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Full text of "L'Abbaye de Montmajour: étude historique d'après les manuscrits de D. Chantelou et autres ..."

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MONTMAJOUR 

ÉTUDE HISTOIUOIIS 



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L'ABBAYE DE MONTMAJOUR 



L'ABBAYE 

MONTMAJOUR 

ÉTUDE HISTORIQUE 

D'aprÈs les manuicrits de D. Chanlelou et autres documenta inSdili 



F. DE MARIN DE CARRANRAIS 

.rchiviste auxiliaire des Bouches - du -Rhâiie 




MARSEILLE 

TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE MARIUS OLIVE 

HUE SAINTE, 39 



F/^ 7Ji'^'■'^-l 



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HARVARD 

UNIVERSITY 

LIBRARY 

JUL 17 1959 



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L'ABBAYE 



DE 



MONTMUOUR-LÊS-ARLES 



A trois ou quatre kilomètres environ de la ville d'Ar- 
les, s'élèvent brusquement de la plaine deux collines 
jumelles: l'une est la montagne de Cordes, dont les 
roches entremêlées de broussailles cachent la grotte 
mystérieuse ; l'autre est encore aujourd'hui couronnée 
par les ruines imposantes et la fière tour de l'Abbaye de 
Montmajour (1). 

Si l'on aborde cette dernière colline par son versant 
septentrional, on voit surgir tout-à-coup du milieu des 
assises de pierre et des pins, d'abord des bâtiments 
d'une architecture noble mais sévère, que sillonnent 
des lézardes profondes ; puis une grande basilique de 
style roman, dont le soleil de Provence a revêtu les 
murs d'une teinte dorée. Entre l'église et les autres 
constructions s'ouvre un large portail , à la droite 
duquel s'élèvent, branlantes, les ruines du grand es- 
calier. En avançant et en jetant un coup-d'œil du même 



(1) Montmajour, comme l'a dit fort bien M. Clair, est la colline 
« de prédilection du moyen-âge, le lieu dans lequel chaque géné- 
« ration chrétienne a voulu élever une pierre, déposer un témoi- 
« gnage de son respect et de son aifection. » Les Monuments 
d Arles antiqtieet moderne. 




— 6 — 

côté, on voit un monceau de débris qui forme, avec des 
pans de murs percés de quelques ouvertures, le seul 
reste de la façade méridionale. C'est la partie la plus 
moderne du monastère, que la ruine et la main des 
hommes ont cependant le moins épargnée. A gauche, 
au contraire, s'élève la belle tour construite en 1 369 par 
Tabbé Pons de Ulmo, dominant à la fois l'église et le 
cloître qui la touche. Au pied de ce donjon, et à demi 
taillée dans la paroi méridionale du rocher est la cha- 
pelle vénérable de Saint-Trophime, au fond de laquelle 
se trouve le petit réduit appelé la confession, 

A l'est de la tour et de l'église, la colline s'étendait, 
il n'y a pas longtemps encore, pour rejoindre par une 
pente douce et continue le gracieux sanctuaire de Sainte 
Croix. Aujourd'hui le pic et la mine ont attaqué la mon- 
tagne et fouillé jusqu'aux tombeaux qui environnaient 
cette chapelle. 

La tour dont nous venons de parler est haute d'envi- 
ron 30 mètres. Son plan est un parallélogramme rectan- 
gle dont les deux plus larges faces regardent le nord et 
le midi. Les pierres sont taillées en bossages comme 
les murs si remarquables de la ville d'Aigues-Mor- 
tes. Sur la porte se voient les armes de l'abbé Pons de 
Ulmo (1). Deux salles superposées occupent l'intérieur : 
celle de l'étage supérieur se fait remarquer par ses 
voûtes d'arêtes aux élégantes nervures. L'escalier en 
colimaçon conduit à une plaie-forme couronnée par la 
vigie d'où le guetteur donnait aux jours de péril le 
signal d'alarme. En effet, quel meilleur observatoire 
eût-on pu choisir I Au midi la montagne de Cordes 
abaisse ses escarpements comme pour laisser voir la 
vaste plaine cultivée recouverte jadis par de fiévreux 
marécages, plaine qui vient expirer aux remparts mê- 

(1) Ces armes parlantes reproduisent la figure d'un orme. 



— 7 — 

mes de cette m)ble cité d'Arles que Ton aperçoit à l'ho- 
rizon, dominée par ses clochers et ses Arènes, vestiges 
de sa splendeur antique (1). Baignant les murs de l'il- 
lustre capitale, le Rhône brille à l'Ouest, et, au Nord, 
le donjon de Beaucaire indique encore son cours. A 
l'extrémité d'un plateau déclive se dressent les tours 
de Saint-Gabriel. Ce sont ensuite les Alpines aux for- 
mes hardies, dans les anfractuosités desquelles on de- 
vine, sans le voir, ce rocher hérissé de tours d'où les 
redoutés barons des Baux partaient , pour soulever 
contre ses comtes la Provence entière. Enfin, au pied de 
cette chaîne de montagnes, Fontvieille, autrefois fief 
de Montmajour, parait au milieu des carrières de pierre 
dont elle tire sa richesse. 

Mais il est temps de jeter un coup-d'œil sur l'église 
de Montmajour. Ce beau vaisseau, qui, d'après les 
plans primitifs devait être prolongé de trois travées, 
fut laissé inachevé à cause du manque de ressources. 
Les pierres d'attente que l'on voit en avant l'attestent, 
quoiqu'en disent les auteurs de la Statistique des Bou- 
ches-du- Rhône (2). Comme façade provisoire, on avait 
élevé un mur sous l'arc-doubleau de la seconde travée 
au dessous du transept , et l'on y pratiqua un porche 
du même style que le reste de l'église . 

« L'abside, circulaire à l'intérieur,» dit M.Révoil (3), 
« accuse k l'extérieur la forme d'un demi-octogone pré- 



(1) Roumo de noù t'avié vestido 
En peiro blanquo bèn bastido ; 
De si grandis Arèno avié mes à toun front 
Li cènt-vint porto : avies toun Ciôri, 
Avies, priDcesso de l'Empèri, 
Per espassa ti refouleri. 
Li poumpous Aquedu, lou Tiatre et l'Ipoudron. 

(mirèio, Ch. XI.). 

(2) Statistique des BoiAches-du-Rhôney tome 2, p. 464. 

(3) Architecture Romane du midi de la France, tome tt p. 29. 



— 8 — 

« sentant un de ses angles sur Taxe longitudinal... trois 
a fenêtres Téclairent ...» Dans le bras droit de la Croix 
se voient encore aujourd'hui deux beaux tombeaux 
de style gothique flamboyant. Ce sont ceux de Tabbé 
Bertrand de Malsang, et de son frère, chevalier (1). En 
face de ces deux tombeaux était jadis un autel qui de- 
vait être d'une ornementation fort riche, à en juger 
par des culs-de-lampe, veufs des statues qu'ils suppor- 
taient. 

Par le bas de la nef, on descend dans la crypte qui 
« se compose d'une partie centrale circulaire, recou- 
« verte par une voûte sphérique. Les murs de ce sanc- 
c< tuaîre, qui a encore son autel au centre, sont percés 
« de cinq baies prenant jour sur une galerie concen- 
« trique surmontée d'une voûte annulaire. Autour de 
« cette galerie, dans Taxe de chacune de ces baies, 
« rayonnent cinq chapelles en forme de fer-à-cheval 
a et voûtées en cul -de-four. Aux deux extrémités de 
a la galerie transversale placée en avant de cette dispo- 
« sition se trouvent deux chapelles semblables (2).» 

M. Révoil, cherchant à assigner une date précise à la 
construction de l'église, a étudié attentivement les mar- 
ques de tâcherons gravées sur ses pierres . Son examen 
et la comparaison qu'il a faite de ces marques avec celles 
que Ton trouve sur les murs de la chapelle de Sainte- 
Croix l'ont amené à dire que certaines portions de 
l'église majeure sont antérieures au XP siècle, et que 
l'abbé Rambert, en 1016, ne jeta pas les fondements 
d'un sanctuaire nouveau, mais se borna à réparer ou à 
relever les ruiues d'une ancienne église. Cette opinion 
a été vivement combattue. Il faut reconnaître qu'il est 
difficile, sinon impossible de la concilier avec l'ancien 

(1) Gallia Chrisiiana, I, col. 612. 

(2) Architecture Romanef etc., Ibid. p. 28. 



— 9 — 

document firé des archives du monastère qui dit : « Anno 
ah incamatione Domini MXVP fuit inchoata basilica...y> 
cette expression ne semble pas admettre Tidée d'une 
reconstruction, elle suppose la fondation originaire et 
absolue de la basilique. 

Dans la dernière travée de l'église, à droite, s'ouvre 
la porte du cloître. Le premier objet qui frappe les yeux 
lorsqu'on pénètre dans . la galerie est un monument en 
forme d'arc surbaissé, soutenu par deux colonnes ; il 
s'élève à gauche de l'entrée. On y voit encore quelques 
traces de peinture que M. Révoil attribue au XIP siècle. 
C'est le tombeau de Geoffroy, comte de Provence, qui 
élut pour sa sépulture le monastère de Montmajour, 
envers lequel il s'était montré fort libéral. A droite de 
la même porte est la pierre tombale de l'abbé Jean Hu- 
golen. Plusieurs dalles portent des écussons et des 
caractères frustes. Des quatre faces du cloître trois sont 
de pur style roman : des colonnettes en supportent les 
gracieuses arcades. La galerie de l'ouest ne remonte 
qu'au commencement du XVIII^ siècle comme on le 
voit par un rapport d'experts du 27 mars 1719, disant : 
(i qu'elle a été changée depuis environ deux ans, qu'on 
« abattit les petits arceaux, et à la place on y fit trois 
« arceaux beaucoup plus relevés qui donnent un plus 
« grand jour et gayeté à ladite allée, et lesquels forti- 
c( fiés par des ancmles ou contreforts.. . (1) » On re- 
marque sur une pierre à Textrémité de la galerie méri- 
dionale les armes du cardinal Pierre de Foix, archevêque 
d'Arles, l'un des abbés de Montmajour. La salle capi- 
tulaire, qui n'offre rii^n de saillant, est limitrophe à la 
partie orientale du cloître. 

C'est par un escalier ouvert au pied de la tour du côté 
du midi qu'on descend à la chapelle de S. Pierre et à la 

(1) V. Rapport de 1719, f* 4, verso. 



:smmmÊmi 



— 40 - 

confession de Saînt-Trophîme , monument vénérable 
dont les parties les plus anciennes remontent, dit-on, 
à l'établissement du christianisme dans les Gaules. 
Lorsqu'on est arrivé au bas des escarpements qui 
supportent la tour, on accède dans ce sanctuaire dont 
nous emprunterons la description à M. Révoil. a Une 
« sorte de petit pronaos ou vestibule, dans lequel on 
« remarque deux sarcophages taillés dans la roche, 
« précède la nef, flanquée de trois arca tu res supportées 
« par huit colonnes. Ces colonnes sont surmontées de 
« chapiteaux grossièrement sculptés , mais cependant 
a d'un assez beau caractère : le sanctuaire, terminé par 
(( une abside et séparé de la nef par un arc-doubleau, 
« présente une ordonnance analogue ; le côté sud de 
« cette nef est percé de quatre fenêtres. .. à l'extrémité 
« de ces constructions, on observe avec le plus curieux 
« intérêt une petite chambre d'un mètre quarante cen- 
c( timètres sur 60 centimètres, remplie presque entière- 
« ment par une sorte de siège en pierre. .. Une colonne 
« surmontée d'un chapiteau, composé d'une palme et de 
a deux volutes, divise en deux parties un banc taillé 
a dans la pierre. Presque au milieu de cette arcade on 
« distingue une tête avec barbe, à laquelle se rattache 
« gauchement une main droite tenant une crosse. » 
M. Mérimée attribue au V® ou VP siècle la première 
partie de ces constructions et au IX® l'oratoire propre- 
dit. M. Revoil place la construction de l'oratoire seule- 
ment au XP siècle . 

Quant à la chapelle Sainte-Croix, c'est, dit M. VioUet- 
Le-Duc (1), un édifice formé dç quatre culs-de-four 
« égaux en diamètre dont les arcs portent une coupole 
« à base carrée : un porche précède l'une des niches 
« qui sert d'entrée. La porte latérale donne entrée dans 

(t) Dktionn. d'architecture, y"* Chapelle. 



■-' -,-t— 



— -*'---^"^-'" ; *^ . 



— 44 — 

« un petit cimetière clos de murs. La chapelle Sainte^ 
a Croix est bien bâtie en pierre de taille et son orne- 
« mentation très-sobre, exécutée avec une extrême 
« délicatesse, rappelle la sculpture des églises grecques 
« des environs d'Athènes. Sur la coupole s'élève un 
« campanile. » M. Révoil qui a découvert en 1854 l'ins- 
cription du fronton, établit que le caractère des lettres 
qui la composent, la largeur -saillante laissée au filet 
sur lequel elles sont gravées attestent qu'elle date de 
l'époque de l'achèvement de la construction , soit de 
1019(1). 

Tout autour de la chapelle s'ouvrent des tombeaux de 
grandeurs très-inégales. Le petit nombre de ces sépul- 
cres, dont plusieurs n'ont pu être que des tombeaux 
d'enfants, suffit pour faire repousser l'opiniond'ungrand 
nombre d'auteurs qui veulent y voir la sépulture de 
guerriers morts dans un combat livré aux Sarrasins à 
l'époque de Charlemagne (2). En vain une inscription 
gravée à l'intérieur du sanctuaire, au-dessus de la porte, 
lui assigne ce grand prince pour fondateur et fait men- 
tion de cette bataille ; nous verrons l'historien de l'ab- 
baye, Dom Chantelou, avouer lui-même la fausseté de 
l'inscription dont nous parlons. Les caractères n'en 
paraissent pas du reste antérieurs au XV® siècle, ce qui 
suffit pour rejeter cette croyance. 

Tel est le cadre au milieu duquel les ruines d'une 
des plus illustres abbayes de la Provence éveillent la 
curiosité du voyageur. 

Montmajour a eu des périodes de gloire et des pério- 
des de décadence. Il à eu aussi son historien, Dom 
Claude Chantelou, bénédictin de la congrégation de 

(t) Archit. Rom. du midi, tome I, p. 13. 

(2) Bonis, Royale couronne d'Arles, p. 111 ; La Uuaière, Abrégé 
chronologique de l'histoire d'Arles, p. 93. 



— 42 — 

Saînt-Maur (1). Malheureusement les annales latines 
qu'il a laissées sur cette abbaye sont restées manuscri- 
tes (2). Le judicieux écrivain a puisé aux sources les 
plus sûres et, appuyé sur l'autorité des pièces originales, 
il a étudié les commencements et les progrès du monas- 
tère. Après lui, il nous sera facile de retracer brièvement 
les faits qui se rattachent à Montmajour et nous n'au- 
rons pas k redouter de nous égarer, sur le pas de ce 
guide fidèle. Regrettant que les limites de cette notice 
ne nous permettent pas de reproduire les textes qui ser- 
vent de trame à son récit, nous nous bornerons k ren- 
voyer le lecteur au fonds de Montmajour, aujourd'hui 
réuni aux archives des Bouches-du-Rhône. 

Le savant annaliste nous apprend, dès le début, que de 
nombreux écrivains ont essayé avant lui de dissiper les 
ténèbres qui couvrent les origines de Montmajour, mais 
sans demander la lumière k des documents précis et 
indiscutables, ni k Tautorité des anciens auteurs. Tous, 
du reste, n'assignent pas le même fondateur k l'ab- 
baye artésienne : les uns, en effet, en attribuent l'éta- 
blissement au roi Childebert , d'autres k Charlema- 
gne, d'autres enfin k Jean Cassien qui, selon eux, après 
avoir institué k Marseille une congrégation nouvelle, 
serait venu jeter k Montmajour les fondements d'une 
colonie de cet ordre naissant. 

Comme préambule, et pour chercher k faire quelque 

■ 

(1) D. Chantelou, né au diocèse d'Angers, fut d'abord moine de 
Fontevrault, puis <le Tordre de Saint Benoît et mourut en 1664. Il 
a donné une bibliothèque ascétique des Pères et une édition des 
sermons de Saint Berjiard et des règles de Saint Basile. Il colla- 
bora, en outre, au SpicUegium de D. d'Achery et laissa plusieurs 
ouvrages manuscrits. 

(2) Il n'existe que cinq exemplaires de ce précieux ouvrage ; le 

Sremier à la Bibliothèque Nationale, provenant du fonds de Saint- 
ermain-des-Prés ; un second à la Bibliothèque Méjanes, d'Aix ; 
deux à Arles, ayant appartenu, Tun à M. Véran, l'autre à l'abbé 
Bonnemant qui l'a enrichi de notes précieuses ; le cinquième aux 
archives des Bouches-du-Rhône. 



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— 43 — 

jour sur l'origine obscure de ce monastère, il est bon 
de jeter un coup-d'œil, avec Chantelou, sur tous ceux 
qui furent fondés à Arles ou dans les environs. 

I. 

Anciens monastères d'Arles et des environs 

La plus antique de ces pieuses maisons est le Monas- 
terium Insulœ suburbanœ dont parle Cyprien de Toulon 
dans les actes de Saint-Césaire. Saxi(1) en attribue la 
fondation à Saint Hilaire d'Arles. La vie de cet illustre* 
évêque relate seulement d'une façon générale qu'il 
éleva plusieurs églises et rebâtit plusieurs couvents, 
mais ne fait aucune mention particulière de celui-ci. 
Cyprien raconte simplement (2) que Saint Césaire fut 
chargé par Saint Eon de rétablir la discipline dans ce 
monastère et qu'il fut désigné pour lui succéder à sa 
mort (3). 

Cette île suburbaine serait-elle la Camargue ou une 
autre île plus petite formée dans le lit du Rhône? 
Saxi (4) déclare l'ignorer. On pense généralement, 
puisqu'elle était si voisine d'Arles, que la maison dont 
nous parlons fut détruite par les Goths ou peut-être par 
les Francs et les Burgondes, lorsqu'ils mirent le siège 
devant cette ville, après la victoire remportée sur Alaric 
à Vouillé par Ciovis. C'est pendant ce siège que fut 
ruiné en grande partie le monastère élevé par Saint 
Césaire pour sa sœur. 

Chantelou croit que Vile suburbaine était la même que 

(1) Pontiflcium Arelatense, p. 124. V. sur le même monastère GalL 
Christ T. I, col. 599. Chantelou I, § /. 

(2) Liv. I, n» 9. 

(3) Cf. Gallia Christ, p. 600, n» 1 . 

(4) Pontif, Ar$L p. 125. 



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4P 



— 44 — 

Nothon, archevêque d'Arles, céda plus tard à titre 
d'échange au comte Leibulfe, selon Saxi (i). Barrai 
rapporte que ce seigneur la donna ensuite k Tabbaye de 
Lérins, d'autres disent à celle d'Aniane, et que cette 
donation fut approuvée par Louis-le-Débonnaire. 

Au XP siècle, Raïambaud, archevêque d'Arles, aban- 
donna Tîleau moine Durand, moyennant une redevance 
de 1 1 livres, payables chaque année à l'église Saint- 
Etienne pour la fête de Saint Trophime, et une autre 
de 12 deniers payables au sacre de chaque nouvel 
archevêque. Il le chargea en même temps de relever de 
ses ruines le monastère dévasté par les Barbares. L'acte 
de donation parle de l'île en ces termes : « Insula 
« suburbana , quam nuncupant Sanctœ Mariœ , vel 
« Sancti Andreœ Apostoli, cum suis adjacentiis. » 

Une autre maison religieuse fut fondée k Arles, sur 
l'ordre de Childebert, fils de Clovis (2) , par saint Aurélien, 
évêque de la même ville. Ce saint pontife traça pour les 
moines dont il la peupla une règle spéciale qui contenait 
57 chapitres relatifs k la discipline, au vêtement, aux 
offices et k la nourriture des religieux. 

Parmi les fondateurs de ce monastère, une pierre 
tumulaire rappelle le nom du premier abbé Florentin, 
que ses vertus et ses miracles placèrent sur les autels. 
Elle porte un acrostiche k la louange de ce saint per- 
sonnage, et fixe la date de sa mort k la douzième année 
qui suivit le cinquième consulat de Basile-le-Jeune. 

D'après les époques marquées soit par les règles de 
Saint Aurélien, soit par l'inscription dont nous parlons. 



(1) Pontif. AreL p. 170. 

P) Gallia Christ, p. 600 n" 11. — Cet ouvrage fait immédia- 
tement après mention d'un monastère de femmes fondé à Arles 
par Saint Aurélien. — Sur le monastère d'Arles. V. Vissért. de 
Seguin (Fonds Nicolal, arch. Dép.) 



"jc^r 



— 45 — 

on peut placer la fondation du monastère d'Arles à 
Tannée 546 et celle de la mort du pieux abbé en 553. 

Saxi (1) a vu dans le mot Hilarianum; qui figure dans 
Tépitaphe, une qualification donnée k notre monastère 
plutôt que le nom d'un religieux. Cette erreur l'a con- 
duit à en attribuer la création à Saint Hilaire. Il conjec- 
• ture qu'il n'est pas différent du monasterium insulœ 
suburbanœ précité, et veut qu'après la ruine de celui-ci 
par les Goths, on Tait réédifié encore du vivant de 
Saint Hilaire, non plus sur son emplacement primitif, 
mais à Montmajour. Or, Técart d'un siècle entre Saint- 
Hilaire et l'époque fixée plus haut suffit pour faire reje- 
ter cet avis, malgré l'autorité de Saxi. Il est vrai que 
cet auteur prétend corriger l'invraisemblance des dates 
en disant que l'épitaphe de Saint Florentin donne 
l'époque de la translation de ses reliques, dans l'église 
de Sainte Croix d'Arles, et non celle de sa mort. 

Mais, même çn accordant que le monasterium insulœ 
suburbanœ, détruit par les Goths, soit la maison que 
Saint Aurélien releva sur l'ordre de Childebert, il est 
impossible d'admettre qu'on ait réédifié à Montmajour 
un monastère que les règles de Saint Aurélien placent 
« in civitate Arelalensi, » et la lettre dû pape Saint- 
Grégoire, plus explicite encore, « intra muros civitatis 
« Arelatensis. (2) ti 

Il ne parait pas avoir survécu à l'invasion des Sarra- 
sins qui, après avoir dévasté la Narbonnaise, vinrent 
mettre le siège devant la ville d'Arles, s'en rendirent 
maîtres et la mirent k feu et k sang. 

Un troisième monastère existait aux environs d'Arles, 
au sortir même des portes de la ville, dans ces Alys- 



(1) Pontiflcium Àr$latens$ p. 124. 

(2) Cf Dissertation de Seguin, Fonds Nicolaï, 61, Archives Dépar- 
tementales — Chantelou, Hist, m. s. Mont, maj., chap. 1, g //. 



— 16 — 

camps, déjà célèbres au temps du paganisme, et dont la 
légende attribue au Sauveur la consécration merveilleuse 
A la limite des marais qui s'étendent jusqu'à la chapelle 
de N.-D. des Grâces, l'évéque Virgile éleva un temple 
magnifique sous le vocable de Saint-Sauveur et de 
Saint-Honorat. 11 y joignit une maison religieuse qui 
passa au XI® siècle entre les mains des moines de Saint- 
Victor de Marseille par une libéralité de Tarcheveque 
Raïambaud, confirmée plus tard par Gibelin, un de ses 
successeurs sur le siège d'Arles. Cette église étant 
tombée en ruines , l'archevêque Michel de Moresio 
entreprit de la relever. La lettre qu'il écrivit pour 
demander leurs aumônes aux évéques et aux fidèles de 
toute la chrétienté (1) relate que ce temple vénérable 
était situé « extra murosurbis Arelatensis, in campis qui 
« vulgariter dicuntur Elysii. » Elle rappelle, en outre, 
les gloires de cette église, qui renfermait les restes 
précieux de Saint Honorât, de Saint Hilaîre, et des 
bienheureux pontifes Aurelius, Concordius, Eon, Virgile, 
Roland ; de Saint Gêniez, martyr, et de Dorothée, 
vierge et martyre. 

Par la suite, les corps de ces saints furent transpor- 
tés dans la ville, et leurs tombeaux demeurèrent vides 
dans la crypte, sous le maîtro-autel de l'église. Saxi 
rapporte les inscriptions qui les couvraient (2). En 
dernier lieu ce monastère fut uni à l'Abbaye des 
Bénédictines de Tarascon. Cette union dura jusqu'en 
1616. A cette époque l'abbesse céda aux PP. Minimes 
l'église déjà presque, en ruines et les jardins conti- 
gus (3). 

(1) Liv. noir de l'archevêché, p. 139. —Saxi, Pontif. Arel. p. 243. 
— Royale couronne d'Arles^ p. 359. 

(2) Pontif. Arel., p. 24 et 61 . 

(3) Chronic. gêner. Minim. ann. 1616, n. 7. — Gall. Christ, p. 
600, n» IV. 



— 47 — 

Annon, archevêque d'Arles, fonda près de la bour- 
gade de Fos une abbaye où il établît des Bénédictins 
sous la direction du moine Pacion ou Pacéon. Le Pon- 
tificium Arelatense {\) parle de cette nouvelle maison, 
d'après des indications puisées dans un vieux recueil 
manuscrit de documents sur l'église d'Arles, portant la 
date de 978. Le cartulaire de cette abbaye constate 
qu'elle passa dans la suite du temps aux moines de Clu- 
ny. En effet, en l'année 1081 , RostaingdeFos, archevê- 
que d'Aix, et avec lui Amiel, son frère, ainsi que ses 
neveux Pons, Raimond, Gui, Geoffroy et Bertrand, 
firent don k Hugues, abbé de Cluny, du monastère 
fondé dans leurs terres patrimoniales par ceux de leur 
maison en Thonneur des SS. Gervais et Protajs, dans le 
territoire de Fos « in territorio castri quod Fossas dicunt^ 
ad mare (2). » Parmi les signataires de l'acte de dona- 
tion figurent Bertrand, comte de Provence, Amiel, sa 
femme et ses fils. Ces derniers, à la mort de leur père, 
confirmèrent la cession précédente au même Hugues et 
h Yves, moine de Cluny. La maison de Fos devient 
ensuite un simple prieuré ; mais, peu après, elle recon- 
quiert son autonomie, et se donne comme jadis un abbé 
particulier. Les papes Serge IV (3), Paschal H (4) et 



(1) Page 193. L'acte de fondation et au livre noir f. 42, livre 
rouge 351 V. avec la date de 989 

(2) RufiQ pense que si la maison de Fos est issue des vicomtes 
de Marseille, comme l'admettent certains généalogistes, elle ne 
peut se rattacher qu'à Pons 1", puisque Pons de Fos, qui en est 
la souche, vivait à la fin du X* siècle. Cette famille a possédé, 
outre les marquisats de Fos et d'Hyères, la t^rre ae Bormes, qui 
passa au XV*» siècle, par alliance à la maison de Grasse, et celles 
de la Molle et de Collobrières que recueillirent les Boniface, en 
1424, par suite du mariage de Jean de Boniface avec Batrone de 
Fos. (Histoire de Marseille. Tom. i, p." 86). 

(3) Lettre de 1110 à l'abbé Jausserand. 

(4) Lettre de 1130 à l'abbé Guillaume.— On trouve aux archives 
départementales, liv. rouge d'Arles loi. 345, une bulle d'Hono- 
rius III unissant les églises de Saint-Sauveur de Fos et de Saint- 
Gervais. 



— 48 — 

Innocent II lui reconnurent le droit de posséder des 
biens et des églises. Plus tard Tabbaye fut restituée aux 
moines de Ciuny par Guillaume, seigneur de Montpel- 
lier, peut-être k l'occasion de la vêture de son fils Rai- 
mond. Innocent II acquiesça à cette restitution en 1 139, 
et voulut que la maison de Fos, faisant retour k Cluny, 
fut érigée en abbaye. Selon Chantelou, le rescritdu 
pape ne reçut pas d'exécution parce qu'il fut rendu 
sans Tassentiment de Tarchevêque et du chapitre 
d'Arles. Cependant on cite les noms de plusieurs abbés 
de St-Gervais. Toutefois l'abbaye de Fos ne subsista 
plus longtemps : un petit nombre de prêtres séculiers 
s'y établirent k la place des moines, et les revenus 
furent attribués aux archidiacres d'Arles. Chantelou 
dît que ces dignitaires en jouirent jusqu'k l'époque où 
il écrivait, mais, en fait, ceux-ci ne les conservèrent que 
fort peu de temps, et le bénéfice en fut dévolu aux pré- 
vôts de l'église primatiale (1 ) . ^ 

Outre ces divers monastères on en voyait encore un 
autre dans l'enceinte même de la ville d'Arles ; Louis- 
le-Débonnaire et Charles-le-Chauve en assurèrent la 
possession k l'abbaye d'Aniane . 

Il y avait aussi k Beaucaire un chapitre fondé k la fin 
du XVI® siècle par le duc de Montmorency, dépendant 
de l'abbaye de la Case-Dieu (2) . 

A une faible distance de la même ville de Beaucaire. 
au sommet d'une colline, se trouve le château de Saint- 
Roman auprès duquel est une église desservie autrefois 
par les moines de Psalmody. 

Chantelou ne parle pas d'Ulmet et Silve-Réal, aussi 

(1) Pour le monastère de Fos, v. Gallia Christ. Tome I p. 600 
n*VI. 

(2) La Case-Dieu , dioc. d'Auch , appartenait à Tordre de 
Prémontré. 



— 1^ - 

voisins d'Arles . L'abbaye d'Ulmet (1 ) fut fondée au XP 
siècle par des moines cisterciens de celle de Valmagne, 
diocèse d'Agde, près de la chapelle de N.-D.-d'Ulmet 
en Camargue, que leur abandonnèrent les religieuses de 
Saint-Césaire. 

Ulmet n'eut qu une existence assez éphémère. Sa 
réunion à Valmagne, décrétée déjà en chapitre général 
en 1299, reçut son effet en 1437 (2). Avant cette réu- 
nion, l'abbaye avait été transférée au lieu appelé Silve- 
Réal, sur la lisière de la Silve ou Pinède d'Albaron, 
donnée à l'ordre de Citeaux par Alphonse P^ d'Aragon et 
confirmée à l'abbé d'Ulmet par Alphonse II en 1196. 
Les religieux de cette abbaye eurent avec les Templiers 
de longues contestations sur le territoire appelé le Cla- 
mador. L'intervention de l'archevêque d'Arles, Imbert 
d'Aiguières y mit une heureuse fin en 1201 (3). 

Le Gallia Christiana (4) cite encore les monastères 
de Saint-André en Camargue donnés par Manassès, ar- 
chevêque d'Arles, à Drogon, évêque de Marseille, et de 
Sainte-Marie de Pierredon, de Podio i^otundo, fondée 
par Boscodon et Chalais et devenu simple prieuré 
rural dès le XIV® siècle. 

Après avoir énuméré ces diverses maisons, Chantelou 
aborde enfin le sujet de son ouvrage , l'histoire de 
Montmajour. 



(1) V. Gallia Christ, tom. I". Instrum. eccles. ireto^, n. 37, 
38 et 39. 

(2) Une lettre de l'archevêque d'Arles, Gaillard Saumate, du 
26 mars 1320, nous apjirend que cette réunion fut prononcée par- 
ce que € diclus locus Silvœ-regalis non haberet sumcientes readi- 
« tus seu prouentus compétentes pro sustentatione idonea seu 
« congrua honoris et oneris abbatiœ et conventusejusdem. . » 
Gall, Chrisi.yl, instrum. eccl. Arelat. XXXIX. 

(3) Pour Ulmet et Silve-Réal, v. Gall. Christ., I, 624. 
(4; Tom. 1,601. 



— 20 — 



II 



Origines de Mon tma jour. — A qui doit-on en attribuer 

la fondation? 

Dès l'abord se présente une question fort controver- 
sée : doit-on attribuer à Childebert la fondation de cet 
illustre monastère? L'honneur en reviendrait-il plutôt à 
Charlemagne ? 

Selon certains auteurs, Childebert, fils de Clovis, 
chassant un jour aux environs des montagnes de Cordes 
et de Montmajour a y trouva une grande troupe de 
« bons religieux qui vivaient fort austèrement parmy 
« les bois, sous la règle et discipline de saint Césaire... 
« ce qui esmeut le roy à dévotion ; et leur fit bastir dans 

a la montagne une maison pour leur retraicte (1) » 

Cette opinion, qu'aucun fondement n'appuie, a tous les 
caractères d'une légende. Comme nous l'avons vu na- 
guère, Saxi, induit en erreur par un mot, a été amené 
à considérer le monasterium insulœ suburbanœ comme 
le berceau de notre abbaye, et à dire qu'après sa ruine 
par les Goths, saint Hilaire le fit réédifier non plus sur 
l'ancien emplacement qu'il occupait, mais au Mont- 
Majour, Longtemps après, les Sarrasins devenus maî- 
tres d'Arles, auraient détruit dans les environs de cette 
ville tout ce qui pouvait servir de défense k leurs enne- 

(1) Bouis, la Royale Couronne d'Arles, p. 66. — Cf. La Lauzière, 
Abrégé chronoL de VHist. d'Arles, p. 80. — Cette légende prend une 
forme plus précise encore dans un manuscrit arlésien du com- 
mencement de ce siècle, intitulé Abrégé chronologique et historique 
des abbesses de Saint Césaire et des abbés de Montmajour, par Viakit 
M. L. de Crozet a bien voulu, avec son obligeance si connue, nous 
communiquer cet ouvrage appartenant à sa magnifique biblio- 
thèque. L'auteur de V Abrégé dit, sans cependant en fournir de 
preuve, que, le 25 avril 542, Saint Césaire, archevêque d'Arles, 
consacra avec pompe l'église Saint Pierre et prescrivit aux reli- 
gieux la règle de Saint Cassien. Il ajoute même que le premier 
abbé s'appelait Paul» mais ne cite après lui aucun autre nom jus- 
qu'à Mauringus, par lequel Chantelou commence sa liste. 



— 24 — 

mis, et en particulier le monastère de Montmajour, 
dont ils comprenaient l'importance stratégique. Chassés 
par Charles Martel et Luitprand, ces barbares renou- 
velant leurs attaques contre la ville d'Arles auraient 
été vaincus par Charlemagne. Après leur défaite, ils se 
seraient retranchés dans de fortes positions, mais, pour- 
suivis dans ce dernier asile, iljs auraient été exterminés 
par ce prince qui voulut perpétuer le souvenir de sa 
victoire sur les ennemis de la Croix sur le théâtre 
même de son triomphe. Cette opinion s'étaie sur une 
antique inscription qu'on lit encore aujourd'hui dans la 
chapelle de Sainte-Croix au pied de la montagne : 
« Qu'il soit connu de tous que le très-illustre prince 
a Charlemagne, roi des Francs, ayant mis le siège de- 
(( vaut la ville d'Arles tombée au pouvoir des infidèles, 
« et s'en étant rendu maître, poursuivit avec son armée 
« ces barbares qui s'étaient retirés sur les hauteurs de 
« Montmajour et s'y étaient fortifiés, remporta sur eux 
« une éclatante victoire, et, en reconnaissance de ce 
a triomphe comme pour en perpétuer le souvenir, a 
fait consacrer cette église en l'honneur de la Sainte- 
ce Croix, a relevé de ses ruines le monastère de Saint- 
(( Pierre entièrement détruit par les infidèles, l'a repeu- 
« plé de moines, lui a assigné de nombreuses dotations 
« et l'a comblée de ses dons. Beaucoup de Francs tom- 
« bésdansle combat ont été ensevelis dans ce monas- 
« tère. Frères, priez pour eux !» (1) 

(1) € Noverint universi quod cum serenissimus princeps Caro- 
lus Magnus Francorum Rex civitatem Arelatem, quse ab inflie- 
libus detinebatur, obsedisset, et ipsam vi armorum cepisset, et 
Saraceni in eadem civitate existentes pro majori parte aufugissent 
in montanea Montis-majoris et ibidem se retraxissent, et in 
eadem 8e munivissent, et idem Rex cum exercitu suo veniens, pro 
ipsis debellandis (et ipsos debellando) triumphum do ipsis obti- 
nuipset, et de ipso gràtias Deo agendo in signum hujusmodi vic- 
torisB prœsentem ecclesiam in honorem Sanctœ Crucis dedicari 
fecit, et piœsens monasterium in honorem Sancti Pétri Aposto- 
lorum principis dedicatum, quod ab ipsis inâdelibus penitus des- 



_ 22 — 

Saxi reconnaît cependant que cette inscription n'est 
pasàTabri de tout soupçon d'imposture: les auteur^, 
en effet, sont presque unanimes à reconnaître que Char- 
les-Martel prit Arles sur les Sarrasins ; aucun n'attribue 
cet exploita Charlemagne. « Mais, » ajoute-t-il, « lors- 
« que l'on considère attentivement les termes de Tins- 
« cription, on voit que rien en eux n'est contraire k la 
(i vérité. Que dit cette inscription? Elle parle de l'oc • 
« cupation d'Arles parles Infidèles, de cette ville déli- 
« vrée des Sarrasins : or, il est très-vraisemblable que 
a ces Infidèles sont les Goths et les Maures, qui, repous- 
(i ses de l'Espagne et errants dans le Languedoc se 
« seraient unis contre Charlemagne à ce qui restait des 
tt Sarrasins, auraient repris Arles et en auraient été 
« de nouveau repoussés. Des chartes attestent que le 
« monastère de Saint-Pierre, fondé par Childebert, 
« dans une île inhabitée, fut reconstruit par Charle- 
« magne et comblé de ses libéralités : mais elles sont 
« muettes sur la défaite des Sarrasins par ce prince. 
« Quoique j'admette parfaitement l'autorité de ces 
a documents, je ne refuse pas de croire avec certains 
« auteurs que, deux siècles plus tard, et pendant l'ad- 
« ministration de l'abbé Rambert, l'archevêque Pons 
« fit la dédicace de l'église de Sainte-Croix fondée au- 
« trefois par Charlemagne et qui venait d'être relevée 
« de ses ruines. » (1 ) 

tructum fuerat et inhabitabile redactum, idem rex ipsum repa- 
ravit, et reœdificavit , et monachos ibidem pro serviendo Deo 
venire fecit et ipsum dotavit et plura doua eidem contulit. In 
quo quidem monasterio plures de Francia ibidem debelïantes 
sepulti sunt. Ideo, fratres, orale pro eis. » 

(1) Pontif. Arelat. n" lx, art. deTarchev. Lupus, p. 168.— Bouis, 
dans sa Royale Couronne d'Arles, nous donne compiaisammentles 
détails de Ja fameube bataille: a Depuis Montmajour, Saint- 
« Remy et j usques à la Durance qu'il y a plus de 6 lieues d'étendue 
t de pays » dit-il « furent tués plus de deux cens mille Sarrasins 
a ce qui arriva le 3* jour de mai 799, feste de l'Invention de la 
c Sainte-Croix, premier ao de son empire et 32 de son règne... 



— SS- 
II est regrettable que Saxi ne reproduise pas dans leur 
intégrité ces chartes attestant la fondation du monas- 
tère de Montmajour par Childeberl et sa restauration 
par le grand empereur d'Occident. Si ces documents 
contemporains de Tarchevêque Ytier, et postérieurs 
d'un siècle à Charlemagne, n'avaient pas dissipé tous 
les doutes, ils auraient , du moins, pu jeter quelque 
lumière au milieu des ténèbres qui enveloppent l'ori- 
gine de l'histoire de Montmajour. Aucun ancien auteur 
ne rappelle, aucun titre n'établit que Childebert ait 
fondé à Arles un monastère différent de celui dont nous 
avons déjà parlé, et qu'il avait fait élever dans l'en- 
ceinte même de la ville. Il n'y a non plus aucune trace 
de ces libéralités attribuées h Charlemagne, bien que 
tous les historiens s'accordent à reconnaître sa munifi- 
cence envers les églises. Chantelou pense que' des 
richesses furent données à l'abbaye après la victoire 
remportée sur les Sarrasins ; mais la réalité -de cette 
victoire sur laquelle se taisent les auteurs qui ont écrit 
les annales du règne de Charlemagne devrait être prou- 
vée par des documents solides et certains. On s'étonne 
de voir Saxi chercher à colorer d'une teinte de vrai- 
semblance une inscription dont les caractères moder- 
nes et le style révèlent la fausseté. Chantelou s'exprime 
même de la sorte : « Cette inscription, il faut l'avouer, 
a fut forgée par nos moines en haine des religieux de 
a Saint-Antoine avec lesquels ils étaient en querelle ; 
« ils la placèrent au sanctuaire de Sainte-Croix environ 
« en Tannée 1400, dans le mur où se trouve la porte ; 
« ils voulaient par là se faire un titre pour revendiquer 
a l'origine royale que le vulgaire attribuait à leur mai- 

a La preuve de cette victoire est confirmée par Eginhardus en 
c la vie de Charlemagne et par rinscription gravée sur une 
« pierre de marbre en caractères fort anciens dans l'église de 
c Sainte-Croix... » (V. p. ill). 



— 24 — 

a son, et qu'ils ne pouvaient établir d'une manière 
« authentique. La fausseté de cette inscription ressort 
a encore d'un acte de l'an \ 01 6, rapporté par Saxi dans 
« son histoire, et dans lequel il est dit que ce sanctuaire 
« fut construit, et non point réparé à cette époque par 
« l'abbé Rambert. Il y a plus: en l'année 1205, les 
« moines de Montmajour, questionnés par un légat du 
« Saint-Siège sur le nom du fondateur de leur monas- 
« tère, désignèrent saint Trophime, premier évêque 
« d'Arles ; et le légat, ayant compulsé attentivement 
(( les privilèges et les chartes ne découvrit aucun autre 
« fondateur : en sorte qu'il n'y a pas en réalité de 
« divergence entre son témoignage et celui des moines, 
« si ce n'est qu'il attribue au saint évêque la fondation 
« de l'église de Saint-Pierre seulement, et la construc- 
<( tion du monastère à l'abbé Mauringus et à la pieuse 
« Teucinde. (1) » 

Beaucoup d'auteurs parlent, il est vrai, de la vic- 
toire remportée par Gharlemagne sur les Sarrasins, 
mais ils sont plus modernes, et, en outre, se trouvent 
souvent en désaccord. Michel, archevêque d'Arles, dans 
sa lettre circulaire citée plus haut (2), rapporte cette 
victoire à l'époque de Gharlemagne, mais en attribue 
l'honneur au comte Guillaume que ses vertus ont fait 
honorer parmi les saints sous le nom de Saint Guillaume 
ou Guilhem du Désert. Les hauts faits de ce saint 
guerrier sont relatés par Bernard Guidonis (3) ; il dit 

(1) Hîst. m. s. de Montmaj. p. 16. — Cf. dissert, de Seguin 
Arch, dép. 61, Fonds Nicolay. 

(2) « Habet hœc ecclesia cœmiterium spatiosum in cujus sinu 
« corpora infinita eorum requiescunt qui sub B** Carolo et B*» Wil- 
c lelmo, et Viriano, nepote ejus, triumphali agone peracto, pro- 
c prio sunt sanguine laureati. » 

(3) « Guillelmus ita<)ue comitis et ducis gloria sublimatus ât 
c inter principes primus : ipse secundus a rege suscipit legationem 
ff contra barbaros, neque récusât laborem. Septimaniam itaque 
€ cum exercitu valido ingressus, transitoque BJiodano ad urbem 



— 95 — 

que le comte livra aux Sarrasins une bataille près 
d'Orange. Roderîc de Tolède (1) attribue Theureux suc- 
cès de ce combat à la simultanéité des victoires de 
Charles-Martel. 

Les assertions vagues et divergentes de ces auteurs 
laissent subsister le doute. Plusieurs s'accordent à dire 
que beaucoup de ceux qui périrent dans cette journée 
reçurent la sépulture aux Alyscamps (2), aucun ne dit 
qu'on en ait enseveli à Montmajour. Les ossements des 
prétendus soldats furent extraits par les moines des 
tombeaux qui environnaient la chapelle de Sainte-Croix 
et transportés dans l'église majeure comme des reli- 
ques de martyrs. Il aurait cependant suffi de jeter un 
coup d'œil superficiel sur ces tombeaux pour recon- 
naître que beaucoup d'entre eux, par leur exiguïté, 
étaient incapables de contenir autre chose que des corps 
d'enfants. Les anciens documents relatifs au monastère 
auraient pu aussi apprendre aux religieux que le lieu 
dont nous parlons avait été jadis destiné à la sépulture 
des fidèles, selon l'usage suivi, lorsqu'on ne pouvait 
ensevelir les corps dans les églises. (3) 

a Bien que ces divergences me fassent soupçonner 
« des erreurs, dit Chantelou, je crois que ces erreurs 
« existent plutôt sur les détails que sur l'événement 
« lui-même, et qu'un grand fait a donné naissance à 
(( l'opinion communément répandue. Il est certain, 



t concitus Arausicam a^mina disponit, et castra quse ibi Saraceni 
f cum suo reg'e Theobaldo jam pridera occupaverant ipsamque 
c urbem facile ac brevi tempore, caesis atque mgtitis barbarie in- 
c vasoribus eis eripuit. » Vit. Sancti Guill. de Désert. 

