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NMlVAPn CniLFGE LfBRAirV - WTOENCI» LISRARV
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MONTMAJOUR
ÉTUDE HISTOIUOIIS
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MAItSItILLE
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L'ABBAYE DE MONTMAJOUR
L'ABBAYE
MONTMAJOUR
ÉTUDE HISTORIQUE
D'aprÈs les manuicrits de D. Chanlelou et autres documenta inSdili
F. DE MARIN DE CARRANRAIS
.rchiviste auxiliaire des Bouches - du -Rhâiie
MARSEILLE
TYPOGRAPHIE ET LITHOGRAPHIE MARIUS OLIVE
HUE SAINTE, 39
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HARVARD
UNIVERSITY
LIBRARY
JUL 17 1959
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L'ABBAYE
DE
MONTMUOUR-LÊS-ARLES
A trois ou quatre kilomètres environ de la ville d'Ar-
les, s'élèvent brusquement de la plaine deux collines
jumelles: l'une est la montagne de Cordes, dont les
roches entremêlées de broussailles cachent la grotte
mystérieuse ; l'autre est encore aujourd'hui couronnée
par les ruines imposantes et la fière tour de l'Abbaye de
Montmajour (1).
Si l'on aborde cette dernière colline par son versant
septentrional, on voit surgir tout-à-coup du milieu des
assises de pierre et des pins, d'abord des bâtiments
d'une architecture noble mais sévère, que sillonnent
des lézardes profondes ; puis une grande basilique de
style roman, dont le soleil de Provence a revêtu les
murs d'une teinte dorée. Entre l'église et les autres
constructions s'ouvre un large portail , à la droite
duquel s'élèvent, branlantes, les ruines du grand es-
calier. En avançant et en jetant un coup-d'œil du même
(1) Montmajour, comme l'a dit fort bien M. Clair, est la colline
« de prédilection du moyen-âge, le lieu dans lequel chaque géné-
« ration chrétienne a voulu élever une pierre, déposer un témoi-
« gnage de son respect et de son aifection. » Les Monuments
d Arles antiqtieet moderne.
— 6 —
côté, on voit un monceau de débris qui forme, avec des
pans de murs percés de quelques ouvertures, le seul
reste de la façade méridionale. C'est la partie la plus
moderne du monastère, que la ruine et la main des
hommes ont cependant le moins épargnée. A gauche,
au contraire, s'élève la belle tour construite en 1 369 par
Tabbé Pons de Ulmo, dominant à la fois l'église et le
cloître qui la touche. Au pied de ce donjon, et à demi
taillée dans la paroi méridionale du rocher est la cha-
pelle vénérable de Saint-Trophime, au fond de laquelle
se trouve le petit réduit appelé la confession,
A l'est de la tour et de l'église, la colline s'étendait,
il n'y a pas longtemps encore, pour rejoindre par une
pente douce et continue le gracieux sanctuaire de Sainte
Croix. Aujourd'hui le pic et la mine ont attaqué la mon-
tagne et fouillé jusqu'aux tombeaux qui environnaient
cette chapelle.
La tour dont nous venons de parler est haute d'envi-
ron 30 mètres. Son plan est un parallélogramme rectan-
gle dont les deux plus larges faces regardent le nord et
le midi. Les pierres sont taillées en bossages comme
les murs si remarquables de la ville d'Aigues-Mor-
tes. Sur la porte se voient les armes de l'abbé Pons de
Ulmo (1). Deux salles superposées occupent l'intérieur :
celle de l'étage supérieur se fait remarquer par ses
voûtes d'arêtes aux élégantes nervures. L'escalier en
colimaçon conduit à une plaie-forme couronnée par la
vigie d'où le guetteur donnait aux jours de péril le
signal d'alarme. En effet, quel meilleur observatoire
eût-on pu choisir I Au midi la montagne de Cordes
abaisse ses escarpements comme pour laisser voir la
vaste plaine cultivée recouverte jadis par de fiévreux
marécages, plaine qui vient expirer aux remparts mê-
(1) Ces armes parlantes reproduisent la figure d'un orme.
— 7 —
mes de cette m)ble cité d'Arles que Ton aperçoit à l'ho-
rizon, dominée par ses clochers et ses Arènes, vestiges
de sa splendeur antique (1). Baignant les murs de l'il-
lustre capitale, le Rhône brille à l'Ouest, et, au Nord,
le donjon de Beaucaire indique encore son cours. A
l'extrémité d'un plateau déclive se dressent les tours
de Saint-Gabriel. Ce sont ensuite les Alpines aux for-
mes hardies, dans les anfractuosités desquelles on de-
vine, sans le voir, ce rocher hérissé de tours d'où les
redoutés barons des Baux partaient , pour soulever
contre ses comtes la Provence entière. Enfin, au pied de
cette chaîne de montagnes, Fontvieille, autrefois fief
de Montmajour, parait au milieu des carrières de pierre
dont elle tire sa richesse.
Mais il est temps de jeter un coup-d'œil sur l'église
de Montmajour. Ce beau vaisseau, qui, d'après les
plans primitifs devait être prolongé de trois travées,
fut laissé inachevé à cause du manque de ressources.
Les pierres d'attente que l'on voit en avant l'attestent,
quoiqu'en disent les auteurs de la Statistique des Bou-
ches-du- Rhône (2). Comme façade provisoire, on avait
élevé un mur sous l'arc-doubleau de la seconde travée
au dessous du transept , et l'on y pratiqua un porche
du même style que le reste de l'église .
« L'abside, circulaire à l'intérieur,» dit M.Révoil (3),
« accuse k l'extérieur la forme d'un demi-octogone pré-
(1) Roumo de noù t'avié vestido
En peiro blanquo bèn bastido ;
De si grandis Arèno avié mes à toun front
Li cènt-vint porto : avies toun Ciôri,
Avies, priDcesso de l'Empèri,
Per espassa ti refouleri.
Li poumpous Aquedu, lou Tiatre et l'Ipoudron.
(mirèio, Ch. XI.).
(2) Statistique des BoiAches-du-Rhôney tome 2, p. 464.
(3) Architecture Romane du midi de la France, tome tt p. 29.
— 8 —
« sentant un de ses angles sur Taxe longitudinal... trois
a fenêtres Téclairent ...» Dans le bras droit de la Croix
se voient encore aujourd'hui deux beaux tombeaux
de style gothique flamboyant. Ce sont ceux de Tabbé
Bertrand de Malsang, et de son frère, chevalier (1). En
face de ces deux tombeaux était jadis un autel qui de-
vait être d'une ornementation fort riche, à en juger
par des culs-de-lampe, veufs des statues qu'ils suppor-
taient.
Par le bas de la nef, on descend dans la crypte qui
« se compose d'une partie centrale circulaire, recou-
« verte par une voûte sphérique. Les murs de ce sanc-
c< tuaîre, qui a encore son autel au centre, sont percés
« de cinq baies prenant jour sur une galerie concen-
« trique surmontée d'une voûte annulaire. Autour de
« cette galerie, dans Taxe de chacune de ces baies,
« rayonnent cinq chapelles en forme de fer-à-cheval
a et voûtées en cul -de-four. Aux deux extrémités de
a la galerie transversale placée en avant de cette dispo-
« sition se trouvent deux chapelles semblables (2).»
M. Révoil, cherchant à assigner une date précise à la
construction de l'église, a étudié attentivement les mar-
ques de tâcherons gravées sur ses pierres . Son examen
et la comparaison qu'il a faite de ces marques avec celles
que Ton trouve sur les murs de la chapelle de Sainte-
Croix l'ont amené à dire que certaines portions de
l'église majeure sont antérieures au XP siècle, et que
l'abbé Rambert, en 1016, ne jeta pas les fondements
d'un sanctuaire nouveau, mais se borna à réparer ou à
relever les ruiues d'une ancienne église. Cette opinion
a été vivement combattue. Il faut reconnaître qu'il est
difficile, sinon impossible de la concilier avec l'ancien
(1) Gallia Chrisiiana, I, col. 612.
(2) Architecture Romanef etc., Ibid. p. 28.
— 9 —
document firé des archives du monastère qui dit : « Anno
ah incamatione Domini MXVP fuit inchoata basilica...y>
cette expression ne semble pas admettre Tidée d'une
reconstruction, elle suppose la fondation originaire et
absolue de la basilique.
Dans la dernière travée de l'église, à droite, s'ouvre
la porte du cloître. Le premier objet qui frappe les yeux
lorsqu'on pénètre dans . la galerie est un monument en
forme d'arc surbaissé, soutenu par deux colonnes ; il
s'élève à gauche de l'entrée. On y voit encore quelques
traces de peinture que M. Révoil attribue au XIP siècle.
C'est le tombeau de Geoffroy, comte de Provence, qui
élut pour sa sépulture le monastère de Montmajour,
envers lequel il s'était montré fort libéral. A droite de
la même porte est la pierre tombale de l'abbé Jean Hu-
golen. Plusieurs dalles portent des écussons et des
caractères frustes. Des quatre faces du cloître trois sont
de pur style roman : des colonnettes en supportent les
gracieuses arcades. La galerie de l'ouest ne remonte
qu'au commencement du XVIII^ siècle comme on le
voit par un rapport d'experts du 27 mars 1719, disant :
(i qu'elle a été changée depuis environ deux ans, qu'on
« abattit les petits arceaux, et à la place on y fit trois
« arceaux beaucoup plus relevés qui donnent un plus
« grand jour et gayeté à ladite allée, et lesquels forti-
c( fiés par des ancmles ou contreforts.. . (1) » On re-
marque sur une pierre à Textrémité de la galerie méri-
dionale les armes du cardinal Pierre de Foix, archevêque
d'Arles, l'un des abbés de Montmajour. La salle capi-
tulaire, qui n'offre rii^n de saillant, est limitrophe à la
partie orientale du cloître.
C'est par un escalier ouvert au pied de la tour du côté
du midi qu'on descend à la chapelle de S. Pierre et à la
(1) V. Rapport de 1719, f* 4, verso.
:smmmÊmi
— 40 -
confession de Saînt-Trophîme , monument vénérable
dont les parties les plus anciennes remontent, dit-on,
à l'établissement du christianisme dans les Gaules.
Lorsqu'on est arrivé au bas des escarpements qui
supportent la tour, on accède dans ce sanctuaire dont
nous emprunterons la description à M. Révoil. a Une
« sorte de petit pronaos ou vestibule, dans lequel on
« remarque deux sarcophages taillés dans la roche,
« précède la nef, flanquée de trois arca tu res supportées
« par huit colonnes. Ces colonnes sont surmontées de
« chapiteaux grossièrement sculptés , mais cependant
a d'un assez beau caractère : le sanctuaire, terminé par
(( une abside et séparé de la nef par un arc-doubleau,
« présente une ordonnance analogue ; le côté sud de
« cette nef est percé de quatre fenêtres. .. à l'extrémité
« de ces constructions, on observe avec le plus curieux
« intérêt une petite chambre d'un mètre quarante cen-
c( timètres sur 60 centimètres, remplie presque entière-
« ment par une sorte de siège en pierre. .. Une colonne
« surmontée d'un chapiteau, composé d'une palme et de
a deux volutes, divise en deux parties un banc taillé
a dans la pierre. Presque au milieu de cette arcade on
« distingue une tête avec barbe, à laquelle se rattache
« gauchement une main droite tenant une crosse. »
M. Mérimée attribue au V® ou VP siècle la première
partie de ces constructions et au IX® l'oratoire propre-
dit. M. Revoil place la construction de l'oratoire seule-
ment au XP siècle .
Quant à la chapelle Sainte-Croix, c'est, dit M. VioUet-
Le-Duc (1), un édifice formé dç quatre culs-de-four
« égaux en diamètre dont les arcs portent une coupole
« à base carrée : un porche précède l'une des niches
« qui sert d'entrée. La porte latérale donne entrée dans
(t) Dktionn. d'architecture, y"* Chapelle.
■-' -,-t—
— -*'---^"^-'" ; *^ .
— 44 —
« un petit cimetière clos de murs. La chapelle Sainte^
a Croix est bien bâtie en pierre de taille et son orne-
« mentation très-sobre, exécutée avec une extrême
« délicatesse, rappelle la sculpture des églises grecques
« des environs d'Athènes. Sur la coupole s'élève un
« campanile. » M. Révoil qui a découvert en 1854 l'ins-
cription du fronton, établit que le caractère des lettres
qui la composent, la largeur -saillante laissée au filet
sur lequel elles sont gravées attestent qu'elle date de
l'époque de l'achèvement de la construction , soit de
1019(1).
Tout autour de la chapelle s'ouvrent des tombeaux de
grandeurs très-inégales. Le petit nombre de ces sépul-
cres, dont plusieurs n'ont pu être que des tombeaux
d'enfants, suffit pour faire repousser l'opiniond'ungrand
nombre d'auteurs qui veulent y voir la sépulture de
guerriers morts dans un combat livré aux Sarrasins à
l'époque de Charlemagne (2). En vain une inscription
gravée à l'intérieur du sanctuaire, au-dessus de la porte,
lui assigne ce grand prince pour fondateur et fait men-
tion de cette bataille ; nous verrons l'historien de l'ab-
baye, Dom Chantelou, avouer lui-même la fausseté de
l'inscription dont nous parlons. Les caractères n'en
paraissent pas du reste antérieurs au XV® siècle, ce qui
suffit pour rejeter cette croyance.
Tel est le cadre au milieu duquel les ruines d'une
des plus illustres abbayes de la Provence éveillent la
curiosité du voyageur.
Montmajour a eu des périodes de gloire et des pério-
des de décadence. Il à eu aussi son historien, Dom
Claude Chantelou, bénédictin de la congrégation de
(t) Archit. Rom. du midi, tome I, p. 13.
(2) Bonis, Royale couronne d'Arles, p. 111 ; La Uuaière, Abrégé
chronologique de l'histoire d'Arles, p. 93.
— 42 —
Saînt-Maur (1). Malheureusement les annales latines
qu'il a laissées sur cette abbaye sont restées manuscri-
tes (2). Le judicieux écrivain a puisé aux sources les
plus sûres et, appuyé sur l'autorité des pièces originales,
il a étudié les commencements et les progrès du monas-
tère. Après lui, il nous sera facile de retracer brièvement
les faits qui se rattachent à Montmajour et nous n'au-
rons pas k redouter de nous égarer, sur le pas de ce
guide fidèle. Regrettant que les limites de cette notice
ne nous permettent pas de reproduire les textes qui ser-
vent de trame à son récit, nous nous bornerons k ren-
voyer le lecteur au fonds de Montmajour, aujourd'hui
réuni aux archives des Bouches-du-Rhône.
Le savant annaliste nous apprend, dès le début, que de
nombreux écrivains ont essayé avant lui de dissiper les
ténèbres qui couvrent les origines de Montmajour, mais
sans demander la lumière k des documents précis et
indiscutables, ni k Tautorité des anciens auteurs. Tous,
du reste, n'assignent pas le même fondateur k l'ab-
baye artésienne : les uns, en effet, en attribuent l'éta-
blissement au roi Childebert , d'autres k Charlema-
gne, d'autres enfin k Jean Cassien qui, selon eux, après
avoir institué k Marseille une congrégation nouvelle,
serait venu jeter k Montmajour les fondements d'une
colonie de cet ordre naissant.
Comme préambule, et pour chercher k faire quelque
■
(1) D. Chantelou, né au diocèse d'Angers, fut d'abord moine de
Fontevrault, puis <le Tordre de Saint Benoît et mourut en 1664. Il
a donné une bibliothèque ascétique des Pères et une édition des
sermons de Saint Berjiard et des règles de Saint Basile. Il colla-
bora, en outre, au SpicUegium de D. d'Achery et laissa plusieurs
ouvrages manuscrits.
(2) Il n'existe que cinq exemplaires de ce précieux ouvrage ; le
Sremier à la Bibliothèque Nationale, provenant du fonds de Saint-
ermain-des-Prés ; un second à la Bibliothèque Méjanes, d'Aix ;
deux à Arles, ayant appartenu, Tun à M. Véran, l'autre à l'abbé
Bonnemant qui l'a enrichi de notes précieuses ; le cinquième aux
archives des Bouches-du-Rhône.
H*a
.-— • '-nr"
— 43 —
jour sur l'origine obscure de ce monastère, il est bon
de jeter un coup-d'œil, avec Chantelou, sur tous ceux
qui furent fondés à Arles ou dans les environs.
I.
Anciens monastères d'Arles et des environs
La plus antique de ces pieuses maisons est le Monas-
terium Insulœ suburbanœ dont parle Cyprien de Toulon
dans les actes de Saint-Césaire. Saxi(1) en attribue la
fondation à Saint Hilaire d'Arles. La vie de cet illustre*
évêque relate seulement d'une façon générale qu'il
éleva plusieurs églises et rebâtit plusieurs couvents,
mais ne fait aucune mention particulière de celui-ci.
Cyprien raconte simplement (2) que Saint Césaire fut
chargé par Saint Eon de rétablir la discipline dans ce
monastère et qu'il fut désigné pour lui succéder à sa
mort (3).
Cette île suburbaine serait-elle la Camargue ou une
autre île plus petite formée dans le lit du Rhône?
Saxi (4) déclare l'ignorer. On pense généralement,
puisqu'elle était si voisine d'Arles, que la maison dont
nous parlons fut détruite par les Goths ou peut-être par
les Francs et les Burgondes, lorsqu'ils mirent le siège
devant cette ville, après la victoire remportée sur Alaric
à Vouillé par Ciovis. C'est pendant ce siège que fut
ruiné en grande partie le monastère élevé par Saint
Césaire pour sa sœur.
Chantelou croit que Vile suburbaine était la même que
(1) Pontiflcium Arelatense, p. 124. V. sur le même monastère GalL
Christ T. I, col. 599. Chantelou I, § /.
(2) Liv. I, n» 9.
(3) Cf. Gallia Christ, p. 600, n» 1 .
(4) Pontif, Ar$L p. 125.
r
4P
— 44 —
Nothon, archevêque d'Arles, céda plus tard à titre
d'échange au comte Leibulfe, selon Saxi (i). Barrai
rapporte que ce seigneur la donna ensuite k Tabbaye de
Lérins, d'autres disent à celle d'Aniane, et que cette
donation fut approuvée par Louis-le-Débonnaire.
Au XP siècle, Raïambaud, archevêque d'Arles, aban-
donna Tîleau moine Durand, moyennant une redevance
de 1 1 livres, payables chaque année à l'église Saint-
Etienne pour la fête de Saint Trophime, et une autre
de 12 deniers payables au sacre de chaque nouvel
archevêque. Il le chargea en même temps de relever de
ses ruines le monastère dévasté par les Barbares. L'acte
de donation parle de l'île en ces termes : « Insula
« suburbana , quam nuncupant Sanctœ Mariœ , vel
« Sancti Andreœ Apostoli, cum suis adjacentiis. »
Une autre maison religieuse fut fondée k Arles, sur
l'ordre de Childebert, fils de Clovis (2) , par saint Aurélien,
évêque de la même ville. Ce saint pontife traça pour les
moines dont il la peupla une règle spéciale qui contenait
57 chapitres relatifs k la discipline, au vêtement, aux
offices et k la nourriture des religieux.
Parmi les fondateurs de ce monastère, une pierre
tumulaire rappelle le nom du premier abbé Florentin,
que ses vertus et ses miracles placèrent sur les autels.
Elle porte un acrostiche k la louange de ce saint per-
sonnage, et fixe la date de sa mort k la douzième année
qui suivit le cinquième consulat de Basile-le-Jeune.
D'après les époques marquées soit par les règles de
Saint Aurélien, soit par l'inscription dont nous parlons.
(1) Pontif. AreL p. 170.
P) Gallia Christ, p. 600 n" 11. — Cet ouvrage fait immédia-
tement après mention d'un monastère de femmes fondé à Arles
par Saint Aurélien. — Sur le monastère d'Arles. V. Vissért. de
Seguin (Fonds Nicolal, arch. Dép.)
"jc^r
— 45 —
on peut placer la fondation du monastère d'Arles à
Tannée 546 et celle de la mort du pieux abbé en 553.
Saxi (1) a vu dans le mot Hilarianum; qui figure dans
Tépitaphe, une qualification donnée k notre monastère
plutôt que le nom d'un religieux. Cette erreur l'a con-
duit à en attribuer la création à Saint Hilaire. Il conjec-
• ture qu'il n'est pas différent du monasterium insulœ
suburbanœ précité, et veut qu'après la ruine de celui-ci
par les Goths, on Tait réédifié encore du vivant de
Saint Hilaire, non plus sur son emplacement primitif,
mais à Montmajour. Or, Técart d'un siècle entre Saint-
Hilaire et l'époque fixée plus haut suffit pour faire reje-
ter cet avis, malgré l'autorité de Saxi. Il est vrai que
cet auteur prétend corriger l'invraisemblance des dates
en disant que l'épitaphe de Saint Florentin donne
l'époque de la translation de ses reliques, dans l'église
de Sainte Croix d'Arles, et non celle de sa mort.
Mais, même çn accordant que le monasterium insulœ
suburbanœ, détruit par les Goths, soit la maison que
Saint Aurélien releva sur l'ordre de Childebert, il est
impossible d'admettre qu'on ait réédifié à Montmajour
un monastère que les règles de Saint Aurélien placent
« in civitate Arelalensi, » et la lettre dû pape Saint-
Grégoire, plus explicite encore, « intra muros civitatis
« Arelatensis. (2) ti
Il ne parait pas avoir survécu à l'invasion des Sarra-
sins qui, après avoir dévasté la Narbonnaise, vinrent
mettre le siège devant la ville d'Arles, s'en rendirent
maîtres et la mirent k feu et k sang.
Un troisième monastère existait aux environs d'Arles,
au sortir même des portes de la ville, dans ces Alys-
(1) Pontiflcium Àr$latens$ p. 124.
(2) Cf Dissertation de Seguin, Fonds Nicolaï, 61, Archives Dépar-
tementales — Chantelou, Hist, m. s. Mont, maj., chap. 1, g //.
— 16 —
camps, déjà célèbres au temps du paganisme, et dont la
légende attribue au Sauveur la consécration merveilleuse
A la limite des marais qui s'étendent jusqu'à la chapelle
de N.-D. des Grâces, l'évéque Virgile éleva un temple
magnifique sous le vocable de Saint-Sauveur et de
Saint-Honorat. 11 y joignit une maison religieuse qui
passa au XI® siècle entre les mains des moines de Saint-
Victor de Marseille par une libéralité de Tarcheveque
Raïambaud, confirmée plus tard par Gibelin, un de ses
successeurs sur le siège d'Arles. Cette église étant
tombée en ruines , l'archevêque Michel de Moresio
entreprit de la relever. La lettre qu'il écrivit pour
demander leurs aumônes aux évéques et aux fidèles de
toute la chrétienté (1) relate que ce temple vénérable
était situé « extra murosurbis Arelatensis, in campis qui
« vulgariter dicuntur Elysii. » Elle rappelle, en outre,
les gloires de cette église, qui renfermait les restes
précieux de Saint Honorât, de Saint Hilaîre, et des
bienheureux pontifes Aurelius, Concordius, Eon, Virgile,
Roland ; de Saint Gêniez, martyr, et de Dorothée,
vierge et martyre.
Par la suite, les corps de ces saints furent transpor-
tés dans la ville, et leurs tombeaux demeurèrent vides
dans la crypte, sous le maîtro-autel de l'église. Saxi
rapporte les inscriptions qui les couvraient (2). En
dernier lieu ce monastère fut uni à l'Abbaye des
Bénédictines de Tarascon. Cette union dura jusqu'en
1616. A cette époque l'abbesse céda aux PP. Minimes
l'église déjà presque, en ruines et les jardins conti-
gus (3).
(1) Liv. noir de l'archevêché, p. 139. —Saxi, Pontif. Arel. p. 243.
— Royale couronne d'Arles^ p. 359.
(2) Pontif. Arel., p. 24 et 61 .
(3) Chronic. gêner. Minim. ann. 1616, n. 7. — Gall. Christ, p.
600, n» IV.
— 47 —
Annon, archevêque d'Arles, fonda près de la bour-
gade de Fos une abbaye où il établît des Bénédictins
sous la direction du moine Pacion ou Pacéon. Le Pon-
tificium Arelatense {\) parle de cette nouvelle maison,
d'après des indications puisées dans un vieux recueil
manuscrit de documents sur l'église d'Arles, portant la
date de 978. Le cartulaire de cette abbaye constate
qu'elle passa dans la suite du temps aux moines de Clu-
ny. En effet, en l'année 1081 , RostaingdeFos, archevê-
que d'Aix, et avec lui Amiel, son frère, ainsi que ses
neveux Pons, Raimond, Gui, Geoffroy et Bertrand,
firent don k Hugues, abbé de Cluny, du monastère
fondé dans leurs terres patrimoniales par ceux de leur
maison en Thonneur des SS. Gervais et Protajs, dans le
territoire de Fos « in territorio castri quod Fossas dicunt^
ad mare (2). » Parmi les signataires de l'acte de dona-
tion figurent Bertrand, comte de Provence, Amiel, sa
femme et ses fils. Ces derniers, à la mort de leur père,
confirmèrent la cession précédente au même Hugues et
h Yves, moine de Cluny. La maison de Fos devient
ensuite un simple prieuré ; mais, peu après, elle recon-
quiert son autonomie, et se donne comme jadis un abbé
particulier. Les papes Serge IV (3), Paschal H (4) et
(1) Page 193. L'acte de fondation et au livre noir f. 42, livre
rouge 351 V. avec la date de 989
(2) RufiQ pense que si la maison de Fos est issue des vicomtes
de Marseille, comme l'admettent certains généalogistes, elle ne
peut se rattacher qu'à Pons 1", puisque Pons de Fos, qui en est
la souche, vivait à la fin du X* siècle. Cette famille a possédé,
outre les marquisats de Fos et d'Hyères, la t^rre ae Bormes, qui
passa au XV*» siècle, par alliance à la maison de Grasse, et celles
de la Molle et de Collobrières que recueillirent les Boniface, en
1424, par suite du mariage de Jean de Boniface avec Batrone de
Fos. (Histoire de Marseille. Tom. i, p." 86).
(3) Lettre de 1110 à l'abbé Jausserand.
(4) Lettre de 1130 à l'abbé Guillaume.— On trouve aux archives
départementales, liv. rouge d'Arles loi. 345, une bulle d'Hono-
rius III unissant les églises de Saint-Sauveur de Fos et de Saint-
Gervais.
— 48 —
Innocent II lui reconnurent le droit de posséder des
biens et des églises. Plus tard Tabbaye fut restituée aux
moines de Ciuny par Guillaume, seigneur de Montpel-
lier, peut-être k l'occasion de la vêture de son fils Rai-
mond. Innocent II acquiesça à cette restitution en 1 139,
et voulut que la maison de Fos, faisant retour k Cluny,
fut érigée en abbaye. Selon Chantelou, le rescritdu
pape ne reçut pas d'exécution parce qu'il fut rendu
sans Tassentiment de Tarchevêque et du chapitre
d'Arles. Cependant on cite les noms de plusieurs abbés
de St-Gervais. Toutefois l'abbaye de Fos ne subsista
plus longtemps : un petit nombre de prêtres séculiers
s'y établirent k la place des moines, et les revenus
furent attribués aux archidiacres d'Arles. Chantelou
dît que ces dignitaires en jouirent jusqu'k l'époque où
il écrivait, mais, en fait, ceux-ci ne les conservèrent que
fort peu de temps, et le bénéfice en fut dévolu aux pré-
vôts de l'église primatiale (1 ) . ^
Outre ces divers monastères on en voyait encore un
autre dans l'enceinte même de la ville d'Arles ; Louis-
le-Débonnaire et Charles-le-Chauve en assurèrent la
possession k l'abbaye d'Aniane .
Il y avait aussi k Beaucaire un chapitre fondé k la fin
du XVI® siècle par le duc de Montmorency, dépendant
de l'abbaye de la Case-Dieu (2) .
A une faible distance de la même ville de Beaucaire.
au sommet d'une colline, se trouve le château de Saint-
Roman auprès duquel est une église desservie autrefois
par les moines de Psalmody.
Chantelou ne parle pas d'Ulmet et Silve-Réal, aussi
(1) Pour le monastère de Fos, v. Gallia Christ. Tome I p. 600
n*VI.
(2) La Case-Dieu , dioc. d'Auch , appartenait à Tordre de
Prémontré.
— 1^ -
voisins d'Arles . L'abbaye d'Ulmet (1 ) fut fondée au XP
siècle par des moines cisterciens de celle de Valmagne,
diocèse d'Agde, près de la chapelle de N.-D.-d'Ulmet
en Camargue, que leur abandonnèrent les religieuses de
Saint-Césaire.
Ulmet n'eut qu une existence assez éphémère. Sa
réunion à Valmagne, décrétée déjà en chapitre général
en 1299, reçut son effet en 1437 (2). Avant cette réu-
nion, l'abbaye avait été transférée au lieu appelé Silve-
Réal, sur la lisière de la Silve ou Pinède d'Albaron,
donnée à l'ordre de Citeaux par Alphonse P^ d'Aragon et
confirmée à l'abbé d'Ulmet par Alphonse II en 1196.
Les religieux de cette abbaye eurent avec les Templiers
de longues contestations sur le territoire appelé le Cla-
mador. L'intervention de l'archevêque d'Arles, Imbert
d'Aiguières y mit une heureuse fin en 1201 (3).
Le Gallia Christiana (4) cite encore les monastères
de Saint-André en Camargue donnés par Manassès, ar-
chevêque d'Arles, à Drogon, évêque de Marseille, et de
Sainte-Marie de Pierredon, de Podio i^otundo, fondée
par Boscodon et Chalais et devenu simple prieuré
rural dès le XIV® siècle.
Après avoir énuméré ces diverses maisons, Chantelou
aborde enfin le sujet de son ouvrage , l'histoire de
Montmajour.
(1) V. Gallia Christ, tom. I". Instrum. eccles. ireto^, n. 37,
38 et 39.
(2) Une lettre de l'archevêque d'Arles, Gaillard Saumate, du
26 mars 1320, nous apjirend que cette réunion fut prononcée par-
ce que € diclus locus Silvœ-regalis non haberet sumcientes readi-
« tus seu prouentus compétentes pro sustentatione idonea seu
« congrua honoris et oneris abbatiœ et conventusejusdem. . »
Gall, Chrisi.yl, instrum. eccl. Arelat. XXXIX.
(3) Pour Ulmet et Silve-Réal, v. Gall. Christ., I, 624.
(4; Tom. 1,601.
— 20 —
II
Origines de Mon tma jour. — A qui doit-on en attribuer
la fondation?
Dès l'abord se présente une question fort controver-
sée : doit-on attribuer à Childebert la fondation de cet
illustre monastère? L'honneur en reviendrait-il plutôt à
Charlemagne ?
Selon certains auteurs, Childebert, fils de Clovis,
chassant un jour aux environs des montagnes de Cordes
et de Montmajour a y trouva une grande troupe de
« bons religieux qui vivaient fort austèrement parmy
« les bois, sous la règle et discipline de saint Césaire...
« ce qui esmeut le roy à dévotion ; et leur fit bastir dans
a la montagne une maison pour leur retraicte (1) »
Cette opinion, qu'aucun fondement n'appuie, a tous les
caractères d'une légende. Comme nous l'avons vu na-
guère, Saxi, induit en erreur par un mot, a été amené
à considérer le monasterium insulœ suburbanœ comme
le berceau de notre abbaye, et à dire qu'après sa ruine
par les Goths, saint Hilaire le fit réédifier non plus sur
l'ancien emplacement qu'il occupait, mais au Mont-
Majour, Longtemps après, les Sarrasins devenus maî-
tres d'Arles, auraient détruit dans les environs de cette
ville tout ce qui pouvait servir de défense k leurs enne-
(1) Bouis, la Royale Couronne d'Arles, p. 66. — Cf. La Lauzière,
Abrégé chronoL de VHist. d'Arles, p. 80. — Cette légende prend une
forme plus précise encore dans un manuscrit arlésien du com-
mencement de ce siècle, intitulé Abrégé chronologique et historique
des abbesses de Saint Césaire et des abbés de Montmajour, par Viakit
M. L. de Crozet a bien voulu, avec son obligeance si connue, nous
communiquer cet ouvrage appartenant à sa magnifique biblio-
thèque. L'auteur de V Abrégé dit, sans cependant en fournir de
preuve, que, le 25 avril 542, Saint Césaire, archevêque d'Arles,
consacra avec pompe l'église Saint Pierre et prescrivit aux reli-
gieux la règle de Saint Cassien. Il ajoute même que le premier
abbé s'appelait Paul» mais ne cite après lui aucun autre nom jus-
qu'à Mauringus, par lequel Chantelou commence sa liste.
— 24 —
mis, et en particulier le monastère de Montmajour,
dont ils comprenaient l'importance stratégique. Chassés
par Charles Martel et Luitprand, ces barbares renou-
velant leurs attaques contre la ville d'Arles auraient
été vaincus par Charlemagne. Après leur défaite, ils se
seraient retranchés dans de fortes positions, mais, pour-
suivis dans ce dernier asile, iljs auraient été exterminés
par ce prince qui voulut perpétuer le souvenir de sa
victoire sur les ennemis de la Croix sur le théâtre
même de son triomphe. Cette opinion s'étaie sur une
antique inscription qu'on lit encore aujourd'hui dans la
chapelle de Sainte-Croix au pied de la montagne :
« Qu'il soit connu de tous que le très-illustre prince
a Charlemagne, roi des Francs, ayant mis le siège de-
(( vaut la ville d'Arles tombée au pouvoir des infidèles,
« et s'en étant rendu maître, poursuivit avec son armée
« ces barbares qui s'étaient retirés sur les hauteurs de
« Montmajour et s'y étaient fortifiés, remporta sur eux
« une éclatante victoire, et, en reconnaissance de ce
a triomphe comme pour en perpétuer le souvenir, a
fait consacrer cette église en l'honneur de la Sainte-
ce Croix, a relevé de ses ruines le monastère de Saint-
(( Pierre entièrement détruit par les infidèles, l'a repeu-
« plé de moines, lui a assigné de nombreuses dotations
« et l'a comblée de ses dons. Beaucoup de Francs tom-
« bésdansle combat ont été ensevelis dans ce monas-
« tère. Frères, priez pour eux !» (1)
(1) € Noverint universi quod cum serenissimus princeps Caro-
lus Magnus Francorum Rex civitatem Arelatem, quse ab inflie-
libus detinebatur, obsedisset, et ipsam vi armorum cepisset, et
Saraceni in eadem civitate existentes pro majori parte aufugissent
in montanea Montis-majoris et ibidem se retraxissent, et in
eadem 8e munivissent, et idem Rex cum exercitu suo veniens, pro
ipsis debellandis (et ipsos debellando) triumphum do ipsis obti-
nuipset, et de ipso gràtias Deo agendo in signum hujusmodi vic-
torisB prœsentem ecclesiam in honorem Sanctœ Crucis dedicari
fecit, et piœsens monasterium in honorem Sancti Pétri Aposto-
lorum principis dedicatum, quod ab ipsis inâdelibus penitus des-
_ 22 —
Saxi reconnaît cependant que cette inscription n'est
pasàTabri de tout soupçon d'imposture: les auteur^,
en effet, sont presque unanimes à reconnaître que Char-
les-Martel prit Arles sur les Sarrasins ; aucun n'attribue
cet exploita Charlemagne. « Mais, » ajoute-t-il, « lors-
« que l'on considère attentivement les termes de Tins-
« cription, on voit que rien en eux n'est contraire k la
(i vérité. Que dit cette inscription? Elle parle de l'oc •
« cupation d'Arles parles Infidèles, de cette ville déli-
« vrée des Sarrasins : or, il est très-vraisemblable que
a ces Infidèles sont les Goths et les Maures, qui, repous-
(i ses de l'Espagne et errants dans le Languedoc se
« seraient unis contre Charlemagne à ce qui restait des
tt Sarrasins, auraient repris Arles et en auraient été
« de nouveau repoussés. Des chartes attestent que le
« monastère de Saint-Pierre, fondé par Childebert,
« dans une île inhabitée, fut reconstruit par Charle-
« magne et comblé de ses libéralités : mais elles sont
« muettes sur la défaite des Sarrasins par ce prince.
« Quoique j'admette parfaitement l'autorité de ces
a documents, je ne refuse pas de croire avec certains
« auteurs que, deux siècles plus tard, et pendant l'ad-
« ministration de l'abbé Rambert, l'archevêque Pons
« fit la dédicace de l'église de Sainte-Croix fondée au-
« trefois par Charlemagne et qui venait d'être relevée
« de ses ruines. » (1 )
tructum fuerat et inhabitabile redactum, idem rex ipsum repa-
ravit, et reœdificavit , et monachos ibidem pro serviendo Deo
venire fecit et ipsum dotavit et plura doua eidem contulit. In
quo quidem monasterio plures de Francia ibidem debelïantes
sepulti sunt. Ideo, fratres, orale pro eis. »
(1) Pontif. Arelat. n" lx, art. deTarchev. Lupus, p. 168.— Bouis,
dans sa Royale Couronne d'Arles, nous donne compiaisammentles
détails de Ja fameube bataille: a Depuis Montmajour, Saint-
« Remy et j usques à la Durance qu'il y a plus de 6 lieues d'étendue
t de pays » dit-il « furent tués plus de deux cens mille Sarrasins
a ce qui arriva le 3* jour de mai 799, feste de l'Invention de la
c Sainte-Croix, premier ao de son empire et 32 de son règne...
— SS-
II est regrettable que Saxi ne reproduise pas dans leur
intégrité ces chartes attestant la fondation du monas-
tère de Montmajour par Childeberl et sa restauration
par le grand empereur d'Occident. Si ces documents
contemporains de Tarchevêque Ytier, et postérieurs
d'un siècle à Charlemagne, n'avaient pas dissipé tous
les doutes, ils auraient , du moins, pu jeter quelque
lumière au milieu des ténèbres qui enveloppent l'ori-
gine de l'histoire de Montmajour. Aucun ancien auteur
ne rappelle, aucun titre n'établit que Childebert ait
fondé à Arles un monastère différent de celui dont nous
avons déjà parlé, et qu'il avait fait élever dans l'en-
ceinte même de la ville. Il n'y a non plus aucune trace
de ces libéralités attribuées h Charlemagne, bien que
tous les historiens s'accordent à reconnaître sa munifi-
cence envers les églises. Chantelou pense que' des
richesses furent données à l'abbaye après la victoire
remportée sur les Sarrasins ; mais la réalité -de cette
victoire sur laquelle se taisent les auteurs qui ont écrit
les annales du règne de Charlemagne devrait être prou-
vée par des documents solides et certains. On s'étonne
de voir Saxi chercher à colorer d'une teinte de vrai-
semblance une inscription dont les caractères moder-
nes et le style révèlent la fausseté. Chantelou s'exprime
même de la sorte : « Cette inscription, il faut l'avouer,
a fut forgée par nos moines en haine des religieux de
a Saint-Antoine avec lesquels ils étaient en querelle ;
« ils la placèrent au sanctuaire de Sainte-Croix environ
« en Tannée 1400, dans le mur où se trouve la porte ;
« ils voulaient par là se faire un titre pour revendiquer
a l'origine royale que le vulgaire attribuait à leur mai-
a La preuve de cette victoire est confirmée par Eginhardus en
c la vie de Charlemagne et par rinscription gravée sur une
« pierre de marbre en caractères fort anciens dans l'église de
c Sainte-Croix... » (V. p. ill).
— 24 —
a son, et qu'ils ne pouvaient établir d'une manière
« authentique. La fausseté de cette inscription ressort
a encore d'un acte de l'an \ 01 6, rapporté par Saxi dans
« son histoire, et dans lequel il est dit que ce sanctuaire
« fut construit, et non point réparé à cette époque par
« l'abbé Rambert. Il y a plus: en l'année 1205, les
« moines de Montmajour, questionnés par un légat du
« Saint-Siège sur le nom du fondateur de leur monas-
« tère, désignèrent saint Trophime, premier évêque
« d'Arles ; et le légat, ayant compulsé attentivement
(( les privilèges et les chartes ne découvrit aucun autre
« fondateur : en sorte qu'il n'y a pas en réalité de
« divergence entre son témoignage et celui des moines,
« si ce n'est qu'il attribue au saint évêque la fondation
« de l'église de Saint-Pierre seulement, et la construc-
<( tion du monastère à l'abbé Mauringus et à la pieuse
« Teucinde. (1) »
Beaucoup d'auteurs parlent, il est vrai, de la vic-
toire remportée par Gharlemagne sur les Sarrasins,
mais ils sont plus modernes, et, en outre, se trouvent
souvent en désaccord. Michel, archevêque d'Arles, dans
sa lettre circulaire citée plus haut (2), rapporte cette
victoire à l'époque de Gharlemagne, mais en attribue
l'honneur au comte Guillaume que ses vertus ont fait
honorer parmi les saints sous le nom de Saint Guillaume
ou Guilhem du Désert. Les hauts faits de ce saint
guerrier sont relatés par Bernard Guidonis (3) ; il dit
(1) Hîst. m. s. de Montmaj. p. 16. — Cf. dissert, de Seguin
Arch, dép. 61, Fonds Nicolay.
(2) « Habet hœc ecclesia cœmiterium spatiosum in cujus sinu
« corpora infinita eorum requiescunt qui sub B** Carolo et B*» Wil-
c lelmo, et Viriano, nepote ejus, triumphali agone peracto, pro-
c prio sunt sanguine laureati. »
(3) « Guillelmus ita<)ue comitis et ducis gloria sublimatus ât
c inter principes primus : ipse secundus a rege suscipit legationem
ff contra barbaros, neque récusât laborem. Septimaniam itaque
€ cum exercitu valido ingressus, transitoque BJiodano ad urbem
— 95 —
que le comte livra aux Sarrasins une bataille près
d'Orange. Roderîc de Tolède (1) attribue Theureux suc-
cès de ce combat à la simultanéité des victoires de
Charles-Martel.
Les assertions vagues et divergentes de ces auteurs
laissent subsister le doute. Plusieurs s'accordent à dire
que beaucoup de ceux qui périrent dans cette journée
reçurent la sépulture aux Alyscamps (2), aucun ne dit
qu'on en ait enseveli à Montmajour. Les ossements des
prétendus soldats furent extraits par les moines des
tombeaux qui environnaient la chapelle de Sainte-Croix
et transportés dans l'église majeure comme des reli-
ques de martyrs. Il aurait cependant suffi de jeter un
coup d'œil superficiel sur ces tombeaux pour recon-
naître que beaucoup d'entre eux, par leur exiguïté,
étaient incapables de contenir autre chose que des corps
d'enfants. Les anciens documents relatifs au monastère
auraient pu aussi apprendre aux religieux que le lieu
dont nous parlons avait été jadis destiné à la sépulture
des fidèles, selon l'usage suivi, lorsqu'on ne pouvait
ensevelir les corps dans les églises. (3)
a Bien que ces divergences me fassent soupçonner
« des erreurs, dit Chantelou, je crois que ces erreurs
« existent plutôt sur les détails que sur l'événement
« lui-même, et qu'un grand fait a donné naissance à
(( l'opinion communément répandue. Il est certain,
t concitus Arausicam a^mina disponit, et castra quse ibi Saraceni
f cum suo reg'e Theobaldo jam pridera occupaverant ipsamque
c urbem facile ac brevi tempore, caesis atque mgtitis barbarie in-
c vasoribus eis eripuit. » Vit. Sancti Guill. de Désert.
