au  temps  des  Tâln.  Il  s'appelait  Vuomg  ChêU,  était  bûcheron  et  demen- 


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KIM  vAN  KIËU  tAn  TRUYÊN.  113 

Au  lieu  de  la  cérémonie  les  cœurs  s'étaient  épanchés. 

Dans  la  chambre  nuptiale  on  accomplit  les  rites  du  mariage  \ 

et,  lorsque  Tunion  fut  consommée,  (Bac)  conduisit  (Kteu)  à  une  bar- 
que dans  laquelle  il  la  fit  descendre. 
La  voile  obéissante  les  poussa  vers  le  pays  de  CMu  ihai.  2136 

Dès  que  le  bateau  eût  en  sûreté  accosté  Tembarcadère^, 

Bac  sanh  débarqua  le  premier  et  s'enquit  d'une  maison  publique  \ 

C'était  encore  un  comptoir  comme  l'autre  ! 

Un  marché  de  chair  (humaine  !  et  là  se  trouvait)  encore  une  per- 
sonne faisant  commerce  de  ses  semblables  ! 
Dès  qu'elle  eut  vu  la  jeune  femme  et  que  l'on  eut  fixé  le  prix,  2140 


r^t  dans  le  pkâ  de  Son  tây  (  ^J  ^Y  Comme  il  était  allé  un  jour  faire 
du  bois  sur  une  montagne  nommée  Thqx:li  ihàt,  H  y*  vît  de  mauvais  esprits 
lui  apparaître  sous  la  forme  de  joueurs  d'échecs.  S'étant  aussitôt  appro- 
ché pour  regarder  (la  partie),  ces  démons  lui  enlevèrent  tout  sentiment,  et 
Tempôchèrent  ainsi  de  retourner  chez  lui.  Ils  donnèrent  en  outre  à  son 
visage  une  laideur  extraordinaire.  Lorsque  plus  tard  il  fut  revenu  à  lui  et 
retourna  dans  sa  maison,  ses  enfants  lui  voyant  ce  visage  étrange  ne  le 
reconnurent  point  et  le  prirent  pour  un  imposteur.  Vuomg  CMt  fut  tiès 
affecté  de  se  voir  méconnu  par  ses  petits  fils  (%ic).  Il  les  quitta,  s'en  fut,  et 
construisit  immédiatement  dans  un  coin  du  jardin  une  espèce  d'appentis 
dont  il  fit  sa  demeure,  afin  de  pouvoir,  en  allant  et  venant,  apercevoir  ses 
petite  enfants.  Après  sa  mort  ces  derniers  construisirent  sur  l'un  des  côtés 
du  jardin  une  cabane  en  forme  d'appentis  dans  laquelle  ils  l'adorèrent, 
parce  qu'ils  pensaient  qu'il  leur  avait  autrefois  rendu  quelque  service  en 
surveillant  le  jardin  lorsqu'ils  se  trouvaient  absents.  (Bien  pMn  ih  chhik, 
p.  92.) 

1.  Litt.  :  ^Dcms  Vintérieur  de  —  les  tentures  —  faisant  —  les  cérémonies 
—  de  la  soie  —  rouge  —  i^  Tiouèrent  —  Vunion-», 

2.  Litt.  :  «  .  .  .  .  wn  lieu  —  de  tous  les  —  hommes*, 

3.  4nr  ^^  Hàng  vièn  signifie  littéralement  :  ««n  enclos  renfermant  des 
marchandises  ». 

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114  KiM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÇN. 

Moi  hàng  mot  dâ  ra  mirôi,  thi  buông. 

MirÔTi  ngirôi  thuê  kiêu  nrô*c  nàng; 

Bac  dem,  mât  bac  kiêm  dàng  cho  xa. 

Kiêu  hoa  dât  tnrô*c  thëm  hoa; 
2145    Ben  trong  thây  mot  mu  ra  voi  vàng. 

Du-a  nàng  vào  lay  gia  dàng. 

Cùng  thân  mày  trâng!  Ciing  phu-ông  lârU  xanh! 

Thoât  trông,  nàng  dâ  biêt  tinb! 

Chim  long  khôn  nhë  cât  minh  bay  cao! 
2150    «Chém  cha  câi  sô  hoa  dào! 

«Gô*  ra,  roi  lai  buôc  vào  nhu*  chai! 

«Nghï  dW  ma  ngân  cho  dôi! 

1.  Litt  :  €U argent  —  ayant  été  apporté,  —  le  visage  —  ingrat  —  cherCW 
—  (un)  chemin  —  pour  —  s^ éloigner». 

Il  y  a  ici  un  assez  médiocre  jeu  de  mots  qu'il  est  impossible  de  coa- 
server  en  français,  et  qui  roule  sur  la  similitude  existant  entre  le  nom  ^^ 
faux  mari  de  Tvy  kiêu  d'une  part  et,  de  Tautre,  la  double  signification  du 
mot  «ôoc»,  lequel  veut  dire  à  la  fois  *  argent»  et  *  ingrat». 

2.  Les  mots  ^kiêu  hoa»  sont  le  renversement  de  l'expression  chinoise 
«  "^^  i^  hoa  kiêu  »  qui  désigne  la  chaise  à  porteurs  de  cérémonie  dans 
laquelle  les  nouvelles  mariées  sont  conduites  à  la  maison  de  leur  époox. 
Le  poète  l'emploie  par  ironie,  et  fait  allusion  au  mariage  simulé  au  nmyen 
duquel  on  a  trompé  la  jeune  femme.  Quant  au  mot  ^Jtoa»  qui  sert  d'épi- 
thète  au  mot  ^ihim»,  il  est  susceptible  d'un  double  sens,  et  peut  être  com- 
pris, soit  dans  le  sens  des  relations  impures  qu'il  désigne  métaphoriquement^ 
soit  avec  sa  signification  primordiale,  les  vérandas  étant  généralement  ornées 
de  vases  de  fleurs  et  de  plantes  grimpantes. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyen.  115 

racheteur,  voyant  qu'il  gagnerait  dix  pour  un,  se  décida, 
n  loua  des  hommes  et  une  chaise  pour  aller  prendre  Kiêu, 
et  ringrat  Bac,  ayant  touché  son  argent  ',  s'arrangea  pour  s'esquiver. 

Lorsque  devant  la  vérandah  fleurie^  Ton  eût  déposé  la  chaise  de 

noces, 
(Kiêu)  vit  de  l'intérieur  accourir  une  vieille  femme.  2145 

Cette  dernière  la  fit  entrer  et  la  conduisit  devant  l'autel  de  l'esprit 
protecteur  de  la  maison  ^  (afin  qu'elle)  s'y  prosternât. 

C'était  encore  le  génie  aux  sourcils  blancs!  C'était  encore  une  mai- 
son de  plaisir! 

La  jeune  femme  d'un  coup  d'œil  connut  ce  qu'il  en  était  ! 

mais  un  oiseau  en  cage  ne  peut  prendre  son  essor  et  s'élever  dans 

les  airs  ! 
«  Maudit  soit  >,  s'écria-t-elle,  «le  destin  (que  me  valent)  mes  charmes  ^!  216O 

«destin  qui,  m'ayant  délivrée,  se  fait  un  jeu  de  m'enchaîner,  de 

>  m'emprisonner  de  nouveau  ! 
«Je  pense  à  mon  existence,  et  mon  existence  m'écœure! 

3.  i^  >A|l  Quân  Chung  OU  ^  Jg  Bach  mi,  l'idole  des  femmes  de  mau- 
vaise vie  dont  il  a  déjà  été  question  plus  haut  (voy.  au  vers  930). 

4.  Litt.  :  <i(On  aurait  dûj  décapiter  —  ton  père,  —  (ô  monj  destin  —  de 
jkuri  —  pêcher  (de  belle  personne)!» 

Ces  mots  ^ehém  cha»  constituent  une  des  imprécations  les  plus  graves 
chez  les  Annamites.  Pour  en  comprendre  toute  la  violence,  il  faut  se  rap- 
peler combien,  de  même  que  les  Chinois,  ce  peuple  attache  d'importance  à 
la  perpétuation  de  la  race.  Or  celui  qui  la  profère  contre  quelqu'un  exprime 
par  là  le  regret  que  le  père  de  celui  qu'il  insulte  n'ait  pas  été  tué  avant 
d'avoir  eu  aucun  enfant,  ce  qui  aurait  amené  l'anéantissement  de  sa  descen- 
dance. Au  fond  ce  genre  de  malédiction  est  tellement  passé  dans  leurs  ha- 
bitudes qu'ils  ne  se  rendent  pas  même  compte  du  sens  des  paroles  qu'ils 
profèrent.  C'est  ce  qui  explique  la  singulière  application  que  Tûy  kieu  en 
fait  à  sa  destinée,  laquelle  est  un  être  purement  moral. 

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116  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

cTài  tinh  chi  lâm  cho  TrM  Bât  ghen? 

cTîec  thay  iiirô*c  dâ  dânh  phèn 
2155    «Ma  cho  bùn  lai  nhuôm  lên  mây  lân! 

«Hong  quân  vôi  khâch  hông  quan! 

«Dâ  xây  dên  thê,  con  hôn!  ChAa  tha! 

«Lô*  tù  lac  birô*c  birô*c  ra, 

«Câi  thân  lieu  nhfrng  tu*  nbà  lieu  di! 
2160    «Dâu  xanh  dâ  toi  tinh  chi? 

«Ma  hông  dên  quâ  nèa,  thi  chùa  thôi? 

«Biêt  thân  chay  châng  khôi  TrM! 

«Cûng  lieu  mât  phân  cho  roi  ngày  xanh!> 

1.  Litt.  :  «  .  . .  .  que  Veau  —  ait  été  traitée  par  Valun,  > 

Lorsque  Teau  est  trouble  les  Annamites  y  mettent  une  petite  quantité 
d'alun  et  la  remuent  ensuite.  Ualun  entraîne  au  fond  toutes  les  souillures. 
Kiiu  exprime  par  cette  figure  l'idée  qu'elle  avait  été  débarrassée  une  pre- 
mière fois  de  la  souillure  qu'elle  avait  contractée  en  séjournant  dans  l'im- 
monde établissement  de  la  vieille  Tû  bà, 

2.  Litt.  :  <  mais  —  qu'on  avait  fait  que  —  la  fange  —  de  nouveau  —  la 
souillant  —  montait  —  combien  de  —  fois!» 

3.  Litt.  :  «Xc  grand  —  tour  de  potier  —  avec  —  son  hôte  —  la  jeimefUe, 

—  a  tourné  —  à  en  venir  à  —  (cette)  manière;  —  (et)  encore  —  il  est  vrrUéj 

—  (et)  pas  encore  —  il  pardonne!-» 

Le  Ciel,  créateur  de  toutes  choses  suivant  la  mythologie  annamite,  est 
comparé  à  un  potier  qui  façonnerait  avec  son  tour  tous  les  êtres  qui  sont 
dans  ce  monde. 

4.  Litt.  :  «  Egarée,  —  depuis  qtC  —  errante  —  (quant  aux)  pas  —  en  wmt- 
chant  —  je  suis  sortie  (de  ma  demeure),* 

Par  suite  de  leur  position  différente,  le  premier  ^bteàc*  est  un  substantif 
et  le  second  un  verbe. 


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KLM  vAN  KIËU  TAN  TRUYÉN. 


117 


I  à  pnaîid  mérite  ai-je  en  moi,  qne  le  Qel  et  la  Terre  m'honorent 

?  leur  jalonsie  ? 

-je  donc  échappé  (nne  première  fois)  à  ma  honte  * 

pour  que  cette  fang^  remonte  et  revienne  toujours  me  sonîHer-?  2155 

tear  de  toutes  choses  envers  moi,  (pauvre)  fillcj 

point  a  pouBsé  la  rigueur^  et  sa  rage  n'est  point  apaisée^! 

ais  qu'égarée  dans  ma  voie,  mes  pas  errants  m*ont  portée  loin 

;  ma  demeure  \ 

iiis  que,  quittant  ma  fiimille,  je  me  Btiîs  hasardée  à  partir,  je 

'attendais*  à  ces  aflTroutë''! 

îit-eUe  donc,  cette  faute  qui  pèse  sur  ma  jeune  tête?  -i^o 

îxpîer  j'ai  u&é  déjà  plus  de  la  moitié  de  mes  charmes,  et  ce 

est  pa^  assez  encore? 

lis  «lue  je  ne  puis  me  soustraire  (à  la  persécution)  du  Ciel*! 

icritîerai  donc  ma  beauté  jusqn*à  la  fin  de  mes  jeunes  ans^!  * 

[Jtt,  ;  ^fSiJ  la  personne  (de  moi)  —  a  été  rUquée,  —  ce  n'eU  que  — 
Jaii  çmêj  de  —  la  maiaùti  —  me  rùtqtmTit  —  je  auk  partiel* 

vers  e^t  Irês  chercliè;  raiïteiir  yim  k  y  produire  ijuo  espèce  de  jeu 
:s  au  njoyea  de  la  répétition  du  caractère  <t  J^j*  lieu*. 

Lltt.  z  *Je  Mtdf  que  —  ma  personne  —  en  courant  —  ne  jk»#  —  édtap- 
—  U  Oeil* 

is  avons  vti  ailleurs  le  Ciel  rcpréseTité  couiine  un  itnuien!*D  filt^t  qui, 
uni  toute  la  surfaco  de  la  tt-^rrtv^  oc  i)ennct  à  persomu;  do  lui  ùcbap- 
%  même  idée  se  retrouve  ici. 

Lift.  :   «  TtnU  auêH  bien  —  je  rhque  —  vion  visage  —  fardé  —  pour  — 

r  —  mêê  jomrê  —  vertu  f* 

it  que  aotre  bércunc  sera  jeune  elle  excitera  Faniour  de  tmis^  et  cet 
lui  suscitera  de  nouvelles  persueutiou».  Elle  s'y  résiguc;  mais  elle 
que,  lorscpic  la  vicillesee  aura  détruit  sa  beauté,  elle  retrouvera  eufin 

Q^^  ^  L,j  mot  *phSi  ^  /nrd>  cât  adjectif  par  positiou,  et  a  pour 

XHidaut  le  mot  *xank  —  verl*  qui  tenuiue  lo  secoud  tiémistiche. 


,t;rf-î 


r^-t 


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118  KIM  vAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

Lan  thâu  gi6  mât  trâng  thanh, 
2165    Bông  dâu  c6  khâch  bien  fflnh  dên  chai. 

Râu  hùm,  hàm  en,  mày  ngàî; 

Vai  dôi  thir6c  rong;  thân  mirôi  thirdc  cao. 

BirÔTig  dirÔTig  mot  dihig  anh  hào! 

Côn  quyën  hau  sirc,  lircrc  thao  gôm  tài. 
2170    Boi  trôi  dap  dât  ô*  dW! 

Ho  ràr,  tên  Hài;  von  ngirM  Viêt  dong. 

Giang  hô  quen  thù  vày  vîing. 


1.  Litt.  :  c  ....  on  atiait  traversé  —  les  vents  —  frais  —  et  k»  l^^ 
sereines». 

Les  phénomènes  météorologiques  s'étaient  succédés  les  uns  aux  autre», 
le  temps  avait  passé. 

2.  Les  Chinois  considèrent  cette  confonnation  particulière  du  vis«gc 
comme  un  signe  d'habileté  à  la  guerre  et  de  valeur  indomptable.  Dans  le 
célèbre  roman  iMp  i^  ^A  —  Vhistoire  <Fun  mariage  bien  assorti  (XIV  chap, 
pages  1  et  2),  le  héros  ^^  Ûf  ^  s'approche  d'un  vaillant  général  qu'un 
échec  amené  par  la  trahison  a  fait  condamner  à  mort;  et,  constatant  quîl 
a  «  une  tête  de  léopard,  des  yeux  ronds  comme  des  bracelets,  wie  mâdi^re 
d'hirondelle  et  qu'il  porte  au  menton  une  barbe  de  tigre :^  f^k  w^^ 
^  HH  ^IS  J^  ^)'  il  déclare  qu'il  doit  être  un  remarquable  chef 
de  guerre  (jj^^  ^  yj"  j^^  et  il  se  porte  caution  pour  lui. 

Le  Ngài  est  un  insecte  dont  la  forme  est  très  analogue  à  celle  du  ver 
à  soie;  cependant  il  est  plus  ondulé  et  se  termine  en  pointe. 

3.  On  rencontre  ici  une  singulière  erreur  dans  le  texte  en  caractères 
idéographiques.  Les  épaules  du  héros  y  sont  dites  larges  de  cinq  pouces  (nà* 
tû^cj!  J'ai  pris  sur  moi  de  la  corriger  et  de  remplacer  ces  deux  caractères 
par  ceux  qui  représentent  les  mots  « rfoî  thieàv  —  deux  coudées*.  La eondéc 
annamite  équivaut  à  0»",  487.  Le  double,  c'est-à-dire  0"°,  974  est  une  mesure 


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KÎM  VlN  KJÈU  TÂN  TEUYÇN.  119 

à  peu  le  temps  s'était  écoulé  \ 

[ne  tont-à-coup  un  étranger  (venu)  de  la  frontière,  arriva  pour  2165 
divertir 

•ait  la  barbe  du  tîgre,  la  niâclioire  de  Fliirondelle;  ses  sourcils 
^^mblaient  au  Ngài*K 
épaules  étaient  larges  de  deux  coudées ^^  sa  taille  était  haute  de 

lit  un  béros  imposant! 

eu  du  bâton ^  à  la  boxe  il  suqiaasait  les  plus  forts;  il  possédait 

LDs  les  Lï€<7€  et  les  th<Wj  une  seienee  consommée^. 

ait  puissant  sur  la  terre  ^î  2170 

nom  de  famille  était  Tïcj  soo  petit  nom  était  Hâi;  Viet  dong 

ait  son  pays. 

exiâteace  se  passait  à  faire  du  bruit  dans  le  monde. 

convenable  pour  les  épaules  d'un  géant  qui,  dît  le  poète,  est  haut  de 

LitL  :  *fQua7d  au)  bâhn  —  (H  au)  poing  —  lï  avait  plus  que  —  de  la 
fgvanl  aux)  lu^c  —  fei  auz)  ihao  —  U  rénniësait  —  ftoug)  les  talents  *> 

oîr  ce  que  j'ai  dit  au  sujet  de  Tongine  dos  ^  ^S,  Tarn  lucre  et  des 

^  L\tc  ihm  dans  la  note  sous  le  vers  14  de  ma  traduction  du  Luc 

Tien, 

&  premier  de  ces  ouvrages  est  attribué  par  aucuns  non  à  ^ê  "jf^  .^ 

TTi^  thâi  coM^j  mais  a  un  peraonnago  légendaire  appelé  ^P  JjC  .^ 
^  iha^  eân^.  Le  sceontl  se  didsc  en  six  chapitres,  intitulés  : 

r  ^S  Lon^  —  le  dragon, 

"^  J^  ff^  —  lo  tigre. 

3*  ^  V^^  —  la  Uttérature, 

\°  j^  Vd  —  la  guerre. 

5"  ^  Bêo  —  le  léopard. 

6**  -^  Khiit^n  —  le  chien. 

Lîtt.  :    *  Il  portait  sur  la  Ute    —    le  cfeZ,  —  il  fmdaU  sous  ses  pieds  — 
Te  -^  dans  —  fe  m.o^de!> 


I 


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God^^K, 


120  KIM  vAn  KIEU  TA^'  TRUYÎN- 

GiTOTn  3àn  nû*a  câiih,  non  sông  mot  {^hèo, 
Qaa  cbori  thSy  tiêng  nàng  Kiêu; 
2t76    Tâm  long  nlii  nfr  cûug  xiêu  anU  hùng, 
Tbiêp  dauh  dira  âên  lau  liôug; 
Hai  bên  cuug  liée,  Lai  long  eftng  na. 
Tîir  rang  :  «Tàm  dam  tcrorng  ky! 


1.  Lîtt.  t  *  Stm  épée  —  hrandis^aiU  —  (ave.cj  la  demie  —  rémutm  fifir  iifttJP 
brtvif  —  êur  te»  fieta>€a    —  U  emplù^ail  ume  seule  —  rarne  >. 

Je  ne  traduis  pas  le  mot  «tion  —  montu^nes*  que  rauttur,  avec  «tt* 
indÉpendunce  qui  e^aractérisc  les  poètes  annamites,  emploie  ici  tiniquenwnl 
eoïiirae  chevi(k%  et  qu'il  choisit  pour  eette  seule  raison  qu'il  se  trouve  très 
fréqueinnietït  assoeié  dans  les  lM>èHieB  au  mot  «wï«7  —  jteMtjet»,  auquel  il 
fait  opposition. 

2.  Le  mot  ^ûii^^*  qui  signifie  le  plus  oitlinaircnieut  tijoîr>,  est  pria  ici 
dans  le  sens  û'&dendre.  Ou  dit  très  bien  en  annamite  ^  ^t  -fè  thây  tm  » 
ponr  rapprendre  tmc  nouveîU*.  Eu  chinois  parlé  il  en  est  de  ttiême.  et  K 
^  y  sî^nîtic  simplement  -evUendre*. 

3.  Le  verbe  *.méu>  qni  est  oiiiinairement  neutre  devient  iei  eausatif  par 
position. 

4.  L'expreî*sion  AUb  d^  thiêfp  danhf  qui  sigiiifie  littérale  m  eut  ^tAUd  dt. 
fumt^  n'est,  comme  il  est  facile  de  le  voir,  pas  autre  chose  que  le  renver- 
sement conforme  à  la  syntaxe  annamite  du  substantif  composé  ehînuis  ^ 
Èik,  leqne!  désigne  une  feuille  de  papier  rouge  sur  laquelle  un  \\sÂt^m 
iusrrît  son  nom  et  ses  qualités,  et  qu'il  fait  parveuir  quelque  temps  d'avanee 
à  la  personne  qu'il  doit  aller  voir.  Ces  :^  |J^  représentent  â  peu  dfl 
chose  près  nos  cartes  de  visite, 

5*  Litt.  :  *  A'iffls  cŒUrâ  —  et  nos  eéMiciiIe^  biliuirea  —  miUutUenieni  -^  *^ 
rencofitreiUl* 

Cette  expression  équivaut  au  dicton  chinois  suivant,  dont  elle  ne  diffi"r<? 
d'ailleurs  t|ue  par  uu  mot  :  *  ^  ^  j^  ^  Tâm  phi^c  ttr^n^  k"^  —  ^ 
cmufê  ei  Um  eetdrejt  ae  reticordreiU^. 

Le  ea'Uf  et  le  ventre  sont  deux  parties  très  centrales  et  très  esseatiellp* 
du  corps  humain  ;  aussi  les  Chinois  ont-ils  été  tout  naturellement  piîtiés  s 
eu  faire  le  siège  de  nos  sentiments  les  plus  intimes,  comme  nous  le  f^mMs 
d'ailleurs  aussi  nous-mêmes  eu  ce  qui  concerne  le  ccemr.  Dire  que  le  cœor 


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EIM  VAN  KIÊU  TAN  TEUYÊN. 


121 


issant  mn  ëpéc  cFime  niaiii  ot  s*aidaiU  d'une  seule  raine,  sur 

fleuves  il  naviguait  ', 

pour  se  divertir^  il  entendît  parler'^  de  Kitu, 

3  le  e^ienr  de  la  jeune  fille  s'inclina  celui  du  lieras^. 

le  palais  du  plaisir  sur  un  billet  il  envoya  sou  nom  *. 

que  du  eoîn  de  I  œil  ils  se  furent  examinés,  leurs  deux  cœurs 

atrent  d'accord. 

B  nDUS>,  dit  2tf,  «s'est  établie  la  sympathie  M 


2175 


entre  de  deux  personnes  se  pencontrent  sîgnitie  donc  métaphorique- 
ue  leurs  ^cntimi^nts  les  pltis  intimes  eaclrtnt  [imfîuti^nientj  «^ii'il  existe 
■llejs  une  syaujathie  atrsolue. 

te  tïianîêix'  figiirïilîvc  de  .VexpriiuLU-  a  très  vniir^cniMabh'iiivnt  sa  source 
chapitre  dn  ^fe  J^  JJvre  dca  Ainwk't*)  itïtitniù  ^L  ^S  Bàn  coiJi, 

e  ilans  ïa  tpnstiî'iiiL'  section  duc^uel  un  lit  cette  plirase  :  .>^  ■+•  ^C 

>hnr   ûiân  tràti^j  Hch  cào  nhï  /«•  Mit/i  vu  trâm  dii  —  Mainteuiint  j*ai 
découvert  mon  cœur,  uion  v^dre,  lues  reins  et  mes  entrailles,  et  je 
ai  dévoilé  toute  mu  volonté^  ô  voue,  cent  familles!» 
trouve  déjà  cette  expression  avec  le  seus  tic  *coiifidenl*  dans  le 
t  ou  Livre  des  Vers  : 


Et     Et     ^     5^ 


<&     ^ 


'O 


«  Cu  tVi  vô  jphti 
cOSn*^  kâu  pkuc  (âm! 

itrépide  ^^uerrter 

ieti  fait  (lour  être)  le  con fuient  (litt,  i  k  vetitre  tt  k  cœto')  du  Prince  î» 
poète  Huuamite  it  probablement  remplacé  le  veîiire  par  U  vésicule 
Ofàm)  jKUir  fîiire  nue  alîu.^ioii  anticipée  à  la  conduite  plciiio  d'aniuur 
*ourag"e  que  va  montrer  sou  bëriïïia'  îl  réf.''ai(l  du  guerrier  Tte  NaL 
!t,  si  lea  Cltiooi»  et  les  AuDainite»  font  couiiiie  nous  du  co^nr  le  stég-e 
irimeiits  affectueux,  c'eât  dans  la  véhicule  biiiairc  ou  dans  le  foie 
slacent  le  courage. 


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122  KIM  vAn  kiëu  tAn  truyên. 

«Phâi  ngirW  trâng  giô  vât  vfr  hay  sao? 
2180    «Bây  lâu  nghe  tiêng  ma  dào! 

«Mât  xanh  châng  de  ai  vào  dông  không! 
«Mot  d6i  dirçrc  mây  anh  hùng? 
«Bô  chi  câ  châu  chim  long  ma  choi?» 
Nàng  rang  :  «NgirW  day  quâ  IM! 
2185    «Thân  nây  c5n  dâm  xem  ai  làm  thirô-ng? 
«Chût  rîêng,  chon  dâ  thù*  vàng, 
«Biêt  dâu  ma  gôî  can  tràng  vào  dâu? 

1.  Litt.  :  <  Vous  êtes  —  une  personne  —  de  lune  —  et  de  vent,  (une  per- 
sonne avec  laquelle  on  a  un  commerce  passager  comm^  le  plaisir  qu'on  goùU  h  se 
promener  au  clair  de  la  lune  ou  à  s'exposer  à  une  brise  rafravchissamU)  —  (et) 
avec  qui  Von  a  des  relations  oiseuses  —  ou  —  comment  celaf» 

€^  vât  w»  signifie  €  errer,  flâner*.  Cette  expression  devient  par  posi- 
tion un  adjectif  qualificatif  qui,  de  même  que  celles  qui  la  précèdent  ne 
peut  être  rendue  en  français  que  par  des  périphrases. 

2.  Litt.  :  <ii(Un)  œil  —  noir  —  ne  pas  —  laisse  —  qui  que  ce  soit  —  entrer 
dans  —  (sa)  cavité  —  vainement!* 

Pour  comprendre  ce  vers,  il  est  nécessaire  de  se  reporter  à  Taiiecdote 
suivante  que  Ton  trouve  dans  le  traité  chinois  ;^  ^^  (section  ^  SS 
3|g,  Liv.  2,  i).  27  v«)  : 

»  dài  ho  nhcrn  —  Nguyèn  Tich,  en  leur  montrant  (les  pupilles)  noires  (de  ses 
>yeux  (litt.: en  faisant  des  yeux  noirs),  témoignait  sa  bienveillance  aux  gens.» 
Commentaire  :  «  Nguym  Tich  était  un  lettré  qui  pouvait  montrer  le  noir 
»ou  le  blanc  do  ses  yeux.  Lorsqu'il  voyait  un  homme  instruit  et  bien  élevé, 
>il  le  recevait  en  lui  montrant  le  noir.  Sa. mère  étant  morte  et  ^^  ^£ 
»  Ke  Hi  étant  venu  lui  faire  des  compliments  de  condoléance,  Tich  lui  mon- 
»tra  le  blanc.  J^  Khang,  frère  cadet  de  Hl,  s'avança  alors,  portant  son 
»  câm  sous  son  bras,  et  lui  offrit  du  vin  à  deux  mains.  Nguyln  Tich  fut  ravi 
»et  montra  le  noir.» 


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KIM  VAN  KIËU  TÂN  TRUYIPN.  123 

«Êtes -vous  donc  une  personne  avec  laquelle,  par  occasion,  Ton  se 

>  divertit  en  passant  '  ? 
«J'avais  depuis  longtemps  entendu  parler  de  votre  beauté!  218O 

«A  Foeil  d'un  connaisseur  personne  ne  peut  se  soustraire^! 

«Combien,  dans  une  vie,  rencontre-t-on  de  héros? 

<  Ne  peut-on  se  divertir  avec  un  poisson  dans  un  vase,  avec  un  oiseau 

»en  cage?» 
«Seigneur,  vous  daignez  me  flatter»!  lui  répondit  la  jeune  femme  ^ 

«Gomment  pourrais-je  vous^  regarder  comme  le  premier  venu?        2185 

«Pauvre  créature  que  je  suis*,  choisissant,  pour  éprouver  For,  une 

»  (bonne)  pierre  (de  touche), 
«comment  saurais-je  à  qui  donner  mon  cœur<^! 

Ttt  nài,  en  parlant  de  son  œil  notr^  se  pose  comme  un  connaisseur  qui 
sait,  comme  Nguyèn  Tich,  reconnaître  les  personnes  distinguées. 

Le  mot  annamite  >KS  xanh  qui,  de  môme  que  le  chinois  ^  thanh  dont 
il  est  probablement  une  altération,  signifie  ordinairement  ^hJeu»  ou  «ver^», 
prend  aussi  parfois,  comme  lui,  le  sens  de  «runV». 

3.  Litt.  :  «  .  .  .  .  Vous  —  en  enseignant  —  dépassez  —  les  termes  (vous  nie 
traitez  d'une  façon  trop  polie  pour  une  personne  de  ma  condition!)* 

L'expression  «  day  —  enseigner  »  s'emploie  souvent  lorsqu'il  s'agit  de  pa- 
roles adressées  par  un  supérieur  (réel  ou  supposé  tel  par  politesse)  à  son 
inférieur.  On  dit  en  chinois  d'une  manière  analogue  :  ^recevoir  les  instruc- 
tions de  quelqu'un»  pour  ^s^ entretenir  avec  lui», 

4.  Ce  vers  peut  être  entendu  dans  un  double  sens.  Si  l'on  prend  le  mot 
€ai9  dans  son  acception  ordinaire,  on  devra  l'interpréter  ainsi  :  €  Comment 
une  créature  aussi  vile  que  moi  pourrait-elle  traiter  de  pair  à  égal  avec  qui  que 
ce  soitf»  Kiêu  faisant  entendre  par  là  à  Tk  Hâi  qu'elle  n'est  pas  digne  des 
compliments  qu'il  lui  fait.  Si  au  contraire  on  entend  ce  mot  dans  le  sens 
de  <tvous»f  comme  j'ai  montré  précédemment  qu'il  y  a  ordinairement  lieu 
de  le  faire  dans  les  situations  semblables  à  colle-ci,  il  faut  adopter  la  ver- 
sion que  j'ai  donnée.  Je  la  regarde  comme  préférable,  parce  qu'elle  s'ac- 
corde mieux  tant  avec  la  situation  qu'avec  les  vers  qui  suivent. 

5.  Litt.  :  «  Le  peu  -  -  particulier  (de  moi)  .... 

6.  Litt.  ;  «Je  saurais  —  ou  —  pour  —  confiant  —  (mon)  foie  —  (et  mes) 


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'"'■ 


124  KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

«Con  nhn  vào  tnr&c  ra  sau, 

«Ai  cho  kén  chon  vàng  thau  tai  minh?* 
2190     Tù  rang  :  «LW  nôi  htrn  tinh! 

«Khîên  ngirôi  lai  nhô*  câu  Bïnh  nguyên  quart! 

«Lai  dây  xem  laî  cho  gan, 

«Phông  tin  ctirac  mot  vài  phân  hay  không». 

Thira  rang  :  «Lnong  câ  bao  dung! 
2195     ^Tân  dw&ng  dircrc  thây  mây  rông  c6  phen! 

«Rong  thirang  c6  noî,  hoa  hèn, 

«Chut  thân  bèo  bot  dâm  phiëu  mai  sau!» 

Nghe  lô-i  vùa  y  gâc  dâu. 

enlraille*  —  Us  faire  entrer  —  ouf  —  (où  serait  pour  moi  le  moyen  de  taw^ 
à  qui  confier ...  .fj» 

1.  Litt.  :  ^Encore  —  comme  (cT)  —  entrer  —  par  devant  —  ^  de  toriir 
—  par  derrière,» 

2.  Dans  le  honteux  esclavage  auquel  je  suis  réduite,  il  ne  m'est  point 
permis  de  m'attacher  de  préférence  aux  gens  doués  d'un  cœur  élevé. 

3.  Le  2p  jg  ^  Bmh  nguyên  quân  dont  il  s'agit  ici  mourut  en  250 
avant  l'ère  chrétienne.  Ce  nom,  qui  signifie  «  prince  de  2K  IS  Bknh  nguyên», 
est  un  titre  qui  fut  conféré  à  ^^  |B^  Triêu  thâng,  le  plus  jeune  frère  du 
souverain  qui  régnait  alors  sur  l'état  de  Triêu.  Btnh  nguyên  quân  fut  un 
des  chefs  qui  conduisirent  les  luttes  dont  fut  précédé  le  triomphe  final  de 
la  maison  de  ^è,  Tdn  sur  les  états  feudataires,  et  il  se  trouva  plusieurs 
fois  à  la  tête  des  combinaisons  militaires  ou  diplomatiques  formées  en  vue 
de  résister  aux  empiétements  de  l'envahisseur.  Il  est  un  des  Quatre  Cbeft 
rpn  ^)  de  cette  période,  et  fut,  comme  ses  contemporains,  à  la  tête 
d'une  troupe  considérable  de  fidèles  partisans.  Pour  satisfaire  le  ressenth 
ment  de  l'un  d'eux  qui  était  bossu  il  mit  à  mort  une  concubine  favorite 


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KIM  VÂN  KIËU  TAN  TRUYÊN.  125 

<  Quant  à  ce  qui  est  d'agir  à  ma  guise  K 

«  Qui  m'aurait  laissée^  à  mon  gré,  choisir  For,  et  (laisser)  le  cuivre^?» 
«Vos  paroles  sont  sages»,  dit  Tu;  2190 

«Elles  rappellent  au  souvenir  la  phrase  sur  Bïnh  nguyên  quân^, 
«Je  suis  venu  ici  pour  vous  considérer  de  plus  près 
«  et  voir  si  je  puis  avoir  quelque  part  à  vos  faveurs.  » 
«  Que  votre  magnanimité  se  montre  indulgente  !  »  dit-elle. 
Le  chef  de  Tân  dteang  réussit  parfois  dans  ses  entreprises^  !  2196 

«Soyez  généreux  envers  l'herbe  de  la  plaine!  ayez  compassion  d'une 

»  humble  fleur, 
«de  ma  chétive  personne,  qui,  faible  comme  le  Bho  et  la  mousse, 

»  n'ose  s'appuyer  sur  vous,  et  tôt  ou  tard  vous  pèsera!  > 
En  l'entendant,  par  ces  paroles,  accéder  à  son  désir,  Tw  hai  secoua 

la  tête. 

qui  avait  ri  de  sa  difformité.  (Matebs,  Chinese  reader's  manual,  pages  175 
à  176.) 

Ce  personnage  avait  une  grande  réputation  d*hospitalité  ;  il  comblait  ses 
hôtes  de  présents  splendides.  Tù  lui  compare  galamment  Tûy  kiêu,  et  dit 
que  de  même  que  Bïnh  nguyên  quân  traitait  avec  une  générosité  sans  égale 
les  personnes  qu'il  recevait  bien  qu'elles  fussent  innombrables,  de  même  la 
jeune  femme  comble  de  ses  inappréciables  faveurs  tous  ceux  qui  viennent 
les  demander. 

4.  Litt.  :  ^(Quafnl  au  fait  que)  Tétn  Dieang  —  obtient  —  de  voir  —  les 
nuages  —  du  dragon,  —  il  y  a  —  des  fois!» 

Ceci  est  une  sorte  de  plaisanterie  littéraire  singulièrement  cherchée.  Tûy 
kiêu  fait  entendre  à  Tù  hài  que  la  fortune  le  favorisera  dans  les  rapports 
galants  qu'il  veut  avoii*  avec  elle  comme  elle  favorisa  jadis  Du(mg  cao  à  qui, 
de  simple  gouverneur  du  Quân  de  Tân  dwang,  devint  empereur  de  la  Chine. 

Le  dragon  qui,  d'après  l'antique  dictionnaire  chinois  ^^  ^,  est  le 
chef  des  trois  cent  soixante  espèces  de  reptiles  à  écailles,  a  seul  le  pou- 
voir de  monter  dans  les  nuages  (ce  qu'il  fait  chaque  printemps). 


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126  KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

Cnôi  rang  :  «Tri  ky  tnrd'C  sau  mây  ngirôi? 
2200    «Khen  cho  con  mât  tinh  d6i! 

«Anh  hùng  dùng  gîtra  tran  ai!  Moi  già! 

cMôt  16i  dâ  biêt  dên  ta! 

«Muôn  chung  ngàn  tir,  cûng  là  c6  nhau!» 

Haï  bên  y  hiêp,  tâm  dâu; 
2205    Khi  thân,  châug  lira  là  eau;  m(>i  thân! 

Ngô  IW  nôi  vuôi  bâng  nhcm, 

Tien  trâm  lai  en-  nguyên  ngàn  phât  hoàn. 

Ph5ng  riêng  sèa  ehon  thanh  nhàn  ; 

Bât  giu'ô'ng  thât  bùii,  vây  màn  bât  tien. 

Comme  il  est  d'ailleurs,  en  sa  qualité  de  chef  des  êtres  sumatureb,  le 
symbole  spécial  de  tout  ce  qui  concerne  l'Empereur  de  la  Chine,  <  voir  la 
nuages  du  dragon*  ou  voir  le  dragon  venir  à  soi  dans  les  nuages  qu'il  ha- 
bite, c'est  devenir  empereur  soi-même. 

1.  Litt.  :  « (Quant  à)  connaître  —  toi  —  awmt  —  (et)  aprèt,  — 

combien  d^  —  hanimeê  se  connaissent  f  * 

2.  Litt.  :  «  .  .  .  .  Alors  —  cest  très  bien!» 

Le  mot  €già»  signifie  directement  ^  vieux  »\  mais  comme  une  personne 
qui  est  parvenue  à  la  vieillesse  a  atteint  tout  son  développement,  cette 
idée  a  fait  prendre  également  ce  mot  dans  le  sens  de  «j>ar/at^>,  ou  plutôt 
de  ^parfaitement  »  *,  car  ce  mot  ne  s'emploie  guère  ainsi  que  comme  adverbe, 

3.  Le  ^fi  Chung  est  une  ancienne  mesure  qui  équivalait  suivant  \& 
uns  à  quatre,  suivant  les  autres  à  trente -quatre  ou  même  soixante -quatre 
ip  Bâu,  —  On  appelle  MA  TU  uu  attelage  de  quatre  chevaux. 

Les  termes  *muôn  chung  —  dix  mUU  chung»,  <ngàn  tù  —  mille  tu»  80nt 
employés  ici  par  le  poète  pour  désigner  une  fortune  considérable.  A&«j/A* 
Du  les  a  tirés,  en  leur  donnant  la  forme  annamite,  du  philosophe  chinois 
^  -^   Mç^nh  tè. 


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Kim  VÂH  KIËU  TlN  TEin^N. 


127 


Combien»,  dit-il  en  riant,  «est  il  de  c^uïb  qui  s^aecordent  en  tous 
*  points'? 
Qne  vous  arez  dea  yeux  eliajmants!  2200 

[Moi,  je  guis^  un  héros  debout  au  milieu  du  monde!  Nous  sommes 
»  faits  pour  nous  entendre^  ! 
Four  que  nouB  nous  ooniiaissiouS;  une  parole  a  suffi! 

|b  ierais  riche  k  dix  mille  rhung,  je  jiosséderais  mille  tir,  que  tou- 
^Joure  nous  vh^rions  ensemble  -*  !  * 
es  ¥olontéâ  et  les  eœnm  dea  deux  parts  se  tmuvaient  d'ae^ord. 

fl 
n'e^t'il  besoin,  quand  l'aniour  est  venu,  de  frais  pour  se  faire  aimer  ^  ?  2205 

'on  porta  de^  propositions  en  s'aidant  d'un  intermédiaire, 

:  l  on  rendit  les  centaines  d'onces  déboursées  priraîtivement^ 

ne  chambre  à  jmrt  fut  préparée^  asile  de  leur  bonheur "^^ 

Ton  y  dressa  im  Ht  («nié  des  Bcpt  choses  précieuses;  on  Fentoura 
de  rideaux  (portant,  tmjdt^f^,)  les  huit  génies ^ 

M  M  Wl  ^  P  ^  ^i^  ^  :2:i>"  ^'*"'^^'  ^  ''''  ^"^^  ^ 

hta  nhi  Uip  Mf  —  (Miiiâ  1*11  fl'agit  de)  dix  miihr  chuufft  on  ]vb  acceptera 
ns  s'inquiéter  îles  eouveiiaiMMîa  ou  de  k  juistJct'!  {^  ^,  Lîv.  VI,  1*  sec- 
>iij  chHjL  X,  §  7.') 

^p- ^  -1  ^  ifl  # Jl/tl  ï'  ^-'"'  ^^  -«  ^^^^  "  ^'^ 

'.at  Ûti  dâS  —   Y  lloTm qUilJHl  itli   lui  MU  mit  tiiU]v.  Tuillc  ttc  de  che- 

M%j  ne  lea  aurait  pas  mémo  roo^unJés!  (Id.  Liv,  V,  djup.  VI I^  %  îi.) 

4.  Litt.  :  «  Quand  —  on  n^aim^j  —  ne  pm  —  on  tient  compte  tU  —  c/jc?'- 

5.  Litt»  :  «  UartjenL  —  en  <?«xfâme#  —  etiçorË  —  fxntfarhiénieîU  à  —  Vofi^i- 
ire  —  argent  —  en  k  prtïdi^Uunt  tiu  dehm-ê  —  on  ^oidU^. 

n  hm  rt'mbourse  à  la  propiiétiiiro  de  ht  utaisîtiii  de  proatitutitm  le  prix 
'elle  avtiit  piiyé  pour  aequéiir  r%  M«. 
fi,  hitt  ;   *  Dan^  nue  charniers    —   spécUUn  —  &n  tU^mèa    —    le  lieu  —  du 

7.  Vonr  ces  objet»  précieux,  voir  ma  fradiiction  du  Luc  Vân  Ti^n,  p.  225. 
\nt  ânJt  titiit  ^4nîea,  ce  sont  dos  hanjuies  qui,  élevés  au  raug  de  divi- 


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128  KiM  vAn  kiêu  tAn  tkuyên. 

2210    Trai  anh  himg,  gâî  thuyën  qnyên, 

Phi  nguyên  sfnh  phung,  dep  diiyen  câi  rông» 

Nii'a  nâm  hmnig  lu*a  dang  nôiig  ; 

TnroTig  phu  phut  dâ  dong  long  bon  phtrcnig. 

Trông  vôi  trôi  bien  minh  mông- 
2215    Thanh  girom,  yen  ngvra,  lên  dàog  thâng  x6ng* 

Nàng  rang  :  «Phan  gâi  chfr  tiing! 

«Chàng  dî,  thiêp  cûng  quyêt  long  xiii  dî!> 

Tic  rang  :  «Tâm  dam  tiroTig  tri, 

cSao  chira  thoât  khôi?  Nfr  nliî  tlmàrng  tinh! 
2220    cBao  giô*  mnôi  van  tinh  bînh, 


ni  tés,  sont  regardés  maintenant  comme  les  protecteurs  des  arta.  lis  sont 
d'origine  Bao  «î;  voici  leurs  noms  : 

1**  S  *^  ^S  Lit  Bffng  Thân,  qui  porte  une  épée  et  accorde  son  atiei»- 
tance  à  ceux  qui  se  livrent  à  la  pratique  de  reacrime.  Il  est  l*obJÊt  d'au 
culte  de  la  part  des  malades. 

2"  ^  ^^  ^  Hâng  Chung  Ly  tient  un  éventuil  avec  leqnel,  disent 
quelques-uns,  il  évente  et  ranime  les  âmes  des  mortels. 

3**  S  J^  ijffi  Lam  Bien  Jlà  porte  un  panier  de  fleura  et  une  bêeltt*; 
il  protège  les  jardiniers  fleuristes. 

4°  ^^  jl&  ^^  Tkiet  Linli  Ly  porte  une  calebfifiae  et  une  béquille;  e*eit 
le  patron  des  magiciens. 

G"*  1^  B  M  Tào  Quoc  Cvu,  coiffé  d'un  bonnet  de  matidaiin,  tî^nt  À 
la  main  des  castagnettes.  Il  est  invoqué  par  les  bouffant  et  les  eomèdiem 

6**  2Ë  ^B  -^j^  Tneomg  QuS  Lao  tient  une  bcHle  ù  pinceaux  en  bîwnboii. 
Il  forme  au  beau  style  les  écrivains  et  les  lettres. 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUY^N.  129 

Ce  héros,  cette  noble  fille  2210 

au  gré  de  leurs  désirs  s'abandonnèreut  aux  transports  de  l'amour  K 

Leur  feu  dura  la  moitié  d'une  année; 

puis  tout-à-coup  le  guerrier  se  mit  à  penser  à  la  gloire  K 

Les  yeux  dirigés  vers  l'espace,  avisant  le  ciel  et  la  mer  immenses, 

n  ceignit  son  glaive  tranchant,  sella  son  coursier  et,  sur  le  chemin,  2216 

droit  devant  lui  il  s'élança. 
cLe  devoir  d'une  femme»,  dit  KiSu,  «est  de  suivre  celui  qu'elle 

>  aime  '  ! 
«Dans  mon  cœur,  puisque  vous  partez,  j'ai  résolu  de  partir  aussi!  » 

«(A  présent)»  répondit  Jîr  «que  notre  connaissance  est  intime^, 

«comment  n'avez -vous  pas  fui  encore?  (car)  c'est  ainsi  d'ordinaire 

»  (qu'en  agit)  le  cœur  de  la  femme  ! 
«  Lorsqu'avec  des  bataillons  innombrables  de  guerriers,  2220 

^**  ^1  ^  "^  ^^  Tvxmg  tir  est  représenté  sous  la  forme  d*un  jeune 
homme  qui  joue  de  la  flûte.  C'est  le  patron  des  musiciens. 

8**  Enfin  ^  ^[Jj  -^  Hà  Tien  <X  génie  du  sexe  féminin,  se  tient  de- 
bout sur  un  pétale  de  fleur  qui  flotte  sur  Teau.  Elle  a  dans  les  mains  une 
fleur  de  Lotus,  et  un  panier.  On  invoque  son  secours  en  matière  de  ménage. 
(Voy.  le  Dictionnaire  de  S.  Wklls  Williams,  au  mot  Stën.) 

1.  Lift.  :  *dcm9  une  belle  alliance  —  épouêèrent  —  le  phénix,  —  danê  une 
plaisante  —  alliance  —  chevauchèrent  —  le  dragon*. 

2.  Litt.  :  « JîU  ébranlé  —  (quant  au)  cœur  —  (au  sujet  de)  —  les 

quatre  —  points  cardinaux  (le  désir  d'étendre  partout  sa  réputation  fit  battre 
»cn  cour), 

3.  Litt  :  « la  condition  —   de  la  femme  —  est  —  le  caractère  — 

suivre/» 

Les  deux  mots  €ch3  thng*  deviennent  par  position  un  verbe  qualificatif. 

4.  Litt.  :  «  .  .  . .  (nos)  cœurs  —  (et  nos)  foies  —  se  connaissent  mutuelle' 

wierU», 

9 


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|^-:;-r^,^:-.?:,^- 


130  KIM  VAn  KIËU  TÂN  TRUYÇN. 

«Tiêng  bë  dây  dât,  bông  sînh  dep  dirông, 

«Làm  cho  rô  màt  phi  thir6*ng, 

<cBây  giô*  ta  se  nrô'c  nàng  nghi  gia! 
2225    «Bâng  nay  bon  bien  không  nhà! 

«Théo,  càng  thêm  bân!  Biêt  là  di  dâu? 

«Dành  long  chô*  do  it  lâu! 

«Chây  châng  là  mot  nâm  sau.  Vôi  gl?» 

Quyêt  IW,  dirt  âo  ra  dî, 
2230    Giô  mây  bâng  dâ  dên  ky  dâm  khod! 

Nàng  thi  chiêc  bông  song  mai. 

Ngày  thâu  dâng  dâng;  nhàt  gài  then  mây. 

1.  La  figure  contenue  dans  le  dernier  hémistiche  est  si  énergique  et  si 
frappante  que  j'ai  cru  pouvoir  me  permettre  de  la  conserver  telle  quelle 
dans  la  ti'aduction,  bien  qu'elle  fasse  dans  notre  langue  un  effet  quelque 
peu  étrange. 

2.  Litt.  :  «(que)  j^aurcU  fait  qtie  —  je  sois  mis  en  évidence  —  (quant  à 
mon)  visage  —  cCune  manière  non  ordinairCf* 

3.  Litt.  :«....  darw  les  quatre  mers, 

4.  Litt.  :  «  tranchant  d'un  seul  coup  —  le  vêtement  ....  » 

Cette  singulière  métaphore  est  la  conséquence  d'une  autre  qui  est  assez 
fréquemment  employée  en  poésie,  et  dans  laquelle  on  compare  un  ménage 
bien  uni  à  un  vêtement  pourvu  de  son  collet,  parce  que  cette  pièce  acces- 
soire, qui  représente  la  femme,  est  absolument  inséparable  du  corps  du 
vêtement,  qui  figure  le  mari. 

6.  Il  y  a  ici  transposition  du  mot  *hàng  —  comme*  dont  la  place  gram- 
maticale est  avant  les  deux  substantifs  *gi6  mây*,  £n  Vy  reportant,  la  tra- 
duction littérale  sera  celle-ci  : 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  131 

€du  bruit  de  mes  tambours  faisant  trembler  la  terre,  de  Tombre*  des 
»  drapeaux  balayant  les  chemins, 

«je  me  serai  distingué  du  vulgaire^, 

«je  viendrai  vous  chercher  afin  de  nous  unir! 

«En  ce  moment  dans  le  monde  entier^  je  n'ai  pas  (même)  une  de- 

>  meure! 
«Vous  ne  feriez,  en  me  suivant,  qu'accroître  votre  détresse!  (car)  où  2226 

»  pourriez- vous  aller? 
«Veuillez  bien  en  ce  lieu  m'attendre  quelque  temps  ! 

«  au  plus  tard,  pendant  un  an.  Nous  n'avons  rien  qui  nous  presse  !  » 

Ds  conviennent  de  tout;  Ton  se  sépare'*  et  Tft  s'éloigne, 

semblable  au  vent  et  aux  nuages,  lorsque  le  temps  est  venu  pour  eux 

de  (se  rendre  au)  larges 
La  jeune  femme,  isolée,  dans  sa  chambre  ®  demeura.  2230 

Lentement  les  jours  s'écoulèrent!  sa  porte  était  fermée  à  tous^. 

€  comme  —  (lorsque)  le  vent  —  (et)  les  nuages  —  sont  arrivés  à  —  le  terme 
fixé  —  des  dam  —  du  large!» 

6.  Litt.  :  «  La  jeune  femme  —  alors  —  Jut  dépareillée  —  quant  à  Vombre 
—  de  sa  fenêtre  —  de  mai.  » 

Cette  manière  de  parler,  singulière  au  premier  abord,  n'en  renferme  pas 
moins  une  idée  très  gracieuse.  Lorsqu'un  couple  est  bien  uni  les  deux 
époux  sont  souvent  rapprochés  l'un  de  l'autre  et,  le  soir,  la  lumière  de  la 
lampe  qui  éclaire  l'intérieur  de  la  chambre  nuptiale  reflète  leur  ombre  à 
tous  deux  sur  le  store  qui  clôt  la  fenêtre.  Un  observateur  placé  à  l'exté- 
rieur peut  donc  voir  souvent  passer  et  repasser  derrière  ce  store  une  ombre 
double;  mais  si  l'un  des  époux  vient  à  s'absenter,  il  n'apercevra  plus  qu'une 
ombre  unique,  une  ombre  dépareillée,  —  Le  mot  €mai:^  intervient  ici  comme 
une  épithète  vague,  renfermant  en  elle-même  une  idée  d'élégance,  de  dé- 
licatesse. Il  n'implique  pas  absolument  l'existence  d'une  représentation  de 
l'arbuste  mai  sur  le  store  dont  il  s'agit. 

7.  Le  mot  mây  —  nuages  est  encore  une  épithète  simplement  miiemen- 
taie,  qui  fait  pendant  au  mot  «mat»  et  rime  avec  ^giày^  qui  termine  le 
vers  suivant. 

9* 


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132  KIM  VÂN  KIÉU  TÂN  TRUY^N. 

San  rêu  châng  vë  dâu  gîày. 

Cô  cao  hem  third'c;  lîëu  gay  vàî  phàn. 

Doâî  thircmg  muôn  dâm  ta*  phân  ; 
2235    Hôn  que  theo  ngon  mây  Tan  xa  xa! 

X6t  thay  huyên  côî  xuân  già  ! 

Tarn  long  thirang  nhô*  biêt  là  cô  ngui  ? 

«Choc  ra  mirôi  mây  nâm  trôi. 

«Côn  ra  khi  dâ  da  moi  t6c  sirong! 
2240    «Tîêc  thay  chût  ngâî  cû  cn-ông! 

1.  Cette  métaphore  est  très  obscure.  Elle  signifie  qu'il  se  passa  un  tempe 
assez  long.  Par  ce^  mots  :  «Zc  saule  maigrit»,  Fauteur  du  poème  veut  pro- 
bablement dire  que  Tarbre,  en  vieillissant,  perd  un  certain  nombre  de  ses 
branches,  ou  que  son  feuillage  devient  plus  clairsemé;  et  réciproquement, 
cette  raréfaction  de  la  verdure  des  saules  indique  que  le  temps  a  marché. 

2.  Litt.  :  «  En  regardant  en  arrière,  —  elle  avait  compaaaion  de  —  Ui  Six 
mille  —  dam  —  du  tàf  —  et  du  phân*. 

J'ai  parlé  du  JS^  tw.  Le  jjA  phân  est  Tonne  blanc  En  se  reportant 
à  la  note  sous  le  vers  1047,  on  saisira  facilement  comment  le  premier  de 
ces  arbres  entre  dans  la  figure  employée  ici  par  le  poète.  Quant  à  Tarbre 
ift",  il  faut,  pour  se  rendre  compte  du  rôle  qu'il  y  joue,  se  reporter  à 
rode  ^  P^  ^  >^  <iu  ^  jj^j  ^ont  la  première  strophe  décrit  les 
divertissements  auxquels  se  livrent  ensemble  auprès  de  Tune  des  portes  les 
citoyens  d'une  même  ville.  On  pourra  saisir  alors  comment  le  souvenir  de 
l'arbre  dont  il  est  parlé  au  premier  vers  de  cette  strophe  peut  susciter  dans 
l'esprit  de  Kiiu  la  pensée  du  pays  absent  : 

m  f-  n  M 

1^  4»  ^  PI 

^  Z  Z  Z 

"F  ^  «  # 


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Kl  M  VÂN  KIE0  TÂN  TRUTÊN-  133 

Sur  la  moTisse  de  la  cour  aucun  pied  ne  marquait  son  empreinte. 

L'herbe  dépassa  tine  coudée^  et  le  saule  quelque  peu  maigrit  ^ 

(E^ti)  était  émuej  en  pensant  au  lieu  de  sa  naissance  ^  qu'une  im- 
mensité (séparait)  d'elle, 

etj  au  souvenir  du  pays^  à  la  suite  des  nuî^es  qui  couronnaient  le  223û 
(mont)  Tan,  son  âme  bien  loin  s'élançait! 

Combien  elle  souffrait  (â  la  pensée  de)  son  vieux  père  et  de  sa  vieille 
mère  *  1 

Où  pouvaîlelle  à  ses  regrets  trouver  nu  adouciâsemeut? 

<  Déjà  pins  de  dix  ans  se  sont  écoulés!  *  (pensait  elle). 

i  S'ils  sont  encore  en  ce  monde,  ils  doivent  [)orter  le  sceau  de  la 

1  vieillesse  !  la  neige  a  couronne  leur  tête  ^  ! 
«Je  le  regrette  (aussi),  c^  cœur  que  le  hasard  avait  attaché  au  mien^"*!  2240 

*&ông  m^  chi  phânf 
*b'T/m  khwu  chi  vu! 
«  7^  iruivf  ehi  tte 
«  Bà  ia  ky  ha. 
«(Ce  sont)  les  ormes  de  la  porte  orientale! 
«(Ce  sont)  les  chênes  û"Ut/^.n  Kkuu! 
«La  fille  de   Té  Trung 
*soQS  (cea  itrbrea)  se  livre  à  la  danse.» 

(  1^  ^  Sect  I,  lâv.  Xn,  ode  2,) 
Je  m'aperçois  que  j'aî  omis  de  rettitier  le  texte  en  caractères  figuratifSj 
qui  porte  t^  au  lieu  de  jk&.  Je  signale  iei  cet  oubli. 

3-  Litt,  :   <  KUe  diaU  imws  —  eomïtiêTt  /  —  (au  ^H  de)  le  Hnykrh  —  tronc 
—  ^  U  Xuân  —  pfc*Lt/s 

4.  Litt.  ;  *  3n.€ûrt  —  il  rctëort  —  un  quant  (U  esf  prt>hable  que)  —  dkjt  à 
prêtent  —  îh  &ni  tnte  pemi  —  de  toritte  cartt,  —  iU  tmt  des  chevcugô  —  de  roêéel  * 
L'expression  «  da  moi  —  peou  de  icrlue  cajri*  désigne  Taspect  que  pré- 
BCLte  ta  peau  des  vieillards  très  âges.  Cette  companiison  vient  de  ce  que 
les  taches  dont  elle  est  semée  la  font  resiembler  linéique  peu  à  la  cara- 
pace du  reptile  dont  il  a^agit.  —  La  particule  verbale  de  paaaë  «rfa^j  qui 
ei^prime  ici  que  la  modification  dont  il  s'agit  est  dès  à  présent  accomplie^ 
fait  un  verbe  composé  des  quatre  derniers  mots  du  vers. 

â.  Litt.  :   *Je   rti^reitt   —  ccfmhi&n!   —   ie  peu   d'  —  offeclhn   —  intima  tt 
ttfiûra^ée  peu-  hasard  i  » 


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134  KIM  vAn  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

«Dàu  lia  moi  chî,  côn  viroTig  ta  long! 

«Duyên  em  dâu  nôi  chî  hông, 

«May  ra  khi  dà  tay  bông,  tay  mang!» 

Tac  niëm  cô  quôc,  tha  hirang, 
2245    Birô-ng  kia,  nôi  no  ngôn  ngang  bW  bW. 

Cânh  hông  bay  bSng  tuyêt  vM! 

Bâ  mon  con  mât,  phirong  trM  dâm  dam! 

Bêm  ngày  luông  nhfrng  âm  thâm, 

Lèa  binh  dân  dâ  âm  âm  mot  phuong! 
2260    Ngât  trW,  sât  khf  ma  màng! 

Bây  sông  kinh  ngac,  chat  dàng  giâp  binh! 

NgirW  quen  thuôc,  kè  dông  quanh, 

Rû  nàng  hây  tam  lânh  minh  mot  nai. 