{[) Cet auteur ne semble pas dans son récit avoir suivi aussi 
RCriipulensemrtntqu'à l'ordinaire Isidore de Béja, qui ne parle que 
des succès d'Eudes et de Charles Martel sur les bords de la 
Garonne et près de Tours. 

(2) « Et eorum tuinuli adhuo hodie lu Arelatensi cœmf- 

c torio ostenduntur. » Roder. Toled. 

(3) V. plus haut, page 24, note 2, la lettfe de l'a rcherecîue d'Arles. 



— 26 — 

■ d'après les auteurs qui ont écrit Thistoire de Charles- 
ce Martel (<), de Gharles-le-Chauve (2), de Charles-le- 
a Simple, que les Sarrasins ont, par des incursions 
« souvent renouvelées, signalées chaque fois par de 
« terribles désastres, désolé le Languedoc, la Provence 
« et le Dauphiné. Une bataille livrée contre les barba- 
« res sous le règne d'un de ces trois princes aurait pu 
« rester dans le souvenir du peuple, dont Tignorance 
a aurait placé ce combat à l'époque de Charlema- 
gne. » 

Aimoin rapporte comment l'archevêque Roland fut 
pris en Camargue par les Sarrasins qui avaient abordé 
dans cette île. (3) Des hordes Normandes opérèrent 
aussi au IX® siècle une descente en Provence (4). Les 
actes du concile de Valence, où Louis, fils de Boson 
reçut le titre de Roi, mentionnent une autre invasion 
sarrasine en 890 (5). 

IIL 

Etablissement de moines à Montmajour. — Libéralités 
de Teucinde, de Grifon, Gentius et autres seigneurs. 

En l'absence de documents précis, Chantelou refuse 
d'admettre que le monastère de Montmajour ait été 

(1) € Adon de Vienne, Comment : Saraceni multis copiis, navi- 
« busqué plurimis longe lateque plurimas urbes tam Septimaniœ 
c quam Viennensis provinciae vastant. Contra quos Carolus (Mar- 
c tellus) expeditionem ducens, graviter eos fundens in Hispania 
« repulit. » 

Q) Annales de Saint-Bertin : «t Anno DGCCLV quo reg-nabat 
c CaCrolus Calvus, Mauri usque ad Arelatem, nullo obsistente, 
« eu ncta dévastant; sed cum redirent, vente contrario rejeeti et 
« interfecti sunt. » 

(3) L. 5, chap, 23 — Cf. Pontifie, Arelat. p. 176. — La Lauzière, 98. 
— Gallia Christ, tome I, col. 546. 

(4) Chron, de Sormann. gestis^ ann. 959 et 860. 

(5) « Anno DnicsB incarnalionis.. . post Caroli imperatoris obi- 
< tum... Saraceni provinciam depopulantes, terram in solitudi- 
c nem redigebant. » 




— M — 

construit par Childebert et relevé par Charlemagne, et 
passe à l'examen des chartes pour contrôler la tradi- 
tion (1). 

Au milieu du X® siècle, quand le pays commençait à 
réparer les désastres que les Barbares avaient accumulés 
sur leur passage, quelques hommes, poussés par l'amour 
de la perfection chrétienne, se retirèrent à Montmajour, 
lieu assez rapproché d'Arles pour leur permettre d'y 
trouver les ressources nécessaires à la vie, et cepen- 
dant assez éloigné de cette ville pour que les habitants 
ne vinssent pas troubler dans leur solitude les moines 
livrés à une sainte contemplation. Ces religieux cons- 
truisirent un monastère où ils s'enfermèrent loin des 
bruits du monde et détachés des choses de la terre. 

Mais l'éclat de leur sainteté attira bientôt les foules 
sur la montagne autrefois déserte. Chacun voulait 
entendre les pieux solitaires ; de nombreux pèlerins 
venaient grossir leur nombre et partager leurs austé- 
rités ; d^autres répandaient leurs largesses sur le mo- 
nastère. Les moines résolurent de confier la direction 
de celui-ci à un seul d'entre eux : mais un obstacle 
s'opposait à leurs desseins ; la montagne sur laquelle 
ils s'étaient établis appartenait à l'église d'Arles ; les 
droits en étaient dévolus au prévôt de cette église et 



(I) « Montis-Majoris monasterium originem suam non débet 
« Sto Trophimo, primo Arelatensi episcopo, ut quidam somniant, 
f neque a Sto Hilario ejusdem sedis antistite conditum est, ut 
« plaoet nonnullis qui volunt iîlud postea fuisse restauratum a 
« Childeberto, Clodovœi magni filio, denuoque a Carolo Map"no 
« excitatum, cum inSaracenorum procella d»^structum fuisset. Sed 
« qui monasterii vetera exploravit, inspexitque diligenter mstru- 
a menta Cantelovius noster. ex quibus accuratam cœnobii hujus 
« historiam scripsit, ejus fundationem X" saeculo non putat anti- 
« quiorem. Hoc enim sseculo fere medio, an no sciticet 948, Teu- 
c cinda nobilis matrona comparavit Montem-majorem ab Arela- 
« tensi ecclesia, facta commutations quem cessit nonnulis ere- 
« mitis, qui eo secesserant, circa speluncam quandam seu cellam 
« in qua ferunt S. Trophimum quiescere ac feriari a laboribus 
« apostolicis fuisse solitum. » Gall. Christ, n. édit. p. 603. 



— 28 — 

les prêtres de la ville craignaient que rétablissement 
d'une maison religieuse à Montmajour ne consommât 
la perte des prérogatives du siège primatial, et ne tarît 
pour eux-mêmes la source d'un revenu accoutumé. 

Une femme de noble naissance, appelée Teucinde, 
vivait alors k Arles; répandant autour d'elle d'abon- 
dantes aumônes et favorisant de ses libéralités la cons- 
truction des églises. Elle prit en main la cause de 
Montmajour, se chargea d'aplanir toutes les difficultés, 
se rendit auprès de l'archevêque et obtint de ce prélat, 
ainsi que des prêtres de son église, l'abandon d'un 
rocher inculte contre des terres riches et fertiles , 
comme l'atteste une charte datée du 7 octobre, la \ 2* 
année du règne de Conrad, roi d'Arles et d'Allemagne, 
c'est-k-dire Tan 948, ou 949. puisque ce prince était 
monté sur le trône en 937. Les parties qui concourent 
k la confection de cet acte sont d'une part Manassès 
archevêque d'Arles et Gontard, prévôt du chapitre de 
Saint-Etienne, représentant ce même chapitre ; d'autre 
part la pieuse Teucinde. L'archevêque et le chapitre 
abandonnent à celle-ci dans leur intégrité les droits de 
l'église d'Arles sur Montmajour et en reçoivent en 
échange : une terre située dans le comté d'Arles près 
de Barcianicus ; (1 ) un champ cultivé situé dans la ville 
même, près des Alyscamps ; un autre champ k Montre- 
don; un terrain au lieu appelé Fourmiguier; enfin un 
autre bien k Jonquières. L'archevêque d'Aix, Israël, 
appose sa signature k l'acte, ainsi que Manassès, Gon- 
tard, évêque de Fréjus et prévôt, l'évê que Honorât et 
le comte Boson (2) . 

(1) Ce lieu paraît être Bassargues (Gard), hameau détruit de la 
commune de Montfrin, appelé dans un acte de 1209 Barcianicœ, 
et Barsanicœ dans un dénombrement de 1384. (V. Dictionn. topogr. 
du départ, du Gard par M. Germer-Durand. 

(2) Charte citée par Gall. Christ, append., p. 103. 




— 29 — 

Le premier entre les moines de Montmajour, Mau- 
ringus fut revêtu de la dignité abbatiale. C'est à ses 
infatigables travaux et à la libéralité de Teucînde qu'est 
due la fondation du monastère. Bientôt les grands riva- 
lisèrent de générosité envers la nouvelle abbaye, et le 
nombre des religieux s'accrut en même temps que la 
réputation de leur sainteté commençait à s'étendre. 

Mauringus se rendit à Rome, encouragé par la pieuse 
impératrice Adélaïde, femme de l'empereur Othon et 
sœur de Conrad, roi d'Arles. Le pape Léon VIII reçut 
ses vœux et, par une bulle de décembre 964 déclara 
que le monastère relèverait immédiatement de l'église 
Romaine, et serait exempt de tout autre juridictio|^(4). 
Conrad, par un diplôme (2) dont l'authenticité à été 
contestée, prit cette maison naissante sous sa haute 
protection et la confirma dans la possession des biens 
qui lui avaient été donnés : parmi ces biens il compte 
notamment le monastère de Lerins et un autre, ruinés 
par les Sarrasins, et il en confie la restauration à 
Mauringus. Ces maisons furent cependant peu après 
placées par Guillaume, comte de Provence, sous la 
direction de Saint Odilon, abbé de Cluny. Teucinde 
abandonna à l'abbé Vile de Montmajour, franche et libre 
de toutes charges, par un acte du 16 août 977 (3). 

Quelques auteurs, sur l'assertion de Léon d'Ostie, 
prétendent que le roi d'Italie Hugues, après avoir fait 



(1) Cette bulle est cotée n» 4, aux privilèges de Montmaj. Arch. 
départ. — Gallia Christ. [T. /, c. C04), fixe approximativement la 
date de la bulle à 964 — MabUloa {Ann. 963, n» 71), prouve que la 
?• indiction portée par cet acte, et qui commença au mois de sep- 
tembre, appartient a l'année 963. 

(2) Diplôme de Conrad, en date du 6 des ides de déc. 966, n» 5, 
privil. de Montmai. Àrch.dép — Gall. Christ, instrum. eccles. Arel. 
n» XXXIV. 

(3 Les archives des Bouches-du-Rhône possèdent cet acte qui 
est coté B. 276. C'est le plus ancien titre du vaste fonds de la 
Cour des Comptes . 



— 30 — 

couronner son fils Lothaire, jeta les fondements du 
monastère de Montmajour et y embrassa la vie reli- 
gieuse : si le passage de Thistorien parle d'une abbaye 
située en Bourgogne (1), il ne faut pas oublier, disent- 
ils, qu'à cette époque, la Bourgogne et la Provence for- 
maient un seul Etat. Le diacre Luitprand, contempo- 
rain d'Hugues, ne parle pas de cette retraite du roi : il 
dit seulement qu'il mourut en Provence, laissant sa 
nièce Berthe, veuve de Boson, comte d'Arles, héritière 
de toutes ses richesses. Une charte de cette princesse 
concède à Montmajour des terres situées dans les com- 
tés de Fréjus, de Riez, de Gap, de Vaison, de Die , 
etc, (2). 

Parmi les principales donations faites au monastère 
au temps de l'abbé Mauringus, il faut citer celle du 
village et de l'église de Saint-Pierre du Val, diocèse 
d'Apt, par le comte Crifon et son neveu Rostaing, évo- 
que de Gavaillon (3). 

Gentius et sa femme Ayburge cèdent aussi à l'abbaye 
une ferme qu'ils possédaient à Ansouis (4) . Au nombre de 
ceux qui souscrivirent à l'acte, figurent le comte Boson, 
sa femme Constance, leurs fils Guillaume et Rotbold, le 
jeune Pons, que Bouche et Ruffi considèrent comme 
la tige des vicomtes de Marseille (5), un autre Boson et 

(l) t Hugo... cum omni thesauro suo cunctisque opibus in 
c Burgundiam properans, monasterium illic permagnificum cons- 
« truxit sumptibus propriis, quod sub titulo iS. Pétri appellan vo- 
a luit, ibique, omnibus traditis, ipse monachus effectua est. » 

,2) 25 février 960, sous le règne de Lothaire. 

(3) Acte du 17 février 955. Arch. dép. Charles de Correns et du 
Valt n. 2 (à moins d'indications contraires, nous donnerons tou- 
jours la cote des divers actes telle qu'elle se trouve à l'inven- 
taire roage de Montmajour), 

(4) Charge de mai 961. 

■ (5) La raison qui détermine Bouche à le croire est que le jeune 
PoDs souscrit à l'acte immédiatement après Guillaume et Rot- 
bold. c^ qui semble le comprendre dans tes mots eorum âlii qui 
précèdent, surtout si l'on considère que, malgré son jeune âge, 
Pons signe avant des personnages aussi considérables que le 



— 31 — 

Folcoare. Arrêtons-nous un instant sur ces détails qui 
mettent en lumière Torigine des comtes de Provence , 
comme l'a si bien prouvé le savant archiviste des 
Bouches-du-Rhône, M. L. Blancard (1). Il a démontré 
que la tige de nos comtes n'est pas, comme le disent 
plusieurs auteurs, Rotbold, fils de Boson et de sa fem- 
me Constance, dont les noms figurent au bas de l'acte 
qui nous occupe ; mais bien le comte Guillaume, qui, 
dans la donation de la terre de Saint-Tropez à Gibelin 
de Grimauld, (2) se qualifie « Guillaume, comte, fils de 
Boson et de Folcoare. » Or ce Boson différent du comte, 
et cette Folcoare ont aussi souscrit à la donation faite 
par Gentius ; et une charte postérieure de dix ans à 
celle-ci, nous les montre comme mari et femme, conju- 
ges, donnant à Montmajour plusieurs églises sises dans 
le comté d'Arles. 

Plusieurs autres seigneurs se signalent aussi par leurs 
libéralités envers le monastère ; un certain Sylvius et 
ses fils, Aymeric et Pons, lui abandonnent plusieurs 
biens en 971 ; — Rambert et sa femme Wilitrude lui 
cèdent la vallée de Venel et deux églises de Bouc (3) ; 
— Teucinde laisse par son testament à Tabbaye une 
vigne dans le lieu appelé Le Plan, et en outre diverses 

juge Bérenger et autres. D'autres titres dont parle cet historien 
font d'ailleurs mention de tous les frères de Guillaume. cœt«ri, ce 
qui n'aurait pu se dire s'il n'en avait eu qu'un, Rotbold. (V. Hist. 
de Prov., tom. L, p^ 872). 

Ruffi n'est pas convaincu autant que Bouche de l'identité de ce 
jeune Pons avec le premier vicomte de Marseille. Il trouve ce- 
pendant une présomption qui autorise à confondre en un seul ces 
deux personnages, dans le grand nombre de terres que possédè- 
rent les vicomtes, et (ans la croix vidée, cléchée, pommetée ei alé-^ 
5é«, qu'ils portèrent dans leur écuc-imme les premiers comtes de 
Provence. (V. Hist, de Mars. L.'d.ch. I,p. 61.) 

{\) Origine des comtes de Provence, communication faite au Con- 
grès scientifique de France dans sa 33* session tenue à Aix en 
1866. Tome 2, p. 382 et 5. 

(2) Acte cité par Ruffi et Bouche. 

(3) 20 mars 973. 



— 32 — 

terres qu'elle possédait à titre d'hérédité ou d'achat 
dans ie comté d'Arles, en en réservant toutefois la 
jouissance à son neveu, Tévêque Rioulfe (<); — enfin 
un seigneur du nom de Lambert (2), et sa femme Wal- 
burge font donation à Mauringus des marais qui en- 
touraient Montmajour : ils les devaient eux-mêmes k la 
générosité du comte Guillaume et de son frère Rot- 
bold. Cette dernière charte est signée par les deux 
comtes et la comtesse Arsinde, femme de Guillaume (3). 

Pons, qui avait été prévôt de l'église d'Arles, suc- 
céda à Mauringus ; son nom ne figure que dans une 
seule charte et dans un antique obituaire. 

Après lui, Paul s'assit sur le siège abbatial. Sous 
l'administration de celui-ci, Gentius et sa femme Ay- 
burge, dont nous avons déjà cité les noms, donnent à 
Montmajour une ferme sise à Limans, dans le comté 
de Sisteron. — Guillaume l^"" , comte de Provence , 
par une charte de juin 979, cède à l'abbaye tout ce 
qu'il possède à Pertuis en vertu d'une donation de 
l'évêque de Cavaillon, Ingilrannus et de son frère, Ne- 
volongus. Ce nouvel acte a donné aussi matière à des 
controverses entre les auteurs qui se sont occupés de 
la généalogie de nos comtes. Elle est souscrite par le 
comte Guillaume et par sa femme Arsinde ; or, plus 
loin, on voit figurer la signature d'une comtesse Adé- 
laïde et celle de son fils. Mais cette souscription si- 



(1) Cet acte est coté 5, Ch. du Castellet^ Arch. dép. Il se trouve 
inséré au chartrier, jadis possédé par M. Vérau, qui est aujour- 
d'hui conservé aux archives d'Arles. 

(2) Il est qualifié de judex. Bouche croit qu'il était comme le 
chancelier de l'Etat ou le premier président de la justice à la 
cour de Guillaume I". 11 est la tige de la maison de Reillane, fa- 
mille puissante alliée aux vicomtes de Mars^eille, fort libérale 
aussi pour l'abbaye de Saint-Victor, et dont était issu Raïambaud, 
archevêque d'Arles de 1030 à 1075. 

(3) On croit qu'elle est de 976. Une Copie de ce titre porte le n,6, 
aux Chartes du Castelei, Arch. dép. 



— 33 — 

multanée de deux eomtesses, Arsinde et Adélaïde, 
toutes deux femmes d*un Guillaume, qui faisait soup- 
çonner à Dom Vaissette une erreur de Dom Mabillon. 
est facile k concilier avec la vérité, comme Ta fait judi- 
cieusement observer M. Blancard. Arsinde avait épousé 
en effet le comte Guillaume, fils de Boson et de Cons- 
tance, tandis qu'Adélaïde est la femme du comte Guil- 
laume, fils de Boson et de Folcoare (<). 

Sous l'abbé Paul, le monastère reçut encore l^église 
de Saint-Pierre de Vassols, au Comtat-Venaissin, par 
une donation de Laugier et de sa femme Walburge (2). 
Un évéque du nom d'Eyrard lui donna aussi certains 
biens voisins d'Arles. 

Trois jours après la mort de Paul, les moines réunis 
en chapitre fixent leur choix sur Riculfe, neveu de la 
pieuse Teucinde et évêque de Fréjus, qui avait vécu à 
l'ombre de leur cloître. Celui-ci refuse, alléguant les 
travaux de sa charge pour ne pas accepter le fardeau 
d'une double administration, à moins d'un ordre du 
Saint-Siège. On demande l'avis du Souverain-Pontife, 
mais, comme la réponse se faisait attendre, un moine 
ambitieux, de la maison de Saint-Gilles, entraînant dans 
son parti le comte de Provence et les grands, s'arroge 
le titre d'abbé, et se met de vive force en possession du 
monastère (3). Les religieux, amis de la paix, lui cèdent 
la place, mais font parvenir à Rome leurs protestations 
indignées, Aucune réponse du Saint-Siège ne fait con- 
naître l'issue de cette affaire ; mais une lettre de Pons, 



(1) Bouche admet qu' Arsinde n'est pas la femme de Guillau- 
me 1", comte de Provence, il croit quelle avait épousé Guillau- 
me !•', comte de Forcalquier. 

(V. Hist. deProv. tom. 2., L. IX, p. 49). 

(2) Acte coté 2. Chartes de Bédouin. Arch. dép, 

(1) Les auteurs du GalUa Christiana , sans pouvoir faire con- 
naître son nom, le comptenc au nombre des abbés de Montma* 
jour. (V. tome !•', col. 604). 



— 34 — 

archevêque d'Arles, donne à la fois à Rîculfe le titre 
d'évêque et d'abbé , et parle des faveurs de l'Eglise pour 
Montmajour. Pons entend par là la bulle du pape Gré- 
goire V (1) confirmant les privilèges de l'abbaye et la 
donation de Bédoin par Exmidon. Riculfe sollicita en 
990 du comte Guillaume la reconstruction des églises 
de Notre-Dame et de Saint Léonce de Fréjus , qui 
avaient été détruites par les Sarrasins. 

Les vertus du moine Archinricus le firent élire abbé 
à la mort de Riculfe. Il répara les troubles causés par 
l'inva'îion du monastère, et assit sur de solides bases la 
discipline religieuse. Secondé par la comtesse Adélaïde, 
il obtint du comte Guillaume, de son frère Rotbold (2). 
et, en outre, de l'archevêque d'Aix, Amalric (3), qui 
prétendait des droits sur Pertuis en vertu d'une dona- 
tion de Boson, la confirmation de Montmajour dahsjl* 
possession de cette place autrefois cédée à l'abbaye par 
Guillaume I" (4). 

Sous l'administration d' Archinricus, un seigneur du 
nom d'Amiel abandonne à Tabbaye la moitié de la sei- 
gneurie de Pélissanne ; une femme appelée Balda, 
veuve de Lambert Dodons, lui cède le lieu de Cor- 
rens (5), et l'abbé y établit une colonie dont la desti- 
née sera florissante. Le moine Otbert, envoyé par lui à 
Rome en rapporte une bulle du pape Serge IV invitant 
l'évêque Etienne à consacrer l'église de Correns et 
l'enrichissant d'indulgences (6). 

(1) Bulle d'avril 998. — Une copie de cette bulle existe aux ar- 
chives départ. Vrw, n" 3. 

(2) Charte de l'an 1002 citée par Bouche, Histoire de Provence^ 
tom. 2. pages 55 el 56. 

(3) Charre du 24 septembre de l'an 1 000, n» 10 ch. Pertuis, Arch, dép. 

(4) V. page précédente. 

(5) Charte du 6 décembre 1002. Chartes de Correns, Àrch. dép. 

(6) Bulle de Vannée 1009, selon Gall. Christ, Àppend. p. 104, 
n" XXX VI. Une copie de cette bulle porte le n* 2 aux privilèges 
de Montmajour, Àrch, départ. 




— 35 — 

L'histoire de Saint-Isarn fait foi de la haute sagesse 
d' Archînricus (< ) . Cet abbé avait fondé dans le diocèse 
d'Apt le monastère de Carluc, près de Reîllane; il s'y 
retira après s'être démis de sa charge, y mourut en 
odeur de sainteté et y fut enseveli. 

En l'an <008, Rambert succéda à Archinficus. Pen- 
dant qu'il dirigeait l'abbaye, d'illustres personnages la 
dotèrent richement : elle reçut d'un seigneur appelé 
Aicard, des terres près d'Alleins, d'Ollières et de Bel- 
codène(2); Mathilde de Chàteaurenard, femme d'Helde- 
bert, combla de largesses le monastère de Sainte-Marie 
de Correns, fondé par ses ancêtres (3) ; enfin Emme de 
Provence, fille du comte Rotbold et comtesse de Tou- 
louse par son mariage avec Guillaume Taillefer, fit don 
à Montmajour de l'église Saint-Pons à Favas. 



IV. 

Contestations au sujet des domaines de Pertuis et de 
Fontvieille. — Construction de l'église majeure. — 
Faveurs de Geoffroy, comte de Provence. - Fondation 
du monastère de Saint-Antoine en Viennois. 

Le domaine de Pertuis fut disputé à l'abbé Rambert par 
quatre seigneurs fils de Nevolongus, dont il a été ques- 
tion dans l'acte de donation du comte Guillaume l®^ 

Amalric, archevêque d'Aix. y prétendit en même 



(1) Archînricus abbas quondam Montis-majoris vir altioris in- 
« genii, etc. » Guesnay. — Voyez aussi pour la part que prit cet abbé 
à l'élection de Saint Isaru, comme abbé de Saint-Victor. Ruffl Hist. 
de Marseille, L. XI, p. 146. 

(2) Charte de 1006, V indiction. 

(3} Charte de 1013 envirou.— Il existe aux arch. départ. Ch. de 
Corttns n» 3, une donation des églises de N.-D., de Saint- 
Jean et du château de Paracols par une femme du nom ae Ma- 
thilde au prieuié de Correns, en 979. — Plus la copie d'une dona- 
tion faite a l'église de Correns lors de sa consécration par Dodon, 
Guillaume de Chàteaurenard, Raimond de Châteauvert et l'ar- 
chevôque Pons. [Arch, départ,, Ch. Correns, 3 et 7). 



— 36 — 

temps d'autres droits, en vertu d'une donation anté- 
rieure faite par Boson, père de Guillaume. L'abbé op- 
posa à ces puissants adversaires rinfluence de la com- 
tesse Adélaïde, mère et tutrice de Guillaume II ; mais 
elle ne suffit pas pour les réduire au silence,. et il fallut 
que le pape Serge IV écrivit h Almaric pour l'inviter à 
tout sacrifier pour le bien de la paix et à menacer les 
quatre frères d'excommunication s'ils ne se désistaient 
de leurs prétentions (1). Effrayés par une telle menace, 
ceux-ci abandonnèrent une moitié du domaine de Per- 
tuis, mais se réservèrent l'autre leur vie durant, k la 
condition que cette seconde partie reviendrait après eux 
k l'abbaye (2) . 

Rambert manifesta son zèle pour la gloire de Dieu en 
entreprenant la construction d'un temple dont la gran- 
deur correspondît k l'éclat du monastère et pût suffire 
aux besoins d'un grand nombre de moines. Il com- 
mença cette œuvre en 1 01 6 comme l'atteste un antique 
manuscrit (3). 

On admire encore aujourd'hui les belles proportions 
et l'ordonnance de cette basilique romane qui subsiste 
presque intacte. Malheureusement le plan qu'on s'était 
proposé ne put être suivi de point en point k cause du 
manque de ressources. Ainsi, au lieu de présenter la 



(1) Bulle portant le n" 7, Chartes de Pertuis. 

(2) Ch.de 1018, première indict. Ch. de PerPuis, n° 13. 

(3) « Anno ab incarnatione Dni MXVI» fuit inchoata basiiica in 
c honore S. Mariœ, matris Dni seu omnium sarctorum, indictione 
f xiiij , iij kalendas junii, feria iij , régnante Roberto rege. In tertio 
« anno fundationis hujus basilicse obiit Guillelmus inclitus cornes 
« Adelaidis... et honorifice sepultus est int'undamento hujus eccle- 
€ siœ. » — Cf. Gallia Christi., L col. 55 ; « Anno 1016 inchoata est 
< basiiica Montismajoris, et quia magnse molis erat hoc œdificium, 
c Pontms, archiepus largitus est indulgentias iis qui ad opus basi- 
« licœ hujus quidpiam conferrent, aiJditis nonnuUis conditioni- 
c bus. » — L'octroi de ces indulgences est aussi relaté dans les 
Annales de Mahillon, ann. 1016, et au Spicilegium dQ Dora d'Âchery, 
tome IV, p. 427. 




— 37 — 

forme d'une croix latine, Téglise offre presque celle 
d'une croix grecque, les trois travées qui devaient for- 
mer le bas de la nef n'ayant jamais été construites, mais 
étant seulement indiquées en projet par les pilastres et 
les pierres d'attente du mur contre lequel elles de- 
vaient s'appuyer du côté du midi. 

Ne pouvant achever l'église majeure, Rambert se 
contenta d'élever sur le versant oriental de la monta- 
gne un sanctuaire élégant. Lorsque la construction en 
fut terminée, l'abbé invita l'archevêque d'Arles, Pons, 
k en faire la dédicace sous le vocable de la Sainte- 
Croix. Ce prélat accepta, et la cérémonie fut faite en 
grande pompe; une charte du 18 avril 1019 en relate 
les détails et parle accessoirement des fondements déjà 
jetés de l'église de Sainte-Marie. Depuis cette dédicace 
un grand concours de peuple se porta chaque année vers 
la chapelle au jour de Tlnvention de la Sainte-Croix (1). 

L'opinion de M. Révoîl, cependant, est que cette cha- 
pelle a un caractère exclusivement funéraire et qu'elle 
n'a pas servi d'église abbatiale avant l'achèvement de la 
basilique. Le savant architecte, dirigeant dernièrement 
le Congrès archéologique dans l'intéressante visite 
de l'abbaye, expliquait à ses membres que, selon lui. 
ce qui tenait lieu d'église avant le XI® siècle était 
une nef dont on voit encore aujourd'hui le mur oriental, 
avec ses pilastres et la naissance des arcs-doubleaux et 
des voûtes, longeant la partie ouest du cloître, lorsqu'on 
entre dans les bâtiments, avant d'arriver aux ruines du 
grand escalier. Le style et les marques de tâcherons y 
indiquent l'époque cailovingienne. Peut-être des pier- 

(1) L'archevêque dont il est ici question est Pons de Marignane, 
auquel Gérard de Ronssillon. « au grand mespris de Dieu et es- 
« caudale du peuple, se dispença de donner un soufflet dans la 
a sainte ég'Iise d'Arle?, au pied du sacré autel, » pour ne l'avoir 
pas attendu à roffice de la nuit de Noël. (Voy, Roy. couronne 
d'Arles, p. 198.— Cf. La Lauziôre, p, 113). 



— 38 — 

res provenant de cette église primitive furent-elles 
employées à la construction de la basilique, ce qui 
expliquerait comment il s'y trouve des traces d'une 
architecture antérieure au XI* siècle, sans recourir k 
riiypothèse qui n'attribue à Rambert que la réparation, 
ou tout au plus la reconstruction partielle d'une église 
plus ancienne. Cette hypothèse, en effet, semble com- 
battue d'abord par le document que nous venons de 
citer, d'après lequel la basilique fut commencée, tjichoata, 
en 1016; ensuiteparChantelou, qui nous parle du vaste 
plan que se proposa Rambert, operosum œdificium me- 
iiitaius Bambertus, de l'église qui s'élève, surgentis ec- 
clesiœ, et dit aussi que cette courageuse entreprise fut 
commencée en 1016, generosum iilud opus susceptum 
fuisse anno repai aiœ salutis MX VI, etc. (1 ) . 

Francon, père de l'archevêque Pons dont nous par- 
lions il n'y a qu'un instant, laisse par testament à 
Montmajour divers biens situés dans les territoires de 
Marignane, d'Esparron, de Rians, etc. 

Le nom de Josmarus, successeur de Rambert. ne se 
trouve que dans une charte de l'an 1032. 

Benoît, qui monta le huitième sur le siège abbatial, 
moine de mœurs austères, fut comblé de faveurs par 
les comtes de Provence Geoffroi et Bertrand. Celui-ci 
donna à l'abbaye le sixième de la dîme de Pertuis (2), 
et ses droits sur Manosque (3), surTarascon et son 
péage, Laurade, Graveson, et enfin les biens qu'il pos- 
sédait au comté d'Orange, h Pertuis, à Aubignosc, etc. (4) . 
A son exemple, et sur ses avis, Geoffroy son frère. 



(1) Hist. m. s. Monlismaj. p. 09 etlOpassim. 

(2) Arch, dép, 1, Ch. de Pertuis. 

(3) Charte de 1(37, 5^ indiction. 

(4) Charte de 1040, 8* ind. — Ch. de Pertuis, n» 15. 



— 39 — 

rendit à Montmajour les droits que la cession faite par 
son aïeul Guillaume avait donnés à l'abbaye (1). 

Une contestation s'élève à cette époque sur la posses- 
sion de Fontvieille entre les moines de Montmajour et 
ceux de Saint-Victor de Marseille. Ces derniers la reven- 
diquent en vertu d'une donation des vicomtes de Mar-r 
seille. Une charte du 11 novembre 1040 explique l'ori- 
gine de leurs prétentions. Les vicomtes, comme le cons- 
tate ce document, ignorant les donations faites à 
Montmajour par le juge Lambert et le chevalier Artulfe 
de biens sis au territoire d'Arles, avaient cédé à Saint- 
Victor tout ce qu'ils possédaient dans cette région, et 
même des biens qui ne leur appartenaient pas. Plusieurs 
prélats furent assemblés, ainsi que les abbés et les 
moines des deux monastères ; dans cette réunion 
importante, en présence de GeofFroi et de Bertrand, 
comtes de Provence, de Guillaume et de Foulques, 
vicomtes de Marseille, ainsi que de Stéphanie et d'Odile 
leurs femmes, Tarchevêque d'Arles, Raïambaud, obtint 
des vicomtes, l'abandon de leurs droits en faveur de 
Montmajour. Pour ramener la paix entre les deux 
maisons, il proposa en même temps une transaction : 
l'abbaye artésienne conserva les terres voisines des 
marais, sur lesquelles d'anciennes chartes lui donnaient 
des droits incontestables, et l'on reconnut à Saint- Victor 
la possession d'un monastère à Bouc, fondée sur des 
titres non moins dignes de respect. 

Raïambaud fit don de l'église Saint-Geniez à l'abbaye 
au mois d'octobre 1 '. . 

L'année où mourut Benoit est incertaine. Mais on 
trouve dans un vieux manuscrit un acrostiche h sa 
louange et à celle du moine Aginulphe. 

i\) Cfi. de Perluis, n^ 8. 



— 40 — 

Eldebert, son successeur, fut engagé dans une vive 
lutte contre Raïambaud, archevêque d'Arles. Craignant 
d'y succomber s'il se trouvait sans appui, il chercha 
k se concilier Hugues de Baux en lui attribuant de 
riches revenus du monastère. Interdit par l'archevêque, 
il fut enfin privé de son abbaye, et Raïambaud retint 
entre ses mains l'administration de Montmajour, comme 
le fait voir une charte constatant la soumission d'un 
certain Rainaud, qui avait usurpé une portion du 
domaine de Pertuis (1). Le prélat fit pourvoir promp- 
tement au remplacement d'Eldebert: il désigna aux 
suffrages des moines Rolland, l'un d'entre eux, fondant 
l'espérance que par sa piété éprouvée et son zèle il 
parviendrait h rétablir dans sa rigueur la discipline qui 
s'était relâchée sous le gouvernement trop faible 
d'Eldebert. Au début de son administration, l'abbé 
justifia cette confiance ; il rendit son inflexibilité primi- 
tive k la règle monastique, et s'étudia k conserver 
k Montmajour ses possessions diverses. Mais plus tard, 
un différend s'éleva, au sujet des marais voisins du 
monastère, entre Rolland et Raïambaud : ce dernier 
avait attribué au chapitre de son église ces marais autre- 
fois donnés à l'abbaye par son aïeul Lambert, ainsi que 
certaines églises, notamment celles de N.-D. de Rads, 
(c de Ratis » (2) (N.-D. de la Mer), et de Sainte-Marie 
de Correns (3). Rolland obtint du pape Nicolas H la con- 
firmation de Montmajour dans la possession de tous 
ses biens, meubles et immeubles, châteaux, villages, 
et églises (4). Mais, malgré la reconnaissance de ses 



(1) Cf. Mabillon, Annal. Tome V, p. 151. 

(2) Charte de février, lUGl copiée au Livre vert de Varchevêché 
d'Arles, fol. 86. 

(3) Charte de I0G5, 3» indict. 

(4) Bulle de mai 1061, 4» ind. Arch, dép. Privil. n» 9. 



-^ 41 — 

droits par le Saînt-Siége, l'abbé, comprenant quel tort 
cette lutte causait à ses moines, transigea avec Tarche- 
vêque : celui-ci reconnut à Tabbaye le domaine de tous 
les biens qui lui appartenaient dans son diocèse et 
notamment de l'église de N.-D de Ratis, et reçut en 
récompense une mule, « mulam satis idoneam », et 50 
sols de monnaie deMelgueil (1). 

Au nombre de ceux qui furent les bienfaiteurs de 
Montmajour à l'époque de Rolland, il convient de citer 
Rostaing, évoque d'Avignon, qui lui donna diverses 
églises à Bouc (2) et celte de Saint-Didier dans sa ville 
épiscopale (3) ; le comte de Provence GeofFroi, qui lui 
transféra la propriété de certains biens patrimoniaux 
qu'il possédait près de l'abbaye. En 1063, Stéphanie ou 
Etiennette, sa veuve, fit don à Montmajour de la con- 
damine comtale de Laurade. Le corps du comte fut 
placé auprès de celui de son père Guillaume II, qui 
reposait déjà dans le cloître h l'entrée de la salle capi- 
tulaire. La dalle qui recouvrait son tombeau est aujour- 
d'hui déposée au musée d'Arles : elle porte une inscrip- 
tion en caractères entrelacés que M. Révoil donne 
ainsi (4) : 

HIC CONTEMPLÂTOR 

COMPVNCTVS MENTE VIATOR 

NAM QVOD ES ISTB FVIT 

NVNC MEMOR ESTO SVI 

SI FORET HOC IVSTVS 

QVEMQVAM LVGBRE TVORVM 

DNE. lOLDIFREDVM 

TVNG COMITEM INTIMYM 

(1) Charte citée par Bouche, Hist. de Prov, tom. I, p. 312. 

(2) Charte de 1054, cotée 14, Ch. du Castellet, Àrch, dép. 

(3)Ch. delOGS. 

(4) La lecture de cette inscription offre quelques légères 
variantes avec celle donnée par Peiresc sur la sépulture de Geof- 
froi à Montmajour; voir Bouche, I, p. 71, et Gaufridi, p. 67 et 68. 



•-. 4^ — 

MITIBVS HIC MITIS 

DVRVS FVIT IPSE REBELLIS 

OPTANS CiEUCOLAS 

SVSPICIT INDIGENAS. 

Rollandeut à combattre contre la cupiditédes Artésiens 
qui se partageaient avidement des terrains conquis sur 
les marais de Montmajour. Il demanda à être maintenu 
paisiblement en possession de ces marais, dont on déter- 
minait rétendue à l'aide des termes autrefois posés. 
Les Arlésiens déplacèrent les bornes et s'appuyèrent, 
pour faire la délimitation, sur le témoignage d'hommes 
de mauvaise foi. Cependant Hugolen, fils d'un seigneur 
du nom de Renaud, abandonna les droits qu'il préten- 
dait sur des terrains en litige, en échange de quarante 
sols que lui paya Rolland (1). 

Les comtes GeofFroi et Guillaume (2) avaient aussi 
vendu pour 100 sols k Tabbé la dîme de Pertuis et cer- 
tains droits sur Manosque. Rostaing, archevêque d'Aix, 
ainsi que ses frères Amiel et Guy de Fos, rendirent au 
monastère la vallée de Saint-Pierre, près des Martigues, 
aussi appelée Jonquières (3) 

(I) Acte de l'an 1067. 

(?) « Or si ces deux premiers fils (deGuilhem Bertrand) ont esté 
véritablement comtes* de Provence et ont succédé à ieur père, 
c'est ainsi que le sieur Rutfy, page 51. l'esiinie en son histoire des 
comtes do Provence... Mais parce qu'eu ce tems-là viuoient vn 

Gui'leaume et vn Geoffroy, frères, comtes de Forcalquier, 

ainsi que i'ay remarqué en la généaioj^ie de ces comtes, i'estime 
l)lus vray-semblablement que coGuilleaume et Geoffroy dénom- 
ïnez daus crtie confirmation estoient plus tôt comtes de For- 
calquier. que non pas d'Arlns ou de Provence, et ce pour deux 
raisons; la première, que Guille urne et Geoffroy, lilsde Guilhem- 
Bertrand, prenoient en leurs quHlitez le titre oe marquis et comte 
de Provence, ainsi que nous auons veu et ce Guilleaume icy ne 
prend que la qualité de comte provençal ; la seconde et principale 
est, que, cette année 1063, et loiig--temps auparavant, dès l'an 1054, 
Geoffroy, leur oncle, Irere cadet de leur père, «e qualidoit comt.5 
de Provence. » 

(Bouche, Hist. de Prov. T. IL, L. /X. , page 64). 

(3) Charte de 1072. Arch. dép. 3,ch. Jonquières, — Ct GalL Christ. 
T, /., imtrum. N° IV, église d'Aix. 



— 43 — 

Pons, évêque de Marseille, et les vicomtes de cette 
ville, Guillaume, Aicard, GeofFroi, Bertrand, Pierre et 
Foulques se signalèrent par leurs bienfaits envers 
Montmajour [\). 

Rolland mourut on ne sait précisément à quelle épo- 
que. On élut, dit-on, en sa place un certain Bermond, à 
rinstigation d' Aicard, archevêque d'Aix. Mais Bermond 
aurait été expulsé, et un autre moine du nom de Guil- 
laume aurait été appelé à lui succéder (2). 

Certains attestent que ce Guillaume monta sur le 
siège abbatial en 1084. Chantelou pense cependant que 
ce fut quelques années auparavant. Deux lettres du 
pape Saint Grégoire VII nous montrent qu'il trouva h 
son avènement le monastère engagé dans des luttes 
contre la rapacité des laïques, et bien relâché, d'autre 
part, dans la discipline religieuse. La première de ces 
lettres, datée du 30 mars 1079, enjoint, sous peine 
d'excommunication, aux usurpateurs des biens apparte- 
nant à l'abbaye, de les lui restituer aussitôt. L'autre, 
adressée à Richard, cardinal et abbé de Saint-Victor de 
Marseille, le 17 avril 1080, lui confie le soin de réfor- 
mer les monastères de Montmajour et de Sainte-Marie 
de la Grasse (diocèse de Narbonne). A vrai dire, Richard 
ne mit jamais en exercice le droit que.lui conférait cette 
bulle; car les moines de Montmajour durent apparem- 
ment ne pas se résigner sans peine à admettre la préé- 

(1) RuflB relate la donati An qu'ils lui fi» ent de l'île de Contigna- 
nicis, de Castellar et de Roquelougue. V. Hist. de Ma^s. Tom, /, 
p. 66; et T. II. p, 19 et 20. V. n«* 10, 11, et 15^ chartes du Castellet. 
Arch. dép. 

XI) Bdluze, Misc^'llanea, T. II, fol. i:8 — Gall. Christ. T. I. col. 
606. — V. aussi Mab lion, Annal. Bàned. T. V, p. 151 et 165. — 
11 cite une lettre du comité d'Arles au pape, lui demandant de 
reconnaître Guillaume élu abbé en remplacement de Bermond 
que son indignité avait fait déposer. — 11 relate de plus les deux 
bulles de Saint Grégoire VII contre les usurpations «les biens de 
Montmajour, et pour la réforme du monastère. 



— 44 — 

minence et la supériorité de Tabbaye marseillaise sur la 
leur (1). 

L'abbé Guillaume obtint du pape Urbain II une bulle 
reconnaissant au monastère la propriété de divers biens. 
11 fit restituer l'église de N.-D. de Ratis par Aicard, ar- 
chevêque d'Arles, et celle de Saint-Didier, à Avignon, 
par l'évêque de cette ville. Pascal 11 renouvela le pri- 
vilège accordé par son prédécesseur (2). Augier, évo- 
que de Riez (3), et Gibelin, archevêque d'Arles (4), don- 
nèrent à Tabbaye plusieurs diocèses. 

Guillaume mit le comble à ses travaux en fondant la 
maison de Saint-Antoine-cn- Viennois, qui, plus tard, 
favorisée par les papes et enrichie par les libéralités des 
princes et des grands, devint elle-même la tête d'un or- 
dre distinct. Quant h l'origine de son nom, les quelques 
détails qui suivent ne seront pas inutiles. 

La plupart des hagiographes s'accordent k dire que le 
corps de saint Antoine, après être resté caché pendant 
170 ans dans son premier tombeau, fut découvert par 
une révélation et transporté h Alexandrie, sous le règne 
de Justinien (5), puis k Constantinople, au temps d'Hé- 
raclius ou de Constantin Pogonat. Mais les versions dif- 
fèrent sur la translation de ces restes vénérables en 
France et sur l'époque où elle eut lieu. 

Voici Ik-dessus le récit des religieux de Saint- 
Antoine. Aimar Falco, l'un d'eux, dans une histoire 
qui parut à Lyon en 1533, dit qu'un chevalier du nom 



(1) Cf. Rufji, Hist. de Mars. Tome 2, L. XI, ch. V, n« 17, p. 19.8. 

(2) Bulle du 24 février 1102. Privilèges n** II. —Autre privil. du 
n" 12 (17 octobre 1115 — Exemption de toute dîme pour Montma- 
jour, 9 décembre 1106, n"* 13. 

(3) Charte de mars 1096. Cotée Privil, n» 12, Arch. dép. 

(4) Ch. de 1106. Ce sont les églises « Sancti Romani et B. -Ma- 
rie. » L'abbé est assujcti au cens annuel de 7 s. égédlens envers 
l'arcbevêque. {Gall. Chnst. Tomel, col. 607). 

(5) Martyrol Roman.; — Bède; — Isid. 



— 45 — 

de Guillaume Cornut, seigneur de Châteauneuf-de- 
l'Albenc et de la Motte-Saint-Didier-en-Dauphiné, ayant 
fait le vœu d'aller à Jérusalem, mourut sans avoir ac- 
compli cette promesse, mais chargea son fils unique, 
Jocelin, de dégager sa parole. Malgré ses sentiments de 
piété, ce dernier différa. Il signala plus tard sa valeur 
à la guerre. Un jour, dans un combat qui se livra en 
Suisse, près du Jura, ce chevalier fut frappé, à la tête 
de ses soldats. On le crut mort, et on le transporta dans 
une chapelle dédiée à saint Antoine. En ce lieu, Jocelin 
eut une vision remarquable ; le patron du sanctuaire lui 
apparut sous la forme d'un vieillard vénérable qui dé- 
sarmait une multitude de démons acharnés contre lui, 
et lui demanda de transférer ses reliques d'Orient en 
Occident, selon la volonté du Seigneur. Aimar Falco 
ajoute, d'ailleurs, avec sincérité : « J'ignore si ce récit 
a est vrai ou faux; Dieu seul le sait. J'avoue que je ne 
« l'ai lu dans aucun titre authentique, mais seulemeut 
€ dans des documents privés. Aussi, je laisse chacun 
(( libre de son opinion. » 

Jocelin se rendit donc à Jérusalem, revint par Cons- 
tantino'ple, obtint de l'empereur, k la cour duquel il 
séjourna assez longtemps, les reliques de saint Antoine, 
et les apporta à Vienne (1). 