{[) Cet auteur ne semble pas dans son récit avoir suivi aussi
RCriipulensemrtntqu'à l'ordinaire Isidore de Béja, qui ne parle que
des succès d'Eudes et de Charles Martel sur les bords de la
Garonne et près de Tours.
(2) « Et eorum tuinuli adhuo hodie lu Arelatensi cœmf-
c torio ostenduntur. » Roder. Toled.
(3) V. plus haut, page 24, note 2, la lettfe de l'a rcherecîue d'Arles.
— 26 —
■ d'après les auteurs qui ont écrit Thistoire de Charles-
ce Martel (<), de Gharles-le-Chauve (2), de Charles-le-
a Simple, que les Sarrasins ont, par des incursions
« souvent renouvelées, signalées chaque fois par de
« terribles désastres, désolé le Languedoc, la Provence
« et le Dauphiné. Une bataille livrée contre les barba-
« res sous le règne d'un de ces trois princes aurait pu
« rester dans le souvenir du peuple, dont Tignorance
a aurait placé ce combat à l'époque de Charlema-
gne. »
Aimoin rapporte comment l'archevêque Roland fut
pris en Camargue par les Sarrasins qui avaient abordé
dans cette île. (3) Des hordes Normandes opérèrent
aussi au IX® siècle une descente en Provence (4). Les
actes du concile de Valence, où Louis, fils de Boson
reçut le titre de Roi, mentionnent une autre invasion
sarrasine en 890 (5).
IIL
Etablissement de moines à Montmajour. — Libéralités
de Teucinde, de Grifon, Gentius et autres seigneurs.
En l'absence de documents précis, Chantelou refuse
d'admettre que le monastère de Montmajour ait été
(1) € Adon de Vienne, Comment : Saraceni multis copiis, navi-
« busqué plurimis longe lateque plurimas urbes tam Septimaniœ
c quam Viennensis provinciae vastant. Contra quos Carolus (Mar-
c tellus) expeditionem ducens, graviter eos fundens in Hispania
« repulit. »
Q) Annales de Saint-Bertin : «t Anno DGCCLV quo reg-nabat
c CaCrolus Calvus, Mauri usque ad Arelatem, nullo obsistente,
« eu ncta dévastant; sed cum redirent, vente contrario rejeeti et
« interfecti sunt. »
(3) L. 5, chap, 23 — Cf. Pontifie, Arelat. p. 176. — La Lauzière, 98.
— Gallia Christ, tome I, col. 546.
(4) Chron, de Sormann. gestis^ ann. 959 et 860.
(5) « Anno DnicsB incarnalionis.. . post Caroli imperatoris obi-
< tum... Saraceni provinciam depopulantes, terram in solitudi-
c nem redigebant. »
— M —
construit par Childebert et relevé par Charlemagne, et
passe à l'examen des chartes pour contrôler la tradi-
tion (1).
Au milieu du X® siècle, quand le pays commençait à
réparer les désastres que les Barbares avaient accumulés
sur leur passage, quelques hommes, poussés par l'amour
de la perfection chrétienne, se retirèrent à Montmajour,
lieu assez rapproché d'Arles pour leur permettre d'y
trouver les ressources nécessaires à la vie, et cepen-
dant assez éloigné de cette ville pour que les habitants
ne vinssent pas troubler dans leur solitude les moines
livrés à une sainte contemplation. Ces religieux cons-
truisirent un monastère où ils s'enfermèrent loin des
bruits du monde et détachés des choses de la terre.
Mais l'éclat de leur sainteté attira bientôt les foules
sur la montagne autrefois déserte. Chacun voulait
entendre les pieux solitaires ; de nombreux pèlerins
venaient grossir leur nombre et partager leurs austé-
rités ; d^autres répandaient leurs largesses sur le mo-
nastère. Les moines résolurent de confier la direction
de celui-ci à un seul d'entre eux : mais un obstacle
s'opposait à leurs desseins ; la montagne sur laquelle
ils s'étaient établis appartenait à l'église d'Arles ; les
droits en étaient dévolus au prévôt de cette église et
(I) « Montis-Majoris monasterium originem suam non débet
« Sto Trophimo, primo Arelatensi episcopo, ut quidam somniant,
f neque a Sto Hilario ejusdem sedis antistite conditum est, ut
« plaoet nonnullis qui volunt iîlud postea fuisse restauratum a
« Childeberto, Clodovœi magni filio, denuoque a Carolo Map"no
« excitatum, cum inSaracenorum procella d»^structum fuisset. Sed
« qui monasterii vetera exploravit, inspexitque diligenter mstru-
a menta Cantelovius noster. ex quibus accuratam cœnobii hujus
« historiam scripsit, ejus fundationem X" saeculo non putat anti-
« quiorem. Hoc enim sseculo fere medio, an no sciticet 948, Teu-
c cinda nobilis matrona comparavit Montem-majorem ab Arela-
« tensi ecclesia, facta commutations quem cessit nonnulis ere-
« mitis, qui eo secesserant, circa speluncam quandam seu cellam
« in qua ferunt S. Trophimum quiescere ac feriari a laboribus
« apostolicis fuisse solitum. » Gall. Christ, n. édit. p. 603.
— 28 —
les prêtres de la ville craignaient que rétablissement
d'une maison religieuse à Montmajour ne consommât
la perte des prérogatives du siège primatial, et ne tarît
pour eux-mêmes la source d'un revenu accoutumé.
Une femme de noble naissance, appelée Teucinde,
vivait alors k Arles; répandant autour d'elle d'abon-
dantes aumônes et favorisant de ses libéralités la cons-
truction des églises. Elle prit en main la cause de
Montmajour, se chargea d'aplanir toutes les difficultés,
se rendit auprès de l'archevêque et obtint de ce prélat,
ainsi que des prêtres de son église, l'abandon d'un
rocher inculte contre des terres riches et fertiles ,
comme l'atteste une charte datée du 7 octobre, la \ 2*
année du règne de Conrad, roi d'Arles et d'Allemagne,
c'est-k-dire Tan 948, ou 949. puisque ce prince était
monté sur le trône en 937. Les parties qui concourent
k la confection de cet acte sont d'une part Manassès
archevêque d'Arles et Gontard, prévôt du chapitre de
Saint-Etienne, représentant ce même chapitre ; d'autre
part la pieuse Teucinde. L'archevêque et le chapitre
abandonnent à celle-ci dans leur intégrité les droits de
l'église d'Arles sur Montmajour et en reçoivent en
échange : une terre située dans le comté d'Arles près
de Barcianicus ; (1 ) un champ cultivé situé dans la ville
même, près des Alyscamps ; un autre champ k Montre-
don; un terrain au lieu appelé Fourmiguier; enfin un
autre bien k Jonquières. L'archevêque d'Aix, Israël,
appose sa signature k l'acte, ainsi que Manassès, Gon-
tard, évêque de Fréjus et prévôt, l'évê que Honorât et
le comte Boson (2) .
(1) Ce lieu paraît être Bassargues (Gard), hameau détruit de la
commune de Montfrin, appelé dans un acte de 1209 Barcianicœ,
et Barsanicœ dans un dénombrement de 1384. (V. Dictionn. topogr.
du départ, du Gard par M. Germer-Durand.
(2) Charte citée par Gall. Christ, append., p. 103.
— 29 —
Le premier entre les moines de Montmajour, Mau-
ringus fut revêtu de la dignité abbatiale. C'est à ses
infatigables travaux et à la libéralité de Teucînde qu'est
due la fondation du monastère. Bientôt les grands riva-
lisèrent de générosité envers la nouvelle abbaye, et le
nombre des religieux s'accrut en même temps que la
réputation de leur sainteté commençait à s'étendre.
Mauringus se rendit à Rome, encouragé par la pieuse
impératrice Adélaïde, femme de l'empereur Othon et
sœur de Conrad, roi d'Arles. Le pape Léon VIII reçut
ses vœux et, par une bulle de décembre 964 déclara
que le monastère relèverait immédiatement de l'église
Romaine, et serait exempt de tout autre juridictio|^(4).
Conrad, par un diplôme (2) dont l'authenticité à été
contestée, prit cette maison naissante sous sa haute
protection et la confirma dans la possession des biens
qui lui avaient été donnés : parmi ces biens il compte
notamment le monastère de Lerins et un autre, ruinés
par les Sarrasins, et il en confie la restauration à
Mauringus. Ces maisons furent cependant peu après
placées par Guillaume, comte de Provence, sous la
direction de Saint Odilon, abbé de Cluny. Teucinde
abandonna à l'abbé Vile de Montmajour, franche et libre
de toutes charges, par un acte du 16 août 977 (3).
Quelques auteurs, sur l'assertion de Léon d'Ostie,
prétendent que le roi d'Italie Hugues, après avoir fait
(1) Cette bulle est cotée n» 4, aux privilèges de Montmaj. Arch.
départ. — Gallia Christ. [T. /, c. C04), fixe approximativement la
date de la bulle à 964 — MabUloa {Ann. 963, n» 71), prouve que la
?• indiction portée par cet acte, et qui commença au mois de sep-
tembre, appartient a l'année 963.
(2) Diplôme de Conrad, en date du 6 des ides de déc. 966, n» 5,
privil. de Montmai. Àrch.dép — Gall. Christ, instrum. eccles. Arel.
n» XXXIV.
(3 Les archives des Bouches-du-Rhône possèdent cet acte qui
est coté B. 276. C'est le plus ancien titre du vaste fonds de la
Cour des Comptes .
— 30 —
couronner son fils Lothaire, jeta les fondements du
monastère de Montmajour et y embrassa la vie reli-
gieuse : si le passage de Thistorien parle d'une abbaye
située en Bourgogne (1), il ne faut pas oublier, disent-
ils, qu'à cette époque, la Bourgogne et la Provence for-
maient un seul Etat. Le diacre Luitprand, contempo-
rain d'Hugues, ne parle pas de cette retraite du roi : il
dit seulement qu'il mourut en Provence, laissant sa
nièce Berthe, veuve de Boson, comte d'Arles, héritière
de toutes ses richesses. Une charte de cette princesse
concède à Montmajour des terres situées dans les com-
tés de Fréjus, de Riez, de Gap, de Vaison, de Die ,
etc, (2).
Parmi les principales donations faites au monastère
au temps de l'abbé Mauringus, il faut citer celle du
village et de l'église de Saint-Pierre du Val, diocèse
d'Apt, par le comte Crifon et son neveu Rostaing, évo-
que de Gavaillon (3).
Gentius et sa femme Ayburge cèdent aussi à l'abbaye
une ferme qu'ils possédaient à Ansouis (4) . Au nombre de
ceux qui souscrivirent à l'acte, figurent le comte Boson,
sa femme Constance, leurs fils Guillaume et Rotbold, le
jeune Pons, que Bouche et Ruffi considèrent comme
la tige des vicomtes de Marseille (5), un autre Boson et
(l) t Hugo... cum omni thesauro suo cunctisque opibus in
c Burgundiam properans, monasterium illic permagnificum cons-
« truxit sumptibus propriis, quod sub titulo iS. Pétri appellan vo-
a luit, ibique, omnibus traditis, ipse monachus effectua est. »
,2) 25 février 960, sous le règne de Lothaire.
(3) Acte du 17 février 955. Arch. dép. Charles de Correns et du
Valt n. 2 (à moins d'indications contraires, nous donnerons tou-
jours la cote des divers actes telle qu'elle se trouve à l'inven-
taire roage de Montmajour),
(4) Charge de mai 961.
■ (5) La raison qui détermine Bouche à le croire est que le jeune
PoDs souscrit à l'acte immédiatement après Guillaume et Rot-
bold. c^ qui semble le comprendre dans tes mots eorum âlii qui
précèdent, surtout si l'on considère que, malgré son jeune âge,
Pons signe avant des personnages aussi considérables que le
— 31 —
Folcoare. Arrêtons-nous un instant sur ces détails qui
mettent en lumière Torigine des comtes de Provence ,
comme l'a si bien prouvé le savant archiviste des
Bouches-du-Rhône, M. L. Blancard (1). Il a démontré
que la tige de nos comtes n'est pas, comme le disent
plusieurs auteurs, Rotbold, fils de Boson et de sa fem-
me Constance, dont les noms figurent au bas de l'acte
qui nous occupe ; mais bien le comte Guillaume, qui,
dans la donation de la terre de Saint-Tropez à Gibelin
de Grimauld, (2) se qualifie « Guillaume, comte, fils de
Boson et de Folcoare. » Or ce Boson différent du comte,
et cette Folcoare ont aussi souscrit à la donation faite
par Gentius ; et une charte postérieure de dix ans à
celle-ci, nous les montre comme mari et femme, conju-
ges, donnant à Montmajour plusieurs églises sises dans
le comté d'Arles.
Plusieurs autres seigneurs se signalent aussi par leurs
libéralités envers le monastère ; un certain Sylvius et
ses fils, Aymeric et Pons, lui abandonnent plusieurs
biens en 971 ; — Rambert et sa femme Wilitrude lui
cèdent la vallée de Venel et deux églises de Bouc (3) ;
— Teucinde laisse par son testament à Tabbaye une
vigne dans le lieu appelé Le Plan, et en outre diverses
juge Bérenger et autres. D'autres titres dont parle cet historien
font d'ailleurs mention de tous les frères de Guillaume. cœt«ri, ce
qui n'aurait pu se dire s'il n'en avait eu qu'un, Rotbold. (V. Hist.
de Prov., tom. L, p^ 872).
Ruffi n'est pas convaincu autant que Bouche de l'identité de ce
jeune Pons avec le premier vicomte de Marseille. Il trouve ce-
pendant une présomption qui autorise à confondre en un seul ces
deux personnages, dans le grand nombre de terres que possédè-
rent les vicomtes, et (ans la croix vidée, cléchée, pommetée ei alé-^
5é«, qu'ils portèrent dans leur écuc-imme les premiers comtes de
Provence. (V. Hist, de Mars. L.'d.ch. I,p. 61.)
{\) Origine des comtes de Provence, communication faite au Con-
grès scientifique de France dans sa 33* session tenue à Aix en
1866. Tome 2, p. 382 et 5.
(2) Acte cité par Ruffi et Bouche.
(3) 20 mars 973.
— 32 —
terres qu'elle possédait à titre d'hérédité ou d'achat
dans ie comté d'Arles, en en réservant toutefois la
jouissance à son neveu, Tévêque Rioulfe (<); — enfin
un seigneur du nom de Lambert (2), et sa femme Wal-
burge font donation à Mauringus des marais qui en-
touraient Montmajour : ils les devaient eux-mêmes k la
générosité du comte Guillaume et de son frère Rot-
bold. Cette dernière charte est signée par les deux
comtes et la comtesse Arsinde, femme de Guillaume (3).
Pons, qui avait été prévôt de l'église d'Arles, suc-
céda à Mauringus ; son nom ne figure que dans une
seule charte et dans un antique obituaire.
Après lui, Paul s'assit sur le siège abbatial. Sous
l'administration de celui-ci, Gentius et sa femme Ay-
burge, dont nous avons déjà cité les noms, donnent à
Montmajour une ferme sise à Limans, dans le comté
de Sisteron. — Guillaume l^"" , comte de Provence ,
par une charte de juin 979, cède à l'abbaye tout ce
qu'il possède à Pertuis en vertu d'une donation de
l'évêque de Cavaillon, Ingilrannus et de son frère, Ne-
volongus. Ce nouvel acte a donné aussi matière à des
controverses entre les auteurs qui se sont occupés de
la généalogie de nos comtes. Elle est souscrite par le
comte Guillaume et par sa femme Arsinde ; or, plus
loin, on voit figurer la signature d'une comtesse Adé-
laïde et celle de son fils. Mais cette souscription si-
(1) Cet acte est coté 5, Ch. du Castellet^ Arch. dép. Il se trouve
inséré au chartrier, jadis possédé par M. Vérau, qui est aujour-
d'hui conservé aux archives d'Arles.
(2) Il est qualifié de judex. Bouche croit qu'il était comme le
chancelier de l'Etat ou le premier président de la justice à la
cour de Guillaume I". 11 est la tige de la maison de Reillane, fa-
mille puissante alliée aux vicomtes de Mars^eille, fort libérale
aussi pour l'abbaye de Saint-Victor, et dont était issu Raïambaud,
archevêque d'Arles de 1030 à 1075.
(3) On croit qu'elle est de 976. Une Copie de ce titre porte le n,6,
aux Chartes du Castelei, Arch. dép.
— 33 —
multanée de deux eomtesses, Arsinde et Adélaïde,
toutes deux femmes d*un Guillaume, qui faisait soup-
çonner à Dom Vaissette une erreur de Dom Mabillon.
est facile k concilier avec la vérité, comme Ta fait judi-
cieusement observer M. Blancard. Arsinde avait épousé
en effet le comte Guillaume, fils de Boson et de Cons-
tance, tandis qu'Adélaïde est la femme du comte Guil-
laume, fils de Boson et de Folcoare (<).
Sous l'abbé Paul, le monastère reçut encore l^église
de Saint-Pierre de Vassols, au Comtat-Venaissin, par
une donation de Laugier et de sa femme Walburge (2).
Un évéque du nom d'Eyrard lui donna aussi certains
biens voisins d'Arles.
Trois jours après la mort de Paul, les moines réunis
en chapitre fixent leur choix sur Riculfe, neveu de la
pieuse Teucinde et évêque de Fréjus, qui avait vécu à
l'ombre de leur cloître. Celui-ci refuse, alléguant les
travaux de sa charge pour ne pas accepter le fardeau
d'une double administration, à moins d'un ordre du
Saint-Siège. On demande l'avis du Souverain-Pontife,
mais, comme la réponse se faisait attendre, un moine
ambitieux, de la maison de Saint-Gilles, entraînant dans
son parti le comte de Provence et les grands, s'arroge
le titre d'abbé, et se met de vive force en possession du
monastère (3). Les religieux, amis de la paix, lui cèdent
la place, mais font parvenir à Rome leurs protestations
indignées, Aucune réponse du Saint-Siège ne fait con-
naître l'issue de cette affaire ; mais une lettre de Pons,
(1) Bouche admet qu' Arsinde n'est pas la femme de Guillau-
me 1", comte de Provence, il croit quelle avait épousé Guillau-
me !•', comte de Forcalquier.
(V. Hist. deProv. tom. 2., L. IX, p. 49).
(2) Acte coté 2. Chartes de Bédouin. Arch. dép,
(1) Les auteurs du GalUa Christiana , sans pouvoir faire con-
naître son nom, le comptenc au nombre des abbés de Montma*
jour. (V. tome !•', col. 604).
— 34 —
archevêque d'Arles, donne à la fois à Rîculfe le titre
d'évêque et d'abbé , et parle des faveurs de l'Eglise pour
Montmajour. Pons entend par là la bulle du pape Gré-
goire V (1) confirmant les privilèges de l'abbaye et la
donation de Bédoin par Exmidon. Riculfe sollicita en
990 du comte Guillaume la reconstruction des églises
de Notre-Dame et de Saint Léonce de Fréjus , qui
avaient été détruites par les Sarrasins.
Les vertus du moine Archinricus le firent élire abbé
à la mort de Riculfe. Il répara les troubles causés par
l'inva'îion du monastère, et assit sur de solides bases la
discipline religieuse. Secondé par la comtesse Adélaïde,
il obtint du comte Guillaume, de son frère Rotbold (2).
et, en outre, de l'archevêque d'Aix, Amalric (3), qui
prétendait des droits sur Pertuis en vertu d'une dona-
tion de Boson, la confirmation de Montmajour dahsjl*
possession de cette place autrefois cédée à l'abbaye par
Guillaume I" (4).
Sous l'administration d' Archinricus, un seigneur du
nom d'Amiel abandonne à Tabbaye la moitié de la sei-
gneurie de Pélissanne ; une femme appelée Balda,
veuve de Lambert Dodons, lui cède le lieu de Cor-
rens (5), et l'abbé y établit une colonie dont la desti-
née sera florissante. Le moine Otbert, envoyé par lui à
Rome en rapporte une bulle du pape Serge IV invitant
l'évêque Etienne à consacrer l'église de Correns et
l'enrichissant d'indulgences (6).
(1) Bulle d'avril 998. — Une copie de cette bulle existe aux ar-
chives départ. Vrw, n" 3.
(2) Charte de l'an 1002 citée par Bouche, Histoire de Provence^
tom. 2. pages 55 el 56.
(3) Charre du 24 septembre de l'an 1 000, n» 10 ch. Pertuis, Arch, dép.
(4) V. page précédente.
(5) Charte du 6 décembre 1002. Chartes de Correns, Àrch. dép.
(6) Bulle de Vannée 1009, selon Gall. Christ, Àppend. p. 104,
n" XXX VI. Une copie de cette bulle porte le n* 2 aux privilèges
de Montmajour, Àrch, départ.
— 35 —
L'histoire de Saint-Isarn fait foi de la haute sagesse
d' Archînricus (< ) . Cet abbé avait fondé dans le diocèse
d'Apt le monastère de Carluc, près de Reîllane; il s'y
retira après s'être démis de sa charge, y mourut en
odeur de sainteté et y fut enseveli.
En l'an <008, Rambert succéda à Archinficus. Pen-
dant qu'il dirigeait l'abbaye, d'illustres personnages la
dotèrent richement : elle reçut d'un seigneur appelé
Aicard, des terres près d'Alleins, d'Ollières et de Bel-
codène(2); Mathilde de Chàteaurenard, femme d'Helde-
bert, combla de largesses le monastère de Sainte-Marie
de Correns, fondé par ses ancêtres (3) ; enfin Emme de
Provence, fille du comte Rotbold et comtesse de Tou-
louse par son mariage avec Guillaume Taillefer, fit don
à Montmajour de l'église Saint-Pons à Favas.
IV.
Contestations au sujet des domaines de Pertuis et de
Fontvieille. — Construction de l'église majeure. —
Faveurs de Geoffroy, comte de Provence. - Fondation
du monastère de Saint-Antoine en Viennois.
Le domaine de Pertuis fut disputé à l'abbé Rambert par
quatre seigneurs fils de Nevolongus, dont il a été ques-
tion dans l'acte de donation du comte Guillaume l®^
Amalric, archevêque d'Aix. y prétendit en même
(1) Archînricus abbas quondam Montis-majoris vir altioris in-
« genii, etc. » Guesnay. — Voyez aussi pour la part que prit cet abbé
à l'élection de Saint Isaru, comme abbé de Saint-Victor. Ruffl Hist.
de Marseille, L. XI, p. 146.
(2) Charte de 1006, V indiction.
(3} Charte de 1013 envirou.— Il existe aux arch. départ. Ch. de
Corttns n» 3, une donation des églises de N.-D., de Saint-
Jean et du château de Paracols par une femme du nom ae Ma-
thilde au prieuié de Correns, en 979. — Plus la copie d'une dona-
tion faite a l'église de Correns lors de sa consécration par Dodon,
Guillaume de Chàteaurenard, Raimond de Châteauvert et l'ar-
chevôque Pons. [Arch, départ,, Ch. Correns, 3 et 7).
— 36 —
temps d'autres droits, en vertu d'une donation anté-
rieure faite par Boson, père de Guillaume. L'abbé op-
posa à ces puissants adversaires rinfluence de la com-
tesse Adélaïde, mère et tutrice de Guillaume II ; mais
elle ne suffit pas pour les réduire au silence,. et il fallut
que le pape Serge IV écrivit h Almaric pour l'inviter à
tout sacrifier pour le bien de la paix et à menacer les
quatre frères d'excommunication s'ils ne se désistaient
de leurs prétentions (1). Effrayés par une telle menace,
ceux-ci abandonnèrent une moitié du domaine de Per-
tuis, mais se réservèrent l'autre leur vie durant, k la
condition que cette seconde partie reviendrait après eux
k l'abbaye (2) .
Rambert manifesta son zèle pour la gloire de Dieu en
entreprenant la construction d'un temple dont la gran-
deur correspondît k l'éclat du monastère et pût suffire
aux besoins d'un grand nombre de moines. Il com-
mença cette œuvre en 1 01 6 comme l'atteste un antique
manuscrit (3).
On admire encore aujourd'hui les belles proportions
et l'ordonnance de cette basilique romane qui subsiste
presque intacte. Malheureusement le plan qu'on s'était
proposé ne put être suivi de point en point k cause du
manque de ressources. Ainsi, au lieu de présenter la
(1) Bulle portant le n" 7, Chartes de Pertuis.
(2) Ch.de 1018, première indict. Ch. de PerPuis, n° 13.
(3) « Anno ab incarnatione Dni MXVI» fuit inchoata basiiica in
c honore S. Mariœ, matris Dni seu omnium sarctorum, indictione
f xiiij , iij kalendas junii, feria iij , régnante Roberto rege. In tertio
« anno fundationis hujus basilicse obiit Guillelmus inclitus cornes
« Adelaidis... et honorifice sepultus est int'undamento hujus eccle-
€ siœ. » — Cf. Gallia Christi., L col. 55 ; « Anno 1016 inchoata est
< basiiica Montismajoris, et quia magnse molis erat hoc œdificium,
c Pontms, archiepus largitus est indulgentias iis qui ad opus basi-
« licœ hujus quidpiam conferrent, aiJditis nonnuUis conditioni-
c bus. » — L'octroi de ces indulgences est aussi relaté dans les
Annales de Mahillon, ann. 1016, et au Spicilegium dQ Dora d'Âchery,
tome IV, p. 427.
— 37 —
forme d'une croix latine, Téglise offre presque celle
d'une croix grecque, les trois travées qui devaient for-
mer le bas de la nef n'ayant jamais été construites, mais
étant seulement indiquées en projet par les pilastres et
les pierres d'attente du mur contre lequel elles de-
vaient s'appuyer du côté du midi.
Ne pouvant achever l'église majeure, Rambert se
contenta d'élever sur le versant oriental de la monta-
gne un sanctuaire élégant. Lorsque la construction en
fut terminée, l'abbé invita l'archevêque d'Arles, Pons,
k en faire la dédicace sous le vocable de la Sainte-
Croix. Ce prélat accepta, et la cérémonie fut faite en
grande pompe; une charte du 18 avril 1019 en relate
les détails et parle accessoirement des fondements déjà
jetés de l'église de Sainte-Marie. Depuis cette dédicace
un grand concours de peuple se porta chaque année vers
la chapelle au jour de Tlnvention de la Sainte-Croix (1).
L'opinion de M. Révoîl, cependant, est que cette cha-
pelle a un caractère exclusivement funéraire et qu'elle
n'a pas servi d'église abbatiale avant l'achèvement de la
basilique. Le savant architecte, dirigeant dernièrement
le Congrès archéologique dans l'intéressante visite
de l'abbaye, expliquait à ses membres que, selon lui.
ce qui tenait lieu d'église avant le XI® siècle était
une nef dont on voit encore aujourd'hui le mur oriental,
avec ses pilastres et la naissance des arcs-doubleaux et
des voûtes, longeant la partie ouest du cloître, lorsqu'on
entre dans les bâtiments, avant d'arriver aux ruines du
grand escalier. Le style et les marques de tâcherons y
indiquent l'époque cailovingienne. Peut-être des pier-
(1) L'archevêque dont il est ici question est Pons de Marignane,
auquel Gérard de Ronssillon. « au grand mespris de Dieu et es-
« caudale du peuple, se dispença de donner un soufflet dans la
a sainte ég'Iise d'Arle?, au pied du sacré autel, » pour ne l'avoir
pas attendu à roffice de la nuit de Noël. (Voy, Roy. couronne
d'Arles, p. 198.— Cf. La Lauziôre, p, 113).
— 38 —
res provenant de cette église primitive furent-elles
employées à la construction de la basilique, ce qui
expliquerait comment il s'y trouve des traces d'une
architecture antérieure au XI* siècle, sans recourir k
riiypothèse qui n'attribue à Rambert que la réparation,
ou tout au plus la reconstruction partielle d'une église
plus ancienne. Cette hypothèse, en effet, semble com-
battue d'abord par le document que nous venons de
citer, d'après lequel la basilique fut commencée, tjichoata,
en 1016; ensuiteparChantelou, qui nous parle du vaste
plan que se proposa Rambert, operosum œdificium me-
iiitaius Bambertus, de l'église qui s'élève, surgentis ec-
clesiœ, et dit aussi que cette courageuse entreprise fut
commencée en 1016, generosum iilud opus susceptum
fuisse anno repai aiœ salutis MX VI, etc. (1 ) .
Francon, père de l'archevêque Pons dont nous par-
lions il n'y a qu'un instant, laisse par testament à
Montmajour divers biens situés dans les territoires de
Marignane, d'Esparron, de Rians, etc.
Le nom de Josmarus, successeur de Rambert. ne se
trouve que dans une charte de l'an 1032.
Benoît, qui monta le huitième sur le siège abbatial,
moine de mœurs austères, fut comblé de faveurs par
les comtes de Provence Geoffroi et Bertrand. Celui-ci
donna à l'abbaye le sixième de la dîme de Pertuis (2),
et ses droits sur Manosque (3), surTarascon et son
péage, Laurade, Graveson, et enfin les biens qu'il pos-
sédait au comté d'Orange, h Pertuis, à Aubignosc, etc. (4) .
A son exemple, et sur ses avis, Geoffroy son frère.
(1) Hist. m. s. Monlismaj. p. 09 etlOpassim.
(2) Arch, dép, 1, Ch. de Pertuis.
(3) Charte de 1(37, 5^ indiction.
(4) Charte de 1040, 8* ind. — Ch. de Pertuis, n» 15.
— 39 —
rendit à Montmajour les droits que la cession faite par
son aïeul Guillaume avait donnés à l'abbaye (1).
Une contestation s'élève à cette époque sur la posses-
sion de Fontvieille entre les moines de Montmajour et
ceux de Saint-Victor de Marseille. Ces derniers la reven-
diquent en vertu d'une donation des vicomtes de Mar-r
seille. Une charte du 11 novembre 1040 explique l'ori-
gine de leurs prétentions. Les vicomtes, comme le cons-
tate ce document, ignorant les donations faites à
Montmajour par le juge Lambert et le chevalier Artulfe
de biens sis au territoire d'Arles, avaient cédé à Saint-
Victor tout ce qu'ils possédaient dans cette région, et
même des biens qui ne leur appartenaient pas. Plusieurs
prélats furent assemblés, ainsi que les abbés et les
moines des deux monastères ; dans cette réunion
importante, en présence de GeofFroi et de Bertrand,
comtes de Provence, de Guillaume et de Foulques,
vicomtes de Marseille, ainsi que de Stéphanie et d'Odile
leurs femmes, Tarchevêque d'Arles, Raïambaud, obtint
des vicomtes, l'abandon de leurs droits en faveur de
Montmajour. Pour ramener la paix entre les deux
maisons, il proposa en même temps une transaction :
l'abbaye artésienne conserva les terres voisines des
marais, sur lesquelles d'anciennes chartes lui donnaient
des droits incontestables, et l'on reconnut à Saint- Victor
la possession d'un monastère à Bouc, fondée sur des
titres non moins dignes de respect.
Raïambaud fit don de l'église Saint-Geniez à l'abbaye
au mois d'octobre 1 '. .
L'année où mourut Benoit est incertaine. Mais on
trouve dans un vieux manuscrit un acrostiche h sa
louange et à celle du moine Aginulphe.
i\) Cfi. de Perluis, n^ 8.
— 40 —
Eldebert, son successeur, fut engagé dans une vive
lutte contre Raïambaud, archevêque d'Arles. Craignant
d'y succomber s'il se trouvait sans appui, il chercha
k se concilier Hugues de Baux en lui attribuant de
riches revenus du monastère. Interdit par l'archevêque,
il fut enfin privé de son abbaye, et Raïambaud retint
entre ses mains l'administration de Montmajour, comme
le fait voir une charte constatant la soumission d'un
certain Rainaud, qui avait usurpé une portion du
domaine de Pertuis (1). Le prélat fit pourvoir promp-
tement au remplacement d'Eldebert: il désigna aux
suffrages des moines Rolland, l'un d'entre eux, fondant
l'espérance que par sa piété éprouvée et son zèle il
parviendrait h rétablir dans sa rigueur la discipline qui
s'était relâchée sous le gouvernement trop faible
d'Eldebert. Au début de son administration, l'abbé
justifia cette confiance ; il rendit son inflexibilité primi-
tive k la règle monastique, et s'étudia k conserver
k Montmajour ses possessions diverses. Mais plus tard,
un différend s'éleva, au sujet des marais voisins du
monastère, entre Rolland et Raïambaud : ce dernier
avait attribué au chapitre de son église ces marais autre-
fois donnés à l'abbaye par son aïeul Lambert, ainsi que
certaines églises, notamment celles de N.-D. de Rads,
(c de Ratis » (2) (N.-D. de la Mer), et de Sainte-Marie
de Correns (3). Rolland obtint du pape Nicolas H la con-
firmation de Montmajour dans la possession de tous
ses biens, meubles et immeubles, châteaux, villages,
et églises (4). Mais, malgré la reconnaissance de ses
(1) Cf. Mabillon, Annal. Tome V, p. 151.
(2) Charte de février, lUGl copiée au Livre vert de Varchevêché
d'Arles, fol. 86.
(3) Charte de I0G5, 3» indict.
(4) Bulle de mai 1061, 4» ind. Arch, dép. Privil. n» 9.
-^ 41 —
droits par le Saînt-Siége, l'abbé, comprenant quel tort
cette lutte causait à ses moines, transigea avec Tarche-
vêque : celui-ci reconnut à Tabbaye le domaine de tous
les biens qui lui appartenaient dans son diocèse et
notamment de l'église de N.-D de Ratis, et reçut en
récompense une mule, « mulam satis idoneam », et 50
sols de monnaie deMelgueil (1).
Au nombre de ceux qui furent les bienfaiteurs de
Montmajour à l'époque de Rolland, il convient de citer
Rostaing, évoque d'Avignon, qui lui donna diverses
églises à Bouc (2) et celte de Saint-Didier dans sa ville
épiscopale (3) ; le comte de Provence GeofFroi, qui lui
transféra la propriété de certains biens patrimoniaux
qu'il possédait près de l'abbaye. En 1063, Stéphanie ou
Etiennette, sa veuve, fit don à Montmajour de la con-
damine comtale de Laurade. Le corps du comte fut
placé auprès de celui de son père Guillaume II, qui
reposait déjà dans le cloître h l'entrée de la salle capi-
tulaire. La dalle qui recouvrait son tombeau est aujour-
d'hui déposée au musée d'Arles : elle porte une inscrip-
tion en caractères entrelacés que M. Révoil donne
ainsi (4) :
HIC CONTEMPLÂTOR
COMPVNCTVS MENTE VIATOR
NAM QVOD ES ISTB FVIT
NVNC MEMOR ESTO SVI
SI FORET HOC IVSTVS
QVEMQVAM LVGBRE TVORVM
DNE. lOLDIFREDVM
TVNG COMITEM INTIMYM
(1) Charte citée par Bouche, Hist. de Prov, tom. I, p. 312.
(2) Charte de 1054, cotée 14, Ch. du Castellet, Àrch, dép.
(3)Ch. delOGS.
(4) La lecture de cette inscription offre quelques légères
variantes avec celle donnée par Peiresc sur la sépulture de Geof-
froi à Montmajour; voir Bouche, I, p. 71, et Gaufridi, p. 67 et 68.
•-. 4^ —
MITIBVS HIC MITIS
DVRVS FVIT IPSE REBELLIS
OPTANS CiEUCOLAS
SVSPICIT INDIGENAS.
Rollandeut à combattre contre la cupiditédes Artésiens
qui se partageaient avidement des terrains conquis sur
les marais de Montmajour. Il demanda à être maintenu
paisiblement en possession de ces marais, dont on déter-
minait rétendue à l'aide des termes autrefois posés.
Les Arlésiens déplacèrent les bornes et s'appuyèrent,
pour faire la délimitation, sur le témoignage d'hommes
de mauvaise foi. Cependant Hugolen, fils d'un seigneur
du nom de Renaud, abandonna les droits qu'il préten-
dait sur des terrains en litige, en échange de quarante
sols que lui paya Rolland (1).
Les comtes GeofFroi et Guillaume (2) avaient aussi
vendu pour 100 sols k Tabbé la dîme de Pertuis et cer-
tains droits sur Manosque. Rostaing, archevêque d'Aix,
ainsi que ses frères Amiel et Guy de Fos, rendirent au
monastère la vallée de Saint-Pierre, près des Martigues,
aussi appelée Jonquières (3)
(I) Acte de l'an 1067.
(?) « Or si ces deux premiers fils (deGuilhem Bertrand) ont esté
véritablement comtes* de Provence et ont succédé à ieur père,
c'est ainsi que le sieur Rutfy, page 51. l'esiinie en son histoire des
comtes do Provence... Mais parce qu'eu ce tems-là viuoient vn
Gui'leaume et vn Geoffroy, frères, comtes de Forcalquier,
ainsi que i'ay remarqué en la généaioj^ie de ces comtes, i'estime
l)lus vray-semblablement que coGuilleaume et Geoffroy dénom-
ïnez daus crtie confirmation estoient plus tôt comtes de For-
calquier. que non pas d'Arlns ou de Provence, et ce pour deux
raisons; la première, que Guille urne et Geoffroy, lilsde Guilhem-
Bertrand, prenoient en leurs quHlitez le titre oe marquis et comte
de Provence, ainsi que nous auons veu et ce Guilleaume icy ne
prend que la qualité de comte provençal ; la seconde et principale
est, que, cette année 1063, et loiig--temps auparavant, dès l'an 1054,
Geoffroy, leur oncle, Irere cadet de leur père, «e qualidoit comt.5
de Provence. »
(Bouche, Hist. de Prov. T. IL, L. /X. , page 64).
(3) Charte de 1072. Arch. dép. 3,ch. Jonquières, — Ct GalL Christ.
T, /., imtrum. N° IV, église d'Aix.
— 43 —
Pons, évêque de Marseille, et les vicomtes de cette
ville, Guillaume, Aicard, GeofFroi, Bertrand, Pierre et
Foulques se signalèrent par leurs bienfaits envers
Montmajour [\).
Rolland mourut on ne sait précisément à quelle épo-
que. On élut, dit-on, en sa place un certain Bermond, à
rinstigation d' Aicard, archevêque d'Aix. Mais Bermond
aurait été expulsé, et un autre moine du nom de Guil-
laume aurait été appelé à lui succéder (2).
Certains attestent que ce Guillaume monta sur le
siège abbatial en 1084. Chantelou pense cependant que
ce fut quelques années auparavant. Deux lettres du
pape Saint Grégoire VII nous montrent qu'il trouva h
son avènement le monastère engagé dans des luttes
contre la rapacité des laïques, et bien relâché, d'autre
part, dans la discipline religieuse. La première de ces
lettres, datée du 30 mars 1079, enjoint, sous peine
d'excommunication, aux usurpateurs des biens apparte-
nant à l'abbaye, de les lui restituer aussitôt. L'autre,
adressée à Richard, cardinal et abbé de Saint-Victor de
Marseille, le 17 avril 1080, lui confie le soin de réfor-
mer les monastères de Montmajour et de Sainte-Marie
de la Grasse (diocèse de Narbonne). A vrai dire, Richard
ne mit jamais en exercice le droit que.lui conférait cette
bulle; car les moines de Montmajour durent apparem-
ment ne pas se résigner sans peine à admettre la préé-
(1) RuflB relate la donati An qu'ils lui fi» ent de l'île de Contigna-
nicis, de Castellar et de Roquelougue. V. Hist. de Ma^s. Tom, /,
p. 66; et T. II. p, 19 et 20. V. n«* 10, 11, et 15^ chartes du Castellet.
Arch. dép.
XI) Bdluze, Misc^'llanea, T. II, fol. i:8 — Gall. Christ. T. I. col.
606. — V. aussi Mab lion, Annal. Bàned. T. V, p. 151 et 165. —
11 cite une lettre du comité d'Arles au pape, lui demandant de
reconnaître Guillaume élu abbé en remplacement de Bermond
que son indignité avait fait déposer. — 11 relate de plus les deux
bulles de Saint Grégoire VII contre les usurpations «les biens de
Montmajour, et pour la réforme du monastère.
— 44 —
minence et la supériorité de Tabbaye marseillaise sur la
leur (1).
L'abbé Guillaume obtint du pape Urbain II une bulle
reconnaissant au monastère la propriété de divers biens.
11 fit restituer l'église de N.-D. de Ratis par Aicard, ar-
chevêque d'Arles, et celle de Saint-Didier, à Avignon,
par l'évêque de cette ville. Pascal 11 renouvela le pri-
vilège accordé par son prédécesseur (2). Augier, évo-
que de Riez (3), et Gibelin, archevêque d'Arles (4), don-
nèrent à Tabbaye plusieurs diocèses.
Guillaume mit le comble à ses travaux en fondant la
maison de Saint-Antoine-cn- Viennois, qui, plus tard,
favorisée par les papes et enrichie par les libéralités des
princes et des grands, devint elle-même la tête d'un or-
dre distinct. Quant h l'origine de son nom, les quelques
détails qui suivent ne seront pas inutiles.
La plupart des hagiographes s'accordent k dire que le
corps de saint Antoine, après être resté caché pendant
170 ans dans son premier tombeau, fut découvert par
une révélation et transporté h Alexandrie, sous le règne
de Justinien (5), puis k Constantinople, au temps d'Hé-
raclius ou de Constantin Pogonat. Mais les versions dif-
fèrent sur la translation de ces restes vénérables en
France et sur l'époque où elle eut lieu.
Voici Ik-dessus le récit des religieux de Saint-
Antoine. Aimar Falco, l'un d'eux, dans une histoire
qui parut à Lyon en 1533, dit qu'un chevalier du nom
(1) Cf. Rufji, Hist. de Mars. Tome 2, L. XI, ch. V, n« 17, p. 19.8.
(2) Bulle du 24 février 1102. Privilèges n** II. —Autre privil. du
n" 12 (17 octobre 1115 — Exemption de toute dîme pour Montma-
jour, 9 décembre 1106, n"* 13.
(3) Charte de mars 1096. Cotée Privil, n» 12, Arch. dép.
(4) Ch. de 1106. Ce sont les églises « Sancti Romani et B. -Ma-
rie. » L'abbé est assujcti au cens annuel de 7 s. égédlens envers
l'arcbevêque. {Gall. Chnst. Tomel, col. 607).
(5) Martyrol Roman.; — Bède; — Isid.
— 45 —
de Guillaume Cornut, seigneur de Châteauneuf-de-
l'Albenc et de la Motte-Saint-Didier-en-Dauphiné, ayant
fait le vœu d'aller à Jérusalem, mourut sans avoir ac-
compli cette promesse, mais chargea son fils unique,
Jocelin, de dégager sa parole. Malgré ses sentiments de
piété, ce dernier différa. Il signala plus tard sa valeur
à la guerre. Un jour, dans un combat qui se livra en
Suisse, près du Jura, ce chevalier fut frappé, à la tête
de ses soldats. On le crut mort, et on le transporta dans
une chapelle dédiée à saint Antoine. En ce lieu, Jocelin
eut une vision remarquable ; le patron du sanctuaire lui
apparut sous la forme d'un vieillard vénérable qui dé-
sarmait une multitude de démons acharnés contre lui,
et lui demanda de transférer ses reliques d'Orient en
Occident, selon la volonté du Seigneur. Aimar Falco
ajoute, d'ailleurs, avec sincérité : « J'ignore si ce récit
a est vrai ou faux; Dieu seul le sait. J'avoue que je ne
« l'ai lu dans aucun titre authentique, mais seulemeut
€ dans des documents privés. Aussi, je laisse chacun
(( libre de son opinion. »
Jocelin se rendit donc à Jérusalem, revint par Cons-
tantino'ple, obtint de l'empereur, k la cour duquel il
séjourna assez longtemps, les reliques de saint Antoine,
et les apporta à Vienne (1).