1.  Litt.  :  €  Quoique  —  nous  soyons  séparés  —  (quant  au)  bout  —  de  fil,  — 
encore  —  nous  sommes  pris  dans  —  la  soie  —  du  cœur!» 

Kieu  veut  dire  par  là  que  si  le  fil  rouge,  symbole  du  mariage,  n*attache 
pas  leurs  personnes  l'une  à  Tautre,  Tamour,  comme  un  autre  fil,  réunit  en- 
core leurs  deux  cœurs. 

2.  On  se  rappelle  qu'en  se  vendant  pour  payer  la  dette  de  son  père, 
Tûy  kieu  avait  chargé  sa  sœur  7'vy  Vân  d'épouser  h  sa  place  son  fiancé 
Kim  Trong. 

3.  Litt.  :  «  Par  bonheur  —  il  ressort  —  (un)  quand  (il  est  probable  que) 
—  dès  à  présent  —  leurs  mains  —  portent,  —  leurs  mains  —  soutiennent  sus- 
pendu au  cou  (un  enfant)!» 

La  facture  de  ce  vers  est  presque  entièrement  semblable  à  celle  du 
vers  2239. 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÊN.  135 

«Bien  que  nous  n'ayons  pu  être  époux,  nos  âmes  sont  restées  atta- 
>  chées  Tune  à  l'autre!  > 

«Si  de  cette  union  ma  sœur  cadette  a  renoué  les  flls^, 

«dans  leurs  bras  ils  doivent  porter,  embrasser  un  doux  fardeau^!  > 

En  son  cœur  le  souvenir  du  pays,  la  douleur  de  son  exil* 

se  trouvaient  confondus  ensemble.  2245 

L'aigle  5  avait  tout-à-coup  pris  son  vol  à  perte  de  vue  ! 

à  le  suivre  ses  yeux  s'étaient  lassés,  le  ciel  leur  paraissait  obscur! 

Tandis  que  la  pensée  (de  Tù  hâi),  nuit  et  jour,  hantait  l'esprit  (de 

la  jeune  femme), 
tout- à- coup  dans  un  coin  de  l'horizon  éclatèrent  les  feux  d'une 

armée. 
Les  vapeurs  du  massacre  obscurcissaient  le  cid;  (aux  yeux  de  Kieu  2250 

tout)  devint  confus*»! 
Les  K\nh,  les  Ngçc'^  remplissaient  les  fleuves;  les  chemins  étaient 

pleins  de  guerriers  cuirassés! 
Ses  connaissances,  ses  voisins 

la  pressaient,  pour  un  temps,  de  chercher  un  refuge. 

4.  Lîtt.  :«..../«  vieux  —  royaume,  —  Vautre  —  village,» 

5.  Litt.  :  <  L^aile  —  de  Voie  sauvage  ....  » 

C'est  à  Tir  Hâi  que  s'applique  cette  désignation  poétique. 

6.  Litt.  :  €  Il  y  eut  obscurcissement  —  (quant  au)  ciel;  —  de  la  tuerie  — 
les  vapeurs  —  firent  indistinct!» 

7.  Kinh  est  le  nom  de  la  baleine,  à  une  espèce  fabuleuse  de  laquelle 
les  Chinois  attribuent  une  longueur  de  mille  li.  —  Quant  au  Ngac,  ce  nom 
désigne  d'après  M.  Wells  Williams  le  crocodile  et  le  gavial  du  Gange.  Le 
premier  aurait,  dit-on,  existé  primitivement  près  de  Swatow  dans  la  rivière 
Han,  d'où  on  l'aurait  banni  par  des  exorcismes  à  l'époque  de  la  dynastie 
des  T'âng. 

Sous  les  noms  de  Kinh  et  de  Ngac,  le  poète  désigne  ici  métaphorique- 
ment des  guerriers  redoutables  et  armés  de  cuirasses. 


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.136  KiM  vAn  Kl  eu  tAn  TRUyÉN, 

Kâng  rang  :  «Trcdc  dâ  hen  IM! 
2256    «Dàu  trong  nguy  liiém,  dam  rM  wùc  xira?* 

Con  dang  giiii  thâng  ngâri  nga^ 

Mai  ngoai  dà  tliây  ngon  m^  tîêng  la! 

Giâp  bînli  kéo  dên  quanh  nhà; 

Bông  tlianh  ciing  lioi  :  *Nào  là  pliu  iihcn? 
2260    Hai  bêu  mvtbi  vî  iu&ng  quan 

Bât  gïTcnn^  coi  giâp,  tnrôc  sân  khau  dâu. 

Cuiig  nga  thê  nfr  nôî  sau, 

Rang  :  «:Vâng  lînli  cliî  rude  cliâu  Yii  qui!» 

San  sang  pliumig  tan,  loaii  nghî, 
2265    Hoa  quang  giâp  gi6î,  hà  y  vu  rang. 

Kco  cfr,  uAi  trông,  lên  dàng; 


1.  IJtL  :  <  »  .  .  .  AnpariÂvant — jaîJâh  ^:^i  fqnant  &u  lieti  ou  au  ler^nej  — 
fi  la  parole!» 

2.  Comme  W  s*a^ît  ilc  hauts  pC'rji(inn.tR-L^s,  le  poèt^e  croît  devoir  enjpioyer 
ici  des  termes  plua  tiûbles.  C'est  pour  cela  qu'à  TexpreÊsion  annamite  ^mêt 
tien^»  il  eubatilue  les  tnots  ehîuoia  «  [S  ^g  iP'mtj  thanh». 

Les  mota  -4^  ^^  phu  7ih(rn  s'emploient  pour  déeigncr  les  femmes  de 
fonctionnaire»  ou  «rofBciers  d*un  rang  très  èlevô.  N'ayjint  pas  â  ma  dispo- 
sition de  terme  français  équivalent,  je  les  traduis!  par  *ia  femme  du  ehrft 
afin  d'indiquer  autant  que  pos&ibîe  hi  nuanee  (ju'îla  expriment. 

3.  Litt,  i  < frappment  le  j^ùI.  —  de  Icfir  iête  i*. 

Ces  généraux  fotit  le  grand  Balut  chinois  appelé  ^É  h3  ^à  l'^kt  au- 
quel répond  ie  La^  aunamite. 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  137 

«A  Fattendre  (en  ces  lieux)  j'engageai  ma  parole  *  !  »  dit-elle; 
«Oserais-je,  même  an  sein  du  péril,  violer  le  serment  d'autrefois?»  2256 
Elle  hésitait  encore,  indécise, 

quand  elle  vit  au  dehors  (flotter)  un  étendard,  et  entendit  le  bruit  du 

gong. 
L'armée,  s'avançant,  entoura  la  demeure, 

et  tous,  d'une  voix,  demandèrent  :  tOû  est  la  femme  du  chef^?» 

De  chaque  part,  dix  généraux  2260 

déposaient  leurs  armes,  dépouillaient  leur  cuirasse,  et  se  proster- 
naient à  (l'entrée  de)  la  cour^. 
Des  filles  d'honneur  arrivaient  ensuite 

qui  disaient  :  tNous  (allons)  selon  l'ordre  du  Prince,  conduire  Ma- 
dame à  son  époux  ^  !  » 

Tout  était  prêt;  les  superbes  parasols  et  la  magnifique  escorte  ^ 

le  brillant  bonnet  qui  flottait  au  vent,  les  splendides  vêtements  2265 

brodés. 
On  hissa  le  drapeau,  le  tambour  résonna,  et  l'on  se  mit  en  marche. 

4.  Litt.  :  «  Obéissant  —  aux  ordres  —  de  la  volonté  souveraine,  —  en  vous 
accompagnant  —  jums  escorterons  —  votre  transport  chez  votre  époux*. 

J'ai  rappelé  plus  haut  la  première  strophe  de  Tode  jj^  ^^  (Livre  des 
Vers,  Sect  I,  Liv.  l,  ode  6),  d'où  Texpression  «-J-  ^  vu  qui»  tire  son 
origine. 

6.  Litt.  :  *  ,  ,  .  ,  de  phénix  —  les  parasols,  —  de  Loan  —  les  cérémonies,* 

Les  noms  des  deux  oiseaux  fabuleux  «JM    Phung»  ou  «.Phteong*  et 

«â|  Loan*  désignant  les  époux  dans  le  langage  élégant,  on  en  a  fait 

aussi  par  dérivation  des  épi th êtes  que  Ton  applique  au  luxueux  appareil 

dont  est  formé  le  cortège  des  mariages  de  la  haute  société. 

Le  texte  porte  ^  par  erreur.  Il  faut  lire  ^fe. 


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138  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

True  ter  nèi  tnrô-c,  kiêu  vàng  kéo  saiL 

Hôa  bài  tien  lo  ruôi  mau; 

Nam  dinh  nghe  dong  trông  châii  daî  dinh. 
2270    Kéo  cb  lûy,  phât  sùng  thành. 

Tît  công  ra  ngu'a,  thân  nghinh  cia  iig6aî. 

Rô*  minh,  la  vê  cân  dai; 

Hây  c6n  hàm  en,  mày  ngàî  nhir  xira! 

CnW  rang  :  «Câ  nirô-c  duyên  na! 
2275    «Nhô*  loi  n6i  nhttng  bao  giô*  hay  không? 

«Anh  hùng,  m<>i  biêt  anh  hùng! 

Rày  xem!  Phông  dâ  cam  long  ây  chira? 

Nàng  rang  :  «Chut  phân  ngây  tha 

1.  Litt.  :  €Le8  bambous  et  la  soie*. 

Les  instruments  de  musique  que  Ton  emploie  le  plus  souvent  (flûtes, 
guitares,  etc.)  sont  formés  de  ces  deux  matières. 

2.  Le  mot  «y^  hâa»  n'est  pas  ici  le  substantif /cm,  mais  un  adverbe 
qui  en  est  formé.  Il  signifie  donc  «  à  Zo  manière  du  feu  >,  c'est  -  à  -  dire  : 
*t d'urgence  et  en  toute  hâte*. 

Le  mot  «j^  bài*  est  le  nom  d'une  tablette  sur  laquelle  est  inscrit 
soit  un  ordre  souverain,  soit  un  décret  émanant  d'un  haut  fonctionnaire. 
Il  désigne  ici  <le  porteur  de  cette  tablette».  Nous  disons  en  français  d'une 
manière  identique  •deux  cents  fusils»,  *  vingt  lances»,  «dtx  tambours»,  La 
traduction  littérale  de  l'expression  *h6a  bài»,  basée  sur  la  règle  de  posi- 
tion, sera  donc  :  «('«n  courrier  qui)  d'urgence  et  en  toute  hâte  —  porte  la  ta- 
bleUe», 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  139 

La  musique  1  allait,  précédant,  le  palanquin  doré  suivait. 

Prenant  les  devants,  un  rapide  courrier  ^  s'élança  sur  la  route  avec 

vélocité, 
(tandis  qu)'au  palais  du  sud  on  entendait,  dans  la  cour  d'honneur, 

le  tambour  battre  à  l'assemblée, 
sur  les  murs  on  hissait  les  drapeaux;  l'on  tirait  le  canon  du  rempart.  2270 

Tac  công  sortit  à  cheval  et  alla  recevoir  en  personne  (la  jeune  femme) 

hors  des  portes. 
Son  costume  brillait,  splendide;  son  bonnet  et  sa  ceinture  étonnaient 

(les  yeux)  de  leurs  (riches)  couleurs  %• 
(mais)  il  avait  encore  cette  large  mâchoire^,  ces  sourcils  de  Ngài 

d'autrefois! 
Il  riait.  «  Nous  étions  faits  l'un  pour  l'autre  ^  !  »  dit-il. 

«Vous  rappelez-vous  les  paroles  qui  jadis  furent  prononcées?  2275 

«Un  (cœur  de)  héros  sait  seul  discerner  un  (cœur)  héroïque ^î 

«Voyez  maintenant!  Pensez- vous  que  vos  désirs  soient  satisfaits?» 

«Pauvre  femme  simple  d'esprit',»  dit-elle. 


3.  Litt.  :  «  Il  était  êplendide  —  (quant  à  sa)  personne;  —  il  était  merveU- 
leux  —  qttant  aux  nuances  —  du  bonnet  —  (etj  de  la  ceinture;» 

4.  Litt.  :«....  «a  mâchoire  d'hirondelle  ». 

5.  Litt.  :  «  .  .  .  .  (Quant  au)  poisson  —  (et  à)  Veau,  —  (notre)  union  —  est 
favorable,  (Nous  jouirons  dans  notre  union  du  même  bonheur  que  le  poisson 
éprouve  à  se  trouver  dans  Veau,  qui  est  son  élément  naturel)!* 

Il  y  a  encore  lieu  de  remarquer  ici  la  similitude  absolue  qui  existe 
entre  l'annamite  et  le  français.  Nous  disons  aussi,  en  effet  :  ^heureux  comme 
un  poisson  dans  Veau». 

6.  On  peut  aussi  supprimer  la  virgule  et  traduire  ainsi  :  «  Un  héros  trottve 
enfin  un  autre  héros».  Je  préfère  néanmoins  la  première  version,  parcequ'elle 
conserve  an  mot  «  biêt  —  savoir,  connaître  »  son  acception  la  plus  directe  et 
la  plus  naturelle. 

7.  Litt.  :  €  . .  .  .  (moi)  peu  de  —  condition  —  de  privé  de  raison  —  enfant,  » 


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140  Kl  M  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

«Cûng  may!  Dây  cât,  dirçrc  nhfr  hàng  cây! 
2280    «Ben  bây  gifr  mô-î  thây  dây! 

«Ma  16ng  dâ  châc  nhn'ng  Bgày  mot  bai!» 

Cùng  nhau  trông  mât,  câ  cirô-i, 

Dan  tay  vë  chôn  tnrÔTig  mai  tu*  tinh. 

Tiêc  bày  thirô'ng  tirông,  khao  bînh. 
2285    Am  tram  trông  trân,  râp  rinh  nhac  (juân. 

Vînh  boa  bô  thuô*  phong  trân; 

Ch*  €t\nh>  ngày  lai  thêm  thân  mot  ngày. 

Trong  quân,  nbon  lue  vui  vây 

Thong  dong  md*i  kè  su»  ngày  hàn  vî; 
2290    Khi  Vô  tîch,  kbi  Lâm  tri^ 

Noi  tbi  lira  dâo,  noi  tbl  xôt  tbirong. 

«Tâm  tbân  rày  dâ  nbe  nbàng; 

«Chut  c5n!  An  oân  dôi  dàng  cbua  xong!> 


1 .  Litt.  :  «  Mcài  —  num  cceur  —  avait  été  solide  —  (pendant)  tous  ces  jours 

—  (quant  à)  un  —  (et  quant  à)  deux  (absolument)!* 

2.  Litt.  :«....  dans  le  Heu  —  des  rideaux  —  de  Mai  —  pour  causer  de 

—  Vamour», 

3.  Les   expressions  <4m  Irdm  —  harmonieux»  et  *râp  Anh  —  bn^am- 
ment»  deviennent  ici  par  position  des  verbes  impersonnels. 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  141 

€  Liane  frêle,  j'ai  le  bonheur  de  m'abriter  sous  Fombre  d'un  arbre! 
«Aujourd'hui  enfin  je  vous  retrouve  ici!  2280 

«Mais  pendant  ces  (longs)  jours  mon  cœur  jamais  n'avait  douté ^  !  > 
Us  se  regardent  l'un  l'autre,  et  tous  deux  rient  aux  éclats; 

puis,  se  tendant  la  main,  dans  une  chambre  ils  vont  causer  de  leur 
amour  ^. 

Un  festin  fut  dressé  pour  récompenser  les  chefs,  pour  fêter  les  sol- 
dats vainqueurs. 

Le  tambour  des  batailles  harmonieusement  résonna;  la  musique  mili-  2285 
taire  entonna  ses  accords  bruyants '. 

La  gloire  faisait  oublier  les  moments  de  fatigue, 

et  leur  affection  de  jour  en  jour  se  resserrait^. 

Au  sein  de  l'armée,  profitant  de  ces  heures  joyeuses, 

elle  (put)  enfin  librement  raconter  ses  jours  d'infortune; 

ce  qu'elle  (souffnt)  à  Vô  tich,  ce  qui  (se  passait)  à  Lâm  tri;  2290 

comment  ici  on  la  trompa,  comment  là  on  eut  pitié  d'elle. 

«Maintenant»,  dit-elle  (à  Z&  công),  «mes  peines  ont  disparu; 

«mais  (il  me  reste)  quelque  (souci)!  Quant  aux  bienfaits,  quant  à 
»la  vengeance,  rien  n'a  été  réglé  encore"^! 


4.  Litt.  :  <  Le  earacth-e  —  €  affecHon  »  —  joumeUemerU  —  encore  —  clou- 
tait —  rirUimité  —  d*tm  jour  *, 

L'adjectif  ^^  ihân  —  intime  devient  substantif  par  position. 

6.  Litt  :  «  Un  peu  —  reste  encore  :  —  (quant  à)  le  bienfait  —  (et)  la  ven- 
geance, —  leê  deux  —  oôtù  —  pa»  encore  —  wnt  terminés/* 


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142  KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TKUYÊN. 

Tijc  công  nglie  noi  tbûy  eliiuig^ 
2295    Bât  binh,  nôi  trâo;  dèiig  dùïig  sâra  vaiig! 

Nghiêm  qiiàîi  tiiyôn  tirfrrig  sait  sang. 

Dirô-i  cô"  mot  lênli,  vôî  vàug  ruôi  sao. 

Ba  quân  cliî  iigon  cb  dào, 

Bao  ra  Va  tîch^  dao  vào  Lâm  trL 
2300    May  ngirM  pliu  bac  xira  kïa, 

Chîêu  danh,  tam  lioacli,  bât  vë,  dâi  tra. 

Lai  sai  lêuli  tien  truyën  qua 

Gift  giàng  ho  Thûc  mot  nlià  clio  yen. 

Mu  Quàn  giaj  vai  Gide  diiyêtif 
2305    Cûng  sai  lênh  tien  dem  tin  nrô-c  miri. 

Thê  STT  ké  liët  moi  16i. 

1.  Litt.  :  €  ,  .  ,  .  eut  entendu  —  totd  —   h  cmnnimcemenl  —  et  ta  jtn,^ 

2.  Lisez  dans  le  texte  ]^  ^"  et  non  j^  W,  I/eaiprcesk>n  N^hUm 
quân  signifie  en  chinoiâ   *  celui  qid  eoinfiiande  danê  la  fkinîîfe  ** 

3.  Litt.  :  «  Sous  —  les  draj}€aux  —  (il  y  eitl)  un  ordte;  —  mt  lo*Ue  kêU 
—  Ua  86  prédpUhrent  —  à  la  mauiht  des  étoiles*. 

Le  substantif  sao  duvîimt  adverbe  pur  position. 

Sous  la  dynastie  des  ^  Châu.  le  nombre  do  troipes  que  l'empereur 
et  les  princes  feudataircsi  .■avaient  le  droit  d'entretenir  lut  rû^K\  l^fi  ?»(juvi*' 
rain  pouvait  avoir  six  corps  d'ijrniée  ou  W  quânj  qiû  se  eompuz^Aieui  ée 
12,500  hommes  selon  les  uni,  et  de  10,000  ou  môme  do  %mù  stolon  li« 
autres.  Les  princes  feudAtnîres  de  la  première  clasâo  en  avaient  trtiffi^  fft  }m 
autres  deux  ou  même  un  seul  suivant  leur  rang  hiL-nirchuiue  respectifs  7% 


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KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  143 

Lorsque  Tù  công  fut  au  courant  de  tout^, 

îl  s'irrita;  sa  fureur  éclata  comme  le  tonnerre!  2295 

Le  maître  choisit  des  chefs  qu'il  avait  tout  prêts  sous  la  main. 

Dans  le  camp  un  ordre  fut  donné;  et,  tels  que  des  étoiles  (filantes), 

ils  partirent  avec  vélocité^. 
L'armée  mit  au  vent  son  brillant  étendard  5. 

Un  corps  marcha  sur  Vô  tidi  et  l'autre  entra  dans  Lâm  tri. 

De  ceux  qui  autrefois  avaient  agi  méchamment*,  2300 

l'on  rechercha  les  noms;  on  s*enquit  d'eux,  on  les  saisit;  ils  furent 

amenés,  on  les  interrogea. 
Une  dépêche  aussi  fut  expédiée  avec  des  instructions 

ordonnant  de  faire  garder  à  vue  une  famille  du  nom  de  Thûc  sans 

attenter  à  son  repos  \ 
Quant  à  l'intendante  et  à  la  bonzesse  Cridc  duyên, 

un  autre  avis  leur  porta  des  nouvelles  et  une  invitation  à  (se  pré-  2306 

senter). 
Les  troupes®,  dans  une  harangue,  furent  mises  au  courant  de  tout. 

eong  est  assimilé  ici  à  un  prince  feudataire  de  première  classe;  le  poète  lui 
attribue,  par  conséquent,  le  plus  haut  rang  après  l'empereur.  Voilà  pour- 
quoi son  armée  est  censée  se  composer  de  trois  qtiân  C~^  S!  ^»'»  guân, 
00,  en  annamite,  ba  qtiân),  —  Le  mot  €dào*  n'est  ici  qu'un  simple  orne- 
ment de  style. 

4.  Litt  :  ^ingrcUs*. 

5.  Litt.  :  €  d'une  manière  paisible*, 

6.  Litt.  :  <  Haranguant  les  troupes ». 

Le  mot  ^É^  thê  est  emprunté  au  ^È  iR  Tho  kinh  ou  Livre  des  An- 
nales. Son  sens  primitif  est  €  jurer 'î^  et  il  signifie  par  suite  €  proclamation, 
harangue  militaire».  On  trouve  dans  le  commentaire  du  ^  ^î  J^,  par 
3E  W  ^  Texplication  de  cette  dérivation  assez  obscure  :  «  ^  ^  'j^ 


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144  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Long  long  cttng  gîân,  ngirôi  ngirW  chdp  uy! 
Bao  trW  bâo  phuc  chln  ghê! 
Khéo  thay  mot  mây  tôm  vë  d6i  noi! 
2310    Quân  trung  giram  lôn,  giâo  dài! 

Vê  trong  thi  lâp;  ccr  ngoài  song  phi. 

San  sang  te  chînh  uy  nghi! 

Vâc  dông  chat  dât;  sanh  ky  dep  sân! 

»^H[  Thê  giâ  tin  da,  Nhan  quân  cung  hành  thiên  thao,  mang  tuàng  thf  mt, 
9  Un  thttâng  tâU  phat  cJU  tu  —  Le  mot  c^  —  jurer  *  veut  dire  tin  — Jidé- 
»  lité  dan»  les  engagements.  Le  prince  des  hommes,  mettant  respectueusement 
»en  pratique  les  châtiments  que  le  ciel  ordonne,  commande  aux  généraux 
»de  proclamer  avec  serment  devant  leurs  troupes  qu'ils  récompenseront  fidèle- 
»ment  et  ne  failliront  point  à  punir.» 

On  voit  que  la  harangue  dont  il  s'agit  ici  ne  rentre  que  très  imparfaite- 
ment dans  la  pompeuse  définition  de  Vumig  tâln  thâng, 

1.  Litt.  :  «  Tous  les  cœurs  —  tout  aussi  bien  —  étaient  irrités;  —  tous  les 
hommes  —  lançaient  des  éclairs  —  d'une  manière  imposante!* 

2.  Litt.  :  €Les  gardes  —  du  dedans,  —  assistant,  —  se  tenaient  debqut;  — 
les  drapeaux  (compagnies)  —  du  dehors  —  en  paire  —  s'' étendaient*» 

Lisez  ]ffi  au  lieu  de  -S*  dans  le  texte  en  caractères. 

La  comparaison  des  deux  expressions  <quân  trung*  et  ♦t>ç  trong*,  qui 
forment  le  commencement  des  vers  2310  et  2311,  fait  parfaitement  ressortir 
la  différence  absolue  de  construction  qu'amène,  avec  des  termes  tout-à-fut 
analogues,  l'application  de  la  règle  de  position  faite  dans  deux  langues 
d'un  génie  opposé.  Évidemment  le  signe  chinois  pb  tnmg  et  le  signe  ^^ 
trong  (équivalent  de  celui  qui  se  trouve  dans  le  texte  en  caractères),  sont 
identiques  au  point  de  vue  de  leur  signification  intrinsèque;  et  le  second, 
comme  lindiquent  assez  sa  structure  et  la  prononciation  qui  lui  est  affec- 
tée,  n'est  au  fond  que  l'altération  du  premier;  mais  comme  Texpresaion 
«^  Fb  quân  trung*  appartient  à  la  langue  chinoise,  le  premier  de  ces 
deux  mots  devra  être  mis  au  génitif,  et  l'on  traduira  (dans)  Tîntérieur  de 
Vannée;  tandis  que  |K  ^rfl  étant  au  contraire  une  expression  annamite 
(bien  que  le  premier  de  ses  deux  termes  soit  chinois),  ce  sera  le  second 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn.  145 

Tous  les  cœurs  étaient  irrités!  Les  yeux  lançaient  des  éclairs;  les 

visages  étaient  sévères  *  ! 
Les  voies  du  Ciel,  quand  il  se  venge,  sont  vraiment  épouvantables  ! 

et  c'est  merveille  de  voir  comment  de  toutes  parts  (les  coupables) 

sont,  par  lui,  rassemblés  en  un  instant! 
Dans  Tannée  (l'on  ne  voyait)  que  grandes  épées,  longues  lances!      2310 

La  garde  intérieure,  debout,  assistait;  les  compagnies  du  dehors  se 

développaient  sur  les  ailes  2. 
Tout  est  prêt,  tout  est  en  ordre;  c'est  un  spectacle  imposant ^î 

Les  armes,  serrées,  (hérissent)  la  terre;  la  cour  est  pleine  de  dra- 
peaux K 

mot  qui  devra  être  affecté  de  ce  cas,  et  la  traduction  sera  :  «les  gardes 
de  Vintérieur», 

Bien  qu'il  s'agisse  de  la  Chine  et  d'un  révolté  chinois,  Fauteur  du  poème, 
qui  est  annamite,  attribue  aux  troupes  de  Tie  Eâi,  usurpateur  de  Tautorité 
souveraine  de  TËmpereur,  Torganisation  de  Tannée  de  son  pays.  Cette  der- 
nière, en  effet,  se  compose  en  gros  de  deux  éléments  distincts  :  1°  Une 
armée  royale,  composée  de  régiments  désignés  sous  le  nom  de  «Gardes 
r^fiff  F|)»;  2**  des  milices  provinciales  appelées  *  Pavillon»  (Jj&  Ky  ou  Otr). 
Les  unes  et  les  autres  sont  formées  de  troupes  astreintes  au  service  mili- 
taire décennal,  et  appelées  par  bans. 

Elles  sont  d'ailleurs  organisées  d'une  manière  à  peu  près  semblable; 
mais  la  première  est  plus  considérée,  et  les  officiers  qui  la  commandent 
sont  plus  élevés  d'un  rang  dans  la  hiérarchie  du  mandarinat  que  leurs  col- 
lègues de  même  grade  de  l'armée  des  ]ffi.  C'est  parmi  eux  que  sont  choi- 
sis le  jl^  ^  ^  Châfih  lànk  binh,  général  en  chef,  et  le  SM  ^  J^ 
Phà  ISnk  binh,  lieutenant  -  général  qui  commande  à  toutes  les  troupes  de 
Tarmée.  Ils  sont  en  outre  spécialement  affectés  à  la  garde  de  la  capitale. 
Aussi  Nguyln  du  donne-t-il  dans  le  présent  vers  le  rôle  principal  aux  |ifi 
yib  Vé  trong,  gardes  intérieures  OU  de  la  capitale,  tandis  qu'il  place  au  se- 
cond rang  les  'JS&  ^k  Cb  ngoài,  compagnies  (pavillons)  exlérieureê  ou  pro- 
vinciales. 

L'expression  €»ong  phi»  est  chinoise,  comme  la  plus  grande  partie  des 
termes  militaires  de  la  langue  annamite. 

3.  Litt  :  ^Cest  prêt,  —  c^est  en  ordre,  —  c^est  imposant  It> 
La  concision  de  ce  vers  est  remarquable. 

4.  Le  texte  porte  «  . .  . .  de  sanh  et  de  k^*. 

Le  "te  savk  est  une  espèce  d'oriflamme  en  plumes  de  diverses  couleurs 

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146  Kl  M  vAn  KIÊU  tAn  TRUYEN. 

TriTiîiig  hîim  mô'  gifra  trung  quân; 
2316    ri^  công  sânh  vôi  phu  nhcm  cùng  ngaî. 

Tien  nghiêm  trông  chAa  ditt  hôi, 

Bièm  danh  truô-c;  dân  chu-c  ngoàî  cùa  viên. 

Târ  rang  :  «An  oân  hai  bên 

«Mac  nàng  x4  quyêt,  bâo  dën  cho  mînh!» 
2320    Nàng  rang  :  «Nhir  cây  oaî  lînh, 

«Hây  xin  bâo  dâp  an  tinh  cho  phu  ! 

«Bâo  on  roi  se  trâ  thù!  » 

Tîv  rang  :  «Viêc  ây  de  cho  màc  nàng!> 

Cho  giram  truy  dên  Thûc  kmg. 
2325    Mât  nhir  chàm  dô,  thân  dirô-ng  cây  run! 


suspendu  par  une  boucle  à  la  gueule  d'un  dragon  recourbé  qui  termine  la 
hampe,  et  terminé  par  une  espèce  de  rosette. 

Le  J^  k^  ou  cb  est  d'une  forme  très  différente.  C'est  un  véritable  dra- 
peau carré  à  bord  découpé  en  forme  de  flammes  et  attaché  latéralement  à 
une  hampe  surmontée  d'une  tête  de  dragon  portée  sur  un  cou  recourbé 
comme  celle  du  jM^.  De  la  gueule  du  dragon  sortent  deux  bandelettes. 
Sur  la  surface  de  l'étendard  sont  représentés  huit  ours  et  huit  tigres.  L'ours 
et  le  tigre  qui  avoisinent  la  hampe  sont  dressés;  les  six  autres  sont  placés 
alternativement  les  uns  au-dessus  des  autres  dans  l'attitude  de  la  course. 

Les  Chinois  possèdent  en  réalité  neuf  espèces  d'étendards;  mais  comme 
ils  se  rapportent  tous  par  la  forme  soit  au  ift ,  soit  au  J^,  on  a  fait  des 
noms  réunis  de  ces  deux  types  une  expression  générique  désignant  les 
drapeaux  ou  bannières,  de  quelque  nature  qu'ils  soient 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYEN.  147 

Au  milieu  de  Tannée  la  tente  du  chef  est  ouverte*. 
7t^  cong  et  la  princesse  s'y  asseoient  côte  è  côte.  2315 

Le  tambour  n'a  pas  cessé  de  battre  aux  champs^ 

que  déjà  l'on  fait  l'appel  des  personnes  convoquées;  puis  on  les  fait 

attendre  en  dehors  de  la  tente. 
Tù  dit  :  €  Pour  les  bienfaits  comme  pour  les  injustices 

«c'est  à  vous,  madame,  de  juger  et  de  prononcer  sur  la  récompense 

>ou  l'expiation!» 
«Appuyée»,  dit  Kieu,  «sur  votre  autorité  puissante,  2320 

«permettez  que,  selon  la  justice,  je  paie  de  retour  les  services  et 

»  l'affection! 
«Puis,  après  les  récompenses,  la  vengeance  aura  son  tour! » 

«Madame»,  répondit  Ta,  «agissez  à  votre  guise!» 

(Alors)  elle  commanda  aux  gardes  armés -^  d'amener  Thûc  lang. 

Son  visage  était  vert  de  peur.  Il  tremblait  comme  un  chien  (près  du  2326 
feu)  4! 

1.  Lîtt  :  *Le  pavillon  —  du  tigre  —  est  ouvert  —  au  milieu  de  —  du 
milieu  —  le  quân». 

2.  Litt  :  *  (Quant  à)  de  celui  qui  est  en  t?.te  —  la  hatUrie,  —  le  tambour 
—  pas  encore  —  a  interrompu  —  (sa)  batterie*. 

Le  mot  «Aoi»  est  le  correspondant  annamite  du  chinois  ^nghiêm*. 

3.  Le  mot  *gworm»  signifie  littéralement  ^épée»,  et  par  dérivation  €  bour- 
reau*, 

Tûy  kiêu  veut  d'abord  effrayer  Thûc  lang  afin  de  le  punir  de  sa  lâcheté; 
après  quoi  elle  donnera  un  libre  cours  à  son  affection  en  lui  faisant  de 
riches  présenta. 

4.  Litt.  :  *8on  visage  —  étaii  comm4i  —  de  Vindigo  —  répandu;  —  son 
corps  —  était  comme  —  un  chien  —  qui  tremble*. 

Cdtf  est  proprement  le  nom  d'une  espèce  de  renard:  mais  il  se  prend 
aussi  dans  Tacception  de  «cAten». 

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148  KIM  vAn  KÏËCr  TÂN  TRUYÊN- 

Nàng  rang  :  ^Ngliia  nàng  ngàn  non, 

^Lmi  tri  ngây  cù,  chàng  con  nh*  kliung? 

^Sâm  Tkumig  châng  ven  chfr  dong^ 

«Taî  ai?  Hâ  dàm  pha  15ng  co  iihOTi? 
2330    «Gâm  tram  cuôn,  bac  ngàn  eân, 

«Ta  long  de  xirng  bâo  an  goi  là? 

«Vçr  chàng  qnî  qnâî,  tïnh  ma! 

«Plien  nây  kè  câp  bà  già  gâp  nliau! 

«Kîên  b6  miêng  chén  ch6  lân! 
2335    «Muai  âàu,  eûug  trà  ngâî  sâu  ebo  vira!» 

TMe  smih  trông  mât  bây  giô'  ; 

Mo  bôi  cliàng  dâ  nbir  mura  irét  dam  ! 

Long  rieng  mang  sa  kbôn  câm  ! 


Pour  dire  qii'uïie  personne  est  en  proie  k  nne  terreur  violente,  on  dit 
en  annamite  qu'elle  tremble  ^  tomme  nn  chien  fnûuiUé  àr^ntUe  prè*  du  fi^>. 

1.  Litt.  :  «  .  ,  »  p ,  L'ttffectwn  —  Imirdt!  ^^  comme  mille  manloffnf^t  *■ 

2.  On  lit  dans  le  ^  ^,  I-iv.  1,  piige  31,  verao  :  ^^^Jf  ^^ 

*BM  >2I  ^  1^  ^*  ^^^^  '"'^^  '"^'  ^'^  '^'^  ^*'""  Thifcmg.  —  Lc*reque  ïle^ii 
»  personnes  ne  (peuvent)  se  réunir,  ou  les  appelle  8âm  et  Thuimq»: 

et  à  la  pase  2,  verso  :  .fi  )f  -  Mv  ^  ffi  M  ^  *  ^ 

»Sâm  Thmrng  nhi  Unli,  kjf  xu^t  rmU  hëi  èinmg  Jdên-  —    Les  deux  étuîîea 
^Sûm  et  ThvoTiff  ne  se  voient  nî  à  leur  lever  m  k  leur  coucher,» 

Commentaire  :  «L'é toile  Thixmig  &c  tronvc  rfana  la  iK-isïtîon   ÛH  Mm 

•  (Est  direct)  de  rOricnt;  Té  toile  Sâm  m  trouve  dnus  la  position  ^  Dêu 


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KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  149 

«  Cet  amour  immense  ^  »,  dit  KvSu,  ^ 

«et  les  anciens  jours  de  Lâm  tri,  ne  vous  en  souvient-il  déjà  plus? 

«Si  les  étoiles  Sam  et  Thuorng  ne  purent  se  réunir 2, 

«qui  en  fut  cause?  Mais  pourrais-je  oublier  Tami  d'autrefois 3? 

«  Cent  rouleaux  de  gâm,  mille  livres  d'argent,  2830 

«sont  certes  bien  peu  de  chose  en  retour  de  vos  bienfaits^! 

«Votre  femme  est  douée  d'une  ruse  infernale  ! 

«Mais  en  ce  jour  le  filou  et  la  vieille  se  rencontrent^! 

«  La  fourmi  qui  rampe  au  bord  de  la  coupe  ne  (s'y  tient  jamais) 

»  longtemps  ! 
«  Si  profonde  a  été  son  astuce,  pour  vous  profonde  est  mon  aflFection  !  »  2335 

Alors  Thue  Sanh  regarda  son  visage, 

et,  comme  une  averse  de  pluie,  la  sueur  inonda  son  corps  ! 

La  joie  et  la  crainte  (à  la  fois  remplissaient)  son  âme  ;  il  n'y  pouvait 
résister! 

»  (Ouest  direct)  de  l'Occident.  Lorsque  celle-ci  se  lève,  celle-là  se  couche, 
> et  jamais  elles  ne  se  voient». 

3.  Litt.  :«....  Vancien  —  hommef» 

4.  Litt.  :  €  (Quant  à)  —  remercier  —  (votre)  cœur,  —  est-ce  que,  —  V allouant 
comme  —  (une  chose  qui)  paye  de  retour  —  les  bienfaits,  —  on  rappellerait  f  » 

*Dê»  est  pour  *hâ  dl*,  qui  signifie  littéralement  :  a  comment  serait -il 
fadle . , . ,  f».  Voir  sur  le  sens  de  cette  expression  ma  traduction  de  L\ic 
Vân  Tien,  à  la  note  sous  le  vers  642. 

5.  Je  n'ai  pu  découvrir  à  quelle  anecdote  il  est  fait  allusion  ici-,  mais 
U  est  facile  de  comprendre  qu'il  s'agit  d'un  voleur  qui,  par  suite  de  cir- 
constances probablement  merveilleuses,  fut  découvert  par  une  vieille  femme 
qu'il  avait  dépouillée  et  ne  put  échapper  à  son  châtiment. 


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150  KIM  VAN  KIÊU  TAN  l^RUYÊN. 

Sa  thay  !  Ma  lai  mang  thâm  cho  ai? 
2340    Mu  già,  sir  tnrô'ng  thtr  hai 

Thoat  dira  d^u  tnrô'c,  voi  mW  nrô-c  lên. 

Dâc  tay,  mô*  mât  cho  nhin  : 

^Huê  nô  kia  vôi  Trac  tuyên,  cûng  toi! 

«Nh*  khi  1*  birô-c  sây  vW. 
2346    «Non  vàng  chèa  de  dën  bôi  tam  thirong! 

«Ngàn  vàng  goi  chût  le  thirông! 

«Ma  15ng  Phi^u  mâu,  mây  vàng  cho  cân?> 

Hai  ngirôi  trông  màt  chân  ngan; 

Niba  phan  khiêp  scr,  néa  phân  mâng  vui. 
2360    Nàng  rang  :  «Xin  hây  rôu  ngôi! 

«Xem  cho  rô  mât,  bi^t  toi  bâo  thù!» 

Kfp  truyëu  chir  tirông  hi^n  phù, 


1.  Litt.  :  «  .  .  .  .  pour  quif* 

Il  s^agit  ici  de  Kiêu.  J^ai  parié  plus  haut  de  cette  acception  particu- 
lière du  pronom  «at». 

2.  Cette  )M  -Q:  Phtëu  mSu  blanchissait,  comme  le  rappelle  son  nom, 
du  linge  au  bord  d'un  ruisseau-,  elle  y  vit  arriver  un  malheureux  nommé 
Hhn  Tin,  exténué  de  fatigue  et  mourant  de  faim.  Saisie  de  compassion,  elle 
lui  offrit  de  la  nourriture,  et  le  soigna  maternellement  jusqu'à  ce  qu'il  eût 
complètement  recouvré  ses  forces.  Hàn  Tin  parvint  dans  la  suite  à  de  hautes 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  TRUYÊN.  151 

Il  tremblait  certes  bien  (pour  lui)!  maiS;  au  fond  de  son  cœur^  il  se 

réjouissait  pour  une  autre  *  ! 
Aussitôt  que  la  vieille  dame,  et  la  supérieure  après  elle,  2340 

eurent  été  introduites  (Kiêu),  avec  empressement,  les  pria  de  mon- 
ter (près  d'elle). 

Elle  leur  saisit  la  main,  et  se  plaça  en  face  d'elles  pour  s'en  faire 
reconnaître. 

«Cette  Hvê  no,  cette  Trac  tuyen,  n'étaient»,  dit -elle,  «autres  que 
»  moi  ! 

«Je  me  souviens  du  jour  où,  égarée  dans  mon  chemin,  j'étais  tom- 
»bée  dans  l'abîme. 

«  Une  montagne  d'or  ne  saurait  payer  la  pitié  (que  vous  me  mon-  2345 
strates)! 

«  Mille  onces  de  ce  métal  sont  un  présent  bien  ordinaire  ! 

«  mais  combien  en  faudrait -il  pour  égaler,  dans  la  balance,  le  cœur 

»de  Phieumâu^?^ 
Les  deux  femmes  la  regardaient  immobiles  et  stupéfaites, 

suspendues  entre  la  frayeur  et  la  joie! 

«Veuillez-vous  asseoir  un  instant»,  dit  Kiêu^  2360 

«et  regarder,  pour  bien  savoir  comment  j'exerce  mes  vengeances!» 

Aussitôt  elle  commanda  aux  chefs  de  faire  comparaître  les  cou- 
pables 3, 

dignités  et  commanda  les  troupes  de  TEmpereur.  Se  souvenant  alors  des 
soins  qu'il  avait  reçus  de  la  vieille  blanchisseuse,  il  la  récompensa  magni- 
fiquement en  lui  donnant  mille  onces  d*or  auxquelles  fait  allusion  le  pré- 
sent vers.  Tuy  kiêu  veut  dire  par  là  que,  de  même  que  l'or  de  ITàn  Tm 
ne  pouvait  équivaloir  aux  soins  maternels  que  lui  avait  donnés  Phiiu  mâu, 
de  même  elle  aussi  ne  saurait  payer  Taffèction  dont  la  vieille  dame  et  la 
supérieure  lui  ont  donné  autrefois  des  preuves. 

3.  j^lr  '^  hièn  phù  est  une  expression  chinoise  qui  signifie  littérale- 
ment *pré»eïUer  à  un  supérieur  —  un  captif». 


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152  KIM  VAn  KIÊU  TAn  lllUYÊN. 

Lai  dem  câc  tich  pham  tù  hâu  tra. 

Dirôi  cîr,  girom  rùt  nâp  ra. 
2355    Chânh  danh  thù  pham  tên  là  Uoan  th/r! 

Xa  trông,  nàng  dS  chào  so*  : 

«  TÛu  thor  cûng  c6  bây  giô*  dên  dây  ! 

cBembàdëcômây  tay? 

«DM  xira  mây  màt?  BW  nây  mây  gan? 
2360    «Dd*  giang  là  thôi  hông  nhan! 

«Càng  cay  ngot  lâm,  càng  oan  trâi  nhiêu!» 

Hoan  tha  phâch  lac,  hôn  phiêu, 

Kiâu  dâu  dirô-i  tnrôiig,  Iç-a  dêu  kêu  ca. 

1 .  Litt.  :  «  Les  femmcè  —  eat-ce  qu^  —  elles  ont  —  combien  que  ce  saU  — 
de  niainaf  (Y  a-t-U,  oui  au  non,  plusieurs  femmes  capables  d'agir?) 

2.  Litt  :  «  Dans  Us  siècles  —  cTautre/ois  —  combien  y  (en)  eut -il  —  de 
visagesf  —  danM  ce  siède-ci  —  combien  y  (en)  a-t-il  —  de  foiest» 

L'idée  contenue  dans  ces  deux  vers  est  assez  obscure.  Kiiu  emploie 
cette  figure  de  rhétorique  qui  consiste  à  formuler  une  affirmation  énergique 
sous  le  couvert  de  la  forme  inteiTogative,  et  demande  à  Hoàn  tho  si  elle 
croit  que,  tant  dans  l'antiquité  qu'aujourd'hui,  il  ne  se  trouve  qu'une  seule 
femme  possédant  une  main,  c'est-à-dire  capable  d'agir;  un  visage,  c'est-à-dire 
âmUe  d'audace'y  un  foie,  c'est-à-dire  douée  de  courage;  voulant  exprimer  par 
là  que  d'autres  que  Hoàn  tha  sont  aussi  des  femmes  énergiques  et  habiles; 
autrement  dit  que,  sous  ce  rapport,  elle  (Kiêu)  la  vaut  bien. 

3.  Litt.  :  ^la  coutume», 

4.  Litt  :  *Haan  thc^  —  (quant  à  son)  âme  subtile  —  s*égara,  —  (et  quant 
à)  son  âme  grossière  —  inclina». 

Voir  à  la  note  sous  le  vers  116,  ce  qu'il  faut  entendre  par  les  mots 
*kân*  et  €  phâch».  Leur  réunion  correspond  ici  à  ce  que  nous  entendons 


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KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  153 

et  d'introdoire  la  cause  des  criminels  qu'elle  allait  interroger. 

Au  pied  du  pavillon  se  tenait  un  bourreau^  une  lance  nue  à  la  main. 

Le  nom  de  la  principale  coupable  (fut  appelé);  c'était  Hoqn  Tha!    2356 

La  jeune  femme  la  regarda  de  loiU;  et  lui  fit  un  salut  sommaire. 

«Vous  voilà  pourtant  ici,  maintenant,  madame!»  (dit-elle.) 

«Eh  bien!  n'est-il  (en  ce  monde)  qu'une  femme  (d'énergie)*? 

«Il  n'en  manqua  pas  autrefois;  en  manque-t-il  aujourd'hui 2? 

«  L'infortune  est  le  partage  ^  de  la  beauté  !  2360 

«  (mais)  plus  on  est  doucereuse  et  méchante,  plus  on  s'attire  de  mal- 

»  heurs!» 
Hoan  Thcr,  défaillante  de  terreur  4, 

se  prosternait  devant  le  trône,  cherchant  ce  qu'elle  pourrait  dire^ 

par  «2e9  espriu^-^  et  les  deux  verbes  xiêu  et  lac,  qui  sont  séparés  ici  pour 
produire  une  intercalation  élégante,  signifient  lorsqu'ils  sont  réunis  < errer 
au  loin*.  La  traduction  non  littérale,  mais  exacte  de  ce  vers  serait  donc 
celle-ci  :  «Les  esprits  de  Hoan  tho' errhrent  au  loin*.  Cette  manière  de  par- 
ler ressemble  beaucoup  à  notre  locution  familière  «battre  la  campagne >-, 
seulement  cette  dernière  se  prend  dans  le  sens  de  diatractUm,  et  non  de 
dé/aiUanee  comme  Texpression  annamite. 

5.  Litt  :  «  .  .  .  .  cîioisisêaU  —  des  choses  —  d'en  criant  —  chanter  —  (elle 
cherchait  quelle  chanson  elle  pourrait  bien  chanter). 

Cette  expression,  très  énergique  en  annamite,  serait  presque  triviale  en 
français.  Nous  disons  très  familièrement  dans  le  même  sens  :  «  chansons  que 
tout  cela!*  ou  encore  *^que  me  chantez-vous  làf» 

J'ajouterai,  pour  faire  complètement  comprendre  la  portée  de  cette  ex- 
pression, que  lorsque  les  Annamites  du  commun  se  plaignent  de  quelque 
chose  ou  se  défendent  contre  une  accusation,  ils  sont  assez  dans  Thabitude 
de  traîner  leurs  mots  en  criant  du  haut  de  leur  tête  et  en  exagérant  le 
caractère  chantant  des  intonations  de  leur  langue. 


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154  KIM  vAN  KIÊU  tan  TRUYÊN. 

Rang  :  «Toi  chût  da  don  bà; 
2365    «Ghen  tiroiig  thi  cûng  ngirôî  ta  thirÔTig  tinh! 

«Nghï  cho  khi  câc  viêt  kînh, 

«Vôi  khi  khôi  cû-a;  dtrt  tinh  châng  theo. 

«L5ng  riêng  riêng  cûng  klnh  yen  ! 

«Chông  chung  chô*  de  ai  chiu  cho  ai? 
2370    «Trot  long  dây  viêc  chông  gai, 

«Côn  nhô*  lircrng  bien!  Thirong  bài  nào  châng?» 

Khen  cho  thât  dâ  nên  rang  : 

«Khôn  ngoan  dên  mire,  nôi  nâng  phâi  IM  ! 

«Tha  ra,  thi  cûng  may  dîri; 
2376    «Làm  ra,  thi  cûng  ra  ngirôi  nhô  nhen! 

«Dâ  15ng  tri  quâ,  thi  nên!» 

Truyën  quân  lenh  xuông  tru-ô-ng  tien  tha  ngay. 

Ta  15ng  lay  traô-c  sân  mây. 

1.  Litt.  :  €  .  ,  .  ,  Je  —  suis  un  peu  de  —  ventre  (sic)  —  de  femme!  ^ 

2.  Litt.  :  €  (Quant  à)  la  jalousie,  —  eh  bien!  —  tout  aussi  bien  —  les  hom- 
mes —  sont  d'habituel  sentiment.* 

3.  Litt.  :  «  B/fléchissez  —  pour  (moi)  —  (au  st^et  de)  la  fins  —  du  palais 
—  d'écrire  —  les  prihres, 

avec  —   la  fois  —  de  sortir  de   —  la  porte;  —  coupant  court  à  —  me» 
sentiments,  -—  ne  pas  —  je  vous  suivis!» 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyçn.  155 

«Mon  cœur»,  s'écria  t-elle,  «est  celui  d'une  faible  femme*, 

<  et  toute  créature  humaine  est  encline  à  la  jalousie  ^  !  2366 

«Ayez  égard  à  ceci  :  Lorsque  dans  la  pagode  vous  écriviez  des 

>  prières, 
«  une  fois  sortie  de  là,  je  résolus  de  ne  point  vous  poursuivre  3. 

«Cest  qu'aussi  bien,  au  fond  de  mon  cœur,  je  sentais  quelque  amour, 

> quelque  respect  pour  vous! 
«Mais  consent-on  jamais  à  partager  son  époux  avec  une  autre? 

<  Si  je  me  suis  acharnée  à  vous  susciter  des  ennuis  ^,  2370 

«je  n'en  fais  pas  moins  appel  à  votre  cœur  magnanime!  N'aurez- 

»vous  point  de  pitié  pour  moi*?> 
«Je  reconnais»,  (se  dit  Ki&u)  «combien  est  vraie  cette  maxime  : 

«La  suprême  finesse  consiste  à  parler  comme  il  convient  ! 

«  Si  je  la  laisse  aller,  cela  me  vaudra  du  bonheur  en  ce  monde  ; 

«  si  je  pousse  l'afiFaire  à  fond,  je  montrerai  peu  de  grandeur**!  2375 

«  Puisqu'elle  reconnaît  sa  faute,  tout  est  bien  !  » 

Elle  ordonna  aux  gardes  de  relâcher  (Hoan  tho*)  sur  le  champ  en 

sa  présence^. 
(La  dame)  se  prosterna  dans  la  cour  en  signe  de  gratitude. 

4.  Litt.  :  *(Si  avec  manj  entier  —  cœur  —  je  auadtai  —  des  affaires  — 
de  buisson  d'épines,» 

5.  Litt.  :  *  encore  — je  m'appuie  sur  —  votre  nutgnanimUé  —  de  mer  (grande 
comme  la  mer);  —  vous  aurez  pitié  —  qwmt  à  une  disposition  —  queUe  (qtCdle 
soit)  —  ou  nonf» 

6.  Litt  :  «  (Si)  en  agissant  —  je  donne  V expansion,  —  alors  tout  aussi  bien 
—  je  ressortir  ai  —  (à  Vétat  de)  personne —  petite  (de  caractère).» 

7.  Litt.  :   €  devant  le  pavillon». 


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156  KIM  VÂN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

Cihk  viên  lai  dâc  mot  dày  dân  vào. 
2380    Nàng  rang  :  «Long  long  Trôi  cao! 

«Hai  nhon,  nhon  hai!  Sir  nào  tai  ta?» 

Trirô-c  là  Bac  fianh,  Bac  bà; 

Ben  là  Ung,  Khuyen;  bên  là  Sa  kkanh; 

Tu  bà  cùng  Ma  giâm  sanh. 
2385    Câc  tên  toi  ây  xét  tinh  côn  sao  ? 

Linh  quân  truyên  xuông  nôi  dao; 

The  sao,  thi  lai  cii*  sao  gia  hinh. 

Mâu  roi,  thit  nàt  tan  tành  ! 

Ai  ai  trông  thây  bon  kinh  phàch  rôî  ! 
2390    Cho  hay  muôn  su*  tai  TrM! 

Phu  ngirôi  châng  bô,  khi  ngir6i  phn  ta  ! 

May  ngirôi  bac  âc  tinh  ma, 


1.  Litt  :  *Lçng  lônj  est  une  de  ces  formes  irrégulières  de  superlatif  dont 
abonde  la  langue  annamite. 

«Cflo  long  lông^  veut  dire  «très  élevé».  L'origine  de  cette  expression  est, 
comme  celle  de  ses  analogues,  assez  obscure.  Cependant  le  mot  «fôn^» 
signifiant  *  côtoyer*,  *l6ng  lâng^»  semble  porter  avec  lui  le  sens  de  ^s^avan- 
cer  f'ici  monter)  toujours  d'avantage», 

2.  Litt.  :  €aux  de  Vintérieur  —  glaivea,* 

3.  Litt.  :  «  lU  avaient  juré  —  (selon  un)  comment,  —  alorê  —  en  retour  — 
suivant  —  (ce)  comment  —  on  (leur)  appliqua  —  le  supplice.» 


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KIM  VAN  KIËU  tAN  TRUYÊN.  157 

Par  la  porte  de  Fenceinte  on  introduisit  (les  prisonniers)  attachés 

les  nns  aux  antres. 
«  ô  (ciel)  immense  !  CSel  élevé  *  !  >  s'écria  la  jeune  femme  ;  2S80 

«  A  qui  nuit  aux  autres,  on  nuit!  Y  suis-je,  moi,  pour  quelque  chose?  » 

C'étaient  d'abord  Bac  hanh,  Bac  bà; 

d'un  côté  Vhg  et  Kkayen,  de  l'autre  côté  Sa  Khanh  ; 

(enfin)  Tû  bà  et  Ma  gidm  sanh, 

Qu'allaitil  maintenant  résulter  de  l'examen  de  ces  coupables?  2385 

Des  ordres  sont  transmis  aux  bourreaux^, 

et  leur  châtiment  est  réglé  sur  les  promesses  (qu'ils  violèrent)  \ 

Le  sang  coule  sur  le  sol,  et  les  chairs  s'en  vont  broyées! 

Quiconque  est  témoin  de  cela  se  sent  mourir  de  terreur*! 

Cela  fait  voir  que  par  le  ciel  toutes  choses  sont  gouvernées.  2390 

Aux  mauvais  traitements  des  autres  nous  devons  répondre  de  même, 

et  ne  point  les  laisser  (impunis)  ^  ! 
Ces  créatures  douées  d'une  méchanceté  infernale 


Tous  ces  misérables  avaient  violé  les  promesses  qu'ils  avaient  faites  à 
Kiiu.  Le  poète  suppose  que  ceux-là  même  au  sujet  desquels  il  n*a  pas 
mentionné  ce  fait  s'étaient  engagés  par  serment  vis-à-vis  de  la  jeune  femme. 

4.  Litt,  :  « 8on  âme  subUle  —  eat  épouvanlée!  —  Son  âme  grossière 

—  ae  diatout!* 

6.  Litt.  :  *N<mê  rendons  mal  peur  mal  à  —   les  homme*  —  (et)  ne  pa» 

—  les  laissons  de  côté  —   quand   —  les  hommes   —   manquent  d'égard  pour 
nous!» 


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158  •  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Minh  làm,  minh  chiu!  Kêu,  ma  ai  thuong? 

Ba  quàn  dông  mât  phàp  tnrông. 
2396    Thanh  thiên,  bach  nhut,  rô  rang  cho  coi. 

Viêc  nàng  bâo  phuc  vita  rôî, 

Giâc  duyên  vôi  dâ  gdi  loi  tà  qui. 

Nàng  rang  :  «Thien  tâi  nhiH  thi! 

«Cô  nhon  dâ  de  mây  khi  bàn  hoàn? 
2400    «Roi  dây  bèo  hîêp,  mây  tan  ! 

«Biêt  dâu  hac  nôi  mây  ngàn  là  dân?» 

1.  Litt.  :  *EuX'inhneê  —  ornaient  fait,  —  eux-mêmes  —  suppcrtaientJ  — 
lia  criaient,  —  mais  —  qui  —  aurait  eu  pitié  f* 

2.  Litt.  :  « (Pour)  mille  —  ans  —  une  (aeulej  fins!» 

Cette  expression  est  complètement  chinoise. 

3.  Litt.  :  <la  d'autrefois  —  personne   (vieille  amie),  —  a  eu  pour  facSie 

—  combien  de  — ^  fins  —  de  prendre  quelques  jours  de  relâche  f» 

Les  deux  premiers  et  les  deux  derniers  mbts  de  ce  vers  sont  des  ex- 
pressions chinoises. 

4.  Litt.  :  €(Les  choses)  étant  complètement  terminées  —  ici,  —  comme  des 
lentilles  deau  —  ayant  été  —  réunies,  —  comme  les  nuages  —  nous  serons  dis- 
persées!» 

On  sait  que  les  lentilles  d*eau  s'agglomèrent  sur  les  eaux  tranquilles  de 
manière  à  y  former  une  couche  verte  uniforme.  Kieu  use  de  cette  image 
pour  donner  une  idée  de  Tétroite  amitié  qui  Tunit  à  la  bonzesse  Oiàc  Dwfên, 
Elle  emploie,  au  contraire,  pour  désigner  leur  séparation  imminente  et  ra- 
pide, une  figure  tirée  des  nuages,  dont  la  dispersion  a  souvent  lieu  à  Tim- 
proviste  sous  Tinfluence  d'un  vent  impétueux  et  subit 

Les  substantifs  *bèo  —  lentille  deau»  et  «m^y  ^-  nuages»  deviennent  ici 
des  adverbes  de  manière  que  le  poète  place,  à  la  manière  chinoise,  avant 
le  verbe  pour  donner  plus  d'énergie  aux  expressions  qu'ils  concourent  à 
former. 

5.  Litt.  :  ^On  saura  —  <^f  —  la  grue  —  de  la  plaine  —  (et)  le  nuage 

—  du  versant  escarpé  —  seront  —  oùf» 


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KIM  vAn  KIËU  TAn  TRUYÊN.  159 

portaient  la  peine  de  leurs  méfaits  M  qui  se  fût  ému  de  leurs  cris? 

L'armée  entière  se  trouvait  sur  le  lieu  de  Fexéeution. 

Le  ciel  était  pur,  le  jour  clair;  on  pouvait  (tout)  voir  nettement.        2S95 

Dès  que  la  jeune  femme  eut  rendu  (à  chacun)  ce  qui  lui  était  dû, 

Giâc  duyen  en  toute  hâte  lui  adressa  ses  adieux. 

«Depuis  de  longues  années,  nous  n'avons  eu»,  dit  Kêu,  «que  cette 

*  occasion  (de  nous  voir)^! 
«  Avez-vous  si  souvent,  6  ma  vieille  amie!  Toccasion  de  prendre  quel- 

»  ques  jours  de  distraction  ^  ? 
«  Après  cette  entrevue,  réunies  (un  moment),  nous  allons  nous  se-  2400 

»  parer  (encore)'*! 
«  Qui  saura  (désormais)  où  trouver  la  grue  de  la  plaine,  le  nuage  de 

»  la  montagne^!» 

Le  premier  «dâaf  —  oit  f»  se  rapporte  au  verbe  «Wft  —  aanoir*.  J'ai 
déjà  indiqué  cette  tournure,  si  familière  à  la  langue  annamite,  qui  consiste 
à  employer  Tadverbe  interrogatif  de  lieu  pour  composer  une  formule  in- 
terrogative  équivalent  à  une  négation  énergique.  «Où  (est  le  fait  de)  êovoirf* 
c'est-à-dire  :  «iZ  n'est  pas  possible  de  savoir,  on  ignore  absolument/» 

Le  second  €ââu^  conserve  au  contraire  sa  signification  ordinaire  et 
directe. 

