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Full text of "L'abhidharmakosa. Traduit et annoté par Louis de la Vallée Poussin"

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SOCIÉTÉ    BELGE    D'ÉTUDES    ORIENTALES 


<x. 


L'ABHIDHARMAKOSA 

DE   VASUBANDHU 

TRADUIT     ET     ANNOTÉ 
PAR 

Louis  de  la  VALLÉE  POUSSIN 

C  Vv    i^ 

PREMIER   ET   DEUXIÈME   CHAPITRES 


PARIS.   PAUL  GEUTHNER 
LOUVAIN.   J.-B.    ISTAS.    Imprimeur 

1923 


Z  6   //.     >'  ^ 


V.  / 


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A  M.   E.   SE N ART 
Président  de  la  Société  Asiatique 


J!^»^' 


Cette  traduction  du  Kosa  comportera  au  moins  quatre  volumes. 

Le  premier  contient  les  chapitres  I  et  II. 

Dans  le  second,  je  reprendrai  le  chapitre  III  que  j'ai  étudié  dans 
ma  Cosmologie  bouddhique  (Bruxelles-Londres,  1919,  imprimée  1913- 
1914)  ;  je  donnerai  donc  ce  volume  après  ceux  contenant  les  chapi- 
tres IV  et  V,  dont  la  traduction  fut  brûlée  à  Louvain,  et  les  chapitres 
VI-VIII  avec  le  traité  sur  le  Pudgala  qui  est  un  supplément  au  Kosa 
et  que  M.  Th.  Stcherbatsky  a  traduit  (Petrograd,  1921). 

L'ouvrage  sera  complété  par  un  volume  d'Introduction  qui  con- 
tiendra des  notes  sur  la  littérature  d'Abhidharma,  un  exposé  systé- 
matique des  doctrines  du  Kosa  (théories  Sarvastivadin-Vaibhasika 
et  Sautrântika),  le  texte  revisé  des  kârikas,  divers  extraits,  des 
appendices  et  les  index. 

L'Avant-Propos  de  la  Cosmologie  bouddhique,  malgré  bien  des 
insuffisances  et  quelques  méprises,  fournit  les  données  essentielles 
de  l'histoire  de  l'Abhidharma  et  du  Koéa. 

J'ai  utilisé  1.  la  Vyâkhya,  dont  le  premier  chapitre  a  été  pubhé 
par  S.  Lévi  et  Stcherbatsky  (Bibl.  Buddhica)  ;  2.  la  version  tibétaine 
du  Bhasya  (pour  le  chapitre  I,  l'édition  de  Stcherbatsky,  ibid.  ;  pour 
le  chapitre  II,  le  Tandjour  du  Musée  Guimet)  ;  3.  la  version  de  Para- 
martha  (Tokyo)  ;  4.  la  version  de  Hiuan-tsang,  dans  l'édition  en  trente 
fascicules  de  Kiokuga  Saeki,  Kioto  1888,  présent  de  mon  ami  H.  Ui 
qui  m'initia  au  chinois  d'Abhidharma.  Le  commentaire  de  Kiokuga 
est  riche  en  extraits  de  l'Âgama,  des  Traités,  de  la  Vibhasa,  des 
commentaires  chinois  du  Kosa  :  j'ai  tiré  parti  de  plusieurs  de  ces 
citations.  Pour  quelques-unes  (Prakarana,  Dhatukaya,  Abhidhar- 
mahrdaya,  etc.),  j'ai  été  à  même  de  donner  la  référence  à  l'édition  de 


Tokyo  ;  elles  sont  mentionnées  dans  les  notes  avec  le  folio  et  la 
ligne  ;  pour  le  plus  grand  nombre  (Àgamas,  Vibhasa,  etc.),  j'ai  sim- 
plement reproduit  les  références  de  Kiokuga  (cahier  et  folio)  à  une 
édition  qui  doit  être  l'édition  Obaku.  J'apporterai  sur  ce  point  les 
précisions  nécessaires. 

La  Fondation  Universitaire  est  généreusement  intervenue  dans 
les  frais  d'impression  du  présent  volume,  et  on  peut  espérer  qu'elle 
me  continuera  sa  bienveillance. 


ABHIDHARMAKOSA 


CHAPITRE   PREMIER 
Les  Dhâtus 

1.  Il  a,  d'une  manière  absolue,  détruit  toute  obscurité  ;  il  a  retiré 
le  monde  de  la  boue  de  la  transmigration  :  je  lui  rends  hommage, 
à  ce  maître  de  vérité,  avant  de  publier  le  traité  nommé  Abhidliar- 
makosa  \ 

Désirant  composer  un  traité,  dans  le  but  de  faire  connaître  la 
grandeur  de  son  maître,  l'auteur  entreprend  de  lui  rendre  hommage 
et  expose  d'abord  ses  qualités. 

«  Il  a  détruit  toute  obscurité  »,  c'est-à-dire  :  par  lui  ou  pour  lui  est 
détruite  l'obscurité  à  l'égard  de  toute  chose,  à  l'égard  de  tout 
connaissable  (jneya). 

«  obscurité  »,  c'est-à-dire  ignorance,  car  l'ignorance  empêche  de 
voir  les  choses  comme  elles  sont. 

«  d'une  manière  absolue  »,  c'est-à-dire  :  de  telle  sorte  qu'elle  ne 
puisse  plus  renaître. 

Par  là,  le  Bouddha  Bhagavat  -  [1  b]  est  suffisamment  désigné,  car 

1.  yah  sarvathâ  sarvaliafândhakârah 
samsârcqjanh'âj  jagad  ujjahâraj 
tastnai  namaskrtya  yathârthasâstre 
sâstram  pravaksyâniy  ahliidliartHCikosanijj 
1.  Les  auteurs  de  la  Vinayavibliâsa  disent  :  (1)  il  y  a  un  Bouddha  qui  n'est  pas 
Bhagavat,  à  savoir  le  Pralyekabuddha,  parce  qu'il  est  svoyambJiû,  c'est-à-dire 
parce  qu'il  a  obtenu  la  Bodhi  par  lui-même,  parce  qu'il  n'a  pas  rempli  la  tâche  de 
dânapâramitâ,  etc.  (vii.  34)  ;  (2)  il  y  a  un  Bhagavat  qui  n'est  pas  Bouddha,  à 
savoii"  le  Bodhisattva  dans  sa  dernière  existence  ;  (3)  il  y  a  un  Bouddha  Bhaga- 
vat ;  (4)  il  y  a  des  personnes  qui  ne  sont  ni  Bouddha,  ni  Bhagavat  (Vyâkhyâ, 
3.  12).  —  On  peut  dire  aussi  que  les  Srâvakas,  c'est-à-dire  les  Disciples,  sont  des 
Bouddhas  (Âryadeva,  Sataka,  270),  car  ils  acquièrent  la  Bodhi  (vi.  67). 

1 


â  CHAPITRE    PHEMIEIÎ,    1-2  a 

lui  seul,  par  la  possession  de  Tanlitlote  de  l'ignorance  (v.  GO),  a 
détruit  définitivement  toulc  ignorance. 

Les  Pratyekahuddlias  et  les  Srâvakas  ont,  eux  aussi,  détruit  toute 
obscurité,  car  ils  sont  exempts  de  toute  ignorance  souillée  par 
la  passion  (klislasammolia)  ;  mais  ils  n'ont  pas  détruit  l'obscurité 
d'une  manière  absolue,  car  l'ignorance  exempte  de  passion  est,  cbez 
eux.  l'u  activité  '  :  ils  ne  connaissent  pas  les  ([ualilés  propres  du 
Bouddba  (vii.  28)  -,  les  objets  très  éloignés  dans  l'espace  ou  dans  le 
temps  (vii.  55)  ',  l'infinie  complexité  des  choses  '*. 

Ayant  ainsi  loué  Bbagavat  au  point  de  vue  des  qualités  utiles  à 
lui-même,  l'auteur  le  loue  au  point  de  vue  des  ([ualités  utiles  à 
autrui  :  «  11  a  retiré  le  monde  de  la  boue  de  la  transmigration  ».  La 
transmigration  (samsara)  est  boue,  parce  que  le  monde  s'y  englue, 
parce  qu'elle  est  dil'licile  à  traverser.  Bbagavat,  ayant  pitié  du  monde 
qui  se  trouve  noyé  sans  recours  dans  cette  boue,  l'en  a  retiré,  autant 
que  possible  '',  en  tendant  à  chacun  les  mains  de  l'enseignement  de 
la  Bonne  Loi  ''. 

1.  Par  It'  l'ail,  les  Pratytikahinhllias  il  les  Srâvakas  oui,  eux  aussi,  abandonné 
(prahîna)  l'ignora ikt  uon-sonillt'c  (aklistant  (ijùâmim),  tout  rouune  ils  ont 
abandonné  l'organe  de  la  vue,  etc.,  en  abandonnant  toule  alïeclion  (chnndarâgn) 
à  son  égard.  Mais  (■elle  ignorance  non-sonillce  rcsie  active  cbez  eux  (sdinuilâ- 
C(irati)  encore  (Hi'elle  soit  al)an(ionnt''e,  font  connue  l'orgam-  «le  la  vue. 

Tel  n'est  pas  le  <-as  pour  le  Bouddba  :  c'est  poui(|(ini  l'auliin'  dit  cpi'il  a  ilctriiit 
(hâta)  l'obscuiili'  de  telle  inanirn-  (|ircll('  nr  puisse  r<iiaitrf'. 

2.  Sâripidra  ne  comiait  pus  les  cin(|  skfnidhas  (moralité,  etc.)  <lu   Tatliâgata. 

y.   Maudiralvâyaiia   ne   voit   pas  que  sa  nn're  est  renée  dans  le  MarTcilokadbritu. 
Sâi'iputra  ne  dé'convre  pas  les  racines-de-bien  dini  c;in<lidal  à  l'/'lal   de  l>liiksu 
(voir  vii.  lit))  ;  niais  le  lîonddba  (b'ciara  : 

moksahijam  (iliain  liif  (isifd  sitsilksiiiKiii  itpdlaksaye  j 
(lh<ifn}tnsdu(irir<ife  iiHluani  ira  knùcKiKdii    / 
Comparer  Hidn-r,  Sfdrâlainkrira,  j».  ^-SC». 
4.  (^oinme  dit  la  stauce  : 

sarvâkâratn  kâranani  eknsija  mni/nrdCdiKlrdkasijâpi 
Il dsarrdj il d ir  j rieijnm  sdrvdj li dj ùCm dhdhim  hi  iaf. 
r».   •  Djiiis  la   mesiu-e  du  possible  ',    ifafliiïhlidviiain.    Cela    va    de    soi,  comme 
quand  on  dit  :  -<  Il  «Imnia  à  manger  aux  brabmanes     , 

<».  Lire  dans  Vyakbyri,  p.  G,  IS  sdil'thdniidili'sdiiahdstdpratârmili.  On  a  le 
pluriel  parce  que  les  personnes  h  sauver  sont  nmidireuses. 


liinan-tsang,  î,  fol.  1  b-2  a.  3 

«Je  rends  Jionimage  »,  en  me  prosternant  avec  la  tête,  «à  ce 
maîti^  de  vérité  »  '  :  maître  de  vérité,  parce  qu'il  enseigne  en  confor- 
mité avec  ce  qui  est,  sans  erreur.  En  qualifiant  ainsi  Bhagavat, 
l'auteur  indique  la  manière  dont  Bhagavat  se  rend  utile  à  autrui. 
C'e!!rt^pf(t'renseignement  véridi([ue  que  Bhagavat,  le  maître,  a  retiré 
le  monde  de  la  boue  de  la  transmigration  [2a],  et  non  par  les 
pouvoirs  surnaturels  ou  par  l'octroi  de  faveurs  -. 

Après  avoir  rendu  hommage  à  ce  maître  de  vérité,  que  fera 
l'auteur?  «  Je  publierai  un  traité  ».  On  appelle  '  traité  '  ce  qui  forme 
et  instruit  les  disciples.  —  Quel  traité  ?  —  L'Ahhidharmakosa. 

Qu'est-ce  que  l'Abhidharma  ? 

2a.  L'Abhidharma,  c'est  Xviprajnâ  immaculée,  avec  sa  suite  l 

La  prajnâ,  qui  sera    définie    ci-dessous    (ii.    24,    vii.   1),  est   le 

discernement  des  dliarmas  '\ 

La.  prajnâ  immaculée  (amala)  est  \Biprajhâ  pure  (anâsrava).  ' 
Ce  qu'on  appelle  la  '  suite  '  (anucara)  de  la  prajnâ,  c'est  son 

escorte   (parivâra),  à  savoir  les  cinq  skandhas  (L  7a)   purs  qui 

coexistent  à  la  prajnâ.  ^ 

1.  Expression  d'Aiyadeva,  Sataka,  26.5. 

2.  na  tu  rdclhivarapradânaprabhâveiia.  Première  explication  :  par  le  pou- 
voii-  de  la  rddhi  (vii.  48),  comme  Visnu  ;  par  le  pouvoir  des  dons,  comme  Maheé- 
vara.  Deuxième  explication  :  par  la  rddhi,  par  les  dons,  par  son  prabhâva 
(vii.  34). 

Il  est  vrai  que  les  Bouddhas  font  des  miracles  (rddhiprâtihârya)  pour  attirer 
les  fidèles  (âvarjananiâtra)  ;  mais  c'est  par  le  miracle  de  l'enseignement  (anu-' 
sâsanî'^)  qu'ils  sauvent  le  monde  en  détruisant  les  passions  (vii,  47  a-b). 

3.  prajncimalâ  smmcarâbhidharmah. 

4.  dharmânânt  pravicayali  :  les  dliarttias  sont  mêlés,  comme  des  fleurs  ; 
on  les  discerne  et  on  les  met  en  bouquets  (praviclyante,  ticclyante)  .ceux-ci  sont 
purs,  ceux-ci  sont  impurs,  etc. 

Dans  cette  opération,  un  ceiiain  dliarma  associé  à  la  pensée  (caitta,  caitasika) 
(ii.  23),  qu'on  appelle  prajùCi,  joue  le  premier  rôle.  Par  conséquent,  on  définit  la 
prajnâ,  '  discernement  des  dliarmas  '. 

5.  mala,  tache,  est  synonyme  de  âsrava,  vice.  —  Nous  traduirons  anâsrava 
par  '  pur  '.  —  Les  âsravas  sont  définis  v.  35.  —  Voir  ci-dessous  i.  4. 

6.  On  comprend  sous  le  nom  d'Abhidbarma,  non  seulement  la  connaissance 
pure  qui  discerne  la  nature  des  choses,  mais  encore  tous  les  éléments  purs  du 


4  ClIAriTRE    PREMIER,  2  b-3. 

Tel  est,  au  sens  propre  ',  rAbhidliarnia. 

21).  C'est  encore  toute  prdjnâ  et  le  Traité  (jui  l'ont  obtenir  la 
prajùâ  inunaculée  -. 

Dans  l'usage  vulgaire,  le  mot  Abhidbarma  désigne  aussi  toute 
prajhâ  (\i\\  l'ail  (d)tenir  l'Ablndbarnia  au  sens  })ropro  :  \a  prajùâ 
impure  (sâsrava),  qu'elle  soit  innée  ou  naturelle  (upapattiprati- 
lauihhikCi),  ou  (ju'elle  soit  le  résultat  d'un  etî'ort,  résultat  d'audition, 
de  réflexion,  de  recueillement  (éridaclntâhluivanâ-mciijt)  (ii.  71c), 
reçoit,  avec  sa  suite,  par  convention,  le  nom  d'Abliidharma  ''. 

On  donne  aussi  le  nom  d'Abliidharma  au  Traité  '*,  car  le  Traité 
aussi  fait  obtenir  Xo.  prajiïâ  pure  :  il  est  donc  un  facteur  de  l'Abhi- 
dbarma  au  sens  propre, 

dharma  signifie  :  (pii  porte  (dhârcma)  un  caractère  propre  (sva- 
laksana). 

L'Abbidharma  est  iionnné  (ihlii-dharnid  parce  (pi'il  envisage 
(ahhimiikha)  le  dharma  qui  est  l'objet  du  suprême  savoir,  ou  le 
suprême  dharma,  à  savoir  le  Nirvana  ;  ou  Itien  parce  qu'il  envi- 
sage les  caractères  des  dharmas,  caractères  propres,  caractères 
communs  [2b]. 

Pourquoi  le  présent  ouvrage  est-il  nommé  Abliidbarmakosa? 

2  c-d.  l'aire  (pic  l'Abbidliarnia  y  entre  pour  le  sens,  ou  bien  parce 

monieiil  psychologique  (hiiis  lequel  se  produit  celte  connaissance  :  sensation,  etc. 
(i.  14  c).  Un  de  ces  éléments  est  matériel  (rfipu)  :  ce  (pi'ou  appelle  la  '  discipline 
pure  '  (anûsrava  Sdnivara,  iv.  13  c). 

1.  Vyâkliyâ  :  ]i(trfi})inrf]ia  cm  pâraniâ7'tlu'h(ili  I  paramârflie  rrî  bJidvah 
pâraniârtliikfili     ixtrainditlunia  va  (llvydti  caratlli jiârdinârthikah, 

'2.  tdtprâptniie  yâpi  ca  yac  en  sâstram  / 

3.  sâmketika,  sâmvyavahârikn  abhidhdrmn. 

4.  Le  Truite,  c'est-à-dire  (1)  ou  bien  l'AiiIiidliarnuisristra,  rAldiidliarniapilaka. 
Aurpiel  cas,  <pie!(pies-uns  pensent  cpi'il  ne  faut  pas  enlfudre  :  «  Le  Traité,  avec  sa 
suite,  recuit  !»■  nom  d'Aldiidiiaruia  /,  car  un  livre  n'a  pas  d'escorte  ;  (juelques-uns 
croient  cpie  la  suite  est  constituée  par  les  laksnnns  (ii.  A'i  c-ili;  {"2)  ou  Lien  le 
Jùnnaiirusthrina,  considéré  conum-  corps  de  l'Aliliidlianua  et  ayant  pour  pieds  (et 
'suitf')  les  six  livres,  Pr.iliaraiia|irida.  N'ijùrmakâya,  Dliarnialcâya.  Prajniï[)tiéûstra, 
Dhâtukûyu,  Sumgîtii>aryriya  i  liuriioiiC.  Iiitni.liirliim.  p.  44iS). 


Hinan-fsang,  i,  fol.  2  a-3  a.  5 

que  rAbhidliarma  en  constitue  le  fondement,  le  présent    ouvrage 
s'appeHe  Abhidharmako'sa  '. 

Le  Ti-aité  qui  porte  le  nom  d'Abiiidharma,  à  savoir  l'Abliidliar- 
mapitaka,  jèntre  pour  le  sens,  pour  l'essentiel,  dans  cet  ouvrage,  qui 
est  donc  l'Abliidharmako.sa,  '  le  fourreau  de  l'Abhidharma  '.  Ou  bien, 
comme  l'Abhidharma  est  le  point  d'appui  de  cet  ouvrage,  on  peut 
dire  que  cet  ouvrage  est  tiré  de  l'Abhidharma,  comme  d'un  fourreau  ; 
on  l'appelle  donc  l'Abhidharmakosa,  '  l'ouvrage  qui  a  l'Abhidharma 
pour  fourreau  '. 

Dans  quel  but  l'enseignement  de  l'Abhidharma  ?  Par  qui  l'Abhi- 
dharma a-t-il  été  enseigné  à  l'origine  ?  —  La  réponse  à  ces  deux 
questions  nous  dira  pourquoi  l'auteur  entreprend  pieusement  la 
rédaction  de  l'Abhidharmakosa, 

3.  Comme,  en  dehors  du  discernement  des  dharmas,  il  n'y  a  pas 
de  moyen  pour  éteindre  les  passions  (klesa),  —  et  c'est  en  raison  des 
passions  que  le  monde  erre  dans  cet  océan  de  l'existence,  —  en  vue 
de  ce  discernement,  l'Abhidharma  a  été,  disent-ils,  prononcé  par  le 
Maître  \ 

En  dehors  du  discernement  des  dharmas,  il  n'existe  pas  de  moyen 
pour  éteindre  les  passions  (v.  1  ),  et  ce  sont  les  passions  qui  font 
errer  le  monde  [3a]  dans  ce  grand  océan  de  la  transmigration.  C'est 
pourquoi,    disent  les   Vaibhâsikas  \  en  vue    du   discernement    des 

1.  tasyârtliato  'smin  [saiii](iuupraves(lf 

[so  v]âsrayo  ['syety]  abhidharmakosah  II 

2.  dharniânâm  pravicayam  antarena  nâsti 
MesâHâm  yata  npasântaye  'bhynpâyah  / 
Jîlesais  ca  bhramati  bhavârnave  Hra  lokah 
[tacldhetor  ata  nditah  kilaisa  sâstrâ]  jl 

Les  deux  premières  lignes  sont  citées,  avec  la  lecture  y  ad  upasântaye,  dans  un 
commentaire  (Ami-takanikâ)  de  la  Nâiniisanigîti,  130  ;  la  troisième  est  citée  dans 
la  Vyâkhyâ  ;  la  quatrième  est  restituée  d'après  la  Yyâkhyâ. 

3.  kila  paramutadyotane.  Le  mot  kila  montre  que  Vasubandhu  expose  ici 
une  opinion,  l'opinion  des  Vaildiâsikas,  qu'il  n'accepte  pas.  Pour  les  Sautrântikas 
et  pour  Vasubandhu,  les  Abhidharmas  ne  sont  pas  la  parole  du  Maître.  Le  problè- 
me de  l'authenticité  des  Abhidharmas  sera  étudié  dans  l'Introduction. 


6  CHAPITRE    PREMIER,    4-5  b. 

dhnrmas,  le  Maîlro,  le  Bouddha  Bhagavat,  a  prononcé  l'Abliidliarma. 
Car,  sans  l'enseignement  de  l'Abhidharma.  les  disciples  seraient 
incapables  de  discerner  les  dharmas. 

Toutefois,  expliquent  les  Vaibliâsikas,  c'est  par  morceaux  que 
Bhagavat  a  prononcé  l'Abhidharma.  VA  de  même  que  le  Sthavira 
Dharmalrâta  a  fait  une  collection  des  Udânas  dispersés  dans  l'Ecri- 
ture, l'Udanavarga  ',  de  même  l'Àrya  Kûtyâyanîpulra  et  les  autres 
Saints  ont  établi  rAl)hidharma  en  'le  collectionnant  dans  les  sept 
Abhidluirmas  '. 

Quels  sont  les  dharmas  dont  rAI)hidharma  enseigne  le  discer- 
nement? 

4a.  Les  dharmas  sont  '  impurs  ',  '  en  relation  avec  les  vices  ' 
(sâsrava),  ou  *  purs  ',  '  sans  relation  avec  les  vices  '  (anâsrava)  l 

Quels  sont  les  dharmas  impurs  ? 

4b-d.  Sont  impurs  les  dharmas  conditiomit\s  (samskrta)  à  l'excep- 
tion du  Chemin  ;  ils  sont  impurs  parce  que  les  vices  (Cisrava)  s'y 
attachent  '.  [3  b] 

1.  La  version  tibétaine  de  l'Udâniivarga  (Mdo  XXVI)  a  lUé  traduite  par 
W.  Rockliill  (Londres  1883)  et  publiée  par  H.  Beck  (Berlin  l'.lll).  Une  bonne  paj-tie 
de  l'original  a  été  retrouvée  au  Turkestan  (.IRAS.  1912,  pp.  35rj-377  ;  J.  As.  1912, 
I.  311,  montrant  la  correspondance  avec  les  sources  pfdies).  —  S.  Lévi,  J.  As.  1912, 
u,  21.").222. 

2.  J.  Takakusu,  On  the  Abhidharma  Literature  of  the  Sarvâstivâdins,  JPTS. 
190r».  p.  7r».  —  3.  sâsravâ  anâsrava  dhartnâh 

4.  .saw.skrtâ  niâryavn rjifâh /sâsravâ  âsravâs  tesn  yasmât  sainaimseratejl 
Les  dharmas  conditionnés,  à  l'exception  de  ceux  qui  font  partie  du  Chemin, 
sont  nonnnés  sâsrava,  '  en  relation  avec  les  vices  '. 

Comment  et  pourrpioi  sonl-ils  '  en  relation  avec  les  vices  '  ? 

1.  On  uf  peut  pas  dire  t[u'ils  sont  'associés'  (satnpraynkta)  aux  vices,  car 
seuls  la  pr-nsée  et  les  menlaux  souillés  (klista)  sont  associés  aux  vices  (I.  23). 

2.  On  ne  peut  pas  dire  (ju'ils  coexistent  (sahotpâ(la)  aux  vices.  Dans  cette 
tiypotbèse  ne  seraient  '  en  relation  avec  les  vices  ',  (1)  ni  les  dharmas  extérieurs 
(hahija,  i.  39a)  :  (2)  ni  les  cin(|  iipâdânaskandlias  (I.  8)  d'une  personne  chez  qui 
les  passions  ne  sont  pas  actuellement  en  exercice. 

3.  On  ne  j)ent  ])as  dire  (pi'i|s  sont  le  point  d'appui  (âsraya)  des  vices,  car 
seuls  les  six  organes  de  coiuiaissance  sont  le  point  d'appui  des  vices. 

4.  On  De  peut  pas  dire  qu'ils  sont  l'objet  (âlambana)  des  vices  :  dans  cette 


Hiuan-tsang,  i,  fol.  3  a-3  b.  7 

Ce  qa^'on  eLitend  par  un  dluuina  conditionné,  saniskrta,  i.  7  a, 
ii.  45  «W. 

Les  vices,  âsrava,  v.  40. 

Sans  doute  certains  vices,  la  vue  fausse  par  exemple,  peuvent 
avo«>î^0i1r  objet  le  Chemin  ou  les  dharmas  inconditionnés,  les 
asaniskrtas.  Cela  ne  fait  pas  que  le  Chemin  ou  ces  dharmas  soient 
*  impurs  ',  '  en  relation  avec  les  vices  '  (sâsrava),  parce  que  les  vices 
ne  s'y  installent  pas,  n'y  adhèrent  pas.  Ce  point  est  expliqué  au 
cinquième  chapitre  (Anusayanirdesa). 

Quels  sont  les  dharmas  purs  ? 

5  a-b.  Sont  purs  la  vérité  du  Chemin  et  les  trois  inconditionnés'. 
Quels  sont  les  trois  inconditionnés"? 

hypothèse,  le  Nirvana  (  =  niroûhasaiya)  serait.  '  en  relation  avec  les  vices  ', 
car  on  peut  avoir  tles  vues  fausses  à  l'égard  du  Nirvana  ;  dans  cette  hypothèse, 
une  terre  supérieure  serait  '  en  relalion  avec  les  vices  '  par  le  fait  des  vices  d'une 
terre  inférieure  qui  la  prennent  pour  objet  (opinions  condamnées  v.  18). 

L'auteur  explique  donc  qu'iui  clharma  est  nonuné  '  en  relation  avec  les  vices  ' 
parce  que  les  vices  y  adhèrent  (anuserate),  c'est-à-dire  y  prennent  croissance 
(pnsiim  labhaiite)  ou  y  jtrennent  séjour  et  support  (prafisthâ),  comme  le  pied 
peut  faire  sur  le  sol  et  non  sur  le  fer  rouge.  Les  passions  (anuiaija)  se  dévelop- 
pent (snmtCiy(iiite)  en  prenant  croissance  ou  siqiport  dans  et  sur  les  dharmas 
'  en  relation  avec  les  vices  '. 

D'après  une  autre  ojiinion,  de  uiénn'  (pic  l'on  dit  :  <  (^etaliineul  me  va  »  (marna 
annsete),  pour  dire  :  -  Cet  aliment  me  convient,  m'est  favorable  (anurfunlbha- 
vati)  »,  de  même  les  vices  '  vont  à  ces  dharmas  ',  '  sont  favorables  à  ces  dhar- 
mas '.  On  appelle  donc  '  en  relation  avec  les  vices  ',  les  dharmas  auxquels  les 
vices  sont  favorables,  à  savoir  les  conditionnés  à  l'exception  du  Chemin  :  en  effet, 
les  conditionnés  sont  créés  par  l'acte  arrosé  par  les  vices  ;  les  vices  leur  sont  donc 
favorables.  fV^yakhyâ).  Voir  v.  \,  18,  29.  39,  40. 

Les  écoles  ne  sont  pas  d'accord  :  Le  corps  du  Bouddha  est-il  '  en  relation  avec 
les  vices  '  ?  Voir  i.  31  d. 

1.  anâsravâ  mân/asati/am  trividham  câpy  asamskrfam  / 

La  vérité  du  Chemin,  c'est  l'ensemble  des  dharmas  qui  constituent  la  vue  et 
la  méditation  des  vérités  (vi,  25  d.,  vii,  3  b). 

Sur  les  asamslfrtas,  i,  48  b.,  ii,  55  c-d,  et  l'Introduction. 

2.  Certains  philosophes,  les  Vâtsîputrlyas,  disent  qu'il  n'y  a  (pi'un  asamskrta, 
à  savoir  le  Nirvana.  Les  Vaiâesikas  admettent  beaucoup  d'asamskrtas  :  les  para- 
mânus,  etc.  (Vyfikhya).  —  Les  uns  admettent  les  trois  asamskrtas  ;  d'autres 
considèrent  comme  asamskrta  la  sûnifatâ  qui  est  tathatâlaksanâ  (Madhya- 
maka,  vii,  33,  p.  17G;.  —  Wassilief,  p.  282.  —  Kaihâvatthu,  ii.  9,  vi.  3, 


8  CHAPITRE  PREMIER,  5  C-6  b. 

5  c.  L'espace  (âkâsa)  et  les  deux  suppressions  (niroâhay. 

Les  deux  suppressions  sont  le  praUsamkhyânirodha,  '  suppression 
due  à  la  sapienee  ',  et  Vapralisamhhyânirodha,  '  suppression  non 
due  à  la  sapienee  '. 

Les  trois  inconditionnés  et  la  vérité  du  Chcniin,  tels  sont  les  dhar- 
mas  purs  (anâsrava)  parce  que  les  vices  ne  s'y  attachent  pas. 

5  d.  L'espace  est  '  ce  qui  n'empêche  pas  '  '. 

L'espace  a  pour  nature  de  ne  pas  empêcher  (âvrnofi)  la  matière 
(rûpa)  qui,  en  effet,  prend  place  librement  dans  l'espace  ;  et  aussi  de 
ne  pas  être  empêché  (âvriyate)  par  la  luatière,  car  l'espace  n'est  pas 
délogé  par  la  matière.  ^ 

6  a-b.  La  '  disjonclion  ',  chaque  disjonction  prise  à  part,  c'est  le 
prcdisa mhlnjânlrodha.  '' 

La  disjonction  (visamyoga,  ii.  57  d)  d'avec  les  dharmas  impurs, 
c'est  le  prcdisamlchyânirodha  (ii.  55)  ou  Nirvana. 

1.  âkâsatn  dvau  niroclhau  ca.  —  Sur  les  deux  uirodhas,  i.  6,  ii.  55  c.  ;  sur 
les  cinq  nirodhas,  i.  20  a-b. 

2.  tatrâkâsam  anâvrtih  j 

3.  Sur  la  dilTérpiice  de  l'espace  (âkâsa)  et  du  vide  (âkâsadhâtu),  i.  28  ;  sur 
l'inexistence  de  l'asamskrta  nommé  •  espace  '  (théorie  SautrûntikaJ,  ii.  55  c-d. 
—  Kathâvatthu,  vi,  6-7. 

L'opinion  du  Mâdliyamika  sur  l'espace  et  les  autres  inconditionnés,  opinion 
identique  à  celle  du  Sautrântika,  est  exposée  par  Aiyadeva,  Sataka,  ix.  3  (Madhy- 
nmakavrtti,  505;  Catnhsatikâ,  202,  As.  Soc.  of  Bengal,  iii.  p.  48^^,  1*.H4)  :  «  Là  où 
il  n'y  a  pas  de  matière  (rûpa),  rien  ne  s'oppose  à  la  naissance  de  dharmaa  maté- 
riels :  l'absence  de  matière  reçoit  le  nom  d'âkâsa,  parce  que  les  choses  y  brillent 
fortement  (bhrsam  asyântah  kâsante  bhâvCih).  Les  Vaibhâsikas  supposent  dans 
l'AbliidliarmaSâstra  que  l'âfeâ.srt  est  une  réalité  (vastu),  ne  voyant  pas  que  l'Ecri- 
tiirp  .se  borne  à  ilonucr  un  nom  a  une  irréalité,  à  un  ]iur  nvaiA  (avcistîisato  '  kitn- 
rrmnstja)  ....  » 

4.  pratisnmklnfâuirodho  yo  visamyor/ah  prthak  prthak  j  Comparer  la  dis- 
cussion Kathâvatthu,  xix.  3. 

Le  Sarv.islivâdin  considère  que  la  '  disjonction  d'avec  une  passion  '  '  la  suppres- 
sion de  hi  passion  on  de  la  donleur  future  '  (ci.saniyorjn,  virodhn)  est  luie  chose 
cil  soi,  un  dliarma  réel,  une  eidilé  (dravyn).  La  '  disjonclion  '  n'est  pas  produite 
par  les  causes,  elle  est  éternelle.  Par  lu  prntisatnkhyâ  (compréhension  des  Véri- 
tés), on  obtient  l'acquisition  (prâpti,  ii.  3(i  b)  de  lu  disjonction. 


Hiucui-tsaiiçj,  i,  fol.  3  b-4  a.  9 

Par  pratisamkhyâna  ou  praUsamkliifà,  on  entend  une  certaine 
prajflâfi^la  prajnâ  pure,' la  compréhension  des  Vérités. 

La  '  suppression  '  (nirodha)  dont  on  prend  possession  par  cette 
pr«J««'s'appelle  pratisamkhyânirodha  :  nous  pourrions  dire  praii- 
samiid^j^ûffi'âpycuiirodha,  'suppression  à  obtenir  par  Isx  pratisam- 
khyâ  ',  mais  le  mot  du  milieu  (prâpya)  est  élidé,  [4  a]  comme  dans 
l'expression  '  char-à-bœufs  ',  et  non  pas  '  char  attelé  de  l>feuFs  '  (gora- 
tlia  =  goyuMaratha). 

Faut-il  entendre  que,  de  tous  les  dliannas  impurs,  il  n'y  a  qu'un 
unique  pratisamkhyânirodha  ? 

Non  pas:  chaque  disjonction  prise  à  part  e6lp)-ati.samkhy(iriirodha. 
Aussi  nombreux  sont  les  objets  de  '  jonction  '  (samyogadravya), 
aussi  nombreux  sont  les  objets  de  '  disjonction  '.  '  S'il  en  était  autre- 
ment, si  le  pratisamkhyânirodha  était  unique,  un  homme  qui  a  ob- 
tenu, qui  s'est  rendu  présente  (sâkscdkar)  la  suppression  des  passions 
qui  sont  abandonnées  par  la  vue  de  la  Vérité  de  la  douleur,  aurait 
obtenu  du  même  coup  la  suppression  des  passions  qui  sont  abandon- 
nées par  la  vue  des  autres  Vérités  et  par  la  méditation.  Il  lui  serait 
inutile  de  pratiquer  la  partie  du  Chemin  opposé  à  ces  passions.  (Vibhâ- 
sa,  32,  6) 

Mais  n'est-il  pas  dit  que  «  la  suppression  (nirodha)  est  sans 
pareille  (asahhâga)  »  ? 

Cela  ne  veut  pas  dire  que  la  suppression  soit  unique,  qu'il  n'y  ait 
pas  une  suppression  pareille  à  une  autre  suppression.  Cela  veut  dire 
que  la  suppression  n'a  pas  de  '  cause  pareille  à  son  effet  '  (sahhâ- 
gahetu),  et  n'est  pas  '  cause  pareille  à  son  effet  '  (ii.  52)  -. 

1.  Bhagavat  compare  au  poteau  l'objet  impur  (sâsrava),  c'est-à-dire  l'objet 
auquel  les  passions,  désir,  haine,  etc.  peuvent  adhérer  ;  les  passions  ou  liens, 
samyojana,  sont  la  corde  ;  le  pnclgaln  est  la  bête.  (Comparer  Sarnyutta,  iv.  282). 
L'objet  scisrava  est  le  samyogavastit,  le  sannojaniya. 

2.  Dharmadinnâ  fut  questionnée  par  son  ancien  époux  le  maître  de  maison 
Visâkha  :  kimsahliâya  ârye  nirodliali?  —  Elle  répondit:  asabhâga  âyusman 
visàklia.  (Madhyamâgama,  fasc.18,  fol.  3,  Vibhâsâ  31,  16). 

Comparer  Majjhima,  i.  304  :  nihhânassa  pan'  ayye  kim  patibhmjo  ...., 


10  CHAPITRE  PREMIER,  G  (-7  b. 

6  c-d.  Une  suppression  difTérente,  qui  consiste  dans  l'empêchement 
absolu  (le  la  naissance,  s'appelle  apratisamlcliijânirodha  '. 

La  *  suppression  '  dillerente  de  la  '  disjonction  ',  et  qui  consiste 
dans  l'empêchement  absolu  de  la  naissance  des  dharmas  futurs,  c'est 
Vaprafisainlilu/nnirodha.  Elle  est  ainsi  nommée  parce  qu'elle  est 
obtiniue,  non  par  la  compréhension  des  vérités,  mais  par  l'insuffisance 
des  causes  de  naissance  (pratijai/avaikfUyât).  - 

Par  exemple,  lorsque  l'organe  de  la  vue  et  l'organe  mental  sont 
occupés  à  un  certain  '  visible  '  (rnpa),  les  autres  visibles,  les  sons, 
odeurs,  saveurs  et  tangibles  passent  du  présent  dans  le  passé.  Il 
s'ensuit  que  les  cinq  connaissances  sensibles,  la  connaissance  visuelle, 
etc.,  qui  auraient  eu  pour  objet  les  autres  visibles,  les  sons,  odeurs, 
saveurs  et  tangibles,  ne  peuvent  pas  naître  :  car  les  connaissances 
sensibles  ne  sont  pas  capables  de  saisir  \ouv  objet  propre  lorsque  cet 
objet  est  passé.  Il  y  a  donc  '  empêchement  absolu  de  la  naissance  des 
dites  connaissances  ',  en  raison  de  l'insuffisance  des  causes  de  nais- 
sance. [4  b]. 

Ici  se  présente  une  (piadruplr-  alternative  (Vibkâscl,  32,  fi): 

1.  seiûement  prcitlsamkhyâmrodha  des  dharmas  impurs,  passés, 
présents,  destinés  à  naître  (uipaUidharman)  ; 

2.  seulement  apralisamkhymiirodha  des  dharmas  conditionnés 
purs  non  destinés  à  naître  (amitpattidharman)  ; 

S. praUsamkhyânirodha  et  aprafisamkhifâmrodha  des  dharmas 
impurs  non  destinés  à  naître  ; 

4.  ni  pratisamkhyânirodha  ni  apralisamkhyâiiirodha  des  dhar- 
Dins  [lurs.  passés  on  présents  ou  destinés  à  naître  '. 


1.  ufii'lflilfi/rnitrtvighno  'nyo  nirodho  'prafi.samkhtfayâ  II 

2.  Vilitiâsn,  '.V2,  ;").  --  Le  KaHiûvatthii,  ii.  î),  allrilme  uiix  MnliirnsHsiikas  (VVassi- 
lipf.  p.  iiS2)  ol  aux  Aiidliakas  lu  disliiiclioii  thi  patisanikhâ"  et  de  Vappatisatii- 
kluluirodhn.  Snnilîuru  discute  les  deux  nirodhas  ad  ii.  2,  22  (Voir  Album  Kern, 
111)  ;  il  rfmf'iiid  Vnpratisamkhyânirodha  et  Vanityatânirodha  (i.  20  a.b). 

•{.  Celfe  riassificatirtn  repose  sur  deux  principes  :  1.  Il  peut  y  avoir  prntisnm- 
khyânirodlia,  (disjonclion,  délacheiueiit)  des  dharmas  impurs,  de  quelque  épo- 
que qii'ils  soient,  soifut-ils  on  ne  soieid-ils  pas  destinés  à  nailre.  2.  Il  y  a  aprati- 


Hiuan-tsang,  i,  fol.  4  a-b.  11 

Nous  avons  dit  que  les  dharmas  impurs  sont  les  dharmas  condi- 
tionnéM  moins  le  Chemfn.  Quels  sont  les  conditionnés  ? 

7  a-B^'Les  conditionnés  (samskrta),  c'est  la  peutade  des  skandhas, 
mati4jfe>-«*fc.  * 

Collection  des  matières  (rûpaskandlia),  collection  des  sensations 
(vedanâskandha),  collection  des  notions  (samjnâskandha),  collec- 
tion des  '  conditionnants  '  (samskâraskandha),  collection  des  con- 
naissances (vijnânaskandlia). 

samskrta,  conditionné,  s'explique  étymologiquement  :  «  qui  a  été 
fait  (krta)  par  les  causes  en  union  et  combinaison  (sametya,  sam- 
hliûya)  ».  Il  n'y  a  aucun  dharma  qui  soit  engendré  par  une  cause 
unique  (ii.  64). 

L'expression  samskrta,  bien  qu'elle  signifie  :  '  qui  a  été  fait  ...  ', 
s'applique  au  dharma  futur,  au  dharma  présent,  comme  au  dharma 
passé  ;  en  effet,  un  dharma  ne  change  pas  de  nature  en  changeant 
d'époque.  De  même,  on  nomme  diigdha,  '  qui  a  été  trait  ',  le  lait  dans 
le  pis  ;  on  nomme  indhana,  '  bois  en  ignition  ',  l'arbre. 

sanikliyânirodha  de  tous  les  dharmas,  purs  ou  impurs,  qui  ne  sont  pas  destinés 
à  naître  :  les  dharmas  futurs  existent  :  ils  naîti-ont  si  les  causes  de  naissance  les 
font  passer  du  futur  dans  le  présent  ;  ils  ne  naîtront  pas  si  on  obtient  leur  aprati. 
samkhyânirodha.  Par  exemple,  le  Saint,  à  un  certain  moment,  obtient  de  ne 
pouvoir  renaître  dans  une  matrice  animale  :  il  obtient  V apratisamkhyânirodha 
de  la  matrice  animale,  qui,  pour  lui  est  désormais  '  non  destinée  à  naître  '  (aiiut- 
pattidharman). 

Bhagavat  dit  du  SrotaSpanna  :  «  Pour  lui  sont  supprimés  (nirnddha)  les  enfers, 
les  matrices  animales,  les  existences  de  prêta  »  (Comp.  Samyutta,  v.  356,  khlna- 
nirayo  khlnatiracchânayoniko  ...).  —  L'apratisamkhyâmrodha  est  un  dhar- 
m,a  en  soi  qui  rend  absolument  impossible,  chez  celui  qui  le  possède  (prâpti),  la 
naissance  de  tel  ou  tel  dharma.  Cette  absolue  non-naissance  ne  résulte  pas  de 
l'insuffisance  des  causes,  car,  si  les  causes  se  présentaient  quelque  jour,  le  dharma 
naîtrait:  c'est  donc  la  possession  de  V  apratisamkhyânirodha  qui  rend  le  con- 
cours suffisant  des  causes,  et  la  naissance,  définitivement  impossibles. 

Voir  ii.  55  c-d  et  v.  24. 

1.  te  punah  samskrta  dharma  rûpâdiskandhapaùcakam  j  Le  terme  skan- 
dha  est  expliqué  i.  20. 


[•2  CHAPITRE  PREMIER,  7  C-8  C. 

7  c-d.  Les  conditionnés  sont  les  chemins  ;  ils  sont  le  fondement  du 
discours  ;  ils  sont  '  avec  sortie  '  ;  ils  sont  '  ayant  des  causes  '  '. 

1.  Les  conditionnés  sont  les  chemins  — c'est-à-dire  les  époques,  le 
passé,  le  présent  et  le  futur  — parce  qu'ils  ont  pour  nature  d'être  allés 
[•j  aj.  d'aller,  de  devoir  aller.  De  mOme,  d"un  chemin,  on  dit  qu'il  allait, 
qu'il  va.  qu'il  ira  à  la  ville. 

Ou  hion  les  contlilionnés  sont  nonnnés  chemins  (adhvaii)  parce 
cpiils  sont  dévorés  (adyaute)  par  l'impermanence  (ii.  45  c). 

2.  Par  discours  (kathâ),  on  entend  la  parole,  le  discours  (vâkya)  ; 
le  discoins  a  pour  fondement  (vadu)  le  nom  ou  n\oï  (nmuan,  ii.  36)  ^ 

Faut-il  prendre  à  la  lettre  la  définition  doiuiée  par  la  stance,  et 
dire  que  les  condilionnés  sont  les  mots  ? 

Non.  Par  '  fondement  du  discours  ',  il  faut  entendre:  «  le  fonde- 
ment du  discours,  c'est-à-dire  les  mots,  avec  ce  que  les  mots  signi- 
fient ».  A  comprendre  par  '  fondement  du  discours  '  les  seuls  mots, 
on  se  mettrait  en  conflit  avec  le  Prakaranapâda  '  qui  dit  :  «  Les 
kafJidvastus,  les  fondements  du  discours,  sont  compris  dans  les  dix- 
huit  dliâtus  ».  (Vil)lirisa,  15,  s)  '• 

0.  nihsâra  signifie  '  sortie  (sâra  =  nlhsarana)  nécessaire  (ava- 
si/am)  '",  le  Nirvana  (niriipadhièesanirvâna)  de  tout  conditionné. 
Comme  on  doil  soi'lir  des  conditionnés,  on  les  (pialifie  '  munis  de 
sortie  '  '. 

1.  t(i  erâdhvâ  kathâvastn  sauihsârâh  .savnsfulrih  il 

2.  D'apms  le  Sûtra  :  trinlmâ)n  bhiksavah  kathâvastnny  acatiirtliâny 
apnùcamâni  yâny  âsritydrydh  kafham  kaflifujantah  kaihayanti  j  kata- 
mâni  triniiatitam  kathâcastu  anâgnfnm  knthâvastu  pratyufpaunam  ka- 
thâvastn. 

Conniarf-r  Aniiiiltarii,  i,  l'.)7. 

3.  xxiii.  10.  lui.  14  a  ■!•  :  <  Les  Irni.s  ciirmiiis,  les  trois  katharastns  sont  nimpris 
(Inns  le.s  dix-lmil  (lliâftir,  l's  <]oy7.p  âycdfDias,  les  vin<[  skronUias  ;  soni  connus 
par  neuf  .savoirs,  en  excliiaiil  le  iiirodhajùândt  ;  sont  (li.scerné.s  par  six  connais- 
sances ;  s«inl  afTeclés  par  Ions  les  aunnayas  ». 

4.  Poiiri|iini  riiicniidiliomii'  n'e.st-il  pas  '  fon<lenu>ni  du  discours'?  —  l'arce 
•pi'il  n'est  j»as  cause  du  liiscours  (ii.  .JÔ)  ;  parce  (pi'il  n'y  a  pas  d'histoire  de  l'incon- 
ditionné, de  même  qu'on  peut  dire  :  «  Dîpanikara  était  de  telle  manière  ....  ;  Mai- 
Ireya  sera  ....  :  le  roi  Kappliina  (?)  est  de'  telle  manière  ».  (Vyakliyâ). 

.").  D'a]>rès   l'rakarana,  .'î4  a   J,    qu'on   peut  restituer  :  sanilisâvâ  clharmâh 


Hiuan-fscuig,  i.  fol.  4  b-5  b.  13 

4.  Les  conditionnés  dépendent  de  causes  (sahetuha)  ;  on  les  qualifie 
donc •savastuka,  c'est-â-dire  '  avant  des  causes  '  '.  —  Les  Vaibhasi- 
kas  croient  que,  dans  l'expression  savastnJia,  vastu  signifie  '  cause  ' 
(hetu)'^.    . 

Tlétet:.^nt  les  divers  synonymes  de  '  conditionné  '. 

8  a-b.  Quand  ils  sont  impurs,  ils  sont  upciddnaskaudJia.  ^ 

Les  conditionnés  impurs  (sâsraua)  constituent  les  cinq  upâdâna- 
skaiidhas.  Tout  ce  qui  est  npâdânaskatidlia  est  skandlia  ;  mais  les 
conditionnés  purs  rentrent  dans  les  skandhas,  ne  rentrent  pas  dans 
les  upâdûnaskcuidhas  (Vibhâsâ,  75  3)  [5  b]. 

Les  upâdânas  sont  les  passions  (klesa,  v.  38). 

Les  upàdCinaskandhas  sont  ainsi  nommés  (1)  parce  qu'ils  pro- 
viennent des  passions,  comme  on  dit  :  '  feu  d'herbe  ',  '  feu  de  paille  '  ; 
(2)  ou  bien  parce  qu'ils  sont  régis  par  les  passions,  connue  on  dit  : 
'  homme  du  roi  '  ;  (3)  ou  bien  parce  qu'ils  donnent  naissance  aux 
passions,  comme  on  dit  :  '  arbre  à  fleurs  ',  *  arbre  à  fruits  '. 

8  c.  Ils  sont  aus.'^i  nommés  '  de  bataille  '  ''. 

katame  ?  sarve  satnskrtâ  dhannàh  —  Il  faut  '  sortir  ',  non  seulement  des  clhar- 
mas  impurs,  mais  aussi  du  Chemin.  La  Vynkhyâ  cite  le  texte  sur  l'abandon  du 
radeau,  Majjhima  i  135,  Vajracchedikâ  §  G  :  koJopamam  (Jliarniaparyâyam 
âjânadhliir  dhannâ  api  prahâtavyâh  prây  evâdharmCi  iti.  (Comparer  Bodhi- 
caryavatâra,  ix.  33  ;  Katha,  ii.  14). 

1.  D'après  Prakarana,  133  b  3  :  savastnkâh  sapratyayâ  dliarmâh  katame  ? 
—  satnskrtâ  dliarmàh.  —  Voir  ii.  ï)ï>  ad  finem. 

2.  vastu  signifie  Jietu  d'après  i'étymologie  :  vasanty  asmin  prCik  kâryâni 
pascât  tata  utpatieli. 

La  Vyâkhyâ  cite  ici  un  fragment  du  Bhâsya  ad  ii.  .j.j,  sui-  les  cinq  significations 
du  mot  vastu  dans  l'Ecriture  (Yibhasâ  196,  S).  —  Pour  Vasubandhu  sacastnka 
signifie  '  réel  '  :  les  conditioimés  sont  réels  ;  les  inconditionnés  sont  irréels. 

3.  ye  sCisravâ  upâdânaskandhâs  te 

La  Vibhâsû.  75.  3,  expose  quatorze  explications  du  terme  v.pxldCinaskandlia. 
Vasubandhu  cite  les  trois  premières. 

Sur  khandha  et  «jJâfZâitaA'A^^/mH(//ia,Visuddhimagga,xiv,  apud  Warren,  p.  155. 

4.  saranâ  api  / 

Sur  rana,  sarana,  araiiâ  (vii.  35  c),  voir  Muséon,  1914,  p.  35  ;  Walleser.  Die 
Streitlosigkeit  des  Subhûti  (Heidelberg,  1917). 


14  CHAPITRE  PREMIER,  8  C-9  cl. 

Les  passions  sont  tles  batailles  (rana)  parce  qu'elles  nuisent  à  soi 
et  à  autrui.  Les  conditionnés  impurs  sont  (jualifiés  '  de  bataille  ',  '  en 
relation  avec  les  batailles  '  (sarana),  parce  (jne  les  passions  ou 
batailles  s'y  attachent  ;  de  même,  comme  on  a  vu,  ils  sont  (pialifiés 
'  impurs  ',  '  d'impureté  '  (sâsrava),  parce  que  les  vices  ou  âsravas 
s'y  attachent. 

8  c-d.  Ils  sont  aussi  la  douleur,  l'origine,  le  monde,  le  lieu  des  opi- 
nions fausses,  l'existence  '. 

1.  Douleur,  parce  qu'ils  sont  odieux  aux  Saints  (vi.  2). 

2.  Origine,  parce  que  la  douleur  a  en  eux  son  origine  (vi.  2). 

3.  Monde,  parce  qu'ils  sont  en  procès  de  décomposition  ^ 

4.  Lieu  des  opinions,  parce  que  les  cinq  opinions  s'y  tiennent 
(tisthaii)  et  s'y  attachent  (v.  7)  (Prakarana,  33  1)  7). 

5.  Existence,  parce  qu'ils  existent  l 

Nous  avons  vu  qu'il  y  a  cinq  shandhas  (i.  7,  20).  Nous  étudions 
d'abord  le  rûpaskanclha  (i.  9-14  b). 

9  a-l).  Le  rûpa,  ou  matière,  c'est  cinq  organes,  cinq  choses  ou 
objets,  et  YaviJHupti  '. 

Cinq  organes  [6  a]  :  organes  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  du 
goût  et  du  tact  (caksiis,  srotra,  ghrâna,  jihvâ,  kâya). 

1.  (luhkham  sainndaijo  loko  drstislhânam  bhavaS  ca  te  // 

2.  asminn  eva  rohita  vyùiiâmamâtrekalevai'e  Inkam  prajnapniiâmi  loka- 
saniufUniahi  m  (Aùiiuihini  ii.  48  :  i()!iitassa(leva])iitta).  —  Bhagavat  a  dit  encore  : 
hihijate  pralnlnjaie  lasuial  lokdh  (Saiiiyulta  iv.  Ti2}.  —  As|asâliasrikri,  p.  âijfi  ; 
Malifn yiilpatli,  \'ti,  k;  (WoL^iharu,  Bodliisallvaljliûini,  Lcipsick  1908,  p.  37).  —  La 
raciiif  f'sl  luji.  iinii  pas  loki. 

.3.  hhavntJti  blntvah.  —  VyâkhyCi  :  D'après  le  texte  :  bhavah.  katamah  Ipan- 
cnjx'Kh't  )i  fiska  ml  lin  II . 

Hiiiaii-lsaiig  Iradiiil  :  •<  Ils  .sont  la  triple  existence  ». 

La  -source  de  Vasidiandliu  parait  être  Prakarana,  82  b  12  :  «  Quels  (îharmas 
soid  6/inc«  ^  Les  iIIkuiiius  impurs.  Oiiels  dhnrmas  ne  sont  pas  fi/iaua  .5  Les 
(Iharmas  purs  ». 

4.  rûpatn  fxnln'uilrijinnii  (irlliâh  pai)rârijriaplir  cra  ca  / 

tionijiariT  li'  l'rakariinaprula.  rlia|>ilrc  i.  Iradiiil  dans  rintroductinn. 


Hinan-tsang,  \,  fol.  5  !)-(»  I).  15 

Cinq  choses,  domaines  (visaya)  des  cinq  organes,  le  visible  (rûpa), 
le  son>«J'odenr,  la  saveur,  le  tangible  (sprasiavya). 

En  ajovitant  Vavijnapti  (i.  11),  tel  est  le  rûpaskandha. 

Nousavons  énuméré  cinq  choses,  visible,  son,  etc. 

9  c-d.  Les  points  d'appui  des  connaissances  de  ces  choses,  à  savoir 
des  éléments  matériels  subtils,  ce  sont  les  cinq  organes,  organe  de  la 
vue,  etc.  ' 

Les  cinq  qui  sont  le  point  d'appui  des  connaissances  du  visible,  du 
son,  de  l'odeur,  de  la  saveur  et  du  tangible,  et  qui  consistent  en 
éléments  matériels  subtils,  suprasensibles,  ce  sont,  dans  l'ordre,  les 
organes  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  du  goût  et  du  tact. 

Bhagavat  dit  en  effet  :  «  L'œil,  ô  Bhiksus,  ùijatana  interne,  subtile 
matière  dérivée  des  grands  éléments  »  - 

Ou  bien,  on  peut  comprendre  :  ' 

9  c-d.  Les  points  d'appui  des  connaissances  de  ces  organes,  à 
savoir 

Les  points  d'appui  de  la  coimaissance  visuelle,  ou  coimaissance 
de  l'œil  (caksiirvlJHdna),  etc.  —  Cette  interprétation  est  conforme 
au  Prakarana  (13  a  10)  qui  dit  :  «  Qu'est-ce  que  l'organe  de  la  vue  ? 
—  C'est  la  matière  subtile  qui  est  le  point  d'appui  de  la  connaissance 
de  la  vue  [6  b]  ». 

Examinons  maintenant  les  cinq  choses  en  commençant  par  le 
'  visible  ',  rûpâyaiana. 

1.  tadvij nclnâsrayâ  rûpaprasctdas  caksurâdayali  jj 

Les  cinq  organes  (indriya)  sont  suprasensibles  (atindriya),  transparents 
(accha),  distincts  de  ce  qui  est  l'objet  des  organes,  distincts  du  visible,  du  tangi- 
ble, etc.  C'est  par  raisonnement  que  nous  connaissons  leur  existence.  Ils  ont  pour 
support  (adJiisthâna)  ce  que  la  langue  vulgaire  appelle  œil,  etc.  (i.  44  a-b). 

Sur  pasâdacakklm,  cakkJmpasàda,  Dliammasangani,  616,  628. 

2.  Voir  le  Sûtra  cité  i.  35.  —  Comparer  Vibhaùga,  122,  Psychology,  173. 

3.  La  première  interprétation  d'après  Vihhâsâ,  71,  i~2. 


16  CHAPITRE  PREMIER,  10  a-C. 

10  a.  Le  visible  est  de  deux  soites,  de  vingt  sortes  '. 

1.  Le  visible  est  couleur  et  ligure.  La  couleur  (vanta)  est  quadru- 
ple :  bleu,  rouge,  jaune,  blanc  ;  les  autres  couleurs  sont  des  succédanés 
de  la  (juadruple  couleur.  La  figure  (samsthâna)  (iv.  3  c)  est  octuple  : 
long,  court,  carré,  rond,  haut  (îuinata),  bas  (avanata),  égal,  inégal  '. 

2.  On  obtiendra  vingt  espèces  :  les  quatre  couleurs  primaires  ;  les 
luiit  figures  ;  huit  couleurs  :  nuage,  fumée,  poussière,  brouillard, 
ombre,  lumière  chaude,  clarté,  obscurité.  Quelques-uns  font  de  l'em- 
pyrée  (nahhas),  (|ui  ap[)amît  comme  un  nuir  de  lapis,  une  couleur  ; 
ce  qui  donne  le  chiffre  de  \ingt-et-un. 

'  Egal  '  (sâta)  signifie  '  de  figure  égale  '  ;  '  inégal  '  (viéàla)  est  le 
contraire  ;  le  brouillard  (mahikâ)  est  la  vapeur  qui  monte  de  la  terre 
et  de  l'eau  ;  la  lumière  chaude  (âtâpa)  est  la  lumière  du  soleil  ;  la 
clarté  (âloka)  est  la  lumièie  de  la  lune,  des  étoiles,  du  feu,  des  herbes 
et  des  gemmes  ;  l'ondjre,  —  née  d'un  obstacle  à  la  lumière,  —  c'est 
là  où  les  formes  restent  visibles  ;  l'obscurité  est  le  contraire  [7  a]. 

Les  autres  termes  ne  réclament  pas  d'explication. 

3.  Le  visible  peut  être  couleur  sans  être  figure  '  :  bleu,  rouge,  jaune, 
blanc,  oiubre,  lumière  chaude,  clarté,  obscurité. 

11  peut  être  figure  sans  être  couleur  :  cette  partie  du  long,  du  court, 
etc.,  (pii  constitue  l'acte  corporel  (kâyavljuapti)  '  (iv.  2). 

Il  peut  être  à  la  fois  couleur  et  figure  :  toutes  les  autres  catégories 
de  visible. 

D'autres  docteurs  soutiennent  que  seules  la  lumière  chaude  et  la 
clarté  sont  exclusivement  couleur  ;  car  le  bleu,  le  rouge,  etc.,  se  pré- 
sentent à  la  vue  sous  les  aspects  de  long,  de  court,  de. 

4.  Mais,  disent  les  Sautrâiiiikas,  connuent  une  chose  uni(|ue  pour- 
rait-elle être  (vidyate)  double,  couleur  et  ligure  l(»ut  ensemble  ?  Car, 
dans  le  système  des  Vaiblifisikas,  la  couleur  et  la  figure  sont  choses, 
(lr(iri//i,  distinctes  fiv.  3). 

I.  nqmm  (h'idliâ  rhnsulidhâ. 

\  ililiriHil,  l;î.  «1  :  Mii!iri\  viit|Killi,  loi  ;  comparer  Dli!iiniii:isunguni.  r»17. 

ii.    I,«'.s  Sanlrrnitil;.!-.  iiicnl  (|im'  la  fiunrc  .sttit  aiilri-  cliosc  (|iii'  la  •(iiiltnr. 

•?.   Vijfi.'iiiakâya.  XAiii.  ît.  4."<  l>  IS  :  Vibliâsû,  lii,  17. 

\.   IMiaiiiniasani;iini,  (>Wi. 


Hinan-tsauf/,  i,  fol.  6  Ij-71j.  17 

Parce  que  couleur  et  ligure  .sont  perçues  (prajùduaj  dans  une 
chosaNiiiique.  La  racine  vid  a  ici  le  sens  de  coimaître,  percevoir,  et 
non  pas  1^  sens  d'exister. 

Mais,  répliquent  les  Sautrântikas,  vous  devrez  admettre  i[Lie  l'acte 
corp«iKii-^t  à  la  fois  couleur  et  figure. 

10  b.  Le  son  est  octuple  '. 

1.  Il  est  quadruple  :  ayant  pour  cause  les  grands  éléments  actuels 
faisant  partie  des  organes,  ayant  pour  cause  d'autres  grands  éléments 
(upûttCinupâltamaliàblnitahehika,  i.  34  c-d),  appartenant  en  propre 
à  des  êtres  vivants,  n'appartenant  pas  en  propre  à  des  êtres  vivants 
(sattvâsattvâkhya)  -.  Chacune  de  ces  quatre  catégories  est  agréable 
ou  désagréable. 

Première  catégorie  :  son  causé  par  la  main,  par  la  voix. 
Deuxième  catégorie  :  son  du  vent,  de  la  forêt,  de  l'eau. 
Troisième  catégorie  :  [7  b]  son  de  l'acte  vocal  (iv.  3  d). 
Quatrième  catégorie  :  tout  autre  son. 

2.  D'après  d'autres  docteurs^  un  son  peut  appartenir  aux  deux  pre- 
mières catégories  à  la  fois,  par  exemple,  le  son  produit  par  le  concours 
de  la  main  et  du  tambour.  Mais  l'Ecole  (Vibhâsâ,  127,  s)  n'admet  pas 
qu'un  atome  de  couleur  (vania)  ait  pour  cause  deux  tétrades  des 
grands  éléments  ;  donc  on  ne  peut  admettre  qu'un  atome  de  son  soit 
produit  par  les  quatre  grands  éléments  de  la  main  et  les  quatre  grands 
éléments  du  tambour. 

10  b-c.  La  saveur  est  de  six  sortes  ''. 

Douce,  aigre,  salée,  piquante,  amère,  astringente. 

1.  [sahdo  'stadhâ  bhavet] 
Dhammasansïani,  621. 

2.  sattvCikhya  =  sattvam  Cicaste,  tout  dharnia  qui  dénote  un  être  vivant  est 
nommé  sattvàkhtja.  Lorsqu'on  entend  le  son  qui  constitue  l'acte  vocal  (vâgvij- 
iiapti,  iv.  3  d),  on  sait  :  «  C'est  un  être  vivant  ».  Tout  son  différent  de  la  parole 
est  asattvâkliya. 

3.  rasahlsodlm. 

D'après  Dharmaskandha,  9,  9,  de  quatorze  sortes.  Comparer  Dhammasangani, 
629. 

2 


18  CHAPITRE  PREMIKR.   10  C-d. 

10  c.  L'odeur  est  (juadruple  '. 

Car  la  Ixmne  odoiir  et  la  niaiivaiso  odour  sont  ou  excessives  ou 
M(Mi  excessives  (scnna,  l'isania  =  utkafa,  (ui/nikafa).  D'après  le 
l'rakaïaua  (foi.  l.">  l>  1).  l'odeur  est  triple  :  boiuie,  mauvaise,  égale  ou 
iiidilIV-rciilc  (s(tnt(t). 

10  d.  Le  lau^ihle  est  de  onze  espèces  -. 

1.  Onze  choses  sont  des  choses  tangibles  (spradanjadravya)  : 
les  quatre  grands  éléments  (maliâbhfda),  le  doux,  le  rude.  1(^  lourd, 
le  léiicr,  le  froid,  la  laiui  et  la  soi!'. 

il 

2.  Les  éléments  seront  expliqués  plus  bas  (i.  12).  Le  doux  (slakfi- 
nafva)  est  le  moelleux  (snigdhaP)  :  le  rude  (karkam)  est  l'âpre  ; 
le  lourd  (fjuridva),  en  vertu  de  quoi  les  corps  sont  susceptibles  d'être 
pasés  (i.  30)  ;  le  léger  (laghutva)  est  le  contraire  ;  le  froid  (élta),  ce 
(pii  produit  le  désir  de  la  chaleur  ;  la  faim  (huhJmksâ),  ce  qui  produit 
le  désir  de  raliineul  :  la  soif  (plimsâ),  ce  (pii  produit  le  désir  de  la 
boisson.  On  désigne  en  effet  \rM-  les  mots  faim,  soif,  le  tangible  qui 
produit  la  faim  et  la  soif  :  par  hypallage,  en  désignant  la  cause  par 
le  nom  (If  l'effet.  De  même  ((u'il  est  dit  |<S  a]  :  «  L'ajiparition  des 
Bouddhas  est  bonheur  ;  l'enseignement  de  la  religion  est  bonheur  ; 
bonheur,  la  concorde  de  la  counmuiauté  ;  boidieur,  l'austérité  des 
religieux  (jui  sont  d'accord 


3.  Dans  le  Rû[)adhritu  '  manipieul  la  faim  et  la  soif,  mais  les  autres 
tangibles  s'y  trouvent.  11  est  viai  que  les  vêtements  des  dieux  du 
Rnpadhâlu,  iudividu«;llement,  n'ont  pas  de  jioids  :  mais,  réunis,  ils 
pé>fiit.  n  tsl  vrai  qiif  b'  froid  miisible  mauipie  dans  le  Rilpadhâtu, 
mais   if   froid    bieui'aisaut  (anncjrâkakaj  s'y   trouve:  telle  est,  du 

1.  lufniiUins  cftturdhd.  ^ 
l>li(iiiiiiiasarii;iiiii,  (i;2.~i. 

2.  spraslnriffun  ekàdasâfniiknt»] 

Vil.liâsâ.  Ii27,  1.  Dliuiiiiiiasungani.  (>48.  —  Voir  i.  .'!.">. 

•i.  Dliiiiiiiiia|ta(la.  194  ;  Uflûiiavargu,  ,Nxx.  23.    -  L'a]>|iaiili()ii  iIps  Bouddhas  est 
cause  de  i»()iilu-iir,  iinii  pas  liriulicnr. 

4.  Voir  j.  3U  h. 


Hiuan-tsang,  i,  fol.  7  b-8  b.  l9 

moins.  J'opinioii  des  Vaibhâsikas.  [Pour  nous,  c'est  le  recueillement 
qui  récfée  les  dieux,  non  pas  le  froid]. 

Il  arrive.'  qu'une  connaissance  du  visible,  ou  connaissance  visuelle, 
naisi^i-^fTrne  seule  chose  (clravya),  d'une  seule  catégorie  de  visible  : 
lorsque  le  caractère  de  cette  chose  (bleu,  etc.)  est  distingué  à  part. 
Dans  d'autres  cas,  une  connaissance  est  produite  par  plusieurs  choses  : 
lorsque  semblable  distinction  manque  ;  par  exemple,  lorsqu'on  voit 
de  loin  et  d'ensemble  les  multiples  couleurs  et  ligures  que  présente 
une  armée  ou  un  tas  de  joyaux.  La  même  remarque  s'apiiliijuc  aux 
connaissances  auditive,  olfactive,  etc.  Mais  une  connaissance  tactile 
naît  au  maximum  de  cinq  choses,  à  savoir  les  quatre  grands  éléments 
et  un  quelconque  des  autres  tangibles,  doux,  rude,  etc.  Tel  est  l'avis 
de  certains  docteurs,  car,  d'après  une  autre  opinion,  une  connaissance 
tactile  peut  naître  des  onze  tangibles  à  la  fois. 

Objection.  —  D'après  ce  que  vous  dites,  chacune  des  cinq  connais- 
sances sensibles  porte  sur  un  ensemble  (sâmânya)  ;  par  exemple  la 
connaissance  visuelle  porte  sur  le  bleu,  le  rouge,  etc.  ;  par  conséquent 
les  connaissances  sensibles  ont  pour  objet  le  '  caractère  commun  ' 
(sâmâuifcdaksana)  et  non  pas,  comme  l'Ecriture  nous  l'enseigne,  le 
'  caractère  propre  '  (svalaksanaj.  [S  b] 

Le  Vaibhâsika  (Vibhâsâ,  13,  1-2)  répond  que,  par  caractère  propre, 
l'Ecriture  entend,  non  pas  le  caractère  propre  des  choses  (dravya), 
mais  le  caractère  propre  de  Vâyatana  (ii.  62  c)  -. 

1.  D'après  Vibhâsâ,  13,  9. 

2.  Le  manovijnâna,  ou  connaissance  mentale,  saisit  l'ensemble  des  objets  des 
connaissances  sensibles,  connaissance  visuelle  (caksttn'ijiîcina),  etc.  ;  c'est  pour- 
quoi on  considère  qu'il  a  pour  domaine  le  samânyalaksana,  en  d'autres  termes 
qu'il  n'est  pas  spécialisé  quant  à  son  objet. 

Si,  de  même,  on  dit  que  la  connaissance  visuelle  saisit  l'ensemble  des  quatre 
objets  des  quatre  connaissances  visuelles  portant  sur  le  bleu,  le  jaune,  le  rouge  et 
le  blanc,  nous  devrons  dire  qu'elle  a  pour  domaine  le  samânyalaksana,  puisque 
les  caractères  du  rûpCiyatana  '  visible  '  sont  son  objet.  De  même  pour  les  con- 
naissances auditive,  olfactive,  etc.  —  Or  ceci  est  en  opposition  avec  l'Écriture. 

Réponse.  —  Quand  l'Ecriture  enseigne  que  chacune  des  cinq  connaissances 
sensibles  a  pour  domaine  un.svalaksana,  elle  vise  le  caractère  (laksana)  propre 


20  CHAPITRE  PREMIER,  10  d-12  b. 

L(irs(|iu'  les  ori^aiifs  du  lad  cl  du  ^oût  alleiynent  en  même  temps 
leur  (ijiji't  (i.  4?»  c-d).  (]iu'lle  coiiiiaissance  est  la  première  à  naître  ? 

—  Celli'  donl  l'objcl  cA  le  plu.s  énergique.  Mais  si  l'énergie  des  deux 
objets  est  égale,  la  connaissance  du  goût  naît  la  iticiiiiric.  ii.iirc  (|iie 
le  désir  de  l'aliniiMil  domine. 

Nous  avons  expliqué  les  ol)jets  des  ciiKj  organes  de  la  connais- 
sance sensible,  et  comment  ces  objets  sont  perçn.s.  Nous  examinons 
maintenant  V(ii:/JH(<pfi,(\ui  est  la  onzième  catégorie  dwrnpaskandha. 

11.  Dans  un  bonime  aussi  dcjul  la  pensée  est  distraite,  ou  qui  est 
sans  pensée,  une  continuité  sériale,  bonne  ou  mauvaise,  en  dépen- 
dance des  grands  éléments  :  c'est  là  ce  qui  est  appelé  avijùapti  '. 

'  Dont  la  pensée  est  distraite  (iHksipU()  ',  ([ui  a  \n\e  pensée  diffé- 
rente de  la  pensée  qui  a  provoqué  Yavijnaptt,  —  par  exemple,  une 
pensée  mauvaise  quand  Ydvijnapti  a  été  provoquée  par  une  pensée 
bonne. 

(sva)  des  âiidlamis,  à  savoir  la  (jualilt"  (rt-lre  rûpâiiatanu,  c'est-à-dire  la  (|ualité 
d'être  visible,  la  '  ([iialité  d'être  roiinaissalile  par  lu  eoiinaissance  visuelle  ',  la 
(|iialité  d'être  s(th<l(iif(it(iu(i  ou  •  (lualilé  d'être  coiinaissaljle  par  lu  connaissance 
auditive  ',  etc.  L'ExTiture  ne  vise  pas  le  caractère  propre  des  choses,  ii  savoir  la 
'  tpialité  d'avoir  l'aspect  lilen  '  mi  '  (jiia!il(''  d'être  coiuiaissaMc  p.ir  une  connais- 
sauce  visuelle  ayaul  rasjtect  bleu  '.  elc.  Cv  n'est  pas  au  point  <le  vue  de  ces  carac- 
tères propres  des  choses  (pie  les  ciuij  connaissances  sont  dites  '  avoir  pour  domaine 
le  sr(il(iks<i>i(i  ',  en  d'aidres  tenues,  soid  dites  '  spécialisées  «piaul  à  b  ur  objet  '. 

I.  lihsiytâcHlakasyâpi  i/n  'inihan(IIi((h  snhhâSvblKili  j 
ntahtiblintruiij  iipiidâtja  sa  Inj  (nniriaplir  iici/dte  // 

\.'(tvij}m))ti  sera  décrite  rri  d(''lail  i\,  •{  d  elc.  —  On  peut  Irailuire  :  '  uon-iuCor- 
nuitioii  '.  (i'e.si  un  acte  (pii  ne  lait  rien  savf)ii'  à  autrui,  eu  cela  seudilable  à  Pacte 
mental  :  uiais  (pii  est  matière  (rfqxi),  eu  «-ela  senddablr  à  l'acte  corporel  et  vocal. 

—  On  verra  cpie  les  Sautrâulikas  et  VasubaiiiHiii  u'adiiM  Ibul  pas  l'existence  d'un 
i-ertain  (Ihnriun  uonMué  (irijfiiiiili. 

Sani^'habhadra  pense  ipie  la  iléliuiliou  <ie  l'arijùapH,  telle  <|ue  Vasubaudbu  lu 
fornude,  n'fsl  pu.i  couloruu'  à  lu  ibiclriiie  Xaibliâsiku.  Ses  objections  (Nyâyânu- 
s&ra)  soid  reproduites,  et  réfutées,  par  \  .isnndlra  (Vyâkliyâ  Hl,  i(;-34,  5).  Dans  hi 
Suinayupruilïpikâ,  il  sulistiluc  à  la  kfirikâ  de  V'asubaudlin  une  nouvelle  kûriks, 
que  cite  Yasoniiira  : 

krfp  'pi  risdhUfifjp  'pi  rUfc  rUtnljjHijp  ra  yat  / 
ripihrfftprfttitjh'im  nipotii  su  Inj  <nijù<tp!ir  isyate  jj 


Hiiian-tsang,  i,  fol.  8  b-9  a.  21 

*  Qui  esi  sans  pensée  (acittaka)  ',  c'est-à-dire  qui  est  entré  dans 
un  de^Mcecueillenients  d*inconscieiice  nommés  ascmijnisamdpatti 
et  nirodha^amCipalti  (ii.  42). 

'  Dans'lm .homme  aussi ',  le  mot  «îtôi'Miîdique  ([ue  V avijùapli 

existe«JS[ii»f' pour  Thomme  de  pensée  non  distraite,  pour  riiomme 
dont  la  pensée  n'est  pas  abîmée  dans  les  deux  recueillements. 

'  Bonne  ou  mauvaise  ',  suhha,  ctsiibha,  kusala,  akusala. 

'  Une  continuité  sériale  '  (anuhandha),  un  flux  (pravâlia). 

'  En  dépendance  des  grands  éléments  '  (maliàbhCdâny  upâdâya)  : 
ceci  pour  distinguer  la  série  dite  avijfiapti  de  la  série  des  prâptis 
(ii.  36).  Uavijnapti  est  en  dépendance  des  grands  éléments,  parce  que 
ceux-ci  sont  sa  cause  génératrice,  sa  cause  tutélaire,  etc.  (ii.  65, 
Vibhâsâ,  127.  fi). 

'  C'est  là  ce  qui  '  [9  a],  pour  indiquer  la  raison  du  nom  avij- 

napti.  Cette  continuité  sériale,  tout  en  étant  de  sa  nature  matière 
(rûpa)  et  action,  —  comme  la  vljùaptl,  l'acte  corporel  et  vocal,  — 
cependant  ne  fait  rien  savoir  à  autrui  (vijhapayaii)  ainsi  que  fait  la 
vijnapH. 

'  Est  appelé  ',  pour  montrer  que  l'auteur  expose  ici  l'opinion  des 
Yaibbâsikas,  non  pas  la  sienne. 

En  résumé,  Vavijiiapti  est  un  rûpa,  bon  ou  mauvais,  né  de  la 
vijnapti  ou  du  recueillement. 

12  a-b.  Les  éléments,  ou  grands  éléments,  sont  la  substance  élémen- 
taire (dhâtu)  '  terre  ',  les  substances  élémentaires  '  eau  ',  '  feu  '  et 
'  vent  '  '. 


1.  bhûtâni  prthivîdhâtnr  aptejovâyndhâtavah 

Sanighabhadra  explique  : 

Pourquoi  les  maliâhlmtas  .sont-ils  appelés  dhâtu  ?  —  Parce  qu'ils  sont  le  lieu 
d'origine  de  tous  les  rnpadharmas  .les  maluiblmfas  eux-mêmes  ont  leur  origine 
dans  les  uiahâbhfUas.  Or.  dans  le  monde,  le  lieu  d'origine  re(;oit  le  nom  de  dhâtu  : 
c'est  ainsi  que  les  mines  d'or,  etc.  s'appellent  dhâtu  d'or,  etc.  —  Ou  bien  on  les 
appelle  dhâtu  parce  qu'ils  sont  le  lieu  d'origine  de  la  variété  des  souiTrances- 
Exemple  comme  ci-dessus. 

Quelques-uns  disent  <[u'on  les  appelle  dilata  parce  qu'ils  portent  et  le  caractère 
propre  des  ïuahâbliûtas  et  le  rîlpa  dérivé. 


22  CHAPITRE  PREMIER,  12  a-13. 

Ces  quatre  sont  les  i[uatre  dhâtus,  ainsi  nommés  parce  qu'ils 
portent  (dhânina)  et  leur  caractère  propre  et  la  matière  dérivée  ou 
secondaire  (upùdCnjarùpa,  hhauiika). 

On  les  nomme  '  grands  '  :  ils  sont  grands  parce  qu'ils  sont  le  point 
d'appui  de  toute  matière  dérivée.  Ou  bien  parce  qu'ils  s'assemblent 
en  granii  dans  la  masse  de  la  terre,  de  l'eau,  du  feu,  du  vent,  où  se 
manifestent  ensemble  leurs  modes  d'activité  (vrtti)  (Vibbrisn,  131,  6, 
127,  5)  '. 

Par  quelle  activité  ces  dhâtus  sont-ils  établis  et  quelle  est  leur 
nature  ? 

12  c-d.  Ils  sont  établis  par  les  actions  de  support,  etc.  ;  ils  sont  le 
solide,  rbumide,  le  chaud,  la  motion  \ 

Les  éléments  terre,  eau,  feu,  vent,  sont,  dans  l'ordre,  établis  par 
les  actes  [9  b]  de  support,  cohésion  (samçirrdia),  cuisson  (pakti), 
expansion  (ruâhana).  Par  expansion,  il  faut  entendre  croissance 
(vrddhij  et  déplacement  (pramirpana).  Tels  sont  leurs  actes. 

Quant  à  leur  nature,  l'élément  terre  est  le  sohde,  l'élément  eau  est 
riiumido  ;  l'élément  feu  est  le  chaud  ;  l'élément  vent  est  la  motion  \ 
Par  motion,  on  entend  ce  qui  fait  (jue  la  série  d'états  qui  constituent 

Les  (Ihnfus  |)nrtcnt  aussi  le  nom  de  nidlinhliutn,  —  Pounjiini  bliûtn  ?  I'our(|ii()i 
mahâbhûta  ? 

Au  moment  on  naissent  les  diverses  espèces  de  rûpa  dérivé  (bleu,  etc.),  chacun 
d'eux  surgit  sous  des  aspects  ditférenls  :  c'est  pourquoi  on  les  nonnne  hhfita. 
D'après  d'autres  docteurs,  en  raison  du  pouvoir  souverain  ((uUtipnti)  de  l'acte 
des  êtres  vivants,  au  cours  de  l'éternel  samsara,  ils  existent  toujoin-s  :  c'est  pour- 
cpioi  on  les  nonnne  blinta.  Ou  bien,  l'apparition  (nfjtnda)  des  dUarmas  est  ce 
«pi'on  appelle  hhavn  .... 

1.  ffnlH(lhhûUivrtfisii  2Jrthivyaptejov(lyiiskan(lliesu  tesv  esâm  tnahâsamni- 
veëatvât. 

L'exj)licafinn  élyiuolo;^i(|ue  <le  liliufniti  est  bUiilmn  f<nn(inti. 

2.  (Uirtnailifid rniasd msiddhah  klin ra.sneUosnafcrit iidh  / 

L'eau  (au  .sons  vulgaire  du  mot)  sujtporte  les  navires  :  donc  l'élément  terre  y 
manifeste  son  activité  propre  ;  elle  est  chaude  ;  elle  se  meul  ;  etc. 

Voir  ii.  22;  Dhainiilasan^'anl,  Î)r»ii-'.M>()  ;  (lompendiuin.  A|'pendi(e.  p.  2('».S. 

3.  Praknratia.  ]'■]  a.  —  La  Mahâvyiilpatti  (101)  a  lilKthkhatatva,  dravatva, 
usnntvd,  în (jhusamndira Hdtva. 


Hiuau-tsaug,  \,  fol.  9  a-h.  23 

une  chose  va  se  reproduisant  dans  des  lieux  différents  '  ;  de  même 
qu'on  .JWrt-le  de  la  motion  d'une  flamme  (iv.  2  c-d). 

Les  Prakaranas  -  et  le  Sntra  '  disent  :  «  Qu'est-ce  que  l'élément 
vent  ?  —  La  légèreté  (lac/lmtca)  »  ;  les  Prakaranas  disent  aussi  : 
«  he'^^rf  (laglui)  est  un  nlpa  dérivé  ».  Par  conséquent,  le  dliarma 
((ui  a  pour  nature  la  motion  (iranâtmaka),  c'est  l'élément  vent  *  :  sa 
nature  (légèreté)  est  manifestée  par  son  acte  de  motion  (iranâ- 
karman). 

Quelle  différence  entre  l'élément  terre,  et  la  terre  ;  entre  l'élément 
eau  et  l'eau,  etc.  ? 

13.  Dans  l'usage  commun,  ce  qu'on  désigne  par  le  mot  '  terre  ', 
c'est  de  la  couleur  et  de  la  figure  ;  de  même  pour  l'eau  et  le  feu  ;  le 
vent,  c'est  ou  bien  l'élément  vent,  ou  bien  de  la  couleur  et  de  la 
figure  \ 

1.  desântarofpâdauasvnbhâvâ  ....  îranà,  comparer  la  souixe  citée  dans  Cora- 
pendium  :  desoiifanqrpnffiJiefubluiceiia. 

2.  Le  sanscrit  et  le  tibétain  ont  le  pliuùel.  —  Hiuan-tsang  :  Prakaranapâda  ; 
Paramârtha  :  Fen-pie-tao-li-Iuen  —  Prakarana,  13  a:  vâijudhâtuh  katcnnah? 
laglmsamudiranatcam. 

3.  Le  Sûtra  en  question  (Samyuktâgama.  11.  i.  Vijiliâsâ,  75,  8)  est  peut-être  le 
Garbhâvakrântisûtra  (Majjhima.  III,  239,  ci-dessous,  p.  49,  n.  2).  Dans  la  rédaction 
connue  par  le  Siksnsamuccaya  (p.  244),  on  a  :  (1)  pour  la  terre  :  Jcakklialatca 
kharagata  (Comparer  Mahâvastu  i.  ^339,  Divyâvadâna,  518,  2;  Dhammasangani. 
648;  Harsacarita,  JRAS.  1899,  p.  494);  (2)  pour  l'eau:  âpas  ahçjata  aptva 
snelia  snehagafa  siiehatva  dravatva  ;  (3)  pour  le  feu:  tejas  tejogata  tisma- 
gâta  ;  (4)  pour  le  vent  :  vâyu  vCitjïigata  laghntca  samudlranatva. 

4.  C'est-à-dire  :  le  léger  (loghu)  est  n'qja  dérivé  ;  la  légèreté  (laghutva),  qui 
de  sa  nature  est  mouvement  (irana),  c'est  l'élément  vent  ;  l'élément  vent  est 
donc  laghusantudlranatva  :  ce  qui  produit  la  légèreté  et  la  motion. 

5.  prthivî  vavnosdtnsfliciuam  ncgate  lokasatMJùayâ  / 
âpas  tejas  ca  vâyns  tu  dhâtiir  eca  tafhâpi  ca  // 

Telle  est  la  leçon  citée  dans  Vyâkhyâ,  viii.  35  ;  mais,  d'après  le  tibétain  et  la 

Vyâkhyâ.   p.  35,  il  faut  lire   vâiyâ  tu —  Vtltyâ  =  vcitânâtn  samûhah, 

d'après  Pâniui,  iv,  2,  42. 

Voir  viii,  30  b  (vâjjukrtsnâyatana).  Si  le  vent  est  visible,  deux  opinions  dans 
Vibhâsâ,  85,  13,  133,  5. 


24  CHAPITRE  PREMIER,   13. 

[10  a]  En  effet,  on  parle  de  '  vent  noir  ',  '  vent  circulaire  '  ;  mais 
ce  qu'on  aiipcllo  '  \  t  iit  '  dans  le  monde,  c'est  aussi  l'élément  vent. 

Pourquoi  tous  ces  dharmas,  du  visible  à  Yavijùapli,  re<;oivent-ils 
le  nom  de  rûpd  ?  Pourquoi  constituent-ils  ensemble  le  rûpaskan- 
dha  ? 

i.  Bhagaval  a  dil  :  «  Parce  (ju'il  est  incessamment  '  rompu  ', 
ô  Bhiksus,  on  le  nonune  rûpa  upâdânaskandha.  Par  quoi  est-il 
rompu  ?  —  Par  le  contact  de  la  main,  il  est  rompu  »  '. 

Que  '  être  rompu  '  (rûpyate)  s\gn\\\e  '  être  endommaj^é  '  (bâdhyate), 
c'est  ce  (jui  ressort  d'une  stance  des  ArthavargTyas,  dans  le  Ksudra- 
kâgama  (Atlhakavagga  i.  2)  -  : 

«  Un  bomme  qui  recherche  ardemment  les  plaisirs,  si  les  plaisirs 
lui  manquent,  il  est  '  rompu  '  (rûpycde),  comme  est  rompu  im  homme 
percé  d'une  (lèche  ».  (Comparer  Mbh.  xiii,  193,  48) 

Mais  comment  le  rûpa  est-il  endommagé  ?  —  En  étant  détérioré, 
transformé  (viparinâma,  vikriyà).  [10  bj 

ii.  D'aj)rès  d'autres  docteurs,  la  qualité  qui  fait  le  rûpa,  à  savoir 
le  rûpana,  n'est  pas  la  rupture,  la  détérioration  (hâdhanarûpana, 
rûpnna  dans  le  sens  de  détérioration)  ;  mais  bien  l'impénétrabilité, 

1.  rûpiffite  rûpifatn  ifi  bhiksavah [Les  sources  tibétaine  et  cliinnise  exi- 
gent, seiuble-t-il,  lu  Iraduclion  :  ...  «  Qu'est-ce  qui  est  rompu  ?  Par  le  contact  de 
la  main  ....  »]. 

Samyulta,  iii,  86  :  ruppatlti  kho  bhikkhnve  fasutâ  rûpatn  H  vticcati  /  kena 

riippnti  !  sjfeva .sirimsffpnsnttqKisseiia  rtqjpafi.  (Voir  l'interprétation  de 

Shwe  Zan  Aunt,'  dans  (lonipiiidiuin  :  «  rûpa  means  that  whidi  changes  ils  fctrm 
under  the  physical  cfinddions  of  cold  ....  »). 

Lu  Mahûvyufpatti  a:  rûpanâd  rûpcun.  (lll,  .3,  245,  11,37,  11,5.3,  il.^>4). 

Il  y  a  deux  racines  :  (i)  n'q),  qui  donne  rûpa,  forme,  couleur,  beauté,  rûpya, 
or,  etc.  ;  (2)  rup,  niiiiptre,  h'mr,,  en  védique  :  mpytiti,  ropaiia,  etc.;  en  pâli  :  rup- 
pati  {—  kiipjxtli  (ihalfiijaii  juliyafi  (lomaïuissito  hoti)  ;  en  sanscrit  classique 
bip,  litHipdti. 

2.  Les  SarvAstivâdins  coinprenneni  :  '  Clia  [vitres  utiles  '  ;  le  Pâli  signifie  'les 
Urfndea  '.  (S.  Lévi,  ,1.  As.  l<)ir>,  i.  412,  lî)U;,  ii.  .'54.) 

Insiffi  ref  k(i>}i<i>tnitns>ia  clmtiiUtjutastpt  dcltiiiah  / 
fp  kania  na  sanir'llniaiiti  sahptriddha  icH  rûpya  te  jl 
Mnhriniddesn,  p.  f).         Kern,   Verspreide  Gescbriflen,  ii.  2(11    (La   Haye    1913) 
illusln-  le  sens  de  rup  par  Jalaka  iii,  3G8,  Cariyapilaka,  3.  0,  etc. 


Hincm-fsang,  \,  fol.  10  a-b.  25 

le  heurt  ou  résistance  (pratigliâta)  ',  ro!)stacle  qu'un  rftpa  oppose  à 
ce  que^son  lieu  soit  occu'pé  par  un  autre  râpa  (voir  i,  43  c-d)  -. 
iii.  Objections. 

1.  S'il  en  est  ainsi,  le  rûpa  que  constitue  un  atome,  une  '  monade  ', 
ne  se*S«pffs  rnpa,  car  la  monade,  non  susceptible  de  détérioration, 
non  susceptible  de  résistance  (pratigliâta),  est  exempte  de  rûpana. 

Sans  doute,  la  monade  est  exempte  de  rûpana  ;  mais  un  rûpa  de 
monade  n'existe  jamais  à  l'état  isolé  ^  ;  en  l'état  d'aggloméré,  étant 
dans  un  aggloméré  (samgJiâtastha,  samclta),  il  est  susceptible  de 
détérioration  et  de  résistance  (Vibhâsâ,  75.  a). 

2.  Les  rûpas  du  passé  et  du  futur  ne  sont  pas  rûpa,  car  on  ne 
peut  pas  dire  qu'ils  soient  actuellement  en  état  de  résistance  (rûpy- 
ante pratihanijauta  iti). 

Sans  doute,  mais  ils  ont  été,  ils  seront  dans  cet  état.  Quoique 
passés  ou  futurs,  ils  sont  de  la  même  nature  que  le  dharma  qui  est 
actuellement  en  état  de  résistance.  De  même  on  nomme  indhana, 
non  seulement  le  bois  en  ignition,  mais  encore  le  combustible. 

3.  Vavijnapti  ne  sera  pas  rûpa,  car  elle  est  exempte  de  résistance. 
Sans  doute,  mais  on  peut  justifier  la  qualité  de  rûpa  attribuée  à 

Vai'ijnapti  : 

1.  rûpanam pratigliâta  ity  apare.  — pratigliâta  signifie  svadese parasyot- 
patti  pratibanclha.  —  Voir  ci-dessous  p.  51. 

Ailleurs,  la  chose  sapratigha,  '  impénétrable  ',  est  définie  :  yad  desam  âvrnoti, 
ce  qui  '  couvre  '  une  place,  ce  qui  est  étendu. 

On  verra  (i,  43)  la  sorte  de  pratigliâta  qui  est  visée  dans  Dtiaramasangani, 
618-619. 

2.  Il  y  a  une  troisième  définition  de  rûpana,  Madhyamaka\-rtti,  456,  9  :  tatre- 
dam  iluunutreti  uirûpanâd  rûpam  =  «  C'est  nommé  rfipa  parce  qu'on  peut 
l'indiquer  comme  étant  ici  ou  là  »,  et  Vyâkhyâ,  ad  i.  i24  pânyâdisaynsparèair 
bâdhanâlaksanâd  rfipanât  jidarn  iliâmutreti  desanldaréanariipanâc  ca.  — 
Comparer  Mahâvyutpatti,  245.  11.39,  desanirnpana. 

On  a  donc  :  rûpa,  ce  qui  est  impénétrable,  ce  (pii  occupe  un  lieu  ;  donc  '  matière  '. 

Samghabliadra  a  encore  d'autres  explications  :  le  rûpa  est  ainsi  nommé  parce 
qu'il  indique  l'acte  ancien  :  «  Cet  homme  a  pratiqué  un  acte,  la  colère,  qui  a  pro- 
duit sa  mauvaise  conformation  ». 

3.  na  vai  paramâmirûpatii  ekani  prtliagblmtam  asti.  —  Voir  i.  43  c-d  et 
ii.  22. 


2t^  CHAPITRE  PREMIER,   13-14  C. 

a.  La  vijîiapfi,  acte  coi-porol  ou  vocal,  d'où  procède  Xavijhapti, 
est  rnpa  :  donc  Yavijuaptl  est  rnpa,  coinine  l'ombre  est  agitée  lors- 
que l'arbre  est  agité. 

Non.  Car  Xavijnaptl  n'est  pas  sujette  à  modifications  (avikârât)  ; 
en  outre,  pour  que  la  comparaison  soit  eX(icie,V avij napti  devrait  périr 
lorsque  périt  la  vijnapti,  comme  c'est  le  cas  pour  l'ombre  et  l'arbre. 

b.  Seconde  explication.  Uavijnapti  est  rûpa,  car  les  grands  élé- 
ments, qui  constituent  son  point  d'appui,  sont  rilpa  '. 

Objection.  D'après  ce  principe,  les  cinq  connaissances  sensibles 
seront  rûpa,  car  leur  point  d'appui  (organe  de  la  vue,  etc.)  est  rûpa. 

Cette  réponse  ne  vaut  pas.  Vavijùapti  existe  en  s'appuyant  sur 
les  grands  éléments,  comme  l'ombre  existe  en  s'appuyant  sur  l'arbre, 
comme  l'éclat  d'une  gemme  existe  en  s'appuyant  sur  la  gemme.  La 
connaissance  visuelle  ne  s'appuie  pas  sur  l'organe  qui  est  seulement 
la  cause  de  sa  naissance. 

Réponse.  Que  l'ombre,  que  l'éclat  d'une  gemme  existent  en  s'ap- 
puyant sur  l'arbre,  sur  la  gemme,  cette  hypothèse  n'est  pas  conforme 
aux  principes  des  Vaibbâsikas  (Vibbâçâ,  13,9)  [U  a].  Les  Vaibhàsi- 
kas  admettenl  (pic  cliacun  des  atomes  de  couleur  qui  constituent 
Toudjre  et  la  clarté,  existe  en  s'ap[)uyant  sur  une  tétrade  des  grands 
éléments.  Et  à  supposer  que  :  «  L'ombre  s'appuie  sur  l'arbre,  car 
l'ombre  s'appuie  sur  les  grands  éléments  ([ui  lui  sont  propres,  et  ceux- 
ci  s'appuient  sur  l'arbre  »,  —  la  conq)araison  de  l'ombre  et  de  Vavij- 
ùapti est  inadmissible.  Le  Vaibhâsika  admet  que  Vavijùapti  ne  périt 
pas  lorsque  périssent  les  grands  éléments  qui  lui  servent  de  point 
d'aj)|)ni  (iv.  4  c-d).  Par  conséquent  votre  réfutation  («  cette  réponse 
ne  vaut  pas.  \j  avijhapti »)  est  sans  valeur. 

Mais,  dirons-nous,  on  peut  réfuter  l'objection  :  «  D'après  ce  prin- 
cipe, les  cin(i  connaissances  sensibles  seront  rûpa.  » 

/' 
1.  â,s)'nijnbhûffirû panât.  Cette  foniiiilc  a  luissc  dans  la  Mahâvyulpatti,  109.  2. 

L'éditfiir  jii|)(mais  niivoie  à  Vildiûsâ  7."),  14. 

La  Vyâkhyri  iidus  apprcml  ([ne  cette  seconde  explication  est  due  au  Vj-ddhaca- 
rya  Vasnliainllin. 

Sur  \i'  V'asiilianilhii  Miailn;  de  iMaiioralha,  lui-uicuic  uiaitre  du  Vusuhaudiui 
autcHir  du  Ko.«ia,  voir  Hliâ.sya  iii.  27  et  iv.  3  a,  et  les  sources  discutées  dans  l'Avant 
Propos  de  la  Cosmologie  Bouddliiipic,  [).  viii  (Londres,  1918). 


Hiiian-tsang,  i,  fol.  10  a-1 1  h.  27 

En  effet,  le  point  d'appui  tle  la  connaissance  visuelle  est  double  : 
1.  l'oiiyane  de  la  vue,  Tjui  est  en  état  de  '  heurt  '  (i.  29  b),  qui  est 
rûpa  ;  2.  J'organe  mental  (manas,  i.  44  c-d)  qui  n'est  pas  rûpa. 

Or  irn'en  va  pas  de  même  de  Vavijnapti  dont  le  point  d'appui  est 
exclttdC^wtrtent  rûpa.  Donc,  de  ce  que  Vavijnapti  est  nommée  rûpa 
parce  que  son  point  d'appui  est  rûpa,  on  ne  peut  conclure  que  la 
connaissance  visuelle  doive  être  nommée  rûpa.  Donc  la  seconde  expli- 
cation est  bonne. 

Les  organes  et  les  objets  qui  ont  été  définis  comme  rûpaskandha, 
14  a-b.  Ces  mêmes  organes  et  objets  sont  regardés  comme  étant 
dix  ûyatanas,  dix  dhâtiis  '. 

Considérés  comme  âyatana,  origine  de  la  pensée  et  des  mentaux 

(i.  20),  ils  sont  dix  âijatanas  :  caksurcïyatana,  rûpâyatana, 

kâyciyatana,  sprasiavyâyatana. 

Considérés  comme  dhâtii,  minerai  (i.  20),  ils  sont  dix  dhâtus  : 
cahsurdhàtu,  rûpadhâtu kdyadhâtu,  sprastavyadhâtu. 

Nous  avons  expliqué  le  rûpaskatidha  [11  b]  et  comment  il  se 
distribue  en  dyatanas  et  en  dhâtus.  Il  faut  expliquer  les  autres 
skandhas. 

14  c.  La  sensation  (vedanâ)  est  l'impression  pénible,  etc.  ^ 

Le  vedaiiâskandha,  c'est  le  triple  mode  de  sentir  ou  d'éprouver 
(anubhava,  anubhûti,  annbhoga),  sensation  pénible,  plaisante,  ni- 
pénible-ni-plaisante.  On  doit  distinguer  six  classes  de  sensations  : 
celles  qui  naissent  du  contact  des  cinq  organes  matériels,  organe  de 
la  vue,  etc.,  avec  leur  objet  ;  celle  qui  naît  du  contact  de  l'organe 
mental  (ii.  7  et  suiv.). 

1.  indHifârthâs  ta  evestâ  \flasâur(fana(lhâtavah]  \ 

Samghabhudra,  dans  la  Samayapradlpikâ,  lit  :  ta  evoktâ.  —  Vasubandhu  em- 
ploie l'expression  isfa,  '  sont  regai'dés  par  les  Vaibhâsikas  ',  parce  que,  poiu"  lui, 
les  skandhas  n'existent  pas  réellement  (i.  20). 

2.  vedanânnhliavali.  —  ii.  7,  8,  24  :  iii.  32  ;  Sarnyutta,  iii.  9G  ;  Dhammasan- 
gani,  3  ;  Théorie  des  douze  causes,  p.  23. 


28  CHAPITRE  PREMIER,  14  c-15  b. 

14  c-d.  T,a  notion  (sanijùâ)  consiste  dans  la  préhension  des 
caractères  '. 

La  préhension  des  diverses  natures  (svahhâva)  —  percevoir  que 
c'est  l)len,  jaune,  long,  court,  homme,  femme,  ami  (èCila).  ennemi 
(as(lta),  agréal>le,  désagréable,  etc.  — :  c'est  le  samjùciskandha 
(v(»ir  i.  16  a).  Il  y  a  lieu  de  distinguer  six  sortes  de  samjfiâ, 
d'ajtrès  l'organe,  comme  pour  la  sensation. 

15  a-b.  Le  samskâraskcDidlia,  c'est  les  samskùras  différents  des 
qualrc  auli'es  skmidlias  ^ 

Les  samskâras,  c'est  tout  ce  qui  est  conditionné  (samskrta,  i.  7a)  ; 
mais  on  réserve  le  nom  de  samskâraskandha  aux  conditionnés  qui 
ne  rentrent  ni  dans  les  skandhas  de  rûpa,  de  vedanâ,  de  samjnâ, 
expliqués  ci-dessus,  ni  dans  le  skandha  de  vijnâna  expliqué  ci-des- 
sous (i.  16). 

Il  est  VI ai  (pic  le  Snha  dit:  «  Le  ,samfikâraskandha,  c'est  les 
six   classes   de   volilion  (cefauâ)  »  ';  et  celte  définition   exclut  du 

1.  samjnâ  niinittodrjrnlutnâfmikâ  // 

Par  nimitta,  çaract*'!!'.  il  l'aut  entendre  vastmio  'rastliâvisesa,  les  diverses 
conditiuna  on  manières  d'être  de  la  chnsp.  Udfirnhana  signifie  pariccheda, 
détcrniiniitioii,  discerneineiit. 

\  ijnânakûva,  ^H'y  a  ItJ,  cité  dans  le  NyûyaljiiidMpûrvajiaksasaniksepa  (Mdo,  111, 
fol.  108  It)  et  dans  la  Madliyaniakavrlti  (p.  74),  dit  que  la  connaissance  visuelle 
connaît  le  bleu  (nllam  jânâti),  mais  ne  connait  pas  :  «  C'est  bleu  »  (no  tu  nilant 
iti).  —  Voir  la  note  ad  i.  .33  a-b.  —  C'est  par  la  samjnâ  que  l'on  donne  un  nom  à 
l'impression  visuelle,  à  la  cause  externe  de  l'impression  visuelle. 

Objection.  —  La  connaissance  (cijfiâna)  et  la  notion  (samjnâ)  sont  toujours 
associées  (ii.  24)  ;  donc  la  connaissance  visuelle  connaîtra  les  caractères  (nimitta) 
de  l'fdijet.  —  Réponse  :  la  snntjnâ  qui  accompagne  les  connaissances  sensibles 
est  faible,  indistincte.  Seule  la  connaissance  mentale  est  accompagnée  d'une 
samjùâ  efficace:  seule  elle  est  savikajpaka  (i.  32-3.3). 

Cnmj>arer  Suinyulta  iii.  8(5;  AtHiasâlinî,  21)1  ;  Milinda,  (il. 