11 est permis de conserver des doutes sur cette ver-
sion que citèrent les Antouins dans leurs longues que-
relles avec Montmajour, alors que chacun des deux mo-
nastères s'étudiait à produire des documents propres à
lui assigner une origine plus illustre que celle de son
rival. Il faut remarquer aussi que l'incertitude plane
sur les personnages dont parle Aimar. Qui sont, en
(1) Cf. Abbaye de Snint-Antoine-in-Dauphiné , par M. l'abbé
Dassy, p. 15 et suiv. L'intérêt qu'on attache à la lecture de cet
ouvrage est encore accru par la publication des documents iné-
dits que l'auteur y joint comme pièces justificatives.
— 46 —
effet, ce Guillaume Cornut et ce Jocelin, son fils uni-
que? Il suppose qu'ils appartenaient à la maison des
comtes de Poitiers, mais c'est sans avancer aucune
preuve certaine (1). Il donne aussi quelquefois le nom
de saint k ce comte Guillaume, mais ni ne précise rien
sur ce personnage, soit qu'il n'ait connu aucun saint du
nom de Guillaume, soit qu'il n'ose reporter la transla-
tion du corps de Saint Antoine h une époque aussi re-
culée que celle de saint Guilhem-du-Désert. Il préfère
donner pour père à Jocelin Guillaume Cornut, seigneur
de Châteauneuf-de-rAlbenc et de la Motte -Sain t-Didier-
en-Viennois. D'autres auteurs disent qu'il était fils de
Guillaume-Tétc-d'Etoupes , duc d'Aquitaine, qui em-
brassa la vie religieuse sous le règne de Lothaire.
Or, d'antiques chartes parlent d'un comte Guillaume,
contemporain de Charlemagne et de Louis-le-Débonnaire,
qui fut, au témoignage d'Aimar Falco, surnommé cor-
nuttis, h cause du cor de chasse qui figurait dans l'écu
de sa maison, tige des premiers seigneurs d'Orange (2).
Guillaume avait fondé dans la vallée de Gcllon près do
la Saône, un monastère où il se retira et vécut dans une
si grande sainteté qu'il mérita d'être placé sur lès autels,
sous le nom de Guillaume ou Guilhem-du-Desert. Il
(1) € Vetustissima scripta indicant pervetusta nobilitatis et
« armorum insignia quse extatit super portara antiquorum liorreo-
« rum conventus hujus monasterii, ad D. Marîœ templnm, mon-
« nullisque aliis in locis visuntur. » Aim. Falco. — V. Baron.
T. 3. Ânn. 1089. — BoUand. Act. SSorum , T. 2. p. 153. — GalL
Christ.: a .Guillelmus cornutus, topar ha Albenciaci, Motœ S.
« Desiderii ut habetur in archivis monasterii. »
(2) La maison d'Oranpre portait: d'or, au cor de chasse d* azur*
enguichéet virole de gueules^ lié de quatre pièces, chacune terminée par
trois glands de même. — De Cornut, on fit plus tard Cort-nez et
Court-nez. Les prouesses légendaires du comte Guillaume au
court-nez ont été chantées au moyen-âge. Aujourd'hui l'illustre
poëtft qui a donné le signal de la renai8!=ance provençale, et fait
revivre dans notre midi la gaie science des troubadours, a retracô
dans un récit plein de chaleur et d'énergie les prodij«es de valeur
qu'accomplit ce héros à la bataille des Alyscamps. (V. Calendau,
(h. Vif in fine.)
-- 47 ~-
avait laissé non pas seulement un fils, mais trois :
Bernard, Witchar et Jocelin (1).
L'histoire du comte Guillaume rapporte que son fils
Jocelin, au retour d'un pèlerinage qu'il avait fait en
Terre- Sainte, se rendit à Constantinople, où il se con-
cilia aussitôt l'estime de l'empereur et des grands. Quand
il voulut retourner dans sa patrie malgré les sollicita-
tions du prince, il lui demanda, au lieu des trésors que
celui-ci lui offrait, le corps de St Antoine. Il l'obtint en
effet, et regagna promptement la France avec les pré-
cieuses reliques qui le défendirent contre tous les
dangers de la route. Confiant dans la protection du
serviteur de Dieu, les descendants de Jocelin imitèrent
son exemple en portant avec eux les restes sacrés dans
tous leurs voyages. Quoique la dévotion seule leur ins-
pirât cette pratique, le pape Urbain II la condamna
comme portant atteinte au respect dû au corps d'un saint
aussi illustre et engagea Guigues-Didier, Tundes des-
cendants du comte, h confier ce dépôt aux religieux
d'une abbaye. Ce seigneur, ayant assemblé un grand
nombre de ses amis, commit en effet la garde des reli-
ques de St-Antoino aux moines de Montmajour, et leur
donna, pour y établir un mooastère, un terrain entouré
de bois dans le lieu appelé la Motte. Il joignit à ce don
celui d'un emplacement çontigu pour favoriser la cons-
truction d'une maison hospitalière pour ceux qui étaient
atteints du mal des ardents ou feu sacré.
Une charte de Saint-Antoine désigne même Didier,
père de Guigues, comme l'auteur de la donation. Guy,
archevêque de Vienne, la confirma en 1098 environ,
ï^ous le pontificat d'Urbain II. Bientôt, un certain nom-
bre d'hommes se réunirent pour se consacrer au service
des malades reçus dans la maison de l'aumône, recon-
(1) V. BoUand, Acta SSorum, die XVlla JanuariL
— 48 —
naissant pour leur directeur un viennois du nom de
Gaston. Pendant deux siècles les membres de cette
communauté ne furent astreints à aucun vœu mo-
nastique.
Revenons à Montmajour, Sous Tabbé Pierre l^^ du
nom, les souverains pontifes reconnurent et confirmè-
rent à l'abbaye la possession de diverses places, terres
ou édifices religieux (1) ; une contestation élevée au
sujet de l'église Sainte-Marie de Roquebrune entre
les moines de Lérins et ceux de Montmajour se termina
à l'avantage de ces derniers (2). Pertuis, cette source de
nombreuses discordes, mit à l'épreuve la patience du
nouvel abbé. Guillaume, comte de Forcalquier, s'étant
emparé de cette place. Pierre obtint contre lui de Rome
une sentence d'excommunication : le comte parut céder,
se fit relever de cette xîensure et passa un accord avec
l'abbé en H20 (3), en présence du pape Calixte II, de
l'archevêque d'Aix, Pons, et des évêques de Fréjus et
d'Antibes. Mais il recommença bientôt ses usurpations
et le pape Innocent II (4) renouvela les sentences déjà
portées contre lui.
Pendant ce temps le monastère de Saint- Antoine en
Viennois prospérait, protégé par le Saint-Siège (5) , aidé
par les libéralités de Guignes et d'autres seigneurs,
. Aimard Falco dit que, par l'autorité de Calixte II, pen-
dant que Francon était à la tête du prieuré, il fut solen-
(1) Bulle de Paschal II, 1104; gall. Christ., lui donne comme date
6 dès kal-de novembre 1114. loc. cit. id. de Gélase II, 1118;
Privil, n° 14 id. de Calixte II, 112"3, 9 avril. PrlvU, n« 15.
(2) Bulle d'Innocent II du 2 des nones de décembre 1130.
(3) Bouche, Hist. de Prov. Tome 2. p. 109. — V. aussi Ârch. dép,
ch. Pertuis n'' 10.
(4) Bulle datée de Saint-Gilles, le 21 septembre sans indication
d'année.
(5) Bulle de Calixte 11 rapportée par Aimar-Falco, et publiée
par M. l'abbé Dassy.
— 49 —
nellement procédé en présence d'une foule nombreuse à
Touverture de la châsse qui conlenait le corps de Saint-
Antoine : on y trouva, outre ces vénérables restes, un
vêtement tissu de feuilles de palmier, que la tradition
assure avoir servi à Saint Paul, premier ermite. Ces
diverses reliques furent placées dans une nouvelle
châsse en bois de cyprès que les prélats assistants fer-
mèrent et scellèrent de leurs sceaux (1).
Pierre I" mourut environ en 1 1 30. Pons II lui succéda.
Cet abbé donna à une noble dame du nom d'Agnès une
église voisine de Tarascon, pour laquelle elle devait lui
payer chaque année la somme de 5 sols de Melgueil (2).
Innocent II (3) et Eugène III (4) le favorisèrent de leurs
privilèges, et ce dernier confirma Montmajour dans
toutes ses possessions par une bulle datée d'avril 1152.
C'est sous l'administration de Pons II que l'on put, pour
la première fois, célébrer les offices dans l'église dont la
construction avait été commencée longtemps aupara-
vant (5). Le même abbé fit reconnaître les droits du
monastère sur Miramas en dépit desprétentionsd' Hugues
de Baux, (6) et obtint peu après une sentence évinçant
Pierre de Lâmbesc dû domaine de Pélissanne (7).
Le Gallia Christiana insère au catalogue des abbés
un Pierre, II du nom, qui fait un échange en 1154 avec
(1) V6y. Abbaye Saint-Antoine en Dauphiné, par M. l'abbé Ddssy
p. 56 et s., et piôoes justificatives, lettre B.
(2) Charte de 1136.
(3) En U35. Gall, Christ. I, 607.
(4) En 1152. Ibid. et l.privil, de MontmaJ.^ Arch, dép.
(5) On trouve dans un vieux registre cette indication; « Anne
< MCLIII ingressi sunt monachi in ecclesiam novam B. Mariée ad
a serviendum Deo. »
(6) Arrêt rendu en 1150 dans l'île d^Ugernia, près de Tarascon,
en présence du comte Raimond-Bérenger. 3 ci. Miramas. Arch.
Dép,
(7) Cette sentence fut rendue en l'église Saint-Sauveur d*Aix,
et sous le sceau du comte . Parmi les témoins figurent : Geoffroi
de Marseille, Bertrand de Mison, Alphant de Mesoaga, etc.
— 50 —
Pierre de Sabran,évêque Je Sisteron. Chantelou ne men-
tionne pas ce personnage. Il énumère successivement :
Girinus, dont le nom n'est relaté que dans une charte
de janvier 1167; — Jean, I" du nom, qui figura
comme témoin dans la convention solennelle passée
entre Raimond de Bollène, archevêque d*Arles etRai-
mond-Bérenger comte de Provence, frère d'Alphonse,
roi d'Aragon (1), et dans l'acte passé en 1180 entre
Tabbaye de Franquevaux sur les dîmes du fief de Fornelz
et de Sainte-Marie-de-la-Mer (2) ; enfin Guillaume IL
Ce dernier obtint du pape Lucien III la ratification des
privilèges de Montmajour (3). Il figure sous le nom de
Fulcherius-Guillelmus à la donation d'une église de
Crussol k la Chaise-Dieu par Eudes, évêque de Va-
lence (4). Après Guillaume , Thistoire manuscrite de
Montmajour passe immédiatement k Foulques de
Cabannes. Mais un acte de l'abbaye de Franquevaux
nous montre un abbé du nom d'Algon, confirmant en
1184 une donation de Jean I"", l'un de ses prédéces-
seurs (5).
Foulques do Cabannes. — Guillaume de Bonnieux. —
Réforme du monastère.
Foulques de Cabannes (6), d'abord prieur de Miramas,
parait être monté sur le trône abbatial en 1193. 11 fit
(t) Archev. d'Arles, Petit Livre Noir fol. 41 v.
(2) Gall. Christ., I. 608.
(3) Bulle datée de Vérone le 16 octobre 1184. Privil. n» 18,
Arch. dép,
(4) Gall. Christ., \oc. cit.
(5) Ibid.
(6) 11 n'appartenait probablement pas à la famille de Gabanes-
Viens, dont la noblesse ne paraît pas remonter au-delà du
XVI" siècle. Peut-être se rattachait-il à celle des Cabanis, qui a
donné à la ville d'Arles plusieurs consuls.
— 51 —
reconnaître par autorité de justice le droit concédé à
Tabbaye par le comte Raimond Bérenger, de se faire
donner chaque année, à titre de redevance, le premier
esturgeon péché dans le Rhône entre Fourques et la
mer, au commencement du printemps (1).
En \\9i environ, des démêlés s'étaient élevés entre
le prieuré de Saint-Antoine en Viennois et les Hospita-
liers de la maison de TAumône, au sujet du produit des
quêtes faites par les Bénédictins. Les Hospitaliers récla-
maient ces sommes pour subvenir à leurs charges. Une
transaction fut passée h l'instigation d'Aynard de Châ-
teauneuf. Aux termes de cet acte, les Hospitaliers pu-
rent seuls désormais faire des quêtes, sauf dans le dio-
cèse de Vienne, où les Bénédictins se réservèrent ce
droit.
Le Pape Célestin UI rendit une bulle le 3 mai 1194
pour flétrir la conduite d'un moine nommé Pons, qui
n'avait pas craint de se mettre violemment en possession
d'un prieuré, après en avoir chassé le prieur légitime, et
(1) Charte transcrite par Peiresc, d'après un m. s. de ses col-
Ipctions. — S'il faut en croire un antique nécrologe, Raimond
Bérenprer aurait été enseveli à Montmajour. — L'étrange tribut
dont il est question fut acquitté jusqu'au siècle dernier, et Tab-
baye obtint plusieurs fois la sanction de son droit lorsqu'on
tenta de le méconnaître. (V. aux Arch. dép., W 2, chartes d'Arles,
l'absolution de l'excommunication prononcée contre des pêcheurs
récalcitrants). — Parmi les sentences auxquelles le don de cet
esturgeon donne lieu nous citerons seulement celle d'Hugues de
Baux, choisi pour arbitre par r»bbé Foulques de Cabannes, et
Guillaume Cabace, seigneur de Triaquetaille (W. Gall. Christ , I,
608). — Un arrêt du Parlement condamnant les moines de
Montmajour à porter la tête de l'esturgeon à leur abbé (l06i). —
Une sentence du l2 février 1740 menaçant l'abbaye de déchéance
si elle ne représente un titre comme source légitime de sa pré-
tention. —Nous lisons dans la dissertation de Seguin sur Montma-
jour (Fonds Nicolaï.Ol, Arch. dép ) que, de son temps, les pêcheurs
d'Arles portaient le premier esturgeon au monastère « ensemble
f et comme en triomphe au son des tambours et des hautbois
« d'abord qu'ils l'ont pris.. . et que les Pères leur donnant 3
« florins pour étrennes, et ils célèbrent ensuite une messe haute
« et solennelle de mort, autant pour la venue de l'esturgeon que
a pour le repos de l'âme du bon comte. »
— 52 —
avait appelé pour défendre sa cause le comte de For-
calquier, déjà excommunié (\), Ce dernier, devenu mai-
tre de Pertuis, Tavait livré au pillage.
Le nom de Foulques se retrouve encore en < 1 95 dans
un acte passé entre les consuls d'Arles et l'abbaye.
Guillaume de Bonnieux, issu d'une noble famille du
diocèse d'Apt (2), fut élu en sa place h Tépoque où
Thérésie des Albigeois avait allumé la guerre dans
tout le Midi. Alors aussi le relâchement cherchait h se
glisser dans les cloîtres. Le nouvel abbé mit tout son
zèle à combattre la corruption au sein du monastère, et
s'étudia à y faire refleurir la discipline. 11 sut, par une
direction prudente et sage, aplanir les difficultés des
affaires de Montmajour, et contenir ceux qui convoi-
taient déjà ses biens. Il suivit à Rome Pierre, roi d'A-
ragon, comme le rapporte l'histoire d'Innocent III, et
obtint de ce Pontife une bulle favorable à l'ab-
baye (3). A son retour d'Italie, il se rendit auprès des
deux légat?, Pierre de Castelnau et Raoul, moines cis-
terciens de Fontfroide, qui avaient été envoyés par le
Saint-Siège en Languedoc contre les Albigeois et pour
la direction des affaires ecclésiastiques. Il leur demanda
de couper dans sa racine le mal qui commençait à en-
vahir Montmajour. Raoul, à sa sollicitation, vint visiter
l'abbaye, et, après avoir instruit une sérieuse enquête
sur l'état où elle se trouvait, il avisa aux moyens à
prendre pour lui faire retrouver son antique régularité
et sa splendeur primitive. Dans le règlement qu'il fit à
(1) Bulle adressée à l'arch. de Vienne, cotée 19: Chartes de
Periuis. — V. aussi 19, Privil. de Montmaj., une autre buUe de
Célestin m, de 1192.
(2) De Boni7isdans les Chartes. On trouve en 1400 un Honoré de
Booilis, président de la C. des Comptes de Provence. {Reg. Lividi,)
(3} Bulle de novembre 1204.
■-.y-
— 53 —
ce sujet (i), il conseille la visite annuelle des divers
prieurés parTabbé, prononce des déchéances contre les
moines qui se livrent k des malversations dans la ges-
tion des affaires du monastère, ou aliènent, sans Taveu
de l'abbé, les possessions de leurs églises; il blâme les
violences de certains religieux h Tégard de leurs frères,,
et défend tout privilège comme incompatible avec la
vie monastique « où Ton ne doit trouver qu'un cœur et
(( qu'une âme. »
Pendant ce temps, Falco, grand-maître de Saint- An-
toine, obtint du Saint-Siège la faveur d'ériger auprès du
prieuré de La Motte une chapelle indépendante des
Bénédictins. Cette permission avait été refusée h ses
prédécesseurs. La sentence d'Humbert, archevêque de
Vienne, rendue à cette occasion, sauvegarda néanmoins
les droits et la prépondérance de Montmajour dans sa
colonie (2) .
VI
Détention de Pertuis par le comte de Forcalquier. —
Sentence arbitrale de Tarchevêque d'Arles. — Excom-
munication de Guillaume, comte de Forcal(iuier. —
Hommage prêté par le comte.
Cependant Montmajour voyait ses terres les plus
riches au pouvoir d'usurpateurs avides : les Arlésiens
régnaient en maîtres sur les marais voisins de l'abbaye;
Raimond de Toulouse, dont les encouragements puis-
sants soutenaient les Albigeois, occupait Bédoin dans
le Comtat-Venaissin : Raimond de Baux le château de
Miramas ; le comte dj F orcalquiei*, Guillaume, retenait
avec acharnement les domaines de Pertuis et de Grave-
(!) Juillet 1205.
(2) Cf, GalL Christ. , I, 608; et VÂhhaye de Saint- Antoine en Dau-
phiné, par M. l'abbé Dassy, p. 83, Pièces justiflcatwes. Lettre F. *
— oi-
son. L'abbé recourut en même temps au Pape et k
TEmpereur. Innocent 111(1) et OthonIV(2) répondi-
rent à son appel et confirmèrent les droits de Mont-
majour.
Condamné h la fois par le Pape et par l'Empereur,
Guillaume reconnaît le domaine de Tabbaye sur Pertuis
et son territoire (3). Sa mère, la comtesse Adélaïde, ou
Alix, renonce aussi à ses droits sur Pertuis en faveur
du monastère, le 8 avril 4212.
Au mois de mars 1215 un différend s'élevait entre
l'église d'Arles et Montmajour au sujet des terrains
conquis sur les marais. L'église d'Arles en revendiquait
la propriété en vertu de concessions qui lui avaient été
faites par les Papes. Les Bénédictins invoquaient comme
(1) Bulle du 28 novembre 1204 {Privil n*» 20). - Lettre à re'vÔ-
que d'Antibes et aux abbés de Saint-Pons et de Lérins du 2 mai
1210. — la. ^ la même date à l'archevêque d'Aix et à l'évoque de
Cavaillou sur l'usurpation de Pertuis par le comte de Forcal-
quier. — Id. aux mômes prélats contre le comte. — Sentence
d'interdit contre Guillaume, 26 avril 1211.
(2) Diplôme daté d'Imola, 28 mars 1210 {PnviX n» 23), lettre
adressée à Vévêque et aux consuls d'Avignon contre Guillaume,
comte de Forcalquier. — Lettre à Guillaume, Hugues et Raimond
de Baux.
(3) Reconn. 6 avril 1212 [Ch. Pertuis n° 23). — Guillaume de
Sabran tenait le titre de comte de Forcalquier de sa mère, Alix,
fllle de Bertrand II de Forcalquier. Il accorda des privilèges à
ISisteron, érigea Cadenet en vicomte en 1226 et laissa entre autres
enfants, Guillaume 11 qui prit comme lui le titre de comte, et
Louis, auteur de la branche d'Ansouis, sur. laquelle saint Ëlzéar
a jeté un si vif éclat. (V. A rtef euil, His^ héroïque et univ . delà
nobï. de Prov., tome II, p. 353 et s.)
Une première alliance existait entre la famille de Sabran et
celle des comtes de Forcalquier, Raines de Sabran avait en effet
épousé Garsende de Forcalquier. Il en eut deux filles : la pre-
mière, aussi appelée Garsende, devint, par son mariage avec le
comte de Provence, Alphonse II, mère de Raimond Bérenger IV,
et ainsi aïeule: 1° de Marguerite de Provence, femme de saint
Louis, roi de France ; 2» d'Eléonore, femme d'Henri III, roi
d'Angleterre; 3° de Sancie, qui épousa Richard, duc de Cornouail-
les. et enfin 4° de Béatrix. qui apporta la Provence en dot à
Charles d'Anjou et devint reine de Sicile. La seconde fille de
Raines de Sabran, Béatrix, dame du Gapençois et de l'Embrunois,
épousa André, dauphin de Viennois, de la première maison capé-
tienne de Bourgogne, issue du roi Robert.
— 55 —
fondement de leurs légitimes prétentions la donation
de Lambert en faveur de Tabbé Mauringus (1). Les
parties remirent le jugement de leurs contestations à la
sagesse de Févêque, du prévôt et du doyen du chapitre
d'Avignon. Ces arbitres déterminèrent les bornes des
droits du monastère et déclarèrent que la partie des
marais qui avait été desséchée vers la route des Baux
appartiendrait en commun h Montmajour et à l'église
d'Arles (2).
Une autre querelle née entre Tabbé Guillaume de
Bonnieux et Raimond de Baux, seigneur dlstres, au
sujet de Miramas est tranchée par l'intervention de
l'archevêque d'Aix et de Guillaume, évêque d'Avignon.
Ils concèdent le domaine tout entier à l'abbé, à la
charge par lui de payer annuellement à Raimond la
somme de 200 sols (3).
Après Othôn, l'empereur Frédéric II, qui avait été
son compétiteur, prit aussi Montmajour sous sa protec-
tion (4) .
En août 1226, l'abbé Guillaume, après avoir consulté
la communauté tout entière, abandonna au podestat
d'Arles, Dragonet de Montdragon, les droits de Tabbaye
sur le Castellet et ses habitants, h la condition que la
ville d'Arles étendrait sa protection sur Montmajour et
ses environs (5).
Isnard d'Entrevennes et sa femme Douceline de Pon-
(1) V. ci-dessus.
(2) Compromis de mri-5 1215. {Ch, du Castellet, d» 24.)
(3) Acte de 1216. — Ch. Miramas n° 6. Arcb. dép.
(4) Diplôme daté de Cologne, le 4 juillet 1216. — Autre de mai
1243 [Privil. . n» 22). — Autres des 23 mai 1233 et 17 avril 1234 au
sujet de la détention de Pertuis par le comte de Forcalquier.
(5) Ch. du Castellet, 26. — Ga«. Christ, t. I, p. 608. dit que cette
cession fut faite à Dragonet de Bojairano, viguier et non podes-
tat de la ville.
— 56 —
tevès (i); Geoffroy et Rostaing de Signe (2), puis
Aicard et Bermond [3), se signalent par leurs bienfaits
envers le monastère , ainsi que Haimbaud d'Agoult ,
seigneur de Caseneuve, fils de Guiran de Simiane (4).
Le 19® abbé de Montmajour portait le nom de Guy. Il
ne demeura que six ans à la tête de Tabbaye, de 4234 à
4240. Son nom ne figure que sur un petit nombre de
chartes (6). Il s'engagea par un acte du 18 mai 1238 h
donner 400 sous raimondins neufs à Alphant de Taras-
con, qui devait aller en Lomb^rdie pour le service de
TEmpereur, au nom de Montmajour, avec un cheval
armé de toutes pièces. Grégoire IX lui adressa en 1234
une bulle confirmant Montmajour dans ses possessions
et immunités.
Raimond, premier du nom, successeur de Guy, était
neveu de Guillaume de Bonnieux. Par une autorisation
spéciale du Saint-Siège, il conserva son ancienne dignité
de prévôt de Saint-Antoine en Viennois conjointement
avec la dignité abbatiale. Dès le commencement de son
administration, il dut s'élever contre le comte Guillaume
de Forcalquier, qui, toujours aussi peu soucieux de la
foi jurée, cherchait à augmenter le patrimoine de sa
(1) Charte du 22 janvier 1213, cotée: Correns^ 9.
(2) Charte de mars 1216.— La maison de Signe, dont on trouve
ici le nom et que certains généalogistes attachent à la famille de
Glandevôs. qui posséda aussi la terre de ce nom, est. selon
Raffi, un rameau des vicomtes de Marseille, dont était issu Guil-
laume de Signe, qui. d'Augeria de Mari, laissa quatre fils:
1° Guillaume, dont les biens passèrent à la maison de Vintimille;
2° Guillaume de Signe, le Jeune, marié à Delphine de Barras,
nout il eut sainte Delphine, comtesse d'Ariau et Pétronillette;
3^ Bertrand, dit de Marseille, et 4" Rostaing de Signe.
(V. Hist. de Mars , t. I, l. III, ch. IV.)
(3) Charte du 9 mars 1220.
(4) Charte du 16 octobre 1236.
(5) Hommage de Renaud Eliziarius pour Graveson. 14 août 1Î34.
— Reconnaissance de Bertrand Raimbaud, 16 août 1235. — Com-
promis passé entre Guy etGuiraud de Sabran, fils de Guillaume»
comte de Forcalquier et de Bertrande, au sujet du domaine de
Graveson.
maison en retenant le domaine de Pertuis. Sur les
plaintes de Tabbé, l'évêque de Tournay, légat du Saint-
Siège, cita Guillaume k son tribunal et l'exhorta k ren-*
trer dans son devoir. Mais le comte négligea cet aver-
tissement et fut frappé d'anathème. Cependant ses
vexations redoublèrent et l'interdit fut jeté sur ses
terres. Le Pape Grégoire IX chargea Tarchevêque
d'Arles de faire strictement exécuter les sentences pro-
noncées contre Guillaume (4), et de demander Tappui
du comte de Provence pour réduire son feudataire ; il
écrivit en même temps à ce prince, le priant d'inter-
poser son autorité, ou seulement de donner de sages
avis au seigneur rebelle toutes les fois que Tarchevêque
d'Arles l'en aurait requis. Cette intervention ne laissa
pas de produire quelque effet sur l'esprit du comte de
Forcalquier : aussi le voyons-nous se résoudre à accepter
l'arbitrage de l'archevêque d'Arles. Il signe le compro-
mis (2) avec ses fils Giraud Guillaume et Gaucher; la
comtesse Mabile souscrit encore à cet acte, ainsi que le
comte de Provence, Raimond Bérenger. Une amende de
4 ,000 marcs d'argent est prononcée contre la partie qui
refusera de se rendre à la sentence arbitrale : les fidéjus-
seurs de Guillaume sont Bertrand, Guillaume et Gilbert
de Baux et Guillaume, dit de Mautortil ; ceux de Mabile
et de ses fils, Raines, seigneur de la Tour-d' Aiguës, Ber-
trand de Cadenet, Dauphinet et Raîmbaud de Dauphin.
Nous avons déjà vu que Montmajour réclamait dans
leur intégrité les droits seigneuriaux sur Pertuis et son
territoire, en vertu d'une donation de Guillaume I®"",
comte de Provence et de la comtesse Arsinde, plus tard
(1) 30 avril 1240 ou 1241. — Ch. de Pertuis, 27.
(2) Acte du 31 décembre 1240, not. Pons Staque La sentence
arbitrale de 1242 est sous le même numéro. — V. Cour des comp-
tes, Registre Pargamenorum, f> 175 et aussi B. 335, Arch. dèp.
— 5S -^
confirmée par le comte Guillaume de Forcalquier, oncle
du détenteur de ce domaine. Le monastère demandait
de plus 40,000 sous en compensation des dommages
que le comte lui avait causés, la restitution du bac de
la Durance et plusieurs autres droits qui lui étaient
injustement déniés. Jean, archevêque d'Arles, arbitre
choisi par les parties, déclara indivis entre l'abbé et le
comte les droits de justice, de bans, de criée, de chasse
et ceux du bac de la Durance, et reconnut à chacun des
coseigneurs le privilège de nommer des baillis et autres
officiers pour rendre la justice. Toutefois, le comte et
ses successeurs furent astreints h prêter hommage à
chaque abbé nouvellement élu et h le recevoir à leurs
frais pendant un jour, chaque fois qu'il se rendrait à
Pertuis. L'arbitre alloua de plus 3,000 sous royaux
coronats à l'abbaye pour les dommages qu'elle avait
éprouvés (1).
Le Concile général de 1246 appela Raimond à Lyon.
Le Pape Innocent IV lui adressa deux lettres dont l'une
déclarait qu'aucun légat ou délégat du Saint-Siège ne
pourrait jamais pro'noncer une sentence d'excommuni-
cation contre un abbé de Montmajour, sans avoir reçu à
cet effet un mandat spécial (2).
A la prière de Raimond qui, ainsi qu'on l'a vu plus
haut, avait conservé le titre de prieur de Saint-Antoine
en Viennois, le légat Jean, archevêque de Vienne,
plaça dans une châsse séparée un des bras de saint
Antoine, pour l'exposer à la vénération des fidèles. Plu-
sieurs prélats, parmi lesquels l'évêque d'Uzès, relevè-
rent par leur présence l'éclat de cette cérémonie.
(1) Sentence arbitrale rendue à Salon le 26 juillet 1242.
(2) 17 juin même année. Privil. n<» 29. — Bulle du même, jan-
vier 1254, n» 32. — Autre, même date, promettant à l'abbé de
dispenser les moines de certames règles trop sévères, n» 34. —
Autre permettant à l'abbé de relever les moines de certaines
censures, n» 35.
— 59 —
Un autre Raîmond succéda k celui-ci. Il conste par
un acte de 4 251 que Raimond II exigea du comte de
Forcalquier l'accomplissement de la clause pénale sti-
pulée dans le compromis de 4242. Des arbitres (i)
mirent fin à la querelle en remettant la peine au comte,
sous la condition qu'il prêterait à Tabbé serment de
fidélité et d'obéissance.
Raimond II fut très-favorisé par le Pape Alexan-
dre IV (2) ; ce Pontife lui accorda, tant pour lui-même
que pour ses successeurs, le droit de porter la mître,
l'anneau et les autres insignes de la dignité épisco-
pale (3). Il l'autorisa aussi à administrer conjointement
Montmajour et le prieuré de Saint- Antoine (4).
Le 47 juin 1254 , Guillaume de Forcalquier fait hom-
mage à l'abbé pour les biens qu'il possède au terroir de
Pertuis (5).
Avant Alexandre IV, le Pape Innocent IV avait déjà
rendu plusieurs bulles concernant Montmajour (6) L'une
d'entre elles, notamment, excommuniait les moines
rebelles à l'autorité ae l'abbé ; une autre relevait la
communauté de toutes les censures qu'elle avait pu
encourir ; dans une autre, le Pape, considérant les dom-
mages qui résultent pour Tabbaye de la collation des
prieurés et des églises à des prêtres séculiers, défend
désormais cet abus.
Raimond II est appelé Raimond d'Ansouis dans Tacte
(1) Raimond Sacriste d'Arles, Imbert d'Aurons et P. de Vinti-
mille, etc.
(2) Bulle de 1258 confirmant tous les privilèges de l'abbaye,
Privil, n« 36.— Bulles des 20 janvier et 16 avril 1259.
(3) Bulle du 2 avril 1259, Privil., n" 40.
(4) Bulle datée d'Aix en 1259 et cotée 8, Ch. de Saint- Antoine,
Arch. dép.
(5) Acte coté 38, Ch, de Pertuis,
i6) Bulle d'Innocent IV, du 18 mai 1246. accordant aux moines
de ne recevoir personne malgré eux. Privil.t n° 28. Arch, dép.
— 60 —
d'hommage de Mathilde, veuve d'Atenulphe de Reillane,
et de son fils Boniface pour le château de Sanson (1). Il
prêta lui-même le serment de fidélité à Charles d'Anjou
pour Pertuîs, Graveson, le Castellet et leurs territoires.
Ce serment fut reçu par le prince, à Brignoles, le 8 juil-
let 1257. Alexandre IV lui octroya le 3 des nones d'avril
1259 de nombreux privilèges.
Guillaume de Ronnis, élu abbé à sa mort, administra
pendant environ un an les affaires du monastère sans
avoir reçu la confirmation de son titre. Il céda à Ermes-
sînde, abbesse de Saint-Césaire d'Arles, tous les droits
qu'avait Montmajour sur Vile de Cordes, située à une
faible distance au sud-est de l'abbaye, et reçut d'elle en
échange son domaine du Castellet, qui en était aussi
très-voisin (2). Par un acte du 1^' septembre 1260, il
nomme son procureur, Pierre de la Tour, prieur de
N.-D. d'Alleins (3).
Guillaume meurt en 1260, et Montmajour reste pres-
que cinq années entières sans chef. Les suffrages des
moines s'étaient divisés entre Bertrand Raîmondi, prieur
de Saint-Antoine et Simon, prieur de Saint-Remy; et
les deux compétiteurs ne pouvant s'entendre, en avaient
appelé au Souverain-Pontife. L'administration de l'ab-
baye fut confié aux FF. Piêcheurs et aux FF. Mineurs
d'Arles : ce ne fut pas sans dommage pour le monastère,
car ces religieux, plus appliqués aux affaires de leyr
(1) Reillane, li avril 1251. Cet acte porte à l'inventaire range la
date du 13 avril 1252 et lé n» 39, Ch. de Pertuis — La famiUe
d'Ansouis portait pour armes un écu semé de besants.
(2) 2 décembre 1258. — V. Arch. dép., Ch. du Castellet, n» 27 ,
acte pris par Girardy, notaire. — Cette dénomination dHle de
Cordes ne doit pas étonner; au XV« siècle, en effet, on n'y par-
venait qu'en bateau, ainsi qu'à Montmajour. Un document trouvé
par l'abbé Bonnement, chez les Trinitaires d'Arles, et cité par
Anibert en fait foi. (V Anibert. Dissert, topogr. et hist. sur la
Mont, de Cordts, p. 4'^, note.)
(3) GalL C/imt., 1,610.
— 64 —
ordre qn'k celles d*uû ordre étranger, laissaient le
champ libre aux usurpations des barons et même de
l'archevêque d'Arles. Clément IV, qui était né à Saint-
Gilles et avait toujours montré beaucoup d'attachement
pour Mon tma jour, rappela ce prélat k ses devoirs et
consacra l'exemption du droit de visite en faveur du
monastère (4 ) »
Il mit fin aux compétitions qui s'étaient élevées en
plaçant à la tête de Tabbaye un homme issu d'une noble
famille, Bernard de Montemirato, dont il connaissait le
mérite et qui avait fait à Aniane l'apprentissage de la
vie religieuse. Nous voyons ce nouvel abbé rendre en
1274 une sentence arbitrale entre Bertrand, évêque de
Toulouse et l'abbé de Moissac, au sujet du monastère de
Leza t. Bernard vécut presque toujours à Rome, et fut
en 4286 nommé évêque de Tripoli-de- Barbarie (2). Les
religieux que ne retenait plus la vigilance de leur pas-
teur, se relâchaient peu à peu de la rigueur de leurs
observances. Déjà la coutume d'user d'aliments gras
trois fois par semaine s'était établie dans la maison, et
la communauté, se plaignant de l'insuffisance de la
nourriture, avait fait affecter la bourdigue de Venroz ^
l'approvisionnement de sa table (3).
En Tabsence de Bernard de Montemirato. Bérardde
Reillane, prieur de Carluc, qui le remplaçait, donna à
Bertrand de Baux, comte d'Avelin, l'investiture d'une
partie de la ville de Pertuis, le 27 avril 4286 (4). L'abbé
avait déjà acheté les droits des enfants de Guiraud de
(1) Bulle datée de Pérouse, le 23 avril 1269 et adressée à l'évêque
de Béziers.
(2} Il avait assisté cette môme année à l'élection de Raimond
Régis, ^.bbô de Saint-Gilles {France Pontificale, p. 773).
(3) Délib. capitul. 27 nov. 1271. Arch. dép.
(4) Cet acte au n« 45, Ch. de Pertuis. — V. Arch. dép., C. des
comptes Reg. n° 16, î" 59, Armoire du Juge mage.
- 62 —
Sabran , Guillelmet, Bertrandet et Montolîeuve, sur
cette même seigneurie au prix de 4 3, 000 sous tournois (4).
Le Pape Clément IV, par une bulle donnée h Viterbe,
le 14 juin 1268, révoqua toutes les aliénations et con-
cessions de droits quelconques, consenties pendant la
vacance de l'abbaye (2). Par une autre du 17 août de la
même année, il attribua h la maison hospitalière de
Saint-Antoine les dons et legs faits à l'église du
prieuré. Ce sanctuaire fut honoré de la visite de Charles
d'Anjou, en 1271, et de celle de Thibaud, roi de Na-
varre, en 1286 (3).
Nous voyons Bernard de Montemirato acquérir de
Raimond Regannas et de Marguerite de Tarascon, sa
femme, les droits qu'ils possédaient dans le village et
le territoire de Graveson, au prix de 7,600 sous proven-
çaux coronats (4).
Le 5 juillet 1285, Raimond d' Aurons reconnaît tenir
sous le domaine du même abbé ce qu'il possédait à
Pélissane (5).
Quand Bt^rnard fut nommé à Tévêché de Tripoli, Jac-
ques d'Aiguières, prieur de N. D. de la Mer, fut pro-
visoirement chargé de l'administration du monastère.
C'est un moine de Saint-Gilles, assure Chantelou,
(1)2 avril 1267, Ch. Pertuis, n" 46.— On avait reconnu à ces enfants
le domaine du Bourguet et de douze de ses habitants, le droit de
faire un four, la propriété d'une condamine, etc. Transaction du
24 mai 1263, not. GamelU. Ch, Pertuis, n» 43.
(2) Une autre bulle du même Pape enjoint à l'archevêque
d'Arles de s'abstenir de visiter Montmajour. 15 avril 1266. Privil,
no 41.
(3) Aimar Falco, 3© partie, chap. 22 et 25.
(4) Charte du 25 nov. 1279. — Montmajour avait déjà acheté les
droits de Rostaing* Imberti sur Graveson au prix de 30,000 sous
raimondins {Ch. Tarascon, n° 39) et ceux de Guillaume, comte de
Forcalquier pour 25,000 sous. Acte du 7 avril 1213, Ch. Tar<MCon,
n» 4, Arch. dép.
(5) Acte dressé par AUamand, notaire. Arch. dép , Ch, Pélissanne,
n« 12.
— 63 —
que l'on choisit ensuite pour lui confier la direction de
Tabbaye, Etienne de Monteareno. Le premier soin de
celui-ci, lors de sa nomination (1287), fut d'afBrmer les
droits de sa maison sur Pertuis : il s'y fit recevoir
comme seigneur dominant, avec douze de ses religieux,
posa sur la grande tour de la ville une coule noire
{atram cucullam), en signe de sa puissance, et fut traité
par Bertrand de Baux (4), comte d'Avelin, qui, l'année
suivante, lui prêta hommage pour la moitié de la
ville (2).
Nicolas IV adressa à Etienne deux rescrits. Par le
premier (3), il lui donna le pouvoir de réconcilier la
grande église de Notre-Dame et celle de Saint-Pierre
de Montmajour, aussi bien que celle de Saint-Antoine
en Viennois et les cimetières voisins, si jamais ils
venaient à être souillés par Teffusion du sang ou toute
autre cause, pourvu, toutefois, que l'ordinaire eût préa-
lablement procédé à la bénédiction solennelle de ces
lieux consacrés. La seconde bulle du Pape (4) lui accorda
le droit pour lui et ses successeurs de bénir le peuple
aux fêtes de la Résurrection, de l'Invention de la Sainte-
Croix et de la Toussaint, quand ils célébraient la messe
en ces jours-là dans l'enceinte de l'abbaye ou dans les
églises tributaires de Montmajour.
Dès la première année de son administration, Etienne
convoque les moines en chapitre général. Cette assem-
blée s'applique k réprimer la Ucence qui s'était glissée
(1) Le 2 mars 1288 — Raimond Pelisserj^, Àrch, dép,. Ch de
Pertuis, n» 5, et B, 1420.
(2) Le 2 juin 1289. — Un accord avait, été passé entre eux à
Tarascon le 8 février précédent. Pertuis, n» 56.
•3) En date du 21 janvier 1289, Privil, n» 44. — Il reçut encore
en février 1288 l'hoaimage des habitants de Graveson et celui de
Hug-ues de Saint-Chamas, pour Cornilion. Gall, Christ., I, 610.
(4) 8 mars 1289. Privil. n» 45.
— 64 —
d^m le monastère, et porte des peiaes contre ceux qui
se mettent par force en possession de bénéfices. Elle
défend aux religieux un séjour prolongé à Arles, règle
certains détails de costume, et confirme la permission
d'user d'aliments gras à certains jours à cause de Tinsa-
lubritéde Tair. (4).
Le 18 juillet 4292, Tabbé de Montmajour abandonne
à Charles II, roi de Sicile et comte de Provence, les
droits de pèche et de haute justice à Jonquières-lès-
Martigues, autrefois concédés au monastère par la mai^
son de Fos, Il reçut en échange tous les autres droits
seigneuriaux de ce fief. (2)
La sévérité d'Etienne excita contre lui un grand nom-
bre de moines : conduits par quelques prieurs, ils allè-
rent jusqu'à porter la main sur lui et à le dépouiller de
ses livres, de ses divers meubles et des titres concer-
nant les propriétés et les privilèges de l'abbaye. Après
avoir commis ces excès, ils créèrent de leur propre
autorité un cellerier et un prieur claustral.
Il fallait apporter un prompt remède à cette confu-
sion. L'abbé et les moines jetèrent en même temps les
yeux sur Guillaume de Mandagot, protonotaire du
Saint-Siège, que ses vertus devaient élever plus tard aux
dignités d'archevêque d'Embrun et de cardinal. Ils le
choisirent pour arbitre de leurs démêlés (3).
Ce sage prélat exigea d'abord que les rebelles offris-
sent à l'abbé une satisfaction complète ; déclara nulles
et vaines les nominations qu'ils avaient faites, et con-
damna chacun des prieurs coupables à une amende de
200 livres, à l'exception de Guillaume de Sabran,
(1) 2 février 12.91, notaire Pierre Joannis.
(2) V. Arch. dép. Cour des Comptes, Reg. Perdicis, f» 150.
(3) Compromis en date du 24 février 1294, notaire Raimond
Guirautiy . -^ Arch. dép.