11 est permis de conserver des doutes sur cette ver- 
sion que citèrent les Antouins dans leurs longues que- 
relles avec Montmajour, alors que chacun des deux mo- 
nastères s'étudiait à produire des documents propres à 
lui assigner une origine plus illustre que celle de son 
rival. Il faut remarquer aussi que l'incertitude plane 
sur les personnages dont parle Aimar. Qui sont, en 

(1) Cf. Abbaye de Snint-Antoine-in-Dauphiné , par M. l'abbé 
Dassy, p. 15 et suiv. L'intérêt qu'on attache à la lecture de cet 
ouvrage est encore accru par la publication des documents iné- 
dits que l'auteur y joint comme pièces justificatives. 



— 46 — 

effet, ce Guillaume Cornut et ce Jocelin, son fils uni- 
que? Il suppose qu'ils appartenaient à la maison des 
comtes de Poitiers, mais c'est sans avancer aucune 
preuve certaine (1). Il donne aussi quelquefois le nom 
de saint k ce comte Guillaume, mais ni ne précise rien 
sur ce personnage, soit qu'il n'ait connu aucun saint du 
nom de Guillaume, soit qu'il n'ose reporter la transla- 
tion du corps de Saint Antoine h une époque aussi re- 
culée que celle de saint Guilhem-du-Désert. Il préfère 
donner pour père à Jocelin Guillaume Cornut, seigneur 
de Châteauneuf-de-rAlbenc et de la Motte -Sain t-Didier- 
en-Viennois. D'autres auteurs disent qu'il était fils de 
Guillaume-Tétc-d'Etoupes , duc d'Aquitaine, qui em- 
brassa la vie religieuse sous le règne de Lothaire. 

Or, d'antiques chartes parlent d'un comte Guillaume, 
contemporain de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire, 
qui fut, au témoignage d'Aimar Falco, surnommé cor- 
nuttis, h cause du cor de chasse qui figurait dans l'écu 
de sa maison, tige des premiers seigneurs d'Orange (2). 
Guillaume avait fondé dans la vallée de Gcllon près do 
la Saône, un monastère où il se retira et vécut dans une 
si grande sainteté qu'il mérita d'être placé sur lès autels, 
sous le nom de Guillaume ou Guilhem-du-Desert. Il 

(1) € Vetustissima scripta indicant pervetusta nobilitatis et 
« armorum insignia quse extatit super portara antiquorum liorreo- 
« rum conventus hujus monasterii, ad D. Marîœ templnm, mon- 
« nullisque aliis in locis visuntur. » Aim. Falco. — V. Baron. 
T. 3. Ânn. 1089. — BoUand. Act. SSorum , T. 2. p. 153. — GalL 
Christ.: a .Guillelmus cornutus, topar ha Albenciaci, Motœ S. 
« Desiderii ut habetur in archivis monasterii. » 

(2) La maison d'Oranpre portait: d'or, au cor de chasse d* azur* 
enguichéet virole de gueules^ lié de quatre pièces, chacune terminée par 
trois glands de même. — De Cornut, on fit plus tard Cort-nez et 
Court-nez. Les prouesses légendaires du comte Guillaume au 
court-nez ont été chantées au moyen-âge. Aujourd'hui l'illustre 
poëtft qui a donné le signal de la renai8!=ance provençale, et fait 
revivre dans notre midi la gaie science des troubadours, a retracô 
dans un récit plein de chaleur et d'énergie les prodij«es de valeur 
qu'accomplit ce héros à la bataille des Alyscamps. (V. Calendau, 
(h. Vif in fine.) 



-- 47 ~- 

avait laissé non pas seulement un fils, mais trois : 
Bernard, Witchar et Jocelin (1). 

L'histoire du comte Guillaume rapporte que son fils 
Jocelin, au retour d'un pèlerinage qu'il avait fait en 
Terre- Sainte, se rendit à Constantinople, où il se con- 
cilia aussitôt l'estime de l'empereur et des grands. Quand 
il voulut retourner dans sa patrie malgré les sollicita- 
tions du prince, il lui demanda, au lieu des trésors que 
celui-ci lui offrait, le corps de St Antoine. Il l'obtint en 
effet, et regagna promptement la France avec les pré- 
cieuses reliques qui le défendirent contre tous les 
dangers de la route. Confiant dans la protection du 
serviteur de Dieu, les descendants de Jocelin imitèrent 
son exemple en portant avec eux les restes sacrés dans 
tous leurs voyages. Quoique la dévotion seule leur ins- 
pirât cette pratique, le pape Urbain II la condamna 
comme portant atteinte au respect dû au corps d'un saint 
aussi illustre et engagea Guigues-Didier, Tundes des- 
cendants du comte, h confier ce dépôt aux religieux 
d'une abbaye. Ce seigneur, ayant assemblé un grand 
nombre de ses amis, commit en effet la garde des reli- 
ques de St-Antoino aux moines de Montmajour, et leur 
donna, pour y établir un mooastère, un terrain entouré 
de bois dans le lieu appelé la Motte. Il joignit à ce don 
celui d'un emplacement çontigu pour favoriser la cons- 
truction d'une maison hospitalière pour ceux qui étaient 
atteints du mal des ardents ou feu sacré. 

Une charte de Saint-Antoine désigne même Didier, 
père de Guigues, comme l'auteur de la donation. Guy, 
archevêque de Vienne, la confirma en 1098 environ, 
ï^ous le pontificat d'Urbain II. Bientôt, un certain nom- 
bre d'hommes se réunirent pour se consacrer au service 
des malades reçus dans la maison de l'aumône, recon- 

(1) V. BoUand, Acta SSorum, die XVlla JanuariL 



— 48 — 

naissant pour leur directeur un viennois du nom de 
Gaston. Pendant deux siècles les membres de cette 
communauté ne furent astreints à aucun vœu mo- 
nastique. 

Revenons à Montmajour, Sous Tabbé Pierre l^^ du 
nom, les souverains pontifes reconnurent et confirmè- 
rent à l'abbaye la possession de diverses places, terres 
ou édifices religieux (1) ; une contestation élevée au 
sujet de l'église Sainte-Marie de Roquebrune entre 
les moines de Lérins et ceux de Montmajour se termina 
à l'avantage de ces derniers (2). Pertuis, cette source de 
nombreuses discordes, mit à l'épreuve la patience du 
nouvel abbé. Guillaume, comte de Forcalquier, s'étant 
emparé de cette place. Pierre obtint contre lui de Rome 
une sentence d'excommunication : le comte parut céder, 
se fit relever de cette xîensure et passa un accord avec 
l'abbé en H20 (3), en présence du pape Calixte II, de 
l'archevêque d'Aix, Pons, et des évêques de Fréjus et 
d'Antibes. Mais il recommença bientôt ses usurpations 
et le pape Innocent II (4) renouvela les sentences déjà 
portées contre lui. 

Pendant ce temps le monastère de Saint- Antoine en 
Viennois prospérait, protégé par le Saint-Siège (5) , aidé 
par les libéralités de Guignes et d'autres seigneurs, 
. Aimard Falco dit que, par l'autorité de Calixte II, pen- 
dant que Francon était à la tête du prieuré, il fut solen- 



(1) Bulle de Paschal II, 1104; gall. Christ., lui donne comme date 
6 dès kal-de novembre 1114. loc. cit. id. de Gélase II, 1118; 
Privil, n° 14 id. de Calixte II, 112"3, 9 avril. PrlvU, n« 15. 

(2) Bulle d'Innocent II du 2 des nones de décembre 1130. 

(3) Bouche, Hist. de Prov. Tome 2. p. 109. — V. aussi Ârch. dép, 
ch. Pertuis n'' 10. 

(4) Bulle datée de Saint-Gilles, le 21 septembre sans indication 
d'année. 

(5) Bulle de Calixte 11 rapportée par Aimar-Falco, et publiée 
par M. l'abbé Dassy. 



— 49 — 

nellement procédé en présence d'une foule nombreuse à 
Touverture de la châsse qui conlenait le corps de Saint- 
Antoine : on y trouva, outre ces vénérables restes, un 
vêtement tissu de feuilles de palmier, que la tradition 
assure avoir servi à Saint Paul, premier ermite. Ces 
diverses reliques furent placées dans une nouvelle 
châsse en bois de cyprès que les prélats assistants fer- 
mèrent et scellèrent de leurs sceaux (1). 

Pierre I" mourut environ en 1 1 30. Pons II lui succéda. 
Cet abbé donna à une noble dame du nom d'Agnès une 
église voisine de Tarascon, pour laquelle elle devait lui 
payer chaque année la somme de 5 sols de Melgueil (2). 
Innocent II (3) et Eugène III (4) le favorisèrent de leurs 
privilèges, et ce dernier confirma Montmajour dans 
toutes ses possessions par une bulle datée d'avril 1152. 
C'est sous l'administration de Pons II que l'on put, pour 
la première fois, célébrer les offices dans l'église dont la 
construction avait été commencée longtemps aupara- 
vant (5). Le même abbé fit reconnaître les droits du 
monastère sur Miramas en dépit desprétentionsd' Hugues 
de Baux, (6) et obtint peu après une sentence évinçant 
Pierre de Lâmbesc dû domaine de Pélissanne (7). 

Le Gallia Christiana insère au catalogue des abbés 
un Pierre, II du nom, qui fait un échange en 1154 avec 



(1) V6y. Abbaye Saint-Antoine en Dauphiné, par M. l'abbé Ddssy 
p. 56 et s., et piôoes justificatives, lettre B. 

(2) Charte de 1136. 

(3) En U35. Gall, Christ. I, 607. 

(4) En 1152. Ibid. et l.privil, de MontmaJ.^ Arch, dép. 

(5) On trouve dans un vieux registre cette indication; « Anne 
< MCLIII ingressi sunt monachi in ecclesiam novam B. Mariée ad 
a serviendum Deo. » 

(6) Arrêt rendu en 1150 dans l'île d^Ugernia, près de Tarascon, 
en présence du comte Raimond-Bérenger. 3 ci. Miramas. Arch. 
Dép, 

(7) Cette sentence fut rendue en l'église Saint-Sauveur d*Aix, 
et sous le sceau du comte . Parmi les témoins figurent : Geoffroi 
de Marseille, Bertrand de Mison, Alphant de Mesoaga, etc. 



— 50 — 

Pierre de Sabran,évêque Je Sisteron. Chantelou ne men- 
tionne pas ce personnage. Il énumère successivement : 
Girinus, dont le nom n'est relaté que dans une charte 
de janvier 1167; — Jean, I" du nom, qui figura 
comme témoin dans la convention solennelle passée 
entre Raimond de Bollène, archevêque d*Arles etRai- 
mond-Bérenger comte de Provence, frère d'Alphonse, 
roi d'Aragon (1), et dans l'acte passé en 1180 entre 
Tabbaye de Franquevaux sur les dîmes du fief de Fornelz 
et de Sainte-Marie-de-la-Mer (2) ; enfin Guillaume IL 
Ce dernier obtint du pape Lucien III la ratification des 
privilèges de Montmajour (3). Il figure sous le nom de 
Fulcherius-Guillelmus à la donation d'une église de 
Crussol k la Chaise-Dieu par Eudes, évêque de Va- 
lence (4). Après Guillaume , Thistoire manuscrite de 
Montmajour passe immédiatement k Foulques de 
Cabannes. Mais un acte de l'abbaye de Franquevaux 
nous montre un abbé du nom d'Algon, confirmant en 
1184 une donation de Jean I"", l'un de ses prédéces- 
seurs (5). 



Foulques do Cabannes. — Guillaume de Bonnieux. — 

Réforme du monastère. 

Foulques de Cabannes (6), d'abord prieur de Miramas, 
parait être monté sur le trône abbatial en 1193. 11 fit 



(t) Archev. d'Arles, Petit Livre Noir fol. 41 v. 

(2) Gall. Christ., I. 608. 

(3) Bulle datée de Vérone le 16 octobre 1184. Privil. n» 18, 
Arch. dép, 

(4) Gall. Christ., \oc. cit. 

(5) Ibid. 

(6) 11 n'appartenait probablement pas à la famille de Gabanes- 
Viens, dont la noblesse ne paraît pas remonter au-delà du 
XVI" siècle. Peut-être se rattachait-il à celle des Cabanis, qui a 
donné à la ville d'Arles plusieurs consuls. 



— 51 — 

reconnaître par autorité de justice le droit concédé à 
Tabbaye par le comte Raimond Bérenger, de se faire 
donner chaque année, à titre de redevance, le premier 
esturgeon péché dans le Rhône entre Fourques et la 
mer, au commencement du printemps (1). 

En \\9i environ, des démêlés s'étaient élevés entre 
le prieuré de Saint-Antoine en Viennois et les Hospita- 
liers de la maison de TAumône, au sujet du produit des 
quêtes faites par les Bénédictins. Les Hospitaliers récla- 
maient ces sommes pour subvenir à leurs charges. Une 
transaction fut passée h l'instigation d'Aynard de Châ- 
teauneuf. Aux termes de cet acte, les Hospitaliers pu- 
rent seuls désormais faire des quêtes, sauf dans le dio- 
cèse de Vienne, où les Bénédictins se réservèrent ce 
droit. 

Le Pape Célestin UI rendit une bulle le 3 mai 1194 
pour flétrir la conduite d'un moine nommé Pons, qui 
n'avait pas craint de se mettre violemment en possession 
d'un prieuré, après en avoir chassé le prieur légitime, et 



(1) Charte transcrite par Peiresc, d'après un m. s. de ses col- 
Ipctions. — S'il faut en croire un antique nécrologe, Raimond 
Bérenprer aurait été enseveli à Montmajour. — L'étrange tribut 
dont il est question fut acquitté jusqu'au siècle dernier, et Tab- 
baye obtint plusieurs fois la sanction de son droit lorsqu'on 
tenta de le méconnaître. (V. aux Arch. dép., W 2, chartes d'Arles, 
l'absolution de l'excommunication prononcée contre des pêcheurs 
récalcitrants). — Parmi les sentences auxquelles le don de cet 
esturgeon donne lieu nous citerons seulement celle d'Hugues de 
Baux, choisi pour arbitre par r»bbé Foulques de Cabannes, et 
Guillaume Cabace, seigneur de Triaquetaille (W. Gall. Christ , I, 
608). — Un arrêt du Parlement condamnant les moines de 
Montmajour à porter la tête de l'esturgeon à leur abbé (l06i). — 
Une sentence du l2 février 1740 menaçant l'abbaye de déchéance 
si elle ne représente un titre comme source légitime de sa pré- 
tention. —Nous lisons dans la dissertation de Seguin sur Montma- 
jour (Fonds Nicolaï.Ol, Arch. dép ) que, de son temps, les pêcheurs 
d'Arles portaient le premier esturgeon au monastère « ensemble 
f et comme en triomphe au son des tambours et des hautbois 
« d'abord qu'ils l'ont pris.. . et que les Pères leur donnant 3 
« florins pour étrennes, et ils célèbrent ensuite une messe haute 
« et solennelle de mort, autant pour la venue de l'esturgeon que 
a pour le repos de l'âme du bon comte. » 



— 52 — 

avait appelé pour défendre sa cause le comte de For- 
calquier, déjà excommunié (\), Ce dernier, devenu mai- 
tre de Pertuis, Tavait livré au pillage. 

Le nom de Foulques se retrouve encore en < 1 95 dans 
un acte passé entre les consuls d'Arles et l'abbaye. 

Guillaume de Bonnieux, issu d'une noble famille du 
diocèse d'Apt (2), fut élu en sa place h Tépoque où 
Thérésie des Albigeois avait allumé la guerre dans 
tout le Midi. Alors aussi le relâchement cherchait h se 
glisser dans les cloîtres. Le nouvel abbé mit tout son 
zèle à combattre la corruption au sein du monastère, et 
s'étudia à y faire refleurir la discipline. 11 sut, par une 
direction prudente et sage, aplanir les difficultés des 
affaires de Montmajour, et contenir ceux qui convoi- 
taient déjà ses biens. Il suivit à Rome Pierre, roi d'A- 
ragon, comme le rapporte l'histoire d'Innocent III, et 
obtint de ce Pontife une bulle favorable à l'ab- 
baye (3). A son retour d'Italie, il se rendit auprès des 
deux légat?, Pierre de Castelnau et Raoul, moines cis- 
terciens de Fontfroide, qui avaient été envoyés par le 
Saint-Siège en Languedoc contre les Albigeois et pour 
la direction des affaires ecclésiastiques. Il leur demanda 
de couper dans sa racine le mal qui commençait à en- 
vahir Montmajour. Raoul, à sa sollicitation, vint visiter 
l'abbaye, et, après avoir instruit une sérieuse enquête 
sur l'état où elle se trouvait, il avisa aux moyens à 
prendre pour lui faire retrouver son antique régularité 
et sa splendeur primitive. Dans le règlement qu'il fit à 



(1) Bulle adressée à l'arch. de Vienne, cotée 19: Chartes de 
Periuis. — V. aussi 19, Privil. de Montmaj., une autre buUe de 
Célestin m, de 1192. 

(2) De Boni7isdans les Chartes. On trouve en 1400 un Honoré de 
Booilis, président de la C. des Comptes de Provence. {Reg. Lividi,) 

(3} Bulle de novembre 1204. 



■-.y- 



— 53 — 

ce sujet (i), il conseille la visite annuelle des divers 
prieurés parTabbé, prononce des déchéances contre les 
moines qui se livrent k des malversations dans la ges- 
tion des affaires du monastère, ou aliènent, sans Taveu 
de l'abbé, les possessions de leurs églises; il blâme les 
violences de certains religieux h Tégard de leurs frères,, 
et défend tout privilège comme incompatible avec la 
vie monastique « où Ton ne doit trouver qu'un cœur et 
(( qu'une âme. » 

Pendant ce temps, Falco, grand-maître de Saint- An- 
toine, obtint du Saint-Siège la faveur d'ériger auprès du 
prieuré de La Motte une chapelle indépendante des 
Bénédictins. Cette permission avait été refusée h ses 
prédécesseurs. La sentence d'Humbert, archevêque de 
Vienne, rendue à cette occasion, sauvegarda néanmoins 
les droits et la prépondérance de Montmajour dans sa 
colonie (2) . 

VI 

Détention de Pertuis par le comte de Forcalquier. — 
Sentence arbitrale de Tarchevêque d'Arles. — Excom- 
munication de Guillaume, comte de Forcal(iuier. — 
Hommage prêté par le comte. 

Cependant Montmajour voyait ses terres les plus 
riches au pouvoir d'usurpateurs avides : les Arlésiens 
régnaient en maîtres sur les marais voisins de l'abbaye; 
Raimond de Toulouse, dont les encouragements puis- 
sants soutenaient les Albigeois, occupait Bédoin dans 
le Comtat-Venaissin : Raimond de Baux le château de 
Miramas ; le comte dj F orcalquiei*, Guillaume, retenait 
avec acharnement les domaines de Pertuis et de Grave- 



(!) Juillet 1205. 

(2) Cf, GalL Christ. , I, 608; et VÂhhaye de Saint- Antoine en Dau- 
phiné, par M. l'abbé Dassy, p. 83, Pièces justiflcatwes. Lettre F. * 



— oi- 
son. L'abbé recourut en même temps au Pape et k 
TEmpereur. Innocent 111(1) et OthonIV(2) répondi- 
rent à son appel et confirmèrent les droits de Mont- 
majour. 

Condamné h la fois par le Pape et par l'Empereur, 
Guillaume reconnaît le domaine de Tabbaye sur Pertuis 
et son territoire (3). Sa mère, la comtesse Adélaïde, ou 
Alix, renonce aussi à ses droits sur Pertuis en faveur 
du monastère, le 8 avril 4212. 

Au mois de mars 1215 un différend s'élevait entre 
l'église d'Arles et Montmajour au sujet des terrains 
conquis sur les marais. L'église d'Arles en revendiquait 
la propriété en vertu de concessions qui lui avaient été 
faites par les Papes. Les Bénédictins invoquaient comme 



(1) Bulle du 28 novembre 1204 {Privil n*» 20). - Lettre à re'vÔ- 
que d'Antibes et aux abbés de Saint-Pons et de Lérins du 2 mai 
1210. — la. ^ la même date à l'archevêque d'Aix et à l'évoque de 
Cavaillou sur l'usurpation de Pertuis par le comte de Forcal- 
quier. — Id. aux mômes prélats contre le comte. — Sentence 
d'interdit contre Guillaume, 26 avril 1211. 

(2) Diplôme daté d'Imola, 28 mars 1210 {PnviX n» 23), lettre 
adressée à Vévêque et aux consuls d'Avignon contre Guillaume, 
comte de Forcalquier. — Lettre à Guillaume, Hugues et Raimond 
de Baux. 

(3) Reconn. 6 avril 1212 [Ch. Pertuis n° 23). — Guillaume de 
Sabran tenait le titre de comte de Forcalquier de sa mère, Alix, 
fllle de Bertrand II de Forcalquier. Il accorda des privilèges à 
ISisteron, érigea Cadenet en vicomte en 1226 et laissa entre autres 
enfants, Guillaume 11 qui prit comme lui le titre de comte, et 
Louis, auteur de la branche d'Ansouis, sur. laquelle saint Ëlzéar 
a jeté un si vif éclat. (V. A rtef euil, His^ héroïque et univ . delà 
nobï. de Prov., tome II, p. 353 et s.) 

Une première alliance existait entre la famille de Sabran et 
celle des comtes de Forcalquier, Raines de Sabran avait en effet 
épousé Garsende de Forcalquier. Il en eut deux filles : la pre- 
mière, aussi appelée Garsende, devint, par son mariage avec le 
comte de Provence, Alphonse II, mère de Raimond Bérenger IV, 
et ainsi aïeule: 1° de Marguerite de Provence, femme de saint 
Louis, roi de France ; 2» d'Eléonore, femme d'Henri III, roi 
d'Angleterre; 3° de Sancie, qui épousa Richard, duc de Cornouail- 
les. et enfin 4° de Béatrix. qui apporta la Provence en dot à 
Charles d'Anjou et devint reine de Sicile. La seconde fille de 
Raines de Sabran, Béatrix, dame du Gapençois et de l'Embrunois, 
épousa André, dauphin de Viennois, de la première maison capé- 
tienne de Bourgogne, issue du roi Robert. 



— 55 — 

fondement de leurs légitimes prétentions la donation 
de Lambert en faveur de Tabbé Mauringus (1). Les 
parties remirent le jugement de leurs contestations à la 
sagesse de Févêque, du prévôt et du doyen du chapitre 
d'Avignon. Ces arbitres déterminèrent les bornes des 
droits du monastère et déclarèrent que la partie des 
marais qui avait été desséchée vers la route des Baux 
appartiendrait en commun h Montmajour et à l'église 
d'Arles (2). 

Une autre querelle née entre Tabbé Guillaume de 
Bonnieux et Raimond de Baux, seigneur dlstres, au 
sujet de Miramas est tranchée par l'intervention de 
l'archevêque d'Aix et de Guillaume, évêque d'Avignon. 
Ils concèdent le domaine tout entier à l'abbé, à la 
charge par lui de payer annuellement à Raimond la 
somme de 200 sols (3). 

Après Othôn, l'empereur Frédéric II, qui avait été 
son compétiteur, prit aussi Montmajour sous sa protec- 
tion (4) . 

En août 1226, l'abbé Guillaume, après avoir consulté 
la communauté tout entière, abandonna au podestat 
d'Arles, Dragonet de Montdragon, les droits de Tabbaye 
sur le Castellet et ses habitants, h la condition que la 
ville d'Arles étendrait sa protection sur Montmajour et 
ses environs (5). 

Isnard d'Entrevennes et sa femme Douceline de Pon- 



(1) V. ci-dessus. 

(2) Compromis de mri-5 1215. {Ch, du Castellet, d» 24.) 

(3) Acte de 1216. — Ch. Miramas n° 6. Arcb. dép. 

(4) Diplôme daté de Cologne, le 4 juillet 1216. — Autre de mai 
1243 [Privil. . n» 22). — Autres des 23 mai 1233 et 17 avril 1234 au 
sujet de la détention de Pertuis par le comte de Forcalquier. 

(5) Ch. du Castellet, 26. — Ga«. Christ, t. I, p. 608. dit que cette 
cession fut faite à Dragonet de Bojairano, viguier et non podes- 
tat de la ville. 



— 56 — 

tevès (i); Geoffroy et Rostaing de Signe (2), puis 
Aicard et Bermond [3), se signalent par leurs bienfaits 
envers le monastère , ainsi que Haimbaud d'Agoult , 
seigneur de Caseneuve, fils de Guiran de Simiane (4). 

Le 19® abbé de Montmajour portait le nom de Guy. Il 
ne demeura que six ans à la tête de Tabbaye, de 4234 à 
4240. Son nom ne figure que sur un petit nombre de 
chartes (6). Il s'engagea par un acte du 18 mai 1238 h 
donner 400 sous raimondins neufs à Alphant de Taras- 
con, qui devait aller en Lomb^rdie pour le service de 
TEmpereur, au nom de Montmajour, avec un cheval 
armé de toutes pièces. Grégoire IX lui adressa en 1234 
une bulle confirmant Montmajour dans ses possessions 
et immunités. 

Raimond, premier du nom, successeur de Guy, était 
neveu de Guillaume de Bonnieux. Par une autorisation 
spéciale du Saint-Siège, il conserva son ancienne dignité 
de prévôt de Saint-Antoine en Viennois conjointement 
avec la dignité abbatiale. Dès le commencement de son 
administration, il dut s'élever contre le comte Guillaume 
de Forcalquier, qui, toujours aussi peu soucieux de la 
foi jurée, cherchait à augmenter le patrimoine de sa 

(1) Charte du 22 janvier 1213, cotée: Correns^ 9. 

(2) Charte de mars 1216.— La maison de Signe, dont on trouve 
ici le nom et que certains généalogistes attachent à la famille de 
Glandevôs. qui posséda aussi la terre de ce nom, est. selon 
Raffi, un rameau des vicomtes de Marseille, dont était issu Guil- 
laume de Signe, qui. d'Augeria de Mari, laissa quatre fils: 
1° Guillaume, dont les biens passèrent à la maison de Vintimille; 
2° Guillaume de Signe, le Jeune, marié à Delphine de Barras, 
nout il eut sainte Delphine, comtesse d'Ariau et Pétronillette; 
3^ Bertrand, dit de Marseille, et 4" Rostaing de Signe. 

(V. Hist. de Mars , t. I, l. III, ch. IV.) 

(3) Charte du 9 mars 1220. 

(4) Charte du 16 octobre 1236. 

(5) Hommage de Renaud Eliziarius pour Graveson. 14 août 1Î34. 
— Reconnaissance de Bertrand Raimbaud, 16 août 1235. — Com- 
promis passé entre Guy etGuiraud de Sabran, fils de Guillaume» 
comte de Forcalquier et de Bertrande, au sujet du domaine de 
Graveson. 



maison en retenant le domaine de Pertuis. Sur les 
plaintes de Tabbé, l'évêque de Tournay, légat du Saint- 
Siège, cita Guillaume k son tribunal et l'exhorta k ren-* 
trer dans son devoir. Mais le comte négligea cet aver- 
tissement et fut frappé d'anathème. Cependant ses 
vexations redoublèrent et l'interdit fut jeté sur ses 
terres. Le Pape Grégoire IX chargea Tarchevêque 
d'Arles de faire strictement exécuter les sentences pro- 
noncées contre Guillaume (4), et de demander Tappui 
du comte de Provence pour réduire son feudataire ; il 
écrivit en même temps à ce prince, le priant d'inter- 
poser son autorité, ou seulement de donner de sages 
avis au seigneur rebelle toutes les fois que Tarchevêque 
d'Arles l'en aurait requis. Cette intervention ne laissa 
pas de produire quelque effet sur l'esprit du comte de 
Forcalquier : aussi le voyons-nous se résoudre à accepter 
l'arbitrage de l'archevêque d'Arles. Il signe le compro- 
mis (2) avec ses fils Giraud Guillaume et Gaucher; la 
comtesse Mabile souscrit encore à cet acte, ainsi que le 
comte de Provence, Raimond Bérenger. Une amende de 
4 ,000 marcs d'argent est prononcée contre la partie qui 
refusera de se rendre à la sentence arbitrale : les fidéjus- 
seurs de Guillaume sont Bertrand, Guillaume et Gilbert 
de Baux et Guillaume, dit de Mautortil ; ceux de Mabile 
et de ses fils, Raines, seigneur de la Tour-d' Aiguës, Ber- 
trand de Cadenet, Dauphinet et Raîmbaud de Dauphin. 
Nous avons déjà vu que Montmajour réclamait dans 
leur intégrité les droits seigneuriaux sur Pertuis et son 
territoire, en vertu d'une donation de Guillaume I®"", 
comte de Provence et de la comtesse Arsinde, plus tard 



(1) 30 avril 1240 ou 1241. — Ch. de Pertuis, 27. 

(2) Acte du 31 décembre 1240, not. Pons Staque La sentence 
arbitrale de 1242 est sous le même numéro. — V. Cour des comp- 
tes, Registre Pargamenorum, f> 175 et aussi B. 335, Arch. dèp. 



— 5S -^ 

confirmée par le comte Guillaume de Forcalquier, oncle 
du détenteur de ce domaine. Le monastère demandait 
de plus 40,000 sous en compensation des dommages 
que le comte lui avait causés, la restitution du bac de 
la Durance et plusieurs autres droits qui lui étaient 
injustement déniés. Jean, archevêque d'Arles, arbitre 
choisi par les parties, déclara indivis entre l'abbé et le 
comte les droits de justice, de bans, de criée, de chasse 
et ceux du bac de la Durance, et reconnut à chacun des 
coseigneurs le privilège de nommer des baillis et autres 
officiers pour rendre la justice. Toutefois, le comte et 
ses successeurs furent astreints h prêter hommage à 
chaque abbé nouvellement élu et h le recevoir à leurs 
frais pendant un jour, chaque fois qu'il se rendrait à 
Pertuis. L'arbitre alloua de plus 3,000 sous royaux 
coronats à l'abbaye pour les dommages qu'elle avait 
éprouvés (1). 

Le Concile général de 1246 appela Raimond à Lyon. 
Le Pape Innocent IV lui adressa deux lettres dont l'une 
déclarait qu'aucun légat ou délégat du Saint-Siège ne 
pourrait jamais pro'noncer une sentence d'excommuni- 
cation contre un abbé de Montmajour, sans avoir reçu à 
cet effet un mandat spécial (2). 

A la prière de Raimond qui, ainsi qu'on l'a vu plus 
haut, avait conservé le titre de prieur de Saint-Antoine 
en Viennois, le légat Jean, archevêque de Vienne, 
plaça dans une châsse séparée un des bras de saint 
Antoine, pour l'exposer à la vénération des fidèles. Plu- 
sieurs prélats, parmi lesquels l'évêque d'Uzès, relevè- 
rent par leur présence l'éclat de cette cérémonie. 

(1) Sentence arbitrale rendue à Salon le 26 juillet 1242. 

(2) 17 juin même année. Privil. n<» 29. — Bulle du même, jan- 
vier 1254, n» 32. — Autre, même date, promettant à l'abbé de 
dispenser les moines de certames règles trop sévères, n» 34. — 
Autre permettant à l'abbé de relever les moines de certaines 
censures, n» 35. 



— 59 — 

Un autre Raîmond succéda k celui-ci. Il conste par 
un acte de 4 251 que Raimond II exigea du comte de 
Forcalquier l'accomplissement de la clause pénale sti- 
pulée dans le compromis de 4242. Des arbitres (i) 
mirent fin à la querelle en remettant la peine au comte, 
sous la condition qu'il prêterait à Tabbé serment de 
fidélité et d'obéissance. 

Raimond II fut très-favorisé par le Pape Alexan- 
dre IV (2) ; ce Pontife lui accorda, tant pour lui-même 
que pour ses successeurs, le droit de porter la mître, 
l'anneau et les autres insignes de la dignité épisco- 
pale (3). Il l'autorisa aussi à administrer conjointement 
Montmajour et le prieuré de Saint- Antoine (4). 

Le 47 juin 1254 , Guillaume de Forcalquier fait hom- 
mage à l'abbé pour les biens qu'il possède au terroir de 
Pertuis (5). 

Avant Alexandre IV, le Pape Innocent IV avait déjà 
rendu plusieurs bulles concernant Montmajour (6) L'une 
d'entre elles, notamment, excommuniait les moines 
rebelles à l'autorité ae l'abbé ; une autre relevait la 
communauté de toutes les censures qu'elle avait pu 
encourir ; dans une autre, le Pape, considérant les dom- 
mages qui résultent pour Tabbaye de la collation des 
prieurés et des églises à des prêtres séculiers, défend 
désormais cet abus. 

Raimond II est appelé Raimond d'Ansouis dans Tacte 



(1) Raimond Sacriste d'Arles, Imbert d'Aurons et P. de Vinti- 
mille, etc. 

(2) Bulle de 1258 confirmant tous les privilèges de l'abbaye, 
Privil, n« 36.— Bulles des 20 janvier et 16 avril 1259. 

(3) Bulle du 2 avril 1259, Privil., n" 40. 

(4) Bulle datée d'Aix en 1259 et cotée 8, Ch. de Saint- Antoine, 
Arch. dép. 

(5) Acte coté 38, Ch, de Pertuis, 

i6) Bulle d'Innocent IV, du 18 mai 1246. accordant aux moines 
de ne recevoir personne malgré eux. Privil.t n° 28. Arch, dép. 



— 60 — 

d'hommage de Mathilde, veuve d'Atenulphe de Reillane, 
et de son fils Boniface pour le château de Sanson (1). Il 
prêta lui-même le serment de fidélité à Charles d'Anjou 
pour Pertuîs, Graveson, le Castellet et leurs territoires. 
Ce serment fut reçu par le prince, à Brignoles, le 8 juil- 
let 1257. Alexandre IV lui octroya le 3 des nones d'avril 
1259 de nombreux privilèges. 

Guillaume de Ronnis, élu abbé à sa mort, administra 
pendant environ un an les affaires du monastère sans 
avoir reçu la confirmation de son titre. Il céda à Ermes- 
sînde, abbesse de Saint-Césaire d'Arles, tous les droits 
qu'avait Montmajour sur Vile de Cordes, située à une 
faible distance au sud-est de l'abbaye, et reçut d'elle en 
échange son domaine du Castellet, qui en était aussi 
très-voisin (2). Par un acte du 1^' septembre 1260, il 
nomme son procureur, Pierre de la Tour, prieur de 
N.-D. d'Alleins (3). 

Guillaume meurt en 1260, et Montmajour reste pres- 
que cinq années entières sans chef. Les suffrages des 
moines s'étaient divisés entre Bertrand Raîmondi, prieur 
de Saint-Antoine et Simon, prieur de Saint-Remy; et 
les deux compétiteurs ne pouvant s'entendre, en avaient 
appelé au Souverain-Pontife. L'administration de l'ab- 
baye fut confié aux FF. Piêcheurs et aux FF. Mineurs 
d'Arles : ce ne fut pas sans dommage pour le monastère, 
car ces religieux, plus appliqués aux affaires de leyr 



(1) Reillane, li avril 1251. Cet acte porte à l'inventaire range la 
date du 13 avril 1252 et lé n» 39, Ch. de Pertuis — La famiUe 
d'Ansouis portait pour armes un écu semé de besants. 

(2) 2 décembre 1258. — V. Arch. dép., Ch. du Castellet, n» 27 , 
acte pris par Girardy, notaire. — Cette dénomination dHle de 
Cordes ne doit pas étonner; au XV« siècle, en effet, on n'y par- 
venait qu'en bateau, ainsi qu'à Montmajour. Un document trouvé 
par l'abbé Bonnement, chez les Trinitaires d'Arles, et cité par 
Anibert en fait foi. (V Anibert. Dissert, topogr. et hist. sur la 
Mont, de Cordts, p. 4'^, note.) 

(3) GalL C/imt., 1,610. 



— 64 — 

ordre qn'k celles d*uû ordre étranger, laissaient le 
champ libre aux usurpations des barons et même de 
l'archevêque d'Arles. Clément IV, qui était né à Saint- 
Gilles et avait toujours montré beaucoup d'attachement 
pour Mon tma jour, rappela ce prélat k ses devoirs et 
consacra l'exemption du droit de visite en faveur du 
monastère (4 ) » 

Il mit fin aux compétitions qui s'étaient élevées en 
plaçant à la tête de Tabbaye un homme issu d'une noble 
famille, Bernard de Montemirato, dont il connaissait le 
mérite et qui avait fait à Aniane l'apprentissage de la 
vie religieuse. Nous voyons ce nouvel abbé rendre en 
1274 une sentence arbitrale entre Bertrand, évêque de 
Toulouse et l'abbé de Moissac, au sujet du monastère de 
Leza t. Bernard vécut presque toujours à Rome, et fut 
en 4286 nommé évêque de Tripoli-de- Barbarie (2). Les 
religieux que ne retenait plus la vigilance de leur pas- 
teur, se relâchaient peu à peu de la rigueur de leurs 
observances. Déjà la coutume d'user d'aliments gras 
trois fois par semaine s'était établie dans la maison, et 
la communauté, se plaignant de l'insuffisance de la 
nourriture, avait fait affecter la bourdigue de Venroz ^ 
l'approvisionnement de sa table (3). 

En Tabsence de Bernard de Montemirato. Bérardde 
Reillane, prieur de Carluc, qui le remplaçait, donna à 
Bertrand de Baux, comte d'Avelin, l'investiture d'une 
partie de la ville de Pertuis, le 27 avril 4286 (4). L'abbé 
avait déjà acheté les droits des enfants de Guiraud de 



(1) Bulle datée de Pérouse, le 23 avril 1269 et adressée à l'évêque 
de Béziers. 

(2} Il avait assisté cette môme année à l'élection de Raimond 
Régis, ^.bbô de Saint-Gilles {France Pontificale, p. 773). 

(3) Délib. capitul. 27 nov. 1271. Arch. dép. 

(4) Cet acte au n« 45, Ch. de Pertuis. — V. Arch. dép., C. des 
comptes Reg. n° 16, î" 59, Armoire du Juge mage. 



- 62 — 

Sabran , Guillelmet, Bertrandet et Montolîeuve, sur 
cette même seigneurie au prix de 4 3, 000 sous tournois (4). 

Le Pape Clément IV, par une bulle donnée h Viterbe, 
le 14 juin 1268, révoqua toutes les aliénations et con- 
cessions de droits quelconques, consenties pendant la 
vacance de l'abbaye (2). Par une autre du 17 août de la 
même année, il attribua h la maison hospitalière de 
Saint-Antoine les dons et legs faits à l'église du 
prieuré. Ce sanctuaire fut honoré de la visite de Charles 
d'Anjou, en 1271, et de celle de Thibaud, roi de Na- 
varre, en 1286 (3). 

Nous voyons Bernard de Montemirato acquérir de 
Raimond Regannas et de Marguerite de Tarascon, sa 
femme, les droits qu'ils possédaient dans le village et 
le territoire de Graveson, au prix de 7,600 sous proven- 
çaux coronats (4). 

Le 5 juillet 1285, Raimond d' Aurons reconnaît tenir 
sous le domaine du même abbé ce qu'il possédait à 
Pélissane (5). 

Quand Bt^rnard fut nommé à Tévêché de Tripoli, Jac- 
ques d'Aiguières, prieur de N. D. de la Mer, fut pro- 
visoirement chargé de l'administration du monastère. 

C'est un moine de Saint-Gilles, assure Chantelou, 



(1)2 avril 1267, Ch. Pertuis, n" 46.— On avait reconnu à ces enfants 
le domaine du Bourguet et de douze de ses habitants, le droit de 
faire un four, la propriété d'une condamine, etc. Transaction du 
24 mai 1263, not. GamelU. Ch, Pertuis, n» 43. 

(2) Une autre bulle du même Pape enjoint à l'archevêque 
d'Arles de s'abstenir de visiter Montmajour. 15 avril 1266. Privil, 
no 41. 

(3) Aimar Falco, 3© partie, chap. 22 et 25. 

(4) Charte du 25 nov. 1279. — Montmajour avait déjà acheté les 
droits de Rostaing* Imberti sur Graveson au prix de 30,000 sous 
raimondins {Ch. Tarascon, n° 39) et ceux de Guillaume, comte de 
Forcalquier pour 25,000 sous. Acte du 7 avril 1213, Ch. Tar<MCon, 
n» 4, Arch. dép. 

(5) Acte dressé par AUamand, notaire. Arch. dép , Ch, Pélissanne, 
n« 12. 



— 63 — 

que l'on choisit ensuite pour lui confier la direction de 
Tabbaye, Etienne de Monteareno. Le premier soin de 
celui-ci, lors de sa nomination (1287), fut d'afBrmer les 
droits de sa maison sur Pertuis : il s'y fit recevoir 
comme seigneur dominant, avec douze de ses religieux, 
posa sur la grande tour de la ville une coule noire 
{atram cucullam), en signe de sa puissance, et fut traité 
par Bertrand de Baux (4), comte d'Avelin, qui, l'année 
suivante, lui prêta hommage pour la moitié de la 
ville (2). 

Nicolas IV adressa à Etienne deux rescrits. Par le 
premier (3), il lui donna le pouvoir de réconcilier la 
grande église de Notre-Dame et celle de Saint-Pierre 
de Montmajour, aussi bien que celle de Saint-Antoine 
en Viennois et les cimetières voisins, si jamais ils 
venaient à être souillés par Teffusion du sang ou toute 
autre cause, pourvu, toutefois, que l'ordinaire eût préa- 
lablement procédé à la bénédiction solennelle de ces 
lieux consacrés. La seconde bulle du Pape (4) lui accorda 
le droit pour lui et ses successeurs de bénir le peuple 
aux fêtes de la Résurrection, de l'Invention de la Sainte- 
Croix et de la Toussaint, quand ils célébraient la messe 
en ces jours-là dans l'enceinte de l'abbaye ou dans les 
églises tributaires de Montmajour. 

Dès la première année de son administration, Etienne 
convoque les moines en chapitre général. Cette assem- 
blée s'applique k réprimer la Ucence qui s'était glissée 



(1) Le 2 mars 1288 — Raimond Pelisserj^, Àrch, dép,. Ch de 
Pertuis, n» 5, et B, 1420. 

(2) Le 2 juin 1289. — Un accord avait, été passé entre eux à 
Tarascon le 8 février précédent. Pertuis, n» 56. 

•3) En date du 21 janvier 1289, Privil, n» 44. — Il reçut encore 
en février 1288 l'hoaimage des habitants de Graveson et celui de 
Hug-ues de Saint-Chamas, pour Cornilion. Gall, Christ., I, 610. 

(4) 8 mars 1289. Privil. n» 45. 



— 64 — 

d^m le monastère, et porte des peiaes contre ceux qui 
se mettent par force en possession de bénéfices. Elle 
défend aux religieux un séjour prolongé à Arles, règle 
certains détails de costume, et confirme la permission 
d'user d'aliments gras à certains jours à cause de Tinsa- 
lubritéde Tair. (4). 

Le 18 juillet 4292, Tabbé de Montmajour abandonne 
à Charles II, roi de Sicile et comte de Provence, les 
droits de pèche et de haute justice à Jonquières-lès- 
Martigues, autrefois concédés au monastère par la mai^ 
son de Fos, Il reçut en échange tous les autres droits 
seigneuriaux de ce fief. (2) 

La sévérité d'Etienne excita contre lui un grand nom- 
bre de moines : conduits par quelques prieurs, ils allè- 
rent jusqu'à porter la main sur lui et à le dépouiller de 
ses livres, de ses divers meubles et des titres concer- 
nant les propriétés et les privilèges de l'abbaye. Après 
avoir commis ces excès, ils créèrent de leur propre 
autorité un cellerier et un prieur claustral. 

Il fallait apporter un prompt remède à cette confu- 
sion. L'abbé et les moines jetèrent en même temps les 
yeux sur Guillaume de Mandagot, protonotaire du 
Saint-Siège, que ses vertus devaient élever plus tard aux 
dignités d'archevêque d'Embrun et de cardinal. Ils le 
choisirent pour arbitre de leurs démêlés (3). 

Ce sage prélat exigea d'abord que les rebelles offris- 
sent à l'abbé une satisfaction complète ; déclara nulles 
et vaines les nominations qu'ils avaient faites, et con- 
damna chacun des prieurs coupables à une amende de 
200 livres, à l'exception de Guillaume de Sabran, 

(1) 2 février 12.91, notaire Pierre Joannis. 

(2) V. Arch. dép. Cour des Comptes, Reg. Perdicis, f» 150. 