2.  Cette  ligne  est  difficile  à  restituer.  On  a  : 

Isamskâraskandhas]  caturhhyn  'injc  \samskârâh\ 

Sur  \vji  snmskâvds,  Tliéorie  des  douze  causes,  pp.  9-12. 

•3.  fwmsknrnskfindlKih  katamah  /  sac  cpfn})âkât/âh.  —  Comparer  Snniyulta, 
iii.  (iO  ktt faille  ca  hliikkluire  saiiikliârâ  /  chaiihiie  cctanâkayâ  I  rûpasatnce- 
tanâ dhawmasamcetanâ  ;  Yihhiiiv^a,  p.  144;  Sumahgalavilâsinï,  p.  64. 


Hkian-tsang,  i,  fol.  11  b-12  a.  29 

samskâraskajidha  1.  tous  les  viprayuJdasamskûras  (ii,  35),  2.  les 
sampfayul-tasamskùms  (ii.  23  b,  34)  à  l'exception  de  la  volition 
elle-mên>e.  Mais  le  Sûtia  s'exprime  ainsi  en  raison  de  l'importance 
capitale  de  la  volition,  laquelle,  étant  acte  de  sa  nature  ',  est  par 
déli'fttlifrfî''  le  facteur  qui  modèle,  conditionne,  crée  (ahMsamskar) 
l'existence  à  venir.  Aussi  Bliagavat  a  dit  :  «  Vnpcldânaskandha 
nommé  samskâras  est  ainsi  nommé  parce  qu'il  conditionne  (ahM- 
samskar) le  conditionné  (sumskria)  »  ',  c'est-à-dire  parce  qu'il  crée 
et  détermine  les  cinq  skandhas  de  l'existence  à  venir  '  [12  a]. 

A  prendre  à  la  lettre  la  définition  du  Sfitra,  on  arriverait  à  cette 
conclusion  que  les  dharmas  mentaux  (sampraifukta),  à  l'exception 
de  la  volition,  et  tous  les  dharmas  de  la  classe  viprayukta  (ii.  35), 
ne  font  partie  d'aucun  skandha.  Ils  ne  feraient  donc  pas  partie  des 
Vérités  de  la  douleur  et  de  l'origine  :  on  n'aurait  ni  à  les  connaître 
(parijàù),  ni  à  les  abandonner  (praliâna).  Or  Bhagavat  a  dit  :  «  S'il 
est  un  seul  dharma  qui  ne  soit  connu  et  pénétré,  je  déclare  qu'on  ne 
peut  mettre  un  terme  à  la  douleur  »  (vi.  33)  '.  Et  encore  :  «  S'il  est 
un  seul  dharma  qui  ne  soit  abandonné  ....  »  (Sarnyukta  8,  22).  Donc 
l'ensemble  des  mentaux  (caittas)  et  des  vipraynktas  est  inclus  dans 
le  samskâraska ndh'a. 


1.  La  volition  est  l'acte  (i\ ,  1),  cause  d'npapatti,  par  opposition  à  la  soif,  cause 
d'abliinirvrtti  (vi.  3). 

2.  C'est-à-iliie  :  «  parce  qu'il  conditionne  ce  qui  doit  être  conditionné  »,  comme 
on  dit  :  «  Cuis  la  bouillie  cuite  », 

3.  a.  Samyutta  iii.  87  :  satyikhatam  abhisamkharontlti  hliiMili.ave  tasniâ 
samkliârâ  ti  iniccanti  j  kin  ca  samkliatam  ahMsumkharonti  j  rnpam  rûpat- 
tâya  samkliatam  ablusanikliarouti  j  vedanam  vedanattâya 

b.  Samyutta  v.  449  :  jâtlsamvafto n ike  'pi  satnkhâre  abhisamkharonti  j  jarâ- 
samvattanike  'pi  ...  /  maranasami'attauike  'pi  ....  j  te  jâtisamvattanike  'pi 
samkhàre  abliisamkharilcd jâtipapâfain  pi  papatanti  / 

c.  abhisamskaranalaksanâh  samskârâh  (jNIadhyamakavrtti  343,  9)  ;  citfCi- 
bhisamskaramauaskâralaksanâ  cetanCi  (ibid.  311,  1);  raktah  san  râgajam 
karmâbliisamskaroti  (ibid.  137,  7,  Mahâvastu,  i.  26  et  391). 

4.  nâliam  ekadharmam  apy  anabhijnâya  aparijnâya  duhkhasyânta- 
kriyâm  vadâmi. 


30  CHAPITRE  PREMIER,   15  b-17  b. 

15  b-(l.  Ces  trois  skaudhas,  avec  Yavijùapfl  elles  inconditionnés, 
c'est  le  dhannâijaiaiia,  le  dhdrmaâhâtu  '. 

Le  vedaaâsliandha,  le  samjriàsJcandha,  le  santfîkfiraskaiidha, 
pins  Vavijnapti  (i.  1  I)  <'l  les  trois  inconditionnés  (i.  5b),  sept  choses 
([ni  sont  nonnnées  dharmâijcdniia.  dli annadhâtu. 

16  a.  I.a  connaissance  (rijnâua),  c'est  Tinipression  relative  à 
chaipie  objet  '. 

Le  vijùcDiaskandha,  c'est  l'impression  (^tvj>7ap//j  relative  àchacine 
objet,  c'est  la  '  préhension  une  '  (iipalahdhij  "'  de  cbaqne  objet 
(vlmyam  visayam  prciH)  ''.  Le  vljnânaskandlta,  c'est  six  classes  de 


1.  ta  inie  [traijah]  /  dharyunyaiauaûhâtvâJdnjnli  sahârijùaptijasamskr- 
taih  II 

2,  nijùânam  prativijnaptih.  (ii.  34). 

.'J.  La  Vyûkhyâ  expli<jue  npalahdhi  par  la  glose  vasinmâtragrahana,  el 
ajoute  vedanCulajins  tu  cailasikâ  vi.sesafirahannrfipâh  (Le  texte  de  la  Bihlio- 
theca  Buddliii-a  jxiite  à  tort  :  cai tas ikavisesw')  :  «  La  connaissance  (vijiiâua) 
ou  pensée  (cittaj  appréhende  {(jrahana)  la  chose  elle-uièuie,  sans  plus  (vastu- 
mâtra)  ;  les  '  mentaux  '  (caitasika)  ou  dliarmas  associés  à  la  connaissance 
(ii.  24),  c'est-à-dire  la  sensation,  etc.  (vedanâ  samjùâ  ....),  appréhendent  des  carac- 
tères particuliers,  des  conditions  spéciales  ».  Par  exemple,  la  connaissance  du  tact 
(kâyavijùâiia)  ajtpréhende  le  rude,  le  moelleux,  etc.  (i.  10  d}  ;  elle  est  associée  à 
une  sensation  (vedanâ)  agréable  qui  appréhende  un  certain  caractère  du  rude  ou 
(lu  moelleux,  le  caractère  d'être  cause  d'une  sensation  agréable  (sukhavedanl- 
yatâ).  La  connaissance  visuelle  appréhende  la  couleur  (bleu,  etc.)  et  la  figure 
('.srj»j,s'//(â»aj  ;  elle  est  associée  à  un  ct'rlaiu  '  mental'  nommé  ivn.>?7)7â,  notion, 
qui  appréhende  un  certain  caractère  de  la  couleur  et  de  la  ligure  considérées  : 
«  c'est  un  homme,  c'est  une  femme,  etc.  »  (i.  14  c-d). 

Cette  doctrine  a  été  adoptée  par  l'Ecole  de  Nâgârjuua.  Mudhyamakavrtti,  p.  65 
cittam  arthamâtracjrrihi  caittâ  visesâvastlitiyrfiliinah  .sukhndajiuh ;  el  par 
l'Kcole  de  Diguâga,  Nyâyabiiidulîkâ.  [t.  12,  version  tibétaine,  p.  25. 

L'éiiiteur  japonais  du  Kosa  cite  le  Koki  et  la  Vibliâsâ  qui  signalent  quatre  opi- 
nions sur  ce  problème.  .  '^  ' 

Voir  ii.  34  b-d. 

4.  C'est-à-dire,  d'après  Sanighabhadra  :  «  La  coiuiuissance  visuelle,  bien  que  de 
nombreux  objets  matériels  soiejd  jirésents,  saisit  seulement  le  visible,  non  pas  le 
son  ;  elle  saisit  h-  bleu,  etc.,  mais  ne  dit  pas  qu'il  soit  bleu,  etc.,  qu'il  soit  agréa- 
ble, désagréable,  homme,  fennne,  etc.,  S'ouche,  etc....  » 


Hiiian-tsang,  i,  fol.  12  a-b.  31 

connaissances,^  connaissance  visuelle,  audilive.  olfactive,  gustuelle, 
tactile,*4nentale. 

Consitlerée  comme  âi/ataiia  (i.  20  a), 

161).  C^est  le  mana-âyatcuia,  l'organe  mental  '. 

Considérée  comme  dliâtn  (i.  20  a), 

16  c-d.  C'est  sept  âliûtus,  ù  savoir  les  six  connaissances  et  le 
nianas  '. 

C'e^t-à-dire  :  caksurvijùânadJiâfii,  èrolra"',  ghrCma",  jilivâ^, 
kâya",  manovijmïnadliâlu,  manodhâtu. 

Nous  avons  vu  qu'il  y  a  cinq  skandlias,  douze  âycdanas,  dix-huit 
dliâkis. 

1.  Le  rûpaskandha,  c'est  dix  âyafanas,  dix  diudus,  plus  Vavi- 
jnapti. 

2.  Les  vedancl,  samjùâ  et  samslmraskandlia,  plus  Vavijiiapti, 
plus  les  inconditionnés,  c'est  le  dhannâyatcuia,  le  dharmadhâtu. 

3.  Le  vijnâvMskandha,  c'est  le  mana-âyaîana  ;  c'est  sept  dliCdiis, 
à  savoir  les  six  classes  de  connaissance  (cijncuiakâya  --=  tijnâna- 
dhcdu)  et  le  manodhâtn  ou  mauas,  l'organe  mental. 

On  demande  quel  peut  être  un  mauas  ou  manodhdlu  distinct  des 
six  classes  de  connaissance,  distinct  des  connaissances  sensibles  et 
de  la  connaissance  mentale. 

Il  n'y  a  pas  de  mauas  distinct  des  connaissances  '  : 

17  a-b.  Celle  de  ces  six  connaissances  qui  vient  de  passer,  c'est  le 
luanas  \ 

1.  manaâyntanam  ca  fat  ' 

2.  [sapta  dhâtaïas  ca  matam]  sad  vyùcinciny  atho  manah  jl 

3.  Les  connaissances  (vijuâna)  se  succèdent;  elles  peuvent  être  visuelles 

mentales.  La  connaissance  qui  disparaît  est  la  cause  immédiatement  antécédente 
(ii.  62  a),  le  point  d'appui  (âsraya)  de  la  connaissance  qui  suit  immédiatement. 
Sous  cet  aspect  elle  reçoit  le  nom  de  manas,  de  uiana-âyatana,  de  manodhâhi, 
de  niana-indriya  (ii.  1).  Elle  est  à  la  connaissance  qui  la  suit  ce  que  l'organe  de 
la  vue  est  à  la  connaissance  visuelle. 

4.  sannâm  anantarâtltam  vijnânam  yad  dlii  tan  manah  / 


3!2  CHAPITRE  PREMIER,   17-18. 

Toute  connaissance  qui  vient  de  périr  reçoit  le  nom  de  niCDiodhâtii 
[13  a|  :  (le  même,  un  homme  est  fils  et  père,  un  même  élément  végé- 
tal est  fruit  et  graine. 

Ohjt'clion.  —  Si  les  six  comiaissances,  (jui  font  six  (lliâlus,  consti- 
tuent le  manas  ;  si  le  Dianas  n'est  pa.s  autre  chose  que  les  six  con- 
naissances, on  aura  ou  hien  dix-sept  dltâtus,  en  excluant  le  manas 
tpii  l'ait  double  emploi  avec  les  six  connaissances,  ou  bien  douze 
(lhât)(S,  en  excluant  les  six  connaissances  ipii  l'ont  (lovd)le  emploi 
avec  le  manas,  —  à  supposer  que  vous  vouliez  dénombrer  des 
choses  distinctes  et  non  pas  de  simples  désignations. 

Cela  est  vrai  ;  mais 

17  (•-(].  On  compte  dix-huit  dhâfus  en  vue  d'assigner  un  point 
d'appui  à  la  sixième  connaissance  '. 

Les  cinq  premières  connaissances  ont  pour  point  d'appui  les  cinq 
organes  matériels,  organe  de  la  vue,  etc.  (Voir  d'ailleurs  i.  44  c-d)  ; 
la  sixième  connaissance,  la  connaissance  mentale  (manovlj nâna- 
clliCdn)  n'a  pas  semblable  point  d'appui.  Par  conséquent,  en  vue 
d'attribuer  à  cette  connaissance  un  point  d'appui,  on  appelle  manas 

Vfiir  i.  31)  a-b. 

D'après  la  Vyâkhyâ,  les  Yogâcâras  uJiuclieuL  un  tiKtiiudhdtn,  un  )nanas  ou 
organe  mental,  distinct  des  six  connaissances.  Les  Tâniraparnïyas,  les  docteurs 
de  Taprobane,  imaginent  (kalpayauti)  un  organe  matériel,  le  cœur  (lirilayacas- 
tu),  point  d'a|ipui  de  la  connaissance  mentale.  Ce  cœur  existe  aussi  dans  l'Arû- 
pyadbritu,  la  spln'ic  inuiuitérielle  :  ces  docteuis  udmetlcnt  en  effet  l'existence  de 
la  matière  dans  cette  sphère  (viii.  8  c)  ;  ils  expliquent  le  préfixe  â  dans  le  sens  de 
'  un  peu  ',  connne  âpingala,  '  un  peu  rouge  '. 

Le  Pallliâna  (cité  Compendium  of  f'hilosophy,  p.  278)  assigne  à  la  connaissance 
mentale  un  point  d'appui  matériel  (rûpa),  sans  donner  à  ce  point  d'appui  le  nom 
de  '  cœur  '.  tandis  rpi'ij  noîume  '  œil  '  le  jtoint  d'aji]iui  de  la  connaissance  visuelle. 
Mais  l'Abliidliannua  postérieur  (Visuddhimagga,  Abhidbamnasangaha,)  considère 
le  cœur  comme  l'organe  de  la  pensée. 

L'enseigneniPiil  «lu  Viblianga,  p.  88,  est  moins  net  :  «  De  la  connaissance 
visuelle,  auditive,  tactile  «jui  vient  de  périr  naît  la  pensée,  le  manas,  le  men- 
tal (i)inuasa  =  manas),  le  cœur  (=  la  pensée),  le  manas,  l'organe  manas » 

(Attliasûlinî,  .'U:{;. 

1.  sasihâérayaprasiddUijarthamdhâlavo  'stâdaàa  smrtâh  // 


Hiuan-tsang,  i.  loi.    12  b-13  h.  33 

ou  manodliâlu,  ou  eucore  mana-âijaiana  et  mami-indriijci,  ce  qui 
lui  senCide  point  d'appui;  c'est-à-dire  une  quelconque  des  six  connais- 
sances. Dp  la  sorte  il  y  a  six  points  d'appui  ou  organes,  six  connais- 
sances l^iii  s'appuient  sur  ces  six  points  d'appui,  et  six  objets. 

Ot^oii^îi.  —  Si  la  connaissance  ou  pensée  est  nommée  manas 
lorsque,  ayant  péri,  elle  est  le  point  d'appui  d'une  autre  connaissance, 
la  dernière  pensée  d'un  Arhat  ne  sera  pas  manas,  car  elle  n'est  pas 
suivie  d'une  pensée  dont  elle  serait  la  cause  immédiatement  antécé- 
dente et  le  point  d'appui  (i.  44  c-d). 

Cette  dernière  pensée  a  bien  la  nature  de  manas,  la  nature  de 
point  d'appui.  Si  elle  n'est  pas  suivie  d'une  nouvelle  pensée,  à  savoir 
la  pensée-de-conception  (pratisamdhivljnâna)  d'une  nouvelle  exis- 
tence (punarhliava),  cela  ne  tient  pas  à  sa  nature,  cela  résulte  de 
l'absence  des  autres  causes,  actes  et  passions,  nécessaires  à  la 
production  d'une  nouvelle  pensée. 

Tous  les  dharmas  conditionnés  (samskrta)  sont  inclus  dans  l'en- 
semble des  skandhas  (i.  1)  ;  tous  les  dharmas  impurs  (sâsrava,) 
sont  inclus  dans  l'ensemble  des  upâdânaskandhas  (i.  8)  ;  tous  les 
dliarmas  sont  inclus  dans  l'ensemble  des  âyatanas  et  des  dhâtus 
(i.  14).  Mais,  au  plus  court,  [13  b] 

18  a-b  Tous  les  dharmas  sont  inclus  dans  un  skandha,  plus  un 
âyatana,  plus  un  dliCdii.  ' 

Dans  le  rûpaskandha,  le  manaâyatana  et  le  dharmadhàtu. 

18  c-d.  Un  dharma  est  inclus  dans  sa  nature  propre,  car  il  est 
distinct  de  la  nature  d'autrui.  - 

Un  dharma  n'est  pas  inclus  (samgvah)  dans  ce  dont  il  est  distinct. 
Par  exemple,  l'organe  de  la  vue  est  inclus  dans  le  rûpaskandha, 

1.  ekena  skandhâyatanadhâtunâ  snrvasamgraliah  j 
Vavijnapti  fait  partie  du  riipaslca ndha  et  du  dharmadhàtu. 

2.  parabhâvaviifultaivât  si-abhareiiaiva  samgrahah  // 

Le  problème  de  rinclusioii  (samfjraha)  est  examiné  dans  Dhâtukatliûpakarana, 
Kathâvatthu,  vii.  1,  Dhatiikaya,  Prakarana  (voii-  ci-dessous  i.  20,  p.  -39,  n.  3). 

3 


/ 


34  CHAPITRE  PREMIER,  l8  C-20  h. 

étant  rûpa  de  sa  nature  ;  tlans  le  cal'snràyatana,  dans  le  caksiiY- 
(Ihâtu,  car  il  est  le  caksurâyatana,  le  caksurdhâtu  ;  dans  la  Vérité 
de  la  douleur  et  de  l'origine,  car  il  est  douleur  et  origine  ;  mais  il  n'est 
pas  inclus  dans  les  autres  skandhas,  âyatanas,  etc.,  car  il  est  distinct 
de  la  nature  de  ce  qui  n'est  pas  lui. 

Sans  doute  les  assemblées  (parsad)  sont  conquises  (samgrali) 
par  le  don  et  les  autres  samgrdhavaslus  '  ;  il  y  a  donc  samgraha 
d'une  chose  autre  par  une  chose  autre.  Mais  ce  samgraha  est  occa- 
sionnel (kâdâcltkaj  et  par  conséquent,  non  pas  réel,  mais  conven- 
tionnel (sâmkctika) 

Mais,  dira-t-on,  il  y  a  deux  organes  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odo- 
rat :  par  conséquent  il  faut  compter  vingt-et-un  dhâtiis. 

19.  Les  organes  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  bien  que  dou- 
bles, ne  font,  par  paires,  qu'un  dhâtu,  car  la  nature,  la  sphère  d'acti- 
vité, la  connaissance  sont  couununes.  C'est  en  vue  de  la  beauté 
qu'ils  sont  doubles.  [14  a]  ' 

Les  deux  organes  de  la  vue  ont  communauté  de  nature,  car  ils 
sont  l'un  et  l'autre  organe  de  la  vue  ;  communauté  de  domaine,  car 
ils  ont  l'un  et  l'autre  pour  domaine  le  visible  (rûpadhâtii)  ;  commu- 
nauté de  connaissance,  car  ils  sont  l'un  et  l'autre  point  d'appui  de  la 
connaissance  visuelle  (caksHriùjnâiUidhâtu).  Par  conséquent  les 
deux  organes  de  la  vue  ne  font  ([u'iiii  dhâtu. 

Il  en  va  de  même  des  organes  de  l'ouïe  et  de  l'odorat. 

Bien  qu'ils  ne  fassent  (|u'uu  dhâtu,  ces  organes  sont  produits  par 
paires,  en  vue  de  la  beauté  du  corps.  Avec  un  seul  œil,  une  seule 
oreille,  une  seule  narine,  on  serait  très  laid  (ii.  1  a  ;  i.  43,  30)  [14  b]  '. 

1.  Digliu,  iii.  2;}:2  ;  Dliarmasiiiiiyiiilia,  11);  Maliâ\ yiiliuiUi,  .'tô,  etc.. 

2.  jâiiyocardciJHfutdsdniâiiijâd  ekdtUidtntCv  / 

dvitve  'pi  caksurâdïnâtn  àohhârtham  tu  dvayodbhavah  jj 

3.  Grande  laideur  résulterait  du  fait  de  n'avoir  qu'un  œil,  qu'une  oreille,  qu'une 
narine.  —  Mais  hcaucouj»  d'animaux,  cliauieau,  chat,  hibou,  etc.,  pour  avoir  deux 
yeux,  etc.  ne  sont  pas. beaux!  —  Ils  ne  sont  pas  beaux  par  comparaison  avec  les 
autres  espèces,  mais,  parmi  leurs  congénères,  les  individus  qui  n'ont  qu'un  œil, 
etc.  sont  luids. 


Uiuan-tsang,  i,  fol.  13  b-l4  b.  35 

Que  faiit-il  cntoiulre  parles  termes  skaiidha,  ûijataua,  dhcltii? 


« 


20  a-b.  Skandha  signifie  '  amas  ',  âyatana  signifie  '  porte  d'arri- 
vée ',  '  -porte  de  naissance  '  ;  dhâtu  signifie  '  lignée  '  '. 

i.  B>^îî^e  Sûtra,  skandha  signifie  '  amas  '  (râsi)  :  «  Quelque  rûpa 
que  ce  soit,  passé  ou  futur  ou  présent,  interne  ou  externe,  grossier 
ou  subtil,  inférieur  ou  excellent,  lointain  ou  proche,  si  on  met  ensem- 
ble tout  ce  rûpa,  celui  qui  est  passé,  etc.,  on  a  ce  qu'on  appelle  le 
riipaskaiidJia  »  ~. 

D'après  les  Vaibliâsikas,  (1)  le  rûpa  passé  est  le  rûpa  détruit  par 
l'impermanence  ',  le  rûpa  futur  est  le  rûpa  qui  n'est  pas  né,  le  rûpa 
présent  est  le  rûpa  qui  est  né  et  qui  n'est  pas  détruit  ;  (2)  le  rûpa 
est  interne  (âdhyâtmika)  lorsqu'il  fait  partie  de  la  série  (samtcma) 
nommée  '  moi  '  (i.  39)  ;  tout  autre  rûpa  est  externe  ;  ou  bien  les 
termes  interne  et  externe  s'entendent  au  point  de  vue  de  Vâyatana  : 

Samghabhadra  explique  sobhârthain  dans  le  sens  âdhipatyârtliam,  '  en  vue 
de  la  souveraineté  '  (voir  ii.  1)  Celui-là  est  beau,  brille  dans  le  monde,  qui  pos- 
sède la  souveraineté.  Les  individus  qui  n'ont  qu'un  œil  ne  possèdent  pas  '  souve- 
raineté ',  capacité  d'une  vue  claire  ;  car  la  vue  n'est  pas  aussi  claire  avec  un  œil 
qu'avec  deux  yeux (i.  43). 

1.  ràsyâyaclvâragotrâfthâh  skandhclyatanadhâtavah  / 

2.  Samyukta,  25,  2  :  yat  kimcid  rûpam  atïtânâgatapratyutpannam  âdhy- 
âtmikani  va  bâhyam  va  audârlkam  va  sûksmam  va  hînnm  va  pranïtam 
va  dilram  va  antikam  va  tad  ekadliyam  ahliisamksipya  ayant  iicyate 
rûpaskandhah. 

Comparer  Vibbanga,  p.  1. 

L'édition  de  la  Vyâkhyâ  porte  aikadJiyam,  mais  la  Mahâvyutpatti  245,  343 
ekadliyam  ahliisamksipya.  Wogibara  signale  ekadhye  A-AWi  Divya,  35,  24,  40  22. 

3.  anityatâni niddlia ,  c'est-à-dire  détruit  par  l'impermanence  qui  est  un  des 
caractères  des  conditionnés  (ii.  45  c-d). 

Il  y  a  cinq  sortes  de  nirodha  :  (1)  laksananirodha  (ii.  45  c-d)  dont  il  est  ques- 
tion ici,  (2)  samâpatlinirodlia  (ii.  41  c),  (3)  itpapaUinirodlia  (^  âsamjnika, 
ii.  41  b),  {^)pratisamkliyânirodlia  (i.  6  a-b),  (5)  apratisamkliyânirodlia  (i.  6  c-d). 

Si  le   texte   disait  :   «  Passé,   le  rûpa   détruit  »,  on  pourrait  comprendre  qu'il 

s'agit  des  nirodhas  2-5.  Or  les  nirodhas  2  et  3  sont  la  destruction  de  la  pensée 

et  des  mentaux  futurs  ;  le  nirodha  4  est  la  destruction  de  la  pensée  et  des  men- 

\  taux  impurs  :  le  nirodha  5  est  la  destraction  des  dharmas  futurs  non  destinés  à 

nattée  (anutpattidharman). 


36  ciiAriTRE  PREMIER,  20  a-b. 

l'organe  de  la  vue  est  interne  parce  qu'il  fait  partie  de  ma  série  ou 
de  la  série  d'autrui  ;  (3)  le  rfipa  est  grossier  quand  il  est  suscep- 
tible de  résistance  (i.  29  b).  sublil,  lorsqu'il  n'est  pas  susceptible 
de  résistance  ;  ou  bien  ces  deux  désignations  sont  relatives  et  non 
pas  absolues.  Dira-t-on  que,  dans  cette  seconde  hypolhèse,  le  grossier 
et  le  subtil  ne  sont  pas  établis,  puisque  le  même  rilpa  est  grossier  ou 
subtil  suivant  qu'on  le  compare  à  un  rûpa  plus  subtil  ou  plus  gros- 
sier? L'objection  est  vaine,  car  les  termes  de  comparaison  ne  varient 
pas  :  quand  un  rûjja  est  grossier  par  rapport  à  un  autre  rû2)ci,  il  n'est 
pas  subtil  par  rapport  à  ce  même  autre  :  comme  père  et  fils  ;  (4)  le 
rûpa  inférieur  est  le  mpa  souillé  (klisia)  [15  aj  ;  le  rûpa  excellent 
est  le  rûpa  non  souillé  ;  (5)  le  rûpa  passé  ou  futur  est  éloigné  ;  le 
rûpa  présent  est  proche  '.  —  De  même  pour  les  autres  shandhas, 
avec  cette  différence  :  la  connaissance  grossière  est  celle  qui  a  pour 
point  d'appui  les  cinq  organes  ;  la  connaissance  subtile  est  la  connais- 
sance mentale  ;  ou  bien  la  connaissance  est  grossière  ou  subtile 
suivant  qu'elle  appartient  à  un  étage  (hliûnii)  inférieur  ou  supérieur. 
D'après  le  Bbadanta  S  (1)  le  rûpa  grossier  est  celui  qui  est  perçu 
par  les  cinq  organes  ;  tout  autre  rûpa  est  subtil  ;  (2)  '  inférieur  ' 
signifie  '  déplaisant  '  (amanâpa),  '  excellent  '  signifie  '  plaisant  '  ; 
(3)  le  rûpa  éloigné  est  celui  qui  se  trouve  dans  un  endroit  invisible  ; 
le  rûpa  proche  est  celui  qui  se  trouve  dans  un  endroit  visible  :  l'ex- 

1.  Ârytuleva,  Sutaka,  258,  montre  que  cette  définition  contredit  la  thèse  de 
l'existence  du  futur. 

2.  Hiuan-t->ani,'  traduit  ;  Le  Bluulaiita  Dliarinalrâta.  Mais  lu  Vvâkliyâ  dit  : 
Bhadantu,  c'est-à-dire  un  Stliavira  Sautrânlika,  ou  le  Sthavira  SautrQulika  de  ce 
nom.  Bhagavadvisesa  pense  qu'il  s'agit  du  Sthavira  Dharmatrâta.  A  cela  nous 
objectons.  Dhannalrâta  est  partisan  de  l'existence  du  passé  et  de  l'avenir,  donc 
Sarvilstivâdin,  et  nous  avons  aiïaire  ici  à  un  Saiitrântika,  c'est-à-dire  à  un  Dâr- 
sfâiitika.  Car  le  Bhadaiila  Dharmatrâta  a  une  théorie  Sarvâstivâdin  exposée 
plus  loin  (y.  2.J).  Le  '  Bhadanla  '  est  le  philosophe  (pie  la  \  ihhâsâ  cite  sous  le 
simple  nom  de  Bhadanta.  un  philosophe  qui  adhère  au  système  Saulrântika 
(sautrântikadaréanâvalamhin)  ;  laïuiis  (pie  la  Vihhâsâ  nomme  le  Bhadanta 
Dharmatrâta  par  son  nom.  Donc  nous  avons  ici  uu  certain  .Sthavira  Bhiksu  Sau- 
trânlika, différent  de  Dharmatrâta. 

L'éditeur  japonais  renvoie  à  Vihhâsâ,  74,  9,  où  il  est  dit  (pu-  Dharmatrâta 
n'admet  pas  que  le  dharmnyatana  soit  rûpa  (Voir  iv.  \  a-h). 


Hiiian-tsang,  i,  loi.  14  b-15  b.  37 

plicatioji  des  Vaibhâsikas  est  mauvaise,  car  le  rfipa  passé,  etc.  a 
déjà  éf^  désigné  par  son  nom.  —  De  même  pour  la  sensation  ;  celle- 
ci  est  lointaine  ou  proche  suivant  (lue  son  point  d'appui  est  invisible 
ou  visible  r^eWe  est  grossière  ou  sidUile  suivant  qu'elle  est  corporelle 
ou  nllpritme  (ii.  7). 

ii.  âijatana  signifie  '  porte  d'arrivée  ou  de  naissance  (âyadvâra) 
de  la  pensée  et  des  mentaux  '  (ciftacaitta,  ii.  23).  Etymologiquement, 
on  nomme  âijatana  ce  qui  étend  (tanvantl)  l'arrivée  (âya)  de  la 
pensée  et  des  mentaux  '. 

iii.  dhâtu  signifie  gofra,  race,  lignée  -.  De  même  que  l'endroit,  la 
montagne,  où  se  trouvent  beaucoup  de  '  familles  '  de  minéraux,  fer, 
cuivre,  argent,  or,  est  dit  '  à  nombreux  dliCitus  ',  de  même  dans  le 
complexe  humain  (Cisraya),  dans  la  série  humaine  (samicma),  se 
trouvent  dix-huit  sortes  de  '  familles  '  qui  sont  nommées  les  dix-huit 
dhàtus. 

Ce  qu'on  entend  par  gotra  [15  b],  c'est  donc  une  mine  (àkara)  ' . 
de  quoi  l'organe  de  fœil  (caksurdJiâtu)  est-il  la  mine  ?  de  quoi  les 
autres  dhâtus  sont-ils  la  mine  ? 

Les  dhâtus  sont  la  mine  de  leur  espèce  propre  (svasyâ  jâteh)  : 
l'œil,  étant  la  '  cause  semblable  à  son  effet  '  (sahhâgahetu,  ii.  52) 
des  moments  postérieurs  de  l'existence  de  l'œil,  est  la  mine,  le  dhâtu 
de  l'œil. 

Mais  alors  les  inconditionnés,  qui  sont  éternels,  ne  peuvent  être 
considérés  comme  dhâtu  ? 

Nous  dirons  qu'ils  sont  la  mine  de  la  pensée  et  des  mentaux. 

D'après  une  autre  opinion,  dhâtu  signifie  '  espèce  '  (jâti).  La  nature 
spécifique  de  dix-huit  dharmas  distincts,  c'est  ce  qu'on  entend  par 
les  dix-huit  dhàtus. 

iv.  Objections  \  —  1.  Si   skandha  signifie  *  amas  '  (râsl),  les 

1.  La  Vibhâsâ,  73,  12,  expose  vingt  opinions  sur  le  sens  du  terme  âyatana. 
—  La  définition  du  Kosa  est  reproduite  dans  Madhyamakavrtti,  p.  552. 

2.  Vibhâsa,  71.  7,  onze  étymologies.  Nous  avons  ici  la  première. 

3.  dliàtu  signifie  '  mine  '  dans  l'expression  sniarnagotra,  Asahga,  Sûtrâlam- 
k&ra,  iii.  9  et  note  du  traducteur. 

i.  Le  Vaibhâsika  croit  que  les  skatnllias,  les  âyatanas  et  les  dhâtus  existent 


38  CHAPITRE  PREMIER,  20  a-b. 

skandJias  n'ont  qu'une  existence  nominale  (prajnajdisaf),  non  pas 
une  existence  réelle  (dravyasaf),  car  l'aggloméré,  la  collection  (sam- 
ciia)  n'est  pas  une  chose  :  par  exemple  un  tas  de  blé,  par  exemple 
le  pudgala  '. 

-  Non  pas,  réplique  le  Yaibliâsika,  car  l'alume  ou  monade  (para- 
mânu)  est  skandha. 

Dans  cette  hypothèse,  comme  la  monade  ne  peut  avoir  la  qualité 
d'être  un  amas,  ne  dites  pas  que  skandha  signifie  '  amas  '. 

2.  D'après  une  autre  opinion  (Vibhasfi,  79,  &),  skandha  signifie  '  ce 
qui  porte  le  fardeau,  à  savoir  son  effet  '  '.  Ou  bien  skandha  signifie 
'  jiartie,  section  '  (praccheda,  avadhi)  *  ;  ainsi  qu'on  dit  dans  le 
monde  :  «  Si  vous  vous  engagez  à  me  retourner  trois  skandhas,  je 
vous  prêterai  »  '. 

Ces  deux  explications  ne  sont  pas  conformes  au  Sûtra  ".  Le  Sûtra, 
en  effet,  attribue  à  skandha  le  sens  d'amas  et  non  pas  un  autre  sens  : 
«  Quel  que  soit  le  rûpa,  passé,  futur  ou  présent si  on  met  ensem- 
ble tout  ce  rûpa » 

3.  Le  Vaibhâsika  dit  :  Le  Sntra  enseigne  que  tout  rûpa,  le  rûpa 
passé,  le  rûpa  futur,  etc.,  est,  indivi(hiellement,  nonnné  skandha 
[16  a],  —  de  même  qu'il  enseigne  que  les  cheveux,  etc.  sont  élément- 
terre  (ci-dessous,  p.  49,  n.  2)  —  ;  donc  chaque  élément  '  réel  '  (atomi- 
que) du  rûpa  passé,  futur,  etc.,  reçoit  le  nom  de  skandha.  Donc  les 


réellement  ;  le  SavitiTiritika  liiiil  les  (lliâfiis  pinir  n'cls,  Ifs  skandhas  et  les  âyata- 
nas  pour  '  nomiiuiux  '  ;  Vasubandhii  tient  les  skaudhas  pour  '  nominaux  ',  les 
ûyatnnns  et  les  dhfitus  pour  réels. 

1.  La  (lortrine  du  pudfjala  est  discutée  dans  un  supplément  <h\  Kosa,  traduit 
par  M.  de  StcluTliatskoi.  Académie  de  Petrograd,  lit20. 

2.  SamghaMiadra  :  «  Cette  objection  ne  vaut  pas.  Skandha.  ne  signifie  pas 
'  amas  ',  mais  '  ce  qui  est  susceptible  d'être  mis  en  amas  ' 

3.  De  même  que,  dans  le  monde,  skandha  signifie  épaule,  de  même  le  nâma- 
rûpa  est  la  double  épaule  ipii  porte  le  ftndâifdfioia  (iii.  21). 

4.  La  partie  (|ui  est  rttpa,  la  partie  (pii  est  sensation 

5.  l'aramârtba  :  «  Je  vous  retournerai  trois  skandhas  »  —  Tibétain:  dbnl  bar 
hyn  hahi  phtin  po  gsum  da(j  lu  dbnl  har  bjjaho  ^r  deyaskandhatrayena 
dfiiai-yam  (?) 

G.  utsûtra,  Mahâbbflsya,  i.  p.  12,  Ki.ll.oru.  .IRAS.  U»08,  p.  50L 


Hiiiuii-tsang,  i,  fol.  15  b-16  a.  •  39 

skandii^as  exisient  d'une  existence  réelle  et  non  pas  d'une  existence 


nominale. 


Cette  irtterprétation  est  inadmissible,  car  le  Scitra  dit  :  «  ....  si  on 
met  ensen>ble  tout  ce  râpa,  on  a  ce  qu'on  appelle  le  nlpaskandha  ». 

4.'t?e'lMutrantika  :  S'il  en  est  ainsi,  les  âyatanas  matériels, — 
organes  et  objets  des  cinq  connaissances  sensibles,  —  n'ont  qu'une 
existence  nominale,  car  la  qualité  d'être  '  porte  de  la  naissance  de  la 
pensée  et  des  mentaux  '  n'appartient  pas  aux  atomes  pris  un  à  un, 
lesquels  sont  seuls  réels,  mais  aux  collections  d'atomes  qui  consti- 
tuent l'organe  de  la  vue,  l'objet  visible,  etc. 

Réponse.  Chacun  de  ces  atomes  possède  individuellement  la  qua- 
lité d'être  '  porte  de  la  naissance  de  la  pensée  ',  d'être  cause  de  la 
connaissance  (comparer  i.  44  a-b  iii).  Si  vous  n'acceptez  pas  cette 
doctrine,  vous  refuserez  à  l'organe,  considéré  dans  sa  totalité,  la 
qualité  d'être  cause  de  la  connaissance,  car  il  ne  produit  pas  la  con- 
naissance à  lui  seul  et  sans  le  concours  de  l'objet. 

5.  D'autre  part,  la  Vibbasâ  (74,  n)  s'exprime  ainsi  :  «  Lorsque  l'Âbhi- 
dhârmika  '  tient  compte  du  fait  que  le  terme  skandlia  n'est  que  la 
dénomination  d'un  amas',  il  dit  que  l'atome  est  une  partie  d'un  dhàîn, 
d'un  âijatana,  d'un  skcuidha  ;  lorsqu'il  ne  tient  pas  compte  de  ce 
fait,  il  dit  que  l'atome  est  un  dliâtn,  un  âi/ataria,  un  skandlia  \  En 
effet,  on  désigne  métaphoriquement  la  partie  par  le  tout  ;  par  exem- 
ple :  «  La  robe  est  brûlée  »,  pour  :  «  Une  partie  de  la  robe  est  brûlée  ». 

Pourquoi  Bhagavat  a-t-il  donné  cette  triple  description  des  dhar- 
mas,  comme  skandhas,  âyatanas  et  dJiâtns  ?  [16  b] 

1.  L'Abhidhârmika  ne  se  distingue  pas  toujours  nettement  du  Vaibhfisika.  — 
Voir  l'Introduction. 

2.  skandhaprajuaptim  apeksate. 

3.  Comparer  Prakaranapâda,  chapitre  vi  (xxiii.  10,  fol.  47)  :  Le  caksurdhâtu 
est  compris  dans  un  dhcitu,  un  âyatana,  un  ska)ulha  ;  il  est  connu  (jiïeya)  par 
seTpi  jùâiias  (voir  Kosa,  vii)  à  l'exclusion  du  paracittajnâna ,  du  nirodhajnâna, 
du  mârgajùâna  ;  il  est  discerné  par  un  vijfiCuia  ;  il  existe  dans  le  Kamadhatu  et 
dans  le  Rûpadhâtu  ;  il  est  affecté  par  des  cuméayas  à  abandonner  par  méditation 
(voir  Kosa,  v.). 

Dhatukathâpakarana  (PTS.  1892)  p.  6  :  cakkhtalhâtxi  ekena  khandhena  efcen- 
âyatanena  ekâya  dhâtuyâ  samgahitâ. 


40  '     CHAPITRE  PREMIER,  20  C-22  1). 

20  c-d.  Enseignement  des  skandhas,  etc..  {larce  que  TeiTeur,  la 
faculté,  le  goût  .sont  triples  '. 

1.  L'erreur  ou  aberration  (niolia,  .santinoJid)  est  tiiple  :  les  pre- 
miers se  trompent  en  considérant  les  phénomènes  mentaux  (caittaj 
comme  constituant  ensemble  un  moi  (âtmau)  ;  les  deuxièmes  s'abu- 
sent pareillement  sur  les  éléments  matériels  (^r«7j;a^  ;  les  troisièmes 
s'abusent  ])areillement  sur  les  éléments  mentaux  et  matériels. 

2.  Les  facultés  morales  (ii.  3  c-d),  la  faculté  de  connaissance  spécu- 
lative (prajnendriija,  ii.  24  d),  sont  de  trois  catégories,  aiguës, 
moyennes,  émoussées. 

3.  Le  goût  (ruci,  adJtimokm)  est  triple  :  les  premiers  s'appliipient 
à  ce  qui  est  dit  sommain  inciil  ;  les  deuxièmes  à  ce  qui  est  dit  norma- 
lement ;  les  troisièmes  à  ce  qui  est  dit  tout  au  long  (vistîrna). 

L'enseignement  des  skandhas  s'adresse  ù  la  j)reniière  catégorie 
d'auditeurs,  à  ceux  qui  se  trompent  sur  les  phénomènes  mentaux,  qui 
ont  des  facultés  aiguës,  qui  aiment  l'enseignement  bref  ;  l'enseigne- 
ment des  âyatanas  s'adresse  à  la  deuxième  catégorie  ;  l'enseignement 
des  dhâhis  s'adresse  à  la  troisième  catégorie  ^ 

La  sensation  (vedanâ)  et  la  notion  (samjuâ)  constituent  chacune 
un  skandha  à  part  :  tous  les  juitres  dh armas  mentaux  (ii.  24)  sont 
placés  dans  le  samskâraskandha  (i.  15).  Pourquoi? 

21.  Parce  qu'ils  sont  les  causes  des  racines  de  dispute,  parce  qu'ils 
sont  les  causes  de  la  transmigration,  et  aussi  en  raison  des  causes 
qui    justifient    l'ordre    des  skandhas  (i.  22,  b),  deux   mentaux,    la 

1.  tnohevdn'ijarucifraidiiât  skamlhâdilrayaûeéanâ  // 
D'nprt'.s  Vililifisâ,  71,  4. 

2.  En.sciiîiu'incnt  df.s  sk(i)i(lJias  aux  liommos  i\o  fuciillé  (prajrieiKln'ifa)  aiguë. 
Exemple  :  yrifl  hliikso  }ia  tcdvisii  te  (lh(t vniah pr(t hatacjinh  j  âjùâtani  hlniffa- 
vati  I  knthain  (isija  hliikso  sduiksipfciKikfarUinni.  djaiiasi  /  rnpam  hliadantd 
nûhutn  s(i  we  clhurmah  praliûtavyah  / 

Aux  Irois  cln.s.se.s  de  fuciiUés  correspondent  les  trois  .sortes  d'auditeurs  udgha- 
tUnjùa,  nvipaùcUajint,  padnmparnnia  (PuggalapaiTùaili.  p.  il  ;  .SQlralamkûra, 
Irud.  p.  145). 


Hinau-taaug,  i,  fol.  16  b-17  a.  41 

sensation  el  la  notion,  sont  définis  comme  des  slmnclhas  distincts  '. 


Km 


1.  11  y  a  deux  racines  de  dispute  (vivâda)  -  :  l'attachement  (adhya- 
vasâyafcibhisvanga)  aux  plaisirs,  rattachement  aux  opinions  (drsti). 
La  s^içgiion  et  la  notion  sont,  respectivement,  cause  principale  de 
ces  deux  racines.  En  effet,  si  on  s'attache  aux  plaisirs,  c'est  parce 
qu'on  savoure  (âsvâda)  la  sensation  ;  si  on  s'attache  aux  opinions, 
c'est  en  raison  de  notions  erronées  ou  fausses  (viparltasamjhâ, 
V.  9)  [17  a]. 

2.  La  sensation  et  la  notioii  sont  les  causes  de  la  transmigration  : 
celui-là  transmigre  qui  est  avide  (grddha)  de  la  sensation  et  dont 
les  notions  sont  erronées. 

3.  Les  raisons  qui  justifient  l'ordre  des  skandhas  seront  expliquées 
ci-dessous  (i.  22  b-d). 

Pourquoi  les  inconditionnés  (asamskrta),  qui  font  partie  du  dliar- 
màyatana  et  du  dharmadhâtu  (i.  15  d),-  ne  font-ils  pas  partie  des 
skandhas  ? 

22  a-b.  L'inconditionné  n'est  pas  nommé  à  propos  des  skandhas, 
parce  qu'il  ne  correspond  pas  au  concept  '. 

1.  L'inconditionné  ne  peut  être  placé  dans  aucun  des  cinq  skan- 
dhas, car  il  n'est  ni  matière,  ni  sensation 

2.  On  ne  peut  pas  faire  de  l'inconditionné  un  sixième  skandha  :  il 
ne  correspond  pas  au  concept  de  skandha,  puisque  skandha  signifie 

'  amas  ',  '  susceptible  d'être  mis  ensemble  '.  On  ne  peut  dire  de 
l'inconditionné  ce  que  le  Sûtra  dit  de  la  matière  (rûpa)  :  «  Si  on  met 

ensemble  tout  cet  inconditionné,  celui   qui  est  passé ,  on  a  ce 

qu'on  appelle  Y asamskrtaskandha  »,  car  les  distinctions  de  passé, 
etc.  n'existent  pas  en  ce  qui  regarde  l'inconditionné. 

1.  vimdamiilasamscira[kârmiât]  kraniakâranât  / 
[caittebliyo  vednnâsamjùe prthak  skandhau  vyavasthite]  jj 

Dharmaskandha,  9,  10  ;  Vibhâsâ,  74,  14. 

2.  Six  vh'cida)inilas  dans  Dïgha,  iii.  246,  etc. 

3.  [skandhesv  asamskrtam  iioktam]  arthâyogât 
Vibhâsâ,  74,  10.  . 


42  CHAPITRE  PHKMIEH.  22  a-23  a. 

3.  En  outre,  par  l'expression  npâflâuaskandhas  (i.  8  a)  est 
désigné  l'ensenible  tie  ce  qui  est  cause  de  souillure  (samklesa)  ;  par 
l'expression  skandhas  est  désigné  l'ensemble  de  ce  qui  est  cause  de 
souillure  (conditionnés  impurs)  et  cause  de  purification  (vyavadâna) 
(conditionnés  purs:  le  Chemin).  Donc  l'inconditionné,  qui  n'est  ni 
cause  de  souillure,  ni  cause  de  purification  [17  b],  ne  peut  être  rangé 
ni  parmi  les  upâdânaskandhas,  ni  parmi  les  skandhas. 

4.  D'après  une  opinion,  de  même  que  la  fin  (iiparama)  d'une 
cruche  n'est  pas  une  cruche,  de  même  l'inconditionné,  qui  est  la  fin 
ou  cessation  des  skandhas,  n'est  pas  skandha  (Vibhasâ,  74,  le).  — 
Mais,  à  raisonner  ainsi,  l'inconditionné  ne  sera  ni  âyatana,  ni  dhâtu. 

Nous  avons  défini  les  skandhas.  Il  faut  expliquer  l'ordre  dans 
lequel  les  skandhas  sont  énumérés. 

22  li-d.  L'ordre  des  skandhas  est  justifié  })ar  la  grossièreté,  la 
souillure,  le  caractère  de  pot,  etc.,  et  aussi  au  point  de  vue  des 
sphères  d'existence  '. 

1.  Le  rûpa  ou  matière,  étant  susceptible  de  résistance  (i.  29  b), 
est  le  plus  grossier  des  skandhas.  Parmi  les  skandhas  immatériels 
(arûpin)  la  sensation  est  le  plus  grossier,  en  raison  de  la  grossièreté 
de  son  fonctionnement  :  en  effet,  on  localise  la  sensation  dans  la 
main,  dans  le  pied,  etc.  La  ii(»ti(>n  (samjnâ)  est  plus  grossière  que 
les  deux  derniers  skandhas.  Le  samskâraskandha  est  plus  grossier 
que  le  skandha  de  connaissance.  —  Les  skandhas  sont  donc  rangés 
dans  l'ordre  de  leur  grossièreté  décroissante. 

2.  Au  cours  de  l'éternelle  transmigration,  l'homme  et  la  femme 
sont  réciproquement  épris  de  leur  corps  (rûpa),  parce  qu'ils  sont 
attachés  au  plaisir  de  la  sensation  (vedanâ).  Cet  attachement  procède 
de  notions  erronées  (samjhâviparyâsa),  lesquelles  sont  dues  aux 
passions  (kleéa)  qui  sont  des  samskâras.  [18  aj  Et  c'est  la  pensée 
(citta,  vijnâna)  qui  est  souillée  par  les  passions.  —  Les  skandhas 
sont  donc  rangés  d'oprès  le  processus  de  la  souillure  (samklesa). 

1.  krnmnhpmifth  /  yathfnalârikaffamkJeiiabhajanCidynrtliadhâttdah  jj 
D'nprès  Vihhûsâ,  1^,  2-2, 


Hhiau-tsaug,  i,  fol.  17  a-18  b.  43 

3.  Lè>  matière  est  le  pot,  la  sensation  est  l'aliment,  la  notion  est  le 
condinient,  les  samskâras  sont  le  cuisinier,  la  connaissance  ou  pen- 
sée est  Le  mangeur.  —  Nous  avons  ici  une  troisième  raison  de  l'ordre 
des  ska)idhas. 

4. 'Èbrin,  à  considérer  les  skandh as  d'une  part,  les  dhâtiis  ou 
sphères  d'existence  (ii.  14)  de  l'autre,  on  voit  que  le  Kâmadhâtu  est 
caractérisé,  spécifié  (prah]iâvita,praka)'sita)  par  la  matière,  à  savoir 
par  les  cinq  objets  de  jouissance  sensible  (kâmagima,  Dharmaskan- 
dha,  5,  10,  Vibliâsâ,  73,  2,  comp.  Kathâvattliu,  viii.  3).  Le  Rûpadhâtu, 
c'est-à-dire  les  quatre  dhijânas,  est  caractérisé  par  la  sensation 
(organes  de  plaisir,  de  satisfaction,  d'indifférence,  viii.  12).  Les 
trois  premiers  étages  de  l'ÀrQpyadhatu  sont  caractérisés  par  la 
notion  :  notion  de  l'espace  infini,  etc.  (viii.  4).  Le  quatrième  étage  de 
l'Àrûpyadhatu,  ou  sommet  de  l'existence  (bhavâgm),  est  caractérisé 
par  la  volition  (cetanâ),  le  samskâra  par  excellence,  qui  y  crée  une 
existence  de  quatre-vingt  mille  âges  cosmiques  (iii.  81  c).  Enfin,  ces 
divers  étages  sont  les  '  demeures  de  la  connaissance  ou  de  la  pensée  ' 
(oijnànasthiti,  iii.  6)  :  c'est  dans  ces  lieux  que  séjourne  la  pensée.  — 
Les  quatre  premiers  skandlias  constituent  le  champ  ;  le  cinquième 
constitue  la  semence. 

Il  y  a  donc  cinq  skandlias,  ni  plus,  ni  moins.  On  voit  comment  les 
raisons  qui  justifient  l'ordre  des  skandlias  justifient  aussi  la  doctrine 
qui  fait  de  la  sensation  et  de  la  notion  des  skandlias  à  part  :  elles 
sont  plus  grossières  que  les  autres  samskâras  ;  elles  sont  les  causes 
du  processus  de  la  souillure  ;  elles  sont  l'aliment  et  le  condiment  ; 
elles  régnent  sur  deux  sphères  d'existence. 

Il  faut  maintenant  expliquer  l'ordre  dans  lequel  sont  énumérés  les 
six  âyatanas  ou  dJiâtus  que  sont  les  six  organes  de  connaissance, 
organe  de  la  vue,  etc.  ;  ordre  en  fonction  duquel  sont  rangés  les 
domaines  ou  objets  (visaya)  et  les  connaissances  qui  correspondent 
à  ces  organes  (rûpadhâtu,  caksurvijiiânadhâtu )  [18  b], 

23  a.  Les  cinq  premiers  sont  les  premiers  parce  que  leur  objet 
est  actuel  '. 

1.  pancâgryâ  vartamânârthyat. 


44  CHAPITRE  PREMIER,  2o  a-24. 

Cinq,  à  comnieiicer  par  l'organe  de  la  vue,  sont  nommés  les  pre- 
miers, parce  qu'ils  ne  portent  que  sur  des  objets  présents,  simultanés. 
Au  contraire,  rol)jet  de  l'organe  mental  (manas)  peut  ètre(l)  simul- 
tané à  cet  organe,  (2)  antérieur  ou  passé,  (3)  postérieur  ou  futur, 
(4)  tritemporel,  c'est-à-dire  simultané,  antérieur  et  postérieur,  (5)  hors 
du  temps. 


!3  1).  Les  quatre  premiers  sont  les  premiers  parce  que  leur  objet 
est  seulement  la  matière  dérivée  ou  secondaire  '. 

Les  organes  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  lodorat  et  du  goul  n'atteignent 
pas  les  grands  éléments  (i.  12),  mais  seulement  la  matière  qui  dérive 
des  grands  éléments  (hhcmiika,  upâdâyarûpa,  ii.  50  a,  Go). 

L'objet  du  tact  (kâyenclnya)  n'est  pas  constant  (i.  35  a-b,  10  d)  : 
tantôt  les  grands  éléments,  tantôt  la  matière  dérivée,  tantôt  les  uns 
et  l'autre  à  la  fois. 

23  c.  Ces  quatre  sont  rangés  d'après  la  portée  et  la  rapidité  de 
leur  activité  \ 

Lein-  activité  est  à  distance,  à  plus  grande  distance,  plus  rapide. 

L'organe  de  la  vue  et  l'organe  de  l'ouïe  portent  sur  un  objet 
éloigné  (i.  43  c-d).  Ils  sont  donc  nommés  les  premiers. 

L'organe  de  la  vue  porte  plus  loin  ((iie  l'organe  de  l'ouïe  :  car  on 
voit  un  fleuve  dont  on  n'entend  pas  le  bruit.  L'organe  de  la  vue  est 
donc  nommé  avant  l'organe  de  l'ouïe. 

Ni  l'odorat  ni  le  goùl  ne  connaissent  à  distance.  Mais  l'activité  de 
l'odorat  est  j)]us  rapide  cjue  celle  du  goût.  L'odorat  perçoit  l'odeur  de 
l'aliment  avant  (jue  le  goût  en  perçoive  la  saveur  [19  a]. 

23  d.  Ou  bien  les  organes  sont  rangés  d'après  leur  siège  ''. 

Le  point  d'appui  ou  siège  de  l'organe  de  la  vue,  c'est-à-dire  l'œil, 
est  le  plus  haut  ;  en  dessous,  le  siège  de  l'organe  de  l'ouïe  ;  en  des- 
sous, le  siège  de  l'organe  de  l'odorat  ;  en  dessous,  le  siège  de  l'organe 

1.  hJiniifikârfhiiâr,  rafiis'aijfun  / 

2.  dûrâiniarurrttijainjc 

3.  atha  va  [yathaiirayam]  kramah  // 


Hiiian-tsang,  i,  fol.  18  b-19  b.  45 

du  goût.  Quant  au  siège  de  l'organe  du  tact,  c'est-à-dire  le  corps 
(kâya)^\\  est.  dans  son  ensemble,  plus  bas  que  la  langue.  Pour 
l'organe  mental,  il  n'est  pas  matériel  (i.  44  a-b). 

Pqjr«ùJ^s  dix  âyaianas  compi-is  dans  le  rû^jaskandha,  un  seul 
reçoit  le  nom  de  rûpa-âyaiana.  Bien  que  tous  les  âyatanas  soient 
des  dharmas,  un  seul  est  nommé  ilJiarma-âyatana.  Pourquoi  ? 

24.  En  vue  de  le  distinguer  des  autres,  en  raison  de  son  excellence, 
un  seul  âyatana  est  nommé  rûpa-âyaiana.  En  vue  de  le  distinguer 
des  autres,  parce  qu'il  comprend  beaucoup  de  dJiarmas  et  le  meilleur 
dharma,  un  seul  âyatana  est  nommé  dharma-âyataua  '. 

Les  dix  âyatanas  matériels  (i.  14  a-b)  sont,  chacun  à  part,  âya- 
tana :  cinq  étant  sujet,  cinq  étant  objet  de  certaines  connaissances. 
Ils  ne  sont  pas,  dans  leur  ensemble,  un  seul  âyatana,  une  seule 
source  de  la  connaissance,  qu'on  nommerait  rûpa-âyatana.  Neuf  se 
trouvent  individualisés  par  des  noms  spéciaux  :  caksurâyatana, 
srotrâyatana,  sahdâyatana  ....  h' âyatana  qui  ne  porte  aucun  de 
ces  neuf  noms,  et  qui  est  matière,  rîipa,  se  trouve  suffisamment 
désigné  par  l'expression  rûpa-âyatana,  sans  qu'il  soit  besoin  de  lui 
donner  un  autre  nom  [19  b]. 

Mais  les  neuf  autres  âyatanas  sont  aussi,  et  âyatana,  et  rûpa  : 
pourquoi  le  nom  de  rilpa-âyatana  est-il  donné  de  préférence  à  l'objet 
de  l'organe  de  la  vue  ? 

En  raison  de  son  excellence.  Il  est  7'ûpa,  en  effet,  1"  en  raison 
du  hâdhanalaksanarilpana  :  en  tant  que  susceptible  de  résistance  ; 
il  est  '  détérioré  '  par  le  contact  de  la  main,  etc.  ;  2"  en  raison  du 
desanidarsanarûpana  (i.  13,  p.  25)  :  on  peut  l'indiquer  comme  étant 
ici,  comme  étant  là  ;  3°  en  raison  de  l'usage  commun  :  ce  qu'on  entend 
dans  le  monde  par  rûpa,  c'est  le  *  visible  ',  couleur  et  figure. 

1.  visesanârtham  pràdhânyâd  hahvagradharmasamgrahât  / 

rûpâyatanam  evaikam  ekam  ca  dliarmasamjnakam  jj 
La  Vibhâsâ,  73,  14,  L^numère  onze  raisons  qui  justifient  les  termes  rûpâyatana, 
dharmâyatana. 


4G  CHAPITRE  PREMIER,  24-27. 

Le  dharmâyataria  (i,  15  b-d)  se  trouve  .sunisamment  tlislingué 
des  autres  âyatcmas  parle  nom  do  (Uiarmnyafana.  Même  explica- 
tion que  plus  haut.  Il  conipivud  do  noin])reux  dharmas,  sensation, 
notion,  etc.  ;  il  comprend  le  meilliMir  dit  arma,  c'est-à-dire  le  Nirvana. 
C'est  pourquoi  le  nom  général,  dharmCujcdana,  lui  est  attribué  par 
excellence. 

D'après  une  autre  opinion  ',  le  '  visible  '  est  nommé  riipâycdana 
parce  qu'il  comprend  vingt  variétés  (bleu,  etc.),  parce  qu'il  est  le 
domaine  des  trois  sortes  d'oeil,  œil  de  chair,  œil  divin,  œil  de  l'enten- 
dement (^ij^âwisa",  dlvi/a",  prajiîâcaksiis,  Ilivnttaka,  61). 

Les  Sûtras  nomment  d'autres  skaiidJias,  d'autres  âijatanas,  d'au- 
tres dhcltiis.  Ceux-ci  rentrent-ils  dans  les  skarulltas,  âijcdanas  et 
dhCdus  ci-dessus  décrits  ?  [20  aj 

25.  Les  <piatre- vingt  mille  dharmaskandhas  qu'a  promulgués  le 
Muni,  suivant  qu'on  les  regarde  comme  '  voix  '  ou  comme  '  nom  ', 
rentrent  dans  le  rûpaskandha  ou  dans  le  samskâraskandha  K 

Pour  les  philosophes  qui  disent  :  «  La  parole  du  Bouddha  est,  de 
sa  nature,  voix  (vâc)  »,  ces  skandhas  rentrent  dans  le  rûpaskan- 
dha ;  pour  ceux  qui  considèrent  la  parole  du  Bouddha  comme  '  nom  ' 
(nâman),  ces  skandhas  rentrent  dans  le  samskâraskandha  (ii.  36. 
47  a-b). 

Quelle  est  la  dimension  d'un  dhaniiaskhandlia  ? 

1.  C'est  l'opiiiion  de  DharmatiTita  (Nanjio  1287),  i.  17. 

2.  dhfirnuiskaïKlliasaluisrâny  asltir  yâny  avadaii  iiiunih  / 
tâni  câ(j  nf'Dua  va  tesnin  rftpdsa niskâra sa VKjrnhdh  jj 

(1).  D'après  Ifs  Saiilrânlikas,  la  parole  du  Boiiddlia  (huddkavacana)  est  vâg- 
vijnapti  (iv.  3  d)  ;  d'après  une  autre  école  (nikâyânfanya)  elle  est  nâman.  Pour 
les  Abhidhârnukas,  elle  est,  en  même  temps,  vâc  et  nâiiKiii.  La  Vyâkliyâ  cite, 
sur  ce  point,  le  .Inânaprasthâna  12,  15  (Co.sinolof|,ie  houddliiqao,  p.  vii,  note). 

(2).  Dans  un  antro  canon,  le  .Sûtra  dit  ([u'il  y  a  quatre-vin^t-quatre  mille  dliar- 
i}i(isk(Hidh(is.  Le  .Sûtra  fait  dire  à  Ananda  :  «  .l'ai  appris  de  Bhagavat  plus  de 
(pmtre-vingt  mille  dhannaskandhas  :  satirekânl  me  'sltir  dharnmskandlinsn- 
hasrâni  bhnfiavato'ntikât  sammnkliani  iidrirhlfâiii  (Voir  Bnrnonf,  Inlrodiic- 
lion,  p.  34  ;  .Suniau'jalavilâsinî  i.  p.  24  ;  TheraJ,^âtll^l  1021,  rrajùâpâramilu  dans 
r.Xkutobliiiya  de  Nâgârjuna.  i.  (S,  Avadânasataka,  ii.  l"»."».). 


Hiuan-tsang,  i,  fol.  19  i)-20  b.  47 

26  a.  D'après  les  uns,  un  dharmasl-andlui  est  de  la  dimension  du 
Tiaité-y 

C'est-À-dire,  de  la  dimension  du  Traité  d'Abhidharma  connu  sous 
le  nom  de  pharmaskandha,  lequel  est  de  six  mille  stances  -. 

26  b.  Les  exposés  des  shandlias,  etc.,  constituent  autant  de  dhar- 
maskandhas  \ 

D'après  une  autre  opinion,  les  exposés  (kaUiâ,  âMiyâna)  des 
skandhas,  des  âyaianas,  des  dhâtus,  du  pratltijuHumutpâda,  des 
V'^érités,  des  aliments,  des  dJu/ânas  [20  bj,  des  apramânas,  des 
ârûpyas,  des  vimoksas,  des  ahhihhvâyalanas,  des  krtsnâyatanas, 
des  hodhip)Ciksikas,  des  ahhijfiâs,  des  pratisamvid,  du  pranidhi- 
jiiâna,  de  Yaranci,  etc.,  sont  chacun  à  part,  autant  de  dJianna- 
skandhas. 

26  c-d.  En  fait,  chaque  dharmaskandha  a  été  prêché  pour  guérir 
une  certaine  catégorie  de  fidèles  '*. 

Les  êtres,  sous  le  rapport  de  la  diathèse  (ii.  26),  sont  au  nombre 
de  quatre-vingt  mille  :  les  uns  sont  dominés  par  l'affection,  d'autres 
par  la  haîne,  d'autres  par  l'erreur,  d'autres  par  l'orgueil,  etc.  (lohlia- 
carita,  etc.).  Quatre-vingt  mille  dharmaskandlias  ont  été  prêches 
par  Bhagavat  pour  les  guérir. 

De  même  que  les  dharmaskandlias  rentrent  dans  le  rûpaskan- 
dha  ou  dans  le  samskàraskandJia, 

27.  De  même  les  autres  skandhas,  âyatamis  et  dJiâtus  doivent 
être  rangés  convenablement  dans  les  skandhas,  âyatanas  et  dhâtus 

1.  éâslrapraniâna  ity  eke 

Vibhasa,  74,  lO  :  Le  Dharmaskaiidhasâstra  est  de  six  mille  fjâthâs. 
Voir  l'analyse  de  Takakusii,  JPTS.  1005.  p.  112. 

2.  Les  quatre-vingt  mille  dliarnutskandhas  ont  péri  ;  un  seul  dharmaskan- 
dha a  été  conservé  (Vyâkhyâ). 

3.  skandhàdlnâm  kathaikasah  jj 

C'est  l'explication  de  Buddhaghosa,  Sumangala,  i.  24. 

4.  caritapratipaksas  tu  dharmaskandho  'nuvarnitah  Ij 


48  ciiAnrRE  premier,  27-28  b. 

tels  que  décrits  ci-dessus,  en  tenant  bien  compte  dn  caractère  qui  leur 
a  été  attribué  '. 

Les  autres  skandha'!,  âijnfayias  et  dkfitus  dont  il  est  question 
dans  d'autres  Sûtras  doivent  être  rangc'S  dans  les  cinq  skandhas, 
([onze  âyaianas  el  dix-buit  dliâhis,  en  tenant  bien  compte  du  carac- 
tère propre  qui  leur  îi  (''té  attribué  dans  cet  ouvrage. 

On  a  cinq  skandhas  pin-s,  slla  (iy.  13).  samâdhi  (vi.  68),  prajnâ 
(ii.  25),  vimiikti  (vi.  7(»  c)  vimnldijhùtiadarsaiui  :  le  premier  fait 
partie  du  rftpaskaiidha  [21  a],  les  autres  du  samskâraskandJia 
(Sainyiitta,  i.  09,  Dîgba,  iii.  279,  Dbarmasaingralia,  23). 

Les  huit  premiers  krtsnâyakuias  (viii.  35),  étant  de  leur  nature 
absence  de  désir  (alohlia),  font  partie  du  dliarmûyatana.  Si  on  les 
considère  avec  leur  escorte,  ils  sont  de  leur  nature  cinq  skandhas, 
et  ils  sont  inclus  dans  le  manaûyalatia  et  le  dharmâijatana. 

Il  en  va  de  même  des  ahhibhvâijatanas  (viii.  34). 

Les  deux  derniers  krfsmlyafauas  et  les  quatre  âriipijâijafanas 
(viii.  2  c)  sont,  de  leur  nature,  cjuatre  skandJias,  à  l'exclusion  du 
rilpa.  Ils  sont  compris  dans  le  manadyatana  et  le  dharmâi/atana. 

Les  cinq  '  jjortes  d'arrivée  de  la  délivrance  '  (vlmuklyâyatana)  ' 
sont,  de  leur  nature,  connaissance  spéculative  (prajùCi)  ;  elles  sont 
donc  comj)rises  dans  le  dharmâyatana.  Si  on  considère  leur  escorte, 
elles  sont  e()nq)rises  dans  le  sabdâyaiana,  le  manadyatana  et  le 
dharmâyatana. 

Restent  deux  autres  ayalana.s  :  1.  les  AsanijnisatLvas  (ii.  41 
b-d),  compris   dans   dix   dyidaans,   en   exceptant  les  odeurs  et  les 

1.  \tufhnnije  'pi  ji(itlnltjo(jam  sla  ndliûyata  ri  a  (llultavah]  / 
prnfipâdiiâ  ijotJioktesn  siivimrsya  svalaksanani  // 

2.  I,a  Vyâkliyâ  cilc    iiii   Sûlra,   rccen.sion   (|iicl<jm'   j)fMi  développée  de   Dîyha, 
iii.  241  cl  Angiillara.  iii.  21. 

vimtikftfâiffifniia  =  viDiukter  âifddràrdm. 
.'».  rii]ihi(tli  s<i»li  sntlvâ  (isrnfijrihio  'prdlisatujninnh  fatl  ynthn  (leva 
asnmjùisatlvâh  I  idam  prnihawrtm  àijnUtunm  j  arûpinfth  santi  sntlvàh 
s(in(t.<a  fikimcnn]injj<tf(i)nii}i  saviaiikrdiiiiia  naivnsnmj nânâso inj riâfinta- 
v(i)H  ui)as(nniiniliffi  rilinranh'  /  frul/fftfliâ  dera  naicdsamjùdndsamJHâyn- 
tanopaydk  j  id(im  dvitlijfuii  diftiffutani  / 


Hiiian-tsang,  i,  fol.  20  b-21  b.  49 

saveurs^;  2.   Iq?  Naivasamjnâiiâsanijnâyatanopagas,    compris  dans 
le  maitàdijatcDia  et  le  dharnidijafana. 

De  même  les  soixante-deux  dhCdiis  énumérés  dans  le  Bahudhâ- 
tuka  doivent  être  rangés  dans  les  dix-huit  dliâtus  en  tenant  compte 
de  lefh*'fff(lure  '. 

Parmi  les  six  dhâtus  ou  éléments  dont  parle  le  Scitra  -,  élément 
terre,  élément  eau,  élément  feu,  élément  vent,  élément  espace  (âkâ- 
sadhdtu),  élément  connaissance  (vijnânadhâtu),  les  deux  derniers 
n'ont  pas  été  définis.  Devons-nous  entendre  que  l'élément  espace  est 
la  même  chose  que  l'espace  (àkâsa),  le  premier  des  inconditionnés 
(i.  5  c)?  Toute  connaissance  (vljmma,  i.  16)  est-elle  l'élément  con- 
naissance ?  [21  h]. 

28  a-b.  La  cavité  ou  vide,  c'est  ce  qu'on  nomme  l'élément  espace  ; 
c'est,  dit-on,  lumière  et  obscurité  '. 

La  cavité  ou  vide  de  la  porte,  de  la  fenêtre,  etc.,  c'est  l'élément 
espace  (âkâsadhâhi)  externe  (hâlnja)  ;  la  cavité  de  la  bouche,  du 
nez,  etc.,  c'est  l'élément  espace  interne  (âdhyâtmika)  '\ 

D'après  l'École  (kilo),  le  vide  ou  élément  espace  est  lumière  et 

1.  Ils  s'opposent  aux  soixante-deux  (Ir^fis  (Vibhâsâ,  71,  6).  —  Le  Bahudhâtuka 
(Mailhyama,  48,  16,  Dharniaskandha,  cliapilre  xx)  est  étroitement  apparenté  à 
Majjhima,  iii.  61  (41  dhâtus).  Comparer  Asanga,  Sûtrâlanikâra,  iii.  2. 

2.  11  s'agit  du  Sûlra  qui  explique  les  éléments  constitutifs  de  la  personne 
humaine:  saddludnr  aiiani  bliikso purusah.  Vasubandhu  le  cite  (i.  35)  sous  le 
nom  de  Garbhâvakrântisûtra  i  Vinayasumyuktakavastu,  §  11,  Nanjio  1121  ;  Rat- 
nakiita,  chap.  14,  Nanjio,  23.  15).  Dans  Majjhima,  ce  Sûtra  s'appelle  Dhâtuvibhan- 
gasutta  (iii.  239)  ;  il  constitue  une  des  sources  du  Pitâputrasamâgama  dont  nous 
avons  des  extraits  dans  Siksâsamuccaya,  p.  244,  Bodhicaryâvatâra,  ix.  88,  Ma- 
dhyamakâvatâra,  p.  2r>9. 

Voir  p.  2;3.  n.  1,  p.  63,  n.  1  et  Prakaranapâda  cité  note  ad  ii.  23  c-d. 
Sur  les  six  dhâtus,  Angutlara  i.  176,  Vibhanga,  pp.  82-85,  Abhidharmahrdaya, 
viii,  7. 

3.  [chidram  akâsadhafvâkhijani]  âlokntamasl  kila  / 

4.  Dharmaskandha,  chapitre  XX,  Vibliâsâ,  75,  8.  —  Même  définition  dans 
Vibhanga,  p.  84  :  kataniâ  ajj]iattikâ  akâsadhâlu  ?  yam  ajjliattatn  paccattam 
âkâso  âkâsagaiam  acjhum  aghagatam  vivaro  vivaragatam  ...  kantiacchùl- 
dant  nâsacchiddam.... 

4 


50  Chapitre  premier,  2S  a-29  c. 

obscurité  —  c'ost-ù-diro  une  certaine  catégorie  de  couleur  (corna), 
de  matière  (nlpa)  (i.  9  I)).  car  ce  qu'on  perçoit  dans  une  cavité,  c'est 
de  la  lumière  ou  de  l'obscurité.  Etant,  de  sa  nature,  lumière  ou  obscu- 
rité, le  vide  sera  jour  et  nuit  '. 

Le  vide  est  nommé  aglutmmantaka  rûpa  (Vildulsâ,  75,  9). 

Aghd,  (lil-on,  s'explique  étymologiqucmenl  afyartJiani  hananât  : 
'  pnrce  ([u'extrêmemeut  capable  de  lieurter  et  d'être  heurté  '  -.  Il  faut 
ilouc  entendre  par  aglia  la  matièrb  agglomérée,  solide  (samcita 
rûpa).  Le  vide  est  une  matière  voisine  (sâ)naïitcvka)  de  Yaglia. 

D'après  une  autre  opinion,  d'après  nous,  agita  signifie  '  exempt  de 
lieu  ri  (a-gha)  '.  Le  vide  est  aglia  parce  qu'une  autre  matière  ne  s'y 
heurte  pas  ;  il  est  en  même  temps  voisin  d'une  autre  matière  ;  il  est 
donc  agha  et  sâmanfaJxa. 

28  c-d.  L'élément  connaissance,  c'est  la  connaissance  impure 
[22  a],  parce  que  celle-ci  est  le  soutien  de  la  naissance  '. 

La  connaissance  inq)ure  (sâfirava),  c'est-à-dire  la  pensée  qui  ne 
fait  pas  partie  du  Chemin. 

Les  six  dhâtus  sont  doimés  dans  le  Sûtra  (p.  49,  n.  2)  comme 
soutien,  comme  raison  d'être  de  la  naissance,  c'est-à-dire  de  la 
'  pensée  à  la  conception  '  (liratisamdhicUta),  et  de  toute  l'existence 
juscpi'à  la  '  p(.'nsée  à  la  mort  '  (maranaciUa). 

1.  Fdii-knuang  (Kô-ki.  17):  On  i!il  (|nc  l'â/i;â.s«(//<â/K  o.sl  lumière  et  obscurité 
|niur  iiKniIrri-  (jii'il  csl  iiiic  smlc  de  (•niilciir  (vanid)  <-l  une  cliosc  réelle.  L'auteur 
ne  truil  |»a.s  (jue  VdkiisdiUiâlu  soil  une  chose  réelle,  c'est  pourquoi  il  ajoute  le 
uiot  A:/7a  ».  Poiu' Vasul>au<]lMi  elles  Saulrâulikas.  Vdkâsfulltdtu  est  seulemeut 
l'absence  (l'iui  corps  résislaiil  (s<ipr(ifi!ili(itli((rii<il)liiïr(iiii(iti(i).  Voir  il.  .'»;">  c-»I. 

Vibliûsâ,  75,  !t  :  Quelle  (lin'érence  entre  VâkâSd  et  V (IkCtsadhCUu  ?  —  Le  pre- 
mier est  immatériel  (arûpin),  invisible  (aiihlarsann),  non  résistant  (aprnlifjha), 
pur  (atiilsrdva),  incomlilionué  (nsftuiskrhi)  ;  le  second  est  niah'riel 

2.  L'étiitiiin  df  la  N'yâkliyâ  lit  âfilid  :  (Kjhain  hiUi  cit(i.sfli(im  rfipam  iti  cifd- 
stham  sfimijInUdsIlHtiii  /  (itiidrllunn  liaiiti  lutnijate  ceh/  (iijIkdh  /  ....  atijai- 
thftAdhdasya  âkârâdesah  krto  hantes  ra  filiddesdh.  Mais  le  M.S.  Burnouf  lit 
(lylidm  ....  akârdilesnh  :  on  a.  ad  iii.  72,  nyha  =  cifastJianlpn  :  Mahâvyulpatli, 
24r>.  loj. 

3.  [vijncitiiidliittnf  vijùnufDii  fiati)(iiii)fi\  iniDinuiisrauah  / 


iiUian-tsang,  \,  fol.  21  b-ii,  fol.  1  b.  5l 

Les  dharmqs  purs  (nirâsrava)  sont  opposés  à  la  naissance,  à 
l'existértce.  Donc  les  cinq  connaissances  sensibles,  qui  sont  toujours 
impures,  «et  la  connaissance  mentale  quand  elle  est  impure,  voilà 
l'élément  connaissance  (Vibhâsâ,  75,  u). 

Desfes^ix  dhâtus,  les  ipiatre  premiers  sont  compris  dans  le  tangi- 
ble (sprastavyadhàtu),  le  cinquième  est  compris  dans  le  visible 
(rûpadhâtu),  le  sixième  dans  les  sept  dhâtus  énumérés  i.  16  c. 

[ii  1  a]  Parmi  les  dix-huit  dhâtus,  combien  sont  visibles,  '  suscep- 
tibles d'être  montrés  du  doigt  '  (satUdarèami)  ? 

29  a-b.  Est  visible  le  seul  rûpadhâtu  '. 

On  peut  indiquer  sa  place,  ici,  là.  Les  autres  dhâttis  sont  invisibles. 

Combien  de  dhâtus  sont  susceptibles  de  contve-heiiri (sapratigha)? 
Combien  sont  insusceptibles  de  contre-heurt  (apjratlgha)  ? 

29  b-c.  Sont  susceptibles  de  contre-heurt  les  dix  dhâtus  qui  sont 
exclusivement  matériels  ^ 

Les  dix  dhâtus  qui  sont  compris  dans  le  rûpaskandha  sont  sus- 
ceptibles de  contre-heurt  '  [1  bj. 

1.  Le  pratighâta,  ou  ahhlghâta,  heurt,  collision,  est  de  trois 
sortes  :  âvaranaprcdighâta,  visaycipratighâta,  âlamhanap^-atighâ' 
ta  (Vibhâsâ,  76,  a). 

a.  âvaranajjratigliâta,  le  contre-heurt  en  raison  de  la  résistance, 
la  qualité  qui  appartient  à  un  corps  de  faire  obstacle  à  la  naissance 
d'un  autre  corps  dans  le  lieu  où  lui-même  se  trouve,  l'impénétrabilité. 
Lorsque  la  main  heurte  la  main  ou  la  pierre,  lorsque  la  pierre  heurte 
la  pierre  ou  la  main,  elle  est  contre-heurtée,  elle  est  repoussée  (pra- 
tihanyate). 

b.  visayapratighâta,  le  heurt  de  l'organe  (visayin)  avec  ce  qui 

1.  saniclarêana  eko  'tra  rûpani. 

2.  sapratigliâ  daéa  /  rfipinah.  —  Voir  ci-dessus  p.  24  et  suiv. 

3.  Le  dJiarniadhâtii  est  hors  de  cause  :  il  comprend  Vavijnapti  qui  est  maté- 
rielle et  non  susceptible  de  heurt. 


52  CHAPITRE  PREMIER,  29  lî-C. 

est  son  Joinaiiie  d'action  (visaya).  D'après  la  Prajîlapti  '  :  «  Il  y  a  un 
œil,  un  organe  de  la  vue,  qui  est  contre-heurté,  inij)ressionn<'',  par 
l'eau  et  non  par  le  sec,  à  savoir  l'œil  des  poissons  ;  il  y  a  un  Œ'il  qui 
est  contre-heurté  par  le  sec  et  non  j)ar  l'eau,  à  savoir  l'œil  des  hom- 
mes en  général  (à  l'exclusion  des  pêcheurs)  ;  il  y  a  wn  œil  qui  est 
contre-heurté  par  l'eau  et  par  le  sec,  à  savoir  l'a^il  du  crocodile,  du 
crahe,  de  la  grenouille,  des  pêcheurs  ;  il  y  a  un  œil  (jui  n'est  contre- 
heurté  ni  par  l'eau  ni  par  le  sec,  à  savoir  l'œil  qui  n'est  pas  des  caté- 
gories précédentes  (par  exemple,  l'œil  des  êtres  qui  périssent  dans  la 
inalrice).  Il  y  a  \\\\  a'il  qui  csl  conlre-heui'té  par  la  nuit,  à  savoir  l'œnl 
de  la  chauve-souris,  de  la  chouette,  etc.  ;  il  y  a  un  œil  qui  est  contre- 
heurté  par  le  jour,  à  savoir  l'œil  de  l'homme  en  général  (à  l'exclusion 
des  voleurs,  etc.)  ;  il  y  a  un  œil  qui  est  contre-heurté  par  la  iniil  et 
par  le  jour,  à  savoir  l'œil  du  chien,  du  chacal,  du  cheval,  du  léopard, 
du  chat,  etc.  ;  il  y  a  un  a^l  qui  n'est  contre-heurté  ni  par  la  nuit,  ni 
par  le  jour,  à  savoir  l'œil  qui  n'est  pas  des  catégories  précédentes  »  '\ 

c.  ûlainhanaprafigJififa  [2  a],  le  heurt  de  la  pensée  et  des  men- 
taux (citta,  caitia)  avec  leur  olijet  (svâlamhana)  (ii.  G2  c). 

Quelle  différence  entre  le  domaine,  visaya ,  et  l'objet,  âlanihana  ? 

Par  visaya,  on  entend  le  lieu  où  l'organe  exerce  son  activité,  vue, 
audition,  etc.  ;  j)ar  âhnidjatuf,  ce  (jui  est  saisi  par  la  pensée  et  les 
mentaux.  Donc,  tandis  (juc  hi  pensée  et  les  mentaux  ont  visaya  et 
âlanihana,  Td-il,  l'oreille,  etc.  n'ont  (|ue  visay((. 

Pourtjuoi  appeler  '  coiilrc-linui  '  (j)r((l/(ilinf(<)  la  '  pro-cession  ' 
( pravrlii)  ou  activité  (kCirilra)  «11-  rorgauc  ou  de  la  pt'usée  à  l'égard 
du  visaya  ou  de  \  âlanihana  ? 

Parce  que  l'organe  ne  procrdc  pas,  n'est  pas  aclil,  au  delà  du 
visaya  :  donc  il  est  contre-luMirté  |)ar  li>  visaya  [car  on  dit  dans 
l'usage  couMuuu  (pi'on  est  coulre-lu'iu'ti'  pai'  un  unu"  au  delà  dnqut.'l 
ou  u(!  peut  '  procédiM' '  |.  <  )u  hiru.  par  conlic-hruil,  il  faut  entendre 
'  rencontre  '  (nipâta,  nipafaniij  :  c'est  la  pro(essi(»n  fpravrlfi  = 
Jiârih'ff)  de  l'organe  à  l'f'gai'd  de  sou  domaine  propre. 

1.  Voir  Kûiaiiujirajùaplisrislra,  aîialysi'  dans  Oisnioiogîe  l>oii(]<llii(|iip.  ]».  Îiîî9. 

2.  Coinpurer  Sainyiilln,  iv.  201  :  pulUujjdtu)  rakkliusinim  lifirinati  matiâpf7i- 
vut  iiâpeli  i  rûppJi  i. 


Hiuan-tdang,  ii,  loi.  1  b-2  b.  53 

2.  Quand  nous  disons  que  dix  dhâtius  sont  susceptibles  de  contre- 
heurt,  ^^/^^yYff/7J'/.''"(,  '  caractérisés  par  \e  2)ratigJiâta  ',  nous  entendons 
parler  de  Yâvaranaprcdigliâla  :  ce  sont  corps  réciprocjucment  impé- 
nétrables, susceptibles  de  collision. 

3.  yn^^niande  si  les  dJiannas  qui  sont  sapratlgha  par  '  heurt 
avec  le  domaine  d'action  ',  sont  aussi  sapratlgha  par  '  impénétrabi- 
lité '. 

Quatre  alternatives  :  1.  les  sept  cittadlidtu.s  (i,  IG  c)  et  une  partie 
du  dharuia.dhdtH,  à  savoir  les  sayiprayuktas  (ii.  23),  sont  saprati- 
fjha  par  '  heurt  avec  le  domaine  d'action  '  seulement;  2.  les  cinq 
domaines,  visible,  etc.  (i.  9)  sont  sapratlgha  par  '  impénétrabilité  ' 
seulement  ;  3.  les  cinq  organes,  œil,  etc.  (i.  9)  sont  saprcdiglia  aux 
deux  points  de  vue  ;  4.  une  partie  du  dliarniadhâtu,  à  savoir  les 
viprayutdas  (ii.  35),  n'est  pas  sapratlgha. 

On  demande  si  les  d  h  armas  qui  sont  sapratigha  par  '  heurt 
avec  le  domaine  d'action  ',  sont  aussi  sapratigha  par  '  heurt  avec 
l'objet  '  (âlamhanapratigluda)  [2  b].  —  On  répond  en  partant  du 
second  terme  de  la  question  (pascâtpâdaka)  :  les  dharmas  qui  sont 
sapratlgha  par  '  heurt  avec  l'ol^jet  '  sont  aussi  sapratigha  par  *  heurt 
avec  le  domaine  d'action  '  ;  mais  il  y  a  des  dharitias  qui  sont  sapra- 
tigha par  '  heurt  avec  le  domaine  d'action  '  sans  être  en  même  temps 
sapratigha  par  '  heurt  avec  l'objet  ',  à  savoir  les  cinq  organes. 

4.  Le  Bhadanta  Kumâralâbha  dit  : 

«  On  appelle  sapratigha  ce  en  (juoi  et  à  l'égard  de  quoi  la  con- 
naissance (manas)  peut  être  empêchée  de  naître  par  un  [corps] 
étranger  ;  apratigha,  l'opposé  '  ». 

Parmi  les  dix-huit  dilatas,  combien  .sont  bons  (kusala),  mauvais 
(akiisala),  non-définis  (avijâkrta,  iv.  8,  9,  45)  ? 

1.  C'esl-à-dire  :  la  connaissaafe  \\m  nait  avant  pour  objet  fcisoya)  le  bleu  et 
pour  support  (âsraifa)  l'œi],  peut  être  einpêcbée  de  naître  par  l'interposition  d'un 
corps  étranger  entre  l'œil  et  le  bleu  :  l'œil  et  le  bleu  sont  donc  sapratigha.  Au 
contraire,  ni  le  manodhcitu,  qui  fait  fonction  d'organe  de  la  connaissance  mentale 
(manoiij nciua),  ni  le  dharniadliCitn,  qui  est  l'objet  propre  de  la  connaissance 
mentale  i  par  exemple  la  sensation),  ne  sont  sapratigha  :  rien  ne  peut  empêcher, 
en  faisant  '  obstacle  ',  '  écran  '  (âvarana),  la  connaissance  mentale  (manovijùâ- 
na)  de  naître  de  l'organe  mental  (uianodhâtu)  à  l'égard  du  dharmadhâtu. 


54  CHAPITRE  PREMIER,  29  C-30  d. 

29  c-d.  Huit  cfhâhfs  sont  non-définis,  à  savoir  les  précédents  moins 
le  visible  et  le  son  '. 

Les  dix  dhùtus  caractérisés  comme  sapratigha  (i.  29  b-c),  moins 
le  visible  (rûpa)  et  le  son  (sahda),  —  c'est-à-dire  huit  dhâtus  :  les 
cinq  organes  matériels,  l'odeur,  la  saveur  et  le  tangible,  —  sont  non- 
définis  [3  a],  n'étant  pas  définis  comme  bons  ou  mauvais,  ou  bien, 
suivant  une  autre  opinion,  n'étant  pas  définis  au  point  de  vue  de  la 
rétribution  (vipâka). 

30  a.  Les  autres  sont  des  trois  espèces  ^ 

Les  autres  dhâtus  sont,  suivant  le  cas,  bons,  mauvais,  non-définis. 

1.  Les  sept  dhâtus  (cittadhâtavah,  i,  16  c)  sont  bons  quand  ils 
sont  associés  aux  trois  racines  du  bien  (iv.  8),  mauvais  quand  ils  sont 
associés  aux  racines  du  mal,  non-définis  en  tout  autre  cas  [3  a]  '. 

2.  Le  dharmadhâtii  (i.  15  c-d)  comprend  (1)  les  racines  du  bien, 
des  dharmas  associés  à  ces  racines,  des  dhaniias  issus  de  ces  raci- 
nes, le  pratisamkhiiâtiirodha  ou  Nirvana  ;  (2)  les  racines  du  mal, 
des  dharmas  associés  à  ces  racines,  des  dharmas  issus  de  ces 
racines  ;  (3)  des  dharmas  non-définis,  par  exemple  l'espace. 

3.  Le  rûpadhâtu  et  le  éahdadhntii,  le  visible  et  l'auifiblc,  sont 
bons  ou  mauvais  lorsqu'ils  constituent  un  acte  corporel  ou  vocal 
(iv.  26,  3  d)  issu  d'une  pensée  bonne  ou  mauvaise.  Ils  sont  non-définis 
dans  tout  autre  cas. 

Parmi  les  dix-huit  dhâtus,  combien  existent  dans  chaque  sphère 
d'existence,  Kâmadlultu,  Rnpadhâtu,  Ariqiyadhâtu  (iii.  1-3)  ? 

30  a-b.  Tous  dans  le  Kâmadhâtu.  ^ 

1.  ai'yâkrlâ  asfnn  te  rûpnéabdavarjitâh  /  —  Voir  ii.  0  a  ;  VibhasS,  5J,  .3, 
144.  4. 

2.  tridhfnitfp. 

3.  l-fs  Mal)îsilsakus  croipiii  <jiie  Irs  qiiulre  premières  connaissances  sont  toii- 
jovirs  non  définies  ;  la  connaissance  «lu  lad  cl  la  connaissance  menlalo  sont  des 
trois  espèces. 

4.  kâuiainintvâpfâh  .sarre. 

Les  dharmas  tpii  n'ujiparliennenl  à  aucune  splicre  d'existence,  qui  sont  irans* 


Hiuan-tsang,  ii,  fol.  2  b-3  b.  55 

Tous  les  dJintus  sont  associés,  liés  au  Kamadhâtu,  non  dissociés 
du  Kaipadhatu  (Viblmsâ  145,  i*). 

30  b,-fl.  Quatorze  dans  le  Rfipadhâtu,  en  exceptant  l'odeur,  la 
saveur,  la-connaissance  de  l'odorat,  la  connaissance  du  goût.  ' 

i.  L'odeur  et  la  saveur  y  manquent,  car  elles  sont  aliment-en-bou- 
chées  (iii.  39)  et  personne  ne  naît  dans  le  Riipadhatu  qui  ne  soit 
détaché  de  cet  aliment.  L'odeur  et  la  saveur  manquant,  les  connais- 
sances de  l'odorat  et  du  goût  manquent  aussi. 

Objection.  Le  tangible  (sprastavyadliâtu)  manquera  aussi,  car  il 
est  aussi  aliment-en-bouchées. 

Non,  car  le  tangible  n'est  pas  exclusivement  aliment.  Existe  dans 
le  Rûpadbâtu  le  tangible  qui  n'est  pas  aliment  [3  b]. 

Objection.  On  peut  raisonner  de  même  en  ce  qui  regarde  l'odeur 
et  la  saveur. 

Non.  Le  tangible  a  un  emploi  utile  (parivisti)  en  dehors  de  l'ali- 
mentation :  il  sert  de  point  d'appui  aux  organes  (âérayabliâva)  ;  il 
sert  de  support  en  général  ((idhcira)  ;  il  sert  de  vêtement.  En  dehors 
de  la  consommation  (ùliârâhhijavaliâra),  l'odeur  et  la  saveur  n'ont 
pas  d'emploi  (parihlioga)  :  elles  ne  présentent  aucune  utilité  pour 
des  êtres  détachés  de  l'aliment. 

ii.  Srîlabha  donne  une  explication  différente.  Lorsqu'un  homme  du 
Kamadhâtu  entre  en  recueillement,  entre  dans  les  extases  (cUiyCma), 
il  voit  des  visibles  ;  il  entend  des  sons  ;  son  corps  est  favorisé,  récon- 
forté (anugrah)  par  un  certain  tangible  qui  accompagne  le  bien-être 
corporel  (praérahdhi)  produit  par  l'extase  (viii.  9  b).  On  peut  con- 
clure de  ce  fait  (pie,  dans  les  demeures  célestes  du  Rflpadhâtu  qui 
portent  le  nom  de  dhijâna  (iipapcdiidhijclmi,  iii.  2,  viii.  1),  il  y  a 
visible,  audible,  tangible,  mais  non  pas  saveur  et  odeur. 

cendanls  à  V eyàsi^nce  (adhâtniHitita,  adlicitvctpta,  —  apariyâpanna)  sont  les 
inconriitionnés. 

1.  rûpe  catiirdasa  /  vinâ  gundliarasoyhrâHdjihvûcijilânadhâtubJiih  // 

L'examen  de  ce  problème  est  repris  ii.  12. 

Comparer  Kathâvatthii,  viii,  7. 


56  CHAPITRE  PREMIER,  30  b-d, 

iii.  Nous  pensons  que,  si  l'odeur  ot  la  .saveur  manquent  dans  le 
Rûpadhâtu,  les  organes  de  l'odorat  et  du  goût  doivent  aussi  y  man- 
quer, car  ils  n'y  servent  à  rien.  Donc  il  n'y  a  (|ue  douze  dhâtiis  dans 
le  Rûpadhïltu. 

1.  Réponse  d'un  docteur  qui  se  substitue  au  Vaibhâsika  (^fa/6/?âf  «- 
hadeslya).  —  Les  organes  de  l'odorat  et  du  goût  sont  utiles  dans  le 
Ropadhatu,  car,  sans  eux,  la  beauté  et  l'élocution  feraient  défaut. 

Le  nez,  support  ou  siège  de  la  matiçre  subtile  qui  constitue  l'organe 
de  l'odorat,  suffit  à  la  beauté,  abstraction  faite  de  cette  matière  subtile 
(i.  44)  ;  la  langue,  siège  de  l'organe  du  goût,  suffit  à  l'élocution, 
abstraction  faite  de  la  matière  subtile  qui  constitue  l'organe  du  goût. 

Le  VaibliasikadesTya.  —  Le  membre,  nez,  langue,  qui  supporte 
l'organe,  ne  peut  pas  être  démuni  de  cet  organe.  H  n'y  a  pas  de  nez 
ni  de  langue  où  fasse  défaut  la  matière  subtile  qui  constitue  l'organe 
de  l'odorat  ou  l'organe  du  goût.  De  même  que  le  membre  sexuel  est 
toujours  revêtu  de  cet  organe  spécial  du  tact  «[u'on  appelle  l'organe 
sexuel  (purusendriya)  (i.  44  a,  ii.  2  c-d). 

On  conçoit  très  bien  que  le  membre  sexuel  manque  lorsque  l'organe 
sexuel  manque,  car,  dépouillé  de  cet  organe,  il  ne  sert  à  rien  ;  mais 
le  nez  et  la  langue  sont  utiles  indépendamment  des  organes  de  l'odo- 
rat et  du  goût.  Donc  le  nez  et  la  langue  existent  dans  le  Rilpadbâtu, 
quoique  les  organes  correspondants  y  manquent.  Donc  ii  n'y  a  que 
douze  dhàtus  dans  le  Rûpadliatu. 

2.  Réponse  du  Vaibluïsika.  —  Un  organe  |i('iil  naître  sans  avoir 
aucuni'  ulililé,  [)ar  exemple  les  organes  des  êtres  voués  à  périr  dans 
la  matrice. 

Soit  !  la  naissance  d'un  organe  peut  être  sans  ulililt'  :  mais  elle  n'est 
jamais  sans  cause  [4  a].  Quelle  est  la  cause  de  la  naissance  diin 
organe,  sinon  im  certain  acte  commandé  par  un  désir  relatif  à  cet 
organe  ?  Or  quiconque  est  sans  attachement  pour  l'objet,  odeur,  est 
aussi  sans  altacbement  pour  l'organe,  organe  de  l'odorat.  Donc  il  n'y 
a  aucune  raison  pour  (pie  les  organes  de  l'odorat  et  du  goût  appa- 
raissent chez  des  êtres  qui  renaissent  dans  le  Rûpadhâtu,  puisque 
ces  êtres  sont  détachés  des  odeurs  et  des  saveins.  Ou  bien  dites-nous 
pourfjuoi  l'organe  sexuel  mnn(|ue  dans  le  liOpadhâlu  ? 


Hiiiau-tsang,  ii,  fol.  3  b-4  b.  57 

Réplique  du  Yaibhasika.  —  L'organe  sexuel  est  cause  de  laideur 

(li.  i2i; 

N'est-il  pas  beau  chez  les  êtres  qui  possèdent  la  marque  des  Maha- 
purtisas--?  '  D'ailleurs,  ce  n'est  pas  en  raison  de  l'utilité  que  nait 
l'orgg^e^xuel,  mais  bien  en  raison  de  sa  cause.  La  cause  étant 
donnée,  fùt-il  laid,  il  naîtra. 

3.  Argument  d'autorité.  D'après  le  Yaibhasika,  soutenir  que  les 
organes  de  l'odorat  et  du  goût  manquent  dans  le  Rfipadhatu,  c'est 
contredire  le  Sûtra.  Le  Sotra  -  enseigne  que  les  êtres  du  Rûpadhatu 
possèdent  tous  les  organes  (alimemlrlya),  tous  les  organes  complets 
(avikalendrii/a)  :  ils  ne  sont  jamais  borgnes  (kâna),  ni  à  une  oreille 
(kimtha)  (iii.  98  a). 

Ce  texte  enseigne  que  les  êtres  du  Rûpadhatu  possèdent,  au  com- 
plet, les  organes  qui  existent  dans  le  Rûpadhatu.  Si  le  Vaibhasika 
ne  l'entend  pas  ainsi,  il  doit  attribuer  à  ces  êtres  l'organe  sexuel. 

4.  Réplique  et  conclusion  du  Yaibhasika. 

Bien  que  l'odeur  et  la  saveur  y  manquent,  les  organes  de  l'odorat 
et  du  goût  existent  dans  le  Rûpadhatu. 

En  effet,  l'homme  qui  est  détaché  de  l'odeur  garde  attachement  à 
l'égard  de  l'organe  de  l'odorat  qui  est  partie  de  sa  personne  (âttna- 
bhâva,  svasamtcliia).  La  soif  entre  en  exercice  à  l'égard  des  six 
organes  de  connaissance,  non  pas  en  raison  de  l'objet  de  ces  six  orga- 
nes, mais  en  raison  de  la  personne  même  (CitmabhâvamukJiena). 
Donc  la  naissance  des  organes  de  l'odorat  et  du  goût  a  une  cause, 
fût-on  détaché  des  odeurs  et  des  saveurs. 

Il  n'en  va  pas  de  même  de  l'organe  sexuel.  L'attachement  relatif  à 
cet  organe  a  pour  principe  l'attachement  à  la  connaissance  tactile  de 
l'union  sexuelle.  Or  les  êtres  qui  renaîtront  dans  le  Rûpadhatu  sont 
détachés  de  la  dite  connaissance  ;  donc  ils  n'ont  pas  accompli  d'acte 
commandé  par  un  désir  relatif  à  l'organe  sexuel  ;  donc  cet  organe 
manque  dans  le  Rûpadhatu  [4  b]  '. 

1.  kosagatavastignhya. 

2.  Comp.  Dîgha  i.  34,  186. 

3.  Vibhasâ,  145,  12  :  «  Les  organes  maie  et  féminin  exislent-ils  dans  le  Rûpa- 
dhatu ?  Ni  l'un  ni  l'autre  organe   sexuel  n'y  existent.   Première  opinion  :  c'est 


58  CHAPITRE  PREMIER,  31-32  C. 

31  a-h.  Dans  rAmpyadliritii,  l'organe  mental  (nianodhâtu),  l'objet 
de  la  connaissance  mentale  (dharmadhâin),  la  connaissance  men- 
tale (manovijnânadUâUi)  '. 

Naissent  dans  l'Arnpya  les  êtres  détachés  de  la  matière  (rûpa). 

Mantjnent  donc  dans  l'Àiiipya  les  dix  dhâliis  qui  sont  matériels, 
à  savoir  cinq  organes  et  leurs  objets,  et  les  cinq  connaissances  qui 
ont  pour  point  d'appui  et  j)our  objet  un  dliâtii  matériel  (viii.  3  c). 

Coiubien  de  diulfus  sont  impurs  ?  (^ondjien  sont  purs  ? 

31  c-d.  Les  trois  dhclfus  qui  viennent  d'être  nommés  sont  purs 
ou  inq)urs  -. 

Ils  sdut  purs  (atiâsrava)  lorsqu'ils  font  partie  de  la  vérité  du 
chemin  ou  de  l'inconditionné  ;  impurs,  dans  le  cas  contraire  (i.  4). 

31  (I.  Les  aulres  sont  iiupurs  '. 

Les  autres  dhâtua,  au  nombre  de  quinze,  sont  seulement  impurs  \ 

parce  ([n'oii  désire  abandonner  ces  organes  que  l'on  cultive  les  Ohijânas  et  que 
l'on  va  renaître  dans  le  Kûpadhrilu.  Si  les  êtres  du  Rûpadhâtu  possédaient  ces 
organes,  on  ne  désirerait  pas  renaître  dans  cette  sphère.  Deuxième  opinion  :  ces 
organes  sont  créés  par  l'aliment  grossier  (iii.  39)  ;  le  Sûtra  (iii.  98  c)  dit  en  effet 
que  les  ôires  humains  du  commencement  de  l'âge  cosmique  ne  possèdent  pas  ces 
organes,  (pi'ils  ont  tous  même  forme  :  plus  tard,  «piand  ils  mangent  le  jus  de  la 
terre,  les  deux  organes  naissent,  la  diiïérence  d'homme  et  de  femme  apparaît  ;  en 
l'absence  d'aliment  grossier,  les  deux  organes  mancpient.  Troisième  opinion  :  les 
deux   organes   ont   un   enqiloi  dans   le   Kâmadhâlu,   n'ont   pas  d'emploi  dans  le 

Rûpadhâtu  :  donc  ils  manquent  dans  le  Rilpailliûtu  

Sur  les  dieux  du  Kâniadhâtu,  voir  iii.  70. 

1.  ârûpyâpta  inaiiodhanitamaiiovijriCniadhâtavah  / 

2.  sâsravânâsravâ  ete  trayait. 

3.  éesâs  tu  sâsravâh  jl 

4.  Les  Mahâsânighikas  et  les  Sauliântikas  soutiennent  ijue  le  corj)S  du  FJouclflba 
est  pur  faHYîsrrtcaj  (voir  iv.  4  a-b,  discussion  de  Vavijnapfi)  [('.onq)arer  Kathfl- 
valtlui,  iv.  8,  xiv.  4j.  Vibliâsû  44.  lo,  7(>,  4:  Certains  docteurs  soutiennent  (jue  le 
corjis  du  Bouddha  est  i)ur,  les  Mahâsânighikas,  qui  disent  :  «  L'iM-riture  dit  que  lo 
Tathâgata  se  tient  au-dessus  du  monde,  qu'il  n'est  pas  nu)ndain,  qu'il  n'est  pas 
souillé  ;  nous  savons  donc  cpie  le  corps  du  Bouddha  est  j>ur  v.  Pour  réfuter  celte 
opinion,  on  montre  (pie  le  corps  du  Bouddha  est  impur.  Dire  qu'il  est  pur,  c'est 
contredire  le  Sûtra. 