— 65 -
prieur de Carluc, élu abbé de Saint-Victor de Mar-
seille (<). Guillaume avait été pendant un ancellerier
de Mantraajour et il avait formé son neveu, Etzéar, fils
de son frère Hermengaud, k la pratique des vertus qui
l'ont fait mettre au rang des saints (2).
Guillaume de Mandagot, après avoir ainsi rétabli la
paix entre Tabbé et la communauté, rendit pour réformer
le monastère une constitution en 16 chapitres, dans
laquelle il s'étudia à porter remède aux divers maux
dont il avait découvert les sources. Il faut signaler ici
plusieurs dispositions de. ce document. Le droit à la
collation des bénéfices et prieurés est reconnu à Tabbé
seul ; — défense est faite de nommer k ces dignités des
personnes étrangères à l'ordre de Saint-Benoît ; —
l'abbé ne pourra désormais recevoir aucun moine en
dehors du monastère, bien qu'il prétendit avoir ce droit
partout ; — les postulants nonvellement admis dans la
maison ne pourront d'un an entier s^absenter, si ce n'est
pour une juste cause ; -^ les moines de Montmajour,
qui, tout en demeurant d'ordinaire dans leur couvent,
se retirent parfois dans les monastères d'un autre ordre
dans l'espoir de s'y faire attribuer quelque bénéfice,
devront être expulsés, à moins qu'ils n'aient été auto-
risés k passer tout k fait dans cet ordre. — Le droit de
retirer k certains religieux leurs prieurés ou les admi-
nistrations qui leur étaient confiées , ne sera plus ,
comme autrefois, subordonné k la haine, k l'injustice, k
(1) Ruiîî nous apprend qu'il occupa ce poste près de 30 ans,
qu'il tint quatre chapitres généraux et fut fait ensuite e'vôque de
Digne. Hist. de Marseille, t. 2, p. 154.
(2) Saint Elzéar de Sabran fut canonisé par le bienheureux Pape
Urbain V. Il avait épousé Delphine; dame de Puymichel, de la
maison de Signe, qui a donné plusieurs bienfaiteurs à Montma-
jour. Elle mourut en odeur de sainteté le 25 nov. 1360. Urbain V
en 1363 donna commission à Tarchevôque d'Aix et aux évoques de
Vairon et de Sisteron pour informer sur sa vie, V. Bouche, Hist.
de Prov,, 11,305.
— 66 —
Tarbitraire ; -^ Tabbé ne pourra eu user qu'en allé-
guant une cause plausible ; — un chapitre général sera
tenu chaque année à la Toussaint ; — il sera nommé un
prieur claustral pour diriger l'abbaye en l'absence de
son chef; — les prieurs qui changent de résidence ne
pourront emporter les effets qui leur sont particuliers
que s'ils ne laissent aucune dette ; — les messes d'anni-
versaires fondées par les religieux devront être scrupu-
leusement célébrées ; — de trois en trois ans le produit
de la dîme devra être affecté aux réparations de l'abbaye,
dont le séjour est devenu impossible en certaines sai-
sons et par les temps pluvieux (1).
VII
Démêlés de Montznajour avec la maison de Saint-
Antoine. — Erection de ce prieuré en abbaye soas
Bonif ace VIII et constitution d*une pension en faveur
des Bénédictins.
Etienne fut impliqué dans des difficultés plus graves
avec la maison hospitalière de Saint-Antoine. Il avait
fait citer les Hospitaliers devant le Souverain -Pontife ;
mais on ne donna pas immédiatement suite à l'instance;
elle fut poursuivie sous Clément IV, Grégoire X et les
autres Papes qui régnèrent ensuite jusqu'à Nicolas IV .
Enfin les amis des deux maisons, voyant quels scandales
naissaient de ces luttes prolongées, et en même temps
temps quel désavantage elles causaient k l'une et k Tau-
ire, conseillèrent de choisir pour arbitre Bertrand de
(1) Constitution du 14 avril 1294. Raimond Guiraudy,- notaire,
Arch. dép, Privil. n*> 50 — La ratification capitulaire de la sen-
tence ci-dessus* fut faite le 19 août 1294 et dressée par P. Joannis,
notaire. Arch. dép, Privil. 51 .
— 67 —
l.auguîssel, évêque de Nîmes. Cet avis fut écouté (i), et
Bertrand, après avoir demandé l'avis de l'archevêque de
Vienne et de Guillaume, évêque de Turin, trouva le
moyen de réconcilier les parties en proclamant l'union
de Saint-Antoine à Montmajour. Cette union compre-
nait l'observance d'une même règle et une complète
communauté d'administration et de biens, sans que
cependant aucune des deux maisons fut soumise k l'au-
tre et s'absorbât dans celle-ci. Etienne, abbé de Mont-
majour, aussi bien Qu'Aymon de Montagny, grand-
maltre de Saint-Antoine devaient conserver jusqu'à leur
moi t leurs attributions respectives ; mais si l'un d'eux
venait k prédécéder, ou s'il était appelé k d'autres char-
ges, le survivant devait réunir, et cela sans qu'il fut
besoin d'une autorisation, d'une confirmation ou d'une
élection quelconque, les deux dignités et la direction
des deux maisons, en prenant le titre à'abbé de Mont-
majour et de r hôpital Saint-Antoine, La règle de Saint-
Augustin était imposée aux deux communautés et désor-
mais les élections des abbés devaient avoir lieu alterna-
tivement à Saint-Antoine et k Montmajour f2).
La concorde paraît rétablie ; Aymon et Etienne sem-
blent, encore la cimenter, le premier en confiant k l'abbé
la direction des commanderies de Saint-Antoine k Mar-
seille et k Arles (3) ; Etienne en étendant les pouvoirs
d' Aymon comme grand-maître (i). Enfin la constitution
de révêque de Nîmes est soumise au Pape Nicolas IV,
qui commet quatre cardinaux k l'effet de l'examiner.
(1) Compromis de mai 1289. Arch. dép., Ch. Saint- Antoirm,
n» 14. — haxi nous apprend que Bertrand était frère de Bernard
de Lauguissel, archevêque d*Arle8 et d'André, évêque d'Avignon.
(Pontifie. Arelat.y à l'article de Bernard )
(2) Acte du 15 mai 1289. — 16, Ch. de Saint- Antoine, Arch, dép.
(3) 17 mai 1289. — Arch. dép, Ch. de Saint-Antoine, no 16 bis.
(4) 20 mail 289.
— 68 —
Maïs le feu couvait encore sous la cendre, et Tin^
cendie allait devenir plus terrible que jamais.
C'est au mois d'août 1290, selon le témoignage de
M. Tabbé Dassy (1), qu'Aymon de Montagny rompit
toute relation avec Montmajour. Etienne voyant ses
plaintes demeurer stériles, investit d'une suprême auto-
rité sur le prieuré et la maison de TAumône, Graton de
Châteauneuf, Tun des moines du prieuré, frère d'Aynard.
Alors les Hospitaliers, excités à la révolte par Tun d'eux,
le turbulent Pierre de Parnans, entraînent avec eux les
habitants du bourg; à la faveur des ténèbres ils pénè-
trent k main armée dans le monastère ; les Bénédictins,
épouvantés de cette attaque subite, s'échappent à demi-
nus de la maison, où leurs rivaux s'établissent en
maîtres.
Ce n'est point encore le lieu de nous étendre sur la
controverse qui va s'élever entre Montmajour et sa
colonie sur la possession des reliques de Saint-Antoine.
Bornons-nous k dire ceci : l'abbaye Arlésienne a pré-
tendu que les moines chassés du prieuré avaient apporté
ces précieux restes dans sa basilique. M. l'abbé Dassy.
appuyant de son autorité la thèse adverse, s'attache à
prouver que l'enlèvement du corps sacré ne put être
fait pendant la nuit où Parnans envahit par surprise la
demeure des Bénédictins et les contraignit k fuir kdemi
nus {pêne nudos expellit).
Mais écoutons la réponse des défenseurs d'Arles:
bien que l'attaque nocturne du monastère ait été sou-
daine, on ne peut dire qu'elle ait été imprévue, puis-
que, selon l'éminent historien de l'abbaye Antonienne
on avait vu naître depuis longtemps entre les deux
communautés « des symptômes de troubles menaçants
(1) V Abbaye de Saint-Antoine en Dauphiné, p. 101 et soiv.
— 69 —
Bt gros de périls, » et que « des bruits sourds et confus
avaient déjà jeté l'épouvante h Montmajour. » Quoi
donc de plus naturel pour les moines que de mettre h
Tabri dès les premières menaces les reliques dont ils
étaient gardiens à l'exclusion des Hospitaliers?
L'auteur de VAbbaye Saint-Antoine allègue, il est
vrai, le silence des Bénédictins pendant le XIV® siècle
pour repousser toute idée d'une translation des reliques
à Montmajour. On a répondu à cet argument que la
détermination prise en 4307 par les Antonins de pro-
céder h l'ouverture de la châsse conservée dans l'église
Viennoise autorise à croire que les Bénédictins, même
à une si faible distance de leur expulsion, n'étaient pas
restés aussi muets que ce qu'on l'assure.
Lors de la visite de 4 307, disent les adversaires de
Montmajour, on ne retrouva pas les clés de la châsse de
Saint-Antoine : on fut obligé d'en briser les serrures,
et, ajoutent-ils, de rompre les sceaux apposés lors de
l'inspection précédente en 4237, ce qui rend absolu-
ment improbable l'enlèvement des reliques. Aymar
Falco relate l'effraction des serrures, mais demeure
absolument muet sur celle des sceaux. Il est à regretter
que les partisans des Antonins ne produisent pas à
l'appui de leur argument un procès-verbal authentique
de la visite de 4307 au lieu de l'assertion de Falco, dont
les Arlésiens pourraient d'ailleurs à bon droit suspecter
l'entière impartialité.
Mais hâtons-nous de revenir h notre sujet.
Aynard de Châteauneuf, héritier du comte Jocelin et
frère de Graton, dont nous avons parlé naguère, venait
de conclure avec le grand-maître des Hospitaliers la
vente du "Bourg-Saint-Antoine. Apprenant qu'on avait
chassé ignominieusement son frère du prieuré, il prend
les armes pour défendre à la fois son honneur outragé
5
— 70 —
et les droits de Montmajour. « Il fond aii milieu des
a tranquilles habitants de Saint-Antoine, frappe sans
« miséricorde ceux qui ont trempé dans le complot de
« Pierre de Parnans et s'avance vers le prieuré pour
« immoler à sa vengeance le grand-maître Aymon et
« Taudacieux gentilhomme. Dans son emportement/
a enfonçant les barrières qu'où lui oppose, il s'est jeté
« dans l'église comme sur une scène où il pourra poser
« sa tente : on veut l'en chasser, mais les amis des
« Hospitaliers sont frappés, dispersés, et le sang coule
« autour de la châsse de Saint- Antoine. Inutilement
a les frères de la maison de l'Aumône ont entraîné le
« grand-maître au fond du prieuré : le terrible Aynard
« se précipite sur leurs traces; il saisit sans peine sa
« victime et la charge de chaînes... (1) »
Il ne lui rendit la liberté qu'après lui avoir posé les
plus dures conditions. Aymon y souscrivit; mais, devenu
libre, il se considéra comme dégagé de sa parole et fit
excommunier le seigneur de Châteauneuf. La guerre fut
sur le point de recommencer, mais le dauphin Hum-
bert P', évoquant le litige à son tribunal de Romans, en
arrêta les préparatifs. Par un arrêt rendu le 18 novem-
bre 1292, il exigea d' Aynard la confirmation de la vente
du Bourg-Saint-Antoine, que celui-ci prétendait rési-
lier, fit prendre sous serment à Aymon l'engagement de
faire absoudre Aynard des censures portées contre lui,
et assigna une pension de 300 livres à Gratôn de Châ-
teauneuf en compensation de son désistement.
La sentence du tribunal delphinal ne faisait aucune
mention des droits de Montmajour sur la maison de
Saint-Antoine. L'abbé Etienne de Monteareno demanda
son appui à Tarchevêque de Vienne pour les faire con-
(1) Àbbay9 Samt-Àntoin», p. 105.
— 74 —
firmer (4), et mit Aymon en demeure d'exécuter la con-
vention qui avait déjà consacré Tunion des deux mai-
sons, ou, sinon, de lui restituer son monastère.
Aucune réponse ne lui parvenant, il porte devant le
Saint-Siège ses plaintes sur les traitements ignominieux
qu'ont subis les moines de Saint-Antoine, sur l'invasion
du prieuré par les Hospitaliers^ et requiert l'accomplis-
sement de la fusion consommée en 1289 (2).
Boniface YIII fait citer en cour de Rome les deux
parties (3). Ce Pontife qui avait été du nombre des car-
dinaux précédemment chargés par Nicolas IV de négo-
cier l'union de Saint-Antoine et de Montmajour, vou-
lant détruire désormais toute semence de discorde, crut
devoir affranchir le prieuré du Viennois de la dépen-
dance du monastère arlésien et l'ériger en abbaye
séparée, exempte delà juridiction def l'ordinaire, en lui
soumettant la maison des Hospitaliers. Toutefois, pour
que Montmajour n'eût pas à souffrir de ce démembre-
ment de ses droits, le Pape lui assigna une pension de
•I ,300 livres tournois (twonensium parvorum) que l'abbé
de Saint-Antoine devait payer chaque année, à Nîmes,
sous peine de perdre son abbaye (4).
(1) Àrch. dép. Ch. de Saint^Antoine, n« 20. — Requête adressée
Ïar l'abbé de Montmajour à l'archevêque de Vienne, en décembre
295, notaire Guillaume Fausset.
(2) V. plus haut.
(3] Bulle du 14 octobre 1206, adressée à l'archevêque d'Arles et à
révéque de Marseille. — Cotée 21 à l'invent. ron^e parmi les
Chartes de Saint'Antoine,
(4) Bulle datée d'Orvieto, le 10 juin 1297, cotée 23, Ch. de Saint-
Antoine. Arch, dép.
La pension créée par cette bulle devint pour Montmajour une
source de constantes sollicitudes. Ce tribut fut, dans la suite,
l'objet de divers règlements successifs : le 14 octobre 1315, Guil-
laume, cardinal-évôque de Préneste, décide que les 1,300 livres
doivent être divisées en ég'ales parts entre l'abbé et les moines (32.
Ch, de Saint-Antoine). —Un arrêt de la Cour romaine, rendu le
8 mai 1331 par Bertrand, cardinal du titre de Sainte-Marie «n
Aquiro, porte que les Antonins devront payer leur pension sur le
pied de la valeur des monnaies à l'époque de la constitution et
— 7^ —
Etienne de Monteareno Se trouvant malade à Viterbe,
y fit son testament le 5 janvier 4298. Il manifeste dans
cet acte le désir que son cœur soit déposé dans Téglise
des FF. Mineurs d'Arles et que son corps soit transporté
non selon le cours âxé au jour de chaque paiement (42.. Ch» de
Saint-Antoine). — Le 27 octobre 1408, le clergé de France, réuni à
Paris en concile national par ordre de Charles VI, affecta aux
dépenses du cardinal de Thureyo, qui piégeait au Concile de Pise,
la pension antonienne que le Pape d'Avignon, Benoît XIII,
s'était déjk attribuée, et l'abbé Jean Hugolen, malgré ses récla-
mations fut condamné par sentence du sénéchal de Nîmes , à
verser la somme entre les mains du cardinal. — Un jugement de
François de Conzie, archevêque de Narbonne, rendu le 26 janvier
1411 k Villeneuve-lès- Avignon et un décret du Pape Jean XXIII.
en date du 14 janvier de l'année suivante, déclarent, comme l'acte
de 1331, que l'ancien cours des monnaies doit être suivi dans le
paiement du tribut. — Une sentence abbatiale du 19 juin 1413
réduit à 210 marcs d'argent les 1,300 liv. tournois de ia pension.
Malgré l'atténuation de leurs charges, les Antonins refusent
de payer Montmajour. Se voyant assignés devant la juridiction
civile qu'ils pressentant devoir les condamner, ils invoquent
l'exception d'incompétence et appellent au Pape. Un cardinal
désigné par le souverain-Pontife défend aux Bônédictiils de saisir
de leurs demandes les tribunaux séculiers. Mais, pendant ce
temps, Montmajour, nssuré de l'appui du Roi, citait ses adver-
saires devant le parlement de Toulouse", qui jif^eait les réclama-
tions bien fondées. De son côté, Jean Polley, abbé de Saint-
Antoine, obtenait de Martin V la réduction des 1.300 liv. tournois
en 1,300 florins. Les Bénédictins, en réponse, assignent les Anto-
nins à la barre du parlement de Poitiers : une seconde fois Rome
leur interdit de recourir à la juridiction civile; néanmoins, ces
tristes conflits continuent encore longtemps.
A l'avènement de Louis d'Allemand (1431) se renouvelèrent les
débats relatifs au paiement du tribut. Les Antonins avaient
réussi à faire ratifier par Eugène IV la bulle rendue en leur
faveur par Martin V. Montmajour en appela au concile de Bâle.
qui nomma des commissaires pour décider le différend, puis le
30 juin 1438 annula les buUes des deux Papes et condamna l'abbé
de SalQt-Antoine à s'en tenir désormais à la dernière sentence
arbitrale. V. Ch. de Saint- Antoine, n» 180. —Les arrêts des par-
lements de Paris (5 juillet 1436) et de Poitiers (5 août 1438) confir-
mèrent aussi Montmajour dans ses privilèges. —V. Ch, de Saint-
Antoine. n«* i74 et 19p.
Les Antonins reçurent avec les plus mauvais traitements les
envoyés qui venaient leur signifier à la fois tous ces jugements
si défavorables pour leur cause. Lo Concile, à la prière de Louis
d'Allemand, frappa d'interdit l'abbaye Viennoise et la région envi-
ronnante. (V. Ch. de Saint-Antoine, n«« 178, 180, 186 et 191.) Mais
le Pape Eugène IV, sollicité de son côté par les rivaux de Mont
majeur, dépouilla Louis d'Allemand de tous ses bénéfices et frappa
do nullité les décrets rendus par le Concile en faveur de l'abbaye.
Cette assemblée maintint sa décision, et, le 8 mai 1442, un arrêt du
parlement de Paris fixait par provision la pension à 205 marcs
d'argent.
- 78 -
«
àSâaQt-Gilles. Il fonde de plus deux anniversaires, Tun
dans ce monastère, l'autre dans celui de Montmajour (4).
U itiourut le 6 janvier et son corps fut inhumé dans le
cloUre de cette dernière abbaye, comme Tatteste un
antique obituaire.
Ce fut Bertrand de Malsang, prieur de Martigues, issu
d'une ancienne et très-noble famille d'Arles, qu'on
appela à lui succéder (i). Cet abbé reçut en mars 4298
rhommage de Raimond d'Aurons, pour Pélissane. Le
i 6 octobre de l'année suivante, il prêtait lui-même ser-
ment de fidélité au roide Sicile. Nous le voyons nommer
en 1308 Jacques de Malsaog, prieur de Correns et don-
ner procuration, le il octobre 1315, à Pierre de la
Tour, pour négocier l'union de Tabbaye de Lure k
Montmajour (3).
11 avait obtenu le pouvoir de relever les moines des
censures qu'ils avaient encourues et de conférer cer-
tains bénéfices (4). Le 13 janvier 1304, il avait été solen-
nellement reçu dans la ville de Pertuis et son château
par le bailli et le clavaire du roi de Sicile.
Bertrand de Malsang mourut au mois d'août 1 31 6 Un
magnifique tombeau, chef-d'œuvre de style gothique
fleuri, lui fut élevé dans le transsept de l'église (5). Tout
(1) Rostaîng Fustery, notaire, Ch. du CastelUt, n°29. Arch. dép.
(2) Pithon-Curt (ms«. dé la Nobl.duComtat Ken., t. 1, p. W, croit
cette maison oriorinaire des environs de Carpentras. Il cite parmi
ses membres: Geoffroy, damoiseau, s^^igneur de Menamènes en
IlOO; Pierre, qui était à la suite d'A/lphonse, comte de Toulouse,
lorsqu'il fatiflâ en 1140 la donation de l'église de Touzon à l'abn
baye de Saint-André-lès-Avignon ; Rostaing, qui figure au testa-
ment d'Ermessinde, comtesse de Melgueil, en 1176, etc., etc.
Armes de Malsang: « De gueules treillh'^c Vargent^ les claireS'^oies
semées de croissant» 4u même. »
(3) Gaîl. Christ.,Um.
(4) 29 mars 1303.
(5) A là RéyolutioQ. on trouva dans ce tombeau la magnifique
crosse de Bertrand. Elle est aujourd'hui déposée à. Paris, dans la
salle des antiquités du Moyen- Age et de la Renaissance du mu-
sée historique de ChaHes X. — Y. les Ruines de l'abbaye de Mont-
majour, par M. Tabbé Trichaud, p. 15.
— 74 —
auprès est un autre moaument orné comme le sien de
Técu des Malsang.
A la mort de Bertrand, Tabbaye reçut pour chef
Isnard de Pontevès, d'une des plus antiques et des plus
illustres familles de Provence (1). Il abandonna pour
Montmajour la direction du monastère du Mont-Cas-
sin, berceau de Tordre de Saint-Benoît. Il avait été
appelé k ce poste, éminent entre tous, dès 1308. Isnard
mourut en 1317.
Jean XXII mit l'année suivante à sa place Guillaume
de Cadolle ou de la Cadolle. Cet abbé se voyant disputeiv
les plus riches domaines de Montmajour par des pro-
cès ruineux, fut contraint, de demander au Pape des
défenseurs pour la sauvegarde des privilèges de Tab-
baye. Vital, cardinal-évêque d'Albano et Bertrand,
abbé de Saint-Gilles, furent désignés pour remplir cette
mission (2). Il nous reste peu de documents sur cet
abbé Nous savons seulement qu'ayant été reçu à sa
table en avril 1 31 9, Gaillard, archevêque d'Arles, déclara
qu'il n'avait aucunement entendu user du droit de visite
en venant à Montmajour. Il prêta serment au roi Robert
pour Graveson en même temps que Raimond Gantelmi,
coseignenr de ce lieu, le 27 juin 1323. Ils nommèrent
conjointement bailli dans leur seigneurie Michel d'Agre-
nolo, damoiseau, le 29 septembre 1324 (3).
Bertrand de Goth, vicomte de Lomagne, auquel Ro-
bert, roi de Sicile et comte de Provence, avait cédé ses
(1) La maison de Pontevès a possédé en Provence plus de
soixante terres nobles et a formé (Je nombreuses branches. Celle
de Bargôme subsiste seule aujourd'hui. Elle a relevé le titre du-
cal de 8abran. Pontevès porte : c De gueules au pont de deux arches
d'or, maçonné de table; écartelé d'cr au loup ravissant d'anur lampassé
et armé de guettes, qui tst d'Agoult»
(2) 12 avril 1318. — n" 59 Privil. Arch. dép.
(3) GaU.Christ.,l,^i2.
— 75 —
droits sur Pertuis(l), avait récemment refusé à Tabbé
l'hommage qu'il lu^ devait. La justice civile, saisie des
réclamations de celui-ci, ne trancha pas le différent ; il
fallut que les évoques d'Albano et de Troyes intervins-
sens pour y mettre un terme.
Jean XXII retira à l'abbaye les églises de Saint -
Pierre à Saint-Remy et des SS. Hilaire et Véran,
pour en doter la cathédrale d'Avignon. Comme foible
compensation, il donna h Montmajour celles de Saint-
Remy de Ventabren, de Saint-Michel de la Voulte etde
Saint-Julien d'Eguilles.
La mort de Guillaume de Gadolle survint en 1328,
et la direction du monastère fut confiée à Raimond de
Boulbon par Jean XXII, qui siégeait alors à Avignon et
se réservait le droit de collation à ce siège (2) .
Quelques années après, Benoît XII rendait une cons-
titution dans le but de renouveler dans Tordre de Saint-
Benoit l'esprit de discipline. Il choisit pour assurer
l'exécution de son ordonnance dans les provinces d'Aix,
d'Arles et d'Embrun l'abbé de Saint- Victor, de Mar-
seille (3), et Raimond, abbé de Montmajour (4).
Le 1 4 mai 1 337, en vertu de la constitution du Sou-
verain-Pontife, ces commissions convoquèrent à Manos-
(1) 12 octobre 1319. — Requêtes contre Bertrand de Goth. au
sujet du cens dû par lui à Montmajour (15 octobre 1310). Ch.
Pertuis, n»» 70 et 71 . — Présentation au juçe-mage de lettres du
roi Robert pour faire prêter hommage au même. Avignon, not. J.
Peyronet, 12 févr. 1319. Ch. Pertuis^ 76. — Aulres lettres dans le
même but, Filhary, protonot , 12 octobre 1310, n*» 79 ibtd»
(2) Bulle datée d'Avignon, le 14 novembre 1329. — Inv. rouge,
Privil. d« Montmajour, n* 61. Ârch. dép, — Une autre bulle du
môme permet aux abbés de Montmajour d'aller à Avignon et d'en
revenir sans visiter le Pape et sans prendre congé de lui (24 mai
1332). PrivU. n«63. — Procès-verbal de l'entrée à Pertuis ae Rai-
mond, le 19 novembre 1335, not Raimond Rodelly.
(3) Arch, dép Privil. n» 62. — L'abbé de Saint-Victor est appelé
GirbertiAs; c'est Gilbert de Cantabrio, plus tard évêque de Rodez.
Cf. Gall. Christ. ^ loc. oit.
(4) Bulle datée d'Avignon, le 13 septembre 1336.
•«» 78 -wv
que un chapitre provincial des maisons bénédictines,
où furent présents les abbés de Lérins, de Saint-André
et de Saint-Pierre de Vienne, de Cruas, de Saint- André-
lès-Avignon et de Saint-Eusèbe d'Apt. Après avoir tenu
cette assemblée, Gilbert et Raimond parcoururent tous
les couvents de la Province et, au mois de novembre,
leur tournée terminée, ils convoquèrent à Montmajour
un nouveau chapitre.
On voit Raimond luttant contre les empiétements des
Arlésienssur les marais voisins du monastère, et reven-
diquant la juridiction du Gastellçt contre les officiers
du roi (1).
VIII
Le comte de Provence est dispensé de rendre hommage
à l'abbé pourPertuis. —Attaque du Gastellet par les
Arlésiens. — Invasion du monastère.
Le vicomte de Lomagne, dont il a été question plus
haut, et, après lui, le duc de Calabre, qui avait possédé
la moitié de Pertuis en vertu d'une donation du roi de
Sicile, s'étaient affranchis de l'hommage qu'ils devaient
à Tabbé de Montmajour et de la preatation de toute
redevance (2). Quand cette seigneurie tomba dans le
domaine de la couronne, Raimond réclama devant les
(!) Arch, dép. Ch. du Castellet^ n° 37. - Compromis entre
Montmajour et la communauté d'Arles 8ur la limitation du terri-
toire du Castellet, P. Romyeu, notaire, du 13 novembre 1331. —
Ibidem, Sentence d'excommunication rendue par l'otBcial d*ArleB
contre les ofiSciers royaux d'Arles, 1334. — Sentence du même
ordonnant aux officiers royaux d'abattre les potences qu'ils ont
fait élever au Castellet, au mépris des droits de Montmajour. P.
Rodulfi, not., 15 févr 1336.
(1) Voyez cependant, Ch. de Pertuis^ n* 99, les lettres du roi
Robert déclarant qu'il a soumis le vicomte de Lomagne à la
prestation d'un cens de 8 marcs, 5 onces argent et 50 saumées fro-
ment et seigle (16 février 1332) — Voy. n» 103. d'autres lettre^
du même prince datées de Najples, 20 décembre 1334 et limitant
les droits respectifs de Tabbe et du vicomte sur Pertuis. — Et
enfin, n» 112, les lettres du sénéchal adjugeant définitivement ce
cens à Tabbé.
-^ 77 -
officiera du roi, mais oe fut en vain. Il obargea alors
deux de ses religieux de se présenter en personne de-
vant ce prince et de lui signaler le dommage qui résul*
tait pour Montmajour du mépris de ses antiques droits.
Ces plaintes furent examinées par plusieurs seigneurs
et jurisconsultes; ils décidèrent que le roi, comte de
Provence, k cause de la majesté du trône, ne serait pas
tenu de prêter hommage (1) ; mais ils maintinrent pour
l'abbé le droit de placer, en signe de son pouvoir domi-
nant, une coule noire sur la citadelle de la ville. Confor-
mément k cette décision, Baimond fut reçu à Pertuis
en grand appareil par le clavaire royal le 20 novembre
4335. Il mourut au mois de mars 1338.
Pierre de Ganillac (2), son successeur, affirme comme
lui la puissance majeure de Tabbaye sur Pertuis. Il fait
son entrée dans cette ville le 7 mars 4 349 ; Tannée sui-
vante il exigea du viguier royal Thommage de fidélité
que cet officier lui refusa, n'ayant reçu aucun mandat
à cet eflfet.
Pierre fut appelé par Innocent VI au siège épiscopal
de Saint-Pons en 1 352, puis à celui de Maguelonne le
\^ février 4361. Deux anniversaires sont fondés k
Montmajour pour le repos de son àme (3).
Le trentième abbé du monastère est Jaubert de Li-
(1) Le comte de Provence juge indigne de lui un acte que les
rois de France n'avaient pas considéré comme portant atteinte à
l'éclat de leur couronne : on les vit, en effet, comme comtes du
Vexin, prêter hommage aux abbés de Saint-Denis. — Pour la rede-
vance, on trouve des quittances données au roi Robert pour les
paiements de 1339, 1340 et 1341 ; d'autres à la reine Jeanne pour
celui de 1344. Ch. Pertuis, n»» 109, 110, Ul et 115.
(2) CaDillac porte : « D'argent au lévrier de sable rampant, eoUeU
d!ûr^ > — La France pontificale dit que Pierre était fils de Guil-
laume de Canillac et de N. de Deaux, soeur du cardinal Bertrand
de Deaux.
mXHlih, çapitul. 21, novembre 1367. Notaire Pons Eedellj,
Àrch dip, Privil. 72.
- 78 -
vron (t). On sait seulement qu'Innocent VI lui en confia
la direction en 1 352. 11 était auparavant à la tête de Tab-
baye de Saint- André-lès-Avignon. Il fit son testament à
Villeneuve, le 13 juin 1361, et élut pour sa sépulture
l'église de Saint- André.
Le nom de Raterius, de Limoges, figure sans aucun
détail au catalogue des abbés de Montmajour.
Louis de Bollène, d'abord abbé de Saint-Sylvestre de
Nonantula, au diocèse de Modène, est son successeur
immédiat (2).
Pierre de Bagnac, d'une famille du Limousin, réfé-
rendaire du bienheureux Pape Urbain V, et moine de
Cluny, fut appelé à l'abbaye de Montmajour par le môme
Pontife le 4 octobre 1363.
Il obtint de la reine Jeanne la reconnaissance de la
haute juridiction qui appartenait au monastère sur le
Castellet (3), et lui avait été déniée par les officiers de la
reine k Arles. A cette nouvelle, les Arlésiens envoient au
Castellet une troupe nombreuse et bien armée, qui le 29
décembre à la faveur de la nuit, s'empare du château,
charge de fers les quelques moines qui s'y trouvaient et
avec eux les serviteurs de l'abbaye, que Pierre de Bagnac
avait commis à la garde de la place, et ravage tout le
territoire environnant. L'abbé se^plaint au sénéchal de
Provence, Raimond d'Agoult, qui charge Gautier d'Ul-
met de faire rentrer les rebelles dans l'obéissance. Ceux-
(1) L*ancienne famille dauphinoise de LIytod, à laquelle appar-
tenait peut-dtre cet abbé, porte pour armes : c D*argmt à 3
fasceide gueules; au franc quartier awii d'argent, chargé d'un roc
d'échiquier de gueules »
(%) Le 30 juillet 1178, Raimond de Bollône, archevêque d'Arles,
avait couronné roi d'Arles à Saint Trophime, Philippe, troisième
fils de Frédéric Barberousse. — V. Counmne d'Arles, p. 285.
(3) Lettres datées de Naples en Juillet 1365. — Àrch. dép, B.
Cour dês comptés, 558.
— 79 -
ci méprisèrent les ordres du sénéchal et se prétendirent
autorisés par le juge d'Arles.
Le domaine de Pertuis fut encore, sous l'administra-
tion de Pierre de Bagnac, l'objet de nouvelles contesta-
tions. Guillaume Roger de Beaufort, vicomte d^ Turenne,
qui en avait reçu Tinvestiture de Louis de Tarente et
de la reine Jeanne (4 ) prétendait avoir en cette place le
droit de justice à tous les degrés, et revendiquait pour
lui seul le privilège d'entretenir une garnison dans le
château et de veiller h la garde de la ville. L'abbé récla-
mait au contraire l'exécution stricte des conventions
passées en <2i2 avec le comte de Forcalquier. Le 11
août 1 366 les parties choisirent pour arbitre l'évêque
d'Avignon, Anglic de Grimoard. Il décida le 19 février
1 367 que la garde de Pertuis serait alternativement faite
par les hommes d'armes de Guillaume et ceux de l'abbé ;
le droit de justice à tous les degrés fut reconnu aux deux
coseigneurs ; mais quant à l'exercice de ce droit, on
reconnut au vicomte seul le pouvoir d'exécuter les pei-
nes entraînant l'effusion du sang ; toutes les proclama-
tions et publications faîtes dans la ville durent l'être au
nom de Guillaume et de Tabbé (2).
Le 22 septembre 1 358, le pape Urbain V décora Pierre
de Bagnac de la pourpre romaine, avec le titre de
Saint-Laurent in-Damaso; mais il ne jouit pas longtemps
de cette haute distinction : Ciaconius place sa mort en
1370. Cet auteur lui donne le nom de Chinac et le titre
de comte de Périgord. D'autres disent qu'il fut évêque
de Castres (3). Les actes de Montmajour l'appellent
(1) Àrch. dép. B, Cour des comptes, 541.
(2) Sentence rendue à Montpellier le 19 février 1367.
(3) Il fut en effet nommé et sacré évêque de Castres, mais par
erreur, car le titulaire vivait encore. En compensation du siège
(»>Qstamment de Bagnae, et ne lui donnent que là simple
qualité de référendaire du Saint-Siège.
IX.
Pons de Ulmo. — Construction de la Tour de Montma-
]our — Benoît XIII nommé abbé Jean Hugolen. — lia
vicomte de Pertuis est donnée au maréchal de Bou-
cieault. — : Lottis d'Allemand obtient du concile de
Bâle un décret contre les Antonins. — Il est dépouillé
de l'archevêché d'Arles et de l'abbaye de Blontmajour
par le pape Eugène IV et restitué dans ses dignités
par Nicolas V.
Pons de Ulmo, moine de Saint-Victor de Marseille (1),
fut appelé par Drbaîn V à Tabbaye de Montmajour, le
26 octobre 1368.
Debout, les mains jointes et la tête nue, il fit hom^
mage-lige à Raimond d'Agoult, sénéchal de Provence,
reconnaissant tenir sous la majeure et suprême domina-
tion de. la Reine Jeanne la moitié des seigneuries de
Graveson et de Pertuis, celle du Castellet en entier, les
places de Correns, du Val, de Pélissane, etc. (2).
Pons voulut encourager chez les moines confiés k sa
sollicitude des études auquelles Texiguité de leurs res-
sources ne leur permettait pas de se livrer. Il affecta des
sommes plus considérables à cette destination, et créa k
âa*n f^it oblig'é dé nésigner, le Pape lai donna le chapeau de car-
inal. Nous devons ce curieux détail à M. l'abbé Albanôs, dont
rérudition a trouvé en défaut sur ce point le judicieux Baluze.
(1) On voit dans Ruffi [Hist. de Marseille, t. 2, Ih. Xhchap.III),
qu'il avait été cellerier et grand vicaire de Saint-Victor. Il en fut
même élu abbé à la mort dTStienoe Albert.
(2) Le S Novembre 1369— Y. Àrch. Dip., B, Cour des Comptes, 5^
— 81 —
Montpellier, dans une maison qu'il avait achetée d'An-
dré de Ros (< ), un établissement pour ceux qui vou-
draient se consacrer aux travaux de l'esprit.
Voulant assurer la sécurité du monastère, le même
abbé entreprenait plus tard la construction de la grande
et magnifique tour que Ton admire encore aujourd'hui.
La guerre qui désolait alors la Provence (2), lui en
inspira sans doute la pensée. Les religieux avaient été
contraints d'abandonner leur maison, car les Artésiens,
désirant empêcher leurs ennemis de s'établir dans une
position aussi voisine de leur cité, y avaient mis bonne
garde. Non contents de chasser les moines de leur de-
meure, les soldats, habitués aux rapines, les avaient
rançonnés de toute façon, et avaient pris et brisé les clo-
ches. On redoutait en outre une descente des Anglais
en Provence, et les Etats convoqués par la reine Jeanne
avaient décrété la construction de plusieurs forteresses.
Cette tour servit plus tard à repousser les attaques des
Artésiens révoltés.
Selon Chantelou, Pons exerça pendant quelque temps
conjointement les fonctions d'abbé de Saint^ Victor et de
Montmajour. 11 mourut en 1 382.
(1) Acte reçu par Ribes, notaire à Montpellier, le 27 Mars 1369.
Ch. de Montmajour^ n» 73, Arch. Dép,
(2) « Louis d'Anjou, plus tard comte de Provence ayant en son
« gouvernement une puissante armée qui revenait victoûeuse
« d'Espagne, où elle avait fait prisonnier Pierre le Cruel.. . atrbée
€ concfuite par Bertrand du Guesclin... la voulut employer à
« l'avantage de la France, et pour satisfaire à son ambition il passa
u avec elle le Rhône le mois d'avril de l'an 1368 et s'en vint atta-
« quer les villes de Tarascon et d'Arles, comme les çlus voisine^
« de son gouvernement, espérant après les avoir prises, comme
« les plus fortes, de venir facilement à bout du reste de la Pro-
« vince.
« ... Je trouve en quelques mémoires écrits dans ce temps-là
« qu'elle (la guerre) commença le ti^bisième jour de mars et dura
« jusques à la fin d'octobre suivant où il y eut des trôves suivies
« d'une paix, et particulièrement que l'onzième jour d'auril, troi-
* sième fesle de Pâques, la ville d'Arles fut assiégée et le premier
« jour de may suivant le siège en fut levé. »
Bouche, Hist, de Prov. L 2, p. 384;
— 82 —
Les droits de Guillaume Roger de Beaufort, vicomte
de Turenne, sur la ville de Pertuîs avaient passé k son
fils Raimond. Ce seigneur, à la mort du pape Grégoire
XI, son oncle, avait déclaré la guerre au pape d'Avignon
Clément VII (Robert de Genève) et au roi de Sicile Louis
d'Anjou, et ravagé toute la Provence. La paix fut signée
sous les auspices du roi de France Charles VI, en pré-
sence de Jean de Poitiers, 'évêque de Valence, et de
Louis, son frère, comte de Valentinois, choisis pour
arbitres par les belligérants. Clément VII dut, en vertu
de leur sentence, payer à Raimond 60,000 livres* Il en
compta aussitôt 30,000, et, pour garantir le paiement
du reste, il donna en gage au vicomte plusieurs terre»
parmi lesquelles Pertuis et Pélissane. Raimond, malgré
la paix jurée, recommença bientôt les hostilités et accu-
mula ruines sur ruines (1). Clément fulmina contre lui
une sentence d'analhème que renouvela ensuite Benoit
XIII, et le comte de Provence confisqua ses biens au
profit de la couronne.
Pierre (2) et Raimond d'Aurons (3) avaient reconnu
la haute juridiction de Tabbé de Montmajour sur Pélis-
sane et Jean de la Garde, ou de Gardia, chevalier, eo-
seigneur de cette place, avait transigé avec lui (4).
Un moine limousin du nom de Pierre, que certains
auteurs (5) qualifient abbé de Salnt-Barthole, administra
Montmajour par procureur pendant deux ans environ. A
. (i) y. Bouche, Hist. de Prov, t. 2, liv, IX, La résidence des abbés
de Montmajour au Cas^let fut détruite par les soldats de Rai-
mond à la reprise de la guerre.
(2) Le 13 Août 1369. — 25, Charte^ de Pélissane.
(3) Le 27 septembre 1369.
(4) Voy. Arch. Dèp.,B< Cour des Comptes, 571, cette transaction en
date du 21 octobre 1370. Jean de ia Garde était de la même
famille que Guill. de Gardia, archev. d'Arles. (GalL Christ. /.) —
La source de ses droits sur Pélissane se trouve aux Arch, Dép,^ B.^
Cour des Comptes, Reg. Armorum, /^ 318.
(5) Dom Estiennot, Fragm. Iiist.
uJ
— 83 —
sa mort, Clément VII qui siégeait alors à Âvigaon,
retint pendant quelque temps les revenus de Tabbaye, et
en confia l'administration à un religieux appelé Ber-
nard Odoli.
Cependant en 1 385, il nomma abbé Faydit d'Aigre*
feuille, évêque d'Avignon et cardinal (1). Ce prélat ré-
clama Tannée suivante la dlme de Pertuis et de son ter-
ritoire. Il mourut à Avignon le 2 octobre 1391 et les
affaires de l'abbaye pendant la vacance du siège, furent
dirigées par rarchevéque de Toulouse, camérier de
Clément
Galéot Tarlat, originaire de Petramala dans la Calabre
citérieure, mais né à Arezzo en Toscane, fut ensuite
chargé de l'administration du monastère. Il avait été
nommé par Urbain VI cardinal du titre de Sainte-Aga-
the inr-Suburra. Néanmoins il se détacha de son obé-
dience et reçut en récompense de Clément VU le titre
nouveau de Saint-Georges ad Vélum aureum. Il mourut
selon les uns à Assise, selon les autres à Avignon, en
1396 ou 1398. (2).
Benoît XIII (Pierre de Lune) qui fut élu à la place de
Clément VII par les cardinaux de l'obédience d'Avignon,
retint h la fois l'archevêché d'Arles et Montmajour. Il
choisit pour son procureur en cette maison le prieur de
Saint-Geniez de Manigues, Jean Hugolen, pour lequel il
avait une grande affection. Le 5 février 1 404, il se rendit
(1) P'Aigrefeuille porte : D'azur, à 3 étoiles à 6 rais d'or, 2 eM.
au chef de gueules y à un orle d'argent chargé de U besants de sable
brochant sur le tout. — Faydit succéda à son frère Raimond comme
évoque de Rodez ; puis , comme évoque d' Avig'non , à son frère
Pierre d'Aigrefeuille, sur lequel M. l'abbé Albanôs vient de faire
paraître une remarquable étude, véritable modèle d'érudition et
de critique.
(2) Une bulle de Clément VII, donnée à Avignon le 10 février
1390, confirme le bail en fief honoraire qu'il avait passé à François
Francise! pour la terre de Graveson, Arch, Dép. Çh. de Tarascont
n**47. Il est fait mention de cet abbé dans le Cassian. illustr.^f" 670.
-- 84 —
lui-même à Tabbaye et conféra aux moines plusieurs
indulgences. En reconnaissance de cette faveur, les Bé-
nédictins, réunis en chapitre, décidèrent que, chaque
jour, à la messe conventuelle, et à chaque heure, cano-
niale , sauf compiles, Toraison consacrée serait chantée
pour ce pontife. De plus, le jeudi de chaque semaine,
tant que vivrait Benoît, une messe solennelle du Saint-
Esprit devrait être célébrée pour attirer les lumières
divines sur ses travaux ; après sa mort on la remplace-
rait par un service pour le repos de son âme.