(3) Compromis en date du 24 février 1294, notaire Raimond 
Guirautiy . -^ Arch. dép. 



— 65 - 

prieur de Carluc, élu abbé de Saint-Victor de Mar- 
seille (<). Guillaume avait été pendant un ancellerier 
de Mantraajour et il avait formé son neveu, Etzéar, fils 
de son frère Hermengaud, k la pratique des vertus qui 
l'ont fait mettre au rang des saints (2). 

Guillaume de Mandagot, après avoir ainsi rétabli la 
paix entre Tabbé et la communauté, rendit pour réformer 
le monastère une constitution en 16 chapitres, dans 
laquelle il s'étudia à porter remède aux divers maux 
dont il avait découvert les sources. Il faut signaler ici 
plusieurs dispositions de. ce document. Le droit à la 
collation des bénéfices et prieurés est reconnu à Tabbé 
seul ; — défense est faite de nommer k ces dignités des 
personnes étrangères à l'ordre de Saint-Benoît ; — 
l'abbé ne pourra désormais recevoir aucun moine en 
dehors du monastère, bien qu'il prétendit avoir ce droit 
partout ; — les postulants nonvellement admis dans la 
maison ne pourront d'un an entier s^absenter, si ce n'est 
pour une juste cause ; -^ les moines de Montmajour, 
qui, tout en demeurant d'ordinaire dans leur couvent, 
se retirent parfois dans les monastères d'un autre ordre 
dans l'espoir de s'y faire attribuer quelque bénéfice, 
devront être expulsés, à moins qu'ils n'aient été auto- 
risés k passer tout k fait dans cet ordre. — Le droit de 
retirer k certains religieux leurs prieurés ou les admi- 
nistrations qui leur étaient confiées , ne sera plus , 
comme autrefois, subordonné k la haine, k l'injustice, k 

(1) Ruiîî nous apprend qu'il occupa ce poste près de 30 ans, 
qu'il tint quatre chapitres généraux et fut fait ensuite e'vôque de 
Digne. Hist. de Marseille, t. 2, p. 154. 

(2) Saint Elzéar de Sabran fut canonisé par le bienheureux Pape 
Urbain V. Il avait épousé Delphine; dame de Puymichel, de la 
maison de Signe, qui a donné plusieurs bienfaiteurs à Montma- 
jour. Elle mourut en odeur de sainteté le 25 nov. 1360. Urbain V 
en 1363 donna commission à Tarchevôque d'Aix et aux évoques de 
Vairon et de Sisteron pour informer sur sa vie, V. Bouche, Hist. 
de Prov,, 11,305. 



— 66 — 

Tarbitraire ; -^ Tabbé ne pourra eu user qu'en allé- 
guant une cause plausible ; — un chapitre général sera 
tenu chaque année à la Toussaint ; — il sera nommé un 
prieur claustral pour diriger l'abbaye en l'absence de 
son chef; — les prieurs qui changent de résidence ne 
pourront emporter les effets qui leur sont particuliers 
que s'ils ne laissent aucune dette ; — les messes d'anni- 
versaires fondées par les religieux devront être scrupu- 
leusement célébrées ; — de trois en trois ans le produit 
de la dîme devra être affecté aux réparations de l'abbaye, 
dont le séjour est devenu impossible en certaines sai- 
sons et par les temps pluvieux (1). 



VII 



Démêlés de Montznajour avec la maison de Saint- 
Antoine. — Erection de ce prieuré en abbaye soas 
Bonif ace VIII et constitution d*une pension en faveur 
des Bénédictins. 

Etienne fut impliqué dans des difficultés plus graves 
avec la maison hospitalière de Saint-Antoine. Il avait 
fait citer les Hospitaliers devant le Souverain -Pontife ; 
mais on ne donna pas immédiatement suite à l'instance; 
elle fut poursuivie sous Clément IV, Grégoire X et les 
autres Papes qui régnèrent ensuite jusqu'à Nicolas IV . 
Enfin les amis des deux maisons, voyant quels scandales 
naissaient de ces luttes prolongées, et en même temps 
temps quel désavantage elles causaient k l'une et k Tau- 
ire, conseillèrent de choisir pour arbitre Bertrand de 



(1) Constitution du 14 avril 1294. Raimond Guiraudy,- notaire, 
Arch. dép, Privil. n*> 50 — La ratification capitulaire de la sen- 
tence ci-dessus* fut faite le 19 août 1294 et dressée par P. Joannis, 
notaire. Arch. dép, Privil. 51 . 



— 67 — 

l.auguîssel, évêque de Nîmes. Cet avis fut écouté (i), et 
Bertrand, après avoir demandé l'avis de l'archevêque de 
Vienne et de Guillaume, évêque de Turin, trouva le 
moyen de réconcilier les parties en proclamant l'union 
de Saint-Antoine à Montmajour. Cette union compre- 
nait l'observance d'une même règle et une complète 
communauté d'administration et de biens, sans que 
cependant aucune des deux maisons fut soumise k l'au- 
tre et s'absorbât dans celle-ci. Etienne, abbé de Mont- 
majour, aussi bien Qu'Aymon de Montagny, grand- 
maltre de Saint-Antoine devaient conserver jusqu'à leur 
moi t leurs attributions respectives ; mais si l'un d'eux 
venait k prédécéder, ou s'il était appelé k d'autres char- 
ges, le survivant devait réunir, et cela sans qu'il fut 
besoin d'une autorisation, d'une confirmation ou d'une 
élection quelconque, les deux dignités et la direction 
des deux maisons, en prenant le titre à'abbé de Mont- 
majour et de r hôpital Saint-Antoine, La règle de Saint- 
Augustin était imposée aux deux communautés et désor- 
mais les élections des abbés devaient avoir lieu alterna- 
tivement à Saint-Antoine et k Montmajour f2). 

La concorde paraît rétablie ; Aymon et Etienne sem- 
blent, encore la cimenter, le premier en confiant k l'abbé 
la direction des commanderies de Saint-Antoine k Mar- 
seille et k Arles (3) ; Etienne en étendant les pouvoirs 
d' Aymon comme grand-maître (i). Enfin la constitution 
de révêque de Nîmes est soumise au Pape Nicolas IV, 
qui commet quatre cardinaux k l'effet de l'examiner. 

(1) Compromis de mai 1289. Arch. dép., Ch. Saint- Antoirm, 
n» 14. — haxi nous apprend que Bertrand était frère de Bernard 
de Lauguissel, archevêque d*Arle8 et d'André, évêque d'Avignon. 
(Pontifie. Arelat.y à l'article de Bernard ) 

(2) Acte du 15 mai 1289. — 16, Ch. de Saint- Antoine, Arch, dép. 

(3) 17 mai 1289. — Arch. dép, Ch. de Saint-Antoine, no 16 bis. 

(4) 20 mail 289. 



— 68 — 

Maïs le feu couvait encore sous la cendre, et Tin^ 
cendie allait devenir plus terrible que jamais. 

C'est au mois d'août 1290, selon le témoignage de 
M. Tabbé Dassy (1), qu'Aymon de Montagny rompit 
toute relation avec Montmajour. Etienne voyant ses 
plaintes demeurer stériles, investit d'une suprême auto- 
rité sur le prieuré et la maison de TAumône, Graton de 
Châteauneuf, Tun des moines du prieuré, frère d'Aynard. 
Alors les Hospitaliers, excités à la révolte par Tun d'eux, 
le turbulent Pierre de Parnans, entraînent avec eux les 
habitants du bourg; à la faveur des ténèbres ils pénè- 
trent k main armée dans le monastère ; les Bénédictins, 
épouvantés de cette attaque subite, s'échappent à demi- 
nus de la maison, où leurs rivaux s'établissent en 
maîtres. 

Ce n'est point encore le lieu de nous étendre sur la 
controverse qui va s'élever entre Montmajour et sa 
colonie sur la possession des reliques de Saint-Antoine. 
Bornons-nous k dire ceci : l'abbaye Arlésienne a pré- 
tendu que les moines chassés du prieuré avaient apporté 
ces précieux restes dans sa basilique. M. l'abbé Dassy. 
appuyant de son autorité la thèse adverse, s'attache à 
prouver que l'enlèvement du corps sacré ne put être 
fait pendant la nuit où Parnans envahit par surprise la 
demeure des Bénédictins et les contraignit k fuir kdemi 
nus {pêne nudos expellit). 

Mais écoutons la réponse des défenseurs d'Arles: 
bien que l'attaque nocturne du monastère ait été sou- 
daine, on ne peut dire qu'elle ait été imprévue, puis- 
que, selon l'éminent historien de l'abbaye Antonienne 
on avait vu naître depuis longtemps entre les deux 
communautés « des symptômes de troubles menaçants 

(1) V Abbaye de Saint-Antoine en Dauphiné, p. 101 et soiv. 



— 69 — 

Bt gros de périls, » et que « des bruits sourds et confus 
avaient déjà jeté l'épouvante h Montmajour. » Quoi 
donc de plus naturel pour les moines que de mettre h 
Tabri dès les premières menaces les reliques dont ils 
étaient gardiens à l'exclusion des Hospitaliers? 

L'auteur de VAbbaye Saint-Antoine allègue, il est 
vrai, le silence des Bénédictins pendant le XIV® siècle 
pour repousser toute idée d'une translation des reliques 
à Montmajour. On a répondu à cet argument que la 
détermination prise en 4307 par les Antonins de pro- 
céder h l'ouverture de la châsse conservée dans l'église 
Viennoise autorise à croire que les Bénédictins, même 
à une si faible distance de leur expulsion, n'étaient pas 
restés aussi muets que ce qu'on l'assure. 

Lors de la visite de 4 307, disent les adversaires de 
Montmajour, on ne retrouva pas les clés de la châsse de 
Saint-Antoine : on fut obligé d'en briser les serrures, 
et, ajoutent-ils, de rompre les sceaux apposés lors de 
l'inspection précédente en 4237, ce qui rend absolu- 
ment improbable l'enlèvement des reliques. Aymar 
Falco relate l'effraction des serrures, mais demeure 
absolument muet sur celle des sceaux. Il est à regretter 
que les partisans des Antonins ne produisent pas à 
l'appui de leur argument un procès-verbal authentique 
de la visite de 4307 au lieu de l'assertion de Falco, dont 
les Arlésiens pourraient d'ailleurs à bon droit suspecter 
l'entière impartialité. 

Mais hâtons-nous de revenir h notre sujet. 

Aynard de Châteauneuf, héritier du comte Jocelin et 
frère de Graton, dont nous avons parlé naguère, venait 
de conclure avec le grand-maître des Hospitaliers la 
vente du "Bourg-Saint-Antoine. Apprenant qu'on avait 
chassé ignominieusement son frère du prieuré, il prend 
les armes pour défendre à la fois son honneur outragé 



5 



— 70 — 

et les droits de Montmajour. « Il fond aii milieu des 
a tranquilles habitants de Saint-Antoine, frappe sans 
« miséricorde ceux qui ont trempé dans le complot de 
« Pierre de Parnans et s'avance vers le prieuré pour 
« immoler à sa vengeance le grand-maître Aymon et 
« Taudacieux gentilhomme. Dans son emportement/ 
a enfonçant les barrières qu'où lui oppose, il s'est jeté 
« dans l'église comme sur une scène où il pourra poser 
« sa tente : on veut l'en chasser, mais les amis des 
« Hospitaliers sont frappés, dispersés, et le sang coule 
« autour de la châsse de Saint- Antoine. Inutilement 
a les frères de la maison de l'Aumône ont entraîné le 
« grand-maître au fond du prieuré : le terrible Aynard 
« se précipite sur leurs traces; il saisit sans peine sa 
« victime et la charge de chaînes... (1) » 

Il ne lui rendit la liberté qu'après lui avoir posé les 
plus dures conditions. Aymon y souscrivit; mais, devenu 
libre, il se considéra comme dégagé de sa parole et fit 
excommunier le seigneur de Châteauneuf. La guerre fut 
sur le point de recommencer, mais le dauphin Hum- 
bert P', évoquant le litige à son tribunal de Romans, en 
arrêta les préparatifs. Par un arrêt rendu le 18 novem- 
bre 1292, il exigea d' Aynard la confirmation de la vente 
du Bourg-Saint-Antoine, que celui-ci prétendait rési- 
lier, fit prendre sous serment à Aymon l'engagement de 
faire absoudre Aynard des censures portées contre lui, 
et assigna une pension de 300 livres à Gratôn de Châ- 
teauneuf en compensation de son désistement. 

La sentence du tribunal delphinal ne faisait aucune 
mention des droits de Montmajour sur la maison de 
Saint-Antoine. L'abbé Etienne de Monteareno demanda 
son appui à Tarchevêque de Vienne pour les faire con- 

(1) Àbbay9 Samt-Àntoin», p. 105. 



— 74 — 

firmer (4), et mit Aymon en demeure d'exécuter la con- 
vention qui avait déjà consacré Tunion des deux mai- 
sons, ou, sinon, de lui restituer son monastère. 

Aucune réponse ne lui parvenant, il porte devant le 
Saint-Siège ses plaintes sur les traitements ignominieux 
qu'ont subis les moines de Saint-Antoine, sur l'invasion 
du prieuré par les Hospitaliers^ et requiert l'accomplis- 
sement de la fusion consommée en 1289 (2). 

Boniface YIII fait citer en cour de Rome les deux 
parties (3). Ce Pontife qui avait été du nombre des car- 
dinaux précédemment chargés par Nicolas IV de négo- 
cier l'union de Saint-Antoine et de Montmajour, vou- 
lant détruire désormais toute semence de discorde, crut 
devoir affranchir le prieuré du Viennois de la dépen- 
dance du monastère arlésien et l'ériger en abbaye 
séparée, exempte delà juridiction def l'ordinaire, en lui 
soumettant la maison des Hospitaliers. Toutefois, pour 
que Montmajour n'eût pas à souffrir de ce démembre- 
ment de ses droits, le Pape lui assigna une pension de 
•I ,300 livres tournois (twonensium parvorum) que l'abbé 
de Saint-Antoine devait payer chaque année, à Nîmes, 
sous peine de perdre son abbaye (4). 



(1) Àrch. dép. Ch. de Saint^Antoine, n« 20. — Requête adressée 

Ïar l'abbé de Montmajour à l'archevêque de Vienne, en décembre 
295, notaire Guillaume Fausset. 

(2) V. plus haut. 

(3] Bulle du 14 octobre 1206, adressée à l'archevêque d'Arles et à 
révéque de Marseille. — Cotée 21 à l'invent. ron^e parmi les 
Chartes de Saint'Antoine, 

(4) Bulle datée d'Orvieto, le 10 juin 1297, cotée 23, Ch. de Saint- 
Antoine. Arch, dép. 

La pension créée par cette bulle devint pour Montmajour une 
source de constantes sollicitudes. Ce tribut fut, dans la suite, 
l'objet de divers règlements successifs : le 14 octobre 1315, Guil- 
laume, cardinal-évôque de Préneste, décide que les 1,300 livres 
doivent être divisées en ég'ales parts entre l'abbé et les moines (32. 
Ch, de Saint-Antoine). —Un arrêt de la Cour romaine, rendu le 
8 mai 1331 par Bertrand, cardinal du titre de Sainte-Marie «n 
Aquiro, porte que les Antonins devront payer leur pension sur le 
pied de la valeur des monnaies à l'époque de la constitution et 



— 7^ — 

Etienne de Monteareno Se trouvant malade à Viterbe, 
y fit son testament le 5 janvier 4298. Il manifeste dans 
cet acte le désir que son cœur soit déposé dans Téglise 
des FF. Mineurs d'Arles et que son corps soit transporté 



non selon le cours âxé au jour de chaque paiement (42.. Ch» de 
Saint-Antoine). — Le 27 octobre 1408, le clergé de France, réuni à 
Paris en concile national par ordre de Charles VI, affecta aux 
dépenses du cardinal de Thureyo, qui piégeait au Concile de Pise, 
la pension antonienne que le Pape d'Avignon, Benoît XIII, 
s'était déjk attribuée, et l'abbé Jean Hugolen, malgré ses récla- 
mations fut condamné par sentence du sénéchal de Nîmes , à 
verser la somme entre les mains du cardinal. — Un jugement de 
François de Conzie, archevêque de Narbonne, rendu le 26 janvier 
1411 k Villeneuve-lès- Avignon et un décret du Pape Jean XXIII. 
en date du 14 janvier de l'année suivante, déclarent, comme l'acte 
de 1331, que l'ancien cours des monnaies doit être suivi dans le 
paiement du tribut. — Une sentence abbatiale du 19 juin 1413 
réduit à 210 marcs d'argent les 1,300 liv. tournois de ia pension. 
Malgré l'atténuation de leurs charges, les Antonins refusent 
de payer Montmajour. Se voyant assignés devant la juridiction 
civile qu'ils pressentant devoir les condamner, ils invoquent 
l'exception d'incompétence et appellent au Pape. Un cardinal 
désigné par le souverain-Pontife défend aux Bônédictiils de saisir 
de leurs demandes les tribunaux séculiers. Mais, pendant ce 
temps, Montmajour, nssuré de l'appui du Roi, citait ses adver- 
saires devant le parlement de Toulouse", qui jif^eait les réclama- 
tions bien fondées. De son côté, Jean Polley, abbé de Saint- 
Antoine, obtenait de Martin V la réduction des 1.300 liv. tournois 
en 1,300 florins. Les Bénédictins, en réponse, assignent les Anto- 
nins à la barre du parlement de Poitiers : une seconde fois Rome 
leur interdit de recourir à la juridiction civile; néanmoins, ces 
tristes conflits continuent encore longtemps. 

A l'avènement de Louis d'Allemand (1431) se renouvelèrent les 
débats relatifs au paiement du tribut. Les Antonins avaient 
réussi à faire ratifier par Eugène IV la bulle rendue en leur 
faveur par Martin V. Montmajour en appela au concile de Bâle. 
qui nomma des commissaires pour décider le différend, puis le 
30 juin 1438 annula les buUes des deux Papes et condamna l'abbé 
de SalQt-Antoine à s'en tenir désormais à la dernière sentence 
arbitrale. V. Ch. de Saint- Antoine, n» 180. —Les arrêts des par- 
lements de Paris (5 juillet 1436) et de Poitiers (5 août 1438) confir- 
mèrent aussi Montmajour dans ses privilèges. —V. Ch, de Saint- 
Antoine. n«* i74 et 19p. 

Les Antonins reçurent avec les plus mauvais traitements les 
envoyés qui venaient leur signifier à la fois tous ces jugements 
si défavorables pour leur cause. Lo Concile, à la prière de Louis 
d'Allemand, frappa d'interdit l'abbaye Viennoise et la région envi- 
ronnante. (V. Ch. de Saint-Antoine, n«« 178, 180, 186 et 191.) Mais 
le Pape Eugène IV, sollicité de son côté par les rivaux de Mont 
majeur, dépouilla Louis d'Allemand de tous ses bénéfices et frappa 
do nullité les décrets rendus par le Concile en faveur de l'abbaye. 
Cette assemblée maintint sa décision, et, le 8 mai 1442, un arrêt du 
parlement de Paris fixait par provision la pension à 205 marcs 
d'argent. 



- 78 - 

« 

àSâaQt-Gilles. Il fonde de plus deux anniversaires, Tun 
dans ce monastère, l'autre dans celui de Montmajour (4). 
U itiourut le 6 janvier et son corps fut inhumé dans le 
cloUre de cette dernière abbaye, comme Tatteste un 
antique obituaire. 

Ce fut Bertrand de Malsang, prieur de Martigues, issu 
d'une ancienne et très-noble famille d'Arles, qu'on 
appela à lui succéder (i). Cet abbé reçut en mars 4298 
rhommage de Raimond d'Aurons, pour Pélissane. Le 
i 6 octobre de l'année suivante, il prêtait lui-même ser- 
ment de fidélité au roide Sicile. Nous le voyons nommer 
en 1308 Jacques de Malsaog, prieur de Correns et don- 
ner procuration, le il octobre 1315, à Pierre de la 
Tour, pour négocier l'union de Tabbaye de Lure k 
Montmajour (3). 

11 avait obtenu le pouvoir de relever les moines des 
censures qu'ils avaient encourues et de conférer cer- 
tains bénéfices (4). Le 13 janvier 1304, il avait été solen- 
nellement reçu dans la ville de Pertuis et son château 
par le bailli et le clavaire du roi de Sicile. 

Bertrand de Malsang mourut au mois d'août 1 31 6 Un 
magnifique tombeau, chef-d'œuvre de style gothique 
fleuri, lui fut élevé dans le transsept de l'église (5). Tout 

(1) Rostaîng Fustery, notaire, Ch. du CastelUt, n°29. Arch. dép. 

(2) Pithon-Curt (ms«. dé la Nobl.duComtat Ken., t. 1, p. W, croit 
cette maison oriorinaire des environs de Carpentras. Il cite parmi 
ses membres: Geoffroy, damoiseau, s^^igneur de Menamènes en 
IlOO; Pierre, qui était à la suite d'A/lphonse, comte de Toulouse, 
lorsqu'il fatiflâ en 1140 la donation de l'église de Touzon à l'abn 
baye de Saint-André-lès-Avignon ; Rostaing, qui figure au testa- 
ment d'Ermessinde, comtesse de Melgueil, en 1176, etc., etc. 
Armes de Malsang: « De gueules treillh'^c Vargent^ les claireS'^oies 
semées de croissant» 4u même. » 

(3) Gaîl. Christ.,Um. 

(4) 29 mars 1303. 

(5) A là RéyolutioQ. on trouva dans ce tombeau la magnifique 
crosse de Bertrand. Elle est aujourd'hui déposée à. Paris, dans la 
salle des antiquités du Moyen- Age et de la Renaissance du mu- 
sée historique de ChaHes X. — Y. les Ruines de l'abbaye de Mont- 
majour, par M. Tabbé Trichaud, p. 15. 



— 74 — 

auprès est un autre moaument orné comme le sien de 
Técu des Malsang. 

A la mort de Bertrand, Tabbaye reçut pour chef 
Isnard de Pontevès, d'une des plus antiques et des plus 
illustres familles de Provence (1). Il abandonna pour 
Montmajour la direction du monastère du Mont-Cas- 
sin, berceau de Tordre de Saint-Benoît. Il avait été 
appelé k ce poste, éminent entre tous, dès 1308. Isnard 
mourut en 1317. 

Jean XXII mit l'année suivante à sa place Guillaume 
de Cadolle ou de la Cadolle. Cet abbé se voyant disputeiv 
les plus riches domaines de Montmajour par des pro- 
cès ruineux, fut contraint, de demander au Pape des 
défenseurs pour la sauvegarde des privilèges de Tab- 
baye. Vital, cardinal-évêque d'Albano et Bertrand, 
abbé de Saint-Gilles, furent désignés pour remplir cette 
mission (2). Il nous reste peu de documents sur cet 
abbé Nous savons seulement qu'ayant été reçu à sa 
table en avril 1 31 9, Gaillard, archevêque d'Arles, déclara 
qu'il n'avait aucunement entendu user du droit de visite 
en venant à Montmajour. Il prêta serment au roi Robert 
pour Graveson en même temps que Raimond Gantelmi, 
coseignenr de ce lieu, le 27 juin 1323. Ils nommèrent 
conjointement bailli dans leur seigneurie Michel d'Agre- 
nolo, damoiseau, le 29 septembre 1324 (3). 

Bertrand de Goth, vicomte de Lomagne, auquel Ro- 
bert, roi de Sicile et comte de Provence, avait cédé ses 



(1) La maison de Pontevès a possédé en Provence plus de 
soixante terres nobles et a formé (Je nombreuses branches. Celle 
de Bargôme subsiste seule aujourd'hui. Elle a relevé le titre du- 
cal de 8abran. Pontevès porte : c De gueules au pont de deux arches 
d'or, maçonné de table; écartelé d'cr au loup ravissant d'anur lampassé 
et armé de guettes, qui tst d'Agoult» 

(2) 12 avril 1318. — n" 59 Privil. Arch. dép. 

(3) GaU.Christ.,l,^i2. 



— 75 — 

droits sur Pertuis(l), avait récemment refusé à Tabbé 
l'hommage qu'il lu^ devait. La justice civile, saisie des 
réclamations de celui-ci, ne trancha pas le différent ; il 
fallut que les évoques d'Albano et de Troyes intervins- 
sens pour y mettre un terme. 

Jean XXII retira à l'abbaye les églises de Saint - 
Pierre à Saint-Remy et des SS. Hilaire et Véran, 
pour en doter la cathédrale d'Avignon. Comme foible 
compensation, il donna h Montmajour celles de Saint- 
Remy de Ventabren, de Saint-Michel de la Voulte etde 
Saint-Julien d'Eguilles. 

La mort de Guillaume de Gadolle survint en 1328, 
et la direction du monastère fut confiée à Raimond de 
Boulbon par Jean XXII, qui siégeait alors à Avignon et 
se réservait le droit de collation à ce siège (2) . 

Quelques années après, Benoît XII rendait une cons- 
titution dans le but de renouveler dans Tordre de Saint- 
Benoit l'esprit de discipline. Il choisit pour assurer 
l'exécution de son ordonnance dans les provinces d'Aix, 
d'Arles et d'Embrun l'abbé de Saint- Victor, de Mar- 
seille (3), et Raimond, abbé de Montmajour (4). 

Le 1 4 mai 1 337, en vertu de la constitution du Sou- 
verain-Pontife, ces commissions convoquèrent à Manos- 



(1) 12 octobre 1319. — Requêtes contre Bertrand de Goth. au 
sujet du cens dû par lui à Montmajour (15 octobre 1310). Ch. 
Pertuis, n»» 70 et 71 . — Présentation au juçe-mage de lettres du 
roi Robert pour faire prêter hommage au même. Avignon, not. J. 
Peyronet, 12 févr. 1319. Ch. Pertuis^ 76. — Aulres lettres dans le 
même but, Filhary, protonot , 12 octobre 1310, n*» 79 ibtd» 

(2) Bulle datée d'Avignon, le 14 novembre 1329. — Inv. rouge, 
Privil. d« Montmajour, n* 61. Ârch. dép, — Une autre bulle du 
môme permet aux abbés de Montmajour d'aller à Avignon et d'en 
revenir sans visiter le Pape et sans prendre congé de lui (24 mai 
1332). PrivU. n«63. — Procès-verbal de l'entrée à Pertuis ae Rai- 
mond, le 19 novembre 1335, not Raimond Rodelly. 

(3) Arch, dép Privil. n» 62. — L'abbé de Saint-Victor est appelé 
GirbertiAs; c'est Gilbert de Cantabrio, plus tard évêque de Rodez. 
Cf. Gall. Christ. ^ loc. oit. 

(4) Bulle datée d'Avignon, le 13 septembre 1336. 



•«» 78 -wv 

que un chapitre provincial des maisons bénédictines, 
où furent présents les abbés de Lérins, de Saint-André 
et de Saint-Pierre de Vienne, de Cruas, de Saint- André- 
lès-Avignon et de Saint-Eusèbe d'Apt. Après avoir tenu 
cette assemblée, Gilbert et Raimond parcoururent tous 
les couvents de la Province et, au mois de novembre, 
leur tournée terminée, ils convoquèrent à Montmajour 
un nouveau chapitre. 

On voit Raimond luttant contre les empiétements des 
Arlésienssur les marais voisins du monastère, et reven- 
diquant la juridiction du Gastellçt contre les officiers 
du roi (1). 

VIII 

Le comte de Provence est dispensé de rendre hommage 
à l'abbé pourPertuis. —Attaque du Gastellet par les 
Arlésiens. — Invasion du monastère. 

Le vicomte de Lomagne, dont il a été question plus 
haut, et, après lui, le duc de Calabre, qui avait possédé 
la moitié de Pertuis en vertu d'une donation du roi de 
Sicile, s'étaient affranchis de l'hommage qu'ils devaient 
à Tabbé de Montmajour et de la preatation de toute 
redevance (2). Quand cette seigneurie tomba dans le 
domaine de la couronne, Raimond réclama devant les 

(!) Arch, dép. Ch. du Castellet^ n° 37. - Compromis entre 
Montmajour et la communauté d'Arles 8ur la limitation du terri- 
toire du Castellet, P. Romyeu, notaire, du 13 novembre 1331. — 
Ibidem, Sentence d'excommunication rendue par l'otBcial d*ArleB 
contre les ofiSciers royaux d'Arles, 1334. — Sentence du même 
ordonnant aux officiers royaux d'abattre les potences qu'ils ont 
fait élever au Castellet, au mépris des droits de Montmajour. P. 
Rodulfi, not., 15 févr 1336. 

(1) Voyez cependant, Ch. de Pertuis^ n* 99, les lettres du roi 
Robert déclarant qu'il a soumis le vicomte de Lomagne à la 
prestation d'un cens de 8 marcs, 5 onces argent et 50 saumées fro- 
ment et seigle (16 février 1332) — Voy. n» 103. d'autres lettre^ 
du même prince datées de Najples, 20 décembre 1334 et limitant 
les droits respectifs de Tabbe et du vicomte sur Pertuis. — Et 
enfin, n» 112, les lettres du sénéchal adjugeant définitivement ce 
cens à Tabbé. 



-^ 77 - 

officiera du roi, mais oe fut en vain. Il obargea alors 
deux de ses religieux de se présenter en personne de- 
vant ce prince et de lui signaler le dommage qui résul* 
tait pour Montmajour du mépris de ses antiques droits. 
Ces plaintes furent examinées par plusieurs seigneurs 
et jurisconsultes; ils décidèrent que le roi, comte de 
Provence, k cause de la majesté du trône, ne serait pas 
tenu de prêter hommage (1) ; mais ils maintinrent pour 
l'abbé le droit de placer, en signe de son pouvoir domi- 
nant, une coule noire sur la citadelle de la ville. Confor- 
mément k cette décision, Baimond fut reçu à Pertuis 
en grand appareil par le clavaire royal le 20 novembre 
4335. Il mourut au mois de mars 1338. 

Pierre de Ganillac (2), son successeur, affirme comme 
lui la puissance majeure de Tabbaye sur Pertuis. Il fait 
son entrée dans cette ville le 7 mars 4 349 ; Tannée sui- 
vante il exigea du viguier royal Thommage de fidélité 
que cet officier lui refusa, n'ayant reçu aucun mandat 
à cet eflfet. 

Pierre fut appelé par Innocent VI au siège épiscopal 
de Saint-Pons en 1 352, puis à celui de Maguelonne le 
\^ février 4361. Deux anniversaires sont fondés k 
Montmajour pour le repos de son àme (3). 

Le trentième abbé du monastère est Jaubert de Li- 



(1) Le comte de Provence juge indigne de lui un acte que les 
rois de France n'avaient pas considéré comme portant atteinte à 
l'éclat de leur couronne : on les vit, en effet, comme comtes du 
Vexin, prêter hommage aux abbés de Saint-Denis. — Pour la rede- 
vance, on trouve des quittances données au roi Robert pour les 
paiements de 1339, 1340 et 1341 ; d'autres à la reine Jeanne pour 
celui de 1344. Ch. Pertuis, n»» 109, 110, Ul et 115. 

(2) CaDillac porte : « D'argent au lévrier de sable rampant, eoUeU 
d!ûr^ > — La France pontificale dit que Pierre était fils de Guil- 
laume de Canillac et de N. de Deaux, soeur du cardinal Bertrand 
de Deaux. 

mXHlih, çapitul. 21, novembre 1367. Notaire Pons Eedellj, 
Àrch dip, Privil. 72. 



- 78 - 

vron (t). On sait seulement qu'Innocent VI lui en confia 
la direction en 1 352. 11 était auparavant à la tête de Tab- 
baye de Saint- André-lès-Avignon. Il fit son testament à 
Villeneuve, le 13 juin 1361, et élut pour sa sépulture 
l'église de Saint- André. 

Le nom de Raterius, de Limoges, figure sans aucun 
détail au catalogue des abbés de Montmajour. 

Louis de Bollène, d'abord abbé de Saint-Sylvestre de 
Nonantula, au diocèse de Modène, est son successeur 
immédiat (2). 

Pierre de Bagnac, d'une famille du Limousin, réfé- 
rendaire du bienheureux Pape Urbain V, et moine de 
Cluny, fut appelé à l'abbaye de Montmajour par le môme 
Pontife le 4 octobre 1363. 

Il obtint de la reine Jeanne la reconnaissance de la 
haute juridiction qui appartenait au monastère sur le 
Castellet (3), et lui avait été déniée par les officiers de la 
reine k Arles. A cette nouvelle, les Arlésiens envoient au 
Castellet une troupe nombreuse et bien armée, qui le 29 
décembre à la faveur de la nuit, s'empare du château, 
charge de fers les quelques moines qui s'y trouvaient et 
avec eux les serviteurs de l'abbaye, que Pierre de Bagnac 
avait commis à la garde de la place, et ravage tout le 
territoire environnant. L'abbé se^plaint au sénéchal de 
Provence, Raimond d'Agoult, qui charge Gautier d'Ul- 
met de faire rentrer les rebelles dans l'obéissance. Ceux- 



(1) L*ancienne famille dauphinoise de LIytod, à laquelle appar- 
tenait peut-dtre cet abbé, porte pour armes : c D*argmt à 3 
fasceide gueules; au franc quartier awii d'argent, chargé d'un roc 
d'échiquier de gueules » 

(%) Le 30 juillet 1178, Raimond de Bollône, archevêque d'Arles, 
avait couronné roi d'Arles à Saint Trophime, Philippe, troisième 
fils de Frédéric Barberousse. — V. Counmne d'Arles, p. 285. 

(3) Lettres datées de Naples en Juillet 1365. — Àrch. dép, B. 
Cour dês comptés, 558. 



— 79 - 

ci méprisèrent les ordres du sénéchal et se prétendirent 
autorisés par le juge d'Arles. 

Le domaine de Pertuis fut encore, sous l'administra- 
tion de Pierre de Bagnac, l'objet de nouvelles contesta- 
tions. Guillaume Roger de Beaufort, vicomte d^ Turenne, 
qui en avait reçu Tinvestiture de Louis de Tarente et 
de la reine Jeanne (4 ) prétendait avoir en cette place le 
droit de justice à tous les degrés, et revendiquait pour 
lui seul le privilège d'entretenir une garnison dans le 
château et de veiller h la garde de la ville. L'abbé récla- 
mait au contraire l'exécution stricte des conventions 
passées en <2i2 avec le comte de Forcalquier. Le 11 
août 1 366 les parties choisirent pour arbitre l'évêque 
d'Avignon, Anglic de Grimoard. Il décida le 19 février 
1 367 que la garde de Pertuis serait alternativement faite 
par les hommes d'armes de Guillaume et ceux de l'abbé ; 
le droit de justice à tous les degrés fut reconnu aux deux 
coseigneurs ; mais quant à l'exercice de ce droit, on 
reconnut au vicomte seul le pouvoir d'exécuter les pei- 
nes entraînant l'effusion du sang ; toutes les proclama- 
tions et publications faîtes dans la ville durent l'être au 
nom de Guillaume et de Tabbé (2). 

Le 22 septembre 1 358, le pape Urbain V décora Pierre 
de Bagnac de la pourpre romaine, avec le titre de 
Saint-Laurent in-Damaso; mais il ne jouit pas longtemps 
de cette haute distinction : Ciaconius place sa mort en 
1370. Cet auteur lui donne le nom de Chinac et le titre 
de comte de Périgord. D'autres disent qu'il fut évêque 
de Castres (3). Les actes de Montmajour l'appellent 



(1) Àrch. dép. B, Cour des comptes, 541. 

(2) Sentence rendue à Montpellier le 19 février 1367. 

(3) Il fut en effet nommé et sacré évêque de Castres, mais par 
erreur, car le titulaire vivait encore. En compensation du siège 



(»>Qstamment de Bagnae, et ne lui donnent que là simple 
qualité de référendaire du Saint-Siège. 



IX. 



Pons de Ulmo. — Construction de la Tour de Montma- 
]our — Benoît XIII nommé abbé Jean Hugolen. — lia 
vicomte de Pertuis est donnée au maréchal de Bou- 
cieault. — : Lottis d'Allemand obtient du concile de 
Bâle un décret contre les Antonins. — Il est dépouillé 
de l'archevêché d'Arles et de l'abbaye de Blontmajour 
par le pape Eugène IV et restitué dans ses dignités 
par Nicolas V. 



Pons de Ulmo, moine de Saint-Victor de Marseille (1), 
fut appelé par Drbaîn V à Tabbaye de Montmajour, le 
26 octobre 1368. 

Debout, les mains jointes et la tête nue, il fit hom^ 
mage-lige à Raimond d'Agoult, sénéchal de Provence, 
reconnaissant tenir sous la majeure et suprême domina- 
tion de. la Reine Jeanne la moitié des seigneuries de 
Graveson et de Pertuis, celle du Castellet en entier, les 
places de Correns, du Val, de Pélissane, etc. (2). 

Pons voulut encourager chez les moines confiés k sa 
sollicitude des études auquelles Texiguité de leurs res- 
sources ne leur permettait pas de se livrer. Il affecta des 
sommes plus considérables à cette destination, et créa k 



âa*n f^it oblig'é dé nésigner, le Pape lai donna le chapeau de car- 
inal. Nous devons ce curieux détail à M. l'abbé Albanôs, dont 
rérudition a trouvé en défaut sur ce point le judicieux Baluze. 

(1) On voit dans Ruffi [Hist. de Marseille, t. 2, Ih. Xhchap.III), 
qu'il avait été cellerier et grand vicaire de Saint-Victor. Il en fut 
même élu abbé à la mort dTStienoe Albert. 

(2) Le S Novembre 1369— Y. Àrch. Dip., B, Cour des Comptes, 5^ 



— 81 — 

Montpellier, dans une maison qu'il avait achetée d'An- 
dré de Ros (< ), un établissement pour ceux qui vou- 
draient se consacrer aux travaux de l'esprit. 

Voulant assurer la sécurité du monastère, le même 
abbé entreprenait plus tard la construction de la grande 
et magnifique tour que Ton admire encore aujourd'hui. 
La guerre qui désolait alors la Provence (2), lui en 
inspira sans doute la pensée. Les religieux avaient été 
contraints d'abandonner leur maison, car les Artésiens, 
désirant empêcher leurs ennemis de s'établir dans une 
position aussi voisine de leur cité, y avaient mis bonne 
garde. Non contents de chasser les moines de leur de- 
meure, les soldats, habitués aux rapines, les avaient 
rançonnés de toute façon, et avaient pris et brisé les clo- 
ches. On redoutait en outre une descente des Anglais 
en Provence, et les Etats convoqués par la reine Jeanne 
avaient décrété la construction de plusieurs forteresses. 
Cette tour servit plus tard à repousser les attaques des 
Artésiens révoltés. 

Selon Chantelou, Pons exerça pendant quelque temps 
conjointement les fonctions d'abbé de Saint^ Victor et de 
Montmajour. 11 mourut en 1 382. 

(1) Acte reçu par Ribes, notaire à Montpellier, le 27 Mars 1369. 
Ch. de Montmajour^ n» 73, Arch. Dép, 

(2) « Louis d'Anjou, plus tard comte de Provence ayant en son 
« gouvernement une puissante armée qui revenait victoûeuse 
« d'Espagne, où elle avait fait prisonnier Pierre le Cruel.. . atrbée 
€ concfuite par Bertrand du Guesclin... la voulut employer à 
« l'avantage de la France, et pour satisfaire à son ambition il passa 
u avec elle le Rhône le mois d'avril de l'an 1368 et s'en vint atta- 
« quer les villes de Tarascon et d'Arles, comme les çlus voisine^ 
« de son gouvernement, espérant après les avoir prises, comme 
« les plus fortes, de venir facilement à bout du reste de la Pro- 
« vince. 

« ... Je trouve en quelques mémoires écrits dans ce temps-là 
« qu'elle (la guerre) commença le ti^bisième jour de mars et dura 
« jusques à la fin d'octobre suivant où il y eut des trôves suivies 
« d'une paix, et particulièrement que l'onzième jour d'auril, troi- 
* sième fesle de Pâques, la ville d'Arles fut assiégée et le premier 
« jour de may suivant le siège en fut levé. » 

Bouche, Hist, de Prov. L 2, p. 384; 



— 82 — 

Les droits de Guillaume Roger de Beaufort, vicomte 
de Turenne, sur la ville de Pertuîs avaient passé k son 
fils Raimond. Ce seigneur, à la mort du pape Grégoire 
XI, son oncle, avait déclaré la guerre au pape d'Avignon 
Clément VII (Robert de Genève) et au roi de Sicile Louis 
d'Anjou, et ravagé toute la Provence. La paix fut signée 
sous les auspices du roi de France Charles VI, en pré- 
sence de Jean de Poitiers, 'évêque de Valence, et de 
Louis, son frère, comte de Valentinois, choisis pour 
arbitres par les belligérants. Clément VII dut, en vertu 
de leur sentence, payer à Raimond 60,000 livres* Il en 
compta aussitôt 30,000, et, pour garantir le paiement 
du reste, il donna en gage au vicomte plusieurs terre» 
parmi lesquelles Pertuis et Pélissane. Raimond, malgré 
la paix jurée, recommença bientôt les hostilités et accu- 
mula ruines sur ruines (1). Clément fulmina contre lui 
une sentence d'analhème que renouvela ensuite Benoit 
XIII, et le comte de Provence confisqua ses biens au 
profit de la couronne. 

Pierre (2) et Raimond d'Aurons (3) avaient reconnu 
la haute juridiction de Tabbé de Montmajour sur Pélis- 
sane et Jean de la Garde, ou de Gardia, chevalier, eo- 
seigneur de cette place, avait transigé avec lui (4). 

Un moine limousin du nom de Pierre, que certains 
auteurs (5) qualifient abbé de Salnt-Barthole, administra 
Montmajour par procureur pendant deux ans environ. A 



. (i) y. Bouche, Hist. de Prov, t. 2, liv, IX, La résidence des abbés 
de Montmajour au Cas^let fut détruite par les soldats de Rai- 
mond à la reprise de la guerre. 

(2) Le 13 Août 1369. — 25, Charte^ de Pélissane. 

(3) Le 27 septembre 1369. 

(4) Voy. Arch. Dèp.,B< Cour des Comptes, 571, cette transaction en 
date du 21 octobre 1370. Jean de ia Garde était de la même 
famille que Guill. de Gardia, archev. d'Arles. (GalL Christ. /.) — 
La source de ses droits sur Pélissane se trouve aux Arch, Dép,^ B.^ 
Cour des Comptes, Reg. Armorum, /^ 318. 

(5) Dom Estiennot, Fragm. Iiist. 



uJ 



— 83 — 

sa mort, Clément VII qui siégeait alors à Âvigaon, 
retint pendant quelque temps les revenus de Tabbaye, et 
en confia l'administration à un religieux appelé Ber- 
nard Odoli. 

Cependant en 1 385, il nomma abbé Faydit d'Aigre* 
feuille, évêque d'Avignon et cardinal (1). Ce prélat ré- 
clama Tannée suivante la dlme de Pertuis et de son ter- 
ritoire. Il mourut à Avignon le 2 octobre 1391 et les 
affaires de l'abbaye pendant la vacance du siège, furent 
dirigées par rarchevéque de Toulouse, camérier de 
Clément 

Galéot Tarlat, originaire de Petramala dans la Calabre 
citérieure, mais né à Arezzo en Toscane, fut ensuite 
chargé de l'administration du monastère. Il avait été 
nommé par Urbain VI cardinal du titre de Sainte-Aga- 
the inr-Suburra. Néanmoins il se détacha de son obé- 
dience et reçut en récompense de Clément VU le titre 
nouveau de Saint-Georges ad Vélum aureum. Il mourut 
selon les uns à Assise, selon les autres à Avignon, en 
1396 ou 1398. (2). 

Benoît XIII (Pierre de Lune) qui fut élu à la place de 
Clément VII par les cardinaux de l'obédience d'Avignon, 
retint h la fois l'archevêché d'Arles et Montmajour. Il 
choisit pour son procureur en cette maison le prieur de 
Saint-Geniez de Manigues, Jean Hugolen, pour lequel il 
avait une grande affection. Le 5 février 1 404, il se rendit 



(1) P'Aigrefeuille porte : D'azur, à 3 étoiles à 6 rais d'or, 2 eM. 
au chef de gueules y à un orle d'argent chargé de U besants de sable 
brochant sur le tout. — Faydit succéda à son frère Raimond comme 
évoque de Rodez ; puis , comme évoque d' Avig'non , à son frère 
Pierre d'Aigrefeuille, sur lequel M. l'abbé Albanôs vient de faire 
paraître une remarquable étude, véritable modèle d'érudition et 
de critique. 

(2) Une bulle de Clément VII, donnée à Avignon le 10 février 
1390, confirme le bail en fief honoraire qu'il avait passé à François 
Francise! pour la terre de Graveson, Arch, Dép. Çh. de Tarascont 
n**47. Il est fait mention de cet abbé dans le Cassian. illustr.^f" 670. 