Le  corps  du  Bouddha  n'est  pas  pur  (anâsrava),  parce  qu'il  peut  être  l'occasion 


Hiuan-tsang,  ii,  fol,  4  b-5  a.  59 

Combien  de  dhâttis  sont  associés  à  vitarka  et  à  vicâra,  exempts 
de  intcCçka  et  associés  k' vicâra,  exempts  de  vitarka  et  de  vicâra  ?  ' 

32  a-b.  Cinq  connaissances  comportent  tonjours  vitarka  et 
vicâra  ^  [5-  a]. 

Elles  sont  tonjours  associées  à  vitarka  et  à  vicâra,  car  elles  sont 
grossières,  étant  tournées  vers  le  dehors.  Le  mot  hi,  '  toujours  ',  indi- 
que restriction  :  elles  sont  exclusivement  des  dharmas  comportant 
vitarka  et  vicâra. 

32  c.  Les  trois  derniers  dhâtiis  sont  des  trois  espèces  \ 

Ces  dhâttis  sont  l'organe  mental,  l'objet  de  la  connaissance  men- 
tale, la  connaissance  mentale,  matiodhâtu,  dharmadhâtu,  mano- 
vijùânadhâtu. 

1.  Dans  le  Kamadhatu  et  dans  le  premier  dliijâna  (viii.  7,  11), 
(1)  le  maHodhâtii,  (2)  le  maHovijnânadhâtii,  (3)  cette  partie  du 
dharmadhâtii  qui  est  associée  à  la  pensée  (ii.  23)  à  l'exception  du 
vitarka  et  du  vicâra  eux-mêmes,  sont  associés  à  vitarka  et  à  vicâra. 

2.  Dans  le  dhyâna  intermédiaire  (dhijâuâiitara,  viii.  22  d),  les 
mêmes  sont  exempts  de  vitarka,  associés  à  vicâra. 

3.  Dans  les  étages  (è/nim/y  supérieurs  jusqu'au  dernier  étage  (^^ia/- 
vasamjnânâsanijnâyatana),  les  mêmes  sont  exempts  de  vitarka 
et  de  vicâra  (viii.  23  c-d). 

4.  La  partie  du  dharmadliâtu  qui  est  dissociée  de  la  pensée 
(ii.  35)  et  le  vicâra  du  dhyâna  intermédiaire  sont  exempts  de  vitarka 
et  de  vicâra. 

de  la  passion  d'autrui.  Vibhâsâ,  173,  9  :  Le  corps  du  Bouddha  est  le  fruit  de  l'igno- 
rance et  de  la  soif;  il  n'est  donc  pas  pur.  Le  Sûtra  dit  que  dix  âyafanas  (organe 

de  la  vue ,  visible )  tout  entiers,  et  deux  âyatanas  en  partie  (nianaâya- 

tana,  dharmas)  sont  impurs Si  le  corps  du  Bouddha  était  pur,  les  femmes 

n'auraient  pas  d'affection  pour  lui  ;  il  ne   produirait  pas,  chez  les  autres,  désir, 

haine,  confusion,  orgueil 

Comparer  Vyâkhyâ,  p.  14  ;  ci-dessus  p.  6. 

1.  Même  question  dans  Vibhanga,  97,  435.  —  Le  vitarka  et  le  vicâra  sont 
définis  ii.  28,  33. 

2.  savitarkavicârâ  hi  pafica  vfjnânadhâtavah  I 

3.  antyâs  trayas  triprakârcih, 


60  CHAPITRE  PREMIER,  l>2  C-33. 

5.  Quant  au  viUirka,  il  est  toujours  accompagné  de  vicâra  ;  il  est 
toujours  exempt  de  vitarka,  vu  l'impossibilité  de  deux  vifarkas 
simultanés. 

Mais  le  vicâra  dw  Kamadliâtii  et  du  premier  (lliijâna  ne  rentre 
dans  aucmie  des  trois  catégories  :  en  eiïet,  il  est  toujours  associé  au 
vitarka,  et  il  n'est  jamais  accompagné  de  vicâra,  vu  l'impossibilité 
de  deux  vicâras  sinudtanés. 

Nous  dirons  donc  que,  (hins  les  élag'^s  (bliîu)iij  ({ui  comportent 
vitarka  et  vicâra  (viii.  7),  il  y  a  quatie  catégories  :  1.  Les  dharmas 
associés  à  la  pensée,  à  l'exception  du  vitarka  et  du  vicâra,  sont 
accompagnés  de  vitarka  et  de  vicâra  [5  b].  2.  Le  vitarka  est  exempt 
de  vitarka,  accoiupagné  de  vicâra.  3.  Les  dliarnias  dissociés  de  la 
pensée  sont  exempts  de  vitarka  et  de  vicâra.  4.  Le  vicâra  est  exempt 
de  vicâra,  accomj)agné  de  vitarka. 

32  d.  Les  autres  dhâtu.^  sont  exempts  de  Tnn  et  de  l'autre  '. 

Les  autres  dhâtus  sont  les  dix  dhâtus  matériels  (rûpin).  N'étant 
pas  associés  à  la  pensée,  ils  sont  exempts  de  vitarka  et  de  vicâra. 

Mais,  si  les  cinq  connaissances  sensibles  sont  toujours  accom- 
pagnées de  vitarka  et  de  vicâra,  comment  sont-elles  définies  comme 
exemptes  de  vikalpa  (avikatixika)  ? 

33  a-b.  Elles  sont  exemptes  de  vikalpa  en  tant  (jn'elles  sont 
exemptes  de  niriipanâvikaJpa  et  A\imismaranavik(dpa  \ 

D'après  le  Vaibbâsika',  le  vikalpa  est  de  trois  espèces  :  vikalpa  en 
soi  ou  par  définition  (s  vabhâ  va  vikalpa),  vikalpa  consistant  en 
examen  (nirûpanâ),  vikalpa  consistant  en  aoxxyemv  (anus marana)  \ 

1.  éesâ  ubhayavarjitâh  // 

2.  \nirûpan(uius)va ranav iknlpâd  nvikaliinkâh] 

On  Ifs  noimne  (iviknlfxika  i-ii  raison  <tn  lexle  :  caksii rv ij ndnnsa manfjl  uilam 
vijfDidfi  110  tu  )nî(t)it  ili  (Vnir  ci-dessus  p.  28, 4i.  1). 

3.  kila  :  c'est  une  opinion  des  Vaitdiâ.sittas  sans  support  dans  le  Sfdra. 
L'opinion  de  Vasuhaiulhu  est  explicpiée  plus  loin,  ii.  •'v3.  Pour  lui,  comme  pour 

le  Suulrâiilika,  le  vitarka  el  1p  vicâra  sont  le  citfa,  le  maitovijiiâua. 

4.  Vihliû.sH,  42,  H:  uvafjlnivavikalpn,  c'est  vitnrka-vicâra  ;  aiinsviaranavi- 
kalpa,  c'est  la  mémoire  associée  à  la  connaissance  mentale  ;  nirnpanâvikalpa, 


Hnian-tsang,  ii,  fol.  5  a-G  a.  61 

Les  cinq  connaissances  sensibles  comportent  la  première  espèce  de 
vikali^  mais  non  pas  les  deux  autres  '.  C'est  pourquoi  on  dit  qu'elles 
sont  exemptes  de  vikalpa,  comme,  d'un  cheval  qui  n'a  qu'un  pied, 
on  dit  (fn'il  n'a  pas  de  pieds.  —  Le  '  viladpa  par  délinition  ',  c'est  le 
viku'}i^^j;^e  nous  étudierons  au  chapitre  des  mentaux  (caitta)  (ii.  33). 
Quant  aux  deux  autres  viJmlpas  : 

33  c-d.  Prajnâ  mentale  dispersée,  mémoire  mentale  quelle  qu'elle 
soit  -. 

La  prajhà  mentale,  c'est-à-dire  le  discernement  des  dharuias 
associé  à  la  connaissance  mentale,  dispersée  (vijagra)  [6  a],  c'est-à- 
dire  non  concentrée  (asamâliita),  non  dans  l'état  de  recueillement 
(viii.  1),  c'est  le  vikalpa  d'examen  ou  de  définition  (ahhinirûpanà). 
Toute  mémoire  mentale,  concentrée  on  non  concentrée,  c'est  le  vikal- 
pa de  souvenir  (aniisniarana)\ 

c'est  la  prajnCi,  non  leeuéillie,  ilii  domaine  de  la  connaissance  mentale.  Dans  le 
Kâmadhâtu,  les  cinq  connaissances  ont  seulement  la  première  sorte  de  vikalpa  : 
elles  comportent  mémoire,  mais  non  pas  aiuismaranaviJialpa,  car  elles  ne  sont 
pas  capables  de  reconnaître  ;  elles  comportent  proj'ùâ,  mais  non  pas  iiirûpanâ- 
vikalpa,  car  elles  ne  sont  pas  capables  d'examen. 
Nyâyânusâra  :  La  nature  du  svabhâva v ikalpa  est  vifarka. 

1.  ha  prajiiâ  et  la  mémoire  sont  associées  aux  cinq  connaissances  sensibles, 
mais  leur  emploi  y  est  réduit  (Samghabhadra). 

2.  tau  vyagrâ  nmnasï  prajnâ  sarvaiva  mânasl  smrtih  // 

3.  Prajùfi  mentale  (mânasl),  c'est-à-dire  inanasi  hliavâ,  soit  qu'elle  procède 
de  raudilic»n  de  l'Ecrilure  ou  de  la  réflexion  (snitacintâmayl),  soit  qu'elle  soit 
native  (npax)aUipratilamhliikâ)  ;  dispersée  (vyagrâ),  c'est-à-dire  non-concen- 
trée, ayant  des  objets  (ayra)  dilTérenls,  ou  bien  '  découronnée  '  (vi(jaiapradhâ- 
^(âjparle  fait  qu'elle  se  prend  successivement  à  des  objets  différents. 

Pourquoi  donner  à  cetteprffjitrt  le  nom  iVabhinirûpanâvikalpa  ? 

Parce  qu'elle  s'applique  à  tel  ou  tel  objet  en  tenant  couqjte  de  son  nom  (nâniâ- 
peksayâ)  et  examine  (uhhiniriipanâ)  :  «  ceci  est  rûpa,  vedanâ,  anitya,  diih- 
kha  »,  etc.  Au  contraire,  la  prajuâ  concentrée  (samâhitâ),  procédant  du  recueil- 
lement (hhâvunâmayî),  s'applique  à  l'objet  sans  tenir  compte  du  nom.  Donc  elle 
n'est  pas  ablii ni lupa nâv ikalpa. 

Toute  mémoire  (smrti)  mentale,  c'est-à-dire  la  mémoire  mentale,  qu'elle  soit 
ou  non  concentrée.  Car,  d'après  l'Ecole,  la  mémoire  mentale  a  uniquement  pour 
objet  la  chose  expérimentée  jadis  et  ne  tient  pas  compte  du  nom,  d'après  la  défini- 
tion :  «  Qu'est-ce  que  la  mémoire  ?  L'expression  de  la  pensée  (cetaso  'bhilâpah)  ». 
Quant  à  la  mémoire  coiuiexe  aux  cinq  connaissances,  son  mode  d'exister  n'est  pas 


&2  CHAPITRE  PREMIER,  34. 

Conihion  do  dJififiis  sont  '  ayant  un  <tl)jet  (âlanibana)  ',  c'est-à- 
dire  sujet  de  la  connaissance  ? 

34  a-b.  Sept  sont  '  ayant  un  ul>jt'l  ',  les  dhâtus  qui  sont  pensée  '. 

Les  dliâliifi  (le  connaissance  visutîlle,  auditive,  olfactive,  du  goût, 
du  lad,  mentale,  sont  seulement  '  ayant  un  objet  ',  parce  qu'ils 
saisissent  toujours  leur  domaine  (visaya). 

34  It.  l'^t  aussi  une  pai-lic  du  (Huonnidliâtu  '. 

Cette  partie  (pii  consiste  dans  les  dharnias  associés  à  la  pensée 
(ii.  H?)).  Les  autres  dliâtns,  à  savoir  les  dix  dhdtits  matériels  et  la 
[tartie  du  dliarmadUâtu  qui  n'est  pas  associée  à  la  pensée  (ii.  35), 
sont  '  n'ayant  pas  d'objet  '. 

Combien  de  dliàtus  sont  '  n()n-apj)roi)riés  '  (anupûffa)  ?  Combien 
sont  '  appropriés  '  ? 

34  c-d.  Neuf  sont  non-appropriés,  à  savoir  les  huit  dont  il  vient 
d'être  question  et  le  son  '. 

Les  sept  dhàtiis  de  pensée  (i.  10  c),  le  dharmadhâtu  (i.  15  c)  et 
l'audible  (èahdadhûlu)  ne  sont  jamais  apj)ropriés. 

34  il.  iics  neuf  antres  sont  de  deux  espèces  [G  bj  '\ 

Ils  sont  tantôt  appropriés,  tantôt  non-appropriés. 

1.  Les  cin([  organes  de  la  connaissance  sensible  (caksurdhâtu, 
etc.),  présents,  sont  appropriés.  Futurs  et  passés,  ils  ne  sont  pas 
appropriés. 

(Juatre  objets,  —  visible,  odeur,  saveur,  langilde,  —  lorsqu'ils  sont 

rix|irf.s.sinn  ((ih]iilâj)a)  de  lu  rlinst-  ('X|uMiiiiciiU''e  jadi^.  Elle  n'est  itcmc  pas  fintf- 
nU((it(tuavikuliKi  I  \  yrikliyâ).  Voir  ii,  "1%. 

1.  sapta  sâlamhdnâé  ciftadhi'ilavuh.       z'' 
Sur  le  sens  (Vâhinihana,  i.  29  b. 
Comparer  Vil)liai"ma,  p.  t).5. 

2.  nrdhiiui  c(i  (Ih(in)i(d(ih  / 

''\.   iitiid  inq/Kltus  (c  câshut  sdbdiis  rit 
4.  (Diye  iiava  dvidhâ  II 


Hiuan-tsang,  ii,  fol,  6  a-7  a.  63 

présents, /lorsqu'ils  sont  partie  intéf^rante  aux  oVfi^anefi  (ïnâriyâhliin- 
na,  iiidriyâvniirhJuïyd'),  sont  appropriés.  Tout  autre  visible,  toute 
autre  odeur,  toute  autre  saveur,  tout  autre  tangil)le  n'est  pas  appro- 
prié  :  par  exemple  le  visible,  couleur  et  figure,  des  cheveux,  des  poils, 
des  04^^b^  et  des  dents,  —  en  exceptant  la  racine,  la»juelle  est  liée 
au  corps  ou  organe  du  tact  :  la  couleur  et  la  ligiu-e  des  excréments, 
de  l'urine,  de  la  salive,  du  nmcus,  du  sang,  etc.  ;  la  couleur  et  la 
figure  de  la  terre,  de  l'eau,  du  feu,  etc. 

2.  Gomment  faut-il  expliquer  l'expression  '  api)roprié  ',  upâtia  ?  — 
Est  dit  '  approprié  '  ce  que  la  pensée  et  les  mentaux  prennent  (iipa- 
grhlla)  et  s'approprient  (smkrta)  en  qualité  de  fiu^^oxi  (adhisthâna). 
La  matière  organique,  c'est-à-dire  la  matière  qui  constitue  les  cinq 
organes  de  connaissance,  ainsi  que  la  matière  non  séparable  de  la 
matière  organique,  est  '  appropriée  ',  est  '  faite  sienne  ',  par  la  pen- 
sée :  cela  résulte  du  fait  que,  en  cas  de  bien-être  ou  de  malaise,  il  y 
a  réaction  réciproque  entre  la  pensée  et  cette  matière.  La  matière 
que  l'Abhidharma  appelle  '  appropriée  ',  la  langue  vulgaire  l'appelle 
sacetana,  sajlva,  matière  sensible,  matière  vivante  '. 

Combien  de  âhCitus  sont  '  matière  primaire  '  ou  grands  éléments  ? 
Combien  sont  '  matière  secondaire  ',  matière  dérivée  des  grands 
éléments  '  ?  [7  a] 

1.  L'Al>hi(lhamnia  fS'ibliaùga,  p.  00,  Dliammasangaiii,  G53,  1211.  1034)  comprend 
upCuUiDia  dans  le  même  sens.  Les  commentateurs  modernes  de  l'Abliidliamma 
traduisent  npâdinna  '  issue  of  grasping  '  ;  ils  ne  voient  pas  que  iipâclâ  =  tipâ- 
dâyarûpa,  hhantika,  et  créent  une  grande  confusion. 

D'ailleurs  le  Vibhanga  ne  classe  pas  les  dltâtiis  comme  fait  l'Abliidliarma.  (Voir 
encore  Sultavibhanga.  p.  113  ;  Maliâv  yutpatti.lOl,  ô6  ;  Divyâvadana,  p.  ïA  ;  Bodbi- 
caryâvatâra,  viii.  97,  101).  l^t  il  y  a  queitpie  flottement  même  dans  les  sources 
sanscrites.  Par  exemple,  Majjliima  iii.  240,  reproduit  dans  Pitâputrasamâgama 
(voir  ci-dessus  p.  49,  n.  2),  donne  les  cheveux  ....  les  excréments  comme  ajjliatfum 
paccattam  JïaJiKliohiin  nj)âih'niinm.  Or  les  cheveux  ne  sont  pas  npâdinna.  On 
a  confondu  la  description  de  la  matière  corporelle  (âdhyàtiniha,  voir  Majjliima. 
iii.  90)  avec  la  description  de  la  matière  organique  (upâtia). 

La  matière  npâtta,  plus  le  manas,  reçoit  le  nom  de  âsraya  (voir  ii.  5).  C'est  le 
corps  subtil  des  infidèles. 

2.  bhûta,  inaliâbhnfa  ;  upâdâija  rfqia,  hhantika  :  voir  i.  12,  23-24,  ii.  12,  50  a, 
65.  —  bhautika  =  bliûte  bhava  =  dérivé  des  blintas. 


()4  CHAPITRE  PREMIER,  35  a-C. 

35  a-C.  Le  tangible  est  des  deux  sortes  ;  les  neuf  autres  dJtâfns 
matériels  sont  seulement  matière  secondaire,  ainsi  que  la  partie  du 
dhdnundhnfii  (|ui  est  matérielle  '. 

Sont  tangibles  (i)  les  (jualrc  grands  éléments,  le  solide,  riiumide, 
le  chaud,  la  motion  (i.  12i,  (2)  une  septnjdc^  matière  secondaire,  le 
doux,  le  rude,  etc.  (i.  10  d). 

Les  autres  dhâtus  matériels,  les  cinq  organes,  les  objets  des  quatre 
premiers  organes,  sont  seulement  matière  secondaire.  De  mémo 
Yavfjnapfi  (i.  11).  qui  fait  partie  du  (Iharniadliâfa  (i.  15  c-d). 

Les  dJiâtiis  de  pensé»'  (i.  Kl  c)  ne  sont  ni  matière  primaire,  ni 
matière  secondaire.  De  même  le  dharniadhâlu  à  l'exception  de 
VavljHaiiti. 

i.  D'après  le  Bhadanta  Buddhadeva,  les  dix  âji(danas,  c'est-à-dire 
les  cinq  organes  de  coiuiaissance  et  leurs  objets,  sont  seulement 
matière  primaire  % 

Opinion  inadmissible.  Le  Sûtra  enseigne,  d'une  manière  limitative, 
qu'il  y  a  quatre  grands  éléments,  et  les  définit  d'une  manière  limita- 
tive comme  étant  le  solide,  l'Iiumide,  etc.  (i.  12  d).  Or  le  solide, 
l'humide,  etc.  sont  tangibles  et  seulement  tangibles  :  la  solidité  n'est 

1.  sprciNfitrifam  di'irhlham  sesâ  rûpino  varn  bhautikâh  / 
lUuinnutUiâlvehddpfins  en. 

Coni|iaiei-  \'il>lian!4a,  \>.  1K>. 

2.  Vibhûsâ,  127,  I.  —  Dans  cette  écolo,  il  y  a  deux  luaîlrcs,  Hudilliadeva  et 
DliannaliTita.  HiuKlIuuleva  «lit  :  <  Le  rrtpa  est  sciilrniciil  les  grands  éléments;  les 
mentaux  (cailf(i)  sont  seuirment  {tensée  (citla)  ».  11  dil  (jne  Viipâdâyarilpa, 
mati<-re  secondaire,  est  une  espèce  des  grands  v\ômon[s  (iHfthdblinfdviiiesa),  que 

les  mentaux  sniit  une  espèce  de  pensée »  (C<>m|iarer  Kalliâvalllm,  vii.  Î3).  — 

Vibiiâsâ,  74,  S.  —  Le  Sfilra  dil  :  "  Le  rilpa,  c'esl  lis  ipialre  grands  éléments  et  ce 
i|iii  dérive  des  quatre  grands  éléments  ».  (Ju(dle  opinion  le  Srdra  \eul-il  réfuter  V 
Il  veut  réfuter  l'opiiMon  de  Hnddliadevu.  Le  Bouddha  \t>il  «jiie,  dans  l'avenir,  il  y 
aura  un  maître,  Buddliaileva,  (pii  dira  :  «  En  dehors  des  grands  éléments,  il  n'y  a 
pas  de  rû])(i  dérivé  distinct  •.  Pour  réfuter  celte  opinion.  Bouddha  dit  :  «  Le  rûpa, 

c'est  les  quatre  grands  éléments  ».    —    142.  7.         Buddhadeva  dit  :  Tou.s  les 

conditionnés  sont  ou  nidliàhliûtd  ou  citta  ;  en  flehors  des  nialiâhltûtas,  il  n'y  a 
pas  iVtipâdfliinntpfi  :  tu  dehors  du  cilla  (pensée)  il  n'y  a  pas  de  cdilta  (mental). 

Sur  la  pensée  e(  les  meidaux,  v(jir  ci-dessous  p.  (JG  el  ii.  23  c. 

Buddhadeva  est  peut-être  le  maître  nommé  dans  l'inscription  du  lion  de  Mathurâ. 


Hiuan-tsang,  ii,  fol.  7  a-b.  65 

pas  perçue  par  l'organe  de  la  vue.  En  outre,  chaque  organe  atteint  la 
niatièi;^  secondaire  qui  -lui  convient  :  la  couleur  n'est  pas  perçue  par 
l'organe  du  tact  '. 

D'ailleurs,  que  le  tangible  soit  matière  primaire  (hliûia)  et  matière 
seco]iiil^d£ér(îq)âdâya  rûpa),  que  les  neuf  autres  âyatanas  matériels 
soient  seulement  matière  secondaire,  cela  résulte  de  la  lettre  même 
du  Sûtra  :  «  0  Bhiksu,  l'œil,  source  interne  de  connaissance  (i.  39) 
[7  b],  subtile  matière  dérivant  des  grands  éléments  (upâdàya),  source 
matérielle,  invisible,  susceptible  de  contre-heurt  »,  et  ainsi  de  suite  en 
ce  qui  concerne  les  quatre  autres  organes  matériels  qui  sont  décrits 
dans  les  mêmes  termes.  En  ce  qui  concerne  les  quatre  premiers 
objets  :  «  Les  visibles  (rûpâni),  source  externe  de  connaissance, 
dérivant  des  grands  éléments,  matérielle,  visible,  susceptible  de 
contre-heurt.  Le  son,  source  externe  de  connaissance,  dérivant  des 
grands  éléments,  matérielle,  invisible,  susceptible  de  contre-heurt  ». 
De  même  en  ce  qui  concerne  l'odeur  et  la  saveur.  Mais,  en  ce  qui  con- 
cerne le  tangible  :  «  Les  tangibles,  source  externe  de  connaissance, 
les  quatre  grands  éléments  et  matière  dérivant  des  quatre  grands 
éléments....  »  - 

ii.  On  peut  soutenir  que  les  cinq  organes  sont  matière  primaire, 
car  le  Sûtra  (Samyukta,  11,  i)  dit  :  «  Tout  ce  qui  dans  l'œil,  globe 
de  chair  (mâmsapinda),  est  solide,  résistant....  »  (kakkkata,  khara- 
gata....) 

Réponse.  Le  Sûtra  vise  ici  le  globe  de  chair  qui  n'est  pas  séparable 
de  l'organe  de  la  vue,  non  pas  l'organe  proprement  dit. 

1.  Donc  (1)  les  organes  ne  sont  pas  matière  primaire,  n'étant  pas  '  solide  ',  etc.  ; 
(2)  le  tangible  comprend  la  matière  primaire,  puisque  le  solide  est  perçu  par  le 
tact  ;  (3)  la  matière  secondaii-e  perçue  par  les  autres  organes  n'est  pas  perçue  par 
le  tact. 

2.  caksur  hhikso  âdhyàtmikam  âyatanam  catvâri  mahâbhûtâny  npâdâya 
rUpaprasâdo  rûpi  anidaréanum  sapratighnm  j mano  bhikso  âdhyàt- 
mikam âyatanam  arûpy  anidarsanatn  apratigham  /  rûpâni  bhikso  bâhyam 
âyatanam  catvâri  mahâbhûtâny  npâdâya  rûpi  sanidaréanam  saprati- 

gham  j sprastavyâni  bhikso  bâhyam  âyatanam  catvâri  mahâbhûtâni 

catvâri  ca  mahâbhûtâny  npâdâya  rûpi  anidarsanam  sapratigham  j  dharmâ 
bhikso  bâhyam  âyatanam  ekâdaèabhir  âyatanair  asamgrhltam  arûpi  ani- 
daréanam  apratigham  /  5 


66  CHAPITRE  PREMIER,  35-36. 

Soit.  Mais,  d'après  le  Garbhavakrânlisûtra  (p.  49  n.  2),  «  l'homme 
est  de  six  dhâtus  »,  i^raïui  éléiiieiit  terre,  grand  élément  eau,  grand 
élément  feu,  grand  élément  vent,  élément  espace  et  élément  vljùdna. 
Donc,  dans  le  stade  embryonnaire,  le  corps  est  matière  primaire,  non 
pas  matière  secondaire. 

Non.  Car,  dans  cette  première  phrase  :  «  L'homme  est  de  six 
(Jliàius  »,  le  Sûtra  veut  décrire  l'essence  de  l'homme  (ntûlasatfva- 
dravya)  '  et  ne  [)rétend  pas  doimer  une  délinition  exhaustive.  En  effet, 
le  Sntra  dit  ensuite  que  l'homme  est  les  six  points  d'appui  du  dJiar- 
ma  mental  nommé  contact  (ii.  24)  (sparsâijaiana),  c'est-à-dire  les 
six  organes  '.  En  outre,  à  prendre  à  la  lettre  cette  définition  : 
«  L'homme  est  de  six  dlicUus  »,  on  conclurait  à  l'inexistence  des 
mentaux  (caitta,  ii.  24,  34),  car  les  mentaux  ne  sont  pas  compris 
dans  le  vijnânadlultu,  lequel  est  pensée.  —  Soutiendra-t-on  que  les 
mentaux  sont  pensée,  et  par  conséquent  sont  compris  dans  le  vljriâ- 
nadhâtu  ?  On  ne  peut  ;  car  le  Sûtra  dit  :  «  La  sensation  et  la  percep- 
tion fsamjnâ)  sont  dos  dharmas  mentaux  »,  c'est-à-dire  des  dhar- 
mas  associés  à  la  pensée  (caitasika),  |8  a|  ayant  pourpoint  d'appui 
la  pensée  ;  et  le  Sûtra  parle  de  hi  '  pensée  en  relation  avec  le  désir  ' 
(sarâgacitta)  :  donc  le  désir,  qui  est  un  mental,  n'est  pas  la  pensée 
(vii.  lld). 

11  est  donc  établi  que  nos  définitions  (i.  35  a-c)  sont  correctes  \ 

Combien  de  dhâtus  sont  '  agglomérés  '  ? 


1.  Voir  ii.  5.  —  Les  quatre  premiers  dhâtus  (terre vent)  sont  des  '  substan- 
ces radirales  '.  parce  (pie  les  organes  naissent  de  ecs  dhâtus  ;  le  vijùâuadhâtn 
ou  niduodhâtu  est  '  racine  ',  parce  (pi'il  ilitnne  naissance  au  luaiKihsparsâyd- 
tana.  Ou  bien  les  quatre  premiers  dhâtus  sont  racine  parce  qu'ils  donnent  nais- 
sance à  la  matière  secondaire  ;  le  vijnânadhâtu  est  racine  parce  qu'il  donne 
naissance  aux  mentaux  (cnittn,  caitnsikn). 

2.  Donc  les  cin(|  prenn'ers  '  poiids  d'appui  du  contacl  ',  les  cinq  or^^anes  de 
connaissanr-e  sensible,  sont  '  matière  secondaire  '  :  autrement,  ils  seraient  conqtris 
dans  la  délinition  :  "  I/bomme  est  de  six  dhâtus  ». 

3.  D'après  l'Abbidbamma  (Dbammasangani.  (J47)  le  rûpa  dérivé  n'est  pas  tan- 
gible. Samt^babbadra  réfute  celte  opiiuon  qu'il  attribue  au  Stbavira.  A  ce  sujet, 
une  discussion  sur  l'autbiriticili'  di^s  Sûtras  qu'un  lir;i  (iau>  ritdroibiclion. 


Hnian-tsang,  ii,  fol.  7  b-8  b.  67 

35  d.  Les  dix  dhCdiis  matériels  sont  agglomérés  '. 
Les;^nq  org'anes  de  la  connaissance  sensible,  et  leurs  objets,  sont 
des  agglomérats  d'atomes  (paramânusamcaya,  samghâtaj  (ii.  22). 

Parmi  l$s  dix-huit  dliâtus,  combien  coupent,  sont  coupés,  brûlent, 
sont  brûlés,  pèsent,  sont  pesés  ? 

36.  Quatre  dhâtus  externes  coupent,  sont  coupés  ;  de  même,  sont 
brûlés  et  pèsent.  On  n'est  pas  d'accord  sur  ce  qui  est  brûlé  et  pesé  ^ 

Le  visible,  l'odeur,  le  saveur  et  le  tangible  coupent,  quand  ils  por- 
tent le  nom  de  bâche,  etc.  ;  sont  coupés,  quand  ils  portent  le  nom  de 
bois,  etc., 

Quelle  sorte  de  chose  est  le  dJiarma  qu'on  appelle  '  couper  '  ?  — 
Produire  le  sectionnement  du  processus  d'un  aggloméré  dont  la  nature 
est  de  se  continuer  en  une  série  ininterrompue  [8  b].  La  bâche  coupe 
une  pièce  de  bois  qui  est  une  série,  et  en  fait  deux  séries  qui  existent 
et  se  développent  à  part. 

Les  organes  ne  peuvent  être  coupés.  Par  exemple,  l'organe  du  tact 
ou  corps,  lorsqu'on  coupe  tous  les  membres,  n'est  pas,  pour  cela, 
multiplié  :  les  membres  coupés,  c'est-à-dire  séparés  du  tronc,  ne 
possèdent  pas  le  tact. 

Les  organes  ne  coupent  pas,  en  raison  de  leur  translucidité  (acclia), 
comme  l'éclat  d'une  gemme. 

Il  en  va  d'être  brûlé  et  de  peser  comme  il  en  va  de  couper  et  d'être 
coupé.  Quatre  dliâtus  externes,  seuls,  sont  brûlés.  Ils  pèsent,  par 
exemple  lorsqu'ils  constituent  une  balance.  Non  pas  les  organes,  en 
raison  de  leur  translucidité,  comme  l'éclat  d'une  gemme. 

Le  son  ne  coupe  pas,  n'est  pas  coupé,  n'est  pas  brûlé,  ne  pèse  pas, 
car  il  n'existe  pas  en  série  (acclieditva,  apravâliavartitva). 

On  n'est  pas  d'accord  sur  ce  qui  brûle  et  sur  ce  qui  est  pesé.  D'après 

1.  satncitâ  clasa  rûpinah  // 
Vibhâsâ,  76,  3. 

2.  chinatU  chidijate  caiva  hCihyam  dhâtucatuslayam  / 
duhijaie  titlayaty  evam  vivâdo  dagdhrtuïyayoh  // 

Vibhâsâ,  133,  6. 


6S  CHAPITIÎE  PREMIER,  3G-3S  a. 

les  uns,  les  mêmes  quatre  clliâius  extérieurs  brûlent  et  sont  pesés. 
D'après  les  autres,  seule  Urùle  la  matière  élémentaire  ïeu  (lejodJultu), 
lorsqu'elle  maiiileste  sa  propre  manière  d'être  dans  la  llamme  ;  seul 
est  pesé  le  pesant  (gurutva),  ijui  est  une  espèce  de  matière  secon- 
daire (i.  10  d)  :  les  choses  légères,  la  lumière,  etc.,  où  cependant  le 
riiiHi  manifeste  sa  manière  d'être  propre,  ne  sont  pas  pesées. 

Parmi  les  dix-huit  dlullus,  combien  sont  de  rétribution  (vlpùhaja), 
d'accumulation  (auiKicaijika),  d'écoulement  (naisyandika)  ? 

37-38  a.  Ciiui  dhCihis  iulernes  sont  de  rélrilmlion  tîl  d'accumula- 
tion ;  le  son  n'est  pas  de  rétribution  ;  1(\>  huit  (Uiûlun  exempts  de 
résistance  sont  d'écoulement  et  aussi  de  rétribution  ;  les  autres  sont 
de  trois  sortes.  [9  a|  ' 

i.  Définitions. 

1.  ripâkaja,  '  de  rétribution  "  :  littéralement  '  né  de  la  rétribution  ' 
pour  '  né  de  la  cause  d<'  rélribution  "  (ripâkdhcinja)  (ii.  54),  par 
omission  du  mot  du  milieu,  de  niénic  «iiiou  dit  :  «  char  à  bœufs  », 
pour  «  char  tiré  par  des  bœufs  ». 

Ou  bien,  dans  l'expression  vipâkaja,  '  né  du  vipâka  ',  le  mot 
vipûka  désigne,  non  pas  la  rétiibulion,  mais  l'action,  l'action  mûrie, 
l'action  arrivant  à  ré[)oqu(>  où  elle  donne  son  fruit  ''.  Ce  qui  naît  de 
l'action  nuirie,  à  savoir  le  finit  ou  rcHribution,  est  nonuîié  '  né  du 
vipâka  '.  Le  fruit  d'ailleurs  est  aussi  nonmié  vi^Jâka,  parce  qu'il  est 
cuit  '. 

Ou  bien  l'expression  vlpakaja,  '  né  do  rétribution  ",  signifie  '  né 
de  la  cause  de  rétribution  '  ;  mais  on  ne  doit  pas  dire  que  le  mot 
'  cause  '  est  omis.  En  effet,  la  cause  est  siuivenl  désign(''e  j)ar  le  nom 
de  l'effet,  de  même  fjue  l'eflVl  esl  souvent  désigni'^  j)ar  le  nom  de  la 

1.  vipâkdjaupacaiiikiih  pu ùcâdhyâtnutin  [l'ipâkajnh  / 
na  iabdo]  'pratiyhâ  uslati  ua isyandikav ipâkajâh  jj 
triiUiânije. 

2.  C'est  l'élymologie  vipacyata  ili  ripâkah,  If  vipdkn  est  t-e  qui  est  devenu 
mûr. 

y.  C'est  l'étyiuultfgie  vipâka  =^  vipiikti. 


Hiuan-tsang,  ii,  fol.  8  b-9  b.  69 

cause  :  «  Les  six  oriranes  actuel'^  .sont  l'acte  ancien  »  {Ekottara,  14,  5  ; 
Samyutto,  ii.  65,  iv,  132";  ci-dessous  ii.  28). 

2.  miiKiçcujika,  '  d'accumulation  ',  c'est-à-dire  '  ce  qui  est  accu- 
mulé à  cbié(upacita)  '  j)ar  certain  aliment  (iii.  39),  certaine  toilette 
(bain^jS:©-^' certain  sommeil,  certain  recueillement  (iv.  6  c).  D'après 
une  opinion  ',  la  continence  (hrahmacari/a)  est  aussi  cause  d'accu- 
mulation ;  mais,  en  réalité,  la  continence  fait  qu'il  n'y  a  pas  diminu- 
tion (upaghâfa,  apacaija)  :  elle  n'est  pas  cause  d'accroissement. 

La  matière  '  d'accumulation  '  protège  la  matière  '  de  rétribution  ' 
[9  b]  comme  fait  un  rempart,  en  l'enveloppant. 

3.  naisuandiîîa,  '  d'écoulement  ',  c'est-à-dire  nisijandapliala  (ii. 
57),  *  ce  qui  est  produit  par  une  cause  semblable  à  son  effet  '. 

ii.  Cinq  organes  ou  dhâtiis  internes,  à  l'exclusion  de  l'organe 
mental,  sont  de  rétribution  et  d'accumulation.  Ils  ne  sont  pas  d'écou- 
lement, car  ils  ne  sont  d'écoulement  que  lorsqu'ils  sont  de  rétribution 
ou  d'accumulation  -. 

iii.  Le  son  est  d'accumulation,  car  la  voix  est  en  mauvais  point 
lorsque  le  corps  est  émacié  '.  Il  est  aussi  d'écoulement.  11  ne  naît 
pas  d'une  cause  de  rétribution,  car  la  voix  procède  d'un  désir  d'action 
(chanda,  ii.  24)  \ 

Objection.  —  Le  Prajùaptisâstra  dit  :  «  Cette  marque  du  mahâpii- 
riisa  (iii.  98)  qu'on  appelle  '  accent  de  Brahnia  '  (l)ralimasvaratâ) 

1.  Il  semble  que  ce  soit  ropiiiion  île  Dluirmatrâta,  i.  45  (Nanjio,  12S7). 

2.  Considérons  un  moment  ou  état  de  l'existence  de  cette  matière  subtile  qui  est 
l'organe  de  la  vue.  Une  partie  de  celte  matière  est  la  rétribution  d'un  acte  ancien  ; 
une  autre  partie  procède  de  l'aliment  :  toute  cette  matière  est  le  fruit  d'écoulement 
du  moment  ou  état  antérieur  dans  l'existence  de  l'œil.  Mais  ce  moment  ou  état 
antérieur  n'est  pas,  par  lui-même,  capable  d'engendrer  le  moment  actuel  :  en  effet, 
à  la  mort,  l'organe  de  la  vue  arrête  de  se  reproduire  par  écoulement.  L'organe  de 
la  vue  n'est  donc  pas  d'écoulement  par  définition.  Prenez,  au  contraire,  la  chair 
qui  constitue  le  corps  :  elle  persiste  après  la  mort  ;  elle  est  donc  d'écoulement, 
fruit,  à  chacun  des  moments  de  son  existence,  du  moment  antérieur. 

Le  Kathâvatthu,  xii.  4,  xvi.  8,  ne  veut  pas  que  la  matière  soit  rétribution. 

3.  Neuf  raisons  sont  énumérées  dans  Vibhâsâ,  118,  1.  Vasubandhu  cite  la 
troisième. 

4.  Les  Vatsîputrîyas  et  les  Vibhajyavâdins  soutiennent  que  le  ?on  est  de  rétri- 
bution. 


70  CHAPITRE  PREMIER,  38  il-d. 

résulte  de  la  pratique  parfaite  de  l'abstinence  du  langage  injurieux 
(iv.  76  c)  »  '.  Donc  le  son  est  rétribution, 

Etiologie  du  son.  —  Première  opinion.  Il  faut  distinguer  trois 
moments  :  (1)  action  ;  (2)  grands  éléments  naissant  de  cette  action 
et  qui  sont  de  rétribution  ;  (:>)  le  son,  qui  naît  des  grands  éléments. 
—  Deuxième  opinion.  11  faut  distinguer  cinq  moments  :  (1)  action  ; 
(2)  grands  éléments  de  rétribution  ;  (3)  grands  éléments  d'accumula- 
tion ;  (4)  grands  éléments  d'écoulement  ;  (5)  son.  —  Donc  le  son 
n'est  pas  '  de  rétribution  ',  parce  qu'il  ne  procède  pas  innnédiatement 
de  l'action.  (Vibhâ.sa) 

Objection.  —  A  raisonner  ainsi,  la  sensation  corporelle  (ii.  7), 
n'étant  pas  produite  immédiatement  par  l'action,  étant  immédiate- 
ment produite  par  les  grands  éléments  nés  de  l'action  (iii.  32),  ne 
sera  pas  de  rétribution. 

Réponse.  —  Mais  la  sensation  n'est  pas  provoquée  par  le  désir 
d'éprouver  telle  sensation,  tandis  que  le  sou  est  provoqué  par  le 
désir  de  parler.  Si  elle  était  provoquée  par  le  désir,  elle  ne  serait  pas 
de  rétribution. 

iv.  Les  buit  dkâtus  non  susceptibles  de  résistance  (i.  20  b),  à  savoir 
les  sept  dhâtiis  de  pensée  et  le  dharmadhâhi,  sont  d'écoulement 
et  de  rétribution  ;  d'écoulement,  lorsqu'ils  sont  produits  par  le 
sabhâgalidu  ou  le  sarvatragahetu  (ii.  52,  54),  de  rétribution, 
lorsqu'ils  sont  produits  par  le  vipâkahctu  (ii.  54  c).  Ils  ne  sont  pas 
d'accunudation,  parce  que  les  dJiâtn.s  inunatériels  n'ont  rien  de 
commun  avec  l'agglomération  (sanicaya).  [10  aj 

V.  Les  autres  dluitus,  c'est-à-dire  les  quatre  non  mentionnés  ci- 
dessus,  les  visibles,  l'odeur,  la  saveur,  les  tangibles,  sont  de  trois 
espèces  :  de  rétribution,  lorscpi'ils  ne  sont  pas  séparables  de  la 
matière  organi(|uc  (i.  34),  d'accumulation  et  d'écoulement. 

38  a.  Un  scid  dliâtu  est  '  coulcuaiil  le  réel  '  '\ 

L'inconditionné  (asamskrta),  étant  penuauent  (sâratvât  =  avi- 

1.  Comparer  Dîgha,  iii.   17'i,  rilc  par  les  Maluisâmgliikas  dans  Kalhâvatthu, 
xii.  3  :  saddo  vipnko. 
%  dravyavân  ekah, 


Hiuan-tsang,  u,  fol.  9  b-10  a.  71 

nâsâf),  e.^t  '  chose  réelle  '  (dravija).  L'inconditionné  fait  partie  dn 
dharnu^dkCitii'Çi.  15)  ;  le  dharmadlultu  est  donc  le  seul  dhâtu  qui 
soit  '  contenant  le  réel  '  (dravyaval). 

38  b.  Les  trois  derniers  dhâtus  sont  '  d'un  moment  '  '. 

Les  trois  dtyniers  dhdtus  sont  l'organe  mental,  l'objet  de  la  con- 
naissance mentale,  la  connaissance  mentale  (manodhâtu,  dharma- 
dhâtii,  manovljîïâmidhâiu). 

Dans  le  faisceau  des  dharmas  du  moment  nonmié  duhkhe  dliar- 
majilânaksântl,  qui  est  le  premier  moment  du  chemin  de  la  vue  des 
Vérités  (vi.  25)  et  par  conséquent  le  premier  moment  qui  soit  pur 
(anâsrava),  ces  trois  dhâtiis  sont  '  non  produits  par  la  cause  sem- 
blable à  son  efïet  '  (nabhâgahetu)  (ii.  52),  car,  dans  la  série  qui 
constitue  la  personne  envisagée,  aucun  dharma  pur  n'est  encore 
apparu  qui  serait  la  '  cause  semblable  à  son  effet  '  de  la  duhkhe 
dharmaJHCumksânti.  C'est  poun[U()i  ces  trois  dhâtus  sont  nommés 
ksanika,  d'un  moment,  parce  que,  pour  un  moment,  ils  ne  procèdent 
pas  de  ce  genre  de  cause. 

Dans  le  faisceau  considéré,  la  pensée  à  laquelle  est  associée  la 
ksânti  est  manodhâtu  et  manovijnâiiadhâtu  ;  les  dharmas  qui 
coexistent  (sahahhû)  à  cette  pensée  sont  dharmadhdtu  :  discipline 
pure  (iv.  13  c)  ;  sensation,  perception,  volition  et  autres  mentaux  ; 
prâptis  (ii.  36)  et  samskrtalakmnas  (ii.  46). 

Un  problème  à  examiner.  Celui  qui  obtient  possession  (saman- 
vâgamam  pratllabhate)  de  l'organe  de  la  vue  (caksurdhâtu)  alors 
qu'il  en  était  auparavant  démuni  (asamanvâgata),  obtient-il  aussi 
possession  de  la  connaissance  visuelle  (caksurvijhânadhâtu)  ? 
Celui  qui  obtient  possession  de  la  connaissance  visuelle  alors  qu'il 
en  était  auparavant  démuni,  obtient-il  aussi  possession  de  l'organe 
de  la  vue  ? 

38  c-d.  Il  peut  y  avoir  obtention  (klbha)  de  l'organe  de  la  vue 
1,  ksanikâs  caramâs  frayah  j 


72  CHAPITRE  PREMIER,  38  C-39  b. 

(cakrsui'dhàtu)  et  de  la  connaissance  visuelle  (caksurvijfiànadJiâfu), 
soit  à  part,  soit  ensemble  [10  b]  '. 

1.  Une  personne  démunie  de  l'organe  de  la  vue  en  prend  posses- 
sion sans  prendre  en  même  temps  possession  de  la  connaissance 
visuelle  :  (a)  l'être  du  Kâmadhâtu  dont  les  organes  apparaissent  pro- 
gressivement (ii.  14),  car,  avant  que  l'organe  de  la  vue  apparaisse 
chez  lui,  il  est  déjà  en  possession  de  sa  connaissance  visuelle  passée 
(état  intermédiaire,  iii.  14)  et  future  (sur  la  '  possession  ',  ii.  36  b)  ; 
(b)  l'être  qui  meurt  dans  l'Arripyadhatu  et  renaît  dans  les  cieux  des 
trois  dhyânas  supérieurs,  où  manque  la  connaissance  visuelle  bien 
que  l'organe  de  la  vue  y  existe  (viii.  13  a-c). 

2.  Une  personne  démunie  de  la  connaissance  visuelle  en  prend 
possession  sans  prendre  en  même  temps  possession  de  l'organe  de  la 
vue  :  (a)  l'être  né  dans  un  ciel  des  trois  dlnjâmus  supérieurs  peut  se 
rendre  présente  (sammiiMilkiirvmm)  une  connaissance  visuelle  du 
domaine  du  premier  dhi/âna  (viii.  13)  :  il  ne  prend  pas  possession 
de  l'organe  de  la  vue  qu'il  possède  déjà  ;  (b)  l'être  qui  tombe  d'un 
des  trois  dhyânas  supérieurs  et  renaît  plus  bas. 

3.  Une  personne  démunie  des  deux  prend  possession  des  deux  : 
l'être  qui  tombe  de  rÀrûpyadhatu  cl  renaît,  soit  dans  le  Kamadhatu, 
soit  dans  le  premier  dhyâna  (monde  de  Brahmâ). 

Nous  avons  jusqu'ici  compris  le  terme  qu'emploie  lastance,  lâbha, 
obtention,  dans  le  sens  de  pradlduibJia,  prise  de  possession  ;  mais 
on  peut  aussi  l'entendre  dans  le  sens  de  prâpti,  possession  (ii.  36  b). 
La  question  se  pose  donc  :  Celui  «[ui  est  muni  (samanvâgata)  de 
l'organe  visuel  est-il  aussi  muni  de  la  connaissance  visuelle  ?  — 
Quatre  cas  sont  possibles  : 

(a)  l'être  né  dans  un  ciel  des  trois  dhyânas  supérieurs  possède 
nécessairement  l'organe  visuel,  mais  ne  possède  la  connaissance 
visuelle  que  s'il  se  rend  présente  une  connaissance  visuelle  du 
domaine  du  premier  dhyâna  ; 

1.  cnksurvijnânadhdiroh  syâl  prthny  Uihhdh  sahnpi  ca  // 
Vihlifisa,  102,  18,  87,  7;  Dliariiiatrûta  (Nanjio,  1:287),  i.  48  c. 


Hiuan-fsang,  ii,  fol.  10  a-11  a.  73 

(b)  l'être  du  Kâmadhâtii  qui  n'a  pas  pris  possession  de  l'organe 
visuel  au  cours  delà  vie' embryonnaire  ou  qui  devient  aveugle  :  il 
reste  en  pnossession  de  la  connaissance  visuelle  acquise  au  cours  de 
l'existente  intermédiaire  (iii.  14)  ou  à  la  conception  ; 

(c)  JL'^ti»-du  Kâmadhâtu  qui  a  pris  possession  de  l'organe  de  la  vue 
et  ne  l'a  pas  perdu,  l'être  né  dans  le  ciel  du  premier  dhijàna,  l'être 
né  dans  un  ciel  des  trois  dhijàims  supérieurs  qui  se  rend  présente 
une  connaissance  visuelle  du  domaine  du  premier  rf/^^â/ia  ;  ces  trois 
catégories  d'êtres  sont  munies  de  l'organe  et  de  la  connaissance  ; 

(d)  tout  autre  être,  l'être  de  l'Àrnpyadhâtu,  est  démuni  de  l'organe 
de  la  vue  et  de  la  connaissance  visuelle. 

La  prise  de  possession  (praUlamhlia)  et  la  possession  (saman- 
vâgania),  simultanée  ou  non  simultanée,  de  l'organe  de  la  vue 
(caksurdhâtu)  [11  a]  et  du  visible  (rûpadhâtu),  de  la  connaissance 
visuelle  (caksiirvijfiânadhâtu)  et  du  visible,  de  l'organe  de  l'ouïe 
(éroiradhâtu)  et  du  son  (mbdadhcltiij,  etc.  seront  définies,  comme 
il  convient,  dans  chaque  cas. 

Parmi  les  dix-huit  dhàtiis,  combien  sont  '  personnels  '  ou  '  inter- 
nes '  (ûdhyâtmika)  ?  Combien  sont  externes  (bâliya)  ? 

39  a-b.  Douze  sont  personnels,  à  l'exclusion  du  visible,  etc.  ' 

Sont  personnels  douze  dhâtus,  les  six  organes  et  les  six  connais- 
sances ;  sont  externes  six  dhâtus,  les  six  objets  de  la  connaissance, 
visible,  etc. 

Mais  comment  peut-on  parler  de  dhatus  personnels,  de  dhâtus 
externes,  puisqu'il  n'y  a  pas  d'âtman,  de  personne  ? 

1.  dvâdasâdhyâUnikâ  rilpâdivarjyâh. 

Vibhasâ,  138,  13.  La  différence  entre  les  dharmas  personnels  (âdhyâtmika) 
et  externes  (hâhya)  est  triple  :  1.  différence  au  point  de  vue  de  la  série  {samtâ- 
na)  :  les  dharmas  qui  se  trouvent  dans  la  personne  propre  {svâtniabhâva)  sont 
personnels  ;  ceux  qui  se  trouvent  chez  autrui,  et  aussi  ceux  qui  ne  sont  pas  inté- 
grés aux  êtres  vivants  (asattvakhya,  i.  10  b),  sont  externes  ;  2.  différence  au  point 
de  vue  de  Vâyatana  :  les  âyatanas  qui  sont  le  support  (âsraya)  de  la  pensée 
et  des  mentaux  sont  personnels  ;  ceux  qui  en  sont  l'objet  (alambana)  sont  exter- 
nes ;  3.  différence  au  point  de  vue  de  l'être  vivant  :  les  dharmas  intégrés  aux 
êtres  vivants  peuvent  être  personnels  ;  les  autres  sont  externes. 


74  CHAPITRE  PREMIER,  39  b-d. 

La  pensée  est  l'objol  de  l'idée  de  moi,  la  pensée  est  ce  que  les 
lioinnies  prennent  faussement  pour  leur  moi.  La  pensée  reçoit  donc 
par  métapliore  le  nom  d'ntman.  Rapprochez,  par  exemple,  ces  deux 
lij,'nes  de  l'Ecriture  :  «  Au  moyen  de  Vdimaii  bien  dompté,  le  sage 
obtient  le  ciel  »,  et  :  «  Il  est  bon  de  dompter  la  pensée  ;  la  pensée 
domptée  apporte  félicité  »  '.  [11  b].  Or  les  organes  et  les  connaissan- 
ces sont  proches  (pratijâsanHa,  abh yûsanna)  de  la  pensée  à  lacpielle 
on  donne  le  nom  (Xâtman  :  ils  en  sont  en  effet  le  point  d'appui 
(âéraya)  ;  donc  on  les  qualifie  '  internes  ',  '  personnels  ',  àdhyât- 
niika,  tandis  que  le  visible  et  les  autres  objets  de  la  connaissance 
sont  tenus  pour  '  externes  ',  hàliya. 

Mais  peut-on  dire  que  les  six  connaissances  sont  le  point  d'appui 
de  la  pensée?  Elles  ne  sont  le  point  d'appui  de  la  pensée  que  lorsque, 
ayant  péri,  elles  acquièrent  la  qualité  de  manodhâtu  ou  organe 
mental  (i.  17).  Donc  elles  ne  sont  pas  personnelles. 

Cette  objection  est  sans  valeur.  Lorsque  les  connaissances,  ayant 
péri,  deviennent  le  point  d'appui  de  la  pensée,  ce  sont  bien  ces  con- 
naissances mêmes  qui  deviennent  point  d'appui  :  donc,  avant  de 
devenir  point  d'a[)i)ui.  elles  ne  sont  pas  étrangères  à  la  (jualité  de 
point  d'appui.  Elles  sont  donc  personnelles  en  raison  de  leur  future 
qualité  de  point  d'appui.  —  S'il  en  était  autrement,  l'organe  mental 
(nicDiorlliâtu)  iicraii  seulement  passé;  il  ne  sérail  ni  futur,  ni  présent. 
Or  il  est  bien  entendu  (jue  les  dix-huit  dhâliis  appartiennent  aux 
trois  époques.  —  D'ailleurs,  si  la  connaissance  future  ou  présente 
n'a  pas  le  caractère  de  mcuwdJiâtn,  il  est  absurde  de  lui  attribuer 
ce  caractère  un»;  fois  (ju'elle  est  passée.  Car  un  dharnia  ne  change 
pas  de  caractère  au  cours  du  temps  (v.  25;  Vil)lirisri,  21,  i6,  39,  2). 

Parmi  les  dix-huit  dJiâlus,  combien  sont  sahhâga,  '  actifs  ',  '  en 
mutuelle  assistance  '  (voir  p.  77  au  luis)  ?  Combien  sont  tatsabhâga, 
'  analogues  à  ce  qui  est  sahhiifjd  '  ? 


1.  âlmanâ  ht  sicdâiitena  svaryatn prdjinoti  jiandifnh 

ciflasya  chmmnnm  sadliu  cHlam  (I(i)ifnm  snkhdvaUam 
Vf>ir  LMânuvar^'a,  xxiii  ;  Madliyaiuiikavrlli.  |i.  .'j.>l  ;  Dliamiiia])a(ln.  16(), 


Hiuan-tsang.  ii,  fol,  11  a-12  a.  75 

39  b-c.  Le  dhntn  nommé  dharmas  est  sahhâga  '. 


Un  objet  de  connaissance  (visaya)  est  qualifié  sabhàga  [12  a] 
lorsque  4ft  connaissance  dont  il  constitue  le  domaine  propre  est  née 
ou  desi^ii^  à  naître  à  sou  endroit. 

Or  il  n'est  pas  de  dhcirma  à  l'endroit  duquel  ne  soit  née  ou  des- 
tinée à  naître  une  connaissance  mentale  sans  limite  (anania  mano- 
vijnâna).  Tous  les  Saints  en  effet  produisent  nécessairement  la 
pensée  :  «  Tous  les  dharmas  sont  impersonnels  »  (vii.  13  a).  Il  est 
vrai  que  cette  pensée  ne  porte  ni  sur  elle-même,  ni  sur  les  dharmas 
qui  lui  sont  coexistants  (sahabhû,  ii.  50  b)  ;  mais  cette  pensée  et  les 
dharmas  qui  lui  sont  coexistants  sont  l'objet  d'un  second  moment 
de  la  pensée  de  l'universelle  impersonnalité  ;  tous  les  dharmas  sont 
donc  inclus  dans  l'objet  de. deux  moments  de  pensée  (vii.  18  c-d).  — 
Donc  le  dharmadhâtii,  objet  propre  de  la  connaissance  mentale, 
est,  dans  sa  totalité,  sahhâga,  actif  en  tant  qu'objet. 

39  c-d.  Les  autres  dhùtiis  sont  aussi  tatsahhâga  '-. 

Le  mot  '  aussi  '  montre  qu'ils  sont  sahhâga  et  tatsahhâga. 
Quand  sont-ils  tatsahhâga  ? 

39  d.  Quand  ils  ne  font  pas  leur  œuvre  propre  '. 

Ce  qui  implique  la  définition  :  ils  sont  sahliâga  quand  ils  font  leur 
œuvre  propre. 

1.  L'organe  de  la  vue  (caksurdliâtu)  qui  a  vu,  voit  ou  verra  les 
visibles  (rûpâni),  est  qualifié  sahhâga.  —  De  même  en  ce  qui  con- 
cerne les  autres  organes,  en  indiquant  pour  chacun  son  objet  (visaya) 
et  son  opération  (kâritra,  purusakâra,  ii.  58)  propres. 

2.  D'après  les  Vaibhâsikas  du  KasmTr,  l'organe  de  la  vue  est  tat- 
sahhâga dans  quatre  cas  :  l'organe  de  la  vue  qui  a  péri,  qui  périt, 
qui  périra  sans  avoir  vu,  et  l'organe  de  la  vue  non  destiné  à  naître 

1.  dharmasamjnakah  /  sabhûgah. 
Prakarana,  fol.  18  b  15-19  a  4. 

2.  tatsabîiâgo  'pi  seso. 

3.  yo  'svakarmakrt  // 


76  CHAPITRE  PREMIER,  39  d. 

(amif })aU idhnrman)  (v.  2-i)  [12  h].  D'après  les  Occidentaux  (pâscâ- 
iijn),  l'organe  de  la  vue  non  destiné  à  naître  constitue  deux  catégories 
suivant  qu'il  est  acconij)agné  ou  non  accompagné  (samprayukta  ^== 
sambaddha)  de  connaissance  visuelle. 

De  même  en  ce  qui  concerne  les  autres  organes  de  la  connaissance 
sensible. 

Quant  à  l'organe  mental  (manodhâtu),  il  est  tatsabJulga  lorsqu'il 
n'est  pas  destiné  à  naître  ;  en  effet,  quand  il  naît,  il  a  toujours  un 
objet  '. 

3.  Les  visibles  qui  ont  été  vus,  (|ui  sont  vus,  qui  seront  vus  par 
l'organe  de  la  vue,  sont  sahJiâga. 

Ils  sont  tatsabhâga  lors([u'ils  ont  péri,  périssent  ou  périront  sans 
avoir  été  vus  et  lorsqu'ils  ne  sont  pas  destinés  à  naître. 

De  même  en  ce  qui  concerne  les  autres  objets  de  la  connaissance 
sensible  en  indiquant  y)onr  rliarun  l'organe  et  l'opération  qui  lui  cor- 
respondent. 

4.  L'organe  de  la  vue  qui  est  sahJ(âffa  ou  tatudbhâga  est  tel  pour 
tout  le  monde,  pour  la  porsomie  à  la((uelle  appartient  cet  organe, 
pour  les  autres  personnes.  De  même  les  autres  organes.  Mais  un 
certain  visible  est  sabhdga  pour  la  personne  qui  le  voit,  tcdfiabhâga 
pour  la  personne  qui  ne  le  voit  pas.  En  efl'et,  le  visible  que  voit  une 
personne  peut  être  vu  par  plusieurs,  par  exemple  la  lune,  une  repré- 
sentation scéni(|ue,  une  joute  ;  tandis  que  deux  personnes  ne  voient 
pas  au  moyen  d'ini  même  organe.  Par  conséquent,  l'organe  delà  vue 
n'étant  pas  commun,   c'est  par  rapport  à  une  personne  (ju'il  sera 

1.  Vibliâsâ,  71.  8.  L'organe  qui  a  vu,  voit  ou  verra  le  nf;>a,  et  le  tafsnbhnija 
(c'est-ù-dire  l'organe  f(ui  ressemble  à  cet  organe),  c'est  le  cak.sunlhalu.  L'organe 
qui  a  vu,  c'est  le  cnksnrdhdtti  passé  ;  l'organe  qui  voit,  c'est  le  cnksurdhatu 
présent;  l'organe  qui  verra,  c'est  le  cnksurdhatu  ('utiir.  niianl  au  tatsnhhdtjn,  les 
florleurs  de  ce  pays  disent  qu'il  est  dr  i(iiatre  espèces  :  l'oil  (at,sabha[ia  passé, 
présent,  futur,  c'est  le  raksiinlJintu  (pii  a  jié-i,  péril,  périr.i  sans  avoir  vu  le  rupa  ; 
il  faut  ajouter,  (pialrièiuc,  le  raksitrdlintn  i[n[  ne  nailra  absolument  pas. 

Les  docteurs  étrangers  (bahtrdc.sfikn)  disent  qu'il  est  de  cin(|  espèces  :  passé, 
présent,  futur,  comme  ci-dessus.  En  nuire,  je  cnksurdhatu  futur  qui  ne  naîtra 
absolument  pas,  de  deux  espèces  :  suivani  (ju'il  est,  ou  non,  associé  à  la  connais- 
sance. 


îîhian-tsang,  ii,  fol.  12  a-13  a.  77 

qualifié  sahhâga  ou  tatsahJiâga  :  l'organe  de  la  vue  est  sahhâga 
quand^y  voit  uii  visible,*alor.s  même  qu'il  n'a  pas  vu,  ne  voit  pas,  ne 
verra  pas  un  autre  visible.  [13  a]  Au  contraire,  le  visible  est  com- 
mun :  on  le  qualifiera  sahhâga  et  taisahliûga  en  se  plaçant  au  point 
de  vu^tl^-nombreuses  personnes  :  il  est  sahhâga  par  rapport  à  celles 
qui  le  voient,  tatsahhâga  par  rapport  à  celles  qui  ne  le  voient  pas. 

Il  en  va  du  son,  de  l'odeur,  de  la  saveur  et  du  tangible  comme  du 
visible  '. 

Soit,  dira-t-on,  en  ce  qui  concerne  le  son  qui,  connue  le  visible,  est 
perçu  à  distance  et  peut  être  perçu  par  plusieurs  personnes  (i.  43  c-d). 
Mais  pour  l'odeur,  la  saveur  et  le  tangible,  ils  ne  sont  pas  perçus  à 
distance,  ils  sont  perçus  seulement  lorsqu'ils  entrent  en  relation  étroite 
avec  l'organe  ;  donc  l'odeur  qu'une  personne  perçoit  n'est  pas  perçue 
par  une  autre.  Donc  ces  objets  ne  sont  pas  communs,  et  nous  devons 
les  assimiler  aux  organes  quant  à  la  qualification  sahhâga,  tatsa- 
hhâga :  (juand  ils  sont  sahhâga  pour  une  personne,  ils  sont  sahhâga 
pour  tout  le  monde. 

Nous  répondrons  :  Nous  regardons  ces  objets  comme  communs, 
parce  qu'ils  peuvent  l'être.  Il  se  peut  en  effet  que  l'odeur  —  le  même 
groupe  atomique  d'odeur  —  qui  produit  la  connaissance  de  l'odorat 
chez  une  personne,  soit  aussi  perçue  par  une  autre.  Or  il  n'en  va  pas 
ainsi  des  organes.  Par  conséquent  les  odeurs,  saveurs  et  tangibles 
doivent  être  assimilés  aux  visibles  et  aux  sons. 

5.  Quant  aux  six  connaissances,  elles  sont  sahhâga  ou  tatsahhâga 
suivant  qu'elles  sont  destinées  à  naître,  non  destinées  à  naître.  Gomme 
l'organe  mental. 

G.  Quel  est  le  sens  des  expressions  sahhâga,  tatsahhâga  ? 

Par  hhâga,  il  faut  entendre  les  services  mutuels  (atiyouyahhajana) 

1.  Vibhasa,  71,  9.  —  Trois  opinions.  —  Peut-on  voir  le  rûpa  au  moyen  de  l'œil 
d'autrui  ?  —  Qui  soutient  pareille  opinion  ?  —  Si  on  ne  peut  voir  au  moyen  de 
l'œil  d'autrui,  comment  l'œil  d'un  certain  être  pourru-t-il  être  nonmié  sahhâga 
par  rapport  aux  autres  êtres  ?  —  Parce  que  l'activité  de  l'œil  est  définie  :  cette 
activité  consiste  à  voir.  Lorsque  l'œil,  après  avoir  été  actif,  a  péri,  on  l'appelle 
sahhâga  :  ni  pour  la  personne  même,  ni  pour  autrui,  ce  nom  de  sahhâga  ne 
change.  De  même 


78  CHAPITRE  PREMIER,  39  d-40. 

(jue  se  rendent  les  organes,  les  objets  et  les  connaissances,  en  leur 
(jualité  de  point  d'ap})ui  de  la  connaissance  (Cisraya),  d'objet  de  la 
connaissance  (visaya),  de  connaissance  s'appuyant  sur  l'organe 
(ùsrayiti).  On  bien  hlirlga  signifie  possession  (bhajana)  de  l'activité 
ou  de  Topération  (kâritra)  :  lopiMation  des  organes  est  de  voir,  etc.  ; 
ropéralion  de  l'objet  est  d'être  l'objet  de  la  connaissance  (visaija, 
âlainhaiia),  d'être  vu,  etc.  ;  l'opération  de  la  connaissance  est  d'être 
sujet  de  la  connaissance,  d'être  '  discerneur  '  (vijùùlriiia). 

On  noniine  saUifiga  les  dharnias  qui  possèdent  (sa-)  le  hliûga, 
c'est-à-dire  les  organes,  objets  et  connaissances  qui  sont  munies  de 
leur  opération  propre  (kâritrahliajana),  ou  bien  les  organes,  objets 
et  connaissances  qui  se  rendent  nuituellement  service  (anyonyabJia- 
jcuia).  Ou  bien  sont  sabhâga  les  dharmas  qui  ont  pour  effet  un 
même  '  contact  '  (sparsa),  la  rencontre  de  l'œil,  du  visible,  de  la 
connaissance  visuelle,  etc.  (iii.  22).  ' 

Ce  (jui  n'est  pas  sahhâga,  mais  cependant  est  analogue  au  sabJiû- 
ga.  est  nommé  tatsablidga,  c'est-à-dire  '  analogue  (sabhâga)  à  cela 
(lat)  ',  c'est-à-dire  *  analogue  au  sabhâga  '  (sabhâgasabhâga).  ' 

Gondiien  de  dhâtiis  peut-on  abandonner  (hâ,  praliâ,  v.  28,  vi.  1) 
par  la  vue  des  vérités,  en  d'autres  termes  par  le  cbemin  de  vue 
(darsanamârga)  ou  par  la  vue  (darsana)  (vi.  25  b)  ?  Coml)ien  par 
la  méditation  ou  considération  répétée  (Ijhâvanâ)  des  vérités,  en 
d'autres  termes,  par  le  clieuiiu  de  méditation  (bJiâranâmârga)  ou 
par  la  méditation  (bhâvanâ)  ?  [13  b]  C()nd)ien  de  dhâtus  ne  sont  pas 
à  abandoimer,  ne  peuvent  être  abandonnés  ? 

40  a-b.  Dix  et  cinq  sont  abandoimés  par  la  mt'dilalion  ;  les  trois 
derniers  sf)nl  de  trois  espèces  '. 

1.  En  expliijiuiiil  bitafja  uu  passiC  hlinjijata  Ui  hJiâfjuh. 

2.  L'cimI  (jiii  jii'-iil  sans  avoir  vn  est  .sonil»lal)l(!  à  l'ti'il  ([ni  voit,  «  le. 

Los  Mâdliyaniikas  (Vrtii,  p.  1^2  et  la  unie  qni  doit  C-ivc  coiTig«îe)  tin  ni  piirli  de 
«•elle  llnViiif  :  «  Mn  n'alilf-,  l'crii  s(thli<l(j(i  ne  voit  pas  le  visible,  parce  qu'il  est 
oryatK'.  lonl  (•oiiiim-  Ir  Idf.sdbhdtjd.  :  »  na  parumdrtJiaUih  sabhayutn  caksuh 
pnsynfi  rûpâni,  caksurhKlfhjatvfit,  tadi/athû  tatsahhfKjam. 
'•\.  (IfffUi  hhdidvdjiâ  Jienàli  pd Tira  rmifijâs  Irdijds  in'ilhâ  j 
Viitlifisâ,  1,'jI,  il.  —  L('  Mirnif  proliU'Mn^  <sl  cxaniint'  dans  Vibluui'ju,  pp.  12.  IC», 
<)7.  Dhannuasunguni.  1(J02,  1(K)7,  1008. 


Hiuaïi'tsang,  ii,  fol.  13  a-b.  79 

i.  Les  dix  dhûtus  matériels,  organes  et  objets,  et  les  cinq  connais- 
sances 4ensibles,  sont  abandonnés  par  la  méditation. 

Les  trois  derniers  diuitus,  organe  mental,  objet  mental,  connais- 
sance m^itale,  du  point  de  vue  de  l'abandon,  comportent  des  dhar- 
mas  ^iit  iiDÉHS  espèces  : 

(a)  Sont  abandonnés  par  la  vue  quatre-vingt-dix-huit  aniiéayas 
(v.  4),  avec  les  dharmas  coexistantii  (sahabhû)  —  que  ces  coexistants 
soient  de  la  classe  samprayiikla  (ii.  24)  ou  de  la  classe  viprayukta 
(ii.  46,  laksanas  et  amdaksanas)  :  —  avec  les  pir'qjtis  (ii.  36)  des 
dits  anuiayas  et  des  dits  coexistants,  avec  la  suite  (aniiprâptis  et 
laksanas)  des  dites  pràptis. 

(b)  Sont  abandonnés  par  la  méditation  les  autres  dlmrmas  impurs  : 
1.  dix  anusayas  (v.  5)  avec  coexistants,  prùptis,  etc.  ;  2.  les  sains- 
kâras  bons-impurs  (kusalascisrava)  et  non-souillés-non-défmis  (am- 
vr(dvydkrta)  (ii.  66)  ;  3.  VavijilapH  impure  avec  sa  suite  (iv.  18). 

(c)  Ne  peuvent  être  abandonnés  les  dharmas  purs,  c'est-à-dire  les 
inconditionnés  et  les  dharmas  qui  font  partie  du  Chemin. 

ii.  Objection.  Les  VâtsTputrTyas  croient  que,  non  seulement  les 
quatre-vingt-dix-huit  anusayas,  mais  encore  d'autres  dharmas  sont 
abandonnés  par  la  vue.  (1)  La  qualité  de  Prthagjana  '  est  un  dliarma 
non-souillé-non-défini  :  vous  la  rangez  parmi  les  dharmas  abandon- 
nés par  la  méditation  ;  (2)  l'action  corporelle  ou  vocale  mauvaise, 
rétribuée  par  une  mauvaise  destinée,  est  '  matière  '  (râpa)  :  vous  la 
rangez  aussi  dans  la  seconde  catégorie.  Or  la  qualité  de  Prthagjana 
et  l'action  qui  cause  une  mauvaise  destinée  sont  en  contradiction 
avec  le  Chemin,  avec  le  chemin  de  la  vue  des  vérités  (darsanamâr- 
ga).  Donc,  d'après  nous,  l'une  et  l'autre  sont  abandonnées  par  la  vue. 

Pour  réfuter  la  thèse  des  VâtsTputrTyas,  l'auteur  dit  au  plus  court  : 

40  c.d.  Ne  sont  abandonnés  par  la  vue  des  vérités,  ni  le  '  non- 
souillé  '.  ni  ce  qui  est  matière,  ni  ce  qui  est  né  du  non-sixième  -. 

1,  Sur  la  qualité  de  Prthagjana,  ii.  40  c,  vi,  26  a,  28  c-d.  —  Dans  ViLhâsâ,  45,  1, 
explications  divergentes  de  Vasumitra,  Bhadanta  et  Ghosaka. 

2.  na  (Irstiheyam  aklistam  na  rûpam  nâpy  asasfhajam. 
Voir  ii.  13,  iv.  11  a-b. 


80  CHAPITRE  PREMIER,  40  C-42. 

1.  Rien  de  ce  qui  n'est  pas  souillé  (klista),  de  ce  ([iii  n'est  ni  mau- 
vais (akusala),  ni  s(nù\U'-imn-dé{im(mvrtdcyâJirta)  (ii.  66)  ;  rien  de 
ce  qui  est  matériel,  ne  peut  être  abandonné  par  la  vue  des  vérités. 
[14  a] 

Or  la  qualité  de  Prlliagjana  n'est  pas  souillée  :  elle  peut  appartenir 
à  l'honnne  qui  a  nunpu  les  racines  du  bien  (iv.  79),  elle  peut  appar- 
tenir à  l'homme  qui  est  '  détaché  '  (viiarûga). 

Or  l'action  corporelle  et  l'action  vocale  sont  rûpa. 

La  qualité  de  Prthagjana  et  l'action  corporelle  ou  vocale  ne  sont 
pas  contradictoires  (cipratipatU)  aux  vérités,  —  car  la  première 
1.  n'est  pas  souillée  par  les  passions  (klesa),  2.  n'est  pas  une  con- 
naissance, un  dJianna  qui  ait  un  objet  fanâlambakaj  ;  car  la  seconde 
n'est  pas  un  dharnta  qui  ait  un  objet.  Donc  ni  l'une  ni  l'autre  ne  sont 
abandonnées  par  la  vue  des  vérités. 

En  outre,  si  la  qualité  de  Prthagjana  était  abandonnée  par  la  vue, 
il  s'ensuivrait  qu'elle  existerait  au  premier  stade  du  chemin  de  vue, 
—  ce  qui  est  inexact  '. 

2.  Par  '  sixième  ',  il  faut  entendre  l'organe  mental.  On  appelle  '  né 
du  non-sixième  ',  asasthaja,  ce  qui  est  né  d'un  organe  différent  du 
sixième  organe,  c'est-à-dire,  ce  qui  est  né  des  cinq  autres  organes, 
organe  de  la  vue,  etc.  Il  s'agit  de  la  connaissance  visuelle,  etc.  — 
Ceci  aussi  n'est  pas  abandonné  par  la  vue. 

Parmi  les  dix-huit  dliâtns,  condtien  sont  '  vue  '  (drsti)  ? 

41  a-b.  L'organe  de  la  vue  cl  huit  parties  du  dharmadhâtu  sont 
vue  '. 

(Jnelles  sont  ces  huit  parties  du  dlidriuddhâtii  ? 

Les  ciiKj  (tpiiiinn>  l'ausses  (drsti),  dont  la  première  est  la  croyance 
au  moi  et  au  mien  (satkâyadr.stlj  ;  elles  seront  déhnies  dans  le  cha- 
pitre des  Anusayas  (v.  7).  —  La  vue^correcte  (samyagdrsti)  mon- 

1.  Un  verra  «jiif  !.•  jutinifr  stade  est  ânantarijamârga,  '  chemin  qui  détniit 
la  passion  ';  le  second  stade  est  vinniktimarga,  '  cheiiiin  de  la  délivrance  ',  chemin 
dans  !e(|iifl  la  |ias.sion  »st  ili'lruilo  (vi.  !iS). 

±  caksHs  ca  dhuinuulltatos  eu  prudeso  drsiir  astadhd  / 


Hiucm-tsaug,  ii.  fui.  13  b-15  a.  81 

daine  (lauiiJiiJ,  c'est-à-dire  la  prajiïâ  (ii.  24)  associée  à  la  connais- 
sance mentale,  Sonne  (kiiéala),  mais  impure  (sâsrava).  —  La  vue 
des  Saiksas^  (sctlksl  ch'sti),  c'est-à-dire  la  vue  pure  et  propre  au  saint 
qui  n'est  pas  Arliat.  —  La  vue  des  Asaiksas  (asaiksl  clrsti),  c'est-à- 
dire  la^i«jg>pijre  et  propre  à  l' Arliat  (vi.  50). 

Ces  huit  dharmas,  qui  font  partie  du  dharmaclhâhi,  sont  '  vue  ' 
(drsti). 

Comparaison.  A  la  manière  dont  les  visibles  sont  vus  de  nuit  et  de 
jour,  par  ciel  nuageux  et  par  ciel  clair,  de  même  les  dharmas  sont 
vus  (1)  par  la  vue  mondaine  souillée,  —  cinq  opinions  fausses  ; 
(i)  par  la  vue  mondaine  non  souillée  ou  vue  correcte  mondaine  ; 
(3)  par  la  vue  saiksl  ;  (4)  par  la  vue  non-saiksl. 

Pourquoi  la  vue  correcte  mondaine  s'entend-elle  seulement  de  la 
prajnâ  associée  à  la  connaissance  mentale  ? 

41  c-d.  La  prajnâ  qui  naît  avec  les  cinq  connaissances  sensibles, 
n'est  pas  '  vue  '  parce  qu'elle  n'est  pas  jugement  après  délibération  *. 

La  '  vue  ',  c'est  tîrana,  samtlrana,  c'est-à-dire  jugement  précédé 
de  la  considération  de  l'objet  (npamdhijâna)  ^  Or  la  prajnâ  qui 
naît  avec  les  cinq  connaissances  sensibles  ne  présente  pas  ce  carac- 
tère. Donc  elle  n'est  pas  *  vue  '.  —  Pour  la  même  raison,  il  arrive 
que  la  prajnâ,  même  mentale,  souillée  ou  non  souillée,  ne  soit  pas 
'  vue  '  ;  à  savoir,  lorsqu'elle  est  purement  intuitive  (vii.  1). 

Mais,  dira-t-on,  l'organe  de  la  vue  ne  possède  pas  un  '  jugement 
précédé  de  la  considération  de  l'objet  '  (samtlrana).  Comment  dites- 
vous  qu'il  est  '  vue  '  (drsti)  ?  [15  a]. 

'  Vue  '  s'entend  ici  de  la  vision  (âlocana)  des  visibles  (râpa). 

42.  C'est  l'organe  de  la  vue  qui  voit  les  visibles,  quand  il  est 
sahhâga  ;  ce  n'est  pas  la  connaissance  dont  cet  organe  est  le  point 

1.  paucavij imnasahajâ  dhlr  na  clrstir  atlranât  jj 

dhl  au  lieu  de  prajnâ,  pour  des  raisons  prosodiques  (ii.  57  d). 

2.  npanidhyâna,  viii.  1. 

6 


Sî  CHAPITRE  PREMIER,  42. 

d'appui,  car  le  visible,  olFustjiié,  n'est  pas  vu.  Telle  est  l'opinion  des 
Vaibliâsikas  '. 

i.  Le  Vijriânavridin  est  un  docteur  (|ni  attribue  la  vue,  non  pas  à 
Tori^ane  de  la  vue.  mais  à  la  coiniaissaïu-c  sisuellc.  11  dit:  Si  Toriiane 
voit,  lort^anc  d  unr  pcrsonni'  orcupi-c  à  mit'  counaissauce  auditive 
ou  tactile,  verra  (i.  (1  c-d). 

Nous  ne  disons  pas  tpie  tout  organe  de  la  vue  voit,  i/organe  de 
la  vue  voit  (piand  il  est  sahhâ(ja  (\.  80),  cCst-à-dirc  (piand  il  est 
conjugué  à  connaissance  visutdle. 

Mais  alors,  ce  (pii  voit.  c"c^l  l>i.'ii  la  connaissance  qui  s'appuie  sur 
l'organe  de  la  vue. 

Non  pas.  (lar  le  visible.  oll"us(]ué  par  im  mm-  ou  tout  autre  écran, 

1.  caksnli  paèiinti  rûpâni  sdhliCujam  na  taddsrifant  / 
viJHtDKDn  (hsiiafo  yfipruii  iiii  kilânfan'fani  iiatah  // 

Voir  Nvâyal)iii(lnl7kriliji|i;uJ.  p.  ;2()  ;  tîodliicuiyâvalruajiaùjikâ,  p.  ;"»:20  ;  AUlia- 
sûliiiî,  |i.  40U  ;  WaiTcn  (Visiiddliiiiiairga),  p.  2',t7  :  Hiiddliist  Psychology,  p.  ,'5.")!, 
noie  ;  Spence  Hardy,  Maniial,  p.  419.  —  lûillirivallliii.  wiii.  '.I.  dm  la  thèse  ;  «  L'œil 
voit  »,  est  attfibiu'^e  aux  Mahâsûnigliikas.  Comparer  Samayablieda,  Wassilicfl", 
p.  2<>2.  Wassilieff  rt''.suiiie  la  discussion  du  Kosa,  p.  ÎÎOS  (Lire  :  «  das  Auge  uirlit 
dus  Mass  des  SiclilLartn  sieht  >,  et  non  pas  '<  ist  >.) 

Vilihûsîï,  95,  I.  D'après  une  opinion,  fous  le.s  saniskrtas  sont,  de  leur  Jiature, 
vue  (drsti).  Ce  qu'on  entend  par  vue,  c'est  le  caractère  manifeste  de  la  manière 
d'être  (patnpracâra).  Tous  les  Sfunskrfos  posst'dent  ce  caractère.  D'autres  disent 
que  la  connaissance  de  la  siqtpression  des  passions  et  de  la  non-production 
(kftayâmitpâdiijùâna,  vii.  1)  est  vue.  —  l'î,  1.  Dliarmalrfila  dit  tjue  ki  connais- 
sunee  visuelle  (caksurvijnâna)  voit  les  visibles.  Ghosaka  dit  «pie  la  prfijùâ 
associée  à  la  connaissance  visuelle  voit  les  visibles.  Le  Dârsjâniika  dit  que  le 
'  complexe  '  (sâimiijrl)  voit  les  visibles.  Le  VâisTpulrîya  dil  (ju'un  seul  u^il  voit 

les  visibles Si  la  connaissance  visuelle  voit  les  visibles,  la  connaissance  aura 

pour  caractère  la  vue  ;  or  ce  n'est  jias  le  cas  :  donc  celte  oj»inion  est  fausse.  Si  la 
prnjiîâ  associée  à  la  lunnaissance  visuelle  voit  les  visibles,  \n.  j'i'f'jiiA  a.ssociée  ù 
la  connaissance  de  l'ouïe  entendra  les  sons  ;  or  la  prfijùd  n'a  pas  pour  <'aractère 
l'ouu;  ;  donc  celle  ojiinion  est  fausse.  Si  le  '  c(HU[»lexe  '  voit  les  visibles,  on  verra 
lr)ujours  les  visibles,  car  le  '  complexe  '  est  tiHijours  réalisé.  Si  un  œil,  non  pas  les 
deux  yeux,  voit  les  visibles,  les  parties  du  corps  ne  sentiront  pas  en  même  temps 
les  tangibles:  de  mêun'  ipw  Ii-s  deux  bras,  quoiipic  distants,  peuvent  sinndlanément 
sentir  le  tangible  et  produire  iH\c  seule  coiniaissance  tactile,  de  même  les  deux 
yeux.  (pii>i«pie  distants,  (juci  obstacle  à  ce  (ju'ils  voient  simnilaiiriiH  iif  et  produi- 
sent une  seule  connaissance  visuelle'? 


Ilman-tsang,  ii,  fol.  15  a-b.  83 

n'est  pas  vu.  Or  la  connaissance  est  immatérielle,  non  susceptible 
d'être  rg^ussée  (apratigîia,  i.  29  b).  Donc,  si  la  connaissance  visuelle 
voyait,  elle^verrait  même  les  visibles  offusqués  par  un  écran. 

Le  Vijiiânavadin  réplique.  La  connaissance  visuelle  ne  naît  pas  à 
régaroL^w**visibles  offusqués  ;  ne  naissant  pas  à  leur  égard,  elle  ne 
les  voit  pas. 

Mais  pourquoi  ne  naît-elle  pas  à  l'égard  de  ces  visibles  ?  Pour  nous, 
Yaibhâsikas,  qui  attribuons  la  vue  à  l'organe  et  qui  admettons  que 
l'organe,  étant  sapratiglut,  susceptible  d'être  arrêté,  n'exerce  pas  son 
activité  à  l'égard  des  visibles  offusqués,  nous  expliquons  aisément 
comment  la  connaissance  visuelle  ne  naît  pas  à  l'égard  des  visibles 
offusqués  :  la  connaissance,  en  effet,  exerce  son  activité  sur  le  même 
objet  que  son  point  d'appui.  Mais  si  vous  croyez  que  la  connaissance 
voit,  comment  expliquez-vous  qu'elle  ne  naisse  pas  à  l'égard  des 
visibles  offusqués  ? 

2.  L'auteur  prend  à  son  compte  l'opinion  du  Yijnânavâdin  et  répond 
à  la  dernière  réplique  du  Vaibhâsika. 

Soutenez-vous  que  l'organe  de  la  vue  voit  son  objet  en  entrant  en 
relation  étroite  avec  son  objet,  à  la  manière  dont  l'organe  du  tact 
sent  le  tangible  ?  (i.  43  c-d)  Dans  cette  hypothèse  je  comprendrais 
que  l'organe  de  la  vue,  étant  susceptible  d'être  arrêté,  ne  vît  pas  les 
visibles  offusqués.  Mais  vous  soutenez  que  l'organe  de  la  vue  voit  à 
,  distance  :  vous  n'avez  donc  pas  le  droit  de  dire  que,  étant  susceptible 
d'être  arrêté,  il  ne  voit  pas  les  visibles  offusqués.  —  D'ailleurs,  on 
voit  les  visibles  offusqués  par  le  verre,  le  nuage,  le  cristal  et  l'eau  : 
comment  expliquez-vous  ce  fait  ?  [15  b].  —  Je  dirai  donc  que  la  con- 
naissance visuelle  voit  ;  elle  naît  à  l'égard  des  visibles  offusqués 
lorsque  l'écran  ne  fait  pas  obstacle  à  la  lumière  ;  elle  ne  naît  pas  dans 
le  cas  contraire  '. 

3.  Le  Vaibhâsika  fait  appel  à  l'Ecriture.  —  Le  Sûtra  dit  :  «  Ayant 
vu  les  visibles  par  l'organe  de  la  vue  »  ^  Donc  l'organe  voit,  non  pas 
la  connaissance  visuelle. 

1.  C'est  la  tliôse  du  Bhadanta  (Vibhâsâ,  13,  7.). 

2.  caksHSâ  rûpâni  drstvâ  ....  cité  iii.  3i!  d.   —   Saniyukta,   1-3,  4  ;   ViLhanga, 


84  CHAPITRE  PREMIER,  4^. 

Nous  répondons  que  le  Sntia  enteiul  dire  :  «  Ayant  vu  les  visibles 
au  moyen  de  l'organe  de  la  vue  comme  point  d'appui  (tena  âsray- 
enaj,  en  s'appuyant  (âsritija)  .sur  l'organe  de  la  vue.  »  Ya\  elTet,  le 
même  Sûtra  dit  :  «  Ayant  discerné  (vijhâya)  les  dharuiafi  par  l'organe 
mental  (maHaa)  »  :  or  cet  organe,  étant  passé  (i.  17),  ne  discerne 
pas  ;  c'est  par  la  connaissance  mentale  (manovljhâiia)  qu'on  discer- 
ne ;  donc,  si  le  texte  dit  :  «  j)ar  l'organe  mental  »,  il  veut  dire  :  «  en 
s'appuyant  sur  l'organe  mental,  point  d'appui  de  la  comiaissance 
mentale  ».  De  même  pour  la  vue  et  l'organe  de  la  vue. 

On  peut  aussi  admettre  que  le  SCitra  altri!)ue  au  point  d'appui,  à 
l'organe,  l'acte  qui  appartient  à  ce  <|ni  pri'Utl  point  d'appui,  c'est-à- 
dire  à  la  connaissance.  On  dii  dans  le  monde  :  <;  les  Itancs  client  »  ; 
les  bancs  sont  les  personnes  assises  sur  les  bancs. 

Cette  manière  de  dire  est  connnune  dans  l'Ecriture.  Nous  lisons 
que  «  les  visibles,  agréables  et  désagréables,  sont  discernés  (vijùeya) 
par  l'organe  de  la  vue  ».  Or  vous  ne  soutenez  pas  que  l'organe  de 
la  vue  discerne.  Vous  attribuez  le  discernement  à  la  connaissance 
dont  l'organe  de  la  vue  est  le  point  d'appui. 

Le  Sûtra  (Samyukta,  9,  20)  dit  aussi  :  «  L'organe  de  la  vue,  ô  Brah- 
mane, est  la  porte  (dvâra)  de  la  vue  (daréauâija)  des  visibles  ».  Ce 
texte  prouve  que  la  connaissance  visuelle  voit  par  cette  porte  qui  est 
l'organe  de  la  vue.  Vous  ne  soutiendrez  pas  (jue  '  porte  '  signifie 
*  vue  ',  car  il  serait  absurde  de  dire  :  «  L'organe  de  la  vue  est  la  vue 
de  la  vue  des  visibles  »  [16  a]. 

4.  Objection  du  Vaildirisika.  —  Si  la  connaissance  visuelle  voit 
(iKisijati),  (ju'est-ce  qui  discerne  (vijâuâlij  (i.  48  a)? 

Quelle  est  la  dilî'érence  entre  ces  deux  opérations  de  voir  et  de 
discerner,  qui  ferait  (pi'un  même  dharnia  ne  pourrait  en  même  temps 
voir  et  discerner  ?  N'csl-il  pas  admis  (pi'une  certaine  sorte  àe  prajuâ 
((larmnntniiLâ,  vii.  1)  voit  (iJdsijdU)  cl  couqirend  (prajâuCdi)  ?  ' 
De  même  une  certaine  connaissance,  la  connaissance  visuelle,  voit  et 

p.  381  ;  Mînlliyainakuvjlti.  )>.  l."{7  :  Dlianimasunguni.  r»'.»7.   —  C'est  l'argument  des 
MaliSsûiiigliikas,  Ivatliâ\altliii,  xviii.  9. 

1.  (!niii[iai»r  la  i'nriiiulr  :  fasiffiiram  jâvnfn  crnm  }>(iAiint(ih.... 


Hiuati-tsang,  ii,  fol.  15  b-lH  a.  85 

discerne.  Il  n'y  a  là  qu'une  seule  opération  désignée  par  deux  noms. 

5.  C^i^ains  partisans  dt?  la  thèse  :  «  La  connaissance  visuelle  voit  »  , 
à  savoir  les  VâtsTputrTyas,  objectent  :  Si  l'organe  de  la  vue  voit, 
quelle  e.9t  donc  l'action  de  voir  (drêikrlijâ),  existant  à  part  (anyâ), 
que  vo^sjjitribuez  à  cet  organe,  agent  de  cette  action  ? 

L'objection  n'est  pas  à  faire.  De  même  que  vous  voulez  que  la 
connaissance  discerne  (vijànàtlj,  sans  admettre  de  différence  entre 
l'agent  et  l'action  ;  de  même  nous  admettons  que  l'organe  voit. 

6.  D'après  une  autre  opinion,  celle  des  Dliarmaguptas,  c'est  la 
connaissance  visuelle  qui  voit  ;  mais,  comme  l'organe  de  la  vue  est 
le  point  d'appui  de  cette  connaissance,  on  dit  qu'il  voit.  De  même  on 
dit  que  la  cloche  résonne,  parce  qu'elle  est  le  point  d'appui  du  son. 

Mais,  d'après  ce  principe,  on  devrait  dire  aussi  que  l'organe  de  la 
vue  discerne  (vijànàti),  car  il  est  le  point  d'appui  de  la  connaissance 
(vijiiâna)  visuelle. 

Non.  Car  dans  le  monde  on  est  convenu  de  donner  à  la  connais- 
sance visuelle  le  nom  de  vue  (darsana)  ;  en  effet,  lorsque  cette 
connaissance  se  produit,  on  dit  :  «  La  couleur  est  vue  (drsta)  »  ;  on 
ne  dit  pas  que  la  couleur  est  discernée  (vijiïâta).  Et  la  Vibhâsâ  (95,  2) 
confirme  :  «  On  appelle  '  vu  *  ce  qui  est  atteint  par  lorgane  de  la 
vue,  ce  qui  tombe  dans  son  rayon  (caksuJisamprâpta  =  caksuràbhâ- 
sagata)  et  est  perçu  (aniibliûta)  par  la  connaissance  ».  On  dit  donc 
dans  le  monde  que  l'organe  de  la  vue  voit,  parce  qu'il  est  le  point 
d'appui  de  la  connaissance  visuelle  ([ui  voit  ;  on  ne  dit  pas  qu'il 
discerne,  parce  que  l'opération  attribuée  à  la  connaissance  visuelle 
est  la  vue  et  non  pas  le  discernement.  —  D'autre  part,  quand  on  dit 
de  la  connaissance  (vijnâna)  qu'elle  discerne,  on  n'entend  pas  qu'elle 
discerne  en  tant  qu'elle  serait  le  point  d'appui  d'un  certain  discerne- 
ment, comme  on  entend  que  l'organe  de  la  vue  voit  parce  qu'il  est  le 
point  d'appui  de  la  connaissance  visuelle.  On  entend  que  la  connais- 
sance discerne  par  elle-même,  qu'elle  est  en  soi  discernement.  De 
même  qu'on  dit  que  le  soleil  fait  le  jour.  [16  b]  ' 

1.  BhSsya  :  vijnânam  tu  sâ)nnidlvjamâtrcna  yaihâ  sûryo  dhasakara  iti. 
Vyakliya  :   vijnânam  ta  sâmnidhyamâtreneti  ndsrayabhâvayogeneti  dar- 


86  CHAPITRE  PREMIER,  42-43. 

7.  Opinion  du  SautiTuitika.  —  Quelle  discussion  dans  le  vide  î  Le 
Sûtra  enseigne  :•  «  En  raison  de  l'organe  de  la  vue  et  des  visibles 
naît  la  connaissance  visuelle  »  :  il  n'y  a  là  ni  un  organe  qui  voit, 
ni  un  visii)le  (jui  est  \  u  ;  il  n'y  a  là  aucune  action  de  voir,  aucun 
agent  qui  voit  ;  ce  n'est  que  jeu  de  causes  et  effets.  En  vue  de  la 
pratique,  on  parle  à  son  gré,  métaphoriqueuient,  de  ce  processus  : 
«  L'œil  voit  ;  la  coiniaissance  discerne  ».  Mais  il  ne  faut  pas  se  pren- 
dre à  ces  métaphores.  Bhagavat  l'a  dit  :  il  ne  faut  pas  se  prendre  aux 
manières  de  dire  populaires,  il  ne  faut  pus  prendre  au  sérieux  les 
expressions  en  usage  dans  le  monde  '. 

8.  D'après  le  système  des  Vaibliâsikas  du  Kasmîr,  l'organe  de  la 
vue  voit,  l'organe  de  l'ouïe  entend,  l'organe  de  l'odorat  sent,  l'organe 
du  goût  goûte,  l'organe  du  tact  touche,  l'organe  mental  discerne. 

Les  visibles  sont-ils  vus  par  un  œil  ou  par  les  deux  yeux  ? 

43  a-b.  Les  visibles  sont  vus  par  les  deux  yeux  aussi,  comme  le 
démontre  la  clarté  de  la  vue  ^ 

11  n'y  a  pas  de  règle  fixe  :  on  voit  par  un  œil  ;  on  voit  aussi  par 
les  deux  yeux. 

Les  Abliidhârniikas  disent  :  «  Vue  aussi  par  les  deux  yeux  ;  les 
deux  yeux  étant  ouverts,  la  vue  est  plus  claire  ».  En  outre  \  lors- 
qu'un œil  est  ouvert  [17  aj  et  l'autre  à  demi  fermé,  on  aperçoit  deux 

éayati  j  yathâ  sûryo  tlivasakara  iti  j  yathd  scimnidhyawâtrena  sûryo  divo- 
aam  karotity  iicyate  tathd  vijnâuatn  vijânâtlty  ncyate  j  kasmât  /  loke  tathâ 
sùUlhatvât. 

1.  ou  bien  :  '  il  no  faut  pus  rejeter  les  expressions  en  usage  dans  le  inonde 
pour  cette  raison  qu'elles  ne  correspondent  pas  à  des  réalités  ».  —  janapadaui- 
mkUm  nâbhiiiiveéefa  samjùâtn  ca  lokasya  nâtidhnvef.  (Madhyama  43,  iS, 
.Siiinynld.i,  l^î,  1-2).  Comparer  Majjhinia,  iii.  230:  jaiiapadaiiirutthn  nâhhinive- 
neyya  sainaîii'inm  ndlidhâveyya  ;  Suiiiyntla,  iv.  230:  yam  ca  sâmani  nâtam 
i(im  ca  adilliardnti,  yam  ca  loke  saccasamntalam  tant  ca  atidhâvanti.  — 
llivutlaka.  41». 

2.  vhhahhyani  api  [caksurbhyâm  darsanatn  éuddlindarsanât]  / 
T)'u[ir("s  .Iriânapra>lliâiia,  1,  8;  Vibliâsâ,  13,  2. 

Contre  lis  \'âl>îpiitrïyas.  —  Voir  ci-dessus  note  ail  i.  42,  in  fine. 

3.  Argumentation  de  Vasubandlni,  Pancavasluka,  i.  10. 


Hiuau-tsakKj,  ii,  loi.  Mi  l)-17  a.  87 

lunes  ;  non  plus  lorsqu'on  icrnio  complètement  ou  à  ilemi  celui  qui 
était  CHVvert,  ou  lorsqu'on  ouvre  ou  ferme  complètement  celui  qui 
était  à  deuii  fermé. 

De  ce  que  son  point  d'appui  est  doul)le,  on  ne  doit  pas  conclure 
que  l*L^4i>*rrtaissance  visuelle  est  double,  car  la  connaissance  n'est  pas 
matérielle  comme  le  rûpa  ;  n'ayant  pas  de  masse  (amûrta),  elle  n'est 
pas  située  dans  un  lieu  (dempratis(hita). 

Nous  avons  dit  que  l'organe  de  la  vue  voit  ;  que  les  organes  de 
l'ouïe,  de  l'odorat,  du  goût,  du  tact,  perçoivent  chacun  leur  objet  ;  que 
l'organe  mental  discerne.  Ces  organes  atteignent-ils  (prâp)  leur  objet, 
[entrent-ils  en  relation  étroite  avec  leur  objet]  ? 

43  c-d.  L'organe  de  la  vue,  l'organe  de  l'ouïe,  l'organe  mental 
connaissent  leur  objet  sans  l'atteindre.  Pour  les  trois  autres  organes, 
le  contraire  '. 

i.  1.  L'organe  de  la  vue  voit  Ir  visible  à  distance  ;  il  ne  voit  pas 
le  collyre  placé  sur  l'œil  ;  l'oi-gane  de  l'ouïe  entend  le  son  éloigné. 

L'organe  mental,  étant  immatériel,  n'entre  pas  en  relation  étroite 
avec  son  objet. 

1.  [aprdptârthâuy  aksiniana,hsrotrâni]  trayaiH  anyatliâ  / 

Comparer  Atthasâlinî,  629. 

Vibluisâ,  1.3,  7.  —  On  dit  que  l'objet  est  atteint  (prâpta)  dans  un  double  sens  : 
ou  bien  pane  qu'il  est  '  pris  conîme  olijet  '  ou  '  perçu  '  ;  ou  bien  })arce  qu'il  y  a 
juxtaposition  (virantaratva)  de  l'oliji^  et  de  l'organe.  Dans  le  premier  sens,  les 
six  organes  atteignent  l'objet.  Dans  le  second  sens,  trois  organes  seulement,  les 
organes  de  l'odorat,  du  goût  et  du  tact,  atteignent  l'objet;  trois  organes  au  con- 
traire, les  organes  de  la  vue  et  de  l'ouïe  et  l'organe  mental,  perçoivent  sans 
atteindre. 

L'organe  de  la  vue  per(;oit  le  visible  en  raison  de  la  lumière  ;  quand  le  visible 
est  proche  de  l'organe,  il  empêche  la  lumière  :  l'organe  ne  voit  pas.  L'organe  de 
l'ouïe  perçoit  le  son  en  raison  de  l'espace  ou  du  vide  ;  quand  le  son  est  proche  de 

l'organe,  il  n'empêctie  pas  le  vide  :  l'organe  entend L'organe  de  l'odorat  perçoit 

en  raison  du  vent  ;  l'organe  du  goût,  en  raison  de  l'eau  ;  l'organe  du  tact  en  raison 
de  la  terre  ;  l'organe  mental  en  raison  de  l'acte  d'attention  (manaskàra). 

Fa-pao  observe  que  le  rûpa  de  la  lune  n'abandonne  pas  la  lune  pour  se  juxta- 
poser à  l'œil. 

Comparer  Àryadeva,  Sataka,  288, 


8S  CHAPITRE  PREMIER,  43  C-d. 

2.  Si  les  organes  de  la  vue  et  de  rouie  entraient  en  relation  étroite 
avec  leur  ol)jet,  les  ascètes  en  extase  (dhijâijui)  n'auraient  pas  en 
partajj;(>  la  vue  divine,  l'ouïe  divine  ;  d(î  même  qu'ils  ne  possèdent  pas 
un  odorat  divin  (\  ii.  4!:î). 

Objection.  —  Si  l'organe  de  la  vue  voit  un  ohjcl  avec  lecpiel  il  n'est 
pas  en  relation  étroite,  pounjuoi  ne  voit-il  i)as  les  visibles  trop 
éloignés  ou  olTuscpiés  ?  ' 

Réponse.  —  Pourquoi  l'aimant  n'attire-t-il  pas  tout  le  fer?  [17  bj 
D'ailleurs,  à  supposer  ((ue  l'organe  entre  en  relation  étroite  avec 
l'objet,  la  même  difficulté  demeure  :  pourquoi  l'organe  de  la  vue  ne 
voit-il  pas  le  collyre,  le  [)inceau  (éalâkà),  tous  les  objets  avec  lesquels 
il  est  en  relation  étroite  ?  Ou  Ijien,  disons  cpie  la  même  règle  s'ap- 
pli(pie  à  l'organe  de  la  vue  et  aux  organes  de  l'odorat  et  du  goût  : 
l'organe  de  l'odorat  ne  sent  que  l'odeur  avec  laquelle  il  est  en  relation 
étroite,  mais  il  ne  sent  pas  l'odeur  constitutive  de  l'organe  lui- 
même  fsahabhû)  ;  de  même,  l'organe  de  la  vue  ne  voit  que  le  visible 
éloigné,  mais  il  ne  voit  pas  tout  visible  éloigné. 