Il envoya k Montmajour le 6 mai de la même année
Jacques Polleriiy docteur ès-lois, archidiacre de Viviers,
clerc de la chambre apostolique [i) pour examiner la
régularité des moines et prendre les mesures nécessaires
pour la formation d'une bibliothèque. Elle fut bientôt
créée, et devint en peu de temps, par le nombre et la
valeur des ouvrages qu'elle contenait, une des plus pré-
cieuses et des plus riches des provinces voisines : elle
passa plus tard à la Compagnie de Jésus.
Foucauld ou Fulques de Rochechouart (2), fils d'Ay-
mery, seigneur de Mortemartet d'Aydede PierrebufTière,
figure dans certains actes comme abbé de Montmajour
à la fin de 1404. Des notes de Tabbé Bonnemant, signa-
lent qu'il était déjà désigné sous ce titre depuis 1401 (3).
11 est probable qu'il se démit de sa charge en 1 405. Lé
10 mai de cette annéej Louis II, roi de Sicile et comte de
Provence, déclara prendre sous sa protection Jean Hugo-
len, son prieuré de Saint-Geniez, et les futurs abbés de
Montmajour.
Benoit XIII sanctionna cette faveur du prince eu
(1) La commission donnée par Benoît à Jacques Po^erii Dgurail
aux écritures d'Aut. Olivary, not., au reg, de l'année 1404, f"» 56.
(2) L'illustre maison de Rochechouart porte : fascé^ ôndé-enté db
6 pièces, d* argent et de gueules,
(3) Pièces des 5 sëpteinbre et 8 octobre, 1401 .
.*a:
— 85 —
appelant le même Jean Hugolen à l'abbaye (t). Ce moine
était fils de Pierre Hugolen, chevalier, dont le tombeau
est placé dans la partie du cloître qui est contiguê à
l'église.
Jean recourut à l'arbitrage de Pierre d'Acigné, vi-
comte de Reillane .et baron de Grimaud, pour faire
reconnaître par les Arlésiens son domaine sur le Castel-
let. La sentence arbitrale, acceptée par les moines (2),
fut confirmée en 1425 par Louis III d'Anjou.
Montmajour fut, par les soins du même abbé, main-
tenu en possession du prieuré de Carluc. Cette maison,
unie par Benoit XIII au couvent de Sainte-Marie et de
Saint-Honorat de Tarascon, est restituée à Jean par
sentence de FarcheVêque d'Aix, rendue en appel d'une
décision de l'ofBcial d'Apt (3).
Le maréchal Jean Le Meingre de Boucicault avait
épousé la fille unique de Raimond de Beaufort dont les
conflits avec le roi de Sicile, comte de Provence, ont été
relatés plus haut. Toujours il s'était montré favorable au
roi contre le parti du vicomte de Turenne. Ayant aidé
Louis II et la reine-mère, Marie de Blois, à faire rentrer
leurs états dans l'obéissance, il reçut en récompense la
vicomte de Pertuis, Meyrargues, Pélissane, les Pennes
et Trésémines (4). Il était stipulé que ces places, si Bou-
cicault et sa femme venaient k mourir sans enfants,
devaient passer à son frère GeofFroi, seigneur de Boul-
(1) Bulle datée de Nice, le 16 mars de l'année 1406. — Les Hugo-'
len, seigneurs de Romanil, portaient: d'or à 3 chevrons d'azur. —
Robert de Brian son, Etat de Provence^ tome III .
(2) Le 29 Avril 1408. — Nous trouvons aux archives départ.
(B. Cour des Comptes, Reg. Crucis Sive novi, f" 138), la sentence du
sénéchal de Provence adjugeant à l'abbé la juridiction du Cas-
tellet. — La conârmation de cette sentence par Louis III d'Anjou
se trouve au même registre, /* 172.
(3) Le 20 Juin 14U. — Arch, Dép., Ch, de Carluc, n** 54.
(4) Arch. Départ. Cour des Comptes, Heg. Lividiff'' 112. — Voyez
Bouche, Hist, de Prov., T. 2, L. IX.
6
— 86 —
bon. Maitre de Pertuîs et de Pélissane, le maréchal
retint d'abord les droits du monastère ; mais, aussitôt
qu'il eut reconnu Tinjustice de cette détention, il s'em-
pressa de les lui rendre. A sa mort, Geoffroi se mît en
possession des terres énumérées plus haut en vertu de
lettres d'Yolande d'Aragon, veuve de Louis II (\). Non
content de recueillir dans la succession de son frère la
moitié du domaine de Pertuis, il empiéta en outre sur
la portion qui appartenait à Montmajour, et s'attribua la
dlme de la ville, déclarant qu'elle servait de gage au paie-
ment des 20,000 livres encore dues à Raîmond de
Turenne.
Jean Hugolen protesta contre cette prétention. Le
débat, d'abord soumis k l'arbitrage du comte de Valen-
tinois, fut ensuite porté devant l'ofTicial d'Aix, et plus
tard devant un commissaire du Saînt--Siége qui excom-
munia Geoffroi. La justice civile eut enfin à statuer sur
cette cause : elle décida que Geoffroi devait rendre k
l'âbbaye une partie de la juridiction et des revenus de
Pertuis et de Pélissane (2), et chargea Antoine Isnard,
conseiller du roi, de remettre le procureur de l'abbé en
possession de ses droits. La mort de Geoffroi, bientôt
suivie de celle de Jean Hugolen (3), amena la fin de ces
longues dissensions, et, le 18 novembre U30, un accord
fut passé entre le prieur claustral de Montmajour, et,
d'autre part, l'évêque de Viviers, neveu du seigneur de
Boulbon, et Jean de Champeroux, son ami, au nom d'Isa-
belle de Poitiers, veuve de Geoffroi (4).
Saxi, dit que Jean de Broniaco ou de Brogny, arche-
(!) Du 20 Février 1421. — Arch. Départ., C. des Comptes, Reg.
Cruds sive Nom, f» 109.
(2) Le 22 Août 1427.
(3) Le 12 Septembre 1430.
(4) Acte dressé par J. de Augerio, notaire d'Avignon. — Areh.
Dép., Ch de Pertuis, 180.
— 87 —
vêque d'Arles, fut aussi abbé de Moatmajour. Chantelou
croit que c'est une erreur. En effet il n'a pas précédé
Jean Hugolen, puisque V Abrégé chronologique et hiêto-
riqfie de Yiala assure qu'il ne fut élu qu'en 1412, tandis
que la nomination de Jean Hugolen remonte à 1406. Il
n a pu non plus lui succéder, puisque Hugolen lui a sur-
vécu de plusieurs années (1).
A la fin de 1431 Louis d'Allemand (2), cardinal et
archevêque d'Arles, fut appelé par le pape Eugène IV h
administrer l'abbaye. Nous avons vu plus haut que ce
prélat avait obtenu du concile de Bàle des décrets contre
les Antonins, et s'était attiré la disgrâce du pape Eugène
IV. Il sera bon de donner ici sur lui quelques détails
que nous ne pouvions placer ailleurs.
Selon le Gallia Christiana (3), Louis d'Allemand
naquit dans le Bugey, de Pierre, seigneur d'Arbenset de
Montgeffon, et de Marie de Chàtillon. Saxi dit cependant
que sa mère était sœur de François de Conzie, archevê-
que de Narbonne, puis d'Arles (4). Monod, historien
d'Amédée VIII de Savoie le fait originaire de Saluées.
Successivement chanoine de Lyon, précenieur de Va-
lence, évêque de Maguelonne (1418), il fut élu archevê-
que d'Arles le 19 janvier 1424 et créé cardinal du titre
de Sainte-Cécile par Martin V. Il était légat à Bologne
(1) Les armes de Jean de Brogoy sont : d'azur, à la bordure d'or ;
à la croix patriarcale de gueules Orochant sur le tout. Ce sont les
mêmes armes que celles de la famille a'Alauzier, au Comtat
YenaissÎD.
(2) Louis d'Allemand portait : de sable au lion d'argent, couronné
et armé de gueules, — Ces armes se voient sur son tombeau dans
le chœur ae l'église Saint-Trophime et sur une anlique chasuble
conservée dans le trésor de la même église. Au milieu de la croix
se trouve Timage du cardinal ; l'écu de sa famille est à ses pieds.
On lit tout autour cette inscription : Cappa B. Lu. — Ainsi il ne
portait pas, comme Tout dit certains auteurs, les armes de l'anti-
que et puissante maison d'Allemand en Dauphiné : de gueules semé
de fleurs lis dor ; à la cotice d'argent brochant sur le tout.
(3) I.COL582.
(4) Pontif. AreL p. 345.
— 88 —
lorsque le concile de Bâle fut convoqué. Si Ton en croit
une lettre adressée par Philippe, duc de Milan, aux
pères dissidents de ce concile (i), il aurait eu les plus
grandes difficultés pour se rendre à cette assemblée, où
il remplit les fonctions de délégué, orator, du roi
René (2).
On l'a montré comme Tâme de ce concile : de Sponde
dît qu'il en était le principal appui, prœcipuum colu-
wen, et Saxi l'en appelle signiferetduco. A la 1 7"*® session
du concile, lorsque le cardinal Julien, légat du pape, se
fut retiré devant le refus d'un grand nombre de Pères
de se rendre à Ferrare, selon l'ordre d'Eugène IV, Louis
d'Allemand fut désigné pour présider à sa place. ^Eneas
Silvius, plus tard Pie II, dit de lui à ce propos : « Ludo-
« vicus cardinalis et archiepiscopus arelatensis praelatus
« cum multîs virtutibus insignis, tum prgecipue fortis et
« constans (3). » Il prit part à l'acte de révolte par
lequel cette assemblée vota la déposition d'Eugène et
élut pape Amédée , duc de Savoie , sous le nom de
Félix V. Mais, s'il fut le fauteur de cet anti-pape, c'est du
moins k lui qu'on doit de l'avoir décidé à se démettre (4).
Eugène IV l'ayant dépouillé de toute ses dignités, Jean
de Beauvau, fils de Bertrand, baron de Précigny, grand-
maître de la maison du roi René, et de Jeanne de La
Tour-Landry, fut nommé à la fois k l'archevêché
d'Arles et a l'abbaye de Montmajour, mais ne fut proba-
blement point sacré, car on ne le trouve jamais qualifié
que des titres de protonotaire apostolique, administra-
teur de l'église d'Arles et commendataire perpétuel de
(1) Elle est insérée aux Âcta SSorum^ T. V. de Septembre, 16"'
jour du mois, et à l'Amplissima oollectio de D. Martine, T, VU h
page 620.
(2) GdlL Christ. /. 582.
(3) Comment, sur le conc,. de Bdte, L. I, M
(4) Gall. Christ., \oc, cit.
— 89 —
l'abbaye. Il confia la direction de celle-ci à Robert, évo-
que de Tibérîade (4). •
Louis d'Allemand fut rétabli dans toutes ses dignités
par le pape Nicolas Y à Tautorité duquel il s'était soumis.
Ce serait là une réponse suffisante à ceux qui prétendent
qu'il persista opiniâtrement dans son erreur. Doni
d'Attichi nous retrace de plus le tableau de sa pénitence,
de ses austérités, de ses jeûnes, de ses largesses, envers
les pauvres {%). Le décret de sa béatification parle aussi
de ses mortifications et de sa charité, ce qui semble
corroborer la preuve.
Aubéry et Allain Ghartier attribuent à un sentiment
d'ambition déçue la résistance qu'opposa Louis d'Alle-
mand au pape Eugène IV. Nous aimons mieux, avec de
Sponde, attribuer à un excès de zèle et excuser, en quel-
que mesure, par sa bonne foi, sa conduite au concile de
Bâle, qu'il croyait sans doute légitime (3).
Plusieurs auteurs (4) relatent des miracles qui s'opé-
rèrent sur son tombeau. Nous trouvons notamment
dans les Acta Sanctorum, mention de la résurrection
d'un enfant, les guérisons d'un muet, d'un lépreux, etc.
Clément VII le béatifia ainsi que le cardinal Pierre
dé Luxembourg par une bulle du 49 avril 4527 (5).
Un office fut composé en son honneur et inséré au
bréviaire d'Arles sous l'épiscopat de Jean Ferrier (6).
(1) Lettre d'Angers du 21 novembre 1446.
(2) Cf. Acta SSorum., loc. cit.
(3) Continwit, Annal, Baron. Ann. 1438.— Cf. GalU Christ, loc. cit,
(4) Notamment iEneas Sllvius, de Europœ statu^ chap, 38; D.
Estiennot, Fragm. hist,^ T, IX, p. 307 et s.; Saxi, Poniif. AreL, p.
35i.
(5) Balle citée par Guichenou, Hist. de Savoie, IW Partie,
(6) Il y est mentionné en ces termes :
« Qua die obiit gloriosœ mémorise, B, Ludovicus Alemandi Car-
« dinalis Arelatensis fiât ofllcium semiduplexcum primis et secim-
« dis vesperis et omnia dicantur de commun! confeasorum pon-
a tificum. » L*oraison propre de son office est ainsi conçue :
— 90 —
Pendant Tadministration de Louis d'Allemand, en
1436, on plaça de nouvelles verrières dans l'église de
Montmajour. J^e cardinal en donna trois et y fit peindre
ses armes. LHnfirmieràe Montmajour, Pierre Perpinhan,
Jacques Martin et frère Charolet, clercs du monastère,
Julien Donine, marchand d'Arles, lasœur de TabbéHugo-
len, femme du sieur de Romieu, contribuèrent à la dé-
pense nécessitée par cet embellissement. En cette même
année, on refondit et on bénit les cloches de l'abbaye (i).
A la mort de Louis d'Allemand, l'administration de
l'église d'Arles et de l'abbaye passèrent à Pierre de
Foix (2), cardinal-évêque d'Albano et légat d'Avignon.
« Deus qui meritis et intercessioDibus 6. Ludovici Âlemandi.
« confessons tui, atque urbis arelatensis archiepiscopi et S. Cae-
« ciliœ presbyteri cardinaiis, digoaris mortuos suscitare, cœoos
«c iiluminare, claiidis gressum, surdis audiium restituere : con-
« cède propitius ut omnes qui ejus implorant auxilium petitionis
a tue salutarem consequantur efifectum » (Saxi, p. 335).
Son culte fut interrompu plus tard ; Baillet assure sans aucun
fondement que ce fut à cause des scrupules excités par Tattitade
du bienheureux pendant le schisme. Le concile provincial tenu
en 1670 à Arles, par l'archevêque François d'Adbémar de Mou^
teil de Grignan, rendit le 19 avril de cette année, un décret qui
le rétablissait, sauf certaines modifications et fixait la fôte de
Louis d'Allemand au dimanche précédant la fôte de St-Mi-
chel. Dans les leçons propres insérées à cette époque à l'office, il
est dit qu'il fut un champion ardent de la croyance à l'Immacu-*
lée-Conception de la Sainte Vierge, qu'il embellit le chœur de
St^Trophime de plusieurs chapellos, et se montra fort généreux
pour les pauvres. Il mourut à Salon, au mois de septembre 1450*
Vingt^trois villes se firent représenter à la translation de son
corps dans sa ville épiscopale. Ses reliques ont été l'obiet de visi-
tes nombreuses. L'archevêque Jean Jaubert de Barrault les sou-
met à l'examen d'un médecin le 19 novembre 1632. François
d'Adbémar de Mon teil hzs inspecte en 1655 et Jean-Baptiste, son
neveu et son coadjuteur, le 10 mars 1676. Jacques de Forbin-
Janson donne des portions des reliques du bienheureux aux
évéques da Montpellier et de Pistoie. Une nouvelle visite fut
faite en 1752 par Jacques de Grille d'Estoublon, vicaire-général
de Mgr de Chapelle de Jumilhac, en présence de Jacques-Henrv
de Grille-Roblac, sacristain, et de Jean-Joseph Haremboure, tré-
sorier de l'église métropolitaine.
(1) Notes tirées d'un m. s. sur vélin contenant les Evangiles
et ayant appartenu à Montmajour.
(2) Foix, porte : éearUlé aux 1"' et 4» d*or^ à 3 pals de gueules, qui
est Foix ; aux 2" e^ 3* d*or à 2 vaches de gueules, accomées^ ancornées
ep clarinées d'azur , qui est Béarn.
— 94 —
Pierre était fils d'Ârchambaud de Grailly, captai de
Buch et d'Isabelle de Foix, héritière du comté de Foix,
et des comtés de Béam et de Gastillon. Il entra de bonne
heure dans l'ordre des FF. Mineurs et fut nommé évè-
que de Lescar. En 1399, il était appelé au cardinalat
par Benoît XllI (Pierre de Lune), sous le titre de St-
Etienne au Mont-Célius^ étant âgé seulement de 22 ans.
Il se sépara de Benoit au concile de Constance et favo-
risa l'élection de Martin Y. Ce pape l'envoya à deux
reprises en Aragon comme légat à latere pour détruire
la ridicule faction de Peniscola. II réussit à faire abdi-
quer l'anti-pape Clément YIII. Le succès de sa mis-
sion qui rendit la paix à l'église, le couvrit d'honneur et
lui valut la reconnaissance du pape. Il le fit légat d'Avi*
gnon en 1430. On l'y appelait le bon légat. Eugène IV
le fit en U31 cardinal-évêque d'Albano. En U48, il
procède à l'élévation des reliques des Saintes-Mariés en
présence du roi René et de son gendre Ferry de Lorrai-
ne (1). Le 3 septembre U55, nous le retrouvons bénis-
sant dans l'église primatîale de St-Trophime, le ma-
riage du même René avec Jeanne de Laval, avec l'assis-
tance des évoques de Marseille, de Cavaîllon, de Gap,
d'Orange, de Sisteron, etc (2).
L'année précédente et le 15 juillet, il passait avec le
même prince un contrat (3) en vertu duquel il devait
abandonner la seigneurie de Graveson contre la moitié
(1) Nous devons k M. F. Reynaud, élève de l'école des Chartes
et archiviste-adjoint des Bouches-du-Rhône, la publication du
récit dç cette élévation, rimé par un contemporain, Jean Ëusta-
che, (v. Tradition de Stes^Maries )
(2) Royale couronne d'Arles, p. 447. — LaLauzière, p. 290. —
Bouche dit au contraire que cette union fut célébrée à Angers,
{Hist. de Pr. II, 463)
(3) Arch. Dépies, C. des Comptes, B. 675 et Reg. Columba, f* 39,
acte reçu par Pierre Blanqueris. —Cet échange avait été précédé
d'une estimation de la terre de Graveson qu'on trouve au reg.
Leonis, Cour des Comptes,
— 92 —
de Pélîssane, le château de Montpahon et la Vîsclède,
appartenant kRené. Il versa entre les mains du Roi
2300 florins pour faire disparaître les inégalités de Té-
change; et comme, malgré le paiement de cette somme,
Tabbaye trouvait dans le contrat de grands avantages,
il s'engagea k faire célébrer chaque jour k Taube un
service funèbre k Tautel érigé dans le cloître de Mont-
majour (1). La faculté de rachat avait été insérée dans
l'acte pour une année seulement. Le roi voulut en user
après ce délai (2), mais l'abbé n'asquiesça pas k cette
tardive demande.
Le 49 décembre 1454, Esmenarde d'Estienne, ab-
besse de St-Césaire d'Arles lui céda- en échange de cer-
tains droits sur Laurade, la montagne de Cordes, précé-
demment aliénée au même titre par Montmajour (3).
Pierre usa d'une prérogative exceptionnelle en accor-
dant des lettres de noblesse k Guillaume de Rissis, de
Salon, en 1457 (4). Il fonda la même année k Toulouse
le collège de Foix qui devint très-florissant.
Il mourut le 1 3 décembre 1 464 et fut enseveli au
couvent des FF. Mineurs d'Arles.
(1) B. 675, cour des Comptes,
(2) 6 septembre 1460. — Nous trouvons cependant au n" 166 de
l'inventaire rouge, un acte par lequel René signifie k Pierre de
Foix qu'ilveut exercer le réméré dès le 6 septembre 1456.
(3) 2 décembre 1259. — Cette charte était cotée 74 à l'inventaire
rouge.
(4) V. Fonds Nicolaï, 103-13, Arch. Dép, - Hist. de Prov,, par
Nostradamus.
— 93 —
X.
Règlements relatifs à la pension antonienne. — Dimi-
nutions successives de ce tribut. — Innocent VIII
transforme Montmajour en commanderie générale
de l'ordre de St-Antoine. — Protestation de Montma-
jour.
Pierre de Foix avait obtenu du Dauphin de France,
plus tard Louis XI, des lettres par lesquelles ce prince,
pour rétablir la paix entre Montmajour et les Antonins,
désignait des arbitres pour régler les différends des deux
maisons. La sentence rendue par ceux-ci réduisit à
1500 florins d*or, la pension de St-Antoine, et, pour
réparer le dommage causé à Montmajour par cette réduc-
tion, unît à l'abbaye les prieurés de N.-D. de Correns,
de St-6enîez de Martigues et de St- Julien d'Arles (1).
Cette décision fut confirmée par Nicolas V (2) et par
Pie IL (3)
L'abbaye de Montmajour passa aux mains de Philippe
deLévis, qui avait été appelé à Tarchevêché d'Arles par
bulle de février U62 (4). Philippe était fils d'Eustache
de Levis, baron de Quélus et d'Adélaïde de Cousan.
C'est à la sollicitation de ce prélat que Pie II rendit
le 1®' février 1463 une bulle déclarant que les 1500 flo-
rins dus par les Antonins équivalaient h un même nom-
(1) Lettres du 24 juiUet 1451.
(2) Bul. du 22 novembre 1451. Arch. Dép., Ch, St-Ant, n" 223.
(3)B. 23 novembre 1461. — Areh, Dép.. Ch. St-Ant., n* 230.
(4) V. Gall. Christ.j /, 586. — Baluze donne la lettre par laquelle
il notifia son avènement au chapitre d'Arles le 2G mars 1463 (Mis-
cellanea, T. IV), — La maison deLévts, qui n'est pas absolument
étrangère à la Provence, puisqu'elle a possédé la baronuie de
Pierrevert, porte : d'oft à 3 chevrons de sable.
— 94 —
bro de ducats d'or (1). Plus tard, à la requête de Paul II,
il fut décidé, après mûr examen par la Chambre Apos-
tolique, que les moines pourraient faire leur paiement
en écus de France dont 109 valaient 100 florins. Le
même pape sanctionna ensuite cette décision (2) .; il
consomma aussi l'union du prieuré de Correns à Mont-
majour. (3)
Son successeur Sixte IV donna à Tabbaye la maison
des pauvres orphelins d'Avignon et permit à Philippe
d'y établir ceux de ses moines qui voudraient se livrer
h l'étude (4). Cette maison appelée jadis N.-D, de Pont-
frac ou de Yvonio, s'appela depuis par corruption col-
lège de Dijon. Philippe de Lévis, mourut le 1 3 janvier
h Rome ou le retenaient les charges qu'il exerçait à
la cour pontificale et la faiblesse de sa santé (5), Il y
fut enseveli eu l'église de Ste-Marie-Majeure. Depuis le
7 mai U73, il était cardinal.
Son frère Eustache fut nommé à sa place archevêque
d'Arles. Sixte IV voulut lui-même le sacrer en 1476. Il
n'avait alors que 28 ans. Il fit son entrée solennelle dans
sa métropole et reçut dès le 19 juin un hommage pour
la terre de Montdragon.
En 1 476, le roi René témoigna le désir de venir dtner
à Montmajour et ordonna qu'on préparât des barques et
des filets pour pêcher, « mandet que voliet venir dinar
a Monmajor ambe la Reyneta, et que hon fessa provi-
sion de barquas et fiUats per prendre peysson. » La
(1) Bulle portant le n° 231. Chartes de St-Antoine^ Arch. Dép,
(2) Bul. 31 mai 1465. — Arch, Dép.-Ch, de St-Antoine, ri» 237.
(3) Bul. 5 novembre 1470. ^Arch. Dép„ Ch. St-Ant.
(4) Bulle du 11 septembre 1471, citée par le Gallia Christ, 1, 615.
(5) Ruffi nous apprend que Philippe était aussi abbé commenda-
taire de St-Victor de Marseille, mais qu'il n'en prit jamais pos-
session. (Hi^^ de Marseille, Tome II, p. 162).
— 95 —
dépense occasionnée par ce festin champêtre s'éleva à
Ja somme de 7 florins 1 gros (1 ).
Eusteche reçut Charles VIII à Arles en 1479 (2). 11
mourut à Rome comme son frère et fut inhumé au mê-
me tombeau. C'est sous son épiscopat que le roi René
confirma les privilèges de Téglise primatîale de St-Tro-
phime. Comme son frère Philippe, Eustache de Lévis
était aussi abbé de Montmajour.
Pendant deux années consécutives les Ântonins s'af-
franchirent de leur tribut envers l'abbaye. Sommés par
le pape, sous peine d'excommunication, de payer la
redevance annuelle (3), ils sollicitèrent l'appui du roi
Charles YIII. Le roi demanda pour eux à Innocent VIII
qui venait de succéder à Sixte IV, la suppression com-
plète de la pension. Ce pontife se borna à en réduire le
chiffre à 740 florins, et attribua en compensation à l'ab-
baye arlésienne les premiers bénéfices qui viendraient à
vaquer dans les ordres de St-Benoit ou de Cluny. (4)
Ce n'était que le prélude d'une longue et triste guerre.
Les Bénédictins protestèrent en effet contre la décision
duSt-Siége. Bien qu'Innocent eût pourvu de l'arche -
vêché d'Arles et de la commende de Montmajour, Nico-
las Cibo (5), son petit-fils, (car, avant d'entrer dans les
(1) Reg:. de Fulquet de Rodes trésorier, aux archives d*Arles.
M. A. Robolly, ancien archiviste d' Arles, a bien voulu nous
siprnaler ce document, ainsi que plusieurs autres actes fort inté-
ressants. Nous somiûes heureux de lui exprimer ici toute notre
gratitude.
(2) Selon la France Pontificale, Eustache aurait reçu à Arles, non
point Charles VIII, roi de France, mais Charles du Maine, neveu
et successeur du roi René. (V. page 658).
(S) Bulle du 12 septembre 1483.
(4) Bulle du30 juin 1487.
(5) Nicolas Cibo, issu d'une des 28 familles patriciennes de
Gènes, fut nommé archevêque d'Arles par bulle d'avril 1489. Il
sécularisa le chapitre d'Arles, soumis par un de ses prédécesseurs
à l'ordre de St-Augustin, et fit confirmer ses privilèges par Louis
XII. Il est curieux de voir Bajazet solliciter pour lui auprès du
— 96 —
ordres, ce pape avait été marié), l'abbé de St-Antoine
rinsînuant A. de Brion, profita de l'ascendant qu'il avait
su prendre sur lui pour libérer son ordre d'une servi-
tude onéreuse, en lui proposant un moyen : celui de sa-
crifier Montmajourk St-Antoine.
a Lorsque les Bénédictins, » dit M. l'abbé Dassy,
« virent arriver chez eux un courrier porteur d'une
a bulle d'Innocent (1), qui consommait la fusion des
« deux abbayes et réduisait Montmajour h devenir une
« commanderie générale de St-Antoine, après avoir
« changé sa règle en celle de St- Augustin, quelle terri-
ble secousse pour le monastère sacrifié 1 »
Dans une lettre suppliante, les moines arlésiens écri-
virent au Roi que si l'union projetée « sourtissoît son
« effect que lesdits de Saint-Antoine feussent seigneurs
« et maistres de ceux de Montmaior desquelz par avant
a leur institution estoient subjectz, feussent desfaiz et
a destruiclz lesdits poures religieux de Montmaior, etc. »
A la lutte qui va commencer se mêle une controverse
qui s'est réveillée, de nos jours encore, entre le Dauphiné
et la Provence : nous voulons parler des prétentions
contradictoires des deux abbayes à la possession du
corps de saint Antoine.
On a accusé les Bénédictins de manœuvres coupables
et intéressées. On a dit que jamais, avant d'avoir été
menacés dans leur indépendance et dans leur autonomie,
ils n'avaient déclaré posséder à Montmajour le corps de
saint Antoine, et qu'au moment seulement où ils se
virent sur le point d'être soumis k une maison rivale,
ils prétendirent se faire avec de fausses reliques une
pape le chapeau de cardinal. (V. Gall. Christ. — Instrum. eccles.
Àrel., XXXfl.) Cibo porte : de gueules à la bande échiquetée de 3 tires
d'argent et d'azur ; au chef d'argent à la croix de giMules. (V. Nobilta
di Genova, par Agostino Fransone, Gênes, 1636.)
(1) Juin 1490.
- 97 —
arme de guerre, soulever en leur faveur toute la Pro-
vence et lui faire prendre la défense de leurs intérêts.
Le savant historien des Hospitaliers s'est attaché à
prouver Tinvraisemblance ou même l'impossibilité de
la translation des reliques eri 1290. Les Bénédictins,
selon lur; gardèrent le silence pendant deux siècles. Il
a même tiré des termes employés par Chantelou un
argument en faveur de cette thèse ; et cet argument est
présenté comme d'autant plus fort que Chantelou appar-
tenait à Tordre de Saint-Benoît. Mais on a répondu que,
s'il était bénédictin, cet annaliste n'appartenait pas
néanmoins k Tabbaye de Montmajour. Il a passé sa vie
à Saînt-Germaîu-des-Prés, et n'a pas donné à la contro-
verse qui nous occupe plus d'importance qu'à certains
autres événements de l'histoire de Tabbaye.
H est d'ailleurs bien difficile de donner au passage en
question une interprétation pareille. Rapprochons-le,
en effet, de celui où Chantelou rapporte que le prieur
Jean Bérard, chargé de défendre les Bénédictins devant
l'archevêque de Narbonne, le 14 février 1494, réfute
leur accusation, en produisant notamment k leur dé-
charge deux témoignages fort sérieux. Le premier est
un extrait de saint Vincent Ferrier, disant que les reli-
ques de saint Antoine étaient conservées dans une abbaye
voisine d'Arles et entourée de marais, ce qui désigne
évidemment Montmajour. Le second est un passage des
Histoires de saint Antonin, plus explicite encore, disant
que de son temps ces vénérables ossements étaient à
l'abbaye de Montmajour, et le bras seulement au pays
de Viennois : « Sed et corpus beati Antonii repertum
« apud Egyptum, tune temporis Alexandriam cum multa
« venerationedelatum est. Nuncautem, procerto, corpus
« eius est in abbatia Montis-Maioris prope Arelate in
rt provincia Provincise. Et brachium est apud Viennen-
— 98 —
« ses, ubi nuac fit coacursus populorum, ut clare patere
« potest hune processum intrinsecus intuenti. (1) »
Or, saint Vincent Ferrier étant mort en 4419 et saint
Antonin en 1 459, les passages dont nous venons de parler
établissent que, dès la première moitié du xf sièele, le
fait de la translation des reliques était tenu pour incon-
testable par deux saints qu'on ne saurait soupçonner
de partialité. Par conséquent, on ne peut plus dire que
les Bénédictins ont attendu la suppression de leur abbaye
en 1 490 pour inventer une supercherie dont la ville
d'Arles aurait été dupe. La vénération qui entQure ces
deux saints ajoute plus de poids encore à leurs paroles ;
nous rappellerons en outre qu'ils appartiennent l'un et
l'autre non point à Tordre de Saint-Benoit mais bien à
celui de Saint-Dominique.
Qu'on nous permette de plus, comme pièce probante
qui a bien sa valeur, d'extraire les lignes suivantes d'un
livre de comptes des Prêcheurs d'Arles (2), c'est-à-dire
du document le plus sec et le plus exempt de passion
que l'on puisse rencontrer. Elles attestent que la fête de
saint Antoine attirait le peuple d'Arles en pèlerinage
dans un lieu voisin qui ne saurait être que l'abbaye de
Montmajour. A la date du dimanche, 1 7 janvier 1 445,
folio 94, nous lisons ces mots inscrits par l'économe :
a Item dominica prima post octavas Epiphaniae, recepi
« de questa purgatorii vni solides, quia fuit festum
a b. Antonii, et paucî venerunt ad conventum. »
(1) 2« Partie des Histoiris de saint Antonin, Titre XII, chap. 5, § xj,
f> 82, l'*co/. Edition de Jacques Myt, chalcographe. Lvon, 1527; exem-
plaire ayant appartenu à la Chartreuse de Marseille: il est impri--
mé en caractères gothiques et se trouve maintenant à la biblio-
thèque de Marseille.
(2) Reg. de compte de 1427 à 1448. Prêcheurs d'Arles. Arch. Dép.
Ce curieux document nous a été obligeamment signalé par M.
l'abbé Albanès, à la complaisance et à l'éroditi^on duquel noug
avons eu plus d'une fois recours.
— 99 —
L'auteur de la Notice sur les reliques de St-Antoim,
à l'exemple de Gagnon, historien d'Arles, du P. Porchier
et de Guesnay (1), a avancé que, depuis 1290,Montma-
jour célébrait Tanniversaîre de la translation du corps
du saint patriarche. L'assertion de ces divers écrivains
repose sur ce fait : un bréviaire de Montmajour, portant
la date de 1 51 i, contient à la date du 3® jour des ides de
juin (leH)une fête de la translation des reliques de saint
Antoine. Mais les preuves manquent pour faire remon-
ter la célébration de cette fête avant 1 490.
On a dit aussi que Montmajour présentait k la vénéra-
tion du peuple, au lieu du corps de saint Antoine ermite,
celui d'un saint de Lérins, Antoine Cyrus, dont la fêle
se célébrait le- 28 décembre et dont Barrai a publié les
actes (2).
Cette assertion est détruite par un fait : le corps d'An-
toine Cyrus était encore conservé à Lérins en 1664,
^comme nous l'apprend le catalogue des reliques de
cette abbaye publié par Bouche (3). Barrai cite l'ins-
cription placée à la porte de la chapelle Ste-Croix a
Lérins rappelant que les restes des saints Honorât, Ca-
prais, Vénance, Aygulfe et Antoine y reposent. Il ajoute
qu'avant la découvertes des actes d'Antoine Cyrus, on
croyait que cette inscription parlait du corps de saint
Antoine ermite.
Ainsi les restes d'Antoine Cyrus n'étaient pas conser-
vés à Montmajour et n'ont pu être donnés par ses moines
pour ceux du patriarche des cénobites.
On peut, après la lecture de ces divers documents,
conserver des doutes sur le fondement des prétentions
(1) Cassianus Ulustratus, p. 425.
(2) Barrai, II" partie, p. 148.
(3; Hist , de Prov. , I. 295 .
— 100 —
arlésiennes. Cependant, avouons-le, k accuser de super-
cherie un des deux ordres en querelle, nous ne ferions
pas tomber nos soupçons sur les Bénédictins. Ils n'ont
pas été, comme leurs rivaux, dénoncés par Innocent III
comme des voleurs et des trompeurs, des sacrilèges et
des blasphémateurs, « fures et deceptores, sacrilegos et
blasphèmes » ; comme- des hommes qui ne craignaient
pas de feindre des miracles, de présenter au peuple des
ossements inconnus pour des saintes reliques et de sup-
poser des lettres de rois et de papes pour amener les
simples k leur donner des aumônes, « simplices ad offe-
« rendum inducuut, tum falsa confingendo miracula et
a ignota ossa pro sanctis reliquiis ostendendo, cum
« falsis litteris, non solùmmodo magnatum et regum,
« verum etiam apostolicis. »(1)
Mais nous avons à retracer, au moins sommairement,
les faits qui marquèrent cette période troublée.
Craignant que les Hospitaliers ne vinssent leur ravir
le précieux dépôt qu'ils conservaient, les moines de
Montmajour décidèrent Tarchevéque d'Arles , Nicolas
Cibo, leur abbé, à faire transférer les reliques de saint
Antoine dans sa ville épiscopale et à les déposer en
l'église prieurale de Saint-Julien.
Une procession solennelle fut organisée et ces reliques
furent portées en grande pompe dans l'antique cité. En
quelle année eut lieu cette translation ? Ce ne serait
selon Chantelou qu'au mois de janvier 1491 ; mais on a
produit un acte de Philippe Mandoni, notaire, prouvant
suffisamment que la cérémonie fut faite en 1 490 (2). Les
adversaires d'Arles ont d'ailleurs reconnu avec impar-
(1) Termes de la bulle d'Innocent III en date du 13 mai 1213
cotée 2, ch, de St-Antoinet Arch, Dép,
(2) Protocole de PhU. Mandoni, f° 146 verso.
tialîté ce fait (1). C'est un point important ; car, si Ton
ne place la translation qu'en 4 491, Monlmajour et
les arlésîens se seraient mis en révolte ouverte contre
l'autorité du St-Siége.
Les consuls d'Arles assistèrent k la procession. Le
corps de ville avait nommé un capitaine de saint Antoine
pour commander une compagnie d'hommes d'armes
commis à la garde de la châsse, et, aussitôt que le cor-
tège fut entré dans la ville, on ferma les portes pour évi-
ter toute surprise.
Dans la suite des temps cette tradition fut conservée
et chaque année eut lieu l'élection d'un capitaine pour
assister avec la garde d'honneur aux processions de
saint Antoine, le 17 janvier et le jour de l'Ascension.
En 4549, cependant, on supprima la garde.
XL
Attitude des Arlésiens dans la lutte des deux Abbayes.
Aussitôt que les Bénédictins eurent placé les reliques
sous la sauvegarde des Arlésiens, les magistrats muni-
cipaux s'empressèrent- de remplacer l'ancienne châsse
d'ivoire par une magnifique châsse d'argent. L'une des
deux clés qui la fermaient fut laissée aux religieux,
l'autre demeura à l'Hôtel-de-Ville. Le conseil d'Arles ne
se borna point là : dans sa délibération du 6 février
4490, il affecte la somme de 2000 florins à l'achat de la
maison de Trophime Boye « per far una gleysa a honor
a de Mossen Sant Anthoni » et nomme plusieurs com-
missaires pour négocier cette affaire. Déjà le peuple se
portait en foule dans Téglise de Saint-Julien : le 1 6 jan-
, (1) Trésor de Vahbayê St'Antoine^ IIP partie.
— 102 —
vierliOO, une procession partie de la ville de Salon
était venue h Arles; Tarascon suivait cet exemple le
24 février suivant, et le sieur de Saint-Vallier, sénéchal
de Provence^ se joignait à ces nouveaux pèlerins.
En présence des démonstrations du peuple d'Arles,
Antoine de Brion, inquiet, redoubla d'instances auprès
d'Innocent VIII et en obtint une nouvelle bulle qui dé-
clarait supposées les reliques présentées par les Béné-
dictins h la vénération des fidèles, et ordonnait que la
fusion des deux abbayes consommée depuis longtemps
en principe, fut réellement mise à exécution (1). Mont-
majour devait suivre désormais la règle de Saint-Augus-
tin ; les moines pouvaient néanmoins conserver leur
ancien habit, mais il leur était interdit d'élire par la
suite leurs abbés.
Charles VIII, dans une lettre datée de Montils-lès-
Tours, le \0 août 1491 , qu'il adresse aux nobles, bour-
geois et manans d'Arles, leur donne pouvoir de s'opposer
h l'exécution des bulles pontificales et les requiert « que
« tout support et faveur soit par eux donné aux religieux
« dudit Montmajour pour obvier et empêcher l'exécution
desdites bulles. »
Les Etats de Provence se réunirent au couvent des
Prêcheurs d'Aix, sous la présidence de François de
Luxembourg, vicomte de Martigues, et d'Aymar de
Poitiers-Saint-Vallier. Les archevêques d'Aix, d'Arles
et d'Avignon, les évêques de Digne, Fréjus, Senez,
Vence et Apt y assistèrent ou s'y firent représenter,
ainsi que les abbés de Sénanque, de Valsainte, de Saint-
Victor de Marseille et du Thoronet : de nombreux
barons figurèrent aussi dans cette session. L'Assemblée
demanda aux villes de la province des subsides pour
(1) Bulle des ides de février 1491, 254, Ch, de St-ÀvU., Àrch. Dép.
— 103 —
continuer l'instance pendante devant le grand conseil
au sujet de Tunion des deux abbayes. La délibération
des Etats en date du 20 mars \ 491 constate que Tau-
thentidté des reliques d'Arles est établie par les attes-
tations les plus véridiques et les preuves les plus évi-
dentes, et déplore que les moines deMontmajour n'aient
pas été appelés selon les règles de droit pour donner des
explications (1).
Il est difficile d'admettre que, tout-à-coup, sur une
assertion tardive des Bénédictins, les hommes les plus
considérables d'une province se soient improvisés les
champions des reliques d'Arles et aient entraîné après
eux cette ville entière pour en défendre l'authenticité.
Le peuple aurait montré une crédulité bien aveugle s'il
avait ajouté foi sans contrôle à des assertions auxquelles
il n'aurait jamais été préparé par les moines de Mont-
majour ; et chacun conviendra qu'il était fort difficile
pour ces religieux de publier inopinément, après de
longues années de silence, la translation fabuleuse, et
surtout de persuader aux foules la vérité de l'enlève-
ment furtif du corps de Saint-Antoine, tandis que les
Antonins pouvaient aisément laisser croire que leur
abbaye était restée dépositaire de ce trésor.
Des légats du pape voulurent se faire ouvrir la châs-
se dont les habitants d'Arles s'étaient constitués gar-
diens. Ces derniers, jaloux de leurs privilèges, refusè-
rent de laisser voir les reliques, se basant sur les cha-
pitres de leurs statuts municipaux consacrés par les Rois
de France, aux termes desquels les affaires intéressant
les Arlésiens pouvaient être évoquées seulement devant
les tribunaux établis dans la cité, et défense était faite h
(1) La Procuration des Etats, dressée parle notaire Antoine
Talamer, d'Aix, est cotée 252, Ch. dé St-AnL, Arch, Dép.
— 404 -
tout commissaire ou- envoyé étranger de poursuivre k
Arles une enquête ou instruction quelconque.
Quant à Tabbaye Viennoise, le 2 octobre 1 491 , les lé-
gats du pape y étant venus en dévotion, comme nous dit
le procès- verbal de visite (1), « y furent reçus avec so-
« lennité par les religieux dudit monastère ; après avoir
a visité l'église, ils furent priés par Tabbé avec ins-
« tance et dévotion qu'il leur plût voir visiter le corps
<i de St -Antoine. » Ces expressions du procès- verbal ,
permettraient de croire que les légats n'étaient pas ve-
nus avec mission spéciale pour se prononcer sur Tau-
ihenticité des reliques. Mais, avant de soumettre le
corps vénéré dans leur abbaye à Texamen des légats,
les Antonins, émus par les assertions réitérées de Mont-
majour, avaient conçu des doutes sur la présence des
ossements de Saint-Antoine dans la châsse dont ils
avaient la garde. Saint François de Paule les avait ras-
surés, et, forts de son encouragement, ils avaient pro-
cédé, sous la présidence de Jean de Montchenii, évêque
de Viviers, ancien cellerier de leur monastère, à une
première visite (2).