-- 84 — 

lui-même à Tabbaye et conféra aux moines plusieurs 
indulgences. En reconnaissance de cette faveur, les Bé- 
nédictins, réunis en chapitre, décidèrent que, chaque 
jour, à la messe conventuelle, et à chaque heure, cano- 
niale , sauf compiles, Toraison consacrée serait chantée 
pour ce pontife. De plus, le jeudi de chaque semaine, 
tant que vivrait Benoît, une messe solennelle du Saint- 
Esprit devrait être célébrée pour attirer les lumières 
divines sur ses travaux ; après sa mort on la remplace- 
rait par un service pour le repos de son âme. 

Il envoya k Montmajour le 6 mai de la même année 
Jacques Polleriiy docteur ès-lois, archidiacre de Viviers, 
clerc de la chambre apostolique [i) pour examiner la 
régularité des moines et prendre les mesures nécessaires 
pour la formation d'une bibliothèque. Elle fut bientôt 
créée, et devint en peu de temps, par le nombre et la 
valeur des ouvrages qu'elle contenait, une des plus pré- 
cieuses et des plus riches des provinces voisines : elle 
passa plus tard à la Compagnie de Jésus. 

Foucauld ou Fulques de Rochechouart (2), fils d'Ay- 
mery, seigneur de Mortemartet d'Aydede PierrebufTière, 
figure dans certains actes comme abbé de Montmajour 
à la fin de 1404. Des notes de Tabbé Bonnemant, signa- 
lent qu'il était déjà désigné sous ce titre depuis 1401 (3). 
11 est probable qu'il se démit de sa charge en 1 405. Lé 
10 mai de cette annéej Louis II, roi de Sicile et comte de 
Provence, déclara prendre sous sa protection Jean Hugo- 
len, son prieuré de Saint-Geniez, et les futurs abbés de 
Montmajour. 

Benoit XIII sanctionna cette faveur du prince eu 

(1) La commission donnée par Benoît à Jacques Po^erii Dgurail 
aux écritures d'Aut. Olivary, not., au reg, de l'année 1404, f"» 56. 

(2) L'illustre maison de Rochechouart porte : fascé^ ôndé-enté db 
6 pièces, d* argent et de gueules, 

(3) Pièces des 5 sëpteinbre et 8 octobre, 1401 . 



.*a: 



— 85 — 

appelant le même Jean Hugolen à l'abbaye (t). Ce moine 
était fils de Pierre Hugolen, chevalier, dont le tombeau 
est placé dans la partie du cloître qui est contiguê à 
l'église. 

Jean recourut à l'arbitrage de Pierre d'Acigné, vi- 
comte de Reillane .et baron de Grimaud, pour faire 
reconnaître par les Arlésiens son domaine sur le Castel- 
let. La sentence arbitrale, acceptée par les moines (2), 
fut confirmée en 1425 par Louis III d'Anjou. 

Montmajour fut, par les soins du même abbé, main- 
tenu en possession du prieuré de Carluc. Cette maison, 
unie par Benoit XIII au couvent de Sainte-Marie et de 
Saint-Honorat de Tarascon, est restituée à Jean par 
sentence de FarcheVêque d'Aix, rendue en appel d'une 
décision de l'ofBcial d'Apt (3). 

Le maréchal Jean Le Meingre de Boucicault avait 
épousé la fille unique de Raimond de Beaufort dont les 
conflits avec le roi de Sicile, comte de Provence, ont été 
relatés plus haut. Toujours il s'était montré favorable au 
roi contre le parti du vicomte de Turenne. Ayant aidé 
Louis II et la reine-mère, Marie de Blois, à faire rentrer 
leurs états dans l'obéissance, il reçut en récompense la 
vicomte de Pertuis, Meyrargues, Pélissane, les Pennes 
et Trésémines (4). Il était stipulé que ces places, si Bou- 
cicault et sa femme venaient k mourir sans enfants, 
devaient passer à son frère GeofFroi, seigneur de Boul- 



(1) Bulle datée de Nice, le 16 mars de l'année 1406. — Les Hugo-' 
len, seigneurs de Romanil, portaient: d'or à 3 chevrons d'azur. — 
Robert de Brian son, Etat de Provence^ tome III . 

(2) Le 29 Avril 1408. — Nous trouvons aux archives départ. 
(B. Cour des Comptes, Reg. Crucis Sive novi, f" 138), la sentence du 
sénéchal de Provence adjugeant à l'abbé la juridiction du Cas- 
tellet. — La conârmation de cette sentence par Louis III d'Anjou 
se trouve au même registre, /* 172. 

(3) Le 20 Juin 14U. — Arch, Dép., Ch, de Carluc, n** 54. 

(4) Arch. Départ. Cour des Comptes, Heg. Lividiff'' 112. — Voyez 
Bouche, Hist, de Prov., T. 2, L. IX. 

6 



— 86 — 

bon. Maitre de Pertuîs et de Pélissane, le maréchal 
retint d'abord les droits du monastère ; mais, aussitôt 
qu'il eut reconnu Tinjustice de cette détention, il s'em- 
pressa de les lui rendre. A sa mort, Geoffroi se mît en 
possession des terres énumérées plus haut en vertu de 
lettres d'Yolande d'Aragon, veuve de Louis II (\). Non 
content de recueillir dans la succession de son frère la 
moitié du domaine de Pertuis, il empiéta en outre sur 
la portion qui appartenait à Montmajour, et s'attribua la 
dlme de la ville, déclarant qu'elle servait de gage au paie- 
ment des 20,000 livres encore dues à Raîmond de 
Turenne. 

Jean Hugolen protesta contre cette prétention. Le 
débat, d'abord soumis k l'arbitrage du comte de Valen- 
tinois, fut ensuite porté devant l'ofTicial d'Aix, et plus 
tard devant un commissaire du Saînt--Siége qui excom- 
munia Geoffroi. La justice civile eut enfin à statuer sur 
cette cause : elle décida que Geoffroi devait rendre k 
l'âbbaye une partie de la juridiction et des revenus de 
Pertuis et de Pélissane (2), et chargea Antoine Isnard, 
conseiller du roi, de remettre le procureur de l'abbé en 
possession de ses droits. La mort de Geoffroi, bientôt 
suivie de celle de Jean Hugolen (3), amena la fin de ces 
longues dissensions, et, le 18 novembre U30, un accord 
fut passé entre le prieur claustral de Montmajour, et, 
d'autre part, l'évêque de Viviers, neveu du seigneur de 
Boulbon, et Jean de Champeroux, son ami, au nom d'Isa- 
belle de Poitiers, veuve de Geoffroi (4). 

Saxi, dit que Jean de Broniaco ou de Brogny, arche- 

(!) Du 20 Février 1421. — Arch. Départ., C. des Comptes, Reg. 
Cruds sive Nom, f» 109. 

(2) Le 22 Août 1427. 

(3) Le 12 Septembre 1430. 

(4) Acte dressé par J. de Augerio, notaire d'Avignon. — Areh. 
Dép., Ch de Pertuis, 180. 



— 87 — 

vêque d'Arles, fut aussi abbé de Moatmajour. Chantelou 
croit que c'est une erreur. En effet il n'a pas précédé 
Jean Hugolen, puisque V Abrégé chronologique et hiêto- 
riqfie de Yiala assure qu'il ne fut élu qu'en 1412, tandis 
que la nomination de Jean Hugolen remonte à 1406. Il 
n a pu non plus lui succéder, puisque Hugolen lui a sur- 
vécu de plusieurs années (1). 

A la fin de 1431 Louis d'Allemand (2), cardinal et 
archevêque d'Arles, fut appelé par le pape Eugène IV h 
administrer l'abbaye. Nous avons vu plus haut que ce 
prélat avait obtenu du concile de Bàle des décrets contre 
les Antonins, et s'était attiré la disgrâce du pape Eugène 
IV. Il sera bon de donner ici sur lui quelques détails 
que nous ne pouvions placer ailleurs. 

Selon le Gallia Christiana (3), Louis d'Allemand 
naquit dans le Bugey, de Pierre, seigneur d'Arbenset de 
Montgeffon, et de Marie de Chàtillon. Saxi dit cependant 
que sa mère était sœur de François de Conzie, archevê- 
que de Narbonne, puis d'Arles (4). Monod, historien 
d'Amédée VIII de Savoie le fait originaire de Saluées. 
Successivement chanoine de Lyon, précenieur de Va- 
lence, évêque de Maguelonne (1418), il fut élu archevê- 
que d'Arles le 19 janvier 1424 et créé cardinal du titre 
de Sainte-Cécile par Martin V. Il était légat à Bologne 

(1) Les armes de Jean de Brogoy sont : d'azur, à la bordure d'or ; 
à la croix patriarcale de gueules Orochant sur le tout. Ce sont les 
mêmes armes que celles de la famille a'Alauzier, au Comtat 
YenaissÎD. 

(2) Louis d'Allemand portait : de sable au lion d'argent, couronné 
et armé de gueules, — Ces armes se voient sur son tombeau dans 
le chœur ae l'église Saint-Trophime et sur une anlique chasuble 
conservée dans le trésor de la même église. Au milieu de la croix 
se trouve Timage du cardinal ; l'écu de sa famille est à ses pieds. 
On lit tout autour cette inscription : Cappa B. Lu. — Ainsi il ne 
portait pas, comme Tout dit certains auteurs, les armes de l'anti- 
que et puissante maison d'Allemand en Dauphiné : de gueules semé 
de fleurs lis dor ; à la cotice d'argent brochant sur le tout. 

(3) I.COL582. 

(4) Pontif. AreL p. 345. 



— 88 — 

lorsque le concile de Bâle fut convoqué. Si Ton en croit 
une lettre adressée par Philippe, duc de Milan, aux 
pères dissidents de ce concile (i), il aurait eu les plus 
grandes difficultés pour se rendre à cette assemblée, où 
il remplit les fonctions de délégué, orator, du roi 
René (2). 

On l'a montré comme Tâme de ce concile : de Sponde 
dît qu'il en était le principal appui, prœcipuum colu- 
wen, et Saxi l'en appelle signiferetduco. A la 1 7"*® session 
du concile, lorsque le cardinal Julien, légat du pape, se 
fut retiré devant le refus d'un grand nombre de Pères 
de se rendre à Ferrare, selon l'ordre d'Eugène IV, Louis 
d'Allemand fut désigné pour présider à sa place. ^Eneas 
Silvius, plus tard Pie II, dit de lui à ce propos : « Ludo- 
« vicus cardinalis et archiepiscopus arelatensis praelatus 
« cum multîs virtutibus insignis, tum prgecipue fortis et 
« constans (3). » Il prit part à l'acte de révolte par 
lequel cette assemblée vota la déposition d'Eugène et 
élut pape Amédée , duc de Savoie , sous le nom de 
Félix V. Mais, s'il fut le fauteur de cet anti-pape, c'est du 
moins k lui qu'on doit de l'avoir décidé à se démettre (4). 
Eugène IV l'ayant dépouillé de toute ses dignités, Jean 
de Beauvau, fils de Bertrand, baron de Précigny, grand- 
maître de la maison du roi René, et de Jeanne de La 
Tour-Landry, fut nommé à la fois k l'archevêché 
d'Arles et a l'abbaye de Montmajour, mais ne fut proba- 
blement point sacré, car on ne le trouve jamais qualifié 
que des titres de protonotaire apostolique, administra- 
teur de l'église d'Arles et commendataire perpétuel de 



(1) Elle est insérée aux Âcta SSorum^ T. V. de Septembre, 16"' 
jour du mois, et à l'Amplissima oollectio de D. Martine, T, VU h 
page 620. 

(2) GdlL Christ. /. 582. 

(3) Comment, sur le conc,. de Bdte, L. I, M 

(4) Gall. Christ., \oc, cit. 



— 89 — 

l'abbaye. Il confia la direction de celle-ci à Robert, évo- 
que de Tibérîade (4). • 

Louis d'Allemand fut rétabli dans toutes ses dignités 
par le pape Nicolas Y à Tautorité duquel il s'était soumis. 
Ce serait là une réponse suffisante à ceux qui prétendent 
qu'il persista opiniâtrement dans son erreur. Doni 
d'Attichi nous retrace de plus le tableau de sa pénitence, 
de ses austérités, de ses jeûnes, de ses largesses, envers 
les pauvres {%). Le décret de sa béatification parle aussi 
de ses mortifications et de sa charité, ce qui semble 
corroborer la preuve. 

Aubéry et Allain Ghartier attribuent à un sentiment 
d'ambition déçue la résistance qu'opposa Louis d'Alle- 
mand au pape Eugène IV. Nous aimons mieux, avec de 
Sponde, attribuer à un excès de zèle et excuser, en quel- 
que mesure, par sa bonne foi, sa conduite au concile de 
Bâle, qu'il croyait sans doute légitime (3). 

Plusieurs auteurs (4) relatent des miracles qui s'opé- 
rèrent sur son tombeau. Nous trouvons notamment 
dans les Acta Sanctorum, mention de la résurrection 
d'un enfant, les guérisons d'un muet, d'un lépreux, etc. 
Clément VII le béatifia ainsi que le cardinal Pierre 
dé Luxembourg par une bulle du 49 avril 4527 (5). 
Un office fut composé en son honneur et inséré au 
bréviaire d'Arles sous l'épiscopat de Jean Ferrier (6). 



(1) Lettre d'Angers du 21 novembre 1446. 

(2) Cf. Acta SSorum., loc. cit. 

(3) Continwit, Annal, Baron. Ann. 1438.— Cf. GalU Christ, loc. cit, 

(4) Notamment iEneas Sllvius, de Europœ statu^ chap, 38; D. 
Estiennot, Fragm. hist,^ T, IX, p. 307 et s.; Saxi, Poniif. AreL, p. 
35i. 

(5) Balle citée par Guichenou, Hist. de Savoie, IW Partie, 

(6) Il y est mentionné en ces termes : 

« Qua die obiit gloriosœ mémorise, B, Ludovicus Alemandi Car- 
« dinalis Arelatensis fiât ofllcium semiduplexcum primis et secim- 
« dis vesperis et omnia dicantur de commun! confeasorum pon- 
a tificum. » L*oraison propre de son office est ainsi conçue : 



— 90 — 

Pendant Tadministration de Louis d'Allemand, en 
1436, on plaça de nouvelles verrières dans l'église de 
Montmajour. J^e cardinal en donna trois et y fit peindre 
ses armes. LHnfirmieràe Montmajour, Pierre Perpinhan, 
Jacques Martin et frère Charolet, clercs du monastère, 
Julien Donine, marchand d'Arles, lasœur de TabbéHugo- 
len, femme du sieur de Romieu, contribuèrent à la dé- 
pense nécessitée par cet embellissement. En cette même 
année, on refondit et on bénit les cloches de l'abbaye (i). 

A la mort de Louis d'Allemand, l'administration de 
l'église d'Arles et de l'abbaye passèrent à Pierre de 
Foix (2), cardinal-évêque d'Albano et légat d'Avignon. 



« Deus qui meritis et intercessioDibus 6. Ludovici Âlemandi. 
« confessons tui, atque urbis arelatensis archiepiscopi et S. Cae- 
« ciliœ presbyteri cardinaiis, digoaris mortuos suscitare, cœoos 
«c iiluminare, claiidis gressum, surdis audiium restituere : con- 
« cède propitius ut omnes qui ejus implorant auxilium petitionis 
a tue salutarem consequantur efifectum » (Saxi, p. 335). 

Son culte fut interrompu plus tard ; Baillet assure sans aucun 
fondement que ce fut à cause des scrupules excités par Tattitade 
du bienheureux pendant le schisme. Le concile provincial tenu 
en 1670 à Arles, par l'archevêque François d'Adbémar de Mou^ 
teil de Grignan, rendit le 19 avril de cette année, un décret qui 
le rétablissait, sauf certaines modifications et fixait la fôte de 
Louis d'Allemand au dimanche précédant la fôte de St-Mi- 
chel. Dans les leçons propres insérées à cette époque à l'office, il 
est dit qu'il fut un champion ardent de la croyance à l'Immacu-* 
lée-Conception de la Sainte Vierge, qu'il embellit le chœur de 
St^Trophime de plusieurs chapellos, et se montra fort généreux 
pour les pauvres. Il mourut à Salon, au mois de septembre 1450* 
Vingt^trois villes se firent représenter à la translation de son 
corps dans sa ville épiscopale. Ses reliques ont été l'obiet de visi- 
tes nombreuses. L'archevêque Jean Jaubert de Barrault les sou- 
met à l'examen d'un médecin le 19 novembre 1632. François 
d'Adbémar de Mon teil hzs inspecte en 1655 et Jean-Baptiste, son 
neveu et son coadjuteur, le 10 mars 1676. Jacques de Forbin- 
Janson donne des portions des reliques du bienheureux aux 
évéques da Montpellier et de Pistoie. Une nouvelle visite fut 
faite en 1752 par Jacques de Grille d'Estoublon, vicaire-général 
de Mgr de Chapelle de Jumilhac, en présence de Jacques-Henrv 
de Grille-Roblac, sacristain, et de Jean-Joseph Haremboure, tré- 
sorier de l'église métropolitaine. 

(1) Notes tirées d'un m. s. sur vélin contenant les Evangiles 
et ayant appartenu à Montmajour. 

(2) Foix, porte : éearUlé aux 1"' et 4» d*or^ à 3 pals de gueules, qui 
est Foix ; aux 2" e^ 3* d*or à 2 vaches de gueules, accomées^ ancornées 
ep clarinées d'azur , qui est Béarn. 



— 94 — 

Pierre était fils d'Ârchambaud de Grailly, captai de 
Buch et d'Isabelle de Foix, héritière du comté de Foix, 
et des comtés de Béam et de Gastillon. Il entra de bonne 
heure dans l'ordre des FF. Mineurs et fut nommé évè- 
que de Lescar. En 1399, il était appelé au cardinalat 
par Benoît XllI (Pierre de Lune), sous le titre de St- 
Etienne au Mont-Célius^ étant âgé seulement de 22 ans. 
Il se sépara de Benoit au concile de Constance et favo- 
risa l'élection de Martin Y. Ce pape l'envoya à deux 
reprises en Aragon comme légat à latere pour détruire 
la ridicule faction de Peniscola. II réussit à faire abdi- 
quer l'anti-pape Clément YIII. Le succès de sa mis- 
sion qui rendit la paix à l'église, le couvrit d'honneur et 
lui valut la reconnaissance du pape. Il le fit légat d'Avi* 
gnon en 1430. On l'y appelait le bon légat. Eugène IV 
le fit en U31 cardinal-évêque d'Albano. En U48, il 
procède à l'élévation des reliques des Saintes-Mariés en 
présence du roi René et de son gendre Ferry de Lorrai- 
ne (1). Le 3 septembre U55, nous le retrouvons bénis- 
sant dans l'église primatîale de St-Trophime, le ma- 
riage du même René avec Jeanne de Laval, avec l'assis- 
tance des évoques de Marseille, de Cavaîllon, de Gap, 
d'Orange, de Sisteron, etc (2). 

L'année précédente et le 15 juillet, il passait avec le 
même prince un contrat (3) en vertu duquel il devait 
abandonner la seigneurie de Graveson contre la moitié 



(1) Nous devons k M. F. Reynaud, élève de l'école des Chartes 
et archiviste-adjoint des Bouches-du-Rhône, la publication du 
récit dç cette élévation, rimé par un contemporain, Jean Ëusta- 
che, (v. Tradition de Stes^Maries ) 

(2) Royale couronne d'Arles, p. 447. — LaLauzière, p. 290. — 
Bouche dit au contraire que cette union fut célébrée à Angers, 
{Hist. de Pr. II, 463) 

(3) Arch. Dépies, C. des Comptes, B. 675 et Reg. Columba, f* 39, 
acte reçu par Pierre Blanqueris. —Cet échange avait été précédé 
d'une estimation de la terre de Graveson qu'on trouve au reg. 
Leonis, Cour des Comptes, 



— 92 — 

de Pélîssane, le château de Montpahon et la Vîsclède, 
appartenant kRené. Il versa entre les mains du Roi 
2300 florins pour faire disparaître les inégalités de Té- 
change; et comme, malgré le paiement de cette somme, 
Tabbaye trouvait dans le contrat de grands avantages, 
il s'engagea k faire célébrer chaque jour k Taube un 
service funèbre k Tautel érigé dans le cloître de Mont- 
majour (1). La faculté de rachat avait été insérée dans 
l'acte pour une année seulement. Le roi voulut en user 
après ce délai (2), mais l'abbé n'asquiesça pas k cette 
tardive demande. 

Le 49 décembre 1454, Esmenarde d'Estienne, ab- 
besse de St-Césaire d'Arles lui céda- en échange de cer- 
tains droits sur Laurade, la montagne de Cordes, précé- 
demment aliénée au même titre par Montmajour (3). 

Pierre usa d'une prérogative exceptionnelle en accor- 
dant des lettres de noblesse k Guillaume de Rissis, de 
Salon, en 1457 (4). Il fonda la même année k Toulouse 
le collège de Foix qui devint très-florissant. 

Il mourut le 1 3 décembre 1 464 et fut enseveli au 
couvent des FF. Mineurs d'Arles. 



(1) B. 675, cour des Comptes, 

(2) 6 septembre 1460. — Nous trouvons cependant au n" 166 de 
l'inventaire rouge, un acte par lequel René signifie k Pierre de 
Foix qu'ilveut exercer le réméré dès le 6 septembre 1456. 

(3) 2 décembre 1259. — Cette charte était cotée 74 à l'inventaire 
rouge. 

(4) V. Fonds Nicolaï, 103-13, Arch. Dép, - Hist. de Prov,, par 
Nostradamus. 



— 93 — 



X. 



Règlements relatifs à la pension antonienne. — Dimi- 
nutions successives de ce tribut. — Innocent VIII 
transforme Montmajour en commanderie générale 
de l'ordre de St-Antoine. — Protestation de Montma- 
jour. 

Pierre de Foix avait obtenu du Dauphin de France, 
plus tard Louis XI, des lettres par lesquelles ce prince, 
pour rétablir la paix entre Montmajour et les Antonins, 
désignait des arbitres pour régler les différends des deux 
maisons. La sentence rendue par ceux-ci réduisit à 
1500 florins d*or, la pension de St-Antoine, et, pour 
réparer le dommage causé à Montmajour par cette réduc- 
tion, unît à l'abbaye les prieurés de N.-D. de Correns, 
de St-6enîez de Martigues et de St- Julien d'Arles (1). 

Cette décision fut confirmée par Nicolas V (2) et par 
Pie IL (3) 

L'abbaye de Montmajour passa aux mains de Philippe 
deLévis, qui avait été appelé à Tarchevêché d'Arles par 
bulle de février U62 (4). Philippe était fils d'Eustache 
de Levis, baron de Quélus et d'Adélaïde de Cousan. 

C'est à la sollicitation de ce prélat que Pie II rendit 
le 1®' février 1463 une bulle déclarant que les 1500 flo- 
rins dus par les Antonins équivalaient h un même nom- 



(1) Lettres du 24 juiUet 1451. 

(2) Bul. du 22 novembre 1451. Arch. Dép., Ch, St-Ant, n" 223. 

(3)B. 23 novembre 1461. — Areh, Dép.. Ch. St-Ant., n* 230. 

(4) V. Gall. Christ.j /, 586. — Baluze donne la lettre par laquelle 
il notifia son avènement au chapitre d'Arles le 2G mars 1463 (Mis- 
cellanea, T. IV), — La maison deLévts, qui n'est pas absolument 
étrangère à la Provence, puisqu'elle a possédé la baronuie de 
Pierrevert, porte : d'oft à 3 chevrons de sable. 



— 94 — 

bro de ducats d'or (1). Plus tard, à la requête de Paul II, 
il fut décidé, après mûr examen par la Chambre Apos- 
tolique, que les moines pourraient faire leur paiement 
en écus de France dont 109 valaient 100 florins. Le 
même pape sanctionna ensuite cette décision (2) .; il 
consomma aussi l'union du prieuré de Correns à Mont- 
majour. (3) 

Son successeur Sixte IV donna à Tabbaye la maison 
des pauvres orphelins d'Avignon et permit à Philippe 
d'y établir ceux de ses moines qui voudraient se livrer 
h l'étude (4). Cette maison appelée jadis N.-D, de Pont- 
frac ou de Yvonio, s'appela depuis par corruption col- 
lège de Dijon. Philippe de Lévis, mourut le 1 3 janvier 
h Rome ou le retenaient les charges qu'il exerçait à 
la cour pontificale et la faiblesse de sa santé (5), Il y 
fut enseveli eu l'église de Ste-Marie-Majeure. Depuis le 
7 mai U73, il était cardinal. 

Son frère Eustache fut nommé à sa place archevêque 
d'Arles. Sixte IV voulut lui-même le sacrer en 1476. Il 
n'avait alors que 28 ans. Il fit son entrée solennelle dans 
sa métropole et reçut dès le 19 juin un hommage pour 
la terre de Montdragon. 

En 1 476, le roi René témoigna le désir de venir dtner 
à Montmajour et ordonna qu'on préparât des barques et 
des filets pour pêcher, « mandet que voliet venir dinar 
a Monmajor ambe la Reyneta, et que hon fessa provi- 
sion de barquas et fiUats per prendre peysson. » La 



(1) Bulle portant le n° 231. Chartes de St-Antoine^ Arch. Dép, 

(2) Bul. 31 mai 1465. — Arch, Dép.-Ch, de St-Antoine, ri» 237. 

(3) Bul. 5 novembre 1470. ^Arch. Dép„ Ch. St-Ant. 

(4) Bulle du 11 septembre 1471, citée par le Gallia Christ, 1, 615. 

(5) Ruffi nous apprend que Philippe était aussi abbé commenda- 
taire de St-Victor de Marseille, mais qu'il n'en prit jamais pos- 
session. (Hi^^ de Marseille, Tome II, p. 162). 



— 95 — 

dépense occasionnée par ce festin champêtre s'éleva à 
Ja somme de 7 florins 1 gros (1 ). 

Eusteche reçut Charles VIII à Arles en 1479 (2). 11 
mourut à Rome comme son frère et fut inhumé au mê- 
me tombeau. C'est sous son épiscopat que le roi René 
confirma les privilèges de Téglise primatîale de St-Tro- 
phime. Comme son frère Philippe, Eustache de Lévis 
était aussi abbé de Montmajour. 

Pendant deux années consécutives les Ântonins s'af- 
franchirent de leur tribut envers l'abbaye. Sommés par 
le pape, sous peine d'excommunication, de payer la 
redevance annuelle (3), ils sollicitèrent l'appui du roi 
Charles YIII. Le roi demanda pour eux à Innocent VIII 
qui venait de succéder à Sixte IV, la suppression com- 
plète de la pension. Ce pontife se borna à en réduire le 
chiffre à 740 florins, et attribua en compensation à l'ab- 
baye arlésienne les premiers bénéfices qui viendraient à 
vaquer dans les ordres de St-Benoit ou de Cluny. (4) 

Ce n'était que le prélude d'une longue et triste guerre. 
Les Bénédictins protestèrent en effet contre la décision 
duSt-Siége. Bien qu'Innocent eût pourvu de l'arche - 
vêché d'Arles et de la commende de Montmajour, Nico- 
las Cibo (5), son petit-fils, (car, avant d'entrer dans les 



(1) Reg:. de Fulquet de Rodes trésorier, aux archives d*Arles. 
M. A. Robolly, ancien archiviste d' Arles, a bien voulu nous 
siprnaler ce document, ainsi que plusieurs autres actes fort inté- 
ressants. Nous somiûes heureux de lui exprimer ici toute notre 
gratitude. 

(2) Selon la France Pontificale, Eustache aurait reçu à Arles, non 
point Charles VIII, roi de France, mais Charles du Maine, neveu 
et successeur du roi René. (V. page 658). 

(S) Bulle du 12 septembre 1483. 

(4) Bulle du30 juin 1487. 

(5) Nicolas Cibo, issu d'une des 28 familles patriciennes de 
Gènes, fut nommé archevêque d'Arles par bulle d'avril 1489. Il 
sécularisa le chapitre d'Arles, soumis par un de ses prédécesseurs 
à l'ordre de St-Augustin, et fit confirmer ses privilèges par Louis 
XII. Il est curieux de voir Bajazet solliciter pour lui auprès du 



— 96 — 

ordres, ce pape avait été marié), l'abbé de St-Antoine 
rinsînuant A. de Brion, profita de l'ascendant qu'il avait 
su prendre sur lui pour libérer son ordre d'une servi- 
tude onéreuse, en lui proposant un moyen : celui de sa- 
crifier Montmajourk St-Antoine. 

a Lorsque les Bénédictins, » dit M. l'abbé Dassy, 
« virent arriver chez eux un courrier porteur d'une 
a bulle d'Innocent (1), qui consommait la fusion des 
« deux abbayes et réduisait Montmajour h devenir une 
« commanderie générale de St-Antoine, après avoir 
« changé sa règle en celle de St- Augustin, quelle terri- 
ble secousse pour le monastère sacrifié 1 » 

Dans une lettre suppliante, les moines arlésiens écri- 
virent au Roi que si l'union projetée « sourtissoît son 
« effect que lesdits de Saint-Antoine feussent seigneurs 
« et maistres de ceux de Montmaior desquelz par avant 
a leur institution estoient subjectz, feussent desfaiz et 
a destruiclz lesdits poures religieux de Montmaior, etc. » 

A la lutte qui va commencer se mêle une controverse 
qui s'est réveillée, de nos jours encore, entre le Dauphiné 
et la Provence : nous voulons parler des prétentions 
contradictoires des deux abbayes à la possession du 
corps de saint Antoine. 

On a accusé les Bénédictins de manœuvres coupables 
et intéressées. On a dit que jamais, avant d'avoir été 
menacés dans leur indépendance et dans leur autonomie, 
ils n'avaient déclaré posséder à Montmajour le corps de 
saint Antoine, et qu'au moment seulement où ils se 
virent sur le point d'être soumis k une maison rivale, 
ils prétendirent se faire avec de fausses reliques une 



pape le chapeau de cardinal. (V. Gall. Christ. — Instrum. eccles. 
Àrel., XXXfl.) Cibo porte : de gueules à la bande échiquetée de 3 tires 
d'argent et d'azur ; au chef d'argent à la croix de giMules. (V. Nobilta 
di Genova, par Agostino Fransone, Gênes, 1636.) 

(1) Juin 1490. 



- 97 — 

arme de guerre, soulever en leur faveur toute la Pro- 
vence et lui faire prendre la défense de leurs intérêts. 

Le savant historien des Hospitaliers s'est attaché à 
prouver Tinvraisemblance ou même l'impossibilité de 
la translation des reliques eri 1290. Les Bénédictins, 
selon lur; gardèrent le silence pendant deux siècles. Il 
a même tiré des termes employés par Chantelou un 
argument en faveur de cette thèse ; et cet argument est 
présenté comme d'autant plus fort que Chantelou appar- 
tenait à Tordre de Saint-Benoît. Mais on a répondu que, 
s'il était bénédictin, cet annaliste n'appartenait pas 
néanmoins k Tabbaye de Montmajour. Il a passé sa vie 
à Saînt-Germaîu-des-Prés, et n'a pas donné à la contro- 
verse qui nous occupe plus d'importance qu'à certains 
autres événements de l'histoire de Tabbaye. 

H est d'ailleurs bien difficile de donner au passage en 
question une interprétation pareille. Rapprochons-le, 
en effet, de celui où Chantelou rapporte que le prieur 
Jean Bérard, chargé de défendre les Bénédictins devant 
l'archevêque de Narbonne, le 14 février 1494, réfute 
leur accusation, en produisant notamment k leur dé- 
charge deux témoignages fort sérieux. Le premier est 
un extrait de saint Vincent Ferrier, disant que les reli- 
ques de saint Antoine étaient conservées dans une abbaye 
voisine d'Arles et entourée de marais, ce qui désigne 
évidemment Montmajour. Le second est un passage des 
Histoires de saint Antonin, plus explicite encore, disant 
que de son temps ces vénérables ossements étaient à 
l'abbaye de Montmajour, et le bras seulement au pays 
de Viennois : « Sed et corpus beati Antonii repertum 
« apud Egyptum, tune temporis Alexandriam cum multa 
« venerationedelatum est. Nuncautem, procerto, corpus 
« eius est in abbatia Montis-Maioris prope Arelate in 
rt provincia Provincise. Et brachium est apud Viennen- 



— 98 — 

« ses, ubi nuac fit coacursus populorum, ut clare patere 
« potest hune processum intrinsecus intuenti. (1) » 

Or, saint Vincent Ferrier étant mort en 4419 et saint 
Antonin en 1 459, les passages dont nous venons de parler 
établissent que, dès la première moitié du xf sièele, le 
fait de la translation des reliques était tenu pour incon- 
testable par deux saints qu'on ne saurait soupçonner 
de partialité. Par conséquent, on ne peut plus dire que 
les Bénédictins ont attendu la suppression de leur abbaye 
en 1 490 pour inventer une supercherie dont la ville 
d'Arles aurait été dupe. La vénération qui entQure ces 
deux saints ajoute plus de poids encore à leurs paroles ; 
nous rappellerons en outre qu'ils appartiennent l'un et 
l'autre non point à Tordre de Saint-Benoit mais bien à 
celui de Saint-Dominique. 

Qu'on nous permette de plus, comme pièce probante 
qui a bien sa valeur, d'extraire les lignes suivantes d'un 
livre de comptes des Prêcheurs d'Arles (2), c'est-à-dire 
du document le plus sec et le plus exempt de passion 
que l'on puisse rencontrer. Elles attestent que la fête de 
saint Antoine attirait le peuple d'Arles en pèlerinage 
dans un lieu voisin qui ne saurait être que l'abbaye de 
Montmajour. A la date du dimanche, 1 7 janvier 1 445, 
folio 94, nous lisons ces mots inscrits par l'économe : 
a Item dominica prima post octavas Epiphaniae, recepi 
« de questa purgatorii vni solides, quia fuit festum 
a b. Antonii, et paucî venerunt ad conventum. » 



(1) 2« Partie des Histoiris de saint Antonin, Titre XII, chap. 5, § xj, 
f> 82, l'*co/. Edition de Jacques Myt, chalcographe. Lvon, 1527; exem- 
plaire ayant appartenu à la Chartreuse de Marseille: il est impri-- 
mé en caractères gothiques et se trouve maintenant à la biblio- 
thèque de Marseille. 

(2) Reg. de compte de 1427 à 1448. Prêcheurs d'Arles. Arch. Dép. 
Ce curieux document nous a été obligeamment signalé par M. 
l'abbé Albanès, à la complaisance et à l'éroditi^on duquel noug 
avons eu plus d'une fois recours. 



— 99 — 

L'auteur de la Notice sur les reliques de St-Antoim, 
à l'exemple de Gagnon, historien d'Arles, du P. Porchier 
et de Guesnay (1), a avancé que, depuis 1290,Montma- 
jour célébrait Tanniversaîre de la translation du corps 
du saint patriarche. L'assertion de ces divers écrivains 
repose sur ce fait : un bréviaire de Montmajour, portant 
la date de 1 51 i, contient à la date du 3® jour des ides de 
juin (leH)une fête de la translation des reliques de saint 
Antoine. Mais les preuves manquent pour faire remon- 
ter la célébration de cette fête avant 1 490. 

On a dit aussi que Montmajour présentait k la vénéra- 
tion du peuple, au lieu du corps de saint Antoine ermite, 
celui d'un saint de Lérins, Antoine Cyrus, dont la fêle 
se célébrait le- 28 décembre et dont Barrai a publié les 
actes (2). 

Cette assertion est détruite par un fait : le corps d'An- 
toine Cyrus était encore conservé à Lérins en 1664, 
^comme nous l'apprend le catalogue des reliques de 
cette abbaye publié par Bouche (3). Barrai cite l'ins- 
cription placée à la porte de la chapelle Ste-Croix a 
Lérins rappelant que les restes des saints Honorât, Ca- 
prais, Vénance, Aygulfe et Antoine y reposent. Il ajoute 
qu'avant la découvertes des actes d'Antoine Cyrus, on 
croyait que cette inscription parlait du corps de saint 
Antoine ermite. 

Ainsi les restes d'Antoine Cyrus n'étaient pas conser- 
vés à Montmajour et n'ont pu être donnés par ses moines 
pour ceux du patriarche des cénobites. 

On peut, après la lecture de ces divers documents, 
conserver des doutes sur le fondement des prétentions 

(1) Cassianus Ulustratus, p. 425. 

(2) Barrai, II" partie, p. 148. 
(3; Hist , de Prov. , I. 295 . 



— 100 — 

arlésiennes. Cependant, avouons-le, k accuser de super- 
cherie un des deux ordres en querelle, nous ne ferions 
pas tomber nos soupçons sur les Bénédictins. Ils n'ont 
pas été, comme leurs rivaux, dénoncés par Innocent III 
comme des voleurs et des trompeurs, des sacrilèges et 
des blasphémateurs, « fures et deceptores, sacrilegos et 
blasphèmes » ; comme- des hommes qui ne craignaient 
pas de feindre des miracles, de présenter au peuple des 
ossements inconnus pour des saintes reliques et de sup- 
poser des lettres de rois et de papes pour amener les 
simples k leur donner des aumônes, « simplices ad offe- 
« rendum inducuut, tum falsa confingendo miracula et 
a ignota ossa pro sanctis reliquiis ostendendo, cum 
« falsis litteris, non solùmmodo magnatum et regum, 
« verum etiam apostolicis. »(1) 

Mais nous avons à retracer, au moins sommairement, 
les faits qui marquèrent cette période troublée. 

Craignant que les Hospitaliers ne vinssent leur ravir 
le précieux dépôt qu'ils conservaient, les moines de 
Montmajour décidèrent Tarchevéque d'Arles , Nicolas 
Cibo, leur abbé, à faire transférer les reliques de saint 
Antoine dans sa ville épiscopale et à les déposer en 
l'église prieurale de Saint-Julien. 

Une procession solennelle fut organisée et ces reliques 
furent portées en grande pompe dans l'antique cité. En 
quelle année eut lieu cette translation ? Ce ne serait 
selon Chantelou qu'au mois de janvier 1491 ; mais on a 
produit un acte de Philippe Mandoni, notaire, prouvant 
suffisamment que la cérémonie fut faite en 1 490 (2). Les 
adversaires d'Arles ont d'ailleurs reconnu avec impar- 



(1) Termes de la bulle d'Innocent III en date du 13 mai 1213 
cotée 2, ch, de St-Antoinet Arch, Dép, 

(2) Protocole de PhU. Mandoni, f° 146 verso. 



tialîté ce fait (1). C'est un point important ; car, si Ton 
ne place la translation qu'en 4 491, Monlmajour et 
les arlésîens se seraient mis en révolte ouverte contre 
l'autorité du St-Siége. 

Les consuls d'Arles assistèrent k la procession. Le 
corps de ville avait nommé un capitaine de saint Antoine 
pour commander une compagnie d'hommes d'armes 
commis à la garde de la châsse, et, aussitôt que le cor- 
tège fut entré dans la ville, on ferma les portes pour évi- 
ter toute surprise. 

Dans la suite des temps cette tradition fut conservée 
et chaque année eut lieu l'élection d'un capitaine pour 
assister avec la garde d'honneur aux processions de 
saint Antoine, le 17 janvier et le jour de l'Ascension. 
En 4549, cependant, on supprima la garde. 

XL 

Attitude des Arlésiens dans la lutte des deux Abbayes. 

Aussitôt que les Bénédictins eurent placé les reliques 
sous la sauvegarde des Arlésiens, les magistrats muni- 
cipaux s'empressèrent- de remplacer l'ancienne châsse 
d'ivoire par une magnifique châsse d'argent. L'une des 
deux clés qui la fermaient fut laissée aux religieux, 
l'autre demeura à l'Hôtel-de-Ville. Le conseil d'Arles ne 
se borna point là : dans sa délibération du 6 février 
4490, il affecte la somme de 2000 florins à l'achat de la 
maison de Trophime Boye « per far una gleysa a honor 
a de Mossen Sant Anthoni » et nomme plusieurs com- 
missaires pour négocier cette affaire. Déjà le peuple se 
portait en foule dans Téglise de Saint-Julien : le 1 6 jan- 

, (1) Trésor de Vahbayê St'Antoine^ IIP partie. 



— 102 — 

vierliOO, une procession partie de la ville de Salon 
était venue h Arles; Tarascon suivait cet exemple le 
24 février suivant, et le sieur de Saint-Vallier, sénéchal 
de Provence^ se joignait à ces nouveaux pèlerins. 

En présence des démonstrations du peuple d'Arles, 
Antoine de Brion, inquiet, redoubla d'instances auprès 
d'Innocent VIII et en obtint une nouvelle bulle qui dé- 
clarait supposées les reliques présentées par les Béné- 
dictins h la vénération des fidèles, et ordonnait que la 
fusion des deux abbayes consommée depuis longtemps 
en principe, fut réellement mise à exécution (1). Mont- 
majour devait suivre désormais la règle de Saint-Augus- 
tin ; les moines pouvaient néanmoins conserver leur 
ancien habit, mais il leur était interdit d'élire par la 
suite leurs abbés. 

Charles VIII, dans une lettre datée de Montils-lès- 
Tours, le \0 août 1491 , qu'il adresse aux nobles, bour- 
geois et manans d'Arles, leur donne pouvoir de s'opposer 
h l'exécution des bulles pontificales et les requiert « que 
« tout support et faveur soit par eux donné aux religieux 
« dudit Montmajour pour obvier et empêcher l'exécution 
desdites bulles. » 

Les Etats de Provence se réunirent au couvent des 
Prêcheurs d'Aix, sous la présidence de François de 
Luxembourg, vicomte de Martigues, et d'Aymar de 
Poitiers-Saint-Vallier. Les archevêques d'Aix, d'Arles 
et d'Avignon, les évêques de Digne, Fréjus, Senez, 
Vence et Apt y assistèrent ou s'y firent représenter, 
ainsi que les abbés de Sénanque, de Valsainte, de Saint- 
Victor de Marseille et du Thoronet : de nombreux 
barons figurèrent aussi dans cette session. L'Assemblée 
demanda aux villes de la province des subsides pour 

(1) Bulle des ides de février 1491, 254, Ch, de St-ÀvU., Àrch. Dép. 



— 103 — 

continuer l'instance pendante devant le grand conseil 
au sujet de Tunion des deux abbayes. La délibération 
des Etats en date du 20 mars \ 491 constate que Tau- 
thentidté des reliques d'Arles est établie par les attes- 
tations les plus véridiques et les preuves les plus évi- 
dentes, et déplore que les moines deMontmajour n'aient 
pas été appelés selon les règles de droit pour donner des 
explications (1). 

Il est difficile d'admettre que, tout-à-coup, sur une 
assertion tardive des Bénédictins, les hommes les plus 
considérables d'une province se soient improvisés les 
champions des reliques d'Arles et aient entraîné après 
eux cette ville entière pour en défendre l'authenticité. 
Le peuple aurait montré une crédulité bien aveugle s'il 
avait ajouté foi sans contrôle à des assertions auxquelles 
il n'aurait jamais été préparé par les moines de Mont- 
majour ; et chacun conviendra qu'il était fort difficile 
pour ces religieux de publier inopinément, après de 
longues années de silence, la translation fabuleuse, et 
surtout de persuader aux foules la vérité de l'enlève- 
ment furtif du corps de Saint-Antoine, tandis que les 
Antonins pouvaient aisément laisser croire que leur 
abbaye était restée dépositaire de ce trésor. 

Des légats du pape voulurent se faire ouvrir la châs- 
se dont les habitants d'Arles s'étaient constitués gar- 
diens. Ces derniers, jaloux de leurs privilèges, refusè- 
rent de laisser voir les reliques, se basant sur les cha- 
pitres de leurs statuts municipaux consacrés par les Rois 
de France, aux termes desquels les affaires intéressant 
les Arlésiens pouvaient être évoquées seulement devant 
les tribunaux établis dans la cité, et défense était faite h 



(1) La Procuration des Etats, dressée parle notaire Antoine 
Talamer, d'Aix, est cotée 252, Ch. dé St-AnL, Arch, Dép. 



— 404 - 

tout commissaire ou- envoyé étranger de poursuivre k 
Arles une enquête ou instruction quelconque. 

Quant à Tabbaye Viennoise, le 2 octobre 1 491 , les lé- 
gats du pape y étant venus en dévotion, comme nous dit 
le procès- verbal de visite (1), « y furent reçus avec so- 
« lennité par les religieux dudit monastère ; après avoir 
a visité l'église, ils furent priés par Tabbé avec ins- 
« tance et dévotion qu'il leur plût voir visiter le corps 
<i de St -Antoine. » Ces expressions du procès- verbal , 
permettraient de croire que les légats n'étaient pas ve- 
nus avec mission spéciale pour se prononcer sur Tau- 
ihenticité des reliques. Mais, avant de soumettre le 
corps vénéré dans leur abbaye à Texamen des légats, 
les Antonins, émus par les assertions réitérées de Mont- 
majour, avaient conçu des doutes sur la présence des 
ossements de Saint-Antoine dans la châsse dont ils 
avaient la garde. Saint François de Paule les avait ras- 
surés, et, forts de son encouragement, ils avaient pro- 
cédé, sous la présidence de Jean de Montchenii, évêque 
de Viviers, ancien cellerier de leur monastère, à une 
première visite (2). 