D'après  certains  docteurs,  du  fait  qu'on  entend  les  bruits  de  l'inté- 
rieur de  l'oreille,  on  peut  conclure  ([iic  l'organe  de  lOuïe  entend  le 
son  avec  lequel  il  est  en  relation  étroite,  comme  il  entend  aussi  le 
son  éloigné  ^ 

3.  Les  trois  autres  organes,  odorat,  goût,  tact,  perçoivent  un  objet 
avec  lequel  ils  sont  eu  relation  étroite.  Pour  l'odorat,  cela  résulte  du 
fait  que  l'inspiration  est  nécessaire  à  la  perception  de  l'odeur  '. 

ii.  Que  faut-il  entendre  par  l'expression  '  atteindre  '  (entrer  en 
relation  étroite)  (prâp)  ?  Que  veut-on  dire  quand  on  dit  que  l'organe 
'  atteint  '  son  objet,  connait  son  objet  '  après  l'avoir  atteint  '? 

Atteindre,  c'est  '  naître  en  niratilaratva  ',  en  état  de  non  sépara- 
tion *.  L'ol)jef,  qui  se  renouvelle  de  momeid  en   uiomcnt(iv.  2  c-d), 

1.  Oiijcction  des  Vai-sesikas.  /^ 

2.  Cette  doctrine  est  réfutée  pur  SamghaljJuulra  ;  Tao-iliai  l'attribue  aux  Sûrp- 
initTyas  ;  Fa-pao,  à  certains  maîtres  de  la  \  ililiâsH. 

•\.  SaiTiiçlial)hadra  disi'ufe  rette  flu'so. 

4.  Ici  cl  ci-(i(-,.'30u.s  ((lélinilion  <iii  l'iiadanla,  \^.  '.M),  imlrc  version  tiliélaine  tra- 
duit nirJkntara  par  hdab  chags  pa:  Mais  les  Siddliântas  tibétains  analysés  par 


Hiuan-tsang,  V\,  fol.  17  a- 18  a.  89 

se  trouve  naître  en  nircudaratua  avec  l'organe  et  réciproquement. 

[Oug*  faut-il* entendro  par  itiraHtaratva  ?  D'iipvès  le  Bhadanta, 
juxtaposition  immédiate,  absence  d'intervalle  ;  d'après  le  Vaibhâsika, 
voisinas^  immédiat,  absence  d'un  corps  interposé  ']. 

iii^i-a^^ueslion  se  pose  donc  si  les  atomes  se  louchent  ou  ne  se 
touchent  pas. 

1.  Les  Yaibhâsikas  du  KasmTr  (Vibhâsâ,  132,  i)  disent  que  les 
atomes  ne  se  touchent  pas  :  (1)  si  les  atomes  se  touchaient  dans  leur 
totalité,  les  choses  (dravya),  c'est-à-dire  les  différents  atomes,  se 
•  mêleraient  ',  c'est-à-dire  n'occuperaient  qu'un  lieu  ;  (2)  si  les  atomes 
se  touchaient  par  un  endroit,  c'est  donc  ([u'ils  auraient  des  parties 
(avayava)  :  or  les  atomes  n'ont  pas  de  parties  ". 

Mais,  s'il  n'y  a  pas  contact  entre  les  atomes,  comment  donc  se 
produit  le  son  ? 

Pour  cette  raison  même  qu'il  n'y  a  pas  contact,  le  son  est  possible 
[18  a]  :  si  les  atomes  se  touchaient,  la  main  en  collision  (ahhyâhata) 
avec  la  main  s'y  fondrait,  la  pierre  en  collision  avec  la  pierre  s'y 
fondrait,  comme  de  la  gomme  se  fond  dans  de  la  gomme.  Et  le 
son  ne  se  produirait  pas. 

Mais,  si  les  atomes   ne  se   touchent  pas,  pourquoi   l'aggloméré 


Wassilieff  (p.  307)  opposent  le  nirautara  du  Bhadanta  (bar  med pa),  au  nirau- 
tara  des  autres  docteurs  (hdab  cliaçfs  pa). 

D'après  Bodhicaryâvalâra,  p.  516,  l'organe  et  l'objet  ne  peuvent  être  ni  séparés 
{savyavadhâua ,  sâutara),  ni  contigus  (nirautara). 

1.  Samghabhadra  (xxiii,  3,  42  a  i)  :  Que!  est  le  sens  d'atteindre  ?  Lorsque 
l'objet  naît  en  proximité  de  l'organe,  celui-ci  le  saisit.  A  coni[>rpndre  les  choses 
ainsi,  on  peut  dire  que  l'odorat,  le  goût  et  le  tact  saisissent  l'objet  qu'ils  atteignent  ; 
de  même  qu'on  dit  que  l'organe  de  la  vue  ne  voit  pas  la  paupière,  le  pinceau 
et  les  autres  visibles  qu'il  atteint.  La  paupière  ne  touche  pas  l'organe  de  la 
vue  :  on  dit  cependant  que  l'organe  l'atteint.  Du  fait  que  la  paupière  naît  en 
proximité  de  l'organe,  on  dit  que  celui-ci  l'atteint.  Comme  l'organe  de  la  vue  no 
voit  pas  le  visible  ainsi  atteint,  on  dit  que  l'organe  de  la  vue  saisit  sans  atteindre 
et  non  pas  en  atteignant  ;  d'ailleurs  il  ne  saisit  pas  un  objet  très  éloigné.  De 
même,  encoi'e  que  l'odorat  saisisse  l'objet  qu'il  atteint,  il  ne  saisit  pas  ce  qui  est 
très  proche. 

2.  Comparer  le  Yirasaka  de  Vasubandha,  12-14  ;  Bodhicaryâvalâra,  p.  503  ;  Pra- 
sastapâda,  p.  43,  etc. 


1^0  CHAPITRE  PREMIER,  43  C-d. 

(snnicitn),  ou  agglomérat  d'atomes,  ne  tombe-t-il  pas  en  pièces 
lorsqu'il  est  fra|»pé  (prafi/riliafa)  ? 

Parce  que  rélément  vent  (uâifiuHiâta)  le  concentre  ou  fait  tenir 
ensemble.  Cu>rtain  élément  veiil  a  [»(»ur  fonction  la  dispersion,  par 
exemple  Ir  m'uI  de  la  période  de  destruction  du  monde  ;  certain 
élément  vent  a  pour  fonction  la  concentration,  par  exemple  le  vent 
de  la  période  de  création  (iii.  91,  100)  '. 

2.  [Les  Vaildiâsikas  poursuivent  rex{)Osé  de  leur  doctrine]. 

De  trois  organes  (mi  dit  (pi'ils  atteignent  leur  objet,  parce  que 
l'objet  est  avec  eux  en  état  de  non  séparation  (nirantaratva).  En 
quoi  consiste  la  non  séparation  ?  En  ceci  qu'il  n'y  a  rien  que  ce  soit 
dans  l'entre-deux  (tad  evaisâm  niraniaratvayn  yan  inadhye  nâ-sti 
Tilm  cil).  C'est  là  aussi  ce  qu'on  entend  par  •  atteindre  '. 

D'ailleurs,  comme  les  '  agglomérés  '  (namghâta)  ont  des  parties, 
nulle  difficulté  à  ce  que  les  agglomérés  se  touchent.  Et,  de  ce  point 
de  vue,  les  définilions  de  la  Vibbâsâ  (7;î,  w)  sont  justifiées  :  «  La 
chose-en-contact  (sprsta)  n<uH-elle  ayiuit  |)<Kir  cause  une  chose-en- 
contact    (sprslahdiika),  ou  naît-elle   ayant  [)our  cause  une  chose- 


1.  D'après  Vibbâsâ,  132,  I.  Les  atomes  se  toucheiil-ils  l'un  l'autre?  —  Ils  ne  se 
l')uclipiit  pas;  s'ils  se  loiicliaictii,  ils  se  louclifraieiit  dans  leur  toialité  ou  parliel- 
Icinent.  S'ils  se  ioucbaii-nt  d.in.s  leur  totalité,  ils  ne  feraient  qu'une  même  ebose  ; 
s'ils  se  toucbaicnt  parlifilcnunl^  c'est  donc  qu'ils  auraient  des  parties.  Or  les 
atomes  n'ont  pas  de  parties. 

(lommenl  les  atçglomérés,  se  heiu'tani  rmi  l'indre.  ne  se  dissocient-ils  pas?  — 
Its  n<' se  dissocif'id  [)as  parce  que  le  vaifiullialu  b"S  l'ail  ieiiir  ensend>le. 

Mais  le  vâyndhâlu  ne  dissocie-t-il  pas  ?  —  (Juchpu  l'ois  il  dissocie,  par  exemple 
à  la  fin  de  la  période  cosmique.  Quelquefois  il  fait  tenir  ensemble,  par  exemple 
au  <l('l»ut  (!>•  la  période  cosmifpie. 

Si  les  atomes  ne  se  loucbent  pas,  coiuniciil  le  Inuri  produit-il  le  son  ?  —  Pour 
celte  rnisnii  nu'me,  le  son  se  produit,  ('.ai',  si  les  alniurs  se  Inucbaient,  conuneni  y 
.iiuait-il  prodiiclioii  de  son  ?  Si  les  atouu'S  se  toucbaicnt,  la  main  et  le  corps  (pi'elle 
In  iule  se  mêleraient,  el  il  n'y  aurait  pas  d'e.9f»ace  libre,  comment  le  son  pourrait- 
il  ii.iilre  ?  Vasinniira  liil  :  «  Les  atomes  ne  se  loucbent  pas  :  s'ils  se  toucbaicnt, 
c'est  donc  «pi'ils  dureraient  jusqu'à  im  second  moment  .  IMiadaula  dit  ;  Il  n'y  a 
pas  réellement  contact  :  par  ac<piiesccnce  à  la  \érité  vuli^aire,  on  dit  qu'il  y  a  con- 
tact lorsipu-  les  atomes  nai-sr-nl  «laiis  une  union  sans  intervalle  (iiiivmtara). 

Lu  chose  en  contact  naît-elle  ayant  ]tour  cause  une  chose  en  contact  ? 


Hiiian-tsang,  ii,  fol.  18  a-b.  91 

hors-cofltact  ?  »  Même  question  en  ce  qui  concerne  la  chose-liors- 
conlatt.  «  Oif  ne  peut  répondre  d'une  manière  absolue.  Quelquefois 
la  chose^hors-contact  naît  de  la  chose-en-contact,  lors([ue  la  chose-en- 
conta&t  tombe  en  pièces.  Quelquefois  la  chose-en-contact  naît  de  la 
chos^-hjiPs  contact,  lorsque  la  chose-hors-contact  s'aggrège.  Quelque- 
fois la  chose-en-contact  [18  b]  nait  de  la  chose-en-contact,  lorsque 
des  agglomérés  s'agglomèrent.  Quelquefois  la  chose-hors-contact 
naît  de  la  chose-hors-contact,  par  exemple  les  poussières  en  suspen- 
sion dans  le  vide  de  la  fenêtre  ». 

Le  Bhadanta  Vasumitra  dit  :  «  Si  les  atomes  se  touchaient,  c'est 
donc  qu'ils  dureraient  deux  moments  »  '. 

iv.  Opinions  de  Vasubandhu.  —  1.  Le  Bhadanta  dit  :  «  Il  n'y  a  pas. 
en  réalité,  contact.  On  dit,  par  métaphore,  que  les  atomes  se  touchent 
lorsqu'ils  sont  juxtaposés  sans  intervalle,  nirantaratva  «  (Cité 
Vibhâsâ,  132,  i,  voir  note  page  90,  in  fine.) 

Cette  opinion  est  la  bonne  -.  En  effet,  si  les  atomes  laissaient  entre 
eux  un  entre-deux,  cet  entre-deux  étant  vide,  qu'est-ce  qui  empêcherait 
la  marche  des  atomes  dans  l'entre-deux  que  laissent  des  atomes 
séparés  (sântara)  ?  On  admet  que  les  atomes  sont  impénétrables 
(sapratigha)  \ 

1.  Us  doivent  être  nés  (premier  moment)  pour  se  toucher  (deuxième  moment). 

2.  Vasubandhu  croit  que  le  Bliadanta  entend  '  juxtaposition  sans  intervalle  ' 
dans  ce  sens  que  les  atomes  ne  laissent  pas  entre  eux  d'entre-deux.  On  verra  que 
Samghabhadra  est  d'une  opinion  différente. 

3.  Pour  Vasubandhu,  les  atomes  sont  juxtaposés  immédiatement  ;  toutefois  ils 
ne  se  mêlent  pas,  car  étant  impénétrables,  ils  restent  distincts  en  dépit  de  leur 
contiguïté.  —  Voir  p.  2.5  (Note  du  traducteur). 

Voici  l'essentiel  des  explications  de  Sarnghabhadra. 

Nyâyânusâra,  i.  43  c-d  (fol.  43  a  17)  :  Le  Bhadanta  dit  cependant  :  «  Les  atomes 
ne  se  touchent  pas  ;  ou  dit,  par  métaphore,  qu'ils  se  touchent,  parce  qu'ils  sont 
juxtaposés  sans  intervalle  »  (nirantara).  Le  Sautrântika  (c'est-à-dire  Vasuban- 
dhu\  indiquant  que  c'est  là  la  meilleure  théorie,  dit  :  «  Cette  doctrine  est  bonne  ; 
autrement,  les  atomes  offriraient  des  entre-deux  (sântara)  ;  ces  entre-deux  étant 
vides,  qui  empêcherait  les  atomes  d'aller  (l'un  vers  l'autre)  ?  On  admet  qu'ils  sont 
impénétrables  (sapratigha)  ».  —  Cette  théorie  du  Bliudanta,  on  ne  doit  ni 
l'approuver,  ni  la  blâmer  ;  on  doit  seulement  examiner  comment  il  peut  y  avoir 
absence  d'intervalle  sans  qu'il  y  ait  contact  :  le  raisonnement  n'étant  pas  explicite, 


92  CHAPITRE  PREMIER,  43  C-44  b. 

2.  Les  aggloin»Més  fscnughàta)  ne  sont  pas  autre  chose  que  des 
atonies.  Ce  sont  les  atomes  mêmes  qui,  à  l'état  d'aggrégat,  sont 
'  chose-en-conlact  '  ;  de  même  qu'ils  sont  rùpa  (I.  13).  Il  est  donc 
absurde  de  nier  (jue  les  atomes  se  touchent,  et  d'admettre  que  les 
agglomérés  se  touchent. 

3.  Si  vous  adinettez  la  division  spatiale  (dighhâgabheda)  de 
l'atome,  l'atome  a  certainement  des  [)arties,  qu'il  entre  ou  non  en 
contact  (sprsfa,  asprsf/i).  Si  vous  la  niez,  on  ne  voit  pas  pourquoi 
l'atome,  même  s'il  entre  en  contact,  aurait  des  parties  '. 

Devons-nous  penser  que  les  organes  saisissent  seulement  un  objet 
de  leur  dimension,  —  si  on  croit  qu'on  voit,  d'un  seul  coup,  des 
objets  étendus,  une  montagne  par  exenq>le,  c'est  par  illusion,  c'est 
parce  qu'on  voit  rapidement  les  parties  de  la  montagne  :  il  en  va 

celle  théorie  est  difficile  à  comprendre.  Si  on  dit  que  les  atomes  sont  absolument 
sans  entre-deux,  et  toutefois  ne  se  confondent  pas,  il  faut  qu'ils  aient  des  parties  : 
opinion  fausse.  En  outre,  si  tiiratitara  signifie  '  sans  entre-deux  '  faMautoraj, 
coniin''nt  les  atonies  ne  se  louclieraienl-ils  pas  ?  Par  conséquent,  le  mot  iiir- 
antara  signifie  '  voisin  '.  Le  préfixe  lùs  signifie  '  certitude  '.  Comme  il  y  a 
certainement  intervalle,  les  atomes  sont  uiranfara  '  avec  intervalles  '  :  de 
même  nircl'iliati,  '  il  brûle  '.  Ou  bien  le  préfixe  nis  signifie  '  absence  '.  Les 
atomes  sont  dits  'sans  interposé'  (nirantara),  parce  (pi'il  n'y  a  pas  entre  eux 
de  rnpa  en  contact  (.sprsta)  de  la  dimension  d'un  atome.  Lorsque  les  atomes 
des  grands  éléments  nai.ssent  voisin-.  Ton  di'  l'aulre,  sans  '  interposé  ',  on  dit,  par 
méta[thore,  qu'ils  se  touchent.  A  comprendre  ainsi  le  Bbadanta,  nous  l'approu- 
vons  

1.  Sanigliabliailra    reproduit    ce    paragraphe   (Le   haulrântika   dit  :     <    Si    vous 

admettez  ),  et  poursuit  :   »  Ce  n'est  pas  exact.  '  Avoir  des  parties  ',  '  être 

divisé  spatialement  '  :  deux  expressions  de  la  même  idée.  Par  le  fait  qu'on  dit  : 
«  l'aloiuf  n'a  pas  df>  parties  >•,  on  dit  qu'il  est  étranger  à  toute  division  spatiale. 
Coinmr'ut  pouvez-vous  être  en  doute  sur  ce  point,  et  dire  :  «  Si  vous  ailmettez  la 
division  spatia!f\...  »?  —  i'uisque  les  atomes  sont  étrangers  à  cette  division,  com- 
ment j)ourrnifnl-ils  sf  tniiciicr  ?  Nous  avons  expliqué  que  le  contact  ne  peut  être 
qui'  lolnl  <iii  ii.iili'  1  ;  ilcpiii'  l'ulome,  étranger  à  la  division  spatiale,  ne  peut  entrer 
en  contact.  Comment  donc  pouvez-vons  dire  :  «  Si  vous  ni»'/,  la  division  spatiale, 
il  n'y  a  |ias  do  dif(l<u!té  à  ce  qiw  Ips  atomes  se  touchent  v.  —  Donc  les  atomes 
sont  dits  niraittard,  '  non  séparés  '.  parce  qu'il  n'y  a  pas  entre  eux  de  rûpci  eu 
contact  (sprstaj  de  la  dimension  d'un  atome  ». 

Voir  ii.  22  et  l'Introduction. 


Itiuan-tsang,  ii,  fol.  18  b-]9  b.  93 

évidemment  ainsi  lorsqu'on  voit  le  cercle  de  feu  dessiné  par  un  tison  ; 
—  oujîtien  les'organes  «aisissent-ils  indifféremment  un  objet  de  leur 
dimension  et  d'une  dimension  différente  [19  aj? 

44  a-b..Les  trois  organes  dont  l'organe  de  l'odorat  est  le  premier 
saisïs^rrf  un  objet  de  leur  dimension  '. 

Un  nombre  donné  d'atomes  de  l'organe,  atteignant  le  même  nom- 
bre d'atomes  de  l'objet,  produit  la  connaissance.  Il  en  va  ainsi  de 
l'odorat,  du  goût  et  du  tact. 

Mais,  pour  la  vue  et  l'ouïe,  il  n'y  a  pas  de  règle.  Parfois  l'objet  est 
plus  petit  que  l'organe,  lorsqu'on  voit  la  pointe  d'un  cheveu  ;  parfois 
égal  à  l'organe,  lorsqu'on  voit  un  grain  de  raisin  ;  parfois  plus  grand 
que  l'organe,  lorsque,  l'œil  à  peine  ouvert,  ou  voit  une  montagne.  De 
même  pour  le  son  :  on  entend  le  bourdonnement  d'un  moustique,  le 
fracas  du  tonnerre,  etc. 

En  ce  qui  concerne  l'organe  mental,  qui  est  immatériel,  la  question 
ne  se  pose  pas. 

[Ici  se  présentent  quelques  problèmes  relatifs  aux  organes.] 

i.  Comment  sont  disposés  les  atomes  des  différents  organes  ? 

Les  atomes  de  l'organe  de  la  vue  sont  disposés  sur  la  pupille  comme 
la  fleur  du  cumin  (ajàjlpuspa,  kâlajiraliapuspa),  c'est-à-dire  en 
superficie  ;  ils  sont  recouverts  d'une  membrane,  couleur  (varna) 
translucide,  qui  les  empêche  de  se  disperser.  D'après  une  autre  opi- 
nion, ils  sont  disposés  en  profondeur,  comme  une  pilule;  étant  trans- 
lucides, comme  le  cristal,  ils  ne  s'offusquent  pas  l'un  l'autre  -. 

Les  atomes  de  l'organe  de  l'ouïe  sont  disposés  à  l'intérieur  du 
bhûrja,  cette  sorte  de  feuille  de  bouleau  qui  se  trouve  dans  l'oreille. 

Les  atomes  de  l'organe  de  l'odorat  [19  b]  sont  disposés  à  l'intérieur 
de  la  narine  (ghâtâ,  nâsâputl). 

1.  On  peut  restituer  celte  ligne  : 

ghrânâclibhis  tribhis  tulyavisayagrahanatn  mata  m  I 
D'après  Yibhasâ,  13,  8. 

2.  La  première  opinion  est  celle  du  Sarvâstivadîn. 


94  CHAPITRE  PREMIER,  43  (1-44  tl. 

Ces  trois  premiers  organes  forment  couronne  '. 

Les  atonies  de  l'organe  du  goût  sont  disposés  sur  la  surface  supé- 
rieure de  la  langue  en  forme  de  demi-lime.  Au  milieu  de  la  langue  un 
espace  de  la  dimension  de  la  pointe  d'un  cheveu  n'est  pas  occupé 
(astrta)  par  les  atomes  de  l'organe.  Telle  est  l'opinion  exprimée  dans 
l'Ecriture-. 

Les  atomes  de  Torgane  du  tact  ont  la  figure  du  corps. 

Les  atomes  de  l'organe  féminin  sont  comme  un  tambour. 

Les  atomes  de  l'organe  mâle  sont  comme  le  pouce. 

ii.  Les  atomes  de  l'organe  de  la  vue  peuvent  être  sahhâga  (i.  39) 
dans  leur  lotalilé  ;  taisabhâga  dans  leur  totalité  ;  les  uns  sahhâga, 
les  autres  tat.sabJnlga.  De  même  pour  les  organes  de  l'ouïe,  de  l'odorat 
et  du  goût.  Mais,  en  ce  qui  concerne  l'organe  du  tact,  il  n'arrive  pas 
que  ses  atomes  soient  tous  sabliâga  :  même,  lorsque  le  corps  est 
enveloppé  dans  les  flammes  de  l'enfer  Pratapana  (iii.  59),  un  nombre 
infini  d'atomes  sont  taisabhâga  ;  car,  dit  l'Ecole,  le  corps  tomberait 
en  pièces  si  tous  les  atomes  du  tact  travaillaient  en  même  temps. 

iii.  Tl  n'arrive  pas  que  la  connaissance  soit  produite  par  un  atome 
dorgane,  par  un  atome  d'objet.  Les  cinq  catégories  de  connaissance 
ont  en  elTet  pour  support  et  |)our  objet  des  '  agglomérés  '  (samcita) 
[^20  a]. 

Il  résulte  de  ceci  que  les  atomes  ne  sont  pas  perçus  ;  on  les  qualifie 
donc  '  imperceptibles  '  (atiidarsami).  (Comparer  i.  20  a-b,  iv.  4). 

L'objet  de.-,  ciiiq  |»romières  connaissances  leur  est  sinmltané  ; 
l'objet  de  la  sixième  connaissance  lui  est  ou  antérieur,  ou  sinudtané, 
ou  postérieur;  en  d'autres  termes,  il  est  passé,  présent  ou  futur  (i.  23). 
En  va-t-il  de  même  du  point  d'appui  des  connaissances? 

44  e-ij.    l'ulali'.  emeiil  à  la  connaissance,  le  point   d'appui    de  la 


1.  viâl'ivad  avnsthita  =  mandalena  samapaûktyâvasthita. 

2.  ]jf  lexle  porte  Jiila.  En  règle  géinîrale,  Vasuliaudlai  iii(li<jiii'.  |>ur  le  mol  kila, 
«|iif'  ro|iiiiii)n  tu  «jufslinii  est  une  n[(iiiioii  iiuxaote  des  Vaitiliâsikas  ;  mais  Ju 
Vyâkliyâ  dit  ici  :  âyamusûcanârthah  kiladabdCih. 


Hiuan-tsarig,  ii,  fol.  20  a-20  b.  95 

sixième  connaissance  est  passé  ;  le  point  d'appui  des  cinq  premières 

est  ausi«  simultané  '. 
.** 

Le  seul^)oint  d'appui  de  la  connaissance  mentale,  c'est  l'organe 
mental  (mauodhâin),  c'est-à-dire  la  connaissance  qui  vient  de  périr 

(i.  n-):^-^' 

Le  point  d'appui  des  cin(j  connaissances  leur  est  aussi  simultané  : 
c'est-à-dire,  il  est  antérieur  et  simultané  à  la  connaissance.  En  etî'et, 
le  point  d'appui  de  ces  connaissances  est  double  :  1.  l'organe  sensible, 
organe  de  la  vue,  etc.,  qui  est  simultané  à  la  connaissance  ;  2.  l'organe 
mental,  qui  est  passé  au  moment  où  la  connaissance  a  lieu. 

Les  cinq  connaissances  ont  donc  deux  points  d'appui. 

On  pose  la  question  [20  b]  :  Ce  qui  est  point  d'appui  de  la  connais- 
sance visuelle  est-il  en  même  temps  la  '  cause  immédiatement  anté- 
cédente et  pareille  '  (iyamancintarapruhjaya,  ii.  6i)  de  cette  connais- 
sance ?  —  Quatre  cas  :  L  l'organe  de  la  vue,  ipii  est  seulement  point 
d'appui  ;  2.  l'ensemble  des  mentaux,  sensation,  etc.  (ii.  24)  qui  vien- 
nent de  périr  :  ils  sont  seulement  cause  immédiatement  antécédeute  ; 
3.  la  connaissance  qui  vient  de  périr,  ou  organe  mental,  qui  est  à  la 
fois  point  d'appui  et  cause  immédiatement  antécédeute  ;  4.  les  autres 
dharmas  ne  sont  ni  l'im  ni  l'autre. 

De  même  pour  les  connaissances  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  du  goût  et 
du  tact. 

En  ce  qui  concerne  la  connaissance  mentale,  on  répond  en  partant 
du  premier  terme  de  la  question  :  ce  qui  est  point  d'a})pui  de  la 
connaissance  mentale  est  toujours  la  cause  pareille  et  inunédiatement 
antécédente  de  cette  connaissance  ;  mais  l'inverse  n'est  pas  vrai  : 
les  mentaux  qui  viennent  de  périr  ne  sont  pas  point  d'appui. 

La  connaissance  visuelle  dépend  de  l'organe  de  la  vue  et  du  visible. 
Poin-quoi  considère-t-on  l'organe  comme  point  d'appui  fas'"«i/«;>'  de  la 
connaissance,  à  l'exclusion  de  l'objet  ? 

1.  caramasyâérayo  'titah  pancânâm  sahajas  ca  taih  jj 


9{j  CUAPITHE  PREMIER,  45, 

45  a-b.  Le  poiiil  d'appui  de  la  eonnaissaiice,  c'esl  l'organe,  car  la 
connaissance  change  d'après  la  modalité  de  l'organe.  ' 

Lors([ue  l'organe  de  la  v.ie  cl  l'uljjcl  de  soins  (eni[)loi  de  collyre, 
etc.)  ;  lorsqu'il  est  Idessé  par  la  poussière,  etc.  ;  lorsqu'il  est  \'\ï(patn)  ; 
lorsqu'il  est  paresseux  et  faible  (niamla),  la  connaissance  reproduit 
sa  modalité  :  elle  est  accompagnée  de  plaisir  on  de  peine,  elle  est 
vive  ou  faible.  I/objet,  au  contraire,  n'a  pas  d'inlluence  sur  la  moda- 
lité de  la  connaissance  |il  a|.  —  Par  conséquent,  c'est  l'organe,  et 
non  pas  l'objet,  qui  est  le  point  d'appui  de  la  connaissance  (ii.  2  a-b). 

La  connaissance  connaît  l'objet.  Pourquoi  la  désigne-t-on  par  le 

nom   de   l'organe  :  '   connaissance  de  l'œil  '  (cakmrvijnâyia)  

'  connaissance  du  manas  '  et  non  pas  par  le  nom  de  l'objet  :  '  con- 
naissance du  visilde  '  (rûpavijndnaj '  connaissance  des  clliar- 

iiKis  '  (lUmrmavijhâna). 

45  (-(1.  Pour  cette  raison,  et  aussi  parce  qu'il  est  '  propre  ',  c'est 
l'organe  qui  donne  son  nom  à  la  connaissance.  '^ 

Pour  celte  raison  que  l'organe  est  sou  point  d'appui,  la  connais- 
sance prend  le  nom  de  l'organe. 

Parce  que  l'organe  est  '  propre  '  :  l'organe  de  la  vue  d'une  certaine 
personne  est  le  point  d'appui  dt;  la  seule  connaissance  visuelle  de 
cette  seule  personne.  Le  visible,  an  contraire,  est  conuuun,  car  nu 
certain  visible  est  perçu  par  la  connaissance  visuelle  et  par  la  connais- 
sance mentale,  p.ir  une  persomie  et  |»ar  une  autre  personne.  —  Même 
oi)ser\alion  pour  les  organes  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  du  goût  et  du 
tact,  et  pour  les  objets,  son,  odeur,  goûts,  tangibles. 

Nous  concluons  que  la  connaissance  est  nommée  d'après  l'organe, 
parce  que  l'organe  est  son  point  d'.'ipj)ui,  |>ai'ce  (pie  l'organe  est  chose 
propre.  Il  n'en  va  pas  de  mêuie  de  l'objel.  On  dit  dans  le  monde  : 
'  son  du  tambour  ',  et  non  pas  '  son  (îu  balon  '  :  '  pousse  de  blé  ',  et 
nou  |)as  '  pousse  du  chanq)  '. 

1.  ta<lcikârai;ikiiriltHld  âArayaé  caksnriidayah  j 

l)'ajii<'s  N'ildirisâ,  7J,  It. 

ii.  alo  'sadharanutvâc  ca  [fuir  lijùdiKuti // 


Hiuan-tscmg,  ii,  fol.  20  b-21  b.  97 

Un  être  est  né  dans  un  certain  étage  du  monde  (bhûmi),  Kânia- 
dhatu,  premier  dliyâna^  etc.  ;  il  est  de  cet  étage  et  son  corps  (kâya) 
est  donc  de  cet  étage.  Il  voit,  j)ar  l'organe  de  la  vue,  des  visibles.  On 
demande  si  le  corps,  l'organe  de  la  vue,  les  visibles  et  la  connaissance 
appartjemîent  au  même  étage  ou  à  des  étages  différents. 

Tous  peuvent  appartenir  à  des  étages  différents. 

i.  Lorsqu'un  être  né  dans  le  Kâmadhâtu  voit,  au  moyen  de  l'organe 
de  la  vue  de  son  étage,  des  visibles  de  son  étage,  corps,  organe,  visi- 
bles et  connaissance  sont  du  même  étage. 

Lorsque  cet  être  voit,  au  moyen  de  l'organe  de  la  vue  du  premier 
dhyânci,  des  visibles  de  son  étage,  le  coips  et  le  visible  sont  du 
Kâmadhâtu,  l'organe  et  la  connaissance  sont  du  premier  âhyâna 
[21  b]  ;  s'il  voit,  par  le  même  organe,  des  visibles  du  premier  tlhyâna, 
le  corps  seul  est  du  Kâmadhâtu  ;  les  trois  autres  sont  du  premier 
dhyâna. 

Lorsque  cet  être  voit,  au  moyen  de  l'organe  de  la  vue  du  deuxième 
dhyâna,  des  visibles  du  Kâmadhâtu,  le  corps  et  le  visible  sont  du 
Kâmadhâtu,  l'organe  est  du  second  dhyâna,  la  connaissance  est  du 
premier  dhyâna  ;  s'il  voit,  par  le  même  organe,  des  visibles  du 
deuxième  dhyâna,  le  corps  est  du  Kâmadhâtu,  l'organe  et  les  visibles 
sont  du  deuxième  dhyâna,  la  connaissance  est  du  premier  dhyâna. 
(viii.  13  a-c) 

On  expliquera  de  même  les  cas  où  un  être  né  dans  le  Kâmadhâtu 
voit,  par  un  organe  de  la  vue  du  troisième  ou  du  quatrième  dhyâna, 
des  visibles  de  ces  mêmes  étages  ou  d'un  étage  inférieur. 

ii.  Lorsqu'un  être  né  dans  le  premier  dhyâna  voit,  au  moyen  de 
l'organe  de  la  vue  de  son  étage,  des  visibles  de  son  étage,  corps, 
organe,  visibles  et  connaissance  sont  du  même  étage  ;  s'il  voit,  par  le 
même  organe,  des  visibles  de  l'étage  inférieur,  le  corps,  l'organe  et  la 
connaissance  sont  de  son  étage,  premier  dhyâna. 

Lorsque  cet  être  voit,  au  moyen  de  l'organe  de  la  vue  du  deuxième 
dhyâna,  des  visibles  de  son  étage,  trois  sont  de  son  étage  (premier 
dhyâna),  l'organe  est  du  deuxième  dhyâna  ;  s'il  voit,  par  le  même 
organe,  des  visibles  du  Kâmadhâtu,  le  corps  et  la  connaissance  sont 

7 


9S  CHAPITRE    PKEMIEH,  46-47. 

de  son  étage  (premier  dliuâna),  les  visibles  sont  de  l'étage  inférieur, 
l'organe  est  du  deuxième  dhijâna  ;  s'il  voit,  par  le  même  organe,  des 
visibles  du  deuxième  dlnjâna,  le  corps  et  la  connaissance  sont  de  son 
étage  (premier  dliijâna),  l'organe  et  les  visibles  du  deuxième  dhijcma. 

On  expliquera  de  même  les  cas  où  l'être  né  dans  le  premier  dhyâna 
voit,  au  moyen  de  l'organe  de  la  vue  du  troisième  ou  du  quatrième 
dhjjmia,  des  visibles  de  ces  étages  ou  d'un  étage  inférieur. 

iii.  D'après  les  mêmes  principes,  les  cas  où  un  être  né  dans  le 
deuxième,  le  troisième  ou  le  quatrième  dhijfuia,  voit,  au  moyen  de 
l'organe  de  la  vue  de  son  étage  ou  d'un  étage  différent,  des  visibles 
de  son  étage  ou  d'im  étage  différent  [22  aj. 

La  règle  est  la  suivante  : 

46.  L'organe  de  la  vue  n'est  pas  inférieur  au  corps  ;  le  visible  n'est 
pas  supérieur  à  l'organe  ;  la  connaissance  non  plus  ;  le  visible,  par 
rapport  à  la  connaissance,  et  le  visible  ainsi  (pie  la  connaissance, 
par  rapport  au  corps,  sont  de  toute  sorte  '. 

Le  corps,  l'organe  de  la  vue,  le  visil)le  peuvent  apj)artenir  à  cinq 
étages  :  Kâmadhâtu,  quatre  dhyânas. 

La  connaissance  de  la  vue  est  de  deux  étages  seulement  :  Kâma- 
dbâtu  et  premier  dhyâna  (viii.  13  a-c). 

Ceci  posé,  l'organe  de  la  vue  qu'emploie  un  certain  être  peut  être 
de  l'étage  auquel  appartient  le  corps  de  cet  être,  c'est-à-dire  de  l'étage 
où  cet  être  est  né  ;  il  peut  être  d'un  étage  supérieur  ;  il  n'est  jamais 
inférieur. 

Le  visible  et  la  connaissance,  par  rapport  à  l'organe,  sont  ou  du 
même  étage  ou  d'un  élagc  inférieur,  jamais  d'un  étage  supérieur.  Un 
visible  d'un  étage  supérieui-  n<'  peut  êti-c  vu  par  un  organe  de  la  vue 
d'un  étage  inférieur.  Une  connaissance  visuelle  d'un  étage  supérieur 
ne  peut  naître  d'un  oi-gnui-  d'un  étage  inférieur. 

Le  visible,  par  rapport  à  la  coimaissance  visuelle,  est  ou  égal,  ou 
supérieur,  on  iuféiieur. 

1.   )i(i  h'ajinsjintUKiram  cnksiir  ûrdhviop  niixim  )i(i  cfikfiUftfih  j 
vijHUiiiDn  casija  rupum  tu  kâyasyvOhe  ca  survalali  jj 


Hiium-tsang,  ii,  fol.  21  b-22  b.  99 

Le  visible  et  la  connaissance  visuelle,  par  rapport  au  corps,  sont 
comn;i^  est  le  visible  pap  rapport  à  la  connaissance,  c'est-à-dire  égaux, 
supérieurs,  inférieurs. 

47  â.  Il  en  va  de  même  de  l'organe  de  l'ouïe  '. 

L'bf|mie  de  l'ouïe  n'est  pas  inférieur  au  corps,  le  son  n'est  pas 
supérieur  à  l'organe  de  l'ouïe,  ni  non  plus  la  connaissance  auditive  ; 
le  son,  par  rapport  à  celle-ci,  et  le  son  et  la  connaissance  par  rapport 
au  corps,  peuvent  être  de  toute  sorte.  [22  b] 

47  a-b.  Pour  trois  organes,  tout  appartient  à  l'étage  propre  -. 

En  ce  qui  concerne  les  organes  de  l'odorat,  du  goût  et  du  tact,  le 
corps,  l'organe,  l'objet  et  la  connaissance  appartiennent  exclusivement 
à  l'étage  propre,  à  l'étage  où  est  né  l'être  considéré. 

Après  avoir  formulé  cette  règle  générale,  l'auteur  signale  une  ex- 
ception : 

47  c-d.  La  connaissance  du  tact  est  de  l'étage  propre  ou  d'un  étage 
inférieur  \ 

Le  corps  (kâija),  l'organe  du  tact  (kâyadhâtu)  et  le  tangible  sont 
toujours  de  l'étage  où  est  né  l'être  considéré.  Mais  la  connaissance 
du  tact  (1)  est  de  cet  étage,  dans  le  cas  d'un  être  né  dans  le  Kâma- 
dhatu  ou  dans  le  premier  dhyâna  ;  (2)  est  d'un  étage  inférieur  (pre- 
mier dhyâiia)  dans  le  cas  d'un  être  né  dans  le  deuxième  dhyâna  ou 
au-dessus. 

47  d.  Point  de  restriction  en  ce  qui  concerne  l'organe  mental  ^ 

Parfois  l'organe  mental  est  du  même  étage  que  le  corps,  le  dhar- 
madhâtu  et  la  connaissance  mentale  ;  parfois  il  est  inférieur  ou 
supérieur.  Le  corps  appartenant  aux  cinq  premiers  étages  —  Kâma- 
dhatu  et  quatre  dliyânas  —  l'organe  mental,  le  dhaniiadhâtii  et  la 
connaissance  mentale  peuvent  être,  dans  le  recueillement  (samâpalti) 

1.  tathâ  érotram. 

2.  trayânâm  tu  sarvam  eva  svabhûmikani  j 

3.  kâyavijnânam  adharam  svam  câpi 

4.  aniyatam  manah  II 


100  CHAPITRE  PREMIER,  47  d-48. 

OU  à  la  conception  (pratisamdhi),  do  n'importe  quel  étage  —  tous 
les  étages  n'étant  pas  d'ailleurs  les  mêmes  dans  cha((ue  cas.  Ceci 
sera  expliqué  dans  le  huitième  cliapitro  (pii  traite  des  recueillements 
(viii.  19  c-d).  Nous  n'en  parlons  pas  ici  en  vue  de  la  brièveté,  le 
profit  étant  petit  et  la  peine  grande. 

Il  y  a  dix-huit  dIuUus  et  six  connaissances.  Quel  dliâtu  est  dis- 
cerné par  quelle  connaissance  ? 

48  n.  Cin(i  dhâliis  externes  sont  discernés  par  deux  connais- 
sances '. 

Les  visibles,  les  sons,  les  odeurs,  les  saveurs  et  les  tangibles  sont 
connus  (anuhhûia)  par  les  connaissances  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de 
l'odorat,  du  goût  et  du  tact  respectivement.  Ils  sont  tous  discernés 
(vijneija)  par  la  connaissance  mentale.  Chacun  de  ces  dhâtus  exter- 
nes est  donc  discerné  par  deux  connaissances. 

Les  treize  autres  dhâtus,  n'étant  pas  du  domaine  des  connaissances 
sensibles,  sont  discernés  par  la  seule  comiaissance  mentale. 

Combien  de  dhâtus  sont  éternels  ? 

Aucun  dhâtii  n'est  éternel  dans  sa  totalité.  Mais 

48  b.  Les  inconditionnés  sont  éternels  '\ 

Les  inconditionnés  (i.  5  b)  font  partie  du  dhannadhâtu  (i.  15  c). 
Donc  une  partie  du  dhannadhâtu  est  éternelle. 

Combien  de  dhâtus  sont  des  iudrii/as,  c'est-à-dire  des  '  souve- 
rains '  (ii.  1)  ? 

48  c-d.  Sont  des  souverains  les  douze  dhâtus  internes  et  une  j)ar- 
lif  du  dharmadhâtu  ''. 

1.  paiica  bCiliyCi  dvivijneifâh 

2.  vifijâ  dhnrmâ  asamskrtâli  /  ^ 

Les  iiicoiulitioniiés  sont  ('tfniel.s  piuro  (|irils  ne  vont  pas  d'nne  époque  dans 
une  antre  ('■pocpif  (adhvasdmcârâhhâvaf,  v.  l2.")).  —  Asamskrta,  nitija,  dlintoa 
(iv.  9)  et  drarya  (i.  JW»  sont  synonymes. 

3.  dhannârdhd  indriyam  ye  ca  doûdasâdhijâtniikâk  smrtdh  // 

D'après  une  autre  lecture  (kecit  pathanti)  :  dharmârdJiam 

Voir  Dhainmu.saiiguiii.  0(il. 


Himui-tsang,  ii,  fol.  22  b-23  a.  101 

Le  Sfitpa  '  énumère  vingt-deux  indr'ujas  ou  souverains  :  1.  organe 
de  la  vOe  (cahfiirindylijn),  2.  organe  de  l'ouïe  (érotrendriya),  3.  or- 
gane de  l'odorat  (ghrânendriija),  4.  organe  du  goût  (jihvendriya)  ; 
5.  oi-gai*e  du  tact  (kâyendriija),  6.  organe  mental  (mayia-indriya), 
7.  or^im;*mâle  (purusendriija),  8.  organe  féminin  (strlndriya), 
1).  organe  vital  (jlvUendriya),  10.  faculté  de  sensation  de  plaisir  ou 
sensation  de  plaisir  (siikJiendriya),  11.  faculté  de  sensation  de  déplai- 
sir ou  sensation  de  déplaisir  (didikliendriya),  12.  faculté  de  sensation 
de  satisfaction  ou  sensation  de  satisfaction  (saimianasyendriya), 
13.  faculté  de  sensation  de  dissatisfaction  ou  sensation  de  dissatis- 
faction (??aMnim>*cis//ej?f7n?/a),  14.  faculté  de  sensation  d'indifférence 
ou  sensation  d'indifférence  (upeksendriya),  15.  faculté  de  foi  (srad- 
dhendriya),  16.  faculté  d'énergie  (vîryendriya),  17.  faculté  de  mé- 
moire (smrtlndriya),  18.  faculté  de  recueillement  (samàdhîndriya), 
19.  faculté  de  discernement  des  dharnias  ou  faculté  de  prajnâ 
(prajùendriya),  20.  anâjnâtamâjnâsyâmîndriya,  21.  âjnendriya, 
22.  âjnâtâvlndriya  (voir  p.  117). 

Les  Âbhidharmikas  (Prakaranapâda,  fol.  31  h)  ne  tiennent  pas 
compte  du  groupe  que  forment  les  six  organes  de  connaissance 
(âyatana),  organes  de  la  vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat,  du  goût,  du  tact 
et  organe  mental.  Ils  placent  l'organe  mental,  non  pas  après  l'organe 
du  tact,  mais  après  l'organe  vital,  pour  cette  raison  que  l'organe 
mental,  de  même  que  les  organes  de  sensation  (10-14),  a  un  âlani- 
bana  (i.  29  b-c)  et  non  pas  seulement  un  vlsaya  comme  les  organes 
de  la  connaissance  sensible  (1-5)  -.  [23  b] 


1.  La  Vyakhyâ  cite  la  conversation  du  lirahmane  Jâtisrona  et  de  Bhagavat  : 
indriyânîndriyâni  bho  Gautama  ucyanfe  /  kati  bho  Gautama  indriyâni  / 
Jct'yatâ  cendriyânCim  samgraho  bhavati... 

:2.  L'ordre  des  indriyas  est  justifié  ii.  6. 

On  a  l'ordre  de  notre  Sûtra  dans  Vibhanga,  p.  122,  Kathâvalthu,  trad.  p.  16, 
Visuddhimassra,  xvi  ;  et  aussi  dans  l'Indrivaskandhaka,  sixième  livre  du  Jfiâna- 
prasthana  (Takukusu,  Abhidharma  Literature,  J.P.T.S.  1905,  p.  93). 

Le  petit  traité  d'Anuiiiddha  (Compendium,  p.  175)  suit  le  même  ordre  que  le 
Prakaranapâda. 

l-a  Mcihâvyutpatti  (108)  place  l'organe  vital  à  la  fin. 


102  CHAPITRE   PREMIER,  48  C-d. 

Parmi  les  vingt-deux  souverains,  onze  —  à  savoir  l'organe  vital  (9), 
les  cin([  facultés  de  sensation  (10-14),  les  cinq  facultés  morales  (15- 
19)  —  et  une  partie  des  trois  derniers,  font  partie  du  dharniadhâtu\ 

Les  douze  dhâtus  internes  sont  (1)  les  cinq  organes  de  coimaissance 
sensible  qui  font  cinq  dhâtus  et  cinq  souverains  (1-5)  ;  (2)  l'organe 
mental  (i.  16  c),  c'est-à-dire  le  sixième  souverain,  qui  fait  sept  dhâtus, 
et  (3)  une  partie  des  trois  derniers  souverains. 

Les  cinq  dhâtus  restant  et  une  partie  du  dharmadhâtu  ne  sont 
pas  des  souverains. 

Fin  du  Dhâtunirdesa. 


1.  F.fs  trois  drrriiçrs  souvorains  sont  constilués  par  (1-3)  trois  facultés  de  sensa- 
tion :  (1-8)  les  cinq  facultés  morales;  (9)  l'organe  mental  (ii.  4)  :  1-8  sont  d/iaf- 
trtadhâfu, 


Ml- 


CHAPITRE   IL 
Les  Indriyas. 

Souverains  (1-21),  atomes  (22),  mentaux  (23-34),  dharnias   non 
associés  à  la  pensée  (35-48),  causes  et  fruits  (49-93). 

i.  Les  souverains  ou  indriyas  (1-21). 

A  propos  des  dhâtus  (i.  48),  nous  avons  énuméré  les  organes, 
indriifas.  Quel  est  le  sens  du  mot  indriya  ? 

La  racine  idi  signifie  paramaisvarya,  suprême  pouvoir  (Dhfitu- 
pâtha,  i.  64).  Ce  qui  exerce  le  suprême  pouvoir  est  nommé  indriija. 
Donc,  en  général,  indriya  signifie  adliipati,  souverain  '. 

Quel  est  l'objet  de  la  souveraineté  de  chaque  indriya  ou  souve- 
rain ? 

1.  D'après  l'Ecole,  cinq  sont  souverains  quant  à  quatre  choses  ; 
quatre,  quant  à  deux  choses  ;  cinq,  huit,  quant  à  la  souillure  et  à  la 
purification  \ 

i.  Chacun  des  cinq  indriyas  dont  l'organe  de  la  vue  est  le  premier 
—  les  cinq  organes  de  connaissance  sensible  —  est  souverain 
(1)  quant  à  la  beauté  de  la  personne  (âtniabhâvasobJui),  (2)  quant  à 

1.  Ci-dessous  ad  ii.  2  a,  âdhipatya  =  adhikaprabhtitva,  pouvoir  prépondé- 
rant. —  Voir  Siddhântakauinudï  citée  dans  Dict.  de  Saint-Pétersbourg  ;  Garbe, 
Sâmkhya-Philosophie,  257.  Comparer  l'explication  des  indriyas  dans  Atthasâ- 
linï,  304,  etc. 

2.  [catursv  arthesu pancânâm  âdhipattjam]  dvayoh  kila  j 
[caturnâm  paùcâstâuâm  tu]  samklesavyavadânayoh  // 

La  kârikâ  ii.  1,  dans  la  Samayapradîpikâ,  omet  le  mot  kila  par  lequel  Vasu- 
bandhu  indique  qu'il  ne  partage  pas  la  doctrine  de  l'Ecole.  Les  kârikâs  ii.  2-4,  où 
Vasubandhu  expose  la  doctrine  des  Sautrântikas,  sont  omises  dans  la  Samaya- 
pradîpikâ. 


104  CHAPITRE  II,   1. 

la  protection  de  la  personne  (pariraki^ana)  f  l  b].  (3)  quant  à  la  pro- 
duction d'une  connaissance  (vijnâna)  et  des  mentaux  associés  à  cette 
connaissance,  (4)  quant  ;i  un  mode  spécial  d'activité  (asâdhâranakâ- 
r(inatva)  (Vibhâsâ,  14:2,  lo), 

Les  organes  de  la  vut^  et  de  l'ouïe  sont  souverains  (1)  quant  à  la 
beauté,  car  le  corps  auquel  ils  manquent  n'est  pas  beau  (i.  19);  (2) 
quant  à  la  protection,  car,  grâce  à  la  vue  et  à  l'ouïe,  Tbomme  évite 
ce  qui  nuit  (visamaparihâra)  ;  (3)  quant  à  la  production  de  deux 
connaissances,  de  la  visuelle  et  de  l'auditive,  et  des  dharmas  men- 
taux qui  leur  sont  associés;  (4)  quant  à  leur  activité  spéciale  :  vision 
des  visibles,  audition  des  sons. 

Les  organes  de  l'odorat,  du  goût  et  du  tact  sont  souverains  :  (1) 
quant  à  la  beauté,  comme  ci-dessus  ;  (2)  quant  à  la  protection,  par 
la  consommation  d(^  l'aliment  solide  (kavadikârcihâra,  iii.  39)  ; 
(3)  quant  à  la  production  de  trois  connaissances  ;  (4)  quant  à  leur 
activité  spéciale  :  sentir  les  odeurs,  savourer  les  saveurs,  toucher  les 
tangibles. 

ii.  Quatre  indrit/as,  à  savoir  les  deux  organes  sexuels,  l'organe 
vital  (jlvitendriija)  et  l'organe  mental  (mana-indriija),  sont  chacun 
souverains  ([uanl  à  deux  choses  (Vibliâsa,  147,  lo). 

1.  Les  organes  sexuels  sont  souverains  (1)  quant  à  la  distribution 
des  êtres  vivants  (sattvahheda)  :  c'est  en  raison  de  ces  deux  organes 
(juf  les  êtres  vivants  lonnciil  les  catégories  de  mâle  et  de  femelle  ; 
{■2)  (juant  à  la  diUérciiLiation  des  êtres  vivants  (sattvavikalpabheda)  : 
en  raison  de  ces  deux  organes,  il  y  a,  entre  les  sexes,  dift'érence  de 
forme  physique  (samsihâna),  de  voix  (svara),  de  manière  d'être 
(âcâra)  '. 

D'autres  maîtres  "  n'admettent  pas  cette  explication.  En  effet,  les 
sexes  présentent  des  différences  (sattvavikalpabheda)  parmi  les  dieux 
du  Rnpadhâlu  qui  ne  possèdent  pas  les  organes  sexuels  (i.  30)  et  la 
(listribiition  en  sexes  résulte  de  ces  différences.  —  Donc,  si  les  organes 

1.  Biiddhagfiosa  (•x[)li(|ii»'  dans  l'AUluisriliiiî  ((')H;  «jiie  If  s  jeux  des  gun;on.s  ne 
sont  pus  les  jeux  des  tilles,  etc. 

2.  D'nprès  Ifi  Vyrikhyû,  les  Anciens  Maîtres  (pûrvâcârya). 


Hiuan-fsang  iii,  fol.  1-2  a.  105 

sexuels  sont  souverains  à  deux  points  de  vue,  ils  sont  souverains 
quant  c>la  souitlure  (samklesa)  et  à  la  purification  (vyavadâna)  : 
en  effet,  les  trois  sortes  d'eunuques  et  les  êtres  bissexués  [2  a]  sont 
étrange!»  (1)  aux  dharmas  de  souillure  (sânikleéika),  indiscipline 
(iv.  ISJjjj^ché  mortel  (iv.  103),  rupture  des  racines-de-bien  (iv.  80), 
et  (2)  aux  dharmas  de  purification  (vaiyavadânika),  discipline 
(iv.  13  b),  acquisition  des  fruits  (vi.  51),  détachement  (vairclgya, 
vi.  45  c)  (voir  ii.  19  c-d). 

2.  L'organe  vital  est  souverain  :  (1)  quant  à  la  '  liaison  '  (samhan- 
dha)  du  nikâyasabhâga  (ii.  42  a),  c'est-à-dire  en  ce  qui  regarde 
la  production  (utpatti)  d'une  existence  ;  (2)  quant  au  '  maintien  ' 
(samdhârana)  du  nikâyasabhâga,  c'est-à-dire  en  ce  qui  regarde  la 
prolongation  (avasthâna)  d'une  existence  depuis  la  naissance  jusqu'à 
la  mort. 

3.  L'organe  mental  (mana-iudriya)  est  souverain  :  (1)  quant  à  la 
renaissance  (punarhhavasamhandha),  comme  explique  le  Sûtra  : 
«  Alors  se  produit  dans  le  Gandharva,  dans  l'être  de  l'existence  inter- 
médiaire (antarâhhava),  l'une  ou  l'autre  de  deux  pensées,  pensée  de 
désir  ou  pensée  de  haine....  »  (iii.  15)  ;  (2)  quant  à  la  domination 
(vaéîbhâvânuvartana)  :  le  monde,  les  dharmas  sont  soumis  à 
l'esprit,  comme  le  dit  la  stance  : 

«  Le  monde  est  conduit  par  la  pensée,  est  manœuvré  par  la  pen- 
sée :  tous  les  dharmas  obéissent  à  ce  seul  dharma,  la  pensée  »  '. 

iii.  Les  cinq  iiidrlyas  de  sensation  (vedanendriya)  —  c'est-à-dire 
les  cinq  sensations  de  plaisir,  déplaisir,  satisfaction,  dissatisfaction, 
indifférence  (ii.  7),  et  les  huit  indriyas  dont  le  premier  est  la  foi  — 
c'est-à-dire  les  cinq  facultés  morales,  foi,  force,  mémoire,  recueille- 
ment et  discernement  (ii.  24)  et  les  trois  facultés  pures  (ii.  10)  —  sont 
respectivement  souverains  quant  à  la  souillure  et  à  la  purification, 

1.  cittena  nîyate  lokas  cittena  parilïrsyate  / 

ekadharmasya  cittasya  sarve  dharniù,  vasânttgâh  jj 

Samyutta,  i.  39. 

Asanga  (Sûtralamkâra,  xviii.  83,  p.  151  éd.  Lévi)  démontre  la  souveraineté  de 
la  pensée  sur  les  samskâras  :  cittenâyam  loko  myCite  cittena  parikrsyate 
cittasyotpannasya  vase  vartate.  (Anguttara,  ii.  177). 


106  CHAPITRE  II,   1-2  b. 

Les  sensations  sont  souveraines  quant  à  la  souillure,  car  les  pas- 
sions (anusaya),  concupiscence  (rcuja),  etc.,  s'attachent  aux  sensa- 
tions, y  prennent  gîte  {tadamiHayitvâf).  La  foi  et  sept  autres  facultés 
sont  souveraines  quant  à  la  purification,  car  c'est  grâce  à  elles  qu'on 
obtient  la  pureté  '. 

D'après  d'autres  maîtres  (Vibhâsa,  142,  ii)  les  sensations  aussi  sont 
souveraines  quant  à  la  purification  (2  b],  ainsi  qu'il  résulte  du  Sfitra  : 
sukhilasija  cittam  samâdhîyate  -,  (hihUhopanimc  chraddhâ  ^,  san 
naiskranifjâsritdh  saiDnanasijâdaijah  ". 

Telle  est  l'explication  des  Vaibhâsikas. 

1.  Hiuan-tsang  :  «  car  tous  les  dhârtnas  purs  naissent  et  se  développent  à  leur 
suite  ». 

2.  «  De  celui  qui  éprouve  la  sensation  agréable,  la  pensée  se  recueille  ».  Extrait 
du  Sûtra  sur  les  Viinuklyâyatanas,  cité  Vyâkliyâ,  p.  56  ad  i.  27  ;  Mahâvyutpatti,  81. 

3.  «  La  foi  naît  de  la  soutlVance  »,  Samyutta,  ii.  31.  —  Pour  ce  sens  du  mot 
npanisad,  '  cause  ',  voir  ci-dessous  ii.  41)  (note  sur  hetu  et  pratyaya),  Anguttara, 
iv.  351  =  Suttanipâta  (Dvayatânupassanâsutta)  (..  kâ  upanisâ  savanâya),  Sû- 
tralanikâra,  xi.  9  [yogopanisiad  :^  ayant  l'etTort  pour  cause).  —  Dans  le  sens  de 
'  comparaison  ',  '  rapproclioment  ",  l'anini,  i.  4.  71),  VajracchedikS,  3.5,  jo.  42,  7  et 
Hoernle.  JManuscript  remains,  i.  p.  11)2  (npanisàm  va  ksomate),  Sukliâvatî- 
vyûlia,  31,  9,  Mahâvyutpatti,  223,  15  (où  !('  )il>étain  porte  rgyu).  —  Dans  le  sens 
de  tipânisii,  '  secret  ',  Yasomitra  (ad  ii.  41))  signale  Dîglia,  ii.  259  (sûryopani- 
saflo  (lerâh  ^=  suriyassûpcDiissfj,  (leva):  vpcDiisdcchabdas  tu  knddcid  npfim- 
,s(ni  kadncit  prdmukliye  tadydfliâ  sûryapfntisddo  deva  ity  npmnsuprayoria 
npdnisdtprayoya  iti.  (E.  Leumann,  Z1).M(j.  (»2,  p.  101  suppose  îipnnisrâ  ^=  upa- 
nissâ  =  Grundlage,  Niihe,  d'oii  l'adjectif  npanissa).  —  Voir  Minaev,  Zapiski, 

ii.  3,  277  ;  Wogihara,  ZDMG.  58,  454  (dânopanimdâ  silnpnnisadâ prajnayn) 

et  Asanga's  Hodhisattvaldiûmi,  p.  21  ;  S.  Lévi,  Snlrrilainkâra.  ad  xi.  9. 

4.  Le  Sûtra  dit  :  caksurv ijùeyùn i  rùpâni  pratit yotp(ul yatc  saiiuiroiasyam 
naiskramydArifani  j  ....  manah  prntltya  dharmûms  cofpadyate  saumana- 
syam  / daurmnnasyam  ...  upeksâ 

ndiskraniya  =  '  clicuiiii  |pur  ou  impur  ',  ou  bien  '  sortie  (niskrnniana)  ou 
détacliement  d'une  spliirr  dexislencc  (dliatn)  on  du  samsara  '.  —  Voir  d'ailleurs 
iv.  77  b-c. 

âfirita  =  '  ayant  pour  objet  ',  ou  bien  '  favorable  à  '. 

Ou  ,1  iloin-  :  Il  y  .i.  iii  misoii  des  visibles,  etc.,  six  sensations  de  satisfaction, 
.six  sen.sations  de  di.s.salisfaclion,  six  sensations  d'indifférence,  favorables  au  nais- 
kramya  >. 

Couijuirrr  .Majjliiuia,  iii.  218,  .Saniyulta  iv.  2;i2,  Majjliima,  iii.  217,  Milinda,  45 
(uekkhuimtiasiia). 


Hiuan-tsang,  iii,  fol,  2  a-3  a.  107 

Les  Sautrântikas  '  critiquent  cette  explication  :  (1)  Les  organes  des 
sens,  o^H,  etc.,  fie  sont  pas  souverains  quant  à  la  protection  de  la 
personne.  Ici,  la  souveraineté  appartient  à  la  connaissance  (vijnâna), 
visuelle,^- auditive,  etc.  :  c'est  après  avoir  distingué  qu'on  évite  le 
nuisibl^,  qu'on  prend  l'aliment  solide.  (2)  Ce  que  vous  entendez  par 
'  activité  propre  de  l'organe  ',  à  savoir,  vision  des  visibles,  etc., 
appartient  à  la  connaissance  (i.  42)  et  non  pas  à  l'organe.  —  Les 
explications  relatives  à  la  souveraineté  des  autres  mdriyas  sont 
également  incorrectes. 

Comment  donc  faut-il  entendre  la  souveraineté  des  mdriyas  ? 

2  a-b.  En  raison  de  la  souveraineté  (1)  quant  à  la  perception  (upa- 
labdhi)  de  leur  objet  spécial,  (2)  quant  à  la  perception  de  tout  objet, 
six  organes  '. 

C'est-à-dire,  en  raison  de  leur  souveraineté  par  rapport  à  six  con- 
naissances (vijndnakâya).  Les  cinq  organes  dont  le  premier  est 
l'organe  de  la  vue  sont  souverains  par  rapport  aux  cinq  connaissances 
sensibles,  connaissance  visuelle,  etc.,  lesquelles  distinguent  chacune 
leur  objet  propre,  le  visible,  etc.  [3  a]  L'organe  mental  (mana-in- 
driya)  est  souverain  à  l'égard  de  la  connaissance  mentale  (mano- 
vijnâna)  laquelle  distingue  tous  les  objets.  C'est  ainsi  que  les  six 
organes  des  sens  sont  souverains. 

Mais,  dira-t-on,  les  objets  des  sens,  le  visible,  etc.,  sont  aussi  sou- 
verains par  rapport  aux  connaissances  et,  par  conséquent,  doivent 
aussi  être  considérés  comme  des  indriyas  ? 

Par  le  fait,  ils  ne  sont  pas  souverains.  Par  souveraineté  (âdhipa- 
tya),  on  entend  '  pouvoir  prédominant  '  (adhikaprablmtva).  L'œil 
est  souverain,  car  (1)  il  exerce  cette  prépotence  quant  à  la  naissance 
de  la  connaissance  qui  connaît  les  visibles,  étant  la  cause  commune 
de  toutes  les  connaissances  des  visibles,  tandis  que  chaque  visible 
concourt  seulement  à  la  naissance  d'une  seule  connaissance  ;  (2)  la 
connaissance  visuelle  est  claire  ou  obscure,  vive  ou  débile,  suivant 

1.  Vasubandhn  dit  :  «  D'autres  Maîtres...  ». 

2.  [sva]sarvârtliopalahdhau  [tv  âdhipatyâd  indriyàni  sat] 


108  CHAPITRE  II,  2-4. 

que  l'œil  est  vif  ou  débih^  :  le  visible  n'exerce  pas  semblable  influence. 
—  Même  remarque  pour  les  autres  organes  des  sens  et  leurs 
objets  (i.  45  a-b). 

2  c-(l.  Eu  raison  de  leur  souvciainctc  en  ce  qui  concerne  la  mascu- 
linité et  la  féminité,  les  deux  organes  sexuels,  qu'il  faut  distinguer 
dans  le  corps  '. 

A  part  dans  l'organe  appelé  kâijoidrlija,  organe  du  tact,  les  deux 
organes  sexuels.  Ces  deux  organes  ne  sont  pas  distincts  du  kâfjen- 
drijja  :  ils  connaissent  le  luiigible.  Mais  il  y  a  une  partie  du  kâi/en- 
driija  qui  reçoit  le  nom  d'organe  mfde  ou  d'organe  féminin  parce  que 
cette  partie  exerce  souveraineté  sur  la  masculinité  ou  la  féminité.  La 
féminité  -,  c'est  la  forme  pbysique  (àkrti),  la  voix  (svara),  la  démar- 
che (cestâ),  les  dispositions  (ahhiprâya)  propres  à  la  femme  [3  b]. 
De  même  pour  la  masculinité.  La  différence  des  deux  natures  étant 
due  à  ces  deux  parties  du  corps,  nous  savons  que  ces  deux  parties 
sont  souveraines  par  rapport  à  ces  deux  natures  ;  elles  constituent 
donc  des  indriyas. 

3.  En  rais(»n  de  leur  souveraineté  par  rapport  à  la  durée  de  l'exis- 
tence, à  la  souillure,  à  la  purification,  on  considère  comme  indriyas 
l'organe  vital,  les  sensations,  les  cinq  dont  la  foi  est  le  premier  \ 

1.  L'orgune  vital  est  souverain  en  ce  qui  regarde  la  prolongation 
de  l'existence  depuis  la  naissance  jusqu'à  la  mort,  —  mais  non  pas, 
comme  le  disent  les  Vaibhasikas,  en  ce  (|ui  regarde  la  connexion 
d'une  existence  avec  une  autre  :  cette  connexion  dépend  en  effet  de 
l'esprit  (manas). 

2.  Les  cinq  sensations  sont  souveraines  par  rapport  à  la  souillure, 
car  le  Sûtra  '  dit  :  «  La  concupiscence  trouve  son  gite  dans  la  sensa- 

1.  [stritve  pianslve  câdhipaii)ât\  kâtjât  étrqyuruseudriye  // 

2.  Comparer  Dhununasangiini,  ^)33,  et  Attliasâlinî,  641. 
.3.  îi ikâ!fasthitisnmkleiiavyava(lfinâ\(lhipafifatah  \ 

\jtrit(iriftisr(icl(lliâ(li}>(trirfike)i(lritf((fâ  ninfd]  || 

4.  Ij'(''(lilciir  jîiixinai.s  rciisfigiic.  Minlliynmrtgaiiiii  17,  ||.  -  Comparer  Samyutla, 
iv,  2(W  :  yo  siiklunjd  vedanûya  rcujâHusayo  su  unusefi. 


Hiiicui-tsang,  iii,  fol.  3  a-4  a.  109 

tion  de  plaisir  ;  la  haine,  dans  la  sensation  de  déplaisir  ;  la  confusion, 
dans  Ig^sensatfon  d'indtfférence  '.  —  Sur  ce  point  les  Sautrûnlikas 
sont  d'accord  avec  les  Vaibhâ.^ikas. 

3.  Les  cinq  facultés  dont  la  première  est  la  foi  —  foi,  force, 
mémoifii-e^i'ecueillenient,  discernement  —  sont  souveraines  quant  à 
la  purification,  car,  par  leur  force,  les  passions  (kleéas)  sont  ébran- 
lées (viskamhliyante)  et  le  Chemin  amené  (âvàliyate)  ^' 

4.  En  raison  de  leur  souveraineté  quant  à  des  acquisitions  ascen- 
dantes, quant  au  Nirvana,  etc.,  V amljnâtaniclj nâsyâmlndriija, 
YâJHendriija,  Yâjnâtâvlndriija,  de  même  \ 

«  De  même  »,  c'est-à-dire  :  ces  trois  sont,  de  même,  considérés 
comme  des  souverains,  indriya.  Ce  sont  les  trois  indriyas  purs, 
définis  ii.  10  a-b. 

1.  Le  premier  est  souverain  par  rapport  à  racquisiiion  du  deuxième. 

Le  deuxième  est  souverain  par  rapport  à  l'acquisition  du  troisième. 

Le  troisième  est  souverain  par  rapport  à  l'acquisition  du  Nirvana, 
c'est-à-dire  du  nirupadhiéesanirvâna.  Car  il  n'y  a  pas  x^arinirvâna 
lorsque  la  pensée  n'est  pas  délivrée  '*. 

1.  snkhâyàm  vedanâyâyn  râgo  'riusete  /  diihMmyCtni  dvesali  j  adnlikliâsu- 
khâyâm  niohah.  —  Par  sensation-de-plaisir  (sukliâ),  il  faut  entendre  aussi  sen- 
sation-de-satisfaction (saumanasya)...  Voir  ii.  7. 

Comparer  v.  23  et  54  ;  aussi  YogasQlra,  ii.  7-8  :  sulilmniisayl  rcigah  j  dnlikhâ- 
niisayl  dvesah. 

2.  La  foi  et  les  autres  facultés  morales,  dans  le  chemin  mondain  (laukika) 
ébranlent  les  passions  ;  dans  les  nirvedhabhàglyas  (vi.  45  c),  elles  '  amènent  ' 
le  Chemin  ;  pures,  elles  constituent  VanCiJHCiinynâjùâsyâmi,  etc.  (ii.  9  b,  vi.  6S). 

3.  Paramârtha  et  Hiuan-tsang  traduisent  la  première  ligne  :  «  En  raison  de  leur 
souveraineté  à  l'égard  de  l'acquisition  de  chemins  de  plus  en  plus  élevés,  du  Nir- 
vana, etc.  »  —  Le  tibétain  mya  nan  hdas  sogs  gon  lUis  gon  thob  pa  la  ni 
dban  byed pîiyir  ^=  nirvânâdyiiltarottarapratilamblie  'dhipatyatah. 

Dhammasangàni,  29G,  505,  .553  ;  Nettipakarana,  15,  GO  ;  Compendium,  p.  177. 

4.  L'âj nâtâvlHdriya  se  confond  avec  la  qualité  d'Arhat  ;  il  comporte  le  ksaya- 
jncma  et  Vaimtpâdajnâna  :  savoir  que  les  passions  sont  déti-uites  et  ne  renaî- 
tront plus,  etc.  (vi.  45,  Nettipakarana,  p.  15)  ;  il  est  '  délivré  '  (vimukta)  par  la 
délivrance  des  passions  (klesav imukti)  et  par  la  délivrance  de  l'existence  (sam- 
tânavimiikti)  :  il  est  donc  souverain  par  rapport  au  parinirvâna  ou  nirnpa- 
dhiàesanirvâna. 


1  LU  CHAPITRE  II,  4-6. 

2.  Le  mot  et  ccetera,  pour  indiquer  qu'il  y  a  une  autre  explication. 

Le  premier  est  souverain  quant  à  la  destruction  des  passions  (kleéa) 
qui  sont  al)andonnées  par  la  vue  des  vérités  (v.  4). 

Le  deuxième,  quant  à  la  destruction  des  passions  qui  sont  aban- 
données par  la  méditation  des  vérités  (v.  5  a). 

Le  troisième,  quant  à  la  béatitude-ici-bas  (drstadh armas iiklia- 
v^ihâra),  c'est-à-dire  :  éprouver  (pratisanivcdana)  la  satisfaction 
(pritl  =  sanmanasya)  et  le  bien-être  (sukha  =  prasrabdhisnkha, 
viii.  9  b)  de  la  délivrance  des  passions  (vimukti).  (Voir  p.  112). 

Pourquoi  compte-t-on  seulement  vingt-deux  indriyas  ?  Si  vous 
regardez  comme  indrlya  ce  qui  est  '  souverain  '.  l'ignorance  (avidyâ) 
et  les  autres  membres  du  PratTtyasamutpâda  (iii.  21)  seront  indriyas, 
car  les  causes  (avidyâ,  etc.)  sont  souveraines  par  rapport  aux  effets 
(samskâras,  etc.).  De  même,  la  voix  (vâk),  la  main,  le  pied,  l'anus, 
le  membre  viril  (upastha)  sont  souverains  \)\w  rapport  à  la  parole 
(vncana),  la  prise,  la  marcbe  (viharana  ^=  cankramana),  l'excré- 
tion, le  jdaisir  (ânanda)  '. 

Répondons  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'ajouter  l'ignorance,  etc.,  à  la  liste 
proclamée  par  Bhagavat.  En  dénombrant  les  indriyas,  Bliagavat  a 
tenu  compte  des  caractères  suivants  : 

5.  Le  point  d'appui  de  la  pensée  ;  ce  (pii  subdivise,  prolonge,  souille 
ce  point  d'a[)pui  ;  ce  qui  en  prépare  la  purification  et  le  purifie  :  voilà 
tout  ce  qui  est  indrlya  -.  [4  b] 

1.  Le  point  d'a[)pui  (âsraya)  de  la  pensée,  à  savoir  les  six  organes 
de  connaissance,  de  l'organe  de  la  vue  à  l'organe  mental  (manasj. 
Ce  sont  les  six  àyatanas  internes  (i.  39,  iii.  22),  qui  sont  les  consti- 
tutifs primaires  de  l'être  vivant  (mania  saltvadravya)  *. 

1.  UbjcclitJii  tics  Sânikliytis.  ^    Sûinklivukârikâ,  îi4-. 

2.  cittâsrniffts  tadvikulpnli  \slltilih  samkleia  eva  ca  / 
samhhâro  vyavadCinam  ca  yâvad  etâvad  indriyam]  // 

Celle  kûrikû  devienl  l;i  kâiikû  i2  dans  lu  Siimayajtradîpikû. 

3.  Nous  avons  rrni'onln';  relie  expression,   i.  35  (voir  aussi  p.  111,  n.  2).  —  Les 
six  supports  des  organes  (indriyâdhisthâiia),c'ciii'Vi-\iire  l'œil  visible,  etc.,  et  les 


Hiiian-tsaiig,  iii,  lui.  4  a-5  a.  111 

2.  Ce  sextuple  point  d'appui  est  dilFérencié  en  raison  des  organes 
sexuels* 

3.  Il  dure  pour  un  temps  en  raison  de  l'organe  vital. 

4.  Il  est  souillé  en  raison  des  cinq  sensations. 

5- ^ Jt-ûrification  est  \>ré\mrée  (vifavadâïiasambharana)  parles 
cinq  facultés  morales,  foi,  etc. 

6.  Il  est  purifié  par  les  trois  facultés  pures. 

Les  dharmas  qui  possèdent  ce  caractère  d'être  souverains  par 
rapport  à  la  constitution,  à  la  subdivision,  etc.  de  l'être  vivant, 
sont  considérés  comme  indriijas.  Ce  caractère  manque  aux  autres 
dharmas,  à  la  voix,  etc. 

D'autres  maîtres  donnent  une  définition  dilterente  : 

6.  Ou  bien  quatorze  itidriyas,  point  d'appui  de  la  transmigration, 
origine,  durée,  jouissances  de  ce  point  d'appui  ;  les  autres  indriyas 
ont  le  même  emploi  à  l'égard  du  Nirvana  '. 

L'expression  '  ou  bien  '  introduit  l'explication  d'autres  maîtres 
(aparali  kalpah). 

(1-6)  Les  six  organes  (sadâyatana,  iii.  22),  de  l'organe  de  la  vue 
(caksuràyatatia)  à  l'organe  mental  (mana-âyatana),  sont  le  point 
d'appui  (âsraya),  la  raison  d'être  du  samsara  '. 

(7-S)  C'est  par  les  organes  sexuels  que  naît  le  sadâyatana  \ 

(9)  C'est  par  l'organe  vital  que  dure  (avasthâiia)  le  sadâyatana. 

(10-14)  C'est  par  les  cinq  sensations  que  jouit  le  sadâyatana. 

D'autre  part  [5  a]  : 

(15-19)  Les  cinq  facultés,  foi,  force,  mémoire,  recueillement,  discer- 

six  connaissances  (sad  vijnânàkâyCih)  sont  aussi  saUcadravya,  des  constitutifs 
de  l'être  vivant,  mais  non  pas  des  constitutifs  primaires  (maula),  car  ils  dépendent 
de  la  souveraineté  des  six  organes. 

1.  pravrtter  ûsrayotputti  {sthififupabhogato  'tha  va  j 
caturdasa  tathânyâni  nicrthvv  indrlyâni  c«]  // 

2.  sadâyatana )n  nmlasattvud rav yabhûtam  satiisaratiti  pravrtter  âsray- 
ah.  —  Le  sadâyatana  est  essentiellement  l'être  vivant  dont  on  dit  qu'il  trans- 
migre :  il  est  donc  le  point  d'appui  de  la  transmigration. 

3.  Deux  âyatanas  seulement,  kâya  et  nianas,  existent  dès  la  conception 
(ii.  14). 


112  CHAPITIÎE  II,  G-7  b 


iiemtnt  (prajnâ),  sont  le  point  dappui  (âsraya,  jii'dtistliâ)  du  Nir- 
vana (i.  6  a-b). 

(20)  Le  Nirvana  naît  (prahliava),  apparaît  pour  la  première  fois 
(âdibhâva),  par  la  première  taculté  pure,  anâjnâtamâjndsijùmlii- 
driija. 

(21)  Le  Nirvana  dure,  se  développe,  par  la  deuxième  faculté  pure, 
âjneudriya. 

(22)  Le  Nirvana  est  '  expérimenté  '  (iipahJiuj)  par  la  troisième 
faculté  pure,  âjhâtâvindriya,  car,  par  cette  faculté,  on  éprouve  la 
satisfaction  et  le  bien-être  (prltisukha)  de  la  délivrance  (voir  p.  110). 

Le  nombre  des  indrujas  se  trouve  ainsi  déterminé,  ainsi  que  l'ordre 
dans  lequel  le  Sûtra  les  range. 

Quant  à  la  voix  (vâc),  à  la  main  (pâni),  au  pied  (pâda),  à  l'anus 
(paya),  aux  parties  sexuelles  (upasthaj,  ce  ne  sont  pas  des  indriyas. 

1.  La  voix  n'est  pas  souveraine  par  rapport  à  la  parole  (vaccina), 
car  la  parole  suppose  une  certaine  instruction  (slksâ)  '  ;  2-3.  La  main 
et  le  pied  ne  sont  pas  souverains  par  rapport  à  la  prise  (âdâna)  et  à 
la  marcbe  (ftharana),  car  ce  qu'on  appelle  prise  et  marche,  c'est 
simplement  la  main  et  le  pied  naissant  au  second  moment  dans  un 
autre  lieu  et  avec  une  figure  nouvelle  (iv.  2  b-d).  En  outre,  on  voit, 
par  l'exemple  des  serpents,  que  la  main  et  le  pied  ne  sont  pas  indis- 
pensables à  la  prise  et  à  la  marche  -;  4.  L'anus  n'est  pas  souverain 
par  rapport  à  l'expulsion  des  matières  (utsarga),  car  les  choses  lour- 
des (gurndravya)  tombent  toujours  dans  le  vide  (àkâéa  =--  chidra)  ; 
d'ailleurs,  le  vent  (vâyudhdlu)  pousse  ces  matières  (prerana)  et  les 
fait  sortir  ;  5,  Les  parties  sexuelles  ne  sont  pas  souveraines  à  l'égard 
du  plaisir  (ÛHanda),  car  le  plaisir  est  j)roduit  par  les  organes  sexuels  \ 

1.  L'eiifaiit,  à  poinc  nô,  voit,  mais  ne  parle  pas.  Lu  pari>le  est  l'aclp  (hnrman) 
•le  la  langue  (pii  est  le  support  (adlli.stluiHd)  de  l'organe  du  goût  (jihvcndriija). 
—  Pour  les  Sâiiikliyas,  les  organes  d'action  (karr.iendriifa)  sont,  comme  les 
organes  de  connaissance,  des  substances  suprasensibles  (atindriya).  La  '  voix  ' 
est  le  pouvoir  de  parh  r,  la  '  main  '  est  le  pouvoir  de  prendre,  etc. 

2.  Que  les  serpents  possèdent  main  <l  pied  subtils  (sûksma),  vous  l'affirmoz, 
mais  il  faudrait  le  prouver. 

3.  L'itpustha  est  con«;u  comme  distinct  de  l'organe  mâle  ou  féminin,  qui  est 


lliuan-isang,  iii,  fol.  5  a-6  a.  113 

Si  vous,  considérez  la  main,  le  pied,  etc.  comme  des  indriyas,  vous 
devez  ranger  parmi  les  ikidriyas  la  gorge  (kantha),  les  dents  (clanta), 
les  paupières  (aksivarlmaii),  les  articulations  (aùguliparvan),  dont 
remploL--est  d'avaler  (ahhyavaharana),  de  mâcher  (carvana),  de 
s'ouvry:  e^jde  se  fermer  (unniesanimesa),  de  replier  et  d'étendre  les 
os  (samkocavikâsa)  [5  bj.  De  même  tout  ce  qui  est  cause,  exerçant 
son  action  (purusakâra,  ii.  58)  par  rapport  à  un  effet,  sera  indriya. 
Mais  il  faut  réserver  le  nom  d'iudriya  à  ce  qui  possède  souveraineté 
(âdhipatya). 

Nous  avons  défini  les  organes  de  connaissance  et  les  organes 
sexuels  (i.  9-44)  ;  l'organe  vital  (jlciteïidriya)  sera  expliqué  avec  les 
cittaviprayuktas  (ii.  35)  parmi  lesquels  il  se  range  ;  les  cinq  facultés, 
foi.  force,  etc.,  étant  des  mentaux  (caittas),  seront  expliquées  avec 
les  mentaux  (ii.  24).  Nous  examinerons  ici  les  organes  de  sensation 
(vedctïiendriya)  et  les  facultés  pures  (anâsravendriya)  qui  ne  trou- 
vent pas  place  ailleurs. 

7  a-b.  La  sensation  corporelle  désagréable  est  Vindriya  de  dé- 
plaisir '. 

'  corporelle  ',  c'est-à-dire  '  qui  se  rapporte  aux  corps  '  %  qui  est 
associée  aux  cinq  connaissances  sensibles,  connaissance  visuelle,  etc. 

'  désagréable  ',  asâtâ.  [6  a],  c'est-à-dire  qui  fait  du  mal  (upaghd- 
tikâ). 

La  sensation  en  relation  avec  les  cinq  organes  de  connaissance 
sensible,  et  qui  fait  du  mal,  est  nommée  diilikliendriya. 

une  partie,  un  lieu,  de  l'organe  du  tact  (kâyenilriyaikadesastrlpïirusendriya- 
vyatiriktaka  Ip  ita). 

Le  '  plaisir  '  (ânanda)  est  klista  saukhya. 

1.  [ditJikhendriyam]  asâtâ  yâ  kâyikl  vedanâ 
Comparer  les  définitions  de  Vibhanga,  p.  123. 

2.  Les  corps  sont  l'organe  de  la  vue  et  les  quatre  autres  organes  de  connaissance 
sensible  :  ces  organes,  en  effet,  sont  des  collections  (kâya)  ou  accumulations 
(samcaya)  d'atomes.  —  La  sensation  «jui  se  produit  dans  un  '  coi-ps  ',  ou  qui 
accompagne  un  '  corps  '  sur  lequel  elle  s'appuie,  est  nommée  corporelle.  (Voir 
ii.  25,  sur  la.  praêrabdhi  corporelle.) 

8 


il4  CHAPITRE  IT,  7  l)-8. 

7  b-c.  Agréable,  elle  est  mdrhja  de  plaisir  '. 

'agréable  ',  sCitâ,  c'est-à-dire  {{m  fait  du  bien,  qui  conforte,  bien- 
faisante (unugrdliikâ). 

La  sensation  corporelle  agréable  est  nounnée  sukliendfiya. 

7  c-d.  Dans  le  troisième  âlujàna,  la  sensation  agréable,  mentale, 
est  aussi  indriya  de  plaisir  -. 

La  sensation  mentale  est  la  sensation  associée  à  la  connaissance 
mentale  (nianovijnâna). 

La  sensation  mentale,  agréable,  du  troisième  dliyâna,  reçoit  aussi 
le  nom  de  sukliendriya,  indriya  de  plaisir.  Ce  nom,  partout  ailleurs, 
est  réservé  à  la  sensation  agréable  corporelle  :  mais,  dans  le  troisième 
dhyâiia,  la  sensation  corporelle  fait  défaut  parce  que  les  cinq  con- 
naissances sensibles  y  font  défaut.  Donc,  quand  on  parle  du  siikha, 
ou  plaisir,  du  troisième  dhyâiia,  on  entend  parler  de  la  sensation 
mentale  agréable  (Voir  viii.  9). 

8  a.  Partout  ailleurs,  elle  est  satisfaction  '. 

Partout  ailleurs,  c'est-à-dire  dans  les  étages  inférieurs  au  troisième 
dliyùna,  dans  le  Kâmadlifitu  et  dans  les  deux  premiers  dliijânas, 
la  sensation  agréable  mentale  est  satisfaction  (sauma)iasya)  ou 
indriya  de  satisfaction  (sanmanasyendrlya). 

Au  dessus  du  troisième  dfiyâua,  la  sensation  agréable  mentale 
fait  défaut. 

Dans  le  troisième  dhyâna,  la  sensation  agréable  mentale  est  calme 
et  tranquille  (kscma,  éânfa),  parce  que  l'ascète,  dans  ce  dliyâna,  est 
détaché  de  la  joie  (prliivltarâgatvàt)  :  donc  elle  est  plaisir  (sukha) 
et  non  pas  satisfaction  (saumanasya)  \ 

En  dessous  du  troisième  dhyâna,  la  sensation  agréable  mmilale 

1.  siikhdtn  !  sâlCi  ' 

2.  dhyâue  Irtiye  lu  caltasl  sa  sukhendriifani  II 

3.  (inyalra  sa  saumanasyani. 

4.  L(»  st<khu  est  Jf  scita,  l'aj^^réuble,  ce  ([iii  fait  iln  bien  (sâtati'âtl  hi  snkh(nn, 
ucyate)  ;  la  satisfaction  suppose,  en  outre,  la  joie  (prlti).  —  Ce  problème  est 
repris  viii.  9  b. 


liiuan-tsang,  îii,  l'ol.  6  a-b.  115 

est  grossière  (andârika,  rilksa  ?)  et  agitée,  parce  que,  dans  les  étages 
infériey^s  au  troisième  chlnjâiui,  l'ascète  n'est  pas  détaché  de  la  joie  : 
donc  elle  est  '  satisfaction  '.  —  La  joie  (prlti),  qui  a  pour  caractère 
une  jomise  exaltation  (sampraUarsa),  n'est  pas  distincte  de  la 
satis^tioà. 

8  b-c.  La  sensation  désagréable  mentale  est  dissatisfaction  '. 

La  sensation  associée  à  la  connaissance  mentale  et  qui  fait  du  mal 
est  la  dissatisfaction  (daurmanasya)  ou  Yindriya  de  dissatisfaction. 

8  c-d.  La  sensation  intermédiaire,  corporelle  ou  mentale,  est  in- 
différence, car  il  n'y  a  pas  ici  vikalpana  ^ 

La  sensation  intermédiaire,  qui  ni  ne  fait  du  bien,  ni  ne  fait  du  mal, 
c'est  la  sensation  '  ni-de-déplaisir-ni-de-plaisir  '  (adMhkJiâsukhâj. 

C'est  là  ce  qu'on  nomme  la  sensation  d'indifférence  ou  Yindriya 
d'indifférence  (upeksendriya). 

Cette  sensation  est-elle  corporelle,  est-elle  mentale  ? 

Qu'elle  soit  corporelle  ou  mentale,  la  sensation  intermédiaire  est 
sensation  d'indifférence.  La  sensation  d'indifférence  présente  donc  un 
double  caractère  ;  cependant  elle  ne  constitue  qu'un  indriya,  parce 
qu'il  n'y  a  pas  ici  de  vikalpana. 

1.  Il  n'y  a  pas  vikalpana,  opération  intellectuelle.  —  Corporelle 
ou  mentale,  la  sensation  d'indifférence  est  pareillement  exempte  de 
tout  élément  intellectuel  (vikalpa  =  ahliinirûpanâvikalpa,  i.  33). 

En  règle  générale  ',  la  sensation  mentale,  agréable  ou  désagréable, 
procède  d'un  concept  (vikalpa),  du  concept  '  cher  ',  '  odieux  ',  etc. 
Au  contraire,  la  sensation  corporelle  [6  b]  est  produite  par  l'objet 
extérieur  (visayavascit),  indépendamment  de  l'état  psychologique  : 
les  Arhats  sont  étrangers  aux  sympathies  et  antipathies,  ne  conçoi- 
vent pas  l'idée  de  cher,  l'idée  d'odieux,  et  sont  néanmoins  sujets 
à  la  douleur  et  au  plaisir  physiques. 

1.  asâtâ  caitasl  punah  /  danrmanasyam. 

2.  upeksâ  tu  madhyobliayy  avikalpanât  // 

3.  Il  faut  excepter  la  sensation  agréaljle  mentale  qui  procède  du  recueillement 
(samâdhi)  ou  qui  est  un  fruit  de  rétribution  (vipâkaphala)  (ii.  57). 


il6  CHAPITRE  II,  8  c-9  h. 

Donc  nous  ilovons  distinguer  les  indrifjas  relatifs  aux  sensations 
agréables  et  désagréables  suivant  que  ces  sensations  sont  corporelles 
ou  mentales. 

Mais  la  sensation  d'indiiïérence,  même  mentale,  se  produit  sponta- 
nément (svarasena,  anabliisamskCirena)  ',  tout  conmie  la  sensation 
physique  ;  elle  se  produit  chez  un  Iiomme  qui  ne  se  forme  aucun 
concept  (avikalpaijafas,  aHfihhlniriipaijatas)  :  donc  nous  ne  recon- 
naîtrons qu'un  seul  indriya  poiu-  les  deux  sensations  d'indifférence, 
la  mentale  et  la  corporelle. 

2.  Il  n'y  a  pas  vlkalpaaa,  différence.  —  Suivant  que  les  sensations 
agréables  ou  désagréables  sont  corporelles  ou  mentales,  elles  font  du 
bien  ou  du  mal  d'après  un  mode  d'opération  qui  leur  est  spécial,  elles 
ne  sont  pas  senties  de  la  même  manière.  Pour  la  sensation  d'indiffé- 
rence, elle  ne  fait  ni  du  bien,  ni  du  mal  ;  elle  n'est  pas  différenciée  ; 
mentale  ou  corporelle,  elle  est  sentie  de  la  même  manière. 

9  a-b,  Neuf  indrlija.'^,  dans  les  chemins  de  la  vue,  de  la  méditation 
et  d'Asaiksa,  constituent  trois  indriyas\ 

L'organe  mental,  la  sensation  de  plaisir,  la  sensation  de  satisfac- 
tion, la  sensation  d'indifférence,  la  foi,  la  force,  la  mémoire,  le  recueil- 
lement et  le  discernement  (prajhâ),  chez  le  saint  (jui  est  placé  dans 
le  chemin  de  la  vue  (darsauamârga),  constituent  Y anCijhâtamâ- 
jàns'ijâ.niîudriifa  ;  chez  le  saint  qui  est  placé  dans  le  chemin  de  la 
méditation  des  vérités  (hhâvanâniârga),  Vdjhetidruja  ;  chez  le  saint 
qui  est  placé  dans  le  chemin  d'Asaiksa {-=  Arhat),  Y âjhCdâclndriya  '. 


1,  Elle  est  seiil(Mii('iil  ripâknpliala  et  naisycDUÎikl  (ii.  57  c), 

2,  (IryhhCivauâéniksapd I lie  \)i(iva  hïiiil 

3,  En  fait,  le  groupe  (kolâpa)  qui  coiistihie  les  trois  indriyas  purs  ne  comporte 
(pie  sept  indri/ins,  ciir  Ifs  trois  sensiitions  ne  coexistent  jiunais.  Lorsque  l'iiscète, 
pour  prati(pi(r  le  Clieiiiin,  réside  dans  les  deux  premiers  (Uiydiias,  il  possède  la 
seule  sensation  de  satistaetion  (saioiKtnanijendriifd )  ;  il  possède  la  seule  sensa- 
tion de  plaisir  (sukheudriija)  lorscpi'il  pratiijm  h-  (llnniin  dans  le  troisième 
dliijâna  ;  il  possède  la  seule  sensation  d'indiiïérence  (iipekseiidriya)  lorsqu'il 
praticpio  le  Chemin  dans  les  autres  étages  ((inâfinniiid.  dli/iânântara,  quatrième 
dliyuna,  trois  premiers  âni])yas).  —  Voir  ii.  IG  (-17  b. 


liinan-tsang,  iii,  fol.  6  b-7  a.  117 

Placé  dans  le  chemin  de  la  vue  ',  le  saint  est  occupé  à  connaître 
ce  qu'il  fte  connTiît  pas  ((uiâjnâfam  âjùàhim  pravrtta),  à  savoir  les 
quatre  vérités  :  «  Je  connaîtrai  »,  pense-t-il.  Son  indriya  s'api)elle 
donc  anôjnàtamàjnâsijcimlndriya  -. 

Plac^(kps  le  chemin  de  la  méditation  des  vérités  \  le  saint  n'a 
plus  rien  de  nouveau  à  connaître  ;  il  est  un  savant,  âjùa.  Mais,  pour 
couper  les  passions  (cmusaya)  qui  lui  restent,  il  connaît  à  nouveau 
et  à  plusieurs  reprises  les  vérités  qu'il  connaît  déjà.  Son  indriya 
s'appelle  âjmndrlya,  indriya  du  savant  ou  indriya  savant  (âjnam 
evendriyam  iii  va). 

Placé  dans  le  chemin  d'Asîiiksa  [7  a],  l'ascète  devient  conscient 
qu'il  connaît  :  il  obtient  la  conscience  (âva  =  avagama)  ''  que  les 
vérités  sont  connues  (cljnâtam  iti).  Possédant  le  âjnâfa-âva,  il  est 
âjhâtâvin,  et  son  indriya  s'appelle  ùjhâiâvlndriya.  —  Ou  bien,  est 
âjnCdâviii  le  saint  qui  a  pour  caractère  ou  habitude  (éïla,)  de  con- 
naître (avitiim)  que  la  vérité  est  connue  (ùjMta):  en  effet,  quand  le 
saint  a  obtenu  le  ksayajnâna  et  Vamdpâdajnâna  (vi.  70),  il  con- 
naît en  vérité  :  «  La  douleur  est  connue,  je  n'ai  plus  à  la  connaître  » 
et  le  reste  ^ 

1.  Le  darsanamârga  comprend  les  quinze  premiers  moments  de  la  compré- 
hension des  Vérités  (abliisauiaya),  moments  au  cours  desquels  on  voit  ce  qu'on 
n'avait  pas  vu  auparavant  (vi.  2S  c-d).  —  Il  est  exclusivement  pur,  anâsrava,  vi.  1. 

2.  aluksaniâsah  j  akliyciiapratinlpakas  câyam  ajnâsyâmltisabdah  — 
Dans  l'Abbidliamma,  on  a  afiannataùnassmmtîndriya  (Vibhanga,  p.  124). 

3.  Le  terme  bhâvanâ  a  des  sens  multiples.  —  Dans  l'expression  hhâvanâmaya, 
il  est  synonyme  de  samâdhi,  recueillement.  —  D'autres  acceptions  sont  étudiées 
vii.  27  (comparer  ii.  25,  a).  —  Dans  l'expression  bliavanâmârga,  '  chemin  de 
la  méditation  ',  bhâvanâ  signifie  '  vue  répétée,  méditation'. 

11  y  a  deux  bhâvanâmârgas  : 

a.  Le  bhâvanâniârga  pur  (anâsrava)  ou  supramondain  (loJcotfara),  dont 
il  est  question  ici  :  c'est  la  méditation  dos  Vérités,  le.squelles  ont  été  déjà  vues 
dans  le  darsanamârga.  Ce  chemin  commence  avec  le  seizième  moment  de  la 
compréhension  des  Vérités  (vi.  28  c-d)  et  se  termine  avec  l'acquisition  de  la 
qualité  d'Arhat. 

b.  Le  bliavanâmârga  impur  (sâsrava)  ou  mondain  (laukika);  il  n'a  pas  pour 
objet  les  Vérités  (vi.  49)  ;  il  ébraule  (viskambli)  les  passions  sans  les  déraciner  ; 
il  peut  précéder  et  suivre  le  darsanamârga. 

4.  Dhâtupâtha,  i.  631. 

5.  Il  semble  bien  que  Paramârtha  diffère  de  Hiuan-tsang, 


118  CHAPITRE  II,  9  b-d. 

Nous  avons  expliqué  les  caractères  spécifiques  des  indrujas.  Il  faut 
expliquer  leurs  difTérentes  natures  :  sont-ils  purs  (9  b-d),  de  rétribu- 
tion (10-11  b),  bons  (11  c-d)  ?  à  quelle  sphère  a{)partiennent-ils  (12)  ? 
comment  sont-ils  abandonnés  (13)  ? 

Combien  sont  impurs  (sâsrava)  ?  Condtien  sont  purs  (anâsrava)  ? 

9  b-d.  Trois  sont  immaculés  ;  les  organes  matériels,  l'organe 
vital  et  les  deux  sensations  pénibles  sont  impurs  ;  neuf  sont  des  deux 
sortes  '. 

i.  Les  trois  derniers  indriyas  sont  exclusivement  immaculés  ou 
purs  (amala,  anâsrava).  Tache  (mala)  et  vice  (âsrava)  sont  syno- 
nymes '. 

Les  organes  matériels  (rûpin)  sont  au  nombre  de  sept  :  les  cinq 
organes  de  la  vue,  etc.,  plus  les  deux  organes  sexuels,  car  tous  ces 
sept  organes  sont  inclus  dans  le  rûpaskandlia.  Avec  l'organe  vital, 
la  sensation  de  déplaisir  et  la  sensation  de  dissatisfaction,  en  tout 
dix  indriyas  exclusivement  impurs. 

L'organe  mental  (manas),  la  sensation  de  plaisir,  la  sensation  de 
satisfaction,  la  sensation  d'indifférence,  les  cinq  facultés  morales  (foi, 
force,  etc.)  [7  b],  neuf  indriyas  (pii  peuvent  être  ou  purs  ou  impurs. 

ii.  D'après  d'autres  maîtres  '  (VibliRsâ,  2,  lo),  les  cinq  facultés 
morales  sont  seulement  jiures.  car  Bhagavat  a  dit:  «  Celui  à  qui 
manquent  complètement,  à  (ju('l([ue  degré  ([uc  ce  soit,  tous  ces  cinq 
iïidriyas,  la  foi,  etc.,  je  le  déclare  homme  du  dehors,  appartenant  à 
la  classe  des  Prthagjanas  »  \  Donc  celui  qui  les  possède,  à  quelque 
degré  que  ce  soit,  est  un  Arya  ;  donc  ils  sont  purs. 

Ce  texte  n'est  pas  démonsir a\\ï  (jnâpaka),  car  Bhagavat  parle  ici 

1.  anidlnni  ir(i;i(ini  /  [rûplni  jiviUim  du liklie  .sâsravilni.]  nnva  dvidhâ  fj 

2.  L'éclileur  japonais  cite  à  ce  sujet  l'ouvrage  de  Harivarmnn  (Nanjio  1274). 

3.  \.c  Miilû.sfisakn,  d'apri-s  l'éililenr  jajionais.  Le  Hetuvâilin  el  le  Mahirns5saka 
flans  Kalliâvaltliu,  xix.  8.  —  Comparer  ibid.  iii.  6. 

4.  Srtniynita,  v.  204  :  ynssn  kJio  hhik'klicire  iDinvi ]>niïri)idn'ji<l'ni  snhbena 
sahhum  subbddiCi  sabbam  natthi  Utm  altatii  bnliiro  pu l iinjja napakkhe  thito 
H  vadâmi.  —  Voir  ii.  40  b-c. 


Hiuan-tsang,  iii,  loi.  7  a-7  b.  119 

de  riiomme  auquel  mauquent  les  cinq  facultés  morales  pures  (miâs- 
rava).  En  effetT  dans  le.  texte  qui  précède  la  déclaration  en  cause, 
Bhagavat  définit  les  Àryapudgalas  en  fonction  des  cinq  facultés 
morales  '*-Donc  il  envisage  seulement  les  cinq  facultés  morales  propres 
aux  Â^'a^-  c'est-à-dire  pures.  Celui  à  qui  elles  manquent  est 
évidemment  un  Prthagjana. 

Ou  bien,  si  ce  texte  parle  des  facultés  morales  en  général,  nous 
remarquerons  qu'il  y  a  deux  espèces  de  Prthagjanas  (Vibhâsâ,  2,  ii)  : 
celui  du  dehors  (hâliycika),  celui  du  dedans  (âhliyantaraka)  ;  le 
premier  a  coupé  les  racines-de-bien  (iv.  79),  le  second  ne  les  a  pas 
coupées.  C'est  en  visant  le  premier  que  Bhagavat  dit  :  «  Je  le  déclare 
homme  du  dehors  appartenant  à  la  classe  des  Prthagjanas  »  '. 

En  outre,  d'après  le  Sûtra,  même  avant  la  mise  en  mouvement  de 
la  roue  de  la  Loi  (vi.  54),  il  y  a  dans  le  monde  des  hommes  aux  facul- 
tés aiguës,  moyennes,  molles  '.  Donc  les  facultés  morales,  foi,  etc., 
ne  sont  pas  nécessairement  et  exclusivement  pures. 

Enfin,  Bhagavat  a  dit  :  «  Si  je  ne  connaissais  pas  en  vérité  l'origine, 
la  disparition,  les  avantages  (âsvâda),  les  désavantages  (âdliiava), 
la  sortie  (nihsarana)  des  cinq  facultés,  foi,  force,  etc.,  je  ne  serais 
pas  dégagé  (miikta),  sorti  (nihsrta),  dissocié  (visamyukta),  délivré 
(vipramuMa)  du  monde  où  il  y  a  des  dieux,  des  Mâras  [8  a]  et  des  Brah- 

1.  pancemâni  bhik.sava  indriyâni  /  kataniâni paftca  /  sracldhenclriyam 
yâvat  prajnendriyam  j  esâni  pancânâm  indrinânâm  tlksnatvât  paripûr- 
natvâd  arJiau  bhavati  /  tatas  tanufarair  mrdntarair  anâgûml  bhavati  j 
iatas  tamitarair  iurdutaralh  sahrdâgâmî  I  tatas  tanutarair  mrdutaraih 
srotaâpannah  j  tato  'pi  tanutarair  mrdutarair  dharntâuuscirl  /  tatas 
tanutarair  mrdutaraih  sraddhdnusârl  j  iti  M  bhiksava  indriyapâramitâm 
pratUya  j}1iolapâramitâ  j^rajùâyate  /  phalapdramitâm  pratltya  pudgala- 
pâramitâ  prajnâyate  /  yasyeiiiâni  paùcendriyâni  sarcena  sarvcini  va 
santi  tant  aham  bâtiyam  prthagjanapaksâvasihitam  vadâmi. 

Ce  texte  est  cité  Jaiis  Vijnrinakâya,  xxiii.  9,  fol.  6  a-8  avec  quelques  dévelop- 
pements. 

2.  Comparer  Sumangalavilâsinî,  p.  59,  sur  les  deux  sortes  de  Prlhagjana, 
Vandlia  et  le  kalyâna. 

3.  brahmâvocat  j  santi  bhadanta  sattvd  loke  vrddhâs  tlksnendriyà  api 
madhyendriyâ  api  mrdvindriyâ  api.  —  Comparer  Dlgha,  ii.  3S,  Majjhima, 
i,  169.  —  Le  Kathâvatthu  cite  Dlgha,  ii.  38  (....  tikkhindriye  mudindriye  ....). 


120  CHAPITRE  II,  10  a. 

mas,  de  la  génération  où  il  y  a  brahmanes  et  religieux  ;  je  ne  réside- 
rais pas  avec  une  pensée  exempte  de  méprises....  »  '  —  Or  semblable 
description  ne  s'applique  pas  à  des  dharmafi  purs,  lesquels  sont 
exempts  d'avantages,  de  désavantages,  de  sortie. 

Donc  les  facultés  morales,  foi,  force,  etc.,  peuvent  être  pures  ou 
impures. 