L'auteur de la Discussion .stir tes reliques de Saint-
Antoine déplore Tabsence d'un élément étranger à cette
enquête préliminaire. On nous permettra de ne parler
ici ni de la déposition d'Artus de Pontferré devant l'offi-
cial d'Avignon, ni de sa rétractation en présence de ce-
lui de Lyon. Si l'on suspecte en effet la vénalité de ce
témoin, il est permis de n'ajouter foi ni à l'un, ni à l'au-
tre de ces documents contradictoires.
Un arrêt du Conseil (3) donna gain de cause à l'abbaye
(1) Trésor de l*Abb. St-Ant., pièces justif., lettre L.
(2) Ibid.
(3) Arrêt du Conseil en date du 29 janvier 1493, 256, Chartes de
Saint' Ant ^ Arch. Dép.
— 105 —
Viennoise. « Mais, » dit Bouche, « quand il fut question
« d'exécuter cet arrêt, il y eut un tel désordre dans la
« ville d'Arles, et il s'y commit tant de cruautés et de
barbaries en la personne de quelques officiers de jus-
« tice qui y estoient venus pour faire valoir cet arrêt,
et que les siècles passez n'ont presque rien veu de sem-
a blable, tant les mouuemens pour la Religion sont
a pressans et puissans. «
Charles du Verger, envoyé par le Roi (1), fut arrêté
par ordre du premier consul et jeté dans une prison ;
plusieurs autres eurent un même sort : Tun d'eux même,
poursuivi par les Arlésiens, ne dut son salut qu'aune
fuite rapide. Du Verger lança successivement contre la
ville des ajournements qui furent sans effet.
Le conseil de la ville, ayant reçu les citations dont il
s'agit, députa vers le Parlement l'assesseur Jacques de
Romieu pour protester contre les lettres d'ajournement
« lasqualas venon directament contra los privilèges del
« présent pays, et las conventions de la présent cieutat
a d'Arleetoussinoneronannexadasneenterinadas(2). »
Plus tard, la même assemblée déclarant qu'il lui était
impossible de délibérer toujours sur les différends de
Montmajour avec les Hospitaliers, commet plusieurs de
ses membres parmi lesquels nous citerons notamment
Gaucher de Quiqueran, Louis de Renaud, Romieu, Ch.
de St-Martin et Simon de Grille, pour s'occuper spécia-
lement de ces affaires « ambe tota poyssansa de y far tôt
« so que lo présent conseil y porrie far, deliberar et
« ordenar. » (3).
Un des exploits lancés contre la communauté d'Arles
(1) Commission adressée à Ch. du Verger le 20 mars 1493,260,
ch, St-Ànt. , Ârch. Départ.
(2) Déiibép. du 14 août 1493, archives d'Arles.
(3) Délibér. du 4nov. iidi^ archives (V Arles,
HMMM^M— -'-— - " '
— 106 —
et les Bénédictins leur fut signifié par Jacques de Larche,
garde de la capitainerie de Fourques, qui déclare dans
son instrument «« n'avoir eu faculté ne obéissance d'en-
« trer en icelle abbaye et monastère de Montmajour ne
« approucher les portes d'icelle, obstant ce que les dites
a portes estoient clouses et fermées et y avoit en icelle
« et esdites portes et sur les murailles plusieurs gens en
« armes faisant grand guet. .. » ce qui l'obligea à laisser
sa copie attachée au tronc d'un arbre. Rencontrant les
mêmes difficultés sous les murs d'Arles, il placarda son
ajournement au Undart de la porte de la Cavalerie (1).
Déjà un accord avait été passé entre les Antonins et
Nicolas Cibo, qui, bien que. s'étant démis de ses fonc-
tions d'abbé de Montmajour, le 29 octobre 1493, avait
cependant, en fait, retenu le titre de commenda taire.
Cet accord fut ratifié par Alexandre VI.
La démission de Nicolas Cibo laissant l'abbaye sans
chef, les moines désignèrent pour lui succéder Rodolphe
Boniface (2) abbé de St-Sauveur-le-Vicomte en Nor-
mandie. Les instances de celui-ci auprès du St-Siége
eurent pour résultat la révocation de l'union des deux
monastères, obtenue par les hospitaliers et conservèrent
à ses moines la règle et l'habit de St-Benoit.
Selon Chantelou, Rodolphe chargea le prieur Jean
Bérard de défendre devant l'archevêque de Narbonne
(1) Exploit du27nov. 1494.
(2) Pithon-Curt dit que Rodolphe était fils de Bertrand Boniface
et frère de Vivaud Boniface, maître rational de la grande cour
de Provence et Juge-mapre sous le roi René et sous Charles III, son
successeur. Il ajoute qu'il fut en USl nommé recteur du Comtat-
Venaissin en remplacement d'Amaury, évoque de Vaison, qu'il
présida en cette qualité à l'élection des syndics de Carpeutras le
i? octobre U82 et continua d'administrer la province jusqu'en
1505. (V. Hist. delaNobl. du Comtat-Venaissin, T, iv^p 592). La
famille de Boniface porie : de giteules à 3 fasces d'argent. Une bran-
che, établie en Normandie, brise en portant : d'argent à 3 fasces de
sinople. On trouve aux Arch. Départ. {Privilèges, lu3) l'acte d'élec-
tion de Rodolphe, à la date du 23 février 1496.
— 407 —
les Bénédictins accusés d'avoir propagé le culte de
fausses reliques. Ce prieur, comme il a déjà été dit, in-
voqua à leur décharge des passages de saint Vincent
Ferrier et de saint Antonin établissant que le corps de
St Antoine reposait dans Tabbaye arlésienne, et s'attacha
à prouver que les Antonins n'avaient daus leur église
que le bras du saint patriarche, et n'exposaient que cette
portion des reliques à la vénération du peuple.
Enfin, le 31 décembre 1495, Alexandre VI rendit une
bulle par laquelle il déclarait casser et annuler tant
l'union, annexion et incorporation des deux abbayes,
que toutes et chacune des choses qui ont été faites par
l'abbé et le couvent de saint Antoine, « eteorumoccasione
» gesta ac inde secuta », remettait les reliques dans l'état
où elles étaient auparavant et accordait aux Arlésiens
une absolution pour les censures qu'ils avaient encou-
rues (1).
Suivant M. l'abbé Dassy , la bulle d'Alexandre confirme
les prétentions des Hospituliers, car il aurait fallu une
décision explicite pour autoriser le culte rendu aux re-
liques d'Arles. Les Arlésiens, de leur côté, voient dans
Tacte pontifical, au contraire, une réhabilitation de leurs
reliques, puisqu'il révoque tout ce qui avait été fait
précédemment, sans excepter la bulle d'Innocent VIII
qui les déclarait supposées (2). Quoiqu'il en soit, le
conseil de la ville d'Arles députa à Avignon Simon de
Grille pour recevoir cette bulle que tous considéraient
comme devant être la base d'une paix future, et envoya
en même temps Jacques Romieu et Jean Arlatan h Aix
pour demander l'annexe au Parlement.
(t) Cette bulle porte le n" 283, ch. deSaint-Ànt., Arch, Départ,
(2) C'est ainsi que l'évêque de Turin considéra la bulle d'Alex.
VI dans l'absolution d'excommunication qu'il prononça en faveur
de ceux qui avaient rendu un culte aux reliques d'Arles, le 15 mars
1496, ch. de Saint-Ant. , n» 286, Arch Dép.
— 108 -.
Cependant les pourparlers continuaient et Ton n'était
point encore arrivé à la conciliation. A la date du
1 8 août 1 499 Rodolphe Boniface, élu abbé de Montma-
jour, demande des délais à la ville d'Arles au nom du
monastère, son débiteur, « et aquo per lo secour à ob-
« tenir lad. abbadie et per mettre pacifBcacion en lad.
« abbadie affin que los religios de sant Anthoni en
« Viennes non poscon obtenir union de lad. abbadie
« de Montmaior al la abbadie de sant Antoni en Vien-
« nés. » Lo 15 juin 1500 Tanguy de Cabannes, consul
d'Arles, se rendit auprès du Roi pour tenter des démar-
ches pacificatrices. Le 20 novembre 1501 ce même
consul, assisté de quatre membres du corps de ville,
posait à Montélimart les préliminaires d'un accord.
L'attitude de Tabbé de Saint-Antoine, Théodore Mitte,
de Saint-Chamond, fut beaucoup moins conciliante.
Accompagné des conseillers du Uoi, Charles de la Ver-
nade et Philippe de Bery, il tenta de se faire recevoir en
maître à Montmajour. Obligé de se retirer à Tarascon
sans avoir pu réussir dans son entreprise, il revînt de-
vant le monastère avec une troupe armée. Mais ses sol-
dats furent repoussés avec perte et Théodore fut réduit
à traiter avec l'abbaye. Des hommes influents et illus-
tres s'interposèrent pour ramener la paix entre les An-
tonins et leurs adversaires. Peu de temps après « tout
« se terminait à l'amiable dans la ville de Valence. Le
« Dauphiné et la Provence eurent la consolation d'ap-
te prendre qu^ les deux familles s'étaient finalement
entendues sur tous les points de litige. Théodore
« résigna son titre d'abbé de Montmajour; Montmajour
« I énonça à l'impôt que lui devaienl les Antonins. Pour
« les saintes reliques, Rodolphe Boniface qui était à la
« tête de Montmajour, déclara ouvertement, disent les
a auteurs du Gallia Christiana^ qu'elles n'étaient ni
— 109 —
« dans son abbaye, ni à Arles, mais au cbef-iieu de
« Tordre de Saint-Antoine (1 ). »
Alexandre VI confirma cette convention pacifique en
ratifiant l'élection de Rodolphe Boniface (2). Cet abbé
administra paisiblement Montmajour pendant environ
quatre ans. On le voit obtenir du pape Jules II des in-
dulgences précieuses pour les pèlerins qui, lorsque la
fête de Tlnvention de la Sainte-Croix tomberait un ven-
dredi, visiteraient la chapelle élevée au pied des hauteurs
de Montmajour et contribueraient à Torner et à l'enri-
(1) VAhhayB de Saint-Antoifié, car M. l'abbé Dassy. — Cette décla-
ration dont parie la première édition du GalUa Christiana, mais
non la suivante, n'est pas mentionnée par Aimar Falco, historien
Antonin, qui avait cependant tout intérêt à s'en prévaloir.
En relatant l'accord passé entre Montmajour et l'abbaye de
Samt-Antoine, il est impossible de passer sous silence les faits
qui se sont produits il y a une auarantaine d'années au sujet du
culte ren'iu a ce samt dans la ville d'Arles.
Mgr Bernet, archevêque d'Aix, depuis cardinal, nomma on 1838
une commission à lefiet de procéder à la vérification des reliques
conservées dans les diverses églises d'Arles On vérifia notamment
celles dont l'ancien prieuré de Saint-Julien était si fier d'être dé-
positaire depuis 1490. On allait même y apposer les sceaux de
l'archevêché, quand le curé de cette église, M. Montagard, qui
deVait plus tard devenir curé de Saint-Trophime, déclara avoir
des doutes sur l'authenticité des reliques de Saint-Antoine, car
un prêtre de Grenoble aflSrmait qu'elles avaient toujours été con-
hervées on Viennois et sauvées en 1793 des profanations révolu-
tionnaires.
En présence de ces doutes, l'autorité diocésaine ordonna une
plus ample information. L'abbé Mon tagard, chargé de la nouvelle
enquête, sans prendre conseil de personne, crut devoir faire des-
cendre les ossements dans un caveau de sépulture de son église
et ne craignit pas de brûler en secret, avec les tissus de soie qui
les enveloppaient, les divers procès-verbaux de visites et les au-
thentiques des archevêques d'Arles. Cette étrange conduite excita
la réprobation publique, et l'administration municipale somma
l'abbé Montagard de cfonner des explications sur le lieu où il avait
déposé les reliques. Sur ses indications précises, M. J.-J, Estrangin,
maire par intérim d'Arles, les fit exhumer le 7 mars 1845 en la pré-
sence de celui-ci. Mgr Darcimoles, archevêque d'Aix, se trou-
vant à Arles le 9 février 1855, procéda à la visite des reliques et
apposa son sceau sur la châsse Enfin la S. Congrégation des
Rites, par une décision en date du 12 février 1859, a autorisé le
culte public des reliques qui ont été de nouveau rendues à la véné-
ration des fidèles.
(2) Bulle du 7 novembre 1502. Privilèges n" 107. Arch, Dép.
— HO —
chirde leurs dons (1). Ce pontife, par une autre bulle
confirma les antiques privilèges de Tabbaye (2).
Des notes de Tabbé Bonnemant, insérées au manus-
crit de Chantelou, relatent que le 2 septembre 1505, les
moines de Montmajour élurent abbé Honoré de Pierre-
feu, mais que cette élection resta sans effet.
XII
Claude de Poitiers et ses successeurs. — Le Maréchal
d'Omano a-t-il été abbé de Montmajour ?
Sur un ordre de Louis XII, Claude de Poitiers fut
placé à la tète du monastère. Il n'avait que seize ans.
Un administrateur fut désigné aussitôt pour remplir les
fonctions inhérentes à son titre jusqu'à ce qu'il eût
atteint Tâge de vingt ans. Claude était fils de Charles de
Poitiers, des comtes de Valentinois, seigneur de Saint-
Vallier, et d'Anne de Montlaur (3).
Nous voyons au registre des délibérations du con-
seil d'Arles, que cette assemblée envoya auprès du roi
Louis de Quiqueran-Beaujeu et en cour de Rome, un des
(t) Bulle du 6 février 1504. — Privil. n» 1C8. — Le pardon de
Ste-Ooix, déjà célèbre depuis longtemps, avait, en 1409, réuni
150,000 pèlerins. Le roi Louis II d'Anjou et la reine Yolande d'A-
ragon y assistèrent (V. Bouche, II, 434) — En 1426, à l'occasion
de cette même fête, la recette du bac de Montmajour s*éleva à 140
florins 8 gros 2 deniers, plus .30 florins pour le droit perçu à rai-
son de 4 deniers par personne descendue par eau sans emprunter
la traille. La taxe du péage doublée pour la circonstance était de
8 deniers pour un homme à pied, d'un gros pour un homme à che-
val {Reg. de rHôt-de-Ville d'Arles). C'est à "M. Robolly que nous
devons encore cet intéressant détail de Statistique. — Le pardon
de Ste-Croix a été rétabli par bref du pape Pie IX en date du 1 1
juillet 1851. En mai 1852, 12000 pèlerins y apsistèrent. V. les Rui-
nes de Vabbaye de Montmajour, par M .* l'abbé Trichaud, p. 33).
(2) Bulle du 16 mars 1507, Privil. n« 112, Arch, Dép,
(3) Duchesne, Généalogie des Sgrs de St-Vallier, chap. XIII, n" X.
— Armes de la maison de Poitiers : d'azur à 6 besants d*argent^
'6^2 et l ; au chef d'or.
moines de Montmajour, Louis de Cardebat, pour obte-
nir la nomination d'Aymar de Quiqueran au lieu de
Claude de Poitiers, neveu du sénéchal de Provence,
mais néanmoins étranger au pays (1).
Depuis le commencement du XVP siècle. Chantelou
ne donne plus que des détails fort sommaires et incom-
plets sur les divers abbés qui se sont succédé à Mont-
majour. Il n'avait probablement pas achevé le travail
auquel il s'était voué, et il ne nous a laissé depuis cette
époque que des notes rapides qui devaient lui servir
comme de pierres d'attente pour achever son monu-
ment.
A l'aide de ces points de repère nous grouperons di-
vers documents qui n'avaient pas encore été compulsés
. par le judicieux annaliste.
Le 7 octobre 1508, les Bénédictins passent avec les
Carmes de Pertuis une transaction portant que ces der-
niers a doivent payer chaque année à l'abbé de Mont-
majour, pour leur couvent et leur cimetière, un cens de 4
florins; qu'ils assisteront à toutes les processions en
cédant le pas à l'église paroissiale ; qu'ils ne diront les
messes ni béniront le pain de& accouchées « lorsqu'ils
{sic) se lèveront de gessine. »
Peu après l'abbaye s'engageait à rembourser par ter-
mes à la communauté d'Arles la somme de 13000 flo-
rins, avancée par elle pour fair^ faire une magnifique
châsse à St-Antoine (2). Il ne sera pas hors de propos
de signaler ici le nom de quelques pèlerins illustres qui
vinrent vénérer les reliques qu'honore encore aujour-
(1) Ann. 1503, 18 jariv. neg. des délib., folio 3i8.
(2) Le 15 février 1509. — Nous trouvons au fonds de Montmajour,
Titres d'Arle>, f«« J64. un cahier de quittances pour les divers
termes acquittés par l'abbave de 1509 à 1526. La somme s'élève à
8-273 florins et 100 éciis .IVr bol.
d'hui le peuple d'Arles dans l'église de St-Julîen. C'est
d'abord Aimery d'Amboise, grand-maître de l'ordre de
St-Jean-de-Jérusalem, en 1504 ; puis en 1515, la reine
Claude de France, accompagnée de Marguerite de
Valois, alors duchesse d'Alençon, plus tard reine de
Navarre, et de l'évêque de Paris.
Enfin, en 1 51 7, le pape Léon X envoie un proto-no-
taire à Arles pour demander une parcelle des ossements
de St-Antoine. Cet envoyé ne se borne pas à formuler
sa supplique au nom du pape, cr nomine sanctissimi
« Domini nostri pontificis maximi, » et à exprimer le
vif désir qu'il lui avait manifesté; il présente de plus
des lettres pontificales en forme de bref. Sur cette de-
mande, les consuls d'Arles et les moines de Montma-
jour détachèrent deux phalanges des doigts de la main
droite et les remirent à l'envoyé. Ce fait semble prou-
ver que, comme beaucoup d'autres, Léon X, qui avait
visité en 1493 en grande dévotion les reliques conser-
vées par les Antonins, croyait à la réhabilitation de cel-
les d'Arles par Alexandre VI .
Le 14 juillet 1526 l'ofBcial d'Aix rendit une sentence
aux termes de laquelle les prêtres séculiers de Pertuîs
étaient tenus d'assister aux heures canoniales et aux
processions de l'église paroissiale. Ces prêtres formè-
rent appel contre Montmajour par-devant le légat d'A-
vignon. Nous ignorons l'issue du procès.
Un nouveau litige soulevé en 1 534 au sujet du droit
relatif au premier esturgeon péché dans le Rhône, fut
décidé en faveur de l'abbaye (1 ).
Claude de Poitiers a laissé peu de traces ; nous trou-
vons néanmoins, en date du 16 juin 1537 une délibéra-
tion du chapitre tenu en sa présence, par laquelle le
(l) 3 décembre 1534. — Arch. Dép.
— 413 —
nombre des religieux fut fixé à quarante. En 1539, lors
de l'emprunt fait par le roi au clergé de Provence, une
quittance de 262 livres est délivrée k cet abbé. En 1541
il donna k François de Chasta collation de la chapelleuie
de N.-D -la-Blanche (1). Son procureur Louis de Chas-
taing, prêta hommage au Roi au nom de Montmajour,
le V'^ décembre t542, entre les mains de François de
Montholon, chancelier de France (2). Claude mourut le
13 août 4546.
Un arrêt du Parlement d'Aix, rendu en 1547 (3), con-
traint le camérier de Tabbaye k fournir leur vestiaire
k tous les religieux ; il ordonne en même temps la ré-
forme du monastère et en commet le soin k Tun des
conseillers et k l'évêque de Glandèves.
Aymar de Maugiron (4), d'une noble maison de Dau-
phiné, évêque de Glandèves, prit possession de Tabbaye
en octobre 1547, par l'intermédiaire de Guillaume de
Maubec, chanoine-chantre de l'église de Vienne, auquel
il avait donné procuration k cet effet.
Il obtint eu 1552 des lettres royales qui le maintin-
rent dans le droit de régales k Pélissanne contre les
prétentions des maîtres des comptes Borély et de Fran-
çois (5), Par d'autres lettres semblables, il reçut le pou-
voir de contraindre tous les emphytéotes de Montma-
(1) La collation de cette chapellenie est datée du 10 juin. —
Arch. Dép.
(2) Privil. 118. — Arch. Dép.
(3) Arrêt du 20 décembre 1547. — Arch. Dép.
(4) Il était fils de Guy de Mauçiron, seigneur d'Ampuy. Beau-
voir, Leyssins et Meyrieu. lieutenant-général de Dauphiné en
1528, chevalier de l'Ordre du Roi, fait prisonnier à Pavie aux
côtés de François I*'', et d'Ozanne L'Hermite, petite-fille du trop
célèbre Tristan L'Hermite. (V. Armoriai du Dauphiné ipaT M. G. de
Rivoire delà Bastie, p. 397) Maugiron ^orte : Gironné de 6 pièces
d'argent et de sable.
(5) Aix, 29 mars 1552. -' Ch. de Pélissanne, n» 50.
IlipBCMUlMtai.. - l ^ m t . ifm
jour à passer reconnaissance au monastère, dont la pres-
cription allait anéantir lesdroits.
Le i\ janvier < 560 Antoine d'Aiminy, religieux de
Tabbaye, muni de la procuration d'Aymar, prêta hom-
mage au roi à Orléans.
Dans un acte reçu par d'Augîères, notaire, le 8 avril
1555, furent tracées les attributions de chacun des di-
gnitaires du couvent : ouvrier, infirmier, aumônier,
sacristain, capiscol, corresier. Ce dernier, entre autres
obligations de son emploi, est tenu « de présenter à
« Messieurs en chapitre un cuisinier, auquel, s'il est
« agréable à Messieurs dudit monastère, sera baillé
« seremant par M. le Prieur ou Sous-Prieur en son
« absence de bien et deubemeiit aprester les viandes,
« de ne aprester poisson ou cher mauvaises ou puantes,
a et autrement tout ainsi qu'il est accoutumé faire. . . »
^ouvrier eét tenu de réparer la salle capitulaire, le
dortoir, le réfectoire, le cloître, etc. . . .
Le camérier de Montmajour, pour se libérer d'une
dette contractée par lui envers Jean Cassole de Beau-
caire pour les besoins de son office, vendit k Valentin de
Grille-Robiac, viguier d'Arles, la basse juridiction
d'Estoublon, sous la directe d^un de mi-escu pistolet (1).
Quelques années plus tard il aliéna en faveur du même
acquéreur la haute juridiction (2). Mais le contrat fut
rescindé en 1599. Une transaction mit fin au liti-
ge(3).
Une autre aliénation que nous devons signaler est celle
du quart du péage de la Durance à Pertuis, en faveur de
Claude d'Alagonia, seigneur de Meyrargues, parM.de
Biordy, lieutenant en la sénéchaussée d'Arles, commis
(1) 13 janvier 1563, notaire Durand Raybaud à Tarascon.
(2) 14 novembre 1577, Miôge. notaire à Riez.
(3j 9 juillet 1602, Claude Saxi, notaire à Arles,
aux aliénations du temporel de TAbbaye. Le prix de
cette vente est de 417 écus ; Tabbé, ses religieux et ses
serviteurs devront, par stipulation expresse, être passés
gratuitement (1). Notons encore la vente de la juridic-
tion de Pélissane aux habitants de ce lieu, consentie au
prix de 4010 écus d'or (2). Cette terre fut rachetée
quelques années après (3).
Aymar de Maugîron mourut k Paris le 28 avril
1564.
Aussitôt après son décès, Charles IX envoya au lieu-
tenant d'Arles un message ayant pour objet de faire sai-
sir les revenus de Montmajour pendant la vacance du
siège abbatial, et de nommer économe Simon de Car-
magnoles (4) .
Le Gallia Christiana dit que cette vacance se prolon-
gea jusqu'en 1568. Chantelou mentionne néanmoins
dans cet intervalle Gaspard de Purpurat, des comtes
de Lucerne, d'une noble famille de Savoie, neveu de Je •
rôme de Purpurat, gouverneur du marquisat de Salu-
ées pour la France. Il résigna son bénéfice en faveur de
son parent Jean-François et devint lui-même gouver-
neur de Saluées.
Jean-François de Purpurat fut nommé abbé par une
bulle du pape Saint Pie V, au moisde décembre 1568. Il
constitua Claude Amodry son vicaire-général le 19 juil-
let 1569, et le 5 septembre suivant prit possession de
son abbaye (5). En 1572 nous le voyons ratifier un ac-
cord passé entre les religieux et son vicaire-général.
Enfin, par un acte dressé à Saluées en 1581, il se dé-
(1) 4 décembre 1563. Cl. Saxi, not.
(2)18déc. 1563, Ànt. Nicolay, DOt., ch.de Pélissan$t 52, iircA.
Dép.
(3) 17 mai 1567, B. Catrebards, not., Ibid., 54.
(4) Bar-le-Duc, 1" mai 1564.
(5) 2* Registre dês ^nsin. eccL, Dioc, d'Arks, fol, 396.
— 446 —
met de l'abbaye en faveur de Claude d'Anselme (1 ) . Henri
m agréa sa démission (2).
Claude d'Anselme reçut ses bulles en 1582 (3). Il prit
possession de Montmajour le H juin de cette année.
Claude était fils de Dominique d'Anselme, seigneur de
Blauvac, premier Consul d'Avignon en 1515 et en 1529
et de N. de Bisquerils-Caderousse. H transigea en qua-
lité d'abbé avec Dominique de Grimaldi, archevêque et
vice-légat d'Avignon le 31 mars 1588.
« 11 y a lieu de croire, » dit Pithon-Curt, « qu'il ne
« fut titulaire incommutable de ce bénéfice qu'après
« la mort de son frère Louis, k qui le Roi l'avait donné
« (suivant l'usage ou plutôt l'abus de ce temps -là) lors-
« qu'il sortit du marquisat de Saluées » (4).
Chantelou ne parle nullement de Louis d'Anselme
comme prédécesseur de son frère. L'auteur que nous
venons de citer nous apprend qu'il fut premier consul
d'Avignon, et commanda rarlillerie lors de l'invasion
du Comtat par les Protestants en 1562. Son fils Pierre,
lieutenant-général de l'infanterie du duc de Savoie sous
le Maréchal de Bellegarde, livra Carmagnole à la France
en se faisant donner 40000 écus et l'abbaye de Mont-
majour, s'il faut en croire le journal de Lesdiguières,
rédigé par le Président de Calignon.
Un manuscrit arlésien, que M. L. de Crozet a bien
voulu nous communiquer, dit que d'Anselme n'eût pas
plus tôt pris possession de l'abbaye qu'il s'occupa à nour-
rir d'espérances les ligueurs d'Arles et de Marseille. En
vain un arrêt du Parlement lui enjoignit-il de résider à
(1) Acte du 14 février 1581, not. Jean- Bernardin Jordan.
C2) Lettres de Saint-Geraiain-en Laye du 27 février 1581.
(3) Bulles du h' avril 1582, annexées au Parlement d'Air le 8
juin suivant.
(4) HisL de la Noblesse du Comté Venaissin, T. I, p. 502. — Armes
d'Anselme : d'azur frelté d'argwt.
Montmajour. 11 aurait été fait prisonnienet étranglé au
Chàteau*d'If par un forçat sur l'ordre du nap^néné-
chal de Provence, le 4 novembre 4689. z^- -
Ce récit parait être un écho de Scipion ifomirato et
de THermite de Souliers. Mais il y a incertitude sur le
prénom de d'Anselme, sur l'époque et sur le lieu de sa
mort. En effet, tandis que le manuscrit cité plus haut
l'appelle Claude et le fait mourir h Marseille en 1 689,
ces auteurs disent que Pierre d'Anselme fut assassiné à
Saluées, en 1583.
Il est difficile de démêler la vérité au milieu de ces
confusions. Quoiqu'il en soit, Chantelou n'insère qu'un
seul membre de la famille d'Anselme au catalogue des
abbés : Claude, oncle de Pierre, et dit qu'il mourut le 4
novembre 1590.
Montmajour avait oublié h cette époque la discipline
qui avait fait autrefois son honneur et sa force. En vain
un arrêt du Parlement de Provence (1) astreignit-il d'An-
selme à se retirer dans son monastère pour travailler h
le réformer. T.es moines continuaient h se montrer dans
la ville d'Arles « habillez en habits de séculiers, por-
tant leurs espées, leurs vêtements de colleur, etc. »
comme l'attestent les réclamations de lofficial d'Ar-
les, qui le 23 juillet 1589 sollicitait la création d'un
prieur et d'un sous-prieur pour remédier à ces abus (2).
Dans un règlement que Claude d'Anselme donna à ses
religieux le 29 septembre 1 589, nous trouvons des peines
contre ceux qui s'abstenaient d'assister à l'office (3).
Claude avait élu sa sépulture dans son abbaye; son
vœu fut accompli, et l'on déposa son corps au tombeau
de Jean Hugolen.
(1) 2 mai 1589. — Ârch, dép.
(2) Privil, numéro 151.
(i) Arth. Hôh de Ville d*Ârles, Aeg. Montmajour,
8
— 448 —
Après d'Anselme, Chantelou inscrit Alphonse d'Or-
nan<>^.D(iaréchal de France, sur la liste des abbés. 11 fixe
même sa nomination h la date du 1 6 janvier 1 591 . Les
auteurs da.Gallia Chrisiiana ne parlent pas de cette no-
mination, mais relatent seulement un acte par lequel
Henri IV attribua les revenus de l'abbaye k d'Ornano le
46 janvier 1595. Peut-être Chantelou a-t-il fait confu-
sion. Si, par une faveur royale, le maréchal a été pour-
vu de la commende de Montmajour, il est difficile d'ex-
pliquer comment Dominique de Grimaldi aurait pu, au-
torisé non-seulement du pape, mais encore du roi qui
favorisait son compétiteur, se faire mettre en posses-
sion, et obtenir l'enregistrement de ses lettres de la
Cour des Comptes de Provence.
Si nous nous arrêtons sur ce point, c'est qu'on a vu
quelquefois attribuer à un homme de guerre des fonc-
tions ecclésiastiques. Cet abus, dont on rencontre assez
souvent des exemples, commença à se produire à l'épo-
que où l'état, obéré par de longues guerres, et ne pou-
vant puiser dans ses coffres vides pour récompenser les
services de quelques grands seigneurs, leur abandonna
des abbayes ou bénéfices richement dotés, sans considé-
rer le préjudice immense qui en devait résulter pour les
maisons religieuses. C'est en vain qu'on voulut, à côté
de ces abbés, placer des moines pour conserver la régu-
larité dans les abbayes; leur rôle se borna à servir
d'économes aux commendataires, et, sans pouvoir l'em-
pêcher, ils furent témoins de la ruine de l'esprit religieux
au sein de leurs communautés jadis florissantes.
C'est à Dominique de Grimaldi (4) que fut dévolue la
(l) Dominique était fils de Jean-Baptiste de Grimaldi, noble
génois, et de Madeleine Pallavicini. — L'antique maison de Gri-
maldi porte : fuselé d'argent et de gueules. — Elle a possédé la
principauté souveraine de Monaco, le duché-pairie de valentijiois
— 449 —
mission d'administrer les affaires de Montmajour pen-
dant que d*Ornano, poursuivait sa carrière sur divers
champs de bataille (4).
Il ne sera peut-être pas sans intérêt, puisque le nom
d'Alphonse d'Ornano est placé par quelques-uns au
nombre des abbés du monastère, de donner ici quelques
détails sur sa famille et sur lui-même (2).
Fils de Sampietro Corse, dit BasteHca, et de Vanina
d'Ornano, qui périrent l'un et l'autre de mort violente,
Alphonse abandonna son nom pour prendre celui de sa
mère. Elevé h la cour d'Henri II comme enfimt d'hon-
neur des princes, il embrassa le parti de Henri III
pendant les guerres de religion. Après la mort de ce
prince, il fut un des premiers h reconnaître Henri IV,
s'unit avec le connétable de Montmorency et avec Lesdi-
guières pour faire rentrer dans son obéissance Lyon,
Grenoble et Valence. Chevalier des ordres du Roi le 7
janvier 4595, lieutenant-général en Dauphiné, puis
et de nombreuses terres en Provence, parmi lesquelles les mar-
quisats de Courbons et des Baux. — La maison de Matignon lui a
été substituée en 1731.
(1) On trouve aux écritures de Maurice Vincent, notaire d'Arles,
ann. 1591. une sommation faite par le capitaine Antoine Gpos-
Boucicault à Claude Amodry, vicriire et religieux du Monastère,
Mgnifiée à la requête d-i cardinal de Lorraine, abbé de Montmajour.
Mais cette qualification n'est donnée à Charles de Lorraine qu'à
cause d'une assignation des revenus de l'abbave, faite en sa faveur
par le duc de Mayenne, lieutenant-général du Royaume.
(2) La famille d'Ornano touche à divers titres à la Provence ;
d'abord par les alliances qu'elle a contractées avec les maisons de
Ponlevès-Flassans, de Raymond- Montlaur, d'Adhémar de Grignan ;
ensuite parce qu'elle a possédé le fief de Mazargues, près Marseille.
Cette terre fut apportée par Marguerite d'Ornano, petite fille
d'Alphonse, marécnal d'Ornano, et fille d'Henri-François-Alphonse
d'Ornano, gouverneur de Tarascon et du Pont-Siint-Eiiprit, à son
mari Louis-Gaucher d'Adhémar de Castellane-Grignan. A la Ré-
volution, Mazargues était possédée par la famille de Gantel-
Guitton.
Les armes de la maison d'Ornano sont : écartelé ; aux l" et 4"*
de gueules au château donjonné d'argent ; aux 2""* et 3"' d'or au lion
de gueules, au chef d'azur chargé d'une fleur-de-lis à' or.
— 420 —
maréchal de France le 6 Septembre suivant, il fut pourvu
en octobre '1597 de la lieutenance-générale du gouver-
nement de Guyenne.
La mort de Dominique de Grimaldi laissant Montma-
jour sans chef régulier, le roi nomma pour lui succéder
Guillaume de Corty, d'une famille de Corte dans l'île de
Corse, qui était probablement désigné par le maréchal.
Guillaume était chanoine et camérier de Téglise d'Agde,
et aumônier du duc de Montmorency. Un acte émané de
Messire Bernard du Puy, évêque et comte d'Agde, atteste
qu'il vivait fort saintement et qu'il était « fort charitatif
« pour les pauvres de Jésus-Christ, leur eslargissant
« abondamment de ses biens et facultés principalement
« aux pauvres religieux et autres pèlerins passants en la
« présente ville et s'en allant en pèlerinage de N.-D de
a Montserrat, Saint-Jacques et autres lieux, les noris-
« sant et logeant dans sa maison... >> Sa nomination ne
fut pas agréée par Clément VIII, qui, le 28 Octobre
1592, désigna pour administrer Tabbaye Guillaume
d'Avançon, archevêque d'Embrun.
En ce temps de trouble général, le paisible monastère
ressentit le contre-coup inévitable des commotions ter-
ribles qui agitaient le pays tout entier. Le 4 Avril 4593
une troupe d'hommes armés sous la conduite du capi-
taine Piquet l'envahit, et les moines durent chercher un
refuge h leur prieuré de Saint-Julien d'Arles.
Le maréchal d'Ornano fît citer l'archevêque d'Embrun
à la barre du Grand-Conseil. L'arrêt rendu par ce tri-
bunal suprême confirma Guillaume de Corty dans ses
prétentions ; une lettre d'Henri IV dans le même sens
ne contribua pas médiocrement à l'enhardir. Par une
nouvelle bulle, le pape ordonna sous peine des plus
sévères censures de reconnaître l'autorité de Guillaume
— 424 —
d'Avançon (1). Sur ces entrefaites ce dernier mourut :
Corty ne reçut qu'en Tannée 1602 son institution cano-
nique du Saint-Siège (2). Il reçut la mitre dans Téglise
des Carmes à Arles, des mains de l'archevêque Horace
Montani. Il prit possession de son abbaye en 1603 (3).
Nous ne trouvons son nom dans aucun autre acte que la
collation du prieuré de N.-D. delà Mer en 1604. Il
meurt le 24 avril 1608 et est inhumé dans le cloître
près de la porte de Téglise.
Pendant son administration nous ne trouvons qu'un
fort petit nombre de documents intéressant le monas-
tère. Citons néanmoins deux arrêts du Parlement con-
damnant l'abbé h pourvoir h l'alimentation des religieux,
et un acte du 6 janvier 1602 constatant le baptême de
deux cloches, dont Tune du poids de 7 quintaux et 6
livres pour l'horloge.
Au décès de Corty, le maréchal prétendit user de son
droit en désignant pour lui succéder son fils Pierre
d'Ornano, déjîi abbé de Sainte-Croix de Bordeaux.
Celui-ci est en effet désigné sous le nom d'abbé élu
dans divers actes de prise d'habit (4).
Un arrêt du Parlement d'Aix rendu entre lui et Marie
de Luxembourg , princesse de Martigues , décharge
Montmajour de l'obligation de prêter hommage h la prin-
cesse, mais reconnaît a celle-ci la haute justice h Marti-
gues, et donne la préséance h ses officiers sur ceux de
l'abbaye. Toutefois il est décidé que Montmajour aura
son carcan, pourra mettre ses armes sur ses mesures,
et que le guet sera fait h Jonquières par son bailli. Mais
(1) 17 mai 1597.
(2) Bulle du mois d'août 1502.
(3) Acte du 22 mars 1603, Privil, 160.
"(4) 19 jauvier, 30 septembre et 7 octobre 1G12.
— 422 —
Pierre d^Ornano n'ayant jamais été institué, fut con-
traint de céder la place à son frère Joseph-Charles.
Joseph-Charles d'Ornano est le dernier des fils du
maréchal Alphonse d'Ornano et de Marguerite-Louise
de Grasse de Pontevès-Flassans. Il quitta Tétat ecclé-
siastique pour être maître de la garde-robe du duc
d'Orléans. Jean Sicard ou de Sicard, son ancien précep-
teur fut d'abord son é;3onome à Montmajour. D'Ornano
résigna son bénéfice en sa faveur lorsqu'il alla vivre k la
cour, en 1616, et sa démission fut acceptée par le
roi (1).
On nous permettra de revenir quelque peu en arrière
pour relater certains actes dignes de mention ; d'abord :
un certificat de visite des reliques de Saint-Antoine h
Arles en date du 26 Mai 1609. Parmi les témoins, outre
les chirurgiens et médecins régulièrement requis, figu
rent Mathieu Amodry et Gabriel de Camaret qui se qua-
lifient, l'un rentier des ablations de S aint-- Antoine, l'au-
tre capitaine de la ville et de Monseigneur Saint-Antoine.
Nous citerons ensuite le rôle de la besongne d'Igonnet,
orfèvre d'Arles, qui fait une fiveure pour retenir la tête
de Saint-Antoine et l'empêcher de tomber, a cloue le
« corps du dit saint avec sa platine de cuivre pour y
({ reposer les saints ossements », met une clochette d'ar-
gent au col à un des petits porceaux « qu'il n'y avoit
« point, laquelle clochette avoit été donnée par une bonne
« femme... » remet toute la châsse en coVeur, dispose
a au-dedans deux pans de trelis rouge pour garder que
{\) 16 novembre 162S. Privil. 167. — Jean Sicard transige en
1620 avec le chapitre de Montmajour en qualité d'économe géné-
ral élu par S. M. au régime de l'abbaye. Il reconnaît et conûrme
l'abandon fait par Claude de Poitiers de sa moitié sur les marais et
pâtis de Trébon ; mais les autres terres et les paluds vers Cordes
et Arles sont reconnus indivis entre Tabbé et le chapitre. (Acte
d'Arfeuille, not., Reg. des actes de Montmajour côté B-^r^b v*.)
— «3 —
c les saintes reliques ne se perdent et la remonte une
« pièce après Tautre, comme il étoit auparavant (4). »
Jean Sicard auquel Joseph- Charles d'Ornano céda
Montmajour était né à Tallard en Dauphiné ; il avait
d'abord été nommé abbé de Villeneuve-lès-Avignon (2).
Investi par bulles du vice-légat d'Avignon en date du 20
Avril 4625, il prit possession de son nouveau bénéfice
le 10 Mars 1626. Il s'en serait démis dès Tannée sui-
vante selon le Gallia Christiana (3). Sicard mourut à
Avignon le 1**^ mars 1634.
XIII.
Suite des abbés de Montmajour. — Construction d'un
nouveau monastère.
Camille Savary de Brèves fut pourvu de lacommende
de Montmajour en 1629. Il était fils de François Sava-
ry, comte de Brèves, ambassadeur de France près la
Porte-Ottomane, puis en cour de Rome, et d*Anne de
Thou (4). Quatre ans après il transmettait ses àroits à
son frère Gaston-Jean-Baptiste.
Pendant l'administration ' purement nominale de
Camille, le prieur du monastère fut atteint de la peste.
Les religieux s'éloignèrent -pour fuir la contagion;
comme ils se trouvaient fort nombreux à Arles, ils
y passèrent les mois d'avril et mai \ 630, faisant leurs
offices au prieuré de Saint- Antoine. Ils retournèrent à
l'abbaye le 1®' juin suivant.
(1) 8 juin 1618.
(2) Après des labeurs infinis, il réforma ce monastère en 1608 et
le gouverna pendant près de 30 ans (F. l'Hist, de Saint-André de
Ft7/cneat;6,parD.Chantelou.m5./a/.nM3916,B*WiotA.iVatton.,f<»107.)
(3) I, 618.
(4) Savary porte : écartelé d'argent et de sahl$.
— 424 —
L'âbbé dont nous parlons fut condamné en 1631,
par arrêt du Parlement d'Aix h fournir une chapelle ou
ornement de satin à la sacristie de Montmajour (1).
Nous avons dit que Gaston-Jean-Baptiste Savary de
Brèves succéda à son frère. Au bénéfice qu'il reçut
de lui, il joignit les abbayes de Grestîn, de Saint-
Gidan, de Ruis et de Gimont et la charge d'aumônier du
roi (2).
Son procureur, Jean de Pietrequin, abbé et seigneur
de Saint-Geosme, docteur ès-droits et protonotaire
apostolique, reçut le 22 juillet 1638, signification des
lettres du Roi qui donnaient à Tarchevéque d'Arles le
pouvoir de réformer les maisons religieuses de son dio-
cèse (3). Le 22 mars 1639, en effet, Jean Jaubert de
Barrault, archevêque d'Arles, primat etpHnce, se trans-
portait à Montmajour en compagnie des consuls de la
ville et faisait faire le dénombrement des religieux et la
reconnaissance des biens du monastère, avant de com-
mencera le réformer. Par un actedu4 avril 1639 (4)ilfut
décidé que dom Guillaume Gérard, visiteur-général des
Bénédictins de la Province de Chezal-Benoist, et dom
Gérard deSaleux, abbé régulier de Saint- Allyre seraient
chargés de cette réforme. On régla en même temps, dans
ce concordat, que Tabbaye serait affiliée k la congréga-
tion de Saint-Maur, sans suppression pourtant de la
dignité abbatjale : les anciens religieux devaient avoir
en toute occasion préséance sur les nouveaux ; et la
conservation de leurs offices était assurée aux dignitai-
(1) Arrêt du 23 juin 1631. {Arch. Dép.)
(2) La Chesnaye-Desbois, T. XVIII, col. 341.
(3) Les lettres de commission données par le roi à Tarclievdque
d'Arles, en date du 17 mars 1637 sont au registre des actes de 1638
à 1649/^ 5. Arch, Dép,, fonds de Montmaj.
(4) Acte d'André, notaire à Arles, même registre, /^ 9. — Ce con*
cordât fut homologué par le Parlement, le 13 octobre 1639.
res, leur vie durant. Enfin des pensions étaient consti-
tuées pour tous ces anciens religieux.