Le  ^S&  Hqc,  dit  M.  Matebs,  n'est  autre  que  «la  Qrus  montignesia  de 
«Bonaparte  {Orne  de  Mandckourie  des  ornithologistes).  Cet  oiseau  est,  après 
»  le  JS  Pkwng,  celui  que  les  légendes  chinoises,  qui  le  revêtent  d'un  grand 
»  nombre  d'attributs  fabuleux,  ont  rendu  le  plus  célèbre.  On  l'y  considère 
»  comme  le  patriarche  de  la  tribu  ailée  et  le  coursier  aérien  des  immortels. 
»0n  y  trouve  mentionnées  quatre  espèces  de  ||^,  à  savoir  le  noir,  le  jaune, 
»le  blanc  et  le  bleu.  Le  noir  serait  celui  qui  vit  le  plus  longtemps.  Il  at- 
>  teint  (dit- on)  une  vieillesse  fabuleuse.  Lorsqu'il  a  six  cents  ans,  il  boit, 
>mais  il  ne  prend  plus  de  nourriture.  Des  êtres  humains  ont  été  à  plu- 
»  sieurs  reprises  changés  en  |^,  et  il  manifeste  constamment  un  intérêt 
>tout  particulier  pour  ce  qui  concerne  l'espèce  humaine.  Dans  les  légendes 
»  relatives  à  cet  oiseau  on  trouve  ce  qui  suit  :  Il  est  rapporté  que  É  Oông 
*êJC  '^»  prince  de  V$  du  temps  de  Ch4u  kuê  vteang  (676  avant  l'ère 
»  chrétienne)  était  si  attaché  à  un  oiseau  de  cette  espèce  qu'il  l'emporta 
»8ur  le  champ  de  bataiUe  dans  son  propre  chariot,  alors  qu'il  était  engagé 


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160  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyen. 

Sir  rang  :  «Cûng  châng  mây  lâu! 

«Trong  nàm  nain  lai  gàp  nhau  dô  ma! 

«Nhô*  ngày  hành  khirô-c  phirong  xa, 
2405    «Gâp  sir  Tarn  vôn  là  ngirôi  tien  tri. 

«Bâo  cho  hoî  hiêp  chî  ky. 

«Nftm  nay  là  mot,  nira  thi  nâm  nâm  ! 

«Moi  hay  tien  dînh  châng  lâm! 

<Bâ  tin  dëu  tnrd'C,  ât  nhâm  deu  sau! 
2410    «Côn  nhiëu  an  âî  vôd  nhau! 

«Ca  duyên  nào  dâ  hêt  dâu?  Vôi  gi? 


»dans  une  guerre  contre  les  barbares  du  nord.  Ses  troupes,  découragées 
»par  cet  engouement  de  leur  chef,  se  démoralisèrent  et  furent  défaites,  et 
»ron  dit  que  la  bataille  avait  été  perdue  par  une  grue  C^  ||È  JÉ^  Nhon 
:^hac  bai).  Cet  oiseau  donna  une  preuve  de  sa  sagacité  sous  le  règne  de 
»Ttty  duxmg  di  (année  605  de  l'ère  chrétienne).  Conune  ce  fyran  avait 
»  exigé  une  énorme  provision  de  plumes  pour  orner  le  costume  de  ses 
»  gardes,  on  poursuivit  de  tous  côtés  les  oiseaux  avec  un  acharnement  im- 
»  pitoyable.  Une  grue  avait  son  nid  sur  un  arbre  élevé.  Craignant  pour  sa 
»  couvée  si  elle  était  attaquée,  elle  arracha  ses  propres  plumes  et  les  jeta 
»à  terre  pour  satisfaire  aux  besoins  des  chasseurs». 

(Mayers,  ChvMit  reader*»  tnanual,  p.  52.) 

Tta/  kiêu  fait  entendre  par  la  figure  contenue  dans  ce  vers  qu'elle 
craint  de  ne  plus  revoir  Gide  duyên.  Les  grues  errent  au  gré  de  leur  ins- 
tinct, le  vent  emporte  aux  quatre  points  cardinaux  les  nuages  qui  couron- 
nent les  pics.  €^c  duyên  et  son  amie  seront  peut-être  jetées  de  même,  au 
gré  des  événements,  sur  des  plages  inconnues  et  éloignées  Tune  de  l'antre. 

1.  Litt.  :  « .  .  . .  Tout  aussi  bien  —  ne  pat  —  U  y  aura  combien  que  ce  soit 
de  —  longtemps! 

Le  mot  ^mây  —  combient*  est  un  de  ceux  à  la  traduction  directe  des- 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  161 

cCela»,  lui  dit  la  bonzesse,  cne  tardera  pas  bien  longtemps^, 
cet  dans  cinq  années  d'ici,  nous  nous  retrouverons  là  bas! 
«Je  me  rappelle  qu'un  jour,  étant  allée  quêter  au  loin, 

€  je  rencontrai  la  religieuse  Tara  hiep  qui  est  douée  du  don  de  pro-  2405 

>  phétie, 
«elle  m'a  dît  les  temps  de  notre  réunion 2. 

«Cette  année-ci  en  est  un;  et  dans  cinq  ans  viendra  l'autre  ! 

«Nous  avons  vu  se  réaliser  la  première  partie  de  sa  prédiction ^î 

«Sur  le  passé,  elle  est  digne  de  foi;  elle  aura  dit  juste  (aussi)  sur 

•  l'avenir! 
«Des  rapports  d'aflfection  doivent  encore  (exister  entre  nous)!  2410 


Le  destin  ne  nous  garde-t-il  pas  de  nouvelles  occasions^?  Qu'avons 
nous  donc  qui  nous  presse?» 


quels  il  faut,  lorsqu'ils  sont  accompagnés  de  la  négation,  ajouter  la  for- 
mule *que  ce  soU»  pour  en  obtenir  la  véritable  valeur  phraséologique. 

L'expression  €mây  lâu»  joue  ici  par  suite  de  sa  position  le  rôle  d'un 
verbe  impersonnel. 

2.  Les  mots  'w  -^  ^  SB  ^9*  hièp  cki  ky  sont  chinois.  Ces  formules 
chinoises,  toujours  fréquentes  dans  la  poésie  annamite,  le  deviennent  en- 
core plus  lorsque  l'auteur  traite  un  sujet  plus  élevé  ou  qu'il  fait,  comme 
c'est  le  cas  ici,  parler  quoique  personnage  vénérable. 

3.  Litt.  :  «il  présent  enfin  —  ruma  sanowi  que  —  (quant  à)  de  Vaupara- 
vant,  —  la  fixation  —  ne  pas  —  elle  êétaii  trompée!» 

llâf  ^ë  '^'^  ^^^  ^^^  encore  une  expression  chinoise. 

4.  Le  mot  €nào»,  qui  représente  avec  une  nuance  considérable  d'éner- 
gie notre  formule  interrogative  ^ est- ce  quef»  est  encore  renforcé  par  le 
mot  <dâu*,  qui  a  ici  la  même  valeur  phraséologique  que  dans  le  premier 
hémistiche  du  vers  2401  : 

Les  ressorts  —  de  la  sympcUhie  que  le  destin  a  établie  entre  nous,  —  est-ce 
que  —  Us  sont  —  finis  —  où  (se  trouve  le  fait  quHls  n^ existent  plus)  ?  ...  » 

Cette  traduction  littérale  donne  la  signification  élémentaire  de  l'expres- 
sion ea  duyên,  qui  se  prend  couramment  dans  le  sens  d'une  rencontre  for- 

11 


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162  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Nàng  rang  :  «Tien  dinh  tien  tri, 

«Lài  sir  dâ  day  ât  thi  châng  sai! 

«Hoa  bao  gid-  cô  gâp  ngo*îri, 
2415    «Vi  toi  cây  hôi  mot  loi  chung  thân!» 

Giâc  duyên  vâng,  dân  an  cân, 

Ta  tit,  thoât  dâ  dîri  chou  côi  ngoài. 

Nàng  tir  an  oân  rach  rôi, 

Bien  oan  dirông  dâ;  voi  voi  canh  long. 
2420    Ta  an  lay  trirô-c  7%"  công  : 

«Chût  thân  bô  lieu  nào  mông  cô  rày? 

«Trom  nhô*  sam  sét  ra  tay; 

«Tac  riêng  nhir  cât  gânh  dây  dô  di! 


tmU  et  agi'éable.  Le  poète  l'emploie  certainement  à  dessein  ici  pour  faire 
ressortir  la  connexité  qui  existe  entre  la  destinée  de  Tûy  kHu  et  celle  de 
Qiàc  duyên. 

Voir  au  commencement  de  cet  ouvrage  ce  que  je  dis  de  la  valeur  du 
mot  «)^  duyèn*, 

1.  Litt.  :  « (Quant  à)  de  Vauparavant  —  la  fixaUon  —  àe  celle  qui 

d'avance  —  sait,» 

Les  éléments  des  deux  expressions  chinoises  "È^  ^  Hên  dinh  et  4q 
^  tien  tri  dont  je  donne  ici  le  sens  littéral  sont  agencés  dans  chacune 
d'elles  conformément  au  génie  de  la  langue  a  laquelle  ils  appartiennent; 
mais  elles  sont  construites  Tune  par  rapport  à  Tautre  conformément  à  celui 
de  la  langue  annamite,  qui  place  le  génitif  en  dernier. 

2.  Litt.  :  «  Pour  —  mot  —  fai  recours  à  vous  —  (po^r)  V interroger  —  éCune 
parole  —  de  (concernant)  —  ma  «ic  entière/» 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truy^n.  163 

€  Au  sujet  du  premier  terme  que  vous  fixa  la  prophétesse  ^, 
«ce  que  vous  me  dites»,  répondit  Kieu,  «est  exact,  certainement! 
«  Si  quelque  jour  vous  la  rencontrez, 
«sollicitez  d'elle  quelques  mots  sur  la  destinée  de  ma  vie  entière^!*  2415 

Gide  duyên  le  promit;  elle  fit  (à  la  jeune  femme)  des  recomman- 
dations détaillées, 
prit  congé,  puis  aussitôt  elle  porta  ses  pas  vers  d'autres  régions. 

Depuis  que  Kieu  avait  équitablement  réglé  (tout)  ce  qui  concemdt 

les  bienfaits  et  la  haine, 
le  chagrin  semblait  dans  son  cœur  avoir  fait  place  à  la  joie^. 

En  signe  de  reconnaissance  elle  se  prosterna  devant  Tù  công.  2420 

«Pauvre  créature!»  dit-elle;  «aurais-je  donc  pu  prévoir  ce  qui  se 

»  passe  aujourd'hui  *  ? 
«Furtivement,  pour  agir,  je  me  suis  servie  de  la  foudre ^ 

«et  mon  âme  est  délivrée  du  lourd  fardeau  qui  l'accablait^! 


É^  S^  Chung  thân,  litt.  :  ^V extrême  —  corps  ^^  est  un  idiotisme  chi- 
nois qui  signifie  ^UnUe  la  vie  9. 

3,  Litt.  :  «  La  mer  —  de  Vinjustice  (du  chagrin  causé  par  les  ir^usUces  su- 
bies) —  était  comme  si  —  dès  à  pi'ésent  —  elle  était  presque  remplie  (de  satis- 
faction) —  (quant  au)  bord  —  de  son  cœur». 

4.  Litt.  :  «  (Mçn)  peu  de  —  corps  —  de  roseau  —  et  de  saule  (faible  comme 
le  roseau  ou  les  rameaux  du  saule)  —  est-ce  que  —  U  aurait  eu  Vobscure  per- 
ception que  —  U  y  aurait  —  le  maintenant  (ce  qui  se  passe  maintenant)  f  9 

6.  C'est-à-dire  *de  votre  puissance,  qui  est  aussi  terrible  que  la  foudre», 
6.  Litt.  :  «  Mon  pouce  (de  coeur)  —  particulier  —  est  comme  —  si,  —  s'é- 
tant  chargé  —  d'une  charge  de  fléau  —  pleine,  —  U  Veut  —  renversée!» 

Elle  compare  Tallègement  moral  qu'elle  éprouve  au  soulagement  physique 
ressenti  par  un  homme  qui,  portant  un  balancier  dont  la  charge  est  com- 
plète, se  débarrasse  subitement  en  jetant  cette  charge  sur  le  sol.  On  sait  que 

11* 


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164  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

«Cham  xirang  ghî  da  xiêt  chî? 
2425    «De  dem  gan  ôc  dên  nghi  trW  mây?> 

Ta- rang  :  «Quôc  si  xira  nay 

«Chon  ngirM  tri  kj^  mot  ngày  dirac  châng? 

«Anh  hùng  tiêhg  dâ  goi  rang, 

«Gifra  dàng  dâu  thây  bât  bâng  ma  tha? 
2430    «Huông  chî  viec  cûng  viêc  nhà! 

«Ln^a  là  thâm  ta  mcH  là  tri  an? 

«X6t  nàng  con  chût  song  thân, 

«Bây  nay  kè  Viêt  ngirM  Tan  câch  xa! 

«Sao  clio  muôn  dâm  mot  nhà 
2435    «Cho  ngirW  thây  màt,  là  ta  cam  16ng?»  . 

les  fardeaux  se  transportent  dans  tout  Textrême  Orient  aux  deux  bouts  d'un 
balancier  ou  fléau  dont  la  partie  moyenne  repose  sur  Tépaule  du  porteur. 

1.  Litt.  :  «  (Quant  aux  faits  de)  graver  sur  —  (mesj  os  —  et  cTinscrire  dans 

—  mon  ventre,  —  on  énumérerait  —  quoif» 

2.  Litt.  :  «  Comment  (me)  serait-il  facile  de,  —  en  apportant  —  (mon)  foie 

—  d'escargot,  —  pi^er  de  retour  —  une  amitié  —  de  del  —  et  de  nuages  f» 
dI  est  encore  ici  pour  ^hâ  de», 

3.  Uexpression  €quoc  sî  —  les  hommes  distingués,  de  courage,  de  grand 
coeur*,  signifie  littéralement  :  *du  royaume  —  les  lettrés  (ou  les  guerriers)*. 

Le  mot  ^quoc  —  royaume*  mis  au  génitif,  n'est  ici  qu'une  expression 
superlative  donnant  l'idée  du  sununum  de  la  perfection.  C'est  dans  ce  même 
sens  que  Ton  trouve  au  commencement  de  ce  poème  Texpression  ^quoc 
sic*  prise  dans  le  sens  d'une  <^ beauté  accomplie,  hors  Ugne*, 

4.  Litt.  :  €A  quoi  bon  —  de  profonds  —  remerc^ments  —  (pour)  et^  — 
être  —  (une  personne  qui)  connaît  —  le  bienfait  f* 


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KIM  VAn  KIÊU  tAn  TRUY^N.  165 

«  Qui  pourrait  dire  combien  profondément  vos  bienfaits  sont  gravés 

»  dans  mon  cœur  *  ? 
€  Comment  pourrais-je,  moi,  chétive,  payer  de  retour  votre  immense  2426 

>aflFection^?> 
€  Depuis  Tantiquité  les  cœurs  magnanimes^»  dit  Tû, 

€  outils  toujours  rencontré  un  cœur  qui  put  les  comprendre? 

«Serait-il  digne  du  nom  de  héros, 

«celui  qui,  rencontrant  l'opprimé  sur  sa  route,  (passerait),  le  laissant 

de  côté? 
«Lorsqu'en  outre  il  s'agit  d'une  affaire  de  famille,  (cela  est  bien  plus  2480 

>vrai  encore)! 
«  Qu'avez-vous  donc  besoin  de  tant  d'actions  de  grâces  pour  me  prou- 

>ver  votre  reconnaissance^? 
«Mon  cœur  souffre  de  voir  qu'ayant  toujours  vos  parents^, 

«vous  fûtes  jusqu'à  ce  jour  séparés  les  uns  des  autres^! 

«  (Comment,  puisqu'ils  sont  si  loin,  former  ensemble  une  seule  famille^ 

«afin  qu'ils  puissent  nous  voir?  Cela  serait  si  doux  à  mon  cœur!        2436 

6.  Litt.  :  « tm  peu  de  —  en  paire  —  parents,  » 

«  Chût  —  tm  peu  cle  »  me  semble  n'être  qu'une  cheviUe  inutile  au  sens 
général  de  la  phrase. 

6.  Litt  :  *  Jusqu'à  présent  —  ceux  —  ^î  sont  Vi^  —  et  les  personnes  — 
Tdn  —  sont  séparés  —  loinl* 

De  même  que  les  habitants  de  ces  deux  principautés  habitaient  des 
territoires  très  éloignés  l'un  de  l'autre,  de  même,  vous  et  vos  parents,  vous 
avez  été  jusqu'ici  séparés  par  une  longue  distance. 

7.  Litt.  :  «  Comment  —  foÀre  que  —  (ceux  qui  sont  séparés  par)  dix  mille 
—  dam  —  soient  une  seule  —  famille  f» 

Le  mot  <  ;^  cho  »  est  ici  un  verbe  annamite  qui  correspond  au  chinois 
^S  ou  (tîL.  —  «  Muôn  dam  —  dix  mille  dam  »  est  une  expression  elliptique 
dont  le  sens  développé  est  celui  que  je  donne  ci-dessus.  —  Enfin  l'expres- 
sion chinoise  <  — --  S?  nhût  gia  —  une  seule  famille  »  devient,  par  position 
et  sous  l'influence  de  <  ;^  cho  »,  un  verbe  composé. 


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^ 


166  KM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Vôi  truyën  s*a  tiêc  qnân  trung, 

Muôn  binh  ngàn  tirông  hôi  dông  tây  oan. 

Thita  ca,  tnrdc  chè  dâ  tan; 

Binh  oai  tè  ây  sâm  ran  trong  ngoài  ! 
2440    Triêu  dlnh  riêng  mot  gôc  trW; 

Sânh  hai  vàn  v5,  rach  dôi  son  hà! 

Bôi  cou  giô  quat,  mira  sa, 

Huyên  thành  dap  dô  nâm  t5a  c5i  nam. 

t^hong  trân  mai  mot  lirôi  girom; 
2446    Nhftng  loài  giâ  âo,  tùi  cam,  sa  gi? 

1.  Litt.  :  «  .  .  .  .  pour  laver  —  (sa)  vengeance*. 

Le  mot  «;^  odn  —  vengeance*  qui  est  affecté  d'un  ton  cttnA»  ne  peut 
terminer  le  vers;  c'est  pourquoi  Tauteur,  usant  d'une  licence  que  les  poètes 
annamites  se  permettent  assez  souvent,  admet  ici  pour  ce  mot  la  pronon- 
ciation 3^  W^  Vinh  ihinh  ou  plane, 

2.  n  avait  triomphé  constamment.  Le  bambou  et  la  pierre  sont  fort 
durs.  Pour  fendre  Tun  et  pulvériser  l'autre  il  faut  surmonter  une  grande 
résistance;  de  là  cette  métaphore. 

3.  Litt.  :  €(LuiJ  égalant  —  les  (hommes  des)  deux  (sections)  des  lettres  — 
(et)  de  la  guerre,  —  il  divisait  —  en  deux  —  les  montagnes  —  (et)  les  fleuve^!* 

4.  Litt  :  «  (Dans)  le  vent  —  et  la  poussière  (dans  le  monde)  —  il  aiguisait 
—  une  —  lame  —  de  glaive*, 

*  Aiguiser  son  glaive  dans  le  monde*  n'étant  pas  une  figure  admise  dans 
notre  langue,  je  l'ai  remplacée  par  une  expression  équivalente  aussi  rap- 
prochée que  possible. 

Voir,  pour  la  signification  des  mots  ^phong  trân  —  le  vent  et  la  pous- 
sière*, ma  traduction  du  Ly^c  Vân  Tien,  à  la  note  sous  le  vers  594. 

5.  Litt.  :  *  (Quant  à)  des  espèces  —  de  supports  à  —  vêtements  —  (et)  de 
sacs  —  à  riz  cuit  —  U  (en)  aurait  fait  cas  —  en  quoif* 


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KIM  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  167 

Il  s'empressa  d'ordonner  qu'au  milieu  du  camp  un  festin  fût  préparé 

(pour  les)  innombrables  guerriers,  pour  les  milliers  de  généraux  qui 
s'étaient  assemblés  afin  de  venger  sa  querelle  i. 

Grâce  à  eux  le  bambou  s'était  fendu,  la  pierre  avait  été  réduite  en 
poudre  2, 

et  depuis  lors  sa  terrible  armée  grondait  partout  comme  le  tonnerre  ! 

L'Empereur  était  isolé,  relégué  dans  un  coin  sous  le  ciel,  2440 

(et  lui),  vainqueur  des  savants  et  des  forts,  devenait  le  maître  du 

monde  ^! 
Plusieurs  fois,  comme  le  vent  qui  balaie,  comme  l'averse  qui  tombe, 

il  avait  au  midi  de  l'empire  bouleversé  cinq  chefe- lieux  de  district. 

Sur  cette  terre  il  brandissait^  son  glaive; 

quel  cas  aurait-il  fait  de  guerriers  ineptes  et  gloutons*?  2446 

Les  mots  €tûi  ccrm*  sont  la  traduction  annamite  d'une  expression  chi- 
noise qui  fait  allusion  à  un  fait  historique  assez  insignifiant. 

On  lit  dans  le  ^jf/  ^,  liv.  II,  pag.  9  verso  :  «|g  M^^M 
»  A^  -^^  Sk  ^^  ^&  T&u  nang  pTian  dai  vi  nhcm  tkieu  hoc  da  xan  —  Par 
»les  mots  *tùu  nang  phan  dai»  on  veut  dire  qu'un  homme  étudie  peu  et 
> mange  beaucoup». 

Commentaire  :  cSous  les  S  Bàng  (un  i|ommé)  JE  Ma  gouvernait  le 

*  JtB  JÊÊ  -ST^  quang.  Il  avait  reçu  le  surnom  de  ^^  ^  SS  vuomg.  C'était 

»un  homme  prodigue,  artificieux  et  arrogant  envei-s  les  fonctionnaires 

»  Comme  il  n'accorda  jamais  aucune  attention  à  la  littérature  et  à  l'art 
»  militaire,  les  hommes  de  son  temps  l'appelèrent  ^  ^S  ^B  dE&  tûu  nang 
9 phan  dai  —  un  sac  à  vin  et  une  poche  à  riz.» 

Le  poète  annamite  a  remplacé  les  deux  premiers  mots  chinois  du  sobri- 
quet de  Ma  par  les  mots  annamites  ^|Ë  jft  giâ  ào,  qui  signifient  €un  sup- 
port à  habité,  un  porte -manteau».  Cette  dernière  désignation  correspond  au 
chinois  !^  ^|Ë  ^  ^.  Il  est  possible  qu'elle  se  rencontre  aussi  réunie  aux 
deux  mots  suivants  dans  cette  dernière  langue  ("^t^  S&  ^^  ^^  y  già 
phan  dqi)\  mais  je  ne  l'y  ai  jamais  trouvée.  Je  serais  plutôt  porté  à 
croire  que  Ngugên  Du  a  remplacé  la  première  partie  de  l'expression  citée 


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168  KIM  vAn  kiéu  tAn  truyên. 

Nghinh  ngang  mot  côi  bien  thùy, 
Thiêu  gi  cô  quâ?  Thieu  gi  bà  viroTig? 
Tnrdc  ctr  ai  dâm  tranh  cirÔTig? 
N&m  nâm  hùng  cù*  mot  phirang  hâi  tan. 
2450    Cô  quan  tông  doc  trong  thân, 

Là  Hô  Tông  Hiln,  kinh  luân  gôm  tài. 
Gîây  xe,  vâng  chî  dâc  saî  ; 

dans  le  Ju  hoc  (f^  ^s)  P^  ^^  caractères  (z^  ^Sc)  ^^°  ^^  former  une 
épithète  spéciale,  qui  est,  dn  reste,  admirablement  appropriée  au  caractère 
des  adversaires  de  Tù  hâi;  adversaires  qu'il  veut  dépeindre  comme  des  es- 
pèces de  mannequins  habillés  en  soldats,  des  gloutons  sans  courage  et  sans 
capacité  qui  n'ont  de  militaire  que  l'habit  qu'ils  portent 

1.  Litt.  :  «7Z  manquent  —  en  quoi  —  de  «cô»,  —  de  «quà»,  —  de  «bà» 
—  (ou)  de  «vutîrng»  —  (du  pouvoir  de  prendre  tel  ou  tel  de  cet  titre»)  f* 

L'empereur  de  Chine,  parlant  de  lui-même,  se  nomme  *JR  ^Ç  — 
(Thomme  qui  appartient  à  une)  famille  solitaire,  c'est- à -dire  sans  égale*,  et 
»  jBT  ^l  quâ  îihom  —  r homme  isolé  ou  sans  pareil*.  Le  nom  de  ^S  Bà 
se  donnait  autrefois  au  chef  des  princes  feudataires.  Quant  au  mot  -Ç 
vuang,  il  se  prend  en  chinois  dans  plusieurs  acceptions  distinctes,  qui  se 
rapportent  du  reste  toutes  à  l'idée  de  souveraineté.  En  effet  ce  caractère 
est  formé,  dit  le  dictionnaire  chinois-anglais  de  Mobbisson,  «  de  trois  lignes 
»  horizontales  qui  représentent  le  ciel,  la  terre  et  Yhomme,  et  d'une  ligne 

>  perpendiculaire  qui  relie  ces  trois  pouvoirs.  Il  représente  par  suite  la  per- 

>  sonne  qui  agit  de  la  même  manière,  c'est-à-dire  un  chef  de  nations,  La  se- 
»conde  ligne  est  plus  près  de  la  ligne  supérieure  (que  de  l'autre)  pour 
»  montrer  qu'un  prince  doit  imiter  les  vertus  du  Ciel  dont  sa  position  éle- 
»vée  le  rapproche». 

Le  titre  de  ^  fut  adopté  primitivement  par  -^  ^  V6  vwmg,  fon- 
dateur de  la  troisième  dynastie  chinoise  (celle  des  S^  Châu),  en  1122  av. 
J.-Ch.  Ce  fut  dès  lors  la  qualification  officielle  des  souverains  de  la  Chine 
jusqu'à  ^^  JëS^  Vwmg  chành,  le  brûleur  do  livres,  qui  prit,  en  fondant  l'é- 
phémère dynastie  des  ^S  Tân  (246  av.  J.-Ch.)  le  titre  de  Ê^  ™*  Hoàng 
d^  (^è  "b^  ê^  ^K*  Tdn  thi  hoàng  dM  —  l'empereur  magnifique  et  au- 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  169 

AadacieaX;  au  sein  d'un  pays  de  frontière; 
qui  l'empêchait  d'agir  en  empereur,  en  roi  *  ? 
Cîontre  ses  étendards  qui  eût  osé  lutter? 
n  tenait  depuis  cinq  ans  une  région  riveraine  de  la  mer. 
Le  mandarin  gouverneur  de  la  province,  grand  délégué  impérial^,  2460 
nommé  3  Ho  tông  hien,  était  un  homme  d'un  savoir  accompli. 

chargé  par  l'Empereur  d'une  mission  spéciale,  (il  arrivait)  monté  sur 
son  char. 

gnste  qui  a  commencé  la  dynastie  des  Tétn),  «  A  partir  des  ^è>  Tétn  et  des 
^  Hàn,  les  princes  feudataires »,  dit  le  J^  ËB  ^  ^,  «reçurent  tous 

.  le  titre  de  3É  (^  ^  g|  m  T  Jl  S  ^  W  ^  ï)-  ce 

>nom»,  ajoute  le  même  ouvrage,  «est  aussi  attribué  aux  parents  décédés, 

»aux  oncles  et  aux  frères  du  souverain». 

D'après  la  transition  observée  dans  le  vers  annamite,  il  est  clair  que  le 
poète  entend  donner,  ici  au  caractère  en  question  son  sens  primordial,  le 
plus  étendu  et  le  plus  élevé,  qui  est  celui  de  ^chef  de  nations,  de  roii>;  car 
en  opposant  ici  le  titre  de  ^  à  celui  de  ^[,  il  s'est  certainement  inspiré 

du  passage  suivant  du  philosophe  ^^  -5^,  dans  lequel  cette  opposition 

^i  précisément  développée,  et  où  ^  ne  signifie  rien  moins  que  ^VEm- 

>  ift  fla  ^  Jy^  Itec  già  nhon  già  hâ;  hâ  t^t  hwu  dai  quôc,  Dî  duc  hành  nhon 
*g%à  vu(mg;  vucmg  bât  dâi  dai.  Thang  d!%  thât  thâp  ly,  Van  wrong  di  bà  ly, 
> —  Celui  qui,  se  servant  de  la  force,  prend  pour  prétexte  l'humanité  est 
»un  chef  des  princes  feudataires.  Celui  qui,  par  sa  vertu,  met  en  pratique 

>  l'humanité  est  empereur.  Pour  être  empereur,  il  n'est  pas  besoin  d'attendre 
»  d'avoir  un  état  considérable.  Thang  (fondateur  de  la  dynastie  des  j^ 
>Thff(mg)  le  fut  avec  soixante-dix  lys;  Vàn  vwrng  (fondateur  de  la  dynastie 
»des  ^3  Châu)  le  fut  avec  cent  lys». 

2.  Ce  mot  signifie  littéralement  <i  impérial -minùtre».  Le  caractère  «^J 
trong»  n'a  pas  ici  le  sens  d!<^ important»,  mais  bien  celui  d^^ impérial», 

3.  Litt.  :  «  .  .  .  .  (quant  aux)  Kinh  —  et  aux  Luân  —  réunissait  —  (tous 
les)  talents». 


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170  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Tien  nghî  bât  tiêu,  viêc  ngoài  dông  nhnng. 

Biêt  mik  dâng  anh  hùng, 
2455    Biêt  nàng  cûng  dus,  quân  trung  luân  bàn, 

Bông  quân,  làm  chxràc  chiêu  an, 

Ngoc  vàng  gâm  v6c,  sai  quan  thuyêt  hàng. 

Lai  riêng  mot  le  vô-i  nàng, 

Hai  tên  thè  nfr,  ngoc  vàng  ngàn  cân. 
2460    Tin  vào  gôî  tnrô*c  trung  quân, 

Tît  công  riêng  nghï  mirM  phân  ho  do! 

Mot  tay  gây  du-ng  ca  do, 

Bây  lâu  bien  Sa  sông  Ngô  tung  hoành! 

B6  thân,  vë  vdi  triêu  dinh, 
2465    Hàng  thân  la  lâo,  phân  mlnh  ra  dâu? 

«A6  xiêm  buoc  tr6i  lây  nhau! 

«Vào  lôn  ra  cùi,  công  hâu  ma  chi? 

cSao  bâng  riêng  mot  bien  thùy? 


1.  Litt.  :  <  Depuis  H  longtempê  —  sur  la  mer  —  de  S6  —  (et)  nir  le  fleuve 
—  de  Ngô  —  il  agissait  verticalement  —  et  agissait  horizontalement». 

Nous  rencontrons  encore  ici  un  exemple  de  cette  habitude  poétique  qui 
consiste  à  employer  métaphoriquement  les  noms  de  deux  états  de  Tanti- 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUY^N.  171 

Selon  qu'il  convenait,  contre  les  rebelles  il  dirigeait  les  batailles  et 

commandait  les  troupes  en  campagne. 
Sachant  que  7%  était  un  héros, 

et  que  Kiêu,  qui  raccompagnait,  avait  sa  voix  au  sein  du  conseil  2466 

militaire, 
il  fit  camper  ses  soldats,  feignit  de  proclamer  la  paix, 

et  fit  partir  un  envoyé  chargé  de  diamants,  d'or  et  de  soieries  pour 

traiter  de  la  soumission. 
Comme  présent  spécial  destiné  à  la  jeune  femme, 

(il  lui  oflfrait)  deux  suivantes,  mille  livres  d'or  et  de  pierres  précieuses. 

Lorsqu'il  reçut  dans  son  camp  l'avis  de  (ce  qu'on  préparait),  2460 

Tù:  công  réfléchit  en  son  cœur.  Il  était  grandement  indécis! 

n  avait,  de  sa  seule  main,  constitué  son  héritage, 

et  depuis  longtemps,  partout,  impunément  en  maître  il  agissait  ^  ! 

Si,  se  liant  (les  mains)  lui-même,  il  se  rendait  à  l'Empereur^, 

sujet  réduit  et  inactif  ^,  quelle  serait  sa  condition?  2465 

€(Là)  tous»,  disait-il,  <se  tiennent  ensemble  comme  liés  par  leurs 

»  vêtements! 
«S'il  faut  se  courber  en  entrant,  baisser  la  tête  à  la  sortie,  que  sert 

>  (d'avoir)  de  grandes  dignités? 
«Est-il  rien  de  mieux  que  de  (régner)  entre  ses  propres  frontières? 


quité  chinoise  pour  désigner  soit  des  lieux  opposés,  soit  des  personnes 
jouant  des  rôles  contraires  ou  connexes. 

2.  Litt.  :  *CSi,)  liant  —  son  corps  —  U  revenait  —  avec  —  la  cour,* 

3.  Litt  :  €  indolent». 


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172  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

cSiïc  nây  dâ  de?  Làm  gi  dirac  nhau? 
2470    «Duc  trM,  khuây  nirdc,  mâc  dau! 

«Doc  ngang,  nào  biët  trên  dâu  c6  ai?» 

Nàng  thi  thât  da  tin  ngirW, 

Le  nhiëu,  nôi  ngot;  nghe  15i,  de  xiêu. 

«Nghï  minh  mât  nirdc  cânh  bèo, 
2475    «Dâ  nhiëu  ton  lac,  lai  nhiëu  gian  truân! 

«Bâng  nay,  chîu  tiêng  vu-ong  thân, 

«Thinh  thinh  dàng  câi,  thanh  vân  hep  gi? 

«Công  tu*  ven  câ  hai  bë; 

«Dan  dà  roi  se  lieu  vë  cô  hu^oiig. 
2480    «Cûng  ngôi  mang  phu  dugong  du-ông! 

«Nô*  nang  mày  mât,  rcr  rang  me  cha! 

«Trên  vi  nu-dc,  duôi  vi  nhà; 

«Mot  là  dâc  hiêu,  hai  là  dâc  trung! 

1.  ^DH  de!  —  est  facile  (à  réduire/)*  Le  héros  parle  ironiquement 

2.  Litt.  :  c  (Quant  à)  agir  en  long  —  et  agir  en  traverê,  —  etl-ce  qum  td 
que  —  sur  (ma)  tête  —  il  y  ait  —  qui  que  ce  soUf 

Comme  «^ngr»  et  ^hoành*  au  vers  2463,  les  mots  «doc»  et  ««W» 
sont  ici  verbes  par  position. 


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KIM  VAn  KIÊU  TAN  TRUY^N.  173 

«Je  suis  fort!  que  feraient-ils  tous  ensemble  contre  moi^? 
«Je  puis  transpercer  le  ciel  et  troubler  les  eaux  à  ma  guise!  2470 

«Je  puis  agir  impunément!  Qui  (donc)  est  au-dessus  de  moi^?> 
La  jeune  femme,  certaine  de  posséder  sa  confiance', 

lui  opposait  bien  des  raisons;  sa  voix  était  douce;  il  Fécouta,  et  faci- 
lement il  se  laissa  persuader. 

«Pensez»  dit-  elle  «que  nous  sommes,  comme  le  blo  qui  flotte  sur 
»  Teau, 

«exposés  à  de  nombreuses  vicissitudes,  soumis  à  bien  des  malheurs!  2475 

«Si  vous  vous  laissez  maintenant  imposer  le  nom  de  vassal, 

«sur  le  grand  chemin  vous  serez  au  large!  dans  votre  paix  sereine* 

>où  sera  la  contrainte? 
«Les  intérêts  du  Prince  et  les  nôtres  seront  également  sauvegardés; 


c 
> 


puis  peu  à  peu  viendra  le  temps  où  nous  pourrons  aviser  à  revenir 
dans  la  patrie. 
«Votre  femme,  elle  aussi,  siégera  parée  de  titres  honorables^!  2480 

«  son  visage  resplendira;  elle  illustrera  ses  parents! 

«En  haut,  vous  vous  donnerez  au  pays;  en  bas,  à  votre  famille; 

«vous  acquérant,  d'une  part,  un  renom  de  piété  filiale,  de  l'autre, 
>un  renom  de  loyal  sujet! 

3.  Litt.  :  « tenant  pour  vraie  —  (quant  à  êonj  cœur  —  la  confiance 

—  de  lui,* 

L'adjectif  ^thât  —  vrai»  devient  verbe  par  position. 

4.  Litt.  :  €dans  les  bleus  —  nuages 9. 

6.  Litt.  :  €  Aussi  —  ma  dignité  (sera)  —  (celle  de)  dame  titrée  —  hono- 
rablementl» 


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174  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

«Châng  hon  chiêc  bâ  gîfra  dông! 
2485    E  de  sông  giô  hâi  hùng  c6  hoa! 

«Nhon  khi  bàn  bac  gân  xa, 

«Thù-a  ca,  nàng  mô-i  bàn  ra  nôi  vào. 

Rang  :  «Trong  Thânh  de  dôî  dào! 

«Ru-di  ra  dâ  khâp;  thâm  vào  dâ  sâu! 
2490    «Binh  thànii,  công  dù-c  bây  lâu, 


1.  Allusion  à  la  premièi*e  strophe  de  Tode  intitulée  ;ji|^  ^  Bd  ckâtu 
(Voy.  la  note  sous  le  vers  1956.) 

2.  Litt.  :  €j^éprouve  de  V appréhension  —  (qwmt  à)  les  fioU  —  et  le  veiU; 

—  je  êuis  êoiêie  de  frcu/eur  —  (quant  à)  t herbe  —  et  aux  fleuré!* 

Ce  vers,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  renferme,  joint  à  une  conddon 
tout-à-fait  annamite,  comme  un  entrelacement  de  deux  propositions  bien  dis- 
tinctes : 

1**  «Je  crains  que  les  flots  n'emportent  Therbe». 

(Je  crains  que,  tels  que  Therbe  fragile  qui  croît  au  bord  des  fleuves, 

—  le  6eo  ou  lentille  d'eau,  p.  ex.  —,  et  que  les  flots  irrités  emportent,  nous 
ne  soyons  victimes  d'une  catastrophe.) 

2**  «Je  suis  saisie  de  terreur  en  pensant  que  le  vent  peut  enlever  la 
fleur». 

(Je  suis  effrayée  de  l'idée  que  nous  pouvons  avoir  le  sort  de  la  fleur 
qui  croit  dans  la  campagne,  et  qu'une  bourrasque  peut  enlever.) 

Le  poète  annamite,  voulant  faire  tenir  tout  cela  dans  un  seul  vers  et 
produire  en  même  temps  un  multiple  effet  de  parallélisme,  a  tout  d'abord 
supprimé  le  second  verbe  (enlever,  emporter)  qu'entraînait  forcément  la 
présence  du  premier  (e  de  ^  f  appréhende  que),  et  l'a  remplacé  par  un  équi- 
valent, une  doublure  (hâi  hùng).  Ensuite,  groupant  à  la  fin  du  premier  hé- 
mistiche les  deux  substantifs  (aéng  giô)  qui  désignent  les  agents  actifs  de 
la  catastrophe  indiquée,  il  a  réuni  de  même  à  la  fin  du  second  les  deux 
substantifs  (c6  hoa)  qui  en  désignent  l'objet  II  a  obtenu  ainsi  un  premier 
parallélisme  entre  les  deux  verbes  (e  dh  —  hâi  hhng)  qui  expriment  tous 
deux  la  crainte  que  son  héroïne  dit  ressentir;  un  second  entre  les  deux 
groupes  (sông  giô  et  ci  hoa),  qui  désignent  le  premier  l'agent  et  le  second 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUY|N.  175 

«Nous  ne  sommes  pas  pins  (assurés)  que  le  bateau  de  cyprès  qui 
»  flotte  au  milieu  du  courant  ^l 

«Craignons  que  les  flots  et  le  vent  n'emportent  Therbe  et  les  fleurs  2485 
»delaplaine2!> 

Aux  moments  où  (tous  les  deux)  ils  causaient  de  choses  et  d'autres^ 
la  jeune  femme^  saisissant  Toccasion^  tentait  de  le  persuader^ 

disant  :  «C!omme  une  averse  (bienfaisante,  les)  dons  du  Prince  se 

>  répandent  sur  tout  (le  peuple)  ^  ! 

«  (C'est  une  pluie)  qui  arrose  en  tous  lieux  (la  terre)  et  la  pénètre 

>  profondément! 

«Depuis  la  pacification  de  FEmpire,  cette  longue  série  de  vertus  et  2490 
»  de  bienfaits 

l'objet  de  raction;  et  enfin  un  troisième,  résultant  de  ragencement  intérieur 
de  ces  deux  groupes  eux-mêmes;  sSfig  qui  exprime  Tagent  qui  a  pour  ob- 
jectif ce  se  trouvant  lui  correspondre  exactement  au  point  de  vue  de  la 
place  occupée  dans  Thémistiche;  et  gié  exprime  Tagent  qui  a  pour  objectif 
Ttoa  se  trouvant  aussi  avec  ce  mot  dans  le  même  rapport  de  position. 

3.  Litt  :  « Danê  —  (la  perêonne  du)  Saint  —  empereur  —  U  y  a 

aïoerae!* 

Cette  figure  ne  saurait  évidemment  être  reproduite  en  français  avec  la 
concision  que  le  poète  cochinchinois  lui  a  donnée. 

Les  auteurs  tant  annamites  que  chinois  comparent  souvent  à  une  pluie 
abondante  l'avantage  que  procurent  au  peuple  la  bonne  administration  et 
les  bienfaits  du  Prince.  Cette  métaphore  semble  avoir  son  origine  dans  le 
passage  suivant  du  ^  j|^. 

L'empereur  |§f  "T*  Vd  dinh,  ayant  vu  en  songe  au  tombeau  de  son 
père  un  sage  du  nom  de  âfr  Duyêt,  en  fait  son  premier  ministre,  et,  en  lui 
conférant  ses  pouvoirs,  il  lui  dit  entre  autres  choses  :  «  ^ë^  jg^  -j^  â 
>  VR  iHr  ^ijp,  St  ^S  Nhvorc  tttJë  dai  han,  dijmg  nhûr  tàc  lâm  v{c  —  Si  je  me 
»  trouve  dans  une  année  de  grande  sécheresse,  je  me  servirai  de  vous 
> comme  d'une  pluie  abondante.»  T^  jj^  Sect.  IV,  Liv.  VIII  ^  '^ 

±,  §  6.) 

n  s'agit  ici,  il  est  vrai,  des  services  que  le  Prince  attend  de  son  mi- 
nistre; mais  il  est  assez  naturel  que  les  lettrés,  qui  puisent  de  préférence 
dans  les  ^^  les  figures  de  leur  langage,  aient  plus  tard  employé  celle-ci 
en  parlant  des  bienfaits  du  Prince  lui-même. 


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176  KIM  vAn  KIËU  tAN  TRUYÊN. 

«Ai  ai  cûng  doi  trên  dâu;  xiët  bao? 

«Gàm  tir  dây  viêc  binh  dao, 

«Dông  xirang  vô  dînh;  dâ  cao  bâng  dâu! 

«Làm  chî  dé  tiêng  vë  sau? 
2495    «Ngàn  nâm  ai  cô  khen  dân  Hoàng  $ào9 

«Sao  bâng  loc  trong,  quyën  cao? 

«Công  danh  ai  dâc  loi  nào  cho  qua?» 

Nghe  IM  nàng  nôî  màn  ma, 

The  côug  Tîir  moi  trâ  ra  thê  hàng. 
2500    Climli  nghi  tiêp  sir  voi  vàiig; 

Hen  ky  thùc  giâp,  quyêt  dàng  giâi  binh. 

Tin  IW  thành  ha  yêu  minh. 

Ngon  cô"  ngo*  ngâc,  trong  canh  sâi  trirô-ng. 

1.  Litt.  :  ^Taus,  quels  qu^tU  soient  —  tmU  aussi  bien  —  la  portent  —  sur 
—  la  tête;  —  on  la  compterait  —  à  combien  f»  • 

2.  Litt.  :  «  Le  monceau  —  d^os  —  est  sans  —  fixation  ....  » 

3.  ^r  ML  Hoàng  sào  était  un  chef  do  rebelles  fameux  qui  vivait  à  la 
fin  de  la  dynastie  des  Bàng,  Mécontent  d'avoir  échoué  au  concours  des  let- 
trés, il  réunit  une  bande  de  rebelles  dans  la  région  du  J^  ^  actuel,  et  ra- 
vagea à  leur  tête  plus  do  la  moitié  de  l'empire.  Il  prit  en  880  de  Tère  chré- 
tienne la  ville  de  Trwang  an,  résidence  do  TEmpereur  d'où  ce  dernier  s'était 
enfui,  et  se  proclama  lui-même  souverain  de  la  Chine  avec  le  titre  dynastique 
de  -^  ^C  Bai  tê\  mais  en  884  il  fut  défait  avec  l'aide  des  troupes  auxi- 
liaires fournies  par  les  nations  tartares  voisines  de  la  frontière  chinoise,  et 
fut  mis  à  mort  par  un  de  ses  partisans.  (Mayeb's  chinese  reader's  manual,  p.  69.) 


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-WW1''^.Y^ 


KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  177 

€  s'est^  qui  dira  combien?  épanchée  sur  la  tête  de  tons  ^  ! 

«Songez  y!  depuis  que  vous  avez  suscité  cette  guerrC; 

«les  ossements  des  morts  forment  un  monceau  toujours  croissant^. 

»I1  a  atteint  la  hauteur  de  là  tête! 
«Pourquoi  transmettre  aux  âges  futurs  une  mauvaise  renommée? 

«Qui  jamais^  depuis  mille  ans,  a  fait  Téloge  de  Hoàng  Sào^?  2495 

«Est-il  rien  de  meilleur  qu'un  fort  traitement,  qu'une  haute  dignité? 

«Par  quel  chemin  peut-on  atteindre  un  but  plus  élevé  que  Thonneur 
»et  la  réputation?» 

Les  douces  paroles  de  la  jeune  femme 

changèrent  les  dispositions  belliqueuses  de  Tù  en  sentiments  de  sou- 
mission ^ 

On  prépara  en  toute  hâte  les  cérémonies  (usitées)  pour  la  réception  2500 

de  renvoyé  (hnpérial)  ; 
On  fixa  un  terme  pour  déposer  les  armes,  on  traita  du  licenciement 

de  Tannée*, 
et  Tir  crut  aux  serments  échangés  au  pied  des  remparts. 

Les  étendards  se  balançaient  nonchalants;  le  tambour  des  veilles 
languissamment  battait^. 

On  peut  voir  que  le  rôle  joué  par  ce  ^T  ML  dans  Thistoire  est  abso- 
lument semblable  à  celui  que  le  poète  attribue  à  Tît  k&i. 

4.  Litt  :  *La  condition  —  de  combattre  —  de  Ta  —  oIots  enfin  —  se 
tourna  en  —  condition  —  de  se  êoumettre». 

6.  Litt.  :  €0n  fixa  —  le  terme  —  de  lier  —  les  cuirasses;  —  on  décida  — 
la  voie  (la  manih-ej  —  de  dissocier  —  V armée*. 

Dans  l'extrême  Orient  les  soldats,  lorsqu'ils  se  rendent,  le  font  connaître 
à  Tennemi  en  liant  ensemble  leurs  lances  ou  leurs  autres  armes.  Ils  se 
mettent  ainsi  d'eux-mêmes  dans  l'impossibilité  de  s'en  servir  de  nouveau 
par  surprise. 

6.  Litt.  :  «  .  .  .  .  était  long  d'une  brasse*, 

12 


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n«  KIM  VAK  KÎÊr  tAn  truyêh. 

Vîêc  binh  bô  ehân^  gifr  gîàîigp 
2505    Virong  sir  dom  da  tô  tàng  tliîêt  hir, 

n6  cârig  quyêt  kë  thèa  ccr. 

Le  tien,  binb  hân;  khâe  kl  ly  eông, 

Kéo  ce  chîêu  phù  tien  pboîig. 

Le  ngbi  gîkn  tnr<>c,  vâc  dôiig  pbae  san* 
2510     Tît  câng  ha  liâng;  biet  dau? 

Bai  quan,  le  phnc,  ra  dâu  cû-a  vien. 

Jîff  ding  âm  bien  trân  tiëiL 

Ba  be  phât  sÙDg;  bon  ben  kéo  et. 

Bang  kbi  bât  y,  ehâng  îigÎF, 
2f*i5    Hîim  tbîÊng,  kbî  dâ  sa  co,  cûng  hèn! 

Tù"  sanb  lieu  gîfra  trân  tien; 

Dan  dày  cho  biêt  gan  lien  tn^ng  quCm! 

1.  Lit  t.  :   '  D^t   Rm    —  l&i   tr&ttpex  —  qui  ffueUaie^i  —  d^* 
rnrtnt  pour  elair  —  k  phin  —  et  k  vide*. 

L'adjectif  *  ià  ièn^  —  dair,  paiefd  »  devient  Terbe  actif  p^ 

2.  Litt.  :   *  /jHftr  pré^e^iis  —  de  cérémmiiê  — JurmU  —  écha/aud 
—  Ef.  les  ariiie^  —  de  èroh^  —  fia^eni  platées  en  emhuêivtde  — 

3.  En  ce  quî  eoticeriie  le  canon,  Tanteiir  ne  parle  que 
parée  que  Ttt  hài,  qni  n'était  paa  sur  la  tléfensivej  ne  m  trcnn 
rnier  mnment  en  roeeure  de  s'en  servir  i>oiir  repousser  J'entiem 
traitreiiaemeijt.  Les  dnii>eau3t  de  fruerre  srmt  au  eoritraîre  liÎHKéi» 
prèa  »imul  tan  émeut;  du  côté  de  Tagresseur  [KJur  exefler  le%  tr 


M. 


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KIM  VAN  KIËU  tAn  TRUYÊN.  HQ 

i  laissa  de  coté  les  allures  griicrrières  et  l'on  ne  se  garda  plus, 

a  coté  de)  l'armée  impériale  on  était  aux  fig:uetsî  bientôt  Fou  fut  2505 

au  courant  de  tout  1, 

Ho  công  combina  un  stratagème  pour  profiter  de  cette  occasion. 

s  présents  devaient  marcher  devant  et  les  troupes  suivre  derrière. 
A  nn  signal  déterminé  commencerait  Tattaque  au  dedans, 
hissa  un  {mvillon  pour  prévenir  Tavant  garde. 

R  cadeaux  de  cérémonie  turent  disposés  ^  en  avant,  et  par  derricrCj 

m  embuscadCj  se  placèrent  des  hommes  armes, 

rcông  ne  86  gardait  pas;  pouvait  il  rien  s^ïupçonner?  2510 

iffé  dn  grand  bonnet,  revêtu  du  costume  de  cérémonie,  il  se  pré- 
senta devant  la  jjorte  de  reuccînte, 
^  công  donna  secrètement  le  signal  de  la  bataille. 

trois  cotés  le  canon  tonna;  partout  Ton  hissa  les  dra|>eauxl 

s  au  dépourvu,  lorsqu'il  est  hors  de  garde, 

tigre  puissant,  tombé  dans  le  piège,  doit  céder  comme  tout  antre  25ïrj 

risqua  sa  vie  au  sein  de  la  bataille 

paya  d'audace,  voulant  faire  voir  le  courage-'  qui  anime  les  grands 
::hefs  de  guerre, 

iticr  rattatiue  mi  moyen  rlos  sîgnîmx  qu'ils  servent  à  faire;  du  coti'  de 

hait  pour  commaiuler  la  défense. 

4.  t  Li^n  —  contimielleviejit  >  devient  par  position  un  adjectif  qui  qualifie 
m  — /oie  fcottraffe)^.  Il  signifie  bien,  dans  le  sens  géiiéml  du  vers,  qne  le 
irage  dos  chefs  de  gucn-e  est  continu,  qu'il  ne  suliit  pas  de  dèiaillanee; 
is  au  fond  le  ijoète  ti'eui|»kne  ce  mut  qui  u'esit  jamais  ou  presque  jamais 
§  aiijcvçtivemeut  que  pour  obtenir  une  rime  coiTCspoudaut  nu  mot  «fît*»* 

termine  le  vers  précédent^  tandis  que  «*;tt(2ii>  riniora  avec  *fhân>^  du 
s  suivant.  (Voir  sur  la  double  rime  des  v3n  T introduction  de  cet  ou- 

12* 


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IHO  KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Khf  thiêng  khi  dâ  vë  thân, 

Nhîên  nhîên  c6n  diriig  chôn  chan  gifra  v6ng! 
252tï    Tra  nhip  dâ,  vfrng  nhir  dông! 

Ai  lay  châng  rùng!  Ai  rung  châng  dôi! 

Quan  quân  truy  sât,  duôi  dài; 

Ù  ù  sât  khi  ngat  trù-i!  Ai  dang? 

Trong  hào,  ngoài  lûy  tan  hoang! 
2n2U    Loan  quân  vù-a  dâc  tay  nàng  dën  noî. 

Trong  vông  tên  dâ  bôi  bôl, 

Thây  Tî^  côn  dirng  gifra  trô-i  tra  tra! 

Khôc  rang  :  «Tri  dong  cô  thira! 

«Bô-i  nghe  loi  thiêp,  dên  ca  hoi  nây! 
î>5a<t    «Màt  nào  trông  thây  nhau  dây? 

«Thl  lieu  sông  chêt  mot  ngày  vô*i  nhau!» 

Dông  thu  nhu*  chây  can  sau  ; 

Dtrt  IM,  nàng  cûng  gieo  dâu  mot  bên! 

1,   Litt.  :  *Son  souffle  vUal  —  âpirUuel». 

Viiîr  la  note  sous  le  vers  116. 

'2.  l^a  répétition  ^nhiên  nhiên  —  mnsi  atrui,  de  cette  wrte  de  cette  wHe> 
*'X|iiitMi^  que  le  spectacle  dont  il  est  parlé  est  patent  aux  yeux  de  tous, 
K\\\x*  ffnil  le  monde  peut  le  contempler. 


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KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÇN.  181 

Quand  son  âme  poissante^  eût  été  rejoindre  les  esprits^ 

chacun  put  le  voir^  debout;  les  pieds  plantés  au  milieu  de  Tarène! 

Immobile  comme  la  pierre  et  ferme  comme  Tairain^  2520 

nul  ne  pouvait  Tébranler  ni  le  faire  changer  de  place  ^! 

Mandarins  et  soldats  se  livrèrent  au  massacre  et  longtemps  poursui- 
virent ses  troupes. 

Le  vacarme  (était  eflFroyable);  les  vapeurs  du  carnage  obscurcissaient 
le  ciel;  qui  aurait  pu  résister? 

Dans  les  fossés^  hors  des  remparts^  (toute  Tarmée)  se  dispersait 

Des  soldats  débandés  prirent  par  les  mains  la  jeune  femme  et  Tame-  '^525 
nèrent  sur  la  place. 

Sur  le  champ  de  bataille  (où)  pierres  et  flèches  volaient  sans  inter- 
ruption, 

elle  vit  Tîc  qui^  statue  immobile^  se  dressait  encore  dans  Tespace. 

Elle  pleura  et  dit  :  «Intelligence  et  force,  il  en  possédait  plus  que 

>le  nécessaire! 
«Pour  avoir  écouté  mes  conseils,  voilà  où  il  en  est  réduit! 

«De  quel  front  oserais-je  lever  ici  les  yeux  sur  lui?  2530 

«  Du  moins  je  veux  donner  ma  vie;  je  veux  que  le  même  jour  voie 

>  notre  trépas  à  tous  deux^!  > 
Sa  douleur  s'épanche  en  un  torrent  de  larmes; 

elle  dit  et,  tête  première,  elle  tombe  à  ses  côtés! 

3.  Lîtt.  :  €  (lorsque)  qui  que  ce  f(U  —  VagUciU,  —  ne  pas  —  il  était  ébi'anlé; 
—  (Un*8que)  qui  que  ce  fût  —  le  secouait  —  ne  pas  —  t^  était  déplacé!  » 

4.  Litt  :  «  Alors  —  je  me  risque  —  pour  vivre  —  (ou)  mourir  —  (en)  un 
(même)  —  jour  —  ensemble!* 


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18Q  KIM  vAN  KIËU  TxlN  TUUYKH 

La  thay!  Oau  khi  tiroiig  triën! 

2535    Nàng  \Tra  pbuc  ba,  r?rli5n  ngS  ra! 
Quan  qiiâu^  ké  laî,  Bgiriri  qua, 
Xot  eàiig,  se  laî  vwe  ra  dan  daiu 
Dam  vào  âën  tïnàc  tvuug  qttâiL 
Ho  công  tbây  màt;  an  eau  hôi  han, 

2310    Rang  :  «Nàng  cbut  pbau  houg  nbau, 

«Gap  ccru  binb  caeli,  niiieu  nàn;  ciiug  I 
«Bà  bay  tbànb  toâu  miëu  do'mig, 
«Giùp  công,  cûiig  cô  IM  nàng,  m6î  mii 
*Bi\y  gicr  sur  dà  van  tuyën; 

2515    <Màc  lùng  ngbî  dô!  Muôn  xîn  bë  nào?^' 
Nàîig  eàiig  dô  ngoc^  tuôn  dào; 
Ngàp  ngùng,  moi  gtVi  tbâp  eaa  bit  long 
Rang  ;  ^iTitlk  dùng  anb  bùng! 

meut  —  Im  tfilaç^itw! 

Cette  phmse  eët  t^ntiêrcment  cliîuoisi^. 

2.  LitL  :  <Peu  —  tîc  <5tmtlîi*c»fi  —  de  rm^  —  iicinti* 

3.  Lîtt  :  <  .  . .  t^aluer  —  ^cf  jiXafu       loîe  4m  tewiïfe  «Ees  ^mcHM 
»  jS  ^£  ^^      h     ifi^"    *f""5f  <*/!•  fAw/ny   ^    Li?   liant   <1 


% 


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KiM  vAk  kiëu  tAn  truyèn. 


183 


range  î  après  la  mort  ràmc  da  guerrier  restait  unie  à  la  sienne 

Jaos  le  désir  de  la  veugcaoce  '  î 

[>eioe  kl  jeune  femme  se  fût-elle  prosteniée  que,  sur  le  champ,  il  ï!535 

tomba  (sar  le  sol)! 

indariES  et  soldats,  gens  qui  venaient^  gens  qui  pass;ûeutj 

us  de  eompassion,  Ventraînôreut  doucement. 

ramena  au  milieu  de  Tannée, 

'  cong,  lorsqu'il  la  vit,  la  pressa  de  questions, 

auvre  et  belle  aile!>  dit-ir-^  2510 

)mlié-e  au  milieu  du  tunmlte  des  armes,  vous  avez  grandement 

>Riuflertî  aussi  bien  j'ai  cumpassiun  tle  vous! 

11  m'a  été  donné  de  réussir  dans  la  mission  que  m'avait  confiée 

»la  cour^ 

ï  secours  de  votre  parole  n'en  a  pas  moins  assuré  le  sueeès*! 

[aintcnaut  que  mon  entreprise  est  arrivée  à  bonne  fin, 

^fléi hisser,  et  voyez  ce  qu'il  vous  plaît  de  réclamer  (de  moi)!»      2545 

8  larmes  de  la  jeune  femme  coulèrent  en  flots  plus  abondants 

encore*, 

au  milieu  de  ses  hésitations,  la  pensée  de  son  C03ur  tout  au  long 

isc  fit  jour  \ 

1^,  t  dit-elle,  «était  un  héros! 

iple  des  ancùtres^  est  uni-  iks  expressitma  coDaîicrcea  pour  désiguor  */e 
ccmemetil  de  r Empereur*. 

4.  Litt.  :  «  (Quaiii  à)  aider  —  le  mérite,  —  encore  —  il  ^  a  eu  ^  les  jki- 
ig  —  ^  eoïw,  maduTue,  —  (et.)  alor*  enfin  —  cela  a  eu  litit  /  ^ 

5.  Litt*  :   «  La  jeune  femme.  —  d'autant  pi  a*  —  répandit  —  des  pkrrejt  pré- 
(Ma  —  et  laiana  cotder  alM>fulammfml  —  nne  pluie  af>otidante ;  * 

(3.  Lîrt.  :  *E[le  hétUa  —  et  enfin    —   confia  —  Is  haut  —   rt  k  hwt  —  de 
Taire  —  de  f*cni)   cafir». 