L'auteur de la Discussion .stir tes reliques de Saint- 
Antoine déplore Tabsence d'un élément étranger à cette 
enquête préliminaire. On nous permettra de ne parler 
ici ni de la déposition d'Artus de Pontferré devant l'offi- 
cial d'Avignon, ni de sa rétractation en présence de ce- 
lui de Lyon. Si l'on suspecte en effet la vénalité de ce 
témoin, il est permis de n'ajouter foi ni à l'un, ni à l'au- 
tre de ces documents contradictoires. 

Un arrêt du Conseil (3) donna gain de cause à l'abbaye 



(1) Trésor de l*Abb. St-Ant., pièces justif., lettre L. 

(2) Ibid. 

(3) Arrêt du Conseil en date du 29 janvier 1493, 256, Chartes de 
Saint' Ant ^ Arch. Dép. 



— 105 — 

Viennoise. « Mais, » dit Bouche, « quand il fut question 
« d'exécuter cet arrêt, il y eut un tel désordre dans la 
« ville d'Arles, et il s'y commit tant de cruautés et de 
barbaries en la personne de quelques officiers de jus- 
« tice qui y estoient venus pour faire valoir cet arrêt, 
et que les siècles passez n'ont presque rien veu de sem- 
a blable, tant les mouuemens pour la Religion sont 
a pressans et puissans. « 

Charles du Verger, envoyé par le Roi (1), fut arrêté 
par ordre du premier consul et jeté dans une prison ; 
plusieurs autres eurent un même sort : Tun d'eux même, 
poursuivi par les Arlésiens, ne dut son salut qu'aune 
fuite rapide. Du Verger lança successivement contre la 
ville des ajournements qui furent sans effet. 

Le conseil de la ville, ayant reçu les citations dont il 
s'agit, députa vers le Parlement l'assesseur Jacques de 
Romieu pour protester contre les lettres d'ajournement 
« lasqualas venon directament contra los privilèges del 
« présent pays, et las conventions de la présent cieutat 
a d'Arleetoussinoneronannexadasneenterinadas(2). » 

Plus tard, la même assemblée déclarant qu'il lui était 
impossible de délibérer toujours sur les différends de 
Montmajour avec les Hospitaliers, commet plusieurs de 
ses membres parmi lesquels nous citerons notamment 
Gaucher de Quiqueran, Louis de Renaud, Romieu, Ch. 
de St-Martin et Simon de Grille, pour s'occuper spécia- 
lement de ces affaires « ambe tota poyssansa de y far tôt 
« so que lo présent conseil y porrie far, deliberar et 
« ordenar. » (3). 

Un des exploits lancés contre la communauté d'Arles 



(1) Commission adressée à Ch. du Verger le 20 mars 1493,260, 
ch, St-Ànt. , Ârch. Départ. 

(2) Déiibép. du 14 août 1493, archives d'Arles. 

(3) Délibér. du 4nov. iidi^ archives (V Arles, 




HMMM^M— -'-— - " ' 



— 106 — 

et les Bénédictins leur fut signifié par Jacques de Larche, 
garde de la capitainerie de Fourques, qui déclare dans 
son instrument «« n'avoir eu faculté ne obéissance d'en- 
« trer en icelle abbaye et monastère de Montmajour ne 
« approucher les portes d'icelle, obstant ce que les dites 
a portes estoient clouses et fermées et y avoit en icelle 
« et esdites portes et sur les murailles plusieurs gens en 
« armes faisant grand guet. .. » ce qui l'obligea à laisser 
sa copie attachée au tronc d'un arbre. Rencontrant les 
mêmes difficultés sous les murs d'Arles, il placarda son 
ajournement au Undart de la porte de la Cavalerie (1). 

Déjà un accord avait été passé entre les Antonins et 
Nicolas Cibo, qui, bien que. s'étant démis de ses fonc- 
tions d'abbé de Montmajour, le 29 octobre 1493, avait 
cependant, en fait, retenu le titre de commenda taire. 
Cet accord fut ratifié par Alexandre VI. 

La démission de Nicolas Cibo laissant l'abbaye sans 
chef, les moines désignèrent pour lui succéder Rodolphe 
Boniface (2) abbé de St-Sauveur-le-Vicomte en Nor- 
mandie. Les instances de celui-ci auprès du St-Siége 
eurent pour résultat la révocation de l'union des deux 
monastères, obtenue par les hospitaliers et conservèrent 
à ses moines la règle et l'habit de St-Benoit. 

Selon Chantelou, Rodolphe chargea le prieur Jean 
Bérard de défendre devant l'archevêque de Narbonne 



(1) Exploit du27nov. 1494. 

(2) Pithon-Curt dit que Rodolphe était fils de Bertrand Boniface 
et frère de Vivaud Boniface, maître rational de la grande cour 
de Provence et Juge-mapre sous le roi René et sous Charles III, son 
successeur. Il ajoute qu'il fut en USl nommé recteur du Comtat- 
Venaissin en remplacement d'Amaury, évoque de Vaison, qu'il 
présida en cette qualité à l'élection des syndics de Carpeutras le 
i? octobre U82 et continua d'administrer la province jusqu'en 
1505. (V. Hist. delaNobl. du Comtat-Venaissin, T, iv^p 592). La 
famille de Boniface porie : de giteules à 3 fasces d'argent. Une bran- 
che, établie en Normandie, brise en portant : d'argent à 3 fasces de 
sinople. On trouve aux Arch. Départ. {Privilèges, lu3) l'acte d'élec- 
tion de Rodolphe, à la date du 23 février 1496. 



— 407 — 

les Bénédictins accusés d'avoir propagé le culte de 
fausses reliques. Ce prieur, comme il a déjà été dit, in- 
voqua à leur décharge des passages de saint Vincent 
Ferrier et de saint Antonin établissant que le corps de 
St Antoine reposait dans Tabbaye arlésienne, et s'attacha 
à prouver que les Antonins n'avaient daus leur église 
que le bras du saint patriarche, et n'exposaient que cette 
portion des reliques à la vénération du peuple. 

Enfin, le 31 décembre 1495, Alexandre VI rendit une 
bulle par laquelle il déclarait casser et annuler tant 
l'union, annexion et incorporation des deux abbayes, 
que toutes et chacune des choses qui ont été faites par 
l'abbé et le couvent de saint Antoine, « eteorumoccasione 
» gesta ac inde secuta », remettait les reliques dans l'état 
où elles étaient auparavant et accordait aux Arlésiens 
une absolution pour les censures qu'ils avaient encou- 
rues (1). 

Suivant M. l'abbé Dassy , la bulle d'Alexandre confirme 
les prétentions des Hospituliers, car il aurait fallu une 
décision explicite pour autoriser le culte rendu aux re- 
liques d'Arles. Les Arlésiens, de leur côté, voient dans 
Tacte pontifical, au contraire, une réhabilitation de leurs 
reliques, puisqu'il révoque tout ce qui avait été fait 
précédemment, sans excepter la bulle d'Innocent VIII 
qui les déclarait supposées (2). Quoiqu'il en soit, le 
conseil de la ville d'Arles députa à Avignon Simon de 
Grille pour recevoir cette bulle que tous considéraient 
comme devant être la base d'une paix future, et envoya 
en même temps Jacques Romieu et Jean Arlatan h Aix 
pour demander l'annexe au Parlement. 

(t) Cette bulle porte le n" 283, ch. deSaint-Ànt., Arch, Départ, 

(2) C'est ainsi que l'évêque de Turin considéra la bulle d'Alex. 
VI dans l'absolution d'excommunication qu'il prononça en faveur 
de ceux qui avaient rendu un culte aux reliques d'Arles, le 15 mars 
1496, ch. de Saint-Ant. , n» 286, Arch Dép. 



— 108 -. 

Cependant les pourparlers continuaient et Ton n'était 
point encore arrivé à la conciliation. A la date du 
1 8 août 1 499 Rodolphe Boniface, élu abbé de Montma- 
jour, demande des délais à la ville d'Arles au nom du 
monastère, son débiteur, « et aquo per lo secour à ob- 
« tenir lad. abbadie et per mettre pacifBcacion en lad. 
« abbadie affin que los religios de sant Anthoni en 
« Viennes non poscon obtenir union de lad. abbadie 
« de Montmaior al la abbadie de sant Antoni en Vien- 
« nés. » Lo 15 juin 1500 Tanguy de Cabannes, consul 
d'Arles, se rendit auprès du Roi pour tenter des démar- 
ches pacificatrices. Le 20 novembre 1501 ce même 
consul, assisté de quatre membres du corps de ville, 
posait à Montélimart les préliminaires d'un accord. 

L'attitude de Tabbé de Saint-Antoine, Théodore Mitte, 
de Saint-Chamond, fut beaucoup moins conciliante. 
Accompagné des conseillers du Uoi, Charles de la Ver- 
nade et Philippe de Bery, il tenta de se faire recevoir en 
maître à Montmajour. Obligé de se retirer à Tarascon 
sans avoir pu réussir dans son entreprise, il revînt de- 
vant le monastère avec une troupe armée. Mais ses sol- 
dats furent repoussés avec perte et Théodore fut réduit 
à traiter avec l'abbaye. Des hommes influents et illus- 
tres s'interposèrent pour ramener la paix entre les An- 
tonins et leurs adversaires. Peu de temps après « tout 
« se terminait à l'amiable dans la ville de Valence. Le 
« Dauphiné et la Provence eurent la consolation d'ap- 
te prendre qu^ les deux familles s'étaient finalement 
entendues sur tous les points de litige. Théodore 
« résigna son titre d'abbé de Montmajour; Montmajour 
« I énonça à l'impôt que lui devaienl les Antonins. Pour 
« les saintes reliques, Rodolphe Boniface qui était à la 
« tête de Montmajour, déclara ouvertement, disent les 
a auteurs du Gallia Christiana^ qu'elles n'étaient ni 



— 109 — 

« dans son abbaye, ni à Arles, mais au cbef-iieu de 
« Tordre de Saint-Antoine (1 ). » 

Alexandre VI confirma cette convention pacifique en 
ratifiant l'élection de Rodolphe Boniface (2). Cet abbé 
administra paisiblement Montmajour pendant environ 
quatre ans. On le voit obtenir du pape Jules II des in- 
dulgences précieuses pour les pèlerins qui, lorsque la 
fête de Tlnvention de la Sainte-Croix tomberait un ven- 
dredi, visiteraient la chapelle élevée au pied des hauteurs 
de Montmajour et contribueraient à Torner et à l'enri- 



(1) VAhhayB de Saint-Antoifié, car M. l'abbé Dassy. — Cette décla- 
ration dont parie la première édition du GalUa Christiana, mais 
non la suivante, n'est pas mentionnée par Aimar Falco, historien 
Antonin, qui avait cependant tout intérêt à s'en prévaloir. 

En relatant l'accord passé entre Montmajour et l'abbaye de 
Samt-Antoine, il est impossible de passer sous silence les faits 
qui se sont produits il y a une auarantaine d'années au sujet du 
culte ren'iu a ce samt dans la ville d'Arles. 

Mgr Bernet, archevêque d'Aix, depuis cardinal, nomma on 1838 
une commission à lefiet de procéder à la vérification des reliques 
conservées dans les diverses églises d'Arles On vérifia notamment 
celles dont l'ancien prieuré de Saint-Julien était si fier d'être dé- 
positaire depuis 1490. On allait même y apposer les sceaux de 
l'archevêché, quand le curé de cette église, M. Montagard, qui 
deVait plus tard devenir curé de Saint-Trophime, déclara avoir 
des doutes sur l'authenticité des reliques de Saint-Antoine, car 
un prêtre de Grenoble aflSrmait qu'elles avaient toujours été con- 
hervées on Viennois et sauvées en 1793 des profanations révolu- 
tionnaires. 

En présence de ces doutes, l'autorité diocésaine ordonna une 
plus ample information. L'abbé Mon tagard, chargé de la nouvelle 
enquête, sans prendre conseil de personne, crut devoir faire des- 
cendre les ossements dans un caveau de sépulture de son église 
et ne craignit pas de brûler en secret, avec les tissus de soie qui 
les enveloppaient, les divers procès-verbaux de visites et les au- 
thentiques des archevêques d'Arles. Cette étrange conduite excita 
la réprobation publique, et l'administration municipale somma 
l'abbé Montagard de cfonner des explications sur le lieu où il avait 
déposé les reliques. Sur ses indications précises, M. J.-J, Estrangin, 
maire par intérim d'Arles, les fit exhumer le 7 mars 1845 en la pré- 
sence de celui-ci. Mgr Darcimoles, archevêque d'Aix, se trou- 
vant à Arles le 9 février 1855, procéda à la visite des reliques et 
apposa son sceau sur la châsse Enfin la S. Congrégation des 
Rites, par une décision en date du 12 février 1859, a autorisé le 
culte public des reliques qui ont été de nouveau rendues à la véné- 
ration des fidèles. 

(2) Bulle du 7 novembre 1502. Privilèges n" 107. Arch, Dép. 



— HO — 

chirde leurs dons (1). Ce pontife, par une autre bulle 
confirma les antiques privilèges de Tabbaye (2). 

Des notes de Tabbé Bonnemant, insérées au manus- 
crit de Chantelou, relatent que le 2 septembre 1505, les 
moines de Montmajour élurent abbé Honoré de Pierre- 
feu, mais que cette élection resta sans effet. 

XII 

Claude de Poitiers et ses successeurs. — Le Maréchal 
d'Omano a-t-il été abbé de Montmajour ? 

Sur un ordre de Louis XII, Claude de Poitiers fut 
placé à la tète du monastère. Il n'avait que seize ans. 
Un administrateur fut désigné aussitôt pour remplir les 
fonctions inhérentes à son titre jusqu'à ce qu'il eût 
atteint Tâge de vingt ans. Claude était fils de Charles de 
Poitiers, des comtes de Valentinois, seigneur de Saint- 
Vallier, et d'Anne de Montlaur (3). 

Nous voyons au registre des délibérations du con- 
seil d'Arles, que cette assemblée envoya auprès du roi 
Louis de Quiqueran-Beaujeu et en cour de Rome, un des 



(t) Bulle du 6 février 1504. — Privil. n» 1C8. — Le pardon de 
Ste-Ooix, déjà célèbre depuis longtemps, avait, en 1409, réuni 
150,000 pèlerins. Le roi Louis II d'Anjou et la reine Yolande d'A- 
ragon y assistèrent (V. Bouche, II, 434) — En 1426, à l'occasion 
de cette même fête, la recette du bac de Montmajour s*éleva à 140 
florins 8 gros 2 deniers, plus .30 florins pour le droit perçu à rai- 
son de 4 deniers par personne descendue par eau sans emprunter 
la traille. La taxe du péage doublée pour la circonstance était de 
8 deniers pour un homme à pied, d'un gros pour un homme à che- 
val {Reg. de rHôt-de-Ville d'Arles). C'est à "M. Robolly que nous 
devons encore cet intéressant détail de Statistique. — Le pardon 
de Ste-Croix a été rétabli par bref du pape Pie IX en date du 1 1 
juillet 1851. En mai 1852, 12000 pèlerins y apsistèrent. V. les Rui- 
nes de Vabbaye de Montmajour, par M .* l'abbé Trichaud, p. 33). 

(2) Bulle du 16 mars 1507, Privil. n« 112, Arch, Dép, 

(3) Duchesne, Généalogie des Sgrs de St-Vallier, chap. XIII, n" X. 
— Armes de la maison de Poitiers : d'azur à 6 besants d*argent^ 
'6^2 et l ; au chef d'or. 



moines de Montmajour, Louis de Cardebat, pour obte- 
nir la nomination d'Aymar de Quiqueran au lieu de 
Claude de Poitiers, neveu du sénéchal de Provence, 
mais néanmoins étranger au pays (1). 

Depuis le commencement du XVP siècle. Chantelou 
ne donne plus que des détails fort sommaires et incom- 
plets sur les divers abbés qui se sont succédé à Mont- 
majour. Il n'avait probablement pas achevé le travail 
auquel il s'était voué, et il ne nous a laissé depuis cette 
époque que des notes rapides qui devaient lui servir 
comme de pierres d'attente pour achever son monu- 
ment. 

A l'aide de ces points de repère nous grouperons di- 
vers documents qui n'avaient pas encore été compulsés 
. par le judicieux annaliste. 

Le 7 octobre 1508, les Bénédictins passent avec les 
Carmes de Pertuis une transaction portant que ces der- 
niers a doivent payer chaque année à l'abbé de Mont- 
majour, pour leur couvent et leur cimetière, un cens de 4 
florins; qu'ils assisteront à toutes les processions en 
cédant le pas à l'église paroissiale ; qu'ils ne diront les 
messes ni béniront le pain de& accouchées « lorsqu'ils 
{sic) se lèveront de gessine. » 

Peu après l'abbaye s'engageait à rembourser par ter- 
mes à la communauté d'Arles la somme de 13000 flo- 
rins, avancée par elle pour fair^ faire une magnifique 
châsse à St-Antoine (2). Il ne sera pas hors de propos 
de signaler ici le nom de quelques pèlerins illustres qui 
vinrent vénérer les reliques qu'honore encore aujour- 



(1) Ann. 1503, 18 jariv. neg. des délib., folio 3i8. 

(2) Le 15 février 1509. — Nous trouvons au fonds de Montmajour, 
Titres d'Arle>, f«« J64. un cahier de quittances pour les divers 
termes acquittés par l'abbave de 1509 à 1526. La somme s'élève à 
8-273 florins et 100 éciis .IVr bol. 



d'hui le peuple d'Arles dans l'église de St-Julîen. C'est 
d'abord Aimery d'Amboise, grand-maître de l'ordre de 
St-Jean-de-Jérusalem, en 1504 ; puis en 1515, la reine 
Claude de France, accompagnée de Marguerite de 
Valois, alors duchesse d'Alençon, plus tard reine de 
Navarre, et de l'évêque de Paris. 

Enfin, en 1 51 7, le pape Léon X envoie un proto-no- 
taire à Arles pour demander une parcelle des ossements 
de St-Antoine. Cet envoyé ne se borne pas à formuler 
sa supplique au nom du pape, cr nomine sanctissimi 
« Domini nostri pontificis maximi, » et à exprimer le 
vif désir qu'il lui avait manifesté; il présente de plus 
des lettres pontificales en forme de bref. Sur cette de- 
mande, les consuls d'Arles et les moines de Montma- 
jour détachèrent deux phalanges des doigts de la main 
droite et les remirent à l'envoyé. Ce fait semble prou- 
ver que, comme beaucoup d'autres, Léon X, qui avait 
visité en 1493 en grande dévotion les reliques conser- 
vées par les Antonins, croyait à la réhabilitation de cel- 
les d'Arles par Alexandre VI . 

Le 14 juillet 1526 l'ofBcial d'Aix rendit une sentence 
aux termes de laquelle les prêtres séculiers de Pertuîs 
étaient tenus d'assister aux heures canoniales et aux 
processions de l'église paroissiale. Ces prêtres formè- 
rent appel contre Montmajour par-devant le légat d'A- 
vignon. Nous ignorons l'issue du procès. 

Un nouveau litige soulevé en 1 534 au sujet du droit 
relatif au premier esturgeon péché dans le Rhône, fut 
décidé en faveur de l'abbaye (1 ). 

Claude de Poitiers a laissé peu de traces ; nous trou- 
vons néanmoins, en date du 16 juin 1537 une délibéra- 
tion du chapitre tenu en sa présence, par laquelle le 

(l) 3 décembre 1534. — Arch. Dép. 



— 413 — 

nombre des religieux fut fixé à quarante. En 1539, lors 
de l'emprunt fait par le roi au clergé de Provence, une 
quittance de 262 livres est délivrée k cet abbé. En 1541 
il donna k François de Chasta collation de la chapelleuie 
de N.-D -la-Blanche (1). Son procureur Louis de Chas- 
taing, prêta hommage au Roi au nom de Montmajour, 
le V'^ décembre t542, entre les mains de François de 
Montholon, chancelier de France (2). Claude mourut le 
13 août 4546. 

Un arrêt du Parlement d'Aix, rendu en 1547 (3), con- 
traint le camérier de Tabbaye k fournir leur vestiaire 
k tous les religieux ; il ordonne en même temps la ré- 
forme du monastère et en commet le soin k Tun des 
conseillers et k l'évêque de Glandèves. 

Aymar de Maugiron (4), d'une noble maison de Dau- 
phiné, évêque de Glandèves, prit possession de Tabbaye 
en octobre 1547, par l'intermédiaire de Guillaume de 
Maubec, chanoine-chantre de l'église de Vienne, auquel 
il avait donné procuration k cet effet. 

Il obtint eu 1552 des lettres royales qui le maintin- 
rent dans le droit de régales k Pélissanne contre les 
prétentions des maîtres des comptes Borély et de Fran- 
çois (5), Par d'autres lettres semblables, il reçut le pou- 
voir de contraindre tous les emphytéotes de Montma- 



(1) La collation de cette chapellenie est datée du 10 juin. — 
Arch. Dép. 

(2) Privil. 118. — Arch. Dép. 

(3) Arrêt du 20 décembre 1547. — Arch. Dép. 

(4) Il était fils de Guy de Mauçiron, seigneur d'Ampuy. Beau- 
voir, Leyssins et Meyrieu. lieutenant-général de Dauphiné en 
1528, chevalier de l'Ordre du Roi, fait prisonnier à Pavie aux 
côtés de François I*'', et d'Ozanne L'Hermite, petite-fille du trop 
célèbre Tristan L'Hermite. (V. Armoriai du Dauphiné ipaT M. G. de 
Rivoire delà Bastie, p. 397) Maugiron ^orte : Gironné de 6 pièces 
d'argent et de sable. 

(5) Aix, 29 mars 1552. -' Ch. de Pélissanne, n» 50. 




IlipBCMUlMtai.. - l ^ m t . ifm 



jour à passer reconnaissance au monastère, dont la pres- 
cription allait anéantir lesdroits. 

Le i\ janvier < 560 Antoine d'Aiminy, religieux de 
Tabbaye, muni de la procuration d'Aymar, prêta hom- 
mage au roi à Orléans. 

Dans un acte reçu par d'Augîères, notaire, le 8 avril 
1555, furent tracées les attributions de chacun des di- 
gnitaires du couvent : ouvrier, infirmier, aumônier, 
sacristain, capiscol, corresier. Ce dernier, entre autres 
obligations de son emploi, est tenu « de présenter à 
« Messieurs en chapitre un cuisinier, auquel, s'il est 
« agréable à Messieurs dudit monastère, sera baillé 
« seremant par M. le Prieur ou Sous-Prieur en son 
« absence de bien et deubemeiit aprester les viandes, 
« de ne aprester poisson ou cher mauvaises ou puantes, 
a et autrement tout ainsi qu'il est accoutumé faire. . . » 
^ouvrier eét tenu de réparer la salle capitulaire, le 
dortoir, le réfectoire, le cloître, etc. . . . 

Le camérier de Montmajour, pour se libérer d'une 
dette contractée par lui envers Jean Cassole de Beau- 
caire pour les besoins de son office, vendit k Valentin de 
Grille-Robiac, viguier d'Arles, la basse juridiction 
d'Estoublon, sous la directe d^un de mi-escu pistolet (1). 
Quelques années plus tard il aliéna en faveur du même 
acquéreur la haute juridiction (2). Mais le contrat fut 
rescindé en 1599. Une transaction mit fin au liti- 
ge(3). 

Une autre aliénation que nous devons signaler est celle 
du quart du péage de la Durance à Pertuis, en faveur de 
Claude d'Alagonia, seigneur de Meyrargues, parM.de 
Biordy, lieutenant en la sénéchaussée d'Arles, commis 

(1) 13 janvier 1563, notaire Durand Raybaud à Tarascon. 

(2) 14 novembre 1577, Miôge. notaire à Riez. 
(3j 9 juillet 1602, Claude Saxi, notaire à Arles, 



aux aliénations du temporel de TAbbaye. Le prix de 
cette vente est de 417 écus ; Tabbé, ses religieux et ses 
serviteurs devront, par stipulation expresse, être passés 
gratuitement (1). Notons encore la vente de la juridic- 
tion de Pélissane aux habitants de ce lieu, consentie au 
prix de 4010 écus d'or (2). Cette terre fut rachetée 
quelques années après (3). 

Aymar de Maugîron mourut k Paris le 28 avril 
1564. 

Aussitôt après son décès, Charles IX envoya au lieu- 
tenant d'Arles un message ayant pour objet de faire sai- 
sir les revenus de Montmajour pendant la vacance du 
siège abbatial, et de nommer économe Simon de Car- 
magnoles (4) . 

Le Gallia Christiana dit que cette vacance se prolon- 
gea jusqu'en 1568. Chantelou mentionne néanmoins 
dans cet intervalle Gaspard de Purpurat, des comtes 
de Lucerne, d'une noble famille de Savoie, neveu de Je • 
rôme de Purpurat, gouverneur du marquisat de Salu- 
ées pour la France. Il résigna son bénéfice en faveur de 
son parent Jean-François et devint lui-même gouver- 
neur de Saluées. 

Jean-François de Purpurat fut nommé abbé par une 
bulle du pape Saint Pie V, au moisde décembre 1568. Il 
constitua Claude Amodry son vicaire-général le 19 juil- 
let 1569, et le 5 septembre suivant prit possession de 
son abbaye (5). En 1572 nous le voyons ratifier un ac- 
cord passé entre les religieux et son vicaire-général. 
Enfin, par un acte dressé à Saluées en 1581, il se dé- 



(1) 4 décembre 1563. Cl. Saxi, not. 

(2)18déc. 1563, Ànt. Nicolay, DOt., ch.de Pélissan$t 52, iircA. 
Dép. 

(3) 17 mai 1567, B. Catrebards, not., Ibid., 54. 

(4) Bar-le-Duc, 1" mai 1564. 

(5) 2* Registre dês ^nsin. eccL, Dioc, d'Arks, fol, 396. 



— 446 — 

met de l'abbaye en faveur de Claude d'Anselme (1 ) . Henri 
m agréa sa démission (2). 

Claude d'Anselme reçut ses bulles en 1582 (3). Il prit 
possession de Montmajour le H juin de cette année. 
Claude était fils de Dominique d'Anselme, seigneur de 
Blauvac, premier Consul d'Avignon en 1515 et en 1529 
et de N. de Bisquerils-Caderousse. H transigea en qua- 
lité d'abbé avec Dominique de Grimaldi, archevêque et 
vice-légat d'Avignon le 31 mars 1588. 

« 11 y a lieu de croire, » dit Pithon-Curt, « qu'il ne 
« fut titulaire incommutable de ce bénéfice qu'après 
« la mort de son frère Louis, k qui le Roi l'avait donné 
« (suivant l'usage ou plutôt l'abus de ce temps -là) lors- 
« qu'il sortit du marquisat de Saluées » (4). 

Chantelou ne parle nullement de Louis d'Anselme 
comme prédécesseur de son frère. L'auteur que nous 
venons de citer nous apprend qu'il fut premier consul 
d'Avignon, et commanda rarlillerie lors de l'invasion 
du Comtat par les Protestants en 1562. Son fils Pierre, 
lieutenant-général de l'infanterie du duc de Savoie sous 
le Maréchal de Bellegarde, livra Carmagnole à la France 
en se faisant donner 40000 écus et l'abbaye de Mont- 
majour, s'il faut en croire le journal de Lesdiguières, 
rédigé par le Président de Calignon. 

Un manuscrit arlésien, que M. L. de Crozet a bien 
voulu nous communiquer, dit que d'Anselme n'eût pas 
plus tôt pris possession de l'abbaye qu'il s'occupa à nour- 
rir d'espérances les ligueurs d'Arles et de Marseille. En 
vain un arrêt du Parlement lui enjoignit-il de résider à 



(1) Acte du 14 février 1581, not. Jean- Bernardin Jordan. 
C2) Lettres de Saint-Geraiain-en Laye du 27 février 1581. 

(3) Bulles du h' avril 1582, annexées au Parlement d'Air le 8 
juin suivant. 

(4) HisL de la Noblesse du Comté Venaissin, T. I, p. 502. — Armes 
d'Anselme : d'azur frelté d'argwt. 



Montmajour. 11 aurait été fait prisonnienet étranglé au 
Chàteau*d'If par un forçat sur l'ordre du nap^néné- 
chal de Provence, le 4 novembre 4689. z^- - 

Ce récit parait être un écho de Scipion ifomirato et 
de THermite de Souliers. Mais il y a incertitude sur le 
prénom de d'Anselme, sur l'époque et sur le lieu de sa 
mort. En effet, tandis que le manuscrit cité plus haut 
l'appelle Claude et le fait mourir h Marseille en 1 689, 
ces auteurs disent que Pierre d'Anselme fut assassiné à 
Saluées, en 1583. 

Il est difficile de démêler la vérité au milieu de ces 
confusions. Quoiqu'il en soit, Chantelou n'insère qu'un 
seul membre de la famille d'Anselme au catalogue des 
abbés : Claude, oncle de Pierre, et dit qu'il mourut le 4 
novembre 1590. 

Montmajour avait oublié h cette époque la discipline 
qui avait fait autrefois son honneur et sa force. En vain 
un arrêt du Parlement de Provence (1) astreignit-il d'An- 
selme à se retirer dans son monastère pour travailler h 
le réformer. T.es moines continuaient h se montrer dans 
la ville d'Arles « habillez en habits de séculiers, por- 
tant leurs espées, leurs vêtements de colleur, etc. » 
comme l'attestent les réclamations de lofficial d'Ar- 
les, qui le 23 juillet 1589 sollicitait la création d'un 
prieur et d'un sous-prieur pour remédier à ces abus (2). 

Dans un règlement que Claude d'Anselme donna à ses 
religieux le 29 septembre 1 589, nous trouvons des peines 
contre ceux qui s'abstenaient d'assister à l'office (3). 

Claude avait élu sa sépulture dans son abbaye; son 
vœu fut accompli, et l'on déposa son corps au tombeau 
de Jean Hugolen. 

(1) 2 mai 1589. — Ârch, dép. 

(2) Privil, numéro 151. 

(i) Arth. Hôh de Ville d*Ârles, Aeg. Montmajour, 

8 



— 448 — 

Après d'Anselme, Chantelou inscrit Alphonse d'Or- 
nan<>^.D(iaréchal de France, sur la liste des abbés. 11 fixe 
même sa nomination h la date du 1 6 janvier 1 591 . Les 
auteurs da.Gallia Chrisiiana ne parlent pas de cette no- 
mination, mais relatent seulement un acte par lequel 
Henri IV attribua les revenus de l'abbaye k d'Ornano le 
46 janvier 1595. Peut-être Chantelou a-t-il fait confu- 
sion. Si, par une faveur royale, le maréchal a été pour- 
vu de la commende de Montmajour, il est difficile d'ex- 
pliquer comment Dominique de Grimaldi aurait pu, au- 
torisé non-seulement du pape, mais encore du roi qui 
favorisait son compétiteur, se faire mettre en posses- 
sion, et obtenir l'enregistrement de ses lettres de la 
Cour des Comptes de Provence. 

Si nous nous arrêtons sur ce point, c'est qu'on a vu 
quelquefois attribuer à un homme de guerre des fonc- 
tions ecclésiastiques. Cet abus, dont on rencontre assez 
souvent des exemples, commença à se produire à l'épo- 
que où l'état, obéré par de longues guerres, et ne pou- 
vant puiser dans ses coffres vides pour récompenser les 
services de quelques grands seigneurs, leur abandonna 
des abbayes ou bénéfices richement dotés, sans considé- 
rer le préjudice immense qui en devait résulter pour les 
maisons religieuses. C'est en vain qu'on voulut, à côté 
de ces abbés, placer des moines pour conserver la régu- 
larité dans les abbayes; leur rôle se borna à servir 
d'économes aux commendataires, et, sans pouvoir l'em- 
pêcher, ils furent témoins de la ruine de l'esprit religieux 
au sein de leurs communautés jadis florissantes. 

C'est à Dominique de Grimaldi (4) que fut dévolue la 



(l) Dominique était fils de Jean-Baptiste de Grimaldi, noble 
génois, et de Madeleine Pallavicini. — L'antique maison de Gri- 
maldi porte : fuselé d'argent et de gueules. — Elle a possédé la 
principauté souveraine de Monaco, le duché-pairie de valentijiois 



— 449 — 

mission d'administrer les affaires de Montmajour pen- 
dant que d*Ornano, poursuivait sa carrière sur divers 
champs de bataille (4). 

Il ne sera peut-être pas sans intérêt, puisque le nom 
d'Alphonse d'Ornano est placé par quelques-uns au 
nombre des abbés du monastère, de donner ici quelques 
détails sur sa famille et sur lui-même (2). 

Fils de Sampietro Corse, dit BasteHca, et de Vanina 
d'Ornano, qui périrent l'un et l'autre de mort violente, 
Alphonse abandonna son nom pour prendre celui de sa 
mère. Elevé h la cour d'Henri II comme enfimt d'hon- 
neur des princes, il embrassa le parti de Henri III 
pendant les guerres de religion. Après la mort de ce 
prince, il fut un des premiers h reconnaître Henri IV, 
s'unit avec le connétable de Montmorency et avec Lesdi- 
guières pour faire rentrer dans son obéissance Lyon, 
Grenoble et Valence. Chevalier des ordres du Roi le 7 
janvier 4595, lieutenant-général en Dauphiné, puis 



et de nombreuses terres en Provence, parmi lesquelles les mar- 
quisats de Courbons et des Baux. — La maison de Matignon lui a 
été substituée en 1731. 

(1) On trouve aux écritures de Maurice Vincent, notaire d'Arles, 
ann. 1591. une sommation faite par le capitaine Antoine Gpos- 
Boucicault à Claude Amodry, vicriire et religieux du Monastère, 
Mgnifiée à la requête d-i cardinal de Lorraine, abbé de Montmajour. 
Mais cette qualification n'est donnée à Charles de Lorraine qu'à 
cause d'une assignation des revenus de l'abbave, faite en sa faveur 
par le duc de Mayenne, lieutenant-général du Royaume. 

(2) La famille d'Ornano touche à divers titres à la Provence ; 
d'abord par les alliances qu'elle a contractées avec les maisons de 
Ponlevès-Flassans, de Raymond- Montlaur, d'Adhémar de Grignan ; 
ensuite parce qu'elle a possédé le fief de Mazargues, près Marseille. 
Cette terre fut apportée par Marguerite d'Ornano, petite fille 
d'Alphonse, marécnal d'Ornano, et fille d'Henri-François-Alphonse 
d'Ornano, gouverneur de Tarascon et du Pont-Siint-Eiiprit, à son 
mari Louis-Gaucher d'Adhémar de Castellane-Grignan. A la Ré- 
volution, Mazargues était possédée par la famille de Gantel- 
Guitton. 

Les armes de la maison d'Ornano sont : écartelé ; aux l" et 4"* 
de gueules au château donjonné d'argent ; aux 2""* et 3"' d'or au lion 
de gueules, au chef d'azur chargé d'une fleur-de-lis à' or. 



— 420 — 

maréchal de France le 6 Septembre suivant, il fut pourvu 
en octobre '1597 de la lieutenance-générale du gouver- 
nement de Guyenne. 

La mort de Dominique de Grimaldi laissant Montma- 
jour sans chef régulier, le roi nomma pour lui succéder 
Guillaume de Corty, d'une famille de Corte dans l'île de 
Corse, qui était probablement désigné par le maréchal. 
Guillaume était chanoine et camérier de Téglise d'Agde, 
et aumônier du duc de Montmorency. Un acte émané de 
Messire Bernard du Puy, évêque et comte d'Agde, atteste 
qu'il vivait fort saintement et qu'il était « fort charitatif 
« pour les pauvres de Jésus-Christ, leur eslargissant 
« abondamment de ses biens et facultés principalement 
« aux pauvres religieux et autres pèlerins passants en la 
« présente ville et s'en allant en pèlerinage de N.-D de 
a Montserrat, Saint-Jacques et autres lieux, les noris- 
« sant et logeant dans sa maison... >> Sa nomination ne 
fut pas agréée par Clément VIII, qui, le 28 Octobre 
1592, désigna pour administrer Tabbaye Guillaume 
d'Avançon, archevêque d'Embrun. 

En ce temps de trouble général, le paisible monastère 
ressentit le contre-coup inévitable des commotions ter- 
ribles qui agitaient le pays tout entier. Le 4 Avril 4593 
une troupe d'hommes armés sous la conduite du capi- 
taine Piquet l'envahit, et les moines durent chercher un 
refuge h leur prieuré de Saint-Julien d'Arles. 

Le maréchal d'Ornano fît citer l'archevêque d'Embrun 
à la barre du Grand-Conseil. L'arrêt rendu par ce tri- 
bunal suprême confirma Guillaume de Corty dans ses 
prétentions ; une lettre d'Henri IV dans le même sens 
ne contribua pas médiocrement à l'enhardir. Par une 
nouvelle bulle, le pape ordonna sous peine des plus 
sévères censures de reconnaître l'autorité de Guillaume 



— 424 — 

d'Avançon (1). Sur ces entrefaites ce dernier mourut : 
Corty ne reçut qu'en Tannée 1602 son institution cano- 
nique du Saint-Siège (2). Il reçut la mitre dans Téglise 
des Carmes à Arles, des mains de l'archevêque Horace 
Montani. Il prit possession de son abbaye en 1603 (3). 
Nous ne trouvons son nom dans aucun autre acte que la 
collation du prieuré de N.-D. delà Mer en 1604. Il 
meurt le 24 avril 1608 et est inhumé dans le cloître 
près de la porte de Téglise. 

Pendant son administration nous ne trouvons qu'un 
fort petit nombre de documents intéressant le monas- 
tère. Citons néanmoins deux arrêts du Parlement con- 
damnant l'abbé h pourvoir h l'alimentation des religieux, 
et un acte du 6 janvier 1602 constatant le baptême de 
deux cloches, dont Tune du poids de 7 quintaux et 6 
livres pour l'horloge. 

Au décès de Corty, le maréchal prétendit user de son 
droit en désignant pour lui succéder son fils Pierre 
d'Ornano, déjîi abbé de Sainte-Croix de Bordeaux. 
Celui-ci est en effet désigné sous le nom d'abbé élu 
dans divers actes de prise d'habit (4). 

Un arrêt du Parlement d'Aix rendu entre lui et Marie 
de Luxembourg , princesse de Martigues , décharge 
Montmajour de l'obligation de prêter hommage h la prin- 
cesse, mais reconnaît a celle-ci la haute justice h Marti- 
gues, et donne la préséance h ses officiers sur ceux de 
l'abbaye. Toutefois il est décidé que Montmajour aura 
son carcan, pourra mettre ses armes sur ses mesures, 
et que le guet sera fait h Jonquières par son bailli. Mais 

(1) 17 mai 1597. 

(2) Bulle du mois d'août 1502. 

(3) Acte du 22 mars 1603, Privil, 160. 

"(4) 19 jauvier, 30 septembre et 7 octobre 1G12. 



— 422 — 

Pierre d^Ornano n'ayant jamais été institué, fut con- 
traint de céder la place à son frère Joseph-Charles. 

Joseph-Charles d'Ornano est le dernier des fils du 
maréchal Alphonse d'Ornano et de Marguerite-Louise 
de Grasse de Pontevès-Flassans. Il quitta Tétat ecclé- 
siastique pour être maître de la garde-robe du duc 
d'Orléans. Jean Sicard ou de Sicard, son ancien précep- 
teur fut d'abord son é;3onome à Montmajour. D'Ornano 
résigna son bénéfice en sa faveur lorsqu'il alla vivre k la 
cour, en 1616, et sa démission fut acceptée par le 
roi (1). 

On nous permettra de revenir quelque peu en arrière 
pour relater certains actes dignes de mention ; d'abord : 
un certificat de visite des reliques de Saint-Antoine h 
Arles en date du 26 Mai 1609. Parmi les témoins, outre 
les chirurgiens et médecins régulièrement requis, figu 
rent Mathieu Amodry et Gabriel de Camaret qui se qua- 
lifient, l'un rentier des ablations de S aint-- Antoine, l'au- 
tre capitaine de la ville et de Monseigneur Saint-Antoine. 
Nous citerons ensuite le rôle de la besongne d'Igonnet, 
orfèvre d'Arles, qui fait une fiveure pour retenir la tête 
de Saint-Antoine et l'empêcher de tomber, a cloue le 
« corps du dit saint avec sa platine de cuivre pour y 
({ reposer les saints ossements », met une clochette d'ar- 
gent au col à un des petits porceaux « qu'il n'y avoit 
« point, laquelle clochette avoit été donnée par une bonne 
« femme... » remet toute la châsse en coVeur, dispose 
a au-dedans deux pans de trelis rouge pour garder que 



{\) 16 novembre 162S. Privil. 167. — Jean Sicard transige en 
1620 avec le chapitre de Montmajour en qualité d'économe géné- 
ral élu par S. M. au régime de l'abbaye. Il reconnaît et conûrme 
l'abandon fait par Claude de Poitiers de sa moitié sur les marais et 
pâtis de Trébon ; mais les autres terres et les paluds vers Cordes 
et Arles sont reconnus indivis entre Tabbé et le chapitre. (Acte 
d'Arfeuille, not., Reg. des actes de Montmajour côté B-^r^b v*.) 



— «3 — 

c les saintes reliques ne se perdent et la remonte une 
« pièce après Tautre, comme il étoit auparavant (4). » 

Jean Sicard auquel Joseph- Charles d'Ornano céda 
Montmajour était né à Tallard en Dauphiné ; il avait 
d'abord été nommé abbé de Villeneuve-lès-Avignon (2). 
Investi par bulles du vice-légat d'Avignon en date du 20 
Avril 4625, il prit possession de son nouveau bénéfice 
le 10 Mars 1626. Il s'en serait démis dès Tannée sui- 
vante selon le Gallia Christiana (3). Sicard mourut à 
Avignon le 1**^ mars 1634. 

XIII. 

Suite des abbés de Montmajour. — Construction d'un 

nouveau monastère. 

Camille Savary de Brèves fut pourvu de lacommende 
de Montmajour en 1629. Il était fils de François Sava- 
ry, comte de Brèves, ambassadeur de France près la 
Porte-Ottomane, puis en cour de Rome, et d*Anne de 
Thou (4). Quatre ans après il transmettait ses àroits à 
son frère Gaston-Jean-Baptiste. 

Pendant l'administration ' purement nominale de 
Camille, le prieur du monastère fut atteint de la peste. 
Les religieux s'éloignèrent -pour fuir la contagion; 
comme ils se trouvaient fort nombreux à Arles, ils 
y passèrent les mois d'avril et mai \ 630, faisant leurs 
offices au prieuré de Saint- Antoine. Ils retournèrent à 
l'abbaye le 1®' juin suivant. 



(1) 8 juin 1618. 

(2) Après des labeurs infinis, il réforma ce monastère en 1608 et 
le gouverna pendant près de 30 ans (F. l'Hist, de Saint-André de 
Ft7/cneat;6,parD.Chantelou.m5./a/.nM3916,B*WiotA.iVatton.,f<»107.) 

(3) I, 618. 

(4) Savary porte : écartelé d'argent et de sahl$. 



— 424 — 

L'âbbé dont nous parlons fut condamné en 1631, 
par arrêt du Parlement d'Aix h fournir une chapelle ou 
ornement de satin à la sacristie de Montmajour (1). 

Nous avons dit que Gaston-Jean-Baptiste Savary de 
Brèves succéda à son frère. Au bénéfice qu'il reçut 
de lui, il joignit les abbayes de Grestîn, de Saint- 
Gidan, de Ruis et de Gimont et la charge d'aumônier du 
roi (2). 

Son procureur, Jean de Pietrequin, abbé et seigneur 
de Saint-Geosme, docteur ès-droits et protonotaire 
apostolique, reçut le 22 juillet 1638, signification des 
lettres du Roi qui donnaient à Tarchevéque d'Arles le 
pouvoir de réformer les maisons religieuses de son dio- 
cèse (3). Le 22 mars 1639, en effet, Jean Jaubert de 
Barrault, archevêque d'Arles, primat etpHnce, se trans- 
portait à Montmajour en compagnie des consuls de la 
ville et faisait faire le dénombrement des religieux et la 
reconnaissance des biens du monastère, avant de com- 
mencera le réformer. Par un actedu4 avril 1639 (4)ilfut 
décidé que dom Guillaume Gérard, visiteur-général des 
Bénédictins de la Province de Chezal-Benoist, et dom 
Gérard deSaleux, abbé régulier de Saint- Allyre seraient 
chargés de cette réforme. On régla en même temps, dans 
ce concordat, que Tabbaye serait affiliée k la congréga- 
tion de Saint-Maur, sans suppression pourtant de la 
dignité abbatjale : les anciens religieux devaient avoir 
en toute occasion préséance sur les nouveaux ; et la 
conservation de leurs offices était assurée aux dignitai- 

(1) Arrêt du 23 juin 1631. {Arch. Dép.) 

(2) La Chesnaye-Desbois, T. XVIII, col. 341. 

(3) Les lettres de commission données par le roi à Tarclievdque 
d'Arles, en date du 17 mars 1637 sont au registre des actes de 1638 
à 1649/^ 5. Arch, Dép,, fonds de Montmaj. 