L*abbé de Brèves adhéra à ce concordat, puisque le
iî décembre suivant, son procureur conclut un accord
avec dom Antoine Espinasse, de la congrégation de
Saint*Maur (1).
Un arrêt du Parlement confirma Montmajour dans la
possession de toutes les terres comprises dans les limi-
tes arrêtées par Pierre d'Acigné en 4408 (2).
Nous apprenons «par un ajournement signifié le 1 1
janvier 4641 au monastère, à la requête des consuls
d'Arles, que les Bénédictins réformés avaient voulu
s'aflFranchir du cérémonial solennel observé par leurs
devanciers aux deux processions de Saint-Antoine. De-
puis 4490, le chapitre de Saint-Trophime saluait la
châsse du saint à son arrivée sur la place du Marché;
devant la primatiale, et faisait chanter un oiotet en son
honneur. Aussitôt iiprès, les religieux de Montmajour
d répondaient au salut par une musique préparée à
« leurs frais et despens avec le plus de seing et dV.s-
« clarqui leur est possible. » C'était l'abbaye qui de-
vait fournir aux consuls les flambeaux qu'ils tenaient
autour de l'insigne relique portée par quatre vénérables
ermites (3). Nous verrons bientôt renouer la chaîne de
cette vieille tradition.
Immédiatement après J.-B.-Gaston Savary de Brèves,
la France pontificale place Armand-Jean du Plessis,
l'illustre cardinal de Richelieu. Moréri cite en effet
(1) Acte de Grognard, notaire à Aix, (V, Reg. des actes de 1638
à 1649, f 34, Arch. Dép.)
(2) Arrêt du 31 aoflt 1639. — Cet arrêt est transcrit à la fin de
rinvenlajre rouge de Montmajour, Arch. Dép,
(3) Discours des offices de justice et municipaux tant anciens
que modernes de la ville d'Arles .. . Arch. Dép, Fonds Nicolay,
38, n- 29.
— 426 —
Montmajour parmi les nombreux bénéfices qui lui
étaient attribués. Le Dictionnaire Historique de Feller
n'en parle point, non plus que les travaux d'Aubéry et
de Leclerc sur l'éminent homme d^Etat, et les articles
généalogiques du P. Anselme et de la Chesnaye-Des-
bois. Nous n'avons trouvé au fonds de la Cour des Comp-
tes aucune trace de serment prêté par le cardinal pour
être mis en possession de Tabbaye arlésienne.
Nous préférons donc avec Chantelou et le Gallia
Christiana donner Alexandre Bichr comme successeur
immédiat à Jean-Baptiste-Gaston. Ce parti nous semble
le plus sûr. En effet l'historien de Montmajour nous
dit qu^en1643 une permutation eut lieu entre Savary
et Alexandre Bichi. Ce dernier abandonna Tabbaye de
Ste-Marie de Corneville, diocèse de Rouen, en échange
de celle de Montmajour, que le voisinage de son évê-
ché de Carpentras lui rendait bien plus avantageuse.
Alexandre était issu d'une illustre famille de Sien-
ne (1), D'abord pourvu d'un évêché en Italie, il fut
nommé en 4 630 à celui de Carpentras et chargé de la-
haute mission de nonce apostolique près la cour de
Louis XIIL La distinction avec laquelle il s'acquitta de
cet emploi lui valut la pourpre romaine en 4633. Il avait
en même temps su mériter Pestîme et la confiance
du roi, qui le combla de bénéfices et recourut à lui pour
mettre fin à la ligue des princes italiens contre le Saint-
Siège. Son attente ne fut pas trompée : l'entremise du
cardinal amena la conclusion d'une paix désirée. Il mou-
rut à Rome le 25 mai 1657, et fut inhumé dans l'église
(1) Bicbi porte : de gueules à une colonne d'argent, le chapiteau ^i
la base d'or, entortillée d'une bisse ou givre d'a%ur, halissant de sino-
pie. Cependant V Armoriai universel de Segoing donne poar armes
au cardinal Bicbi, d'or^ à la tête de lion arrachée de sable ; au chef
cousu d'or y chargé d'une aigle éployée de sable qui est de VEmpire,
— «7 —
de Sainte-Sabine au Mont-Aventin, dont il portait le
titre presbytéral (4).
Un acte d'accord fut passé en présence de Thomas de
Cohorne, vice-recteur du Comtat-Venaissin , entre
Alexandre Bichi, les anciens religieux de Montmajour
et les bénédictins de la réforme de Saint-Maur. Pour
mettre fin aux différends qui s'étaient éle\^^larmi eux,
les réformés déclarent par cet acte tempour nulle
leur introduction dans l'abbaye en 4639 f feoUSentent à
payer fidèlement aux anciens religieux ^^5' pensions
constituées en leur faveur, et h se charger (WJl'entretien
ctu monastère et du service de l'église, <nîuquel ils
« affectent au moins douze religieux de cîfoëCur, sans
« compter les frères-lais. » Ils s'engagent à établir à
Montmajour un collège destiné k recevoir quinze éco-
liers de la ville d'Arles, à ne choisir aucun prieur saùs
l'aveu de Tabbé, et remettent à celui-ci le droit de col-
lation des bénéfices. On lui abandonne de plus les ter-
res conquises sur les marais, le droit de pêche sur les
portions qui n'avaient point encore été desséchées. A
ces conditions l'abbé déclare de son côté avoir pour
agréable l'introduction des Réformés dans le monas-
tère et promet de leur payer annuellement une somme de
quinze cents livres (2).
En 4647, les marguilliers de l'église de Saint-Julien
et Saint-Antoine, à Arles, ayant l'intention de la recons-
truire, en sollicitèrent la permission du chapitre de
Montmajour. Cette assemblée ne se borna pas k autori-
(1) Ciaconius, Vita et resgestœ Pontif. Roman, etS.R.E. Cardinct-
Hum, Tome IV, col. 589. — Les succôs diplomatiques du cardinal
Bichl le firent choisir pour négocier la mise en liberté du comte
d'Alais, gouverneur de Provence, détenu à Aix pendant les trou-
bles de la Fronde en 1649. (V. Bouche, Tome II).
(2) Concordat du 1 1 janvier 1646.
— 128 —
ser la réédifioation de Téglise ; elle abandonna même
le terrain nécessaire pour son agrandissement.
Nous devons mentionner ici la fondation de deux ser-
vices faite par Michel Lucas, seigneur de Sarlay ; Tun
qui devait être célébré après sa mort, h Montmajour,
pour lui et sa femme Marie de la Thuille, Tautre pour
le reposdaiiyp^ du roi Louis XIII, qui Ta vait chargé par
testament a'0 assurer la célébration (1).
Le 1 6 novembre 4 657, Montmajour transigeant avec
les chanoines de Coriolis et de Cormis, pourvus de la
prébende dlstres, leur abandonne la dîme sur les ter-
res dépendant du prieuré de Saint-Pierre-de-la-Mer
et reçoit en échange 250 livres de pension.
Charles Bichi, neveu d'Alexandre, lui succéda dans
son abbaye, nous ne savons précisément à quelle épo-
que. 11 en fut dépouillé sous Innocent XI pour avoir
refusé de se conformer à Tordre du comte de Beauma-
noir-Lavardin, ambassadeur de France, qui lui avait
enjoint de placer les armes de France sur la porte de
son palais à Rome (2).
Il n'eut jamjais avec ses moines que des rapports fort
difficiles et se plut h leur susciter d'incessants embar-
ras. 11 les fit condamner par arrêts du Parlement, à lui
faire porter chaque année la tête de l'esturgeon que les
pêcheurs d'Arles leur donnaient en redevance (3) ,
et à restituer aux archives du monastère des titres qu'il
prétendait avoir été enlevés (4). Après de longs débats,
li consentit h traiter avec Montmajour (5). Plus tard, èur
(1) Acte reçu par de Bierme et de Beaufort, notaires au Châtelet
de Paris, le 26 juillet 1656.
(2) Vitœ et res gestœ Pontifie, Romanorum et S. R. E. Cardinalium,
de Marco Guarnacci, Tome I, col. 355.
(3) Arrôt de 166i, 4 avril. {Arch. Dép.)
(4) Arrôt du 23 juUlet 1664. (Àrch. Dép,)
(5) 5 janvier 1665.
— 429 —
les réclamations des moines, le contrat passé en 1 646
avec le cardinal Alexandre fut rescindé pour cause de
lésion, comme détournant Tabbaye de la destination que
ses fondateurs lui avaient assignée en y fondant un col-
lège, et, en même temps, comme faisant supporter illé-
galement aux religieux une part des dépenses d'entre-
tien (<). Un nouveau règlement des droits respectifs de
Tabbé et de la communauté fut rendu peu après (2).
Le 17 mars 1665 eut lieu la translation des reliqueâ
de Saint-A)itoine dans l'église de Saint-Julien, nouvel-
lement réparée. Elles furent soumises à Texamen de
deux chirurgiens en présence de Tarchevêque, François
d^Adhémar de Grignan, et de Tévêque de Bethléem : les
consuls d'Arles et le capitaine de la ville assistèrent à
cette visite (3).
Le 13 mars 1675 l'abbaye présenta le dénombrement
de tous ses biens à la Cour des Comptes de Provence et,
le 7 juin suivant, Dom Gilles Benoist, procureur du mo-
nastère, prêta hommage entre les mains du premier pré-
sident Renaud de Seguiran.
Depuis longtemps les religieux se plaignaient de l'in-
salubrité du séjour de leur abbaye. Chaque année rame-
nait la fièvre parmi eux : il arrivait même quelquefois
que les pluies d'automne inondaient les prairies maréca-
geuses qui s'étendent autour du monastère, et en ren-
daient l'accès difficile, sinon impraticable, alors surtout
que la glace empêchait d'y aborder en barque (4). Pour
se soustraire à l'influence malsaine des marais, les
(!) 1686, lettres du 16 juillet aux Arch. Dép.
(2) 24 décembre 1686. — Le Volumineux dossier du procès de
Charles Bichi contre Montmajour existe en entier aux archives
départementales .
(3) Comparant de l'archevêque d'Arles pour les consuls Honoré
de Gleyse. Pierre Vincent et Phil. Battais, autorisant la transla-
tion des reliques. {Arch. Dép.)
(4) Attestation du chirurgien Andhé Jay, 24 dëc 1586.
— 430 —
moines achetèrent k Arles la maison de M. de Meyran
d'Ubaye pour y passer la mauvaise saison. L'archevêque
François d'Adhémar autorisa cette détermination (1).
Les consuls de. la ville se joignirent au prélat pour
attester qu'il y avait un véritable danger à habiter
Montmajour (2). Une enquête fut ouverte à ce sujet
devant Paul-Antoine de Romieu,lieutenant-principal au
siège d'Arles; les hommes les mieux posés de la ville
dans le clergé, la noblesse et le barreau confirhièrent
l'opinion de l'archevêque (3).
Le promoteur de l'officialité d'Arles se plaignit plus
tard de l'abandon à peu près complet où les religieux
avaient laissé l'abbaye « sans considérer ny l'ancienneté
« et saincteté du lieu, ny Tancien usage du service divin
a qui n'y avait jamais été interrompu (4). »
De nouvelles difficultés naquirent en 1673 à l'occa-
sion de la procession de Saint-Antoine. L'archevêque
s'interposa, et à sa prière le chapitre consentit k réta-
blir un corps de musique pour rehausser l'éclat de la
<fête (5), selon les vœux exprimés par le corps de ville (6).
Jean-Baptiste d'Adhémar de Grignan, neveu et suc-
cesseur de François, transigea avec les Bénédictins sur
la nomination des vicaires de Saint-Julien. La provision
de ce bénéfice devait être faite alternativement par Tar-
chevêque et le chapitre de Montmajour. En conséquence
de cet accord, le chapitre, usant le premier de son droit,
conféra le titre de vicaire à Messire Pierre Borel (7).
Le 7 juin 1690, l'abbaye transige avec Pierre- Joseph
(1) Certificat du 11 nov. 1664.
(2) Autre certif. du 12 nov. 1665.
(3) 20 novembre 1664.
(4) RequÔte datée de 1672.
(5) Chapitre du I4fôv. 1673.
(6) Délib. du 12 févr. 1673.
(7) 1697. — Registre de Montm, côté F., f» 128.
— 134 —
de Laurens, marquis de Saint-Martin, pour faire re-
construire l'église de ce village sur un nouvel emplace-
ment. Nous trouvons, à la date du \ 9 novembre 1 698, le
monastère de Montmajour adressant k celui de Lérîns
une sommation pour réclamer le bénéfice d'une substi-
tution faite à leur profit par Guy, comte de Vintimille,
dans le cas où les religieux de Lérins aliéneraient le
château de Sebourg qu'il leur avait donné par acte du
18 mai 954 (i).
A la fin du XVII°"® siècle, une portion considérable
des b&timents de l'abbaye arlésienne menaçait ruine, et
déjà les religieux avait pu prévoir le danger qui devait
sitôt faire parmi eux des victimes. Les murailles du corps
de logis où se trouvaient les infirmeries et l'hôtellerii
s'étaient afi'aisées. Aussi le chapitre, après avoir consulté
les hommes de l'art, craignant a que ce corps de logis
« ruineux venant à s'écrouler, entreinat par sa violence
« une partie des autres bâtimens réguliers, ce qui por-
« teroit un préjudice très-considérable au monastère,
« et ne permettret pas d'y faire de longtemps l'office
« divin, » décida-t-il unanimement la démolition des
constructions dont~il redoutait la chute, sauf l'approba-
tion du général de Tordre (2).
En 1703, un événement affreux vint confirmer les
prévisions des religieux et mettre le deuil dans leur
communauté. Le dortoir et les cuisines s'écroulèrent à
la fois, et trois des moines furent malheureusement
ensevelis sous les décombres. L'effroi que ce malheur
(t) Ibid,fo 163. _ Nous voyons dans certains actes déposés aux
Arcûives Départementales que ce château de Sebourg fut vendu
au roi de Sardaigne par Lérins au prix de 60,000 livres. Mont-
majour renonça à ses droits moyennant 12,000 , qui lui furent
aussitôt comptées en 1728.
(2) Délib, Capitul. du 18 septembre 1699. — Archives Dép. dei
Bouches-du-Rhône .
r
jeta dans l'abbaye fit renaître les projets de reconstruc-
tion agités naguère dans le chapitre.
Malgré Topposition du cardinal Bichi, les moines
hâtèrent Texécution de ce dessein. Le lundi de Pâques
de cette même année, Tarchevêque d'Arles, François de
Mailly,posait solennellement la première pierre des nou-
veaux bâtiments (1). Le plan adopté pour cet édifice
était des plus grandioses : « des pavillons d'un très-noble
style devaient orner le monument en corrigeant la sévé-
rité de sa façade et de vastes terrasses disposées au
Nord et au Midi étaient destinées à en dégager les
abords. » La dépense s'éleva â plus de cinquante mille
écus.
• Cependant Charles Bichi mourut le 7 novembre 1718,
âgé de plus de 80 ans. Comme son oncle Alexandre, il
fut appelé au cardinalat. Il échangea son premier titre
de Santa-Maria-in-Cosmedin contre celui dc^ainte-
Agathe-des-Monis. C'est dans cette dernière église qu'il
choisit sa sépulture (2).
Le Jansénisme qui régnait en maître sur la France,
fortifié par le puissant patronage des Parlements, sut se
glisser dans notre abbaye. Quelques jours à peine après
la mort de Bichi, les religieux, réunis en chapitre sous
la présidence du prieur, s'unissent aux protestations du
cardinal de Noailles, archevêque de Paris, et de divers
autres prélats contre la bulle UMgenitus et interjettent
comme eux appel des décisions du Saint-Siège au futur
concile (3). Ils firent signifier cet appel à l'archevêque
d'Arles, Jacques de Forbin, qui avait ordonné de se
soumettre à la constitution de Clément XL
Ici les notes si sommaires que Chantelou nous avait
(1) Pierre Véran, Eglise d*Arles^ tome 2, p. 48.
(2) Guarnacci, loc, ciL
(3) Délib, Capttul. 30 novembre 1718.
— 433 —
laissées pour continuer depuis le XVI"® siècle le catalo-
gue des abbés de Montmajour, nous font absolument
défaut. Le docte abbé Bonnemant, d'Arles, qui a enrichi
de ses remarques plus d'une page de l'histoire manus-
crite de l'abbaye, nous aidera à compléter cette liste.
C'est en décembre 1718 que Louis-Âloph de Rouault-
Gamacbes fut appelé h succéder au cardinal Charles
Bichi.
Fils de Claude- Jean-Baptiste-Hyacinthe Rouault,
marquis de Gamaches, lieutenant-général des armées
du Roi, et de Louise-Madeleine de Loménie de Brienne,
Louis-Aloph fut créé auditeur de Rote en avril 1714,
puis prieur d'Arbois et conseiller d'Etat (1).
L'abbé de Gamaches, dans les premiers mois qui sui-
virent sa nomination k Montmajour, donna procuration
spéciale à maître Joseph de Roger, docteur et avocat au
Parlement de Paris, pour surveiller contradictoirement
avec l'évéque de Carpentras, François-Marie Abbaty,
représentant des neveux et héritiers de Charles Bichi,
l'expertise qui devait être faîte sur l'état de l'abbaye et
des membres qui en dépendaient. En effet, il fut procédé
h la visite et h l'examen des terres et bâtiments en pré-
sence des délégués des deux parties et du prieur de
Montmajour, dom Guillaume Laparre.
Il nous est impossible de nous étendre sur les détails
du rapport rédigé par les experts Louis Begon. J.-B.
Franque et Guibert. Bornons-nous h dire qu'il constate
le mauvais état des archives et des boiseries du chœur
de l'église. Ajoutons cependant que, lors de la visite des
nouvelles constructions, le procureur de l'abbé de Gama-
ches déclara que Tentretion ne devait aucunement être
(l) La Chesnaye-Desbois, Dict. de la NobL, T. XVH, col. 763.
Rouault porte : de sable à deux léopards couronnés d'or, l'un sur
Vautre,
9
— 434 —
à la charge de son mandant, car la bâtisse moderne
avait été faite « par les religieux, sans le gré et consen-
« tement des sieurs abbés ses prédécesseurs pour estre
« trop somptueuse et trop grande et parce que, de
« Tàvis des gens experts, n'ayant pas été faite selon
« l'art, il peut y avoir danger d'événement fâcheux. . . «
Le rapport signale sur la façade orientale de la tour une
grande brèche faite par un coup de tonnerre quarante
ans auparavant (1 ) .
Un jugement de la sénéchaussée d'Arles condamna
Montmajour à faire assister comme autrefois une musi-
que à la procession de Saint-Antoine. Le monastère, en
considération des calamités publiques, avait en 1709
consacré au soulagement des pauvres les sommes desti-
nées à rehausser l'éclat de cette fête. Appel fut interjeté
par les Bénédictins. Ils n'attendirent cependant pas
l'arrêt du Parlement pour rendre à la pieuse solennité
toute la pompe des anciens jours (2).
Le Portefeuille du chevalier de Romieu^ qui parut h
Arles en 1726, parle d'un incendie affreux qui détruisit
une grande partie des constructions de l'abbaye (3).
Les travaux d'agrandissement, commencés quelques
années auparavant n'étaient pas finis en 1728. Nous
voyons en effet le 10 juin de cette année les religieux
traiter avec Perre et Dedieu, entrepreneurs, pour faire
élever la seconde voûte du grand escalier et les trois
voûtes du corridor et du dortoir.
Montmajour célébra en 1 729 la naissance du Dau-
phin. « Les pieux et scavants solitaires de la congréga-
« tion -de St-Maur », dit une relation contemporaine,
(1) Rapport de mars 1719.
{1} Délib, Capitul 10 novemb. 1719 ; — Arrêt du 20 nov. 1719.
(3) Le rapport d'experts de 1736 évalue à 40,000 livres le dom-
mage causé par ce sinistre.
— 435 —
c ont montré dans cette occasion, comme dans beau-
tf coup d'autres, qu'ils n'ont retenu des idées du mon-
« de que ce que les livres saints permettent et ordon-
• nent même d'en garder, je veux dire l'amour et le
« respect pour le souverain (1 ). »
Louis-Aloph de Rouault-Gamaches mourut à Rome
âgé de 47 ans. Il fit son légataire universel le second fils
de son frère, le marquis de Cayeu.
En février 1135 Claude -François Roger de Mont-
boissier de Beaufort de-Canillac (2) fut appelé à lui suc-
céder comme abbé de Montmajour.
L'abbé de Canillac (c'est sous ce nom qu'on le con-
naissait généralement) était né à Brioude en Auvergne,
du mariage d'Ignace de Monlboissior de Beaufort de
Canillac et de Louise Motier de Champetières. La no-
blesse de sa maison lui ouvrit les portes du chapitre de
Brioude le 3 août 1712 ; il fut admis plus tard à celui
de Lyon (27 avril 1716). Ce prélat fut comblé d'hon-
neurs et de bénéfices. Nous le voyons en effet nommé
successivement abbé de Barbeaux (diocèse de Sens) le 8
janvier 1721 ; auditeur de Rote pour la France en juil-
let 1733; abbé de Cercamp en avril 1739, de Fécamp
en 1745; conseiller d'Etat et commandeur des ordres
duRoien1753(3).
Un jugement du lieutenant au parc civil du Châtelet
(1) Relation de ce qui s'est passé à Arles, à l'occasion de la nais-^
sance de Monsieur le Dauphin, page 13.
(2) Moniboissier de Beauforl-Canillac porte : écartelé aux 1" et
4« d'argent à la bande d azur, accompagnée de 6 roses de gueules bou-
tonnées d'or, mises en orle, qui est de Rog'er de Beaufort; aux 2*
et 3* d*axurau lévrier rampant a'argent; à la bordure crénelée d'or,
qui est de (.Janillac : s^ir le tout: d'argent semé de croisettes de sabie^
au lion de même brochant sur le tout, qui est de Montboissier.
(Z) Dict. de la Nobl. T. XIV, col. 122, etc —Un des ancêtres de
l'abbé de Canillac, Jacqiies de Montboissier succéda aux titres,
noms et armes de l'ancit-nne et illustre mnison de Beaufort qui a
Sossédé la vicomte de Turenne et a donné à l'Ej^lise les papes
lémenl VI et Grégoire XI.
— 136 —
de Paris ordonna la visite des bâtiments de Tabbaye le
17 septembre 1735. En exécution de cette sentence,
Denis de Villèles, avocat en la Cour, les sieurs Franque,
architecte d'Avignon , et Imbert, géomètre d'Arles, furent
nommés experts et procédèrent à Texamen prescrit en
présence de M. Pierre Lenier, procureur des hoirs de
Gamaches, et de M. Royer, fondé de pouvoir de Tabbé
de Canillac.
Parmi les dires consignés dans leur rapport, nous
trouvons la demande formulée par les bénédictins pour
l'achèvement de la grande église. Ils disent « qu'elle ne
« devoit pas rester imparfaite, puisque le dessain était
« fait en forme de croix latine et qu'elle n'est pas mê-
« me en forme de croix grecque, puisque les bras de
« la croix sont aussi longs que la nef en son état pré-
a sent, la porte se trouvant trop sur l'autel qui est à la
« Romaine. . . » Les experts évaluent à 20,000 livres la
dépense nécessaire pour prolonger l'église et élever
une façade.
L'avocat Royer se plaint de l'état où l'on a laissé le
château du Castellet « dont il ne reste que quelques
« murailles délabrées » et qui était autrefois la maison
de plaisance des abbés (1 ) .
Un arrêt du Parlement contraignit Montmajour à
justifier de son droit sur le premier esturgeon péché
chaque année dans le bas Rhône, h peine de déchéan-
ce (2) .
Le 15 décembre 1746 les consuls de Tarascon, con-
sidérant que la construction de la nouvelle église pa-
roissiale de Saint-Jacques obligeait la ville à démolir
quatre maisons soumises à la directe de Montmajour,
(1) Rapport du 8 août 1736*
(2) 12 février 1740i
— 437 —
s'engagèrent à payer au monastère la pension annuelle
perpétuelle et féodale de 11 livres 17 sols 11 de-
niers (1).
Nous voyons Tannée suivante les religieux traiter
avec Pierre Perre, entrepreneur de la ville d'Arles,
pour lui faire construire Tescalier qui devait conduire à
la terrasse du nord, et prolonger les deux façades. Ils
conviennent pour le premier travail du prix de 5,600
livres ; ils fixent pour l'autre celui de 19,800 (2).
Les constructions faites par Perre ne présentèrent
pas la solidité désirable ; car nous trouvons plus tard
dans les livres de l'abbaye les réclamations du père
syndic se plaignant du peu d'épaisseur des pierresde taille
employées et de leur inégalité, et surtout de ce que des
pierres et des arceaux du nouveau bâtiment portent
dans le vide (3).
Les dépenses si considérables nécessitées par l'agran-
dissement du monastère avaient fait perdre de vue aux
religieux le dessein, longtemps caressé, de construire une
autre église. L'éloignement de l'ancienne leur avait fait
adopter pour y chanter tous leurs offices, sauf la grand'
messe et les vêpres, une chapelle intérieure. Mais ils
ne voulurent pas renoncer absolument k ce projet, et
consultèrent divers architectes pour savoir s'il serait
possible ou de rendre l'ancienne église plus commode
et moins exposée aux intempéries de l'air, ou d'en cons-
truire une autre à la suite des bâtiments nouvellement
élevés.
On aurait dû, en suivant le premier plan, achever les
trois travées qui manquaient à la grande nef et établir à
(1) Liasse 1654-1677. Archives départementales des B .-d.-Rh.
(2) Prix-faits en date des 27 janvier et 19 déc. 1747.
(3) 16 novembre 1752.
— 438 —
l'extrémité un cbœur en forme de tribune, dont le niveau
aurait été le même que celui du couvent. En s'arrétant
au contraire h l'autre, la nouvelle église devait être éle-
vée à Textrémité du monastère nouveau. Les Bénédic-
tins prirent vivement parti pour ce dernier plan, et une
diète générale de Tordre les autorisa à faire commencer
incessamment les travaux nécessaires.
XIV
Le cardinal de Rohan, dernier commendataire de Mont-
majeur. — Sécularisation de Tabbaye. — Partage de
ses terres.
L'abbé deCanillac mourut le 27 janvier 1761 . Louîs-
René-Edouard, prince et cardinal de Rohan (1),quidevait
être le dernier titulaire de l'abbaye de Montmajour, don-
na procuration à l'abbé de Champorcin, chanoine d'Ar-
les, pour en prendre possession en son nom. Au procès-
verbal dressé le 20 novembre par Chabran, notaire, figu-
rent comme témoins le bailli de Grille, lieutenant-géné-
ral des armées du roi, les abbés de Grille-Robiac et de
Beaujeu, chanoines de Saint-Trophime.
Louîs-René-Edouard, prince de Rohan, était né en
1 734 d'Hercule-Mériadec de Rohan, prince de Guémé-
née, duc de Montbazon, et de Louise- Gabrielle- Julie de
Rohan, sa cousine. Abbé de Saint-Waast, puis de la
Chaise-Dieu et de Montmajour, il fut de bonne heure
sacré évêque in-partibus de Canope et attaché com-
(1) Rohan porte : de gueules à 9 mâcles accolées d'or, qui est Rohan;
parti a' hermines, qui est Bretagne. — Comme ôvôqne de Stras-
bourg, et, en cette qualité, landgrave d'Alsace, le cardinal posait
cet écu sur le tout des armes suivantes : écartelé aux 1*' et 4* de*
de gueules à la bande d*argent, remplie de sinople qui est de Tévd-
che de Strasbourg; aux z* et 3* de ffueules à la bande d*argent^
remplie de sinople^ et fleuronnée d'or qui est d'Alsace.
— 439 —
me coadjuteur à son oncle le prince Louis-Constan-
tin, évêque de Strasbourg, auquel il succéda plus
tard. Envoyé comme ambassadeur de France à la cour
devienne, a il ne réussit, »dit M. de Lescure, a qu'àmé*
« contenter également Timpératrice Marie-Thérèse et
a la Dauphine Marie-Antoinette .... Un des premiers
« actes du règne de Louis XVI fut le rappel du prince
« deRohan. .. Placé par le nouveau règne sous le
a coup de représailles souveraines, il parvint cependant
« à surmonter des obstacles qui paraissaient insur-
<K montables, grâce à Tactive influence de madame de
ff Marsan, qui avait gardé sur le roi un ascendant justi-
« fié par son nom, ses services et sa piété. 11 fut nom-
ce mé grand aumônier malgré la Reine et reçut par la
« désignation du Roi de Pologne Stanislas Poniatowski
« le chapeau que Louis XVI préféra demander pour
« Tarchevêque de Rouen (1). p D'audacieux escrocs
surent lui présenter l'achat du trop fameux collier de
diamants de Boehmer, comme un moyen de rentrer en
grâce.
L'éclat donné par les ennemis de la royauté à cette
déplorable affaire obligea la cour à en déférer le juge-
ment au Parlement. L'arrêt qu'il rendit le 31 mai 1685
condamna M"* de la Motte et son mari au fouet, à la
marque et k la détention perpétuelle. Le cardinal fut
acquitté. Mais son absolution par des magistrats comme
dEsprémesnil et le futur conventionnel Hérault de Sé-
chelles inaugurait cette résistance parlementaire qui, dit
M. de Lescure, sera V avant-garde factieuse de la Révo-
lution.
Le cardinal fut exilé dans son abbaye de la Chaise-
Dieu. L'historien de la Reine dit de lui, après les mé-
(1) Marie-Antoinette et sa famille par M. de Lescure. p. 239, et s.
— 440 —
moires de Besenval, « qu'il fut plus malheureux que
a coupable, plus dupe que fripon, plus victime que
« complice, » etquUl fit a oublier pendant la Révolution
a par les services les plus méritoires et les exemples les
« plus édifiants le crime d'une falale crédulité. » (1)
Nous avons hâte de revenir aux affaires de Montma-
jour. Selon l'usage précédemment suivi, une expertise
fut ordonnée par arrêt du Conseil (2) pour constater
l'état du monastère et de ses dépendances. Le rapport
dressé par Ripert, avocat, Vincens, bourgeois, et Lenice
procureur au siège d'Arles désignés aux termes de cet
arrêt relate Texistance de nombreuses lézardes dans les
murs du nouveau monastère. Il fait mention des amélio-
rations apportées par labbé de Ganillac dans la culture
des terres de l'abbaye, notamment h Pertuis et à Font-
vieille, et des réparations qu'il fit faire aux divers bâti-
timents de Montmajour.
Le marquis de Jarente ayant obtenu du roi la permis-
sion d'établir une madrague à pêcher le thon près du
lieu appelé la Couronne , l'abbé et le chapitre de Mont-
majour qui étaient seigneurs de ce lieu lui firent tenir
un acte protestatif alléguant les droits analogues anté-
rieurement conférés à Charles Bichi par lettres paten-
tes de 1672.
Parmi diverses pièces de minime intérêt nous trou -
vons la trace d'un curieux procès intenté à l'abbaye. Le
chapitre de St-Trophime d'Arles assigna les religieux
devant la sénéchaussée d'Arles pour leur faire défendre
de se faire précéder aux processions de St-Ântoine ou
dans toute autre cérémonie, d'un bedeau porteur d'une
(1) Mariê'Antoinette et sa famille, p, 240. Le cardinal mourat le
17 février 1803 à Ettenheim. 11 s'était démis de son évêthé pour
ne pas entraver la conclusion du concordat.
(2) Ârrdt du 30 décembre 1761.
— 441 —
masse. Le lieutenant-civil prononça une sentence en fa-
veur des Bénédictins. Mais le chapitce mécontent en ap-
pela ; il fallut que Tarchevêque Mgr de lumilhac, inter-
posât sa médiation. Un accord fut signé le 19 février
4768 : il réglait que le bedeau de Montmajour conser-
verait son ancien costume, mais devrait remplacer sa
masse par une simple baguette.
Le cardinal de Rohan érigea en arrière-fief dépendant
de la seigneurie de Miramas les domaines de Louis
Amphoux, de St-Chamas, (1) sous le nom de Belleval de
Rohan, Un arrêt du parlement d'Aix en date du 7 mars
1771 maintint Gaspard-François Amphoux, neveu du
précédent, dans tous les droits de la chasse et de la
pêche au dit bien.
La juridiction du plan de Meyran, tlot situé entre
Jonquières et Tlsle, à Martigues,fut en 1774 l'objet d'un
procès dont nous ignorons le dénouement. Les pêcheurs
de la ville soutenaient que les droits de Montmajour se
bornaient à Jonquières. Le prieur de Tabbaye établit que
le fief de Jonquières s'étendait jusqu'au canal de Caronte
<x usque ad grassile de Corrente » dès 1292. Il cita la
requête adressée au juge de Jonquières parle bailli de
risle en 1 324 pour faire estimer des maisons sises au
Plan-de-Meyran, « m vestro domtmo, » l'enquête de 1 401
qui, indiquant les confronts de Jonquières, englobe l'îlot
dans son périmètre. Jusqu'en 1763 on avait payé aux
prieur de l'abbaye les droits de lods pour les maisons
du Plan.
Bientôt la dernière heure de Montmajour va sonner.
Un bievet de Louis XVI en date du 24 septembre 1786
prononce en effet la suppression à perpétuité de son
titre, et unit les biens, droits, profits et revenus qui en
(1) Acte d'Amand et Delage, notaires au Châtelet de Paris,
reçu le 13 avrU 1765.
— 442 —
dépendent à Tarchevêché d'Arles et aux évêchés de
de Vence et de Glandèves de la manière suivante : le
chef-lieu de Tabbaye avec les terres et seigneuries de
Fontvieille, Miramas et Jonquières sont joints k la mense
archiépiscopale d'Arles ; Vence recueille les terres et
seigneurie de Pertuis, sous la clause d'une redevance
en faveur de l'évêque de St-Paul-Trois-Châteaux ; Glan-
dèves hérite de Pélissanne, de Châteauvert, du Val et
de Roquebrune.
L'archevêque d'Arles, l'illustre Mgr du Lau, que la
fureur révolutionnaire devait bientôt frapper dans le
massacre des Carmes, et les évoques de Vence, de Glan-
dèves et de St-Paul, Charles-François-Joseph de Pizany
de la Gaude, Henri Hachette des Portes et Pierre-Fran-
çois-Xavier de Reboul de Lambert exposèrent au pape
l'insuffisance des ressources de leurs églises, et, lui repré-
sentant que la démission du cardinal de Rohan laissait
vacante l'abbaye de Montmajour, lui demandèrent d'en
confirmer la suppression déjà formulée par l'autorité
royale (1).
Ils obtinrent de Pie VI une bulle qui consommait en
effet cette suppression et donnait pouvoir à l'official
d'Aix de désigner un eclésiastique pour remplir les
fonctions de défenseur au titre de l'abbaye dans la pro-
cédure contradictoire de commodo et incommodo ouverte
devant la juridiction compétente.
Ainsi, au moment même où va éclater la tourmente
révolutionnaire, Montmajour a déjà fini d'exister comme
abbaye.
Mais ses murs restent encore debout, rappelant aux
hommes de la Révolution le souvenir abhorré de la puis-
sance monastique. C'est assez pour qu'ils enveloppent
(l) 6 août 1787.
— 443 —
le monastère dans leurs édits de ruine. Il ne leur suffit
pas de vendre à vil prix les meubles, les linges, les
cloches et les ornements qui servaient jadis aux pompes
de Tautel. Ils font procéder par des experts ignorants à
.'estimation des b&timents conventuels (1). On les évalue
à 31, < 99 livres. Cette mise à prix ne fut pas couverle à
la première enchère ; plus tard la dame Elisabeth Roux-
Chatelard resta adjudicataire au prix de 62,200 livres.
Ne pouvant payer cette somme, la dame Châtelard fit
travailler à la démolition du monastère et se défit tout
d'abord des boiseries, des balcons et des fers ; une par-
tie des pierres fut employée à construire le pont de
Fourques.
Une nouvelle estimation fut faite en 1793, et le 25
mars les bâtiments furent délivrés sur folle-enchère au
sieur Etienne Roche au prix de 23,100 livres (2).
C'est ainsi que Montmajour a mêlé ses ruines à celles
qu'amoncelèrent sur tous les points de la France le mar-
teau des démolisseurs et la torche des incendiaires
de 93.
La tour était vouée à la destruction ; les vandales
avaient déjà même attaqué le parapet qu'entoure sa
plate-forme. Le peintre arlésien Réattu l'acheta pour
la sauver.
La chapelle de Ste- Croix fut vendue à un pêcheur
pendant la révolution ; il s'y établit avec sa famille. Le
département l'acquit le 1 5 juillet 1 822 au prix de 2 ,500 fr.
et la remit à la ville d'Arles, à la charge de la réparer et
de l'entretenir (3).
Mais l'abbaye artésienne a été moins favorisée que sa
(1) 12 février 1791.
(2) Archives départementales. District d'Arles, reg-, 31, fol. 771,778.
(3) Statist. ëes B.-du-Rhône, tome 2, p. 464. — Studes archéol.,
hist. et statistiques sur Arles, par J. J. Bstrangin p. 244
— <44 —
voisine, celle de St-Victor de Marseille. Si celle-ci a été
dépeuplée de ses moines, elle n'a pas cessé du moins de
retentir des chants sacj'és et le souvenir des martyrs ou
la dévotion k la Mère de Dieu ramènent les foules
pieuses dans ses catacombes. Rien au contraire n'anime
plus Montmajour ; aucun bruit ne vient réveiller ses
échos ; et ses murs, dominant la plaine déserte rappel-
lent au voyageur les monastères qui sont épars dans les
solitudes de la campagne romaine.
DOCUMENTS
I
Omnes Ecolesi» seu Prioratus dependentes a monas-
terio Sancti Pétri Montis-Majoris, O, 8. B , Dioo.
▲relatensis.
(Explicalion des signes d'abréviation : B, ecclesia, EE, ecclesiœ.)
In dioecesi ârelâtensi : Monasterium ipsum S« Pétri cum
pertinentiis suis ; — Gastelletum cum omni territorio suo ; —
Ecclesia S. Isidoriinfra muros Arelaten. civitatissita, cum paro-
chiaetcœraeterio; — E. S» Mariae de Mari, sive deRatis cum
omnib. pertin. suis; — Castrum de Miramas et ecclesise ejus-
dem castri cum omnib. pertin. suis; — E. et Villa S. Genesii
de Ponte, cum pertin . suis ; — E . S. Martini parochialis de
Laura, cum omnib. pert. suis et E. S. Marcellini de Laura; —
E. S. Laurentii, cum omnibus pertinentiis suis ; — E. S. Ro-
mani, cum omnib. pertin. suis ; — E. R. MaridD et S. Jacobi de
Moreriis, cum pertin. suis; — E. de Pelissana, cum pertin.
suis; — E. S. Sereni, cum pertin. suis; — E. S. Pétri de
Mallana, cum pertin. suis ; — E. S. Juliani infra muros civitatis
Arelatensis, cum parochia sua ; — E. S. Romani de Moreriis,
cum omnibus pertin. suis; - E. S. Victoris Fontis-Veteris ; —
E. S. Martini, cum capella de Castro Castilione, in vallo Ralcii ;
— EE. de Valle Olieria, scilicet S. Vincentii, et S. Juliani et
S. Joannis ; — EE. S. Pétri, S. Martini et S. Juliani in loco qui
dicitur Naïharra.
In dicecesi avenionensi: E. S. Remigiide Romanino; — E.
S. Sepulchri de Verqueriis, cum pertin . suis, et cœtera ejusdem
villae; — E. S. Aloanni in territorio Tarasconensi ; — EE. S.
Victoris et S. Joannis de Castro-Bucco ; — E. S. Sulpitii de
Gastro-Rainardo.
In DIOECESI CÂVALLicENCi.'E. S. Pctri de Menamenis, cum
pertin. suis ; — E. S. Joannis de Gleri.
In DIOECESI cARPENTORATENSi : EE. S. Pctri et S* Marise de
(
— 146 —
Paternis ; — E. S. Mauritii de Venasca, cum pertin. suis ; — -
E. S. Laurentiide Mormoronecum pertin. suis ; — E. S. Fidei
cum pert. suis; — Monasterium S. Antonii et medietas castri
de Beduino, cum pert. suis ; — Monasterium de valle Saltus
dictum S . Jacobi, cum pert. suis ; — E . S. Michaelis de Anes-
que cum pert. suis; — EE. S. Martini et S» Marias de Monti-
liis, cum omn. pert. suis etSS* Trinitatis; — EE. S* Marias et
S. Martini, et S. Pétri, et S. Joannis de valle Saltus ; — E. S.
Pétri de Bezolis et medietas ejusdem villas; — EE. de Beduino,
scilicet S* Marias et S. Pétri quas vocatur Monastrol.
In DioECESi VAsioNENsi: E. S. Marias de Fourques, cum omn.
pert. suis; — E. S. Andras de Ramiera, cum pert. suis; —
E. S. Andeoli de Cairana, cum pertin. suis; — E. S. Pétri de
Revello, cum pert. suis; ~E. de Dolone et villa, cum pert.
suis.
In DioBCEsi ARAusicANA : E. S. MarcclUni de Seriniano, cum
pert. suis; — Monasterium monialium S. Andras de Ramiera;
— E. S. Pétri de Valaicha cum pert. suis.
In dioecesi aquensi : E. S. Pétri de Aligne, cum pertin. suis ;
— EE. S. Michaelis et S* Marias de Malamort, cum pertin. suis ;
— E. S» Marias de Boccarossa; — E. S* Marias de Piano, cum
omnib. pertin. suis; — E. S. Stephani de Ronnia, seu de
Ronnis ; — • E. S. Joannis de Salis, autde Sala, cum pert. suis ;
— E. S. Pétri do Mari; — E. S» Marias de Callisana, cum
pertin. suis ; — Monasterium S. Honorati de Rocafrondosa. cum
pertinentiis suis ; — E. S. Joannis de Aculea, seu de Aiguilla,
cum pertin. suis; — E. deVelaus; — E. de Chabres; — E.
S. Pétri de Pino, cum pertin. suis, et certum jus in ecclesia de
Oleriis, et quartam partem ejusdem castri ; — E. S* Marias de
Cezols ; — E. de Belcodenio aut de Belcodenis ; — E. S. Marias
de Baile, aut de Ballo; — E. S. Marias de Tons, cum pert. suis ;
— E. S. Martini de Joucas, cum pertin. suis; — Castrum de
Pertusio, cum omni villa adjacente, et cum omnî territorio culto
et inculte, et omnes ecclesias in eodem castre; — E. S. Marias
de Alimur, aut de Alinieu ; — E. S. Laurentii de Robion, cum
pert. suis; — Monasterium S. Marias Cariloci, cum omnib.
pertin. suis ; — EE. de Castro Relliana S. Pétri, et S» Marias,
et S. Dyonisii, cum pertin. suis ; — E. S. Georgii de Aligno ; —
In castello Istri ecclesias duo ; una S. Pétri sita juxta ripam
stagni, altéra S. Martini ; — EE. Castri Cornilionis et de Calli-
sana, et S. Tyrsii, et de Po , et de S. Sezen, et de S.