Parmi  les  indriijas,  combien  sont  rétribution  (vipâka,  ii.  57  c-d), 
combien  ne  sont  pas  rétribution  ?  ' 

10  a.  L'organe  vital  est  toujom-s  rétribution  \ 

Le  seul  organe  vital  (ii.  45  a-b)  est  toujours  rétribution. 

i.  Objection.  Les  énergies  vitales  (âyulisamskâra,  voir  ci-dessous, 
p.  122)  qu'un  Bhiksu  Arhat  stabilise  ou  fait  durer  (slhâpayati,  adhi- 
tisthati)  sont  évidemment  l'organe  vital.  L'organe  vital  ainsi  stabi- 
lisé, prolongé,  de  quel  acte  est-il  la  rétril)ution  ?  * 

D'après  le  Miilasâstra  (Jnânaprasthâna,  12,  it)  :  «  Comment  un 
Bhiksu  stabilise-t-il  les  énergies  vitales  ?  —  Un  Arhat  en  possession 
du  pouvoir  surnaturel  (rddliimân  =  prâptàbhijfiah,  vii.  42),  en 
possession  de  la  maîtrise  de  la  pensée  (cetovasifva),  c'est-à-dire 
asamaijavimukta,  (vi.  56.  64),  donne,  soit  au  Sanigha,  soit  à  une 
personne,  des  choses  utiles  à  la  vie  (jivitapariskâra),  vêtements, 
pots,  etc.  ;  après  avoir  donné,  [8  b]  il  applique  sa  pensée  à  la  vie  ^  ;  il 
entre  ensuite  dans  le  ([uaU-mme  dhijâtia  de  la  (\uî\YiU'' 2)râ)itakotika 
(vii.  41)  ;  sortant  de  ce  recueillement,  il  produit  la  pensée,  il  prononce 
la  parole  :  «  Puisse  l'acte  qui  devait  produire  une  rétrii)ution-en-jouis- 
sance  (bhoy a  vipâka)  se  transformer  et  produire  une  rétribution-en- 
vie (?l7/Hr<'/j[)â/i:«^ /"  »  Alors  l'acte  (don  et  recueillement)  qui  devait 

1.  Saniyiikfrio:nnia.  20,  %,       Conipnror  Samyntla,  v.  19-3  ol  sniv.  —  Vibhfisâ,  2,  jo- 

2.  Coiiipaicr  Vii)lianga,  j).  12.")  ;  Vibbâsâ,  111,  <». 

3.  vipnko  jivitam.  —  Sur  la  vie  et  la  mort,  voir  ii.  45. 

4.  yad  arhan  bliiksur  ûynhsnmskârân  stUâpaynti  taj  jivitendriyam  kasya 
vipdkdli. 

f).  tnt  pranidhâjja.  Cnmmoiitairc  :  t(id  ayiih  prnuidhayn  cetasikrtvâ.  — 
Vil.tirisa,  12r),  i. 
6.  yad  dhi  bhogavipâkam  karma  tad  âyurvipâkadâyi  bhavatu, 


Hiuan-tsang,  iii,  fol.  8  a-9  a.  121 

produire  une  rétribution-en-jouissance  produit  une  rétribution-en-vie.» 

D'après  d'auttes  maîtres,  la  vie  prolongée  de  l'Arhat  est  le  fruit  de 
rétribution  d'un  acte  ancien.  D'après  eux,  il  y  a  un  reste  (ucchesa) 
du  fruit -de  rétribution-en-vie  qui  devait  mûrir  dans  une  existence 
antérie^ire^^laquelle  a  été  interrompue  par  la  mort  avant  le  temps 
(ii.  45).  Et  c'est  la  force  du  recueillement  en  quatrième  dhyâna  qui 
attire  (àkarsaka)  ce  reste  et  fait  que  ce  reste  mûrisse  maintenant. 

«  Comment  un  Bhiksu  rejette-t-il  (tyajaU,  utsrjatl)  les  énergies 
vitales?  —  Un  Arhat  en  possession  du  pouvoir  surnaturel...  entre 
dans  le  quatrième  dhi/âHa....  ;  sortant  de  ce  recueillement,  il  produit 
la  pensée,  il  prononce  la  parole  :  «  Puisse  l'acte  qui  devait  produire 
une  rétribution-en-vie  se  transformer  et  produire  une  rétribution-en- 
jouissance  !  »  Alors  l'acte  qui  devait  produire  une  rétribution-en-vie 
produit  une  rétribution-en-jouissance.  » 

Le  Bhadanta  Ghosaka  dit  :  Par  la  force  du  dhycuia  de  qualité 
prântakofika  que  cet  Arhat  a  produit,  sont  attirés  et  introduits  (sam- 
imikhlbhûta)  dans  son  corps  des  grands  éléments  (inahàbhida)  du 
Rûpadhâtu.  Ces  grands  éléments  sont  favorables  [9  a]  ou  contraires 
aux  énergies  vitales  (âyuhsamskâra).  C'est  ainsi  que  l'Arhat  pro- 
longe ou  rejette  la  vie. 

Avec  les  Sautrantikas,  nous  dirons  que  les  Arhats,  grâce  à  la 
maîtrise  en  recueillement  (samâdhicasitva),  font  cesser  (vyâvar- 
tayaide)  la  projection-pour-un-certain-temps-de-durée  (s'hitikâlûve- 
dha)  des  grands  éléments  constitutifs  des  organes,  projection  due  aux 
actes  anciens  ;  inversement,  ils  produisent  une  projection  nouvelle, 
née  du  recueillement.  Donc  l'organe  vital,  dans  le  cas  de  la  vie 
prolongée  de  l'Arhat,  n'est  pas  rétribution.  Dans  les  autres  cas,  il  est 
rétribution. 

ii.  D'une  question  en  naît  une  autre. 

1.  Pour  quelle  raison  l'Arhat  fait-il  durer  les  énergies  vitales  ? 

A  deux  fins,  en  vue  du  bien  d'autrui,  en  vue  de  la  durée  plus  longue 
de  la  Loi  (sâsauaclrasthiti)  '.  Il  voit  que  sa  vie  va  périr  ;  il  voit  que 
les  autres  sont  incapables  d'assurer  ces  deux  fins, 

l.  Vyâkhyâ  :  Le  Bouddha  pour  le  bien  d'autrui,  le  Srâvaka  pour  la  durée  de  la 


12:2  CHAPITRE  II,  10  a. 

2.  Pour  quelle  raison  l'Arhat  rejette-t-il  les  énergies  vitales? 
Pour  deux  raisons  :  il  voit  que  sa  résidence  dans  ce  monde  n'a  que 

pou  (Fntilité  pour  le  bien  d'autrui,  et  il  voit  qu'il  est  lui-même  tour- 
menté par  la  maladie,  etc.  '  Comme  dit  la  stance  : 

La  vie  religieuse  a  été  bien  pratiquée,  le  chemin  bien  cultivé  :  à  la 
fin  de  la  vie,  il  est  heureux  [9  b],  comme  à  la  disparition  de  la  mala- 
die -. 

3.  Qui,  et  dans  quel  lieu,  stabilise  ou  rejette  la  vie  ? 

Dans  trois  dvlpas  (iii.  53),  homme  ou  femme,  l'Arhat  de  la  classe 
asamaifaviniîikfa  qui  possède  le  dhijâna  de  (\\\!à\\{é  prântakoiika 
(vi.  56,  64)  :  en  effet,  il  possède  la  maîtrise  en  recueillement  et  il  est 
exempt  de  passions  \ 

4.  D'après  le  Sûtra.  Bbagavat,  après  avoir  stabilisé  les  samskâras 
de  jivita,  rejeta  les  samskâras  (Wltjus  \ 

On  demande  1"  quelle  difTérence  il  y  a  entre  les  samskâras  de 
jivita  et  les  saniskdras  tïâijus  ;  2"  quel  est  le  sens  du  pluriel  :  '  les 
samskâras  '  ?  ' 

Loi.  —  Voir  Lévi  et  Chavaiuies,  Les  seize  Arluils  protecteurs  de  la  Loi,  J.  As. 
lOKi,  ii,  9  et  suiv. 

1.  rocfâdyabhihhnia ;  il  faut  entendre  roga,  ganda,  éalya,  correspondant  aux 
trois  doulours,  vi.  .3. 

2.  bralnnacaryam  sucan'taw  inarçids  capi  subhâvitah  / 
ùyuhksaye  tusto  bhoti  rogusyCipagame  yatJiâ  // 

.3.  Littéralement  :  «  sa  série  n'est  pas  élayée  par  les  passions  (kleéair  anu- 

pnsfftbdiiâ  samtatih)  »  ;  Ce  sont  les  klesas  qui  supportent  et  font  durer  la  série. 

—  L'Arliat  snmnynviiintkta  est  libre  de  passions,  mais  n'a  pas  la  maîtrise  en 

recuf'illcmenl  ;  le  drstiprapta  possède  celle  maîtrise,  mais  n'est   pas    libre    de 

passions,  (vi  56). 

4.  jîcitasnniskârân  adhisihâya  âynhsatvskârân  utsrstavân. 

Comparer  Divyâvadâna,  203  :  athn  BhiKjavâms  tadrûpnm  Sfi)nûdliim  snmâ- 
pruDU)  ynfhn  sfunâhite  rifte  jirif(is(tniskdrdn  ndhis!h(l;ia  âynhsamskdrdn 
titsrnslii)}!  (ifdhdlidh.  —  (Jn  a  le  singulier  dans  Maliâvaslu,  i.  12.5,  i<j. 

Dîglia,  ii.  \)'.)  :  yan  nnridhntn  imam  âhddham  viriyena  pafippnndmetvd 
jiiitasamkhdrani  ndlii'fhayn  viharcyyam  ; 'n.  lOG  ...  dynsamkhdram,  nssaji. 
(Comparer  Samyulla.  v.  l."»2,  Angultara,  iv.  311,  l'dâna,  vi.  1).  —  Burnouf,  Lotus, 
201. 

5.  Le  l'ali  a  le  pluriel  dans  d'autres  ronlextes,  ^L'vjjhima,  i.  21)5  faÙjTe  âi/J<sam- 
khârâ  cinne  vedaniyâ  dhammâ),  Jalaka,  iv.  215  (âyusdmkhârd  khiyanti). 


Hiuan-tsang,  iii,  fol.  9  a-10  a.  123 

Pour  le  premier  point  :  ' 

a.  D'^rès  ceftains  mavtres,  il  n'y  a  pas  de  différence.  En  effet,  le 
Mûlasâstra  (Jnanaprasthâna,  14,  i9,  Prakaranapâda,  fol.  14  b  6)  dit  : 
«  Qu'est-ce  que  l'organe  vital  (jlvitcndriija)  ?  —  C'est  Xâyus,  dans 
les  ivo'\^djjiJâ.tus  ». 

b.  D'après  d'autres  maîtres  -,  l'expression  ât/iih-samskâras  désigne 
la  vie  qui  est  le  fruit  des  actions  d'une  vie  antérieure  ;  l'expression 
jivita-samskâras  désigne  la  vie  qui  est  le  fruit  des  actions  de  cette 
vie  (don  au  Sanigha,  etc.,  p.  120). 

c.  D'après  d'autres  maîtres  ^,  ce  par  quoi  dure  l'existence  (nikâya- 
sahhâgasthiti),  c'est  les  ùyiih-samskâras  ;  ce  par  quoi  la  vie  est 
prolongée  pour  un  peu  de  temps,  c'est  les  jîvita-smnskâras. 

Pour  le  second  point  : 

a.  Le  Sûtra  emploie  le  pluriel  parce  que  le  saint  stabilise  ou  rejette 
beaucoup  de  samskâras.  Aucun  avantage,  en  effet,  à  stabiliser  un 
moment,  à  rejeter  un  moment  :  c'est  seulement  au  moyen  d'une  série 
de  moments  que  le  saint  peut  procurer  le  bien  d'autrui  ;  d'autre  part, 
un  moment  ne  peut  être  cause  de  souffrance. 

b.  D'après  une  autre  opinion,  le  pluriel  condamne  la  doctrine 
d'après  laquelle  le  jivita,  Yâyus,  est  une  entité  (clravya)  susceptible 
de  durée  (kâlântarasthâvara)  '\ 

c.  D'après  une  autre  opinion  %  le  pluriel  condamne  la  doctrine  des 
Sarvâstivâdins  qui  voient  dans  le  jivita,  dans  Yâyus,  une  entité,  un 
dharma.  Les  termes  jivita,  âyus,  désignent  un  nombre  de  sams- 
kâras existant  simultanément  et  appartenant  à  quatre  ou  à  cinq 
skandhas  d'après  la  sphère  d'existence  (dhâtii)  [10  a].  S'il  en  était 
autrement,  le  Sûtra  n'emploierait  pas  l'expression  «  les  jlvitasams- 
kâras  »  ;  il  dirait  :  «  Bhagavat  stabilisa  des  jîvitas,  rejeta  des  âytis  ». 

5.  Pourquoi  Bhagavat  rejette-t-il,  stabilise-t-il  ? 


1.  Vibhasâ,  126,  2,  énunière  quatorze  opinions  sur  ce  point. 

2.  Onzième  opinion  dans  la  Yibhâsâ. 

3.  Sixième  opinion  dans  la  Vibhâsâ. 

4.  Doctrine  des  SâmmitTyas,  d'après  l'éditeur  japonais. 

5.  Opinion  des  SautrSntikas. 


12  i  CHAPITRE  II,  10  a-c. 

Afin  (1(^  nioiitivr  qu'il  possède  la  maîtrise  sur  In  mort  (maranava- 
sitva),  il  rejette  ;  alin  de  montrer  i\\\\\  possède  la  maîtrise  sur  la  vie, 
il  stabilise.  —  Il  stabilise  pour  une  durée  de  trois  mois  (traimâsi/a), 
ni  plus,  ni  moins  ;  car,  passés  trois  mois,  il  n'a  plus  rien  à  faire 
l)our  les  fidèles  (vineyakdrija),  et  sa  tâche  (buddhakârya)  est  bien 
achevée  (suhliadrâvasâna)  ;  car,  en  deçà  de  trois  mois,  il  laisserait 
son  service  inachevé  '. 

Ou  bien  -,  afin  de  réaliser  son  affirmation  (pralijnfdasampâda- 
nârtham)  :  «  Tout  Bhiksu  qui  a  bien  cultivé  les  quatre  fondements 
du  pouvoir  miracideux  (rddiupâda,  vi.  69  b),  s'il  le  désire,  durera 
un  k(dpa  ou  plus  d'un  kalpa  »  ^ 

Les  Vaibhâsikas  '  disent  :  Bhagavat  rejette  et  stabilise  afin  de 
montrer  qu'il  triomphe  du  Mura  cpie  sont  les  skandhaa  et  du  Mara 
qui  est  la  mort.  Sous  l'arbre  de  la  Bodiii,  il  a  déjà  triomphé,  dans 
la  première  veille,  du  Mâra  qui  est  un  démon,  et,  dans  la  troisième 
veille,  du  Mâra  que  sont  les  passions  (Ekottarikâ,  39,  i)  \ 

10  a-b.  Douze  sont  d(>  deux  sortes. 

Oucls  douze  ? 

10  b-c.  A  l'exclusion  des  huit  derniers  et  de  la  dissatisfaction  ^ 

1.  D'api'î-.s  l'édilour  ja|ioniiis,  ceci  est  l'opinion  «îe  l'auleor. 

2.  Vibhrisû,  li2(),  (j,  la  ciiujuième  dos  six  opinions. 

3.  kalpant  va  ....  kalpâiutsesam  va.  —  C'est-ù-dire.  d'après  lu  version  très 
nette  de  Paraniûrtlia,  '  un  kftlpa  on  an  delà  d'nn  kdlpa'.  On  traduit  d'habitude  : 
'  un  kftlpa  ou  le  reste  du  kalpa  '  (Windiscli,  Rliys  Davids,  0.  Franke).  —  Dîglia, 
ii.  KA  ll'j,  iii.  77  ;  Divya,  i'OI.  -  Kaltiâvatllui.  xi.  .''». 

4.  Ils  adoptent  la  sixième  opinion  de  la  Vibluisâ. 

5.  devaputraniâra,  kle.samâra,  viaranamdra,  skandhaniâra.  Dliarmasain- 
graha,  Ixxx;  Mahâvashi,  iii.  i273,  281  ;  Sik-sâsanuiccaya,  lîKS,  lo;  Madhyaniakavrtti, 
40  n.  4,  xxii.  10:  Bodhicaryâvatâra,  ix.  -Ht  (Bbagavat  esljiiin  parce  qu'il  a  vaincu 
les  ijnatre  Mriras)  ;  Yu  kia  clie  ti  louen,  xxix,  traduit  par  S.  Lévi,  Seize  Arliats, 
p.  7  (.1.  As.  l'.MC),  ii.  I.  Dans  l'iconograpliie  (Fonclicr,  Ecole  des  Hautes  Etudes, 
XllI.  ii.  !!•),  le  Honddba  est  flanqué  de  quatre' Ma  ras,  bleu,  jaune,  rouge  et  vert.  — 
La  liste  des  <pialn'  Mâras  dans  les  lexicpies,  Zacbariae,  (Jel.  Tiolt.  An/.  1888, 
p.  8.>3.  —  Voir  aussi  les  listes  de  (^hilders  (cinq  Mâras  en  ajoutant  Y ahhisams- 
kâramâraj.  Le  Nr'lli|)pakanina  distingue  kilcsaniâra  o\  satta)nâra  (:=z  clcvU' 
jnifra). 

(■»,  (Ivcdhâ  dvâdaéa  'ntyâstakâd  rte  /  daurmanasyâc  ca 


ïtiuan-tsayig,  iii,  fol.  10  a-b.  125 

A  l'exclusion  de  l'organe  vital,  qui  est  toujours  rétribution,  et  des 
neuf  qui*  viennent  d'être  indiqués  (10  b-c)  et  qui  ne  sont  jamais  rétri- 
bution, les  douze  restant  sont  de  deux  sortes,  quelquefois  rétribution, 
quelquefois  non-rétribution.  Il  s'agit  des  organes  matériels,  de  l'organe 
mGnlalJ^niéria-mdriija)  et  des  quatre  sensations,  la  sensation  de 
dissatisfaction  étant  exclue. 

1.  Les  sept  organes  matériels  (organe  de  la  vue  ...  organe  mâle) 
ne  sont  pas  rétribution,  pour  autant  qu'ils  sont  d'accroissement 
(aupacayika,  i.  37).  Dans  les  autres  cas,  ils  sont  rétribution  [10  bj. 

2.  L'organe  mental  et  quatre  organes  de  sensation  ne  sont  pas 
rétribution  (1)  lorsqu'ils  sont  bons  (kiisala)  ou  souillés  (klista),  car 
ce  qui  est  rétribution  est  non-délini  (avyâkrta,  ii.  57)  ;  (2)  lorsque, 
même  étant  non-définis,  ils  sont,  suivant  leur  espèce  ',  ou  airi/ûpa- 
thika,  ou  àailpasihânika,  ou  nairmânika  (ii.  72).  Dans  les  autres 
cas,  ils  sont  rétribution. 

3.  Les  huit  derniers,  la  foi,  etc.,  V amlj)mlaniâj ùâsijûmludrlya, 
etc.,  sont  bons  et  par  conséquent  ne  sont  pas  rétribution. 

4.  Mais,  dirons-nous,  comment  peut-on  affirmer  que  la  dissatisfac- 
tion (daurmanasija)  n'est  jamais  rétribution  ?  En  effet,  le  Siitra  dit  : 
«  Il  y  a  un  acte  rétribuable  en  sensation  de  satisfaction,  il  y  a  un 
acte  rétribuable  en  sensation  de  dissatisfaction,  il  y  a  un  acte  rétri- 
buable en  sensation  d'indifférence  (saunianasya",  dmirmanasya'^, 
npcksûvcdanlija)  »  \ 

D'après  le  Yaibhâsika,  l'expression  danmanasyavedanlya  doit 
s'entendre,  non  pas  :  '  acte  qui  doit  être  éprouvé,  rétribué  en  sensa- 
tion de  dissatisfaction  ',  mais  bien  :  '  acte  auquel  est  associée  une 
sensation  de  dissatisfaction  '.  En  effet,  le  Sotra  dit  du  contact  (spcirsa) 
qu'il  est  sukhavedanlya  :  or  le  plaisir  (siiklia)  n'est  pas  la  rétribu- 
tion du  contact  '.  De  toute  évidence,  le  contact  siikliavedanlya  est 


1.  La  sensation  de  déplaisir  (dnhkhendriya)  n'est  jamais  airyâpathika,  etc. 

2.  Ekoltarâgama,  12,  9.  —  Le  Tipitaka  connaît  le  suklmvedanlija  karman, 
'  qui  est  rétribué  en  plaisir  '  (Anguttara  iv.  3S2,  etc.)  (voir  iv.  45)  ;  le  sukhaveda- 
nlya, le  daurnianasyavedanïya  sparsa  (Samyutta,  v.  211,  etc.).  —  Voir  iv.  57  d. 

3.  D'après  l'étymologie  de  l'auteur,  saumauasyavedanlya  karman  signifie 


126  CHAPITRE  II,   10  b-C. 

le  contact  au([uel  est  associée  une  sensation  de  plaisir.  Donc  l'acte 
daurmanasi/civedayiîya  est  l'acte  auquel  est  associée  une  sensation 
de  dissatisfaction. 

Nous  répondrons  :  Vous  devez  expliquer  les  expressions  sauma- 
iiasyavedanlija  et  upeksâvedanlya  connne  vous  ex[)liquez  l'expres- 
sion daurmanasijavedan'uja,  puiscpie  les  trois  expressions  figurent 
dans  la  même  énuniération  du  Sûtra.  Il  s'ensuivra  que  l'acte  sanma- 
nasyavcdanlya  est  un  acte  *  autpiel  est  associée  la  sensation  de 
satisfaction  ',  non  j)as  un  acte  '  rétribuahle  en  satisfaction  '  ;  que, 
par  conséquent,  la  sensation  de  satisfaction  n'est  pas  rétribution. 

Le  Vaibliâsika.  —  Je  ne  vois  pas  d'inconvénient  à  ce  qu'on  expli- 
qu(;  l'expression  saumanasyavedanlya,  soit  '  rétribuable  en  satis- 
faction ',  soit  '  auquel  est  associée  la  satisfaction  '.  Mais  la  seconde 
explication  de  vedanlya  est  seule  valable  pour  l'expression  daiirma- 
nasyavedaniya.  11  s'agit  d'ini  acte  auquel  est  associée  la  dissatis- 
faction. 

Nous  répondons  :  On  pourrait  admettre  votre  interprétation  du 
Sûtra  s'il  n'y  avait  pas  d'autre  issue,  c'est-à-dire,  s'il  était  établi 
rationnellement  que  la  dissatisfaction  n'est  pas  rétribution  '. 

Le  Vaibliâsika.  - —  La  dissatisfaction  est  produite  par  l'imagination 
(parikcdpa)  :  (juand  on  pense  à  ce  qu'on  redoute  ;  elle  s'apaise  de 
même  :  quand  on  pense  à  ce  qu'on  souhaite.  Or  il  n'en  va  pas  ainsi 
de  ce  qui  est  rétribution. 

Mais,  dirons-nous,  il  eu  va  ainsi  de  la  satisfaction  (jui,  par  consé- 
quent, ne  sera  pas  rétribution. 

Le  Vaibliâsika,  —  Si,  comme  vous  le  soutenez,  la  dissatisfaction 
est  rétribution,  quarid  un  bonnne  a  commis  un  péché  mortel  {dnan- 
tarya)et  éprouve,  à  ce  sujet,  (hssatisfaction  —  dans  l'espèce,  remords 
(kaukrtya,  ii.  2!l  d)  [Il    n  |     on  pourra  dire  cpie  le  péché  donne 

'  acte  conipoiiunt  .salisfucliini  à  l'proiivtT  à  lilrc  de.  rrliilmlioii  '  (saumanasyam 
vipâkatvena  vedanlijam  usya).  D'aprt-s  le  Vuibliûsiku,  '  acte  dans  lequel  la 
satisfaction  doit  être  éprouvée  '  (saumanasyam  vedaaiyam  asmin)  :  c'est  la 
samprayfKifiredat\lyatâ.  (iv.  49). 

1.  sampidijone  '/■"  ««  (loso  vipâkejn  jj  acjatyâpy  etad  ecani  fjainyeta  j  kâ 
punar  atra  yitktir  daurmanasyam  na  vipâkafi  / 


Hiiian-tsang,  iii,  fol.  10  b-li  a.  127 

déjà,  séance  tenante,  un  fruit  niùr,  —  ce  qui  est  inadmissible  (ii.  56  a). 

Mais  ^ous  admettez  ciue  la  satisfaction  est  rétribution,  cl  nous 
raisonnerons  comme  vous  venez  de  faire  :  lorsqu'un  honnne  a  accom- 
pli un  acte  méritoire  et  en  éprouve  satisfaction,  c'est  donc  que  cet 
acte  donne  Séance  tenante  un  fruit  de  rétribulion. 

Le  Yaibbasika.  —  Les  hommes  détachés  du  désir  (vltaraga)  ne 
possèdent  pas  Vindriija  de  dissatisfaction  '  ;  or,  ils  possèdent  les 
indriyas  qui  sont  rétribution,  l'organe  de  la  vue,  etc.  ;  donc  Yindriya 
de  dissatisfaction  n'est  pas  rétribution. 

Mais,  dirons-nous,  comment  des  hommes  détachés  pourraient-ils 
posséder  une  satisfaction  qui  serait  rétribution  de  sa  nature  ?  Sans 
doute,  ils  possèdent  une  satisfaction  qui  naît  du  recueillement  :  mais 
cette  satisfaction  est  bonne,  et  n'est  donc  pas  rétribution.  Ils  nen 
possèdent  pas  d'autre  '. 

Le  fait  est  que  les  hommes  détachés  possèdent  Y indriya  de  salis- 
faction,  quelle  que  puisse  être  la  nature  de  cet  indriya,  qu'il  soit  ou 
non  rétribution  '  ;  tandis  que  la  dissatisfaction  ne  se  produit  jamais 
chez  eux.  Donc,  conclut  le  Vaibhâsika,  Yindriya  de  dissatisfaction 
n'est  pas  rétribution. 

5.  Huit  indriyas,  les  cinq  organes  de  connaissance  sensible, 
l'organe  vital,  les  organes  sexuels,  sont,  dans  une  bonne  destinée 
(siKjati),  la  rétribution  d'un  acte  bon  ;  dans  une  mauvaise  destinée 
(durgaii),  la  rétribution  d'un  acte  mauvais. 

L'organe  mental,  dans  la  bonne  destinée  comme  dans  la  mauvaise, 
est  rétribution  d'acte  bon  et  d'acte  mauvais. 

Les  sensations  de  plaisir,  de  satisfaction  et  d'indifférence  sont  la 
rétribution  d'un  acte  bon. 

La  sensation  de  déplaisir  est  la  rétribution  d'un  acte  mauvais  \ 

1.  D'après  le  Sûtra,  les  '  non-détacliés  '  ont  deux  épines,  la  souflVaiice  physique 
(kâyika  duhkha),  la  souffrance  morale  (caitasika  claurinanasya);  h-^  'détachés' 
sont  exempts  de  la  souffi-ance  morale. 

2.  Donc  les  hommes  détachés  ne  possèdent  pas  tous  les  indriyas  qui  sont 
rétribution. 

3.  yâdrsam  tàdréani  asUi  iti  j  ai)uricc]iidya})iànam  api  tad  asty  eceti 
darsayati  j  tasyâsU  vipâkâvakàso  na  dauDuanasyasya. 

4.  Omis  par  Hiuan-tsang. 


1:28  CHAPITRE  u,  10  c-12. 

Les  organes  matériels,  dans  une  bonne  destinée,  sont,  disons-nous, 
la  rétribution  d'un  acte  bon.  Chez  l'androgyne,  dans  une  bonne  des- 
tinée, l'un  et  l'autre  organe  sont  la  rétribution  d'un  acte  bon,  mais  la 
qualité  d'androgyne  est  obtenue  par  un  acte  mauvais  '  [11  bj. 

Parmi  les  vingt-deux  indriijas,  combien  sont  '  comportant  rétri- 
bution '  (savipâka)  ?  Combien  sont  '  sans  rétribution  '  (avipâka)  ? 

10  c- 11  a.  Seule  la  dissatisfaction  (daurmanasija)  comporte 
toujours  rétribution  ;  dix.  à  savoir  l'organe  mental,  les  quatre  sensa- 
tions (à  l'exception  de  la  dissatisfaction),  la  foi  et  son  groupe,  ou 
bien  comportent  rétribution,  ou  bien  sont  sans  rétribution  -. 

1.  La  dissatisfaction  comporte  toujours  rétribution,  car,  d'une  part, 
elle  n'est  jamais  noa-défmie  (avyâkrta),  étant  le  résultat  d'un  concept 
(vikalpaviéesa  :  idée  de  cher,  d'odieux,  etc.)  (ii.  8  c)  ;  et,  d'autre 
part,  elle  n'est  jamais  pure  (anâsrava),  ne  se  produisant  jamais  dans 
l'état  de  recueillement. 

2.  Les  huit  premiers  indrlyas  (organe  de  la  vue,  etc.  ;  organe  vital, 
organes  sexuels)  n'ont  jamais  de  rétribution,  parce  qu'ils  sont 
non-définis  ;  les  trois  derniers  (anâjnâtamâjnâsyâmlndriya,  etc.) 
n'oiit  jamais  de  rétribution,  parce  qu'ils  sont  purs  (anâsrava)  (iv.  60). 

3.  Quant  aux  dix  indrlyas  restant  [12  a]  : 

L'organe  mental,  les  sensations  de  plaisir,  de  satisfaction  et 
d'indifférence,  comportent  rétribution  lors(|u'ils  sont  mauvais  (aku- 
sala)  ow  bons-et-impurs  (kumlasâsrava)  ;  ils  sont  sans  rétribution 
lorsqu'ils  sont  non-définis  ou  purs. 

La  sensation  de  déj)lai.sir  (diihkha)  comporte  rétribution  lorsqu'elle 

1.  Lu  qualité  d'unJrogyne,  c'est-à-dire  la  possession  (pratilaviblia)  des  deux 
organes,  est  un  dharum  dissocié  de  la  pensée  (viprayiikta),  ii.  3."). 

2.  tat  tv  ekam  savipâkam  dasa  dvidhâ  Ij  nianon iiav illisraddhâdi 

C'est  dire  iniplieilenient  que  les  huit  premiers  indn'yas,  ainsi  que  les  trois 
derniers,  sont  toujours  sans  rétribution.  Hiuan-tsung  complète  la  kârikâ  pour 
fixer  ce  point  explicitement. 

La  kârikâ  porttj  tat  te  cham  saripâkam  :  tu  dans  le  sens  de  eva,  et  hors  de 
place;  le  sens  exige  :  <a(/ eAam  6af/pâ/i;« m  et'tt  =  la  dissatisfaction  seule  est 
exclusivement  '  avec  rétribution.  ' 


Hiuan-tsang,  iii,  fol.  11  a-12  b.  129 

est  bonne  ou  mauvaise  ;  elle  est  sans  rétribution  lorsqu'elle  est  non- 
définie.  •  • 

La  foi  et  les  autres  facultés  morales  comportent  ou  ne  comportent 
pas  de  rétribution  suivant  qu'elles  sont  impures  ou  pures. 

Papcïi«4«s  vingt-deux  indriyas,  combien  sont  bons,  mauvais,  non- 
définis  ? 

1 1  c-d.  Huit  sont  bons  ;  la  dissatisfaction  est  de  deux  sortes  î 
l'organe  mental  et  les  sensations,  à  l'exception  de  la  dissatisfaction, 
sont  de  trois  sortes  ;  les  autres,  d'une  sorte  '. 

Huit,  la  foi,  etc.,  VcuuijnâtamâJHcisi/âml,  etc.,  sont  seulement 
bons. 

La  dissatisfaction  est  bonne  ou  mauvaise  (ii.  28). 

L'organe  mental  et  quatre  sensations  sont  bons,  mauvais,  non- 
définis. 

L'organe  de  la  vue,  etc.,  l'organe  vital,  les  organes  sexuels  sont 
non-définis. 

Parmi  les  vingt-deux  indriyas,  combien  appartiennent  à  chacune 
des  trois  sphères  d'existence  (dhdtu)  ?  [12  b] 

12.  Dans  le  Kâmadhâlu  manquent  les  indriyas  purs;  dans  le 
Rûpadhatu  manquent  en  outre  les  organes  sexuels  et  les  deux  sensa- 
tions désagréables  ;  dans  l'Àrûpyadhatu  manquent  en  outre  tous  les 
organes  matériels  et  les  deux  sensations  agréables  K 

1.  Sont  du  domaine  du  Kamadhâtu  (kâmâpta)  tous  les  indriyas 
à  l'exception  des  trois   derniers,  les  indriyas  immaculés  (anialaj, 

1.  kusaîam  a^takam  dvidhâ  /  daurmanasyam  mano  'mjâ  ca  vittis 
traidhânyad  ekadhâ  // 

Hiuan-tsang-  :  Les  huit  derniers  sont  seulement  bons  ;  la  dissatisfaction  est 
bonne  ou  mauvaise;  l'esprit  et  les  autres  sensations  sont  des  trois  sortes;  les  huit 
premiers  sont  seulement  non-définis. 

Comparer  Vibhanga.  p.  125. 

iJ.  kânuiptaui  amalam  Jiitvâ  rnpâptam  strïpumindrijje  / 
duhkhe  ca  hitvârûpyâptam  suklie  câpohya  rûpi  ca  // 

9 


130  CHAPITRE  II,   12-14. 

c'est-à-dire  purs  (anCisyava)  :  ceux-ci  sont  sans  connexion  avec  les 
sphères  d'existence,  sont  transcendants  aux  sphères  d'existence 
(apratisamyiikta  =  adhâtiipatita).  Donc  dix-neuf  indriyas,  à  l'ex- 
chision  des  trois  derniers,  sont  du  domaine  du  Kamadhatu. 

2.  Quant  au  Rûpadhâtu,  exclure  en  outre  les  deux  organes  sexuels 
et  les  deux  sensations  désagréables,  sensation  de  déplaisir  (duhkha) 
et  de  dissatisfaction  (daurmanasija)  :  restent  quinze  indriyas  qui 
sont  communs  aux  deux  premières  sphères  d'existence  (viii.  12  a-b). 

(a)  Les  organes  sexuels  manquent  dans  le  Rûpadhâtu  (1)  parce  que 
les  êtres  qui  naissent  dans  cette  sphère  ont  al)andonné  le  désir  de 
l'union  sexuelle,  (2)  parce  que  ces  organes  enlaidissent  (i.  30  b-d). 

Cependant  le  Sûtra  dit  :  «  Qu'un  être  féminin  soit  Brahmâ,  cela 
n'arrive  pas,  cela  est  impossible.  Qu'un  être  mâle  soit  Bralinul,  cela 
arrive,  cela  est  possible  »  '.  Il  semble  que  ce  Sûtra  fasse  difficulté. 

Non.  Les  êtres  du  Rûpadhâtu  sont  mâles  sans  posséder  l'organe 
masculin.  Ils  possèdent  cette  autre  masculinité  (purusabhâva)  qu'on 
voit  chez  les  mâles  du  Kâmadhâtu,  forme  du  corps,  son  de  la  voix, 
etc.  (ii.  2  c-d). 

(b)  La  sensation  de  déplaisir  (duJikha,  souffrance  physique)  man- 
que dans  le  Rûpadhâtu  :  (1)  en  raison  de  la  '  fluidité  '  (accha  = 
bliâsvara)  du  corps,  d'où  absence  du  déplaisir  produit  par  heurt 
(ahJu'fjJtâtaja)  ;  (2)  en  raison  de  l'absence  d'actions  mauvaises  à 
rétribuer,  d'où  absence  du  déplaisir  '  né  de  rétribution  '  {vipûkaja). 

(c)  La  sensation  de  dissatisfaction  manque  :  (1)  parce  que  les  êtres 
du  Rûpadhâtu  ont  l'âme  pénétrée  de  calme  (éanicdhasiilgdhasamiâ- 
na),  (2)  parce  que  toute  cause  d'irritation  (âghâtavadu)  {ait  défaut'. 

3.  Quant  à  l'Arûpyadhatu,  exclure  en  outre  les  cinq  organes  maté- 
riels (œil,  etc.)  (viii.  3  c),  les  sensations  de  plaisir  et  de  satisfaction. 
Restent  l'organe  mental,  l'organe  vital,  la  sensation  d'indifférence, 
la  foi  et  son  groupe  (i.  31). 


1.  Voir  lu  lUliiiilioii  des  Tatlifiualalialas  dans  ViMiaiiya,  ji.  îi-'iO  :  ullhânaui 
étant  anaoakâso  yain  itthi  sakkftlfcnn  hdreijija  mâraUani  kâreyya  brahmat- 
tant  kâreyya  n'etam  thcDiam  vijjati  .... 

2.  Dïgha,  iii.  262,  Anguttara,  iv.  408,  v.  150. 


Hiuan-tsany,  iii,  fol.  12  b-13  b.  131 

Parmi  les  vingt-deux  imiriyas,  combien  sont  abandonnés  par  la 
vue  des^Vérités  ?  Combien  par  la  méditation  ?  Combien  ne  sont  pas 
objet  d'abandon  ? 

13.  L'organe  mental  (manas)  et  trois  sensations  appartiennent 
aux  trïïiS' catégories  ;  la  dissatisfaction  est  abandonnée  par  la  vue  et 
la  méditation  ;  neuf  sont  abandonnés  par  la  méditation  seulement  ; 
cinq,  ou  bien  sont  abandonnés  par  la  méditation,  ou  bien  ne  sont  pas 
objet  d'abandon  ;  trois  ne  sont  pas  objet  d'abandon  '. 

1.  L'organe  mental,  les  sensations  de  plaisir,  de  satisfaction  et 
d'indiiïérence,  sont  des  trois  sortes. 

2.  La  dissatisfaction  est  abandonnée  par  la  vue  et  par  la  médita- 
tion, car,  n'étant  jamais  pure  (anâsrava),  elle  est  toujours  objet 
d'abandon. 

3.  Neuf  indriijas,  à  savoir  les  cinq  organes  des  sens  et  les  deux 
organes  sexuels,  l'organe  vital,  la  sensation  de  déplaisir,  sont  seule- 
ment de  la  classe  '  abandonné  par  la  méditation  ',  car  (1)  les  huit 
premiers  ne  sont  pas  souillés  (klista)  ;  (2)  le  neuvième  ne  naît  pas  de 
l'esprit  (asasthaja,  i.  40)  ;  (3)  tous  sont  toujours  impurs. 

4.  Les  cinq  indriijas  dont  le  premier  est  la  foi,  (1)  ne  sont  pas 
souillés,  donc  ils  ne  sont  pas  abandonnés  par  la  vue  ;  (2)  peuvent 
être  purs,  donc  peuvent  être  '  non  objet  d'abandon  '. 

5.  Les  trois  derniers  (ariâjnâtamàjnâsyâmi,  etc.)  [13  b]  sont 
'  non  objet  d'abandon  ',  (1)  parce  qu'ils  sont  purs,  (2)  parce  que  des 
dharmas  sans  défauts  (âdinava,  apaksala?)  ne  sont  pas  à  rejeter. 

Combien  d'indriyas,  rétribution  de  leur  nature,  possèdent  à  l'ori- 
gine les  êtres  des  diverses  sphères  d'existence  ? 

14.  Dans  les  kânias,  les  êtres  possèdent  à  l'origine  deux  indriijas 
qui  sont  rétribution,  exception  faite  des  êtres  apparitionnels  :  ceux-ci 


1.  [mano]  vittitrayam  [traidliâ]  dviheyâ  durmanasTcatâ  I 
[nava  bhâvanayû  paùca  na  heyâny  api  na  trayam]  // 
Comparer  i.  40  ;  V^ibhanga,  p.  133. 


13â  CHAPITRE  II,  14-16  b. 

possèdent  six,  sept  ou  huit  indriijas  :  dans  les  rûpas,  six  ;  an-des- 


sus, un  '. 


Le  Kâniadhrihi  est  nommé  '  les  kdmas  ',  à  cause  du  rôle  capital 
(pradhdiiatva)  qui  appartient  dans  cette  sphère  aux  hâmagunas  ou 
objets  de  jouissance  (i.  22  b-d,  p.  43).  Le  Rûpadhatu  est  nommé  '  les 
rûpas  ',  en  raison  du  rôle  capital  des  rfipas  -.  Le  Sûtra  emploie  cette 
manière  de  dire  :  «  Ces  calmes  délivrances,  au-delà  des  rûpas...  »  ^ 

1.  Dans  le  Kâmadhatu,  les  êtresqui  naissent  de  la  matrice,  de  l'œuf 
et  de  la  sueiu"  (iii.  8)  possèdent  dès  leur  origine,  dès  la  conception, 
deux  iudriyas  qui  sont  rétribution,  à  savoir  l'organe  du  tact  (kâi/en- 
driija)  et  l'organe  vital  (jtvltendriija).  C'est  progressivement  que  les 
autres  indriijas  apparaissent  chez  eux. 

Pourquoi  ne  pas  compter  l'organe  mental  (mauas)  et  la  sensation 
d'indifférence  (iii.  42;  ? 

Parce  que,  à  la  conception,  Itm  et  l'autre  sont  toujours  souillés  ; 
donc  ils  ne  sont  pas  rétribution  (iii.  38). 

2.  Les  êtres  apparitionnels  (iii.  9)  possèdent  six,  sept  ou  huit  i}i- 
driyas.  Lisexués,  à  savoir  les  êtres  du  commencement  de  l'âge  cosmi- 
que (iii.  98),  six  :  les  cinq  organes  de  connaissance  sensible,  plus 
l'organe  vital  ;  sexués,  sept  ;  bissuexés,  huit. 

Mais  un  être  apparitionnel  peut-il  être  bissexué  ? 
Oui,  dans  les  mauvaises  destinées.  [14  a] 

3.  Dans  le  Rfq)adhritu,  les  êtres,  dès  leur  origine,  possèdent  six 
indriijas  qui  sont  rétribution,  connue  les  êtres  apparitionnels  insexués 
du  Kâmadliâtu. 

4.  «  Au-dessus  »,  c'est-à-dire  dans  l'ÂrQpyadhâtu.  —  Cette  sphère 
d'existence  n'est  pas  située  au-dessus  du  Rûpadbrilu  (iii.  3)  ;  mais  on 

1.  kamesv  dihiu  ripdku  dre  Uihhijcte  iiopaitddukaih  j 

taih  sad  vfi  \sapta  vâstaii  va  sad\  rûpesv  [ekam  uttarnin]  // 
Comparer  Kulliâvatthu.  xiv.  2,  ALliiilli;nn^asamgaha  (Coiiipeiuliuin,  p.  l(»r>), 

2.  Ce  qu'il  faiil  enlciulrf.  «  parce  que  les  rûpas  y  sont  hinuneux  (accha  z= 
bhâsvara)  »,  ou  bien  «  parc<!  cpie  les  nlpas,  nnu  pas  les  kdiuxKjunus,  y  sont 
iinpnrlants  ».  Voir  i.  22  a-h.  1-,  une  doctrine  tliilVTcnle. 

3.  ye  'pi  te  édnld  vinioksâ  atikramya  rûpâuy  ârûpifâs  te  'py  anityâ 
adhriivâ  anâévâsikâ  viparinâniadlinrmdnah  ....  Comparer  Sumyutta,  ii.  123. 


Hiuan-tsang,  iii,  fol.  13  b-14  b.  133 

dit  qu'elle  est  au-dessus  parce  qu'elle  est  supérieure  (para)  au  Rûpa- 
dliâtu  aLu^oint  de  vue  du  recueillement  :  les  recueillements  d'Àrûpya- 
dhatu  sont  pratiqués  après  ceux  de  Rûpadliâtu  ;  parce  qu'elle  l'emporte 
(pradhci)iXdara)  au  point  de  vue  du  mode  d'existence,  de  la  durée  de 
VQ\\siQi^ff:j^iiq)apattitasJ. 

Dans  cette  sphère  d'existence,  les  êtres  possèdent  d'abord  un  in- 
driija  qui  est  rétribution,  l'organe  vital. 

Nous  avons  expliqué  combien  (V iHclrlijas,  rétribution  de  leur 
nature,  sont  obtenus  à  la  conception.  On  demande  combien  d'indriyas 
périssent  à  la  mort. 

15-16  b.  Dans  rArûpyadhatu,  le  mourant  détruit  l'organe  vital, 
l'organe  mental,  la  sensation  d'indifférence  ;  dans  le  Rûpadhâtu,  il 
détruit  huit  indriijas  ;  dans  le  Kâmadhatu,  dix,  neuf,  huit,  ou 
({uatre,  quand  la  mort  est  graduelle.  Dans  le  cas  d'une  bonne  mort, 
ajouter  partout  cinq  imlriijas  '. 

1.  L'être  de  l'ÂrQpyadhatu,  à  la  mort,  abandonne  au  dernier 
moment  les  trois  indrijjas  qui  sont  nommés  dans  la  karika. 

Dans  le  Rûpadhâtu,  il  faut  ajouter  les  cinq  organes  de  connaissance 
sensible,  l'organe  de  la  vue,  etc.  [14  b].  En  effet,  les  êtres  apparition- 
nels  (upapûduha)  naissent  et  périssent  avec  tous  les  organes  (sama- 
gremlriya). 

Dans  le  Kâmadhatu,  la  mort  a  lieu,  soit  d'im  seul  coup  (yugapai), 
soit  graduellement  (kramamrtijK).  Dans  le  premier  cas  périssent 
huit,  neuf  ou  dix  indriyas,  suivant  que  l'être  est  insexué,  sexué,  bis- 
sexué.  Dans  le  second  cas  périssent  en  dernier  lieu  et  ensemble  quatre 
indriyas  :  l'organe  du  tact,  l'organe  vital,  l'organe  mental  et  l'organe 
d'indifférence.  Ces  quatre  indriyas  doivent  périr  en  même  temps. 

2.  Ce  qui  précède  concerne  le  cas  où  la  pensée  du  mourant  est 
souillée  (klista)  ou  non-souillée-non-défmie  (anivrtâvyâkrta).  Si  cette 

1.  nirodliayaty  nparamann  ârûpye  jlviiam  manah  / 
npeksCun  ca[iva\  rûpe  'stau  kâme  dasa  navâsta  va  jj 
'krumamrtyati  tu  catvâri  suhlie  sarcatra paùca  ca  / 

Comparer  Abhidhammasaiigaha,  Compendium,  p.  106. 


134  CHAPITRE  II,   16. 

pensée  est  bonne  (kiisala),  il  faut,  dans  les  trois  sphères  d'existence, 
ajouter  les  cini]  facultés  morales,  la  foi,  etc.  ' 

Dans  l'Exposé  des  indriyas  ■  sont  examinés  tous  les  caractères 
des  iïidriyas,  leur  nature  et  leurs  opérations  [15  a].  Nous  deman- 
derons donc  combien  iVindrîijas  interviennent  dans  l'acquisition  des 
fruits  de  la  vie  religieuse  (érâmani/aphala,  vi.  52). 

16  c-d.  On  obtient  les  deux  fruits  extrêmes  par  Yieuf  indriyas  ; 
les  deux  fruits  intermédiaires  par  sept,  huit  ou  neuf  \ 

Les  fruits  extrêmes  sont  les  fruits  de  SrotaHpanna  et  d'Arhat,  car 
ces  deux  fruits  sont  le  premier  et  le  dernier.  Les  fruits  intermédiaires 
sont  les  fruits  de  Sakrdritj;ruuin  et  d'Anâgâmin,  car  ces  deux  fruits  se 
trouvent  entre  le  premier  et  le  dernier. 

1.  Le  fruit  de  Srotaâpanna  (vi.  35  c)  est  ()l)tenu  grâce  à  neuf 
indriyas  :  organe  mental  ;  indifférence  ''  ;  les  cinq  facultés  morales, 
foi,  etc.  ;  anâjnâtamùjnâsyâmlyidriya,  âjnendriya  (ii.  10  a-b)  \ 

V anâj ïiâtamâjhâsyânii  constitue  Vânantaryamârga  (vi.  30  c)  ; 
Vâjria  constitue  le  vimnktimârga  ^  :  c'est  par  ces  deux  indriyas  que 
l'on  obtient  le  fruit  de  Srotaâpanna,  car  le  premier  amène  (âvâ- 
haka)  la  possession  (prâptij  de  la  disjonction  d'avec  la  passion 


t.  Sur  l'état  psychologique  à  lu  mort,  iii.  424.3  h.  —  Dans  quelle  partie  du 
corps  est  détruite  lu  connaissance  mentale,  iii.  43  c-44  a.  —  Comment  périssent 
les  parties  vitales,  iii.  44  b. 

2.  indrhjaprakarane.  Quelques-uns  cofnjncmient  :  «  dans  l'exposé  que  nous 
donnons  ici  des  indriyas  »  ;  d'autres  comprennent  :  «  dans  l'Indriyaskandhaka  », 
sixième  livre  du  Jnânaprasthâna  (Takakusu,  Aliliidharnia  Literature,  p.  93). 

.3.   navâplir  niitifnphalajioh  snpUlsUnmvabhir  (Ivayoh  1/ 

4.  Car.  au  mouuMil  où  il  ohtiful  le  fruit  de  Sr(>tari[taiuia,  l'ascète  se  trouve 
toujours  dans  l'état  de  recueillement  nommé  nnâgnymja  (  vi.  48),  lequel  comporte 
la  sensation  d'indilTi-rence.  /^ 

5.  Le  fruit  de  Srotaâpanna  s'obtient  au  seizième  moment  de  la  compréhension 
des  vérités;  les  quinze  premiers  sont  ('tjhnsjtâmi,  le  seizième  âjtia. 

G.  Le  premier  nu)ment  est  ananlarifam(ir<j(i;\n  seconri,  vimuktitnârga;  el 
ainsi  de  suite.  Mais  on  peut  considérer  tous  les  numients  qui  précèdent  le  seizième 
moment  comme  (inantaryamârya  par  rapport  à  ce  moment, 


Hiuan-tsang,  iii,  fol.  14  b-15  b.  135 

(viscmiyoga,  ii.  55  d  1,  vi.  52)  ;  le  second  étaie  et  rend  solide  cette 
possessiq^l^  (satnJlisrai/a,  âdhâra)  '. 

2.  Le  fruit  d'Arhat  (vi.  45)  est  obtenu  grâce  à  neuf  iadrujas  : 
organe  mental,  satisfaction  ou  plaisir  ou  indifférence,  les  cinq  facul- 
tés mon^^djnendriya  et  âjnâtàvîndriija. 

Ici  Ydjnendrlija  constitue  V ânaiitaryamârga  [15  bj  ;  Vâjnâtâ- 
vlndriya  constitue  le  vimiiktimârga  -. 

3.  Le  fruit  de  Sakrdâgâmin  (vi.  36)  est  obtenu,  soit  par  un  ânu- 
pûrvaka  (vi.  33  a)  —  l'ascète  qui,  avant  de  poursuivre  l'acquisition 
du  fruit  de  Sakrdâgâmin,  a  obtenu  le  fruit  de  Srotaâpanna  ;  —  soit 
par  un  hhûyovltarâga  (vi.  29  c-d)  —  l'ascète  qui,  avant  d'entrer 
dans  le  chemin  pur,  c'est-à-dire  dans  la  compréhension  des  vérités 
(satyàbhisamaya),  s'est  débarrassé  par  le  chemin  mondain,  impur, 
des  six  premières  catégories  des  passions  de  Kâmadhâtu  :  par  consé- 
quent, lorsqu'il  achève  le  chemin  de  la  vue  des  vérités,  il  devient 
Sakrdâgâmin  sans  avoir  été  au  préalable  Srotaâpanna  '. 

L'âmipûrvaka  —  qui  est  Srotaâpanna  —  obtient  le  fruit  de  Sakr- 
dâgâmin, soit  par  un  chemin  mondain,  qui  ne  comporte  pas  la  médi- 
tation des  vérités  ;  soit  par  le  chemin  pur  (cuiâsrava,  lokoUara). 
Dans  le  premier  cas,  sept  indrlyas  :  organe  mental,  indifférence, 
cinq  facultés  morales  ;  dans  le  second  cas,  huit  hbdriyas  :  les  mêmes, 
plus  Vdjnendrlya. 

Le  hhUyovUardga  —  qui  est  un  Prthagjana  -—  obtient  le  fruit  de 
Sakrdâgâmin  au  moyen  de  neuf  indrlyas.  Il  doit,  en  effet,  réaliser  la 
compréhension  des  vérités  ;  donc  anâjnâtamàjtlâsyâmîndriya  et 
âjfiendriya,  comme  pour  l'acquisition  du  fruit  de  Srotaâpanna. 

1.  Vânnutaryamârga  détruit  la  passion  et  amène  la  possession  de  la  dis- 
jonction d'avec  la  passion  :  il  chasse  le  voleur.  Le  vinniktintarga  ferme  la  porte. 
—  L'éditeur  japonais  cite  ici  la  Vibliâsâ  90,  ii,  où  sont  cités  les  docteurs  de 
l'Ouest  partisans  d'une  doctrine  non-kasmîrienne. 

2.  Le  fruit  d'Arhat  s'obtient  au  moment  du  vajropatnasanmdJii  (vi.  44  c-d), 
anantaryamarga,  qui  est  ajnendriya.  Il  y  a  donc,  actuellement  présent, 
âjiïendriya.  Le  ksayajnâna,  vimuktùnargn,  qui  est  njùâtâvlndriya,  est 
naissant  (utpâdâbJiinmklia).  —  Sensation  de  satisfaction,  etc.  d'après  la  nature 
du  recueillement  dans  lequel  l'ascète  réalise  le  vajropainasaniadhi. 

3.  Cette  doctrine  du  chemin  mondain  est  condamnée  dans  Kathâvatthu,  i.  5  et 
xviii,  5.  —  Buddhaghosa  l'attribue  au  Sammitiya, 


136  CHAPITRE  II,  IG  c-17  b. 

1-.  L(^  fruit  (l'xVnrigfimin  est  obtenu,  soit  par  un  ânupûrvaka  — 
l'ascète  qui  a  déjà  obtenu  les  fruits  antérieurs,  —  soit  par  un  vilaràga 
—  l'ascète  qui,  sans  être  entré  dans  le  chemin  pur,  s'est  débarrassé 
des  neuf  catégories  des  passions  de  Kâniadlultu,  ou  encore  des 
passions  des  étages  supérieurs  jusque  Vàkimcanyâiiatana  y  compris. 

h'âuitpûrvaka  obtient  le  fruit  d'Anâgâmin  grâce  à  sept  ou  huit 
indrijjas,  suivant  qu'il  emploie  le  chemin  mondain  ou  le  chemin  pur, 
comme  Y  ânupûrvaka  ci-dessus  obtient  le  fruit  de  Sakrdfigamin. 

Le  vîfarâga  obtient  le  fruit  d'Anâgâmin  par  la  conqjréhension  des 
vérités  (darsanamârga),  grâce  à  neuf  indrujas,  comme  le  hhûyo- 
vltarâga  ci-dessus  obtient  le  fruit  de  Sakrdâgâmin. 

Ces  définitions  générales  appellent  des  précisions. 

1.  Le  vltarâga  obtient  le  fruit  d'Anâgâmin  en  '  comprenant  les 
vérités  '.  Pour  comprendre  les  vérités,  il  se  place,  soit  dans  le  recueil- 
lement du  troisième  dkijâiia,  soit  dans  le  recueillement  du  premier 
ou  (lu  deuxième  dhyâna,  soit  dans  le  recueillement  de  Vanâgamya, 
ou  du  dhyânântara,  ou  du  quatrième  dhyâna  :  suivant  le  cas,  son 
indriya  de  sensation  est  Vindriya  de  plaisir,  de  satisfaction,  d'indif- 
férence. 

Au  contraire,  le  bliûyovltarâga  obtient  toujours  le  fruit  de  Sakr- 
dâgâmin avec  Vindriya  d'indifférence. 

2.  L'âniqnlrvaka  qui  marche  à  la  conquête  du  fruit  d'Anâgâmin 
dans  le  recueillement  d'anâganiya,  peut,  lorsque  ses  facultés  morales 
sont  vives,  sortir  pour  le  dernier  moment  (neuvième  vimuktimârga) 
de  Vanâgamya  \  16  aj  et  entrer  dans  le  premier  ou  le  second  dhyâna. 

Lorsqu'il  expulse  les  passions  par  le  chemin  mondain,  c'est  donc 
par  linil,  et  non  par  sept  indriyas,  (ju'il  obtient  le  fruit:  en  effet, 
Vanâgamya  au(piel  appartient  l'avant-diMnier  moment  (neuvième 
ânanlaryamârgaJcAm\\)or[e  la  sensation  d'indifférence,  et  le  premier 
ou  le  second  dhyâna,  dans  lecpiel  a  lieu  le  dernier  moment,  comporte 
la  sensation  de  satisfaction.  La  disjonction  d'îivec  les  passions  résulte 
donc  de  l'infblïérence  et  de  la  satisfaction  ;  de  même  nous  avons  vu 
que  la  disjonction,  dans  le  ca.s  du  Srotaâpanna,  résulte  de  Vâjnâsyâ- 
mlndriya  et  de  Vâjnendn'ya. 


Hiiicui-tsaug,  iii,  fol.  15  b-16  a.  137 

Lorsqu'il  expulse  les  passions  par  le  chemin  inir,  c'est-à-dire  par 
la  méditation  des  vérités, -il  faut  ajouter,  comme  neuvième  indriya, 
Vàjnendrim.  V ânantarijamârga  et  le  vimiiktimârga  sont  tous 
deux  âjmndriija  '. 

1 7*^53^11  est  dit  que  la  qualité  d'Arliat  est  obtenue  par  onze  in- 
driijas,  parce  qu'une  personne  déterminée  peut  l'obtenir  ainsi  \ 

On  lit  dans  le  Mcilasâstra  (Jnânaprasthâna,  15,  i)  :  «  Par  combien 
à'indriyas  la  qualité  d'Arhat  est-elle  obtenue?  —  Par  onze  ». 

En  fait,  la  qualité  d'Arhat  est  obtenue,  comme  nous  avons  dit, 
grâce  à  neuî  indriya  s.  Le  Sâstra  répond  :  «  Par  onze  »,  car  il  envi- 
sage, non  pas  l'acquisition  de  la  qualité  d'Arhat,  mais  la  personne 
qui  acquiert  cette  quahté. 

Un  saint  peut  tomber  à  plusieurs  reprises  de  la  qualité  d'Arhat 
(vi.  58)  et  la  reconquérir  an  moyen  de  divers  recueillements,  tantôt 
avec  Yindriya  de  plaisir  (troisième  dhyâna),  tantôt  avec  celui  de 
satisfaction  (premier  et  deuxième  dliyâna),  tantôt  avec  celui  d'indiffé- 
rence (anâgnmya,  etc.).  Mais  jamais  les  trois  indriyas  ne  coexistent. 

Mais,  dira-t-on,  pourquoi  le  Sâstra  ne  se  place-t-il  pas  au  même 
point  de  vue  quand  il  parle  de  la  qualité  d'Anâgâniin  ? 

Le  cas  est  différent.  Il  n'arrive  pas  que  le  saint,  tombé  du  fruit 
d'Anâgâmin,  le  réoccupe  au  moyen  de  Yindriya  de  plaisir  [16  b]  ^ 

1.  Seul  l'ânupûrvaka  change  de  recueillement,  non  pas  le  vîtarâga.  Celui-ci, 
en  effet,  s'il  commence  la  compréhension  des  vérités  (satyâhhisamaya)  dans  le 
recueillement  à'anâfjamya,  ne  passera  pas  dans  le  premier  dhyâna  au  seizième 
moment.  Ce  qui  Tintéresse,  c'est  la  compréhension  des  vérités,  non  pas  les 
dhycinas  avec  lesquels  il  est  familier.  Au  contraire,  Vânupûrcaka  s'intéresse 
au  dhyâna  qui  est  pour  lui  une  nouveauté. 

2.  [arhattvasyaijkâdasabhir  [uktatft]  ekasya  sambhavât  / 

3.  L'Anâgâmin  qui  tombe  du  détachement  des  terres  supérieures,  jusque  et 
y  compris  le  deuxième  dhyâna,  ne  tombe  pas  pour  cela  du  fruit  d'Anâgâmin  : 
il  reste  Anâgâmin,  puisqu'il  reste  détaché  du  Kâmadhâtu.  Mais  il  perd  le  fruit 
d'Anâgâmin  lorsqu'il  tombe  du  détachement  du  premier  dhyâna  :  ainsi  tombé, 
il  ne  peut  reconquérir  le  fruit  par  Vindriya  de  plaisir,  car  cet  indriya  est  du 
troisième  dhyâna,  et  le  troisième  dhyâna  est  hors  de  sa  portée. 

Dira-t-on  qu'il  peut  reconquérir  le  fruit  par   Vindriya  de  satisfaction?  Il  le 


138  CHAPITRE  n,  17-18  b. 

D'autre  part,  le  vUarâga,  Thomme  détaché  de  toutes  les  passions  du 
Kâiiiadhfitu,  ([ui  a  obtenu  le  fruit  d'Anâgâniin,  ne  peut  tomber  de  ce 
fruit,  parce  que  son  détachement  est  obtenu  par  deux  chemins,  pro- 
duit par  le  chemin  mondain  et  confirmé  par  le  chemin  pur  (vi.  51). 

Combien  iYùulriycjs  possède  l'homme  qui  possède  tel  ou  tel  indriya 
(.Tnânaprasthâna,  6,  s  ;  Vibhâsâ,  90,  2)  ? 

17  c-d.  Celui  qui  possède  l'organe  mental,  ou  l'organe  vital,  ou 
l'organe  d'indifïerence,  possède  nécessairement  trois  iïidriyas  '. 

Celui  qui  possède  un  de  ces  trois  organes  possède  nécessairement 
les  deux  autres  :  lorsqu'un  d'eux  manque,  les  deux  autres  manquent  -. 

La  possession  des  autres  indrlyas  n'est  pas  déterminée.  Celui  qui 
possède  ces  trois  organes  peut  posséder  ou  ne  pas  posséder  les  autres. 

1.  L'être  né  dans  l'Ârripyadbfitu  ne  possède  pas  les  organes  de  la 
vue,  de  l'ouïe,  de  l'odorat  et  du  goût  [17  a|.  L'être  du  Kâmadhâtu 
peut  ne  pas  posséder  ces  organes  :  lorsqu'il  ne  les  a  pas  acquis  (début 
de  la  vie  embryoïmaire)  ou  lorsqu'il  les  a  perdus  (cécité,  etc.  ;  mort 
graduelle). 

2.  L'être  né  dans  l'Anlpyadbritu  ne  possède  pas  l'organe  du  tact. 

3.  L'être  né  dans  rÀmpyadhâtu  ou  dans  le  Rilpadhâhi  ne  possède 
pas  l'organe  féminin.  L'être  né  dans  le  Kâmadhâtu  peut  ne  pas  le 
posséder  ;  lors(in'il  ne  l'a  pas  acquis  ou  l'a  perdu.  De  même  pour 
l'organe  mâle. 


pourrait  si,  rt-parlaiil  à  la  conqncln  du  IVuil  daus  le  nM'ueilIciuent  d'anâffaniiio, 
il  iHail  (■aj)ablt'  du  passer,  pour  le  dernier  inonieiil,  flans  le  premier  dhyâun.  Mais  il 
ne  le  peut  pas  :  seul  peut  opérer  ce  passage  l'ascète  dont  les  facultés  morales  sont 
vives,  et  l'ascète  que  nous  envisageons  ici  est  île  fjicidti's  morales  faibles,  puisrpi'il 
est  tombé.  Seuls  tombent  d'un  fruit  les  ascètes  aux  facultés  faibles. 

[)ira-t-oii  ([ue,  étant  toudié,  l'ascète  peut  opérer  la  transformation  de  ses  facultés 
(  imlriijiisdmcdra,  vi.  4-1  c-(Jl  b;  et  les  rendre  vives?  —  Sans  doute,  et  il  obtiendra 
le  truit  avec  huit  ou  neuf  imlriyas  suivant  que  .son  chemin  est  mondain  ou  pur, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit.  car, en  iiiicnn  cas,  il  ne  recon([ui(  il  le  fruit  avec  Vindriyo, 
de  plaisir. 

1.  uprksnjh-ilaindHdifKkfi)   vasi/dm  traif<inritah  jj 

2.  nu  hy  esuDi  cniyoDyena  viiui  samnnvjKjamah, 


Hiuan-tsang,  iii,  fol.  16  b-17  b.  139 

4.  Le  Prthagjana  '  né  dans  le  quatrième  dhijâna,  dans  le  deuxième 
dhyâyia*^  dans  tes  ânipi^as,  ne  possède  pas  l'organe  de  plaisir. 

5.  Le  Prthagjana  né  dans  le  quatrième  dJujâna,  dans  le  troisième 
dhyâna,  -dans  les  ârûpijas,  ne  possède  pas  l'organe  de  satisfaction. 

6.  L'^rejaé  dans  le  Rûpadhatu  ou  dans  l'ÂrQpyadhatu  ne  possède 
pas  l'organe  de  déplaisir. 

7.  L'homme  détaché  (vltarâga)  ne  possède  pas  l'organe  de  dissa- 
tisfaction. 

8.  L'homme  qui  a  coupé  les  racines  de  bien  (iv.  79)  ne  possède 
pas  les  cinq  facultés  morales,  foi,  etc. 

9.  Ni  le  Prthagjana,  ni  le  saint  en  possession  d'un  fruit,  ne  possè- 
dent VandjnâtamâjiMsyâmmdriya. 

10.  Le  Prthagjana,  le  saint  qui  se  trouve  dans  le  chemin  de  la 
vue  des  vérités  (vi.  31  a-b)  et  l'Arhat  ne  possèdent  pas  Vâjnendriya. 

11.  Le  Prthagjana  et  le  Saiksa  ne  possèdent  pas  Y âjîiâtdvlndriya. 
Cette  énumération  permet  d'établir  les  indriyas  que  possèdent 

les  catégories  d'êtres  non  spécifiées. 

18  a.  Celui  qui  possède  l'organe  de  plaisir  ou  l'organe  du  tact 
possède  certainement  quatre  organes  \ 

Celui  qui  possède  l'organe  de  plaisir  possède  en  outre  l'organe 
vital,  l'organe  mental,  l'organe  d'indifïérence  [17  b].  Celui  qui  possède 
l'organe  du  tact  possède  en  outre  les  trois  mêmes  indriyas. 

18  b.  Celui  qui  possède  un  des  organes  de  connaissance  sensible 
possède  nécessairement  cinq  organes  \ 

Celui  qui  possède   l'organe  de  la  vue  possède  en  outre  l'organe 
vital,  l'organe  mental,  l'organe  d'indifférence  et  l'organe  du  tact. 
De  même  celui  qui  possède  l'organe  de  l'ouïe,  etc. 

1.  L'Àrya  possède  l'organe  de  plaisir  '  pur  ',  car  il  ne  perd  pas  cet  organe  en 
changeant  de  terre  (voir  p.  141,  n.  :2). 

2.  Omis  par  Hiuan-tsang.  —  Voir  viii.  12  a-b. 

3.  caturbhih  snkhakâyâbhyâm 

4.  pancabhis  caksurâdimân  / 


140  CHAPITRE  II,   18  C-19. 

18  c.  De  même  celui  qui  possède  l'organe  de  satisfaction  '. 

Celui  qui  possède  Torgane  de  salisractiou  possède  en  outre  l'organe 
vital,  l'organe  mental,  l'organe  d'indifférence  et  l'organe  de  plaisir. 

Mais,  demandera-t-on  ',  (juelle  sorte  d'organe  de  plaisir  peut  possé- 
der un  être  né  dans  le  ciel  du  deuxième  dhijâna  et  qui  n'y  pratique 
pas  le  recueillement  du  troisième  dhyâna  ?  —  La  réponse  est  qu'il 
possède  l'organe  de  plaisir  souillé  du  troisième  dhyâiia. 

18  c-d.  Celui  qui  possède  l'organe  de  déplaisir  possède  certaine- 
ment sept  organes  \ 

Possédant  l'organe  de  déplaisir,  cet  être  appartient  évidenmient  au 
Kûmadliâtu.  Il  possède  nécessairement  l'organe  vital,  l'organe  men- 
tal, l'organe  du  tact  et  quatre  organes  de  sensation  :  l'organe  de  dissa- 
tisfaction lui  man(}ue  lorsqu'il  est  détaché  (vltarâga). 

18  d-19a.  Celui  qui  possède  l'organe  féminin,  etc.,  possède  néces- 
sairement huit  organes  \ 

Il  faut  entendre  :  Celui  ({ui  possède  l'organe  féminin,  ou  l'organe 
mâle,  ou  l'organe  de  dissatisfaction,  ou  une  des  facultés  morales,  foi, 
force,  mémoire,  recueillement  et  discernement  (prajnâ). 


1.  saumanasyl  ra 

2.  Il  y  n,  dans  le  Kâmudluilu,  orgaiio  de  jiiuisir  en  relation  avec  les  cinq  con- 
naissances sensibles  ;  dans  le  premier  dhyâna,  organe  de  plaisir  en  relation  avec 
trois  connaissances  sensibles  (l'odorat  et  le  goût  étant  exclus,  i.  oOG)  ;  dans  le 
deiixiùme  dhydtin,  point  d'organe  de  plaisir  (viii.  12);  dans  le  troisième  dhyâna, 
organe  de  plaisir  en  relation  avec  la  connaissance  mentale  (ii,  7  c-d).  Donc  l'être 
né  dans  le  ciri  du  deuxième  dhyatia,  s'il  iir  praliipu-  pas  le  recueillement  de 
troisième  dhyâna,  ne  possédera  pas  d'organe  de  [daisir,  car,  eu  renaissant  dans 
le  deuxième  dhyâiifi,  il  a  perdu  l'organe  de  plaisir  des  étages  inférieurs.  — 
Réponse  :  d'après  la  doctrine  Vaiblnlsika  (siddhânta)  tout  être  né  dans  une 
terre  inlérieure  possède  l'organe  souillé  (klistd)  de  la  terre  supérieure  s'il  ne  l'u 
pas  abandonné. 

3.  diihkhï  tu  snplahhih. 

4.  {strindriyâdinniH  jj  astâbhih.] 

Voir  iv.  80  a,  qui  cite  Jùânaprastli/ina,  10,  i.  —  Ad  iv.  71)  d,  le  nombre  des 
organes  dans  les  trois  premiers  dvipas. 


Hluan-tsang,  iii,  fol.  17  b-18  a.  141 

Celui  qui  possède  un  organe  sexuel  possède  nécessairement,  outre 
cet  organe,  sept  organes,  ceux  qui  ont  été  spécifiés  18  c-d,  car  cet 
être  appartient  évidemment  au  Kâmadhatu. 

Celui  itjui  possède  l'organe  de  dissatisfaction  possède  nécessaire- 
ment, (^trg^cet  organe,  les  mêmes  sept  organes. 

Celui  qui  possède  une  des  facultés  morales  peut  être  né  dans  n'im- 
porte laquelle  des  trois  sphères  d'existence  ;  il  possède  nécessairement 
les  cinq  facultés  morales,  lesquelles  vont  toujours  ensemble,  plus 
l'organe  vital,  l'organe  mental,  l'organe  d'indifférence. 

19  a-b.  Celui  qui  possède  Vâjnendriya  ou  Vdjnatûvindriija  pos- 
sède nécessairement  onze  organes  '. 

A  savoir  :  l'organe  vital  ;  l'organe  mental  ;  les  organes  de  plaisir, 
de  satisfaction,  d'indifférence  '  [18  a]  ;  les  cinq  facultés  morales,  et, 
onzième,  soit  Vâjnemlrlija,  soit  Y âjnâtâvlîidrlya. 

19  c-d.  Celui  qui  possède  \ âjnâsycimliidri ija  possède  nécessaire- 
ment treize  organes  \ 

En  effet,  c'est  seulement  dans  le  Kâmadhatu  qu'on  pratique  le 
chemin  de  la  vue  des  vérités  (vi.  55).  Donc  le  possesseur  de  cet  in- 
driya  est  un  être  du  Kâmadhatu.  Il  possède  nécessairement  l'organe 
vital,  l'organe  mental,  l'organe  du  tact,  quatre  organes  de  sensation, 
les  cinq  facultés  morales  et  Vâjnâsyâmindriua.  Il  ne  possède  pas 
nécessairement  l'organe  de  dissatisfaction,  ni  les  organes  de  la  vue. 


1.  On  peut  restituer  :  ekâdaéabhir  âjnâjnâtâvisCinvayah.  / 

2.  Comment  le  possesseur  de  Vâjnendriya,  c'est-à-dire  le  Saiksa,  est-il  néces- 
sairement en  possession  des  organes  de  plaisir  et  de  satisfaction  ?  Il  peut  en  effet 
se  trouver  dans  le  ciel  du  quatrième  d/iT/âwa  ou  dans  l'Arûpyadhatu. 

L'Arya  obtient  nécessairement  l'organe  de  satisfaction  quand  il  se  détache  du 
Kâmadhatu  ;  il  obtient  nécessairement  l'organe  de  plaisir  quand  il  se  détache  du 
deuxième  fZ/ij/âna  ;  même  lorsqu'il  transmigre  (bliûKiisaincàra),  il  ne  perd  pas 
le  bien  (subha)  qu'il  a  obtenu  (d'après  iv.  40)  ;  il  pei'd  le  bien  obtenu  lorsqu'il 
conquiert  un  fruit  ou  lorsqu'il  perfectionne  ses  qualités  morales  (iv.  40),  mais  c'est 
pour  obtenir  la  même  sorte  de  bien  d'une  qualité  supérieure. 

3.  âjnâsyâmîndriyopetas  trayodasabhir  auvitah  // 


142  CHAPITRE  II,  20-21. 

etc.  ;  en  effet,  il  peut  être  '  détaché  ',  auquel  cas  la  dissatisfaction  lui 
niaiit[ue  ;  il  peut  être  aveugle,  etc.  ' 

Combien  possèdent  d'organes  ceux  qui  en  possèdent  le  plus  petit 
nombre  possible  (Vibhâsa,  150,  i3)  ? 

20  u-b.  L'être  auquel  manque  le  bien  possède  au  minimum  huit 
organes,  organe  du  tact,  sensations,  (trgane  vital,  organe  mental  '^ 

L'être  auquel  manque  le  bien  (nihsuhha)  est  celui  qui  a  coupé  les 
racines  du  bien.  Il  appartient  nécessairement  au  Kâmadhâtu  (iv.  79)  ; 
il  ne  peut  être  '  détaché  '.  Donc  il  possède  nécessairement  les  organes 
énumérés. 

*  Sensation  ',  dans  la  kârikâ,  vid.  C'est-à-dire  '  ce  qui  sent  '  (ve- 
dayah'J  en  comprenant  kartari  kvip  ;  ou  '  sensation  '  (vedana) 
(hJidvasâdhana  :  aunddikali  kvip). 

20  c-d.  De  même  l'ignorant  qui  est  né  dans  rÂrûpya  possède  huit 
organes,  à  savoir  l'incHlférence,  la  vie,  l'organe  mental,  les  bons 
organes  l 

Le  Prthagjana  (;st  appelé  ignorant  (bâla)  parce  qu'il  n'a  pas  vu 
les  vérités  [  18  b]. 

Les  bons  organes  sont  les  facultés  morales,  foi,  etc.  —  Puisqu'il 


1.  Mais  peut-il  être  insexué  ?  Ceci  fait  iliflicullé,  car  on  u  vu  (p.  105)  que  les 
êtres  sans  sexe  ne  peuvent  obtenir  ni  la  ilisciplino,  ni  un  fruit,  ni  le  dtHachement. 

D'après  une  opinion.  L'iuuiiine  (jui  a  ohtonu  la  disciplin»;  peut  obtenir  un  fruit  ; 
or  cet  bonime  conserve  la  discipline  même  s'il  penJ  son  sexe,  car  l'Abbidbarma 
spécifie  qu'il  perd  la  discipline  en  devenant  androgyne  (iv.  38  c)  et  ne  spécifie  pus 
qu'il  la  perde  en  perdant  son  sexe.  —  On  peut  encore  envisager  la  mort  graduelle  : 
un  bonune  qui  a  pratiqué  les  nirvcdhnbhnylyas  (vu  17)  pourra,  après  la  perte  de 
l'organe  sexuel,  voir  les  vérités  au  uiomtnt  de  la  mort. 

Deuxième  opinion.  Le  possesseur  de  Vdjùdsijdmiudriya  n'est  jamais  insexué. 
Mais  il  ne  possède  pas  l'organe  féminin  lorsqu'il  est  lionuiie,  il  ne  possède  pas 
l'organe  mâle  lorsqu'il  est  femme.  Donc  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  possède 
nécessairement  l'un  ou  l'autre. 

2.  \k(ljf(tvijjnitnmn>iuh\sarvnlpair  niiisnbho  sfabhih  / 

3.  [(irupyesii  tutha  huUil  npeksûyurtnfDiahsubhaih  jj 


lliiian-isaiig,  iii,  fol.  18  a-iv,  fol.  1  a.  143 

est  question  d'un  ignorant,  puisque  le  total  est  huit,  les  organes  purs 
(âjnâsyôtini,  etcf.)  ne  sont  pas  ici  visés  par  l'auteur. 

Combien» possèdent  d'organes  ceux  qui  en  possèdent  le  plus  grand 
nombre  possible  ? 

21  a-c.  Au  maximum,  dix-neuf:  l'être  bissexué,  en  exceptant  les 
organes  immaculés  '. 

L'être  bissexué  appartient  nécessairement  au  Kamadhâtu.  Il  n'est 
pas  '  détaché  '  ;  il  peut  posséder  les  facultés  morales  ;  il  peut  posséder 
tous  les  organes  de  connaissance  sensible.  Mais  il  est  Prthagjana  : 
donc  les  organes  purs  (âjnâsyâmi,  etc.)  lui  manquent  nécessairement. 

Les  organes  purs  (anàsrava)  sont  nommés  dans  la  kârika  '  imma- 
culés '.  h' âjnâsyâmi,  Yâjna  et  Vâjuâtâviii  sont  purs  parce  qu'ils 
ne  sont  en  relation  avec  les  vices  (àsrava)  ni  en  qualité  d'objet,  ni 
par  association  (v.  17). 

21  c-d.  L'Arya,  non  détaché,  peut  posséder  tous  les  organes,  à 
l'exception  d'un  organe  sexuel  et  de  deux  organes  purs  '. 

L'Arya  qui  n'est  pas  détaché  (râgin),  donc  un  Saiksa.  non  pas  un 
Arhat,  possède  au  maximum  dix-neuf  organes.  Il  faut  exclure  soit 
l'organe  mâle,  soit  l'organe  féminin  ;  il  faut  exclure  Vâjùâtâvîndn'ya 
dans  tous  les  cas  ;  en  outre,  Yâjnendriya  lorsque  le  Saiksa  se  trouve 
dans  le  chemin  de  la  vue  des  vérités,  et  Y âjnâsyâmlndriya  lorsque 
le  Saiksa  se  trouve  dans  le  chemin  de  la  méditation  des  vérités  \ 
[iv.  la] 

ii.    ATOMES    OU    PARAMÂNUS    (22). 

Les  dharmas  conditionnés  (samskrta)  (i.  7  a)  sont,  comme  nous 
avons  vu,  de  différentes  natures,  matière,  sensation,  notion,  etc.  On 

1.  sarmiha'hxihhir]  ekonâvintsatyCimala[varjitai\i  /  dviliiigcih] 

2.  [râgy  àryo  lingaikâmaladvayavarjitaih  Ij] 

3.  ukta    indriyânâm    dhâhiprabliedhaprasangena    (i.   48  c)    âgatânâm 
vistarena  prabhedah. 


144  CHAPITRE  II,  22. 

demande  si,  de  même,  ils  naissent  indépendanmient  les  uns  des  autres  ; 
ou  bien  si,  dans  certains  cas,  ils  naissent  nécessairement  ensemble 
(niyatasaJiotpâfla). 

(li-rtains  conditionnés  naissent  toujours  ensemble. 

Les  dharmas  se  divisent  en  cinq  catégories  :  rùpa,  matière  ;  citta, 
pensée  ;  cailtas,  mentaux  ou  dharmas  associés  à  la  pensée  (ii.  23- 
34)  ;  ciUavipycujnktas,  c'est-à-dire  samskàras  non  associés  à  la  pen- 
sée (ii.  35-4S)  ;  asamskrfas,  inconditionnés.  Ces  derniers  ne  naissent 
pas  (i.  5,  ii.  5S)  :  nous  n'avons  pas  à  nous  en  occuper  ici. 

Etudions  d'abord  la  loi  de  la  production  simultanée  (s(diofpcida) 
des  dharmas  matériels  (rûpas). 

22.  Dans  le  Kâmadbatu,  la  molécule  (paramâmi)  dans  laquelle  il 
n'entre  pas  de  son,  dans  laquelle  il  n'entre  pas  d'organe,  est  consti- 
tuée par  huit  substances  (dravya)  '  ;  lorsque  y  entre  l'organe  du  tact, 
par  neuf  substances  ;  lorsque  y  entre  tout  autre  organe,  par  dix  sub- 
stances. [1  b]  ' 

VsiV  parammiii,  on  n'entend  pas  ici  \q  paramânu  au  sens  propre, 
le  dravyaparamànu,  l'atome  ou  monade  qui  est  une  chose,  une 
substance  (dravija)  (i.  13)  ;  mais  le  samghâtapai'amânu,  la  molé- 
cule, c'est-à-dire  le  plus  subtil  parmi  les  aggrégats  de  matière  {rilpa- 
samghâtaj,  car  il  n'y  a  rien,  parmi  les  aggrégats  de  matière,  qui  soit 
plus  subtil  '. 

1.  Sur  la  vaU'ur  de  ce  ternie,  voir  ci-dessous  j).  147. 

2.  kâme  'stadravyako  'èahdaU  pnramânnr  [anindriyah  / 
kàyendriyo  navadrnryo  dasadrari/o]  'parendriyah  jj 

Vasuhaiidliu  suil  DliariiKjllara  (Nanjio  1:286,1,  ii.  b,  Upasânla  (Nurijio  1204), 
ii.  9  ;  Dharmatrâta  (Nanjio  1287),  ii.  11:  «  Les  atomes  résidant  dans  quatre 
organes  sont  de  dix  espèces  ;  dans  Torgant;  du  tact,  de  neuf  espèces  ;  ailleurs,  de 
huit  espèces,  quand  il  y  a  odeur  (c'est-à-dire  :  dans  le  Kâniadhâtu)  ».  —  Upasânla  : 
«  ....  extérieurs,  de  huit  espi'ces  :  dan»  un  étage  où  il  y  a  odeur  ^. 

Doctrine  analogue  dans  l'Abhidliauinia  de  Buddliagtiosa  (Althasâlinï,  634)  cl  du 
Compendiuni  (p.  164).  —  Voir  ci-dessus  i.  13,  43  c.  et  Th.  Stcherbalski,  The  sou! 
theory  of  the  Buddliists,  p.  953. 

3.  D'après  Sumghaldiadra  (xxiii.  3,  fol.  52  a)  :  Parmi  les  rûpas  '  susceptibles  de 
résistance  '  (saprntiyha),  la  jiarlic  la  plus  sublilo,  cpii  n'est  pas  susceptible  d'être 
scindée  à  nouveau,  s'appelle  />« ra>»a» it  ;  c'est-à-dire  :  le  paramânu  n'est  pas 


Hiimn-tsang,  iv,  fol.  1  a-b.  145 

1.  Dans  le  Kamadhatii,  la  molécule  dans  laquelle  n'entre  pas  le  son 
(sabda,  sahdâijatana),  dans  lacjuelle  n'entre  aucun  organe  (indriija), 
comporle  huit  substances,  pas  moins  de  huit  :  à  savoir  les  quatre 
grands  éléments,  matières  élémentaires  (inahâbhûtas,  i.  12  c),  et 
quatre  matières  dérivées  (bhantlka),  visible  (râpa,  i.  10  a),  odeur, 
saveur,  tangible  {ii.  50  c-d  ;  65  a-b). 

2.  La  molécule  dans  laquelle  n'entre  pas  le  son,  mais  dans  laquelle 
entre  l'organe  du  tact  {kâijemlrlya,  kâyciijatana),  '  comporte  une 
neuvième  substance,  le  dravya  qu'est  l'organe  du  tact. 

3.  La  molécule  dans  laquelle  n'entre  pas  le  son,  mais  dans  laquelle 
entre  tout  autre  organe  que  l'organe  du  tact  (l'organe  de  la  vue, 
caksurindriya,  etc.),  comporte  une  dixième  substance,  le  dravya 
qu'est  cet  autre  organe  (organe  de  la  vue,  etc.)  ;  car  les  organes  de 
la  vue,  de  l'ouïe,  etc.  n'existent  pas  indépendamment  de  l'organe  du 
tact  et  constituent  des  âyatanas  distincts. 

4.  Lorsque  le  son  entre  dans  les  aggrégats  susdits,  le  total  monte 
à  neuf,  dix,  onze  substances  :  en  effet,  le  son  (sahdàyatana)  qui  est 
produit  par  les  grands  éléments  qui  font  partie  de  l'organisme  (upcit- 
ta,  i.  10  b)  n'existe  pas  indépendamment  des  organes  -. 

5.  Si  les  quatre  grands  éléments,  terre  élémentaire,  etc.,  ne  sont 
jamais  dissociés  (avinirbliâga),  coexistent  dans  tout  aggrégat  ou 

susceptible  d'être  divisé  en  plusieurs  par  un  autre  râpa,  par  la  pensée.  C'est  ce 
qu'on  dit  être  le  plus  petit  rnpa  ;  comme  il  n'a  pas  de  parties,  on  lui  donne  le 
nom  de  '  plus  petit  '.  De  même  un  ksana  est  nommé  le  plus  petit  temps  et  ne 
peut  être  divisé  en  demi-ksanas.  (iii.  86). 

Un  agglomérat  de  ces  anu,  qui  n'est  pas  susceptible  de  désagrégation,  reçoit 
le  nom  de  samglultâmi. 

Dans  le  Kâma,  huit  choses  (dravya),  au  minimum,  naissent  ensemble  pour 
constituer  un  samghCitâmi  qui  n'est  pas  de  son,  qui  n'est  pas  d'organe.  —  Quelles 
sont  ces  choses  ?  — •  Quatre  nialiâblmtas,  quatre  upâdâya,  à  savoir  rûpa,  rasa, 
gandha,  sprastavya. 

1.  Les  molécules  dans  lesquelles  entre  l'organe  du  tact,  l'organe  de  la  vue,  etc., 
sont  les  '  atomes  '  dont  il  est  question,  i.  44  a-b. 

2.  Une  molécule  de  son  produite  par  les  mains  comporte  les  quatre  grands 
éléments,  les  quatre  matières  dérivées,  le  son,  l'organe  du  tact  :  soit  dix  substances  ; 
produite  par  la  langue,  onze  substances,  en  ajoutant  l'organe  du  goût  dont  les 
atomes  invisibles  sont  disposés  sur  la  langue  (Note  du  traducteur). 

10 


146  CHAPITRE  IJ,  ^2. 

molécule,  comment  se  fait-il  que,  dans  un  aggrégat  donné,  on  perçoive 
ou  solidité,  ou  viscosité,  ou  chaleur,  ou  mouvement,  et  non  pas  ces 
quatre  substances  ou  caractères  à  la  fois  ? 

On  perçoit  dans  un  aggrégat  donné  celle  des  substances  (dravi/a, 
terre  élémentaire,  etc.)  qui  s'y  trouve  la  plus  vive  (patutama,  sphu- 
tatama),  et  non  pas  les  autres.  De  même,  lorsqu'on  touche  un  faisceau 
de  brins  végétaux  et  d'aiguilles  (sûcitiiUkalâpa)  '.  on  perçoit  les 
aiguilles  ;  lorsqu'on  mange  de  la  bouillie  salée,  on  perçoit  la  saveur 
du  sel.  [2  a] 

Comment  savez-vous  qu'un  aggrégat  donné  comporte  les  grands 
éléments  dont  la  présence  n'y  est  pas  perçue  ? 

Tous  les  grands  éléments  manifestent  leur  présence  par  leur  acte 
propre,  à  savoir  dînil,  samgralui,  paJiti,  vyûhana  (i.  12  c)  -. 

D'après  une  autre  opinion,  celle  du  Bhadaata  Srîlabha,  les  aggré- 
gats  comportent  les  quatre  grands  éléments,  puisque,  étant  donnée 
l'action  de  certaines  causes,  les  choses  solides  deviennent  liquides, 
etc.  ^  Le  feu  élémentaire  existe  dans  l'eau,  puisque  celle-ci  est  plus 
ou  moins  froide  ',  ce  qui  s'explique  par  la  présence,  en  quantité  plus 
ou  moins  grande,  du  feu  élémentaire. 

Mais,  dirons-nous,  que  le  froid  soit  plus  ou  moins  vif,  cela  n'inq)li- 
que  pas  qu'il  y  ait  mélaiige  (cyatihheda,  misribhâva)  d'une  certaine 
substance  (dravya),  le  froid,  avec  son  contraire,  le  chaud.  De  même 
le  son  et  la  sensation,  quoique  homogènes,  varient  d'intensité. 

1.  tûhjo  vïranCidijmspamriladaiidâh  yàh  simkâ(?)Uiprâkrtajatiaprafltâh. 
—  Voir  J.  Bloch,  Formation  de  la  langue  marathe,  p.  42  :  siiïka  (iikya),  '  corde 
pour  suspemlrc  des  objets  '. 

2.  L'eau  éJéuienlaire  (ahdhâUi)  existe  dans  le  bois  (dârii)  :  c'est  l'eau  élémen- 
taire (jni  le  fait  tenir  ensemble  (samgraha)  et  l'empêche  de  se  disperser.  C'est 
par  le  feu  élémentaire  (tejas)  ipie  le  bois  mûrit  (pakti)  et  pourrit.  C'est  par  le  vent 
élémentaire  que  le  bois  se  meut  (vyûhana,  prasarpana).  —  La  terre  élémentaire 
existe  dans  l'eau,  puistjue  l'eau  supporte  (dlirti)  les  navires  ;  etc.  —  Voir  ci-dessus 
p.  22.  Vyâkhya.  p.  34.  ^ 

•i.  Le  fer  fond  en  raison  de  la  chaleur,  donc  il  contient  l'eau  élémentaire  ;  l'eau 
devient  solide  par  le  froid,  donc  elle  contient  la  terre  élémentaire  ;  des  corps 
solides,  frottés  l'un  contre  l'autre,  deviennent  chauds  :  donc  ils  contiennent  le  feu 
élémentaire,  etc. 

4.  apsH  Sdiiyâtiéayâd  atisnyam  gatnyate. 


Hiuan-tsang,  iv,  fol.  1  b-2  a.  147 

D'après  une  autre  opinion,  celle  des  Sautrântikas,  les  grands  élé- 
ments qij5  ne  sont  pas  perçus  dans  un  aggrégat  donné  y  existent  à 
l'état  de  semence  (bijatas,  saktitas,  sâmarUiyatas),  non  pas  en  acte, 
non  pas  -en  soi  (svarûpatas).  C'est  ainsi  que  Bliagavat  a  pu  dire 
(Sarnyj^lÉtSJi^ma,  18,  lo)  :  «  Dans  ce  morceau  de  bois,  il  y  a  beaucoup 
de  dhâtiis  ou  substances  minérales  »  '.  Bhagavat  entend  que  ce  bois 
contient  des  semences,  des  potentialités  (sakti)  de  nombreux  dhâhis  ; 
car  l'or,  l'argent,  etc.,  n'existent  pas  actuellement  dans  le  bois. 

Les  Sautrântikas  objectent  encore  :  Comment  établir  la  présence 
(sadbhâva)  de  la  couleur  (vania)  dans  le  vent  ?  ' 

Les  Vaibhâsikas  répondent  :  C'est  là  objet  de  foi  (éraddhanlya), 
non  de  raisonnement  (anumeya).  Ou  bien  la  couleur  existe  dans  le 
vent,  puisqu'on  perçoit  l'odeur  en  raison  du  contact  du  vent  et  d'un 
objet  odorant  ;  or  l'odeur  n'est  jamais  dissociée  de  la  couleur  \ 

6.  Nous  savons  que  l'odeur  et  la  saveur  manquent  dans  le  Rûpa- 
dhâtu  (i.  30)  ;  il  faut  donc,  pour  la  molécule  de  Rûpadhâtu.  réduire 
les  chiffres.  On  aura  six,  sept,  huit  substances,  et  lorsque  le  son  inter- 
vient, sept,  huit  et  neuf.  Nous  n'expliquerons  pas  le  détail  qui  va 
de  cire. 

7.  Objection.  —  Le  Yaibhâsika  dit  que  la  molécule  de  Kamadhâtu 
comporte,  au  minimum,  huit  dravyas,  huit  choses  ou  substances. 
Entend-il  des  dravyas  proprement  dits  (dravijam  eva),  des  substan- 
ces individuelles,  des  choses  qui  ont  un  caractère  propre  *,  ou  des 
âyatanas  que  l'on  peut  nommer  dravyas,  substances,  puisqu'ils 
possèdent  chacun  des  caractères  généraux  distinctifs  ?  ''  —  Dans  la  pre- 
mière hypothèse  les  chiffres  proposés  sont  trop  faibles.  La  molécule, 
dites-vous,  comporte  quatre  '  matières  dérivées  ',  le  rûpa  d'abord  : 
elle  comportera,  disons-nous,  non  seulement  le  rûpa  couleur  (varna, 

1.  santy  asmin  dàruskandhe  vividhâ  dhâtavah.  —  Sur  le  sens  de  dhàtxi, 
i.  20. 

2.  Présence  qui  résulte  de  la  définition  :  La  molécule  comporte  huit  substances. 

3.  varnavân  vâyur  gandhavattvàj  jâtiptispavat.  —  Voir  d'ailleurs  i.  1.3  c-d. 

4.  yasya  svalalcsanam  asti  tad  dravyam.  Le  bleu  est  un  dravya. 

5.  sâmânyavisesalaksanasadbhâvcit.  —  Le  rûpa  possède  le  caractère  de 
•  résistance  '  (rûpyate)  qui  est  commun  à  la  couleur-  et  à  la  figure,  au  bleu,  etc. 


148  CHAPITRE  II,  22-23  b. 

le  dravya  bleu  ou  rouge,  etc.),  mais  encore  le  rûpa  {ignre  (samsthd- 
na){i.  10,  iv.  3  c),  puisque  nombre  d'atomes  y  sont  agglomérés  [2  b]. 
Elle  comporte  la'  matière  dérivée  '  nommée  '  tangible  '  (sprastavi/a)  : 
elle  sera,  disons-nous,  lourde  ou  légère,  rude  ou  moelleuse  ;  elle 
pourra  être  '  de  froid  ',  '  de  faim  ',  *  de  soif  '  ;  elle  comportera  donc 
les  dravyas  que  sont  la  lourdeur  ou  la  légèreté,  le  moelleux  ou 
la  rudesse,  le  froid,  la  faim  et  la  soif,  (i.  10  d).  Donc  les  chiffres  pro- 
posés sont  trop  faibles.  —  Que  si,  au  contraire,  le  Vaibhâsika  entend 
parler  à'âijatanas,  les  chiffres  sont  trop  forts,  car  les  grands  éléments 
font  partie  de  VCiyatana  '  tangible  '  (i.  35  a)  ;  il  faut  donc  dire  que 
la  molécule  comporte  quatre  substances  (dravya),  le  visible,  l'odeur, 
la  saveur,  le  tangible. 

Le  Vaibhâsika  répond.  —  Notre  définition  de  la  molécule  est  bonne. 
Le  mot  dravya  s'entend,  suivant  le  cas,  et  des  substances  propre- 
ment dites  et  des  âyatanas.  Parmi  les  huit  dravyas  de  la  molécule, 
il  y  a  (1)  quatre  substances  proprement  dites,  à  savoir  les  quatre 
grands  éléments,  points  d'appui  et  sources  (âéraya)  des  matières 
dérivées  (bhaiitlka),  (2)  quatre  âyatanas,  quatre  sortes  de  matière 
dérivée  supportée  par  les  grands  éléments  :  visible  (rûpa),  odeur, 
saveur  et  tangible  (abstraction  faite  des  grands  éléments  qui  sont 
inclus  dans  le  tangible). 

La  réponse  n'est  pas  bonne,  car  chacune  de  ces  quatre  matières 
dérivées  est  supportée  par  la  tétrade  des  grands  éléments.  La  molé- 
cule comportera  donc  vingt  dravyas  '. 

1.  Nous  avons  vu  (i.  13,  p.  25)  qu'un  atome  ou  monade  n'existe  jamais  à  l'état 
isolé.  L'éditeur  japonais  cite  sur  ce  point  le  comnientaire  en  six  chapitres  de 
Houei-houei.  M.  P.  Pelliot  a  retrouvé  sa  citation  dans  T'ao  8^î,  5,  fol.  414,  oii  elle 
est  accompagnée  d'une  glose  cpii  justifie  le  chiffre  de  1379  atomes  pour  la  molécule 
de  visihle,  etc. 

Voici,  sauf  erreur,  le  sens  de  ces  gloses  : 

Un  atome  n'existe  jamais  à  l'état  isolé.  On  a,  au  minimum,  des  groupes  —  ou 
molécules  —  de  sept  atomes  :  ipialre  faces,  au-dessus,  en  dessous  :  six  côtés  ;  au 
centre  ;  donc  sept.  A  considérer  une  molécule  de  matière  dérivée  (mahâbhûtâny 
upàddjia  riijxnn,  bhantikum  rûpani),  par  exemple  une  molécule  de  '  visible  ' 
(rûpa)  ou  d'odeur  (tjfinillia),  on  a  donc  sept  atomes  de  visible  ou  d'odeur. 

Chacun  de  ces  sept  atomes  est  supporté  par  sept  atomes  complexes,  sept  atomes 


Hman-tsang,  iv,  fol.  2  a-3  a.  149 

Non  pas,  réplique  le  Vaibhâsika,  car  nous  envisageons  la  nature 
(jâtij  de»  grand»  éléments,  solidité,  etc.  La  nature  de  la  tétrade  des 
grands  éléments  reste  la  même,  que  ceux-ci  supportent  la  matière 
dérivée  Oideur  ou  les  matières  dérivées  visible,  saveur,  tangible. 

Mais  poiy-quoi  vous  exprimer  d'une  manière  amphibologique  et 
employer  le  mot  dravija  dans  deux  acceptions  différentes  ?  Les  mots 
obéissent  au  caprice,  mais  il  faut  examiner  le  sens  *. 

iii.  Les  mentaux  ou  caittas  (23-34). 

23  a.  La  pensée  et  les  mentaux  naissent  nécessairement  ensemble  ^ 

La  pensée  (citta)  et  les  mentaux  (caitta)  ne  peuvent  prendre  nais- 
sance indépendamment. 

23  b.  Toutes  choses  naissent  nécessairement  avec  leurs  carac- 
tères (laksana)  ^  [3  a]. 

Tous  les  dharmas  conditionnés  (samskrta),  matière,  pensée  (ii. 

ayant  pour  nature  les  quatre  grands  éléments,  sept  atomes  où  les  quatre  grands 
éléments  sont  présents. 

Chacun  de  ces  sept  atomes  comporte  quatre  atomes,  atomes  de  terre,  d'eau,  de 
feu,  de  vent  :  l'atome  de  terre  comporte  sept  atomes  de  terre,  etc. 

Donc  (1)  sept  atomes  de  terre,  d'eau,  de  feu,  de  vent,  en  tout  28  atomes,  consti- 
tuent un  atome  de  quatre-grands-élémcnts. 

(2)  Un  atome  de  quatre-grands-éléments  n'existe  pas  isolé  :  sept  se  groupent 
(7  X  28  =  196  atomes)  pour  supporter  un  atome  de  matière  dérivée. 

(3)  L'atome  de  matière  dérivée,  avec  ses  supports,  atomes  de  quatre-grands- 
éléments  (1  +  196  :=  197  atomes),  forme  groupe  avec  six  autres  atomes  jiareils  : 
l'atome  de  matière  dérivée  comporte  donc  1.379  atomes  (7  X  197). 

[Mais  toute  matière  dérivée  possède  visibilité,  odeiu-,  saveur,  tangibilité.  Donc 
ce  chiffre  doit  être  multiplié  par  quatre  pour  obtenir  la  plus  petite  partie  de  matière 
existant  à  l'état  isolé.] 

1.  chanclato  M  vâcâni  pravrUih  j  arthas  tu  parlksyah.  —  C'est-à-dire 
chandata  icchâtah  samksepavistaravklhdnârmvidhâyino  vâcah  pravar- 
tante  j  arthas  tv  âbîiyâm  parlksyah 

2.  cittacaittâh  saliâvasyam. 
citta  =  maiias  =.  rijùCDia. 

caitta  =  caitasa  =  caitasika  --^  cittasamprayuMa, 

3.  sarvam  samskrtalaksanaih  j 


150  CHAPITRE  II,  23  b-c. 

34),  mentaux,  samskâras  dissociés  de  la  pensée  (ii.  35),  naissent 
nécessairement  avec  leurs  samsJîrtalaksanas,  naissance,  durée, 
vieillesse  et  impermanence  (ii.  46  a). 

23  c.  Quelquefois  avec  la  possession  (prâpti)  '. 

Parmi  les  dharmas  conditionnés,  ceux  qui  sont  intégrés  aux  êtres 
vivants  {sattvâkhija,  sattvasamkhyâta,  i.  10)  naissent  nécessairement 
avec  la  pràpti  qui  se  rapporte  à  chacun  d'eux  (ii.  37  b).  Des  autres, 
il  n'y  a  \m\.?,  prâpti.  C'est  pourquoi  la  stance  dit  '  quelquefois  '. 

Quels  sont  les  mentaux  ?  ' 

1.  prâptyâ  va. 

2.  A.  Théorie  des  cniffas  d'après  Vasubandhu,  d'après  les  Sautrantikas. 

B.  Prakaranapâda  et  Dhatiikâya. 

C.  Ahhidhanuna. 

A.  Le  commentaire  du  Vijfiaptimâtrasâslra  dit  (jue  les  Sautrantikas  ont  deux 
systèmes.  Les  uns,  les  Dârstanlikas,  soutiennent  que  la  pensée  seule  existe,  que 
les  mentaux  n'existent  pas,  d'accord  avec  Buddhadeva  (voir  i.  35  note)  ;  les  autres 
admettent  l'existence  des  mentaux  et  se  divisent  en  plusieurs  opinions  :  qu'il  y  a 
trois  mentaux,  vedatiâ.  samjnCi,  cetanâ  :  qu'il  y  en  a  quatre  (en  ajoutant  le 
ftparsa),  dix  (les  dix  mahCihhûniikds),  quatorze  (en  ajoutant  lobha,  dvesa,  nioha, 
tnâna)  ;  en  outre  certains  Sautrantikas  admettent  tous  les  mentaux  des  Sarvâsti- 
vadins.  (Les  renseignements  de  Wassilief,  p.  309,  diffèrent  ;  lire  '  Bhadanta 
Saulrâulika  '  au  lieu  de  Bhattopama). 

Voir  ii.  26  c-d  ;  iii.  32  a-b. 