(4) Acte d'André, notaire à Arles, même registre, /^ 9. — Ce con* 
cordât fut homologué par le Parlement, le 13 octobre 1639. 



res, leur vie durant. Enfin des pensions étaient consti- 
tuées pour tous ces anciens religieux. 

L*abbé de Brèves adhéra à ce concordat, puisque le 
iî décembre suivant, son procureur conclut un accord 
avec dom Antoine Espinasse, de la congrégation de 
Saint*Maur (1). 

Un arrêt du Parlement confirma Montmajour dans la 
possession de toutes les terres comprises dans les limi- 
tes arrêtées par Pierre d'Acigné en 4408 (2). 

Nous apprenons «par un ajournement signifié le 1 1 
janvier 4641 au monastère, à la requête des consuls 
d'Arles, que les Bénédictins réformés avaient voulu 
s'aflFranchir du cérémonial solennel observé par leurs 
devanciers aux deux processions de Saint-Antoine. De- 
puis 4490, le chapitre de Saint-Trophime saluait la 
châsse du saint à son arrivée sur la place du Marché; 
devant la primatiale, et faisait chanter un oiotet en son 
honneur. Aussitôt iiprès, les religieux de Montmajour 
d répondaient au salut par une musique préparée à 
« leurs frais et despens avec le plus de seing et dV.s- 
« clarqui leur est possible. » C'était l'abbaye qui de- 
vait fournir aux consuls les flambeaux qu'ils tenaient 
autour de l'insigne relique portée par quatre vénérables 
ermites (3). Nous verrons bientôt renouer la chaîne de 
cette vieille tradition. 

Immédiatement après J.-B.-Gaston Savary de Brèves, 
la France pontificale place Armand-Jean du Plessis, 
l'illustre cardinal de Richelieu. Moréri cite en effet 



(1) Acte de Grognard, notaire à Aix, (V, Reg. des actes de 1638 
à 1649, f 34, Arch. Dép.) 

(2) Arrêt du 31 aoflt 1639. — Cet arrêt est transcrit à la fin de 
rinvenlajre rouge de Montmajour, Arch. Dép, 

(3) Discours des offices de justice et municipaux tant anciens 
que modernes de la ville d'Arles .. . Arch. Dép, Fonds Nicolay, 
38, n- 29. 



— 426 — 

Montmajour parmi les nombreux bénéfices qui lui 
étaient attribués. Le Dictionnaire Historique de Feller 
n'en parle point, non plus que les travaux d'Aubéry et 
de Leclerc sur l'éminent homme d^Etat, et les articles 
généalogiques du P. Anselme et de la Chesnaye-Des- 
bois. Nous n'avons trouvé au fonds de la Cour des Comp- 
tes aucune trace de serment prêté par le cardinal pour 
être mis en possession de Tabbaye arlésienne. 

Nous préférons donc avec Chantelou et le Gallia 
Christiana donner Alexandre Bichr comme successeur 
immédiat à Jean-Baptiste-Gaston. Ce parti nous semble 
le plus sûr. En effet l'historien de Montmajour nous 
dit qu^en1643 une permutation eut lieu entre Savary 
et Alexandre Bichi. Ce dernier abandonna Tabbaye de 
Ste-Marie de Corneville, diocèse de Rouen, en échange 
de celle de Montmajour, que le voisinage de son évê- 
ché de Carpentras lui rendait bien plus avantageuse. 

Alexandre était issu d'une illustre famille de Sien- 
ne (1), D'abord pourvu d'un évêché en Italie, il fut 
nommé en 4 630 à celui de Carpentras et chargé de la- 
haute mission de nonce apostolique près la cour de 
Louis XIIL La distinction avec laquelle il s'acquitta de 
cet emploi lui valut la pourpre romaine en 4633. Il avait 
en même temps su mériter Pestîme et la confiance 
du roi, qui le combla de bénéfices et recourut à lui pour 
mettre fin à la ligue des princes italiens contre le Saint- 
Siège. Son attente ne fut pas trompée : l'entremise du 
cardinal amena la conclusion d'une paix désirée. Il mou- 
rut à Rome le 25 mai 1657, et fut inhumé dans l'église 



(1) Bicbi porte : de gueules à une colonne d'argent, le chapiteau ^i 
la base d'or, entortillée d'une bisse ou givre d'a%ur, halissant de sino- 
pie. Cependant V Armoriai universel de Segoing donne poar armes 
au cardinal Bicbi, d'or^ à la tête de lion arrachée de sable ; au chef 
cousu d'or y chargé d'une aigle éployée de sable qui est de VEmpire, 



— «7 — 

de Sainte-Sabine au Mont-Aventin, dont il portait le 
titre presbytéral (4). 

Un acte d'accord fut passé en présence de Thomas de 
Cohorne, vice-recteur du Comtat-Venaissin , entre 
Alexandre Bichi, les anciens religieux de Montmajour 
et les bénédictins de la réforme de Saint-Maur. Pour 
mettre fin aux différends qui s'étaient éle\^^larmi eux, 
les réformés déclarent par cet acte tempour nulle 
leur introduction dans l'abbaye en 4639 f feoUSentent à 
payer fidèlement aux anciens religieux ^^5' pensions 
constituées en leur faveur, et h se charger (WJl'entretien 
ctu monastère et du service de l'église, <nîuquel ils 
« affectent au moins douze religieux de cîfoëCur, sans 
« compter les frères-lais. » Ils s'engagent à établir à 
Montmajour un collège destiné k recevoir quinze éco- 
liers de la ville d'Arles, à ne choisir aucun prieur saùs 
l'aveu de Tabbé, et remettent à celui-ci le droit de col- 
lation des bénéfices. On lui abandonne de plus les ter- 
res conquises sur les marais, le droit de pêche sur les 
portions qui n'avaient point encore été desséchées. A 
ces conditions l'abbé déclare de son côté avoir pour 
agréable l'introduction des Réformés dans le monas- 
tère et promet de leur payer annuellement une somme de 
quinze cents livres (2). 

En 4647, les marguilliers de l'église de Saint-Julien 
et Saint-Antoine, à Arles, ayant l'intention de la recons- 
truire, en sollicitèrent la permission du chapitre de 
Montmajour. Cette assemblée ne se borna pas k autori- 



(1) Ciaconius, Vita et resgestœ Pontif. Roman, etS.R.E. Cardinct- 
Hum, Tome IV, col. 589. — Les succôs diplomatiques du cardinal 
Bichl le firent choisir pour négocier la mise en liberté du comte 
d'Alais, gouverneur de Provence, détenu à Aix pendant les trou- 
bles de la Fronde en 1649. (V. Bouche, Tome II). 

(2) Concordat du 1 1 janvier 1646. 



— 128 — 

ser la réédifioation de Téglise ; elle abandonna même 
le terrain nécessaire pour son agrandissement. 

Nous devons mentionner ici la fondation de deux ser- 
vices faite par Michel Lucas, seigneur de Sarlay ; Tun 
qui devait être célébré après sa mort, h Montmajour, 
pour lui et sa femme Marie de la Thuille, Tautre pour 
le reposdaiiyp^ du roi Louis XIII, qui Ta vait chargé par 
testament a'0 assurer la célébration (1). 

Le 1 6 novembre 4 657, Montmajour transigeant avec 
les chanoines de Coriolis et de Cormis, pourvus de la 
prébende dlstres, leur abandonne la dîme sur les ter- 
res dépendant du prieuré de Saint-Pierre-de-la-Mer 
et reçoit en échange 250 livres de pension. 

Charles Bichi, neveu d'Alexandre, lui succéda dans 
son abbaye, nous ne savons précisément à quelle épo- 
que. 11 en fut dépouillé sous Innocent XI pour avoir 
refusé de se conformer à Tordre du comte de Beauma- 
noir-Lavardin, ambassadeur de France, qui lui avait 
enjoint de placer les armes de France sur la porte de 
son palais à Rome (2). 

Il n'eut jamjais avec ses moines que des rapports fort 
difficiles et se plut h leur susciter d'incessants embar- 
ras. 11 les fit condamner par arrêts du Parlement, à lui 
faire porter chaque année la tête de l'esturgeon que les 
pêcheurs d'Arles leur donnaient en redevance (3) , 
et à restituer aux archives du monastère des titres qu'il 
prétendait avoir été enlevés (4). Après de longs débats, 
li consentit h traiter avec Montmajour (5). Plus tard, èur 



(1) Acte reçu par de Bierme et de Beaufort, notaires au Châtelet 
de Paris, le 26 juillet 1656. 

(2) Vitœ et res gestœ Pontifie, Romanorum et S. R. E. Cardinalium, 
de Marco Guarnacci, Tome I, col. 355. 

(3) Arrôt de 166i, 4 avril. {Arch. Dép.) 

(4) Arrôt du 23 juUlet 1664. (Àrch. Dép,) 

(5) 5 janvier 1665. 



— 429 — 

les réclamations des moines, le contrat passé en 1 646 
avec le cardinal Alexandre fut rescindé pour cause de 
lésion, comme détournant Tabbaye de la destination que 
ses fondateurs lui avaient assignée en y fondant un col- 
lège, et, en même temps, comme faisant supporter illé- 
galement aux religieux une part des dépenses d'entre- 
tien (<). Un nouveau règlement des droits respectifs de 
Tabbé et de la communauté fut rendu peu après (2). 

Le 17 mars 1665 eut lieu la translation des reliqueâ 
de Saint-A)itoine dans l'église de Saint-Julien, nouvel- 
lement réparée. Elles furent soumises à Texamen de 
deux chirurgiens en présence de Tarchevêque, François 
d^Adhémar de Grignan, et de Tévêque de Bethléem : les 
consuls d'Arles et le capitaine de la ville assistèrent à 
cette visite (3). 

Le 13 mars 1675 l'abbaye présenta le dénombrement 
de tous ses biens à la Cour des Comptes de Provence et, 
le 7 juin suivant, Dom Gilles Benoist, procureur du mo- 
nastère, prêta hommage entre les mains du premier pré- 
sident Renaud de Seguiran. 

Depuis longtemps les religieux se plaignaient de l'in- 
salubrité du séjour de leur abbaye. Chaque année rame- 
nait la fièvre parmi eux : il arrivait même quelquefois 
que les pluies d'automne inondaient les prairies maréca- 
geuses qui s'étendent autour du monastère, et en ren- 
daient l'accès difficile, sinon impraticable, alors surtout 
que la glace empêchait d'y aborder en barque (4). Pour 
se soustraire à l'influence malsaine des marais, les 



(!) 1686, lettres du 16 juillet aux Arch. Dép. 

(2) 24 décembre 1686. — Le Volumineux dossier du procès de 
Charles Bichi contre Montmajour existe en entier aux archives 
départementales . 

(3) Comparant de l'archevêque d'Arles pour les consuls Honoré 
de Gleyse. Pierre Vincent et Phil. Battais, autorisant la transla- 
tion des reliques. {Arch. Dép.) 

(4) Attestation du chirurgien Andhé Jay, 24 dëc 1586. 



— 430 — 

moines achetèrent k Arles la maison de M. de Meyran 
d'Ubaye pour y passer la mauvaise saison. L'archevêque 
François d'Adhémar autorisa cette détermination (1). 
Les consuls de. la ville se joignirent au prélat pour 
attester qu'il y avait un véritable danger à habiter 
Montmajour (2). Une enquête fut ouverte à ce sujet 
devant Paul-Antoine de Romieu,lieutenant-principal au 
siège d'Arles; les hommes les mieux posés de la ville 
dans le clergé, la noblesse et le barreau confirhièrent 
l'opinion de l'archevêque (3). 

Le promoteur de l'officialité d'Arles se plaignit plus 
tard de l'abandon à peu près complet où les religieux 
avaient laissé l'abbaye « sans considérer ny l'ancienneté 
« et saincteté du lieu, ny Tancien usage du service divin 
a qui n'y avait jamais été interrompu (4). » 

De nouvelles difficultés naquirent en 1673 à l'occa- 
sion de la procession de Saint-Antoine. L'archevêque 
s'interposa, et à sa prière le chapitre consentit k réta- 
blir un corps de musique pour rehausser l'éclat de la 
<fête (5), selon les vœux exprimés par le corps de ville (6). 

Jean-Baptiste d'Adhémar de Grignan, neveu et suc- 
cesseur de François, transigea avec les Bénédictins sur 
la nomination des vicaires de Saint-Julien. La provision 
de ce bénéfice devait être faite alternativement par Tar- 
chevêque et le chapitre de Montmajour. En conséquence 
de cet accord, le chapitre, usant le premier de son droit, 
conféra le titre de vicaire à Messire Pierre Borel (7). 

Le 7 juin 1690, l'abbaye transige avec Pierre- Joseph 



(1) Certificat du 11 nov. 1664. 

(2) Autre certif. du 12 nov. 1665. 

(3) 20 novembre 1664. 

(4) RequÔte datée de 1672. 

(5) Chapitre du I4fôv. 1673. 

(6) Délib. du 12 févr. 1673. 

(7) 1697. — Registre de Montm, côté F., f» 128. 



— 134 — 

de Laurens, marquis de Saint-Martin, pour faire re- 
construire l'église de ce village sur un nouvel emplace- 
ment. Nous trouvons, à la date du \ 9 novembre 1 698, le 
monastère de Montmajour adressant k celui de Lérîns 
une sommation pour réclamer le bénéfice d'une substi- 
tution faite à leur profit par Guy, comte de Vintimille, 
dans le cas où les religieux de Lérins aliéneraient le 
château de Sebourg qu'il leur avait donné par acte du 
18 mai 954 (i). 

A la fin du XVII°"® siècle, une portion considérable 
des b&timents de l'abbaye arlésienne menaçait ruine, et 
déjà les religieux avait pu prévoir le danger qui devait 
sitôt faire parmi eux des victimes. Les murailles du corps 
de logis où se trouvaient les infirmeries et l'hôtellerii 
s'étaient afi'aisées. Aussi le chapitre, après avoir consulté 
les hommes de l'art, craignant a que ce corps de logis 
« ruineux venant à s'écrouler, entreinat par sa violence 
« une partie des autres bâtimens réguliers, ce qui por- 
« teroit un préjudice très-considérable au monastère, 
« et ne permettret pas d'y faire de longtemps l'office 
« divin, » décida-t-il unanimement la démolition des 
constructions dont~il redoutait la chute, sauf l'approba- 
tion du général de Tordre (2). 

En 1703, un événement affreux vint confirmer les 
prévisions des religieux et mettre le deuil dans leur 
communauté. Le dortoir et les cuisines s'écroulèrent à 
la fois, et trois des moines furent malheureusement 
ensevelis sous les décombres. L'effroi que ce malheur 

(t) Ibid,fo 163. _ Nous voyons dans certains actes déposés aux 
Arcûives Départementales que ce château de Sebourg fut vendu 
au roi de Sardaigne par Lérins au prix de 60,000 livres. Mont- 
majour renonça à ses droits moyennant 12,000 , qui lui furent 
aussitôt comptées en 1728. 

(2) Délib, Capitul. du 18 septembre 1699. — Archives Dép. dei 
Bouches-du-Rhône . 



r 



jeta dans l'abbaye fit renaître les projets de reconstruc- 
tion agités naguère dans le chapitre. 

Malgré Topposition du cardinal Bichi, les moines 
hâtèrent Texécution de ce dessein. Le lundi de Pâques 
de cette même année, Tarchevêque d'Arles, François de 
Mailly,posait solennellement la première pierre des nou- 
veaux bâtiments (1). Le plan adopté pour cet édifice 
était des plus grandioses : « des pavillons d'un très-noble 
style devaient orner le monument en corrigeant la sévé- 
rité de sa façade et de vastes terrasses disposées au 
Nord et au Midi étaient destinées à en dégager les 
abords. » La dépense s'éleva â plus de cinquante mille 
écus. 

• Cependant Charles Bichi mourut le 7 novembre 1718, 
âgé de plus de 80 ans. Comme son oncle Alexandre, il 
fut appelé au cardinalat. Il échangea son premier titre 
de Santa-Maria-in-Cosmedin contre celui dc^ainte- 
Agathe-des-Monis. C'est dans cette dernière église qu'il 
choisit sa sépulture (2). 

Le Jansénisme qui régnait en maître sur la France, 
fortifié par le puissant patronage des Parlements, sut se 
glisser dans notre abbaye. Quelques jours à peine après 
la mort de Bichi, les religieux, réunis en chapitre sous 
la présidence du prieur, s'unissent aux protestations du 
cardinal de Noailles, archevêque de Paris, et de divers 
autres prélats contre la bulle UMgenitus et interjettent 
comme eux appel des décisions du Saint-Siège au futur 
concile (3). Ils firent signifier cet appel à l'archevêque 
d'Arles, Jacques de Forbin, qui avait ordonné de se 
soumettre à la constitution de Clément XL 

Ici les notes si sommaires que Chantelou nous avait 

(1) Pierre Véran, Eglise d*Arles^ tome 2, p. 48. 

(2) Guarnacci, loc, ciL 

(3) Délib, Capttul. 30 novembre 1718. 



— 433 — 

laissées pour continuer depuis le XVI"® siècle le catalo- 
gue des abbés de Montmajour, nous font absolument 
défaut. Le docte abbé Bonnemant, d'Arles, qui a enrichi 
de ses remarques plus d'une page de l'histoire manus- 
crite de l'abbaye, nous aidera à compléter cette liste. 

C'est en décembre 1718 que Louis-Âloph de Rouault- 
Gamacbes fut appelé h succéder au cardinal Charles 
Bichi. 

Fils de Claude- Jean-Baptiste-Hyacinthe Rouault, 
marquis de Gamaches, lieutenant-général des armées 
du Roi, et de Louise-Madeleine de Loménie de Brienne, 
Louis-Aloph fut créé auditeur de Rote en avril 1714, 
puis prieur d'Arbois et conseiller d'Etat (1). 

L'abbé de Gamaches, dans les premiers mois qui sui- 
virent sa nomination k Montmajour, donna procuration 
spéciale à maître Joseph de Roger, docteur et avocat au 
Parlement de Paris, pour surveiller contradictoirement 
avec l'évéque de Carpentras, François-Marie Abbaty, 
représentant des neveux et héritiers de Charles Bichi, 
l'expertise qui devait être faîte sur l'état de l'abbaye et 
des membres qui en dépendaient. En effet, il fut procédé 
h la visite et h l'examen des terres et bâtiments en pré- 
sence des délégués des deux parties et du prieur de 
Montmajour, dom Guillaume Laparre. 

Il nous est impossible de nous étendre sur les détails 
du rapport rédigé par les experts Louis Begon. J.-B. 
Franque et Guibert. Bornons-nous h dire qu'il constate 
le mauvais état des archives et des boiseries du chœur 
de l'église. Ajoutons cependant que, lors de la visite des 
nouvelles constructions, le procureur de l'abbé de Gama- 
ches déclara que Tentretion ne devait aucunement être 

(l) La Chesnaye-Desbois, Dict. de la NobL, T. XVH, col. 763. 
Rouault porte : de sable à deux léopards couronnés d'or, l'un sur 
Vautre, 

9 



— 434 — 

à la charge de son mandant, car la bâtisse moderne 
avait été faite « par les religieux, sans le gré et consen- 
« tement des sieurs abbés ses prédécesseurs pour estre 
« trop somptueuse et trop grande et parce que, de 
« Tàvis des gens experts, n'ayant pas été faite selon 
« l'art, il peut y avoir danger d'événement fâcheux. . . « 
Le rapport signale sur la façade orientale de la tour une 
grande brèche faite par un coup de tonnerre quarante 
ans auparavant (1 ) . 

Un jugement de la sénéchaussée d'Arles condamna 
Montmajour à faire assister comme autrefois une musi- 
que à la procession de Saint-Antoine. Le monastère, en 
considération des calamités publiques, avait en 1709 
consacré au soulagement des pauvres les sommes desti- 
nées à rehausser l'éclat de cette fête. Appel fut interjeté 
par les Bénédictins. Ils n'attendirent cependant pas 
l'arrêt du Parlement pour rendre à la pieuse solennité 
toute la pompe des anciens jours (2). 

Le Portefeuille du chevalier de Romieu^ qui parut h 
Arles en 1726, parle d'un incendie affreux qui détruisit 
une grande partie des constructions de l'abbaye (3). 

Les travaux d'agrandissement, commencés quelques 
années auparavant n'étaient pas finis en 1728. Nous 
voyons en effet le 10 juin de cette année les religieux 
traiter avec Perre et Dedieu, entrepreneurs, pour faire 
élever la seconde voûte du grand escalier et les trois 
voûtes du corridor et du dortoir. 

Montmajour célébra en 1 729 la naissance du Dau- 
phin. « Les pieux et scavants solitaires de la congréga- 
« tion -de St-Maur », dit une relation contemporaine, 



(1) Rapport de mars 1719. 

{1} Délib, Capitul 10 novemb. 1719 ; — Arrêt du 20 nov. 1719. 

(3) Le rapport d'experts de 1736 évalue à 40,000 livres le dom- 
mage causé par ce sinistre. 



— 435 — 

c ont montré dans cette occasion, comme dans beau- 
tf coup d'autres, qu'ils n'ont retenu des idées du mon- 
« de que ce que les livres saints permettent et ordon- 
• nent même d'en garder, je veux dire l'amour et le 
« respect pour le souverain (1 ). » 

Louis-Aloph de Rouault-Gamaches mourut à Rome 
âgé de 47 ans. Il fit son légataire universel le second fils 
de son frère, le marquis de Cayeu. 

En février 1135 Claude -François Roger de Mont- 
boissier de Beaufort de-Canillac (2) fut appelé à lui suc- 
céder comme abbé de Montmajour. 

L'abbé de Canillac (c'est sous ce nom qu'on le con- 
naissait généralement) était né à Brioude en Auvergne, 
du mariage d'Ignace de Monlboissior de Beaufort de 
Canillac et de Louise Motier de Champetières. La no- 
blesse de sa maison lui ouvrit les portes du chapitre de 
Brioude le 3 août 1712 ; il fut admis plus tard à celui 
de Lyon (27 avril 1716). Ce prélat fut comblé d'hon- 
neurs et de bénéfices. Nous le voyons en effet nommé 
successivement abbé de Barbeaux (diocèse de Sens) le 8 
janvier 1721 ; auditeur de Rote pour la France en juil- 
let 1733; abbé de Cercamp en avril 1739, de Fécamp 
en 1745; conseiller d'Etat et commandeur des ordres 
duRoien1753(3). 

Un jugement du lieutenant au parc civil du Châtelet 



(1) Relation de ce qui s'est passé à Arles, à l'occasion de la nais-^ 
sance de Monsieur le Dauphin, page 13. 

(2) Moniboissier de Beauforl-Canillac porte : écartelé aux 1" et 
4« d'argent à la bande d azur, accompagnée de 6 roses de gueules bou- 
tonnées d'or, mises en orle, qui est de Rog'er de Beaufort; aux 2* 
et 3* d*axurau lévrier rampant a'argent; à la bordure crénelée d'or, 
qui est de (.Janillac : s^ir le tout: d'argent semé de croisettes de sabie^ 
au lion de même brochant sur le tout, qui est de Montboissier. 

(Z) Dict. de la Nobl. T. XIV, col. 122, etc —Un des ancêtres de 
l'abbé de Canillac, Jacqiies de Montboissier succéda aux titres, 
noms et armes de l'ancit-nne et illustre mnison de Beaufort qui a 

Sossédé la vicomte de Turenne et a donné à l'Ej^lise les papes 
lémenl VI et Grégoire XI. 



— 136 — 

de Paris ordonna la visite des bâtiments de Tabbaye le 
17 septembre 1735. En exécution de cette sentence, 
Denis de Villèles, avocat en la Cour, les sieurs Franque, 
architecte d'Avignon , et Imbert, géomètre d'Arles, furent 
nommés experts et procédèrent à Texamen prescrit en 
présence de M. Pierre Lenier, procureur des hoirs de 
Gamaches, et de M. Royer, fondé de pouvoir de Tabbé 
de Canillac. 

Parmi les dires consignés dans leur rapport, nous 
trouvons la demande formulée par les bénédictins pour 
l'achèvement de la grande église. Ils disent « qu'elle ne 
« devoit pas rester imparfaite, puisque le dessain était 
« fait en forme de croix latine et qu'elle n'est pas mê- 
« me en forme de croix grecque, puisque les bras de 
« la croix sont aussi longs que la nef en son état pré- 
a sent, la porte se trouvant trop sur l'autel qui est à la 
« Romaine. . . » Les experts évaluent à 20,000 livres la 
dépense nécessaire pour prolonger l'église et élever 
une façade. 

L'avocat Royer se plaint de l'état où l'on a laissé le 
château du Castellet « dont il ne reste que quelques 
« murailles délabrées » et qui était autrefois la maison 
de plaisance des abbés (1 ) . 

Un arrêt du Parlement contraignit Montmajour à 
justifier de son droit sur le premier esturgeon péché 
chaque année dans le bas Rhône, h peine de déchéan- 
ce (2) . 

Le 15 décembre 1746 les consuls de Tarascon, con- 
sidérant que la construction de la nouvelle église pa- 
roissiale de Saint-Jacques obligeait la ville à démolir 
quatre maisons soumises à la directe de Montmajour, 

(1) Rapport du 8 août 1736* 

(2) 12 février 1740i 



— 437 — 

s'engagèrent à payer au monastère la pension annuelle 
perpétuelle et féodale de 11 livres 17 sols 11 de- 
niers (1). 

Nous voyons Tannée suivante les religieux traiter 
avec Pierre Perre, entrepreneur de la ville d'Arles, 
pour lui faire construire Tescalier qui devait conduire à 
la terrasse du nord, et prolonger les deux façades. Ils 
conviennent pour le premier travail du prix de 5,600 
livres ; ils fixent pour l'autre celui de 19,800 (2). 

Les constructions faites par Perre ne présentèrent 
pas la solidité désirable ; car nous trouvons plus tard 
dans les livres de l'abbaye les réclamations du père 
syndic se plaignant du peu d'épaisseur des pierresde taille 
employées et de leur inégalité, et surtout de ce que des 
pierres et des arceaux du nouveau bâtiment portent 
dans le vide (3). 

Les dépenses si considérables nécessitées par l'agran- 
dissement du monastère avaient fait perdre de vue aux 
religieux le dessein, longtemps caressé, de construire une 
autre église. L'éloignement de l'ancienne leur avait fait 
adopter pour y chanter tous leurs offices, sauf la grand' 
messe et les vêpres, une chapelle intérieure. Mais ils 
ne voulurent pas renoncer absolument k ce projet, et 
consultèrent divers architectes pour savoir s'il serait 
possible ou de rendre l'ancienne église plus commode 
et moins exposée aux intempéries de l'air, ou d'en cons- 
truire une autre à la suite des bâtiments nouvellement 
élevés. 

On aurait dû, en suivant le premier plan, achever les 
trois travées qui manquaient à la grande nef et établir à 

(1) Liasse 1654-1677. Archives départementales des B .-d.-Rh. 

(2) Prix-faits en date des 27 janvier et 19 déc. 1747. 

(3) 16 novembre 1752. 



— 438 — 

l'extrémité un cbœur en forme de tribune, dont le niveau 
aurait été le même que celui du couvent. En s'arrétant 
au contraire h l'autre, la nouvelle église devait être éle- 
vée à Textrémité du monastère nouveau. Les Bénédic- 
tins prirent vivement parti pour ce dernier plan, et une 
diète générale de Tordre les autorisa à faire commencer 
incessamment les travaux nécessaires. 



XIV 

Le cardinal de Rohan, dernier commendataire de Mont- 
majeur. — Sécularisation de Tabbaye. — Partage de 
ses terres. 

L'abbé deCanillac mourut le 27 janvier 1761 . Louîs- 
René-Edouard, prince et cardinal de Rohan (1),quidevait 
être le dernier titulaire de l'abbaye de Montmajour, don- 
na procuration à l'abbé de Champorcin, chanoine d'Ar- 
les, pour en prendre possession en son nom. Au procès- 
verbal dressé le 20 novembre par Chabran, notaire, figu- 
rent comme témoins le bailli de Grille, lieutenant-géné- 
ral des armées du roi, les abbés de Grille-Robiac et de 
Beaujeu, chanoines de Saint-Trophime. 

Louîs-René-Edouard, prince de Rohan, était né en 
1 734 d'Hercule-Mériadec de Rohan, prince de Guémé- 
née, duc de Montbazon, et de Louise- Gabrielle- Julie de 
Rohan, sa cousine. Abbé de Saint-Waast, puis de la 
Chaise-Dieu et de Montmajour, il fut de bonne heure 
sacré évêque in-partibus de Canope et attaché com- 



(1) Rohan porte : de gueules à 9 mâcles accolées d'or, qui est Rohan; 
parti a' hermines, qui est Bretagne. — Comme ôvôqne de Stras- 
bourg, et, en cette qualité, landgrave d'Alsace, le cardinal posait 
cet écu sur le tout des armes suivantes : écartelé aux 1*' et 4* de* 
de gueules à la bande d*argent, remplie de sinople qui est de Tévd- 
che de Strasbourg; aux z* et 3* de ffueules à la bande d*argent^ 
remplie de sinople^ et fleuronnée d'or qui est d'Alsace. 



— 439 — 

me coadjuteur à son oncle le prince Louis-Constan- 
tin, évêque de Strasbourg, auquel il succéda plus 
tard. Envoyé comme ambassadeur de France à la cour 
devienne, a il ne réussit, »dit M. de Lescure, a qu'àmé* 
« contenter également Timpératrice Marie-Thérèse et 
a la Dauphine Marie-Antoinette .... Un des premiers 
« actes du règne de Louis XVI fut le rappel du prince 
« deRohan. .. Placé par le nouveau règne sous le 
a coup de représailles souveraines, il parvint cependant 
« à surmonter des obstacles qui paraissaient insur- 
<K montables, grâce à Tactive influence de madame de 
ff Marsan, qui avait gardé sur le roi un ascendant justi- 
« fié par son nom, ses services et sa piété. 11 fut nom- 
ce mé grand aumônier malgré la Reine et reçut par la 
« désignation du Roi de Pologne Stanislas Poniatowski 
« le chapeau que Louis XVI préféra demander pour 
« Tarchevêque de Rouen (1). p D'audacieux escrocs 
surent lui présenter l'achat du trop fameux collier de 
diamants de Boehmer, comme un moyen de rentrer en 
grâce. 

L'éclat donné par les ennemis de la royauté à cette 
déplorable affaire obligea la cour à en déférer le juge- 
ment au Parlement. L'arrêt qu'il rendit le 31 mai 1685 
condamna M"* de la Motte et son mari au fouet, à la 
marque et k la détention perpétuelle. Le cardinal fut 
acquitté. Mais son absolution par des magistrats comme 
dEsprémesnil et le futur conventionnel Hérault de Sé- 
chelles inaugurait cette résistance parlementaire qui, dit 
M. de Lescure, sera V avant-garde factieuse de la Révo- 
lution. 

Le cardinal fut exilé dans son abbaye de la Chaise- 
Dieu. L'historien de la Reine dit de lui, après les mé- 

(1) Marie-Antoinette et sa famille par M. de Lescure. p. 239, et s. 



— 440 — 

moires de Besenval, « qu'il fut plus malheureux que 
a coupable, plus dupe que fripon, plus victime que 
« complice, » etquUl fit a oublier pendant la Révolution 
a par les services les plus méritoires et les exemples les 
« plus édifiants le crime d'une falale crédulité. » (1) 

Nous avons hâte de revenir aux affaires de Montma- 
jour. Selon l'usage précédemment suivi, une expertise 
fut ordonnée par arrêt du Conseil (2) pour constater 
l'état du monastère et de ses dépendances. Le rapport 
dressé par Ripert, avocat, Vincens, bourgeois, et Lenice 
procureur au siège d'Arles désignés aux termes de cet 
arrêt relate Texistance de nombreuses lézardes dans les 
murs du nouveau monastère. Il fait mention des amélio- 
rations apportées par labbé de Ganillac dans la culture 
des terres de l'abbaye, notamment h Pertuis et à Font- 
vieille, et des réparations qu'il fit faire aux divers bâti- 
timents de Montmajour. 

Le marquis de Jarente ayant obtenu du roi la permis- 
sion d'établir une madrague à pêcher le thon près du 
lieu appelé la Couronne , l'abbé et le chapitre de Mont- 
majour qui étaient seigneurs de ce lieu lui firent tenir 
un acte protestatif alléguant les droits analogues anté- 
rieurement conférés à Charles Bichi par lettres paten- 
tes de 1672. 

Parmi diverses pièces de minime intérêt nous trou - 
vons la trace d'un curieux procès intenté à l'abbaye. Le 
chapitre de St-Trophime d'Arles assigna les religieux 
devant la sénéchaussée d'Arles pour leur faire défendre 
de se faire précéder aux processions de St-Ântoine ou 
dans toute autre cérémonie, d'un bedeau porteur d'une 



(1) Mariê'Antoinette et sa famille, p, 240. Le cardinal mourat le 
17 février 1803 à Ettenheim. 11 s'était démis de son évêthé pour 
ne pas entraver la conclusion du concordat. 

(2) Ârrdt du 30 décembre 1761. 



— 441 — 

masse. Le lieutenant-civil prononça une sentence en fa- 
veur des Bénédictins. Mais le chapitce mécontent en ap- 
pela ; il fallut que Tarchevêque Mgr de lumilhac, inter- 
posât sa médiation. Un accord fut signé le 19 février 
4768 : il réglait que le bedeau de Montmajour conser- 
verait son ancien costume, mais devrait remplacer sa 
masse par une simple baguette. 

Le cardinal de Rohan érigea en arrière-fief dépendant 
de la seigneurie de Miramas les domaines de Louis 
Amphoux, de St-Chamas, (1) sous le nom de Belleval de 
Rohan, Un arrêt du parlement d'Aix en date du 7 mars 
1771 maintint Gaspard-François Amphoux, neveu du 
précédent, dans tous les droits de la chasse et de la 
pêche au dit bien. 

La juridiction du plan de Meyran, tlot situé entre 
Jonquières et Tlsle, à Martigues,fut en 1774 l'objet d'un 
procès dont nous ignorons le dénouement. Les pêcheurs 
de la ville soutenaient que les droits de Montmajour se 
bornaient à Jonquières. Le prieur de Tabbaye établit que 
le fief de Jonquières s'étendait jusqu'au canal de Caronte 
<x usque ad grassile de Corrente » dès 1292. Il cita la 
requête adressée au juge de Jonquières parle bailli de 
risle en 1 324 pour faire estimer des maisons sises au 
Plan-de-Meyran, « m vestro domtmo, » l'enquête de 1 401 
qui, indiquant les confronts de Jonquières, englobe l'îlot 
dans son périmètre. Jusqu'en 1763 on avait payé aux 
prieur de l'abbaye les droits de lods pour les maisons 
du Plan. 

Bientôt la dernière heure de Montmajour va sonner. 
Un bievet de Louis XVI en date du 24 septembre 1786 
prononce en effet la suppression à perpétuité de son 
titre, et unit les biens, droits, profits et revenus qui en 

(1) Acte d'Amand et Delage, notaires au Châtelet de Paris, 
reçu le 13 avrU 1765. 



— 442 — 

dépendent à Tarchevêché d'Arles et aux évêchés de 
de Vence et de Glandèves de la manière suivante : le 
chef-lieu de Tabbaye avec les terres et seigneuries de 
Fontvieille, Miramas et Jonquières sont joints k la mense 
archiépiscopale d'Arles ; Vence recueille les terres et 
seigneurie de Pertuis, sous la clause d'une redevance 
en faveur de l'évêque de St-Paul-Trois-Châteaux ; Glan- 
dèves hérite de Pélissanne, de Châteauvert, du Val et 
de Roquebrune. 

L'archevêque d'Arles, l'illustre Mgr du Lau, que la 
fureur révolutionnaire devait bientôt frapper dans le 
massacre des Carmes, et les évoques de Vence, de Glan- 
dèves et de St-Paul, Charles-François-Joseph de Pizany 
de la Gaude, Henri Hachette des Portes et Pierre-Fran- 
çois-Xavier de Reboul de Lambert exposèrent au pape 
l'insuffisance des ressources de leurs églises, et, lui repré- 
sentant que la démission du cardinal de Rohan laissait 
vacante l'abbaye de Montmajour, lui demandèrent d'en 
confirmer la suppression déjà formulée par l'autorité 
royale (1). 

Ils obtinrent de Pie VI une bulle qui consommait en 
effet cette suppression et donnait pouvoir à l'official 
d'Aix de désigner un eclésiastique pour remplir les 
fonctions de défenseur au titre de l'abbaye dans la pro- 
cédure contradictoire de commodo et incommodo ouverte 
devant la juridiction compétente. 

Ainsi, au moment même où va éclater la tourmente 
révolutionnaire, Montmajour a déjà fini d'exister comme 
abbaye. 

Mais ses murs restent encore debout, rappelant aux 
hommes de la Révolution le souvenir abhorré de la puis- 
sance monastique. C'est assez pour qu'ils enveloppent 

(l) 6 août 1787. 



— 443 — 

le monastère dans leurs édits de ruine. Il ne leur suffit 
pas de vendre à vil prix les meubles, les linges, les 
cloches et les ornements qui servaient jadis aux pompes 
de Tautel. Ils font procéder par des experts ignorants à 
.'estimation des b&timents conventuels (1). On les évalue 
à 31, < 99 livres. Cette mise à prix ne fut pas couverle à 
la première enchère ; plus tard la dame Elisabeth Roux- 
Chatelard resta adjudicataire au prix de 62,200 livres. 

Ne pouvant payer cette somme, la dame Châtelard fit 
travailler à la démolition du monastère et se défit tout 
d'abord des boiseries, des balcons et des fers ; une par- 
tie des pierres fut employée à construire le pont de 
Fourques. 

Une nouvelle estimation fut faite en 1793, et le 25 
mars les bâtiments furent délivrés sur folle-enchère au 
sieur Etienne Roche au prix de 23,100 livres (2). 

C'est ainsi que Montmajour a mêlé ses ruines à celles 
qu'amoncelèrent sur tous les points de la France le mar- 
teau des démolisseurs et la torche des incendiaires 
de 93. 

La tour était vouée à la destruction ; les vandales 
avaient déjà même attaqué le parapet qu'entoure sa 
plate-forme. Le peintre arlésien Réattu l'acheta pour 
la sauver. 

La chapelle de Ste- Croix fut vendue à un pêcheur 
pendant la révolution ; il s'y établit avec sa famille. Le 
département l'acquit le 1 5 juillet 1 822 au prix de 2 ,500 fr. 
et la remit à la ville d'Arles, à la charge de la réparer et 
de l'entretenir (3). 

Mais l'abbaye artésienne a été moins favorisée que sa 

(1) 12 février 1791. 

(2) Archives départementales. District d'Arles, reg-, 31, fol. 771,778. 

(3) Statist. ëes B.-du-Rhône, tome 2, p. 464. — Studes archéol., 
hist. et statistiques sur Arles, par J. J. Bstrangin p. 244 



— <44 — 

voisine, celle de St-Victor de Marseille. Si celle-ci a été 
dépeuplée de ses moines, elle n'a pas cessé du moins de 
retentir des chants sacj'és et le souvenir des martyrs ou 
la dévotion k la Mère de Dieu ramènent les foules 
pieuses dans ses catacombes. Rien au contraire n'anime 
plus Montmajour ; aucun bruit ne vient réveiller ses 
échos ; et ses murs, dominant la plaine déserte rappel- 
lent au voyageur les monastères qui sont épars dans les 
solitudes de la campagne romaine. 



DOCUMENTS 



I 

Omnes Ecolesi» seu Prioratus dependentes a monas- 
terio Sancti Pétri Montis-Majoris, O, 8. B , Dioo. 
▲relatensis. 

(Explicalion des signes d'abréviation : B, ecclesia, EE, ecclesiœ.) 



In dioecesi ârelâtensi : Monasterium ipsum S« Pétri cum 
pertinentiis suis ; — Gastelletum cum omni territorio suo ; — 
Ecclesia S. Isidoriinfra muros Arelaten. civitatissita, cum paro- 
chiaetcœraeterio; — E. S» Mariae de Mari, sive deRatis cum 
omnib. pertin. suis; — Castrum de Miramas et ecclesise ejus- 
dem castri cum omnib. pertin. suis; — E. et Villa S. Genesii 
de Ponte, cum pertin . suis ; — E . S. Martini parochialis de 
Laura, cum omnib. pert. suis et E. S. Marcellini de Laura; — 
E. S. Laurentii, cum omnibus pertinentiis suis ; — E. S. Ro- 
mani, cum omnib. pertin. suis ; — E. R. MaridD et S. Jacobi de 
Moreriis, cum pertin. suis; — E. de Pelissana, cum pertin. 
suis; — E. S. Sereni, cum pertin. suis; — E. S. Pétri de 
Mallana, cum pertin. suis ; — E. S. Juliani infra muros civitatis 
Arelatensis, cum parochia sua ; — E. S. Romani de Moreriis, 
cum omnibus pertin. suis; - E. S. Victoris Fontis-Veteris ; — 
E. S. Martini, cum capella de Castro Castilione, in vallo Ralcii ; 
— EE. de Valle Olieria, scilicet S. Vincentii, et S. Juliani et 
S. Joannis ; — EE. S. Pétri, S. Martini et S. Juliani in loco qui 
dicitur Naïharra. 

In dicecesi avenionensi: E. S. Remigiide Romanino; — E. 
S. Sepulchri de Verqueriis, cum pertin . suis, et cœtera ejusdem 
villae; — E. S. Aloanni in territorio Tarasconensi ; — EE. S. 
Victoris et S. Joannis de Castro-Bucco ; — E. S. Sulpitii de 
Gastro-Rainardo. 

In DIOECESI CÂVALLicENCi.'E. S. Pctri de Menamenis, cum 
pertin. suis ; — E. S. Joannis de Gleri. 

In DIOECESI cARPENTORATENSi : EE. S. Pctri et S* Marise de 



( 



— 146 — 

Paternis ; — E. S. Mauritii de Venasca, cum pertin. suis ; — - 
E. S. Laurentiide Mormoronecum pertin. suis ; — E. S. Fidei 
cum pert. suis; — Monasterium S. Antonii et medietas castri 
de Beduino, cum pert. suis ; — Monasterium de valle Saltus 
dictum S . Jacobi, cum pert. suis ; — E . S. Michaelis de Anes- 
que cum pert. suis; — EE. S. Martini et S» Marias de Monti- 
liis, cum omn. pert. suis etSS* Trinitatis; — EE. S* Marias et 
S. Martini, et S. Pétri, et S. Joannis de valle Saltus ; — E. S. 
Pétri de Bezolis et medietas ejusdem villas; — EE. de Beduino, 
scilicet S* Marias et S. Pétri quas vocatur Monastrol. 

In DioECESi VAsioNENsi: E. S. Marias de Fourques, cum omn. 
pert. suis; — E. S. Andras de Ramiera, cum pert. suis; — 
E. S. Andeoli de Cairana, cum pertin. suis; — E. S. Pétri de 
Revello, cum pert. suis; ~E. de Dolone et villa, cum pert. 
suis. 

In DioBCEsi ARAusicANA : E. S. MarcclUni de Seriniano, cum 
pert. suis; — Monasterium monialium S. Andras de Ramiera; 

— E. S. Pétri de Valaicha cum pert. suis. 

In dioecesi aquensi : E. S. Pétri de Aligne, cum pertin. suis ; 

— EE. S. Michaelis et S* Marias de Malamort, cum pertin. suis ; 

— E. S» Marias de Boccarossa; — E. S* Marias de Piano, cum 
omnib. pertin. suis; — E. S. Stephani de Ronnia, seu de 
Ronnis ; — • E. S. Joannis de Salis, autde Sala, cum pert. suis ; 

— E. S. Pétri do Mari; — E. S» Marias de Callisana, cum 
pertin. suis ; — Monasterium S. Honorati de Rocafrondosa. cum 
pertinentiis suis ; — E. S. Joannis de Aculea, seu de Aiguilla, 
cum pertin. suis; — E. deVelaus; — E. de Chabres; — E. 
S. Pétri de Pino, cum pertin. suis, et certum jus in ecclesia de 
Oleriis, et quartam partem ejusdem castri ; — E. S* Marias de 
Cezols ; — E. de Belcodenio aut de Belcodenis ; — E. S. Marias 
de Baile, aut de Ballo; — E. S. Marias de Tons, cum pert. suis ; 

— E. S. Martini de Joucas, cum pertin. suis; — Castrum de 
Pertusio, cum omni villa adjacente, et cum omnî territorio culto 
et inculte, et omnes ecclesias in eodem castre; — E. S. Marias 
de Alimur, aut de Alinieu ; — E. S. Laurentii de Robion, cum 
pert. suis; — Monasterium S. Marias Cariloci, cum omnib. 
pertin. suis ; — EE. de Castro Relliana S. Pétri, et S» Marias, 
et S. Dyonisii, cum pertin. suis ; — E. S. Georgii de Aligno ; — 
In castello Istri ecclesias duo ; una S. Pétri sita juxta ripam 
stagni, altéra S. Martini ; — EE. Castri Cornilionis et de Calli- 
sana, et S. Tyrsii, et de Po , et de S. Sezen, et de S. 