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184  Kl  M  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

«Doc  ngang  trôi  rong,  vây  vùng  bien  khai! 
2550    «Tin  toi,  nên  quâ  nghe  loi! 

«Bira  thân  bâ  chien,  làm  toi  triëu  dlnh. 

«Ngô*  là  phu  qui  phu  vinh! 

«Ai  ngô"  mot  phût  tan  tành  thit  xirong? 

«Nâm  nâm  trôi  bien  ngang  tàng, 
2555    «Bam  mlnh  di  bô  chien  tnràng  nhir  không! 

«Hai  chông  kè  lây  làm  công! 

«Kè  bao  nhiêu,  lai  dau  long  bây  nhiêu! 

«Xét  minh,  công  ft,  toi  nhiêu! 

«Sông  thira  toi  dà  nên  lieu  mlnh  toi! 
2560    «Xin  cho  tien  thô  mot  doi! 

«Goi  là  dâp  diêm  lây  ngu*ôi  tè  sinh!» 

1.  Litt.  :  ^J"* avais  pensé  —  que  nous  serUma  —  un  mari  —  noble  —  (ei) 
une  épouse  —  glorieuse! p 

2.  Litt.  :  €  Apportant  —  (sonj  lui-niême  —  il  est  allé  —  P abandonner  — 
sur  de  bataille  —  le  champ  —  comme  —  rien!^ 

3.  Litt.  :  «  Cela  s^appeUera  —  en  couvrant  —  prendre  —  des  personnes  — 
morte  —  et  vivante!* 

Ce  vers  peut  signifier  encore  :  «  (Cette  terre)  recouvrira  ceux  (gui  Jurent 
unis  dans)  la  mort  comme  dans  la  vie!* 

Je  préfère  le  premier  sens  parce  qu'il  est  plus  en  rapport  avec  la  si- 
tuation. Il  est  assez  naturel  que,  dans  la  folie  de  son  désespoir  et  pour  se 
punir  d'avoir  causé  la  perte  de  son  époux,  Kiêu  demande  à  être  enterrée 
vivante  à  côté  de  lui.  La  disposition  du  vers  n'est  pas  un  obstacle  à  cette 
interprétation.  Si  en  effet  le  mot  qui  veut  dire  «personne»  (n^wi)  se  trouve 


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feiM  vAn  kiêu  ïAn  TRUYÊN.  185 

«En  long,  en  large  il  traversait  Tespace;  impétueux  il  sillonnait  la 

>  vaste  étendue  des  mers! 

«Confiant  qu*il  était  en  moi,  il  écouta  trop  mes  paroles!  2050 

«Après  s'être  exposé  dans  cent  combats,  il  avait  fait  sa  soumission 
>à  l'Empereur, 

«et  je  m'attendais  à  devenir  la  glorieuse  compagne  d'un  noble  et 
»  puissant  époux  >  ! 

«Qui  eût  pensé  qu'en  un  instant  ses  os,  sa  chair  seraient  mis  en 

>  morceaux? 

«Pendant  cinq  ans,  au  sein  du  monde,  il  avait  agi  en  maître, 

«  et  voilà  que  dans  ce  combat  il  est  venu  chercher  une  fin  misérable  ^  !  2656 

«Vous  me  comptez  comme  un  mérite  le  mal  fait  à  mon  époux! 

«  (Mais)  plus  vous  l'estimez  haut,  plus  mon  cœur  souflFre  de  tortures! 

«  En  m'examinant  moi-même,  (à  côté  d'un)  mince  mérite,  (je  trouve 

»  une)  grande  faute, 
«  (et,  loin  de)  lui  survivre,  il  convient  que  je  meure  (aussi)! 

«Accordez-moi  un  coin  de  terre  propice  (pour  la  sépulture)!  2660 

«A  côté  du  mort  elle  me  recouvrira  vivante '!  > 

placé  avant  «^i^  shik»,  ce  qui  n'aurait  pas  lieu  si  Texpression  était  entière- 
ment chinoise  (  ^  £^  ^  ou  ^  £^  ^  ^^  c'est  qu'il  y  a  ici  une 
de  ces  formules  hybrides  que  l'on  rencontre  fréquemment  dans  la  poésie 
cochinchinoise,  et  qui  sont  composées  d'un  élément  annamite  (ici  ngwrC) 
et  d'un  élément  chinois  (ici  ^^  ^b  tw  »ink).  Or  il  est  à  noter  que  dans 
ce  cas  le  génie  de  la  langue  annamite  a  le  pas  sur  celui  de  la  langue  chi- 
noise, c'est-à-dire  que  ce  sont  les  mots  chinois  qui  se  plient  à  la  construc- 
tion annamite;  ce  qui  est  du  reste  assez  naturel,  puisque  c'est  dans  cette 
dernière  langue  que  l'auteur  écrit. 

Si  l'on  admettait  la  seconde  interprétation  que  j'indique  et  qui  a  été 
probablement  aussi  dans  la  pensée  de  l'auteur,  la  traduction  littérale  des 
mots  *ngitbi  t&  Hnh*  serait  :  «cic*  peraonnet  —  de  vie  —  et  de  mort  (unien 
dans  la  vie  comme  dans  la  mort)». 


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186  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN. 

llô  công  nghe  nôi  thirong  tinh; 

Truyën  cho  câo  tâng,  di  hinh  bên  sông. 

Trong  quân  ma  tiêc  ha  công; 
2566    Xân  xao  ta  tnrdc,  hoi  dông  quân  quan. 

Bât  nàng  thi  yen  dird'î  màn; 

Dà  say  lai  ép  vân  d6ii  nhât  tâu. 

Mot  cung  giô  thâm  mira  sau, 

Bon  cung  nhô  mâu  nâm  dâu  ngôn  tay  ! 
2570    Ve  ngâm,  vu*gn  hôt  nào  tày? 

Lot  tai  Hâ  cûng  nhàn  mày  rai  châu. 

Hôî  rang  :  «Nây  khùc  à  dâu? 

«Nghe  ra,  muôn  thâm  ngàn  sau  lâm  thay! 

1.  Litt.  :  *  Il  y  eut  (un)  bruyamment  et  harmonieusement  —  de  scie  —  (et) 
de  bambou,  —  il  y  eut  (une)  cusemblée  —  â^ officiera  —  (et)  de  soldats*. 

L'adverbe  €xàn  xao>  et  le  substantif  «  ^ot  d3ng»  deviennent  par  position 
des  verbes  impersonnels.  —  La  soie  et  le  bambou  sont  les  matériaux  les 
plus  employés  dans  la  confection  des  instruments  de  musique  chez  les  Chinois. 

2.  Litt.  :  «  ....  à  jouer  —  des  instruments  de  musique  —  et  (àj  en  fai- 
sant de  la  musique  —  jouer  pour  distraire  le  supérieur*. 

Les  anciens  princes  feudataires  de  la  Chine  avaient,  comme  TEmpereur 
lui-même,  des  troupes  do  musiciens  à  leur  service.  Les  mandarins  d'un  rang 
élevé  se  conforment  encore  souvent  aujourd'hui  à  cet  usage. 

3.  Litt.  :  €Un  —  mode  —  comme  le  vent  —  fut  triste,  —  comme  la  pluie 
—  fut  lugubre;* 

Les  substantifs  ^yià*  et  «niwa»  sont  pris  adverbialement^  mais,  par  suite 
d'une  inversion  poétique,  ils  se  trouvent  reportés  avant  les  adjectifs  qu'ils 
modifient  et  qui,  en  vertu  de  la  disposition  générale  du  contexte,  devien- 
nent eux-mêmes  des  verbes  neutres. 


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KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  187 

H3  cong,  à  ces  paroles^  fat  ému  de  compassion; 

et  commanda  que,  pour  l'y  enterrer  provisoirement;  Ton  transportât 

le  corps  au  bord  du  fleuve. 
U  donna  un  festin  à  ses  troupes  en  félicitation  des  mérites  acquis, 

et;  aux  sons  harmonieux  de  la  soie  et  du  bamboU;  officiers  et  soldats  2565 
s'assemblèrent  ^ 

On  amena  la  jeune  femme  dans  la  salle  pour  qu'elle  assistât  à  (ce) 
festin 

(où)  le  chef;  à  moitié  ivrC;  la  contraignit  à  l'amuser  en  lui  faisant 

de  la  musique^. 
Elle  joua  sur  un  mode  d'une  tristesse  lamentable  3; 

puis  sur  quatre  autres  (si  lugubres  qu'on  eût  dit  que)  le  sang  coulait 
au  bout  de  ses  cinq  doigts^! 

Ni  le  gémissement  de  la  cigalC;  ni  les  clameurs  du  Vuqm  n'en  éga-  2570 
laient  (la  mélancolie)  ! 

Dès  (que  ces  accents)  parvinrent  à  l'oreille  de  Ho,  il  fronça  les  sour- 
cils et  laissa  couler  ses  larmes. 

«  Quel  est  donc»  dit-il  «ce  morceau 

«qui  me  plonge,  quand  je  l'entendS;  dans  une  tristesse  indicible^?» 

4.  Litt.  :  *  quatre  —  modea  —  firent  couler  goutte  à  gouUe  —  le  êang  — 
des  cinq  —  bouU  —  de  (aeê)  doigté  t^. 

Le  poète  veut  dire  par  là  que,  si  le  premier  mode  but  lequel  joua  Kieu 
était  déjà  extrêmement  triste,  les  quatre  autres  produisaient  une  impression 
tellement  déchirante,  qu'on  eût  dit  que  les  doigts  de  la  jeune  captive  pieu- 
raient  du  sang. 

Les  cinq  cung  dont  il  s'agit  ici  sont  à  proprement  parler  des  gammes 
composées  de  six  notes  qui,  disposées  dans  chacune  d'elles  d'une  manière 
différente,  ont  donné  naissance  à  cinq  modes  distincts,  mais  tous  caracté- 
risés par  une  extrême  tristesse.  Ils  furent,  dit-on,  inventés  par  un  musicien 
de  l'état  de  â}  Trinh.  Ck)nfucius  les  avait  en  horreur  et  ne  les  employait 
jamais  lorsqu'il  faisait  do  la  musique.  «Non  seulement»  disait-il  «ils  sont 
tristes,  mais  encore  ils  séduisent  l'homme  en  excitant  ses  passions.» 

5.  Litt.  :  «  (Lorsqu'on)  Ventend,  —  il  y  a  dix  mille  —  tristesses  —  et  mille 
—   mélancolies  —  fortement  —  à  quel  point/» 


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188  KIM  VAN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

Thira  rang  :  <Bacphân>  khùc  nây; 
2^75    Phô  vào  don  ây  nhtrng  ngày  côn  tha. 

Cung  dÔTi  lura  nhiinig  ngày  xira; 

Ma  gnong  bac  mang  bây  giô*  là  dây  ! 

Nghe  càng  dâm,  dâm  càng  say. 

La!  cho  mât  sât  cûng  ngây  vi  tinh! 
2580    Day  rang  :  «Hurang  hoâ  ba  sînh, 

«Dây  loan  xin  nôi  kim  lành  cho  ai!» 

Thura  rang  :  «Chût  phân  lac  làî, 

«Trong  minh  nghï  dâ  c6  ngirM  thâc  oan! 

«Côn  chi?  Nfra  cânh  hoa  tàn! 

Les  adjectifs  «^âm»  et  ««^u»  deviennent  substantifs  par  position;  et 
les  six  derniers  monosyllabes  du  vers  constituent  sous  la  même  influence 
un  verbe  impersonnel  composé. 

1.  Litt.  :  €  Etrange!  —  que  Von  donne  —  un  vUage  —  de  fer,  —  tout  ausii 
bien  —  il  sera  atupide  à  cause  de  —  V amour!* 

^C/to*  est  une  ellipse  dont  le  développement  complet  est  la  formule 
€  cJio  ....  ^t  nSa  mac  Vmg  ». 

2.  Litt.  :  «  Prescrivant  —  U  dit  :  —  (^  Quant  à)  de  V encens  —  îe  feu  —  (et 
aux)  trois  —  naissances,  > 

L*expredsion  *hwmg  hSa  ba  sinh»  désigne  ^toul  ce  qui  concerne  le  ma- 
riage*, c'es^à-dire  les  sacrifices  faits  dans  la  famille,  la  naissance  des  en- 
fants, rinstruction  et  la  nourritiu*e  qui  leur  sont  données  etc.  (Voir  la  note 
sous  le  vers  267.) 

3.  Litt.  :  «  (Quant  au)  lien  —  de  Loan,  —  je  demande  à  —  joindre  —  un 
E^m  —  doux  —  à  —  quelqu'un!* 

Le  Loan  est  un  oiseau  fabuleux  que  les  Chinois  considèrent  comme  la 
personnification  de  toute  grâce  et  de  toute  beauté.  De  là  l'expression  mé- 
taphorique ^dây  Loan  —  un  lien  de  Loan*  pour  désigner  les  liens  du  mariage. 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truyen.  189 

«(7e8t>,  lui  répondit-elle,  «le  morceau  du  Mauvais  destin*! 
«Dès  les  jours  de  mon  enfance  je  Tadaptai  à  cet  instrument-ci.         2576 
«  Lie  choix  de  la  musique  est  ancien, 

«  mais  vous  avez  sous  les  yeux,  en  ce  jour,  un  exemple  d'une  des- 

>  tinée  malheureuse!  > 
Plus  il  l'entendait,  plus  il  se  passionnait,  et  sa  passion  croissante  (en 

lui)  faisait  croître  l'ivresse. 
Chose  étrange  !  l'amour  est  capable  d'amollir  même  un  cœur  ^  de  fer! 

«  Parlons  >,  dit-il,  «  de  mariage  ^  !  >  2680 

«Je  veux  avec  quelqu'un  renouer  l'union  interrompue ^î > 

«Pauvre  créature  abandonnée,  >  (répondit-elle), 

«je  pense  toujours  qu'à  cause  de  moi  un  homme ^  a  péri  d'une  in- 
>jnste  mort! 

«Que  reste-t-il  de  moi?  un  fragment^  de  pétale  flétri! 

Voir,  sur  rexpression  «^-Wu  (cOm)  êâc»  ma  traduction  du  Lyic  Vân  Tien, 
à  la  note  sous  le  vers  344. 

Le  général  chinois,  enivré  à  la  fois  par  Tamour  et  par  les  famées  du 
vin,  propose  à  Tâp  kiiu  de  remplacer  son  époux.  Dans  Tunion  des  époux 
représentée  fignrativement  par  le  groupement  harmonique  des  deux  instru- 
ments de  musique  làm  et  »àc,  ce  dernier  représente  la  femme.  Le  làm  a 
été  brisé,  c'est-à-dire  que  Tépoux  est  mort.  Rattacher  un  autre  k\m  à  ce 
sàc,  c'est  rétablir  Tassociation  dite  «Bm  aâc*,  c'est-à-dire  le  mariage;  autre- 
ment dit  se  substituer  à  l'époux  déAmt. 

Ici  encore  le  terme  vague  «ot  —  quelqtiun*  remplace  le  pronom  per- 
sonnel défini,  comme  cela  a  lieu  fréquemment  dans  la  poésie  annamite,  sur- 
tout lorsqu'il  est  question  de  propositions  amoureuses  ou  matrimoniales. 

4.  L'expression  vague  ^unlwmme*  est  employée  ici  à  dessein.  Tûy  kOu 
craint  d'irriter  le  vainqueur  en  prononçant  devant  lui  le  nom  de  son  époux 
mort. 

5.  Litt.  :  *Une  moitié  de  pétale». 


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190  KIM  vAN  KLÈD  TAN  TRUY^N. 

2585    «Ta  long  dâ  dut  dây  dùn  Tiêu  lÂn! 

«Rong  cho  c6n  mânh  hông  quân! 

«Haï  tàn  dirac  thây  gôc  phân,  là  may!> 

Hç,  công  chén  dâ  quâ  say; 

H6  công  dên  lue  rang  ngày  nhô*  ra. 
2590    Nghï  mlnh  phirong  diên  qnôc  gia, 

Qiian  trên  nhâm  xnông,  ngrrôi  ta  trông  vào. 

Phâi  tuông  trâng  giô  hay  sao? 

Su*  nây  bîët  tlnh  thê  nào  dirçrc  dây? 

Tâo  nlia  viîra  buôi  rang  ngày, 
2595    Quyët  tinh,  Công  moi  doân  ngay  mot  bài. 

Linh  quan  ai  dàm  than  I5i? 


1.  Lîtt.  :  •Le  fil  de  êoie  —  de  (mon)  cœur  —  a  été  coupé  —  à  la  manière 

—  des  cordes  —  du  dbn  —  de  2%«  Lan/» 

Tieu  Lan  est  le  nom  d*an  musicien  célèbre.  Tûy  kiêu  vent  dire  que,  de 
même  que  les  cordes  du  dan  de  TUu  Lan,  ayant  été  coupées,  ne  pouvaient 
plus  servir  à  ce  pourquoi  elles  étaient  faites,  c^est-à-dire  à  rendre  des  sons, 
le  fil  de  soie  qui  reliait  à  son  cœur  celui  do  Tk  liai  ne  peut  plus  servir  à 
y  rattacher  un  autre  cœur-,  en  d'autres  termes,  qu'elle  ne  peut  plus  se 
marier.  (Voir  plus  haut  la  note  sur  Ông  ta  ou  Ngw/ft  ISo,) 

2.  Litt.  :  «  Vou»  montrant  généreux  —  donnez-moi  éC  —  avoir  encore  —  un 
lambeau  —  de  (mon)  rouge  —  pantalon/* 

3.  Litt.  :  €  (Lorsque  mon)  souffle  —  se  perdra,  —  (si)  f  obtiens  de  —  voir 

—  un  coin  —  de  fard,  —  ce  sera  —  un  Ixmheur/» 


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KiM  vAn  kiëu  tAn  truyên.  191 

«Et,  comme  les  cordes  de  Tinstrament  de  Tïeu  lân,  le  fil  de  mon  cœur  2585 

>e8t  coupé^! 
«Soyez  généreux!  épargnez  les  restes  de  ma  beauté 2 ! 

«  Si;  à  mon  dernier  soupir  je  puis  y  donner  quelques  soinS;  je  m'esti- 
»  merai  heureuse  ^  !  > 

Dans  (ce)  festin  des  félicitations  pour  la  victoire,  tous  étaient  par- 
venus au  dernier  point  de  Tivresse^; 

mais  Ho  công,  quand  vint  le  point  du  jour,  se  souvint  (de  ce  qu'il 
avait  dit)  \ 

n  réfléchit  que  lui,  qui  dans  TÉtat  faisait  grande  figure,  2590 

Il  était,  d'en  haut,  surveillé  par  ses  chefs,  et  que  d'en  bas,  la  foule 

avait  les  yeux  sur  lui^ 
Qu'était  ceci,  sinon  une  débauche  déguisée'! 

Comment  s'y  prendre,  maintenant,  pour  se  tirer  de  cette  affaire? 

Au  point  du  jour,  lorsque  s'ouvrit  l'audience  du  matin, 

le  công,  fixé,  se  traça  une  ligne  de  conduite.  2695 

Quand  un  mandarin  donne  un  ordre,  qui  oserait  y  trouver  à  redire  s? 


4.  Litt.  :  €CDant  V action  de)  féUcUer  —  le  mérite,  —  (quant  aux)  taêset 
—  on  evoait  dépctssé  —  (le  fait  â^)  être  ivres». 

5.  Il  y  a  entre  ce  vers  et  le  précédent  un  jeu  de  mots  absolument  in- 
traduisible en  français.  Dans  le  festin  de  félicitations  (hà  công),  tout  le 
monde  est  ivre,  et  Ho  công  (le  seigneur  Hâ)  n'est  plus  lui-même;  mais  le 
lendemain,  il  recouvre  sa  personnalité,  se  rappelle  la  proposition  impru- 
dente qu'il  a  faite  à  7%  kiiu,  et  réfléchit  aux  conséquences  qu'en  entraî- 
nerait la  réalisation. 

6.  ^NhSm  ocuong»  signîfie  raviser  d'en  haut»^  et  €trông  vào*  veut  dire 
«eaximtner  d'en  htu*. 

7.  Litt.  :  «  C* était  —  (tme)  comédie  —  de  lune  —  (et)  de  vent  —  ou'  — 
comment  f* 

8.  Litt  :  <  .  .  .  .  gémir  de  —  (s&i)  parole»?* 


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192  KIM  vAn  kiêu  tAn  trdyên. 

Ép  tinh,  là  gân  cho  ngirôi  thô  quan. 

Ùng  tct  thiêt  nhë  dâ  doan! 

Xe  ta  chô'  khéo,  va  quàng  va  xiên! 
2000    Kiêu  hoa  âp  thâng  xuông  thuyën. 

Là  màn  xû  thâp,  iigon  dèn  khêu  cao. 

Nàng  càng  ù  lieu,  phai  dào; 

Trâm  phan  nào  c6  phân  nào  phân  tirai? 

Bành  thân  cât  lâp  sông  bôi; 
2fi05    Chrô*p  công  cha  me;  thiêt  dM;  thông  minh! 

Chan  trM  màt  b^èn  linh  dinh, 

Nâm  xu'ang  biêt  gai  ti!b  sinh  chôn  nào? 

Duyên  dâu?  Ai  dâc  ta  dào? 

1 .  Lîtt.  :  «  ....  tZ  2a  œîla  —  à  —  im  homme  —  de  la  terre  —  mandarin  ». 

2,  €Nke»  est  la  prononciation  tonquinoise  du  mot  «2«  —  rauon,  moUf». 
îJ*  Litt.  :  «  (Quant  àj  tordre  —  lea  JUa  de  soie,  —  a»aurément  —  il  eH  ha- 

fdlei  —  il  saisit  —  le  droit,  —  il  saisit  —  V incliné  f  9 

Je  n'ai  pu  avoir  exactement  la  signification  du  mot  *  quàng»  pris  isolé- 
Dicnt^  mais  le  sens  général  de  Texpression  dont  il  fait  partie  ainsi  que  la 
8Î;^^iiîfication  de  son  correspondant  <^xiên»,  qui  sont  tous  deux  bien  connus, 
Tio  me  paraissent  pas  devoir  laisser  de  doutes. 

4.  Tout  ce  développement  poétique  signifie  simplement  qu'il  faisait  nuiL 

5.  Litt.  :  «  .  .  .  .  triste  —  (quant  au)  saule  —  (et)  décolorée  —  (quant  au) 

*Liêu  dào»  ou  €(îào  lieu»  est,  comme  je  Fai  dit  plus  haut,  une  expres- 
sîoD  employée  couramment  dans  la  poésie  pour  désigner  *  une  jeune  fille». 
Ia-ei  doux  termes  en  sont  dissociés  par  élégance.  *Phai  —  décotorét»  doit 
ici  m  prendre  au  moral.  L'emploi  métaphorique  de  cet  adjectif  est  amené 
par  Tcxpressiou  figurée  (liu  dào)  qui  précède. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyen.  193 

H  fit  violence  aux  sentiments  (de  Kiêti),  et  lui  imposa  pour  mari* 

un  notable  de  la  contrée. 
Le  génie  du  mariage,  vraiment,  suit  des  voies  bien  mystérieuses^! 

H  tord  ses  fils  d'une  façon  étrange,  et  prend  (pour  nouer  les  unions) 

tout  ce  qu'il  trouve  sous  sa  main  3! 
Le  palanquin  fleuri  fut  porté  tout  droit  à  bord  d'un  bateau.  2600 

Les  rideaux  de  soie  jusqu'en  bas  étaient  baissés;  la  mèche  des  lam- 
pes était  maintenue  haute  *. 
Kiêu,  de  plus  en  plus,  était  triste  et  découragée  *, 

et  son  affaissement  dépassait  toute  limite  \ 

Elle  se  résignait,  quant  à  elle,  à  être  le  jouet  de  la  fortune'; 

mais  elle  avait  à  ses  parents  coûté  des  peines  inutiles!  sa  vie  était  2605 

perdue!  il  n'en  fallait  point  douter^! 
Elle  flottait  sous  le  ciel,  à  la  surface  de  la  mer. 

Savait-elle  ce  qu'allait  devenir  sa  chétive  personne*?  où  elle  allait 

mourir  ou  vivre? 
Quelle  était  cette  union  (nouvelle)?  qui  lui  fallait-il  épouser*^, 

6.  Lîtt.  :  €(8ttr)  cent  —  partie»  —  eêt-ce  qu^  —  elle  avait  —  (tme)  partie 

—  queUe  qu'elle  fût  —  (qui  fut  une)  partie  —  fraîche f» 

L*adjectif  €tu<n  —  frais  •  est  employé  ici  comme  synonyme  de  «tmî  — 
gai»,  pour  le  motif  indiqué  à  la  note  précédente. 

7.  Litt.  :  «  Elle  supportait  que  —  sa  per senne  —  par  le  sable  —  fàt  com- 
blée, —  par  les  flots  —  fût  recouverte;  » 

€Bành*  a  ici  le  même  sens  que  «cA»//».  —  Devant  les  mots  ^Cdt  lâfjp 
song  bffi»  il  faut  sous-cntcndre  la  particule  du  passif  «W^  ou  «phâi». 

8.  Litt.  :  «[Elle  avait  volé  —  par  la  force  —  les  peines  —  de  (son)  phre 

—  et  de  (sa)  mère;  —  elle  avait  causé  du  dommage  à  —  (saj  vie  —  évidemment!» 

9.  Litt.  :  «  (Quant  à  sa)  —  pincée  —  d'os,  —  elle  savait  —  elle  la  confiait 

—  pour  mourir  —  ou  pour  vivre  —  dans  un  lieu   —  quel?» 

10.  Lîtt.  :  €( Celle)  union  —  (d')oh  (venait  élle)f  —  ^î  —  amenait  —  ce 
fil  de  soie  —  de  -Dàof» 

Le  fil  de  soie  de  Bào  (concernant  le  Bào,  autrement  dit  la  jeune  fille)^ 
c'est  le  lien  du  mariage. 

13 


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194  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Na  dâu?  Aï  dâ  dâc  vào  tân  tay? 
2610    Thân  sao,  thân!  Dên  thê  nây? 

C6n  ngày  nào,  cùng  do*  ngày  ây  thôi! 

Dâ  không  bîêt  sông  là  vuî! 

Hoàî  thân  nào  bîêt  thîêt  thoî  là  thirong! 

Mot  mlnh  cay  dâng  trâm  dirông, 
2615    Thoî!  thW  nât  ngoc  tan  vàng,  thirî  thôî! 

Mânh  giroTig  dâ  ngâm  non  doài, 

Mot  minh  luông  nhiïng  dung  ngôî,  chiia  xong. 

Trîêu  dâu  nôî  tîêng  dùng  dîing! 

Hôî  ra,  nidi  biêt  rang  sông  TiSn  dubng! 
2620    Nhd  lirî  thân  mong  rO  rang! 

Nây  thôî!  Hêt  kiêp  doan  tràng  là  dây! 

^Bqm  tien!  Nàng  nhë!  c6  hay? 

«Hen  ta,  thi  daî  du'ô'î  nây  nrôtî  ta! 


1.  Litt.  :  €(  Cette)  dette  —  (d'Jou  (venait-elle)  f  —  Qui  —  Vamenanl  —  Va- 
vail  fait  entrer  —  à  toucJier  —  (ses)  mains  f  » 

2.  Litt.  :  «  S'il  y  avait  encore  —  un  jour  —  quel  qu'il  fut,  —  tout  aussi 
bien  —  die  serait  souillée  —  ce  jour  là  —  et  voilà  tout!» 

3.  Litt.  :  •(avec  son)  uniqtte  —  corps,  —   amère  —  quant  à  —  cent  — 
voies  (manières),  9 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  195 

et  qui  (donc)  la  chargeait  (encore)  de  cette  dette  de  malheur  i? 

Comment  en  était  elle  arrivée  à  ce  degré  (d'infortune)?  26io 

Cen  était  fait!  chaque  nouveau  jour  allait  lui  apporter  une  souillure 

nouvelle  2! 
Elle  ne  savait  point  que  la  vie  (par  elle-même)  est  une  joie! 

En  attentant  à  ses  jours,  elle  ignorait,  pauvre  femme!  le  mal  qu'elle 

allait  se  causer! 
Isolée  (en  ce  monde),  abreuvée  de  misère  3, 

c'en  était  assez!  (disait -elle).  Il  ne  lui  restait  plus  qu'à  briser  son  2615 

existence^! 
La  lune  était  descendue  derrière  les  cîmes  des  montagnes  \ 

et,  cependant,  dans  sa  solitude,  se  levant,  puis  se  rasseyant,  elle 

n'en  avait  point  fini  encore®. 
(Mais)  voici  que  des  grandes  eaux  soudain  le  grondement  s'élève! 

Elle  s'informe  et  apprend  que  c'est  le  fleuve  TïeVi  dwang. 

Les  paroles  de  l'esprit  qu'elle  entendit  en  songe  lui  reviennent  claire-  2620 

ment  à  la  mémoire. 
Tout  est  fini,  maintenant!  et  c'est  bien  ici  le  terme  de  sa  malheureuse 

destinée! 
«ô  Bam  tien!  m'entends-tu?»  s'éerie-t-elle. 

«Tu  m'as  fixé  ce  rendez-vous;  attends -moi  donc  sous  ces  ondes, 
>pour  m'accueillir!» 

4.  Litt.  :  €  Assez!  —  alors  —  on  briserait  —  la  perle,  —  on  dissoudrait  — 
Vor,  —  (et)  alors  —  ce  serait  fini!* 

Tous  les  vers  qui  précèdent  peuvent  être,  aussi  bien,  mis  directement 
dans  la  bouche  de  Tày  kiêu. 

6.  Litt.  ;  «ic  volume  —   du  miroir  —  avait  —   été  dévoré  —  (quant  au) 
sommet  —  des  montagnes*, 

6.  Elle  hésitait  toujours  à  eu  finir. 

13» 


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196  KIM  vAn  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

DiTÔi  dèn  sân  bipc  tien  hoa; 
2625    Mot  thîên  tuyet  but;  goi  là  de  sau. 

Cûu  bèng  voi  thâc  rèm  châu. 

Trôi  cao,  bien  rong  mot  màu  bao  la. 

Rang  :  «  Tv;  công  hâu  dâi  ta  ! 

«Chut  vl  vîec  nu'ô'C  ma  ra  phu  15ng! 
2630    «Giêt  chông  ma  laî  lây  cliông, 

«Mât  nào  ma  lai  dirng  trong  côî  dM? 


1.  Litt  :  €(Par)  wne  feuille  —  elle  brisa  —  faon)  pinceau,  —  (ce  qui)  ê^ ap- 
pelle —  laisser  —  après  (soi)*. 

Cette  allusion  serait  incompréhensible  sans  la  connaissance  de  la  phrase 
suivante  du  ^  ^t  Ê^  :  *  Lorsqu'il  eût  écrit  le  ^^  ^/^  Xuân  thû,  Con- 

fudus  brisa  son  pinceau*;  ce  qui  signifie  que  le  ^£  jH^  fut  la  dernière 
œuvre  à  laquelle  il  mit  la  main. 

Le  mot  <  ^Q  tuyêt»  signifiant  à  la  fois  ^briser*  et  €une  stanee  composée 
de  quatre  vers»;  il  peut  se  faire  que  Fauteur  du  poème  ait  voulu  donner 
un  double  sens  à  cet  hémistiche. 

La  seconde  version,  qui  supposerait  une  inversion  et  donnerait  au  subs- 
tantif bût  —  pinceau  un  rôle  verbal,  serait  alors  : 

«  Une  feuille  (numérale)  —  de  stanee  de  quatre  vers  —  elle  écrivit » 

Je  serais  peu  porté  à  admettre  cette  dernière  interprétation.  Ce  genre 
d'inversion  appliqué  à  un  substantif  qui,  comme  ^btit*  est  assez  rarement 
pris  dans  le  sens  verbal,  ne  me  paraît  guère  admissible. 

Les  mots  *goi  là ... .  —  (ce  qui)  s* appelle  ....  »  sont  très  fréquemment 
employés  en  poésie  lorsqu'on  veut  exprimer  la  volonté  formelle  et  bien  dé- 
terminée de  faire  connaître  un  sentiment  ou  une  intention  quelconque.  Nous 
employons  en  français  dans  le  langage  familier  une  expression  absolument 
équivalente  au  point  de  vue  des  mots,  lorsque  nous  disons,  par  exemple  : 

€cela  s'appelle  être  vertueux,  cela  s'appelle  bien  manœuvrer,  etc.»; 

mais  il  faut  remarquer  que  Tanalogie  ne  va  pas  ici  beaucoup  plus  loin 
que  les  mots;  car  les  mots  ^céla  s'appelle»  expriment  en  français  Tadmira- 


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KIM  VÂN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  197 

Près  de  la  lampe  justement  se  trouvait  une  feuille  de  papier. 

Elle  prit  son  pinceau,  renferma  dans  quelques  lignes  ses  dernières  2625 

volontés  ^, 
et  ouvrit  d^une  main  rapide  l'écoutille^  du  navire. 

On  n'apercevait  au  loin  que  la  vaste  mer  et  le  ciel  élevé,  confondus 

à  rhorizon  K 
€  Tù  công  m'avait  comblé  de  ses  bienfaits!  »  dit-elle 

«et,  pour  un  mince  intérêt  d'État,  je  le  payai  d'ingratitude! 

«  Si,  meurtrière  de  mon  époux,  je  m'unissais  à  un  autre  homme,        2630 

«de  quel  front  oserais-je  encore  occuper  une  place  en  ce  monde? 


tien  causée  par  un  acte  déjà  accompli^  tandis  que  la  locution  annamite 
•goi  là»  exprime  Tintention  d'obtenir  un  résultat  ou  de  produire  une  im- 
pression dans  Tavenir. 

2.  Je  traduis  «  càa  hbng  ....  rhn  châu  »  par  «  écoutille  >  à  défaut  de  meil- 
leur terme  pour  indiquer  un  genre  d'issue  qui  ne  se  rencontre  pas  sur  nos 
bateaux  européens.  Le  mot  €bbng*  désigne  un  des  côtés  de  la  couverture 
du  bateau  dans  lequel  est  pratiquée  une  porte,  et  «  ahi  bong  —  la  porte  du 
bongy  est  le  nom  de  cette  porte  elle-même  qui  est  fermée  par  un  store 
ou  une  natte  (rhn).  —  Quant  au  mot  <châu  —  perles*,  il  n'est  ici  qu'un 
simple  ornement  poétique  employé  de  la  même  façon  que  le  mot  «(?ào» 
Test  en  d'autres  circonstances-,  car,  il  est  inutile  de  le  dire,  ce  store  n'est 
nullement  orné  de  perles.  La  traduction  littérale  de  ce  vers,  qui  renferme 
d'ailleurs  une  inversion,  serait  donc  : 

€De  la  porte  —  du  bong  —  en  toute  hâte  —  elle  ouvrit  —  le  atore  —  de 
perleê». 

3.  Litt.  :  «  Le  ciel  —  élevé  —  (et)  la  mer  —  vaste  —  (dans)  une  seule  — 
teinte  —  enveloppaient  —  à  la  manière  d'un  filet  > . 

Le  mot  ^la»  signifie  à  la  fois  en  chinois  *un  filet*  et  ^étendre».  On 
pourrait  l'entendre  ici  dans  les  deux  sens;  mais  il  est  évident  que  l'expres- 
sion annamite  ^bao  la»  tire  son  origine  d'une  comparaison  très  fréquente 
en  chinois  dans  laquelle  le  ciel  est  assimilé  à  un  filet  immense  qui  englobe 
tout  ce  qui  existe  sur  la  terre.  On  l'appelle  dans  cette  langue  «"^  ^8 
iîai  la  —  le  grand  filet»,  et,  surtout  lorsqu'il  est  question  d'un  ciel  nuageux 
d'automne  ^^  ^  ^  ^  ihi  vân  t^  la». 


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198  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUY^N. 

«Thôî!  Thi  mot  thâc  cho  roi! 

«Tarn  long  phû  màc  trên  trirî  dirdi  sông!» 

Trông  vôi,  con  mrdc  minh  mông, 
2635    Bam  minli  gieo  xuông  giira  dèng  trircrag  giang! 

Thô  quan  theo  vdt  vôi  vàng; 

Thi  dà  dâm  ngoc,  chim  hiroTig  dâ  roi! 

ThiroTig  thay!  Cûng  mot  thân  ngiriri! 

Hai  thay!  Mang  lây  sâc  tài  làm  chi? 
2640    NhÛTig  là  oan  khô  liru  ly, 

Chô*  cho  hê't  kiêp,  con  gi  là  thân? 

MirM  lâm  nàm  bây  nhiêu  lân 

Làm  girang  cho  khâch  hông  quân  thô*  soi! 

DM  ngirM  dên  the;  thi  thôi! 

1.  Litt.  :  «  Cf^est  aaaezl  —  Alors  —  (il  y  a)  Vunique  —  mouHr  —  de  ma- 
nière  à  —  en  finir/» 

Les  mots  ^mot  thâc  cho  roi»  forment  ici  par  position  un  véritable  verbe 
impersonnel.  (Voir,  pour  le  sens  de  râi,  ma  traduction  du  Luc  Vân  Tien  à 
la  note  sous  le  vers  956.) 

2.  Pour  qu'ils  soient  témoins  de  ma  sincérité. 

Litt.  :  <(Mon)  coeur  —  je  livre  à  —  au-dessus  —  (quant  au)  ciel,  —  (à) 
au-dessous  —  (quant  au)  fleuve!» 

Voir  ce  que  j'ai  dit  antérieurement  sur  le  rôle  exact  des  prépositions 
trên,  duâi  et  ngohi, 

3.  On  remarquera  certainement  la  similitude  qui  existe  entre  cet  épi- 
sode et  celui  du  Luc  Vân  Tien  dans  lequel  Nguy^  Nga  se  précipite  dans 
le  fleuve  pour  échapper  à  Talliance  du  roi  des  Ô  qua. 


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KIM  VAN  KIËU  tAn  TRUYÇN.  199 

«C'en  est  donc  fait!  Je. n'ai  plus  qu'à  mourir  •  ! 
«Au  ciel,  aux  flots  je  livre  mon  cœur  2  !  » 
Elle  considéra  Fespace  et  l'immensité  des  eaux; 

puis  au  sein  du  grand  fleuve,  au  milieu  du  courant,  elle  se  précipitait  2636 
Le  notable  l'avait  suivie;  il  s'empressa  pour  la  sauver; 

mais  tout  était  fini!  Les  flots  avaient  submergé  cette  créature  accom- 

pKe^! 
Hélas!  Hélas!  comme  tant  d'autres*, 

pourquoi  fut-elle  victime  de  son  talent  et  de  sa  beauté? 

£n  proie  à  des  malheurs  sans  fin,  à  des  vicissitudes  sans  nombre,     2640 

si  elle  eût  attendu  le  terme  des  ses  malheurs,  que  serait-elle  deve- 
nue^? 

Tout  ce  qui  se  passa  durant  les  quinze  années  de  sa  vie  ^ 
doit  servir  aux  jeunes  filles  et  d'exemple  et  d'instruction  ^. 
L'existence  humaine  en  arrive  à  ces  extrémités! 

4.  Litt.  :  «  Alors  —  on  avait  fait  couler  à  fond  —  la  pierre  précieuse,  — 
on  avait  submergé  —  le  parfuni/» 

Les  verbes  neutres  dSm  et  dàm  deviennent  actifs  par  position. 

5.  Litt.  :  €  Hélas I  —  tout  aussi  bien  —  (elle  était)  un  —  corps  —  d'homme!* 
Les  mots  €môt  thân  ngieai*  forment  par  position  un  verbe  neutre  com- 
posé. 

6.  Litt.  :  «  (Si)  elle  avait  attendu  —  de  manière  à  —  Jinir  —  Vère  (de  ses 
malheurs),  —  il  y  aurait  encore  eu  —  quoi  —  qui  fût  —  sa  personne? y 

7.  Litt.  :  «Xc*  quinze  —  années  —  (et)  les  toutes  et  quantes  —  fois» 

8.  Litt.  :  €fait  —  miroir  —  pour   —  les  personnes  —  (à)  rouges  —  pans 
de  robe  —   (les  jeunes  personnes  distinguées)  —  en  essayant  —  regarder». 

Le  mot  ^khâch  —  étrangères»  est  ici  synonyme  de  «^ngtcai  —  personnes». 


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200  KIM  vAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 

2645    Trong  ca  dirang  otc  âm  hôi  khôn  hay. 
May  ngnôi  vi  nghïa  xira  nay 
Trôi  làm  chi  dën  lâu  ngày  càng  thirang? 
Giâc  duyên,  tir  tiêt  giâ  nàng, 
Treo  bâu,  quây  nfp,  rong  dàng  van  du. 

2650    Gâp  bà  Tarn  hap  dao  cô; 

Thong  dong  hôi  hêt  nhô  to  su*  nàng. 

«NgirW  sao  hiêu  nghïa  dû  dàng, 

«Kiêp  sao  mâc  nhiïng  doan  tràng  thê  tliôî?» 

1.  Litt.  :  €Dan8  —  la  circonstance  que  —  (lorsque)  le  bonheur  —  est  à  son 
cotnble  —  le  malheur  —  revient  —  U  est  difficile  de  —  savoir!» 

On  voit  que  Texplication  littérale  ci -dessus  donne  un  sens  diamétnde- 
ment  opposé  à  celui  de  ma  traduction;  et  pourt-mt  c'est  dans  cette  der- 
nière que  se  trouve  la  véritable  pensée  du  poète.  En  effet  Nguyen  du,  qui 
avait  besoin  au  sixième  pied  d'un  mot  affecté  du  ton  binli,  ne  s'est  i)as 
fait  scrupule  de  retourner  la  locution  proverbiale  chinoise  bien  connue  : 
«  S^  jf^  uÊf  \pf\  Àm  eue  duong  hôi  —  quand  le  malheur  est  à  son  comble, 
le  bonheur  revient».  Cette  inversion  est  singulièrement  audacieuse,  et  ne 
saurait  être  admise  dans  nos  langues  européennes;  elle  paraît,  au  contraire, 
très  naturelle  aux  Annamites.  Pour  eux,  comme  le  sens  du  proverbe  t^  jBâ 
^  [gj  est  connu  d'avance,  peu  importe  que  l'ordre  des  monosyllabes  étant 
changé,  le  sens  littéral  (qui  est  déterminé  par  la  règle  de  position)  de- 
vienne absolument  inverse.  Ils  ne  font  en  ce  cas  attention  qu'à  l'ensemble, 
et  le  reste  n'est  pour  eux  qu'une  affaire  de  prosodie. 

S^  JBâ  ^r  [gl  signifie  littéralement  :  «quand  Vobscurité  est  à  son 
comble,  la  clarté  revient  >.  Notre  proverbe  français  *  après  la  pluie  vient  le 
beau  temps»  ressemble  d'autant  plus  à  son  correspondant  chinois  qu'il  s'agit 
dans  ce  dernier  d'une  obscurité  causée  par  les  nuages  et  de  la  clarté  que 
produisent  les  rayons  du  soleil.  Ces  deux  sens  font  en  effet  partie  des  in- 
nombrables interprétations  dont  sont  susceptibles  en  chinois  les  caractères 
B^  et  ^r .  —  J&  est  un  substantif  qui  signifie  *  extrémité,  comble,  apogée»; 


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KIM  vAN  KIÊU  ïAN  TRUYÇ N.  201 

Lorsque  les  malheurs  sont  finis  le  bonheur  vient;  mais  sait-on  quand  ^  ?  2645 
Pourquoi  de  tout  temps  en  ce  monde  les  amis  de  la  justice 

(ont-ils  été  laissés)  si  longtemps  par  le  Ciel  dans  une  situation  tou- 
jours plus  lamentable? 
Depuis  le  moment  où  Gide  duifên  avait  pris  congé  de  la  jeune  femme, 

munie  de  sa  gourde  et  portant  au  bout  d'un  bâton  son  coflFret  de 

voyage,  elle  avait  erré  en  tous  lieux  2. 
Elle  avait  rencontré  la  religieuse^  Tarn  hçp,  2650 

et  l'avait  interrogée  en  toute  liberté  sur  tout  ce  qui  concernait  la 

(destinée  de)  Ki^. 
«Pourquoi»,  lui  dit-elle,  «cette  personne  si  grandement  douée  de 

>  piété  filiale  et  de  justice 
«  voit-elle  son  existence  en  butte  à  tous  ces  malheurs  *  ? 

mais  sa  position ,  parallèle  à  ceHe  du  verbe  «  [gl  revenir  »,  lui  donne  ici 
une  valeur  verbale. 

2.  Litt.  :  «  . .  .  .  largement  —  (quant  aux)  chemins  —  dafiê  les  nuages  — 
elle  errait  à  V aventure  y. 

*Nip»  est  le  nom  d*une  espèce  de  corbeille  ou  coffret  de  voyage  dans 
lequel  on  renferme  des  provisions  de  route.  €Vân  du*,  expression  chinoise 
qui  correspond  à  Tannamite  ^chcri  mât/»,  exprime  le  genre  de  vie  que 
les  sectateurs  de  -^  -^  attribuent  aux  immortels.  Ils  croient  que  ces 
derniers  errent  sur  la  montagne  ^g  ^  BSng  lai,  leur  demeure  habituelle,  et 
parmi  les  nuages  qui  en  couronnent  le  sommet;  aussi  ceux  des  taosséistes 
qui  veulent  arriver  à  la  perfection  et  à  Timmortalité  cherchent-ils  à  imiter 
les  immortels  en  rôdant  dans  les  montagnes.  Les  bonzes  s'efforcent  pareille- 
ment de  copier  la  manière  de  vivre  du  Bouddha. 

3.  Litt  :  «du  Bao  —  (une)  cô». 

Le  mot  «ftj'  cô»,  qui  s'applique  en  général  à  toutes  les  femmes  et 
plus  particulièrement  à  celles  qui  sont  jeunes  et  non  maiiées,  s'emploie 
aussi  comme  dénomination  courante  pour  les  religieuses,  ^ao  cô  désigne 
donc  une  religieuse  sectatrice  du  ifao  ou  doctrine  des  ^^  ^  Bao  st.  (Voir 

sur  le  sens  du  mot  Bao,  mon  ouvrage  sur  le  ^  ^t  jfef . 

4.  Litt.  :  *(SaJ  vie  —  pourquoi  —  était -die  entravée  par  —  des  fatalités 
nudheureuses  —  de  cette  manière  là  —  et  voilà  tout?» 

Il  existe  ici  une  opposition  entre  le  mot  ^ngubi»  du  vers  précédent  et 


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202  KIM  vAn  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

Su*  rang  :  Phirô-c  hoa  dao  Triri; 
2655    «Côi  nguôn  cûng  à  15ng  ngirW  ma  ra! 

fCô  Trôi,  ma  cûng  taî  ta! 

«Tu  là  coî  phir6c;  tlnh  là  dây  oan! 

«  Tûy  Jdêu  sâc  sâo,  khôn  ngoan; 

«Vô  duyên  là  phân  hông  nhan;  dâ  dành! 
2660    «Laî  mang  lây  mot  chû"  ành^ 

«Khir  khir  minli  buôc  lây  minh  vào  trong. 

«Vây  nên  nhfrng  tânh  thong  dong, 

«{Tkliông  an  6n,  ngôi  không  virng  vàng. 

«Ma  dâc  loi,  qui  dem  dàng, 
2665    «Laî  tim  nhtrng  chou  doau  tru'irug  ma  dî! 

«Hêt  nan  ây  dên  nan  kîa; 


le  mot  «  kiêîp  »  de  celui-ci,  comme  entre  les  vertus  de  Tûy  kiêu  et  les  mal- 
heurs auxquels  sa  destinée  la  condamne.  —  The  est  pour  thë  ély,  —  Lq 
mot  *thôi!  —  et  c'est  assez  !  —  et  voilà  tout!  9,  lorsqu'il  termine  ainsi  une 
phrase  interrogative,  est  une  espèce  d'exclamation  énergique,  impliquant  à 
la  fois  l'étonuement  et  la  résignation. 

1.  Lit  t.  :  «La  vie  religieuse  —  est  —  le  tronc  —  du  bonheur;  —  V  amour 

—  est  —  le  lien  —  du  préjudice». 

2.  Litt.  :  «J5»i  outre  —  en  le  contractant  —  elle  avait  pris  —  Vunique  — 
cara^re  —  amour*. 

3.  Litt.  :  «-(et)  strictement  —  elle-même  —  liant  —  avait  pris  —  eUe-mème 

—  à  entrer  —  dedans if. 


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Kl  M  vAN  KIÊU  TÂN  TRUYÇN.  203 

«  Suivant  ses  lois  mystérieuses,  le  Ciel  >,  dit  la  bonzesse,  «  distribue 

>Fheur  et  le  malheur; 
<  mais  c'est  dans  notre  cœur  que  tout  a  son  origine.  2666 

«Les  choses  dépendent  du  Ciel,  mais  elles  viennent  aussi  de  nous! 

«La  vie  religieuse  est  la  source  de  la  félicité;  la  passion  est  le  lien 

>  (qui  nous  enchaîne  au)  malheur  '. 
«  Tûy  Ktêu  est  belle  et  sage; 

«mais  rinfortune  est  le  lot  assigné  à  la  beauté! 

«Elle  s'était,  de  plus,  donnée  uniquement  à  Tamour^,  2660 

«et  cet  amour  en  maître  avait  envahi  son  cœur^ 

«Or  ces  natures  libres  et  vagabondes 

«ne  peuvent  en  paix  séjourner  nulle  part,  et  nulle  part  elles  ne  se 

»  fixent^. 
«Par  voies  et  par  chemins  l'esprit  pervers  les  mène 5; 

«  elles  cherchent  tous  les  endroits  (où  les  attend)  leur  mauvais  des-  2665 

»tin^ 
«  Délivrée  d'un  malheur,  elle  est  tombée  dans  un  autre. 


4.  Litt.  :  €  demeurant  —  ne  pas  —  sont  en  repos,  —  étant  assises  —  ne 
pas  —  sont  pas  fermes», 

5.  Litt.  :  «£c  démon  —  les  mène  —  dans  les  sentiers,  —  le  diable  —  les 
conduit  —  dans  les  chemins». 

Le  mot  €  ma  qui  —  démon  »  est  dédoublé  par  élégance,  comme  Test  d'ail- 
leurs ridée  elle-même,  qu'on  trouve  reproduite  à  peu  près  identiquement 
dans  chacun  des  deux  hémistiches. 

6.  Litt.  :«....  tous  les  —  lieux  —  de  destinée  malheureuse  —  pour  — 
(y)  aUer», 


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204  KIM  vAN  KIÊU  TAN  l'RUYÊN. 

«Thanh  lâu  hai  lirol;;  thanh  y  hai  lân! 

«Trong  vông  sâo  dirng,  giram  trân, 

«Kë  rang  hùm  s6î,  gd-i  thân  toi  doî! 
2670    «Gifta  d5ng  nirdc  chây  sông  dôi, 

«Tnrdc  hàm  rông  câ  gieo  mlnh  thûy  tinh. 

«Oan  kia  theo  mai  v&i  tinh! 

«Mot  mlnh  minh  bîêt;  mot  minh  nûnh  hay! 

«Làm  cho  sông  doa,  thâc  dày! 
2675    «Boan  tnrÔTig  cho  hêt  kiêp  nây,  moi  thôi!> 

Giâc  duyên  nghe  noî  rung  rM! 

«Mot  dM,  nàng  nhe!  Thirang  ôi!  c5n  gi?» 


1.  Litt.  :  <t(EUe  a  habité)  le  bleu  —  palais  —  dettx  —  foi»;  —  (elle  a  re- 
vêtu)  le  bleu  —  habit  —  deux  —  fois». 

Le  poète  se  sert  de  la  répétition  du  mot  *  thanh  —  Ueu  ou  wsH*  pour 
faire  ressortir,  en  les  opposant  Tune  à  Tautre,  les  deux  situations  malheu- 
reuses et  infimes  par  lesquelles  a  passé  son  héroïne. 

2.  <Au  milieu  de  dangers  terribles,'* 

3.  «en  entrant  à  son  service  elle  s^est  mise  à  la  merci  d^une  personne  cmeQe*^ 

4.  C'est  la  continuation  de  la  même  idée.  —  A  la  place  du  caractère 
Jl^  qui  termine  ce  vers,  il  faut  lire  ^.  —  TfJ^  ^  &  Thûy  tinh  cung 
est  le  nom  du  palais  du  Neptune  chinois. 

5.  L'idée  contenue  dans  ce  vers  ne  doit  pas  être  prise  à  la  lettre.  <  Song 
doa  thàc  dày»  n'est  en  réalité  qu'une  formule  exprimant  Tachamement  avec 
lequel  la  mauvaise  fortune  poursuit  Tûy  kiêu. 

6.  Tarn  hap,  qui,  en  sa  qualité  de  prophétesse,  emploie  des  expressions 
obscures,  joue  ici  sur  le  mot  ^fejj  kiep.  Ce  caractère  exprime  proprement 


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Kl  M  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  205 

«Elle  s'est  prostituée  deux  fois;  deux  fois  elle  a  été  esclave  '. 

«Au  milieu  d'un  cercle  de  lances,  parmi  des  épées  nues  et  levées', 

«sous  les  dents  du  tigre  et  du  loup,  elle  s'est  faite  servante 3, 

«Au  sein  d'un  coumnt  rapide,  au  milieu  des  flots  agités,  2670 

«  devant  la  gueule  du  dragon  et  des  poissons  féroces  elle  s'est  pré- 

>cipitée  dans  les  domaines  du  Koi  des  eaux*. 
«Ces  malheurs  là  sont  toujours  la  conséquence  de  nos  passions! 

«Seuls  nous  nous  connaissons,  seuls  nous  savons  ce  qui  nous  con- 


>  cerne 


«C'est  pourquoi,  maltraitée  pendant  sa  vie,  après  sa  vie  exilée*, 


le  destin  vengeur  la  poursuivra  jusqu'au  terme  de  cette  existence  2676 
(malheureuse),  et  (tout  alors)  prendra  fin«!» 
A  ces  mots  Gfidc  duyên  trembla! 

«(Pauvre)  femme!  »  s'écria-t-elle,  «que  te  réserve  encore  cette  seule 
»vie'?» 


une  ère,  un  cycle,  une  période;  mais  on  le  prend  aussi,  surtout  en  composi- 
tion, comme  désignant  la  durée  d'une  existence  humaine,  passée  ici  bas  ou 
ailleurs.  C'est  ainsi  que  Ton  dit  «iâS  ^tj^  màn  kiip  —  toute  la  vie»; 
ife  4v  tS  ^^^  ^P  ^^^  —  pcuaer  à  une  auire  vie».  Enfin  il  signifie 
€êouffrance8».  La  prophétesse  donne  à  entendre  à  la  fois  dans  le  vers  2675 
que  le  destin  condamne  Tûy  kiêu  à  des  épreuves  répétées,  soit  jusqu'à  la 
fin  de  sa  vie,  soit  jusqu'à  la  fin  du  siècle  ou  du  cycle,  soit  enfin  jusqu'à 
ce  qu'elle  ait  passé  par  toutes  les  sôuflfrances  qu'il  lui  faut  supporter  pour 
expier  les  fautes  d'une  existence  antérieure.  C'est  à  mon  sens,  dans  cette 
dernière  acception  qu'il  faut  prendre  ici  le  caractère  ^feg. 

7.  Litt.  :  ^(Dana)  une  seule  —  vie,  —  jeune  femme,  —  cUnai,  —  hélas!  — 
tZ  y  aura  encore  —  quoi  f  » 

Pour  saisir  complètement  l'idée  contenue  dans  ce  vers,  il  est  nécessaire 
de  se  rappeler  que  le  poète  est  bouddhiste,  et  croit  à  la  pluralité  des  exis- 
tences. —  Nhe  est  une  expression  tonkinoise  qui  répond  au  ^làm  vây» 
exclamatif. 


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206  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

SiT  rang  :  «Song  châng  hë  chî! 

«Nghîêp  duyên  cân  lai,  nhâc  di  côn  nhiêu! 
2680    «Xét  trong  toi  nghîêp  Tûy  kiiu, 
^       «Mac  dêu  finh  ai;  khôî  dêu  ta  dâm. 

«Lây  tinh  thâm,  trâ  tinh  thâm! 

«Bân  mînh  dâ  dông,  hiêu  tâm  dên  Trôi. 

«Hai  mot  ngirM,  ciïu  muôn  ngirirî! 
2685    «Biêt  dirÔTig  khinh  trong,  biêt  loi  phâi  châng. 

«Thèa  công  diîrc  ây  ai  bâng? 

cTùc  khiên  dâ  rfra  nrng  nmg  sach  roi! 

«Khi  nên,  Trôi  cùng  chiu  ngirôi! 

«Nhe  nhàng  nçr  tradc,  dën  bôi  duyên  sau. 
2690    €  Giâc  duyên!  Dâu  nhd  ngâi  nhan, 

1.  Lîtt.  :  «  (Si)  êon  héritage  (de  màUieurê)  —  et  (êa)  deêtinée  an^vgoie  — 
Bont  pesée  ensemble,  —  le  être  déplacé  (la  différence  de  niveau  résultant  de  Vk- 
égaUté  des  poids)  —  est  encore  —  beaucoup*, 

Tarn  hqp  vent  dire  par  là  que  le  bonhenr  conjugal  réservé  à  notre  hé- 
roïne dépassera  de  beaucoup  les  peines  qu'elle  est  condamnée  à  sonffnr. 

2.  Litt.  :  «  EUe  est  sous  le  coup  de  —  la  chose  —  de  la  passion  —  ffliwio', 
—  elle  échappe  à  —  la  chose  —  de  la  luxure*, 

3.  Litt.  :  €EUe  connaU  —  la  voie  (le  côté)  —  du  futile  —  et  de  tinfor- 
tant,  —  elle  connaU  —  les  paroles  —  de  oui  —  ou  non  (vraies  ou  fausse»)*' 

Les  mots  «  ^^  J^  phài  chàng  >  correspondent  en  annamite  pur  à  1* 

locution  chinoise  «^  ^  thi  phi*. 

4.  Litt.  :  «  ....  «e  pencJie  vers  V homme*. 


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1 


KiM  yAn  ïafiu  tAn  teutên.  207 

«K'en  ayez  sûnci,  cependant!  »  lui  dit  alors  la  religieuse, 

«(Le  bonheur  de)  son  union  future  lemporteni  de  Vancoup  snrBon 

>  héritage  d'infortune  ^ 
«  En  ooosidéraût  le  destm  de  la  malheureuse  Tâ^  Ktiu,  2680 

«je  la  vois  désormais)  enlacée  dans  les  liens  de  Tamaur  conjugal; 

>mais  elle  est  affrancliie  de  ceux  des  plaisirs  impurs^, 
«et  sa  profonde  affection  de  retour  sera  payée* 

<En  se  vendant  elle  a  ému  le  Ciel,  et  son  coeur  filial  s'etrt  élevé  jas- 
*  qu  à  lui. 

«  Eu  causant  la  mort  d'un  homme  elle  en  a  sauvé  dix  mille! 

tElle  sait  distinguer  Flmportant  du  futile  et  dîseerner  le  vrai  du  2686 
3  faux  ^, 

*C^  mérite«j  ces  vertus^  qui  pouiTait  les  égaler? 

«Elle  a  lavé  jusqu'à  la  deniière  de  s^  taches  antérieures! 

«Le  Cielj  quand  il  y  a  lieu,  vient  aussi  eu  aide  à  rbomme^l 

«Elle  a  compeifâé  ses  dettes  primitives  par  Tamour  qui  les  a  suivies  \ 

«0  Gide  duyên!  ù  tu  te  souviens  de  votre  affection  mutuelle^  2690 

Ô.  Litt  :  ■  (Fmtr)  alU^er   —   la  deiie  -^  éTauptiraimjU    —  eÏÏe  a  ûmnpmi^é 

€e  vers  a  deux  Bens.  On  peut  reutendro  ainsi  :  «EUs  a  conipeiiAé  lei 
/ftul«  cofjimUfet  daft9  nne  exUtsJtcc  atUérieurc  par  ta7Jiour  quelle  a  conçu  d<ins 
oifc  via  (pour  Kim  Trongjw;  ou  bien  encore  considérer  le  second  verbe 
(dên  hoi)  comme  étant  an  fntur,  et  traduire  comme  il  suit  ;  *  Elle  rtickht^a 
*et  premièrÈn  Jhut^  (celles  qutlle  a  dé^à  ctmimiëêx  dfifu  aa  préseiût  exUlc^^ce)  par 
^<mmur  et  le*  v^iua  qu^elle  mamfe^lera  îorsfjil'ÉUe  aura  été  unie  (à  ami  fiancé)  ». 