Vasubaudliu  a  exposé  sa  doctrine  des  mentaux  dans  le  Paficaskandhaprakarana 
(Nanjio,  1176;  Mdo,  58).  —  Quels  sont  les  caittns  ?  Les  dharmas  associés 
(samprayukta)  à  la  j)ensée,  à  savoir  (1)  Cinq  universels  (sarvaga)  :  sparàa, 
ma>iasknr(t,veda)ia.  sdmjhd,  cetana.(2)Cuv\  particuliers  (prntini ynfavisaya) : 
clianda,  adhininkti,  snrrti,  samddhi,  prajùa.  (?>)  Onze  bons  :  èraddhn,  hrl, 
apntrâpyn,  alobha  kusaUunftîa,  adresa  kusalamûla,  amoha  kuésalamûla, 
virya,  prasrahdhi,  npramnda,  iipeksû,  ahimsâ.  (4)  Six  passions  (kleéa)  :  râcfa, 
prntiyhn,  mânn,  avidyâ,  drsti,  vicikitsâ.  (5)  Les  autres  (éesa)  sont  upaklesa  : 
krodha,  npnnùha,  mraksn,  prndasa,  irsyfi,  mâtsnrya,  mfiyfi,  snJhya,  mada, 
vihhnsà,  ahrikya,  (uinpdtrapya,  stycina,  rinddhatya,  fisraddhya,  kausldya, 
npramâdn,  mnsHnHmrtitd,  viksepa,  asantprujauyn.  (6)  Quatre,  de  caractère 
instable  (gshnn  du  yntï  hgyttr  ha)  :  kankrlya,  niiddha,  vitarka,  vicâra. 

B.  D'après  le  Prakaranapâda  (début  du  livre)  : 

Il  y  a  rinij    dlianiias  :   1.  rûpa,  2.  citta,  3.  caiffndharnm,  4.  cittavipraynk- 

tasamskura,  .").  aaamskrta Qu'est-ce  «jue  le  citta?  C'est  le  citta,  le  nianas, 

le  vijnâna,  c'est-à-dire  les  six  catégories  de  vijnâna,  connaissance  de  la  vue,  etc. 


Hiiian-tsang,  iv,  fol.  3  a.  151 

Que  sont  les  caittas?  Tous  les  clharmas  associés  à  la  pensée.  Quels  sont  ces 
dharmas*'  A  savwir  vedanâ^  samjnâ,  cetanâ,  sparsa,  manasikâra,  chanda, 
adhluiu^,  snirti,  samâdhi,  prajuâ,  sraddhâ,  vîrya,  vitarka,  vicâra,  pra- 
mdda,  apramnda,  kusnlamîda,  akusalanifila,  avyâkyfamûla,  tous  les  satn- 
yoja)ias,  (Xnnsai/as,  upaklesas, parijavdstliâtias  {v.  il),  tout  ce  qui  est  savoir 
(jnâna,  \u.  i^,  tout  ce  qui  est  opinion  (drsti),  tout  ce  qui  est  compréhension 
(abhischnaya,  vi.  27),  et  encore  tous  les  dharmas  de  cette  espèce,  associés  à  la 
pensée,  sont  caitfa. 

Plus  loin  (début  du  quatrième  chapitre,  xxiii.  10,  fol.  18  b  =  Dhâtukfiya,  début)  : 
«  Il  y  a  18  dhàtus,  12  âyatanas,  5  skandlias,  5  npâdânnskandhas,  G  dliâtns, 
10  mahCiblimnikas,  10  kusalamahâblmmikas,  10  klesamahâbhfmtikas,  10 
parïttaklesablmniikas,  .5  klesas,  5  satnsparsas,  5  drstis,  5  indriyas,  5  dhar- 
mas, 6  vijnâtiakâyas,  6  sparsakCiyas,  0  vedrniâkâyas,  6  samjnâkâyas,  6 

cetanâkâyas,  6  trsnakâyas.  —  Quels  sont  les  18  dhâtus  ? Quels  sont  les 

six  dhâtîfs  ?  A  savoir  l'élément  terre  ....  (Kosa,  i.  28).  —  Quels  sont  les  dix 
mahâbhûmikas  ?  A  savoir  vedanâ prajnâ. —  Quels  sont  les  dix  kusala- 
mahâblmmikas? A  savoir  sraddhâ,  vïrya,  hrl,  apatrapâ,  aloblia,  advesa, 
prasrabdhi,  upeksâ,  apramâda,  ahimsâ.  —  Quels  sont  les  dix  klesamahâ- 
bhûmikas  ?  A  savoir  asrâddhya prainâda  (liste  citée  ci-dessous  ii.  26  a-c). 

—  Quels  sont  les  dix  parlttaklesabUfimikas  ?  A  savoir  krodha,  itpanâha, 
mraksa,  pradâsa,  îrsyâ,  niâtsarya,  sâfhya,  mâyâ,  mada,  vihimsâ.  —  Quels 
sont  les  cinq  klesas  ?  A  savoir  kâmarâga,  rûparâga,  ârnpyarâga,  pratiglia, 
vicikitsâ  (v.  1).  —  Quelles  sont  les  cinq  drstis?  A  ss.\oir  satkâyadrsfi,  anta- 
grâhadrsti,  mithyâdrsti,  drstiparâmarsa,  sllavrafaparâmarsa  (v.  3).  — 
Quels  sont  les  cinq  sanisjjarsas  ?  A  savoir  pratighasatnsparsa,  adhivacana- 
samsparsa,  vidyâsamspa rsa ,  avidyâsamparsa,  naivavidyânâvidyâsam- 
sparsa  [ni.  30  c-31  a).  —  Quels  sont  les  cinq  indriyas  ?  A  savoir  sukhendriya, 
duhkliendriya,  saumauasyendriya,  daurniaiiasyeudriya,  npeksendriya  ('ii.7). 

—  Quels  sont  les  cinq  dharmas  ?  A  savoir  vitarka,  vicâra,  vijnâna, 
âhrlkya,  anapatrâpya.  [Dans  le  Kosa,  ii.  27,  vitarka  et  vicâra  sont  classés 
comme  aniyata  ;  ii.  28  d,  âhrlkya  et  anapatrâpya  sont  classés  comme  akuéa- 
lamahâbhûiiiika,  catégorie  imaginée  plus  tard,  voir  iii.  32  a-b  ;  quant  au  vijnâna 
visé  ici  par  le  Prakarana  et  le  Dhâtukâya,  il  s'agit  sans  doute  des  six  vijnâna- 
kâyas.]  —  Quels  sont  les  six  vijiiânakâyas ?  A  savoir  caksurvijnûna  ,.... 
manovijnâna.  —  Quels  sont  les  six  samsparsakâyas  ?  A  savoir  caksnhsam- 

sparsa manaJisanisparsa  (iii.  30  b  ).  —  Quels  sont  les  six  vedanâkâyas  ? 

A   savoir  caksulisamsparsajavedanâ   (iii.   32   a).    —    Quels   sont   les   six 

samjnâkâyas  ?  A  savoir  caksnhsanisparsajasamjiiâ —  Quels  sont  les  six 

cetanâkâyas?  A  savoir  caksulisamsparsajacetatul  —  Quels  sont  les  six 

trsnâkâyas  ?  A  savoir  caksuhsamsparsajatrsnâ 

Le  Dhâtukâya  poursuit  en  expliquant  les  niahâbhûmikas  :  «  Qu'est-ce  que  la 
vedanâ  ?  »  (Voir  ii.  24,  p.  l.>3  n.  1  C). 

C.  Kathâvatthu,  vii.  2-3,  les  Râjagirikas  et  les  Siddhatthikas  nient  le  samprayoga 
des  dharmas,  nient  l'existence  des  caitasikas  ;  ix.  8,  les  Uttarâpathakas  font  du 


152  CHAPITRE  II,  23  c-24. 

23  c-d.  Les  mentaux  sont  de  cinq  espèces,  mahâbJiûmikas,  etc.'. 

Les  mentaux  sont  les  mahâhhûmîkas,  qui  accompagnent  toute 
pensée,  les  kusalamahâhhfwiikas,  qui  accompagnent  toute  pensée 
bonne,  les  klesamahilhliûmikas,  qui  accompagnent  toute  pensée 
souillée,  les  akusalamahâhhûmikas,  qui  accompagnent  toute  pensée 
mauvaise,  les  parittaklesahkumikas,  qui  ont  pour  terre  la  petite 
passion. 

bhnmi,  terre,  signifie  '  lieu  d'origine  '  (gativisaya,  ntpaUivisaya). 
Le  lieu  d'origine  d'un  dharma  est  la  hhûmi  de  ce  dhnrnia. 

La  '  grande  terre  ',  mahàhhûmi,  est  ainsi  nommée  parce  qu'elle 
est  la  terre,  le  lieu  d'origine,  des  grands  dli armas,  [c'est-à-dire  des 
dharmas  de  grande  extension,  qui  se  trouvent  partout].  On  appellera 
mahâhhimiika  le  dharma  qui  est  inhérent  à  la  mahâhliûmi  [3  b], 
c'est-à-dire  le  dharma  qui  se  trouve  toujours  dans  toute  pensée  *. 

Quels  sont  les  mahàbhûmikas  ? 


vitni'ka  un  iiiahâbhfttnika  (le  terme  leclmique  manque).  —  Visuddhimagga,  xiv. 
—  Abhidhammasamgaha,  ii.  Dans  Compendium,  p.  287,  S.  Z.  Aung  et  C.  A.  F.  Rhys 
Davids  ont  des  observations  intéressantes  sur  le  développement  de  la  doctrine 
des  cetasikas. 

1.  paiicaclhâ  caittâ  malmhhûmnâcïihhedatnh  1 1 

2.  D'après  la  Vilihûsâ  (Kî^  12  b)  citée  par  l'éditeur  japonais  :  Quel  est  le  sens 
de  l'expression  mahâblnimikadharnia ? 

a.  Le  grand,  c'est  la  pensée  ;  ces  dix  (îhannris  sont  la  blnlnii,  le  lieu  d'origine 
de  la  pensée  ;  étant  la  bhûnii  du  '  grand  ',  on  les  nomme  mahâbliûmi.  Etant 
mahcibhûnii  et  dharmas,  ils  sont  niahâhlinniikadharmas. 

h.  Quelques-uns  disent  :  La  pensée  est  grande,  à  cause  de  la  supériorité  de  sa 
nntun;  et  de  son  activité  ;  elle  est  grande  et  elle  est  bliûmi,  on  rap[)elle  donc 
nidhâbhûnii,  {)arce  (pi'elle  est  le  lieu  qui  sert  de  point  d'appui  aux  caittas.  Les 
dix  dharmas,  vedanCi,  etc.,  parce  (]ii"ou  les  rencontre  partout  dans  la  mahâ- 
bhiimi,  sont  nommés  mahâbhûmikadharwas. 

c.  Quelques-uns  disent  :  Les  dix  dharmas,  vedauâ,  etc.,  se  trouvant  partout 
avec  la  pensée,  sont  nommés  '  grands  '  ;  la  pensée,  étant  leur  bhfimi,  s'appelle 
Hia/»âft/<«>»t  ;  les  t'erfanâ,  etc.,  étant  inhérents  à  la  mahCibhûmi,  sont  nommés 
mahabhûwikadharmas. 

Vasubaudhu  repro<luit  la  troisième  étymologie. 

Nous  verrons  iii.  32  a-bj  que  Srîlûbha  n'admet  pas  cette  définition  du  terme 
viahitbhximika. 


Hiiian-tsang,  iv,  fol.  3  a-b.  153 

24.  Sensation  (vedanâ),  volition  (cetanâ),  notion  (samjnâ),  désir 
d'aciioiyXchciJida),  contact  (sparéa),  discernement  (mati),  mémoire 
(smrti),  acte  d'attention  (manaskâra),  approbation  (adhimukti), 
recueillement  ou  concentration  (samùdhi)  coexistent  à  toute  pensée  '. 

Ces^i^jifiarmas,  d'après  l'Ecole  '',  existent  tous  dans  tout  moment 
de  pensée  (cittaksana). 

1.  La  vedanâ  est  la  triple  sensation  (anuhliava),  plaisante,  péni- 
ble, ni-pénible-ni-plaisante  (i.  14). 


1.  [vedanâ  cetanâ  samjnâ  chandail  sparso]  matih  smrtih.  j 
[manaskâro  'dhimuktis  ca  samâdhih  sarvacetasi]  // 

A.  Hiuan-tsang  corrige  :  vedanâ  samjnâ  cetanâ  sparéa  chanda  prajiïâ 
smrti  manaskâra.  adhimnkti  saniâdhi. 

L'ordre  de  rAl)hidharma  (Prakaranapâda,  Dhâtukâya)  est  le  suivant  :  vedanâ 
samjnâ  cetanâ  sparéa  manaskâra  chanda  adhimukti  smrti  saniâdhi  prajîïâ. 
—  Vasubandhu  (Pancaskandhaka)  distingue  cinq  universels  (sarvaga)  :  sparéa 
manaskâra  vedanâ  samjnâ  cetanâ,  et  cinq  particuliers  (pratiniyatavisaya)  : 
chanda  adhimukti  smrti  saniâdhi  prajnâ. 

L'ordre  de  Mahâvyutpatti  104  (qui  lit  adhimoksa)  diffère  des  autres  sources. 

La  lecture  adhimukti  est  confirmée  par  la  Vyâkhyâ  citant  Bhâsya,  ii.  26  a-c, 
p.  162. 

B.  Nous  mettons  dans  le  texte  l'essentiel  de  la  Vyâkhyâ.  —  Voici  la  version 
tibétaine  du  Bhâsya  : 

hthsor  ba  ni  myon  ba  rnam  pa  gsum  ste  /  bde  ba  dan  /  sdug  bsnal  dan  /  dge  ba 
yan  ma  yin  sdug  bsnal  yan  ma  yin  paho  /  /  sems  pa  ni  seras  mnon  par  hdu  byed 
paho  /  /  hdu  ses  ni  hdus  nas  ses  pa  ste  /  yul  la  mthsan  mar  hdzin  paho  /  /  hdun 
pa  ni  byed  hdod  paho  /  /  reg  pa  ni  yul  dan  dbari  po  dan  rnam  par  ses  pa  hdus  pa 
las  skyes  pahi  reg  paho  /  /  blo  gros  ni  ses  rab  ste  /  chos  rab  tu  rnam  par  hbyed 
paho  /  /  dran  pa  ni  dmigs  pa  mi  brjed  paho  /  /  yid  la  byed  pa  ni  sems  kyi  hjug 
paho  /  /  mos  pa  ni  hdod  paho  /  /  tin  ne  hdzin  ni  sems  rtsa  gcig  pa  nid  do  / 

C.  Le  Dhâtukâya  (xxiii.  10,  fol.  2  a)  donne  des  définitions  qui  sont  tout  à  fait 
dans  le  style  de  l'Abhidhamma.  Par  exemple,  le  saniâdhi  est  défini  :  «  La  sthiti 
de  la  pensée,  la  samsthiti  (teng-tchou),  Vabhisthiti  (hien-tchou),  Vupasthiti 
(kin-tchou),  ï'aviksepa  (pou-loan),  VàghaUana  (pou-san,  Mahâvyutpatti,  245,  226). 
le  samdhârana  (?  che-tchê),  le  éamatha,  le  saniâdhi,  la  cittasyaikâgratâ, 
voilà  ce  qu'on  appelle  le  samâdhi.  »  (Vibhanga,  p.  217,  Dhammasangani,  11). 

De  même  la  vedanâ  est  vedanâ,  scvmvedanâ,  pratisainvedanâ,  vedita,  ce 
qui  sera  senti,  ce  qui  est  compris  dans  la  vedanâ.  —  La  smrti  est  smrti,  anusmrti, 
pratismrti,  smarana,  asampramosatâ  ....  cetaso  'bhilâpa. 

2.  Le  mot  kila  montre  que  l'auteur  expose  l'opinion  de  l'École  (Vibhâsâ,  12,  lo). 
II  a  expliqué  sa  doctrine  dans  le  Pancaskandhaka  (Vyâkhyâ). 


154  CHAPITRE  II,  24. 

2.  La  cefanâ  est  ce  qui  conditionne,  informe,  modèle  la  pensée 
(cittâhhisamskâra,  cittaprasyanda)  (i.  15  ;  iv.  1). 

3.  La  samjùâ  est  scunjfiâna,  ce  qui  saisit  les  marques  (mâle, 
f(Mi)elle,  etc.)  de  l'objet  (visaijayiimiUagrahana  =  visayavisesarû- 
pagrâha)  (i.  14,  ii.  34  b-d,  p.  177  n.  5). 

4.  Le  chanda  est  le  désir  de  l'action  '. 

5.  Le  sparsa  est  l'état  de  contact  (sprsU)  né  de  la  rencontre  (sam- 
nipâfa)  de  l'organe,  de  l'objet, et  de  la  connaissance  (vijfiâna)  ;  en 
d'autres  termes,  le  dliarnia  par  la  vertu  duquel  (ijadyogdt)  l'organe, 
l'objet  et  la  connaissance  sont  comme  s'ils  se  loucbaient  (iii.  30). 

6.  La  prajùâ,  que  la  stance  désigne  sous  le  nom  de  mati,  est  le 
discernement  des  dkarmas  (i.  2)  ". 

7.  La  smrti  est  la  non-défaillance  à  l'égard  de  l'objet  (âlanihanâ- 
sampramom)  ;  un  dharma  en  vertu  duquel  la  pensée  (manas) 
n'oublie  pas  l'objet  (visrnaraii),  en  vertu  duquel  elle  le  chérit  pour 
ainsi  dire  (ahhilasntlva)  \ 

8.  Le  manaskdra  est  rinflexion  (dbhorjaj  '  de  la  pensée  (cetas)  : 
en  d'autres  termes,  '  courber  ',  '  appliquer  '  la  pensée  vers  l'objet 
(dlambane  cetasa  dvarjanam  avadhdranam).  [Manaskdra  s'ex- 
[dique  nianasah  kdrah  ou  manah  karofy  dvarjayatl.]  (ii.  72). 

1).  L\idlnmi(kti  est  l'approbation  '. 

1.  Comparer  Atlhasâlinî,  320  :  Txnttnhnmyatd.  —  D'après  le  Pancaskandhaka  : 
abhipreie  vastiiun  abJnlàsah.  (Voir  ii.  ,5.5  c-d,  iii.  1,  où  le  chanda  est  défini 
undiia  te  p  râ  rth  a  un.) 

2.  PancasknniWuika-.upaparlksye  vastuni  praiicayo  y()yaijofjnvihito'>iyathâ 
rfi. 

3.  Pancaskandliaka .-.sa ms^H^e  vastnny  asamprauiosah I  cetaso  'bhilnpanatâ. 
—  Voir  i.  '{.3. 

4.  Sur  dhhofja.  S.  Li'vi  ad  SnlrâlarnUrira.  i.  Ifi,  et  Miiséon,  1011 

.5.  Ce  ferme  fait  dinieulli''.  -  \yrik\\yr].  :  aUliimulcfis  i(i(lal(tntbn»asy((  yniiato 
'vndhârnnâd  (''nnm  ?)  rucir  iii  anye  j  ynthaniscayam  dhâraneti  yogàcâra- 
ciltdli  :  "■  Vddhimnkti  est  la  considération  de  l'objet  au  point  de  vue  de  ses 
qualifés  ;  d'après  d'oulres,  la  complaisance  ;  il'après  les  Ascètes,  la  contemplation 
<!e  l'ohjel  en  eonforinité  avec  la  décision  prise.  »  (Co  deriner  point  est  expli<jué 
ad  ii.  72.  ndliitnukliindiiaskâra). 

D'après  le  Pancaskandhaka,  adhimoksa  =  niscite  vastuny  avadhârano7H. 

D'après  le  Prakaranapâda,  13  b  9  :  «  Qu'est-ce  que  Yadhimiikti  ?  La  délectation 
de  la  pensée  dans  la  sensation  et  le  contact  (?  sîn  tchéng  lo  cheou  tch'ou). 


Hiumi-tsang,  iv,  fol.  3  b.  155 

10.  Le  samâdhi  est  l'unité  d'objet  de  la  pensée  (cittaikclgratâ)  : 
agra  =J^laiiihana,  i.  33)-;  c'est  le  dliarma  en  vertu  duquel  la  pen- 

La  version  fibétaine  de  notre  texte,  mos  pa  ni  hdod  paho,  donne  :  aclhinmktir 
icchâ  ou  rîtcih,(?). 

Paraniô*)4j**^raduit  :  «  L'adhimukfi  (siàng  liao)  est  un  dharma  (|ui  fait  que 
la  pensée  est  vive  (mîng  liao,  pahi)  à  l'endroit  des  caractères  de  l'objet  ».  —  Ceci 
ce  n'est  pas  une  traduction,  mais  une  glose. 

Hiuan-tsang  traduit  :  «  Adhhmikti,  c'est-à-dire  nêug  yû  kïng  in  k'o  ».  —  On 
peut  traduire  :  «  ce  qui  fait  qu'il  y  a  signe  d'approbation  à  l'égard  de  l'objet  ». 
L'expression  in  (^  niudrâ)  k'o  (possible)  est  signalée  par  Rosenberg  dans 
plusieurs  lexiques.  M.  A.  Waley,  qui  a  bien  voulu  consulter  les  gloses  japonaises, 
traduit  :  «  the  sign  of  approval  given  to  a  disciple  who  bas  understood  v?hat  bas 
been  taught  bim  ».  On  aurait  donc  k'o  =  k'o  i  ^  «  cela  peut  aller  »  (A.  Debesse). 

—  L'adhimnkti  est  l'approbation  de  l'objet,  le  dharma  en  raison  duquel  on 
prend  l'objet  en  considération;  elle  marque  un  premier  stade  de  l'acte  d'attention. 

—  Voir  la  note  de  Sbwe  Zan  Aung,  Compendium,  p.  17  et  241,  sur  adhimokkha  : 
*.  ...  the  settled  state  of  a  mind  ...  ;  it  is  deciding  to  attend  to  tins,  not  tbat, 
irrespective  of  more  complicated  procédure  as  to  wbat  '  tbis  '  or  '  that  '  appears 
to  be  ». 

Samghabhadra  (52  b  16)  :  L'approbation  (in  k'o)  à  l'endroit  de  l'objet  est  ce 
qu'on  appelle  adhinmkti.  D'après  d'autres  maîtres,  adhi  signifie  «  supériorité, 
souveraineté  »  ;  mukti  signifie  vimoksa.  h'adhimukU  est  un  dharma  en  vertu 
duquel  la  pensée  exerce  sans  obstacle  souveraineté  sur  l'objet  ;  comme  adhiélla. 

—  (07  h  8).  h'adhimiikti  est  une  chose  à  part,  car  le  Sûtra  dit  :  «  La  pensée,  en 
raison  de  Vadhinmkti,  approuve  (in  k'o)  l'objet  ».  Lorsque  les  pensées  naissent, 
toutes  approuvent ('î'nj  l'objet;  par  conséquent  Vadhimukti  est  un  mahCihhûmika. 

—  Cependant  le  Sthavira  dit  :  «  Il  n'est  pas  établi  que  YadhimukU  soit  une  chose 
à  part,  car  nous  voyons  que  son  caractère  ne  se  distingue  pas  de  celui  du  savoir 
(jiiana)  :  le  caractère  de  Vadhimukfi  est  que  la  pensée  soit  déterminée  (ni^cita) 
à  l'endroit  de  l'objet.  Pas  de  différence  avec  le  caractère  du  savoir  (jùâna).  Par 
conséquent  Vadhimukti  n'est  pas  une  chose  à  part  ».  —  Cela  n'est  pas  correct, 
car  l'approbation  (in  k'o)  fait  qu'il  y  détermination. 

Quelques-uns  disent  :  «  h'adhimiikti  est  la  détermination  (avndhârana, 
niscaya)  ».  C'est  donner  à  ce  qui  est  la  cause  de  la  détermination  (adhimiikti) 
le  nom  de  son  effet.  —  S'il  en  est  ainsi,  adhimukti  et  détermination  ne  seront  pas 
sinmltanées.  —  Non  pas;  car  ces  deux  se  conditionnent  réciproquement  :  en  raison 
du  discernement  (pratisamlihyâ)  naît  l'approbation,  en  raison  de  l'approbation 
naît  la  détermination  (niscaya).  Il  n'y  a  pas  contradiction  :  donc  pas  d'obstacle 
à  ce  qu'elles  soient  simultanées.  —  Si  toute  pensée  comporte  ces  deux,  alors  toutes 
les  catégories  de  pensée  seront  approbation  et  détermination  —  Cette  objection 
est  sans  valeur,  car  il  arrive  que,  dominée  par  d'autres  dharnias,  leur  activité 
soit  endommagée  :  encore  qu'il  y  ait  approbation  (in)  et  détermination,  elles  sont 
petites  et  difficilement  reconnaissables. 


156  CHAPITRE  II,  24-25. 

sée,  en  série  ininterrompue  (prabandhena),  reste  (vartate)  sur  un 
objet  (viii.  1)  '. 

Comment  savons-nous  que  ces  dix  mentaux,  distincts  de  nature, 
coexistent  dans  une  seule  pensée  ? 

Subtil,  à  coup  sûr,  est  le  caractère  spécifique  (vlsesa)  de  la  pensée 
et  des  mentaux.  On  ne  le  discerne  que  difficilement  (durlaksya) 
même  quand  on  se  borne  à  considérer  cliacun  des  mentaux  se  déve- 
loppant en  série  homogène  ;  à  plus  forte  raison  lorsqu'on  envisage 
un  moment  psychologique  dans  lequel  ils  existent  tous.  Si  la  diffé- 
rence des  saveurs  des  plantes,  saveurs  que  nous  connaissons  par  un 
organe  matériel  [4  a],  est  difficile  à  distinguer  (duravadhâna,  duh- 
pariccheda),  à  plus  forte  raison  en  va-t-il  de  même  des  dharmas 
immatériels  qui  sont  perçus  par  la  connaissance  mentale. 

On  nomme  knmlamaJiâhhûmi  la  *  terre  '  des  dharmas  bons  de 
grande  extension.  Les  mentaux  qui  relèvent  de  cette  terre  sont  nom- 
més kusalamaliâhliimiikas  :  les  dharmas  qui  se  trouvent  dans  toute 
bonne  pensée. 

25.  Foi,  diligence,  aj)titudc,  indifférence,  respect,  crainte,  deux 
racines,  non-nuisance,  énergie  se  trouvent  seulement  dans  la  bonne 
pensée,  se  trouvent  dans  toute  bonne  pensée  -. 

1.  La  sraddhâ,  ou  foi,  est  la  clarification  de  la  pensée  \  —  D'après 

1.  Paficaskandliuku  :  î(pftpanksife  vastnni  ciUasrjaikmjrniâ. 

2.  érnddhapramddah  praïkrabdhir  upeksfi  hrlr  apatrapa  / 
ntfdadvayam  avihimsâ  viryam  ca  kuéale  sadâ  jj 

D'après  la  Vibliûsâ,  42,  11,  et  le  Prakarana  :  éraddlm,  vlrya,  hrî,  apatrapa, 
alobha,  advesa,  prasrahdhi,  npeksd,  apramdda,  rivihini.sâ. — La  Mahâvyutjialli 
(104)  iioiiimo  la  troisième  racine  (ainoha)  et  piare  vlrya  après  les  racines.  Le 
Pancaskandhaka  nomme  aussi  la  troisième  racine  et  a  le  même  ordre  que  la 
Mahavyutpalli,  à  ceci  près  qu'il  place  Y apramâda  avant  Vupeksâ. 

3.  cetasah  prasâdah.  —  D'après  Jnânaprasthâna,  1,  it».  —  F]n  d'autres  termes, 
la  sraddhâ  est  le  dharmn  par  lecpiei  (yudyofjât)  la  j)ensée,  troublée  par  les 
kleéas  et  tipaklesas,  devient  claire  :  comme  l'eau  trouble  devient  claire  par  la 
présence  de  la  gemme  qui  purifie  l'eau  (udakaprasâdakamani).  Même  exemple 
dans  Atthasftlinî,  304, 


Hluan-tsang,  îv,  fol.  3  b-4  b.  157 

une  autre  opinion  ',  c'est  l'adhésion  à  la  doctrine  du  fruit  de  l'acte 
(vi.  78  b)»^ux  joyaux  (vi.  73  c)  et  aux  vérités. 

2.  Vaprapiâda,  ou  diligence,  est  la  bhâvanâ,  c'est-à-dire  la  prise 
de  possesd'on  et  la  culture  des  bons  dharmas  ^ 

Objefttitjji*.'La  prise  de  possession  et  la  culture  des  bons  dharmas 
n'est  autre  chose  que  les  bons  dharmas  pris  et  cultivés.  Comment 
pouvez-vous  faire  de  la  diligence  un  dharma  mental  à  part  ? 

La  diligence  est  l'application  (avahilatâ)  aux  bons  dharmas.  On 
dit,  par  métaphore,  qu'elle  en  est  la  bhâvanâ.  Par  le  fait,  elle  est 
la  cause  de  la  bhâvanâ. 

D'après  une  autre  école  ',  la  diligence  est  la  garde  (âraksâ)  de  la 
pensée. 

3.  La  prasrabdhi  [4  b]  est  le  dharma  par  lequel  la  pensée  est 
habile,  légère,  apte  (ciltakarmanyatâ,  cittalâghava)  \ 

Mais,  observe  le  Saatrantika  ',  le  Sûtra  ne  parle -t-il  pas  de  la 
prasrabdhi  du  corps  ?  ^ 

Le  Sûtra  parle  de  la  prasrabdhi  du  corps  comme  il  parle  de 
sensation  corporelle  (kâyikl  vedanâ).  Toute  sensation  est,  de  sa 
nature,  mentale  ;  toutefois  le  Sûtra  nomme  '  corporelle  '  la  sensation 


1.  Explication  adoptée  par  Vasubandhu  dans  le  Pancaskandhaka. 

2.  kusalânâtn  dharmânâm  bliâvanâ.  —  bhâvanâ  signifie  '  prise  de  posses- 
sion ',  '  fréquentation  '  (pratilambha,  nisevana)  d'après  vii.  27. 

3.  Les  Mahâsamghikas.  —  La  diligence  tient  la  pensée  à  l'abri  des  dharmas 
de  souillure  (sâmkîestka). 

4.  L'Abhidhamma  distingue  la passaddhi  et  la  lahutâ  (Dhammasangani,  40-4.3) 
que  l'Abhidharma  semble  identifier.  —  La  prasrabdhi  dans  les  dhyânas  est 
analysée  viii.  9. 

5.  D'après  l'éditeur  japonais.  —  Pancaskandhaka  :  «  la  prasrabdhi  est  l'aptitude 
de  la  pensée  et  du  corps,  un  dharma  opposé  au  dausthulya  »  (S.  Lévi,  Sûtrâ- 
lamkâra,  vi.  2,  Wogihara,  p.  29). 

6.  Le  prasrabdhisambodhyanga  est  double,  cittaprasrabdhi,  kâyapra- 
érabdhi  (Prakaranapâda,  iii.  1).  —  Sarnyuktâgama,  27,  3  :  —  tatra  yâpi  kâya- 
prasrabdhis  tad  api  prasrabdhisambodhyanyam  abhijnâyai  sambodhaye 

nirvânâya  samvartate  /  yâpi  cittaprasrabdhis  tad  api  sambodhyangant 

Recension  plus  brève  dans  Samyutta,  v.  111.  —  En  présence  de  ce  texte,  dit  le 
Sautrântika,  comment  pouvez-vous  définir  la  praérabdhi  comme  unique,  '  l'apti- 
tude de  la  pensée  '  ? 


158  CHAPITRE  II,  25. 

qui  a  pour  point  d'appui  les  cinq  organes  constitués  par  des  atomes, 
la  sensation  associée  aux  cinq  connaissances  sensibles  (ii.  7  a).  De 
même  la  prasrahdhi  de  la  pensée  qui  dépend  des  cinq  organes,  la 
prasrahdhi  des  cinq  connaissances  sensibles,  est  nommée  '  ^:)t"a- 
rsrahdlil  du  corps  ', 

Le  Sautrûntika  réplique.  —  Comment  la  prasrahdhi  du  corps, 
ainsi  comprise,  pourra-t-elle  être  comptée  parmi  les  membres  de  la 
Bodlii  (sayribodhyanga)  (vi.  68)  ?  En  effet,  les  cinq  connaissances 
sensibles  sont  du  domaine  du  Kâmadbâtu,  car  elles  ne  sont  pas 
'  recueillies  '  (asamâhita),  c'est-à-dire,  ne  se  produisent  pas  dans 
l'état  de  recueillement,  et  les  luembre.s  de  la  Bodhi  sont  '  recueillis  ' 
(vi.  71  a).  Donc,  à  notre  avis,  dans  le  Sûtra  que  nous  avons  allégué, 
la  prasrahdhi  du  corps,  c'est  l'aptitude  ou  iiabileté  du  corps 
(kdyauaisàradya,  kâyakarmanyatâ)  (viii,  9). 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Gomment  {a  prasrahdhi  du  corps,  ainsi  com- 
prise, pourra-t-elle  être  membre  de  la  Bodhi  ?  L'aptitude  du  corps 
est,  en  effet,  iuqjure  (sâsrava). 

Le  Sautrântika.  —  Mais  elle  est  propice  (annkula)  k  \ql  prasrah- 
dhi de  la  pensée,  qui  est  membre  de  la  Bodhi  ;  elle  reçoit,  pour  cette 
raison,  le  nom  de  membre  de  la  Bodhi.  Le  Sûtra  s'exprime  souvent 
de  cette  manière.  Par  exemple,  il  enseigne  que  la  joie  et  les  dharmas 
{[\i\  dmaenila  joie  (pritisthdnîya)  con^i'ûuvnl  le  membre  de  Bodhi 
nonmié  joie  (prillsamhodhyanga,  vi.  71)  '.  Il  enseigne  que  l'hostilité 
et  les  causes  d'hostilité  (praiighanimiUa)  constituent  l'obstacle  de 
méchanceté  (vyâpàdanlvarana)  (v.  59)  '.  Il  enseigne  que  la  vue 
(drsli),   la   résolution  (samkalpa),   l'effort   (vyâyâma)   constituent 

1.  l.ii  V'yakhyû  cite  le  Sûtra  :  tirthikâh  kila  bhaffuvacchrâvakân  evam 
âhnJi  I  éramano  bhavanto  gautama  evam  âhu  /  evam  yûyam  bhiksavah 
pu  tir  a  nlvnranCmi  praliâya  cefasa  iiixtklcsdkd  rfin  i  prajùâdanrbalyakarâni 
sapUi  hodhydurjdni  bluXvdydfeii  vayam  <ipy  evam  brûmuh  /  tatrâsmàkam 
éramannsya  en  (jautaynanya  ko  iniieso  (lUuiniadesandyâh  I  tebhyo  bhagavatâ 
etad  upadisfam  pniica  santi  daéa  bhavanti  /  dasa  santi  paiica  vyavasthâ- 
pyante  /  ...  talhâ  sapta  santi  catxirdasa  bhavanti  /  caturdasa  santi  sapta 
ryavasthâpyante.  —  Compurer  Sairiynlla.  v.  108. 

!2.  Bliagavul  a  dit  que  les  neuf  aijhâtavastus  (Angulturu,  iv.  408)  sont  le 
vyapâdanlvurana. 


Hiuau-tsaug,  iv,  fol.  4  b-ô  a.  159 

'  l'élénient  de  connaissance  spéculative  '  (praj nâskandha)  (vii.  76)  : 
or  ni  la  n'ésolutfbn,  qui  est  de  sa  nature  discursion  (viiarku),  ni 
l'clïort,  qui  est  de  sa  nature  énergie  (vlrya),  ne  sont  connaissance 
spéculative;  mais  ils  sont  favorables  à  cette  connaissance  et  sont, 
par  cons^jjUjght,  considérés  comme  connaissance  '.  —  La  prasrabclhi 
du  corps,  étant  une  condition  de  la  praérahdhi  de  la  pensée,  est 
rangée,  comme  celle-ci,  avec  celle-ci,  parmi  les  membres  de  la  Bodhi. 

4.  Uupeksâ,  indifférence,  est  l'égalité  de  la  pensée  (cittasamatci), 
le  dharma  par  lequel  la  pensée  demeure  égale,  plane  (sama),  exem- 
pte d'inflexion  (anablioga)  '. 

Le  Sautrantika.  —  Si  toute  pensée  est  associée  à  l'attention 
(manaskâra),  laquelle  est  de  sa  nature  '  inflexion  ',  comment  toute 
pensée  bonne  peut-elle  être  associée  à  l'indifférence,  qui  est  de  sa 
nature  non-inflexion  ? 

Le  Vaibhâsika.  —  Nous  l'avons  déjà  remarqué  :  le  caractère  spé- 
cifique de  la  pensée  et  des  mentaux  est  très  difficile  à  connaître,  à 
déterminer  (durjhâna). 

Le  Sautrântika.  —  Ce  n'est  pas  là  le  point  [5  a]  :  il  est  tout  à  fait 
inadmissible  qu'une  même  pensée  soit  associée  à  des  mentaux  qui 
répugnent  entre  eux,  inflexion  et  non-inflexion,  plaisir  et  déplaisir  '. 

Le  Vaibhâsika  '\  —  Il  y  a  inflexion   vers  un  certain  objet,  non- 

1.  Lorsqu'on  regarde  îe  Chemin  eoniine  constitué  par  trois  éléments,  slla- 
skandhu,  suinâdliiskcmdJia, praj riâslandha,  la  résolution  et  l'effort  sont  rangés 
dans  le  praj  nâskandha  avec  la  vue  qui,  seule,  est  prajùâ  de  sa  nature.  On  lit 
dans  le  Prajiïâskandhanirdesa  :  praJHâskandhali  katamah  /  satiiyagdrstih 
samyaksamkalpah  samijagvy(lijâmah. 

2.  C'est  la  samskâropeksâ  à  dislin-^uer  de  la  vedanopeksâ  (i.  14,  ii.  8  c-d)  et  de 
VaiJraniânopeksâ  (viii.  29).  L'Attluisalinï  (3D7)  nonniie  dix  upeksCis  ;  on  y  lit  la 
définition  de  la  jhânupekkJiâ  :  niajjhattalakkhanâ  anâhliocjarasâ  avyàpâra- 
paccupatthânâ  ...  (p.  174,  2). 

3.  Littéralement  :  Il  y  a  des  choses  difficiles  à  connaître  qu'on  peut  connaître. 
[5  a]  Mais  ceci  est  tout  à  fait  difficile  à  connaître  (à  admettre)  qu'il  n'y  ait  pas 
contradiction  (répugnance,  impossibilité  de  coexistence)  entre  des  dharmas 
contradictoires  :  asti  hi  nânia  durjnânam  api  jnâyate  /  idam  tu  khalu 
atidiirjnânam  yad  virodho  'py  avirodhak. 

4.  D'après  Hiuan-tsang  et  les  gloses  de  l'éditeur  japonais  : 

Le  Vaibhâsika.  —  Que  l'attention  soit  inflexion  de  la  pensée,  que  l'indifférence 


160  CHAPITRE  II,  25-26  c. 

inflexion  à  l'égard  d'un  autre  objet  :  donc,  point  de  contradiction  à 
la  coexistence  de  l'inflexion  et  de  la  non-inflexion. 

Le  Sautrûntika.  —  S'il  en  est  ainsi,  les  mentaux  associés  ne  por- 
tent pas  sur  le  même  objet,  ce  qui  est  contraire  à  votre  définition  des 
dharmas  associés  [ii.  34  dj.  Pour  nous,  les  dharmas  qui  sont 
contradictoires,  ici  le  manaskâra  et  Yupcksâ,  plus  loin  le  vltarka  et 
le  vicâra  (ii.  33),  n'existent  pas  simultanément,  mais  successivement. 

5-6.  Nous  expliquerons  plus  loin  (ii.  32)  le  respect  (hrl)  et  la  crainte 
(apatrâpi/a). 

7-8.  Les  deux  racines  de  bien  sont  l'absence-de-désir  (alobha)  et 
l'absence-de-baine  (aclvesa)  (iv.  8).  Quant  à  l'absence-d'erreur  (amo- 
ha),  troisième  racine  de  bien,  elle  est  '  discernement  ',  prajfïâ,  de  sa 
nature  :  donc  elle  a  déjà  été  nommée  parmi  les  mahâblmmikas  '. 

9.  La  non-nuisance  (avihimsâ)  est  la  non-cruauté  (aviheihanâ)  '. 

10.  L'énergie  (vlrya)  est  '  l'enilurance  '  de  la  pensée  (cetaso 
'hhyutsâhah)  '. 

Tels  sont  les  mentaux  qui  sont  associés  à  toute  bonne  pensée. 

On  nomme  mahâklesahhûmi  la  terre  des  niahâklesaclharmas. 


soit  non-inflexion  de  la  pensée,  quelle  contradiction  ?  En  effet,  nous  considérons 
l'attention  et  l'indifférence  comme  des  dharmas  distincts. 

Le  Sautrântika.  -  Alors  l'attention  et  l'indifférence  n'auront  pas  le  même 
objet  ;  ou  bien  il  faut  admettre  que  tous  les  mentaux  (convoitise,  baine,  etc.)  sont 
associés. 

Nous  rencontrerons  d'autres  dharmas  (vilarka,  vicâra)  présentant  le  même 
caractère  de  répugnance 

1.  Le  Pancaskandbaka  range  Vumoha  parmi  l»s  knsalaniahâbhûmikas.  (l'ar 
le  fait  la  prajnâ  peut  être  '  erronée  ').  —  L'alobha  est  le  contraire  du  lobha, 
udveya  et  an-upâdâna  (?).  —  Vadvesa  est  le  contraire  du  dvesa,  à  savoir  la 
bienveillance  (maitri,  viii.  29).  —  L'amoha  est  le  contraire  du  nioha,  le  samyak- 
sanikalpa  i  vi.  01)). 

i2.  l'aficaskandbaka  :  «  l^'acihimsd  est  la  pitié  (kanind,  viii.  29),  le  contraire 
de  la  vihimsâ  ». 

3.  L'endurance  dans  l'action  bonne  (kxi^alakriyâ)  ;  car  l'endurance  dans  l'action 
mauvaise  n'est  pas  vlrya,  mais  au  contraire  kausldya.  Bbagavat  a  dit  :  «  Le 
vlrya  des  hommes  étrangers  à  celte  religion  (ituhûhyuka),  c'est  kausldya  » 
(ii.  26  a).  —  Pancaskandhaka  :  «  Le  virya  est  l'endurance  de  la  pensée  dans  le 
bien,  le  contraire  du  kausldya  ». 


Hiuan-tsang,  iv,  fol.  5  a-5  b.  161 

Les  mentaux  qui  appartiennent  à  cette  terre,  c'est-à-dire  qui  existent 
dans  tou^  pensée  soui\\ée'(lilista),  sont  les  kleéamahâhhûmikas. 

26  a-c.  Erreur,  non-diligence,  paresse,  incrédulité,  torpeur,  dissi- 
pation, toujours  et  exclusivement  dans  la  pensée  souillée  '.  [5  b] 

1.  Erreur,  moha,  c'est-à-dire  ignorance  faïu'd^â,  iii.  29),  non-savoir 
(ajnâna),  non-clarté  (mi  gsal  ha,  où  hièn)  '-. 

2.  Non-diligence,  pramâda,  le  contraire  de  la  diligence,  la  non- 
prise  de  possession  et  la  non-culture  des  bons  dharmas. 

3.  Paresse,  kansidya,  le  contraire  de  l'énergie. 

4.  Incrédulité,  âéraddhya  ',  le  contraire  de  la  foi. 

5.  Torpeur,  siyâna,  le  contraire  de  l'aptitude  (vii.  11  d). 

Il  est  dit  dans  l'Abhidharma  (Jnanaprasthâna,  2,  9)  :  «  Qu'est-ce 
que  le  styâna  ?  La  pesanteur  (guridâ)  du  corps,  la  pesanteur  de  la 
pensée,  l'inaptitude  (akarmanyatâ)  du  corps,  l'inaptitude  de  la 
pensée.  Le  styâna  du  corps  et  le  styâna  de  la  pensée  sont  nommés 
styâna.  » 

Or  le  styâna  est  un  '  mental  '.  Gomment  peut-il  y  avoir  styâna 
du  corps  ? 

De  même  qu'il  y  a  sensation  corporelle  (voir  p.  157). 

6.  Dissipation,  auddhatya,  le  non-calme  (ai'yupasama)  de  la 
pensée  (vii.  11  d).  * 

Il  n'y  a  que  ces  six  dharmas  qui  soient  Mesamaliâhhûmika. 

Mais  le  Mnla  Abhidharma  ",  d'une  part,  dit  qu'il  y  a  dix  klesa- 
mahâbhûtnikas,  d'autre  part,  omet  le  styâna  dans  son  énumération. 

1.  [mohah  pramàdah  kansldyam  âsraddhyam  styânam  vddhatih  j  — 
sarvadâ  kliste] 

Nos  sources  donnent  sadâ  (rtag  tu  hbyun). 

2.  D'après  une  glose  de  l'éditeur  japonais,  le  chemin  de  la  vue  expulse  Vavidyâ, 
le  chemin  de  la  méditation  expulse  Vajnâna,  le  chemin  d'Asaiksa  expulse 
la  non-clarté. 

3.  Les  MSS.  portent  âéraddhya,  asràddJiya  et  âéraddhya;  voir  la  Mahâ- 
vyutpatti  de  Wogihara. 

4.  nrtyagltâdisnigâravesâlatnkârakâyaHddhatyasamntsrayadânakar- 
makas  caitasiko  dharmah  \  —  Comp.  Dhammasangani,  429. 

5.  Voir  ci-dessus  p.  151. 

11 


l62  CHAPITRE  II,  26  a-c. 

1.  Quels  sont  ces  dix  ? 

Asrâddhya,  Jcatisldya,  miisitasmrfitâ,  viksepa,  avldyà,  asam- 
prajanya,  ayonisoinanaskâra,  mithyâdhimoksa,  auddhatya  et 
pramâda. 

Sot  que  vous  êtes  (devânâmprlyah)  '  [6  a],  qui  vous  en  tenez  à  la 
lettre  et  ignorez  l'intention  (prâptijùo  na  tv  isiijnali)  '  ! 

Quelle  est  l'intention  ? 

Cinq  des  dJiarnias  mentionnés  dans  rAbhidluirina  comme  klesa- 
maliâhliûniikas,  à  savoir  musiiasmriiiâ,  viksepa,  asamprajanya, 
ayonLsomcniaskcwa,  mithyâdhimoksa,  (uil  vXé  déjà  mentioimés 
comme  mahàbhûmikas  :  il  n'y  a  pas  lieu  de  les  nommer  à  nouveau 
connne  klesamahcibliûmlkas.  De  même  que  la  racine  de  bien  non- 
erreur  (amoha),  encore  qu'elle  soit  kmalamahâbJimnika,  n'est  pas 
cataloguée  comme  telle,  parce  que,  étant  prajnâ  de  sa  nature,  elle 
est  classée  comme  mahâbliûmika.  (Voir  ci-dessus  p.  154,  n.  2.) 

En  effet,  la  miisitasinrtitcl,  défaillance  de  la  mémoire,  n'est  autre 
chose  que  la  smHi  souillée.  Le  viksepa,  distraction  (iv.  58),  c'est  le 
samâdhi  souillé,  h' asamprajanya,  non-observation,  c'est  la. prajàâ 
souiWée.V ayonisomaimskâra, }ugeineui  inexact,  c'est  le  manaskâra 
souillé.  Le  mithyâdhimoksa,  c'est  Y adhimukti  souillée. 

C'est  pourquoi  le  Mûla  Abhidharma  dénombre  dix  kleéamahâ- 
bhûmikas  en  faisant  état  des  mahCihhûmikas  à  l'état  de  souillure 
(klista). 

Un  mahflhhûmika  est-il  aussi  klesamahàbhûmika  ? 


t.  ko  'ijayn  decândmpriyo  nâma  j  rjxikajdtlyo  devCinCimpriya  Uy  eke 
vyâcaksate  /  asatlio  hi  devclnâm  priyo  bJuivati  /  mûrkho  devânâmpriya  ity 
apare  /  yo  hlsvarânâm  istah  sa  na  tâclanena  hksnta  iti  mûrkho  bhavati 
(Vyûkhyâ).  —  L'éditeur  japonais  cite  de  nombreuses  gloses. 

2.  pâlhaprâmânyamfifrena  dasa  klesamahâbhûmikâh  prâpfd  ity  etâm 
cva  priiptim  jaiilte  (^V'yûkliyâ). 

Vasubundhu  reproduit  la  loriiiule  du  Maliâbliâsya  ad  ii.  4,  56  (épisode  du  gram- 
mairien et  du  conducteur  du  char). 

Voir  S.  Lévi,  J.  As.  1891,  ii.  549  (Notes  de  chronologie  indienne.  Dfvânânipriya, 
Açoka  et  KâtyriyanaV  —  D'après  Kern,  Manuul.  113,  le  sens  de  '  idiot  '  dérive  du 
sens  '  harmlt'bs,  pious  '  (_conipurer  sùr^Oyjç)  :  cela  paraît  peu  vraisemblable.  —  Voir 
ma  note  Bulletin  de  l'Académie  de  Bruxelles,  19:23. 


Hiuan-isang,  iv,  fol.  5  b-6  h.  163 

Il  y  a  quatre  alternatives  :  1.  vedanCi,  samjnâ,  cetanâ,  sparéa  et 
chanda^oni  seulement  maliâhhîimikas  ;  2.  aérciddluja,  kansldya, 
avidyâ,  auddliatija  et  pramûda  sont  seulement  kiemniahâhhû- 
mikas  ;  3r  smrti,  samàdhi,  prajnâ,  manaskâra  et  adhimiikli 
appartigB^l^Tt  aux  deux  catégories  ;  4.  les  autres  dharmas  (kusala- 
mahâbhûmikas,  etc.)  sont  étrangers  aux  deux  catégories. 

Certains  maîtres  (Vibhâsâ,  4i2,  n)  soutiennent  que  le  viksepa  n'est 
pas  le  mithyâsamâdhi  :  les  alternatives  s'établissent  alors  différem- 
ment; on  ajoute  viksepa  à  la  deuxième  catégorie  et  on  retire  samàdhi 
de  la  troisième. 

2.  Quant  à  cette  remarque  :  «  Le  Mûla  Abhidharma  omet  le  siyâna 
dans  l'énumération  des  klesamahâhhmnikas  »,  il  est  admis  (isyate) 
que  le  siyâna  est  associé  à  tous  les  dharmas  souillés. 

Si  le  siyâna  est  omis  dans  la  liste  [6  b],  est-ce  ma  faute  ou  la 
faute  de  l'auteur  de  l'Abhidbarma  (âbhidliârmika  =  ahhidharma- 
kâra)  ? 

Les  Âbhidhârmikas  '  expliquent  l'omission  :  Le  siyâna  devrait 
être  nommé  ;  il  n'est  pas  nommé  parce  qu'il  est  favorable  au  recueil- 

1.  evam  tv  âhnh.  —  Vyâkhyâ  :  âbhklhârniikâli. 

Je  crois  bien  que  par  le  pluriel  (ûliuh)  Vasubandhu  désigne  ici  Dharraatrâta, 
auteur  du  Nanjio  lïJ87,  et  ses  adhérents.  Cela  semble  résulter  des  passages  qui 
suivent  (Nanjio  1287.  chap.  ii.  5  et  suiv.  ^=  xxiii,  12,  28  b)  : 

...  Il  faut  expliquer  les  klesamahâhlmmikas  : 

ii.  5.  mithyàdhimoJisa,  asamprujanya,  aijonisomanaskàra,  asrâddhya, 
katisldya,  viksepa,  avidyâ,  auddliatya, pramâda. 

Par  tnithyâdhimoksa,  il  faut  entendre 

ii.  6.  Les  dix  klesatnahâblmmikas  se  trouvent  dans  toute  pensée  souillée. 
h'aliri  et  Vafrapci  sont  nommées  aknsalamnhâhlmniika. 

Les  dix  klesamahâhlmmikas  se  trouvent  dans  toute  pensée  souillée.  Les  dix 
dharmas  dont  le  premier  est  le  »»7/i^ârî/j<j«ofcsa,  accompagnent' toute  pensée 
souillée,  connaissance  sensible  ou  connaissance  mentale,  du  Kâmadhâtu,  du 
Rûpadhatu.  de  rÂrûpyadhûtu.  Ils  sont  donc  klesatnahâbhûmika.  —  Question  : 
le  siyâna  se  trouve  dans  toute  pensée  souillée  ;  pourquoi  n'est-il  pas  compté 
parmi  les  klesamahâbhûmikas  ?  —  Réponse  :  parce  qu'il  est  favorable  au 
samàdhi.  C'est-à-dire,  les  personnes  de  diathèse  s^j/â>iO  réalisent  vite  le  samàdhi. 
C'est  pourquoi  le  styâna  n'esi  pas  compté  dans  la  liste.  —  Le  dharma  qui  est 
viahâbhûniika  est-il  aussi  klesamahâbhûmika  ?  Quatre  alternatives  :  1  mahâ- 
bhûmika  sans  être  klesamahâbhûmika  .... 


1G4  CHAPITRE  II,  26-23. 

lement  (samâdhi).  En  effet,  prétendent-ils,  les  hommes  de  diathèse 
slyâna  (dijânacarita),  les  engourdis,  réalisent  le  recueillement  plus 
vile  que  les  hommes  de  diathèse  auddhatija  (anddhcdyacariia), 
les  dissipés  '. 

Mais  ((ui  est  engourdi  sans  être  dissipé  ?  Qui  est  dissipé  sans  être 
engourdi  ?  Torpeur  et  dissipation  vont  toujours  ensemhle. 

Oui,  torpeur  et  dissipation  vont  ensemble.  Mais  le  terme  "carita 
indicpie  l'excès  (adhimâtraj.  L'homme  en  qui  la  torpeur  domine  est 
appelé  '  engourdi  ',  bien  (ju'il  soit  aussi  dissipé. 

Nous  le  savons  aussi  bien  que  vous  ;  mais  c'est  en  raison  de  leur 
nature  qu'on  classe  les  dJiarmas  dans  les  diverses  catégories.  Il  est 
donc  acquis  que  six  dliarmas  sont  klescwialifihliûuiikas,  parce  t[ue 
seuls  ils  naissent  avec  toute  pensée  souillée. 

26  c-d.  Le  disrespect  (âhrlkfja)  et  l'absence  de  crainte  (ana- 
patrâpya)  se  trouvent  toujours  et  exclusivement  dans  la  pensée 
mauvaise  '\ 

Ces  deux  dliarmas,  qui  seront  définis  ci-dessous  (ii.  32),  se  trouvent 
toujours  dans  la  pensée  mauvaise.  [7  aj  Par  conséquent  ils  sont 
nommés  akiisalamahàbhnmika  '. 

27.  La  colère,  l'inimitié,  la  dissimulation,  la  jalousio,  l'opiniâtreté, 
l'hypocrisie,  l'avarice,  l'esprit  de  déception,  l'ivresse  d'orgueil,  l'esprit 
de  nuisance,  etc.  sont  les  parlitaklesahliûmikas  \ 

On  les  appelle  ainsi  parce  (pi'ils  ont  pour  [erre  (bhiimijleparitl a- 

1.  L'aulour  ii'udinet  pas  celte  opinion.  Torpeur  (styâna,  hrifu)  et  dissipation, 
dhannas  souillé.s,  s'opposent  à  un  dlianiKt  '  blanc  '  coiinne  est  le  samâdhi. 

2.  aknsdle  tv  âhrlkyam  annpatropâ  // 

3.  D'après  la  ViMiâsâ,  42,  17,  il  y  a  cin(j  (ikusala wahâhhûni ikas  :  avidyâ, 
styrinn,  ai(ddli<ttifn,  ahrl,  aïKqtfilrâpua.  —  Voir  iii.  .'52  a-l>  cl  i-i-dessus  p.  151. 

4.  [ krodJiopd }idli(i,^âtJn/crsiiupradasn>t>4aksa ma fsdrcih  j 
vidjid  uuidn  viliimseti\p<frltt(iklesablmmikâh  // 

Iliiian-tsang  traduit  :  «  ...  les  dliarmas  de  cette  nature  (=:  iti)  sont  nommés 
2}(i  rit  In  klesd  fj  liû  ni  ikns  » . 

Saingliabliadra  :  Le  texte  dit  :  '  les  dharnias  de  cette  nature  ',  pour  inclure 
aksânti.  arati,  âyhâta,  etc. 


Hiiicui-tsang,  iv,  fol.  6  b-7  b.  165 

klesa.  Par  pariltaklesa,  '  petite  passion  '  (parltta  =  alpaka),  il  faut 
entendre^' avidijà,  l'ignorance  (iii.  28  c-d)  à  l'état  isolé,  non  associée 
à  la  concupiscence,  etc.  (kevalâ,  âvenikî  avidyâ,  v.  14). 

Us  sont'  associés  à  la  seule  ignorance,  à  l'ignorance  qui  doit  être 
expuls^ij^^e  chemin  de  méditation  (hliâvanâmârga),  à  l'ignorance 
du  domaine  de  la  connaissance  mentale.  C'est  pourquoi  ils  sont 
nommés  parîttakleéahhmnika  '. 

Ils  seront  étudiés  dans  le  cinquième  chapitre  (v.  46  et  suivants). 

Nous  avons  étudié  cinq  catégories  de  mentaux.  Il  est  d'autres 
mentaux  qui  sont  indéterminés  (amyata),  qui  sont  parfois  associés 
à  une  pensée  bonne,  parfois  à  une  pensée  mauvaise  ou  non-définie  : 
kaukytya  (ii.  28),  micldha  (v.  47,  vii.  11  d),  vitarka  (ii.  33),  vicàra, 
etc.  -  [7  b] 

Combien  de  mentaux  naissent  nécessairement  avec  chaque  pensée 
de  chaque  classe,  avec  la  pensée  bonne,  mauvaise,  non  définie  ? 

28.  Comme  elle  est  toujours  associée  à  vitarka   et  vicàra,  la 


1.  Dharmatrâta  :  Parce  qu'ils  sont  abandonnés  par  la  méditation  et  non  par 
la  vue  des  vérités,  parce  qu'ils  sont  associés  à  la  connaissance  mentale  et  non  pas 
aux  cinq  autres  connaissances,  parce  qu'ils  ne  naissent  pas  avec  toute  pensée  et 
existent  à  part,  ils  sont  parittokleéabJifntu'ka. 

2.  D'après  le  chinois.  —  L'éditeur  japonais  explique  le  et  caetera  final  par 
rCiga  (v.  2,),  pratiglia,  mâna  (v.  10),  vicikitsâ. 

La  Vyâkhyâ  lit  :  «  kaukrtya,  iniddha,  etc.  »  et  explique  '  etc.  '  par  :  arati, 
vijrmhliitû,  tandrl,  bhakte  'saiiiatâ,  etc.  —  Elle  poursuit  :  Les  klesas,  râga, 
etc.,  sont  aussi  indéterminés,  car  ils  ne  se  classent  dans  aucune  des  cinq  catégories: 
ils  ne  sont  pas  maTiâbhûniika ,  parce  qu'ils  ne  se  trouvent  pas  dans  toute  pensée; 
ils  ne  sont  pas  kiisalamaliâblinmika,  parce  qu'ils  répugnent  au  bon  ;  ils  ne  sont 
pas  klesamalidbhûmika,  parce  qu'ils  ne  se  trouvent  pas  dans  toute  pensée 
souillée  :  car  il  n'y  a  pas  râga,  amour,  dans  la  pensée  haineuse  (sapratigha). 

L'Acârya  Vasumitra  a  écrit  un  slvka  nmémonique  sommaire  :  «  La  tradition 
(smrta)  est  qu'il  y  a  huit  aniyatas,  à  savoir  vitarka,  vicdra,  kaukrtya,  niiddlia, 
pratigha,  sakti  (--=  râga),  mâna,  vicikitsâ  ».  Mais  nous  n'admettons  pas  ce 
chiffre  de  huit.  Pourquoi  les  drsfis  (v.  3  a)  ne  seraient-elles  pas  aniyata  ?  Il  n'y 
a  pas  mithyâdrsti  dans  la  pensée  haineuse  ou  sceptique. 


166  CHAPITRE  II,  28-29. 

pensée  de  Kfiinadluitu.  lorsqu'elle  est  bonne,  comporte  toujours  vingt- 
deux  mentaux.  Quelquefois  il  faut  ajouter  le  regret  '. 

Il  y  a  ciiu|  classes  de  pensée  dans  le  Kâmadhalu  ;  (1)  la  pensée 
bonne  (knsala)  constitue  une  classe  ;  (2-3)  la  pensée  mauvaise 
(akuèala)  constitue  deux  classes,  suivant  qu'elle  est  '  indépendante  ' 
(dvenikl),  c'est-à-dire  associée  à  la  seule  ignorance  (avidyâ),  ou 
associée  à  d'autres  passions,  concupiscence  (râga),  etc.  ;  (4-5)  la 
pensée  non-définie  (avi/âkrta),  c'est-à-dire  stérile  en  rétribution, 
constitue  deux  classes  suivant  qu'elle  est  souillée  (nivrta),  c'est-à-dire 
associée  à  la  satkâyadrsti  ou  à  Vanfagrâhadrsti  ■  (v.  3).  ou  non 
souillée  (anivrta),  c'est-à-dire  '  de  rétribution  ',  etc.  (i.  37,  ii.  71). 

La  pensée  de  Kâmadhfitu  est  toujours  associée  à  vitarka  et  à 
vicâra  (ii.  33  a-b).  Cette  pensée,  (piaud  elle  est  bonne,  comporte 
vingt-deux  mentaux  :  dix  mahcibhmnikas  ;  dix  knsalainahâhhûmi- 
kas  ;  plus  deux  aniijataH,  à  savoir  le  vitarka  et  le  vicâra. 

Lorsque  la  pensée  bonne  comporte  le  regret  (kankrtya),  le  total 
monte  à  vingt-trois.  [8  a] 

Que  signifie  le  terme  kaukrtija  ?^ 

Au  propre,  kaiikrtya  est  la  nature  de  ce  qui  est  méfait  (kukrta- 
hhdvaj  ;  mais  on  entend  j)ar  kankrUja  un  mental  qui  a  pour  objet 
(cilambana)  le  kaukrtya  au  sens  propre,  à  savoir  le  regret  (vipra- 
tisâra)  relatif  au  méfait.  —  De  même,  le  vimoksamukha  qui  a  pour 
objet  la  éûiiyatâ  ou  absence  d'âtman,  est  nommé  éûnyatâ  (viii.  24-25); 
on  appelle  a.mbhâ  le  non-désir  (alobha)  (jui  a  pour  objet  Vaéîihliâ 
ou  horrible  (vi.  11  c-d).  De  même,  dans  le  monde,  on  dit  que  le  village, 
la  ville,  le  pays,  Tuiiivers  s'est  réuni,  désignant  ainsi  l'habitant 
(sfhâïiin,  âsrayin)  par  le  noni  <!•■  l'habitat  (sthâna,  âéraya).  Le 
kaukrtya  au  sens  propre  est  le  point  dapjtui,  la  raison  d'être  du 
regret;  donc  le  regret -est  nommé  kaukrtya.  Car  le  fruit  reçoit  le  nom 

1.  savitarkav icârntcat  kitsnle  kâmacetasi  / 
(b'flviwsftfis  raitfisikâh  kdnkrtyam  adhikam  kvacit  fl 

2.  (ioiiipaifr  Kalhrivattliii,  xiv.  8. 

'.i.  Dliaiiirnasunguiii,  llGl,  Atlhusûlinî,  784-787. 


Hiiian-iscuig,  iv,  fol.  7  b-8  b.  167 

(le  la  cause,  par  exemple  dans  le  texte  :  «  Les  six  sparèâ}jcdanas, 
c'est  l'acte  ancieft  '  ».        . 

Mais  coipment  peut-on  désigner  sous  le  nom  de  kaukrtya,  '  regret 
du  méfait^-',  le  regret  relatif  à  une  action  non  faite  ? 

Parce^mijin  dit  :  «  C'est  mal  fait  à  moi  de  n'avoir  pas  fait  cette 
action  »,  désignant  ainsi  comme  '  fait  ',  '  mal  fait  ',  une  omission. 

Quand  le  regret  est-il  bon  ? 

Quand  il  est  relatif  à  une  bonne  action  omise,  à  une  mauvaise 
action  accomplie.  Il  est  mauvais  quand  il  est  relatif  à  une  mauvaise 
action  omise,  à  une  bonne  action  accomplie.  Les  deux  sortes  de  regret 
portent  toutes  deux  sur  les  deux  catégories  d'action.  [8  b] 

29.  La  pensée  mauvaise  comporte  vingt  mentaux  lorsqu'elle 
est  indépendante  ou  associée  à  drsti  ;  vingt-et-un,  lorsqu'elle  est 
associée  à  l'une  des  quatre  passions,  à  la  colère,  etc.,  au  regret  ^ 

1.  La  pensée  indépendante  (âvenika)  est  la  pensée  associée  à 
l'ignorance  (avidyâ,  v.  1),  non  associée  à  d'autres  passions,  concu- 
piscence (râga),  etc.  ^ 

La  pensée  mauvaise  associée  à  drsti  est  la  pensée  associée  à 
imtliyâdrsti,  ou  à  drstiparâmarsa,  ou  à  sllavrataparâmarsa 
(V.  3)  ;  la  pensée  associée  à  satkâyadrsti  et  à  antagrâhadrsti  n'est 
pas  mauvaise  (akuéala),  mais  souillée-non-définie  (nivrtâvyclkrta). 

Dans  ces  deux  cas,  la  pensée  mauvaise  comporte  dix  mahâbhû- 
mikas,  six  klesamahâhhûmikas,  deux  akusalamahâhhfiniikas, 
plus  deux  aniijatas,  à  savoir  vitarka  et  vicâra. 

La  drsti  ne  fait  pas  nombre,  car  la  drsti  est  une  certaine  prajnâ, 
et  la  prajhâ  est  'inahâbhûniika.  '* 

2.  Associée  à  concupiscence,  bostilité,  orgueil,  scepticisme  (râga, 
pratigha,  mcma,  vicikitsâ,   v.   1),  la   pensée    mauvaise    comporte 

1.  Comparer  i.  37. 

2.  âvenike  tv  akusale  drstiyukte  ca  vimsatih  j 

klesais  caturbhih  krodhildyaih  kaiikrtyenaikavimsatih  jj 

3.  âvenika  =  rCigdûiprthagbhfda. 

4.  Toute  drsti  est  samtlrikd  prajnâ  (i.  41  c-d,  vii.  1). 


168  CHAPITRE  II,  29-31. 

vingt-ct-nn  mentaux,  les  mêmes  que  ci-dessus,  plus  la  concupiscence 
ou  l'hostilité,  etc.  [9  a] 

Associée  à  la  colère,  etc.,  c'est-à-dire  à  l'un  des  upakleéas  énumérés 
ci-dessus,  ii.  27. 

30  a-b.  La  pensée  non-définie  comporte  dix-huit  mentaux  lors- 
qu'elle est  souillée  (nivrta)  ;  douze,  dans  le  cas  contraire  '. 

Dans  le  Kâmadhâtu,  la  pensée  non-définie,  c'est-à-dire  stérile  en 
rétribution,  est  souillée,  c'est-à-dire  couverte  par  la  passion  (nivrta 
=  klesâchâdita),  lorsqu'elle  est  associée  à  saikâyadrsti  ou  à 
antngrâhadrdi.  Cette  pensée  comporte  dix  mahâbhûmikas,  six 
klesamahâhliûmikas,  plus  vitarka  et  vicâra. 

Non  souillée,  la  pensée  non-définie  comporte  douze  mentaux  :  les 
dix  mahdbhûmikas,  vitarka,  vicâra. 

Les  Etrangers  croient  que  le  regret  peut  être  non-défini,  par 
exemple  en  rêve.  —  La  pensée  non-définie-non-souillée  associée  au 
regret  non-défini  comportera  treize  mentaux. 

30  c-d.  Le  middlia,  langueur,  n'est  en  contradiction  avec  aucune 
catégorie  ;  là  où  il  se  trouve,  il  vient  en  surnombre  ^ 

Le  middha  (v.  47,  vii.  1 1  d)  peut  être  bon,  mauvais,  non-défini. 
La  pensée  à  laquelle  il  est  associé  comportera  doiic  vingt-trois  men- 
taux au  lieu  de  vingt-deux,  vingt-quatre  au  lieu  de  vingt-trois,  etc., 
suivant  qu'elle  est  bonne  et  exempte  de  regret,  bonne  et  accompagnée 
de  regret,  etc.  [9  b]. 

31.  Dans  le  premier  d/?/yr7ua  manquent  les  mauvais  mentaux,  le 
regret  et  la  langueur;  au  delà,  dans  le  dliyâna  intermédiaire,  manque 
aussi  le  vitarka  :  au  delà,  en  oiilrc  le  vicâra,  etc.  •' 


1.  [nivrte  'fttrl(1as\avuatra  d vûdasânjâkrte  ttiatâh  / 

2.  On  [)fMit  rcsIiliHT  : 

middh'un  snrvCunruddhatvâd  asti  tfatradhikam  bhavet  // 

3.  katikrtynmiddhâkHéalâny  âdye  dliifâne  na  santy  atah  / 
dhydnântare  vitarkas  ca  vicâraé  câpy  alali  parant  jj 


Hiiian-tsang,  iv,  fol.  8  b-iO  a.  169 

Dans  le  premier  dhyâna  manquent  (1)  l'hostilité  (pratigha,  v.  1), 
(2)  la  série  colère,  etc.  (ii.ST),  à  l'exception  du  mthya,  dissimulation, 
de  la  mùyâ,  esprit  de  déception,  du  mada,  ivresse  d'orgueil  ;  (3)  les 
deux  akmalamaliàbliûmikas,  le  disrespect  et  l'absence  de  crainte 
(ii.  32)  ;^)b^  (4)  le  regret,  puisque  la  dissatisfaction  (ii.  8  b-c)  fait 
défaut,  et  (5)  la  langueur,  puisque  l'aliment  en  bouchées  (iii.  38  d) 
fait  défaut.  Les  autres  mentaux  du  Kâmadhâtu  existent  dans  le 
premier  dhyâna  '. 

Dans  le  dhyâna  intermédiaire  manque,  en  outre,  le  vitarka. 

Dans  le  deuxième  dhyâna  et  au-dessus  jusqu'à  l'ÂrQpyadhâtu  y 
compris,  manquent  en  outre  le  vicâra,  la  dissimulation  et  l'esprit 
de  déception  ■.  L'ivresse  d'orgueil  (mada)  existe  dans  les  trois  sphères 
d'existence  (v.  53  c-d). 

D'après  le  Sûtra  ^  la  dissimulation  et  l'esprit  de  déception  existent 
jusqu'au  monde  de  Brahmâ,  et  non  pas  au-dessus  des  cieux  où  les 
êtres  sont  en  relation  avec  une  assemblée.  [10  a]  Mahâbrahmâ, 
siégeant  dans  son  assemblée  (parsad),  fut  interrogé  par  le  Bhiksu 
Asvajit  :  «  Où  disparaissent  complètement  les  quatre  grands  élé- 
ments ?  »  Incapable  de  répondre,  il  répondit  à  côté  en  se  vantant  : 
«  Je  suis  Brahmâ,  le  grand  Brahmâ  \  le  Seigneur,  Celui  qui  fait. 
Celui  qui  crée,  Celui  qui  émet,  Celui  qui  nourrit,  le  Père  commun  ». 
Ensuite,  faisant  sortir  Asvajit  de  la  réunion,  il  lui  conseilla  de 
retourner  auprès  du  Maître  et  de  l'interroger  \ 

Nous  avons  vu  combien  de  mentaux  sont  associés  à  chaque  espèce 
de  pensée  des  trois  sphères  d'existence.  Nous  avons  à  définir  les 
mentaux  énumérés  ci-dessus. 

1.  La  pensée  du  premier  dhyâna,  quand  elle  est  bonne,  comporte  donc  vingt- 
deux  mentaux;  souillée-non-définie,  elle  comporte  dix-huit  mentaux  lorsqu'elle 
est  indépendante  ou  associée  à  (Irsti,  dix-neuf  lorsqu'elle  est  associée  à  râga, 
nmna  ou  vicikitsâ 

2.  Littéralement  :  Le  mot  '  aussi  '  (api)  montre  qu'il  faut  exclure,  outre  le 
vicâra,  le  sâthya  et  la  niâyâ. 

3.  D'après  l'éditeur  japonais,  Saddharmasmrti[upasthâna]sritra,  33,  lo  (Nanjio 
679,  Mdo  24-27).  -  Vibhâsâ,  129,  i. 

4.  En  ajoutant  :  «  je  suis  le  grand  Brahmâ  »,  il  se  distingue  des  autres  Brahmâs. 

5.  Comparer  Dïgha,  i.  219,  et  ci-dessous  iv.  8  a,  v.  53  a-b. 


170  CHAPITRE  II,  32  a-c. 

Qiiolle  est  la  diiïérenro  do  VnJirl  o[  do  Yanapatrâpya? 
32  a.  h'ahri  est  le  disrespect  '. 

Le  manque  de  respect  (agaiiravatâj  [10  b],  c'est-à-dire  le  manque 
de  vénération  (apratisatâ)  ',  le  manque  de  soumission  craintive 
(abliayavasavartitâ)  à  l'égard  des  qualités  (maitrl,  karunâ,  etc.) 
de  soi-même  et  d'autrui,  et  à  légard  des  personnes  douées  de  qualités 
(âcâra(jocaragauravâcU'-;ampanna),  c'est  ce  qu'on  entend  par  âhrl- 
l'I/a,  ahrl,  un  dharma  mental  opposé  au  respect  (gaurava,  sagau- 
ravatâ,  sapratiéatâ,  sahhaijavaéavartitâ). 

32  a  1).  h" anapatrâpija  ou  atrapâ  est  le  dharma  qui  fait  (ju'un 
homme  ne  voit  pas  les  conséquences  fâcheuses  du  péché  \ 

'  Péché  ',  avadya,  ce  qui  est  méprisé  par  les  gens  de  bien. 

Les  '  conséquences  fâcheuses  ',  auLstapkala,  sont,  dans  la  karika, 
nommées  hkaya,  crainte,  parce  que  ces  conséquences  fâcheuses 
engendrent  la  crainte. 

La  condition  de  l'homme  qui,  dans  le  péché,  ne  voit  pas  les  consé- 
quences, —  le  dharma  qui  produit  cette  condition,  —  c'est  anapa- 
trâpya  ou  atrapâ. 

Objection,  —  Qu'entendez-vous  par  cette  expression  '  ne  pas  voir 
les  conséquences  fâcheuses  ',  ahhayadaréitva?  Que  vous  interprétiez 
ahhaijasya  darsitvam  :  '  voir  qu'il  n'y  a  pas  de  conséquences 
fâcheuses  ',  ou  hhayasya  adarèitvam  :  '  ne  pas  voir  qu'il  y  a  des 
conséquences  fâcheuses  ',  aucune  des  deux  exj)lications  n'est  satis- 
faisante. Dans  le  premier  cas,  nous  avons  une  prajfiâ  souillée,  un 
savoir  inexact  ;  dans  le  second  cas,  nous  avons  simplement  de 
l'ignorance. 

L'exi)ression  ahhayadarsitva  ne  signifie  ni  *  vue'  (prajiïâ  souillée), 

/" 

1.  nhrlr  nrjurutCi.  —  Jnûiiaprasflirina,  i.  §  '>  (d'après  Takakusu,  p.  87). 

2.  pratlsa  :^  Quru,  parce  que  sisijam  pratîstnh. 

3.  nvfuhje  'hhariadnrsUvdin  nfrnprl  I 

ConijmrfT  la  il.'linitinii  <lf;  Vudhisila  :  ...  amtmûtresv  apy  avadyesn  hhaya- 
darsi .... 


Hiuan-tsang,  iv,  fol.  10  a-ii  a.  171 

ni  '  non-vue'  (ignorance).  Elle  décrit  un  dhnrma  spécial  qui  se  range 
parmi  \ei,itpaklèsas  (v.  46),  qui  a  pour  cause  la  vue  fausse  (mithyâ' 
drsti)  et  l'ignorance,  et  qu'on  nomme  anapatrâpya  (Vibbâsâ,  34,  is). 

D'après  d'autres  maîtres  ',  Yàlirlkija  est  l'absence  de  honte,  vis-à- 
vis  de  i^^ême,  dans  la  commission  du  péché  ;  Y  anapatrâpya  est 
l'absence  de  honte  vis-à-vis  d'autrui  -.  —  Mais,  dira-t-on,  on  ne  peut, 
en  même  temps,  se  considérer  soi-même  et  considérer  autrui  ?  — 
Nous  ne  disons  pas  que  les  deux  formes  d'absence  de  honte  soient 
simultanées. 

Il  y  a  âhrlkya,  efflux  de  la  concupiscence  (râganisyanda),  lorsque 
l'homme  n'éprouve  pas  honte  du  péché  en  se  considérant  soi-même  ; 
il  y  a  anapatrâpya,  efflux  de  la  confusion  mentale  (molia),  lorsqu'il 
n'éprouve  pas  honte  du  péché  en  considérant  autrui. 

La  lirl  et  Vapatrâpya  sont  opposés  à  ces  deux  mauvais  dharmas. 
Leur  définition,  d'après  la  première  théorie,  est  :  '  respect,  vénération, 
soumission  craintive  ',  '  crainte  des  conséquences  du  péché  '  ;  d'après 
la  seconde  théorie  :  '  pudeur  ',  '  respect  humain  '. 

Quelques-uns  croient  que  Vnïïeciioi],  preman,  et  le  respect,  gaiirava, 
sont  la  même  chose. 

32  c.  L'affection  est  foi  \ 

L'affection  est  de  deux  sortes,  souillée  (klista),  non  souillée. 
(Vibbasa,  29,  12). 

La  première  est  attachement  (râga),  par  exemple  l'affection  pour 
la  femme  et  le  fils.  La  seconde  est  foi  (éraddhâ),  par  exemple 
l'affection  pour  le  maître,  pour  les  hommes  vertueux. 

1.  La  foi  peut  ne  pas  être  affection,  à  savoir  la  foi  à  l'égard  des 
vérités  de  la  douleur  et  de  l'origine. 

1.  Ces  maîtres  observent  que  les  deux  racines  hrl  et  trap  (Dhâtupâtha,  iii.  3 
et  i.  399)  sont  synonymes  et  signifient  honte  (lajjâ)  :  dès  lors  on  ne  voit  pas 
comment  ïahrl  serait  le  disrespect  et  Vatrapâ  l'absence  de  crainte  dans  la 
commission  du  péché. 

2.  Vasubandhu,  dans  le  Paùcaskandhaka,  adopte  cette  définition. 

3.  pretna  éraddhâ  —  Jnânaprasthâna,  i.  §  4  (d'après  Takakusu,  p.  87). 


172  CHAPITRE  II,  32  b-33  b. 

2.  L'affection  peut  ne  pas  être  foi,  à  savoir  l'affection  souillée. 

3.  La  foi  peut  être  affection,  à  savoir  la  foi  à  l'égard  des  vérités 
de  la  destruction  et  du  chemin. 

4.  Les  autres  mentaux,  les  dharmas  dissociés  de  la  pensée,  etc., 
ne  sont  ni  foi  ni  affection. 

D'après  une  autre  opinion,  la  nôtre,  la  foi  est  la  croyance  aux 
qualités  (gunasamhhâvanâ)  :  de  cette  croyance  naît  l'affection 
(prlyatâ).  L'affection  n'est  donc  pas  foi,  mais  fruit  de  la  foi. 

32  c.  Le  respect  est  hrl  '. 

Ainsi  que  nous  l'avons  expliqué  ci-dessus  (32a),le  respect  ((/i^rw/ t'a, 
grmrava)  est  vénération,  etc. 

1.  Toute  hrl  n'est  pas  respect,  à  savoir  la  lirl  à  l'égard  [11  a]  des 
vérités  de  la  douleur  et  de  l'origine  \  [11  b] 

2.  La  hrl  à  l'égard  des  vérités  de  la  destruction  et  du  chemin  est 
aussi  respect. 

D'après  une  autre  opinion,  le  respect  est  vénération  (sapratlsatâ)  ; 
du  respect  naît  la  honte  (lajjâ)  qui  reçoit  le  nom  de  hrl.  Donc  le 
respect,  cause  de  la  hrl,  n'est  pas  hrl. 

Va\  ce  qui  concerne  l'affection  et  le  respect,  quatre  alternatives  : 

1.  Affection  cpii  n'est  pas  respect,  à  l'égard  de  la  femme,  du  fils, 
du  com[)agnon  en  vie  religieuse  (sârdhavlhârin),  du  puj»ille  (ante- 
vâsiu). 

2.  Respect  qui  n'est  pas  affection,  à  l'égard  du  maître  d'aulrui, 
de  l'homme  doué  de  qualités,  etc. 

3.  Respect  qui  est  affection,  à  l'égard  de  son  maître,  de  son  père, 
de  sa  mère,  etc. 

4.  Ni  respect,  ni  affection  :  à  l'égard  d'autres  personnes. 

32  d.  Tous  deux  dans  le  Kâmadhâhi  ci  h'  Hfipadhâtu  l 
L'affection  et  le  respect  manquent  dans  rArQpyadhâlu. 

1.  fjurntvam  hrih  —  ViMiâsa,  20,  13. 

2.  Car  on  ne  peut  avoir  de  respect  à  l'éganl  t]('s  (Ififn-)nns  unyura  (sdsrava) 
(Note  (If  l'fiditciir  japonais). 

3.  ubhayaïft  kâmanlpayoh  // 


Hinan-tsang,  iv,  fol.  11  a-12  a.  173 

Mais  voufi  avez  dit  que  l'affection  est  foi  (sraddliâ),  que  le  respect 
est  hrl  :^'  la  foi*et  la  /irl-sont  des  kiiéalcunaliâhUmnihas  (ii.  25)  : 
donc  l'affection  et  le  respect  doivent  exister  dans  l'Àriqjyadliâtu. 

L'aff'ectton  et  le  respect  sont  de  deux  espèces  :  relatifs  à  des 
(IharmQ^Q^'veXnïih  à  des  personnes.  Le  texte  vise  la  seconde  espèce; 
la  première  espèce  existe  dans  les  trois  sphères  d'existence. 

33  a-b.  Le  vitarka  et  le  vlcâra  sont  la  grossièreté  et  la  subtilité 
de  la  pensée.  [12  a]  '. 

Est  nonniiée  vitarka  la  grossièreté  (auclcirikatdj,  c'est-à-dire  l'état 
grossier,  de  la  pensée;  est  nommée  vlcâra  la  subtilité  (sûksmaiâ), 
c'est-à-dire  l'état  subtil,  de  la  pensée. 

Comment  le  vitarka  et  le  vicâra  peuvent-ils  être,  en  même  temps, 
associés  (samprayukta)  à  la  pensée  ?  La  pensée  peut-elle  être,  en 
même  temps,  grossière  et  subtile  ? 

D'après  une  opinion  -,  il  faut  comparer  le  vicâra  à  de  l'eau  froide, 
la  pensée  à  du  fromage  qui  flotte  sur  cette  eau  froide,  le  vitarka 
à  la  chaleur  du  soleil  qui  agit  sur  le  fromage.  En  raison  de  l'eau  et 
du  soleil,  le  fromage  n'est  ni  trop  coulant  ni  trop  compact.  De  même 
vitarka  et  vicâra  sont  associés  (ytikta)  à  une  pensée  :  celle-ci  n'est 
ni  trop  subtile,  en  raison  du  vitarka,  ni  trop  grossière,  en  raison 
du  vicâra. 

Mais,  dirons-nous,  il  ressort  de  cette  explication  que  le  vitarka  et 
le  vicâra  ne  sont  pas  la  grossièreté,  la  subtilité  de  la  pensée,  mais 
la  cause  (nimitta)  de  la  grossièreté,  la  cause  de  la  subtilité  :  l'eau 
froide  et  la  lumière  chaude  du  soleil  ne  sont  pas  l'état  compact,  l'état 
coulant  du  fromage,  mais  bien  les  causes  de  ces  deux  états. 

D'autres  objections  se  présentent.  La  grossièreté  et  la  subtilité  de 
la  pensée  sont  choses  relatives.  Elles  comportent  maints  degrés  :  la 
pensée  de  premier  dhyâyia  est  subtile  par  rapport  à  la  pensée  de 
Kâmadhâtu,  grossière  par  rapport  à  la  pensée  de  deuxième  dhyâna; 

1.  vitarkavicâraudâryasUJcsniate.  —  Cette  définition  repose  sur  un  Sûtra, 
qui  n'est  pas  désigné  dans  nos  sources.  —  Voir  i.  33. 

2.  Septième  opinion  de  la  Vibliâsû,  42,  14. 


174  CHAPITRE  II,  33  a-b. 

dans  le  môme  étage,  les  qualités  et  les  passions  peuvent  être  plus  ou 
moins  grossières  ou  subtiles,  car  elles  se  divisent  en  neuf  catégories. 
Donc,  si  le  vitarka  et  le  vicâra  sont  la  grossièreté  et  la  subtilité  de 
la  pensée,  nous  devrons  admettre  (ju'ils  existent  tous  deux  jusque 
dans  le  plus  haut  étage  de  rArûpyadhritu  '.  Or  ils  cessent  dès  le 
deuxième  dlujâïia.  —  Ajoutez  que  la  grossièreté  et  la  subtilité  ne 
peuvent  établir  une  différence  spécifique  (jùtiblieda)  :  on  ne  peut 
donc  différencier  le  vitarka  et  le  vicâra. 

D'après  une  autre  opinion,  d'après  le  Sautrântika,  le  vitarka  et  le 
vicâra  sont  les  '  facteurs  (samskâras)  de  la  voix  '  -.  Le  Sûtra  dit 
en  effet  :  «  C'est  après  avoir  examiné,  après  avoir  jugé  (vitarkya, 
vicâri/a)  que  l'on  parle,  non  pas  sans  avoir  examiné,  sans  avoir 
jugé  »  '.  Les  facteurs  de  la  voix  (jui  sont  grossiers  sont  nommés 
vitarkas  [12  bj  ;  ceux  qui  sont  subtils  sont  nommés  vicâras. 
[D'après  cette  explication,  par  vitarka  et  vicâra  on  doit  entendre, 
non  pas  deux  dliarmas  distincts,  mais  bien  la  collection  des  pensée- 
et-mentaux  (jui  provoquent  la  parole,  et  qui  sont  tantôt  grossiers, 
tantôt  subtils.] 

Le  V'aibhâsika.  —  Que  soient  associés  à  une  même  pensée  deux 
dharmas,  le  premier  (vitarka)  grossier,  le  second  (vicâra)  subtil, 
({uelle  contradiction  ? 

Le  Sautrântika.  —  Il  n'y  aurnit  pas  contradiction  si  ces  deux 
dharmas  étaient  spécifi([uement  différents;  par  exemple,  la  sensation 
et  la  notion  —  bien  que  la  première  soit  grossière  et  la  seconde 
subtile  (i.  22)  —  peuvent  coexister.  Mais,  à  considérer  une  même 
espèce,  deux  états,  l'état  fort  et  l'état  faible,  l'état  grossier  et  l'état 
subtil,  ne  peuvent  coexister. 

Le  Vaibbâsika.  -  -  Il  y  a,  entre  le  vitarka  et  le  vicâra,  différence 
spécifique'. 

1.  Argument  exposé  dans  Vibliûsfi,  ijâ,  6,  et  attrilun'  aux  Dûrslâulikas. 

2.  C'est-à-dire  '  font  surgir  la  voix  ',  vâksnnintthâpaka. 

3.  vitarkya  vicârya  vâcam  bhâsate  nâvitarkya  nâvicârya.  —  Comparer 

Majjliiiiifi,  i.  .'JOI,  Samyutta  iv.  293  :  pubhe  kho vilakketva  vicâretvâ  paccliâ 

vâcatfi  J)hitidali.     -  D'autro  part,  V'ibliunga,  13.5  :  vâclsamcetanâ  :=^  vâclsam- 
khâro. 


Hinan-tsaug,  iv,  fol.  id  a-b.  175 

Le  Sautrantika.  —  Quelle  est  celte  différence  ? 

Le  Vaibhâsika.  —  Getie  différence  est  indicible  ;  mais  elle  est 
manifestée  (vyaMa)  par  la  force  et  la  faiblesse  de  la  pensée  (mrdva- 
dhimâfratâ)  '. 

Le  Sf^tr^itika.  —  La  force  et  la  faiblesse  de  la  pensée  ne  démon- 
trent pas  la  présence  de  deux  dharmas  spécifiquement  différents,  car 
une  même  espèce  est  tantôt  forte,  tantôt  faible. 

D'après  une  autre  opinion,  la  nôtre,  le  vitarka  et  le  vicâra  ne  sont 
pas  associés  à  une  seule  et  même  pensée.  Ils  existent  tour  à  tour  ^ 
Le   Vaibhâsika   objectera   que   le   premier    dlujâna    possède   cinq 

1.  Samghabhadra  veut  que  le  vitarka  et  le  vicâra  soient  associés  à  chaque 
pensée  ;  mais  ces  deux  dharmas  n'entrent  pas  en  exercice,  ne  se  révèlent  pas  par 
leur  action  (ndhhntavrtti)  en  même  temps  :  la  pensée  et  les  mentaux  sont  gros- 
siers quand  le  vitarka,  toujours  présent,  entre  en  activité....  De  même  le  râga  et 
le  moha  sont  coexistants  :  mais  un  homme  est  dit  râgacarita,  promu  par  le  raya, 
lorsque  le  raya  se  manifeste 

2.  Le  vitarka  et  le  vicâra  existent,  non  pas  simultanément,  mais  successive- 
ment {j)aryâyena).  Quelle  est  la  différence  du  vitarka  et  du  vicâra  ?  Les  anciens 
maîtres  (pûrvâcârya)  disent  :  «  Qu'est-ce  que  le  vitarka  ?  —  Un  entretien  mental 
(manojalpa)  d'enquête  (paryesaka),  qui  a  pour  point  d'appui  la  volition  (cetanâ) 
ou  la  coimaissance  spéculative  (prajnâ)  suivant  qu'il  ne  comporte  pas  ou  com- 
porte déduction  (abhyûlia).  C'est  l'état  grossier  de  la  pensée.  —  Qu'est-ce  que  le 
vicâra  ?  —  Un  entretien  mental  d'appréciation,  de  jugement  (pratyaveksaka), 

qui  a  pour  point  d'appui  la  volition ».  D'après  cette  théorie,  le  vitarka  et  le 

vicâra  constituent  deux  complexes  psychologiques  presque  identiques  :  ils  diffè- 
rent en  ceci  que  le  premier  comporte  '  enquête  '  et  le  second  '  jugement  '.  Quel- 
ques-uns donnent  un  exemple.  En  présence  de  nombreux  pots,  quelqu'un  les  tàte 
pour  savoir  lequel  est  bien  cuit,  lequel  est  mou  :  cette  enquête  (ûhaj  est  le  vitar- 
ka ;  à  la  fin,  cette  personne  arrive  à  une  conclusion  :  «  Il  y  en  a  tel  nombre  de 
chaque  catégorie  »  :  c'est  le  vicâra.  ' 

La  Vyâkhyâ,  ad  i.  33,  cite  le  Pancaskandhaka  de  Vasubandhu,  très  proche  de 
l'opinion  des  anciens  maîtres  :  vitarkah  kataniah  j  paryesako  manojalpas 
cetanâpraj Hâv isesah  /  yâ  cittasyaudârikatâ  //  vicârah  katamah  /  pratya- 
veksako  ynanojalpas  cetanâprajnâvisesnh  I  yâ  cittasya  sHks)natâ.  //  La 
Vyâkhyâ  ajoute  ;  anahhyûhâvasthâyâm  cetanâ  ahliyûhâvasthâyâm prajneti 
vyavaslliâpyate. 

Voir  Dhammasaiigani,  7-8,  Compendium,  p.  10-1 L,  Milinda,  62 -03.  —  Atthasâ- 
linT,  296-297  définit  le  vitarka  comme  ûhana  et  le  donne  comme  olârika.  tandis 
que  le  vicâra  est  sukhuma.  —  Vyâsa  ad  YogasQtra,  i.  17  :  vitarkas  cittasyâ- 
lambane  stliûla  âbhogah  /  sûksmo  vicârah  ;  i.  42-44. 


17G  CHAPITRE  II,  33  b-34. 

membres  (viii.  7)  parmi  lesquels  le  vitarka  et  le  vicâra.  Nous 
répondrons  que  le  premier  dhycuia  possède  cinq  membres  en  ce  sens 
que  cin(]  membres  sont  du  plan,  de  l'étage  du  premier  dhyâna  : 
mais  un  moment  donné  du  premier  dhiffuia  ne  possède  que  quatre 
membres,  priti,  siiklia,  samcidhl,  plus  vitarka  ou  vicâra. 
Quelle  différence  entre  màna  et  màda  (Vibliâsâ,  42,  8)  ? 

33  1).  Le  mâmi,  orgueil-mépris,  est  l'arrogance  '. 

L'arrogance  de  la  pensée  (cefasa  unuatih)  à  l'égard  d'autrui. 
Mesurant  ()nâ)  la  supériorité  en  qualités  qu'on  a,  ou  qu'on  croit 
avoir  sur  autrui,  on  se  hausse  et  on  déprécie  autrui,  (v.  10  a). 

33  c-d.  Au  contraire,  le  mada,  orgueil-ivresse,  c'est  l'abolition 
de  la  pensée  de  celui  qui  est  énamouré  de  ses  propres  qualités  ^ 

En  raison  de  l'attachement  à  ses  propres  qualités,  la  pensée  s'enor- 
gueillit, s'exalte  et  s'abolit  [13  a]  '.  l)'a{)rès  d'autres  maîtres,  de  même 
que  le  vin  produit  une  certaine  excitation  joyeuse  (sampraharsa- 
visesaj  que  l'on  nomme  ivresse,  de  même  l'attachement  qu'un  homme 
a  pour  ses  propres  qualités  '*. 

Nous  avons  défini  la  pensée  (citla)  (i.  16)  et  les  mentaux.  Nous 
avons  vu  dans  quelles  catégories  les  mentaux  se  rangent,  en  quel 
nombre  ils  naissent  ensemble,  quels  sont  leurs  différents  caractères. 
La  pensée  et  les  mentaux  reçoivent,  dans  l'Ecriture,  différents  noms. 

34  a-b.  Pensée  (citta),  esprit  (manas),  coiuiaissance  (vijùâna), 
ces  noms  désignent  une  même  chose  '. 

1.  ntâna  tinnatih  / 

2.  niadah  svadharmaràktasiia  paryâdânam  tu  celasah  j 

3.  pnrjjâdltfale  =  samnirudhyate  ;  voir  Siltsâsamuccaya,  177.  15,  Divya,  Su- 
fiâlîiriikâra,  i.  15. 

Définition  de  Sam-^lialthadra  :  i/ah  .svadharniesv  eva  raktasya  darpaé  cela- 
sali  paryâdânatn  kHsalânyakriydbJiyupapattisamhâro  madah. 

4.  C'est-à-dire  le  mada  est  sensation,  '  satisfaction  souillée  '  (klista  sauma- 
nasya).  Le  Vaibhâsika  n'admet  pas  celte  explication  :  en  effet,  la  satisfaction 
n'existe  pas  au  delà  du  deuxième  dhyâna  :  or.  d'après  v.  .>3  c,  le  mada  existe 
dans  les  trois  sphères  d'exi.slence. 

.''i.  cil  tant  mano  \'lha\  vijnânam  ekârtham.  —  Comparer  Dîglia,  i.  21,  Sarn- 
yutla,  ii.  1)4. 


Hiiian-tscuig,  iv,  fol.  12  b-13  b.  177 

La  penséç  est  nommée  cltla  parce  qu'elle  accumule  (chioti)  '  ;  elle 
est  nommée  manas  parce  j:iu'elle  connaît  (manute)-;  elle  est  nommée 
viJH'lna  parce  qu'elle  distingue  son  objet  (âlamhanam  vijânâtij. 

Quelqueg-'uns  disent  :  La  pensée  est  nommée  citta  parce  qu'elle 
est  bigarrée /fc/f/'«^  par  de  bons  et  de  mauvais  éléments '.  En  tant 
qu'elle lestle  point  d'appui  (âsrayahhûta)  de  la  pensée  qui  suit,  elle 
Q'ii  manas  (\.  17);  en  tant  qu'elle  prend  point  d'appui  sur  l'organe 
et  l'objet  (âsritahliûta),  elle  est  vijnâna.  [13  b]. 

Ces  trois  noms  expriment  donc  des  sens  différents  [13  b],  mais 
désignent  le  même  objet  ;  de  même 

34  b-d.  La  pensée  et  les  mentaux  sont  '  ayant  un  support  ',  *  ayant 
un  objet  ',  '  ayant  un  aspect  ',  '  associés  '  \ 

Ces  quatre  ditïérents  noms  :  '  ayant  un  support  ',  etc.,  désignent 
le  même  objet. 

La  pensée  et  les  mentaux  sont  nommés  '  ayant  un  support 
(sCisraya)  parce  qu'ils  s'appuient  sur  les  organes  (organe  de  la  vue, 
etc.,  organe  mental)  ;  '  ayant  un  objet  '  (sâlamhanii,  i.  34)  ou  'sujet 
de  la  connaissance  ',  parce  qu'ils  saisissent  leur  *  domaine  '  (visaya- 
grahmia);  '  ayant  un  aspect'  (sâkclra),  parce  qu'ils  prennent  forme 
d'après  l'objet  ^  ;  '  associés  ',  c'est-à-dire  '  pareils  et  unis  '  (sampra- 

1.  Elle  accumule  le  bien  et  le  mal,  tel  est  le  sens.  (  YijCilihyCi)  —  Tibétain  : 
libyeil  pas  :  ]}iiTce  qu'elle  distingue.  —  Atlhasâlinî,  293  :  âîaïubcDiam  cintetlii 
cittani. 

2.  mana  jHâna  ity  asya  aunâdikapratyayah.  (DbalQpâtba,  4.  67.) 

3.  citram  subhâsiibkair  clhâtubhir  iti  cittam.  La  Vyâkhyâ  ajoute  :  bhâva- 
nâsamnivesayogena  sautrântikamatena  yogâcâramatena  va. 

Paramârtlia  a  lu  :  citant  subhâsubJiair  dhâtubliis  tàn  va  cinotlti  cittam.  — 
De  même  le  tibétain  traduit  :  «  parce  qu'elle  est  chargée  (bsags-pas)  de  bons  et 
de  mauvais  dhâtus  ». 

4.  cittacaitascih  /  sâsraycilambaiiâJicirâli  samprayuMâè  ca paùcadhâ  // 

5.  sâkârâs  tasyaiiàlambanasya  prakârana  (?)  âkaranât.  —  La  connais- 
sance {vijùâna)  discerne  l'objet  bleu,  etc.;  la  sensation  le  sent  agréablement,  etc.  ; 
la  notion  en  saisit  la  caractéristique,  etc.  — Ou  bien  :1a  connaissance  perçoit  l'objet, 
d'une  manière  générale,  en  tant  que  perceptible  (iipalabhyatârilpam  grhnâti)  ; 
les  mentaux  le  perçoivent  dans  ses  caractères  spéciaux  (visesarilpena)  :  la  sensa- 
tion en  tant  que  susceptible  d'être  senti  agréablement  (auiibhavanlyatârûpauï)  ; 
la  notion  en  tant  que  susceptible  d'être  défini  {paricchedyatârûpani),  etc.  (i.  16  a). 

12 


17S  CHAPITRE  II,  34  d-36. 

ijukta),  parce  qu'ils  sont  pareils  (sama)  les  uns  aux  autres  et  nou 
séparés  (aviprayiikta)  les  uns  des  autres. 

Comment  sont-ils  samirrayuMci,  associés,  c'est-à-dire  '  pareils  et 
unis  '  ? 

34  d.  De  cinq  manières. 

La  pensée  et  les  mentaux  sont  associés  en  raison  de  cinq  égalités 
ou  identités  (samutâ),  identité  d'appui  (âsraya),  à'ohioX(âlamhana), 
d'aspect  (cikâra),  de  temps  (kcilci)  ;  égalité  dans  le  nombre  des 
dravijas.  C'est-à-dire  :  les  mentaux  (sensation,  etc.)  et  la  pensée  sont 
associés  (1-3)  parce  qu'ils  ont  même  point  d'appui,  même  objet, 
même  aspect  ;  (4)  parce  qu'ils  sont  simultanés  ;  (5)  parce  que,  dans 
cette  association,  chaque  espèce  est  représentée  par  un  seul  individu 
(dravya)  :  à  un  moment  donné  ne  peut  naître  qu'une  seule  pensée  ; 
à  cette  unique  pensée  se  trouvent  associés  une  sensation  (ekam 
vedanâdravyam),  une  notion,  un  mental  de  chaque  espèce.  (Voir 
ii.  53  c-d). 

Nous  avons  expliqué  la  pensée  et  les  mentaux,  tout  au  long,  avec 
leurs  caractéristiques  '. 

iv.  Les  dhahmas  non  associés  a  la  pensée  (35-48). 

Quels  sont  les  samskâras  non  associés  à  la  pensée  (cltf avipra- 
yiikta) ? 

35-36  a.  Les  '  non  associés  à  la  pensée  '  sont  Xixprùpti,  Yaprâpti, 
la  sabhâgaiâ,  Yâsamjùika,  les  deux  recueillements,  la  vie,  les 
caractères,  les  nâniakdya,  etc.,  et  ce  qui  est  de  cette  espèce.  '  [14  a] 

1.  nirdisfâs  riftacaittâh  savistaraprahhcilâh.  —  C'est-à-ilire  saha  vistara- 
prab]ie(lâhh[iâni  ou  sdha  vintavapraMtcdena. 

2.  viprdynktâs  tu  samskârdh  prCiptyuprâptl  sablulgatâ  /  âsamjnikam 
snmâpatti  jlvitam  laksanâny  api  jj  nâmakâyâdayas  ceti. 

Le  mot  iti  indique  qu'il  faut  ajouter  ù  cette  liste  d'autres  viprayuktcis  comme 
le  sanujhftbliedd  (iv.  1)9),  etc.  -  Le  Prakaraiia  dit  :  ye  'py  evamjdtlyakâh  : 
«  Sont  aussi  ciltavipraynkta  les  dliarmas  qui  sont  de  cette  espèce.  »  Même 
formule  dans  le  Skandliapancaka. 

D'après  le  Prakarana,  les  samskâras  dissociés  de  la  pensée  sont  :  prûjjH, 
asamj il isamâpatti,  nirodhasamCipatti,  ûsamjùika,  jivitendriya,  nikCiyasa- 


Itiuan-tsang,  iv,  fol.  13  b-14  a.  179 

Ces  dliarinas  ne  sont  pas  associés  (samprcujuMa)  à  la  pensée  ; 
ils  ne  sont  pas  (te  la  nature  du  rnim  ou  matière  ;  ils  sont  inclus  dans 
\e  samskârasJiandha  (i.  15)  :  c'est  pourquoi  on  les  nomme  cittavi- 
prayiildcLsamskâras,  (1)  parce  qu'ils  sont  disjoints  de  la  pensée, 
(:2)  parc£  qu^,  étant  innnatériels,  ils  ressemblent  à  la  pensée, 

36  b.  La  prâptl  est  acquisition  et  possession  '. 