Géorgie; — E. S. Honorati de Pino ; — E. de Castro Cabio- 
rec ; — EE . S. Pontii et S. Joannis de Sala ; — E. S. Pétri de 
Mois ; — E. S Marias de Valle ; — E. S. Laurentii de Peliciana; 

— ES. Salvatoris de Vinone ; — E. B. Marias de Vinone ; -^ 
E. S. Michaelis de Voûta; — E. de Ventabrens; — EE. S. 
Pétri apost., S. Joannis-Baptistas et S. Laurentii, in loco Vara- 
einis ; — E. S. Stephani de Ungula caballi; — E. S. Pétri, quas 
aicitur Hermensis ; — EE. S. Marias et S. Pétri, in territorio 
castri de Bucco, in valle quas vocatur Venellis ; — E. S. Ge- 
nesii propre Relaniam ; — Ei S. SulTredi vallis Relanias ; — E. 



N 



— 447 — 

S. Martini de ParacoUis, seu de Renacatis ; — E. B. Mariât de 
Redorterio ; — E. S» Crucis de Alausia ; — E. de Meyricis ; — 
E. S. Trophimi de Villamuris ; — E. villae quae dicitur Alausa, 
scilicet S. Desiderii et S. Joannis-Baptistae ; — E. S. Juliani de 
Minalena; — E. S. Pétri de Bonazac; — E. S. Salvatoris de 
Castello vero ; — E. S. Laurentii de Basalduno ; — E. S. 
MariaB de Valanzola ; — E. S Martini de Campis ; — E. S. 
Georgii et S» Mari» ; — E. S. Michaelis, quaB est fundata super 
mirabiles cryptas ; — E. de Peirollas ; — EE. de Talone ; — E. 
S. MariaB de Mallangones ; — E. S. Juliani de Magnanellas .; — 
E. SS""» Trinitatis ; — E. parochialis de Falcone; — E. B. 
Mari39 de Barlone ; — E. parochialis de Glerias; — EE. de 
Villamuris ; — EE. S. Hilanide Paracolis : scilicet B. Mariae et 
S. Joannis. 

In dicecesi forojuliensi : Monasterium de Correno, cum 
omnib. pert. suis ; — E. S. Michaelis de Castro Villaspiscis ; 
— Parochia Castri de Rocabruna ; -- EE. cum parochiis suis 
castri de Flaciano ; — E. B. Mariae Deauratae; — EE. deBersa; 
cum pertin. suis ; — E. S* Mariae de Barjols ; — E. S» Marias 
et S. Pétri de Rocabruna; — E. S» Mariae de Spelunca ; — E. 
S. Joannis in valle de Luco ; — E. S. Cœciiiae de Arcubus ; — 
E- S. Martini de Fraxino; — E. S. Pétri de Turrevis; — E. S. 
Mariae de Saletis ; — E. S. Joannis de Saletis, cum villa ; — E. 
S. Benedictide Bersa ; — E. S. Martini dePalieres. 

In dicecesi regiensi: Monasterium S. Pétri de Stoblono, 
cum omnibus pertin. suis ; — E. S. Vincentii de Mesello ; — 
E. S. Pétri de Prioleis ; — E. S. Pontii de Castro novo cum 
pertin. suis ; — E. S. Martini de Bruneto, cum pert. suis ; — 
E. S. Pétri de Ïulero-Villeta, cum pertinentiis suis ; — E. S 
Honorati de Palleras; — E. S* Mariae de Villanova. cum 
pertin. suis; — E S. Juliani de Mesello ; — E. S. Pétri Cal- 
veii, et E. de Castro Rogone et de Castro S. Georgii. 

In dicecesi senecensi: Caslrum quod dicitur Noranta, cum 
pert. suis. 

In dicecesi sistaricensi : E. S. Pétri de Summana, cum 
pert. suis; — E. S. Salvatoris de Valbanes, cum pertinentiis 
suis. 

In dioecesi vapincensi: E. B. Mariae de Antonavis, cum 
pert. suis; — E. S. Leodegarii de Jobia, cum pert. suis ; — 
E. S. Pétri in villa quae dicitur Marneno. 

In dicecesi viènnensi: E. S. Antonii de Mota, cum parochia 
sua et omnib. pertin. suis ; postea abbatia, et caput ordinis S. 
Antonii; — E. S» Mariae de Montanea; — E. S. Marcellini; — - 
E. S. Joannis de Fermentai; — E. S Martini de Vinai ; — E. 
S. Pétri de Montelaser, aut de Sona; — E. S» Mariae de Quin- 
cevet; — E. S. Desiderii de Castro; — E. S. Cypriani; — E. 
S» Mariae Magdalenae de Baen, cum pert. suis ; — E. S. Pétri de 
Lausonna ; — E. de Capreriis, cum pertin. suis ; — EE. S. 
Evodii, S. Boniti, S. flilarii, S. Salvatoris et S» Mariae de 
Lechis. 

In dicbces^ gratianopolitana : E. S. Justi ; — E. Castri de 



— <48 — 

Rovo et dominium ejusdem castri, cum pertin. suis; — EE. S. 
Romani de Gravenco, cum pertinentiis, et S. Pétri, et capella 
castri Bellivisus; — Monasterium S. Stephani de Naxol, cum 
pertinentiis suis, et parochia de castro Isirone; — E. S. Joannis 
de Exacco; — E. de Rancurellis; — E. de Commis; — E. 
S» MariaB de A!baripa, cum pertin. suis; — E. dePraellis; — 
E. S. Boniti de Viliario. 

In dioecesi diensi : Monasterium S. Joannis de Royanis ; — 
E. S. Martini de Coronellis, cum pertin. suis et aliquid juris in 
ecclesia S« MaHae de Auriolo; — E. et parochia de Vaile 
Capraria, cum pert. suis. 

In dicecesi valentinensi : EE. S. Pétri de Mota, S. Thomae 
et S» Marise de Jallana, cum pert. suis ; — E. S» Mariae do 
Mannanis; — E. de Cerva; — E. de Podio Rigaudo, cum 
pertin. suis. 

In diœcesi âptensi: E. S. Marcellini, cum omnibus juribus 
et pertinentiis suis, sita juxta Gastrum de Bonils, et ad monas- 
tenum quondam S. Gervasii pertinens; — E. S. Pétri de 
Vallibus, cum pertinentiis suis; — E. S» Grucis de Auribellis; 
— E. S. Stephani de Grau quae est sita in castro S. Saturnini, cum 
omnibus pertinentiis suis. 

In comitatu vigintimilliensi : Abbatia sancti Appellen, cum 
omnibus pertinentiis suis. 

EcCLESIiE SEU PRIORATUS QUORUM IGNORAT UR DIOECESIS : E. de 

Dolona; — E. de Gugnis; — E. B. Marise de Tufis; — E. S. 
Marceliini de Villalaurea. 

EcCLESIiE DEPENDENTES A MONASTERIO CARILOCI : E. S. Pctri 

de Gredolis; — E. S. Donati; — E. de Rosseto ; — E. S. 
Vincentii de Limans ; — E. S. Pauli, subtus castrum S. Mi- 
chaelis. 

EccLESiiE DEPENDENTES A coRRENO : E. S. Poutii martyris de 
Favars; — E. S. Stephani; — E. S. Germani; — E. S. Ste- 
phani de Affenollis sive Anellis; — E. parochialis de Blan- 
cafort; — E. S. Andreae de Gamdomi ; — E. de Beliomonte; 
E. S* Grucis deSigumania; — Ë. SS<>'«" Martini, Stephani et 
Pétri de Parozosa. 



II 

971. -^ Boso et Folcoara, conîuges, dani ecôîesiam de 

valle Uliena. 

(Charte donnée par Chantelou, Hist. m. s. de Monimajour.) 

Auctoritas etenim jubet ecciesiastica et Romana lex précipita 
ut quicumque rem suam in qualicumque potestate transfundere 
voluerit, per paginam testamenti eam infundat, ut prolixis tem- 
poribus secura et quieta permaneat. Igitur, ego, m Dei nomen 
Boso, et uxor mea Folcoara, hanc seriem sequentes, conaide- 



»•'•*• 



— 149 — 

rantes gravia nostrorum vulnera sceierum, una pro Dei amore, 
et remedio animarum nostrarum, seu et parentum nostrorum, 
cedimus atque transfundimus sacrosancte Dei Ecclesie, sancte- 
gue Marie Virgini, sanctique Pétri Apostoli in cenobio Montema- 
jore, res quasdam nostri juris, que nobis ex progenie parentum 
nostrorum legibu s obvenerunt; ^ue sunt ipse res in comitatu 
arciatense, in termino in valie Ulieria, Ecclesia sancti Yincentii, 
et ecclesia Sancti Juliani, et Sancti Joannis, cum terrîtorio ad 
easdem ecclesias pertinente infra bec terminia denominata : ab 
Oriente terminât terra Thesberti et Ascherii ; ab Occidente via 
publica supra mare ; a Septentrione ipso Bosone donatore cum 
via publica; a Meridie et parte occidentali Thesberti terra et As- 
cherii, et terra comitale. Quidquid infra hec terminia suprascripta 
habere videtur totum et ab intègre donamus atque transfundi- 
mus ad monasterium supra nominatum, vel fratribus ibidem 
Domino servientibus, in perpetuum, ut teneant et possideant 
perpetualiter, omni contraaictione submota. Sane si quis nos, aut 
heredes nostri, vel uUa opposita persona, qui contra cessionem 
vel donationem insurgere, ire, agere vel inquietare voluerit, 

etc Acta donatione ista in monasterio Montemajore publiée, 

anno Incarnationis Dominice dcccclxxi, ij' idus Maii, anno 
XXXIII régnante Conrado Rege Alamannorum sive Provincie, indic- 
tione I. Sig. Boso, et uxor sua Folcoara, qui hanc cessionem 
scribere et testibus roborare fecerunt, manibus illorum firma 
ac roborata S. Pontius Juvenis firmavit ; frater Lambertus 
firmavit. S. Thusbertus firm. S. Ascherius lirm^ S. Isnardus 
firm. S. Amalrlcus. S. Pontius firm. S. Jonan firm. S. Ingilran- 
nus firm. S. Cavallerius lirin. S. Wichirius firm. S. Wilielmus 
firm. S. Wadaldus firm. S. Bonifacius firmavit. 



III 

977. — Teucinda dat instdam Montis Majoris. 

(Arch. des B.-d-Rh. Cour des Comptes. B, 276). 

Auctoritas ecclesiaslica precipit, lexque romana exposcit, 
ut quicumquo aliquid sua) hereditatis conferre vel transfundere 
in aiterius potestale voluerit, per paginam testamenti cam 
infundat, quatinus prolixis temporibus absque contrariaetate 
ullius persone inconvulsa permaneat. Igitur, ego, in Dei nomen, 
Teucinda, Deo devota, considerans meorum peccaminum grava- 
mcn, et rcminisccns placidissimam Dei bonitatem, una pro cjus 
amore, et remissionc omnium peccatorum meorum, seu etiam 
omnium parentorum meorum, tam vivorum quam et defuncto- 
rum, atque omnium fidelium christianorum, cedo atque dono 
Deo omnipotenti, in cujus manu sunt omnia, et a quo cuncta 
procedunt bona, cujus bonitate sum creata, misericordia refor-^ 

10 



— 150 — 

mata, miseratione adjuta, et in fine mundi judicanda, et, ut fido, 
ab eo suscipienda, Insulam quam Monte Majore vulgus vocitat, 
qudB mihi ex commutatione legalium mearum hereditatum cum 
voluntate Manassei , archipresulis , et consensu cannonico- 
rum legibus obvenit. Et est in commitatu arelatense, ab urbe 
eadem miliario et semis. Nec non et Béate Marisa Dei genitrici 
et Sancto Petro Apostolorum principi, quorum memoria in 
predicta insula veneratur et colitur, et ad monachos qui ibi 
nodio sub imperio Moringi abbatis habitant, et in antea sub 
quorumlibet abbatum venturi sunt, vel etiam regulariter vivituri, 
ut teneant et possideant absque uUius contrarietatem persone. 
Caeterum vero, ut dictum est, absque ullius persone admira- 
tionem predictum locum cum omnia sibi pertinentia fratres 
tèneant et possideant. 

Quod si aetiam per tirannica potestate rex, episcopus, cornes, 
aut quilibet potestas secularis monachos exinde ejcere vel coii- 
trariare, et m sua redigere voluerit potestate locellum pres- 
criptum, aut etiam ego, seu uUus de propinquis çarentibus 
meis, non valeat vindicare quod reppetit, sed componat in vinculo 
auri optimi libras vu, et insuper sua reppetitio nuUum obtineat 
effectum, quia in sacris cannonibus scriptum est : Predia vel 
loca que olim semel in monachorum habitatione fuerunt conse- 
crata, habitacula secularia fieri non sinantur. Quod si quis 
presumpserit, anathema sit. Actum Arelate civitate puplice, 
anni ab incarnatione Domini dcccclxxvii, xvj Kalendas sep- 
tembris, anno xxxviu régnante Gonrado rege. 

Signum Teucinde, qui hanc cartulam scribere, et testes fîr- 
mare rogavit, manu sua firma. 

Riculfus, episcopus, voluit et consensit. 

Wilelmus comes firmt. Lanbertus firmt. Poncius firmt. Wilel- 
mus firmt. Warnaldus firmt. Iso firmt. Aycardus firmt. Item 
Wilelmus firmt. Garantufi firmt. Raynaldus firmt. Girolomus 
firmt. Otbertus firmt. Autricus firmt. Wittbertus firmt. Wadal- 
dus firmt. Richelmus firmt. Dadoinatus firmt. Laidradus firmt. 
Lanbertus firmt. Oddo firmt. Bonifilius firmt. 

Archinricus levita atque indignus monachus scripsit. 



IV. 



Xme siècle. — Donatio oastri et eoclesiamm de Beduino 

ab Exmidone. 

(ArchiTes des B.-d.-Rh. Fonds de Montmaj., n» 1, chart. de Bédoin.) 

Auctoritas etenim jubet eclesiastica et lex precepit romana, 
ut quicumque rem suam in qualicumque potestate transfundere 
voluerit, per paginem testament! eam infandat, ut prolixis 



— 461 — 

teraporibus secura et quieta permaneat. Quapropter, ego Exmido, 
auctoritale secutus, intellego quod Deus pro sua misericordia et 
per meritum et intercessione beati Pétri apostoli, qui me de 
tantis tribulacionibus eripuit, adiraplet in me hoc quod ipse 
dixit : nolo mortem peccatoris, sed convertatur et vivat. 
Quapropter ego Exmido, dono de res meas [iroprias ad eclesiam 
bîeati Pétri Apostoli ad Romam, donoque ibi cnstrum que nuncu- 
pant Biduino cum territorio ibidem pertinentem, cum eclesiis, 
cum decimis et primiciis, et cum omni oblacione vivorum et 
mortuorum, et eclesia sancti Pétri que nominant Monastrol, 
et cum omnibus agecenciis vel pertinenciis suis , et ipsum 
castrum, et ipsa terra teneant ipsi monachi de monasterio que 
nuncupant Montemmajorem cum sint(t)ali censura, ut a quinque 
annos aJ aliare beati Pétri in Romam très libras incensi persol- 
vant, tali denique tenore ut quamdiu vivo, teneam et posideam 
usum et fructum, et postea très filii mei is nominibus : Bermun- 
dus, Feraldus et Logerius , quamdiu vivunt una medietate 
teneant et posideant de ipsa terra et de ipso castello superius 
nominato, et, post eorum discessu monasterium et ad ipsos 
fratres qui ibidem servivunt totum et ab integrum revertant sine 
ulla contradiccione. Et sunt ipsas res in comitatu Vendaxense, 
et abet fînens vel terminaciones : de uno iatus Galdairolas ; et de 
alio Iatus terra que nominant Olzano ; et de alio Iatus terra que 
nominant Corcholese, et ultra per cumba que nominant Ganasl, 
et pergit ad Iscazario, et pergit in poio que nominant Albigario 
et a via que dicitur fracta et in quacumen montis Venturio, et ad 
curcem que sita est in collo super crastro , que nominant 
Belmunto, sicut aqua mergit usque in Galdairolas. 

Sane si quis ipse aut ullus homo de propinquis parentibus 
meis vel ulla oposita vel amissa persona qui contra carta dona- 
cionis ista ire, inquietare vel inrumpere voluerit, non valead 
vindicare quod repetit, sed imprimis iram et maledictionem Dei 
onmipotentis et sanctis suis incurrat, et cum Juda merchatore in 
infernum sit damnatus. Et postea penitencia ductus in errar(i)um 
domne apostolici sancte sedis Romane IIII" libras auri persool- 
vat. Et postea ante omnes preses donacio ista firma et stabilis 
permanead. Ego Exmido qui anc carta donacionis lleri jussit, et 
testes ilrmare rogavit, manu sua firma. Facta donacione ista in 
mense sebtimber, regnanate Conrado rege et manu sua firmavit. 
Datilus firmavit, Rodulfus firmavit, Ricaus subdiaconus firmavit. 
Azenerius firmavit. Bermundus firmavit. Feraldus firmavit. 
Lotgerius firmavit. Arlingus firmavit. Rotlannus firmavit. Sene- 
rius firmavit. Ardoinus firmavit. 

Greoorius pp. servus servorum Dei, firmavit supersgripgio 

ISTA. 



— 152 — 



V. 

Xme siècle. — Donatio decixnœ villœ Relaniee. 

(Arch. des B.-d.-Rh. Fonds Montmaj., chartes de Carlac, n* 1.) 

Auctoritas etenim jubet ecclesiastica et lex precepit romana, 
ut qui rem suam in qualicumque potestate transfundere voluerit, 
per paginem testamenti eam infundat, ut prolixis temporibus 
soluta et quieta permaneat. Quapropter ego Athonulphus, et 
uxor mea Scocia et Rostagnus Milo et uxor mea (sans nom), et 
Petrus Josfredus et uxor mea Brugeria, et frater meus W. et 
Petrus W. et uxor mea Garcina, donamus Deo, et sancte Marise, 
et sancto Petro Kariloci quartam partem decimi Relanie, ad 
priorem Petrum, et ad monachos qui ibi serviunt die ac nocte. 
Sane si quis nos, vel eredes nostri, aut ullus homo de propinquis 
parentibus nostris faut ulla amissa persona qui contra cartula 
donacionis istius inrumpere voluerit, sit maledictus et excomu- 
nicatus cum Juda traditore qui Dominum tradidit, et cum Herode 
pessimo et Piiato qui. Dominum judicavit ad crucifigendum, sine 
fine in perpetuum. Amen, Aamen. Sic fiât. Ego Athenulphus quia 
hanc cartam scribere fecit, manu mea firmo. S. Petrus Ursi. 
Ramundus Farala fr. S. W. Faralde fr. Petrus Amicus fr. Petrus 
Josfredus fr. Rostagnus Milo fr. Petrus W. fr. R. Lautaldus 
Malsanguis fr. 



VI. 

1040. — Precaria Raïaxnbaldi Archiepiscopi. 

Superno quoque intuitu gracisB splendentis eximio Rainbaldo 
onmipotentis Dei sancte sedis Arelatensis archiepiscopo merito 
sumo. Notum sit omnibus sancte Dei ecclesie fidelibus presen- 
tibus perpetuis et futuris qualiter venions domnus abba bene- 
dictus Montis majoris abbas exiguus ante domnum Rainbàldnm 
archipresulem; inquirens ci qualiter ecclesiam sancti Genesii 
marliris daret Deo omnipotenti, et sancte Marie matris Domini 
semperque virginis, et sancto Petro regni cœlorum Glavigero, 
una pro remédie anime sue, ut Deus oninipotens daret ei vitam 
post mortem et requies post laborem, et ut mereatur conjungi 
supernorum civibus, et careat inferorum averni ignibus et 
ira (1) splendidus sideribus micantia luminibus. 

(1) Ici quelques mois entièrement effacés par l'humidité. 



— <53 — 

Qui domnus archiepiscopus fecit juxta voluntatem domni abbatis, 
et pro amore congregationis et fraternc dilectionis, dédit supra- 
nominatam ecclesiam, cum altari, cum decimis, cum primitiis, 
vel omnia ibidem adjacentiis, tali autem tenore ut, omni anno, 
in festivitate sancti Stephani protomartyris, persolvant monachi 
olim jam dicli in censu libras ii de cera, ad ecclesiam sancti 
Stephani et sancti Trophimi, sancte sedis Arelatensis. Si vero 
non poluerint omni anno persolvere, et remanserit unus vel duo 
anni, hoc quod debuissent monachi persolvere per unumquemque 
annum dent in sequenti anno, quando habere potuerint, ut non 
sit inter nos turbatio, sed charitas firma, et dileclio maxima 
omnique tempore. 

Facta precaria ista in mense octimbrio, anno incarnationis 
dominece mxl* indictione vin', régnante Domino nostro Jhesu 
Christo. 



VIL 

1040. — Goncordia inter monachos Santi Victoria 

et Montis-Majoris. 

(Texte donné par CiSantelou dans son histoire M. S. L'original de cet acte 

est aux arch. d'Arles, fonds Véran.) 

Nuper in Provincie partibus vir quidam fuit nobilissimus, ju- 
dex videlicet Lambertus, qui omnipotenti Deo, et aime matri 
ejus Marie, sanctique Pétri Montis-Majoris monasterio aliquid 
dédit ex suis possessionibus in page arelalensi, locum scilicet 
qui dicitur Vetula. et ecclesiam sancti Victoris, cum omnibus illi 
pertineniibus, cum villa Perdiganna, et insula que vocatur Per- 
nens, cum montibus et garricis, terris cultis et incultis, pratis 
et exagiis aquarum decurrentium, omnia in omnibus, usque ad 
areas anteriores, et usque ad turrem quam vocant Malnoscen- 
tum secundum quod ex comparatione illi legibus obvenit de he- 
reditate Ariberti qui fuit quondam. Alius quidam fuit miles no- 
bilissimus, nomine Artulfus, pater Willelmi et Aicardi, qui jux- 
ta ipsam hereditatem dédit simili modo ad jam dictum ceno- 
bium villam quam nuncupant Serivignana, quantum mihi visus 
fuit habere totum ab intègre. Ex quibus rébus testamenti pagi- 
nas scribere fecerunt, et in prelibato monasterio ad usum môna- 
chorum perpetim reliquerunt. Denique quod illi Deo et ^sanctis 
ejus devotissime obtulerunt, habitatores hujus loci per" negli- 
gentiam, longo post tempore oblivioni tradiderunt, testamenti 
chartas habentes, et omnino ignorantes. Accidit igitur ut, nes- 
cientes domini vicecomites massilienses donationes quas prefati 
milites Montis majoris contulerunt monasterio, dederint eccle- 
siam sancti Victoris, et cuncta que ibi habebant ad beati Victo- 
ris monasterium : pro quibus et nonnullis aliis rébus infra pre- 
dicli temporis spatium, malorum patrator omnium inter demi- 



— 154 — 

nicos grèges, Montis scilicet majoris et sancti Victorîs congre- 
gatione, tante immensitatis discordiam incitavit, ut omnis eos 
homo ad concordiam se posse revocare diflfideret. Quod dum ad 
nolitiam domni Raimbaldi archiepiscopi arelatensis pervenis- 
set, eorum compassus fragilitatis, aa deponendas diabolicas 
fraudes, non parvum, sed magnum constituit placitum, in quo 
de hac re maxima altercatio fuit. Omnes tamen jam dictas a 
primordio donationes unanimiter judicaverunt Montis majoris 
monasterio. Erant ibi congregati utriusque loci primates ac 
vasses, plebeii quoque ac urbani diversi ordinis, aiverse que 
etatis, utriusque sexus, quorum aliquot in hac litterarum série 
nomen exprimi duximus : Domnus videlicet sancte sedis arela- 
tensis episcopus Rambaldus, domnus quoque Wiilelmus, vice 
comes Massiliensis, conjuxque ejus, una cum filiis pusillis suis 
cum majoribus, domnus etiam Fulco, cum conjuge sua Odila, 
Volveradus et Guibertus, alque Atanulfus, vasses urbis arela- 
tensis, abbates quoque supradicti utriusque loci cum monachis 
suis. Quorum omnium consilio et adjutorio, inter serves Dei 
charitatis dilectionem reparare commonuit archiepiscopus. 
Dum autem pro concordia fratrum cuncti verbis laborarent, et 
minime proficerent, comperta veritate domnus archiepiscopus, 
ne lantus eorum labor imperfectus remaneret, domnos vice 
comités pro fraterna dilectione suppliciter 'postulavit, ut, ob 
amorem omnipotenlis Dei, et sanclorum ejus, necnon suis et 
utrorumque monachorum precibus ad consequendam pacem 
lideliter décernèrent. Vicecomites vero, monitis ejus obtempé- 
rantes, fraterne pacis pro amore, si quid in predicto honore ha- 
bebant, aut ulla persona per eos, cunctipotenti Deo et pretiosis- 
sime Matri ejus Marie, sanctoque Petro in Montis majoris ce- 
nobio dederunt, et ea que illic antea injuste tenuerant, absque 
ulla contrarietate, omnia in omnibus, ipsi, uxores eorum et lilii 
in eternum funditus reliquerunt. Dederunt etiam et cunctam ter- 
ram fiscalem quam illic habebant, aut ullus homo per oos, jure 
perpétue. Ad dirimendam enim controversiam, et pacis charita- 
tisque fédéra perpetim tenenda, omnibus qui huic interesse 
conventui potuerunt visum est censeri debere, ut utraque pars 
terram pro terra que proprie fore suo monasterio videretur, pro 
commutatione vicissim concedere deberet : hoc est, ut terr» 
que -juxta paludem monasierii Montis majoris, ubi ecclesia 
beati martyris Victoris antiquitus constructa fuisse videtur, et 
alie terre que juxta vel longe in eadem vicinia site sunt, qua- 
rum antiquiorem anctoritatem chartarum in médium profere- 
bant a donatoribus qui eas olim monasterio massiliensi conces- 
serunt, eisdem rursus quibus date fuerant monachis consensieq- 
tibus, Montis majoris monasterio, propter supradictarum anc- 
toritatem chartarum reddi deberent, et monachi Massilienses 
cellam que interritorio castri quod vulgo Buccus-vocatur sita 
est, et que sibi jam per auctoritatem litterarum a possessoribus 
predicti castri data fuerat, absque ulla contradictione reciperent, 
tenerentque atque possiderent, jure perpétue. Sane quecumque 
pars utriusque monasterii hanc conventionem vei pactum pupa- 



— <55 — 

père nisa fuerit, et infra xl dies non emendaverit, tali damno 
mulctetur : id est, ut si monachi Montis majoris primo hoc vin- 
culum ruperint, quartam partem de villa quam vocant Ollarias, 
que illorum est, monachi sascti Yictoris in emendationem acci- 
piant ; simili ter'monachi sancti Yictoris aliam quartam partem, 
quam habentin supradicta villa, si primi irrUperent, in emenda- 
tionem componant monachis Montis majoris. 

Facta carta ista II idus Augusti, ferla III, hora un, luna xxix, 
anno ab incarnatione Domini MLX, indictione viii, ipso annuente 
et per omnia régnante domino nostro Jesu Christo, per inflnita 
seculorum secula. 

Signa Gaufredi et Berlranni comitum, Willelmi et Fulconis 
vice comitum, qui hujus donationis seriem scribere mandave- 
runt, et testes ad conlirmandum non tarde, sed concile incita- 
verunt, et manibus suis sponte firmaverunt. Poncius episcopus 
firmavit. Willelmus fîrmavit. Aicardus firmavit. Gaufredus fîr- 
mavit. Stephanus firmavit. Bertrandus firmavit. Petrus firmavit. 
Domnus Raimbaldus archiepiscopus gratanter fîrmavit. Beran- 
geriusjudex, etc. Raimbaldus archiepiscopus Guillelmum fide- 
jussorem dédit. Rostagnus episcopus Elisiarium, Bertrannus 
comes Alfantum, Gulllelmus Bertrannus supradictum Elisiarium. 
Guillelmus Balcius Raînaldum Mataronem. 



VIIL 

1210.. — Privilegium Othonis IV imperatoris. 

(Ârch. des B.-d.-Rh. Fonds Montmaj. Privil. n» 23. 



In nomine sancte et individue Trinitatis, Otto quartus divina 
favente clementia Romanorum Imperator et semper Augustus, 
Guillelmo abbati Montis majoris et monachis ibidem Deo ser- 
vientibus in perpetuum graciam suam et bonam voluntatem. 
Vobis et univérsis imperii nostri fidelibus, lam presentibus quam 
futuris notum facimus, quod nos de innata benignitate nostra et 
pro redemptione anime nostre et antecessorum nostrorum , 
monasterium vestrum Sancti Pétri de Montemajore, cum omni- 
bus personis rébus et pernitentiis suis in nostre maiestatis spe- 
cialem recipimus protectionem et deffensionem predicto monas- 
terio per hos nostros apices confirmantes omnia que piissimus 
rex Conradus eidem suo privilegio confirmavit, videlicet hoc 
quod dominus Léo Apostolicus, atque felicis memorie Otto im- 
perator Augustus ac soror Cunraai régis Adelasia imperatrix 
dicto monasterio concesserunt, et insuper hoc quod Boso, arela- 
tensis comes, reddidit ipsi régi Cunrado de terra sancti Remigii 
de Francia, et in comitatu Vapinco cellam quant vocant ad Mo- 
tam sancti Martini, et in alio loco cellam Antonaves, et in comi- 



— <56 — 

tatu Aquensi celiam Roccafrondosa, ad castellum quod dicitur 
Istrium ecclesias Sancti Pétri et sancli Martini, cum terris, 
campis, vineis, saiinariis et terras ({uas nominant Sancte Marie 
Antipolensis, cum servis et ancillis et villam que de Gatarosco 
cum saiinariis, et in Martigo unum vas quod vocatur Venros et 
vallem quam nominant Sancti Pétri cum tribus ecclesiis, in loco 
qui dicitur Namarra et paludes quas vobis dederunt Lambertus 
et uxor ejus Galburgis consensu ac petitione Guillelmi Gomitis 
et fratris sui Robaldi sicut a vobis juste possidentur in circuitu 
Montis majoris et protenduntur a columnellis jacentibus in con- 
fmio urbis Arelatensis ubi sunt termini sancti Pétri et sancti 
Gesarii et diriguntur ad columnam marmoream rectam et exinde 
claudunlur via Balciense, in qua jacenl aliecolumnelie, et iterum 
protenduntur usque ad sanctum Johannem del Gres.etibi termi- 
nantur columnellis fixis de territorio Balciense, usque ad Gaste- 
letum. 

Item ipsum Gasteletum cum suo territorio et suis pertinentiis. 
Item castrum Beduini cum omni integritate sua et pertinentiis 
suis. Gonfirmamus enim vobis et dicto monasterio acquisitiones> 
sicut juste a vobis possidentur et acquisite fuerunt a tempore 
memorati çiissimi régis Gunradi, videlicet : castrum de Miramas 
cum integritate et pertinentiis suis. Item Gastrum de Gorneliono. 
Item Gastrum Sancti Genesii de parte, cum omnibus pertinentiis 
suis. Item villam de Palicanna cum integritate sua. Item cas- 
trum Pertusii cum omni integritate sua et pertinentiis suis. Item 
castrum de Stoblono cum omni integritate sua et pernitentiis 
suis. Item Gastrum deParacolUs et villam de Gorenz cum terri- 
toriis et pertinentiis suis. Item quartam partemcastri de Oleres. 
Item medietatem ville sancti Remegii. Item quartam partem 
castri de Gabannis. Item Gastelletum quod est subtus Aribel. 
Item castrum de Monte Jovis. Item quiquid habetis et juste pos- 
sidetis in civitate Arelatensi et ejus territorio. Item honores 
sancti Pétri aput Tarascum et aput Buchet et aput Bellicadrum 
et aput Laboradam et aput Alegodes et aput Moleges et aput 
Avelonigas. Item honorem de Gobia. Item villam Gari loci. Item 
villam Dolunne. Item villam sancti Salvatoris de Valbanes. Item 
villam sancti Johannis de Sala. Item territorium sancti Pétri de 
Vais . Item in comitatu Vienensi villam sancti Antonii et cum 
omnibus hiis que habet in villa sancti Antonii et villa sancti Ste- 
phani et villa sancti Marcellini cum omnibus aliîs pertinentiis 
suis. Item villam de Lauxona cum integritate et pertinentiis 
suis. Item castrum de Rensum cum*omni jure suo. Item villam 
sancti Johannis de Roins. Item villam sancti Justi. Item villam 
de Nacum. Item villam sancti Pétri de Malavalle. Item villam de 
Gilgans. Item villam sancti Evodii. Hec omnia sicut juste ea 
possidetis cum omnibus adjacentiis et pertinentiis suis, et om- 
nia alla que juste acquisitis aut in posterum justis modis acqui- 
sieritis, vobis et dicto monasterio libère, quiète ac pacifiée te- 
nenda confirmamus, et sub protectione et noslra deffensione 
recipimus, statuentes quod de cetero non liceat alicui archiepis- 
copo vel episcopo, duci, marchioni, comiti, vicecomili, potes- 



— 457 — 

tati seu consulibus, vel alicui communi, sen etiam alicui perso- 
ne, humili vel alte, seculari vel ecclesiastice, hanc nostre conces- 
sionis et confirmationis seu protectionis paginam confringere, 
seu in aliquo violare. Quod quicumque facere presumpserit, 
quinquaginta libras puri auri pro pena componat, medietatem 
camere nostre, et reliquam medietatem injuriam passis. Ad cu- 
jus rei perpetuam notitiam, présentera paginam nos conscribi 
jussimus et imperiali majestatis sigillé comuniri. Datum apud 
Ymolam, anno dominice incarnacionis m* ce' x% indictione xiu, 
IV kaiendas aprilis, salvo tamen in omnibus jure imçeiii et regni 
Arelabnsis. IIujus rei testes sunt Wolpherus, palriarcha Aqui- 
legensis, Henricus Mantuensis episcopus, imperialis aule vica- 
rius, Guillelmus Gumanus episcopus. Jacobus Taurinensis epis- 
copus. Maynardinus Ymolensis episcopus et alii quam plures. 

Signum Domini Ottonis quarti Romanorum imperatoris invic- 
tissimi. 



IX 

1246. — Privllegiam Innocentil PP. IV. 

(Àrch. des B.-d.-Rh ; Fonds Montmaj. PrivU. n«28). 

Innocentius episcopus, servus servorum Dei. Dilectis filiis 
abbati et conventui monasterii Montis Majoris, ordinis sancti 
Benedicli, Arelatensis diocesis, salutem et apostolicam benedic- 
tionem. Ut monasterium vestrum, quod gravi, ut dicitis, premi- 
tur onere debitorum, ex Sedis Apostolice providentia revelatio- 
nis alicujus solacium assequatur, auctoritate vol3is presentium 
indulgemus, ut ad provisionem seu receptionem alicujus, tara 
in monasterio ipso, quam in membris ejusdem compelli per litte- 
ras sedis apostolice seu legatorum ejus non possitis inviti que 
de indulgentia hujusmodi expressam non fecorintmentionem. 
Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre conces- 
sionis infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem 
hoc attemptaro presumpserit, indignationem omnipotentis Dei 
et Beatorum Pétri et Pauli, apostolorum ejus, se noverit incur- 
surum. Datum Lugdun. XV kaiendas junii, Pontificatus nostri 
anno tertio. 

X. 

1410. — Privilegium Ludovic! II, Siciliœ Régis. 

(Arch. des B.-du.-Rh., Fonds Montmaj., Priyil., n» 84.) 

Ludovicus secundus, Dei gratia Rex Jherusalem et Sicilie, 
Ducatus Apulie, Dux Andegavie, comitatuum Provincie, Forçai- 



— 468 — 

querii, Genomanie, Pedemontis ac Rouciaci Cornes, universis et 
singulis officiariis nostris tam majoribus quam minoribus per 
predictos comitatus nostros Provincie et Forqualquerii ubilibet 
constitutis quocumque nomine censeantur et eorum cuilibet, seu 
locatenentibus eorumdem presentibus et futuris, fidelibus nosiris, 
graciam et bonam voluntatem. Hodie in audiencia nostri consilii 
fuit oblata peticio sub hiis verbis : Sacre Régie Majestati Jheru- 
salem et Sicilie humiliter exponitur pro parte humilis et devoti 
viri abbatis monasterii Montismajoris , quod, cura ofTiciarii 
seculares sui quandocumque literatorie requirant in juris subsi- 
dium offlciarios régies et alios eidem majestati subjectos, ut 
aotus judiciarios exequantur secundum juris formam et consue- 
tudinem in patria Provincie inconcusse observatam, quod tamen 
offlciarios dicti exponentis ministrari non potest ; igitur e vestra 
majestati humiliter supplicat dictus abbas quatinus dignemini 
percipere et mandare cum pena officiariis vestris et aliis vestre 
majestati subjectis, ut, de cetero, cum requirentur ex parte 
officiariorum dicti supplicantis in juris subsidium , requisita 
adimpleant cum effectu, et exequantur secundum formam juris, 
et consuetudinem in similibus in patria Provincie obssrvatam, 
de vesti a gracia speciali. Et, quia attente religionis zelo volon- 
tés cum dicto abbate ageregenerose,fidelitati vestre, et eu juslibet 
vestrum de certa noslra sciencia tenore presencium mandamus 
expresse quatinus dum si quum et quociens pro parte dicti 
abbatis in juris subsidium, ut prefertur, fuerîtis requisiti, vel 
alter vestrum fuerit requisitus, quascumque literas justas et 
rationabiles pariter et mandata juxta tenores literarum et privile- 
giorum dicti monasterii Montismajoris, ac usum antiquum et 
consuetudinem hactenus observatam adimpleatis seu alter vestrum 
adimpleat, ac exequamini seu exequatur cum effectu, si penas 
uostro arbitrio in vos infligendas cupitis evitare presentibus post 
oportunam inspeccionem earum ac subscripcionem et debitis 
execucionem remanentibus. Datum in Castro nostro Tharasconis, 
per nobilem et egregium virum Johannem Louvetî, militem, 
iicenciatum in legibus , mandamento nostro locumtenentem 
judicis majoris comitatuum Provincie et Forcalquerii predicto- 
rum, consiliarium et fidelem nostrum dilectum, anno Domini 
millésime quatercentesimo decimo, indiccione tercia et Die x 
mensis'aprilis regnorum vero nostrorum predictorum anno 
vicesimo sexto. 

Per Regem, vobis presentibus. • 

Franchomme. t 



— 459 — 



XI. 

1504. — Privileginm Julii PP. II. 

(Arch. des B.-du.-fih. Fonds Montmajoar, Privil, n* 108.) 

Julius episcopus servus servorum Dei. Universis Chrisli fide- 
libus présentes litteras inspecturis, salutem et apostolicam 
benedictionem. Licet is de cujus munere venit ut sibi a suis 
fidelibus digne et laudabiliter deserviatur de abundantia sue 
pietatis que mérita supplicum excedit et vota bene servientibus 
sibi multo majora rétribuât quam valeant promoveri, nichillo- 
minus desiderantes Domino populum reddere acceptabilem et 
bonorum operum sectatorem, fidèles ipsos ad complacendum et 
quasi quibusdam alectivis muneribus, indulgentiis videlicet et 
remissionibus invitamus, ut exinde reddantur divine gratie 
aptiores. Cupientes igitur ut Ecclesia in honorem sancte crucis 
in montanea monasterii sancti Pétri Montismajoris, ordinis sancti 
Benedieti, Arelatensis diocesis et ecclesia magna ejusdem monas- 
terii congruis frequententur honoribus, et in suis structuris et 
edeficiis manuteneantur et amplientur, ac libris, calicibus, orna- 
mentis rebusque aliis divine cultui necessariis muniantur, ipsique 
fidèles eo libentius devotionis causa ad easdem ecclesias 
confluant, et ad manutentionem et ampliationem predictas manus 
promptius porigant adjutrices que ex hoc ibidem dono celestis 
gratie uberius conspexerint se refffectos, de omnipotentis Dei 
misericordia et beatorum Pétri et Pauli, apostolorum ejus 
auctoritate confisi, omnibus et singulis utriusque sexus Chnsti 
fidelibus vere penitentibus et confessis, qui in festo inventionis 
ejusdem sancte crucis, quoties illud sexta feria contigerit cele- 
brari, duntaxat ab ipsius primis vesperis usque ad secundas 
vesperas inclusive ecclesias predictas dévote visitaverint, et ad 
hujusmodi manutentionem et ampliationem ac ornamentum 
manus porrexerint adjutrices, plenariam peccatorum suorum 
remissionem et indulgentiam auctoritate apostolica tenorô pre- 
sencium concedimus et elargimur. Et, ut fidèles Cristi indulgen- 
tiam hujusmodi, Deo propitio, facilius consequi valeant, abbati 
dicti monasterii pro tempore exîstenti aut ejus vicario ac priori 
claustrali, in dicto festo et per duos dies ante, tôt presbytères 
seculares, vel cujusvis ordinis regulares quos idem abbas, seu 
ejus vicarius et prier ad id alios ydoneos cognoverit et quos sibi 
visum fuerit necessarios in dictis ecclesiis deputandi, ipsique 
presbiteri pro tempore deputati omnium et singulorum Chnsti 
lidelium ad dictas ecclesias pro hujusmodi indulgentia conse- 
quenda confluentium confessionibus diligenter auditis, ipsos ab 
omnibus et singulis suis peccatis, et omnibus in casibus episco- 
palibus duntaxat absolvere, eisque pro commissis penitentiam 



— 460 — 

&alutarem injungere, ac omissa per eos vota quecumque, ultra- 
marino, liminum apostolorutn Pétri et Pauli ac sancti Jacobi in 
Compostella, necnon castitatis et religionis votis duntaxat 
exceptis, in alia pietatis opéra comutare libère et licite valeant, 
auctoritate et tenore premissis plenam et liberam concedimus 
facuUatem presentibus perpetuis futuris temporibus valituris. 
Volumus autem quod alias viiitantibus dictas ecclesias vel ad 
premissa manus porrigentibus adjutrices, aut alias inibi elemo- 
sinas errogantibus seu alias aliqua alia indulgentia, in perpetuum, 
vel ad cerlum tempus nondum elapsum duratura per nos 
concessa fuerit présentes littere nullius sint roboris velmomenti, 
Datum Rome, apud sanetum Petrum, anno incarnationis domi- 
nice millésime quingentesimo quarto, octavo idus Februarii, 
pontificatus nostri anno secundo. 



TABLE 



Page. 
Préliminaires l 

I. Anciens monastères d'Arles et des environs 13 

II. Origines deMontmajour. — A qui doit-on en attribuer la 
fondation? 20 

III. Etablissement de moines à Montmajour. — Libéralités do 
Teucinde, de Grifon, de Gentius et autres seigneurs 26 

IV. Gontestations au sujet des domaines de Pertuis et do 
Fontvieille. — Gonstruction de l'église majeure. — Faveurs 
de Geoffroy comte de Provence. — Fondation du monastère 

de St-Antoine-en-Viennois 35 

V. Foulques de Gabannes. — Guillaume de Bonnieux. — Ré- 
forme du monastère 50 

VI. Détention de Pertuis par le comte de Forcalquier. — Sen- 
tence arbitrale de l'Archevêque d'Arles. — Excommunica- 
tion de Guillaume, comte de Forcalquier. — Hommage 
prêté par le Gomte 53 

VII. Démêlés de Montmajour avec la maison de St-Antoine. 
— Erection de ce prieuré en abbaye sous Boniface VIII et 
constitution d'une pension en faveur des Bénédictins 66 

VIII. Le comte de Provence est dispensé de rendre hommage 
à l'abbé pour Pertuis. — Attaque du Gastelet par les Arlé- 
Siens, .♦...*• . » . é .;.,;;... 76 



— 462 — 

Ptge. 

IX. Pons de Ulmo. — Construction de la tour de Montma- 

jour. — L'antipape Benoît XIII, nomme abbé Jean Hugolen. 
— La vicomte de Portais est donnée au maréchal de de Bou- 
cicault. — Louis d'Allemand obtient du concile de Bâle un 
décret contre les Antonins. — Il est dépouillé de l'archevê- 
ché d'Arles et de l'abbaye de Montmajour par le pape 
Eugène IV et restitué dans ses dignités par Nicolas V 80 

X. Règlements relatifs à la pension autonienne. — Diminutions 
successives de ce tribut. — Innocent VIII transforme 
Montmajour en commanderie générale de l'ordre de St- 
Antoine. — Protestation de Montmajour 20 

XI. Attitude des Arlésiens dans la lutte des deux abbayes. ... 101 

XII. Claude de Poitiers et ses successeurs. — Le maréchal 
d'Ornano a-t-il été abbé de Montmajour? 110 

XIII. Suite des abbés de Montmajour. — Construction d'un 
nouveau monastère 123 

XIV. Le cardinal de Rohan dernier commendataire de Mont- 
majour. — Sécularisation de l'abbaye. — Partage de ses 
terres 138 

Documents , 145 



Marseille. — Typographie Marius Olive, rue Sainte, 39. 




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