J(^  peesM;  qu'au  doit  s'attîtelier  de  préftTt'nce  à  lit  prewiêrc  do  ces  deux 
lûterprétatioris  purce  qu'elle  s'accorde  mieux  avec  le  cuntexte  de  tout  le 
P^*^iige^  dans  lequel  se  fuit  jour,  coiume  dans  tout  le  reste  du  poème,  l'idée 
iwaddhîque  de  Tespiatioii  dans  le  coura  de  la  vie  actuelle  des  tantes  cora- 
ûiisea  ikua  une  existence  antérieure. 


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208  KIM  vAN  KIËU  tan  TRUYÊN. 

<  Tien  âwàng  thâ  mot  vî  lau  nrô-c  ngicM! 

«Tnrdc  sau  cho  ven  mot  IW! 

«Duyên  ta;  ma  cûng  phirdc  TrM  chi  không?» 

Giâc  duyên  nghe  nôî  mâng  long; 
2695    Lan  la  tlm  thù  bên  sông  Tien  dubng. 

Dânh  tranh,  nh6m  nâu  thâo  dirông 

Mot  gîan  niidc  biec  mây  vàng  chia  dôî. 

Thuê  nàm  ngu*  phu  hai  ngirM  ; 

D6ng  thuyën,  chu-c  bên,  kêt  chài,  giâng  sông. 
2700    Mot  15ng,  châng  quân  mây  công; 

Khéo  trong  gâp  gô*,  cûng  trong  chuyén  van! 

Kiêu  tu*  gieo  xuông  d5ng  ngân, 

Nirdc  xuôi  bông  dâ  trôi  dan  tan  nai. 

Ngir  ông  kéo  lirô*!  vôt  ngnM; 


1.  Litt.  :  *  (Il  y  a)  le  destin  —  de  nous;  —  mais  —  aussi  —  les  bienfaits 

—  du  CHel  —  en  quoi  —  n^ existent-ils  pasf» 

Không  est  ici  le  verbe  négatif  d'existence. 

2.  Litt.  :  «  (En)  un  —  intervalle  —  d'eau  —  azttrée  —  (et)  d'osiers  —  jaunes 

—  elles  formèrent  la  séparation  —  en  deux*. 

On  peut  entendre  aussi  ^mây  vàng»  dans  le  sens  de  €  nuages  jaune*»  ou 
*  nuages  d'or»,  expression  figurative  qui  désigne  la  petite  pagode  construite 
sur  le  bord  du  fleuve  par  les  deux  religieuses. 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên.  209 

€  sur  le  TteVi  âuimg  abandonne  au  courant  une  nacelle  pour  la  re- 

»  cueillir! 
«Pour  tout  te  dire  en  un  mot, 

«nous  avons  notre  destinée,  mais  le  Ciel  a  ses  bienfaits  M  > 

A  ces  mots  GUc  duyên  en  son  cœur  se  réjouit 

et  dirigea  peu  à  peu  ses  pas  vers  le  fleuve  lïen  dubug.  2695 

Avec  du  chaume  elle  fit  une  cabane,  dans  laquelle  elles  s'instal- 
lèrent 
au  bord  des  eaux  bleues,  sous  les  osiers  jaunes  2. 

Elles  louèrent  à  Tannée  deux  pêcheurs 

qui  construisirent  un  bateau  et  attendirent  près  de  la  rive,  après 
avoir  tendu  en  travers  du  fleuve  leurs  deux  filets  mis  bout  à  bout. 
D'un  seul  cœur,  sans  s'épargner,  ils  affrontèrent  bien  des  fatigues.  2700 

Si  le  hasard  leur  donna  le  succès,  la  cause  en  fut  aussi  dans  le  re- 
tour des  chances  favorables  ^. 
Après  que  KiSu  se  fut  précipitée  au  sein  des  ondes  argentées, 

soudain  un  courant  favorable  près  de  ce  lieu  la  porta  doucement. 

Les  pêcheurs,  amenant  leurs  filets,  la  tirèrent  hors  de  l'eau. 


3.  Lîtt.  :  «  (Si)  le  fait  dCêtre  habile,  —  fut  daru  —  le  rencontrer  (par  ha- 
eard),  —  aussi  —  il  fut  —  dans  —  la  révolution  des  choses*. 

L'expression  «  ÉÉl  jfi  chuyèn  vân»,  litt.  :  €  tourner  —  la  bonne  chance* 
indique  cette  révolution  des  choses  par  laquelle,  suivant  les  croyances  chi- 
noises, le  Ciel  fait  succéder  la  bonne  fortune  à  la  mauvaise.  Cette  con- 
ception se  rapproche  singulièrement  de  celle  de  la  roue  de  la  fortune  chez 
les  anciens,  maïs  avec  cette  différence  capitale  que  cette  dernière  était  ré- 
putée aveugle,  tandis  que  le  Ciel  ou  «  J[^  *|fe  Thuang  de*  des  Chinois 
est  réputé  diriger  et  gouverner  toutes  choses  avec  une  infaillible  sagesse. 

14 


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210  KIM  VAN  KIËU  TAN  TRUYÊN. 

2705    Grâm  loi  Tarn  hqp  r5  mirôi  châng  ngoa! 

Trên  mai  ir(H  lot  âo  là; 

Tuy  dam  hoi  mTÔ-c,  chù-a  16a  bông  gcrong. 

Giâc  duyên  nhin  thîêt  mât  nàng; 

Nàng  c5n  thîêp  thiêp  ;  giâc  vàng  chèa  phai. 
2710    Mo*  màng  phâch  que  hôn  mai, 

Bqm  tien  thoât  lai  thay  ngirfri  ngày  xira! 

Rang  :  «Toi  dâ  c6  long  chJr; 

«Mât  công  dâ  mây  nâm  thihi  ô*  dây! 


1.  Litt.  :  €(Oiàc  dut/ên)  réfléchit  que  —  le»  paroles  —  de  Tcm  hap  — 
étaient  claire»  —  quant  à  dix  (parties)  —  et  ne  pas  —  présentaient  éPexagi- 
ration*, 

2.  Litt.  :  «  Quoiqu^  —  elle  edt  été  trempée  dans  —  riialeine  —  de  teaUj  " 
pas  encore  —  était  éblouie  —  V ombre  —  du  miroir*. 

Les  figures  de  ce  vers  sont  extraordinairement  cherchées,  et  l'auteur, 
comme  cela  lui  arrive  assez  souvent,  y  sacrifie  la  clarté  à  Tamour  du  pa- 
rallélisme. Il  compare  la  beauté  de  Tuy  kiSu  à  la  pureté  d'un  beau  mirw. 
Lorsqu'un  miroir  est  bien  pur,  il  reflète  parfaitement  l'image,  ou,  d'après 
la  manière  de  parler  des  Annamites,  Vombre  (bong)  des  objets  placés  en 
face  de  lui.  Si  on  le  ternit  en  y  projetant  son  haleine,  l'image  devient 
aussi  confuse  qu'elle  le  serait  pour  un  œil  ébloui  par  les  rayons  du  soleil.  De 
là  l'emploi  du  verbe  ^loà  —  éblouir».  Comme  la  figure  contenue  dans  le  se- 
cond hémistiche  a  besoin  d'être  complétée  par  l'intervention  du  mot  «*<»' 
—  haleine*,  le  poète  ne  se  fait  aucun  scrupule  d'attribuer  cette  haleine  i 
l'eau,  qui  est  censée  l'avoir  projeté  sur  le  beau  miroir  (Tuy  kHu)  submergé 
dans  son  sein;  et  l'emploi  de  ce  substantif  est  d'autant  plus  justifié  à  ses 
yeux,  qu'il  cadre  parfaitement  avec  €bônff  —  ombre*,  qui  occupe  la  place 
correspondante  dans  l'autre  hémistiche.  Le  vere,  constitué  ainsi,  est  obscur 
pour  nous;  mais  il  constitue,  selon  les  idées  des  Annamites  sur  la  poéae, 
un  modèle  du  genre,  à  cause  du  parfait  parallélisme  qui  existe  entre  les 


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KiM  vAn  kiêu  tAn  truyen. 


211 


et  (Gide  duyên),  en  elle-même,  réfléchit  sur  TinfaillibUité  ^  des  pré-  2705 

dictions  de  Tam  hap, 
Snr  la  courerture  humide  da  bateau  on  la  dépouilla  de  ses  vête- 

menU  de  soie. 
Le  séjoor  dans  Fean  n'avait  pas  encore  altéré  la  splendeur  de  sa 

beauté  K 
Gide  duyên  reconnut  le  visage  de  la  jeune  femme; 

(raais)  elle  restait  immobile  et  son  sommeil  ^  ne  cessait  point. 

Pendant  que  son  corps  et  son  âme  y  demeuraient  plongés  encore^,    2710 

elle  TÎt  Êout-à-coup  cette  Bqm  tien  qui  jadis  (lui  était  apparue)  *. 

EUe  disait  :  «J'avais  voulu  f attendre; 

«mais  depuis  bien  des  années  ici  j'ai  perdu  ma  peine ^! 


deux  hémistiches  au  double  point  de  vue  de  la  valeur  grammaticale  des 
mots  et  de  la  nature  des  idées. 

3,  ^Vhng*  n'est  autre  chose  qu'une  épithète  poétique  comme  les  mots 
<çiK*  et  %mai*  du  vers  suivant. 

4,  Litt*  ;  *  (Fenddint  qujelle  était  as90upie  —  quant  à  son  phâch  —  de  que 
^-  et  à  ton  hon  —  de  mai,  9 

5,  Lîtt.  :  *.  ,  *  .  -Jo  personne  —  des  jours  —  d'autrefois». 

6*  Litt.  :  *  (Le  faU  de)  perdre  —  (ma)  peine  —  a  duré  maintes  —  années 
^  d,  plus  —  ici/» 

Pour  comprendre  Vidéo  de  l'auteur  il  faut  savoir  que  les  Annamites 
regardent  les  pcj-sonnea  qui  ont  une  destinée  semblable  comme  étant  de 
la  même  famille.  Tû^  ki^u  vi  Bam  tien  sont  toutes  deux  des  «condamnées 
du  destin  fâoan  îruro^g)  »,  et  elles  ont  passé  par  les  mêmes  situations  pendant 
Je  cours  de  leur  existence.  Ce  sont  donc  vraiment  deux  sœurs,  et  il  est 
naturel  que  la  première,  qui  est  morte,  attende  la  seconde  au  lieu  même  où 
cette  dernière  doit  mourir  afin  de  lui  être  plus  tôt  réunie. 

Ou  peut  voir  encore  dans  ce  vers  l'expression  d'une  des  superstitions 
du  fmys.  Ou  croit  en  Coehinchîne  qu'il  existe  dans  l'eau  une  espèce  de 
dèiuou  qui  a  horreur  de  la  solitude  et  cherche  constamment  à  s'adjoindre 
un  compagnon.  Bam  iîm,  qui,  pour  avoir  mal  vécu,  est  devenue  l'un  de 
ces  mauvais  esprits,  avait  d'abord  pensé  que  Tûy  kOu  serait  condamnée 
à  la  niCiuL-  situation  après  aa  mort,  et  deviendrait  peut-être  sa  compagne. 

14* 


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212  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

«CM  sao  phân  mông  dite  dày? 
2715    «Kiêp  nây,  cùng  vây!  Long  nây,  de  ai? 

«Tarn  thành  dâ  thâu  dên  Trfri! 

«Bân  minh  là  hiëu;  cihi  ngirôi  là  nhân! 

«Mot  minh  vi  nirô-c,  vi  dân, 

«Dirang  công  nMc  mot  dông  cân  dâ  già. 
2720    «Boan  tririmg  sô  rut  tên  ra! 

«Boan  trir&ng  thira  phâi  nghinh  ma  gîâ  nbaa! 

«Côn  nhiëu  hirang  tlio  vë  sau. 

«Duyên  xira  trôn  trân;  plurdc  sau  dôi  dào!» 

Nàng  c5n  ngo*  ngân,  blet  sao? 
2725     Trac  tuyên  nghe  tiêng  goî  vào  bên  tai. 

Giui;  minh,  thoât  tinh  gîâc  mai. 

Bâng  khuâng,  nào  dâ  biet  ai  ma  nhin? 

Trong  thuyën  nào  thây  Bava  tien? 


1.  Litt.  :  €  Ma  sœur  a%née  —  comment  —  (étaU-élU  une  personne  de)  êoH 

—  mmce  —  (et)  de  vertu  —  épaisse  f* 

2.  Litt  :  €  (Qtumt  à)  celle  vie,  —  toitt  aussi  bien   ^  elle  a  été  sembhbUi 

—  ce  comr  —  comment  serait  —  U  facile  que  —  quelquCun  —  V^tf* 
L'adverbe  ««/2y»  devient  ici  adjectif  par  position.  —  «Z^»  est  poor 

«Ad  cfô».  —  Le  verbe  dont  le  pronom  «oî>  est  le  sujet  est  sons-entenda. 

3.  Le  poète  emploie  ici  le  nom  du  principe  mâle  CBr  dvfmg  avec  le 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAn  IT^UYÊN.  213 

»  ô  ma  scËur!  comment  ce  triste  sort  put-il  échoir  à  ta  grande  vertu  ^  ? 

*  (Jette  tICj  je  i'aî  vécue!  mais  ce  cœur,  qui  peut  Tavoir^?  2715 

«Tes  geDtimeEts  siucêreB  et  fidèles  ont  pénétré  jusques  au  Ciel! 

cEb  te  vendant,  tu  pratiquas  la  piété  filiale;  et  en  sauvant  tes  sem- 

»  blables>  tu  en  agis  avec  humanité. 
«A  toi  seule  (tn  as  travaillé)  pour  TÉtat  comme  pour  le  peuple, 

*et  !e  Cîelj  dans  ses  balances,  (en  ta  faveur)  a  enlevé  un  poids  dé- 

»  sonnais  devenu  excessif^. 
«Sur  la  liste  des  infortunées  ton  nom  a  été  effacé!  2720 

<  (Pour  moi),  condamnée  au  malheur,  j'ai  dû  ici  venir  à  ta  rencontre 

^afin  de  te  dire  adieu! 
«La  viej  dans  lavemi,  te  garde  encore  des  jouissances  nombreuses. 

«Dans  f amour  jadis  tu  fus  accomplie;  ton  bonheur,  plus  tard,  doit 

> être  abondant!» 
Encore  étourdie,  la  jeune  femme  ne  savait  à  quoi  s'en  tenir 

lorsqu'eQe  entendît  résonner  à  son  oreille  une  voix  qui  appelait  Trac  2726 

Elle  tressaillit  et,  soudain^  elle  sortit  de  son  sommeil^. 

Toute  confuse,  eUe  regardait  sans  reconnaître  personne. 

N'avait-elle  donc  point  vu  Bam  Tien  dans  cette  barque? 


sens  eontenu  dans  la  définition  scientifique  qu'en  donnent  les  Chinois*,  à 
savoir  :  ^Ct  qui  opère  le  fjon  travail  du  ciel  et  produit  toutes  choses  au  dehors  9. 

Le  poids  des  fautes  de  Tû^  hiêu,  d'abord  considérable,  enti'ahiait  le  plateau 
de  la  bîilanee;  mais  les  sentiments  élevés  qu'elle  a  manifestés  par  la  suite  et 
Ui&  u*.ilik'ij  actions  qu'elle  a  faites  ont  touché  le  Ciel,  qui  a  rétabli  l'équilibre 
tu  m  faveur, 

L  Litt  ;  «. . ,  ,  de  son  sf^vmeU  de  Mai.» 


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214  KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

Bên  minh  chî  thây  Giâc  duyèn  ngôi  kê! 
2730    Thây  nhau,  mirag  ra  trâm  bëj 

Don  thuyën,  moi  rade  nàng  vê  thâo  lir. 

Mot  nhà  chung  cha  sdm  trira. 

Gi6  trâng  mât  mât;  muôi  dira  chay  long. 

Tir  bë  bât  ngât,  mênh  mông! 
2735    Triëu  dâng  hôm  sôm;  mây  long  tnrôtî  san! 

Nan  xira  tr6t  sach  làu  làn; 

Duyên  xira  chira  de  biêt  dâu  chôn  nây? 

Nôi  nàng  tai  nan  dâ  dây; 

Nôi  chàng  Kim  trong  bây  chay  moi  thirong! 
2740    Tù"  ngày  muôn  dâm  tri  tang, 

Nèa  nâm  ô*  dât  Lieu  dicang;  lai  nhà. 

Vôi  sang  vrrÔTi  tùy,  db  la; 

Nhin  phong  cânh  eu,  nay  dà  khâe  xira! 


1.  Litt.  :  €(Sous  le)  vent  —  (et)  la  lune  —  elles  rafra%chi»8a%ent  —  (lemr) 
vwage;  —  (avecj  du  sel  —  felj  des  légumes  —  elles  faisaient  jeûner  —  leur  eœur». 

Par  Teffet  du  parallélisme  le  verbe  neutre  €chay  —  jeûnera  devient 
actif  comme  €niât  —  rafratchir»  qui  lui  correspond  dans  le  premier  hémis- 
tiche. 

2.  Pour  elles  les  heures  du  jour,  uniformes  et  toujours  les  mêmes,  se 
succédaient  comme  les  phénomènes  naturels  dont  parle  le  poète. 


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KIM  VÂN  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  215 

Et  voilà  pourtant  que^  seule;  Gide  duyên  était  à  son  côté! 
A  la  vue  l'une  de  l'autre  elles  furent  transportées  de  joie,  2730 

et  (la  bonzesse);  préparant  son  bateau ,  conduisit  KiSu  à  sa  chau- 
mière. 
Elles  y  passèrent  ensemble  les  jours  en  mettant  tout  en  commun. 

Elles  demeuraient  en  plein  air  et  pratiquaient  Fabstinence  en  vivant 

de  sel  et  de  légumes  ^ 
Partout  un  pays  inconnu  et  triste!  (autour  d'elles)  l'immensité! 

Matin  et  soir  le  courant  montait  ;  devant,  derrière,  volaient  les  nuages  \  2735 

Des  malheurs  d'autrefois  il  n'était  plus  question  3; 

(mais)  l'ami  d'autrefois,  où  était-il  maintenant  ^? 

La  mesure  de  l'infortune  pour  Kieu  était  comblée; 

(mais)  pour  ^m  trong,  jusqu'à  ce  moment  il  fut  digne  de  compassion! 

Depuis  les  jours  de  son  voyage*,  alors  qu'il  avait  pris  le  deuil,  2740 

il  séjourna  la  moitié  d'une  année  dans  le  pays  de  Lieu  du(mg\  en- 
suite il  retourna  dans  sa  demeure. 

D  s'empressa  de  se  rendre  au  jardin  de  fleurs  et  de  prendre  des  in- 
formations; 

mais  en  considérant  ce  paysage  (qu'il  avait  vu)  naguères,  il  y  trouva 
de  grands  changements  ! 

3.  Litt.  :  «Xc«  malheurs  —  d^autrefoia  —  complàenient  —  étaient  nets  — 
tout'à-fait,  » 

4.  Litt.  :  <  (Quant  à)  V amour  —  d'autrefois^  —  pas  encore  —  U  était  facile 
de  —  savoir  —  U  était  oh  —  dans  ce  lieu-ci  t^, 

5.  Litt.  :  €  Depuis  —   les  jours  de  —   Cçf*<i'nt  aux)  dix  mille  —   dam  — 
avoir  pris  le  deuil,* 


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216  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYfN. 

Bây  VTTÔTi  cô  moc,  lau  thua. 
2745    Song  trâng  quanh  que;  vâch  mua  râ  rôi! 

Trirô-c  sau  nào  thây  bông  ngiriri? 

Hoa  dào  nâm  ngoâi  c6n  cnW  giô  dông; 

Que  hoa  en  lanh;  nrimg  không; 

Cô  lan  màt  dât;  rêu  phong  dâu  giày! 
2750    Cuôi  Urimg  gai  gôc  moc  dây; 

Bi  ve  nây  nhiïng  loi  nây  nâm  xu^! 

Dông  quanh  lanh  ngât  nhu*  tir! 

N5i  niëm  tâm  sir,  bây  giô*  hôi  ai? 

Lâng  riëng  c6  kè  sang  choi; 
2755    Lan  la  se  hôi  mot  hai  sw  tinh. 

Hôi  ông,  ông  mâc  tung  dinh; 

Hôi  nàng,  nàng  dâ  bân  mlnh  chuôc  cha. 

Hôi  nhà,  nhà  dâ  dôi  xa; 

1.  Litt.  :  €  La  fenêtre  —  de  lune  —  était  déserte;  —  le  tnttr  —  de  pluie 
—  était  eff<mdré9. 

Les  mots  ^tràng  —  lune»  et  «mira  —  pluie*  sont  ici  des  épithètes 
poétiques  appliquées  aux  substantifs  qu'elles  qualifient  d'après  Tusage 
auquel  servent  les  objets  dénommés  par  ces  derniers.  La  fenêtre  laisse, 
le  soir,  passer  les  rayons  de  la  lune,  et  la  muraille  empêche  la  pluie  de 
pénétrer  à  l'intérieur. 


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TW^ySi»  »i?^ 


KiM  vAn  kiêu  tAn  truy|n.  217 

Uherbe  avait  crû,  remplissant  le  jardin;  des  joncs  clair  semés  (y 

poussaient). 
La  fenêtre  était  déserte,  les  murailles  étaient  eflFondrées  K  2745 

De  traces  d'homme  nulle  part^! 

Les  fleurs  du  Bào  de  Fan  passé ^  riaient  encore  à  la  brise  de  l'Est; 

(mais)  plus  d'hirondelles  errantes  parmi  les  canelliers  en  fleurs^  !  une 

charpente  nue  et  vide! 
Un  tapis  d'herbes  couvrait  le  sol,  et  la  trace  des  pas  s'imprimait  dans 

la  mousse. 
A  l'extrémité  du  mur  croissait  un  fourré  d'épines;  2750 

mais  c'étaient  bien  là  les  sentiers  où  (tous  deux)  jadis  allaient  et 

venaient! 
Un  sDence  de  mort  régnait  aux  alentours^! 

Qui  questionner,  maintenant,  sur  ce  qui  occupait  son  cœur? 

* 

Quelques  personnes  du  voisinage  venaient  là  dans  leur  promenade. 

(Trucmg),  peu  à  peu,  fit  leur  connaissance,  et  put  glisser  quelques  2755 

mots  sur  ce  qui  causait  son  souci. 
U  s'informa  du  vieillard,  (et  sut  qu')il  avait  été  victime  d'un  procès; 

de  Kiêu;  on  lui  dit  qu'elle  s'était  vendue  afin  de  racheter  son  père; 

de  la  famille;  il  apprit  qu'elle  avait  émigré  au  loin. 

2.  Litt.  :  €  Devant  —  (et)  derrière  —  est-ce  qu*  —  on  aurait  vu  —  ombre 
—  d'hommes  f» 

3.  Celui  par  dessons  lequel  7%  kieu  avait  aperçu  Kim  trong  franchissant 
la  muraille  de  son  jardin. 

4.  Le  mot  *lanh^  a  en  annamite  une  significaticm  plus  étendue  que  le 
mot  *  froid»  qui  lui  correspond  en  français.  Il  implique  souvent  comme 
ici  une  idée  de  vide,  d'absence,  d'abandon. 

5.  L'auteur  a  déjà  usé  de  cette  métaphore  au  commencement  du  poème. 


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218  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Hôi  chàng  Vnxmg  vuôî  cùng  là  Téy  vân. 
2760    Bëu  là  sa  sût  kho  khàn, 

Thuê  mai,  bân  viêt,  kiêm  an  lân  hôi. 

Bëu  dâu?  Sét  dânh!  Lirng  trM! 

Thoât  nghe,  chàng  thôt  rung  rôi  xiêt  bao? 

Voi  han  d6i  trù  noi  nào; 
2765    Bânh  dnông,  chàng  moi  lim  vào  tan  noi. 

Nhà  tranh,  vâch  dât  ta  toi. 

Sâo  rêu  rèm  nât;  tnràc  gài  phên  thira. 

Mot  sân  dât  cô  dam  mua. 

Càng  ngao  ngân  nôi,  càng  nga  ngân  dirirag! 
2770    Bânh  lieu,  lên  tîêng  ngoàî  tirô-ng. 

Chàng  Vuang  nghe  tiêng,  voi  vàng  chay  ra. 

Dâc  tay,  voi  nrô-c  vào  nhà. 

1.  Litt.  :  « à  manger  —  pour  vivre  au  jour  le  jour*. 

Chez  un  peuple  aussi  profondément  épris  de  la  littérature  que  les 
Chinois,  le  pinceau,  qui  sert  à  tracer  les  caractères,  est  considéré  comme 
un  objet  des  plus  précieux.  C'est  par  suite  de  cette  idée  que  le  poète 
lui  donne  ici  le  nom  de  Tarbuste  Mai,  qui  est  considéré  par  les  Annamites 
comme  Temblème  de  Félégance  et  de  la  distinction  suprêmes. 

2.  Litt.  :  €( Quant  à  cette)  chose,  —  oh  (pouvait- on  voir  quelque^ ehoie  de 
pareil)  f  —  La  foudre,  —  frappant,  —  mettait  en  fracas  —  le  ciel». 

Les  mots  ^Dêu  ââuf»  constituent  une  ellipse  dont  le  développement 
est  celui  que  je  donne  dans  cette  explication  littérale.  —  Bien  que  l'ex- 
pression €  mettre  en  fracas»  ne  soit  pas  usitée  dans  notre  langue,  je  crois 


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?!r^ 


KIM  vAN  KIËU  tAn  TRUYÊN.  219 

Il  se  renseigna  de  même  sur  Vuang  et  sur  Tûy  van. 

Tous  étaient  tombés  dans  la  pauvreté!  2760 

Pour  soutenir  leur  précaire  existence  ib  louaient  leur  pinceau,  ils 

vendaient  leur  écriture  K 
Quelles  nouvelles!  quel  coup  de  foudre^! 

Aussitôt  qu'il  les  eût  entendues  il  trembla,  qui  dira  combien? 

n  s'empressa  de  demander  quel  était  actuellement  leur  asile, 

et  se  mit  en  chemin  pour  aller  les  y  retrouver.  2765 

(H  vit)  une  chaumière  dont  les  murs  de  terre  tombaient  en  ruine. 

La  mousse  envahissait  les  stores;  les  claies  étaient  en  lambeaux; 

aux  cloisons  insuffisantes,  des  bambous  servaient  de  fermeture. 
(D  se  trouvait  dans)  une  cour  tapissée  d'herbes  détrempées  par  la 

pluie. 
Son  embarras  augmenta;  il  ne  savait  comment  agir^! 

S'armant  de  tout  son  courage,  il  appela  du  dehors.  2770 

Le  jeune  Vu<mg  l'entendit  et,  se  hâtant  d'accourir, 

il  lui  prit  la  main;  tout  empressé,  il  l'introduisit  dans  la  maison. 

pouvoir  l'employer  ici  pour  faire  mieux  ressortir  le  rôle  verbal   que  la 
position  donne  ici  au  substantif  <lteng  —  Jracaa», 

3.  Litt.  :  €De  plua  en  plus  —  il  était  indécis  —  (quant  à)  la  manih-e;  — 
de  plu»  en  plus  —  il  était  troublé  —  quant  à  la  voie  (la  façon)  ». 

Le  verbe  €ngao  ngân*y  qui  signifie  serrer  çà  et  là»  exprime  d'une 
manière  frappante  l'allure  d'une  personne  qui,  ne  sachant  comment  s'in- 
troduire dans  une  maison  fermée,  se  dirige  indécise  dans  toutes  les  direc- 
tions en  cherchant  à  qui  parler.  Malheureusement  cette  manière  d'être  que 
l'annamite  rend  en  deux  monosyllabes  ne  peut  s'exprimer  dans  notre  langue 
que  par  une  longue  périphrase. 


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220  KIM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Mai  sau  Viên  ngoai  ông  bà  ra  ngay. 

Khôc  than  kè  hêt  niëm  tây  : 
2775    «Chàng  ôi!  bîêt  nôi  nirô-c  nây  cho  chu»? 

^Kiêu  nliî  phân  mông  nhir  tfr; 

cMôt  loi  dâ  loi  t6c  ta  vuoî  chàng! 

«Gâp  cou  gia  bien  la  dirông, 

«Bàn  mlnh  n6;  phâi  tlm  duàng  cthi  cha! 
2780    cDùng  dâng  khi  birô-c  chcm  ra! 

«Gu'c  trâm  ngàn  n5i,  dàn  ba  bon  lân. 

cTrôt  loi  nàng  vnôi  lang  quân, 

«Mirçrn  con  em  n6  Tûy  vân  thay  loi; 

«Goi  là  giâ  chût  nghla  ngirôi. 


1.  Litt  :  «  Kiêu  —  (mcn)  enfant  —  a  une  deêUnée  —  mince  —  comme  — 
(une)  feuiUe  de  papier;  » 

Les  quatre  derniers  mots  du  vers  forment  par  position  un  verbe  com- 
posé dont  le  sujet  est  KiSu  nhi. 

2.  Litt.  :  «  (Quant  à)  une  —  parole  —  a  été  en  faute  9ur  —  le  cheveu  — 
et  la  êoie  —  avec  —  (voua),  mon  jeune  ami!» 

J*ai  donné  précédemment  Texplication  de  Texpression  *tôc  t^». 

3.  Litt.   :  €  Rencontrant  —  (un)  accès  —  de  de  famille  —  changement  — 
extraordinaire  —  (quant  à)  la  manière,» 

«  ^^  ^^  Gia  bien  »  est  une  expression  chinoise  qui  désigne  un  chan- 
gement survenu  dans  la  position  d'une  famille. 

4.  Litt.  :  «  Etant  à  bout  —  {quant  à)  cent  —  mille  —  droonêtemces,  —  éJe 
recommanda  —  trois  —  (et)  quatre  —  fois». 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TOUYÊN.  221 

Le  vieux  Vuang  ngoai  et  sa  femme  sortirent  aussitôt  de  la  chambre 

du  fond 
et  lui  ouvrirent,  en  pleurant,  leur  cœur. 

«ô  mon  jeune  ami!  (dit  Vvxfng)  saviez-vous  déjà  où  nous  en  sommes  2775 

>  réduits? 

«Ma  fille  Exëuj  victime  de  sa  triste  destinée^, 

«a  violé,  pour  tout  vous  dire  en  un  mot,  les  engagements  qu'elle 

>  avait  contractés  envers  vous^! 

«Notre  famille  ayant  essuyé  des  malheurs  peu  communs^, 

«Elle  se  vendit  elle-même;  car  il  fallait  trouver  un  moyen  de  sauver 

»son  père! 
«  Elle  Jiésitait  en  s'éloignant  d'ici!  2780 

«  Écrasée  par  la  douleur,  à  trois,  à  quatre  reprises  elle  (nous)  fit  ses 

»  recommandations  ^  ! 
«Comme  elle  avait  à  son  fiancé  fait  de  solennelles  promesses  s,» 

<  elle  chargea  sa  cadette  Tûy  vân  de  tenir  ses  serments  à  sa  place  ^. 

«Elle  voulait,  par  ce  moyen,  récompenser  votre  aflFection'. 


6.  Litt.  :  €  (Comme)  elle  avait  été  enUère  —  (quant  aux)  paroles  —  graves 

—  avec  —  (son)  époux,» 

L'expression  cHJ  3*  lang  quân»  ou  «yj*  3*  tài  quân»  signifie  en 
chinois  €tnari*.  Tûy  kiêu  considérait  déjà  Kim  trçng  comme  son  époux,  à 
cause  des  promesses  mutuelles  qui  les  liaient  Tun  à  Tautre.  Notre  langue 
n'admettant  pas  l'emploi  de  ce  terme  en  semblable  circonstance,  j'ai  dû 
m'abstenir  de  le  reproduire  dans  la  traduction. 

6.  Litt  :  «  EUe  emprunta  —  la  soeur  cadette  —  d^eUe  —  Tûy  Vân  —  pour 
remplacer  —  (ces)  paroles». 

7,  Litt.  :  €  (Ce  gui)  s'appelle  —  refndre  grâce,  —  un  peu  —  pour  Vaffeàtion 

—  de  Im  {le  fiancé,  c'est-à-dire  vous)». 

Voir  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  sur  le  caractère  optatif  de  l'expression 
<gçi  là». 


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222  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TEUYÊN. 

2785    cSâu  nây  dâc  dàc,  muôn  dôi  chû-a  quên! 

«Kîêp  nây,  duyên  dâ  phu  duyên; 

cDa  dài  con  biêt  se  dën  lai  sanh? 

«May  16i  ky  chù  dînh  ninh; 

«Ghî  15ng,  de  da;  cât  minh  ra  Si. 
2790    «Phân  sao  bac  bây,  Kiêu  nhi! 

iChàng  Kim  vë  dô;  con  thi  ô*  dâu?« 

Ông  bà  càng  nôî  càng  dau; 

Chàng  càng  nghe  n6i,  càng  xàn  nhn*  dira! 

Vât  minh;  châî  giô  tuôn  mn*a; 


1.  Litt.  :  «Ce  chagrin  —  sera  proUmgé  indifimment;  —  (aprhê)  dix  mUle 
—  vies  —  pas  encore  —  il  sera  oublié!  » 

2.  Litt.  :  «  (Sous)  de  la  nuit  —  la  plate-forme  —  encore  —  sait  (elle  si)  — 
elle  donnera  en  competisation  —  la  future  vief» 

On  lit  dans  le  :i^  ^  (Vol.  IV,  p.  13,  verso)  :  «j^  0  :j^  ^^ 
*^^  0  ^  ^  PA^n  vi^t  da  âài;  khoâng  vieft  chuàn  tich  —  Le  tombean 
»S*appel]e  *  terrasse  de  la  nuit*;  la  fosse  S'appelle  ^nuit  épaisse*. 

Commentaire  :  «Lorsqu'un  tombeau  est  élevé,  on  le  nomme  *i&phân*; 
>  lorsqu'il  est  recouvert  d'un  monceau  de  terre,  on  l'appelle  «tS  trûng*;  lors- 
»  qu'il  est  de  niveau  (avec  le  sol),  on  l'appelle  «^£  mô»,  terme  qui  tire 
»son  origine  des  pensées  et  des  regrets  affectueux  des  fils  et  des  petits 
»fils. 

«Sous  les  M|-  Bà,ng,  vj^  j^  Trétni  Bân,  âgé  de  quatre  vingts  ans, 
»  désigna  sur  une  digue  un  grand  arbre  et  dit  à  ses  serviteurs  :  <  Lorsque 
»je  mourrai,  vous  m'ensevelirez  ici».  Lorsqu'il  fut  parvenu  à  la  fin  de  ses 
»  jours,  au  moment  où  l'on  allait  creuser  la  fosse  on  rencontra  un  ancien 
»  tombeau.  Dans  l'intérieur  se  trouvait  une  lampe  antique,  et  sur  la  te^ 
>rasse  (^^  <^à%)  était  une  soucoupe  de  laque.  A  l'entrée  de  la  fosse  (on 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN.  223 

«Ce  chagrin  doit  durer  à  jamais  sans  soulagement  *  !  2785 

«Dans  cette  vie  Famour  a  manqué  à  Tamour; 
«après  la  mort,  par  sa  vie  à  venir,  lui  sera-t-il  donné  s'acquitter? 
«Elle  me  fit  de  point  en  point  toutes  ses  recommandations; 
«je  les  gravai  dans  mon  cœur^;  elle  se  leva  et  partit. 
«  0  Kieu!  ô  mon  enfant!  Pourquoi  ton  sort  est-il  si  cruel?  2790 

«Maintenant  Kim  est  de  retour;  mais  toi,  ma  fille  où  es-tu?» 
Plus  les  deux  vieillards  parlaient,  plus  leur  douleur  se  ravivait, 
et  plus  le  jeune  homme  écoutait,  plus  il  sentait  se  serrer  son  cœur^! 

n  se  jeta  sur  le  sol,  les  cheveux  épars,  versant  des  larmes  abon- 
dantes*, 

»vît)  une  tablette  de  bronze  (avec  rinscription  suivante  tracée  en)  carac- 
>tèreB  de  sceaux  (^^  "^  Truyèn  vàn)  :  *Vhew*euêe  cité  nuUrUenafU  est 
couverte 9,  (Mais)  bien  qu'elle  fQt  ouverte,  on  n'y  avait  enseveli  personne. 
»La  lampe  de  laque  n'était  pas  encore  éteinte;  on  l'avait  laissée  là  pour 
>y  attendre  la  venue  de  Trdm  Bân, 

«S|  Chuân*  a  le  sens  de  <JS  ^4^  —  large*\  *^S  ^ch*  signifie  *la 
*nuU».  On  veut  dire  (par  la  phrase  du  texte)  que  dans  l'intérieur  de  la 
> fosse  l'obscurité  est  épaisse  comme  celle  d'une  longue  nuit». 

3.  Litt.  :  *Je  le»  gravai  dan»  mon  cœur  et  le»  déjpoaai  dan»  mon  »ein9. 

4.  Litt.  :  €...,..  plu»  —  U  »e  flétri»»ait  —  comme  —  (font)  le»  légume» 
macéré»  dan»  le  vinaigre/ * 

5.  Litt.  :  « U  fut  peigné  —  (qtiant  au)  vent,  —  il  coula  en  abondance 

—  (quant  à)  la  pluie*. 

On  sait  que  les  cheveux  des  Annamites  sont  disposés  en  un  chignon 
qu'un  peigne  solide  maintient  sur  l'occiput.  Pour  exprimer  que,  dans  le 
désordre  de  sa  douleur,  Kim  trpng  a  les  cheveux  épars,  l'auteur  dit  poéti- 
quement qu'il  se  peigne  avec  le  vent,  autrement  dit  que  le  vent  s'y  joue. 
Il  compare,  en  outre,  les  larmes  de  son  héros  à  une  pluie  abondante. 


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224  KIM  VAn  KIÉU  TAn  TRUY^N. 

2795    Dam  de  giot  ngoc;  dât  dô*  hôn  mai! 

Dau  âhi  doan,  ngat  Sbi  hôi. 

Tînh  ra  lai  khôc,  khôc  roi  lai  me! 

Thây  chàng  dau  nôi  biêt  ly, 

Ngân  ngir  ông  moi  vô  vë,  lai  khuyên  : 
2800    cBây  giô*  vân  dâ  dông  thuyën! 

«Bâ  dành  phân  bac;  khôn  dën  tlnh  chung! 

«Quâ  thirang  chût  nghïa  dèo  b6ng! 

«Ngàn  vàng  thân  ây  thl  hong  bô  sao?» 

Dô  dành,  khuyên  giâi  trâm  chlu, 
2805    Lihi  phiën  khôn  dâp;  càng  khêu  moi  phiën! 

Thë  xira  dô*  dën  kim  huim; 

Cûa  xira  lai  dâ  dën  dim  vuôi  hiroiig. 

Sanh  càng  trôn  thây  càng  thirang; 

1.  Litt  :  «JZ  était  trempé  —  (quant  aux)  gouttes  —  de  pietTe  prédeute; 
—  il  était  errant  —  (quant  àj  —  Vâme  —  de  Mai*, 

2.  Litt.  :  «7Z  touffi'it  —  (quant  à)  plusieurs  —  tronçons  ...... 

Cette  métaphore  est  extrêmement  énergique.  La  personne  qui  souffre 
est  supposée  coupée  en  plusieurs  morceaux.  A  chaque  tronçon  détaché  de 
son  corps,  elle  endure  une  nouvelle  et  atroce  douleur. 

S.  Litt.  :  €,  ,  .  les  planches  —  ont  construit  —  le  bateau  (le  bateau  est  f<ùt, 
les  planches  y  ont  été  employées,  on  ne  peut  plus  s^en  servir  pour  un  autre  usage)  ». 

4.  Litt.  :  €  Il  est  dijficile  (impossible)  —  de  (vous)  payer  de  retour  par  — 
une  affection  —  commune  (teUe  que  celle  qui  existe  entre  époux)!* 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TROYlêN.  225 

et,  le  visage  trempé  de  pleurs,  il  tomba  en  défaillance^.  2795 

A  plusieurs  reprises  la  douleur  (le  terrassa)  2;  il  s'évanouit  à  plu- 
sieurs reprises. 

H  revenait  à  lui  et  pleurait;  il  pleurait,  puis,  de  nouveau,  il  tombait 
en  défaillance! 

En  voyant  la  douleur  que  causait  au  jeune  homme  cette  séparation, 

le  vieillard  le  flattait  de  la  main,  et  doucement  il  l'exhortait 

€  Maintenant  le  sort  en  est  jeté!  >  disait-iP.  2800 

«Son  malheur  n'est  (que  trop)  certain!  elle  ne  peut  vous  payer  de 

> retour  en  devenant  votre  compagne^  ! 
«Que  votre  liaison  est  digne  de  pitié! 

«Mais  allez- vous  détruire  ainsi  votre  précieuse  existence'^?» 

(Le  vieillard)  de  cent  façons  le  consolait,  l'exhortait  ; 

mais  il  ne  pouvait  éteindre  sa  douleur;  sa  tristesse  toujours  devenait  2806 

plus  profonde  «! 
On  lui  fit  voir  le  bracelet  d'or,  gage  du  serment  jadis  échangé; 

il  montra  les  présents  autrefois  reçus  :  l'instrument  de  musique  et  le 

brûle-parfums. 
Plus  le  jeune  lettré  les  contemplait  et  plus  il  souffrait  en  son  âme; 

5.  Litt.  :  «  De  mille  —  lingots  d'or  (valant  mille  lingots  d'or)  —  ce  corps- 
là  ......  Ce  premier  hémistiche  contient  une  inversion. 

6.  Litt.  :  *Le  /eu  —  de  (sa)  tristesse  —  était  di/jficile  (impossible)  à  — 
fouler  aux  pieds;  —  de  pltts  en  plus  —  (le  vieillard)  remontait  —  le  bout  {de 
mèche)  de  sa  tristesse!». 

Le  poète  assimile  la  douleur  de  Kim  trong  à  un  feu  teUement  vif  qu'il 
est  impossible  de  l'éteindre  en  le  foulant  aux  pieds.  Il  compare  l'effet  des 
exhortations  de  Vvcmg  ngoai  à  l'action  d'un  homme  qui,  au  lieu  d'éteindre 
une  lampe  en  soufflant  dessus,  en  remonterait  la  mèche  et  en  raviverait 
ainsi  la  flamme. 

15 


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226  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUY$N. 

Gan  càng  ttrc  toi;  raôt  càng  x6t  xa! 
2810    Rang  :  «Toi  trot  quâ  chou  ra 

«Bè  cho  dên  nôi  trôi  hoa  dat  bèo! 

«Cùng  nhau  thë  thôt  dâ  nhiëu! 

«Nhfrng  dëu  vàng  dâ  phâi  dëu  nôi  không? 

«Chira  chàn  gôi,  cûng  va  chông! 
2815    «L6ng  nào  ma  nô*  dirt  16ng  cho  dang? 

«Bao  nhiêu  cûa,  mây  ngày  dàng, 

«Côn  toi,  toi  mot  gâp  nàng,  moi  thôi!* 

Nôi  thn-OTig  nôi  châng  hët  16i, 

Ta  tù*  Sanh  moi  sut  sùî  trà  ra, 
2820    Vôî  vë  sù-a  chôn  vurim  hoa. 

Ru'ô'C  mM  Viêti  ngoai;  ông  bà  cùng  sang 


1.  Litt.  :  «  (Son)  foie  —  de  plu8  en  plus  —  palpUait;  —  fteâj  erUraSUt 

—  de  plus  en  plus  —  étaient  cuisantes/* 

2.  Litt.  :  « Je  —  tout-à^/ait  —  en  excédant  —  (quant  amx)  pieds 

—  étais  parti,  » 

3.  Litt.  :  «  Des  choses  —  d^or  —  et  de  pierre  (durables  comme  Vor  et  la 
pierre)  —  Jurent  —  les  choses  —  dites  —  ou  nonf* 

4.  Litt  :  «  (Quoique)  pas  encore  —  il  y  eU  la  couverture  —  (et)  toreUkri 

—  tout  aussi  bien  —  nous  étions  épouse  —  et  époux!* 

Le  mari  et  la  femme,  partageant  la  même  couche,  s'abritent  sous  la  mtoe 
couverture  et  reposent  leur  tête  sur  le  même  oreiller  j  de  là  vient  que  les  noms 
de  ces  deux  objets  de  ménage  sont  pris  en  poésie  comme  synonymes  de 
la  cohabitation  des  époux.  Les  deux  expressions  *chan  gSi*  et  «wcA^n^», 


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KIM  vAn  KIËU  TAN  TRUYÊN.  227 

plus  mn  eœtir  palpitait,  pliis  la  douleur  déchirait  son  sein^! 

cCest  par  suite  de  mon  absence  beaucoup  trop  prolongée^»  di^il  28io 

«qtie  le  courant  a  emporté  la  fleur  et  que  les  hèo  sont  dispersés! 

«Nous  nous  étions  fait  bien  des  serments  mutuels! 

«Ne  nous  étîona-noTis  par  promis  une  fidélité  inaltérable 3? 

t  Sans  avoir  encore  vécu  de  la  même  vie  *,  nous  n'en  étions  pas  moins 

Ȏpoiix! 
«Lequel  de  nos  (deux)  cœurs  aurait  été  capable  de  briser  les  liens  28I6 

»qm  l'eneliaînaîent  ^^à  l'autre)*? 
*  Quelque  fortune  que  je  possède,  combien  de  jours  que  j'aie  à  vivre  ^, 

«tant  que  j'eidsteraî,  je  n'aurai  de  repos  que  je  ne  Faie  retrouvée ^î» 

Les  vieillards  n'avaient  pas  encore  cessé  de  lui  témoigner  leur  com- 
passion 
que  le  jeune  îettré  prit  congé  d'eux  et  s'en  alla  triste  et  sombre. 

n  se  liâta  de  remettre  le  jardin  de  fleurs  en  état  2820 

Invités  par  lui  à  s'y  rendre^  le  vieux  Viên  ngoai  et  sa  femme  allèrent 
s'y  établir* 

qui  aont  pariai tijnient  parallèles  tant  au  point  de  vue  de  la  place  qu'elles 
oceupent  dans  le  vt^rs  qn'k  celui  des  éléments  qui  les  composent,  forment, 
par  position  après  les  mots  *chua*  et  ccfin^»,  des  verbes  neutres  composés. 

5*  Litt»  ;  *(îl  y  miraUj  lequel  cœur  —  pour  supporter  de  —  rompre  — 
le  e<£ur  —  d'une  manière  capable  (efficace)  f* 

Ce  vers,  traduit  trop  strictement,  présenterait  en  français  une  obscurité 
qui  semble  couatituer  au  contraire  aux  yeux  des  Annamites  un  des  charmes 
de  leur  poésie. 

6.  Lîtt-  :  «  Combien  que  (faie)  —  de  fortune,  —  combien  que  ffaie)  —  de 
jt^fift  —  de  chernîn  fà  pareourtr  dans  la  vie),» 

7.  Litt.  ;  *{Ta7idiM  qu'Jil  1/  aura  encore  —  moi,  —  je  —  uniquement  — 
fior»queJ  uurai  reb-oJt^  —  die,  —  alort  —  ce  sera  assez!» 

16* 


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228  KIM  vAn  KTËU  tAn  TRUYÊN. 

Thân  hôn  châm  chut  le  thirô-ng, 

Dircrng  thân  thay  tam  long  nàng  ngày  xn-a. 

Binh  ninh  mai  luy,  chép  tha, 
2825    Cât  ngirôi  tlm  toi,  dira  tô*  nhân  nhe. 

Biêt  bao  công  nnrô-n,  cùa  thiiê, 

Lâm  tri  mây  do  dî  vë  dâm  klioi? 

Ngu-M  mot  noî,  hôî  mot  nai! 

Mînh  mông  nào  biêt  bien  trôi  noî  nao? 
2830    Sanh  càng  thâm  thiêt  khât  khao. 

Nhir  nông  gan  sât;  nhn  bào  long  son! 

Ruot  tâm  ngày  mot  héo  don! 

Tuyêt  sirang  ngày  mot  hao  mon  minh  ve! 

Thân  tha,  lue  tînh,  lue  me. 


1.  Voir  ma  traduction  du  Luc  Vân  Tien,  à  la  note  sous  le  vers  1434. 

2.  Litt.  :  €En  soignant  —  les  parents  —  il  tenait  la  place  de  —  le  cœur 

—  de  la  jeune  femme  —  des  jours  — -  d'autrefois». 

3.  Litt.  :  «Avec  instances  —  frottant  —  ses  larmes  —  il  traça  —  fwiej 
lettre». 

Le  mot  «mai»  se  dit  do  Faction  de  frotter  sur  Tencrier  un  bâton  d'encre 
de  chine  avec  une  certaine  quantité  d'eau  pour  le  délayer.  Le  poète,  pour 
faire  comprendre  combien  la  lettre  de  Kim  trong  est  touchante,  suppose 
qu'il  se  sert  pour  dissoudre  son  encre  de  ses  larmes  en  place  d'eau. 

4.  Litt.  :  «(et  quant  h)  Lâm  tri  —  combien  de  —  distance  —  pour  aller 

—  et  pour  revenir  —  par  les  dam  —  de  haute  mer  (de  lointain  espace)?» 
Le  nom  de  la  ville  de  Lâm  tri,  qui  devrait  régulièrement  se  trouver 


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KÏM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÊN. 
Observant^  matin  et  soir,  exactement  les  convenances^, 


229 


il  leur  doQnaît  ses  soins  avec  Tamonr  que  (Kieu)  leur  témoignait 

jadis-. 
Il  cMrri^-ît  avec  ses  larmes  nue  lettre  pleine  d'instances  3, 

et  ctargea  quelqu'un  d'aller  à  la  recherche  de  la  jeune  femme  et  de  2625 

lui  porter  de  ses  nouvelles. 
Qui  dim  les  peiuesi^  les  frais, 

et  Tcspaee  immense  qu'il  fallut  franchir  pour  aller  à  Lâm  tri  et  pour 
en  revenir*? 

Elle  était  dans  un  endroit,  et  on  la  cherchait  dans  un  autre! 

Cc^tnment  savoir  où  la  trouver  sur  la  mer  immense,  sous  le  ciel  sans 

limiteB^? 
L'afBîetîoo  du  jeune  homme,  sa  soif  (de  voir  Kieu)^  s'accroissaient  2830 

de  jour  en  jour. 
Dans  sa  vaillante  poitrine  il  sentait  comme  un  feu  brûlant;  son  fidèle 

cœur  se  broyait  dans  son  sein  ', 
et  chaque  jour  il  semblait  qull  se  desséchât  davantage®! 

Exposé  aux  intempéries  et  rompu  de  lassitude,  comme  celui  de  la 

cigrale  mn  cor|>s  allait  maigrissant! 
Tout  déscjau\Té,  il  errait,  tantôt  absorbé,  tantôt  revenant  à  lui. 


après  les  mots  «dt  b^*j  se  trouve  placé  par  inversion  au  commencement 

5,  Lîtt*  ;  tfQuaTii  à)  Vim^ierviité,  —  esl-ce  qii  —  on  savait  —  (eUe  était) 
de  ta  ttier  ^  (etj  du  dci  —  dans  VendroU  —  quelf* 

Xm  est  pour  nà0. 

C.  Je  suis  souTCJît  coDtniint  de  rét«abHr  dans  ma  traduction  les  noms 
ttes  personnages  que  le  pocte  a  sous -entendus;  sans  quoi  la  phnise  con- 
Bcrvçiait  a  no  obscurité  qui  ne  serait  pas  supportable  en  français. 

î.  LitL  :  *  CT était  eciitine  fv  —  Von  chauffait  —  son  foie  —  de  fer;  — 
e(mLine  «  —  Toti  mboiatt  —  son  cœur  —  de  vermillon!* 

^.  LitL  î  c  Ses  etûraiUes  —  de  ver  à  soie  —  (quant  aux)  jours  —  un  (par 
wy  —  jpfi  desséckai^û  !  * 


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I 


230  KIM  vAn  kiëu  tAn  trutçn. 

2835    Mâu  theo  nirô'c  mât,  hôn  lia  chiêm  bao! 
Thung  huyên  lo  sçr  xiêt  bao! 
Quâ  ra,  khi  dên  thë  nào  ma  hay! 
Voi  vàng  sâm  sù-a,  chon  ngày, 
Duyên  Vân  sô-m  dâ  nôi  dây  cho  chàng. 
2840    Ngirôi  yèu  dieu,  ké  vân  chirong, 

Trai  tài,  gâi  sâc,  xuân  dirang  kip  thi. 
Dâu  rang  vui  chûr  vu  qui, 
Vuî  nây  dâ  cât  sâu  kîa  dircrc  nào? 
Khi  an  ô*,  lue  ra  vào, 

1.  Litt  :  *CSiJ  par  trop  —  il  sortait,  —  loraqu^  —  U  viendrait,  —  de  queUe 
manière  (serait-il)  —  pour  savoir  f* 

Ce  vers  est  fort  obscur.  Je  pense  que  l'idée  qu'il  renferme  est  celle-ci  : 
€  Si  Kim  Trçng  franchissait  ainsi  par  trop  les  bornes  de  Vexistence  ordinaire, 
»  lorsque,  sortant  de  cet  état  maladif  de  son  esprit,  il  reviendrait  à  lui,  dans  quel 
*état  serait-il  f»  L'absorption  continuelle  du  jeune  homme  est  assimilée  par 
le  poète  à  un  voyage  lointain.  —  Ma  hay  est  une  formule  destinée  à  don- 
ner de  l'énergie  à  l'interrogation.  Bien,  que  n'ayant  pas  la  même  significa- 
tion littérale,  elle  a  une  valeur  analogue  à  celle  du  yK  J^  du  chinois 
parlé.  Elle  est  presque  identique  comme  forme  au  *  savez- vous  f*  par  le- 
quel les  Belges  terminent  si  souvent  leurs  phrases  dans  la  conversation 
familière  ;  mais  elle  en  dififère  complètement  comme  valeur  phraséologique. 
Le  «ma  hay>  annamite  exprime  en  effet  le  doute,  tandis  que  le  ^sanez- 
vous  9  des  Belges  n'est  en  réalité  qu'une  affirmation  énergique  déguisée 
sous  la  forme  interrogative. 

2.  Litt.  :  <(Par)  V union  —  de  Vân  (avec  Vân)  —  de  bonne  heure  —  iU 
eurent  joint  —  les  liens  —  à  —  le  jeune  homme  ». 

3.  L'expression  ffil  S|J  ylu  dieu,  qu'il  faut  corriger  et  lire  ^j  ^,  est 

tirée  de  la  première  ode  du  Livre  des  vers,  qui  est  intitulée  «  ^  fj^ 
Quan  thuT*, 


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KIM  VAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  231 

Son  saDg  coulait  avec  ses  larmes;  dans  un  songe  son  âme  fuyait!      2835 
Qui  dira  le  souci;  la  crainte  qui  dévoraient  ses  parents? 
Comment  savoir  où  pouvait  le  mener  une  telle  existence  ^  ? 
Us  se  hâtèrent  de  tout  préparer  et  de  faire  choix  d'un  jour, 
et  bientôt  ils  l'engagèrent  avec  Vân  dans  les  liens  du  mariage  2. 
L'une  était  modeste  et  vertueuse;  l'autre  était  un  savant  lettré*.        2340 

L'homme  avait  du  talent,  la  femme  avait  des  charmes;  dans  leurs 

cœurs  l'amour  allait  naître*. 
Mais  bien  qu'on  dise  que  se  marier  est  chose  joyeuse*, 

cette  gaîté  ci  pouvait-elle  enlever  cette  tristesse  là? 

Pendant  qu'ensemble  ils  faisaient  vie  commune®, 

m  ^  ^  m 

f-  ïï,  m  m 

M  m  z  m 

M  ic  m^  Mo 

«  Quan!  quan!  thv  cwt 
«  Toi  hà  chi  châu. 
€Yêu  dieu  thuc  ntt! 
€  Quân  ta  hâo  cUuI 

«Quan!  quan!  crient  les  orfraies 
«dans  Tîlot  de  la  rivière. 
«  Cette  jeune  fille  réservée,  vertueuse 
«pour  le  Prince  est  un  bon  parti! 

4.  Litt.  :  « (Quant  au)  priniempt  (à  VamourJ  —  iia  étaient  eii  train 

cf  —  atteindre  —  le  temps  (favorablej». 

5.  Litt.  :  « qu'on  se  réjouit  —  des  caractères  —  vu  qui*, 

6.  Litt.  :  «  Dans  les  fois  qu*  —  t^  mangeaient  —  et  demeuraient,  —  dans 
le»  moments  qu*  —  ils  sortaient  —  (et)  entraient,» 


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232  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

2845    Càng  âu  duyên  mô-i,  càng  dào  tinh  xira! 

Nôi  nàng  nhô*  dên  bao  giô*? 

Tuôn  châu  doi  tran,  v6  ta  tram  vông! 

C6  khi  vâng  vê  hirong  phông, 

Bot  16  hirang  dô*  phfm  dông  ngày  xira. 
2850    Bë  bai  rù  ri  tiêng  ta! 

Tran  bay  lat  kh6i;  giô  dira  lay  rem. 

DirÔTig  nliir  trên  noc  trirô'c  thêm 

Tiêng  Kiêu  dông  vong,  bông  thêm  ma  màng. 

Bai  15ng  tac  dâ,  ghi  vàng, 
2855    Tirô-ng  nàng  nên  lai  thây  nàng  vë  dây! 

Nhûng  là  phiên  muôn  dêm  ngày, 

Xuân  thu  biêt  dâ  dèi  thay  mây  lân? 

Ben  khoa  gâp  hôi  tniô-ng  vân  ; 

Vu(png,  Kim  ciing  chiêm  bâng  xuân  mot  ngày, 

1.  Lîtt.  :  «J7  répandait  abondamment  —  des  perler  —  dan9  pltuieurs  — 
criées  f combats),  —  *7  enroulait  —  la  soie  —  en  cent  —  tours». 

De  même  que  dans  un  épais  écheveau  de  soie  le  fil  revient  cent  fois 
sur  lui-même,  de  même  Tesprit  de  Kim  Trpng  était  obsédé  par  une  même 
pensée  qui  s'y  présentait  sans  cesse. 

2.  Litt.  :  €par  suite  de  ce  que  —  (son)  cœur  —  était  gravé,  —  à  la  ma- 
nière  de  la  pierre,  —  était  buriné  —  à  la  manière  —  de  Vor*. 

3.  Nous  dirions  ^Jtt  place  à  Vété»,-  mais  comme  le  mot  *thu  —  automne»  fonne 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  233 

à  mesure  que  se  resserraient  les  liens  nouveaux,  l'ancien  amour  de-  2845 

venait  plus  profond. 
Jusques  à  quand  devait-il  (donc)  se  souvenir  de  Kieu? 

Souvent  il  répandait  des  larmes;  la  même  pensée  l'obsédait  toujours  M 

Parfois,  isolé  dans  sa  chambre, 

il  allumait  le  brûle-parfums,  et  disposait  le  pMm  de  cuivre,  (ces  pré- 
sents) que  jadis  {Kiêu  lui  avait  oflFerts). 
(n  tirait  des  cordes  de)  soie  des  sons  prolongés  et  touchants.  2850 

(L'on  voyait)  voler  la  poussière,  ténue  comme  une  fumée;  le  vent 

agitait  les  stores. 
Il  lui  semblait  que  sur  le  toit,  au-dessus  de  la  vérandah, 

résonnait  la  voix  de  Kiêu;  et  sa  rêverie  tout  à  coup  devenait  plus 

profonde  encore. 
Cest  que  dans  son  cœur  cette  image  était  gravée  à  jamais  2, 

et,  comme  il  pensait  à  elle,  il  la  voyait  revenant  à  lui!  2855 

Tandis  qu'au  sein  de  la  tristesse  il  passait  les  nuits  et  les  jours, 

qui  dira  combien  de  fois  le  printemps  fit  place  à  l'automne^? 