La  prdpti  est  de  deux  espèces  :  (1)  acquisition  (lâhlia,  pratilam- 
bha)  de  ce  qui  n'a  pas  été  obtenu  (pràpta)  ou  de  ce  qui  a  été  perdu 
(vihlna)  ;  ("2)  possession  (samanvaya,  samanvâgama)  de  ce  qui, 
ayant  été  obtenu,  n'a  pas  été  perdu. 

Vaprâptl  est  le  contraire. 

36  c-d.  Il  y  a  prâpti  et  aprdpti  des  dharmas  qui  appartiennent  à 
la  personne  même,  et  des  deux  '  destructions  '  -. 

bhâga,  âérayaprâpti,  dravuaprâpti  (?),  âyatanaprâpti,  jciti,  jarâ,  sthili, 
anityatd,  nâmakâya,  padakâya,  vyanjanakâya  et  tous  les  autres  dharmas 
de  cette  espèce  dissociés  de  la  pensée. 

ha.  prâpti  est  définie  dharmânâm  prâptih;  âsrayaprâpti  ^  âsrayCiyatatia- 
prâpti  ;  dravyapràpti  (?)^skandluinâm  prâptih  ;  âyatanaprâpti  =  âdhyât- 
rnikabâliyâyatanaprâpti  (xxiii.  10,  14  b  5). 

Pi-akaranapâda  14  b  5.  —  Qu'est-ce  que  \a  prâpti?  La  prâpti  des  dharmas.  — 
Qu'est-ce  que  V asamjnisamâpatti  ?  La  cessation  de  la  pensée  et  des  mentaux 
ayant  pour  antécédent  la  notion  de  sortie  attachée  à  l'abandon  de  la  souillure  des 
Subhakrtsnas  et  non  pas  à  l'abandon  de  la  souillure  supérieure.  —  Qu'est-ce  que 
la  nirodhasamâpatti  ?  La  cessation  de  la  pensée  et  des  mentaux  ayant  pour 
antécédent  la  notion  de  calme  attachée  à  l'abandon  de  la  souiliiue  de  Vâkim- 
canyâyatana.  —  Qu'est-ce  que  Vâsamjîïika  ?  La  cessation  de  la  pensée  et  des 
mentaux  des  êtres  qui  naissent  parmi  les  dieux  Asamjnisattvas.  —  Qu'est-ce  que 
\e  jivitendriya  ?  h'âyus  des  trois  dhâiiis.  —  Qu'est-ce  que  le  nikâyasahhâga  ? 
La  ressemblance  des  êtres. 

1.  prâptir  lâbhah  samanvayah  /  —  Voir  i.  38  c-d,  ii.  59  b. 

D'après  le  Sâsira: prâptih  katamâ  PyaJipratilamhho  yah  samanvâgamah. 

Les  termes  lâbha  et  samanvâyama  n'ont  pas  le  même  sens  dans  l'Abhidharma 
et  dans  Kathâvatthu,  ix.  12.  —  Pour  le  Theravâdin,  lâbha  signifie  '  possession  ', 
par  exemple  le  pouvoir  que  possèdent  les  saints  de  réaliser  à  leur  gré  tel  ou  tel 
recueillement  ;  samanvâgama  s'entend  de  la  réalisation  actuelle.  —  Ailleurs 
(iv.  4)  on  distingue  le  patilâbhasamannâgama  et  le  samangibhâvasaman- 
ttâgama,  posséder  en  puissance  (samanvâgama  de  l'Abhidharma),  posséder 
actuellement  (sammukhibhâva  de  l'Abhidharma).  — •  Voir  encore  xix,  4. 

2.  prâptyaprâpti  svasamtânapatitânâm  nirodhayoh  / 

Il  y  a  en  moi  prâpti  ou  aprâpti  relativement  à  ma  passion,  à  mon  acte  ..., 


180  CHAPITRE  II,  36  c-d. 

1.  Lorsqu'un  dharma  conditiouné  (samskrta)  '  tombe  dans  la  série 
personnelle  ',  il  y  a  pràpii  ou  aiyrùpii  de  ce  dharma  ;  non  pas 
s'il  tond)e  dans  la  série  d'une  autre  personne,  car  personne  ne 
possède  les  dharmas  d'autrui  ;  non  pas  s'il  ne  tombe  dans  aucime 
série,  car  personne  ne  possède  les  dharmas  '  (jui  ne  sont  pas  irim 
être  vivant  '  (asatlvâkhija,  i.  10  b).  ' 

2.  Quant  aux  dharmas  inconditionnés  (asamskrta)  [14  b],  il  y  a 
prâpti  du  pratisaniklujùnirodiia  et  de  Y aprat Isamkli yânirodha 
(i.  6,  ii.  55). 

a.  Tous  les  êtres  possèdent  Vapratisamkhijcuu'rodha  des  dharmas 
qui  ne  naîtront  pas  faute  de  cause. 

b.  L'Abliidharina  (Jnânaprasthana,  19,  s)  s'exprime  ainsi  :  «  Qui 
possède  des  dharmas  purs  (anâsrava)  ?  —  Tous  les  êtres  possèdent 
\e pratisamkh ijânlrodha  à  l'exception  des  sakalahandhana-âdlksa- 
nasthas,  c'est-à-dire,  à  l'exception  des  Àryas  liés  de  tous  les  liens  et 
se  trouvant  dans  le  premier  moment  du  Chemin,  à  l'exception  des 
Prlhagjanas  liés  de  tous  les  liens.  Les  autres,  Aryas  et  Prthagjanas, 
possèdent  le  pratisariikhyànirodha.  »  - 

c.  Personne  ne  possède  (samanvâgata)  l'espace  (âkâsaj.  Donc  il 
n'y  a  pan  prâpti  de  l'espace. 

D'après  les  Vaibbâsikas,  prâpti  et  apyrâpti  sont  en  opposition  : 
tout  ce  qui  est  susceptible  àe  prâpti  est  aussi  susceptible  iVaprâpti. 
Comme  cela  va  de  cire,  la  stance  ne  le  dit  j)as  d'une  manière 
expresse. 

c'est-à-dire,  je  possède  ou  ne  possède  pas  ma  passion  future  ou  passée  Mais 

aucun  rapport  de  possession  ou  de  non-possession  entre  moi  et  la  passion  d'autrui. 

1.  Les  clieveux  doivent  être  regardés  comme  '  de  l'être  vivant  ',  car  ils  sont  liés 
(sambaddîui)  aux  organes  matériels. 

2.  L'iionmie  '  lié  de  tous  les  liens  '  (sakalabatulhano)  est  celui  qui  n'a  pus 
obtenu,  par  le  chemin  mondain  (laukika),  l'abandon  (^zpratLsnmkhyanirodha) 
d'une  des  neuf  catégories  des  passions  du  Kâmadhatu.  L'Arya,  au  premier 
moment  (àdiksana  :=  duhkhe  dharmajiiânaksânii)  n'a  pas  encore  obtenu 
l'abandon  des  passions  à  abandcnnier  par  le  Ciieuiin  (vi.  11).  —  On  appelle 
ekaprakâropulikhiia  l'homme  qui  a  obtenu  l'abandon  d'une  catégorie  de  passion, 
(vi.  30  ai. 


Hiuan-tsang,  iv,  fol.  14  a-15  a.  181 

Le  Sautrantika  nie  l'existence  du  dharma  nommé  prâpti,  posses- 
sion.     *^  *  * 

1.  Comment  le  Sarvâstivâdin-Vaibhâçika  établit-il  l'existence 
d'une  chose  en  soi  (dravyadharma)  '  nommée  prâpti  ? 

Le  è^«:^«stivadin.  —  Le  Sûtra  (Madhyamâgama  49,  le)  dit  :  «  Par 
la  production  (ntpâda),  l'acquisition  (pratilamhha),  la  possession 
(samanvâgama)  de  dix  dharmas  propres  à  l'Arhat  (aéaiksa),  le 
saint  devient  un  homme  '  ayant  abandonné  cinq  membres  '  ».  - 

Le  Sautrantika.  —  Si  vous  concluez  de  ce  texte  à  l'existence  de  la 
prâpti,  nous  remarquerons  que  l'on  '  possède  '  (samanvâgama)  des 
dharmas  '  qui  n'appartiennent  pas  aux  êtres  vivants  '  (asativâkhija), 
et  aussi  des  dharmas  appartenant  à  autrui.  En  effet,  le  Sûtra 
(CakravartisQtra)  dit  :  «  Sachez,  ô  Bhiksus,  que  le  roi  (^akravartin 
est  en  possession  de  sept  joyaux  ...  »  \  Or,  parmi  les  joyaux,  le  joyau 
de  roue,  le  joyau  de  femme,  etc. 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Dans  ce  texte,  l'expression  '  en  possession  de  ' 
(samanvâgata)  signifie  '  maître  de  '.  On  dit  que  le  roi  Cakravartin 
jouit  de  la  maîtrise  (caéitva)  sur  les  joyaux,  car  ils  vont  comme  il 
veut  (kâmacâraj.  Mais,  dans  le  Sûtra  sur  '  la  possession  des  dix 
dharmas  d'Arhat  '  (daéâsaiksadharmasamanvâgamasûtra),  le 
mot  '  possession  '  désigne  une  chose  en  soi  '. 

2.  Le  Sautrantika.  —  Si  le  mot  '  possession  '  (samanvâgama) 
signifie  '  maîtrise  '  dans  le  CakravartisQtra  [15  a],  comment  vous 
assurez-vous    que,  dans  l'autre  Sûtra,   ce  même  mot  désigne  une 

1.  dravyadharmah  =  drai-ijato  dharmah,  ou  bien  dravyam  ca  tad  dhar- 
mas ca  sa  dravyadharmah,  c'est-à-dire  vidyamânasvalaksano  dharmah.  — 
Voir  ci-dessous  p.  186. 

2.  Ces  dix  dharmas  sont  les  huit  membres  du  Chemin,  pkis  la  samyagvimuMi 
et  le  samyagjnâna  (Afiguttara,  v.  222)  ;  les  cinq  membres  abandonnés  ne  sont 
pas  le  groupe  satkâyadrsti  —  sïlavrataparcimarsa —  vicikifsâ — kâiiiacchaiida 
—  vyCipâda,  car  ce  groupe  a  été  abandonné  à  l'acquisition  du  fruit  d'Anâgûmin, 
mais  bien  le  groupe  relatif  aux  sphères  supérieures,  rûparâga  —  ârfipyarâga  — 
auddhatya  —  niâna  —  avidyâ. 

3.  Dîgha,  iii.  59  :  Dalhaneuti  ....  sattaratannsamannâgato. 

4.  D'après  l'Écriture,  les  choses  (vastn)  sont  ou  bien  dravyasat  ou  bien 
prajiïaptisat,  '  existant  réellement  ',  '  existant  comme  désignation  ', 


182  CHAPITRE  II,  36  c-d. 

^réiendiie prâpti,  chose  en  soi?  En  effet  (l)  cette  prâpti  n'est  pas 
directement  perçue,  comme  c'est  le  cas  pour  la  couleur,  le  son,  etc., 
comme  c'est  le  cas  pour  la  concupiscence,  pour  la  colère,  etc.  ;  (2)  on 
ne  peut  conclure  à  l'existence  de  la  prâpti  en  raison  de  son  effet 
(ktiya),  comme  c'est  le  cas  pour  les  organes  des  sens,  organe  de  la 
vue,  etc.  (i.  9)  :  car  semblable  effet  n'est  pas  perçu. 

Le  Sarvastivadin.  —  Erreur  !  la  possession  a  un  effet.  Elle  est  la 
cause  de  la  naissance  (ntpattihefn)  des  dharmas.  ' 

Le  Sautrantika.  —  La  réponse  est  fâcheuse  :  (1)  Vous  soutenez 
que  l'on  peut  posséder  les  deux  destructions  (nirodha),  or  celles-ci, 
étant  des  inconditionnés,  ne  naissent  pas  :  seuls  les  conditionnés 
sont  '  causés  '  (i.  7  d).  (2)  Quant  aux  dharmas  conditionnés  (sams- 
krtas),  il  n'y  a  pas  actuellement,  chez  une  persomie  donnée, 
possession  (prâpti)  des  dharmas  qu'elle  n'a  pas  encore  acquis  '\  ni 
non  plus  des  dharmas  dont  elle  a  abandonné  la  possession  par  le 
changement  de  sphère  d'existence  ou  i)ar  le  '  détachement  '  ■  :  la 
possession  des  premiers  n'a  jamais  existé,  la  possession  des  seconds 
a  péri.  Comment  donc  ces  dharmas  pourront-ils  naître  si  la  cause 
de  leur  naissance  est  la  prâpti  ? 

Le  Sarvastivadin.  —  La  naissance  de  ces  dharmas  a  pour  cause 
\a  prâpti  (\u\  naît  en  même  temps  qu'eux  (sahajaprâptihetiika). 

Le  Sautrantika.  —  Fâcheuse  réponse  !  Si  les  dharmas  naissent  en 
vertu  de  \a  prâjjti,  (1)  la  naissance  et  la  naissance-de-la-naissance 
(ii.  45  c)  ne  servent  à  rien  ;  (2)  les  dharmas  '  qui  n'appartiennent 
pas  aux  êtres  vivants  '  (asattvâkhya)  ne  naîtront  pas  ;  (3)  comment 
expliquer  la  différence  de  degré  de  la  passion  (kleéa),  passion  faible, 
moyenne,  forte,  chez  les  hommes  qui  sont  '  liés  de  tous  les  liens  ' 
(sakalahandhana)  :  tous  en  ell'et  jxtssèdent  les  mêmes  prâptis  de 
toutes  les  passions  du  Kamadhâtu.  Direz-vous  que  cette  différence 
procède  de  causes  dislincles  de  In  prâpfi  ?  Nous  répliquerons  que 

1.  La  cniisf  <lf  In  iiaissaiioo  fl'imo  pensée  de  cfinvoitise  csl  la  '  possession  '  de 
cette  futur*-  pon-sée  de  crmvoili.so. 

2.  Les  dharmas  purs,  dnhkhc  (UKinnajùfDiaksânti,  etc. 

.'{,  Ili'sppctivement  les  dharmas  non-souillés  et  souillt-s  du  Kriinadliflln, 


Hiuan-tsang,  iv,  fol.  15  a- 16  a.  183 

ces  causes  sont  les  uniques  causes  de  la  passion  faible,  moyenne  ou 
forte  ;  eJt*quel  effet  pourra-t-on  assigner  à  la  prâpti  ?  [15  bj 

3.  Le  Sarvâstivâdin.  —  Qui  soutient  que  la  prâpti  est  la  cause  de 
la  naissance  des  dharmas  ?  Tel  n'est  pas  le  rôle  que  nous  lui  attri- 
buons. JPojir  nous,  la  prâpti  est  la  cause  qui  détermine  l'état,  la 
condition  des  êtres.  Expliquons-nous.  Supposons  l'inexistence  de  la 
prâpti  :  quelle  différence  y  aura-t-il  entre  l'Àrya,  au  moment  où  celui- 
ci  produit  une  pensée  mondaine  (laukika),  et  le  Prtbagjana  ?  Car  la 
différence  consiste  uniquement  en  ceci  que  l'Ârya,  même  quand  il 
nourrit  une  pensée  mondaine,  est  en  possession  (prâpti)  d'un  certain 
nombre  de  dharmas  purs. 

Le  Sautrantika.  —  Pour  nous,  il  y  a  entre  eux  cette  différence  que 
le  premier  a  abandonné  certaines  passions,  que  le  second  ne  les  a  pas 
abandonnées  (prahinâprahlnakleéatâviéesa). 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Sans  doute  ;  mais  à  supposer  l'inexistence  de 
la  prâpti,  comment  peut-on  dire  qu'une  passion  est  abandonnée  ou 
n'est  pas  abandonnée  ?  Il  ne  peut  y  avoir  abandon  d'une  passion  que 
par  la  disparition  (vigama)  de  \a  prâpti  de  cette  passion  ;  la  passion 
n'est  pas  abandonnée  aussi  longtemps  que  dure  sa  prâpti. 

4.  Doctrine  des  Sautrântikas.  —  Pour  nous,  l'abandon,  le  non-aban- 
don de  la  passion  consistent  dans  une  certaine  condition  de  la  personne 
(âsraija,  ii.  5  et  6,  44  d).  Chez  les  Àryas,  par  la  force  du  Chemin 
(vue  des  vérités,  méditation),  la  personnalité  est  modifiée,  devient 
différente  de  ce  qu'elle  était.  La  passion,  une  fois  qu'elle  a  été  détruite 
par  la  force  du  Chemin,  ne  peut  plus  se  manifester  à  nouveau.  Comme 
la  semence,  brûlée  par  le  feu,  devient  différente  de  ce  qu'elle  était, 
n'est  plus  capable  de  germer,  de  même  on  dit  que  l'Àrya  a  aban- 
donné la  passion,  parce  que  sa  personne  ne  contient  plus  de  semence 
(bîja)  capable  de  produire  la  passion.  Quant  au  chemin  mondain, 
ce  chemin  ne  détruit  pas  définitivement  la  passion  ;  il  l'endommage 
ou  l'ébranlé  :  on  dira  qu'un  Prtbagjana  —  lequel  ne  peut  pratiquer 
que  le  chemin  mondain  —  a  abandonné  la  passion  [16  a]  lorsque  sa 
personne  ne  contient  plus  que  des  semences  de  passion  endommagées 
(npaliata)  par  le  dit  chemin,  Inversement  on  dit  qu'un  homme  n'a 


184  CHAPITRE  II,  36  c-d. 

pas  al>an(lonno  la  passion  (aprahlnaJdesa)  lorsque  les  semences  ne 
sont  ni  Itiiilées,  ni  endommagées.  —  On  dit  qu'un  homme  est  en 
possession  (samanvâgala)  de  la  passion  lorsqu'il  ne  l'a  pas  '  aban- 
donnée '  (K-  la  manière  (jui  vient  d'être  expliquée  ;  on  dit  qu'il  est  en 
non-possession  (asama nvâgata)  de  la  passion  lorsqu'il  l'a  abandon- 
née. '  Possession  ',  '  non-possession  '  ne  sont  pas  des  choses  en  soi, 
mais  des  '  désignations  '  (prajùapti). 

Voilà  pour  ce  (jui  concerne  la  possession  et  la  non-possession  de 
la  passion  (kleèn).  Pour  ce  qui  concerne  la  possession  et  la  non-pos- 
session des  dharmas  bons  (kumla),  il  faut  distinguer  (1)  les  bons 
(IhftDuas  innés  (aupapattika,  upapaHUâbh ika),  qui  ne  supposent 
pas  d'effort  (ayatnahhâvin),  (2)  les  bons  dharmas  qui  sont  obtenus 
par  effort  ou  exercice  (prâyoglka,  prayogalàbhika)  (ii.  71  b). 

Un  (lit  d'un  homme  qu'il  possède  les  premiers  lorsque  sa  personne 
(àirtuju)  possède  intacte  la  qualité  d'être  semence  de  ces  bons  dhar- 
mas (âérayasya  tadbljabhâvâmipaghâtât).  Lorsque  cette  qualité 
est  endommagée,  on  dit  ({ue  l'homme  ne  possède  pas  les  bons  dhar- 
mas. —  En  effet,  si  les  semences  de  passion  peuvent  être  détruites 
complètement  et  définitivement  (atyanlam  samndghâfa,  apoddha- 
raud),  comme  c'est  le  cas  chez  l'Arya,  les  bons  dharmas  n'ont 
jamais  leur  racine  coupée  définitivement.  C'est  avec  cette  restriction 
que,  de  l'honmie  qui  a  coupé  les  racines  de  bien  par  la  vue  fausse 
(samxicchhinakuAalamfda)  (iv.  70  c).  on  dit  (pi'il  a  abandonné  ces 
racines.  ])arc('  ([iic  la  (pialité  d'être  semence  de  ces  racines,  qualité 
qui  appjutenait  à  sa  personne («.s-raz/rt^,  a  été  endommagée  par  la  vue 
fausse  (mHhyndrsfi). 

On  dit  (l'un  homme  qu'il  possède  les  seconds  —  bons  dharmas 
produits  j)ar  «'{fort.  j>ar  aiidilion,  réfiexion,  recueillement  —  lorsque, 
ces  dharmas  étant  nés,  la  capacité  (vasifva,  sâmarthyaviéesa)  de 
les  produire  [à  nouveau]  n'est  pas  endonmiagée  '. 

Donc,  rc  (|u'oii  entend  j)ar  la  '  possession  ',  le  '  fait  d'être  muni  de  ' 
(samanvâgamaj,  ce  n'est  [>us  un  dhurma  constituant  une  chose  à 

1.  tair  ufpaminis  tndutputlivaéHvCivighâtât  santanvâgatnah. 


Hinan-isang,  iv,  fol.  16  a-b.  185 

part  et  en  soi  {nânyacl  dravijam),  à  savoir  la  prétendue  pmJ9f^  des 
Sarvâstivâdins,  mais  une  certaine  condition  (avasthâ)  de  la  personne 
(âérmja  =  nâmarûp'a)  :  1.  les  semences  de  passion  n'ont  pas  été 
arrachées  (anapoddhrta)  par  le  chemin  des  saints  (âryamârga)  ; 
2.  les 'semences  de  passion  n'ont  pas  été  endommagées  (anupahata) 
paR.tev©kemin  mondain  (laukika)  ;  3.  les  semences  de  bon  inné  (au- 
papattika)  n'ont  pas  été  endommagées  par  la  vue  fausse  ;  4.  les 
semences  de  bon  '  d'effort  '  (prâyogika,  yatnabliâvm)  sont  en  bon 
état  au  moment  où  on  veut  produire  ce  bon  (paripustam  vasitva- 
Jcâle  hljam).  [16  b]  Lorsque  la  personne  (àsraya)  se  trouve  dans 
telle  condition,  il  y  a  ce  qu'on  appelle  *  possession  des  passions  ',  etc. 

Mais  que  faut-il  entendre  par  '  semence  '  (blja)  ?  demande  le  Sar- 
vastivâdin. 

Par  semence  (hîja)  nous  entendons  le  nâmanlpa  (iii.  30),  c'est-à- 
dire  le  complexe  des  cinq  skandhas,  capable  de  produire  un  fruit, 
soit  immédiatement,  soit  médiatement,  au  moyen  du  parinâmavisesa 
de  la  série. 

La  série  (samtati),  c'est  les  samskâras  du  passé,  du  présent  et  de 
l'avenir,  en  relation  de  causalité,  qui  constituent  une  série  ininter- 
rompue. 

Le  parinâma,  ou  évolution  de  la  série,  c'est  la  modification 
(anyathâtva)  de  la  série,  le  fait  que  la  série  nait  différente  d'elle- 
même  à  chaque  moment. 

Le  visesa,  ou  terme  culminant  de  cette  évolution,  c'est  le  moment 
de  la  série  qui  possède  la  capacité  de  produire  immédiatement  le 
fruit.  ' 

Le  Vaibhâsika  objecte.  —  Le  Scitra  dit  :  «  Celui  qui  est  en  possession 

1.  Ces  définitions  répondent  aux  questions  du  Vaibhâsika  :  «  La  semence  est- 
elle  une  chose  (dracya)  différente  de  la  pensée,  non-différente  de  la  pensée?  », 
«  La  série  est-elle  une  chose  (dracya)  permanente  (avasthita)  dans  laquelle 
naissent  successivement  des  dliarmos  différents  ?  »,  «  Le  parinâma  doit-il  être 
compris  comme  le  parinâma  des  Sâmkhyas  ?  ». 

Voir  ii.  54  c-d.  —  La  doctrine  de  l'évolution  de  la  série  est  exposée  à  nouveau 
iv.  3  c, 


1S6  CHAPITRE  II,  36  c-37. 

de  la  convoitise   {lohhcna   samanvâgatah)  n'est   pas   capable   de 
produire  les  smriijupastliâiias  (vi.  14).  » 

Le  Sautrantika.  —  Dans  ce  texte,  par  '  possession  '  de  la  convoitise, 
il  faut  entendre  '  consentement  à  la  convoitise  '  (adhivâsana,  abhtfa- 
in(jùâna), ou  '  non  rejet  de  la  convoiUse'  (avinodana,  avijupamma). 
Le  Sfitra  ne  dit  pas  qu'un  homme  en  qui  se  trouve  la  semence  de 
convoitise  est  incapable  de  produire  les  smrlyupasthânas  ;  il  dit  que 
la  convoitise  en  activité  rend  un  homme  actuellement  incapable  de 
produire  ces  exercices  spirituels. 

En  résumé,  de  quelque  manière  que  nous  entendions  la  possession 
(samanvâgama),  soit  comme  '  cause  de  naissance  des  dharmas', 
soit  comme  '  principe  de  la  condition  des  êtres  ',  soit  comme  '  état 
spécial  de  la  persoime  ',  soit  comme  '  consentement  à  ',  la  possession 
nous  a[)paraît,  non  pas  comme  une  entité,  une  chose  en  soi  (dravija- 
dJiarnia),  mais  comme  un  '  dharnia  de  désignation'  (prajnapti- 
dharmaJ.De  même  la  non-possession,  qui  est  purement  et  simplement 
la  négation  (pratisedha)  de  la  possession. 

Les  Vaibliâsikas  disent  que  Isiprâpfl  et  Vaprâpfi  sont  des  choses 
en  soi.  —  Pourquoi  ?  —  Parce  que  c'est  notre  système  (siddhânta)  '. 

37  a.  Prâpli  triple  des  dkannas  des  trois  é})()ques.  ^ 

Les  dharmas  passés  peuvent  être  robjet  d'une  triple  prâpli, 
passée,  présente,  future.  De  même  les  dharmas  présents  et  futurs.  ^ 

1.  Tibétain  el  Paraiiiârtha.  liiuaii-l.sang  :  «  Les  deux  chemins  (doctrine  des 
SautiTintikas,  doctrine  des  Vaihliâsika.s)  sont  bons.  —  Comment  cela?  —  Le 
premier  n'est  pas  en  contradiction  avec  la  raison  ;  le  second  est  notre  système  ». 

Pancaskaiidliaka  :  jiyâpiih  knt(nuci?  pratilatuhhnli  sawanvâgamah  /  .... 
hljfim  vnsifvum  srnfnntikliihlinro  ijdthajjOfjnm.  (D'après  la  version  tibétaine). 

i2.  \lrniij(t<Uirih(ni(i>>i  In'vidiui]. 

•1  La  prâpfi  des  (Ihfir)nas  pa.ssés  est  (1)  on  bien  passée,  c'est-à-dire  :  «  qui  est 
née  et  a  jm  ri  ■>  :  elle  fut  ou  antérieure  (ngrrijn),  ou  postérieure  (paécdtkalaja), 
ou  simultanée  (sahajn)  à  ces  dharmas  ;  (2j  ou  bien  future,  c'est-à-dire  :  «  qui 
n'est  pas  née  »  :  elle  sera  postérieure  à  ces  dharmas  ;  ('h  ou  bien  j)réseute,  c'est- 
à-dire  :  «  (pu  est  née  et  n'a  pas  péri  »  :  elle  est  j»ostérieure  à  ces  dharmas.  Et 
ainsi  de  suite. 

Tout  dharma  n'est  pas  susceptiljli'   ilf   cille    triple  prapii.   Par   exemple,  la 


Hmari-tsang,  iv,  fol.  16  b-17  b.  187 

37  b.,  Prâpti  bonne,  etc.  des  dharmas  bons,  etc.  ' 

Des'dharmas  bons,  mauvais,  non-définis,  \a.  prâpti  est  respective- 
ment boone,  mauvaise,  non-définie. 

37  c.  Des  dharmas  appartenant  aux  sphères  d'existence,  X^prâpti 
est 'Jeteur  sphère  ^ 

Les  dharmas  appartenant  aux  sphères  d'existence  sont  les  dhar- 
mas impurs  (sâsrava).  La  prâpti  d'un  dharma  du  Kâmadhatu  est, 
elle-même,  du  Kâmadhatu  ;  et  ainsi  de  suite. 

37  d.  Prâpti  quadruple  des  dharmas  qui  n'appartiennent  pas  aux 
sphères  d'existence  ^ 

A  la  considérer  en  général,  la  prâpti  de  ces  dharmas  —  les 
dharmas  purs  (anâsrava)  —  est  quadruple  :  elle  appartient  aux 
trois  sphères,  elle  est  pure.  Mais  il  faut  établir  des  distinctions. 

1.  hOi.  prâpti  de  Yapratisamkhyânirodha  (voir  p.  180)  est  de  la 
sphère  à  laquelle  appartient  la  personne  qui  l'obtient. 

2.  La  prâpti  du  pratisaînkhyânirodha  est  du  Rûpadhatu  [17  b], 
de  rArûpyadhâtu,  pure.  * 

3.  La  prâpti  du  Chemin  (mârgascdya,  vi.  25  d)  est  seulement 
pure. 

prâpti  des  dharmas  '  de  rétribution  '  est  seulement  simultanée  à  ces  dharmas 
(ii.  38  c).  On  ne  '  possède  '  pas  ces  dharmas  avant  qu'ils  soient  nés,  ni  après 
qu'ils  ont  péri. 

1.  éiibhâdlnâm  subhâdikâ  / 

2.  svadhâtukâ  tadâptcinâm.  —  Les  dharmas  impurs  sont  du  plan  de  l'exis- 
tence, appartiennent  aux  sphères  d'existence,  dhàtiâpta,  dhàtnpatita. 

3.  anâptânâm  caturvidhâ  jj  —  Ce  sont  les  apariyùpannas  de  l'Abhidhamma. 

4.  Le  pratisamkhycuiirodha  ou  '  disjonction  d'avec  une  passion  '  (visamyoga, 
i.  6  a-b,  ii.  57  d)  peut  être  obtenu  pfir  un  Prtluigjana  ou  par  un  Arya.  Dans  le 
premier  cas,  la  prâpti  est  du  Kûpadhâtu  ou  de  rÂiTipyadhâtu  suivant  que  le 
nirodha  est  obtenu  par  un  chemin  (mondain)  du  Rûpadhâtu  ou  de  rArûpyadhâtu. 
Dans  le  second  cas,  elle  est  du  Rûpadhâtu  et  pure,  lorsque  le  nirodha  est  obtenu 
par  un  chemin  (mondain)  du  Rûpadhâtu  ;  de  l'Arûpyadhâtu  et  pure,  lorsque  le 
nirodha  est  obtenu  par  un  chemin  de  l'Arûpyadhâtu  ;  pure,  lorsque  le  nirodha 
est  obtenu  par  le  chemin  pur  (d'après  le  principe  formulé  vi.  46). 


188  CHAPITRE  II,  38. 

La  prCipti  des  dhannas  de-Saiksa  (vi.  45  b)  est  de-Saiksa 
(éaikfi)  ;  la  prâpti  des  dliarnias  d'Asaikça  est  d'Asaikça  (asaiksl)\ 
Mais  il  y  a 

38  a.  Prâpti  triple  des  dharmas  qui  sont  ni-de-Saiksa-ni-d'Asai- 
ksa.  ^ 

Ces  dharmas  —  les  naivasnihsanâsaikms,  vi,  45  b  ^  sont  les 
dhannas  impurs  et  les  dharmas  inconditionnés  (asamskrtas)  ; 
ainsi  nommés  parce  qu'ils  difïèrent  des  dharmas  de-Saiksa  et  des 
dharmas  d'Asaiksa. 

A  la  considérer  en  général,  la  prâpti  de  ces  dharmas  est  triple.  Il 
faut  établir  des  distinctions  : 

1.  La  prâpti  des  dharmas  impurs  est  ni-de-Saiksa-ni-d'Asaiksa 
(naivaéaikslnâsaiksl)  ; 

2.  De  même  la  prâpti  de  Y apraiisanikh ijâ)iirodha  et  la  prâpti 
du  pratisamkJi i/ânirodha  obtenue  par  un  non-Àrya  ^; 

3.  La  prâpti  du  pratisamkhuâriirodha  est  de-Saiksa,  lorsrpie  ce 
nirodha  est  obtenu  par  le  chemin  de-Saiksa  ;  est  d'Asaiksa,  lorsque 
ce  nirodha  est  obtenu  par  le  chemin  d'Asaiksa. 

La.  prâpti  des  dharmas  à  abandonner  soit  par  la  vue,  soit  par  la 
méditation,  est  détruite,  respectivement,  soit  par  la  vue,  soit  par  la 
méditation  :  elle  appartient  donc,  au  point  de  vue  de  l'abandon,  à  la 
catégorie  de  ces  dharmas  (ii.  13). 

Quant  aux  dharmas  qui  ne  sont  [)as  à  abandonner,  leur  prâpti 
présente  des  différences  : 

38  b.  Prâpti  double  des  dharmas  qui  ne  sont  pas  à  abandoiuier.  ' 

Ces  dharmas  sont  les  dharmas  purs  (anâsrava)  (i.  40  b,  ii.  13  d). 

1.  Les  dharmas  de-Saiksa  (saiksn)  sont  les  dharmas  juirs  du  Saiksa,  du 
saint  (jui  n'est  pas  Arliat  ;  les  (/fmrmas  d'Asaiksa  (o^affrsa)  sont  les  cî/jar»ms 
purs  de  l'Arlint.  ^ 

2.  Itridhii  ua.^aiksâ.^aiksnnâm] 

y.  rarainârllia  :  <\  De  inênic  la  prâpti,  Diilcnuf  j»ar  un  nnn-Aiya,  de  Va2}rati~ 
sanikliyànirodha  et  du  pratisatpkhiidnirodlia  ».  Hiuan-lsang  :  «  ...  la  prâpti 
diy  prafisamkhyâtiirodha  obtenu  par  un  chemin  non-Àrya  i, 

4.  [alieyânàm  dvidhâ  mata  /] 


tHuan-tsang,  iv,  fol.  17  L-18  a.  189 

La  prâpti  de  VaprafisamJïhi/ânîrodha  est  abandonnée  par  le 
chemiij  de  méàitaiion  (b]i(iva}id}icya). 

De*mème  la  prâpti  du  pratisamkl}}jâmrodha  obtenu  par  le 
non-Àrja. 

Mais  lai>m^//  àw pratisamlxlujÎDiirodha  obtenu  par  le  Chemin, 
est  '^nfeT  n'est  pas  à  abandonner  [18  a].  De  même  la  prâpti  du 
Chemin  '. 

Nous  avons  étabh  le  principe  général  que  les  dJiarmas  des  trois 
époques  sont  susceptibles  d'une  triple  prâpti  (ii.  37  a).  Il  faut  préciser. 

38  c.  La  prâpti  du  non-défini  lui  est  simultanée.  ^ 

ha  prâpti  d'un  dharma  non-souillé-non-défmi  (anivrtâvyâhrta) 
est  simultanée  à  ce  dharma  :  on  le  possède  quand  il  est  présent, 
non  pas  quand  il  est  passé  ou  futur.  Quand  il  est  passé,  la  xyrâpti 
est  passée,  quand  il  est  futur,  la  prâpti  est  future.  En  raison  de  la 
faiblesse  ^  de  ce  dharma. 

38  d.  Excepter  deux  facultés  surnaturelles  (abhijfiâs)  et  la 
'  création  '.^ 

Cette  règle  ne  s'applique  pas  à  tous  les  dharmas  non-souillés-non- 
définis.  Les  facultés  surnaturelles  de  vue  et  d'ouïe  (caksurabJiijuâ, 
srotrâhhijnâ,  vii.  45)  et  la  '  pensée  de  création  '  (nirmânacitta,  ii. 
72)  sont  fortes  (balavat),  car  elles  sont  réalisées  par  un  effort  spécial 
(prayogaviéesa)  :  par  conséquent  on  les  possède  passées,  présentes 
et  futures.  —  Certains  maîtres  ^  soutiennent  que  les  dharmas 
non-souillés-non-définis  des  classes  '  de  métier  '  (sailpastliâniha)  et 

1.  Un  cas  n'est  pas  envisagé  :  la  prâpti  du  pt-atisanikliycuiirodha,  au  moyen 
d'un  chemin  mondain,  par  un  Àiya.  Celle  prâpti  est  à  la  fois  pure  et  impure, 
comme  on  verra  vi.  46. 

2.  avyâkrtâptih  sahajâ 

3.  durbalatvât  :  auabhisatnskfiravattvât,  parce  qu'il  n'est  pas  le  résultat 
d'un  effort. 

4.  [abliijnânirtmlnavarjitCi  //] 

5.  Vyâkhyâ  :  Les  Vaibhâsikas.  —  Par  exemple,  Visvakarman,  l'artisan  céleste, 
possède  les  sailpasthânikas  passés,  présents  et  futurs  ;  le  Slhavira  Asvajit 
possède  les  airyâpathikas. 


190  CHAPITRE  H,  39-40  c. 

'  iWM'iinde'  (air ijâpathika)  {n.  7i2),  lorsqu'ils  ont  été  l'objet  d'une 
pratique  intense  (atyartham  abhyaslam  =^  hhrsam  âtmanah 
kîiam),  sont  aussi  possédés  passés  et  futurs.  [18  b] 

39  a.  De  même  la.  prâpfi  du  rupa  souillé.  ' 

his.prâptl  du  rûpa  souillé-non-défini  (nivrtâvi/âkrfa)  esi  seulement 
simultanée  à  ce  rûpa.  Ce  rûpa,  c'est  l'acte  corporel  et  l'acte  vocal 
résultat  d'une  pensée  souillée-non-définie  (kâya^,  vâgvijnaptirûpa). 
Cet  acte,  lut-il  produit  par  une  pensée  forte,  est  incapable,  connue 
cette  pensée  même,  de  créer  YaviJHapti  (iv,  7  a)  :  il  est  donc  faible. 
Donc  on  le  possède  présent,  mais  non  pas  passé  ou  futur. 

Le  caractère  tri-temporel  de  la  prâpti  des  dharmas  bons  et 
mauvais  est-il,  comme  c'est  le  cas  pom-  la  prâpti  des  dharmas 
non-définis,  soumis  à  certaines  restrictions  ? 

39  b.  La  prâpti  du  rûpa  de  Kamadbfilu  n'est  pas  antérieure  à  ce 
rûpa.  - 

Ce  rûpa,  bon  ou  mauvais,  j)ar  exemple  le  Prfitimoksasainvara 
(iv.  19  et  suiv.),  n'est  pas  possédé  avant  qu'il  soit  né.  La  prâpti  est 
simultanée,  postérieure,  non  pas  antérieure. 

La  non-possession  (aprâpti)  peut-elle,  comme  Xql prâpti,  être  bonne, 
mauvaise,  non-définie  ? 

39  c.  Vaprâpti  est  non-souillée-non-définie.  ^ 

h' aprâpti  est  toujours  anivrtâvyâkrta  (ii.  66). 

39  d.  Des  dharmas  passés  ou  futurs,  elle  est  triple.  "  [19  a] 

Vaprâpti  îles  dharmas  passés  ou  futurs  peut  être  passée,  future, 

1.  nirrtasya  ca  rûpasya. 

2.  kânip  rûpasyd  )ul{jr(ijâ  j 

3.  akli.sldvydkrlapraptih 

La  non-possession  des  passions  n'est  pas  souillée,  car,  dans  cette  hypothèse, 
elle  manquerait  à  l'homme  délivré  des  passions  :  elle  n'est  pas  bonne,  car  elle 
iiian(|uerait  à  riionnne  qui  a  coupé  les  racines  du  Lien.  (Vibhâsû,  157,  11). 

4.  [sâtitâjâtayos]  tridha  jj 


Iliiian-isang,  iv,  fol.  18  a- 19  a.  191 

présente.  Mais  on  possède  nécessairement  les  dharmas  présents  : 
donc  V^iprâpti  des  dharmas  présents  peut  seulement  être  passée  ou 
future** 

40  a.-  Des  dharmas  faisant  partie  des  sphères  d'existence  et  des 
dharmas^Ammaculés,  elle  est  triple.  ' 

Vaprâpti  des  dharmas  du  domaine  du  Kâiuadhâtu  appartient 
soit  au  Kâmadhatu,  soit  au  Rûpadhatu,  soit  à  rÀrûpyadhâtu.  suivant 
que  la  personne  munie  de  cette  aprâpti  appartient  à  telle  ou  telle 
sphère  d'existence.  De  même  en  ce  qui  concerne  Vaprâpti  des  dhar- 
mas purs  (anâsrava). 

En  effet,  Vaprâpti  n'est  jamais  pure. 
Pourquoi  ? 

40  b-c.  D'après  l'Ecole,  le  Prthagjana  est  l'homme  qui  n'a  pas' 
acquis  le  Chemin.  ^ 

1.  Gomme  il  est  dit  dans  le  Mcdasâstra  (Jnânaprasthâna,  2,  21, 
Vibhasâ,  45,  5)  :  «  Qu'est-ce  que  la  qualité  de  Prthagjana  (prtharjja- 
natoa)  ?  —  La  non-possession  des  dharmas  des  Âryas  (âryadliar- 
mânâm  alâbhah)  ».  Or  la  qualité  de  Prthagjana  n'est  pas  pure  ; 
donc  la  non-possession  (aprâpti  =  alâbha)  n'est  pas  pure. 

Examinons  cette  défijiition.  —  Lorsque  le  Sâstra  enseigne  que  la 
qualité  de  Prthagjana  est  la  non-possession  des  dharmas  des  Âryas, 
de  quels  dharmas  des  Âryas  entend-il  parler  ?  Ces  dharmas 
commencent  avec  la  diihkhe  dliarmajnânaksânti  et  embrassent 
tout  le  chemin  pur  ou  chemin  des  Âryas  (vi.  25). 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Le  Sâstra  entend  parler  de  tous  ces  dharmas, 
puisqu'il  ne  spécifie  pas. 

Prenez  garde  !  A  vous  en  croire,  l'homme  en  possession  de   la 

1.  kâmâdyâptâmalânâm  ca 

2.  [alabdhamàrgah  prthagjanah  /  isyate]  —  lam  ma  thob  pa  so  so  yi  /  skye 
Lor  luloil  do. 

Si  une  aprâpti  pouvait  être  pure,  ce  serait  Vaprâpti  des  dharmas  purs  ;  or  la 

définition  du  Prthagjana  établit  que  Vaprâpti  des  dharmas  purs  n'est  pas  pure. 

Siu-  le  Prthagjana,  voir  i.  40,  41  a,  ii.  9  b-d,  iii.  41  c-d,  95  a,  vi.  26  a,  28  d,  45  b. 


192  CHAPITRE  II,  40  b-(l. 

diihkhe  ksâiiti  sera  un  Prthayjana  s'il  ne  possède  pas  tous  les  autres 
dharmas  des  Âryas. 

Le  Sarvastivâdin.  —  Le  Sâstra  veut  parler  de  la  non-possession 
qui  n'est  pas  aecompagnée  d'une  possession  :  l'homme  dont  vous 
})ailez,  ([uoique  ne  possédant  pas  les  autres  dharmas  des  Àryas, 
n'est  pas  un  Prthagjana  parce  que  la  non-possession  de  ces  autres 
dharmas  est  accompagnée  de  la  possession  de  la  ksânti.  C'est  de 
toute  évidence,  car,  dans  l'interprétation  contraire,  le  Bouddha 
Bhagavat,  ne  possédant  pas  les  dharmas  de  la  '  famille  '  des  Sravakas 
et  des  Pratyekahuddhas  (vi.  23),  serait  un  Prthagjana. 

Fort  bien.  Mais  alors  le  Sâstra  devrait  dire  :  «  La  qualité  de 
Prthagjana  est  l'absolue  non-possession  (aldbha  eva)  des  dharmas 
des  Àryas  »,  et  non  pas  :  «  ....  la  non-possession  (alâhha)  ». 

Le  Sarvastivâdin.  —  Le  Sâstra  s'exprime  très  bien,  car  les  ekapadas 
(Nirukta,  2,  2)  comportent  \\\\  sens  restrictif  (avadhâranâni)  et  la 
particule  eva  n'est  pas  nécessaire  :  abbhaksa  signifie  :  «  qui  vit  d'eau 
seulement  »,  vCujnhhaksa,  <•-  qui  vit  de  vent  seulement  ».  [19  bj 

2.  D'après  une  autre  opinion  ',  la  ([ualité  de  Prthagjana  est  la 
non-possession  du  premier  stade  du  chemin  de  la  vue,  duhkhe  dhar- 
majnCinaksâtdl  et  dharmas  concomitants  (sahahhû)  (vi.  25). 

Objection.  —  Dans  cette  liypothèse,  au  seizième  moment  (marge 
'nvayajnâna),  le  saint  sera  un  Prthagjana  et  non  pas  un  Arya:  car, 
à  ce  moment,  la  ksânfi  initiale  est  perdue.  ^  —  Non,  car  la  non- 
possession  de  la  ksânti,  qui  constitue  la  ipialité  de  Prthagjana,  a  été 
absolument  détruite  au  premier  stade. 

Objection.  —  La  ksânti  en  question  est  triple,  de  la  famille  des 
Sravakas,  de  la  famille  des  Pratyekabuddiias,  de  la  famille  des 
Bouddhas  (vi.  23).  De  laquelle  de  ces  trois  sortes  entendez-vous 
parler  dans  votre  définition  de  la  (jualilé  de  Prthagjana  ? 

Nous  entendons  parler  des  trois  sortes  de  ksânti. 

Prenez  garde  !  le  Bouddha,  ne  possédant  pas  les  trois  sortes  de 
ksânti,  sera  un  Prthagjana. 

1.  Deuxièmes  maîtres  de  la  ViLhfisH. 

2.  Comparer  Kathavalthu,  iv.  4. 


Hinan-tscuig,  iv,  fol.  19  a-b.  193 

Nous  .entendons  parler  de  la  non-possession  de  Jisânti  qui  n'est  pas 
acconi{)agnée«  de  possession  ....  et  ainsi  de  suite,  comme  ci-dessus, 
jusiprti  l'exemple  :  «  qui  vit  d'eau  »,  «  qui  vit  de  vent  ». 

Donj;  î'etïort  tenté  pour  éviter  l'objection  :  «  Prenez  garde  !  A  vous 
en  croire^  lliomme  en  possession  de  la  duJikJie  ksâuti  sera  un 
Prtîi'agja'na  ...  »  reste  stérile.  La  bonne  explication  est  celle  des 
Sautiântikas.  Pour  eux,  la  qualité  de  Prthagjana,  c'est  la  série  dans 
laquelle  les  dharmas  des  Àryas  ne  sont  pas  nés  (amdpannârya- 
dharmâ  samtcdih). 

Conunent  la  non-possession  (aprâpti)  périt-elle  ? 

40  c-d.  Elle  est  abandonnée  par  l'acquisition  (prâpii)  et  par  le 
passage  à  un  autre  étage.  ' 

Par  exemple,  la  non-possession  du  Chemin,  qui  constitue  la  qualité 
de  Prthagjana,  est  abandonnée  (1)  lorsqu'on  acquiert  (lâbha)  le 
Chemin  -,  (2)  lorsque  l'on  passe  à  un  autre  étage  l  II  en  va  de  même 
de  la  non-possession  des  autres  dharmas.  * 

1.  [sa  prCiptifâ\  hhiunisamcfirâc  [ca]  vihîyate  ij 

2.  L'aprdpti  on  aldbha  appartient  à  la  sphère  d'existence  (dhâtu)  à  laquelle 
appartient  la  personne  qui  en  est  munie  (ii.  40  a).  Donc  un  être  du  Kamadhâtu 
est  seulement  muni  de  la  qualité-de-Prthagjana  (qui  est  aprâpti,  ii.  40  b-c)  du 
domaine  du  Kamadhâtu.  Donc  on  ne  peut  pas  dire  que,  par  l'acquisition  du  Chemin, 
cet  être  perde  la  qualité-de-Prlhagjaua  du  domaine  des  trois  sphères.  —  Toutefois, 
par  l'acquisition  du  Chemin,  toute  qualité  de  Prthagjana,  de  quelque  sphère  que 
ce  soit,  devient  impossible.  Un  peul  donc  dire  que  cette  qualité,  sous  sa  triple 
forme  (du  Kâinadhâtu,  etc.),  est  ulian<l<innée,  bien  qu'un  être  donné  n'en  soit  muni 
que  sous  une  forme. 

On  distinguera  deux  aspects  de  l'abandon,  viliâni  et  prahâna. 

3.  Lin  Prthagjana,  se  détachant  du  Kamadhâtu,  passe  dans  le  premier  dhyâna: 
il  perd  la  qualité-de-Prthagjana  du  domaine  du  Kamadhâtu,  mais  il  ne  devient 
pas,  par  le  fait,  un  Ârya  :  car  une  autre  qualité-de-Prthagjana,  du  domaine  du 
premier  dhyâim,  apparaît.  De  même  pour  les  autres  étages,  qu'on  monte  ou  qu'on 
descende. 

4.  En  prenant  possession  des  bons  dharmas  d'audition  et  de  réflexion  de 
Kamadhâtu,  on  perd  Vaprâpti  de  ces  dharmas  ;  en  prenant  possession  des  bons 
dharmas  innés  fii.  71  b),  on  perd  Vaprâpti  des  racines-de-bien  coupées  {samuc- 
cliiirnakusala}.  —  Lorsque,  mourant  dans  le  Kamadhâtu,  on  renaît  dans  le  premier 

dhyâna,  on  perd  Vaprâpti  des  dharmas  du  premier  dhyâna Cette  théorie 

soulève  des  problèmes  délicats  que  la  Vyâkhyâ  examine  sommairement. 

13 


194  CHAPITRE  II,  40  c41  a. 

Objection. —  La  non-possession  est  abandonnée  (vUilyate),  1''  lors- 
que se  produit  la  non-possession  de  la  non-possession,  —  c'est-à-dire, 
lorsque,  cbangeant  d'étage  d'existence,  on  cesse  de  posséder  la  qua- 
lité de  Prtbagjana  ;  2"  lorsque^  la  possession  de  la  non-possession  est 
coupée,  c'est-à-dire  lorscpie,  acquérant  le  Chemin,  on  coupe  la  qualité 
de  Prthagjana.  [20  a]  Est-ce  à  dire  qu'il  y  a  possession  de  la  posses- 
sion et  de  la  non-possession,  qu'il  y  a  non-possession  de  la  possession 
et  de  la  non-possession  ? 

Oui  :  de  la  possession  (pi'âpti)  et  de  la  non-possession  (aprâpti) 
il  y  a  possession  et  non-possession,  qu'on  ai»})ell('  '  possession  secon- 
daire '  (anuprâpti),  '  non-possession  secondaire  '.  On  distingue  donc 
la  inrdapr<lj>ti  et  Vatmprâpti  ou  prâpiiprâpti. 

Cette  doctrine  n'entraîne-t-elle  pas  progression  à  l'infini  (anava- 
stha)  ? 

Non,  car  on  possède  la  possession  (prâpti)  par  le  fait  de  la 
possession  de  la  possession  (prâpiiprâpti  =  amiprâpti)  et  récipro- 
quement. Il  y  a  possession  de  l'une  par  le  fait  de  l'autre  (paraspa- 
rasamanvâgama).  —  Expliquons-nous.  Lorsque,  dans  une  personne 
(samlaii)  donnée,  se  produit  un  certain  dharma,  trois  âliarmas 
naissent  ensendjle,  à  savoir  :  (1)  ce  dharma  même,  qu'on  nonune 
midadharma  ;  (2)  la  prâpti  du  mfdadharma  ;  (8)  la  prâpti  de  cette 
prâpti.  La  personne  en  question  possède  (samanvâyata)  le  m/fda- 
dharma  et  XaiwâpAi  de  la  prâpti  par  le  fait  de  la  naissance  de  la 
prâpti  ;  elle  possède  la  prâpti  par  le  fait  de  la  naissance  de  \'a  prâpti 
de  la  prâpti  '.  Donc  il  n'y  a  pas  progression  à  l'infini.  —  Lorsque 
naît  un  dharma  bon  (kuéala)  ou  souillé  (klida)  -,  à  ce  moment  même 
naissent  ensend)le  trois  dharmas,  y  compris  ce  dharma  Itou  ou 
souillé,  à  savoir  :  le  mfdadharma,  sa  prâpti,  la  prâpti  de  cette 
])râpff  (j)rnpfi-prn])ti)  '.  Au  moment  suivant  naissent  ensend)le  six 

1.  Comparer  ii.  l'i  c-il  !•■  j<  ii  «Ir  l;i  naissance  (jâti)  et  de  la  naissanco  de  la 
naissance  (jâtijâti). 

2.  On  n'examine  pas  ici  le  cas  du  dharnin  niin-défini  ((triiiikrtn),  [larce  tpi'ùn 
possèfle  cf  dJiniDid  st'idem'-nl  an  mumenl  où  '\\  i\\s\c  (hisy((  sftiutjaird  iDÛjiiihJ: 
les  chiffres  diffèrent. 

3.  L'édilenr  japonais   observe   (ju'il    (anl   ajimli  r  (jnalre   laksonas  et   qnalre 


Hiuan-tsang.  iv.  fol.  19  b-v,  fol.  1  a.  195 

dharmas,  à  savoir:  prc'qjti  du  mfdadliarma,  pn'ipil  de  la  prâptl 
du  pu^iiiier  nioment,  prâpti  de  la  prâpti-prâpti  du  premier  moment, 
plus  trois  anuprâptis  par  le  fait  desquelles  on  est  en  possession 
des  trfTÏs  prâptis  susdites.  Au  troisième  moment  naissent  ensemble 
d\\-^]^hannas,  à  savoir  neuf  pyrâptis  :  prâptis  des  trois  dharmas 
produits  au  premier  moment,  prâptis  des  six  dharmas  produits  au 
second  moment,  plus  neuf  annprâptis  par  le  fait  desquelles  on  est  en 
possession  des  neuf  prâptis  susdites. 

Les  prâptis,  de  la  sorte,  vont  croissant  en  nombre  de  moment  en 
moment  '.  Des  passions  (klesa  et  îtpuMesa)  présentes  et  futures,  et 
des  bons  dharmas  innés  (npapattilâtjhika,  ii.  71  b)  avec  les  dharmas 
qui  leur  sont  associés  (samprayidita,  ii.  53  c-d)  et  coexistants  (saha- 
l)hû,  ii.  50  b)  [20  b],  tout  au  long  de  la  transmigration  sans  origine 
et  sans  fin,  les  prâptis,  de  moment  en  moment,  naissent  en  nombre 
infini.  Si  on  considère  la  série  d'un  seul  être  au  cours  de  la  transmi- 
gration, elles  sont  en  nombre  infini  qui  naissent  à  chaque  moment. 
A  considérer  l'ensemble  des  êtres,  elles  sont  sans  mesure,  sans  limite. 
Heureusement,  elles  possèdent  une  grande  qualité  :  elles  sont  imma- 
térielles, elles  se  donnent  place  les  unes  aux  autres.  Si  elles  étaient 
matérielles,  les  prâptis  d'un  seul  être  ne  trouveraient  pas  à  se  caser 
dans  l'empyrée  ;  encore  moins  les  prâptis  de  deux  êtres  !  [v] 

Qu'est-ce  que  le  '  genre  '  (lùkâi/asabJulga,  sahhâgatâ)  ?  - 

41  a.  La  sahhâgatâ  est  ce  qui  cause  la  ressemblance  des  êtres 
vivants  '. 

aniiJahsanas  (ii.  4.j  c-d)  pour  chacun  de  ces  Irois  dhatiiias:  on  a  donc  vingt-sept 
dharmas  au  premier  moment. 

1.  Au  quatrième  moment  on  possède  vingt-sept  2:)râp /«.s,  à  savoir  les  prâjjfiS 
des  dharmas  produits  aux  trois  moments  précédents,  trois,  six,  dix-huit,  plus 
vingt-sept  a)inprâptis,  soit  cinquante-quatre  dharmas.  Au  cinquième  moment, 
quatre-vingt-et-une  prâptis  et  autant  d'aniq)râptis. 

2.  sabhûgatâ  saHiasCimyam.  —  Prakarana,  14  h  G  :  «  Qu'est-ce  que  le 
nikCiyasahhâga?  —  La  comnuinauté  de  nature  (t'ông-léi-sing)  des  êtres  vivants  ». 

3.  Chaque  être  \-ivant  possède  sa  propre  sattcasahhàgatâ.  On  dit  cependant 
que  la  sattvasabhUgafà  est  générale  parce  qu'elle  n'est  pas  difféi-enciée.  La 
concevoir  comme  unique  et  éternelle,  c'est  l'erreur  des  Vaisesikas. 


l96  CHAPITRE  II,  41  a. 

1.  Tl  existe  une  eni'ilé  (dravijn )  lUMiimée  sahhâcjalâ,  un  dharma 
en  vertu  du([nel  les  êtres  vivants  ainsi  que  les  dhcoiiKis  '  (jui  loniI)ent 
dans  la  série  des  êtres  vivants  '  (sativasa nilh ijâta ,  i.  10)  sont  sem- 
blables (sahhrujd.  sama,  samâna,sadréa)  entre  eux  (Vibluisâ,  27,  4). 

2.  Le  Sfistra  (Jnânaprasthâna,  etc.)  désigne  cette  entité  sous  le  nom 
de  )iikâtj(isahhâ(j(i  :  raulcur  emploie  le  terme  sabJiâgafâ  \nmv  des 
raisons  métriques. 

3.  La  sahJiâg((tâ  est  de  deux  espèces,  générale  (ahhimia)  et  parti- 
culière (hliimia). 

La  première  se  trouve  dans  tous  les  êtres  vivants  :  par  sa  vertu,  il 
y  a  ressemblance  de  tout  être  vivant  avec  tous  les  êtres  vivants.  On 
la  nonnne  saUvasablu'tgatâ. 

La  seconde  conq)orte  de  nondjreuses  subdivisions  :  cbacime  de  ces 
subdivisions  se  trouve  dans  certains  êtres  seulement.  —  Les  êtres 
vivants  sont  dilt'érenciés  d'après  la  sphère  d'existence  (dhâtu),  les 
divers  étages  (hhûmi)  de  ces  sphères,  la  destinée  (guti,  iii.  4),  la 
matrice  (iii.  9),  la  easle  (jdU,  brahmane,  etc.),  le  sexe,  la  qualité 
d'Upûsaka  (iv.  14),  de  Lihiksu,  de  Saiksa,  d'Arhat,  etc.'  1 1  b]  Cela  lait 
autant  île  sahhâgcdâs,  en  vertu  desquelles  chaque  être  vivant  d'une 
certaine  espèce  ressemble  aux  êtres  vivants  de  cette  espèce. 

4.  11  y  a,  en  outre,  scdjhùgatâ  en  ce  qui  regarde  les  dharmas  (pii 
appartiennent  aux  êtres  vivants,  la  dluiniiascdjJtâgcdâ,  en  distin- 
gant  les  skcDidhas,  les  âycdauas  et  les  dJiâfiis  :  skatidliasahJiâ- 
gatâ,  etc.,  rûpaskandhasahhâgatâ,  etc. 

5.  Vax  l'absence  d'une  entité  à  part,  à  savoir  la  scdjiiûgatâ  (saliva- 
sahhâgalà),  comment  expliquer  les  imlinns  (bnddlii)  et  expressions 
fprajùapti)  générales,  être  \ivanl,  el<..  appli(jnées  à  des  êtres  (pii 
dill'èreiit  les  uns  des  autres?  De  niénie,  c'est  seulement  en  raison  de 
la  dhdnnasdbJiâgfdâ  (pie  soid  jnsliliées  les  notions  et  expressions, 
skfhtdha.  dhâtu,  etc.  ^ 

1.  Par  et  crciera  il  faut  riili-'iidi-f  :  U|irisikri,  Bliiksiinî,  Naivasailcsanrisaiksa,  etc. 

2.  Deux  lectures  :  ovnm  skandliâilihniliHiijiyajnnpidyo  'pi  yojijâh  fi  evnm 
(lluUcaililjKtltlliijirfijùaijtfnifi  'pi  i/ujifali  :  ■■  C'esl  en  raiscm  de  la  ûhartiia- 
ftabhCKjntâ  que  les  dhâttis  sont  du  Kâniadliâlu  ....  » 


Hinan-tscDig,  v,  fol.  1  a-2  a.  197 

6.  Arrive-t-il  que  l'on  transmigre,  que  l'on  meure  et  naisse,  sans 
abandoimer  el  sans  prendre  une  certaine  sattvasahhâgatâ  (qualité 
d'homme,  etc.)  ?  —  Quatre  alternatives  :  1.  Mourir  dans  une  place 
(KriuKuIttatu  par  exemple)  et  renaître  dans  la  même  place  :  la  sahhâ- 
gatcl  reste  la  même,  malgré  la  transmigration  ;  2.  Entrer  dans  la 
préc'^sfmation  (niyâmâvakrdnti,  vi.  26  a)  :  sans  qu'il  y  ait  transmi- 
gration, il  y  a  abandon  de  la  sabliâgatâ  des  Prthagjauas  et  acquisi- 
tion de  la  sahhâgatâ  des  Saints  (ùrijasahluigatû)  :  3.  Mourir  dans 
une  destinée,  destinée  d'homme,  etc.,  et  renaître  dans  une  autre 
destinée  (gafisamcâra)  ;  4.  Tout  autre  cas. 

Le  Sautrântika  n'admet  pas  l'existence  du  dharma  nommé  sahliâ- 
gntâ  et  présente  plusieurs  objections. 

1.  S'il  existe  une  certaine  entité  non.imée  «  le  genre  Prthagjana  » 
(prihagj inascibhâgatù),  à  quoi  bon  imaginer  la  qualité-de-Prthag- 
jana  (prihagjaiiatca)  consistant  en  la  non-possession  des  Àryadhar- 
mas  (ii.  40  c)  ?  Quelqu'un  sera  Prthagjana  par  le  genre  Prthagjana 
comme  quelqu'un  est  homme  par  le  genre  '  homme  '  {mannsijasa- 
bhàgatd)  :  car  les  Vaibhâsikas  n'imaginent  pas  une  qualité-d'homme 
(manusijcdva)  différente  du  genre  homme. 

2.  Le  monde  ne  conna-ît  pas  la  sabliâgatâ  par  le  témoignage  direct 
des  sens  (praiijaksa)  ;  il  ne  conclut  pas  à  l'existence  de  la  sahhâgatâ 
fparicchiiiaftij  par  une  opération  de  l'esprit  (prajnâ),  car  la  sahhâ- 
gatâ n'exerce  aucune  action  par  laquelle  on  puisse  la  connaître  : 
néanmoins.  [2  a]  encore  que  le  monde  ne  sache  rien  de  la  sattvasa- 
hhâgatâ, il  reconnaît  (pratipadijate)  la  non-différence  d'espèce  des 
êtres  (sattvânâm  jâtyahheda).  Donc,  à  supposer  que  la  sahhâgatâ 
existe,  quel  sera  son  emploi  (vijâpâra)  ? 

3.  Pourquoi  l'Ecrjle  refuse-t-elle  la  sabliâgatâ  aux  choses  qui  ne 
sont  pas  des  êtres  vivants,  riz,  blé,  or,  fer,  manguier,  arbre  à  pain  ? 
On  se  sert  cependant  à  leur  endroit  de  désignations  génériques. 

4.  Les  diverses  sabhâgatâs  que  reconnaît  l'Ecole,  sahhâgatâs  des 
êtres  vivants,  des  sphères,  des  destinées,  etc.,  sont  distinctes  les  unes 
des  autres.  Cependant  on  a,  pour  toutes,  notion  et  désignation  com- 
munes :  toutes  sont  des  sahhâgatâs. 


198  ciiAPiTnK  II.  41. 

5.  Le  Sarvastivadin  se  fait  le  champion  ((Ifjofaijdti)  de  la  doctrine 
des  Vaisesikas.  Ceux-ci  admettent  une  certaine  entité  (padârtha) 
nonmiée  '  f,'enre  '  (sâmânija),  en  vertu  de  laquelle  se  produisent,  à 
l'égard  des  choses,  les  idées  et  désignations  génériques  ;  ils  croient 
aussi  à  une  aiitie  entité,  nommée  '  différence  '  (viéesa),  d'où  procè- 
dent, à  l'égard  des  diverses  espèces,  les  idées  et  désignations  spéci- 
fiques. 

Le  Vaihiiâsika  proteste  que  sa  théorie  ne  se  confond  pas  avec  celle 
des  Vaisesikas,  lesquels  croient  qiie  le  genre  (sâmânya),  substance 
(padârtha)  unique,  existe  dans  la  multitude  des  individus  (eko  'py 
anekasmin  vartalej.  Donc,  dit-il,  si  j'approuve  les  Vaisesikas  d'ad- 
mettre le  genre  (sâmânya),  je  condamme  l'interprétation  qu'ils  en 
donnent.  —  Quant  à  la  sahhâgatâ,  elle  existe  en  soi  (dravya),  car 
Bhagavat,  parlant  du  meurtrier  qui  est  rené  en  enfer,  poursuit  en 
disant  :  «  S'il  revient  ici,  s'il  obtient  la  sabhdgatâ  des  hommes...  » 
(Madhyama,  24,  3)  ' 

Le  Sautranlika  répond. —  En  s'exprimant  ainsi,  le  Sûtra  n'enseigne 
pas  l'existence  d'une  chose  en  soi  nommée  sahliâfjaiâ  |2  b].  —  Que 
désigne  donc  le  Sûtra  par  le  mot  sahhâgatâ  ? —  Par  les  expressions 
'  sahhâgatâ  des  hommes  ',  etc.,  le  Sûtra  entend  la  similitude  dans  la 
manière  d'être  :  de  même,  sahhâgatâ  du  riz.  du  lilé,  des  fèves,  etc. 

Cette  opinion  n'est  pas  admise  par  le  Vaitthâsika  ^ 

Qu'est-ce  que  l'inconscience  (âsaijijhika)  ? 


1.  La  Vyâkhya  rilr  1*>  Sûtra  :  j)r(infif ipdtenâsevitena  hhâvifena  hahulîkrtena 
(romp.  Anpiittara.  iv.  2il.  elc)  unrnkc'<Uprtpr((hirifp  /  sa  red  HHinnitvron  âqnc- 
chati  nKiinisi/anâin  s(thhn(j<ttam  prapiioli  j)yaii(ifii>dteiutl]>(:tijtir  bhaiati  .... 

Le  Dusablirimaka  rf-miilace  la  forinuli;  sa  ced  par  atlia  cet punar  inanu.s- 

ycstlpapadifate. 

r)i\  va,  \'M,  -V)  :  ninnu^siffliiâifi  sahhfiijnirnjâm  npapavna  iti  (Mahâvyutpntti, 
24.'),  5J)  ;  12:2,  l(>  :  hralnnalokrtsaljliâfiafnifn)}!  ropapinnin  mahnhralimâ  snm- 
vrttnh.  .Siksrisaimiccayu,  170,  »  :  sa\rva\tiikajjnh(Ahha(jc  dcraiiiatiu.syànâm 
priyo  hhdidfi. 

2.  Iliuan-lsang  Iradiiif  :  «  Ce  n'es!  pas  a'imis.sihle,  car  c'est  en  contraHiction 
aver-  noir»'  syst/iiie .  »  ;  il  oîiiet  In  fnnmilf  :  '<  Les  Vaibliâsikas  disent  »  (Les 
Vaii)lirisikas  disant  ;  «  Ce  n'est  pas  admissible  ») 


Hiaan-tsaiig,  v,  fol.  2  a-b.  199 

41  l»-c.  L'inconscience  est  ce  qui,  chez  les  Inconscients,  arrête  la 
pensét*  et  les  mentaux  '^ 

Chez  l^s  êtres  qui  prennonl  naissance  parmi  les  Inconscients  ou 
dieux  îhcQnscients,  il  y  a  lui  dharma  qui  arrête  la  pensée  et  les 
meniâaixr'et  qu'on  appelle  •  inconscience  '.  Par  ce  dharma,  la  pensée 
et  les  dharmas  futurs  sont,  pour  un  certain  temps,  empêchés  de  se 
produire  et  n'ont  pas  la  force  de  naître.  Ce  dharma  est  semblable  à 
ce  qui  arrête  Teau  d'un  fleuve  (nadltoyanirodhavat),  c'est-à-dire  à 
une  digue. 

Ce  dharma  est  exclusivement 

41  d.  Rétribution. 

Il  est  exclusivement  la  rétribution  du  recueillement  d'inconscience 
(asaiiijnisamâpatti,  ii.  42  a)-. 

Dans  quel  endroit  résident  les  dieux  inconscients  ? 

41  d.  Ils  demeurent  dans  le  Brhatpliala. 

Dans  le  ciel  des  Brhatphalas  se  trouve  une  place  surélevée  qui  est 
le  séjour  des  Inconscients  ;  de  même  que  la  dhfjânântarikâ,  séjour 
des  Mahabrahmâs,  s'élève  dans  le  ciel  des  Brahmapurohitas  (iii.  2  c  ^  ; 
Vibhâsa,  154,  s). 

Les  Inconscients  sont-ils  ainsi  nommés  parce  qu'ils  sont  toujours 
inconscients,  ou  sont-ils  quelquefois  conscients  ? 

Ils  sont  conscients  à  la  naissance  et  à  la  mort  (iii.  42,  Vibbâsâ 
154,  9)  *  ;  ils  sont  nommés  Inconscients  parce  que,  pour  une  longue 

1.  asan'jnikam  cisaiftjnisu  /  nirodlias  cittacaittcDiâni  vipâkas  tu  brhat- 
phale  jl  —  Prakarana,  fol.  14  b  G.  -  Dîgha,  iii.  :263  :  saut  'ârnso  sattâ  osnilùino 
appafisamvediiio  seui/athâpi  chvâ  asannasattâ.  —  i.  28,  iii.  33  ....  saùmippâdâ 
ca  pana  te  devâ  tamliâ  kâyâ  cacanti.  —  Un  des  neuf  sattvâcâsas,  Angultara 
iv.  401  :  Kosa,  iii.  G  c. 

9.  Vililmsâ,  158,  9,  cinq  opinions. 

3.  Les  Étrangers  prétendent  au  contraire  qu'il  y  a  neuf  divisions  dans  le  ciel 
du  quatrième  dhijcina.  —  Sur  les  ^'rllalpllalas  (Veliapphala),  Buruouf,  Introduc- 
tion, p.  614. 

4.  Opinion  des  Andhakas.  condamnée  Kathâvatthu,  iii.  11. 


200  CHAPITRE  II,  41  d-42  c. 

période,  la  conscience  est  cliez  eux  suspendue  [Il  a|.  Lnrscjue,  après 
ce  long  temps,  ils  produisent  conscience  à  nouveau,  ils  meurent. 
Comme  il  est  dit  dans  le  Sûtra  :  «  Semblables  à  un  homme  ({ui  se 
réveille  après  le  sommeil,  quand  ils  produisent  conscience  à  nouveau, 
ils  meurent  ». 

Morts  dans  le  ciel  des  Inconscients,  ils  renaissent  nécessairement 
dans  le  Kâmadhâtu  et  non  pas  ailleurs.  (1)  En  efTct,  la  force  de  Vasam- 
jùisamâimHi  (ii.  42  a),  [)ar  laipielle  ces  êtres  sont  nés  chez  les 
Inconscients,  est  épuisée  ;  au  cours  de  leur  existence  chez  les  Incon- 
scients, ils  n'ont  pas  été  à  même  de  pratiquer  à  nouveau  V asamjiïi- 
scunâpatti  :  donc  ils  meurent,  comme  tombent  sur  le  sol  les  flèches 
lorsque  leur  élan  est  épuisé  (ksluavcga).  (2)  D'autre  part,  les  êtres 
(pii  renaissent  chez  les  Inconscients  possèdent  nécessairement  un 
acte  '  rétribuable  dans  le  Kâmadhûlu  '  et  '  rétribuable  dans  la  seconde 
existence  '  (iv.  50  b).  De  même  les  êtres  qui  renaissent  dans  TUttara- 
kuru  (iii.  90  c-d)  possèdent  nécessairement  un  acte  rétribuable  dans 
une  destinée  divine  immédiatement  après  l'existence  dans  l'Uttara- 
kuru. 

Le  Mûla.sastra  dit  :  «  Quelles  sont  les  deux  ncduâiKiilis  ou  recueil- 
lements ?  '  —  \jasamjnisamâpaHi,  ou  recueillement  d'inconscience, 
la  nirodhasamâpaiii,  ou  recueillement  d'arrêt  »  ■. 

Qu'est-ce  que  le  recueilleiuoid  d'inconscience? 

De  même  que  Vâsnmjùika  est  un  ((haniifi  qui  arrête  la  pensée  et 
les  mentaux, 

42  a.  De  même  le  recueillement  d'inconscience  \ 

1.  Sur  le  sens  du  terme  saiiiOpdfti,  voir  p.  213. 

2.  Le  nom  complet  snmj fin redita ii i lod Ixisn inf( /ift tf i ,  voir  p.  211. 
Prakarana  (li  I»  .">i  :   [j'nsduijfiisfDiHipKfIi  est    un   arrêt   de   la   pensée   et  des 

mentaux  qui  a  pour  a  ni  ••(•('•(lent  la  nolion  dp  di-livrance  (vihsnrananiaiiasi- 
knrnjmrvnka)  el  i|iii  est  ohlfim  jcir  nn  liniiniK'  ({(■•li\i<''  des  passions  des 
Subliakrlsnas  el  non  des  passions  snjiérii'iu'es.  La  iiirodlifisdiiiâpnttl  est  i>n 
arrtl  de  la  pensée  et  des  mentaux  (jui  a  pour  antécédent  la  uolion  de  Irampiillilc, 
el  qui  est  ot)*eini  |»ar  un  homme  délivre  des  passions  de  V Cik i ùrnuyflijHifMtd .  — 
Vasubandiui.  flans  lé  PancaskandliaUa,  s'inspire  <lc  ces  définitions. 

3.  fftthd\an>tijfii.sf()nnpattir\  (Unjâ.ue  'ntye  \moksam  icchatâ]  / 
[mbho\pnpadifave(lyaiva  [nâryairl  ekâdhvikâpyate  II 


HUian-tsang,  v,  fol.  2  b-3  b.  201 

Le  recueillement  d'inconscience  est  le  recueillement  dans  lequel 
l'ascèfre  est  inconscient  (asamjhhiâm  sainàpaftih),  ou  le  recueille- 
ment exempt  de  conscience. 

Le  *Hot  *  de  même  '  montre  que  ce  recueillement  [3  b],  comme 
.  V âscf^ijiuka,  arrête  la  pensée  et  les  mentaux. 

A  quelle  hliûmi  appartient-il? 

42  b.  Dans  le  dernier  dhyâna. 

Pour  praticjuer  ce  recueillement,  l'ascète  doit  être  entré  dans  le 
quatrième  dhyâna. 

A  quelle  fin  le  pratiquc-t-on  ? 

42  b.  Par  désir  de  la  délivrance. 

L'ascète  s'imagine  faussement  que  Vâsanijùlka,  l'inconscience 
millénaire  qui  constitue  le  fruit  du  recueillement  d'inconscience,  est 
la  vraie  délivrance. 

h'âsamjùika,  étant  rétribution,  est  nécessairement  non-défini 
(avyàkrta).  Quant  au  recueillement  d'inconscience,  il  est 

42  c.  Bon. 

Il  produit  comme  fruit  de  rétribution  les  cinq  skandJias  du  dieu 
inconscient,  lequel,  comme  nous  le  savons,  est  conscient  à  la  nais- 
sance et  à  la  mort. 

A  ([Utile  catégorie  appartient-il  au  point  de  vue  de  la  rétribution  ? 

42  c.  Uniquement  rétribuable  dans  la  prochaine  existence. 

Il  n'est  pas  '  rétribuable  dans  cette  vie  ',  '  rétribuable  plus  tard  '  ; 
il  n'est  pas  non  plus  '  de  rétribution  non  nécessaire  '  (iv.  50). 

Sans  doute,  l'ascète  peut  déchoir  (parihâ)  de  ce  recueillement 
après  l'avoir  produit  ;  mais,  d'après  les  Vaibhasikas,  il  le  produira  à 
nouveau  et  renaîtra  chez  les  Inconscients.  C'est  dire  que  l'ascète  qui 
prend  possession  (làbhin)  de  ce  recueillement  n'entrera  certainement 
pas  dans  la  '  prédestination  '  (niyâma)  (vi.  26  a)  '. 

1.  Par   l'entrée   dans   le    nlyâtna,   on    obtient   l'apratisamkltyânirodlia   on 


202  CHAPITRK  II,  42  d-43. 

Ce  rc'ciioillenieiit  n'est  |)i-ali([iié  (jiu^  piir  les  IVlliagjanas. 
42  (1.  Pas  par  les  Àryas.  [4  a] 

Ceux-ci  considèrent  ce  recueillement  comme  un  précipice,  une 
calamité  (vinipâtasthâna,  c'esi-à-dire  apâijnslhâna  ou  girUatavi- 
nipâfasfhâna),  et  ne  tiennent  pas  à  y  entrer. 

Au  contraire,  les  Prthagjanas  idcntificnl  rinoonscience  (âsamjni- 
kaj  avec  la  vraie  délivrance  ;  ils  ont  à  son  endroit  l'idée  de  '  sortie  ', 
de  'salut  '  ()iiJisaraiiasamJH(l)  ;  ils  cultivent  donc  le  recueillement 
qui  y  mène.  Mais  les  Aryas  savent  que  Tinqiur  (sâsrava)  ne  peut 
être  la  vraie  délivrance.  Donc  ils  ne  cultivent  pas  ce  recueillement. 

Lorsque  les  Àryas  entrent  dans  le  quatrième  dlnjâna,  ol)tiennent- 
ils  la 2)râpti  de  ce  recueillement  passé  et  futur,  de  même  qu'on  obtient 
\a.  prdptl  du  ({uatrième  dhyâna  passé  et  futur  dès  qu'on  entre  dans 
le  quatrième  dliyâ)ia  '  ? 

Les  non-Aryas  eux-mêmes  n'ohtieiuient  \ms\n prâpil  du  recueille- 
nicnl  d'inconscience  passé  ou  futur. 

I'i)iir(pi(>i  ? 

ComiiM',  ]"(  iit-oii  piati(pié  jadis  à  [)lusieurs  reprises,  ce  recueille- 
ment ne  peut  être  réalisé  qu'au  prix  de  grands  efforts  (m(diâbhi- 
sainskâra)  ;  comme  il  n'est  pas  pensée, 

42  d,  11  est  obtenu  d'une  épocjue. 

On  prend  possession  (%j^rf/c,  Idbinjfde)  àe  ce  recueillement,  non 
pas  passé,  non  |)as  futur,  mais  d'une  seule  époque,  c'est-à-dire  pré- 
sent ;  connue  c'est  aussi  le  cas  poiu-  le  l'râtimok'sasainvara  (iv.  35). 
Dans  le  secontl  moment  de  ce  recueillement,  dans  tous  les  moments 
(|ui  sni\-eiit  robteiitioii  de  ce  recueillemeut  jusipraii  moment  on  il 
l)rend  lin,  on  le  possède  paysé  et  présent.  —  D'autre  part,  ce  recueil- 


«li>[iarilii>ii  (li'fiiiilive   des  iiiaiivdihcs  il<  .-iliiii'c.s,  de  \'(is<iu)jtiik<i,  do  hi  iiais.sance 
rlirz  |ps  Maliâlualiiiias  cl  cliez  les  Kunis,  d'iino  liiiilirnx'  ifiiaissance. 

I.  (Jiiicfmijiie  Piilie  dans  lo  qualriônif  (IIiifaïKi  nl)li( ni  du  im-iiio  (•(>u\t]a prâpti 
de  tous  les  (jualrit'ines  iHii/aita^  <|ii'il  a  |iial  i(|M<s  on  |irali<(ii<in  an  («nirs  de  la 
transmigration. 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  3  b-i  b.  203 

lement  n'étant  pas  pensée,  il  est  impossible  qn'on  acquière  laprâpti 

de  ce  «■ecueillmiient  futur  (nânâgatâ  hhâvyate)  ' 
M» 

Qu'est,-ce  que  la  uirodhasamâpalii  ou  •  recueilleuienl  d'arrêt  '  ?  - 

43  a.  De  même,  le  recueillement  qui  porte  le  nom  de  niroclha, 
'  arrêt     . 

C'est-à-dire,  le  recueillement  d'arrêt  est  comme  Yâsanijùika, 
comme  le  recueillement  d'inconscience  ;  c'est  un  dlianiia  qui  arrête 
la  pensée  et  les  mentaux. 

Quelles  sont  les  différences  entre  le  recueillement  d'inconscience 
et  le  recueillement  d'arrêt  ? 

43  b-d.  En  vue  de  la  {i'm\(\\\\\\\\.é  (èântavihcira)  ;  né  du  hhavâgra  ; 
bon  ;  de  deux  rétributions  et  indéterminé  ;  obtenu  par  effort  par  les 
Àryas  \ 

1.  Les  Àryas  pratiquent  ce  recueillement  parce  qu'ils  le  considèrent 
comme  le  recueillement  tranquille  '.  Pour  le  recueillement  d'incon- 
science, on  le  pratique  parce  qu'on  regarde  l'inconscience  comme 
étant  la  délivrance  (nilisarana  =  moksa). 

2.  Il  appartient  au  plan  du  bhavâgra,  c'est-à-dire  qu'on  y  pénètre 
en  partant  du  recueillement  de  yiaivasamj riâriâsamj nâyatana  (viii. 
4);  tandis  que  le  recueillement  d'inconscience  appartient  an  plan  du 
quatrième  dlujCuia. 

3.  Il  est  bon  ;  il  n'est  ni  non-défini,  ni  souillé,  car  sa  cause  origi- 
naire est  bonne  (iv.  9  b). 

1.  La  pensée  bonne,  future,  est  l'objet  d'une  prâpti  antéi'ieure. 

2.  Sur  la  niro(lhasaniâpattisamjrHlveditanirodhascuHâi)ntfi(  voix  ci-dessous 
p.  211),  voir  vi.  43  c-d,  viii.  33  a  (vimoksns).  Katbâvattlui,  vi.  5,  xv.  7.  —  Dans 
Mahâvibhâsâ,  152,  14,  de  nombreuses  opinions  sur  ce  recueillement  :  pour  les  uns, 
il  n'est  qu'une  chose  (dravya),  le  nirodhasdksâtkâra  ;  pour  d'autres,  onze 
choses  :  les  dix  mahâblinmikas  et  le  cy'f^an/rocZfta  ;  pour  d'autres,  vingt-et-une 
choses  :  les  mah(ibhû))iikas,  les  kttsalamahabhnmikas  et  le  cittanirodha 

3.  virodhàkhyâ  tafhaivd[pi] 

i.  [liliârâya  bharâgrajâ  subhâ  dvivedyâitiijatdrijaihpraifogata  âpyatell] 
5.  sântavihârasamjùâpûrvakena  manasikârena   —  vihâra  :=  sauiâdhi' 
visesa. 


204  ciiAiMTiîK  II,  43  c-44  b. 

4.  Il  coinpoilc  deux  sorli's  de  rétiiljiilion,  élaiil  ou  *  rélrihuahlc 
dans  la  prochaine  existence  '  (upapadyavcdanlija),  ou  '  rétribuable 
plus  tard  '  (aparaparyâyavedanlya)  (iv.  50)  '.  Il  est  encore  '  de  rétri- 
bution non  nécessaire  ',  car  l'ascète  qui  l'a  pratiqué  peut  obtenir  le 
Nirvana  dans  la  présente  existence. 

En  (pioi  consiste  sa  rétribution  ? 

Ce  recueillement  produit  les  «piatre  skdtidlias  du  bliavâgra,  c'est- 
à-dire  une  existence  dans  le  bhavâgra  (iii.  3).  \')  aj 

5.  Il  est  produit  [)ar  les  seuls  Àryas,  non  pas  par  les  Prthagjanas. 
Ceux-ci  ne  peuvent  le  produire  (1)  parce  qu'ils  redoutent  l'anéantis- 
sement ('/(cc/ief?(T6/<înt^t'a)  S  (2)  parce  que  ce  recueillement  ne  peut 
être  produit  (pie  par  la  force  du  Chemin  :  en  effet,  c'est  l'ascète  qui  a 
vu  le  Nirvana  (pii  s'y  résoud  '. 

G.  Bien  ({u'oblrMui  par  les  Aryas,  il  n'est  pas  obtenu  par  le  seul 
fait  du  détachement  (vairùcjya).  Il  est  seulement  réalisé  par  exercice, 
par  efïort  (prafjogalahhi/a). 

On  ne  possède  pas  ce  recueillement  passé,  ni  futur  ;  ce  point  a  été 
expliqué  au  sujet  du  recueillement  d'inconscience. 

44  a-b.  En  ce  (\\\ï   regarde  le  Mtuii,  obleiui  par  la  Bodlii  même, 

1.  Il  v>[  •  ictrihiic  jilus  lanl  ',  lor.i(jiie,  entre  l'exislence  de  Kâmadliâlii  an  conrs 
de  Inqnelle  on  le  inuiluit,  et  l'exislence  de  bhavâgra  «jni  est  son  frnit,  s'interpose 
nne  existence  dans  le  Kûpadhâlu. 

2.  Ce  recneillenif-nt  a  lien  dans  le  plan  du  bhnvilfjra,  d'où  la  malière  (nlpa) 
est  absente.  Les  Prlliagjanas  craignent  (jne  l'arrêt  d<'  la  pensée  et  des  mentaux 
soit,  dans  ces  conditions,  l'anéantisscnKrit.  Il>  uniil  pas  la  iiiènie  crainte  au  sujet 
de  Vasamjùisamâimlti,  hupielle  a  liru  dans  le  plan  du  cpiatriènie  dhyiDia  oii 
persiste  la  inalirrc.  Par  le  fait,  dans  la  uirodhasmiuiptitti  <lenieurenl  le  nikâya- 
sahUâfid,  \c  jivitendriifa  fi\.  aiilreii  lyani.skûras  {\'\^^wic^  de  la  pensée;  mais  les 
Prthagjanas  ne  les  voient  pas. 

3.  drsfatiirvâiinsya  iadadUlmuklitas.  —  D'après  nue  variante,  suivie  par  les 

traducteurs  chinois,  drsUidU<(nnnitirvânasya C'est-à-dire  :  «  L'Arya  pense 

(d)teinr,  vise  à  ohti'uir  le  Xirvâiia-siir-tcrre  au  niovfu  de  «•<•  rectir-illeaieid,  dans 
ce  recueillement  ■«  :  drsfddlKtniKou'rvâuaaijft  tadddlihnuktitdh  /  drste  jntimani 
iiirvCinam  drstnd lia nnati i rviDiam  j  tasija  tadadhi inidditah  /  tad  ity  adlii- 
mt<ktis  tadadhimuklih  /  tena  câdliinniktia  fadadhiuntkfih  /  tadadhiniuktes 
tadadliiiimktitffli  I  drste  jnnmuvy  clan  uinùuam  ifi/  arija.s  tant  adhitnU' 
cyate  / 


Hinan-isang  v.  loi.  4  1j-5  h.  205 

non  pas' auparavant,  car  le  Muni  (Mtn<[iiieit  la  Uodlii  en  trciile-quatre 
momôjits  '. 

Le  Bolicldha  obtient  le  recueillement  d'arrêt  au  moment  où  il  devient 
BouddhaA  c'est-à-dire  au  moment  du  l^saijajhCma  (vi.  G7).  Aucune 
i\iv^^^guna)  du  Bouddha  n'est  {)i)teuiie  par  effort  ;  toutes  ses  qua- 
lités sont  acquises  par  le  sinq)le  fait  du  détachement  :  aussitôt  qu'il 
le  désire,  la  collection  des  qualités  surgit  à  son  gré  -. 

Comment  se  fait-il  cjue  Bhagavat,  sans  avoir  produit  auparavant 
ce  recueillement  (nirodhasauiùpatti),  devienne,  au  moment  de  la 
Bodhi  (},'saijaJHâiia),  un  '  douhli'uient  délivré  '  (uhJiayalohltâgavi- 
mulda),  c'est-à-dire  délivré  de  l'obstacle  qui  est  la  passion  et  délivré 
de  l'obstacle  au  recueillement  (samâpaitjjâi'arana,  vi,  G4>  ? 

Il  devient  un  '  doublement  délivré  ',  tout  comme  s'il  avait  produit 
auparavant  ce  recueillement,  car  il  possède  le  pouvoii'  de  réaliser  ce 
recueillement  quand  il  veut  (Vihhâsâ  153,  lo).  [5  b] 

Les  Maîtres  de  l'Occident  (Pa.scâtj^a)  ''  soutiennent  que  le  Bodhi- 
sattva  produit  d'abord  ce  recueillement  dans  l'état  de  Saiksa,  et  ol)tient 
ensuite  la  Bodhi.  Pourquoi  ne  pas  adopter  cette  0})inion  ?  Ce  serait 
suivre  le  NetrTpada.sâstra  du  Slhavira  Upagupla,  qui  dit  :  «  Celui  qui, 
après  avoir  produit  le  recueillement  d'arrêt,  produit  le  hsayajnâna, 
on  doit  le  nommer  Tathâgata  ».  * 

Les  Vaibhâsikas  du  KasmTr  nient  que  le  Bodhisatlva  produise  le 
recueillement  d'arrêt  avant  de  ])roduire  le  hsaijajùâna. 

L'Ecole  admet  en  effet  (Vibhâsâ,    153,  lo-iij  que  le  Bodhisaltva 

1.  boilliilabhyâ  rnuner  [na  prâlc  cahistrimsatJcmimptitah  /J  ^^)ir  \  i.  24  r.-b. 
—  Comparer  Kalliûvaltliu,  i.  5,  xviii.  ;">. 

2.  La  Vyâkhyâ  cite  une  slance  du  Sloirakfira,  c'est-à-dire  de  Mâln-eja  (Var- 
nanârhavamana,  118  :  F.  \V.  Thomas,  Indian  Antiiiiiary,  190.5,  p.  159)  :  na  te 
prâyogikani  kimcit  kiisalain  kusalânuga  j 

3.  L'éditeur  japonais  cite  les  diverses  interprétations  des  vieux  commentaires 
du  Kosa  :  Les  Occidentaux  sont  les  Sarvûslivâdins  du  Oandhâra,  ou  des  Sautrân- 
tikas,  ou  les  maîtres  du  pays  d'Indhu.  Ils  sont  nommés  Occidentaux  parce  qu'ils 
sont  à  l'Ouest  du  Kasmïr,  et  Etrangers  (bahiidesaka)  parce  qu'ils  sont  en  dehors 
du  Kasmïr.  —  Voir  ci-dessous  p.  20G  n.  1. 

4.  nirodJiasamcipattini  ntpCuJtja  ksayajncinam  xitpâdayailti  vaktavyam 
tathâgata  iti. 


ii06  CHAPITRE  II,  44  a-c. 

ohtieiil  la  Bodlii  en  trente-quatre  moments,  à  savoir  seize  moments 
(|iii  constituent  la  '  compréhension  des  vérités  '  (satijCihh isamaya, 
vi.  27)  et  dix-liuit  nioiiicnls  (|iii  conslituent  l'abandon  des  passions 
relatives  au  hliacâgra  {-=  naivasamjnânâsanijnâijataiia),  neuf 
ânantanjamârgas  et  neuf  vhmiktimârgas  (vi.  44).  Le  dix-huitième 
moment  est  le  ksayajnâna.  —  Ces  trente-quatre  moments  suffisent, 
car.  a\anl  d'entrer  dans  la  '  compréhension  des  vérités  ',  le  Bodhi- 
sattva,  encore  Prthagjaua  (iii.  41),  s'est  détaché,  par  le  chennin  mon- 
dain, de  toutes  les  terres  à  l'exception  dn  hhavâgra.  —  Les  dix-huit 
moments  fonnciil  un  cucniiii  au  cours  duquel  le  saint  ne  produit  pas 
une  pensée  de  nature  dilî'érenle,  c'est-à-dire  mondaine,  impure  (sâs- 
rava),  par  exem{)le  la  pensée  d'entrer  dans  le  recueillement  d'arrêt. 
|)oiic  le  Bodhisattva,  dans  le  stade  de  Saiksa.  c'est-à-dire  avant  d'être 
Arhat,  entre  la  compréhension  des  vérités  et  le  dix-huitième  moment 
de  l'abandon  du  hhavâgra,  ne  produit  j)as  le  recueillement  d'arrêt. 

Les  l'jtrangers  (hahirdesaka)  '  disent  ;  Quel  mal  à  ce  que  le  Bodhi- 
sattva produise  cette  pensée  impure?  [G  a| 

Dans  cette  hypothèse,  le  Bodhisattva  rianchil  sa  résolution  (cyut- 
thânâsayah  syât)  -  ;  or  le  Bodhisattva  ne  franchit  pas  sa  résolution. 

Cela  est  \'rai,  il  ne  franchit  pas  sa  résolution  ;  mais  cela  ne  veut 
pas  din^  (|u"il  ne  franchisse  })as  le  chemin  pur.  poiu'  produire  une 
pensée  inqture. 

Comment,  dans  cette  hypothèse,  ne  franchirait-il  pas  sa  résolution  ? 

Il  a  plis  la  résolution  (Madliyamâgama,  50,  <>)  :  «  ,h^  ne  délierai  pas 
cette  pdslure  accrnu[>ie  (iifliiifiikâsana)  '  avnul  d'avoir  obtenu  la 
destrurlioii  de  Loule  passion  >/.  —  ()v  il  ne   fi-anciiil   pas  cette  résolu- 

1.   I>i-s  Maîlif'S  (lu  jtays  iriridliii.  du  im'-inc  avis  (|iie  les  Occideulaiix. 

^.  ryi(tfhâi)(is(iiia  :^  vijnttli'lnâhhiprdya  :  '  ii\ui\\  iiiic  nV-xilulidu  susceptible 
de  se  lf\t  r,  dt-  (-«'df  r  '.  D'après  une  aidre  iiilerin'cialiuii,  ns(iij<i  i^rr  kui^ala  ^= 
liHsalauiïila  ;  Aunv  :  «  ayunl  dv^  raiMiics  de  liien  susreplildos  de  se  lever,  de 
s'inlf-rrompre  ».  Or  les  racines  de  bien  des  RodliisaUvas  sonl  telles  que,  une  fois 
<|ii'cllf-.  (•(.iiiiiH'iii'i-nl  à  s'actualiser,  elles  ne  s'arrêtent  [las  aviiiil  i|iic  la  l'odlii 
n'ait  l'ié  obtenue. 

Vyuftliâva  signilic  aussi  '  sortie  du  reçu»  illeuiruf  '  (.Saniyutta.  iii.  20;').  etc.). 

r>.  Vibbfisû,  It),  H!  :  Toutes  les  altitudes  sont  bonnes.  Pourquoi  le  Bodbisuttva 
prend-il  l'attitude  accroupie  ? 


ll/iian-tsang,  v,  fol.  5  !i-6  a.  207 

tion,  car  c'est  en  une  seule  '  séance  '  (âsana,  vi.  24  a-b)  qu'il  réalise 
son  Iji^t  '•       * 

Bien  crue  les  deux  recueillements,  d'inconscience  et  d'arrêt,  présen- 
tent  beaucoup  de  différences,  ils  ont  ceci  en  commun  : 

44  c.  Mais  ces  deux  recueillements  ont  lieu  dans  des  personnes 
du  Kâmadliâtu  et  du  ROpadhâtu  ^ 

Nier  que  le  recueillement  d'inconscience  se  produise  dans  le  Rûpa- 
dluïtu,  c'est  contredire  le  Mûlasâstra  '  :  «  Il  y  a  une  existence  de 
Rûpadhâtu   qui   ne    comporte    pas   les    cinq    skaadhas  \    à   savoir 

1.  Hiiian-tsang  ajoute  :  «  La  première  doclrine  est  la  bonne,  parce  que  c'est 
notre  système  ». 

2.  kâmartipcisraye  tûhhe. 

Vibhâsâ,  lôâ,  2.  —  Trois  opinions  :  seulement  dans  le  Kâmadliâtu,  aussi  dans 
les  trois  dlnifinas  inférieurs,  aussi  dans  le  ipiatrième  (lliijàna. 

D'après  la  Vibhâsâ.  la  nirodhasamâpatti  ne  peut  se  prolonger  au  delà  de 
sept  jours-et-nuits. 

3.  Le  Jiiânaprasthana,  19,  17,  pose  une  quadruple  question  :  Y  a-t-il  une  existence 
de  Rûpadhâtu  qui  ne  comporte  pas  les  cinq  skandlias  ?  Y  a-t-il  une  existence 
conqjortant  les  cinq  skandlias  et  qui  ne  soit  pas  de  Rripadhâtu?  Y  a-t-il  une 
existence  de  Rûpadhâtu  qid  comporte  les  cinq  skandlias  ?  Y  a-t-il  une  existence 
qui  ne  soit  pas  de  Rûpadhâtu  et  qui  ne  comporte  pas  les  cinq  skandlias  ? 

4.  Le  Jnânaprasthâna  et  le  Koéa  n'emploient  pas  le  mot  skandlia  mais  un 
synonyme,  un  mot  que  les  MSS.  de  la  Vyâkhya  transcrivent  indifïéremment 
vyavahâra  et  vijavacàra.  —  Hiuan-tsang  traduit  liincj,  équivalent  de  samskiira, 
viliarana,  etc.;  P'aramârlha  traduit  p'an,  équivalent  de  nlii,  naya,  'juger', 
'  décider  '.  —  La  lecture  vyavakâra  paraît  certaine  d'après  les  sources  pâlies. 

a.  Sources  pâlies.  —  vokâra  =  kliandha  (Childers)  ;  Vibhanga,  137  :  sunnâ- 
b  h  a  co  asa  n  nCihli  a  vo  ri  évasa  n  nâ  nâsa  ilfiâbTia  co  ekâ  cokcl  rahli  a  vo  ca  tu  vokâra  - 
bhavo  pancavokârabhavo  ;  Yamaka,  d'après  Kathavatthu,  trad.  p.  38  ;  Kathâ- 
vatthu,  iii.  11  :  si  les  êtres  inconscients  possèdent  une  existence  conq)ortant  un 
vokâra  ou  cinq  vokâras.  ^^Buddhaghosa  explique  :  vividliena  visum  visnni 
karlijaU). 

b.  Vyâkhyâ.  —  vyavakâra  est  le  nom  que  le  Bouddha  Kâsyapa  donne  aux 
skandlias.  —  vyavakâra  (viseseaâvakâra)  signifie  savyavakâra  d'après 
Pânini,  v.  2,  127  ;  donc  :  '  ce  qui  déçoit,  ce  qui  contredit  (visanivâdaul)  par  son 
impermanence  ',  définition  qui  convient  aux  skandlias  d'après  la  stance  :  «  Le 
rfipa  est  comme  un  flocon  d'écume  ...  »  (Samyutta,  iii.  142). 

c.  Vibliâsâ,  192,  4.  —  Les  anciens  Tatbâgatas  Samyaksambuddhas  appellent 
les  skandhas  du  nom  de  vyavakâras ;  mais  le  Tathâgata  Samyaksambuddha 


20S  CHAPITRE  II,  44  d. 

(l)  lexistenco  des  êtres  du  Rûpadliâlii  conscients  de  nature  [6  1)]  qui 
cnlrcnl  dans  le  rcciieillemeiil  d'inconscience  ou  dans  le  recueillement 
(r.irrèt  '.  (i)  rexislciict"  des  êtres  du  Rilpadhâtu  ([ui  sont  en  posses- 
sion de  Vâsaniji'iHi'ff,  <pii  sont  nés  parmi  les  Inconscients  ». 

De  ce  texte,  il  résulte  (jue  les  deux  recu.eillements  sont  pratiqués 
par  lies  i'{yc<.  du  Kriinadlullii  cl  du  Rûpadhâtu. 

Il  y  a  touletois  celle  diUerence  entre  les  deux  recueillements  : 

44  d.  Le  recucilleincnl  d'arrêt,  pour  la  première  fois,  chez  les 
hommes  '. 

Une  personne  (pii  n'a  jamais  proiluil  le  recvieillement  d'incon- 
science peut  produire  ce  recueillement  soit  dans  le  Kâmadliâlu,  soit 
dans  le  Rûpadliâlu  ;  mais  il  faut  nécessairement  être  homme  pour 
produii'e.  pour  la  pi'emière  fois,  le  iccueillement  d'arrêt.  Un  lionnne, 
un  Arya,  tpii  a  [)ruduit  ce  recueillement  peut  en  tornher  (parihâni), 
en  perdie  la  possession  (pirij^tl),  renaître  dans  le  liilpadluitu  et  y 
})roduire  à  nouv(^au  ce  recueillement. 

Mais  la  (piestion  se  pose  si  on  peut  londu'i'  du  recutnllemenl  d'arrêt, 
(pii  esl  i)areil  (sadréa)  au  Nirvana. 

Oui,  répondent  les  Vaihhâsikas  ;  nier  la  chute,  c'est  conti'ediie 
rUdâvisûtra  '  :  "  Frères,  un  Bluksu  isl  doué  de  moralité,  de  recueil- 

Sâkyiiiiimii  ai)pelle  les  vyavakâras  tin  noiii  <lo  skandhas.  Les  anciens  parlent 
tle  cinq  vyavakâras,  Sakyuinimi  parle  »le  cinq  upâdâuaskandhas.  loi,  dans 
l'AbliitUiarma,  on  parle  d'existence  '  à  cin((  vt/avcikâras  '  (panca")  jK>ur  nioiilr.r 
qne  les  cinq  skaiidhns  dont  parle  Sâkyaniuni  sont  les  cincj  ryacakâras  dont 
[larlent  les  anciens  IJonddlias.  —  Ponnpioi  les  anciens  Bonddlias  se  servent-ils 
dn  ternie  vyai'akârn,  tandis  que  U-  r>oiid<llia   nclucl  se  sert   du  lerme  sfcaH(i/<«  ? 

Parce  ipic   les  lîoiuldlias  voieni  ce  «lu'il  iniiviml  de  dire  aux  li<lèles  Pourquoi 

cetle  expression  vy(ii((knia?VAi  raison  de  \n  ])r(irrfti  (tianicârd?,  lieùu  Idioàn): 
les  skioulhas  nés  anlcrieiM'enicnl  se  dcveloppcnl  eu  raison  des  s]i(titdlt<ts  posté- 
rieins,  ou  liien  les  skatidhus  nés  posUricincmi  ni  se  développent  en  raison  des 
skdiiithas  antérieurs 

1.  (!(s  élres,  conscients  par  nature,  lorsqu'ils  dtvienneid  ainsi  inconscients 
(!iuis  l"uu  des  deux  recueilleinents.  sont  ris((h]i('i(if(cifle  stliita.  '  placés  diins 
nue  j)Hnsée  contraire  j'i  leur  nature  '. 