Géorgie; — E. S. Honorati de Pino ; — E. de Castro Cabio-
rec ; — EE . S. Pontii et S. Joannis de Sala ; — E. S. Pétri de
Mois ; — E. S Marias de Valle ; — E. S. Laurentii de Peliciana;
— ES. Salvatoris de Vinone ; — E. B. Marias de Vinone ; -^
E. S. Michaelis de Voûta; — E. de Ventabrens; — EE. S.
Pétri apost., S. Joannis-Baptistas et S. Laurentii, in loco Vara-
einis ; — E. S. Stephani de Ungula caballi; — E. S. Pétri, quas
aicitur Hermensis ; — EE. S. Marias et S. Pétri, in territorio
castri de Bucco, in valle quas vocatur Venellis ; — E. S. Ge-
nesii propre Relaniam ; — Ei S. SulTredi vallis Relanias ; — E.
N
— 447 —
S. Martini de ParacoUis, seu de Renacatis ; — E. B. Mariât de
Redorterio ; — E. S» Crucis de Alausia ; — E. de Meyricis ; —
E. S. Trophimi de Villamuris ; — E. villae quae dicitur Alausa,
scilicet S. Desiderii et S. Joannis-Baptistae ; — E. S. Juliani de
Minalena; — E. S. Pétri de Bonazac; — E. S. Salvatoris de
Castello vero ; — E. S. Laurentii de Basalduno ; — E. S.
MariaB de Valanzola ; — E. S Martini de Campis ; — E. S.
Georgii et S» Mari» ; — E. S. Michaelis, quaB est fundata super
mirabiles cryptas ; — E. de Peirollas ; — EE. de Talone ; — E.
S. MariaB de Mallangones ; — E. S. Juliani de Magnanellas .; —
E. SS""» Trinitatis ; — E. parochialis de Falcone; — E. B.
Mari39 de Barlone ; — E. parochialis de Glerias; — EE. de
Villamuris ; — EE. S. Hilanide Paracolis : scilicet B. Mariae et
S. Joannis.
In dicecesi forojuliensi : Monasterium de Correno, cum
omnib. pert. suis ; — E. S. Michaelis de Castro Villaspiscis ;
— Parochia Castri de Rocabruna ; -- EE. cum parochiis suis
castri de Flaciano ; — E. B. Mariae Deauratae; — EE. deBersa;
cum pertin. suis ; — E. S* Mariae de Barjols ; — E. S» Marias
et S. Pétri de Rocabruna; — E. S» Mariae de Spelunca ; — E.
S. Joannis in valle de Luco ; — E. S. Cœciiiae de Arcubus ; —
E- S. Martini de Fraxino; — E. S. Pétri de Turrevis; — E. S.
Mariae de Saletis ; — E. S. Joannis de Saletis, cum villa ; — E.
S. Benedictide Bersa ; — E. S. Martini dePalieres.
In dicecesi regiensi: Monasterium S. Pétri de Stoblono,
cum omnibus pertin. suis ; — E. S. Vincentii de Mesello ; —
E. S. Pétri de Prioleis ; — E. S. Pontii de Castro novo cum
pertin. suis ; — E. S. Martini de Bruneto, cum pert. suis ; —
E. S. Pétri de Ïulero-Villeta, cum pertinentiis suis ; — E. S
Honorati de Palleras; — E. S* Mariae de Villanova. cum
pertin. suis; — E S. Juliani de Mesello ; — E. S. Pétri Cal-
veii, et E. de Castro Rogone et de Castro S. Georgii.
In dicecesi senecensi: Caslrum quod dicitur Noranta, cum
pert. suis.
In dicecesi sistaricensi : E. S. Pétri de Summana, cum
pert. suis; — E. S. Salvatoris de Valbanes, cum pertinentiis
suis.
In dioecesi vapincensi: E. B. Mariae de Antonavis, cum
pert. suis; — E. S. Leodegarii de Jobia, cum pert. suis ; —
E. S. Pétri in villa quae dicitur Marneno.
In dicecesi viènnensi: E. S. Antonii de Mota, cum parochia
sua et omnib. pertin. suis ; postea abbatia, et caput ordinis S.
Antonii; — E. S» Mariae de Montanea; — E. S. Marcellini; — -
E. S. Joannis de Fermentai; — E. S Martini de Vinai ; — E.
S. Pétri de Montelaser, aut de Sona; — E. S» Mariae de Quin-
cevet; — E. S. Desiderii de Castro; — E. S. Cypriani; — E.
S» Mariae Magdalenae de Baen, cum pert. suis ; — E. S. Pétri de
Lausonna ; — E. de Capreriis, cum pertin. suis ; — EE. S.
Evodii, S. Boniti, S. flilarii, S. Salvatoris et S» Mariae de
Lechis.
In dicbces^ gratianopolitana : E. S. Justi ; — E. Castri de
— <48 —
Rovo et dominium ejusdem castri, cum pertin. suis; — EE. S.
Romani de Gravenco, cum pertinentiis, et S. Pétri, et capella
castri Bellivisus; — Monasterium S. Stephani de Naxol, cum
pertinentiis suis, et parochia de castro Isirone; — E. S. Joannis
de Exacco; — E. de Rancurellis; — E. de Commis; — E.
S» MariaB de A!baripa, cum pertin. suis; — E. dePraellis; —
E. S. Boniti de Viliario.
In dioecesi diensi : Monasterium S. Joannis de Royanis ; —
E. S. Martini de Coronellis, cum pertin. suis et aliquid juris in
ecclesia S« MaHae de Auriolo; — E. et parochia de Vaile
Capraria, cum pert. suis.
In dicecesi valentinensi : EE. S. Pétri de Mota, S. Thomae
et S» Marise de Jallana, cum pert. suis ; — E. S» Mariae do
Mannanis; — E. de Cerva; — E. de Podio Rigaudo, cum
pertin. suis.
In diœcesi âptensi: E. S. Marcellini, cum omnibus juribus
et pertinentiis suis, sita juxta Gastrum de Bonils, et ad monas-
tenum quondam S. Gervasii pertinens; — E. S. Pétri de
Vallibus, cum pertinentiis suis; — E. S» Grucis de Auribellis;
— E. S. Stephani de Grau quae est sita in castro S. Saturnini, cum
omnibus pertinentiis suis.
In comitatu vigintimilliensi : Abbatia sancti Appellen, cum
omnibus pertinentiis suis.
EcCLESIiE SEU PRIORATUS QUORUM IGNORAT UR DIOECESIS : E. de
Dolona; — E. de Gugnis; — E. B. Marise de Tufis; — E. S.
Marceliini de Villalaurea.
EcCLESIiE DEPENDENTES A MONASTERIO CARILOCI : E. S. Pctri
de Gredolis; — E. S. Donati; — E. de Rosseto ; — E. S.
Vincentii de Limans ; — E. S. Pauli, subtus castrum S. Mi-
chaelis.
EccLESiiE DEPENDENTES A coRRENO : E. S. Poutii martyris de
Favars; — E. S. Stephani; — E. S. Germani; — E. S. Ste-
phani de Affenollis sive Anellis; — E. parochialis de Blan-
cafort; — E. S. Andreae de Gamdomi ; — E. de Beliomonte;
E. S* Grucis deSigumania; — Ë. SS<>'«" Martini, Stephani et
Pétri de Parozosa.
II
971. -^ Boso et Folcoara, conîuges, dani ecôîesiam de
valle Uliena.
(Charte donnée par Chantelou, Hist. m. s. de Monimajour.)
Auctoritas etenim jubet ecciesiastica et Romana lex précipita
ut quicumque rem suam in qualicumque potestate transfundere
voluerit, per paginam testamenti eam infundat, ut prolixis tem-
poribus secura et quieta permaneat. Igitur, ego, m Dei nomen
Boso, et uxor mea Folcoara, hanc seriem sequentes, conaide-
»•'•*•
— 149 —
rantes gravia nostrorum vulnera sceierum, una pro Dei amore,
et remedio animarum nostrarum, seu et parentum nostrorum,
cedimus atque transfundimus sacrosancte Dei Ecclesie, sancte-
gue Marie Virgini, sanctique Pétri Apostoli in cenobio Montema-
jore, res quasdam nostri juris, que nobis ex progenie parentum
nostrorum legibu s obvenerunt; ^ue sunt ipse res in comitatu
arciatense, in termino in valie Ulieria, Ecclesia sancti Yincentii,
et ecclesia Sancti Juliani, et Sancti Joannis, cum terrîtorio ad
easdem ecclesias pertinente infra bec terminia denominata : ab
Oriente terminât terra Thesberti et Ascherii ; ab Occidente via
publica supra mare ; a Septentrione ipso Bosone donatore cum
via publica; a Meridie et parte occidentali Thesberti terra et As-
cherii, et terra comitale. Quidquid infra hec terminia suprascripta
habere videtur totum et ab intègre donamus atque transfundi-
mus ad monasterium supra nominatum, vel fratribus ibidem
Domino servientibus, in perpetuum, ut teneant et possideant
perpetualiter, omni contraaictione submota. Sane si quis nos, aut
heredes nostri, vel uUa opposita persona, qui contra cessionem
vel donationem insurgere, ire, agere vel inquietare voluerit,
etc Acta donatione ista in monasterio Montemajore publiée,
anno Incarnationis Dominice dcccclxxi, ij' idus Maii, anno
XXXIII régnante Conrado Rege Alamannorum sive Provincie, indic-
tione I. Sig. Boso, et uxor sua Folcoara, qui hanc cessionem
scribere et testibus roborare fecerunt, manibus illorum firma
ac roborata S. Pontius Juvenis firmavit ; frater Lambertus
firmavit. S. Thusbertus firm. S. Ascherius lirm^ S. Isnardus
firm. S. Amalrlcus. S. Pontius firm. S. Jonan firm. S. Ingilran-
nus firm. S. Cavallerius lirin. S. Wichirius firm. S. Wilielmus
firm. S. Wadaldus firm. S. Bonifacius firmavit.
III
977. — Teucinda dat instdam Montis Majoris.
(Arch. des B.-d-Rh. Cour des Comptes. B, 276).
Auctoritas ecclesiaslica precipit, lexque romana exposcit,
ut quicumquo aliquid sua) hereditatis conferre vel transfundere
in aiterius potestale voluerit, per paginam testamenti cam
infundat, quatinus prolixis temporibus absque contrariaetate
ullius persone inconvulsa permaneat. Igitur, ego, in Dei nomen,
Teucinda, Deo devota, considerans meorum peccaminum grava-
mcn, et rcminisccns placidissimam Dei bonitatem, una pro cjus
amore, et remissionc omnium peccatorum meorum, seu etiam
omnium parentorum meorum, tam vivorum quam et defuncto-
rum, atque omnium fidelium christianorum, cedo atque dono
Deo omnipotenti, in cujus manu sunt omnia, et a quo cuncta
procedunt bona, cujus bonitate sum creata, misericordia refor-^
10
— 150 —
mata, miseratione adjuta, et in fine mundi judicanda, et, ut fido,
ab eo suscipienda, Insulam quam Monte Majore vulgus vocitat,
qudB mihi ex commutatione legalium mearum hereditatum cum
voluntate Manassei , archipresulis , et consensu cannonico-
rum legibus obvenit. Et est in commitatu arelatense, ab urbe
eadem miliario et semis. Nec non et Béate Marisa Dei genitrici
et Sancto Petro Apostolorum principi, quorum memoria in
predicta insula veneratur et colitur, et ad monachos qui ibi
nodio sub imperio Moringi abbatis habitant, et in antea sub
quorumlibet abbatum venturi sunt, vel etiam regulariter vivituri,
ut teneant et possideant absque uUius contrarietatem persone.
Caeterum vero, ut dictum est, absque ullius persone admira-
tionem predictum locum cum omnia sibi pertinentia fratres
tèneant et possideant.
Quod si aetiam per tirannica potestate rex, episcopus, cornes,
aut quilibet potestas secularis monachos exinde ejcere vel coii-
trariare, et m sua redigere voluerit potestate locellum pres-
criptum, aut etiam ego, seu uUus de propinquis çarentibus
meis, non valeat vindicare quod reppetit, sed componat in vinculo
auri optimi libras vu, et insuper sua reppetitio nuUum obtineat
effectum, quia in sacris cannonibus scriptum est : Predia vel
loca que olim semel in monachorum habitatione fuerunt conse-
crata, habitacula secularia fieri non sinantur. Quod si quis
presumpserit, anathema sit. Actum Arelate civitate puplice,
anni ab incarnatione Domini dcccclxxvii, xvj Kalendas sep-
tembris, anno xxxviu régnante Gonrado rege.
Signum Teucinde, qui hanc cartulam scribere, et testes fîr-
mare rogavit, manu sua firma.
Riculfus, episcopus, voluit et consensit.
Wilelmus comes firmt. Lanbertus firmt. Poncius firmt. Wilel-
mus firmt. Warnaldus firmt. Iso firmt. Aycardus firmt. Item
Wilelmus firmt. Garantufi firmt. Raynaldus firmt. Girolomus
firmt. Otbertus firmt. Autricus firmt. Wittbertus firmt. Wadal-
dus firmt. Richelmus firmt. Dadoinatus firmt. Laidradus firmt.
Lanbertus firmt. Oddo firmt. Bonifilius firmt.
Archinricus levita atque indignus monachus scripsit.
IV.
Xme siècle. — Donatio oastri et eoclesiamm de Beduino
ab Exmidone.
(ArchiTes des B.-d.-Rh. Fonds de Montmaj., n» 1, chart. de Bédoin.)
Auctoritas etenim jubet eclesiastica et lex precepit romana,
ut quicumque rem suam in qualicumque potestate transfundere
voluerit, per paginem testament! eam infandat, ut prolixis
— 461 —
teraporibus secura et quieta permaneat. Quapropter, ego Exmido,
auctoritale secutus, intellego quod Deus pro sua misericordia et
per meritum et intercessione beati Pétri apostoli, qui me de
tantis tribulacionibus eripuit, adiraplet in me hoc quod ipse
dixit : nolo mortem peccatoris, sed convertatur et vivat.
Quapropter ego Exmido, dono de res meas [iroprias ad eclesiam
bîeati Pétri Apostoli ad Romam, donoque ibi cnstrum que nuncu-
pant Biduino cum territorio ibidem pertinentem, cum eclesiis,
cum decimis et primiciis, et cum omni oblacione vivorum et
mortuorum, et eclesia sancti Pétri que nominant Monastrol,
et cum omnibus agecenciis vel pertinenciis suis , et ipsum
castrum, et ipsa terra teneant ipsi monachi de monasterio que
nuncupant Montemmajorem cum sint(t)ali censura, ut a quinque
annos aJ aliare beati Pétri in Romam très libras incensi persol-
vant, tali denique tenore ut quamdiu vivo, teneam et posideam
usum et fructum, et postea très filii mei is nominibus : Bermun-
dus, Feraldus et Logerius , quamdiu vivunt una medietate
teneant et posideant de ipsa terra et de ipso castello superius
nominato, et, post eorum discessu monasterium et ad ipsos
fratres qui ibidem servivunt totum et ab integrum revertant sine
ulla contradiccione. Et sunt ipsas res in comitatu Vendaxense,
et abet fînens vel terminaciones : de uno iatus Galdairolas ; et de
alio Iatus terra que nominant Olzano ; et de alio Iatus terra que
nominant Corcholese, et ultra per cumba que nominant Ganasl,
et pergit ad Iscazario, et pergit in poio que nominant Albigario
et a via que dicitur fracta et in quacumen montis Venturio, et ad
curcem que sita est in collo super crastro , que nominant
Belmunto, sicut aqua mergit usque in Galdairolas.
Sane si quis ipse aut ullus homo de propinquis parentibus
meis vel ulla oposita vel amissa persona qui contra carta dona-
cionis ista ire, inquietare vel inrumpere voluerit, non valead
vindicare quod repetit, sed imprimis iram et maledictionem Dei
onmipotentis et sanctis suis incurrat, et cum Juda merchatore in
infernum sit damnatus. Et postea penitencia ductus in errar(i)um
domne apostolici sancte sedis Romane IIII" libras auri persool-
vat. Et postea ante omnes preses donacio ista firma et stabilis
permanead. Ego Exmido qui anc carta donacionis lleri jussit, et
testes ilrmare rogavit, manu sua firma. Facta donacione ista in
mense sebtimber, regnanate Conrado rege et manu sua firmavit.
Datilus firmavit, Rodulfus firmavit, Ricaus subdiaconus firmavit.
Azenerius firmavit. Bermundus firmavit. Feraldus firmavit.
Lotgerius firmavit. Arlingus firmavit. Rotlannus firmavit. Sene-
rius firmavit. Ardoinus firmavit.
Greoorius pp. servus servorum Dei, firmavit supersgripgio
ISTA.
— 152 —
V.
Xme siècle. — Donatio decixnœ villœ Relaniee.
(Arch. des B.-d.-Rh. Fonds Montmaj., chartes de Carlac, n* 1.)
Auctoritas etenim jubet ecclesiastica et lex precepit romana,
ut qui rem suam in qualicumque potestate transfundere voluerit,
per paginem testamenti eam infundat, ut prolixis temporibus
soluta et quieta permaneat. Quapropter ego Athonulphus, et
uxor mea Scocia et Rostagnus Milo et uxor mea (sans nom), et
Petrus Josfredus et uxor mea Brugeria, et frater meus W. et
Petrus W. et uxor mea Garcina, donamus Deo, et sancte Marise,
et sancto Petro Kariloci quartam partem decimi Relanie, ad
priorem Petrum, et ad monachos qui ibi serviunt die ac nocte.
Sane si quis nos, vel eredes nostri, aut ullus homo de propinquis
parentibus nostris faut ulla amissa persona qui contra cartula
donacionis istius inrumpere voluerit, sit maledictus et excomu-
nicatus cum Juda traditore qui Dominum tradidit, et cum Herode
pessimo et Piiato qui. Dominum judicavit ad crucifigendum, sine
fine in perpetuum. Amen, Aamen. Sic fiât. Ego Athenulphus quia
hanc cartam scribere fecit, manu mea firmo. S. Petrus Ursi.
Ramundus Farala fr. S. W. Faralde fr. Petrus Amicus fr. Petrus
Josfredus fr. Rostagnus Milo fr. Petrus W. fr. R. Lautaldus
Malsanguis fr.
VI.
1040. — Precaria Raïaxnbaldi Archiepiscopi.
Superno quoque intuitu gracisB splendentis eximio Rainbaldo
onmipotentis Dei sancte sedis Arelatensis archiepiscopo merito
sumo. Notum sit omnibus sancte Dei ecclesie fidelibus presen-
tibus perpetuis et futuris qualiter venions domnus abba bene-
dictus Montis majoris abbas exiguus ante domnum Rainbàldnm
archipresulem; inquirens ci qualiter ecclesiam sancti Genesii
marliris daret Deo omnipotenti, et sancte Marie matris Domini
semperque virginis, et sancto Petro regni cœlorum Glavigero,
una pro remédie anime sue, ut Deus oninipotens daret ei vitam
post mortem et requies post laborem, et ut mereatur conjungi
supernorum civibus, et careat inferorum averni ignibus et
ira (1) splendidus sideribus micantia luminibus.
(1) Ici quelques mois entièrement effacés par l'humidité.
— <53 —
Qui domnus archiepiscopus fecit juxta voluntatem domni abbatis,
et pro amore congregationis et fraternc dilectionis, dédit supra-
nominatam ecclesiam, cum altari, cum decimis, cum primitiis,
vel omnia ibidem adjacentiis, tali autem tenore ut, omni anno,
in festivitate sancti Stephani protomartyris, persolvant monachi
olim jam dicli in censu libras ii de cera, ad ecclesiam sancti
Stephani et sancti Trophimi, sancte sedis Arelatensis. Si vero
non poluerint omni anno persolvere, et remanserit unus vel duo
anni, hoc quod debuissent monachi persolvere per unumquemque
annum dent in sequenti anno, quando habere potuerint, ut non
sit inter nos turbatio, sed charitas firma, et dileclio maxima
omnique tempore.
Facta precaria ista in mense octimbrio, anno incarnationis
dominece mxl* indictione vin', régnante Domino nostro Jhesu
Christo.
VIL
1040. — Goncordia inter monachos Santi Victoria
et Montis-Majoris.
(Texte donné par CiSantelou dans son histoire M. S. L'original de cet acte
est aux arch. d'Arles, fonds Véran.)
Nuper in Provincie partibus vir quidam fuit nobilissimus, ju-
dex videlicet Lambertus, qui omnipotenti Deo, et aime matri
ejus Marie, sanctique Pétri Montis-Majoris monasterio aliquid
dédit ex suis possessionibus in page arelalensi, locum scilicet
qui dicitur Vetula. et ecclesiam sancti Victoris, cum omnibus illi
pertineniibus, cum villa Perdiganna, et insula que vocatur Per-
nens, cum montibus et garricis, terris cultis et incultis, pratis
et exagiis aquarum decurrentium, omnia in omnibus, usque ad
areas anteriores, et usque ad turrem quam vocant Malnoscen-
tum secundum quod ex comparatione illi legibus obvenit de he-
reditate Ariberti qui fuit quondam. Alius quidam fuit miles no-
bilissimus, nomine Artulfus, pater Willelmi et Aicardi, qui jux-
ta ipsam hereditatem dédit simili modo ad jam dictum ceno-
bium villam quam nuncupant Serivignana, quantum mihi visus
fuit habere totum ab intègre. Ex quibus rébus testamenti pagi-
nas scribere fecerunt, et in prelibato monasterio ad usum môna-
chorum perpetim reliquerunt. Denique quod illi Deo et ^sanctis
ejus devotissime obtulerunt, habitatores hujus loci per" negli-
gentiam, longo post tempore oblivioni tradiderunt, testamenti
chartas habentes, et omnino ignorantes. Accidit igitur ut, nes-
cientes domini vicecomites massilienses donationes quas prefati
milites Montis majoris contulerunt monasterio, dederint eccle-
siam sancti Victoris, et cuncta que ibi habebant ad beati Victo-
ris monasterium : pro quibus et nonnullis aliis rébus infra pre-
dicli temporis spatium, malorum patrator omnium inter demi-
— 154 —
nicos grèges, Montis scilicet majoris et sancti Victorîs congre-
gatione, tante immensitatis discordiam incitavit, ut omnis eos
homo ad concordiam se posse revocare diflfideret. Quod dum ad
nolitiam domni Raimbaldi archiepiscopi arelatensis pervenis-
set, eorum compassus fragilitatis, aa deponendas diabolicas
fraudes, non parvum, sed magnum constituit placitum, in quo
de hac re maxima altercatio fuit. Omnes tamen jam dictas a
primordio donationes unanimiter judicaverunt Montis majoris
monasterio. Erant ibi congregati utriusque loci primates ac
vasses, plebeii quoque ac urbani diversi ordinis, aiverse que
etatis, utriusque sexus, quorum aliquot in hac litterarum série
nomen exprimi duximus : Domnus videlicet sancte sedis arela-
tensis episcopus Rambaldus, domnus quoque Wiilelmus, vice
comes Massiliensis, conjuxque ejus, una cum filiis pusillis suis
cum majoribus, domnus etiam Fulco, cum conjuge sua Odila,
Volveradus et Guibertus, alque Atanulfus, vasses urbis arela-
tensis, abbates quoque supradicti utriusque loci cum monachis
suis. Quorum omnium consilio et adjutorio, inter serves Dei
charitatis dilectionem reparare commonuit archiepiscopus.
Dum autem pro concordia fratrum cuncti verbis laborarent, et
minime proficerent, comperta veritate domnus archiepiscopus,
ne lantus eorum labor imperfectus remaneret, domnos vice
comités pro fraterna dilectione suppliciter 'postulavit, ut, ob
amorem omnipotenlis Dei, et sanclorum ejus, necnon suis et
utrorumque monachorum precibus ad consequendam pacem
lideliter décernèrent. Vicecomites vero, monitis ejus obtempé-
rantes, fraterne pacis pro amore, si quid in predicto honore ha-
bebant, aut ulla persona per eos, cunctipotenti Deo et pretiosis-
sime Matri ejus Marie, sanctoque Petro in Montis majoris ce-
nobio dederunt, et ea que illic antea injuste tenuerant, absque
ulla contrarietate, omnia in omnibus, ipsi, uxores eorum et lilii
in eternum funditus reliquerunt. Dederunt etiam et cunctam ter-
ram fiscalem quam illic habebant, aut ullus homo per oos, jure
perpétue. Ad dirimendam enim controversiam, et pacis charita-
tisque fédéra perpetim tenenda, omnibus qui huic interesse
conventui potuerunt visum est censeri debere, ut utraque pars
terram pro terra que proprie fore suo monasterio videretur, pro
commutatione vicissim concedere deberet : hoc est, ut terr»
que -juxta paludem monasierii Montis majoris, ubi ecclesia
beati martyris Victoris antiquitus constructa fuisse videtur, et
alie terre que juxta vel longe in eadem vicinia site sunt, qua-
rum antiquiorem anctoritatem chartarum in médium profere-
bant a donatoribus qui eas olim monasterio massiliensi conces-
serunt, eisdem rursus quibus date fuerant monachis consensieq-
tibus, Montis majoris monasterio, propter supradictarum anc-
toritatem chartarum reddi deberent, et monachi Massilienses
cellam que interritorio castri quod vulgo Buccus-vocatur sita
est, et que sibi jam per auctoritatem litterarum a possessoribus
predicti castri data fuerat, absque ulla contradictione reciperent,
tenerentque atque possiderent, jure perpétue. Sane quecumque
pars utriusque monasterii hanc conventionem vei pactum pupa-
— <55 —
père nisa fuerit, et infra xl dies non emendaverit, tali damno
mulctetur : id est, ut si monachi Montis majoris primo hoc vin-
culum ruperint, quartam partem de villa quam vocant Ollarias,
que illorum est, monachi sascti Yictoris in emendationem acci-
piant ; simili ter'monachi sancti Yictoris aliam quartam partem,
quam habentin supradicta villa, si primi irrUperent, in emenda-
tionem componant monachis Montis majoris.
Facta carta ista II idus Augusti, ferla III, hora un, luna xxix,
anno ab incarnatione Domini MLX, indictione viii, ipso annuente
et per omnia régnante domino nostro Jesu Christo, per inflnita
seculorum secula.
Signa Gaufredi et Berlranni comitum, Willelmi et Fulconis
vice comitum, qui hujus donationis seriem scribere mandave-
runt, et testes ad conlirmandum non tarde, sed concile incita-
verunt, et manibus suis sponte firmaverunt. Poncius episcopus
firmavit. Willelmus fîrmavit. Aicardus firmavit. Gaufredus fîr-
mavit. Stephanus firmavit. Bertrandus firmavit. Petrus firmavit.
Domnus Raimbaldus archiepiscopus gratanter fîrmavit. Beran-
geriusjudex, etc. Raimbaldus archiepiscopus Guillelmum fide-
jussorem dédit. Rostagnus episcopus Elisiarium, Bertrannus
comes Alfantum, Gulllelmus Bertrannus supradictum Elisiarium.
Guillelmus Balcius Raînaldum Mataronem.
VIIL
1210.. — Privilegium Othonis IV imperatoris.
(Ârch. des B.-d.-Rh. Fonds Montmaj. Privil. n» 23.
In nomine sancte et individue Trinitatis, Otto quartus divina
favente clementia Romanorum Imperator et semper Augustus,
Guillelmo abbati Montis majoris et monachis ibidem Deo ser-
vientibus in perpetuum graciam suam et bonam voluntatem.
Vobis et univérsis imperii nostri fidelibus, lam presentibus quam
futuris notum facimus, quod nos de innata benignitate nostra et
pro redemptione anime nostre et antecessorum nostrorum ,
monasterium vestrum Sancti Pétri de Montemajore, cum omni-
bus personis rébus et pernitentiis suis in nostre maiestatis spe-
cialem recipimus protectionem et deffensionem predicto monas-
terio per hos nostros apices confirmantes omnia que piissimus
rex Conradus eidem suo privilegio confirmavit, videlicet hoc
quod dominus Léo Apostolicus, atque felicis memorie Otto im-
perator Augustus ac soror Cunraai régis Adelasia imperatrix
dicto monasterio concesserunt, et insuper hoc quod Boso, arela-
tensis comes, reddidit ipsi régi Cunrado de terra sancti Remigii
de Francia, et in comitatu Vapinco cellam quant vocant ad Mo-
tam sancti Martini, et in alio loco cellam Antonaves, et in comi-
— <56 —
tatu Aquensi celiam Roccafrondosa, ad castellum quod dicitur
Istrium ecclesias Sancti Pétri et sancli Martini, cum terris,
campis, vineis, saiinariis et terras ({uas nominant Sancte Marie
Antipolensis, cum servis et ancillis et villam que de Gatarosco
cum saiinariis, et in Martigo unum vas quod vocatur Venros et
vallem quam nominant Sancti Pétri cum tribus ecclesiis, in loco
qui dicitur Namarra et paludes quas vobis dederunt Lambertus
et uxor ejus Galburgis consensu ac petitione Guillelmi Gomitis
et fratris sui Robaldi sicut a vobis juste possidentur in circuitu
Montis majoris et protenduntur a columnellis jacentibus in con-
fmio urbis Arelatensis ubi sunt termini sancti Pétri et sancti
Gesarii et diriguntur ad columnam marmoream rectam et exinde
claudunlur via Balciense, in qua jacenl aliecolumnelie, et iterum
protenduntur usque ad sanctum Johannem del Gres.etibi termi-
nantur columnellis fixis de territorio Balciense, usque ad Gaste-
letum.
Item ipsum Gasteletum cum suo territorio et suis pertinentiis.
Item castrum Beduini cum omni integritate sua et pertinentiis
suis. Gonfirmamus enim vobis et dicto monasterio acquisitiones>
sicut juste a vobis possidentur et acquisite fuerunt a tempore
memorati çiissimi régis Gunradi, videlicet : castrum de Miramas
cum integritate et pertinentiis suis. Item Gastrum de Gorneliono.
Item Gastrum Sancti Genesii de parte, cum omnibus pertinentiis
suis. Item villam de Palicanna cum integritate sua. Item cas-
trum Pertusii cum omni integritate sua et pertinentiis suis. Item
castrum de Stoblono cum omni integritate sua et pernitentiis
suis. Item Gastrum deParacolUs et villam de Gorenz cum terri-
toriis et pertinentiis suis. Item quartam partemcastri de Oleres.
Item medietatem ville sancti Remegii. Item quartam partem
castri de Gabannis. Item Gastelletum quod est subtus Aribel.
Item castrum de Monte Jovis. Item quiquid habetis et juste pos-
sidetis in civitate Arelatensi et ejus territorio. Item honores
sancti Pétri aput Tarascum et aput Buchet et aput Bellicadrum
et aput Laboradam et aput Alegodes et aput Moleges et aput
Avelonigas. Item honorem de Gobia. Item villam Gari loci. Item
villam Dolunne. Item villam sancti Salvatoris de Valbanes. Item
villam sancti Johannis de Sala. Item territorium sancti Pétri de
Vais . Item in comitatu Vienensi villam sancti Antonii et cum
omnibus hiis que habet in villa sancti Antonii et villa sancti Ste-
phani et villa sancti Marcellini cum omnibus aliîs pertinentiis
suis. Item villam de Lauxona cum integritate et pertinentiis
suis. Item castrum de Rensum cum*omni jure suo. Item villam
sancti Johannis de Roins. Item villam sancti Justi. Item villam
de Nacum. Item villam sancti Pétri de Malavalle. Item villam de
Gilgans. Item villam sancti Evodii. Hec omnia sicut juste ea
possidetis cum omnibus adjacentiis et pertinentiis suis, et om-
nia alla que juste acquisitis aut in posterum justis modis acqui-
sieritis, vobis et dicto monasterio libère, quiète ac pacifiée te-
nenda confirmamus, et sub protectione et noslra deffensione
recipimus, statuentes quod de cetero non liceat alicui archiepis-
copo vel episcopo, duci, marchioni, comiti, vicecomili, potes-
— 457 —
tati seu consulibus, vel alicui communi, sen etiam alicui perso-
ne, humili vel alte, seculari vel ecclesiastice, hanc nostre conces-
sionis et confirmationis seu protectionis paginam confringere,
seu in aliquo violare. Quod quicumque facere presumpserit,
quinquaginta libras puri auri pro pena componat, medietatem
camere nostre, et reliquam medietatem injuriam passis. Ad cu-
jus rei perpetuam notitiam, présentera paginam nos conscribi
jussimus et imperiali majestatis sigillé comuniri. Datum apud
Ymolam, anno dominice incarnacionis m* ce' x% indictione xiu,
IV kaiendas aprilis, salvo tamen in omnibus jure imçeiii et regni
Arelabnsis. IIujus rei testes sunt Wolpherus, palriarcha Aqui-
legensis, Henricus Mantuensis episcopus, imperialis aule vica-
rius, Guillelmus Gumanus episcopus. Jacobus Taurinensis epis-
copus. Maynardinus Ymolensis episcopus et alii quam plures.
Signum Domini Ottonis quarti Romanorum imperatoris invic-
tissimi.
IX
1246. — Privllegiam Innocentil PP. IV.
(Àrch. des B.-d.-Rh ; Fonds Montmaj. PrivU. n«28).
Innocentius episcopus, servus servorum Dei. Dilectis filiis
abbati et conventui monasterii Montis Majoris, ordinis sancti
Benedicli, Arelatensis diocesis, salutem et apostolicam benedic-
tionem. Ut monasterium vestrum, quod gravi, ut dicitis, premi-
tur onere debitorum, ex Sedis Apostolice providentia revelatio-
nis alicujus solacium assequatur, auctoritate vol3is presentium
indulgemus, ut ad provisionem seu receptionem alicujus, tara
in monasterio ipso, quam in membris ejusdem compelli per litte-
ras sedis apostolice seu legatorum ejus non possitis inviti que
de indulgentia hujusmodi expressam non fecorintmentionem.
Nulli ergo omnino hominum liceat hanc paginam nostre conces-
sionis infringere, vel ei ausu temerario contraire. Si quis autem
hoc attemptaro presumpserit, indignationem omnipotentis Dei
et Beatorum Pétri et Pauli, apostolorum ejus, se noverit incur-
surum. Datum Lugdun. XV kaiendas junii, Pontificatus nostri
anno tertio.
X.
1410. — Privilegium Ludovic! II, Siciliœ Régis.
(Arch. des B.-du.-Rh., Fonds Montmaj., Priyil., n» 84.)
Ludovicus secundus, Dei gratia Rex Jherusalem et Sicilie,
Ducatus Apulie, Dux Andegavie, comitatuum Provincie, Forçai-
— 468 —
querii, Genomanie, Pedemontis ac Rouciaci Cornes, universis et
singulis officiariis nostris tam majoribus quam minoribus per
predictos comitatus nostros Provincie et Forqualquerii ubilibet
constitutis quocumque nomine censeantur et eorum cuilibet, seu
locatenentibus eorumdem presentibus et futuris, fidelibus nosiris,
graciam et bonam voluntatem. Hodie in audiencia nostri consilii
fuit oblata peticio sub hiis verbis : Sacre Régie Majestati Jheru-
salem et Sicilie humiliter exponitur pro parte humilis et devoti
viri abbatis monasterii Montismajoris , quod, cura ofTiciarii
seculares sui quandocumque literatorie requirant in juris subsi-
dium offlciarios régies et alios eidem majestati subjectos, ut
aotus judiciarios exequantur secundum juris formam et consue-
tudinem in patria Provincie inconcusse observatam, quod tamen
offlciarios dicti exponentis ministrari non potest ; igitur e vestra
majestati humiliter supplicat dictus abbas quatinus dignemini
percipere et mandare cum pena officiariis vestris et aliis vestre
majestati subjectis, ut, de cetero, cum requirentur ex parte
officiariorum dicti supplicantis in juris subsidium , requisita
adimpleant cum effectu, et exequantur secundum formam juris,
et consuetudinem in similibus in patria Provincie obssrvatam,
de vesti a gracia speciali. Et, quia attente religionis zelo volon-
tés cum dicto abbate ageregenerose,fidelitati vestre, et eu juslibet
vestrum de certa noslra sciencia tenore presencium mandamus
expresse quatinus dum si quum et quociens pro parte dicti
abbatis in juris subsidium, ut prefertur, fuerîtis requisiti, vel
alter vestrum fuerit requisitus, quascumque literas justas et
rationabiles pariter et mandata juxta tenores literarum et privile-
giorum dicti monasterii Montismajoris, ac usum antiquum et
consuetudinem hactenus observatam adimpleatis seu alter vestrum
adimpleat, ac exequamini seu exequatur cum effectu, si penas
uostro arbitrio in vos infligendas cupitis evitare presentibus post
oportunam inspeccionem earum ac subscripcionem et debitis
execucionem remanentibus. Datum in Castro nostro Tharasconis,
per nobilem et egregium virum Johannem Louvetî, militem,
iicenciatum in legibus , mandamento nostro locumtenentem
judicis majoris comitatuum Provincie et Forcalquerii predicto-
rum, consiliarium et fidelem nostrum dilectum, anno Domini
millésime quatercentesimo decimo, indiccione tercia et Die x
mensis'aprilis regnorum vero nostrorum predictorum anno
vicesimo sexto.
Per Regem, vobis presentibus. •
Franchomme. t
— 459 —
XI.
1504. — Privileginm Julii PP. II.
(Arch. des B.-du.-fih. Fonds Montmajoar, Privil, n* 108.)
Julius episcopus servus servorum Dei. Universis Chrisli fide-
libus présentes litteras inspecturis, salutem et apostolicam
benedictionem. Licet is de cujus munere venit ut sibi a suis
fidelibus digne et laudabiliter deserviatur de abundantia sue
pietatis que mérita supplicum excedit et vota bene servientibus
sibi multo majora rétribuât quam valeant promoveri, nichillo-
minus desiderantes Domino populum reddere acceptabilem et
bonorum operum sectatorem, fidèles ipsos ad complacendum et
quasi quibusdam alectivis muneribus, indulgentiis videlicet et
remissionibus invitamus, ut exinde reddantur divine gratie
aptiores. Cupientes igitur ut Ecclesia in honorem sancte crucis
in montanea monasterii sancti Pétri Montismajoris, ordinis sancti
Benedieti, Arelatensis diocesis et ecclesia magna ejusdem monas-
terii congruis frequententur honoribus, et in suis structuris et
edeficiis manuteneantur et amplientur, ac libris, calicibus, orna-
mentis rebusque aliis divine cultui necessariis muniantur, ipsique
fidèles eo libentius devotionis causa ad easdem ecclesias
confluant, et ad manutentionem et ampliationem predictas manus
promptius porigant adjutrices que ex hoc ibidem dono celestis
gratie uberius conspexerint se refffectos, de omnipotentis Dei
misericordia et beatorum Pétri et Pauli, apostolorum ejus
auctoritate confisi, omnibus et singulis utriusque sexus Chnsti
fidelibus vere penitentibus et confessis, qui in festo inventionis
ejusdem sancte crucis, quoties illud sexta feria contigerit cele-
brari, duntaxat ab ipsius primis vesperis usque ad secundas
vesperas inclusive ecclesias predictas dévote visitaverint, et ad
hujusmodi manutentionem et ampliationem ac ornamentum
manus porrexerint adjutrices, plenariam peccatorum suorum
remissionem et indulgentiam auctoritate apostolica tenorô pre-
sencium concedimus et elargimur. Et, ut fidèles Cristi indulgen-
tiam hujusmodi, Deo propitio, facilius consequi valeant, abbati
dicti monasterii pro tempore exîstenti aut ejus vicario ac priori
claustrali, in dicto festo et per duos dies ante, tôt presbytères
seculares, vel cujusvis ordinis regulares quos idem abbas, seu
ejus vicarius et prier ad id alios ydoneos cognoverit et quos sibi
visum fuerit necessarios in dictis ecclesiis deputandi, ipsique
presbiteri pro tempore deputati omnium et singulorum Chnsti
lidelium ad dictas ecclesias pro hujusmodi indulgentia conse-
quenda confluentium confessionibus diligenter auditis, ipsos ab
omnibus et singulis suis peccatis, et omnibus in casibus episco-
palibus duntaxat absolvere, eisque pro commissis penitentiam
— 460 —
&alutarem injungere, ac omissa per eos vota quecumque, ultra-
marino, liminum apostolorutn Pétri et Pauli ac sancti Jacobi in
Compostella, necnon castitatis et religionis votis duntaxat
exceptis, in alia pietatis opéra comutare libère et licite valeant,
auctoritate et tenore premissis plenam et liberam concedimus
facuUatem presentibus perpetuis futuris temporibus valituris.
Volumus autem quod alias viiitantibus dictas ecclesias vel ad
premissa manus porrigentibus adjutrices, aut alias inibi elemo-
sinas errogantibus seu alias aliqua alia indulgentia, in perpetuum,
vel ad cerlum tempus nondum elapsum duratura per nos
concessa fuerit présentes littere nullius sint roboris velmomenti,
Datum Rome, apud sanetum Petrum, anno incarnationis domi-
nice millésime quingentesimo quarto, octavo idus Februarii,
pontificatus nostri anno secundo.
TABLE
Page.
Préliminaires l
I. Anciens monastères d'Arles et des environs 13
II. Origines deMontmajour. — A qui doit-on en attribuer la
fondation? 20
III. Etablissement de moines à Montmajour. — Libéralités do
Teucinde, de Grifon, de Gentius et autres seigneurs 26
IV. Gontestations au sujet des domaines de Pertuis et do
Fontvieille. — Gonstruction de l'église majeure. — Faveurs
de Geoffroy comte de Provence. — Fondation du monastère
de St-Antoine-en-Viennois 35
V. Foulques de Gabannes. — Guillaume de Bonnieux. — Ré-
forme du monastère 50
VI. Détention de Pertuis par le comte de Forcalquier. — Sen-
tence arbitrale de l'Archevêque d'Arles. — Excommunica-
tion de Guillaume, comte de Forcalquier. — Hommage
prêté par le Gomte 53
VII. Démêlés de Montmajour avec la maison de St-Antoine.
— Erection de ce prieuré en abbaye sous Boniface VIII et
constitution d'une pension en faveur des Bénédictins 66
VIII. Le comte de Provence est dispensé de rendre hommage
à l'abbé pour Pertuis. — Attaque du Gastelet par les Arlé-
Siens, .♦...*• . » . é .;.,;;... 76
— 462 —
Ptge.
IX. Pons de Ulmo. — Construction de la tour de Montma-
jour. — L'antipape Benoît XIII, nomme abbé Jean Hugolen.
— La vicomte de Portais est donnée au maréchal de de Bou-
cicault. — Louis d'Allemand obtient du concile de Bâle un
décret contre les Antonins. — Il est dépouillé de l'archevê-
ché d'Arles et de l'abbaye de Montmajour par le pape
Eugène IV et restitué dans ses dignités par Nicolas V 80
X. Règlements relatifs à la pension autonienne. — Diminutions
successives de ce tribut. — Innocent VIII transforme
Montmajour en commanderie générale de l'ordre de St-
Antoine. — Protestation de Montmajour 20
XI. Attitude des Arlésiens dans la lutte des deux abbayes. ... 101
XII. Claude de Poitiers et ses successeurs. — Le maréchal
d'Ornano a-t-il été abbé de Montmajour? 110
XIII. Suite des abbés de Montmajour. — Construction d'un
nouveau monastère 123
XIV. Le cardinal de Rohan dernier commendataire de Mont-
majour. — Sécularisation de l'abbaye. — Partage de ses
terres 138
Documents , 145
Marseille. — Typographie Marius Olive, rue Sainte, 39.
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