Quand  fut  arrivé  le  moment  du  concours  de  littérature, 

Viecmg  et  Kim  le  même  jour  obtinrent  les  honneurs  de  la  tablette  *. 

avec  le  mot  €  oeuân  —  printempt  »  le  nom  de  la  chronique  composée  par  Con- 
fucius,  Fauteur  du  poème  ne  recule  pas  devant  cette  singulière  licence  pour 
avoir  une  occasion  de  nommer  Tœuvre  célèbre  du  grand  philosophe  chinois. 

4.  Litt.  :  «  Vtnmg  —  (etj  Kim  —  tout  ausH  bien  —  s^ emparèrent  de  —  la 
tahUlte  —  de  printemps  (glorieuse)  —  en  un  (même)  —  jour  ». 

Il  8*agit  de  la  tablette  sur  laquelle  on  inscrit  les  noms  des  candidats 
reçus  au  concours.  (Voir  ma  traduction  du  Lwc  Vân  Tien,  à  la  note  sous 
le  vers  1741.) 


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234  KiM  vAn  kiêu  tAn  tbuyên. 

2860    Cù-a  trW  rong  mô*  dàng  mây! 

Hoa  chào  ngô  hanh,  hirong  bay  dàm  phân. 
Chàng  Vuang  nhô;  dên  xa  gan! 
Sang  nhà  Cliung  lâo  ta  an  châu  triën. 
Tinh  xira  on  trâ,  nghïa  dën, 
2865    Gia  tliân  bèn  mô-i  kêt  duyên  Châu  Trân. 
Chàng  càng  nhe  birdc  than  vân, 
Nôi  nàng  càng  nghï  xa  gan,  càng  thircmg. 
cAy  ai  dân  ngoc  thë  vàng? 


1.  Litt.  ',  <A  la  porte  —  du  ciel  —  largement  —  on  avaii  ouvert  —  le 
chemin  —  des  nuages!» 

Les  lettrés  qui  se  font  remarquer  dans  les  concours  et  fournissent  une 
carrière  brillante  sont  assimilés  au  dragon  qui  s'élève  dans  les  nuages.  On 
retrouve  cette  idée  très  poétiquement  exprimée  au  commencement  du  poème 
Luc  Vân  Tien  : 

€Vàn  dà  khai  Phung  dàng  Dao. 

«  Pour  les  lettres,  on  Peut  comparé  à  Toiseau  Pht^ng,  ou  au  dragon  Dao 
»  lorsqu'il  s'élève  dans  les  airs». 

€  Chi  làm  bân  Nhqn  ven  mây, 

«J'atteindrai  l'oiseau  Nhan  au  milieu  des  nuages.» 

2.  Litt  :  ^Les  fleurs  —  (les)  saluaient  —  à  la  porte  —  des  abrico- 
tiers; —  (leur)  parfum  —  volait  —  par  les  dqm  (chemins)  —  bordés  d'arbres 
Phân*. 

Ce  vers  est  extrêmement  obscur.  En  voici,  je  crois,  le  sens  : 
Le  mot  }^  hanh  s'applique  en  général  à  tous  les  arbres  du  genre 
Prunus,  mais  plus  spécialement  à  l'abricotier,  dont  la  fleur  passe  aux  yeux 
des  Chinois  pour  être  d'une  beauté  remarquable.  Aussi  l'ont -ils  appelée 
«  ^  ^^  ^ffi  ^^P  <^?  ^^  —  ^ft  fl^ur  de  ceux  qui  atteignent  au  degré  (par 
excellence),  c'est-à-dire  des  docteurs  de  l'académie  des  Hàn  lâm  (^^  yK 
^^V.  Cette  désignation  lui  vient,  dit- on,  de  ses  belles  couleurs.  J'incU- 


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KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  235 

Large,  le  chemin  de  la  gloire  s'était  ouvert  devant  leurs  pas  M  2860 

La  fortune  leur  souriait;  leur  renommée  se  répandit  au  loîn^ 
Vuang  n'avait  rien  oublié^. 

Il  alla  chez  Chung  pour  le  remercier  du  service  qu'il  avait  rendu  en 

arrangeant  au  mieux  leur  affaire. 
La  bonté,  les  bienfaits  d'autrefois  reçurent  leur  récompense, 

et  dans  les  liens  de  Thyménée  les  fiancés  enfin  s'engagèrent*.  2865 

Plus  le  jeune  homme  à  pas  légers  parcourait  le  chemin  de  la  gloire* 

et  plus  la  pensée  de  Kieu  le  hantait,  plus  cet  amour  croissait  (dans 

son  cœur). 
«Qui  s'engagea»  disait-il  «(jadis)  par  un  serment  solennel^? 


nerais  plutôt  à  croire  qu'elle  lui  a  été  donnée  en  souvenir  du  lieu  où  Con- 
fucius  tenait  son  école,  et  qui  portait  le  nom  de  «  7^  ^J  Jlanh  dàn  — 
Tautel  des  abricotiers  >.  Cela  étant  donné,  il  est  facile  de  comprendre  Tal- 
lusion  contenue  dans  le  premier  hémistiche  du  vers  2861.  Les  fleurs  de  la 
porte  des  abricotiers  (c'est-à-dire  des  abricotiers  placés  près  de  la  porte), 
fleurs  attribuées  aux  docteurs  et  aux  académiciens,  saluent  nos  héros;  cela 
signifie  évidemment  qu'ils  obtiennent  aisément  le  droit  de  prendre  ces  fleurs 
pour  emblèmes,  autrement  dit  qu'ils  parviennent  en  peu  de  temps  aux  plus 
hauts  grades  littéraires. 

Pour  le  mot  jj^  Phdn,  il  désigne  une  espèce  d'orme  de  grande  taille; 
mais  il  me  paraît  placé  ici  dans  le  seul  but  de  faire  un  pendant  au  mot 
€kanh  —  abricotier*,  qui  occupe  dans  le  premier  hémistiche  une  position 
parallèle.  Le  sens  métaphorique  du  second  est  aisé  à  saisir.  Nous  disons 
d'une  manière  analogue  :  «La  bonne  odeur  de  ses  vertus  s'est  répandue 
au  loin». 

3.  Litt.  :  « en  se  80uvena,ni  —  arrivait  à  —  le  près  —  et  le  loin* 

Dën  peut  aussi  être  considéré  comme  une  préposition. 

4.  Litt  :  «  .  .  .  .  nouèrent  —  V union  —  de  Châu  —  et  de  Trétn». 
Lire  jj|H  au  lieu  de  ^. 

6.  Litt,  :  €  ,  .  ,  .  les  bleus  —  nuages,  » 

6.  Litt.  :  «  Ainsi  —  qui  —  recommanda  —  les  pierres  précieuses  —  (et) 
jura  —  Vorf* 


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236  KIM  VAN  KIRL   TAN  TkUYÉN. 

Bây  giô*  kim  ma  ligne  dàii^ç  viM  ;ii? 

2870    Ngon  bèo  chon  soiiy  làv  lai! 

Nghï  minh  vinh  bien,  tlitraiig  Bgnfrî  la'W  b'* 
Virng  ra  ngoai  nhâTo  Lâm  frl^ 
Quan  scrn  ngàn  dâiii  tlu*  iilii  mot  doàiL 
Cam  dwang  ngày  tliiuiji,^  tlianli  nh;\ii; 

2875    Sdm  khuya  tiêng  luir  Hriig  dan  tien  tUmu. 
Phông  xuân  trirôiig-  xu  ln>a  dào, 
Nàng  Vân  nâm  boii^^  rlném  ban  tliây  wlrn^il 
Tînb  ra,  mô*!  di  ciiiig  cbàiiîjj 


1.  Litt.  :  «  Maintenant  —  U  sat  ttor  —  f^hcval  —  cl  ds  pkrrtsé  ptJâ^ 
—  salle  —  avec  quif:» 

Voir,  pour  le  surnom  de  «^  ^fj§  A'"'*  ^>*^  —  cht^i'al  ffflr'  ifiiiMMt 
donne  aux  membres  de  Tacadémit  ilr^  Nmi  Mm,  mii  traductioti  J»  ^V*'*'^ 
Tien,  à  la  note  sous  le  vers  415. 

Le  nom  de  «^K  ^&  ^5'?c  dù^^r;  -  lut  d  nlM>rd  iïnnnc  it  une  salk^  J'' !^ 
lais  des  empereurs  de  la  dynastii^  di'n  ïl'fu.  Hi^us  h*s  Bàntf  ce  «'iu^  ^'J 
employé  pour  désigner  le  bureau  r>rii('k'l  d'uù  6ïiiiiîL'Ut*îit  hs  dêrrcB  itup 
riaux.  Enfin,  sous  le  règne  de  j^  ^  X;if'!/in  Phnn'j  de  la  ilyiJf^^^  "'* 
^  Tông  l'on  en  fit  une  des  d6:ii^nuuiim;>  du  colîi'gc  des  Mn  Hf^  *^*F'' 
il  est  depuis  lors  resté  attaché.  Uiw  t^xplicatiou  dt»  c*e  titre  coti'i'^'*^* 
adoptée,  mais  dépourvue  d'autorîtu,  le  r.ippnrd'  h  eu  fait  quf  li''*  ï**^^ 
lias  (en  chinois  ^j^  ^  %<)c  Zon)  <.  ridïî^ï^îikiit  anfri-luîti  jnàtL*  on  faff  J'"  ^ 
grande  porte  du  collège.  (MA>rïi"is  Chiner  rmder'x  nmnnnîf  i^  ^^-^ 

2.  De  même  que  la  frêle  plaiiTo  à  JjujiH-Ile  il  In  rmwpnre  suit  \v  ^^^'^ 
ment  des  flots  qui  l'emportent  à  rîiwtitim',  de  tmim  Kiêu,  jeaue  iilbi*^lf'» 
et  sans  défense,  est  le  jouet  des  aiprieew  lîo  k  fortune.  —  1^  wA  *^ 


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KIM  VlN  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  237 

€  (Et  celui-là),  académicien  et  docteur,  quelle  compagne  a-t-il  aujour- 

*d'huii? 
«Le  frêle  Bèo  à  la  base  des  flots  s'en  va  flottant  à  Taventure^ !         2870 

«En  pensant  à  mes  succès,  je  plains  sa  vie  errante  et  malheureuse!  » 

Obéissant  (à  Tordre  du  Prince),  il  s'éloigna  pour  administrer  (le  terri- 
toire de)  Lâm  tri, 
et  toute  la  famille  partit  ensemble  pour  ce  long  voyage  \ 

Dans  le  palais  de  la  sous-préfecture  ^  (Kim)  coulait  des  jours  heureux, 

et  du  matin  au  soir  il  se  délassait  en  écoutant  le  Hqc  et  en  jouant  2875 
du  câm. 

Dans  sa  chambre  aux  rideaux  baissés^ 

Van  était  couchée.  Tout  à  coup  en  songe  elle  aperçut  Kteu. 

En  se  réveillant  elle  en  fit  part  à  son  époux, 


—  pointe:»  constitue  ici  une  sorte  de  diminutif.  La  pointe  d'une  plante  en 
est  en  effet  la  partie  la  plus  mince. 

3.  Litt.  :  <  (Po^r)  les  passes  —  des  vumiagries  —  (pendarUj  mille  —  dam  — 
réponse  —  (et)  les  enfants  —  formèrent  une  seule  —  troupe  », 

L'expression  *m§t  doàn*  devient  par  position  un  verbe  neutre  composé. 

4.  Par  allusion  aux  anciens  mandarins  lettrés  qui,  sans  aucune  pensée 
de  lucre  mondain  ou  de  basse  intrigue,  se  contentaient  de  se  récréer  au 
moyen  de  leur  luth  favori,  la  demeure  d'un  fonctionnaire  vertueux  est  ap- 
pelé du  nom  de  «5S  ^  Oâm  âàng  —  la  salle  du  luth»,  et  les  abords 
de  son  tribunal  sont  appelés  <  ^ï  i&  cdm  giai  —  les  degrés  qui  condui- 
sent au  luth».  (Mayer's  Chinese  reader^s  manual,  p.  98). 

On  cite  comme  ayant  eu  un  goût  tout  particulier  pour  cet  instrument 
un  nommé  Triêu  bien.  Ce  fonctionnaire  se  plaisait  aussi  beaucoup  à  écou- 
ter les  cris  de  la  grue  (p|  hç^).  De  là  Tallusion  contenue  dans  le  vers. 
qui  suit. 

6.  Les  mots  €xuân  —  printemps*^  et  <hoa  dào  —  fleurs  de  cfào»  sont 
des  épithètes  poétiques  destinées  à  indiquer  que  les  objets  dont  on  parle 
appartiennent  à  une  jeune  et  belle  femme. 


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238  KIM  VAn  KIÉU  TAN  TRUYÊN. 

Nghe  IM,  chàng  cûng  hai  dàng  tin  nghî, 
2880    No  Lâm  thanh  vài  Lâm  tri, 

Khâc  nhau  mot  chft*;  hoâc  khi  c6  lâm! 

Trong  ca  thinh  khf  tirong  tâm, 

U  dày  hoâc  c6  giai  âm  châng  là! 

Thâng  dirÔTig,  chàng  moi  hôi  tra; 
2885    Ho  :©ô  cô  kè  lai  già  thira  lên  : 

cSu"  nây  dâ  ngoai  thâp  niên! 

«Toi  dà  biêt  mât,  biêt  tên  rành  rành! 
'   ^Tûhà  cùng  Ma  giâm  sanh 

«Di  mua  ngirW  ô*  Bac  kinh  dira  vê. 
2890    «  2%  À:eez^  tài  sâc  ai  bi? 

«Cô  nghë  dÔTi,  lai  dû  nghë  vân  tha. 

«Kiên  trinh;  châng  phâi  gan  vù-a! 

«Lieu  mlnh  thë  ây,  phâi  Itta  thë  kia! 

«Phong  tran  chiu  dâ  ê  hë, 

1.  Litt.  :  « (ae  trouva  entre)  les  deux  —  voies  —  de  croire  —  et 

de  douter  *, 

Les  quatre  mots  €hai  âàng  tin  nghi*  forment  par  position  un  verbe 
nentre  composé. 

2.  Litt.  :  « ne  p<ts  —  e'Aait  —  un  foie  —  médiocre!» 

3.  Litt.  :  «  Elle  avait  exposé  —  elle-même  —  (elle  avait  fait  le  sacrifice  de 


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KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  239 

qui,  à  ce  récit,  ne  savait  s'il  devait  douter  ou  croire^. 
«Ces  deux  noms  de  <Lâm  thanh*  et  de  <Lâm  tri*  dit-il,  2880 

«ne  diffèrent  que  par  un  mot;  et  peut-être  vous  trompez-vous! 

«En  ce  moment  qu'avec  sympathie  nous  nous  cherchons  les  uns  les 

»  autres, 
«  peut-être  qu'ici  nous  trouverons  quelque  indice  favorable.  » 

n  monta  dans  les  bureaux  et  prit  des  informations. 

Voici  ce  que  lui  apprit  un  vieillard  appelé  Bô  :  2885 

«Tout  ceci  (dit  ce  dernier)  remonte  à  plus  de  dix  ans! 

«  Je  connais  bien  la  personne  et  sais  parfaitement  son  nom. 

«  Tû  hà  et  Ma  gîdm  Sanh 

«  allèrent  à  Bâc  Idnh  acheter  cette  jeune  fille,  et  l'amenèrent  ici. 

«  Tûy  Kteu  était  d'une  beauté  sans  rivale.  2890 

«Elle  était  musicienne,  et  possédait  aussi  en  poésie  un  talent  fort 

»  sérieux. 
«Affermie  dans  la  chasteté,  elle  n'avait  point  un  cœur  ordinaire ^1 

«Elle  avait  adopté  une  voie,  mais  elle  dut  en  suivre  une  autre 3. 

«Ayant  déjà  passé  par  bien  des  vicissitudes^, 

sa  vie)  —  dana  cette  condition  là,  —  (mais)  il  (lui)  fallut  —  choisir  —  cette 
autre  condition!» 

Elle  avait  voulu  se  donner  la  mort,  mais  le  Ciel  en  avait  décidé  autre- 
ment. Il  fallait  qu'elle  devînt  une  fille  publique. 

4.  Litt.  :  €(En  ce  qui  concerne)  le  vent  —  et  la  poussière  (les  vicissitudes 
du  numde),  —  (le  fait  d^en)  subir  —  avait  été  abondant  », 


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240  Kl  M  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

2895    «Dây  duyên  sau  lai  gâ  vë  Thûc  lang. 

«Phâi  tay  va  câ  phu  phàiig, 

cBât  vë  Vô  tich  toan  dàng  bè  hoa. 

«Cât  minh,  nàng  phâi  trôn  ra; 

«Châng  may  lai  gâp  mot  nhà  Bqx^  kia! 
290Q    «Thoat  buôn  vë,  thoat  bàn  di. 

«Mây  trôi  bèo  nôi,  thiêu  gi  là  noi? 

«Bông  dâu  lai  gàp  mot  ngirM 

«Han  ugxsbi  tri  dông  nghiêng  trôî  oai  linh! 

«Trong  tay  muôn  van  tinh  bînh; 
2905    «Kéo  vë  dông  chat  mot  thành  Lâm  tri. 

«Toc  ta,  câc  tlch  moi  khi, 

«Oân,  thi  trâ  oân;  an,  thi  trâ  an, 

«Dâ  nên  cô  nghïa  cô  nhan! 

«Trirôc  sau  tron  ven,  xa  gân  ngai  khen. 

1.  Lîtt.  :  < 86  propota  —  une  voie  —  de  briser  —  la  fl^^** 

2.  Lit  t.  :  «  Nuage  —  emporté  par  le  courant,  —  hko  —  êumageosdj  —  **** 
manqua  de  —  quoi  —  qui  fût  —  des  endroUsf» 

Tantôt  dans  une  position  élevée  comme  le  sont  les  nuages  w  ^^^ 
tantôt  dans  une  situation  infime  comme  Test  celle  du  bko  flottant  sur  If» 
eaux,  elle  passa  souvent  d'un  lieu  à  Tautre. 

3.  Litt.  :  «  supérieur  à  —  les  hommes  —  d'intelligence  —  et  de  eottraff^  " 
qui  renversent  —  le  ciel  —  d'une  manière  imposante!» 


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KIM  yAn  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 
Edans  les  liens  dn  maria^  avec  Th\ic  elle  s'engagea. 


24! 


'inn 


cEUe  tomba  dans  les  mains  d'une  épouse  principale.  Cette  femme, 

'ingrate  et  méchantej 
tla  saisit  et  Femmena  à  Vo  t{ch,  dans  Fintention  de  Taccalder^. 

*Lâ  jeune  femme  par  la  fuite  dut  se  soustraire  (à  ses  pertï(!*cutionB^  ; 

«mais  mallienretisement  elle  rencontra  cette  femme  que  Ton  ucmnuait 
*Bac! 

*  Tantôt  elle  fut  achetée,  et  tantôt  elle  fut  vendue.  2f»i*ù 

cTantAt  nuage  emporté  ijiar  les  vents),  tantôt  blo  flottant  (an  grv  ile^ 

»eaux),  le  courant  de  sa  destinée  la  porta)  en  bien  des  lieux-, 
<  luopinémeut  ensnite  elle  rencontra  un  homme 

*  surpassant  tous  ces  héros  imposants  qui,  par  leur  intclli^^cucc  it 

>leur  courage,  sont  capables  d'eflFondrer  le  cieP! 
*l\  avait  entre  les  mains  des  myriades  de  soldats 

<qui]  fit  camper  près  d'une  ville  appelée  du  nom  de  Lam  tri  ^mb 

'Revenant  avec  soin  sur  chacun  des  détails  de  sa  vie^, 

«elle  rendit  le  mal  jxïur  le  mal  comme  (aussi)  le  bien  pour  le  bien. 

«Cétaît  une  personne  douée  de  justice  et  de  bienveillance  ^1 

*Sa  vertu  fut  toujours  parfaite;  de  toutes  parts  on  la  loua* 

4.  Litt.  :  ^  (Qumtt  à  un)  dieveu  —  (et  à  un)  fil  de  soie  grégt  { tnimdît'ujiti- 
ntenijf  —  fau  Jrn^ei  dt;)  ternies  —  les  causes  antérieures  —  de  chatfnf^  —  fois,  • 

5.  Les  ft>rniuléfl  ta*  n^ftîa »  et  «co  niion*  sont  des  verbes  (tnalificntif^ 
par  position;  il  faut  aoiiB-t'ij tendre  devant  chacune  d'elles  le  prnimni  rdaîif 
/L  ^«>  carrélîitîf  du   *^  gi&9  chinois.  J\^  ^  âfe   ke  co    nyhiïï,  J(^ 

§  'fc  ^^  ^'^  tût€Fn  rêpoiitlent  exactement  au  chinois   "j^  ^g  ^^  hùtt 
ii^hU  ffiâf  ^à   tn   ^*  '*^'  nham  gtà, 

"  te 


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4 


242  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

2910    «Chita  tirÔTig  dirac  ho,  dircrc  tên. 

«Sir  nây,  hôî  Thûc  sanh  vîên,  min  tirimg!» 

Nghe  loi  B6  nôî  rô  rang, 

Turc  tlii  tông  thiëp  moi  chàng  Thûc  sanh. 

N5i  nàng  hôî  hêt  phân  minh; 
2915    Chông  con  dâu  ta,  tânh  danh  là  gl? 

Thûc  rang  :  «Gàp  lue  liru  lî, 

«Trong  quân  toi  hôi;  thîëu  gi  tôc  ta? 

nDqi  vmmgy  tên  Hàij  ho  2^, 

«Bành  quen  trâm  trân,  svrc  du*  muôn  ngirM! 
2920     «Gâp  nàng  ngày  à  Châu  thai. 

cLa  chi  quôc  sâc  thiên  tài  phâi  duyên? 

«Vây  vùng  trong  bây  nhiêu  nîên! 

«Làm  nên  dong  dia,  kinh  thiên  dùng  dùngl 

«Bai  quân  don  dông  côi  dong 

2925    «Vë  sau,  châng  biêt  vân  mông  làm  sao!» 

1.  Litt.  :  « (Lorsque)  je  rencofitrtU  —  le  moment  —  (f(^) 

errante  —  et  séparée,* 

Ou  dit  en  chinois  «jjfc  S^  :^  J9f  ^^  ^  ^^^  *^»  Pour  dérfgner  ^ 
personne  qui  n^a  plus  ni  feu  ni  lieu, 

2.  Litt.  :  « manqua-t'U  (à  mes  questions)  —  en  quoi  (que  cefi^J" 

un  cheveu  —  ou  un  fil  de  soie  grégef* 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  truy^n. 


243 


«Je  ne  saiB  pas  eDCîore  exactement  son  nom  de  famille  et  son  petit  â^io 

•  nom* 
«Pour  les  connaître^  vous  n'avez  qu'à  les  demander  à  Thûc  «a«A.» 

Après  ce  récit  très  clair  que  venait  de  lui  faire  Bô, 

(Km)  envoya  sur  le  champ  un  billet  à  Thûc  sanh  pour  le  prier  de 
Tenir  (le  voir). 

n  rinterrogea  dans  les  plus  grands  détails  sur  ce  qui  concernait  la 

jeune  femme, 
(lui  demandant)  où  était  son  mari,  quels  étaient  son  nom  et  sa  famille,  ^^^^ 

«Lorsque  fut  venu»  dit  ThuCy  «le  moment  oti  elle  devait  se  trouver 

ïsanâ  asile  ^, 
«je  m'informai  près  des  soldats,  et  ^e  n'omis  aucun  détail^. 

*Le  ^î  vt^mg,  dont  le  nom  était  Hài  et  qui  était  de  la  famille  Tk, 

«vivait  au  milieu  des  combats;  sa  force  sui*passait  celle  de  dix  niille 

»  hommes! 
t  II  rencontra  la  jeune  femme  alors  qu'elle  était  à  Châu  ihai,  2^20 

«Quoi  d'étonnant  qu'une  beauté  royale  et  un  talent  gurhumîiîn^ 

»  s'éprennent  d'amour  l'un  pour  l'autre? 
«Il  avait  grandement  bataillé^  pendant  toutes  ces  années  là! 

«n  faisait  frémir  la  terre;  il  ébranlait  à  grand  fracas  le  ciel! 

*Sa  grande  armée  campa  dans  la  région  de  l'orient 

f  jignore  ce  qu'ensuite  il  en  est  advenue  »  S925 

s,  Ijtt.  :   < . . .  un  ialeni  céUite,* 

4,  Lïtt  :   «  iî  *  était  dhiiené  .  .  .  .  ^ 

ô.  lÀti.  :  vQumil  à  —  ensuite,  —  ne  pas  —  je  saU  —  les  nuages  —  fgtj 
fef  Êonges  —  (ml  été  commew^.  » 

Par  ]'Q]cpro33ion  métaphorique  €vân  mong  —  les  nuages  et  les  songe**  oa 
dèeigne  poétiquemetit  tuut  ce  qui  est  dans  le  domaine  de  Tinconnu,  tûut  ee 

16» 


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244  KIM  vAn  KIÉU  TÂN  TRUY^iN. 

Nghe  tiTÔTig  nhành  ngon  tiêu  hao, 

Long  riêng  cLàng  luông  lao  dao  thân  thô*. 

X6t  thay  chiêc  là  ha  va! 

Kiêp  trân  bîêt  giû  bao  giô*  cho  xong? 

2930    Hoa  trôi,  inrô-c  chây  xuôî  àhng 

X6t  thân  chim  nôi,  dau  15ng  hiêp  tan! 

Loi  xura  dâ  15i  muôn  vàn! 
Mânh  giroTig  c6n  dô!  Phfm  dfm  c6n  dây! 
Bbn  cam  khéo  ngân  ngc  dây  ! 
2935    L6  hiroTig  biêt  cô  kiêp  nây  nfra  thôi? 
Blnh  bông  c6n  chût  xa  xôi  ! 
Bânh  chung  sao  nô*  an  ngôî  cho  an? 


sur  quoi  on  n'a  pas  de  données  certaines.  On  ne  sait  pas  en  effet  où  vont 
les  nuages,  et  ce  que  signifient  les  songes.  —  *Làm  aao  —  comment  »  devient 
ici  verbe  neutre  par  position. 

1.  Litt.  :  ^Lorsqii'U  eût  entendu  —  clairement  —  les  branche*  —  et  la  t%me, 
—  éCune  manière  épuisée  —  et  consommée,* 

Les  branches  et  la  c^me  d\m  arbre  forment  à  peu  prés  la  totalité  de  ce 
qu'on  en  voit;  de  là  l'emploi  de  l'expression  *fMnh  ngçn»  pour  désigner 
une  chose  en  tant  que  considérée  dans  tous  ses  détails.  ^Ngon  —  la  cSsne»  )' 
représente  métaphoriquement  le  point  capital,  et  *nhànli  —  les  rameaux» 
les  détails  accessoires.  —  Le  chinois  «9fi  ^Ê^  tiêu  hao»  a  ici  le  même  sens 
que  l'expression  annamite  «^  3£  truràc  sou*. 

2.  Litt.  :  *  cette  feuille  —  ahurie» 

La  jeune  femme  est  comparée  ici  à  une  feuille  sèche  qui,  tombée  sur 


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Kl  M  vAn  KIÊU  TÂN  TRUYÊN.  245 

Après  qu'il  eût  appris  tous  ces  détails  ', 

Kim,  en  son  cœur,  souffrit  sans  relâche;  il  tomba  dans  la  langueur. 

Combien  il  plaignait  cette  errante  nacelle  ^î 

Jusqu'à  quand  lui  faudrait-il  traîner,  pour  en  finir,  cette  existence 
de  malheur  3? 

La  fleur  était  emportée;  (puis)  le  courant  devenait  favorable 2930 

n  avait  pitié  de  ce  corps  qui  tantôt  enfonçait  dans  l'abîme,  et  qui 
tantôt  y  surnageait;  il  souffrait  de  Tavoir  perdue  après  Tavoir  une 
fois  rencontrée^! 

Le  serment  (prononcé)  jadis  avait  été  mille  fois  enfreint, 

et  (pourtant)  la  lune  était  là  encore!  le  Phim  encore  était  ici! 

Oh!  que  languissamment  elles  vibraient,  les  cordes  de  sa  guitare! 

Qui  pourrait  dire  si,  dans  cette  vie,  le  brûle-parfums  (fumerait)  de  2935 

nouveau? 
Tant  que  le  Binh  et  le  Bon^^  seraient  encore  éloignés  l'un  de  l'autre, 

comment  pourrait -il  vivre  en  paix  au  sein  des  honneurs  et  de  la 
richesse*? 

la  surface  de  Teau,  obéit  à  toutes  les  impulsions  du  vent  et  ne  s'arrête 
nulle  part. 

3.  Litt  :  «  La  fleur  —  était  emportée  par  les  eaux;  —  (puis)  Veau  —  coulait 
—  fatxfrablement  —  (quant  au)  courant » 

4.  Lîtt  :  «  n  était  ému  au  sujet  de  —  le  corps  —  qui  était  submergé  —  et  sur- 
nageait; —  U  souffrait  —  (quant  au)  cœur  —  d^être  réunie  —  (et)  d'être  dispersés*. 

La  concision  de  ce  vers  est  particulièrement  remarquable. 

5.  Voir,  sur  le  Binh  et  le  Bmg,  ma  traduction  du  poème  Luc  Vân  Tien, 
aux  notes  sous  les  vers  291  et  312. 

6.  Les  deux  premiers  mots  de  ce  vers  constituent  une  ellipse  dont  le 
développement  n'est  autre  que  ce  dicton  chinois  :  «^^  fj^  |^  ^  Chung 
minh  dînh  thvc  —  Lorsque  sonne  la  cloche ,  le  chaudron  fournit  son  nour- 
rissant (contenu)*;  dicton  qui  est  passé  à  Fétat  d'adjectif  et  signifie  < riche 


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246  KIM  VAn  KIÊU  TAN  TRUYEN. 

Râp  mong  treo  an,  tdr  quan. 

May  sông  cûiig  loi,  mây  ngàn  cung  pha! 
2940    San  mlnh  trong  dâm  can  qua, 

Vào  sanh,  ra  tu,  hoa  là  thây  nhau! 

Nghl  dëu  trôi  thâm,  vu'c  sâu! 

Bông  chim  tâm  cà  biêï  dâu  ma  nhln? 

Nhfrng  là  nân  nâ  doi  tin, 
2945    Nâng  mira  dâ  biêt  mây  phen  dèi  dôi? 

Nàm  mây  dâ  thây  chiê'u  Trôi, 

Khâm  ban  sâc,  chî  dên  nod  rành  rành. 

Kim  thi  câi  nhâm  Nam  bïnh, 

Chàng  Vwang  cûng  câi  nhâm  thành  Hoài  dicang. 
2950    Sâm  sanh  xe  ngu'a  vôi  vàng; 

et  honorée.  Diaprés  M.  Wells  Williams  qui  le  donne  sous  le  caractère  Ift, 
il  se  rapporte  à  une  coutume  ancienne  et  patriarcale.  Bien  que  le  savant 
lexicographe  anglais  ne  s'explique  pas  davantage,  il  est  facile  de  comprendre, 
d'après  l'idée  que  contiennent  implicitement  ces  quatre  caractères,  en  quoi 
consistait  cette  coutume.  Le  premier  caractère  du  vers  doit  être  lu  Ift. 

1.  Le  sceau   étant  l'insigne  par  excellence  d'un  fonctionnaire  public, 
suspendre  ce  sceau  à  un  arbre  équivaut  à  résigner  ses  fonctions. 

2.  Litt.  :  «  Les  fleuves  —  tout  aussi  bien  —  U  traverserait  à  la  na^,  — 
les  sommets  de  montagnes  —  tout  aussi  bien  —  U  détruirait  !i* 

3.  Litt.  :  «//  insinuerait  —  lui-même  —  dans  la  réunion  —  des  boudiers 

—  et  des  lances,» 

4.  Litt.  :  *  Qu'ils  entrassent  dans  —  la  vie,   —  (ouj  qu'ils  sortissent  dans 

—  la  mort » 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYEN.  247 

n  avait  résolu  de  suspendre  son  sceau  ^  et  d'abandonner  sa  charge. 

II  franchirait  toutes  les  barrières^  il  détruirait  tous  les  obstacles^! 

Il  pénétrerait  au  sein  de  la  mêlée  ^^  2940 

et  peut-être  (enfin)  pourraientils^  vivants  ou  morts ^,  se  revoir! 

Mais  il  pensait  que  le  ciel  était  haut  et  que  Tabime  était  profond^! 

Comment  reconnaître  l'oiseau  à  son  ombre,  le  poisson  à  sa  bulle  d'air  «? 

Pendant  qu'il  vivait  dans  l'impatience^  attendant  toujours  des  nou- 
velles, 

qui  peut  dire  combien  de  fois  la  chaleur  et  la  pluie  se  succédèrent  2945 
l'une  à  l'autre? 

Dans  le  courant  de  l'année^  parut  tout  à  coup  un  édit  du  Prince 

qui  les  créait  envoyés  royaux  ^  et  leur  enjoignait  de  se  rendre  au  lieu 

de  leurs  attributions. 
Kim  devait  administrer  le  territoire  de  Nam  liïnh^y 

et  Vuang  commander  dans  la  ville  de  Hoài  dwong. 

On  prépara  en  toute  hâte  et  les  chars  et  les  chevaux;  2950 

5.  Il  pensait  que  Tespace  dans  lequel  il  devait  la  chercher  était  trop  im- 
mense pour  qu'il  eût  quelque  chance  de  la  rencontrer.  Nous  disons  familière- 
ment dans  le  même  sens  :  i^chet^cher  une  aiguille  dam  une  hotte  de  foin». 

6.  Lorsque  le  poisson  fouille  dans  la  vase,  on  voit  à  la  surface  do  Teau 
s'élever  des  bulles  d'air  qui  décèlent  sa  présence;  mais  il  est  difficile  de 
juger  à  la  vue  de  ces  bulles  quelle  est  l'espèce  de  poisson  qui  les  produit. 

7.  Mây  est  une  épithète  purement  ornementale.  — -  ^Chiëu  Trai»  signifie 
littéralement  ««n  édit  du  ciel».  L'empereur  T^  -5^^  étant  investi  du 
mandat  du  Ciel,  ses  édits  sont  censés  émaner  du  Ciel  lui-même. 

8.  ^Mj  Khâm  est  pour  ^Mj  ^é   Khâm  sai, 

9.  Nam  Iknli  (j^  2Œl  ^  ^an  p^ing  hién)  est  une  ville  du  jjjg  i# 
FovL  kién  qui  dépend  de  ^  2|£  tel  y^  p'Xrvf  foh. 


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248  KIM  yM  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

Hai  nhà  cûng  thuàn,  mot  flàog  pbô  qnam 

Xây  nghe  the  giâc  dâ  tan^ 

Sông  êm  Pliicéc  klën^  tro  tàii  Tîch  giang, 

Burac  tin,  Km  mô-i  rù  Vwang  : 
2955    «Tien  dàng  cùng  lai  tîm  nàiig  saii  xira!* 

Vien  châu  dên  âo  bày  gicr, 

Tliiet  tin  hôi  dirac  toc  ta  ràiih  rành. 

Rang  :  «Ngày  hôm  no  giao  binh; 

«Thât  co",  TitM  thâii  liuh  trân  tien. 
2960    «Nàng  Kim  công  câ  cliâng  dën! 

«Lenh  quan  lai  bât  ép  diiyên  tbô  tii. 

«Nàng  dà  gieo  ngoc,  ti*âm  ebn; 

«Sông  Tien  dumig  d6  ây  mô  hông  nlianîj 


1.  Litt.  :  «gwe  les  flots  -^  é&aient  ù^anqnUtet  —  âaxi»  le  Pkmk  ki^^*  ""^ 
les  cendres  étaient  disperséf^j  —  d^nê  h  Tich  gimtg  »* 

Lorsqu'un  incendie  a  eu  Ijeiij  ou  peut  croire,  tant  qu'il  reste  des  ceate 
que  le  feu  n'est  pas  entièrtïuniiit  vfeiiit;  tnais  iiutî  fois  les  cendres  dtsp*'^^ 
par  le  vent  l'on  peut  avoir  iino  sécurité  complète, 

2.  **^au  xttra  est  synonyme  de  Mi  ^m.^,  t^ettc  aîngiilière  expre«sî^''t  *^ 
les  deux  termes  se  contredisent,  m^  et'mble  êtro  «ne  c(jrrti]>tton  Jf  *^*^' 
xtea*. 

3.  Litt.  :  *(et)  de  vraie»  —  nùim4lts  —  eu  ifUerro^anl  —  I/j  M^^^^ 
(quant  h)  un  cheveu  —  (et  àj  tm  Jil  de  sois  —  elairemeni.  * 


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KIM  vAN  KIÊU  tAN  TRUYÇN.  249 

puis,  obéissant  (aux  ordres  du  Souverain)  tous  deux,  de  compagnie, 

se  rendirent  à  leurs  fonctions. 
Tout  à  coup  Ton  apprit  que  Tennemi  était  dispersé, 

que  la  paix  régnait  au  Phwôc  Jden,  que  le  Tïch  giang  était  tranquille  ^ 

A  cette  nouvelle  Kim  invita  Vuang  à  agir, 

«Nous  avons»  lui  dit-il  «une  occasion  favorable  de  retrouver  notre  2955 

»  amie  d'autrefois  ^1  » 
Us  arrivaient  alors  à  Vwn  châu, 

où  ils  purent  obtenir  des  nouvelles  et  des  informations  détaillées  3. 

«L'autre  jour»  leur  fut-il  dit  «Ton  a  livré  une  bataille, 

«et  Tîk,  vaincu,  est  mort  sur  le  lieu  du  combat^. 

«  Le  grand  mérite  de  Kîêu  n'a  point  reçu  sa  récompense!  2960 

«  On  l'a  saisie  d'après  l'ordre  du  mandarin  pour  la  marier  de  force  à 

»l'un  des  chefs  du  pays^ 
«Mais  la  jeune  femme  dans  les  flots  a  précipité  ses  charmes, 

«  et  ce  fleuve  TiSn  ÔAcàng  est  le  tombeau  de  sa  beauté.  » 


4.  Litt.  :  €  Perdant  —  Voccaaion,  —  Tit  —  a  retiré  —  son  âme  —  devant 
les  troupes  9, 

L'expression  chinoise  «"7^^^  théUca  —  perdre  Vaxasion  favorable  t^,  est 
nn  euphémisme  assez  remarquable  qui  signifie  *ètre  vainai».  Il  en  est  de 
même  des  mots  «i|x  ^R  ^^^**  ^*'*^  —  retirer  son  âme*  c'est-à-dire  «nuwmr». 
Les  Chinois,  comme  les  Annamites,  ont  la  plus  grande  répugnance  à  pro- 
noncer certains  mots,  surtout  celui  qui  dans  leur  langue  signifie  *  mourir». 
Ils  les  remplacent  le  plus  souvent  par  des  expressions  détournées  ou  des 
périphrases. 

5.  Le  mot  ^jSi  duyên»  devient  ici  verbe  par  position.  Il  a  pour  régime 
direct  Texpression  chinoise  «+  ^^  (ho  th^. 


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250  KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

«Thirong  ôi!  Không  hiêp  ma  tan! 
2965    «Mot  nhà  vînh  hiên,  riêng  oan  mot  nàng!> 

Chiêu  bon  thiêt  vi,  le  thirông; 

Giâi  oan  lâp  mot  dàn  tnrông  bên  sông. 

Ngon  trîëu  non  bac  trùng  triing. 

Voi  trông,  c6n  turang  cânh  hông  lue  gîeo! 
2970    cTinh  tbâm  bien  thâm,  la  dëu! 

«Nào  bon  Tinh  vê  biêt  tbeo  cbôn  nào?> 

Cor  duyên  dâu  bông?  La  sao? 

Gtâc  duyên  dâu  bông  tim  vào  dên  nai! 

Trông  lên  lînb  vi,  chir  bài; 

1.  Litt.  :  ^Ne  pas  —  noua  V avons  rejointe,  —  mais  —  elle  a  pértÎT^ 

2.  Litt.  :  «  Une  famille  —  est  glorieuse;  —  spécialement  —  est  maUieureuse 

—  une  —  jeune  femme!» 

3.  Litt.  :  «On  invoqua  —  Came,  —  on  installa  —  une  tahlelte,  —  cérémonie 

—  accoutumée*. 

Lorsqu'une  personne  est  morte  au  loin,  les  Chinois  accomplissent  des 
cérémonies  particulières  au  moyen  desquelles  ils  croient  rappeler  son  âme 
absente.  Ces  cérémonies  portent  le  nom  de  «dS  z|&  Chièa  hon  ~  fmoo- 
cation  de  Vâme*, 

Voir,  au  sujet  de  la  tablette,  ma  traduction  du  Li^ic  Vân  Tien,  à  la  note 
sous  le  vers  2016. 

4.  Le  «flS  dàn*  est  un  autel  à  ciel  ouvert  Le  mot  «J»  trtflmg*  a 
ici  le  sens  spécial  de  «Z*eu  découvert  destiné  aux  sacrifices,  emplacement  sur 
lequel  on  érige  le  ctàn*.  Ces  deux  mots  se  trouvent  comme  c'est  le  cas  ici, 
fréquemment  réunis  ensemble,  et  se  prennent  aussi  dans  le  sens  de  Tautel 
considéré  isolément. 

5.  Litt.  :  « . .  .  .  les  ailes  —  du  Hong  —  dans  le  moment  —  de  se  lancer!» 


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Kl  M  vAn  kiêu  tAn  truyen. 
«Hélaël*  L8*écria  Kim)  «elle  a  péri  sans  nous  revoir  M 


251 


t  Quand  tonte  la  famille  est  dans  les  bonnenrs;  elle  senle  est  infor-  2oe5 

>tanée-!> 
Selon  la  eonlume^  ou  établit  une  tablette^  on  fit  Tinvocation  de  Tâme  ^y 

et,  pour  rompre  (la  ehaine  de)  son  malheur,  au  bord  de  la  rivière 
on  disposa  un  autel  *. 

Semblables  à  des  montagnes  blanches,  les  vagues  du  courant  gron- 
daient 

(Kim),  regardait  an  loin;  il  croyait  la  voir  se  précipitant,  telle  que 
le  Hong  lorsquil  ouvre  les  ailes  en  prenant  son  essor  \ 

«ÉtraDgemeot  profonds >  dit-il  «sont  ma  tristesse  et  mon  amour ^!  2i»7o 

«Eusse  je  Fâme  de  Tinh  vV,  comment  saurais-je  où  la  poursuivre?» 

Mais  soudain,  ô  chose  étonnante®! 

Giâc  duyênf  qui  les  cherchait,  arriva  jusqu'à  ce  lieu! 

Elle  leva  les  yeux,  et  voyant  les  caractères  inscrits  sur  la  tablette, 

n  serait  împo&sibîe  en  français  de  rendre  aussi  brièvement  cette  figure 
qae  le  po^te  aQiiaiDÎtQ  a  pu  condenser  en  quatre  monosyllabes. 

6,  Lîtt.  ;  ^(Quanl  à)  Vaffection  —  profonde,  —  il  y  a  une  nier  —  de  tria- 
iôëÈe;  —  étrange  —  (m  fait  de)  chose  I* 

7,  D'après  une  légende  chinoise,  la  fille  de  Tempereur  ]|jA  ^S  Thdn 
nvng  ou  -fr  ^ft  TUn  nông,  qui  régna,  dit-on,  de  l'année  2737  à  l'année 
Ï6D7  av,  J.-C,  et  qu'on  adore  comme  le  génie  de  Tagriculture  et  de  la 
niéfkcine,  aimait  aon  mari  d'un  amour  passionné.  Son  époux  ayant  trouvé 
la  mort  dans  la  mer  orientale,  la  fille  de  Iffjjji  ^,  saisie  de  désespoir,  s'y 
précipita  et  se  noya.  Elle  fut  changée  en  un  oiseau  semblable,  pour  la 
forme,  k  ud  faisan.  Cet  oiseau,  nommé  )Ë|  |ftf  Tinh  vê,  prit  des  pierres 
jivec  son  bec,  et  se  mit  à  les  jeter  dans  la  mer  pour  la  combler  et  retrouver 
le  corps  du  prince, 

8,  Litt,  :  *  (Une  USh)  comlnnaison  —  (et)  connexiU  (une  telle  rencontre  for- 
luU^}  —  ou  (Taurml-an  trouvée)  —  (ainsi)  tout  à  coupf  —  (Ce  fait)  étrange  — 
«wrtiîiCTté  (a\iaU-U  fieu)f* 

Où  peut  voir  k  Finspection  du  texte  annamite  de  ce  vers  qu'il  renferme 


Digitized  by  VjOOQ  IC 


252  KIM  vAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

2975    Thât  kinh,  mô-i  hôi  :  «Nhfrng  iigirM  dâu  ta? 

«Vô-i  nàng  thân  thîch  gân  xa? 

«Ngnôi  c5n!  Sao  bông  làm  ma,  khôc  ngnM?» 

Nghe  tîn,  giôn  giâc,  rung  rW! 

Xùm  quanh  kê  ho,  ron  Wi  hôi  ti'a. 
2980    «Nây  chông,  nây  me,  nây  cha! 

«Nây  là  em  mot;  nây  là  em  dâu! 

Thiêt  tin  nghe  dâ  bây  lâu; 

Phâp  STT  day  thë!  Sir  dâu  la  durông! 

Sur  rang  :  «C6  qua  vdi  nu-ô-ng, 
2985     ^Lâm  tri  buôi  tnrdc,  Tien  duhng  buôi  sau. 

«Khi  nàng  gieo  ngoc  dây  sâu, 

«don  theo,  toi  dâ  gàp  nhau  nrdc  vê. 

«Cùng  nhau  nu-cng  cù'a  Bô  de; 

plusieurs  expressions  elliptiques  dont  l'explication  littérale  ci-dessus  donne 
lu  développement  complet. 

1.  Litt.  :   «.  .  .  .  (Ces)  honmies  —  ou  (est  le  fail  que)  —  iU  sont  de  nouaf* 
Le  pronom  personnel  c  ittS  ta  —  notu  »  devient  ici  par  position  un  verbe 

neutre  qualificatif.  Cette  manière  de  parler  se  rapproche  assez  de  celle  que 
uous  employons  en  français,  lorsque  nous  disons  :  ^Ces  gens-là  ne  sont  point 
tks  nôtres!» 

2.  Litt.  :  «  (Si)  avec  —  la  jeune  femme  —  vous  êtes  pai^ents  —  proches  — 
im  éloignés,  » 

3.  Litt.  :  « en  faites-vous  un  esprit f» 


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KIM  VAN  KIÊU  TAN  TRUYÇN.  253 

elle  demanda,  (comme)  efirayée  :  «  Qui  sont  ces  gens  qui  ne  sont  2975 

»  point  des  nôtres^? 
cSi  vous  avez  avec  elle  une  parenté  quelconque^, 

celle  vit!  Pourquoi  (donc)  tout  à  coup  la  traitez -vous  en  morte  ^  et 

> pleurez-vous  sur  elle?» 
A  cette  nouvelle  chacun,  surpris  et  tremblant,  la  regarde. 

On  se  réunit;  on  décline  les  noms;  les  questions  se  pressent,  confuses. 

€  Voici  son  époux;  voici  sa  mère  et  son  père;  2980 

«sa  sœur  et  sa  belle-sœur! 

«  En  vérité  jusqu'à  ce  jour  on  nous  avait  dit  (qu'elle  était  morte), 

«  et  vous  parlez  ainsi  !  ô  chose  étrange  ^  !  » 

«Croyez-moi!»  dit  la  bonzesse.  «Je  me  suis  trouvée  avec  elle 

«  à  Lâm  tri  tout  d'abord,  puis  au  Tien  duàng.  2986 

«  Quand  elle  se  jeta  dans  le  gouflFre  profond'', 

«je  l'avais  suivie;  je  l'ai  retrouvée  et  emmenée  dans  ma  demeure®. 

«Dans  une  pagode  de  Bouddha  nous  avons  vécu  ensemble. 

4.  Litt.  :  €(Vouê,)  de  la  loi  —  molUretêe,  —  pregcrivez  —  de  cette  façon! 
—  (Une)  chote  —  où  (trouverait-on)  —  extraordinaire  —  de  (cette)  manière  (là)?* 

Phàp  SIC  est  une  appellation  respectueuse  que  Ton  emploie  en  s'adressant 
aux  supérieurs  et  aux  supérieures  des  couvents  bouddhistes.  —  Th^  est 
pour  Uiif  dy,  et  duang  pour  duhng  âly.  J'ai  parlé  plus  haut  de  cette  sim- 
plification très  usitée  en  poésie. 

6.  Litt.  :  « jeta  —  la  pierre  précieuse  —  dans  le  fond  —  profond,  » 

6.  Le  mot  €^fe  nhau*,  qui  répond  exactement  au  «;te  tu&ng*  chinois, 
se  prend  parfois  unilatéralement  comme  lui.  J'ai  déjà  eu  l'occasion  d'en 
citer  nn  exemple.  C'est  encore  le  cas  ici. 


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254  KIM  vAN  KIÊU  TAn  l'RUYÊN. 

cThâo  am  âà  cûng  gan  ke  châng  xa. 
2990    tPhât  tien  ngày  bac  lân  la; 

«Bâm  dâm,  nàng  cûng  nhô*  nhà;  khôn  khnây!» 

Nghe  tin  nô*  mât,  mô*  mày! 

Mâng  nào  lai  qnâ  mâng  nây  nfra  châng? 

Tir  phen  chiêc  là  lia  rimg, 
2995    Thâm  tim,  luông  nhûng  lieu  chirng  uxr&c  mây! 

Rô  rang  hoa  rang  hircng  bay; 

Kjêp  sau  hoa  thây;  kiêp  nây  hân  thôi! 

Am  dirong  dôi  ngâ  châc  rôî  ! 

C5i  tran  ma  lai  thây  ngirôi  cihi  nguyên! 
3000    Sâp  nhau,  lay  ta  Giâc  duyên, 

Bô  hành  mot  lu  theo  lien  mot  khi. 


1.  Les  mots  «n^c^  bac*  me  paraissent  être,  avec  une  légère  déviation 
dans  le  sens,  la  traduction  annamite  de  l'expression  chinoise  «  Q  Q  hw^ 
nhiH»y  qui  signifie  entre  autres  choses  «fe  tempa  du  jour»,  Ua^ectif  <jm 
6ac»  ne  signifie  pas  *  blanc*  en  chinois,  mais  il  a  souvent  ce  sens  en  an- 
namite, où  il  est  alors  synonyme  de  «^  b^h* 

2.  Litt.  :  « . . . .  ii  ê* épanouit  —  (quant  au)  foiaage,  —  U  ouvrit  —  les  êOurcHsI» 
8.  Litt  :  «  Depuis  —  la  Joie  que  —  la  feuille  —  s'était  séparée  —  de  la  forêt,  » 
4.  Litt.  :  «  Visitant  —  (et)  cherchant,  —  tot^ours  —  (U  ne  faisait)  abêolwnent 

qu^  —  évaluer  —  le  terme  (la  mesure)  —  de  Veau  —  (et)  des  nuages!» 

L'eau  des  fleuves  ou  de  la  mer,  aussi  bien  que  les  nuages,  sont  choses 
qui  ne  peuvent  se  mesurer  ni  s'évaluer.  Mesurer  Veau  et  les  nuages,  c'est 
donc  agir  en  aveugle. 


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Y-X^fT,  ■  -T^',    J^JW 


KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  255 

cCe  petit  temple  en  paillette  se  trouve  tout  près  d'ici. 
«Devant  le  PAa<  journellement '  nous  demeurons  de  compagnie.       2990 


« 


Plongée  dans  la  mélancolie,  Kiêu  regrette  sa  famille,  et  rien  n'appaise 
(sa  tristesse)!» 
A  cette  nouvelle,  le  visage  (de  Kim)  s'épanouit  ^1 

Oh!  Quelle  joie  jamais  surpassa  cette  joie? 

Depuis  le  jour  où  la  jeune  femme  avait  été  séparée  des  siens  ^, 

sans  relâche,  à  Faventure,  il  se  lassait  à  la  chercher^!  2995 

Il  (se  croyait)  certain  que  la  fleur  s'était  détachée,  que  le  parfum 

s'était  évanoui  5; 
qu'il  la  verrait  peut-être  dans  une  vie  future;  mais  que  pour  celle-ci, 

tout  était  terminé! 
Lui  était  vivant,  elle  morte;  on  n'en  pouvait  point  douter®! 

(Comment  s'attendre  à)  revoir  en  ce  mon&e  une  habitante  des  neuf 

sources? 
Se  prosternant  devant  Oidc  duyên,  ils  rendirent  grâces  à  la  bonzesse,  3000 

et  la  troupe  des  voyageurs  de  compagnie  la  suivit. 

5.  n  croyait  que  Kiêu  était  morte. 

6.  Litt.  :  «De  VÂm  —  (et)  du  Dteang,  —  les  deux  cotée  —  â^ être  fixés  — 
(matent  complètement  terminé!  9 

Pour  comprendre  cette  expression  figurée,  il  faut  se  rappeler  que  par 
J^  Am,  nom  du  principe  femelle,  les  Chinois  désignent  ce  qui  est  obscur, 
inférieur,  le  monde  des  morts;  et  par  j&  Dieang,  nom  du  principe  mâle, 
ce  qui  est  lumineux,  supérieur,  le  monde  des  vivants.  «C7e  qui  regarde  le 
monde  des  morts  et  le  monde  des  vivaTits  était  bien  fixé  désormais,  >  en  ce  qui 
concernait  Tut/  hiiu  et  Kim  Trong;  c'est-à-dire  que  Ton  savait  (ou  croyait 
savoir)  clairement  lequel  des  deux  amants  était  moi*t  et  lequel  était  vivant. 
Le  vivant  était  Kim  Trçmg  qui  parlait;  par  conséquent  KiSu  était  morte. 


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256  KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYEN. 

Bè  lau,  vach  cô,  ûm  ai  ; 

Tinh  thâm  luông  hây  hô  nghi  nira  phân. 

Quanh  co  theo  dâi  gîang  tân, 
3005    Khôi  rihig  lau,  dâ  t^î  sân  Pkât  dàng. 

Giâc  duyên  lên  tîêng  goi  nàng; 

Ph6ng  trung  voi  khîên  sen  vàng  birô-c  ra. 

Nhln  xem  dû  mât  mot  nhà, 

Thung  già  c6n  khoé;  huyên  già  con  tirai! 
3010    Hai  em  phirong  trirông  h5a  haï! 

No  chàng  Kim,  d6  là  ngirô-î  ngày  xira! 

Tirô-ng  bây  gîîr  là  bao  giô*; 

Rô  rang  ma  mât,  c6n  ugb  chîêm  bao! 

Gîot  châu  thânh  thôt  quyên  bào. 
3015    Mâng  mâng  sa  sa  xîêt  bao  là  tinh! 

Huyen  già  dirô-i  coi  gieo  minh; 

1.  Litt.  :  < . . . .  i/«  étaient  arrivés  à  —  la  cour  —  de  de  Pkât  —  la  salle*, 

2.  Le  poète  nomme  ainsi  Tûy  kitu  à  cause  du  costume  jaune  des  reli- 
^euses  bouddhistes  qu'elle  porte. 

3.  Litt,  :  <fElle  pensait  —  fnaintenant  —  était  —  quand  f* 

4.  Litt.  :  «  Du  Huyên  —  vieux  —   en  dessous  —  quant  au  tronc  (au  jpied 
du  tronc)  —  elle  jeta  —  elle-même  > 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  257 

Rompant  les  joncs,  brisant  les  herbes,  ils  cherchaient  le  chemin  (à 

prendre); 
(mais),  au  fond  de  leur  cœur,  Us  doutaient  encore  à  moitié. 

En  suivant  les  sinuosités  de  la  rive 

Ils  franchirent  le  fourré  de  joncs  et  se  trouvèrent  devant  la  pagode  K  3005 

Gide  duyên  éleva  la  voix,  et,  appelant  la  jeune  femme, 

elle  fit  de  sa  cellule  sortir  le  nénuphar  d'or  2. 

Celle-ci,  regardant  (autour  d'elle),  reconnut  toute  sa  famille; 

son  vieux  père,  robuste  encore;  sa  vieille  mère  encore  bien  portante. 

Son  jeune  frère  et  sa  jeune  sœur  avaient  grandi  tous  les  deux.  30io 

Kim  était  là!  là  aussi  Thomme  (par  elle  aimé)  jadis! 

Elle  se  demandait  à  quelle  époque  elle  vivait  en  ce  moment  là  3, 

et,  les  yeux  grands  ouverts,  elle  croyait  rêver  encore! 

Goutte  à  goutte  ses  larmes  tombaient  sur  la  manche  de  sa  robe. 

Tour  à  tour  joyeuse  et  tremblante,  qui  dira  ses  sentiments?  3016 

Elle  se  jeta  aux  pieds  de  sa  mère^. 


Voir  sur  ce  nom  de  Iluyên  appliqué  poétiquement  à  la  mère  ma  traduc- 
tion du  Luc  Vân  Tien,  à  la  note  sous  le  vers  55. 

L'exemple  contenu  dans  ce  vers  justifie  pleinement  la  règle  d'inter- 
prétation que  j'ai  cru  pouvoir  établir  plus  haut  au  sujet  des  mots  ^dvcn*, 
€tr€n*  et  €ngoài*.  Le  bon  sens  indique  en  effet  clairement  que  TVy  ki^u 
ne  se  jette  pas  sous  sa  mère,  mais  en  fxu  par  rapport  à  sa  mère,  aux  pîeda 
de  sa  mère. 

17 


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258  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyên. 

Khôc  than  minh  kè  sy  minh  dâu  duôî. 

cTii*  con  liru  lac  que  ngirôi, 

«Bèo  trôi,  sông  phù  choc  mvabi  lâm  nâm! 
3020    «Tlnh  rang  sông  ntrô-c  cât  lâm! 

«Kiêp  nây  ai  laî  côn  cam  gâp  dây?» 

Ong  bà  trông  màt,  trao  tay; 

Dung  quang  châng  khâc  chi  ngày  birô'c  ra! 

Bây  chây  dâî  ngiiyêt  dâu  hoa, 
3025    Mu-ôi  phân  xuân  cô  gây  ba  bon  phân. 

Nôi  mirng  ông  lây  chi  cân? 

Lô-i  tan  hiêp,  chuyên  xa  gân,  thicu  dâu? 

Haï  em  hôi  inrô-c  han  sau  ; 

Dirng  trông,  nàng  dâ  trô*  sâu  làm  tu-ai  ! 
3030    Sâp  nhau  lay  tru-ô-c  Phât  dài, 

1.  Litt  :  € Vaffaire  —  de  »oi-niême  —  (qttant  à)  la  tële  ^  (et  à  la) 

queue'», 

2.  J*ai  été  quinze  ans  lo  jouet  de  Tinfortunc. 

3.  Dai  nffUf/$t  détu  hoa  est  pour  *dâi  ddu  nguyH  hoa».  L'expression  dài 
dâu  signifie  ^exposé  aux  intempérieê».  La  débauche  au  sein  de  laquelle  Tûy 
kiêu  a  été  contrainte  de  vivre  si  longtemps  est  assimilée  poétiquement  par 
Fauteur  au  soleil,  à  la  pluie,  etc.  De  môme,  en  effet,  que  les  intempéries 
hâlent  le  teint,  de  même  le  libertinage  imprime  sur  les  traits  de  ceux  qui 
y  sont  adonnés  des  stigmates  faciles  à  reconnaître. 

4.  Litt.  :  ^(Sur)  dix  —  partiet  —  de  printempê  —  elle  avait  —  (U  font 
d')afX)ir  maigri  —  de  b'ois  —  (ou)  qtuUre  —  parties  9, 


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KIM  vAn  KIÊU   tAn  TRUYÈN.  259 

et  pleurant,  soupirant,  conta  toutes  ses  aventures  '. 

«Depuis  que  je  quittai  notre  pays»,  dit-elle, 

«le  bèo,  pendant  quinze  ans,  fut  submergé  par  les  flots ^î 

«  Je  pensais  que  j'étais  à  jamais  perdue  !  3020 

«  Eussé-je  cru  qu'en  ce  monde  je  vous  posséderais  encore,  que  je  vous 

»  trouverais  ici?» 
Les  deux  vieillards  la  regardaient;  ils  la  prirent  par  la  main. 

Son  visage  était  le  même  qu'au  jour  où  elle  partit. 

Depuis  si  longtemps  qu'elle  était  le  jouet  du  libertinage**, 

elle  avait  en  leur  entier  conservé  presque  tous  ses  charmes  ^  3025 

Rien  ne  pouvait  égaler*  la  joie  du  vieillard! 

Que  de  paroles  de  bienvenue,  de  causeries  sur  toutes  choses! 

Son  jeune  frère  et  sa  jeune  sœur  l'accablaient  de  questions  ^ 

Elle,  debout,  les  regardait,  dissimulant  sa  tristesse,  et  feignant  d'être 

joyeuse'! 
Ils  se  prosternèrent  tous  dans  la  pagode  de  PhaL  3030 

6.  Litt.   :  cLa  circonatance  —   fde  son  fait  de)  se  réjouir  —  le  seigneur 
(Vuang)  —  aurait  pria  —  quoi  — •  pour  peser?* 
Ce  vers  renferme  une  inversion. 

6.  Litt.  :  ^nôi  truàc  han  sau»  est  pour  «Aji  han  truràc  sau»,  litt.  ^Vinter- 
rogeaierU  sur  —  V avant  —  (etj  V après», 

7.  Litt.  :  « elle  avait  retourné  —  (sa)  tristesse  —  pour  la  faire  — 

gaie». 

Le  poète  compare  la  tristesse  que  son  héroïne  éprouve  en  se  sachant 
souillée,  et  qu'elle  dégiiise  sous  les  apparences  de  la  gaîté  pour  ne  rien  mêler 
d'amer  à  la  joie  des  siens ,  ù  un  vêtement  que  l'on  retournerait  afin  d'en 
dissimuler  la  véritable  couleur. 

17* 


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h. 


260  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYEN. 

Tâi  sanh  trân  ta  16ng  ngirW  tir  bî. 

Kiêu  hoa  giuc  nrô-c  tiirc  thi; 

Vuomg  ông  day  nrô-c  cûng  vë  mot  nai. 

Nàng  rang  :  «Chût  phân  hoa  roi 
3035    «Nù-a  dôi  nêm  trâi  moi  mùî  dâng  cay! 

«Tlnh  rang  mât  nirô-c  choTi  mây! 

«Long  nào  c6n  tirô-ng  cô  rày  nû'a  không? 

«Dirac  rày  tâi  thë  tirang  phùng; 

«Khât  khao  dâ  thôa  tam  long  lâu  nay! 
3040    «Dâ  dem  minh  bô  am  mây; 

«Tuèi  nây  gèi  vô-i  cô  cây,  cûng  wa! 

«Mùi  thiën,  dà  bén  muôi  dira, 

«Màu  thiën,  Un  mâc,  dâ  ira  nâu  sông! 

1.  Lit  t.  :  €J^  avais  ccnipté  —  disant  —  que  —  fêtais  à  la  sur/ace  —  de 
Veau,  —  (que)  fêtais  au  pied  —  des  nuages  I» 

Sur  la  mer,  à  rhorizon,  les  nuages  semblent  s'appuyer  sur  Teau.  Une 
personne  placée  en  ce  point  sans  moyen  de  regagner  la  terre  peut  être 
considérée  comme  perdue, 

2.  Litt.  :  «.  .  .  .  quHl  y  aurait  encore  aujourd^huif» 

3.  Litt.  :  ^ToUiens  maintenard  —  (le  fait  de)  dans  une  répétée  —  vie  — 
mutuellement  —  nous  retrouver  1^ 

Kiêu  entend  par  là  qu'il  lui  semble  en  ce  moment  qu'ayant  passé  par 
la  mort  elle  revit  dans  une  existence  postérieure  et  y  retrouve  les  siens. 

4.  L'auteur,  pour  arriver  à  construire  son  vers  sans  manquer  aux  règles 
de  la  prosodie,  et  notamment  pour  obtenir  au  sixième  pied,  comme  c'est 
indispensable,  un  monosyllabe  rimant  avec  le  mot  terminai  du  vers  précédent. 


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KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUYl^N.  261 

De  cette  nouvelle  naissance  ils  rendaient  grâces  à  son  cœur  miséri- 

cordiens. 
On  pressa  (Ki^t)  de  monter  en  palanquin  afin  de  l'emmener  de  suite^ 

et  Vmmg  ong  dit  qu*au  même  lieu  tous  devaient  retourner  ensemble. 

*  Pauvre  fleur  tombée,  >  dit  Ki^ 

«  vpa^^^ïi^c)  ^û  milieu  de  mon  existence,  j'ai  déjà  goûté  toutes  leë  ao3^ 

»  amcTtuxaes! 
«  Je  me  croyais  égarée,  perdue  *  ! 

«  Comment  auraÎB*je  pensé  que  ce  jour-ci  devait  briller  pour  moi^? 

s  Je  renais  mainteuant^,  et  nous  nous  retrouvons! 

«La  soif  qui  depuis  longtemps  brûlait  mon  cœur  est  apaisée^! 

<  Je  SUIS  venue  me  confier  à  Tasile  d'une  pagode.  3û4u 

«H  convient^  à  Fâge  où  je  suis,  que  je  reste  dans  la  solitude ^  ! 

«Je  commence  à  me  faire  à  la  vie  contemplative 6,  au  régime  des 

ï  religieuses, 
«et  l'habit  brun  des  bonzesses  est  devenu  agréable  à  mes  yeux'. 

m'a  pas  reculé  devant  une  inversion  audacieuse.  Il  faut  rétablir  ainsi  la 

COBStmcHoD  : 

*  KhiU  ytao  lâu  îmt/  âa  ihoa  tdm  Unig!^  phrase  dont  la  traduction  litté- 
rale est  celle-ci  ;  «Xa  ioif  —  de  depuis  n  longtemps  (que  f  éprouvais  depnî^ 
fi  Imigtemps)  —  a  été  calmée  —  dans  mon  cœur!» 

Par  cette  moî/  le  poète  entend  le  violent  désir  que  son  héroïne  éprouvait 
de  revoir  sh  famille. 

5.  Litt.  :  * .  .  .  .  qiie  je  me  confie  aux  herbes  et  aux  arbres!» 

Û.  Litt.  ;  *(ÇuaTd  au)  goîit  —  de  la  contemplation,  —  dhs  à  présent  — 
fmlhb^  à  —  le  sel  —  et  les  légumes  confits,» 

7.  Litt  :  *  (quant  à)  la  couleur  —  des  prêtresses  de  Bouddha,  —  (en  finit 
fiej.  mhej  —  dès  à  préient  —  je  goûte  —  le  nâu  —  et  le  sông». 

Le  mot  *SS  ikiinT'  qui  n'est  que  la  transcription  chinoise  du  sanscrit 


î 


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i 


262  KIM  vAN  KJÊU  tAn  TRUYÊN. 

«Su*  dM  dâ  tât  lù-a  lèng; 
3045    cCôn  chen  vào  chôn  buî  hôug  làm  clii? 

cDô*  dang,  nào  cô  liay  gi? 

«Dâ  tu,  tu  trot  quâ  thi;  thi  thôi! 

«Trùng  sanh  on  nâng  bien  trM! 

«Long  nào  na  dirt  nghïa  ngu-M,  ra  dî?> 
3050    Ông  rang  :  «Bi  thû-  nhirt  thi! 

«Tu  liành  thi  cûng  phâi  khi,  tùng  quyën! 

«Phâi  dëu  eau  Phât  eau  tien, 

Mcllnh  kia  hiëu  no  ai  dën  eho  dây? 

«Do  sanh  nliô*  duc  eao  dày; 

€dhi/ana  —  contemplation  dans  la  solitude*^  désigne  H  la  fois  cet  état  de 
râmo  et  les  prêtres  bouddhistes.  J'ai  cru  me  conformer  à  Tidée  qui  psrait 
être  ici  dans  Tesprit  du  poète  en  lui  attribuant  successivement  les  deux  sens. 
On  remarquera  que  la  prononciation  annamite  (thiSn)  de  ce  caractère  se 
rapproche  sensiblement  plus  du  mot  dhyana  que  la  prononciation  chinoise 
(dièn),  usitée  au  nord  du  Yâng  t5Ô  kiang  ou  celle  que  Ton  adopte  à  Pékin 
(chân,  t'chânj.  C'est  là  une  preuve  entre  mille  de  la  fidélité  remarquable 
avec  laquelle  le  peuple  annamite  a  conservé  les  anciennes  prouonciadons 
chinoises  que  le  temps  a  si  considérablement  modifiées  sur  la  plus  grande 
partie  du  territoire  du  Céleste  empire. 

Il  est  bon  aussi  de  noter  le  paifait  parallélisme  qid  règne  entre  le  présent 
vers  et  le  précédent.  Sauf  les  deux  mots  ♦  an  mâc»  qui  ont  dû  forcément  être 
ajoutés  ici  puisqu'il  fallait  un  vei*s  de  huit  pieds,  on  voit  que  les  mots  cor- 
respondants des  deux  vers  ont,  lorsqu'ils  ne  sont  pas  identiques,  au  moins 
une  valeur  semblable  au  p(>int  de  vue  que  nous  appellerions  grammatical: 
Mûi  thiên  »  »  dâ  bén  mu<Ti  do'a, 
Màu    thiéfn     »     »    dâ    ira      nâu      sông! 


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KIM  vAn  KIËD  tAn  TRUYÊN.  263 

«Mes  aveotureë  dans  le  monde  ont  éteint  le  feu  de  mon  œtir; 
«{Kmrqnoi  me  mêlerais-je  encore  à  la  vie  troublée  du  siècle  *?  sôiâ 

«La  mienne  est  m<inquée!  quel  bien  pourrais-je  faire  encore^ y 
«Je  suis  religieuse;  je  veux  l'être  tout  à  fait,  et  passer  ainsi  ma  vie! 
*(Gidc  duyên)  m'a  rendu  à  Texistence;  c'est  là  un  bienfait  sans 
«Comment  me  montrerais-je  ingrate  envers  elle  en  m'éloignuut?» 
«Ces  deux  choses»  dit  le  père  «peuvent  se  concilier^!  itOS0 

«  Dans  la  vie  solitaire  elle-même  on  se  conforme  aux  temp«,  on  gc 

»plîe  aux  ci rcooi^ tances! 
«Si  tu  tiens  à  vivre  en  religieuse^, 

«qui  se  chargera  pour  toi  des  devoirs  (que  t'imposent)  et  Famour  et 

>la  piété  fiJîaîe? 
«  Puisque  tu  dois  à  (Gide  duyên)  le  service  immense  de  t'avoir  rcuduu 

V  à  la  de, 

Le  C%  nâu  (^l^le  Marmelo»)  et  le  C%  tSng  sont  deux  arbres  i\n\  thur- 
uJÂsent  la  coulenr  marron  clair  affectée  aux  vêtements  des  bonzuii. 

t»  Litt  ;  *  Encore  —  ni* introduisant  —  f  entrerais  dans  —  le  lieu  —  de  la 
pouM^ière  —   mu^e  —  pour  faire  —  quoif* 

Les  mots  «AmI  Aoh^  —  la  poussière  rouge»  Bont  la  traduction  nunaruite 
de  Texprcssion  chinoiae  «jfel  ^fë  hâng  trdn»  qui,  comme  ses  cqiiivalenU 
*  J^Ë  TU*  ^^4'"-  ^^  —  ^  monde  poussiéreux  »  et  «  H.  Jffi  pham  trdn  —  ia 
cttlj/aire  potissièri  9  OU  «^  poussière  du  monde»,  est  employée  par  Irs  lunid- 
dbiitea  p^jur  désig-ner  les  peines  et  les  tourments  de  ce  monde  (v.  W  klls 
Wu.LiA*is,  au  cîLraetère  ^fê). 

t.  Lïtt.  :  *Ayatû  manqué  mon  coup,  —  est-ce  que  —  foi  —  en  ftkU  d^  f*on 

—  51*01  ^«45  ofl  smlf» 

3.  Litt»  :  <  Doubler  —  la  vie  —  est  un  bienfait  —  lourd  —  (cf.miint')  ht 
nier  —  (et  eontmej  le  ciel». 

4.  LîtL  i  «.*,...  Pour  cela  —  (et)  ceci  —  il  y  a  un  (même)  —  trutpy!* 
6,  Lîtt.  :  %  S'il  faid  —  la  chose  —  de  chercher  —  le  Phât  —  (^)  fhtnhf^r 

—  le»  immffHelf  (pour  vivre  comme  eux),» 


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264  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

3055    «Lap  am,  roi  se  nrô'c  thay  à  chung!» 

Nghe  loi  nàng  dâ  chiu  long, 

Giâ  sir,  gîâ  cânh,  dëu  cûng  hxr&c  ra. 

Mot  doàn  vë  dên  quan  nha; 

Doàn  viên  voi  mô*  tiec  lioa  vuî  vây. 
3060    Tàng  tàng  chén  eue  dô*  say; 

Dihig  lên,  Vân  moi  giâi  bày  mot  hai. 

Rang  :  «Trong  tâe  hîep  ec  Tr6i, 

«Hai  bên  gàp  gcr,  mot  16i  kêt  giao. 

«Gâp  eoTi  binh  dia  ba  dào, 
3065    «Ma  dem  duyên  ehi,  gâ  vào  cho  em! 

«Cûng  là  phân  eâi  duyên  kim! 

«Cûng  là  mâu  ehây,  ruot  mëm!  Chô*  sao? 

1.  La  sous-préfecture  de  Kim  Trçng, 

2.  Litt.   :  €  Accumulant  —   (et)  accumtdaid  —   les  tcuaea  —  de  (Me,  —  à 
moitié  —  on  était  ivre». 

Le  Cfàc  est  une  espèce  de  vin  fort  renommée. 

3.  Litt.  :  «iSe  levant  —   Vân  —   alors  enfin  —  expliqua  —  et  exposa  — 
une  —  (ou)  deux  (clioses)». 

4.  Litt.  ;  «  Elle  dit  :  —   «  Dans  —  le  fait  d'effectuer  —  la  réunion  —  des 
ressorts  —  du  Ciel,» 

5.  Litt.  :  <kTu  as  rencontré  —   la  crise  —  (de  sur  itne)  unie   —   terre  — 
(i/  avoir)  les  flots,  » 

On  ne  voit  jamais  en  temps  ordinaire  les  flots  envahir  la  terre  ferme. 


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KIM  VAN  KIÊU  TAn  TRUYÇN.  265 

«bâtis  une  pagode;  tu  Fy  feras  venir,  et  vous  vivrez  en  commun!»  3055 

La  jeune  femme  se  laissa  persuader  par  ces  paroles. 

Elle  prit  congé  de  la  bonzesse,  elle  dit  adieu  au  pays,  et  tous  par- 
tirent ensemble. 
Ds  arrivèrent  de  compagnie  au  palais  du  mandarin  ^ 

où  Ton  se  hâta  de  s'assembler  pour  un  festin  de  réjouissance. 

Les  tasses  de  Cûc'^  se  succédaient,  et  les  têtes  s'échaufiTèrent.  3060 

Vâuj  se  levant,  prit  la  parole  3. 

«Lors  de  la  réunion  que,  dans  ses  desseins  secrets,  le  Ciel  vous  avait 

>  ménagée, >  dit-elle* 
«Tous  deux,  en  vous  rencontrant,  par  un  mot  vous  vous  liâtes. 

«Puis,  lorsqu'arriva  la  catastrophe*, 

«tu  transmis,  ô  ma  sœur  aînée,  tes  promesses  à  ta  cadette^!  3065 

«Ce  fut  un  revirement  de  condition,  un  changement  de  mariage'! 

«Au  plus  profond  de  ton  cœur  tu  dus  bien  souffrir,  n'est-ce  pas  s? 


Lorsque  ce  phénomène  a  lieu,  c'est  forcément  par  suite  d'une  catastrophe  ; 
de  là  cette  locution  métaphorique. 

6.  Litt.  :  *et  —  apportant  —  Vunion  —  de  la  sœur  aînée,  —  fiançant  — 
tu  Vas  faite  entrer  —  à  —  la  aosur  cadette». 

Cette  singulière  association  du  mot  €vào»  (verbe  ou  pai-ticule,  selon 
qu'on  adoptera  tel  ou  tel  mode  d'interprétation  pour  cette  sorte  d'affixes) 
fait  un  singulier  effet  lorsqu'on  la  traduit  littéralement  dans  notre  langue. 
Le  terme  annamite  qui  en  résulte  ne  manque  du  reste  pas  de  force.  C'est 
comme  si  l'on  disait  en  français  :  «l^i  as  greffé  tes  fiançailles  sur  moi». 

7.  Le  verbe  *kiin  câi  —  changer»,  est  dédoublé  par  élégance. 

8.  Litt.  :  «  Tout  aussi  bien  —  ce  fut  —  (le  fait  que  ton)  sang  —  coulait  — 
(et)  tes  entrailles  —  s'amollissaient;  —  n^ est-ce  pasf» 


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266  KiM  vAn  kiêu  tAn  truyen. 

«Nhihig  là  rày  irô-c,  mai  ao! 
«Mir6i  lâm  nâm  ây  biêt  bao  nhiêu  tinh? 
3070    «Bây  giô*  girong  vô*  lai  lành! 

«Khuôn  linh  lira  dâo  dâ  dành  c6  noi! 
«C5ii  duyên,  may  lai  côn  ngirôi! 
«Côn  vâng  trâng  bac,  con  16i  nguyën  xira! 
cTrâi  mai  ba  bây;  khi  vri-a! 


1.  Litt  :  <ii  Absoïum^nl  ce  n* était  que  —  maintenant  —  80uhaiter  —  (et) 
demain  —  désiret'!» 

Tûy  Vân,  dans  ce  vers,  parle  de  Kim  Trçng.  —  Le  verbe  vœe  ao  est 
dédoublé. 

2.  Tout  se  trouve  rétabli  comme  auparavant. 

3.  Litt  :  ^^(En  fait  de  lieu  que)  le  mmde  —  efficace^  —  en  opérajU  la  ré- 
volution des  choses,  —  avait  réservé  —  il  y  avait  un  lieu!» 

Uidée  contenue  dans  ce  vers  est  celle-ci  :  *Le  Ciel  qui,  dans  la  révolution 
qtCil  imprime  attx  choses  de  ce  monde,  les  modifie  constamment,  avait  réservé  en 
votre  faveur  un  lieu  dans  lequel  vous  deviez  vous  retrouver  à  un  moment  donné»' 
—  Les  six  premiers  monosyllabes  de  ce  vers  doivent  être  considérés  comme 
un  véritable  adjectif  composé  qui  se  rapporte  au  mot  ^^nai»  de  la  fin. 

J'ai  expliqué  plus  haut  l'expression  ^ khuôn  linli»,  *Lua»  signifie  «»e 
trouver  tantôt  ici  et  tantôt  là»  Qi  <dâo»  veut  dire  *  faire  le  tour»,  L*assem- 
blage  de  ces  deux  verbes  a  le  sens  que  je  lui  donne  dans  la  traduction 
littérale  ci-dessus. 

4.  Tây  Vân  entend  par  là  dire  ù  sa  sœur  que  les  serments  de  cette 
dernière  n'ont  pas  plus  cessé  d'exister  que  la  lune  à  la  clarté  de  laquelle 
ils  furent  prêtés  jadis. 

5.  Ce  vers  renferme  une  allusion  aux  deux  premières  strophes  de  la 
IX'  ode  de  la  première  section  du  Livre  des  Vers. 

ii    ^    ^ 


^   a    W   W 


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KIM  VAN  KIËU  tAn  TRUYÊN.  267 

«A  soupirer  après  toi  '  les  jours  (de  Kim)  se  passaient. 

€  Quelle  doit,  pendant  ces  quinze  ans,  avoir  été  votre  douleur! 

«Maintenant  le  miroir  brisé  de  nouveau  se  trouve  intact ^î  3070 

«  Le  Qel  dans  sa  révolution,  devait  un  jour  pour  toi  se  retrouver  fa- 

>  vorable  ^  ! 
«Ton  amour  existe  encore,  et,  par  bonheur,  ton  amant  aussi! 

«La  lune  brillante  n'a  point  péri,  non  plus  que  vos  serments  d'autre- 

>fois^. 
«Les  fruits  du  Mai  sont  trois  ou  sept*,  et  Tépoque  est  convenable! 


jâ 

^ 

m  m 

^ 

n 

W     ^ 

4^ 

1^ 

H  m 

^o    ± 

^o 

^Biêu  htm  mai! 

«  Ky  tkât  thât  hê! 

<iCâu  ngà 

thù  *?, 

«  Bai  ky 

kiêt  M! 

^Bilu  hS 

u  mai! 

€Ky  thât  tam  M! 

«.Cân  TtgZ 

thù  81  f 

*  Dra  ky 

kim  hi!^ 

«Voici  que  le  Mai  perd  ses  fruits! 

«Il  y  en  H  (encore)  sept! 

«Pour  les  hommes  distingués  qui  me  recherchent, 

«Voici  le  moment  favorable! 

«Voici  que  le  Mai  perd  ses  fruits! 

«Il  y  en  a  (encore)  trois! 

«Pour  les  hommes  distingués  qui  me  recherchent, 

«C'est  à  présent  le  moment!» 

Cette  ode  fait  allusion  à  une  femme  impatiente  de  se  voir  demander 


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268  KIM  VAN  KIÊU  tAN  TRUYÊN. 

3075    «Dào  non;  sdm  lieu  xe  ta  kip  thi! » 

Dirt  IM,  nàng  moi  gat  di. 

«Sir  muôn  nàm  cû  kè  chî  bây  gib? 

«Mot  IM  tuy  cô  irô-c  xira, 

«Xét  mlnh  dâi  giô,  dâu  mira  dâ  nhîëu! 
3080    «Nôi,  càng  hô  then  tràm  chiu! 

«Thi  cho  ngon  nirô-c  tliùy  trîëu  chây  xnôiîa 

Chàng  rang  :  «Nôi  cûng  la  dôi! 

«Dâu  15ng  kia  vây,  cî^n  16î  ây  sao? 

«Mot  IM  dâ  trot  thâm  giao  ! 
3085    «Dirôi  TrW  c6  Bât;  trên  cao  c6  Tr6i! 

«Dâu  rang  vât  dôi,  sao  dôi, 

«Tû*  sinh,  cûng  gîfr  lây  loi  ta:  sînh! 


on  mariage.  En  disant  que  le  Mai  ou  prunier  (il  ne  s'agit  pas  ici  du  Mtù 
des  Annamites)  a  encore  sept  fruits  (ou  sept  dizaines  de  fruits  suivant 
certains  commentateurs),  elle  donne  à  entendre  que  son  âge  est  tout  à  fidt 
favorable  au  mariage.  En  disant  plus  tard  que  le  Mai  n'a  plus  que  tim 
fruits  (ou  trois  dizaines  de  fruits),  elle  prévient  qu'il  est  encore  temps  de 
répouser,  mais  que  bientôt  il  sera  trop  tard. 

Tvi/  Vân,  qui  applique  cette  ode  à  sa  soeur,  lui  fait  comprendre  parles 
mots  «6a  bat/»  que,  si  elle  n'est  plus  dans  la  situation  indiquée  par  la 
première  strophe  de  l'ode  J^  7^  ]jfi,  elle  est  du  moins  dans  la  seconde, 
puisqu'elle  n'a  que  trente  ans;  et  que  par  conséquent  elle  peut  sans  scrupule 
épouser  Kim  Trong. 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  tkuyçn. 


269 


«Le  Dào  est  encore  tendre;  voyez  à  vous  unir  au  plus  vite  alîa  30T5 

*  d*arriver  à  temps  ^  !  » 
Kmu  rinterrompit  et  dit  en  secouant  la  tête^  : 

<A  quoi  bon  revenir  aujourd'hui  sur  des  choses  aussi  anciennes^  V 

«Si  on  serment  jadis  fut  prononcé, 

«en  me  remaniant  je  vois  que  sur  moi  le  temps  a  exercé  bien  des 

*Tavage«^! 
«Plus  vouB  parlez  de  cela,  et  plus  ma  confusion  augmente!  plus  nu  m  mm 

ïCceiir  bat,  a^té'! 
«Laissons  donc  passer  sans  obstacle  le  courant  et  la  marée ^  1  > 

«Vos  i)a rôles  sont  étranges!  >  lui  répliqua  le  jeune  homme. 

«Votre  ccEur  peut  jienser  ainsi;  mais  où  sont  vos  (anciennes)  i»ro- 

>  messes? 
«Une  parole  suffit  jadis  pour  cimenter  notre  union! 


«Ici  bas,  la  terre  (l'a  vu);  en  haut  le  Ciel  (en  fut  témoin)! 

«  Bien  qu'on  dise  que  les  choses  changent,  que  les  étoiles  se  succèdent, 

«  les  fiermeots  de  vie  et  de  mort  à  la  vie,  à  la  mort  se  gardent  '  ! 


:iusî> 


1.  C'est  la  môme  UXm  qu'au  vers  précédent  ^  Kiêu  peut  encore  se  marier* 

—  Xc  î(T  signifie  littérak-ment  :  *  tordre  le  fil  de  soie». 

2.  En  sigTje  de  dénégation. 

3.  Utt  :  « vieilles  de  dix  miUe  atis ». 

4.  Lift  :  *Je  considère  que  —  les  faits  que  moi-mênie  —  ai  été  ejejwfié^  Ci 

—  /-e  v^ît,  —  (eij  f/aignée  par  —  la  pluie  —  ont  été  nombreux!* 
Ce  ver?  peut  s'entendre  aussi  bien  au  moral  qu'au  physique. 

5.  Lîtt  :  ^  (Quand)  vous  parlez,  —  de  plus  en  plus  —  je  suis  honkti^e  -* 
(quimi  h)  eetû   —  Italtemernts  de  cœur!» 

6.  Ne  parlons  plus  de  ce  sujet;  laissons  tout  cela  de  côté! 

7*  Lift.  :  *  (Qimnl  à)  la  niort   —   (et)  à   la   vie   —   tout   aussi  bien    —  mi 
g<irdÈ  devers  soi  —  tes  paroles  —  de  vie  —  (et)  de  mort!» 


*     \ 


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I 


M 


270  KIM  VAN  KIËU  tAN  TRUYÊN. 

«Duyên  kîa  c6  phu  chi  minL, 

«Ma  toan  chia  gânli  chung  tlnh  làm  hai?> 
3090    Nàng  rang  :  «Gîa  tLât,  duyên  hàî, 

«Chût  long  an  ai,  ai  ai  cûng  15ng! 

«Nghï  rang  trong  su*  ver  chông, 

«Hoa  tham  phong  nliuy,  v5ng  tr5n  ngâm  girong. 

«Chu*  trinh  dâng  giâ  ngàn  vàng! 
3095     «Buôc  hoa  châng  then  vôi  chàng  mai  xira? 

«Thiêp  tir  ngo  bien  dên  giô*, 

«Ong  qua,  brrôm  lai;  dâ  thiïa  xâu  xa! 

1.  Uamour  est  personnifié  ici.  Il  ne  s'abandonne  pas;  c'est  nous  qni 
nous  abandonnons.  Cotte  idée  me  semble  terriblement  alambîquée! 

2.  Chvng  Ùnh,  litt.  :  *V amour  cloche »j  c'est  Tamour  vrai,  Tamour  con- 
jugal. Voici  comment  les  lettrés  chinois  expliquent  cette  singulière  ex- 
pression :  «  De  même  qu'une  cloche  est  fondue  par  l'ouvrier  qui  la  fabrique, 
de  même  les  sentiments  naturels  sont  comme  fondu»  en  nous  par  le  Créateur. 
L'amour  conjugal  est  un  sentiment  de  cette  espèce.  Il  a  été  mis  dans 
notre  cœur  à  notre  naissance.»  Le  mot  *  cloche*  est  donc  synonyme  de 
*  fondu*,  ou  «tnnrf»,  pour  employer  le  terme  que  notre  philosophie  euro- 
péenne applique  aux  idées  qui  sont  inhérentes  à  notre  nature. 

Cette  manière  de  voir  peut  être  soutenue;  mais  le  genre  de  métaphore 
employé  pour  l'exprimer  est  d'une  étrangeté  absolument  chinoise,  et  on  a 
besoin  d'être  prévenu  pour  savoir  que  Vamour  cloche  signifie  Vamour  coi^ugalî 

3.  Litt.  :  «  (Quant  à)  un  peu  de  —  cœur  —  d'affection  —  (et)  d'amour,  — 
qui  que  ce  soit  —  tout  aussi  bien  —  est  doué  de  (ce)  cœur!* 

La  valeur  verbale  absolument  inusitée  que  prend  ici  le  dernier  mot 
*ïbng*  est  un  exemple  très  frappant  de  Tinfluence  de  la  règle  de  position 
dans  la  poésie  annamite. 

4.  Litt.  :  «  Les  fleurs  —  odoriférantes  —  sont  enveloppées  —  (dans  leur) 
houton,  —  (et)  la  sphère  —  ronde  (la  lune)  —  est  enveloppée  (comme  les  ali- 
ments dans  la  bouche)  —  quant  à  son  miroir!* 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  271 

«L'amour,  lui,  s'abandonne-t-il  donc^? 

«Et  vous  voulez  pourtant  diviser  le  fardeau!  vous  voulez  partager 

>en  deux  un  amour  mis  en  nous  par  le  CieP!  » 
«Quant  à  ce  qui  concerne  la  famille  et  Tharmonie  conjugale»  dit  3090 

KiSu, 
«  tout  le  monde  en  son  cœur  possède  un  peu  d'affection  et  d'amour  ^î 

«Je  pense  que  dans  le  mariage 

«Les  choses  doivent,  chez  les  époux,  avoir  encore  leur  fraîcheur  pre- 

>mière^. 
«La  chasteté  est  chose  d'un  haut  prix*^! 

«  Pourrais-je,  à  la  lueur  de  la  torche  nuptiale,  vous  laisser  voir  sans  3095 

»  honte,  que  j'ai  perdu  la  fleur  de  ma  virginité  6? 
«  Depuis  le  jour  où  le  malheur  pour  la  première  fois  m'assaillit, 

«jouet  de  tous  les  libertins,  je  fus  couverte  d'opprobre'! 

Il  faut  que  deux  nouveaux  époux  soient  purs  comme  la  fleur  dans  son 
bouton,  ou  comme  le  miroir  brillant  de  la  nouvelle  lune  dan»  son  enveloppe. 
Le  poète  suppose  que  la  nouvelle  lune  n'est  pas  visible  à  nos  yeux  parce- 
qu'elle  est  renfermée  dans  une  enveloppe,  à  la  manière  des  aliments  qu'on 
no  voit  pas  quand  ils  sont  renfermés  dans  la  bouche  (ngâm). 

6.  Litt.  :  «Le  caractère  —  *  chastetés  —  vaut  —  le  prix  —  de  mille  — 
(Ufngota  ^Jor!-» 

6.  Litt.  ',  ^(A  la  lueur  de)  la  torche  —  fleurie  —  ne  peu  —  f  aurais  honte 

—  avec  —  vous  —  (au  sujet  du)  Mai  —  d'' autrefois  f» 

On  est  dans  l'habitude  en  Chine  de  placer  dans  la  chambre  nuptiale 
une  bougie  ornée  de  fleurs  et  de  figures  représentant  des  dragons  et  des 
phénix. 

La  virginité  étant  la  qualité  essentielle  d'une  jeune  fille,  on  lui  a  donné 
le  nom  métaphorique  de  Mai,  à  cause  de  l'estime  dans  laquelle  est  tenu 
cet  arbuste-,  et  comme  une  jeune  fille  possède  sa  virginité  depuis  le  jour 
de  sa  naissance,  on  y  ajoute  l'épithéte  de  xiea,  adverbe  qui  devient  adjectif 
par  position.  Le  Mai  d'autrefois,  c'est  donc  la  virginité. 

On  pourrait  considérer  ici  le  mot  ^xita*  comme  une  ellipse  pour  «ajva 
nay*  qui  signifie  ^de  tout  temps,  jusqu'à  ce  jour*. 

7.  Litt.  :  ^L'abeille  —  passait,  —  le  papiUon  —  venait;  —  j^ai  surabondé 

—  (quant  à)  la  malpropreté!* 


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272  KIM  vAn  KIÊU  TÂN  TRUY^N. 

«Bây  cliây  gîo  tâp,  mira  sa, 

«May  trâng  cûng  khuyêt;  mây  hoa  cûng  tàn! 
3100    «C6n  chi  là  céi  hông  nhan? 

«Dâ  xong  thân  thë!  Côn  toan  nôî  nâo? 

«Nghï  mlnh,  châng  hô  minh  sao? 

cDâm  dam  trân  eau  dira  vào  bô  kinh? 

cDâ  hay  chàng  nâng  vi  tinh; 
3105    «Trông  hoa  dèn  châng  then  minh  lâm  ru? 

«Tir  rày  khép  cù^  phông  thu; 

«Châng  tu,  thl  cûng  là  tu;  m(H  là! 

«Chàng  dàu  nghi  dên  gân  xa, 

«Dem  tinh  cam  sât  dôî  ra  cam  cirl 


1.  Litt.  :  €.  .  ,  le  vent  —  m^a  pousêée,  —  la  pluie  —  eêt  tombée  (no- moi)*. 

2.  Litt.  :  «  TouteB  —  lea  lunes  —  tout  aussi  bien  —  ont  été  —  non  plàm 
—  toutes  —  les  fleurs  —  tout  aussi  bien  —  ont  été  flétries  ! -» 

Je  n'ai  pas  cru  devoir  donner  exactement  l'idée  par  trop  matéridle  que 
renferme  cette  métaphore. 

3.  Litt.  :  *Cesi  termiTié  complètement  —  (quant  à  ma)  personne  —  de  eéUi 
membre  là! » 

4.  Litt.  :  €  (Est-ce  que)  f  oserais,  —  apportant  —  (ma)  poussiht,  —  prendre 
rang  pai'mi  —  les  toiles  de  coton  —  (et)  les  buisf* 

J'ai  expliqué  au  commencement  du  poème  ce  qu'il  faut  entendre  p«r 
Texpression  «  bff  kinh  ». 

5.  Litt.  :  €  alourdi*. 

6.  Ce  vers  renferme  un  double  sens. 

1^  Les  mots  ^ hoa  dèn»  désignent  «les  fleurs  dont  est  ornée  le  cief;ge 
nuptial».  C'est  l'idée  déjà  exprimée  au  vers  3095. 


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KIM  VAn  KIÊU  TAN  TRUYEN.  273 

«Depuis  lors,  passant  toujours  dans  les  mains  des  uns  et  des  autres  ', 
«tout  ce  qui  était  pur  en  moi  a  été  souillé,  flétri^! 
«Et  qu'est  devenue  ma  beauté  elle-même?  sioo 

«C'en  est  fait  de  moi,  maintenant'!  A  quoi  pourrais-je  prétendre? 

«.En  pensant  à  moi-même,  comment  de  moi-même  ne  serais -je  point 

»  honteuse? 
«Comment  oserais-je,  moi  souillée!  entrer  dans  les  rangs  des  mères 

>  de  famille  *  ?  . 

«Je  sais  bien  que  par  votre  amour,  ami,  vous  êtes  aveuglé^! 

«niais  quand  je  regarde  les  fleurs  et  la  lumière,  la  honte  de  moi-  3105 

»même  ne  m'accable-t-elle  point  ^? 
«Dès  aujourdhui  je  vais  fermer  ma  porte'! 

«  Si  je  ne  suis  point  une  vraie  bonzesse,  je  n'en  vivrai  pas  moins 

>  comme  si  je  l'étais! 

«  Si  vous  réfléchissez  mûrement, 

«au  lieu  d'être  mon  époux,  vous  deviendrez  mon  ami^! 

2**  Les  fleurs  sont  fraîches,  la  lumière  est  pure.  Comme  KiSu  ne  pos- 
eéde,  dit -elle,  ni  pureté  ni  beauté,  elle  ne  pourrait  sans  honte  porter  ses 
regards  sur  elles. 

7.  Litt.  :  « la  porte  de  ma  chambre  d'atUomne!* 

L'automne  est  Topposé  du  printemps,  dont  le  nom  ^^  xuân  exprime 
à  la  fois  la  jeunesse  et  les  plaisirs  de  l'amour.  Kiêu,  par  l'emploi  de  cette 
épithôte,  fait  comprendre  à  la  fois  qu'elle  n'a  plus  la  fraîcheur  qui  sied  à 
une  jeune  épouse  et  qu'elle  se  sent  indigne  do  goûter  les  plaisirs  légitimes 
de  l'amour  conjugal. 

8.  Litt.  :  €  Apportant  —  V  affection  —  du  câm  —  (et)  du  sâc  (V  affection  des 
époux),  —  changez  la  —  à  devenir  —  (V affection)  du  cdm  —  (et)  dea  échecs 
(V affection  de*  amis)!:» 

J'ai  expliqué  dans  ma  traduction  du  Liic  Vân  THhi  (note  sous  le  vers  344) 
l'origine  de  l'expression  ^cdm  sâc».  Quant  aux  mots  €cdm  ch»,  ils  sont 
employés,  en  opposition  avec  ces  derniers,  pour  designer  le  lien  affectueux 

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274  KIM  VAN  KIEU  TAn  TEUYÊN. 

3110    «N6Î  chi  kêt  t6c  xe  to? 

«Dâ  buôn  câ  bung,  ma  nha  câ  âbil 

Chàng  rang  :  «Khéo  nôî  nên  loi! 

«Ma  trong  le  phâi,  c6  ngirôi,  c6  ta! 

«Xna  nay,  trong  dao  don  bà, 
3115    «Chfr  trinh  kîa  cûng  c6  ba  bây  dirôiig. 

<C6  khi  bien,  c6  khi  thirùng; 

<C6  quyën;  nào  phâi  mot  dirông  châp  kînh? 

«Nhir  nàng  lây  hîëu  làm  trinh, 

«Bui  nào  cho  duc  dirac  minh  ây  vay? 


qui  unit  les  amis  entre  eux,  à  cause  précisément  de  deux  des  qMtw 
occupations  favorites  auxquelles  ils  se  livrent  lorsqu'ils  sont  réuni»,  et  qm 
sont  la  musique,  les  échecs,  la  poésie  et  le  vin.  Nous  voyons  dans  le  I^  »** 
Tien  le  héros  du  poème  citer  avec  éloge  les  sept  compagnons  qu'on  appel» 
'"tt  ^  'tî  W  ^^^"^  lâm  ihâU  hiin  '-  les  sept  sages  du  boi»  det  basûxmi* 
à  cause  de  ces  distractions  qu'ils  prenaient  dans  le  lieu  ainsi  appelé. 
<  Khi  C(y,  khi  rvçu,  khi  câm,  khi  thi, 
*Công  danh  phû  qui  màng  chit» 

«Tantôt  jouant  aux  échecs,  tantôt  buvant  du  vin;  jouant  du  câminjora- 
«d'hui,  et  demain  composant  des  vers, 

«ils  faisaient  peu  de  cas  de  la  gloire  et  de  la  richesse!» 

1.  Litt.  :  «d'tmtr  —  les  cheveux  ^  et  de  tordre  —  la  soief* 

Les  époux  dormant  sur  le  même  oreiller,  leurs  cheveux  s'y  tronvent 
comme  confondus;  de  là  l'expression  kit  tàe.  Quant  aux  mots  *xeto^>^ 
ont  été  expliqués  plus  haut  (Voir  la  note  concernant  l'histoire  de  V^  ^l 

2.  Litt.  :  « Habilement  —  en  parlant  —  vous  faites  devenir  (w" 

produisez)  —  des  paroles/* 

3.  Litt.  :  «  Mais  —  dans  —  la  raison  --  il  y  a  —  les  gens,  —  (^^^^ 
a  —  nous,  (Nous  sommes,  tout  aussi  bien  que  les  autres,  renfermés  diont  le  drt* 


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KIM  VAn  KIÊU  tAN  TRUYÊN.  275 

«  Pourquoi  parler  d'unir  nos  existences  '  ?  3110 

«Mon  cœur  n'est  que  tristesse,  et  ma  vie  que  souillure!  » 
«Ce  que  vous  dites»  reprit  Kim,  «est  tout  à  fait  inadmissible^! 
«et,  pour  nous  comme  pour  les  autres,  il  n'est  qu'une  seule  raison ^î 
«  Jusqu'à  ce  jour,  dans  les  devoirs  des  femmes, 

«il  y  eut  plusieurs  façons  d'observer  la  chasteté^.  3116 

«Il  est  (des  cas)  inusités,  il  y  a  (la  vie)  ordinaire*; 

«il  y  a  des  exceptions,  et  de  plusieurs  manières  on  peut  observer  la 

♦  règle! 
«Vous  avez  par  la  piété  filiale  remplacé  la  fidélité  ^ 

«Où  voyez- vous  donc  qu'une  tache'  ait  pu  souiller  votre  personne? 


commun.  Là  ck  les  autres  ont  raison  (lé  pkâij  d^agir  d'une  manière  donnée, 
nous  aussi  nous  avons  raison  d'agir  de  cette  manière  là)!* 

4.  Litt.  :  «Cfe  caractkre  —  ^ chasteté*  —  là  —  tout  aussi  bien  —  a  —  trois 
—  (ou)  sept  —  voies  (modes),* 

6.  Litt.  :  tlly  a  —  des  fois  —  changées,  ^  U  y  a  —  des  fois  —  ordinaires;  » 

6.  KiSu,  d*un  côté,  devait  garder  envers  son  fiancé  la  fidélité  conjugale, 
c'est-à-dire  qu'elle  ne  devait  pas  en  épouser  un  autre.  D'un  autre  côté 
elle  devait  observer  envers  son  père  la  piété  filiale,  et,  par  conséquent, 
faire  tout  ce  que  cette  vertu  exigeait;  dans  Fespèce,  employer  tous  les 
moyens  possibles  pour  empêcher  l'incarcération  de  Vwang  ông.  Les  deux 
vertus  se  trouvaient  donc  en  opposition,  et  la  pratique  de  l'une  était  in- 
compatible avec  celle  de  l'autre.  Si,  en  effet,  fidèle  à  ses  serments  envers 
Kim  trong,  la  jeune  fille  ne  se  vendait  pas,  son  père  était  jeté  en  prison, 
et  elle  manquait  à  la  piété  filiale.  Si  au  contraire  elle  se  vendait  pour 
arracher  avec  le  prix  de  son  sacrifice  son  père  aux  mains  de  son  créancier, 
elle  manquait  à  la  fidélité.  C'est  ce  dernier  parti  qu'elle  a  pris-,  elle  a  violé 
ses  serments,  sacrifiant  le  devoir  qu'ils  lui  imposaient  à  un  devoir  plus  strict, 
celui  de  délivrer  son  père. 

7.  Litt.  :  €  Quelle  poussière  —  donne  (la  faculté)  —  de  pouvoir  trouMer  — 
ce  corps  là  —  ainsi  f» 

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276  KIM  VÂN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

3120     tTrM  côn  de  c6  hôm  nay! 

«Tan  sirang,  bîêt  tô  âng  mây  gifra  triri! 

«Hoa  tàn,  ma  lai  thêm  tirai! 

«Trâng  tàn;  ma  lai  han  miriri  râm  xira! 

<C6  dëu  chi  niïa  ma  ngir? 
3125    «Khâch  qua  dirô-ng,  de  hâng  liir  chàng  Ti/m!^ 

Nghe  chàng  n6i  dâ  hêt  dëu, 

Hai  thân  thl  cûng  quyêt  theo  mot  bài. 

H^  IM,  khôn  le  chôi  IM, 
•  Cùi  dâu,  nàng  nhfrng  vân  dài  thâ  tlian. 
3130    Nhà  vù^  mô-  tiêc  doàn  viên. 


1.  Parcequ'alors  la  rosée,  réduite  en  vapeur  sous  Faction  des  rayons 
du  soleil,  va  se  condenser  dans  la  partie  supérieure  de  Tatmosphèrc  et 
y  former  des  nuages. 

Cette  métaphore  signifie  que  lorsque  les  malheurs  sont  passés  on  aper- 
çoit les  moyens  de  devenir  illustre.  On  sait  que  Tascension  du  dragon  dans 
les  nuages  est  la  figure  par  laquelle  les  Chinois  désignent  une  carrière 
glorieuse.  En  lui  parlant  ainsi,  Kim  trong  fait  entendre  à  7%  ïcitu  que 
les  hontes  de  sa  vie  passée  n'existant  plus,  une  existence  brillante  et  honorée 
l'attend. 

2.  Litt.  :  €(  Votre)  lune  —  est  décroissante;  —  mais  —  encore  —  elle  est 
plus  que  —  dix  —  pleines  lunes  —  d^ autrefois  I* 

3.  Litt.  :  €  Etranger  —  qui  passe  —  dans  le  cAemin,  —  je  laissera  (à  la 
postérU/)  —  le  fait  de  passer  par  hasard  —  de  Tièul* 

La  fille  de  iW^  ^^  Mue  cong,  duc  de  ^^  Tdn,  nommée  3^  ^^  Lcng 
ngoc,  possédait  un  grand  talent  sur  la  flfite.  Un  jour  qu'elle  jouait  de  cet 
instrument  dans  un  pavillon  du  palais  de  son  père,  elle  fut  entendue  par 


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KIM  VÂN  KIÉU  tAn  TRUYÊN.  277 

«Le  Ciel  encor  nous  ménage  ce  jour!  3120 

«  Une  fois  la  rosée  dissipée;  Ton  voit  clairement  les  nuages  au  ciel  ^  ! 

«Vous  n'êtes  plus  dans  votre  fleur;  mais  vous  n'en  êtes  que  plus 

»  fraîche, 
«et  votre  déclin  vaut  mieux  que  votre  splendeur  d'autrefois 2 ! 

«Pourquoi  donc  hésiter  encore? 

«  Inconnu,  dans  le  chemin,  je  vous  rencontre  en  passant;  et  l'on  tien-  8125 

>dra  cela  pour  semblable  au  passage  de  Ttêu^l^ 
Voyant  qu'il  était  à  bout  d'arguments, 

les  parents  (de  ESu),  pour  l'appuyer,  vinrent  parler  à  leur  tour^. 

Ne  trouvant  plus  rien  à  dire  pour  motiver  son  refus, 

la  jeune  femme  baissa  la  tête  et  se  répandit  en  soupirs. 

Aussitôt  toute  la  maison  se  réunit  dans  un  festin.  3i30 


un  immortel  nommé  œj*  ^  Tiêu  sûr.  Ce  dernier  descendit  du  ciel  et  joua 
un  duo  avec  elle.  Épris  de  la  jeune  fille,  il  l'obtint  de  son  père,  l'épousa, 
et  dans  la  suite  ils  s'envolèrent  tous  deux  au  ciel.  Une  autre  version  de 
cette  légende  dit  que  Tiêu  air  enseigna  son  art  à  Lmig  ngoc  après  leur 
mariage.  Elle  ajoute  que  l'harmonie  qu'ils  produisaient  était  telle  qu'elle 
attirait  les  phénix  du  haut  du  ciel,  où  les  deux  époux  finirent  par  être 
enlevés,  l'un  sur  un  de  ces  oiseaux  et  l'autre  sur  un  dragon. 

Kim  trong  s'assimile  ici  à  Tièu  et  fait  entendre  à  Tûy  kiêu  que  de  même 
que  ce  dernier  fit  une  immortelle  de  la  fille  de  M\Mi  cong  pour  l'avoir  en- 
tendue en  passant,  de  même  lui,  Kim  trong,  élèvera  jusqu'à  lui  l'ancienne 
couiiisane  en  l'épousant.  Les  mots  *khàch  qua  dwbng»  semblent  faire  allu- 
sion à  leur  première  rencontre  dans  un  chemin  du  champ  dos  tombeaux 
(voir  au  commencement  du  poème). 

4.  Litt.  :  <fe»  dettx  —  parenté  —  alors  —  aussi  —  résolurent  de  —  (lej 
suiwe  —  (quant  à)  une  —  composition  (une  dUocution),* 


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278  KIM  VAN  KIÉU  tAn  TRUYÊN. 

Hoa  soi  ngon  duôc,  hông  chen  biSrc  là. 
Cùng  nhau  giao  lay  mot  nhà; 
Lëdàdùlë,  dôilàdàdôi! 
Dong  phông,  dhi  dât  chén  moi; 
3135    Bâng  khuâng  duyên  moi,  ngâm  ngùi  tinL  xira! 
Nhûng  tir  sen  ng6  dào  tha, 
MirM  lâm  nàm,  moi  bây  giir  là  dây  ! 
Tlnh  duyên  ây,  hiêp  tan  nây, 

1.  Lîtt.  :  « le  rouge  —  était  suspendu  —  en  pièces  —  de  soierie.^ 

Ce  que  Ton  appelle  «M»  est  une  espèce  de  soierie  fine  généralement 
ornée  de  petits  dessins. 

2.  Litt.  :  «  (Quant  à)  des  cérémonies  —  il  i/  avait  de  suffisantes  —  cérémoniet; 
—  (quant  au)  couple  —  il  y  avait  eu  un  suffisant  —  couple  f» 

3.  Litt  :  «  (Dans)  la  chamhre  nuptiale  —  on  fit  la  cérémonie  des  tasses  — 
(avec  des)  tasses  —  d'écaillé;» 

€Bông»  est  le  nom  qu'on  donne  à  des  grottes  que  les  immortels  sont 
réputés  habiter  au  sein  de  certaines  montagnes  inaccessibles,  et  particu- 
lièrement dans  celle  de  ^S  ^  Bffng  lai  f^S  ^È  ^  j&  B&ng  lai  tien 

cành).  En  appliquant  cette  épithète  au  mot  «S  phhng  —  chambre»,  on 
forme  un  mot  composé  dont  on  se  sert  pour  désigner  spécialement  la 
chambre  nuptiale. 

Ce  nom  de  «^^  ^  âông  pkbng»y  ainsi  que  Texpression  «^  46  koa 
chUc»  qui  correspond  au  ^hoa  âèn»  et  au  ^duâ^c  hoa»  annamites,  se  ren- 
contrent très  souvent  dans  le  style  fleuri  chinois.  Dans  le  roman  intitulé 
3E  ^S  ^  (^^^'  ^»  P*  ^^  verso),  le  président  du  bureau  des  cérémonies 
â  '&'  ^*PP^^®  Q"*^>  d'après  ce  que  lui  a  révélé  le  devin  J^  ^B[  1^ ,  le 
jeune  homme  que  ce  dernier  lui  proposait  pour  sa  fille  ne  veut  pas,  avant 
d'être  reçu  docteur,  s'occuper  de  la  chambre  des  immortels  et  du  cierge  fieuri 

à-dire  penser  au  mariage. 


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KiM  vAn  kieu  tAn  truyçn.  279 

Les  fleurs  brillaient  comme  des  flammes;  de  fines  draperies  de  soie 

rouge  '  étaient  tendues. 
Devant  toute  la  famille  les  deux  amants  se  prosternèrent. 

Les  cérémonies  étaient  complètes;  et  le  couple  bien  assorti^! 

On  se  réunit  dans  la  chambre,  et  les  tasses  d'écaillé  furent  adaptées 

l'une  à  l'autre^. 
Dans  la  joie  de  leur  récente  union,  ils  pensaient,  émus,  aux  amours  3135 

de  jadis! 
Depuis  leur  tendre  jeunesse^, 

pendant  quinze  ans  désiré,  (ce  mariage)  enfin  avait  lieu! 

L'amour  et  l'union  d'aujourd'hui,  la  réunion  et  la  séparation  d'autre- 
fois. 

Quant  à  rexpression  annamite  ^|^  ^^  dm  doit,  elle  correspond  à  ce 

que  Ton  appelle  en  chinois  ^hièp  cin*.  Originah-ement  les  deux  époux,  en 
entrant  dans  la  chambre  nuptiale,  devaient  boire  dans  des  tasses  que  Ton 
fabriquait  en  coupant  par  la  moitié  une  sorte  de  courge.  Actuellement 
on  remplace  ces  coupes  grossières  par  des  tasses  faites  d'une  matière 
précieuse,  telle  par  exemple  que  Técaille  de  la  tortue  caret  (jf^  ïg  Bâi 
mSi).  Une  table  est  préparée  dans  la  chambre  nuptiale.  Lorsque  les  époux 
y  sont  entrés,  la  jeune  femme  se  prosterne  devant  son  mari;  puis  ce  dernier 
la  salue  à  son  tour.  On  remplit  ensuite  de  vin  les  deux  tasses^  dans  les- 
quelles le  mari  et  la  femme  boivent  en  même  temps  au  bonheur  Tun  de 
Tautre.  Il  est  indispensable  que  chacun  d'eux  boive  le  liquide  jusqu'à  la 
dernière  goutte.  Cela  fait,  la  tasse  du  mari  et  celle  de  la  femme  sont  re- 
tournées et  appliquées  hermétiquement  Tune  sur  l'autre.  Cette  cérémonie 
représente  symboliquement  l'indissolubilité  du  mariage.  Elle  signifie  que, 
de  même  que  les  deux  moitiés  de  la  courge  symbolique  (représentées  ac- 
tuellement par  les  tasses),  étant  appliquées  l'une  contre  l'autre,  forment 
comme  un  fruit  entier,  de  même  les  deux  époux  ne  font  plus  qu'un  seul 
être,  et  sont  désormais  inséparables. 

4.  Litt.  :  ^Âhêolument  —  depuis  —  la  jeune  racitie  de  nénuphar  —  et  le 
pêcher  —  tendre,  :» 

•  Sen»  est  le  nom  du  nénuphar,  et  €ng6»  celui  de  la  racine  charnue  de 
cette  plante.  Lorsqu'elle  est  jeune,  elle  est  blanche,  tendre,  et  excellente 
à  manger.  Cette  jeune  racine,  de  même  que  le  jeune  pêcher,  sont  pris  ici 
métaphoriquement  comme  figure  de  la  première  jeunesse. 


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> 


280  KiM  vAn  kiéu  tAn  truyên. 

Bi  hoan  mây  nôi?  Dcm  nây  trSug  cao! 
3140    Canh  khuya  birc  gâiu,  xù  thao, 

Dirô-i  dèn  tô  ngliîïi  ;  ma  dào  thêm  xnki 

Tinh  nlian  lai  gâp  tiiih  nliau! 

Hoa  xna  ong  cû  tuây  pliàii  cliiuig  tioh? 

Nàng  rang  :  «Pluiii  thîêp  ûà  dhûxl 
3145     «Cô  làm  chi  nfra^  cài  îuiuh  bù  di! 

«Nghî  chàng  ngliîa  cû  tiiili  glii! 

«Cliiu  16iig;  goi  eu  xudiig  tfiy  mây  may- 

«Ricug  long  dà  tliyn  htm  tliay! 

«Cùng  dà  màt  dau,  mày  dày!  Kli6  ml 
3150     «Nlifrug  nhir  au  yem  vùng  ugoài; 

1.  Litt.  :  « la  lune  étail  hmUef* 

2.  Litt.  :  «.  ;  .  .  Ze*  joues  —  du  pCcJwr  —  atti/m^nlmmit  —  de  pt-lf^*^^*'* 
Ces  expressions,  qvii  sont  prist^s  im  JigurL\  st^iUlt^ut  r»lie  tiiécî*  ^»  P*^""' 

chinois  intitulé  «]|i$  ;^  ^  Tàdn  doiiff  Un  ^  nn  m^md  émt  î^  'wiiM^** 
facultés'^.  Ou  y  lit  en  eflfet  aux  vor^  132  et  VSà  i 

«  Nhan  lut  dtêm  dn^tmff  irUT^ 
«  Dùo  hoa  anh  diht  hon*j,  • 
«Lorsque  l'on  est  dans  les  locaux  jours  ijn  pHut^ui^jM,  h  t^  '^^  ^ 
fleur  du  pêcher  brille  sur  les  foëls  vîeage^  (dus  jctinoa  Iill4«)*^ 

3.  Litt.  ;  «  Vaniour  —    d'hauma:   (hmnainj  —   m   reÊtmr  ^  ^wcûWrH*  * 
Vanwur  —  d'homme,^ 

4.  Litt  :    «  La  fleur  —  d'autrt/ùU  —  H  Cttê^iUe  —  utuienm  —  (P'^ 
conibieu  de  —  parties  —  nUrent  —  elie^f  eu  ctMtmmn  ^  l^np  aniwr/* 


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KTM  VÂN  KIÉU  TAN  TRUY]ÊN. 


281 


i^mbiea  de  fois,  ca  y  pensant,  furent-ils  tristes  ou  joyeux!  Cette 

nuit  là  leur  bonheur  fut  à  son  comble  *  ! 
Au  plus  profond  de  la  nuit,  sous  les  tentures  de  soie  brochée,  entre  3U0 

1^  rideaux  de  mousseline, 
à  k  lueur  de  la  lampe  ils  se  prouvèrent  leur  amour,  et  leur  pîaimr 

toujours  était  plus  vif  2. 
Ils  étaient  bien  épris  l'un  de  Tautre^! 


Oh!  Combien  ils  satisfirent  cette  passion  née  jadis 


4! 


La  jeune  femme  dît  :  «Mon  sort  est  fixé,  (maintenant)! 


«Encore  un  peu^  et  ma  personne  aurait  perdu  toute  valeur! 


Ulh 


*  Ja  vois  que  dans  votre  cœur  Fancienne  affection  était  restée  griivuc! 

*  Autant  qu'il  est  en  moi,  je  veux  vous  obéir  en  épouse  docile  \ 
«Combien  je  ressens  de  honte  en  moi-même! 


*Je  suis  confuse  de  Taudace  que  j'ai  eue  (de  vous  épouser)*^! 

*Vous  semblez  réellement  me  témoigner  de  Famour^;  um 

b.  Litt  :  *Je  me  soumets  à  —  (ix>tre)  cœur,  —  (ce  qui)  s^ appelle  —  titimt- 
(k  fml  qme)  —  (U  niari)  chante  —  (et  la  femme)  accompagne  —  *t  pt:ti  i/ttv 

J*ai  dÉj>*  eignalâ  lo  rôle  optatif  du  verbe  «^pi»  dans  ces  sortes  de  phriiacB* 

(M  dit  en  cliîtioia»  pour  exprimer  robéissance  que  la  femme  doit  a  sod 
époux  ;  ■  -JÇ  I©  jâ  ^g  Phu  xuimg  phu  tîii/  —  le  mari  chante  et  la  fimmr 
Vmxaaipagne».  Cet  adage  est  exprimé  ici  sous  une  forme  abrégée. 

Màif  i^igiiifie  *mvs^  minime  portion  y^,  et  €mai'^  n'est  que  le  même  mut 
répété  avee  une  légère  modification  d'orthographe;  répétition  qui  priKhiif 
encoru  un  effet  diminutif  sur  la  valeur  du  terme  entier.  «Afd^maî»  aiiruitii; 
donc  «ti  peu  que  ce  è&it  (si  peu  que  je  sois  capable  de  faire)». 

B,  Litt  î  €  Tout  aussi  bien  —  fai  été  douée  d'un  visage  audacieux  (attda- 
^eusejf  —  j^ai  été  dotiez  de  sourcUs  épais  (impudente);  je  suis  pénible  —  à  ref- 
^anler  (laide  à  voir) .'  > 

7.  Lltt.  :  ^ Af^Glnment  —  c'est  comme  si  —  vous  vi* aimiez  —  (quant  au 
o^de)  extérieur  (tm  apparence);» 


H- 


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4       1 


282  KIM  vAN  KIËU  tAn  TEUYÊN. 

«C6n  toan  mè  mât  vnÔi  ngirW  cho  qua? 

«Lai  nhu*  nhfrng  thôi  ngirài  ta 

«V(H  hircmg  dxrôi  dât,  bè  hoa  cuôi  mùa! 

«Cûng  nha  dô*  nhuôc  bài  trô; 
3155    «Côn  tinh  dâu  nfra  ma  thù  dây  thôî? 

^NgirW  yêu,  ta  xâu  vôi  ngirùi! 

«Yêu  nhau  thôî  lai  bâng  mirai  phu  nhau! 

cC&a  nhà  dau  tfnh  vë  sau, 

«Thi  côn  em  d6;  lu-a  eau  chi  dây? 
3160    «Chfr  trink  c6n  mot  chût  nây, 

«Châng  cam  cho  vfrng;  lai  giày  cho  tan! 

«Côn  nhiëu  an  éi  chan  chan! 

«Hay  chi  vây  câi  hoa  tàn  ma  choi?» 

Chàng  rang  :  cGân  v6  mot  loi! 
3165    «BÔng  không  câ  nnô-c  chîm  trôi  \9  nhau? 


1.  Litt  :  €(CommerU)  encore  —  penaeraia^e  à  —  cuvrir  (montrer  en  faet) 
—  (mon)  viaage  —  avec  —  vous  (terme  de  profond  respect)  —  pour  —  passer 
(noire  existence  ensemldejfp 

2.  Vous  aimez  les  restes  d'une  beauté  qu'ont  souillée  les  uns  et  les 
autres! 

3.  Litt.  :  <  (Nous)  aimer  —  mutuellement,  —  voilà  tout!  —  encore  —  serak 
comme  —  dix  —  être  indifférents  —  Vun  à  Vautre!* 

4.  Kiêu  entend  par  là  qu'elle  est  absolument  inutile  à  son  mari,  et  qu'elle 


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KiM  vAn  kiéu  tAn  truyên.  283 

«Mais  moi,  comment  pourrais-je  lever  les  yeux  devant  vous ' ? 
«Vous  agissez  comme  ces  gens  qui 

«ramassent  Fencens  tombé  sur  le  sol,  et  cueillent  les  fleurs  (qui 

»  restent)  à  la  fin  de  la  saison^! 
«Je  ne  suis  cependant  qu'une  créature  immonde,  honteuse  et  sans 

♦  valeur! 
«  Où  trouverais-je  encore  Tafl^ection  qu'il  faudrait  pour  reconnaître  3156 

>un  tel  (bienfait)? 
«Plus  vous  m'aimez  et  plus  je  suis  confuse! 

«L'indifférence  dix  fois  vaudrait  mieux  que  cet  amour 3! 

«  Désormais,  pour  ce  qui  concerne  les  affaires  de  la  maison, 

«ma  sœur  cadette  sera  toujours  là!  Pourquoi  s'adresser  à  l'aînée*? 

«Si  (dans  ma  bassesse)  il  me  reste  un  peu  de  fidélité,  3160 

«ne  faites  point  d'efforts  pour  m'en  montrer  (vous-même)!  Foulez 

»aux  pieds  (la  vôtre)!  Anéantissez-la*! 
«Vous  me  témoignez  un  amour  immense! 

«Quel  plaisir  trouvez-vous  dans  une  fleur  flétrie?» 

«Je  m'en  tiens  strictement»  dit-il  «à  mon  serment  d'autrefois! 

«Quoi!  Si  bien  faits  l'un  pour  l'autre,  nous  nous  séparerions  tout-à-  3166 
>coup*^? 

80  considère  comme  indigne  de  gouverner  le  ménage.  Elle  veut  laisser  à 
Tûy  Vân  les  prérogatives  et  la  dignité  d'épouse  de  premier  rang,  et  se 
ravaler  elle-même  à  celui  de  simple  concubine. 

6.  Litl  :  «^e  p<u  —  tenez  (la)  —  â^une  manière  —  solide;  —  (et)  en 
outre  —  foulez-la  aux  pieds  —  de  manière  à  —  la  détruire!* 

*Oiày  —  chaussure-»  devient  ici  verbe  actif  par  position. 

6.  Litt.  :  «  Tout  à  coup  —  sans  rien  —  le  poisson  —  (et)  Veau,  —  Voiseau 
—  et'  le  ciel  —  se  sépareraient  —  Vun  de  Vautre/» 


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284  KiM  vAn  kieu  tAn  truyên. 

«X6t  ngirôi  liru  lac  bây  lâu! 

«Trrdng  thë  thôt  nàng,  nhfrng  dau  dé-n  nhiëu! 

«Thircmg  nhau  sanh  t*,  dâ  lieu! 

«Dira  nhau!  côn  thiëu  bây  nhiêu  là  tinh? 
3170    «Vu-ÔTi  xuân  ta  lieu  côn  xanh! 

«Nghï  chu-a,  chira  thoât  khôi  vành  ai  an! 

«Gu^ong  trong,  châng  chût  bui  tran! 

«Mot  lô*i  quyêt  hân,  muôn  phân  kfnh  thcm! 

«Bây  lâu  dây  bien  mô  kim! 
3175     «Là  nhiëu  vàng  dâ;  phâî  tim  trâng  hoa! 

«Ai  ngô*  lai  hiep  mot  nhà? 

«Lira  là  chân  gôi  moi  ra  sât  câm?» 

Nghe  IM,  sèa  âo,  cài  trâm; 


1 sans  aucun  ressentiment  de  ce  qu'elle  les  a  violés. 

2.  Litt.  :  *(D(vn8  le  fait  que)  nous  nous  prenons  comme  époux  —  réà- 
proquement,  —  encore  —  il  manque  —  combien  —  qui  soit  —  de  Caff'ec- 
tionf» 

Béfi/  nhiêu  est  pour  bao  iiliièu.  —  Là  est  une  cheville. 

3.  Litt.  :  «i/e  pense  que  —  pas  encore,  —  p€is  encore  .  .  .» 

4.  Litt.  :  « au  fond  de  —  la  mer  —  je  cherchai  sous  Veau  —  des 

aiguilles/^ 

5.  Litt.  :  «Ce  fut  —  beauœup  —  d^or  —  et  de  pierre  (de  constance);  — 
il  (me)  faut  —  chercher  —  la  lune   —  (et)  les  fleurs  (V amour)  !  > 


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KIM  vAN  KIÉU  TÂN  TRUY^N.  285 

«Je  VOUS  plains  d'avoir  été  si  longtemps  abandonnée  ^  malheureuse; 

«  et  la  pensée  de  nos  serments  (passés)  n'éveille  en  moi  qu'une  dou- 

»  leur  égale  *  à  leur  solennité! 
«Cest  dit!  nous  nous  aimons  à  la  vie,  à  la  mort! 

«Nous  nous  prenons  comme  époux!  et  qui  le  ferait  avec  plus 

»  d'amour  2? 
«Dans  le  jardin  de  (notre)  jeunesse  vertes  encore  sont  les  branches  3170 

»de8  saules! 
«Comment  pourriez- vous  franchir  le  cercle  d'amour  (qui  vous  en- 

>  serre)  3? 

«Vous  êtes  un  miroir  brillant  que  ne  souille  aucun  grain  de  pous- 

>sière! 
«Croyez  à  ma  parole!  Mon  estime  pour  vous  s'accroît  toujours  da- 

»vantage! 
«Jusqu'à  ce  jour  en  vain  je  vous  cherchai^  ! 

«Pour  payer  ma  grande  constance,  j'ai  le  droit  de  trouver  de  3176 

»  l'amour^! 
«Qui  eût  pensé  que  le  même  toit  devait  nous  abriter  encore? 

«Ce  n'est  point  (d'ailleurs)  la  passion  chamelle  qui  fait  que  l'on  est 
»  époux  ^!» 

Obéissante,  elle  s'habille,  elle  pique  son  épingle. 


Il  y  a  lien  de  remarquer  le  parallélisme  entre  les  denx  expressions 
* vàng  M»  et  « tràng  hoa »  dont  j'ai  donné  l'explication  plus  haut. 

6.  Litt.  :  «  A  quoi  bon  —  la  couverture  —  (etj  VoreUler  —  (pour)  enfin  — 
être  —  êâc  —  et  câmf* 

KiSu  a  dit  à  Kim  trong  qu'elle  ne  jugeait  pas  sa  beauté  digne  de  l'amour 
qu'il  lui  portait,  et  que,  tant  à  cause  de  cela  qu'à  cause  de  son  indignité,  elle 
devait  laisser  à  sa  sœur  le  rang  de  véritAble  épouse.  Kim  Trong  lui  répond 
dans  le  présent  vers  que  ce  ne  sont  pas  les  rappoi^ts  charnels  seuls  qui 
constituent  le  mariage,  mais  bien  la  vie  en  commun.  J'ai  expliqué  ailleurs 
ce  que  signifie  l'expression  «^  |^  câm  #^»,  qui  est  renversée  ici  parceque 
le  vers  ne  pourrait  se  tenniner  par  un  caractère  affecté  du  t«n  t©-  trâc. 


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286  KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

«Khan  dâu,  lay  ta  cao  thâm  ngàn  trùng. 
3180    cThân  tàn  gan  duc  khoî  trong, 

«Là  nhô*  quân  t*  khâc  16ng  ngirôi  ta! 

«Mây  loi  tâm  dâm  ruôt  rà, 

«Tircmg  tri,  nghia  ây  môi  là  tmmg  tri! 

tChit  che,  rang  buoc,  thiêu  gi? 
3185    «Trâm  nâm  danh  tiêt  cûng  vë  dêm  nay!* 

Thoat  thôi  tay  lai  cam  tay. 

Càng  yêu  vi  net;  càng  say  vi  tinh. 

Thêm  nông  gîâ,  nôî  hircng  binh; 

Cùng  nhau  laî  chuôc  chén  qulnh,  gîao  hoan. 
3190    Tinh  xira  laî  lâng,  khôn  hàn 

Thung  dung  lai  hôi  ngôn  don  ngày  xira. 


1.  Litt  :  « de  (son  fait  d'être,  dema  aea  bienfait» J  haut  —  et  pro- 
fond —  de  mille  —  degrés.* 

2.  Litt.  :  €(81  dans  ce)  corps  —  avachi  —  on  a  décanté  —  le  troMe  — 
et  on  Va  clarifié  —  (^  manière  à  le  rendre)  dair,* 

Tûy  kiêu  compare  sa  personne  souillée  à  un  liquide  bourbeux  dont  on 
a  séparé  par  décantation  la  partie  claire  du  sédiment 

3.  Litt  :«....  de  cœur,  —  de  fiel  —  et  d'entraUle»,* 

Le  mot  €fiel*  n*a  pas  ici  le  sens  figuré  que  nous  lui  donnons  en  fran- 
çais. On  sait  au  contraire  que  les  Annamites  et  les  Chinois  font  du  foie 
et  de  la  vésicule  biliaire  le  siège  des  sentiments  nobles. 

4.  Litt  :  €  (Quant  à  se)  conncâbre  —  mutuellement,  —  ce  sens  (le  sens  de 
ces  paroles)  —  alors  enfin  —  est  —  mutuellement  —  (se)  conndUret* 


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KIM  vAN  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  287 

et;  se  prosternant  jusqu'à  terre,  elle  loi  rend  grâce  de  sa  générosité 

sans  bornes  ^ 
cSi  ce  corps  avili  a  retrouvé  la  pureté  2,  »  dit-elle,  3180 

€  c'est  grâce  a  vous,  ami,  de  qui  Tâme  n'est  point  comme  celle  des 

»  autres! 
€  Aux  paroles  sorties  du  fond  de  votre  cœur', 

cje  ne  puis  plus  douter  de  notre  aflfection  mutuelle*! 

cQue  manqne-t-il  encore  à  vos  généreuses  bontés*? 

«Par  cette  nuit  de  ma  vie  entière  toute  la  souillure  est  lavée <^!  »       3186 

Cela  dit,  aussitôt  ils  se  prirent  les  mains. 

Leurs  façons  distinguées  stimulaient  leur  amour;  leur  amour  augmen- 
tait leur  ivresse, 
et  de  plus  en  plus  leur  passion  s'exaltait  7. 

Os  se  saluaient  de  leur  verre  plein  d'un  vin  délicieux^;  ils  se  réjouis- 
saient ensemble. 
Au  milieu  des  épanchements  de  leur  aflfection  (si)  ancienne,  3i90 

il  ne  craignit  point  de  la  prier  (de  lui  faire  entendre)  encore  l'ins- 
trument dont  elle  jouait  jadis. 

L'expression  chinoise  ^^^  ^^  turcmg  iri  —  se  connaUre  mutuellement  9, 
entraîne  avec  elle  une  idée  d^affection  profonde.  Nous  disons  en  français 
«  qu*on  VLa  rien  de  caché  pour  ses  amia  ». 

6.  Litt.  :  €fEn  fait  de)  transporter  et  couvrir  (de  protéger)  —  panser  — 
et  lier  —  il  manque  —  quoif  (La  protection  que  voua  m'accordez  est  complète, 
et  vous  pansez  toutes  les  plaies  de  mon  âme)!  9 

6.  Litt  :  «  (Pendant)  cent  ans  (toute  ma  vie)  —  ma  bonne  réputation  —  tout 
aussi  hien  —  se  rapportera  à  —  cette  nuit-ci/» 

7.  Litt.  :  «  Ils  accroissaient  —  la  force  —  de  Vodeur,  ils  faisaient  bouillonner 
—  le  parfum  —  du  vase.  » 

8.  €Qiành>,  nom  d'une  pierre  précieuse  de  couleur  pourpre,  est  ici  pour 
€qiành  Ueong*  qui  est  une  des  désignations  poétiques  du  bon  vin. 


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288  KIM  VÂN  KIÊU  TÂN  TRUYÊN. 

Nàng  rang  :  «Vi  mây  dirÔTig  ta, 
cDâm  ngnW  cho  dên  bây  giô*,  môd  thôî! 
«An  nSn,  thi  sn*  dâ  roi! 
3195    «Ne  \hng  ngirôi  cû,  vâng  16i  mot  phen!» 
Phfra  dan  diu  dât  tay  tien. 
Bông  tram  cao  thâp  tiêng  huyen  gan  xa! 
Khùc  sao  dam  âm  dirang  h6a? 
Ay  là  h&  diêp  hay  là  Trang  sanh. 

1.  Uexpression  ^dwhng  Ur  —  Its  lignes  de  soie»  désigne  les  sons  pro- 
duits par  les  différentes  longueurs  que  Ton  donne  aux  cordes  d'un  instru- 
ment. 

2.  Litt.  :  €(a  eu  lieu  le  fait  de)  plonger  (dans  le  malheur)  —  (ma)  personne 
—  jusqu'à  —  nuUnienant,  —  (fait  qui)  enfin  —  a  cessé!» 

Le  verbe  ^dâm»  est  impersonnel  ici. 

3.  Malgré  sa  répugnance  à  se  servir  de  cet  instrument  qui  lui  rappelle 
ses  malheurs,  KiCu  consent,  par  égard  pour  son  époux,  à  en  jouer  une  fois 
encore. 

4.  J'ai  dit  plus  haut  en  quoi  consiste  Tinstrument  appelé  Pkkiu  Dans 
le  K\m  il  y  en  a  cinq.  Le  plus  gros,  qui  maintient  les  quatre  cordes,  est 
à  Textrémité.  L'artiste,  en  jouant,  les  assujettit  avec  les  doigts. 

5.  Litt.  :  € dans  lequel  les  principes  âhn  et  dvimg,  (c^est-^hdire  les  sons 

graves  et  aigus  qui  sont  désignés  par  les  noms  de  ces  deux  principes)  sont  dac- 
cordf» 

6.  ^£  S9  Trang  Châu  est  le  nom  d'un  philosophe  chinois  plus  com- 
munément appelé  ^£  -5^  Trang  tù  (le  philosophe  Trang)  ou,  comme  dans 
ce  vers,  ^£  ^b  Trang  sanh.  Il  naquit  dans  l'état  de  Lwong  vers  l'année 
330  av.  J.-C.  Dès  sa  plus  tendre  jeunesse  il  se  consacra  à  l'étude  des 
doctrines  émises  par  -^j^  -5^  Lao  t^.  Comme  ce  dernier,  bien  qu'il  paraisse 
avoir  occupé  des  fonctions  publiques,  il  refusa  toute  offre  d'avancement, 
méprisant  les  distractions  de  la  vie  pratique  comme  indignes  de  l'attention 
d'un  philosophe.  Quoiqu'il  ait  été,  à  ce  que  l'on  croit,  contemporain  de 
Menciîis,  leurs  enseignements  respectifs,  tout  diamétralement  opposés  qu'ils 
fussent,  ne  paraissent  pas  avoir  attiré  leur  attention  réciproque;  et  il  y  » 


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KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN.  289 

«  Cest  à  ses  accords^  >  dit  la  jeune  femme 
«Que  j'ai  dû  tous  les  malheurs ^  qui  n'ont  pris  fin  qu'en  ce  jour! 
«Mon  repentir  y  a  mis  un  terme! 

«Par  égard  pour  vous,  6  ami  des  temps  passés!  pour  une  fois  je  3195 

»  veux  vous  satisfaire  ^  !  » 
Sur  les  pliim  de  son  instrument  elle  appuya  ses  doigts  habiles  ^, 

et  aiguës  ou  graves,  hautes  ou  basses,  les  notes  se  succédèrent. 

Quel  est  donc  ce  morceau  charmant,  harmonieux^? 

Cest  celui  du  «Papillon»,  aussi  nommé  le  ^Trang  sanh*  ®. 

lieu  de  soupçonner  que  ce  fut  seulement  dans  les  âges  postérieurs  que  les 
spéculations  mystiques  de  Trang  ta  obtinrent  un  crédit  plus  ou  moins  con- 
sidérable. La  préférence  de  ce  dernier  pour  la  retraite  et  les  vues  cyniques 
qu*il  affichait  au  sujet  de  la  vie  et  la  nature  humaine  imprimèrent  une 
direction  marquée  à  la  primitive  école  des  philosophes  Taosséistes,  et  ses 
écrits  atteignirent  à  une  haute  réputation  au  huitième  siècle  sous  le  patro- 
nage de  l'empereur  ^^  ^^  Huyên  tông.  On  a  conservé  un  certain  nombre 
d'anecdotes  légendaires  concernant  son  esprit  caustique  et  son  cynisme, 
qui  se  manifestèrent  d'une  manière  saillante  à  ses  derniers  moments,  lors- 
qu'il défendit  à  sa  famille  de  pleurer  sur  une  chose  aussi  peu  importante 
que  son  départ  de  ce  monde.  Il  défendit  également  d'enterrer  son  corps, 
en  disant  :  «Je  veux  avoir  pour  sarcophage  le  ciel  et  la  terre;  le  soleil 
et  la  lune  seront  les  insignes  sous  lesquels  je  reposerai,  et  toute  la  créa- 
tion remplira  à  mes  funérailles  l'office  de  pleureurs».  Ses  parents  lui  ob- 
servant que  les  oiseaux  de  l'air  déchireraient  son  c^idavre,  il  répliqua  : 
«Qu'importe?  En  dessus  il  y  a  les  oiseaux  de  l'air,  en  dessous  il  y  a  les 
vers  et  les  fourmis.  Si  vous  volez  les  uns  pour  nourrir  les  autres,  quelle 
injustice  y  aura-t-il?»  (Maybr's  Chinese  reader*»  manual,  p.  30). 

Le  nom  de  ^  papillon  €  qui  est  donné  à  l'air  dont  il  s'agit  ici,  air  com- 
posé, dit-on,  par  Trang  aanh,  rappelle  un  rêve  qu'avait  fait  ce  philosophe, 
et  dans  lequel  il  s'était  vu  transformé  en  papillon.  «Je  ne  sais»  dit-il  à 
son  réveil  «si  c'était  Trang  châu  qui  était  devenu  papillon,  ou  le  papillon 
»qui   était    devenu    Trang    châu!   (y^^W^^^îfcSJîl^^^îfcSB 

>  Trang  châu  dafj* 

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290  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYEN. 

3200    Khùc  dâu  êm  àî  xuân  t\nh? 

ây  hôn  Thuc  de  hay  m\nh  dô  quyên  ! 

Trong  sac  châu  nhô  gành  quyên? 

Am  sac  xirông  ngoc  lam  diën  moi  dông? 

Lot  taî  nghe  tr(H  n&m  cung; 
3205    Tiêng  nào  là  châng  iiâo  nông  xôn  xao? 

Chàng  rang  :  «Phô  y  tay  nào? 

«Xira  sao  sâu  thâm,  nay  sao  vni  vây? 

«ThiroTig  vui  bôi  taî  16ng  nfiy, 

«Hay  là  khô  tan,  dên  ngày  cam  laî?> 
3210    Nàng  rang  :  Vi  chue  hay  choi 

«Doan  tnrÔTig  tiêng  ây  haï  nguàî  bây  lâu  ! 

«Mot  phen  tri  ky  cùng  nhau, 

«Cuôn  dây;  tir  dây  vê  sau  cûng  chùit! 

Truyen  tr5  chira  can  t6c  ta 

1.  Ceci  est  une  allasion  à  un  conte  dans  lequel  le  roi  ^^  *£*  Thuc  ai, 
après  avoir  cédé  son  trône,  se  trouva  réduit  à  la  plus  profonde  misère, 
puis  transformé  en  coucou. 

2.  Litt.  :  ^Cela  tombait  dans  —  (wn)  areUie  —  (et)  U  entendait  —  ie» 
entihta  —  cinq  —  notée;» 

3.  Litt.  :  *Quel  son  —  était  —  non  —  émouvant  —  (^J  troMantf» 

4.  Litt.  < Ceêt  attribué  à  —  Vidée  —  de  quelle  makif» 

5.  «Om  «071*  de  malheur  m*ont  nui  juequ'à  préeent/» 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  TRUYEN.  291 

Quel  est  cet  antre^  sentimental  et  doux?  3200 

On  y  sent  Fâme  de  Thyc  de  qui  se  voit  devenir  coucou  '  ! 

Cest  pur  comme  les  petites  perles  que  Ton  trouve  sur  le  rivage! 

Cest  émouvant!  On  (croirait  voir)  les  diamants  de  Xuông  ngoc,  ou 

(les  amoureux  jeunes  gens)  réunis  à  Lam  diên. 
L'oreille  (de  Kim)  ne  perdait  aucune  des  nuances  2, 

et  il  n'était  pas  une  note  qui  n'allât  jusqu'à  son  cœur  3.  3205 

€  Quelle  main»  dit  le  jeune  homme  «a  composé  (ce  morceau)^? 

<  Comment;  triste  autrefois,  est-il  joyeux  aujourd'hui? 

«Le  chagrin  et  la  joie  viennent-ils  donc  de  mon  propre  cœur, 

€ou  la  douceur  arrive-t-elle  quand  l'amertume  a  cessé?» 

«  Cest»  dit  KiSu,  «  précisément  parceque  je  les  jouais  d'habitude      3210 

«que  ces  accords  de  malheur  me  nuisirent  jusqu'à  ce  jour ^! 

,  «  (A  présent)  qu'une  bonne  fois  nous  nous  connaissons  l'un  l'autre, 

«je  roulerai  les  cordes  et  m'en  abstiendrai  désormais!  » 

Us  n'avaient  pas  épuisé  les  sujets  de  causerie^ 

Ttty  Kiêu  veut  dire  par  là  que  son  instrument  est  doué  d'une  vertu 
magique,  et  qu'il  change  lui-même  de  ton  suivant  que  la  personne  qui  en 
joue  est  heureuse  ou  malheureuse.  Les  Chinois  attribuent -cette  propriété 
surnaturelle  à  Tinstrument  appelé  ^  jS^  S  Ng&  hui/ên  cdm  —  le  cSm  à 
cinq  cordes». 

Le  fameux  cétni  de  Bà  nha  était,  dit-on,  de  cette  nature. 

6.  Litt.  :  ^^  La  catuerie  —  pat  encore  —  était  mise  à  sec  —  (jusqu'à  un) 
cheroeu  —  (ou  une)  scie,* 

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292  KIM  vAN  KIÊU  TAN  TRUYÊN. 

3215    Gà  dà  gày  sang;  trài  vira  rang  dông. 

Tînh  riêng  chàng  lai  nôi  sbng  : 

«Mot  nhà  ai  cùng  la  lùng,  khen  sao!» 

Cho  hay  thuc  nfir  chi  cao. 

Phâi  ngirài  sdm  mân  toi  dào  nhir  ai? 
3220    Hai  tlnh  ven  vê  hoà  hai. 

Châng  troug  chân  gôi,  cûng  ngoài  cam  tha. 

Khi  chén  rirau,  khi  cuoc  cà; 

Khi  xem  hoa  nô*,  khi  cho*  trâng  lên. 

Ba  sanh  dâ  phi  miroi  nguyên. 
3225    Duyên  dôi  lira  cûng  là  duyên  ban  bày. 

Nha  lai  lâp  mot  am  mây, 

Sai  ngirai  thân  thfch  nré-c  thây  Giâc  duyên. 

Dên,  thi  dông  ciî'a,  gài  then. 

1 de  ce  qu'à  présent  votre  o4Wi  fait  entendre  des  sons  joyeux, 

2.  Litt.  :  «  (Eêt-ce  qu'J  elle  était  —  unt  personne  (qui)  —  le  matin  —  ©a  à 
la  prune  —  (et)  le  soir  —  va  à  la  pêche  —  comme  —  quiconquef> 

Les  deux  substantifs  mân  —  prune  et  dào  —  pêche  deviennent  verbes 
par  position. 

3.  Litt.  :  «Mm  (seulement)  —  au  dedans  —  Us  mettaient  en  commun  la 
couverture  —  (et)  mettaient  en  commun  V oreiller;  —  (mais)  aussi  —  au  dehors 
—  ils  jouaient  ensemble  du  câm  —  et  faisaient  ensemble  des  vers  (ils  étaieiU 
unis  d'esprit  comme  de  corps),» 

Ici  encore  les  quatre  substantifs  chàn  —  couverture,  gSi  —  oreiller, 


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KIM  vAn  kiêu  tAn  TRUY^N.  293 

lorsque  le  coq  annonça  le  jour  et  que  le  ciel  s'éclaira.  3216 

Le  jeune  homme  toucha  encore  quelques  mots  de  ce  qui  occupait 

son  cœur  : 
«Dans  toute  la  maison»  dit-il  «on  s'étonnera  grandement'!» 

La  jeune  femme  avait  des  pensées  élevées. 

Certes!  elle  n'était  point  de  celles  qui  des  bras  d'un  amant  passent 

dans  ceux  d'un  autre  ^! 
Les  deux  époux  mutuellement  s'étaient  donné  toute  leur  aflFection.    3220 

Non-seulement  ils  vivaient  ensemble,  mais  encore  leurs  goûts  étaient 

les  mêmes  ^, 
Buvant  du  vin,  jouant  aux  échecs, 

ils  regardaient  tantôt  les  fleurs  s'ouvrir,  tantôt  la  lune  se  lever. 

(Les  deux  époux)  à  jamais  jouirent  d'un  bonheur  parfaite 

Ils  étaient  heureux  de  leur  union,  heureux  d'être  toujours  ensemble.  322ô 

Se  rappelant  sa  promesse,  (Kieu)  bâtit  une  pagode, 

et  envoya  un  de  ses  parents  chercher  la  bonzesse  Gide  duyèn. 

En  arrivant  il  trouva  la  porte  close  et  le  verrou  tiré. 

cdm  —  rinstrument  de  musique  de  ce  nom ,  et  thc  —  verê  deviennent  par 
position  de  véritables  verbes  neutres. 

4.  Litt.  :  «Le*  trois  —  vies  —  désormais  —  étaient  satisfaites  —  (quant 
aux)  dix  —  désirs  (en  toutes  choses)!^ 

Ce  vers  est  le  développement  de  l'expression  chinoise  «  ^  ^b  ^  ^ 
tani  sank  hùu  hanh  —  être  heureux  à  jamais*. 

Dans  Texpression  annamite  ^muhi  nguytn*  le  mot  ^mmi  —  dix»  est 
employé,  comme  cela  a  lieu  couramment  en  chinois,  pour  désigner  la 
totalité,  le  plus  haut  degré  de  la  chose  dont  il  est  parlé. 


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294  KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUY^ÎN. 

Rêu  trùm  trên  ngach,  cô  lên  mai  nhà! 
3230    Sir  dà  hâi  thuôc  phircng  xa! 

Mây  bay,  hac  lânh,  biêt  là  tim  dâu? 

Nàng  vi  thira  nghïa  xira  sau, 

Lên  am,  cii*  gîtr  hirang  dâu  liôm  mai. 

Mot  nhà  phiré-c  lôc  gôm  hai; 
3235    Thîên  niên  dâc  dâc  quan  giai  lân  lân. 

Thira  gia  châng  hêt,  nàng  Vân. 

Mot  cây  kiëu  môc,  mot  sân  que  h6e. 

Phong  luii  phû  qui  ai  bi? 

1.  Lit  t.  :  ^La  reUgieuae  —  désormais  —  cueiUaU  —  des  simples  —  dans 
des  régions  —  éloignées  I^t 

L*expres8ion  ^dUer  cueiUir  des  simples  au  loin»  s'emploie  élégamment 
pour  dire  qa'un  religieux  ou  une  religieuse  s'absente  de  son  couvent 
Elle  doit  son  origine  au  conte  suivant  qu'on  lit  dans  le  ^J  Y|I|  "&  * 

«  On  raconte  que  sous  le  règne  de  Tempereur  ^  *j&  Mink  de  des  ga 
Hân  (58—75  de  Tère  chrétienne)  ^-^  NguyénTièu  parcourait  avec  son 
*°^  ^  ô  ^^^  ^^^^  les  montagnes  de  Thiên  <*<^*  (^^  é  UJ)*  ^^^ 
deux  voyageurs  perdirent  leur  chemin,  et,  après  avoir  erré  plusieurs  jours, 
le  hasard  les  amena  au  milieu  de  collines  où  des  immortels  avaient  leur 
retraite.  Deux  sœurs  d'une  grande  beauté  les  y  régalèrent  de  graines  de 
chanvre  T'AS  Sft  I^^  ma)  et  les  admirent  à  partager  leur  couche.  Ils 
finirent  par  retourner  dans  leur  demeure  après  s'être  livrés  à  ce  qu'ils 
croyaient  être  un  badinage  de  courte  durée;  mais  ils  reconnurent  avec 
stupéfaction  que  sept  générations  s'étaient  succédées  depuis  qu'ils  s'étaient 
absentés  de  leur  maison.» 

L'intervention  de  la  graine  de  chanvre  ("tt  ^^f^  montre  que  cette 
fable  doit  avoir  son  origine  dans  une  hallucination  absolument  semblable 
aux  rêves  bien  connus  des  mangeurs  de  Haschich. 

2.  Oidc  duyèn  avaU  disparu! 


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KIM  VAn  KIËU  tAN  TRUYÊN.  295 

La  mousse  couvrait  le  senil  et  Therbe  croissait  sdr  le  toit  ! 
La  religieuse  était  allée  visiter  les  immortels^  !  ^^^^ 

Le  nuage  avait  disparu ^  le  con  hac  s'était  enfui!  Où  le  trouver  dé- 
sormais^? 

La  jeune  femme,  (pleine  de  reconnaissance)  pour  ses  bontés  d'autre- 
fois, 

matin  et  soir,  montant  à  la  pagode,  (y  brûlait)  les  parfums  et  Thuile. 

Dans  (cette)  même  famille  étaient  réunis  le  bonheur  et  la  richesse, 

et  toujours  les  honneurs  y  devinrent  plus  élevés  \  ^^^^ 

Vân  s'occupait  sans  cesse  du  ménage*. 

Une  fille  bonne  et  distinguée  naquit;  après  vinrent  plusieurs  fils 

doués  d'une  haute  science  •*  et  revêtus  d'éminentes  dignités. 
En  félicité,  en  opulence,  qui  pouvait  les  égaler? 

3.  Les  lettrés  chinois  ne  comprennent  pas  le  bonheur  complet  sans  l'exer- 
cice de  hautes  fonctions  publiques. 

4.  Litt.  :  «  (Celle  qui)  se  cfiargeail  de  —  le  ménage  —  et  ne  pas  —  finissait^ 
—  (e^ était)  la  jeune  femme  —  Fiân.» 

6.  Litt.  :  *(Il  y  eut)  un  arbre  —  JKeti;  —  il  y  eut  —  une  cottr  —  de 
Qu^  —  et  de  Hoè,* 

Les  caractères  ^^yj^  f^**  »»««  signifient  «tm  arbre  dont  lea  branches 
sont  courJtées  vers  le  sol*.  Pour  comprendre  comment  le  nom  de  cette 
sorte  d'arbres  peut  servir  à  désigner  une  femme  bonne  et  distinguée^  il 
faut  se  reporter  à  Tode  :jp  ^  Kiëu  m$c  fla  IV'  de  la  !•  section  du 
mF  'iS)'  ^^^^  laqnette  on  loue  Tabsence  totale  de  jalousie  de  la  célèbre 
jH  Wi  ^^^*  ^^  (mère  de  j^  ^  Vô  wong,  fondateur  de  la  dynastie 
des  ^  Châu),  et  la  bonté  qu'elle  témoignait  aux  concubines  de  son  époux. 

^        ^        ^        ^  <  Nam  hàu  kieu  môc, 

^        -^  si         ^  «  CaM%  luy  chi. 

^    ^    §k    W'        ^^'^  ^^^  ^^"  ^^' 

^O     "5^         ^O      >t^  ^Phuàc  ly  tuy  chi/ 


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296  KiM  vAn  kiéu  tAn  truyên. 

Viràn  xuân  mot  cù'a  de  bia  muôn  dàî. 
3240    Gàm  hay  muôn  sir  tai  Tràî! 

jlîg         Jk         ^K         d^  <[Nam  hûu  kieu  nwc. 

^         #         ^        1P  -^9^<^^9uâ»^ 

^        151         :g         ^  *i^a«A5MA:i^«m5c. 

JIÊ         ^         ^         1P  <  /^  c/»;  quûn  tû 


«  Au  midi  se  trouve  un  arbre  dont  les  branches  se  courbent  vers  le  sol. 
«Autour  d'elles  s'attache  le  Dolique  grimpant. 
«  Oh  !  quelle  joie  d'avoir  cette  auguste  maîtresse  ! 
«Qu^elIe  jouisse  en  paix  de  son  bonheur  et  de  sa  dignité! 

«  Au  midi  se  trouve  un  arbre  dont  les  branches  se  courbent  vers  le  sol. 

«Le  Dolique  grimpant  les  couvre. 

«  Oh  !  quelle  joie  d'avoir  cette  auguste  maîtresse  ! 

«Qu'elle  s'élève  par  son  bonheur  et  par  sa  dignité! 

«  Au  midi  se  trouve  un  arbre  dont  les  branches  se  courbent  vers  le  sol. 
«Autour  d'elles  s'entrelace  le  Dolique  grimpant. 
«  Oh  !  quelle  joie  d'avoir  cette  auguste  maîtresse  ! 
«Que  rien  ne  manque  à  son  bonheur,  à  sa  dignité! 

Thài  d  est  comparée  dans  cette  ode  à  un  arbre  dont  les  branches,  en  s'in- 
cliuant  vers  le  sol,  offrent  un  appui  aux  plantes  rampantes.  Cest  à  cause  de 
son  heureux  caractère  et  de  la  protection  bienveillante  qu'elle  accordait 
aux  concubines  de  son  mari.  On  comprend  dès  lors  pourquoi  on  applique 
aux  femmes  douées  de  qualités  semblables  l'épithète  de  ^£  >4^  que  le 
Livre  des  Vers  donne  à  la  mère  de  "^^  ^. 

Les  noms  des  arbres  J^  Qw  et  JkÉ  Hoh  servent  à  désigner  métapho- 
riquement les  jeunes  gens  éminents  en  littérature.  J'ai  déjà  parlé  de  ces 
arbres  et  de  l'application  qu'on  fait  de  leur  nom  en  poésie  dans  les  notes 
sous  les  vers  1067  et   I2ô6.   On  pourra  comprendre  en  s'y  reportant  U 


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KIM  vAn  KIÊU  TAN  TRUYÊN.  297 

Us  transmirent  à  de  nombreuses  générations  le  souvenir  d'un  mé- 
nage où  régnait  l'amour  K 
En  réfléchissant  (à  cette  histoire)  nous  voyons  que  tout  dépend  du  3240 

aei. 

relation  qui  existe  entre  leur  nom  et  les  idées  qu*exprime  ici  le  poète, 
idées  qu'on  ne  peut  rendre  en  français  que  par  des  expressions  assez 
longues. 

Voici  du  reste  sur  le  J^  hoè  un  document  que  je  trouve  à  la  page  246 
du  Chimte  reader'ê  Manual,  et  qui  présente  un  grand  intérêt,  notamment 
au  point  de  vue  de  l'expression  ^Sân  —  une  cour»  que  Ngwjîn  du  répète 
ici  après  Tavoir  déjà  employée  au  vers  1266  pour  désigner  plusieurs  fils  : 

«^  jg^  Vwmg  Bân  ou  -^  1^  Tù  minh  (9ô7— 1017  de  Tère  chré- 
tienne) fut  un  homme  d'état  et  un  littérateur  célèhre,  et  Tun  des  premiers 
ministres  de  Tempereur  ft  ^^  Thûn  tông  des  ^j^  Tong.  C'était  un  des 
trois  fils  de  ^  AJb  Vwmg  Hteu,  un  homme  d'état  renommé.  Ce  dernier, 
heureux  de  voir  que  ses  fils  promettaient  de  devenir  des  hommes  distiu- 
gués,  prédit  qu'ils  s'élèveraient  au  point  de  devenir  les  trois  ministres  d'état 
("-■*  ^-J»  et  planta  devant  sa  porte  trois  arhres  Hoè  (Sophora  japonicaj, 
comme  emblèmes  de  la  grandeur  à  laquelle  il  comptait  qu'ils  devaient 
atteindre  ensemble.  De  là  vient  que  cette  famille  fut  connue  dans  la  suite 
sous  le  nom  de  <  ^  ;fcfi  ^  ^  Tam  hoè  Vuong  thi,  etc.  etc.  » 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  si  le  poète  ne  parle  que  d'une  fille  ou 
Kiêu  mçc,  tandis  qu'il  mentionne  toute  une  cour  (sânj  complantée  en  arbres 
Hoè.  Outre  qu'il  respecte  ainsi  la  tradition  qui  fait  planter  à  Vuong  huu 
trois  arbres  de  ce  nom,  on  sait  que  pour  les  Annamites  et  les  Chinois  la 
naissance  d'un  fils,  qui  doit  continuer  la  lignée,  sacrifier  plus  tard  devant 
la  tablette  paternelle  et  accomplir  les  cérémonies  voulues  par  les  rites  sur 
l'autel  des  ancêtres,  est  considérée  comme  bien  plus  avantageuse  que  celle 
d'une  fille.  Aussi  voit-on  une  postérité  nombreuse  d'enfants  mâles  (^  ffl 
da  nam)  mentionnée  au  nombre  des  Trois  abondances  (^^).  Ngugên  Du, 
qui  a  écrit  un  poème  considérable  en  l'honneur  d'une  femme  et  qui  a  cé- 
lébré en  première  ligne  sa  piété  filiale,  ne  peut  de  dispenser  de  lui  donner 
une  fille  ;  mais  il  ne  serait  pas  annamite  si,  pour  donner  l'idée  de  la  pros- 
périté de  la  famille  qu'elle  fonde  avec  Kim  trong,  il  ne  la  montrait  pas 
comme  mère  de  plusieurs  fils. 

1.  Litt.  :  €De  jardin  —  de  printemps  —  une  porte  —  ils  laissèrent  — 
gravée  —  à  dix  miUe  —  générations,» 

Ce  vers  est  rempli  d'inversions.  De  plus,  la  préposition  -^  cho  est 
sous-entendue.  La  construction  dii'ccte  serait  : 

De  bia  (cho)  muôn  âbi  mot  càra  vubn  aman. 

D'après  ce  que  j'ai  dit  plus  haut  du  sens  métaphorique  le  plus  ordinaire 
du  caractère  ^S  ^w^»  —  prinlemjM,  il  est  facile  de  comprendre  l'idée  que 
renferme  l'expression  «  ^9  ^£   Vubn  xuân  ». 


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298  KIM  vAn  KIÊU  tAn  TRUYÊN. 

Trài  kia  dâ  bât  làm  ngirôi  cô  thân! 

Bât  phong  trân,  phâî  phong  tran; 

Cho  thanh  cao,  mô-i  dirac  phân  thanh  cao  ! 

C6  dâu  thiên  vi  ngirài  nào? 
3245    Chir  tài  cliû'  mang  dôi  dào  câ  hai. 

Cô  tài  ma  cây  chi  tài? 

Chir  tai  lien  vuôi  chiï  tài  mot  van. 

Dâ  mang  lây  nghiep  vào  thân, 

Cûng  dirng  trâch  lân!  Troi  gân  châng  xa! 
3250    Thiên  cân  *  tai  16ng  ta; 

Chu*  tâm  kia  mô-î  bâng  ba  chir  tài! 

Lai  que  lât  lircrm  dông  dài; 

Mua  vui  cûng  du-ac  mot  vài  trông  canh. 

1.  Pour  être  heureux  ou  pour  souffrir. 

2.  «JB  ^Ë  phong  Iran  —  le  vent  et  la  pouêsière»  signifie  ici  spécialement 
<2e«  malheurs  du  monde,  ceux  qu'on  subit  dans  ce  monde  >. 

3.  Litt.  :  *0n  a  —  le  talent;  —  mais  —  on  ae  fierait  —  en  quoi  —  au 
talent  (êetdjf* 

L'idée  contenue  dans  ce  vers  est  le  complément  de  celle  que  renferme 
le  vers  précédent.  Le  poète  veut  dire  que  le  talent  seul  ne  suffit  pas  pour 
arriver  à  quelque  chose;  qu'il  faut  aussi  que  notre  deêtmée  le  comporte. 


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KIM  vAn  KIÊU  TAn  TRUYÊN.  299 

n  a  fait  de  nous  des  hommes  et  nous  a  donné  un  corps  K 
S'il  nous  inflige  des  malheurs',  il  nous  faut  être  malheureux, 
et,  si  nous  sommes  heureux,  c'est  qu'il  nous  donne  le  bonheur! 
n  ne  favorise  personne! 

Le  talent  et  la  destinée  sont  en  connexion  étroite.  3245 

Si  Ton  possède  le  premier,  il  ne  faut  point  s'y  fier  ^, 
car  de  très  près  le  mot  €iài*  rime  avec  le  mot  «fat»/ 
Quand  nous  avons  reçu  une  mission  du  Ciel, 

gardons-nous  bien  de  nous  plaindre!  car  il  n'est  pas  loin  (et  nous 

voit)  M 
L'origine  du  bien^  se  trouve  dans  notre  âme,  3250 

et  le  mot  cœur  vaut  trois  fois  le  mot  talent. 

J'ai  réuni  ces  détaUs*  et  j'en  ai  fait  une  histoire 

qui  pourra  vous  faire  passer  agréablement  quelques  veilles  *. 

4.  Utt.  :  € le  Ciel  r-  est  prèê  —  et  non  —  loin!* 

6.  Litt  :  «  Du  bien  —  la  racine  (expression  chinoise) ....  » 

6.  Litt.  :  «cet  paroles  ruêttgues», 

7.  Litt.  :  €  (Quant  à)  acheter  —  du  ptaitir,  —  Umt  aussi  bien  —  vous  obtien- 
drez —  un  —  quelques  —  tambours  —  de  veille.* 

On  sait  que  les  veilles  s^annoncent  en  frappant  sur  une  sorte  de  tam- 
bour. 


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VI  K^KE    -  TYP.  ADOLPHE  HOLZÏÏAPREH.       , 

IMPRINKIR  llK  LA  COUB  I     4  H     bT  DE  L'tTSIVlCBBtTÊ. 


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EKNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

■28.  RUE  BONAPARTE.  28, 


PUBLICATIONS  DE  L'ÉCOLE  DES  LAK6DES  ORIENTALES  VIVASTES 


î,  n.  HIHTfVTRR  DE  U ASIE  QEKt L  ^  ]'hè^f%  xnr  Kfr  AMd  Kt 

T  .  t  iradtiçtion  frvninioe,  pijiuji  tur  Ch.  Sihefer,  de  Ilostitut.  2  v^.  in-^ 

<  rr.g 

ÎTÎ   TV    V.  i       iiiw'-v    DE  r* '^ '''^'^  ^  "^'-^  *  ^*''''    *^'  T^tr  1  tj  r'VM    ...,_ti;.-.  *k,..i„  i.'".,.,.     t^.»_.  . 

V,  hiai'i^n.  Dis  iM'" 

\l  m^^TOmE  ]y.    . 

Vn.  RECnjEÏÏ.  DTTrNÉK.\IRES  ET  DR  VOYAGES*  PA.NS  L'ASIE  CESTliALB  BT  : 

ORIENT,  (publié  par  i(f  JT.  Schtner,  X.  if^ffr,  CA,  Schfet),  b-ë*',  avwj  eart. , 
VOL  BAG'O'BAHAR.    Ijq  jurdin  et  le  print^nips,  pnéme  hiiidoa^tiuii,  tTuduit  eo  tr)u<,-j»  ^ 
<rfff  Tîï*^,  de  riiistitiit,  l  volume  tn^**.  *-  "■ 

IX.  CHRONIQUE  DP.  MOLDAVIE  D'LTtECHI,  texte  rounutin  et  tnwîuctioo, 


X.  XL 
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XIV  XV. 

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par  le  driete^i 


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lT<»  âorivntns  chmo^i 


'-taire   cjji 


par  Mrfiiri  CatdUr.  2  vol.  gr.  m-3**  ^ 
^LOGIQUES  ET  HTSTORRiUBS  SUR 
ler.   In-S**,  âg.  et  pktia. 

II0N8  DE  Ta  ruTKP  a^ 

I  :  ,   HistoÎTe  i 

-.li.r!-     I  l.'^ue  voiuruB 

KMCUEII,  IHÙ  DOCUMENTS  s:^ 

linhault' îfuari.   In-S'J,  itree  2 

LE  TAM-TU'-KIKH.  to.x 

tnulîiction,  par  j;!.  (/<■*  J. 

HÎSTomt:  UNIVERSUL.u.     I  Ht 

J5,  Ihdnnrier,  de  rinftitut.    lo-S»», 

LE  LUC  VÂN  TIEN.  Poôrae  annaiûita,  publié,  tr^nît  et  nn^oté  par  vi.  <*«*  Mithdê,  la^ 

ÈPf[i:MÊRIDÎ3S  DACES,  par  CX  //«çwiii»,  traëtiction  par  Émik  LeçramL  3«  f oL  îb^ 

DEUXIÈME  SÉRIE 

ni^LATION  DU  VOYAGE  EN  PBB6K.  eu  ^yri*  ot  e*  Palesilini,  m  È^^té  et»  Ai^t  f^ 

pur  -V(t<Jt>i  ^Aft«*au.  de  Tan  1043  à  1019.  texte  |>era&n  publié,  traduit  et  «iinoté  pftT  (%.  «^ 

'!•    1  Iu^T.Jiat,    Un  beau  voïnmo  gr.  hvS^,  avec  tpatro  eLnjnsoIitUog^phiea. 

LHRO^•IQUE  DE  <^YFRE  PAU  LÉONCE  MACHERAS,  totto  gr*o  publié,  tru-v 

mr  JE".   MdUr,  dç  rinststut,  et  C.  Sa£ha*.   2  vol.  in-8^^   avw  ojke  eatte  Aùcieone  r 

oliiTimoluhTfçnipijLC.    Clîâ*.]ue  volumo 

DICTIONN.URE  TUEC-FRANÇAL3.  Stippli^ment  uux  diciionumres  puUitiB  jijiqti";\  -  : 

A.  €.  B'Sfhîer  de  Mei/nard,  de  riustitut,   2  forts  volumea^  m-â*  h  ^  wilotmea.    L*OiJVî>. 

t^lï  8  livrakoiift  à  10  ft. 

MTRADJ-KAMEH,  rArit  <îe  Tîisci'nsihti  tle  Mîiïiomft  fiti  n^L  "T<*ïie  tt]F^-^5ripnt^^,  'poWt^  ti"i 


yi  ^r,  dtf  riijatltut.    i^  vol.  in-8'».  3Û 

3liL. ......    ORIENTAUX.    T*?:xtcs  et  tr-it-^--    ...,\.t...=  -«r  le«  pro!f«scyi5  4*  l'ÉffJ' 

laugui*  oneuf^les  vivantes,  à  l'occaéioa  dr.  vdoiuil  dis  «irîiintAiilbË^ 

h  \.iyi]t'  ,T.i  SFJpff-mbïP  I88â.   In-B",  avec  !■ 

I  '  ARABES  DE  L'ÉSCURIAL,  dcHinupar  HurtMi^  I>tfmt<iur.^ 

L»U.-.\MA  L  -^:.   Uti  i^Bttir   srrîen  an 

pur  IfaHimfj  .  ribe  de  r^utotuograpb  i 

rti  '  '  ■■    ■""'    ■■■  ■  i'        ^  ,,'.'■ 

(  1  Le  ^r  U^tèxte  BÏ^voD-tnaBB  At«c  miro^kecioiL  *'■ 

K  X.  Foémt»  ADPAinrtQ,  j>ubTi«4  triàutt  «t  «no^  pur  vlài?  4f«#  J ^ 

LE  LUKE  feACKE  ET  CANONIQUE  DE  L'ANTlQUITî'; 

nab,   tradoite  sur  le  texle  ftrtgînal  et  Boc>ûiïïp»::rii;^e   d'un 

Eomp,   L  La  Geûfee.  le  S^*.   15  fr.  —  ET.  Le  L 

LE  ÙAROr.  f\(.  Km  1 1812.  Texte  tktiihr  pvM  I-.^.  (So»  ' 


XX.  IIL 


i.î«isimilù,  etc.  (Sotis  pfesL*) 


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LES  POÈMES  DE  L'AKNAM 


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TlN  TRUYÊN 


PUBLIÉ  ET  TRADUIT  POUR  LA  PREMIÈRE  FOIS 
PAR 

ABEL  DES  MICHELS 

•PROFESSEUR  k  L'ÉCOLE  Dts  LANGUES  ORIENTALES  VIVANTES. 


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TOME  II,  2'  PARTIE 

TEXTE'EN  CARACTÈRES  FIGURATIFS 


PARIS 
ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

LIBRAIRE  DE  LA  SOaÉTÉ  ASIATIQUE 
DE  L*ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES  VIVANTES,  ETC. 
-     28,  RUE  BONAPARTE  28, 
1884. 


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PUBLICATIONS 


DE 


L'ÉCOLE  DES  LANGUES  OKIENTALES  VIVANTES 


ir  SÉRIE  —  VOLUME  XV,  2"  PARTIE 


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KIM  VÂN  KIEU  TÂN  TRUYÊN 

POÈME  POPULAIRE  ANNAMITE. 


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LES  POÈMES  DE  L'ANNAM 


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KIM  VAN  KIÊU 


TÂN  TRUYÊN 


PUBLIÉ  ET  TRADUIT  POUR  LA  PREMIÈRE  FOIS 
PAR 

ABEL  DES  MICHELS 

PKOFJBSSEUE  A  L'ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES   VIVANTES. 


TOME  II,  2«  PARTIE 

TE  EN  CARACTÈRES  FIGURATIONS 


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PA.RIS 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 

LIBRAIRE  DE  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE 

DE  L'ÉCOLE  DES  LANGUES   ORIENTALES  VIVANTES,  ETC. 

28,  RUE  BONAPARTE  28, 

1884:. 


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ERNEST  LEROUX.  ÉDITEUR 

28,  BUE  BONAPAETE,  28.  . 

PUBLICATIOKS  DE  L'ÉCOLE  DES  LANGUES  ORIENTALES  TIVAMES 

^       .  PREMIÈKK  SÊRÎK 

T  T\    Tn<T(*TRE  DE  ];aSÏE  centrale,  de  1153  k  1233  de  lliégire,  par  Mir  Abduî  Kerim  Boukharr. 

Trr  'rv   PR?\TIOn'''i>È  L' ^MCAS-^âDE  ait  KHAK^ZM.  p.ir  Ri3a^Qcml;y  Khan,  T^xfe  persan  «  t»- 
^"^  ^^'  ;^!;;,;™  .ScV/.r.  d.  I  institut,  2  vil.  m.^.  av^^cart^.  Chaqne  volame.  b  ir. 

V   jmxm.  m  K>ÈMES  HIsTOEIQUES  en  grec  YUÏ/;AIRE.  relatifs  à  iaTu^,^^.««^ 
pmc  i..;L  amiubi.u.  %  puLU-ia,  traduît.  .t  anocH^^  par  EmiU  Ltgr<md,  1  volume  uA,"    la  fr. 
,,    VI   HISTUJRE  DK  UAMASSAiïR  DE  FRANCE  PRÈ3  I  A  PORTE  OTTOBtANE.  P«  k  o»^ 
lie  -S',un/  iVirJii,  publiée  «t  »tmoUi«  1'=^^  ^^'  ^H^^^  ^^'^'^^  ^  ««,  r  .»^*DtAr^ 

Vn    KErUlilL  DmNÉR.UTlES  KT  DE  VOYAGES  Wî^' T^  ASIE  CpTRALE  ET  L  RKÎREîK 
^  ORIENT,  .j>«Ubâ  imr  J/,^f.  5r/.^^n.r,  i..  X^i^cr,  Ck  ^ScJuJer),  in-S».  avec  carte.  15  fr. 

Vra.  RA^iOTUHAR.    Ih^  jardin  i.t  îe  prinkinp»,  poêm^  hmdoiistani.  traduit  en  fr«nçai8  par  (?<^ 
de  r*wJi/,  dé  rinstiun.  1  volume  m-%'K  .  ,,  n.-    *    i      i 

-       TK.  l 'HBONKitlE  J>E  MOLDAVIE  D  URECIH.  tvxte  ronmsm  ât  traduction,  par  M.  PicoL  1  v^uroe 
'  in  8'^,  «^li  B  parties.    ^  ,  .    «o.  v  «      i  '  75  fr. 

XIL  RKi  nERCHF.S  ARCIŒOLOilîQTTKS  ET  HÎSTOmUEâ  SUR  PÉKIN  ET  SES  ENVTIWÎ^. 
mr  le  du<.'Uur  JJrei4éimî<hr.    IjJ-^S",  fig.  et  pbms.  .  - 

:;m  msToTiu:  df.s  relations  de  la ctUNE  avec  UANNAM-VIETNAM,  <i«^^_^^'»™ 

nièU^    pr  (;.  /ït:wrm.    Inb^',  avec  m^  cartij. 

MV   XV    KPirtmErDES  DACES.   HhuArv.  de  b  giwm  *ïUtro  Im  Tara  et  les  ï^,^  ^l^^^^^'  g^ 

'  €   iMvontc^.  uxi«  pn^  «t  tmdii.UoD  par  iWûi«  Xegmnf    2  vol.  in^^  avec  P«^^  «^^ 

simisf.    CiuTiqije  volume.  .  .     .        t-^u,   m*  /^ 

XVÎ   RErilEIL  DE  DOClfMENTS  SUR  L'ASIE  CENTRALE,  d'après  les  éenv*iD«  chiw«,  pjj  u 

XVII  LE  TAM-TU'  KINH,   t-xta  t^t  çoinineutaire  clitûois,  prononciation  annamite  et  chinoise,  a^  ^ 

'      "        '  tra^ltu-iiuri,  iar  .4.  da  Michds,  Iii-S".  ,  .       -,     i.       x„;*„  «r 

XV ta  raSTOIRE  UNIVERSELLE,   pnr  Étknne  Açoghtpk  de  Daran.  trtdoita  de  larméni«».^î^ 

•        XIX.  LE  LUC  VAN  TIEN,  Poème  inriHmite.  publi^  traduit  et  nimotépar  J.  des  Miduli.  m-o^.  ^^ 

^'^'*^''  DEUXIÈME  SÉRIE  "^  ^^ 

I  HELATTON  PU  VOYAGE  EN  PER^E.  en  Syrio  et  en  ?*J«*i?i' ,^,  ^yP^^^f  ^  ^^^^ 
..r.Ta.itrz  Khcw^u.  de  Van  HM^  à  1019,  tex t.  p.rsaa  publié  tmdoit et  annoté  par  (3^  ^.^. 
n.  l'îtisUiut.    Un  Unu  volume  ^r.  ioa*^,  avec  qu^ilr^  diifomoJithograpliiea.       •  * 

ïï  m  ri  IRONIQUE  DE  CHYPRE  FAE  LÉùNCE  M-'lCHÉRAS,  ^^  g^M>»^^^iô'  ^"*^  ^ 
pir  i  %U^.  d.  rii.slitut,  et  a  Salhi^  :2  vol  in-SM.  «vea  une  carte  anotenne  «P^»»^  j^^ 
il)rûii»i>litlio;impbio.    Chmiub  vnlum«  ■      .        «a      itaa  DM 

IV  V    DICTTONNATRE  TURC^FR.iNÇAlS.  Suppl4owmt  aiix  ^i<*i.OM«^^P^}^'^  J"^ * 

!l    A  Érrhrrr  d.  .V.ynarrf,  de  ll.istitut.'^k  fort,  volume,  iv^  à  2  ooloimes.   toavT»^  ^ 

iti  M  livinisons  à  10  fr.  .  ,     -,    .     ^  •    j_i   «nliKii  traduit 

Vr  Mm\L>,l-NAMt:ir,  nVlt  ^e  Vm.^^ma  de  Miibomefc  an  «al.   Texte  tu^xvonentel,  pnWi^°^ 

lia  1  Institut.    Un  bf-^u  volurae  in-8'',  avec  fàwrml^é  du  manuscrit  reproduite  en  cwrpniou  ^ 
vn  Vni  f^ItlESTUMATITTE  P1:R^.\NE,  composé«dBCwmsïv«x  inédit»  avec introdoctbn  et  not^ 

"  pvr  a.  Miefcr,  do  llnrftitut    2  voL  ia^.  ^  j   l^,«il«  dei 

IX.  MLLANfiKS  ORIENTAUX.    T.xles  et   traductions,   publiés  ^^^^ ^  JT^^^J'^Tf^^ 

luuL'..^  oncf.UiU-6  vivatjtea.  à  Ic^cafiion  du  «iiièfoe  coi.pès  mtemational  des  ormiMUA^^^ 

à  itevilH  i-u  î^i^pti^mbr.^  ISëJ.    Iiir8^\  iveo  pkncbes  t^t  f«c:i!milfi.  .  «    i ,  jw  «flfr 

X  X7  LE!=MANr<rPlT8AEABEii  DE  L'Ei3CURL\J,,  dto:iti^r^i?^riu^i>«nm6o«rï^.2vo  .1d-«^ 

\n    nUï^AMA    ILN   MOINiClDIi  fU>r»5^U8ft;L  Un  émir  mTÎen  au  premier  ^^^J^Sle 

nui    /Jaif-ca/  />.nrr^^.r;7.  Av.c  lo  Wjct.  or»be  d.  F  autobiographie  dOuaàm^  P"^^'*  ^*ï^fr. 

ii„oiusovit  .4('  lEscuruil  In  S",  {^oi^^  presse.)  •  ^  ^\>>«  et  com- 

>JI[.  CHRONM^^UjE  DITE  I>E  NESTOR,  traduite  sur  le  t«tfce  s^von-rnsse  avws  ratro<lQCt«»    ^.  ^ 

XIV  XV,  KTM  VÂN  KÎÈU  TRliTÊN.   Vmma  annamite.  pubUé,  Jnraduit  et  annoté  par  Jfii*  ««    ^^  ^ 

*     *  2  vûlumw  «Jik  ^  \mrn*H.   In-S^.  (Suis  prwsfc.)  ,    ♦.T^^r.Tor.    t     ,^*«  âi«  JapO" 

XVL  LE  LUTŒ  SACRÉ  ET  CANONIQUE  DE  L'ANTIQUITE  J^PONAISE^U  ^^<1^P^ 

mis.  trnrî.ute  -«r  le   t«te  origiiml  t.t  î.coompagu.Vï  dm  commeuUire  perpétuel  p«tf  ^  j^ 

XVn.  raSTOmK  du  bureau  des  INTEEimÈTEê  DE  Ï*;KIN,  par  K  Deverta.  hr9».  ^^^ 
.  .   (ûcsimile,  etc.  (Soufl  pTc^a.)  ' 


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