-2.  uirodluiU  pralhnmam  nrsn  jj 

'A.  Ce  SOlra  est  prêché  par  Sâripuira  :   il  porte   le  nom  d'Udûyin,  parce  (pie  le 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  6  a-7  a.  209 

lement,  de  discernement.  Qu'il  entre  à  plusieurs  reprises  dans  le 
recueiil^nient  cf  arrêt  et  qu'il  en  sorte,  cela  est  possible.  Si,  dans  cette 
vie,  il  n'arrive  pas  à  Vâjnâ  ',  ni  non  plus  au  moment  de  la  mort, 
après  la' destruction  du  corps,  franchissant  les  dieux  de  nourriture 
gros.^<4-e^ii  renaît  dans  un  corps  divin  mental  (dlvye  manomaye 
kâi/e).  [7  a]  Ainsi  rené,  qu'il  entre  à  plusieurs  reprises  dans  le 
recueillement  d'arrêt  et  qu'il  en  sorte,  cela  est  possible  ». 

Ce  texte  montre  en  effet  que  l'on  tombe  de  la  nirodhasamâpatti. 

D'une  part,  le  corps  mental  dont  parle  Sâriputra,  Bouddha  fait 
entendre  qu'il  appartient  au  Riipadhâtu  -.  D'autre  part,  le  recueille- 
ment d'arrêt  est  du  plan  du  hJiavâgra,  le  plus  haut  degré  de  l'ÀrQ- 
pyadhatu.  Un  Bhiksu  qui  le  possède  (iallàbhin),  s'il  n'en  tombe  pas, 
s'il  ne  le  perd  pas,  ne  pourra  reprendre  naissance  dans  le  Rrqjadhâtu  '. 

contradicteur  de  Sâriputia  est  Udayin.  La  rédaction  sanscrite  est  très  voisine  du 
texte  pâli.  —  Madliyamûgama,  5,  4  et  Anguttara,  iii.  192. 

érâvastyâm  nidânam  /  tatrâynsrnân  sâriptitro  hJiiksûu  âmantrayate 
sma  j  ihCiynsmanto  hhiksnli  sîlasampannas  ca  bhavafi  samâdliisnmpannas 
ca  prajùâsampannas  ca  j  so  'hhlksnam  samjnâceclitanirocîham  samCqjadyafe 
ca  vytittistliate  ca  /  asti  caitat  sthânam  iti  yathâblifitam  prajcinàmi  /  sa 
nehaica  drs!a  eva  dlianue  prafipattyaivâjnâm  ûrâgayafi  nCipi  marana- 
saniaye  bliedâc  ca  kâyasyâtikraniya  devân  kavadlkârabhaJcsân  anyata- 
mas})iin  divye  manomaye  kâya  iipapadyate  /  sa  tatropapanno  ... 

Vyâkhyâ  :  pratipattyaiva  =  pûrvani  eva. 

Ce  Sûtra  est  discuté  viii.  3  c  (thèse  de  l'existence  du  mj)a  dans  rÀrûpyadhâtu). 
—  Comparer  Dîgha,  i.  195. 

1.  âjùâm  ârdgayati,  comme  dans  Maliâvastu,  iii.  53,  9.  —  Parauiârtha  :  «  Il 
n'obtient  pas  l'âjnàtCivlndriya.  »  Hiuan-tsang  :  «  Il  ne  s'applique  pas  de  manière 
à  obtenir  la  qualité  d'Arhat  ...  » 

2.  On  le  nomme  tuanomaya,  mental,  parce  qu'il  naît  indépendamment  des 
éléments  de  la  génération  :  mais  cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  soit  un  corps  fait  de 
notions,  samJHtDiiaya  (Dîgha,  i,  195),  et  appartenant  à  l'ÂrQpyadhâtu,  comme 
Udâyin  le  pensa. 

Sur  le  '  corps  mental  '  du  Bodhisattva  dans  le  Mahâvastu,  Opinions  sur  l'îiistoire 
de  la  dogmatique,  p.  258. 

3.  Note  de  l'éditeur  japonais  :  i.  Les  dieux  de  corps  mental  dont  parle  le  Sûtra 
sont  (a)  du  Rûpadhâtu,  pour  le  Sarvâslivfidin  (même  opinion,  Dîgha,  i.  195)  ; 
(b)  du  Rûpadhâtu  et  de  l'Arûpyadhâtu,  pour  le  Sautrântika,  (c)  les  Asanijnisattvas, 
pour  Udâyin.  —  ii.  Chute  du  recueillement  d'arrêt,  d'après  le  Sarvâstivâdin  ;  point 
de  chute,  d'après  le  Sautrântika  et  Udâyin. 

Mais,  d'après  la   V^yâkhyâ,  le  Sautrântika  admet  la  chute  du  recueillement  ;  il 

14 


210  CitAPitRE  II,  44  d. 

D'aj)rès  une  autre  école  ',  le  recueillenienl  (rarrêt  appnrtii^nt  aussi 
au  quatrième  dlujCinct  et  n'est  pas  sujet  à  la  chute. 

Cette  opinion  n'est  pas  correcte.  Ce  recueillement  n'aj»}»arlient  pas 
au  (piatriènie  dhyâna,  car  le  Sûtra  enseigne  qu'on  aciiuiert  neuf 
recueillements  l'un  après  l'autre  '. 

Comment  donc  expliquer  le  recueillement  nommé  vynikrânialia 
(viii.  18  c)  dans  lequel  l'ascète  franchit  divers  stades  de  recueille- 
ment ? 

La  règle  de  la  production  successive  des  recueillements  concerne 
le  débutant  '.  Celui  qui  a  acquis  la  maîtrise  franchit  les  recueillements 
à  son  gré. 

Il  y  a  donc,  entre  les  denx  recueillements,  diiïercnce 

1.  au  point  de  vue  de  la  terre  :  le  premier  est  du  quatrième  dJiyâna, 
le  second  du  hhavàgra  (naivasamjnânâsamjnâycdana)  ; 

2.  au  point  de  vue  de  l'antécédent  ou  préparatif  (pyayoya)  :  le 
premier  procède  de  l'idée  de  la  délivrance  faussement  identifiée  à 
l'Inconscience  ;  le  second,  de  l'idée  de  quiétude  ; 

3.  au  point  de  vue  de  la  personne  (samtâna)  :  le  premier  se  produit 
dans  un  Prlhagjana  ;  le  second,  dans  un  Arya  ; 

4.  au  point  de  vue  de  la  nature  delà  rétribution  :  le  premier  produit 
la  luiissance  chez  les  Inconscients;  le  second,  la  naissance  dans  le 
hhavâyra  (Kathâvatthu,  xv.  10); 

5.  au  point  de  vue  du  caractère  de  la  rétribution  [7  bj.  La  rétribution 
(hi  premier  est  nécessaire  (riiijata),  a  lieu  dans  l'existence  prochaine; 
la  rétributii)n  du  second  est  nécessaire  dans  le  cas  de  l'Anagrunin, 
nnii  nécessaire  dans  le  cîis  de  l'Arhat  ;  quand  elle  a  lieu,  elle  a  lieu 
dans  l'existence  prochaine  ou  j)his  tard  ; 

(>.  au  point  (le  \  (le  de  la   jtroduction  pour  la  première  fois.  Le  pre- 

nie  toutefois  que  le  Saint  IoiuIjc  de  rÂryamarga  (contm  Sarvûslivûdin),  d'où  des 
(lifTicullt-s  (|ue  la  Vyâkliyâ  résoud. 

1.  I,c.-5  Maliâsûinuliikus,  efc,  d'apn-s  Fou-Uonaiiu;. 

2.  Dîryli!-.,  17.  Il  :  Dï^flia,  iii.  -H'A)  :  ^Jaliâvyiil|.iilli.  (W,  7  :  navûniqnirvasaiHâ- 
pattdyfts  :  les  (|iialre  (Ihyânas,  les  «jualre  ârâpyas  et  le  recueiliemenl  d'arnî. 

'î.  prûllKiHKtkalpikali  =  âdiiuh.sumûpdtUvidhCiijakah. 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  7  a-b,  211 

mier  est  produit  indifféremment  dans  deux  sphères  d'existence  ;  le 
secontUseulement  chez  tes  hommes. 

Le  caractère  commun  des  deux  recueillements  est  l'arrêt  de  la 
pensée  et  des  mentaux  (cittacaitfûndm,  nirodhah).  Pourquoi  nommer 
le  pi^rttîer,  '  recueillement  exempt  de  notion  '  (asanij ù isaniâpatti) 
et  le  second,  '  recueillement  de  l'arrêt  de  la  notion  et  de  la  sensation  ' 
(samjnciveditcuùrodhasamâpaltl)  ? 

Parce  que  le  préparatif  (prayoga)  du  premier  s'oppose  (praiikûla) 
seulement  à  la  notion  ',  tandis  que  le  préparatif  du  second  s'oppose 
seulement  à  la  notion  et  à  la  sensation.  De  même  \e  paracittajnâïia 
(vii.  5  b),  '  connaissance  de  la  pensée  d'autrui  ',  porte  sur  les  mentaux 
d'autrui  :  il  reçoit  un  nom  restrictif  parce  que  son  préparatif  vise 
seulement  la  pensée  d'autrui  '\ 

Dans  les  deux  recueillements,  la  pensée  se  trouve  interrompue  pour 
longtemps  \  Comment,  à  la  sortie  du  recueillement,  une  nouvelle 
pensée  peut-elle  naître  d'une  pensée  détruite  depuis  longtemps  *  ? 

Pour  les  Vaibhâsikas,  aucune  difficulté  :  les  dliarmas  passés  exis- 
tent (v.  25).  Par  conséquent  la  pensée  antérieure  au  recueillement,  la 
pensée-de-recueillement  (samâpattlcitta)  ou  '  pensée  d'entrée  dans 
le  recueillement  ',  est  la  cause  semblable  et  immédiate  (samanan- 
taraprcdyaya,  ii.  62)  de  la  pensée  postérieure  au  recueillement  ou 
'  pensée  de  sortie  ',  vyuUliâiiacitta  (Vibhâsâ,  152,  lo). 

1.  On  se  prépare  à  V asatnj nisamâpatti  en  pensant  :  «  La  samjnâ  est  maladie, 
épine,  abcès  ;  ceci  est  tranquille,  ceci  est  excellent,  ù  savoir  la  cessation  de  la 
samjnâ  ». 

2.  Le  préparatif  comporte  la  résolution  :  «  Je  connaîtrai  la  pensée  d'autrui  ». 

3.  Les  systèmes  (siddliânta)  sont  en  conflit.  Pour  les  Vaibhâsikas,  etc.,  les 
recueillements  et  Vâsamjrtika  sont  exempts  de  pensée  (acittakâny  eva  ...) ; 
pour  le  Sthavira  Vasumitra,  etc.,  ils  sont  munis  de  pensée  (sacittakâni)  du  fait 
d'une  connaissance  mentale  non  manifeste  (aparisplmtamanovijnâna)  ;  pour 
les  Yogâcâras,  ils  sont  munis  de  pensée  du  fait  de  Vâlayavijfiâna  (Vyâkhyâ). 

4.  Cette  question  est  posée  par  les  Sautrântikas.  Pom-  eux,  la  pensée  qui  vient 
de  périr,  et  la  pensée  qui  a  péri  depuis  longtemps,  sont  également  inexistantes  : 
toutefois  la  pensée  qui  vient  de  périr  est  la  cause  de  la  pensée  qui  suit  immédia- 
tement :  comparer  le  mouvement  des  fléaux  de  la  balance  (Udâdundonnâmâva- 
nâmacat,  comp.  Sâlistamba  dans  Bodhicaryâvatâra,  483,  3). 


âl2  CHAPITRE  II,  44  (1. 

Les  SautiTintikas  raisonnent  conimo  il  suit.  Lorsqu'une  personne 
naît  dans  rArûpyadhâtu.  le  7'ûpa,  ou  matière,  se  trouve  coupé  pour 
une  longue  période  (iii.  81  b)  :  si  cette  personne  renaît  ensuite  dans 
le  Kaniadhâtu  ou  dans  le  R ripas Ihâtu,  son  nouveau  rûpa  ne  procède 
pas  de  la  série  de  rûjxi  interrompue  longtemps  auparavant,  mais 
bien  de  la  pensée.  De  même  la  pensée  de  sortie  de  recueillement  n'a 
pas  pour  cause  la  pensée  antérieure  au  recueillement  :  elle  naît  du 
'  corps  muni  d'organes  '  (sendriijahây(i).  C'est  pourquoi  les  Anciens 
Maîtres  disent  :  «  Deux  dharmas  sont  la  semence  l'un  de  l'autre 
(anijonyahljaka)  :  ces  deux  dharmas  sont  la  pensée  et  le  corps  muni 
d'organes  ». 

Vasumitra  dit  dans  le  traité  intitulé  Pariprceliâ  '  :  Cette  dilHculté  : 
«  Conuuent  la  pensée  renaît-elle  après  le  recueillement  ?  »,  intéresse 
ceux  qui  considèrent  le  recueillement  d'arrêt  comme  exempt  de 
pensée.  Mais  je  soutiens  que  ce  recueillement  est  accompagné  d'une 
pensée  subtile.  La  difliculté  n'existe  j)as  pour  moi  -. 

Le  Bbadanta  Gliosaka  tient  cette  opinion  pour  erronée  [8  a].  En 
etYet,  si  quelque  connaissance  {vijiiâna)  demeure  dans  ce  recueille- 
ment, il  y  aura  contact  (sparsa)  par  la  rencontre  de  la  triade,  connais- 
sance, organe,  objet;  en  raison  du  contact,  il  y  aura  sensation  (vedanâ) 
et  notion  (samjfiâ)  (iii.  30  b).  Comme  l'enseigne  Bhagavat  :  «  En 
raison  de  l'organe  mental  et  des  dharmas  naît  la  connaissance 
mentale  ;  rencontre  de  la  triade,  contact  ;  naissent  en  même  temps 
.sensation,  notion,  volition  »  '.  Donc,  si  on  admet  (piela  pensée  Ct"/;//â- 

1.  L'uiiteiir  iii(li({iif'  le  uoin  du  Irailé  jiiuvc  (jiic  Va.suiuilra  ((jiialilit*  iiulin'érem- 
nieiif  .Sthaviru  ou  Bliadaiita)  a  écril  d'antres  livres,  le  Paùcavasliika,etc.(Vyâkliya). 
—  Il  y  a  un  commentaire  du  Pancavasiukii  |i;ir  Dliarmatrâta,  Nanjio  li2<^. 

L'éditeur  japonais  remarque  (pi'il  ne  s'agit  pas  du  Vasumitra  de  la  Vil)liQsâ, 
mais  d'un  Saulrântika.  —  (Voir  F*'i)U-k«)nant,'.  2(1,  H"). 

2.  Vibhâsâ,  202,  4  :  «  Le  Dârslrinlika  et  le  Vihhajyavâdin  soutiennent  tpi'une 
pensée  bnl)tile  n'est  pas  interrompue  dans  lo^ecueillement  d'arrêt.  Ils  disent  :  «  li 
n'y  a  pas  d'êlrts  <pii  soient  en  même  temps  sans  pensée  et  sans  n'qia;  il  n'y  a  pas 
non  plus  de  recueilli  cpii  soit  sans  pensée.  Si  le  recueilli  était  sans  pensée,  l'organe 
vital  serait  coupé  :  on  l'appellerait,  non  pas  :  installé  dans  le  recueillement,  mais 
Lien  :  mort  ». 

3.  Samyuktâgama,  11,  8;  comparer  Samyutta,  ii.  72  et  sources  citées  ad  Kosa, 
iii.  30  b. 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  7  b-8  a.  213 

na,  cittct)  persiste  dans  ce  recueillement,  la  sensation  et  la  notion  n'y 
seront^as  arrêtées.  Or-ce  recueillement  s'appelle  l'arrêt  de  la  sensa- 
tion et  de  la  notion  (samjhâveditaïilrodha). 

Yastttnitra  répond.  —  Le  Sûtra  dit  :  «  En  raison  de  la  sensation,  la 
.soif ^ ^''cependant,  bien  que  les  Arhats  éprouvent  la  sensation,  la 
soif  ne  naît  pas  chez  les  Arhats.  De  même  ici  :  tous  les  contacts  ne 
sont  pas  cause  de  sensation. 

Ce  raisonnement  n'est  pas  démonstratif.  Le  Sûtra,  en  effet,  précise  : 
«  La  soif  naît  en  raison  de  la  sensation  née  du  contact  qui  est  accom- 
pagné d'ignorance  »  (iii.  27)  '.  Tandis  qu'il  dit  :  «  La  sensation  naît 
en  raison  du  contact  ».  Donc,  disent  les  Yaibhâsikas,  la  pensée  est 
interrompue  dans  le  recueillement  d'arrêt. 

Yasumitra  dit  :  Si  ce  recueillement  est  complètement  exempt  de 
pensée,  comment  est-ce  là  un  recueillement  (samdpatti)  ? 

On  le  nomme  recueillement  parce  qu'il  met  les  grands  éléments 
dans  un  état  d'égalité  '  contraire  à  la  production  de  la  pensée  ;  ou 
bien  encore  parce  que  les  ascètes  y  pénètrent  (samâgacclianti, 
samâpadyaïde)  par  la  force  de  la  pensée  :  c'est  pour  cette  raison  que 
les  dhi/ârias,  etc.,  sont  nommés  samâpattis. 

Doit-on  considérer  les  deux  recueillements  comme  existant  en  soi 
(dravyalas,  svalaksancdas)  ? 

Oui,  répond  le  Sarvâstivâdin,  car  ils  entravent  la  naissance  de  la 
pensée  (cittotpaUiprcdibaHdhaïud)  [8  b]. 

1.  Samyuktagama,  12,  14;  Sarnyutta,  iii.  96. 

2.  mahâbJintasamatàpâclanain.  —  Cette  formule  a  passé  dans  Mahâvyut- 
patti,  68,  9. 

Vibhâsâ,  154,  1  :  Celui  qui  se  trouve  clans  la  nirodJiasamâpatti  ne  peut  pas 
être  brûlé  par  le  feu,  noyé  par  l'eau,  blessé  par  le  couteau,  tué  par  autrui  (comparer 
les  légendes  de  Sarnjïva,  Khânu-Kondanùa.  dans  Visuddhi.  xii.  JPTS.  1891,  112). 
Pourquoi  possède-t-il  cette  qualité  ?  Vasumitra  dit  :  Parce  que  cette  samâpatti 
ne  peut  pas  être  endommagée;  donc  celui  qui  s'y  trouve  ne  peut  être  endommagé. 
—  Ailleurs  :  Ce  qu'on  entend  par  samâjHiUi,  c'est  ce  qui  produit  l'égalité  de  la 
pensée.  Ici,  il  n'y  a  pas  de  pensée,  comment  parler  de  samâpatti  ?  —  La  samâ- 
patti est  de  deux  sortes  :  ce  (jui  produit  l'égalité  de  pensée,  ce  qui  produit  l'égalité 
des  grands  éléments.  Bien  que  les  deux  samâpattis  coupent  l'égalité  de  la  pensée 
puisqu'elles  interrompent  la  pensée,  elles  réalisent  l'égalité  des  grands  éléments. 


214  CHAPITRE  II,  44  d-45  b. 

Non.  réplique  le  Saulrâiilika,  ce  n'est  pas  ce  que  vous  nommez 
*  recueillement  '  (|ui  enq)êche  la  naissance  de  la  pensée,  c'est  la 
'  pensée  de  recueillement  '  ((samâpaff iciita) ,  la  pensée  (jui  précède 
l'état  de  recueill(Mnent  :  cette  pensée,  étant  opposée  à  la  naissance  de 
la  pensée,  fait  cpie  d'autres  pensées  ne  naissent  pas  pendant  un  certain 
temps.  La  pensée  de  recueillement  rend  la  persoime  (âéraya)  '  on 
série  (samtcma)  contraire,  non-idoine  (vmidclha)  à  la  naissance  de 
la  pensée.  Ce  qu'on  appelle  '  recueillement  ',  c'est  simplement  la  non- 
existence  de  la  pensée  (apravrff inultra)  pour  un  certain  temps  ;  non 
pas  une  chose  en  soi  (dravyadharma),  mais  un  '  dharma  de  désigna- 
tion '  (praj nnpt idharnia). 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Comment  le  recueillement,  s'il  n'est  pas  une 
chose  en  soi,  peut-il  être  un  conditionné  (samskrta)  ? 

Cette  '  non-existence  de  la  pensée  '  n'était  pas  réalisée  avant  la 
pensée  de  recueillement;  elle  cesse  quand  l'ascète  produit  à  nouveau 
la  pensée  (vyuithânacitta  :  pensée  de  sortie  du  recueillement).  On 
peut  donc,  en  manière  de  dire  (saminjavahâraias),  la  désigner 
(praj nâpi/afe)  comme  étant  '  conditionnée  ',  puiscpi'elle  commence 
et  finit.  —  Ou  bien,  ce  (pie  nous  désignons  par  le  terme  '  recueille- 
ment '.  c'est  la  condition  (avasthâvléesa)  de  la  personne  (âéraya), 
condition  qui  résulte  de  la  j)ensée  de  recueillement. 

De  même  en  va-t.-il  de  l'Inconscience  (âsamjnika,  ii.  41  b-c). 
Uclsamjhika  n'est  pas  une  chose  en  soi  qui  empêche  la  naissance 
de  la  pensée  ;  par  ce  terme  nous  désignons  l'état  d'inconscience  des 
dieux  inconscients,  état  qui  résulte  d'une  certaine  pensée. 

Les  Vaibhâsikas  n'admettent  pas  cette  opinion  ;  ils  soutiennent 
que  Vnsajujùf'ka  et  les  deux  recueillements  sont  des  choses  en  soi  ^. 

Qu'est-ce  (|ue  l'organe  vital  (jivltcndrya)  ?  (0  a] 
45  a.  L<- jicila,  c'est  hi  vie  (ayiis)\ 

1.  ]jâsraifa  n  rlf-  ilofmi  ii.  ;V(>  ;  voir  aussi  p.  183. 

2.  lliiinn-tsmifi  fradiiil  :  «  Celte  tliéoric  n'ost  jiiis  lionne,  car  elle  est  en  contra- 
liiction  avec  notre  système  ».  —  Ajoutons  :  «  Ainsi  parlent  les  Vaihliâsikas  ». 
Voir  ri-flessns  p.  19^  n.  2. 

3.  âyur  jivitaw. 

Buildliagliosa  attribue  aux  Puhhaseliyas  et  aux  Sammitiyas  la  doctrine  quijest 


Ilitian-tsang,  v,  fol.  8  b-9  a.  215 

En  effet,  rAMiiilharma  '  dit:  «  Qu'est-ce  que  le  jlvitemlrya?  — 
h'âyi^àea  trSi.->  sphèras  d'existence  ». 
Quelle  sorte  de  dharma  est  Vâyns  ? 

45  a-b.  Le  support  de  la  chaleur  et  de  la  connaissance  ^. 

Car  Bhagavat  a  dit  :  «  Lorsque  vie,  chaleur  et  connaissance 
quittent  le  corps,  le  corps  gît  délaissé,  comme  du  bois,  privé  de  senti- 
ment »  \ 

Il  existe  donc  un  dliarma  distinct,  support  de  la  chaleur  et  de  la 
connaissance,  cause  de  la  durée  (stliiti)  de  la  série  (samtâna)  et 
nommé  âijiis  *. 

i.  Le  Sautrantika  nie  l'existence  en  soi  de  l'organe  vital  (jtvifa, 
âijtis). 

\.  Le  Sautrantika.  —  Si  VâyMS  supporte  la  chaleur  et  la  connais- 
sance, par  quoi  est-il  lui-même  supporté  ? 

Le  Vaibhâsika.  —  Il  est  supporté  par  la  chaleur  et  la  connaissance. 

Le  Sautrantika,  —  Si  ces  trois  dh  armas,  vie,  chaleur  et  connais- 
sance, se  supportent  mutuellement  et  continuent  d'exister  (samtâ- 
najn'avrtti)  parce  support  mutuel,  conmient prendront-ils  fin  ?  Lequel 

celle  de  rA!)liidharnia  :  \^'  jïvifendriija  est  un  ciftacippnynffa  anlpadhamma. 
Voir  Kathâvallhu,  viii.  10,  Compendium,  p.  156;  Yibhaiiga,  p.  J:23,  Dhammasan- 
gani,  19,  635,  Althasâlinî,  644. 

1.  Jnânapiaslhâiia,  14,  19  (Indriyaskandhaka,  i),  Prakai"ana,  14  b  6  ;  p.  179. 

2.  CuUiâra  usniavijnâuayor  lii  yah  / 

3.  ùyur  usmâtha  lijnâudm  yacld  kâynm  jahafy  atnl  j 
apaviddhali  tadCi  sete  yathci  kâsfhon  acetcDiah  il 

Samyukta,  21,  li,  Madhyama,  58,  4,  Saniyiitta,  iii.  143  (variantes)  ;  comparer 
JMajjhima,  i.  296.  —  Cité  ci-dessous  ad  iv.  73  a-b. 

4.  Vibbâsâ,  151,  S  :  Ce  Sûtra  est  cité  par  les  Vibhajyavâdins  pour  établir  que 
ces  trois  dliarmas,  vie,  chaleur  et  connaissance,  sont  toujours  unis  et  non  séparés. 

Mais  Vasuniitru  oi)serve  «jue  le  Sûtra  vise  la  série  d'un  certain  âsraya La  vie 

(âyus)  fait  partie  du  samskciraskandha,  du  dhannadhcitu,  du  dliarmciyatana ; 
lu  chaleur,  du  rûpaskandlia  et  du  sprastavyciyatana  ;  la  connaissance,  du 
vijriânaskandJiCt,  de  sept  dlmfus  et  du  t'.utnaâyafana  :  donc  il  ne  faut  pas 
prendre  le  Sûtra  à  la  lettre.  En  outre,  si  ces  trois  dhaniias  vont  toujours  ensemble, 
il  y  aura  chaleur  dans  rArûpyudhâtu,  il  y  aura  vie  et  connaissance  chez  les  non- 
êtres-vivants,  il  y  aura  connaissance  dans  le  recueillement  d'inconscience. 


216  CHAPITRE  II,  45  a-b. 

périt  le  [)reini(*r  doiiî  la  dcslniction  entraînera  la  destmction  des 
autres  ?  Car,  si  l'un  d'eux  ne  périt  pas  le  premier,  ces  trois  dharmas 
seront  éternels  et  ne  périront  pas  (anivrUi). 

Le  Vaibhasika.  —  Uâyus  est  supporté  par  l'acte  ;  Yàyus  a  été 
projeté  par  l'acte  et  continue  d'exister  aussi  longtemps  que  le  com- 
porte la  projection  de  l'acte. 

Le  Sautrântika.  —  S'il  en  est  ainsi,  pourquoi  ne  pas  admettre  que 
la  chaleur  et  la  connaissance  sont  supportées  par  l'acte,  et  qu'avons- 
nous  à  faire  de  Vâyus  ?  [9  h] 

Le  A'aibhasika.  —  Ce  qui  est  supporté  par  l'acte  est,  de  sa  nature, 
rétribution.  Si  la  connaissance  était  supportée  par  l'acte,  toute  con- 
naissance, de  la  matrice  à  la  mort,  serait  rétribution  :  ce  qui  est  faux. 
D'oij  la  nécessité  de  Vâi/us,  supporté  par  l'acte,  su]»p()rt  de  la  chaleur 
et  de  la  connaissance. 

Le  Sautrântika.  —  Dites  donc  que  l'acte  supporte  la  chaleur  et  que 
la  chaleur  supporte  la  connaissance.  Vâijiis  est  inutile. 

Le  Vaibhasika.  —  Vâytis  est  nécessaire,  car,  dans  l'Àriipyadhâtu, 
la  chaleur  manque.  Quel  sera  le  support  de  la  connaissance  dans 
rArilpyadhâtu  si  Yâyus  n'existe  pas  ? 

Le  Sautrântika.  —  La  connaissance,  dans  l'Ârûpyadhatu,  est  sup- 
portée par  l'acte. 

Le  Vaibhasika.  —  Avez-vous  le  droit  de  changer  d'opinion  ?  Tantôt 
vous  supposez  cpie  la  coimaissance  est  supportée  par  la  chaleur, 
tantôt  vous  voulez  qu'elle  soit  supportée  par  l'acte.  —  '  En  outre, 
vous  l'avez  admis  :  il  faut  éviter  cette  consécpience  que  toute  connais- 
sance, de  la  matrice  à  la  mort,  est  rétribution.  Par  conséquent  Vâyus 
existe,  support  de  la  chaleur  et  de  la  connaissance. 

2.  Le  Sautrâulikn.  —  Je  ne  nie  pus  l'existence  de  ïayus.  Je  dis 
seulement  que  Vâyus  n'est  pas  une  chose  en  soi. 

Le  Vaililu'iîjika.  —  Quel  est  donc  le  dharma  (lu'on  désigne  sous  le 
nom  (Vâyus  ? 

Le  Saulranlika.  —  C'est  une  ccrliiiiir  puissance  (jue  l'acte  d'une 

1.   Hiuan-lsang  :  «:' Kn  outre  ce  <|iii'   iiniis   avons  dit.    _   Qu'uvez-vons  dit?  — 
Pour  ('vilt-r  ceUc  conséfinence » 


Hiuaii-tsang,  v,  fol.  9  a-10  a.  217 

existence  antérieure  place  dans  l'être  au  moment  de  la  conception, 
puissilnce  par  laquelle;  pendant  un  temps  déterminé,  les  skandhas 
se  renouvelleront  en  cette  série  homogène  qui  constitue  une  existence 
(nikâyasabhâga,  ii.  41).  De  même  la  graine  place  dans  la  pousse 
une^4egJUiine  puissance  par  laquelle  la  plante  se  développe  jusqu'à  la 
maturité.  De  même  est  placée  dans  la  flèche  lancée  une  certaine 
puissance  qui  fait  que,  pendant  un  temps  donné,  elle  se  déplace  '. 

Le  Vaisesika  croit  qu'une  certaine  sorte  de  guna  ou  '  qualité  ', 
nommée  satnskâra  et  aussi  vega,  impehis,  naît  dans  la  flèche.  Par 
la  force  de  ce  guna,  jusqu'au  moment  où  elle  tombe,  la  flèche  va 
toujours  sans  s'arrêter  ^ 

Le  samskâra  est  unique  ;  d'autre  part,  la  flèche  ne  rencontre  pas 
d'obstacle  :  donc  aucune  différence  n'est  possible  dans  la  rapidité  de 
la  flèche  '  :  en  outre,  la  flèche  ne  tombera  pas.  Direz-vous  que  le 
'  vent  '  fait  obstacle  au  samskâra  ?  Le  '  vent  ',  qui  fait  obstacle, 
étant  le  même  tout  près  ou  très  loin,  ou  bien  la  flèche  tombera  tout 
d'abord,  ou  bien  elle  ne  tombera  pas. 

Les  Vaibhâsikas  maintiennent  que  Vâyus  est  une  chose  en  soi  '*. 

ii.  Comment  a  lieu  la  mort. 

La  mort  a-t-elle  lieu  seulement  par  épuisement  de  la  vie  (âyus)  ? 

Le  Prajnâptisâstra  '  dit  :  «  Il  arrive  qu'on  meure  par  épuisement 
de  la  vie  (âyuliksaijât)  sans  qu'on  meure  par  épuisement  du  mérite 
(pnnyaksayât).  Quatre  alternatives  :  1.  mort  par  épuisement  de  l'acte 
qui  mûrit  en  vie  ;  2.  mort  par  épuisement  de  l'acte  qui  mûrit  en  objets 


1.  sasyânâm  pâkakâlâvedhavat  ksiptesiisthitikâlâvedhavac  ca  / 

2.  Vaiéesikadarsana,  v.  1,  16  ;  H.  Ui,  Vaisesika  philosophy,  p.  163.  —  L'exemple 
de  la  flèche  n'a  pas  de  valeur  poui-  le  Vaisesika  qui  fait  du  vega  une  chose  en  soi. 
Donc  l'auteur  réfute  la  théorie  dii  Vaisesika. 

3.  sîrihrataratamaprâptikciîabhedânupojKittih. 

4.  Hiuan-tsang  :  «  Il  y  a  une  chose  en  soi,  support  de  la  chaleur  et  de  la  con- 
naissance, nommée  âyus  :  cette  doctrine  est  bonne  ».  Note  de  l'éditeur  japonais  : 
L'auteur  se  range  à  l'avis  du  Sarvâstivâdin.  —  Mais  on  doit  supposer  que  Hiuan- 
tsang  omet  les  mots  :  «  Les  Vaibhâsikas  disent  :  ...  »,  car  Vasubandhu,  dans  le 
Pancaskandhaka,  adopte  la  thèse  Sautrântika. 

5.  Karmaprajnâptisâstra,  chap.  xi  (Mdo  72,  fol.  240  b). 


218  CHAPITRE  II,  45  a-b. 

de  jouissance  (blioga)  '  ;  3.  mort  par  épuisement  de  ces  deux  sortes 
d'actes  (ubhajjaksaijâfj  ;  4.  mort  par  le  fait  de  ne  pas  éviter  les  causes 
qui  nuisent  (iùsamàparihâra),  par  exemple,  excès  de  nourriture 
(atifascoia)  ». 

Il  faut  ajouter  la  mort  due  à  l'abandon  des  âjjuhsa niskaras  (ii.  10)  ■. 

Lorsque  la  vie  est  épuisée,  l'épuisement  de  l'acte  (|ui  mûrit  en  objets 
de  jouissance  n'a  pas  d'efficace  pour  In  mort  [10  bj  ;  et  réciproque- 
ment. Par  conséquent  la  troisième  alternative  doit  s'entendre  :  «  mort, 
les  deux  sortes  d'actes  étant  épuisées  ». 

iii.  Mort  avant  le  temps  (ahâlamarana,  iii.  85  c). 

Le  Jnânaprasthâna  (15,  1-2)  dit  :  «  Doit-on  dire  de  Vâyns  qu'il  est 
'  dépendant  de  la  série  '  (samtcmavartin)  ou  que  :  '  une  fois  né,  il 
dure  »  (sakrd  nfpannam  ilsfJiafi)  ?  —  Uâyiis  est  de  la  première 
catégorie  en  ce  qui  regarde  les  êtres  du  Kâmadhâtu  qui  ne  se  trouvent 
pas  dans  un  des  deux  recueillements  (asamjnisaniùpntti,  nirodha- 
samâpcdli)  :  il  est  de  la  deuxième  catégorie  en  ce  qui  regarde  les 
êtres  du  Kâmadliatu  qui  se  trouvent  dans  les  deux  recueillements,  en 
ce  qui  regarde  les  êtres  du  Rrq)ad}iatu  et  de  l'Àrûpyadbâlu  ». 

Quel  est  le  sens  de  ce  texte  ? 

Lorsque,  le  corps  (déraya)  étant  endommagé,  Vàyus  est  endom- 
magé, Vâyus  est  *  lié  à  la  série  du  corps  '  (dérayasamUdipratibad- 
dha).  Si,  le  corps  ne  pouvant  être  endommagé,  Vâyus  perdure  tout 
le  temps  pour  lequel  il  a  été  produit,  on  dit  que  Vâyus,  une  fois  né, 
dure  '\ 

Les  Maîtres  du  KasmTr  disent  qu»;  la  première  sorte  ddyus  est 
'  sujette  à  obstruction  '  (sântarâya)  ;  la  seconde,  non  sujette  à  obstruc- 
tion. 

Il  y  a  donc  imirl  av;nit  le  lfin])s '*. 

1.  Sur  les  divers  fruits  de  l'acte,  iv.  85  et  suiv.  —  Sur  bhofin,  Yogasûlra,  il.  lo. 

2.  MaiHjiie  dans  Paraniarllia.  Voir  ci-dessu.'^p.  122.  —  Vibluisâ,  20,  1.5. 

3.  Ceci  est  rexplicatioii  des  Etrangers  (Haliinlesaka).  —  L'explicafion  des 
Kasmïriens  uf  dilTrre  ijue  dans  les  termes.  Un  bien  ceux-ci  coiiipreniunt  (jue 
Vatius  de  la  première  catégorie  est  '  lié  à  sa  propre  série  (svasamUitijupani- 
baddhn ),  mais  susceptible  d'être  empêcbé  '. 

4.  D'après  Kaihrivattliu.  xvii,  2,  les  Râjagirikas  cl   les  Siddliallbikas  nient  la 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  10  a-ii  a.  219 

D'après  le  Sntra,  il  y  a  quatre  modes  d'existence  '  :  l'existence  qui 
peut^|tre  défruite  par- soi-même  et  non  par  autrui,  etc.-  —  Quatre 
alternatives  :  1.  existence  détruite  par  soi-même  :  certains  êtres  du 
Kâmatlhatu.  à  savoir  les  dieux  Krîdâpradnsikas  et  les  dieux  Manah- 
prajdgsjjias  \  détruisent  eux-mêmes  leur  existence  [11  a]  par  l'excès 
de  leur  joie  ou  de  leur  colère  ;  il  faut  ajouter  les  Bouddlias  qui  entrent 
d'eux-mêmes  dans  le  Nirvana;  2.  existence  détruite  par  autrui  :  les 
êtres  dans  la  matrice  et  dans  l'œuf  ;  3.  existence  détruite  par  soi-même 
et  par  autrui  :  les  êtres  du  Kâmadhâtu  en  général  ;  il  faut  excepter 
les  êtres  'mîemaux(nâraJ£a),\es  êtres  dans  l'état  intermédiaire  (iii.  12) 
etc.  ;  4.  existence  qui  n'est  détruite  ni  par  soi,  ni  par  autrui  :  les  êtres 
dans  l'état  intermédiaire,  tous  les  êtres  du  Rûpadhatu  et  de  l'Ârripya- 
dhatu,  une  partie  des  êtres  du  Kâmadhâtu  :  les  êtres  infernaux  (iii. 
82),  les  habitants  de  l'Uttarakuru  (iii.  78  c).  les  personnes  qui  se 

mort  avant  le  temps  de  l'Arhat  (Kosa,  ii.  10).  —  D'après  Rockhill  (Life  of  Buddha, 
p.  189)  et  Wassilieff,  p.  244,  les  Prajnaptivâdins  nient  la  mort  avant  le  temps.  — 
Le  Bodhicaryâvatâra  (ii.  55)  admet  une  mort  •  naturelle  '  (kala)  et  cent  raoï-ts 
avant  le  temps,  dues  à  chacune  des  humeurs  (vâto,  pitta,  slesman)  et  aux 
humeurs  réunies,  soit  404  morts. 

Outre  (1)  le  sai'.nicchedantara lia,  mori  de  l'Arhat;  (2)  le  klianikamarana, 
disparition  incessante  des  dharmas  mangés  par  Timpermanence  ;  (3)  le  samnmti- 
tnarana,  la  mort  qu'on  attribue  à  un  arbre,  etc.,  l'Alihidhamma  distingue 
(1)  le  kâlamarana  (mort  naturelle)  (a)  par  épuisement  du  mérite  (puSina),  (b)  par 
épuisement  du  terme  de  vie  (âyu),  (c)  par  épuisement  des  deux;  {2}['akâlaiiiarana 
(mort  avant-le-temps)  en  raison  d'un  acte  qui  coupe  l'existence  (upacchedaka- 
kammanâ),  dans  le  cas  de  Dûsî  Mâra,  Kalabhû,  etc.,  dans  le  cas  des  personnes 
assasinées  en  rétribution  d'un  acte  ancien  (Visuddhimagga,  viii.  apud  Warren, 
p.  252;  Commentaire  de  l'Anguttara,  P.  T.  S.,  p.  111  ;  Nettipakarana.  p.  29; 
Milinda,  p.  301).  —  Abhidhammasangaha,  Compendium,  p.  149. 

Doctrine  jaina,  Umâsvâti,  Tatlvârthâdhigamasûtra,  ii.  52  :  dcividhâuy  âyum- 
si 

1.  Littéralement  :  prises  de  po.ssession  de  l'existence,  âimahhâvapraiilamhlia. 
—  Majjhima,  iii.  53  distingue  deux  sortes,  le  savyâpajjha  et  le  avyàpajjha. 

2.  Dïgha,  iii.  231,  Ahguttara,  ii.  159  :  atth'  âvuso  aftabhacapatilâbho  yasmim 
attabhdvapatilâbhe  atfasarncetanâ  yeva  kamati  uo  parasamcetand  ....  — 
Voir  Kosa,  vi.  56.  —  Vyâkhyâ  :  âtniasamcetanâ  =  âtnianâ  uiâranam  ; para- 
samcetanâ  =  parena  mârauam. 

3.  Dîgha,  i.  19,  iii.  31.  —  Vibliûsâ,  199,  15.  On  n'est  pas  d'accord  :  s'agit-il  des 
Quatre  Rois  et  des  Trente-trois  ou  d'autres  catégories  de  dieux  du  Kâmadhâtu  ? 


220  CHAPITRE  II,  45  a-b. 

trouvent  dans  le  choniin  de  la  vue  des  vérités  (vi.  28),  dans  la 
méditation  de  bienveillance  (viii.  29),  dans  les  deux  recueillements 
d'inconscience  (ii.  42,  Kathâvatlbu,  xv.  9)  ;  le  Rajarsi,  c'est-à-dire  le 
Cakravarlin  qui  a  (juitté  la  vie  mondaine  ;  le  messager  du  Bouddba  '  ; 
les  persoimes  dont  le  Bouddha  a  prophétisé  qu'elles  vivront  un 
certain  temps  -  :  Dharmila  \  Uttara  ',  Gangila  \  le  fils  de  marchand 
Yasas  Kumâra,  Jlvaka,  etc.  ;  le  Bodhisattva  dans  sa  dernière  exis- 
tence, la  mère  du  Bodhisattva  enceinte  du  Bodhisattva,  le  Cakravar- 
tin.  la  Mière  du  Cakravartin  enceinte  du  Cakravartin. 

Objection.  —  Le  Sûtra  nous  rapporte  une  demande  de  Sâriputra 
et  la  réponse  que  lui  fit  Bhagavat  :  «  Quels  sont,  Seigneur,  les  êtres 
dont  l'existence  (âfinahhâcapratilambha)  ne  peut  être  détruite  ni 
par  soi,  ni  par  autrui  ?  »  — -  «  Sâriputra,  les  êtres  qui  sont  nés  dans 
le  Naivasanijnânâsariijnfiyatana  »,  c'est-à-dire  dans  la  sphère  la  plus 
élevée  de  rÀrûpyadhâtu,  dans  le  bhavâgra.  —  Comment  pouvez- 


1.  ji)iaûfda.  —  Par  exemple  un  cerlain  buka  fui  envoyé  par  Bhagaval  à 
Amrapâlî  ;  les  Licchavis  qui  se  livraient  à  des  exercices  militaires  (yogyâ), 
Taperçvirent  el  le  roiivriiciil  d'une  jiluic  de  flèches.  Mais  le  messager  du  Bouddha 
ne  peut  être  tué  avant  d'avoir  remjdi  sa  mission. 

2.  jnio(l(lt.<!ff(^=:iiintifai}i  kâhun  nneua  jlvifavifnm  iti yn  âdislo  hhacjavntâ. 
l'eul-èlre  f'aul-il  comprendre  :  «  les  per.'sonnes  auxquelles  le  Bouddha  donne  un 

ordre  sachant  qu'elles  vivront  encore  tant  de  temps  ».  Les  notes  que  M.  J.  Przyluski 
veut  hien  me  remettre  sur  Yasas  et  Jlvaka  rendent  celle  version  assez  plausihie  : 

«  Dans  MahâvagjL^a,  i.  7,  le  §  4  est  presque  incompréhensible.  Yaéas  s'écrie 
«  Quel  danger!  >  el  on  ne  sait  à  quoi  danger  il  l'ail  allusion.  Dans  le  passage 
correspondant  du  Vinaya  des  Sarvâstivâdins  loul  s'explicpie  :  «  Alors  Yasas  ayant 
franchi  la  porte  de  la  ville  arriva  auprès  de  la  rivière  de  Vârânasî.  Alors  le 
Bhagaval  se  promenait  au  hord  de  cette  rivière.  Yaéas,  voyant  l'eau,  poussa  un 
cri  comme  auparavaid.  Le  Buddha,  entendant  ce  cri,  dit  au  jeune  honnne  :  «  Cet 
endroit  n'a  rien  d'effrayant.  Traverse  le  courant  el  viens  »  C^l'ôk.  xvii,  3,  26"). 

«  La  femme  de  .Sidihadra  comp.  Divyûvadâna,  2(32-270)  meurt  avant  d'avoir 
accouctié  ;  le  corps  est  iMciuéré  mais  l'enfant  n'est  pas  consumé.  Le  Buddha  dit 
à  Jlvaka  d'aller  prendre  renfaiil  au  uiilicu  des  flammes  :  Jîvaka  obéit  et  revient 
sans  avoir  eu  aucun  mal  (xvii.  L  0")  ». 

3.  Lectiu'e  fournie  |)ar  la  N  yâkhyn.         TilK-lain  :  chos  letl. 

4.  Tihétaii!  :  ttrrhtxj  rmi. 

5.  'lilii  tain  :  'jniï  ga  len.  —  Les  transcriptions  chinoises  donnent  GaiIjilH  ;  voir 
les  suicide.s  manques  de  Gangika,  Avadânasataka.  08, 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  11  a-b.  221 

vous  dire,  en  présence  de  ce  texte,  que  l'existence  de  tous  les  êtres 

•  *  — 

du  Rajiadhalu  et  de  l'Arnpyadhâtu  est  à  l'abri  de  toute  destruction, 
par  soi  ou  par  autrui  ? 

L'Ecole  (Vibhasâ,  151,  12)  explique  [11b]:  Les  êtres  du  Rûpadhâtu 
et  d«iCtè*t)is  premiers  étages  de  l'Àrripyadhatu  peuvent  détruire  leur 
existence  '  par  soi  ',  c'est-à-dire  par  le  chemin  de  leur  propre  terre, 
'  par  autrui  ',  c'est-à-dire  par  le  chemin  appartenant  au  vestibule 
(sâmantaka)  de  l'étage  supérieur  1  vi.  48,  viii.  22).  Mais,  dans  le 
dernier  étage  de  l'Àrûpyadhatu,  font  défaut  à  la  fois  et  un  chemin 
appartenant  à  cet  étage  et  aussi  le  chemin  d'un  étage  supérieur  : 
donc  l'existence  des  êtres  qui  y  résident  ne  peut  être  modifiée  ni  par 
soi,  ni  par  autrui. 

La  réponse  nous  parait  faible  ;  en  effet,  on  peut,  dans  le  dernier 
étage  de  l'Àrûpyadhatu  pratiquer  le  chemin  appartenant  à  l'étage 
immédiatement  inférieur  {ûkihcanijâtjatana)  (viii.  20).  Il  faut 
donc  admettre  une  autre  explication  (Vibhasa.  ihkî.J.  —  Dans  sa 
réponse  à  Sariputra,  le  Bouddha,  en  nommant  les  êtres  du  Naiva- 
samjnanasanijnâyatana,  entend  désigner  tous  les  êtres  du  Rcipadliâtu 
et  de  l'Àrûpyadhatu,  car  en  nommant  la  fin  (pari/CDUa)  on  désigne 
(sampndtjaya)  le  commencement.  On  peut  démontrer  que  tel  est 
l'usage.  Tantôt  l'Ecriture  nomme  le  premier  terme  d'une  liste  dont 
elle  vise  l'ensemble,  par  exemple  :  «  La  première  sukliopapattl  (iii.  72), 
à  savoir  (tadijathâ)  les  dieux  Brahmakâyikas  ».  Il  faut  entendre  : 
«  les  Brahmakâyikas,  les  Brahmapurohitas,  les  Mahabrahmas  ». 
Tantôt  l'Écriture  nomme  le  dernier  terme  :  «  La  deuxième  siikliopa- 
patii,  à  savoir  les  dieux  Abluisvaras  ».  Il  faut  comprendre  :  «  les 
ParTttabhas,  les  Apramanabhas  et  les  Âbhasvaras  ». 

Mais  on  peut  contester  cette  explication.  Dans  les  deux  textes  ci- 
dessus  figure  l'expression  tadijathâ  qui  introduit  un  exemple.  Il  faut 
traduire,  non  pas  :  •  à  savoir  ',  mais  :  '  par  exemple  '.  C'est  la  règle, 
en  ce  qui  regarde  les  exemples,  qu'en  nommant  un  cas  on  désigne 
tous  les  cas  semblables.  Et  nous  admettons  que,  dans  les  deux  textes 
sur  les  siikhopapattis,  l'Ecriture  désigne  tous  les  termes  de  la  liste 
en  nommant  le  premier  ou  le  dernier.  Mais  la  réponse  de  Bhavagat 
à  Sariputra  ne  contient  pas  l'expression  tadyathâ. 


222  CHAPITRE    II,  45. 

Cette  expression,  dirons-nous,  n'introduit  pas  un  exemple,  car 
nous  la  rencontrons  dans  des  Sûtras  qui  donnent  une  énumération 
(()nij)lète  :  «  Les  êtres  matériels,  divers  de  corps,  divers  de  notion,  à 
savoir  (tadyciihâ)  les  hommes  et  une  partie  des  dieux...  »  (iii.  6) 
[12  a].  Donc  l'expression  tcuhjdihâ  introduit  une  délinilion  [iipadar- 
sanârfJia).  Donc  Blmgavat,  dans  sa  réponse  à  Sâriputra,  désigne  le 
commencement  en  nonnnanl  la  lin,  c'est-à-dire  entend  parler  des  deux 
sphères  supérieures  dans  leur  totalité  '. 

Quels  sont  les  caractères  (laksana)  du  dharma  conditionné  (sams- 
krtasya)  ? 

45  c-d.  Les  caractères  sont  la  naissance,  la  vieillesse,  la  durée, 
l'impermanence  ^. 

Ces  quatre  dharmas,  naissance  (jâff),  vieillesse  (jarâ),  durée 
(stiufl),  impermanence  (aniti/atâ),  sont  les  caractères  des  condition- 
nés. Le  dharma  dans  lequel  se  trouvent  ces  caractères  est  conditionné 
(saniskfia)  ;  celui  dans  le([uel  ils  ne  se  trouvent  pas  est  inconditionné 
(asamshria)  \ 

La  naissance  est  ce  qui  produit  ou  fait  naître  (ntpâdayaH)  les 
conditionnés  :  la  durée,  ce  qui  les  stabilise  ou  les  fait  durer  (sthâ- 
payati)  ;  la  vieillesse,  ce  ([iii  les  détériore  ;  riuq)ermauence,  ce  qui 
les  détruit. 


1.  Le  l'ail  ijiif  l'expression  tadyafliâ  manque  dans  la  réponse  de  Bhagavat  ne 
prouve  pus  que  celle  réponse  doive  être  eiiliudne  à  la  lettre. 

2.  [laksanâui  ...  jâtir  jarci  .stliitir  aiiilii<itd\  ' 

La  version  tiln'-laine  :  lal.sduâny  eva  (iiitslian  ùid  <la(j  ni  ...), 
Paraiiiârllia  :  '   V.n  outre,  il  y  a  les  luhsaitus  du  saifiskrta  ...  ». 
Hiuan-tsang  :  «  Les  lak.^anas,  à  savoir  naissance,  durée,  changement,  destruc- 
tion du  satnskrta  ». 

Vibliâsâ,  :iS.  I:î;  Aliliidlianualinlaya  (Xanjio,  1288),  ii.  10. 
Lue  deliuilidu  provisoire  du  sfUii.skrlii  a  t'té  dounée  i.  7  a-b. 

3.  vijxnijdifnil  (i.'<(iniskrf<t  iti  tjiiindfiïiii  )ta  bhavanii  so  'samskrta  iti.  — 
Mais  ne  peut-on  pas  dire  que  la  durée  esl  lui  caraclère  de  l'incondilionné  ?  Non. 
Par  earaclères  ou  eulend  des  choses  en  soi  (dravyânlararûpa)  dislincles  du 
illiftnna  caraclérisé.  qui  fciui  uaiire.  durer,  dépérir  et  périr  ce  lUidimci.  L'incon- 
diliniiné  dure  luais  ne  possède  pas  le  caraclère  '  durée  ',  voir  ci-dessous  p.  224  1.  5. 


Hinan-tscuKj,  v,  fol.  Il  1)-12  b.  223 

Le  Sfitra  n'enseigiie-t-il  pas  l'existence  de  trois  '  caractères  condi- 
tioniKÎ^  '  (sanislirfalaJi'Sana)  du  conditionné  ?  Le  Sûtra  dit  en  effet  : 
«  Du  co^iditionné,  il  y  a,  ô  Bliiksus,  trois  caractères  qui  sont  eux- 
mêmes'conditionnés.  Quels  sont  ces  trois  ?  Du  conditionné  la  produc- 
tion^f^yu^'igiiie  (utpâda)  est  objet  de  connaissance  ;  est  objet  de 
connaissance  sa  disparition  (ri/aija)  et  aussi  sa  durée-modification 
(sthityanyailiCdva).  »  ' 

Le  Vaibhâsika.  —  Le  Sûtra  devrait  nommer  quatre  caractères.  Le 
caractère  qu'il  omet  est  le  caractère  de  durée,  sthïti.  A  vrai  dire,  il 
emploie  le  mot  stliiti  dans  le  composé  sthityaiiijathâtva,  '  durée- 
moditication  '  :  mais  sthitycDiijatlicitva  est  une  expression  qui  signifie 
'  vieillesse  '.  De  même  que  le  Sûtra  dit  '  production  '  (utpâda)  au 
lieu  de  *  naissance  '  (jâfi),  '  disparition  '  (vyaya)  au  lieu  de  '  imper- 
manence '  fcnî/f^aYâ)  ;  de  même  il  dit  sf]iitij(i}i)jcdJicitva  au  lieu  de 
'  vieillesse  '  (jarCi). 

Si  le  Sûtra  ne  spécifie  que  trois  caractères,  c'est  parce  que,  en  vue 
d'exciter  le  dégoût  chez  les  fidèles  -,  il  signale  comme  caractères  du 
conditionné  les  dhannas  qui  font  voyager  le  conditionné  à  travers 
les  trois  époques  :  la  force  de  la  naissance  le  fait  passer  (samcâ- 
rayati)  du  futur  dans  le  présent  [12  b]  ;  la  vieillesse  (stlutyanya- 
thâtva)  et  l'impermanence  (vyaya)  le  font  passer  du  présent  dans  le 
passé,  car,  après  que  la  vieillesse  l'a  affaibli  (diwballkrtya),  l'imper- 
manence l'achève  (vighâtât).  L'Ecole  donne  une  comparaison  (Vibhâ- 
sâ,  39,  c)  :  Supj)Osons  un  homme  dans  une  forêt  obscure,  et  dont  trois 
ennemis  désirent  la  perte.  Le  premier  fait  sortir  cet  homme  de  la 

1.  C'est  le  Trilaksanasûlra  (voir  ci-dessous  p.  2:27  1.  11).  —  Samyuktâgaina, 
12,  21  ;  Aiigntlara,  i.  152  :  tin  'iviCini  bhikklutve  satiikliatassa  samhhatalak- 
khanâni  j  kataniâni  Uni  /  nppâdo  pannCiyati  vayo  pannâyati  thitassa 
annathattani  pannâyati.  —  La  rédaction  sanscrite  porte  :  stliityanyuthdtva 
(Madhyamakavrtti,  p.  140);  Katlmvaltliu.  trad.  p.  5.5  :  thitânam  aùnatliutta. 

Sur  Vanyathâhiulva ,  SaniyuHa,  ii.  274.  —  L'Abhidliainma  n'admet  que  trois 
caractères  :  certains  docteurs  omettent  même  la  stliiti  \  Kathâ\  atlliu,  traduction, 
note  p.  374). 

Les  quatre  laksanas  du  Vijnânavâda.  Bodhisattvabhûmi,  L  xvii.  §  15.  (Madhy- 
araakavrlti.  p.  540). 

2.  ûbhipvdyiko  hi  srdranirdeso  na  lâksanikah. 


224  CHAPITRE  II,  45  c-46  b. 

forêt  ;  le  second  l'afTaiblit  ;  le  troisième  détruit  son  principe  vital.  Tel 
est  le  rôle  des  trois  caractères  à  l'égard  du  conditionné  '.  —  La  durée 
(sthiti),  au  contraire,  soutient  le  conditionné  et  le  fait  durer  :  c'est 
pourquoi  le  Sûtra  ne  la  compte  pas  parmi  les  caractères.  En  outre, 
l'inconditionné  (asaniskrfa)  persiste  éternellement  dans  sa  nature 
propre  (svaJaksane  sUiiUhhâvn)  :  le  caractère  de  durée  n'est  pas  sans 
ressemblance  avec  cette  persistence  de  l'inconditionné.  Pour  éviter 
toute  confusion,  le  Sûtra  n'indique  pas  la  durée  comme  caractère  du 
conditionné. 

Les  Sautrântikas  pensent  que  le  Sûtra  nomme  la  durée  ;  il  la  nomme 
en  l'associant  à  la  vieillesse  :  sUiHymiyaUiâlva,  c'est-à-dire  '  sthiti 
et  atii/afliâtca  '.  Quel  avantage,  direz-vous,  à  faire  de  ces  deux  carac- 
tères un  seul  caractère  ?  —  C'est  à  la  durée  que  s'attachent  les  hom- 
mes :  pour  dégoûter  de  la  durée,  le  Sûtra  la  nomme  ensemble  (uhhi- 
samasya)  avec  la  vieillesse,  comme  une  prospérité  associée  à  une 
oreille  noire  ^ 

Conclusioii  :  il  y  a  quatre  caractères. 

La  naissance,  la  durée,  etc.  d'un  dharma  quelconcjue  sont  aussi 
des  conditiomiés.  Elles  doivent  donc  naître,  durer,  vieillir,  périr  ;  elles 
doivent  donc,  à  leur  tour,  posséder  quatre  caractères  :  naissance-de- 
la-naissance,  etc.,  ([ui  seront  les  caractères  secondaires  (anulaksana) 
du  dharnia  envisagé.  Ces  caractères  secondaires,  étant  des  condi- 
tionnés, auront  à  leur  tour  quatre  caractères.  Progressus  ad  infiuilum. 

Il  n'y  a  pas  progressus  ad  infiuilum.  [13  a] 

46  u-b.  Ils  ont  à  leur  t()ur  des  caractères  nommés  naissance-de- 
la-naissance,  durée-de-la-durée,  etc.  ;  le  caractère  primaire  agit  sur 
huit  dharmas,  le  caractère  secondaire,  sur  un  dharma  '• 

1.  Lu  iiH'iiic  Cfiiiipaiaisoii,  avec  uni'  airalitilalioii  dillV-reiitc  Attliasâliiiï,  GÔ;"). 

2.  ériyani  iva  kâhikanûsahitâm  ;  comparer  lîiiniouf,  Introduction,  p.  255. 
;!.  jâtijâtifâddiias  lesâm  te  'stadharmaikavrUai/ah  / 

l.a  llioorie  îles  hiksanas  et  des  ainddksanas  est  réfutée  par  Nfigarjuna, 
Maillivaiiiaka.  vii.  1  <l  suiv.  Voir  Madliyaiiiakavrtli,  p.  H8,  sur  la  théorie  des 
Sûiaiiiitlyas  qui  admettent  sept  luksanus  et  sept  anuluksanaii,  utpdUu,  utpCl- 
Uotpâda,  etc. 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  12  b-13  b.  225 

Quatre  caractères  primaires  (nifdalakscma),  décrits  ci-dessus. 

Quatre  carefctères  secondaires  (anulaksana),  naissance-de-la-nais- 
sancc,  durée-de-la-durée,  vieillesse-de-la-vieillesse,  impermanence- 
de-l'impermanence. 

To4jsJ<es  conditionnés  sont  des  conditionnés  en  raison  des  carac- 
tères primaires  ;  ceux-ci,  à  leur  tour,  sont  des  conditionnés  en  raison 
des  quatre  caractères  secondaires. 

Vous  dites  que  chacun  des  caractères  primaires  doit  avoir,  tout 
comme  le  dJiarma  qu'il  caractérise,  quatre  caractères,  et  ainsi  de 
suite  :  c'est  que  vous  ne  comprenez  pas  qu'elle  est  l'activité,  l'opéra- 
tion (vrtti  =  dharmakâritra  =  piiriisakâra,  iv.  58)  des  différents 
caractères. 

Lorsque  naît  un  dharma  —  que  nous  appellerons  le  dharma 
principal,  mûladharma,  une  pensée,  un  mental  (caitta)  —  neuf 
dJiarnias,  lui  compris,  naissent  ensemble  :  le  dharma  principal, 
quatre  caractères  primaires,  quatre  caractères  secondaires.  Le  premier 
caractère  primaire,  la  naissance  primaire  (jâti,  imdujâtl)  fait  naître 
le  dharma  principal,  plus  trois  caractères  primaires  (durée,  vieillesse 
et  impermanence),  plus  les  quatre  caractères  secondaires  :  en  tout 
huit  dharmas.  Il  ne  se  fait  pas  naître  lui-même  :  il  naît  par  le  carac- 
tère secondaire  naissance-de-la-naissance  (jatljâti).  [13  b]  —  De 
même  qu'une  poule  fait  naître  beaucoup  d'œufs  et  que  chaque  œuf 
ne  fait  naître  qu'une  poule  (Vibhâsâ,  39,  4)  ;  de  même  la  naissance 
primaire  (jâti,  mûlajcdi)  fait  naître  huit  dharmas,  tandis  que  la 
naissance-de-la-naissance  ne  fait  naître  qu'un  dharma,  à  savoir  la 
naissance  primaire. 

Il  en  va  de  même  des  autres  caractères  primaires  et  secondaires. 
La  durée-de-la-durée  fait  durer  la  durée  primaire,  laquelle  fait  durer  le 
dharma  principal,  trois  caractères  primaires  et  les  quatre  caractères 
secondaires  y  compris  la  durée-de-la-durée.  De  même  pour  la  vieillesse 
et  l'impermanence  primaires  qui  font  vieillir  et  périr  huit  dharmas, 
et  qui  vieillissent  et  périssent  elles-mêmes  par  le  caractère  secondaire 
qui  leur  correspond,  vieillesse-de-la-vieillesse,  impermanence-de-l'im- 
permanence  (jarâjarâ,  amtyutâuitijatâ). 

15 


y 


220  CHAPITRE  II,  46  a-b. 

Donc  les  caractères  ont  eux-mêmes  des  caractères  nommés  anu- 
laJi'sanas  ;  ceux-ci  sont  au  nombre  de  ([uatre  et  non  pas  de  seize  ; 
et  il  n'y  a  pas  progression  ù  l'infini. 

Le  Sautrûntika  dit  : 

i.  Tout  cela,  c'est  analyser  l'espace  !  '  La  naissance,  la  durée,  etc., 
ne  sont  pas  des  entités  (na  dravtjafah  samvidyante),  des  choses  en 
soi  et  à  part.  Nous  connaissons  les  choses  soit  par  évidence,  soit  par 
induction,  soit  par  le  témoignage  de  l'Ecriture  :  ces  trois  moyens  de 
connaissance  (pramâna)  manquent  en  ce  qui  concerne  les  caractères. 

Mais,  réplique  le  Sarvâslivûdin,  le  Sûtra  dit  :  «  Du  conditionné  la 
production  est  objet  de  connaissance  (utpado  'pi  prajnâyate...)  »  - 

Ignorant  !  tu  L'attaclies  aux  syllabes  et  erres  sur  le  sens.  Bhagavat 
a  dit  cependant  que  c'est  le  sens,  et  non  pas  la  lettre,  qui  est  le 
recours  '.  Quant  au  sens  de  ce  Sûtra,  il  est  manifeste. 

Aveuglés  par  l'ignorance,  les  sots  s'imaginent  que  la  série  (pra- 
handha)  des  phénomènes  conditionnés  (samskâras)  est  un  '  moi  ', 
appartient  à  un  '  moi  '  ;  et,  en  conséquence,  ils  s'attachent  à  cette 
série.  [14  a]  Bhagavat  veut  mettre  un  terme  à  cette  imagination 
erronée  et  à  l'attachement  qui  en  résulte  ;  il  veut  montrer  que  la  série 
(pravâha)  est  conditionnée  (samskrta),  c'est-à-dire  '  produite  par 
les  causes  successives  '  (pratîtyascumdpamia)  ;  et  il  enseigne  quelles 
sont  les  trois  marques  de  ce  qui  est  produit  par  les  causes  successi- 
ves :  «  Trois  samskrtalaksanas  du  samskrta  sont  objet  de  connais- 
sance ».  C'est  la  série  que  Bhagavat  entend  désigner  comme  étant 
conditionnée  ;  car,  de  toute  évidence,  il  n'attribue  pas  les  trois  maniues 
à  chacpie  moment  de  la  série,  puisiju'il  dit  que  ces  marques  sont 
ol)jel  de  connaissance  :  en  effet,  la  production  du  moment,  sa  vieil- 

1.  tad  etad  âkâscim  patyute  :  l'espace  est  un  jnir  in-aiil,  mie  pure  absence  de 
matière  susceptible  de  résistance.  On  ne  peut  l'analyser  (vipaiyate,  vibhidyate). 

2.  Voir  p.  2i'}  ii.  1. 

3.  catvdrlmdtii  bliiksavfih  itrrttisnrnnnui  '  kfttamâni  caivâri  /  dharmah 
prfttisfnyoKim  n<i  }nid(j<d(th  arthuh  ptatisiiranam  na  vydnjnnnm  !  nitâr- 
tli(isntiunf(im  prutisartinum  na  neydrihmn  /  jùânani  pratisaranutn  na 
viJHâiinm. 

Voir  les  sources  citées  Madhyaniakavrtti,  268,  r>98. 


Hiiian-tsarig,  y,  fol.  13  b-14  b.  227 

lesse,  sa  disparition,  ne  sont  pas  objet  de  connaissance  ;  ce  qui  n'est 
pas  o^et  de  connaissance  ne  peut  être  une  marque. 

Si  le  Sûtra  emploie  deux  fois  le  mot  samskrta  :  «  Il  y  a  trois  sams- 
k'rtalaksanas  du  samskrta  »,  c'est  pour  qu'on  sache  que  ces  trois 
maiî*|tiBs^he  sont  pas  des  indices  révélant  la  présence  du  samskHa 
(samskrtâstitve  laksanâni),  comme  les  hérons  indiquent  le  voisinage 
de  l'eau  ;  ni  non  plus  des  signes  qualitatifs  du  samskrta,  comme  les 
signes  des  jeunes  filles  permettent  de  dire  que  celles-ci  sont  bonnes 
ou  mauvaises  ;  non,  ces  marques,  se  trouvant  dans  une  chose,  mon- 
trent que  cette  chose  est  samskrta  (samskrtalaksanam  =^  samskr- 
tatve  laksanam).  [Nous  traduirons  donc  le  texte  canonique  :  «  Le 
conditionné  possède  trois  marques  visibles  qui  montrent  qu'il  est 
conditionné,  c'est-à-dire  produit  par  les  causes  successives.  Ces  mar- 
ques sont  la  naissance,  la  durée-modification,  l'impermanence  »]. 

ii.  D'après  nous,  ce  qu'il  faut  entendre  par  production  ou  naissance 
(ntpâda,  jâ'ij,  c'est  le  fait  que  la  série  commence  (pravâhasya 
âdili)  :  la  disparition  ou  impermanence  (vyaija,  anityatâ),  c  est  la. 
fin  ou  cessation  (nivrttl,  nparatl)  de  la  série  ;  la  durée  (stliiti),  c'est 
la  série  continuant  (anuvartamâna)  du  commencement  jusqu'à  la 
fin  ;  l'évolution  (stliityaaijathâiva)  ou  vieillesse  (jarâ),  c'est  la  modi- 
fication de  la  série  continuée,  la  différence  entre  ses  états  successifs. 
—  C'est  en  se  plaçant  à  ce  point  de  vue  —  c'est-à-dire  en  considé- 
rant la  naissance,  la  destruction,  etc.,  comme  étant  la  série  elle-même, 
la  série  commençant,  finissant,  se  prolongeant,  se  modifiant  (pravâ- 
harûpa)  —  que  Bhagavat  disait  à  Sundarananda  perpétuellement 
attentif  à  ses  états  d'âme  (iiityam  upasthitasmrii)  :  «  Bien,  hom- 
me !  tu  connais  tes  sensations  naissant,  durant,  prenant  fin  et  dispa- 
raissant ».  ' 

1.  Samyukta,  11. 14.  -  pravâhagatâ  lii  vedanâs  tasya  viditâ  evotpadyante  / 
viditâ  avatistJiante  /  viditâ  astam pariksayam  paryâdclnam  gacclianti  j  na 
Tcsanagatcih  ksfinasya  du ravadhâratvât  (Vyâkhyâ). 

Tibétain  :  Le  kulaputra  XanJa  i,Cotnp.  Anguttara,  iv.  16G). 

Comparer  Samyutta,  v.  180  ;  Majjhima,  iii.  25  (où  Bhagavat  dit  de  Sâriputra  ce 
qu'il  dit  ici  de  Nanda)  : 

dhammâ  viditâ  xippajjanti  viditâ  upatthahanti  viditâ  abbhattham 
gacclianti. 


228  CHAPITRE  II,  46  a-b. 

Nous  dirons  donc  '  : 

«  La  naissance  est  le  commencement  de  la  série  ;  la  disparition  en 
est  la  rupture  ;  la  durée  est  la  série  même  ;  l'évolution  est  la  différence 
entre  ses  états  successifs.  » 

Et  encore  : 

«  La  production,  c'est  existence  consécutive  à  non-existence  ;  la 
durée,  c'est  la  série  ;  l'impermanence,  la  rupture  de  la  série  ;  l'évolu- 
tion est  censée  être  la  différence  entre  les  états  successifs  de  la  série.  » 

«  Direz-vous  que,  le  dharma  étant  momentané,  le  dliarma  périrait 
[inunédiatementl  si  la  durée  manquait?  Mais  [,  si  \e  dharma  est 
momentané,]  il  périt  spontanément  :  c'est  en  vain  que  vous  attribuez 
kl  dnrée  au  dharma  momentané  -.  » 

1.  Iulir  smras  pa  rgyun  gyi  daii  po  skye  ba  ni  /  /  chad  pa  hjig  pa  gnas  pa  ste  /  / 
de  nid  sna  phyilii  bye  brag  ni  /  /  gnas  pa  gzhan  du  hgyur  ba  nid  /  /  yan  bdir  smras 
pa  snon  nied  las  bynii  skye  ba  ste  /  /  rgyun  gnas  de  cbad  hjig  pa  yin  /  /  rgyun 
gyi  sna  phyihi  bye  brag  ni  /  /  gnas  pa  ghzan  du  l.igyur  bar  bdud  /  /  skad  cig  iiiabi 
fhos  la  ni  /  /  gnas  pa  med  na  bjig  par  hgyur  /  /  de  yaiï  hjig  hgyur  de  yi  phyir  /  / 
de  yi  der  rtag  don  med  do  / 

jâtir  âdih pravâhasya  [ucchedo  vyayah]  sthitis  tu  sah  / 
\sthiiyanyathcUi'nm\  tasyaiva  \pûrvâparavisisfatâ]  Il 
abhûtrà  bhâva  utpâdnh  pi((bnH(lliali  sfhifir  anityatâ  / 
taducchedo  \j(irâ  tasya purvdparavii^istatâ]  jl 
ksanikasya  hi  dliarmasya  \sthitim  viiiâ  bliaved  vyayah]  / 
sa  ca  vyeti  [svayam]  tasmâd  vrthâ  tatparikalpanâ  II 

Majjhima,  iii.25  contient  la  Ibrnnde  evam  kila  me  dhanunâ  ahîitvâ  sombhonti 
qui  devini  la  thèse  des  Sautrântikas  abliûtvâ  bhâva  nfpâdalt  (p.  229,  1.  18), 
qu'on  lit  Milinda,  p.  .'')1,  ahntvâ  sambhoti,  el  ipii  est  contreilite  par  les  SarvâsU- 
vâdins  et  par  Milinda.  p.  5:2  :  nuttlii  keci  samkhâfâ  yc  abhavunUi  jâyanti.  — 
Nâgasena  est  Vibhajyavâdin,  p.  'A). 

2.  Si  on  dit  :  «  C'est  en  raison  de  la  diiiée  (sth if isadbhâvât)  que  le  dharma, 
une  fois  m-,  ne  périt  pas  pnur  un  nioiiicnt  :  Caute  de  «lurée,  ce  moment  même 
n'existerait  pas,  »  —  non,  car  !<•  iiioinent  existe  en  raison  des  causes  qui  le 
produisent. 

Si  on  dit  :  «  La  din-ée  accueille,  emhranséfupagrhnâti)  le  dharma  engendré 
par  les  causes  »,  nous  demandons  :  -  Si  la  ibuV-e  n'acconq)lissait  pas  cet  office, 
(ju'arriverait-il  ?  »  —  «  Le  dharma  n'existerait  pas  (âtmasattâ  dharmasya  na 
bli(tvet)  ».  —  «  Dites  donc  alors  que  la  durée  engendre,  non  pas  (pi'elle  fait  durer  >. 

Si  on  dit  :  «  La  durée  fait  se  continuer  (avustliâpayati)  la  série  *>,  il  faut 
réserver  le  nom  de  durée  aux  causes. 


Hiiiari-tsang,  v,  fol.  14  1)-15  a.  229 

Par  cbnsécnient  c'est  la  série  (pravciJia)  que  le  Sotra  envisage 
lorsqjLwl  parle  de  durée,*  et  la  définition  de  l'Abbidliarnia  (Prakara- 
napada,  14  b  7)  se  trouve  justifiée  [15  a]  :  «  Qu'est-ce  que  la  durée  ? 
Les  scimskâras  nés  et  non  détruits  ».  —  La  nature  du  '  moment  ' 
(kscMJl^b^armaiâ)  ne  peut  être  '  d'être  né  et  de  ne  pas  être  détruit  '. 

Le  Jnânaprasthâna  (2,  i3)  dit  cependant  :  «  Relativement  à  une 
pensée  (ekasmin  citte),  qu'est-ce  que  la  production  ?  C'est  la  nais- 
sance (jâti).  —  Qu'est-ce  que  la  disparition  (vi/aija)  ?  C'est  la  mort 
(marann), —  Qu'est-ce  que  l'évolution  (sthlfijanijafhâtva)'?  C'est  la 
vieillesse  (jarâ)  ». 

Mais  ce  passage  du  Sâstra  vise,  non  pas  un  moment  de  pensée, 
mais  la  pensée  d'une  existence  bomogène  (uikâyasabhàgaciita). 
[Dans  une  existence  bomogène  (ii.  41)  les  pensées  sont  multiples,  mais 
cette  multiplicité  peut  être  désignée  comme  étant  une  pensée]. 

iii.  Cependant,  à  la  condition  de  ne  pas  considérer  les  caractères 
comme  des  cboses  en  soi,  on  peut  dire  que  chaque  moment  (ksana) 
pris  à  part  possède  les  quatre  caractères. 

En  effet,  (1)  chaque  moment  existe  après  avoir  été  inexistant 
(ahhiltvà  bhâvah)  :  son  existence,  consécutive  à  sa  non-existence,  est 
sa  naissance  ;  (2)  après  avoir  existé,  il  n'existe  plus  (bhûtvâ  abhd- 
vah)  :  c'est  sa  disparition  (vijaija)  ;  (3)  la  durée  du  moment,  c'est 
l'enchaînement  ou  le  procès  des  moments  successifs  (uttarottaraksa- 
nâïiubandlia)  :  en  effet,  le  moment  postérieur  ressemble  au  moment 
antérieur,  il  est  donc  son  substitut  (pratiniclhibhfda)  :  le  moment 
antérieur  existe  encore,  dure  encore  pour  ainsi  dire  (avatisthata  iva). 
Donc  le  moment  postérieur  peut  être  considéré  comme  la  durée  du 
moment  antérieur  ;  (4)  la  dissimilitude  (visadrsatva)  de  la  durée  ainsi 
comprise,  c'est  sa  transformation  (sthitijanyathcitva). 

Direz-vous  que,  lorsque  les  moments  successifs  sont  semblables 
(sadrm),  il  n'y  a  pas  dissimilitude?  —  11  y  a  dissimilitude,  comme 
cela  résulte  de  la  différence  dans  le  temps  de  chute,  tardive  ou  plus 
rapide,  d'un  vajra  qui  est  projeté  ou  non  projeté,  qui  est  projeté  avec 
force  ou  sans  force  '  :  différence  due  à  la  transformation,  différente 

1.  ksiptâksiptabalichirbalaksiptasya  vajrâûeé  cirâétttarapâfakâlabhedât. 


230  CHAPITRE  II,  46  a-b. 

dans  chaque  cas,  des  ^mndfi  élémenis  (mahâhhfitaparinâmavisesa) 
du  vajra.  —  Lorsque  les  dharmas  se  succèdent  en  série  homogène, 
la  différence  est  petite  ;  c'est  pounjuoi,  bien  qu'ils  diffèrent,  on  les 
considère  comme  semblables  [  15  b  |. 

Le  Sarvastivâdin  objecte.  —  Votre  définition  (vi/avasthâ)  des 
caractères  ne  vaut  pas  pour  tous  les  dharmas  conditionnés.  En  effet, 
votre  définition  de  la  durée  suppose  un  moment  subséquent  :  ce 
moment  fait  défaut  pour  l'ultime  moment  d'un  son  ou  d'une  flamme, 
pour  rultime  moment  de  la  pensée  d'un  Arhat.  Donc  l'ultime  moment 
du  son,  de  la  flamme,  de  l'Arhat,  n'a  ni  durée,  ni  transformation. 

Nous  n'attribuons  pas  la  durée  à  tous  les  dharmas  conditionnés  ! 
Nous  disons  que  toute  durée  est  sujette  à  transformation.  Bbagavat 
enseigne  trois  caractères,  parce  que,  dans  certains  cas  (samhhavam 
praii),  il  y  a  trois  caractères.  Mais,  de  l'ultime  moment  de  la  flamme, 
il  y  a  seulement  production  et  disparition,  non  pas  durée,  non  pas 
transformation. 

En  résumé  :  les  dharmas  conditionnés,  après  ne  pas  avoir  existé, 
existent  ;  après  avoir  existé,  n'existent  plus  ;  la  série  de  ces  dharmas 
c'est  leur  durée  ;  la  dissimilitude  de  la  série,  c'est  leur  transformation. 
Tel  est  l'enseignement  que  donne  Bbagavat  dans  le  Sûtra  des  trois 
caractères.  On  n'a  que  faire  des  choses  en  soi,  naissance,  etc. 

iv.  Le  Vaibhâsika  objecte.  —  D'après  vous,  la  naissance,  c'est  le 
dharma  même  en  tant  qu'il  existe  après  avoir  été  inexistant.  Le 
dharma,  qui  est  le  '  caractérisé  '  (laksya),  sera  donc  aussi  le  carac- 
tère (laksana). 

Quel  mal  ?  Les  marques  (laksana)  du  Mahâpurusa  ne  sont  pas 
différentes  ou  distinctes  du  Mahrqturusa.  Les  cornes,  la  bosse,  le 
fanon,  le  sabot,  la  queue  du  zèbre,  qui  sont  ses  uianpies,  ne  diffèrent 
pas  du  zèbre.  Les  grands  éléments  (mahâhhfda)  n'existent  pas  à  part 
de  leur  caractère  propre,  solidité  (kâfhiiii/a),  etc.  (i.  12  d).  —  De 
même,  poui'  1»'  Vaibliâsika,  (jui  affirme  lu  '  momentanéité  '  des 
dharmas  (ksanlkavâdinj,  l'ascension  de  la  fumée  n'est  autre  chose 
que  la  fumée  même  '. 

1.   I.a  fumée  est  niomentanée  ;  lorsqu'elle  se  '  reproduit  '  duns  un  lieu  plus  élevé 


Hiuan-tscuig,  v,  fol.  15  a- 16  a.  231 

»  

Reg^rdons-y  de  plus  près.  Encore  que  je  saisisse  (grah)  la  nature 
propr^fsya6/muay  des  visibles,  etc.  qui  sont  conditionnés,  aussi  long- 
temps que  je  ne  connais  pas  le  fait  qu'ils  n'existent  pas  antérieure- 
ment, qu'ils  n'existent  pas  postérieurement,  que  leur  série  va  se 
tranîfl^rflîant,  aussi  longtemps  je  ne  connais  pas  leur  qualité  d'être 
conditionnés.  Par  conséquent,  la  qualité  de  conditionné  n'a  pas  pour 
marque  la  qualité  de  conditionné,  mais  bien  l'inexistence  antérieure, 
etc.  '  Et  il  n'existe  pas  de  caractères,  choses  en  soi,  distinctes  des 
visibles  et  autres  conditionnés. 

V.  Si  nous  admettons  la  réalité  des  caractères,  comme  ils  sont  don- 
nés comme  simultanés  (sahahliûta),  nous  devrons  admettre  qu'un 
dhurma  naît,  dure,  vieillit  et  périt  en  même  temps. 

Vainement  le  Sarvâstivâdin  prétendra  que  les  caractères  n'exercent 
pas  leur  activité  en  même  temps  (kâritrakâlablieda)  :  que  la  nais- 
sance engendre  avant  d'être  née  elle-même,  étant  encore  à  l'état 
futur,  et  qu'une  fois  née  elle  n'engendre  plus  ;  que  la  durée,  la  vieil- 
lesse et  rimpermanence  exercent  leur  activité  lorsqu'elles  sont  actuel- 
les et  non  pas  à  l'état  futur  ;  que,  par  conséquent,  les  trois  derniers 
caractères  étant  actifs  à  un  moment  où  le  premier  n'est  plus  actif, 
les  quatre  caractères  peuvent  être  simultanés  sans    contradiction. 

Considérons  d'abord  la  naissance  qui,  étant  future,  engendre.  Il 
faudra  examiner  si  un  dharma  futur  existe  réellement  (dravyatas) 
(vi.  25)  ;  si  un  dJiarma  futur,  à  supposer  qu'il  existe,  peut  être  actif. 
—  Si  la  naissance,  future,  produit  son  opération  d'engendrer,  com- 
ment peut-on  dire  qu'elle  soit  future  ?  En  effet,  d'après  le  Vaibhasika, 

que  celui  qu'elle  occupe  d'abord,  les  hommes  disent  qu'elle  monte  (ûrdhvayama- 
nâkhyâm  labliate)  et  conçoivent  l'ascension  (ûrclhvagamanatvam)  comme 
distincte  de  la  fumée  (voir  iv.  2  b). 

i.  naca  samshrtânâm  rûpâdlnâm  tâvat samsTcrtatvam  laksyate grluiatâpi 
svahliâvam  yâvat pràgabhâvo  na  jùâyate  pascâc  ca  samtates  ca  vtëesa  (iti) 
na  tenaiva  samsJirtatvena  samsltrtatvam  laksyate. 

Si,  saisissant  la  nature  propre  du  visible,  je  le  saisissais  comme  étant  condi- 
tionné (santskrtam  iti)  avant  de  connaître  son  inexistence  antérieure,  on  pourrait 
dire  cpie  le  conditionné  est  la  marque  du  conditionné,  que  le  conditionné  est 
caractérisé  par  le  conditionné  (tenaiva  tal  laksitam  syât).  Mais  tel  n'est  pas 
le  cas. 


232  CHAPITRE  II,  46  a-b. 

If^  dharma  futur  est  celui  qui  n'exerce  pas  son  activité  (apràptakâ- 
ritram  hy  mulgatam  iti  siddhântah).  Vous  aurez  à  définir  le  futur. 
D'autre  part,  lorstpie  le  dharma  est  né,  a  été  engendré,  l'opération 
de  la  naissance  est  passée,  comment  pouvez-vous  dire  que  la  nais- 
sance soit  alors  actuelle  ?  Vous  aurez  à  définir  le  présent. 

Et  pour  les  autres  caractères,  de  deux  choses  l'une,  ou  bien  leur 
activité  s'exerce  simullanément,  ou  bien  leur  activité  s'exerce  en 
succession.  Dans  la  première  hypothèse  [16  b],  tandis  que  la  durée 
fait  durer  un  dharma,  la  vieillesse  le  fait  vieillir  et  l'impermanence  le 
détruit  :  le  dharma  dure,  vieillit  et  périt  en  même  temps.  Quant  à  la 
seconde  hypothèse,  admettre  que  l'activité  des  caractères  n'est  pas 
simultanée,  c'est  admettre  trois  moments,  c'est  renoncer  à  la  doctrine 
de  la  momentanéité  '. 

Le  Vaibhasika  répond  :  Pour  nous,  le  ksana  ou  moment,  c'est  le 
temps  durant  lequel  les  caractères  ont  achevé  leur  opération  (kârya- 
parisamâptllaksana  esa  nah  ksanah)  '. 

Dans  cette  hypothèse,  expliquez  donc  pourquoi  la  durée,  naissant 
en  même  temps  que  la  vieillesse  et  l'impermanence,  accomplit  son 
opération  de  '  faire  durer  ce  qui  doit  durer  '  (sihâpyam  sthâpayatl) 
avant  que  la  vieillesse  et  l'impermanence  accomplissent  leur  opéra- 
tion de  faire  vieillir  et  de  détruire?  —  Si  vous  répondez  (pie  la  durée, 
plus  forte,  accomplit  la  première  son  opération,  nous  demanderons 
connnent  la  durée  s'afï'ail)lit  jdus  tard  de  telle  sorte  que,  rencontrant 
la  vieillesse  et  rinqiermanence,  elle  vieillit  et  périt,  non  pas  seule, 
mais  avec  elle  le  dharma  qu'elle  doit  faire  durer? 

Vous  direz  peut-être  que  la  durée,  ayant  achevé  sa  tâche  (krta- 
ktiya),  ne  peut  pas  la  remplir  à  nouveau,  de  même  que  la  naissance, 
ayant  engendré,  n'engendre  plus  ?  —  La  comparaison  n'est  pas  légi- 
time. L'opération  (pnrnsakâra)  de  la  naissance  consiste  à  attirer  du 
futur  et  à  faire  entrer  dans  le  présentée  dharma  qu'elle  doit  engen- 

1.  Le  Vaildiâsika  est  '  [tartisan  de  l;i  iiHniieiitanéilé  '  (ksaniknvâdin)  :  le 
dharma  ne  dure  rpi'iin  moment  el  jk-iII  dr  lui-iiiônie.  Voir  iv.  2b;  Wassilief, 
|).  •i27^.  —  Mais  (|iH'  faut-il  entendre  par  ksana  y  Là  est  !a  dinicidlé. 

2.  D'autres  délinitions,  iii.  86  a. 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  16  a-17  a.  233 

drer  :  une  fois.qiie  le  dharma  est  entré  dans  le  présent,  la  naissance 
est  incapable  de  l'y  faire  entrer  à  nouveau.  Mais  l'opération  de  la 
durée  est  de  faire  durer  (sthâpayati)  le  dharma  '  qui  doit  être  fait 
durer  '  (sthâpya),  d'empêcher  le  dharma  qu'elle  fait  durer  de  vieillir 
et  d^'p^r.  Ce  qui  dure,  la  durée  est  capable  de  le  faire  durer  indéfi- 
niment. Par  conséquent,  la  durée  est  capable  de  répéter  son  opération. 

En  raison  de  quel  obstacle  ou  de  quelles  forces  adverses  (prati- 
handlia)  l'activité  de  la  durée  cessera-t-elle  une  fois  qu'elle  a  com- 
mencé ?[J  7  a]  Ces  forces  seraient-elles  la  vieillesse  et  l'imperma- 
nence,  la  vieillesse  affaiblissant  la  durée  que  l'impermanence  tue 
ensuite  ?  Dans  cette  hypothèse,  la  vieillesse  et  l'impermanence  sont 
plus  fortes  que  la  durée,  il  convient  donc  qu'elles  exercent  d'abord 
leur  activité.  —  En  outre,  d'après  votre  conception  de  la  durée  et  de 
son  rôle,  c'est  par  l'activité  de  la  durée  que  durent,  non  seulement  le 
dharma  principal,  mais  encore  la  vieillesse  et  l'impermanence.  Donc, 
quand  l'activité  de  la  durée  prend  fin,  le  dharma  principal,  la  vieil- 
lesse et  l'impermanence  arrêtent  de  durer.  On  demande  comment,  et 
à  l'égard  de  quel  objet,  la  vieillesse  et  l'impermanence  exerceront 
leur  activité  de  faire  vieillir  et  de  faire  périr. 

Nous  ne  voyons  vraiment  pas  ce  que  la  vieillesse  et  l'imperma- 
nence ont  à  faire.  C'est  par  la  durée  qu'un  dharma,  une  fois  né,  ne 
périt  pas  pour  un  certain  temps,  ne  périt  pas  aussitôt  né  (idpanna- 
mâtra).  Si  la  durée,  sa  tâche  accomplie,  néglige  le  dharma,  bien  cer- 
tainement il  ne  durera  plus  ;  c'est-à-dire,  il  périt  de  lui-même. 

Nous  entendons  bien  la  durée  et  l'impermanence  du  dharma  : 
«  Un  dharma,  après  être  né,  ne  périt  pas  »,  «  un  dharma,  après 
avoir  duré,  périt  ».  —  Mais  comment  attribuer  à  un  dharma  la 
vieillesse  ?  La  vieillesse,  c'est  la  transformation,  la  dissimilitude 
entre  deux  états.  Or,  peut-on  dire  d'un  dharma  qu'il  devient  différent 
de  lui-même  ? 

«  S'il  reste  celui-ci,  il  n'est  pas  celui-là  ;  s'il  est  transformé,  il  n'est 
plus  celui-ci.  Donc  la  transformation  d'un  dharma  est  impossible  ».' 

1.  yadi  sa  eva  nâsâv  athânyathâ  na  sa  eva  [ht  / 

tasmâd  ekasya  dharmasya  nânyathcitvam prasidhyati  /  ] 


234  CHAPITRE  II,  46. 

D'après  une  autre  Ecole  ',  c'est  avec  le  concours  de  causes  extérieu- 
res de  destruction,  le  feu,  le  marteau,  etc.,  que  le  caractère  d'imper- 
manence  l'ail  j)érir  certains  dharmas,  le  bois,  la  cruche  [17  b].  — 
Théorie  absurde  !  De  même  un  malade,  après  avoir  jiris  le  remède, 
supplie  les  dieux  de  le  rendre  efficace  !  Dans  la  logique  de  ce  systè- 
me, ce  sont  les  causes  extérieures  de  destruction  qui  détruisent,  et  le 
caractère  d'inq)ermanence  ne  sert  à  rien. 

La  même  école  admet  <iue  la  pensée  et  les  mentaux,  le  son  et  la 
flamme,  périssent  immédiatement  (ksananirodha),  sans  que  des 
causes  étrangères  interviennent,  par  la  vertu  du  caractère  d'im per- 
manence. L'impermanence  et  la  durée  accomplissent  en  même  temps 
leur  opération  :  un  dharma,  en  même  temps,  dure  et  périt.  C'est 
inadmissible. 

Nous  concluons  :  c'est  par  rapport  à  la  série  que  Bhagavat  enseigne 
les  caractères  du  conditionné.  Ainsi  compris,  le  Sûtra  ne  prête  pas  à 
la  critique  -  :  «  Il  y  a  trois  caractères  qui  montrent  que  le  conditionné 
est  conditionné,  c'est-à-dire  produit  par  les  causes  successives...  »  ' 

Si  la  naissance,  à  l'état  futur,  engendre  le  dharma  qu'elle  doit 
engendrer,  pourquoi  tous  les  dharmas  futurs  ne  naissent-ils  pas  en 
même  temps  ?  ' 

46  c-d.  La  naissance  engendre  le  dharma  ((u'elle  doit  engendrer, 
mais  non  pas  sans  le  concours  des  causes  et  des  conditions  '. 

Indépendannneut  du  concours  (sâmagrija)  des  causes  et  des  con- 
ditions la  naissance  isolée  n'a  pas  la  force  (sâmarlhya)  d'engendrer 
lo  dharma  ([u'elle  doit  engendrer.  Par  conséquent  tous  les  dharmas 
futurs  ne  naissent  pas  en  même  temps. 

1.  Lf's  Saniiiiitïyas  (voir  iv.  2  c). 

2.  evam  état  sfdram  sunliam  ....  /" 

3.  Nous  êliHlierniis  tliins  riiilrorliu'tion  Irs  diver.sp.s  lln'îfirie.s  relatives  à  Tiuiper- 
maiiem-e  (anityatva)  et  à  la  nioiiiciilanr-ilê  (Jfsnnikatva). 

4.  Voir  ci-de.ssu.s  p.  231.  Tout  (lUarmn  (•(nnlilioimé  est  engendré  par  son  carac- 
tère '  naissance  '.  I,a  '  naissance  "  nail  en  niènie  temps  que  le  dharma  qu'elle 
engendre  ;  elle  l'engendre  avant  t\i-  naître  elle-même,  étant  '  future  '. 

ïi.  jafiyasya  jdtidkâ  jfiiir  un  lietHprdfiifnjair  vhiâ  / 

Les  causes  (hetuj  e.t  les  conditions  (pratij(tya)  sont  définies  ii.  49,  61  c. 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  17  a-18  a.  235 

1.  Objection«des  SautjTintikas.  —  S'il  en  est  ainsi,  je  crois  bien  que 
ce  sont  les  causes  qui  engendrent,  et  non  pas  la  naissance  —  ce 
caractèce  qui  accompagne  le  dharma  depuis  l'origine  des  temps  et 
qui  fait  naître  le  dharma  lorsque,  enfin,  les  causes  de  ce  dharma  se 
rencontrent  !  Quand  les  causes  sont  complètes,  le  dharma  naît  ; 
quand  elles  ne  sont  pas  complètes,  il  ne  naît  pas  :  quelle  efficace 
attribuerons-nous  à  la  naissance  ?  [18  a]  ' 

2.  Réplique  du  Sarvâstivâdin.  —  Prétendez-vous  connaître  tous 
les  dharmas  qui  existent  ?  La  nature  des  dharmas  est  subtile  '  ! 
Encore  qu'on  les  voie,  on  ne  connaît  pas  leur  nature. 

D'ailleurs,  à  défaut  du  caractère  '  naissance  ',  l'idée  de  '  né  '  (jâta- 
buddhi  ^jâta  itij manquera.^.  Et  si  la  naissance  n'est  pas  autre  chose 
que  le  dharma  lui-même  existant  après  avoir  été  inexistant,  le  géni- 
tif •  naissance  de  la  couleur  ',  *  naissance  de  la  sensation  ',  ne  sera 
pas  justifié  ;  car  cela  reviendrait  à  dire  :  '  couleur  de  la  couleur  ', 
'  sensation  de  la  sensation  '.  —  De  même  pour  la  durée,  la  vieillesse, 
la  disparition. 

3.  Réplique  du  Sautrântika.  —  Cette  théorie  vous  mènera  très 
loin  :  pour  justifier  l'idée  de  vide  (siinya),  l'idée  d'impersonnel,  vous 
admettrez  l'existence  d'une  entité  '  vide  ',  l'existence  d'une  entité 
'  non-moi  '.  Et  encore,  pour  justifier  les  idées  :  un,  deux,  grand,  petit, 

1.  La  Vyâkhyâ  cite  la  réponse  que  fait  à  cette  objection  le  Bliadanta  Ananta- 
varman  :  «  L'œil  ne  produit  pas  la  connaissance  visuelle  sans  le  concours  de  la 
clarté,  etc.;  il  n'en  est  pas  moins  cause  de  la  connaissance  visuelle  ».  —  Réponse  : 
«  Nous  constatons  que  l'aveugle  ne  voit  pas,  que  le  non-aveugle  voit  :  nous  con- 
statons donc  l'efficace  de  l'œil.  Il  n'en  va  pas  de  même  de  la  naissance  ». 

Anantavarman  est  cité  dans  la  Vyâkhyâ  ad  ii.  71  b-72,  iii.  35  d  et  vii.  32. 

2.  sûksmâ  M  clharmaprakrtayah.  —  La  nature  des  mentaux,  sparsa,  etc. 
est  subtile,  étant  difficile  à  distinguer.  —  Sans  doute,  réplique  le  Sautrântika  ; 
mais  Bhagavat  a  expliqué  l'efficace  du  sparéa,  etc.  :  «  Tout  ce  qui  est  vedanâ, 
samjHâ,  samskâras,  existe  en  raison  du  sparéa  ...  »,  mais  il  n'a  pas  expliqué 
l'efficace  de  la  '  naissance  '. 

3.  L'idée  de  '  couleur  '  a  pour  objet  le  caractère  propre  (svalaksana)  de  la 
'  couleur  '.  Mais  l'idée  de  '  né  '  :  «  la  couleur  est  née  »,  ne  porte  pas  sur  la  couleur, 
puisque  j'ai  la  même  idée  de  naissance  quand  il  s'agit  de  la  sensation  :  «  la  sen- 
sation est  née  ».  Donc  l'idée  de  '  né  '  porte  sur  l'action  produite  par  un  certain 
dharma,  indépendant  de  la  couleur,  de  la  sensation,  et  qui  est  la  '  naissance  '. 


236  CHAPITRE  II,  46  c-d. 

individuel  (prfJiak),  associé,  dissocié,  ceci,  cela,  existant,  etc.,  vous 
admettrez,  d'accord  avec  les  Yaisesikas,  toute  une  série  d'entités  : 
nombre  (samkhijd),  extension  (parimCina),  individualité  (prthaktva), 
conjonction  (samifoga),  disjonction  (cîbhâga),  qualité  d'être  ceci 
(paratva),  qualité  d'être  cela  (aparaiva),  existence  (sattâ),  etc.  Il 
vous  faudra  une  '  cruchéité  '  (ghatatva)  pour  justifier  l'idée  de  cruche. 

Quant  au  génitif,  vous  n'admettez  pas  que  la  nature  propre  (sva- 
hhâva)  de  la  couleur  et  la  couleur  soient  choses  différentes,  et  vous 
dites  cependant  :  la  nature  propre  de  la  couleur. 

Donc  vous  n'avez  pas  établi  (jue  la  '  naissance  '  est  une  chose  en 
soi  ;  vous  n'avez  pas  établi  qu'elle  n'est  pas  seulement  une  désigna- 
tion (prajnâptimâtra)  du  dharma  en  tant  qu'il  existe  après  avoir 
été  inexistant. 

Quand  je  veux  faire  savoir  à  quelqu'un  (jnâpanârtham)  qu'un 
certain  dharma  existe  qui,  auparavant,  n'existait  pas,  je  lui  dis  : 
«  ce  dharma  est  né  »,  je  désigne  ce  dharma  comme  étant  ne.  — 
Beaucoup  de  dharmas,  couleur,  sensation,  etc.,  naissent,  c'est-à-dire 
'  existent  après  avoir  été  inexistants  '.  Il  y  a  donc  beaucoup  de  nais- 
sances, c'est-à-dire  beaucoup  de  dharmas  naissant.  La  naissance 
étant  multiple  (hahnvipalka,  bahnhkeda)  [18  b],  en  vue  de  la  parti- 
culariser, pour  que  mon  interlocuteur  sache  qu'il  s'agit  de  la  naissance 
ayant  nom  '  couleur  '  et  non  pas  de  la  naissance  ayant  nom  '  sensa- 
tion ',  j'emjdoierai  le  génitif,  '  naissance  de  la  couleur  ',  '  naissance 
de  la  sensation  ',  bien  que  la  naissance  de  la  couleur  soit  seulement 
la  couleur  naissant.  De  mêtne  on  dit  dans  le  monde  '  odeur  du  san- 
tal ',  bien  ([ue  le  santal  soit  seulement  odeur,  et  •  corps  du  buste  ', 
bien  que  le  buste  ne  soit  que  corps  '. 

4.  Réplique  du  Sarvilstivâdin.  —  Comme  nous  admettons  l'existence 

d'un  caractère  '  naissance  ',  lequel   appartient  aux  conditionnés  et 

^^ 

1.  Les  Bouddhistes  (bauÛdliasHhlhauUi)  cioieul  que  le  .santal  n'est  que  la 
colierlion  des  odeurs,  etc.  (rjamJhad isa mfiha ).  Les  Vaisesikas  croient  que  le 
santal  existe  en  soi';  c'est  pourquoi  l'auteur  doime  l'exemple  du  buste,  exemple 
(|ue  les  Vaisesikas  admettent.  —  Voir  Madliyaniakavrtti,  p.  66  ;  Sâinkhyaprava- 
canahhasya,  p.  84,  118  ;  etc. 


Iliuaii-fsang,  v,  fol.  18  a-19  a.  237 

n'appartient  \\^s  aux  inconditionnés,  nous  expliquons  aisément  pour- 
quoi "fts  inconditionnés  ne  naissent  pas.  Mais  si  les  conditionnés 
naissent 'sans  la  '  naissance  ',  pourquoi  les  inconditionnés,  espace, 
etc.,  ne  naissent-ils  pas  ? 

î'^miS'aisons  que  les  conditionnés  naissent,  car,  après  avoir  été 
inexistants,  ils  existent  (abhûti'â  hliavanti).  Mais  l'inconditionné  est 
éternel,  comment  pourrait-il  naître  ?  —  Vous  expliquez  que  certains 
dharmas,  les  inconditionnés,  sont  privés  du  caractère  '  naissance  ', 
parce  que,  dites-vous,  telle  est  la  nature  des  choses  (dharmatâ)  '  ; 
nous  dirons  que,  en  vertu  de  la  nature  des  choses,  tous  les  dharmas 
ne  sont  pas  susceptibles  de  naître  (na  sarvam  jCiyate).  —  Bien  plus, 
d'après  vous,  tous  les  conditionnés  possèdent  également  le  caractère 
•  naissance  '  (tidye  jcdimattve)  que  vous  refusez  aux  inconditionnés  : 
cependant  vous  admettez  que  certaines  causes  sont  capables  de 
produire  la  couleur  et  incapables  de  produire  la  sensation.  De  même, 
d'après  nous,  conditionnés  et  inconditionnés  étant  également  dénués 
du  caractère  '  naissance  ',  toutes  les  causes  qui  produisent  les  condi- 
tionnés sont  inefficaces  à  l'égard  des  inconditionnés. 

V.  Le  Yaibhâsika  dit  que  les  quatre  caractères,  naissance,  etc.  sont 
des  choses  en  soi  '.  —  Pourquoi  ?  '  —  Devons-nous  abandonner  les 
Àgamas  '*  pour  cette  raison  qu'il  y  a  des  objectants  ?  [19  a]  On  ne 
renonce  pas  à  semer  par  crainte  des  gazelles,  on  ne  renonce  pas  à 
manger  des  friandises   à  cause  des  mouches  \  Il  faut   réfuter  les 

t.  dharmfinâm  anâdilcCilikâ  saktih. 

2.  Vibhasâ,  o8,  12  :  Quelques-uns  soutiennent  que  les  sutiiskrtalalisanas  ne 
sont  pas  des  choses  réelles,  à  savoir  les  Dûrstântikas  qui  disent  :  «  Les  saniskrta- 
laksanas  sont  inclus  dans  le  viprayiiktasatnskâraskandha  ;  le  viprayukta- 
sattiskâraskandha  n'est  pas  réel;  donc  les  samskrtalaksanas  ne  sont  pas 
réels  ».  Pour  réfuter  leur  opinion  ^.... 

3.  Hiuan-tsang  :  «  Cette  théorie  est  la  bonne.  Pourquoi  ?  » 

4.  C'est-à-dire  les  Adhidharmasâstras. 

5.  Nous  possédons  quatre  proverbes  de  même  signification  :  on  ne  doit  pas 
renoncer  à  une  chose  bonne  en  soi  ù  cause  des  défauts  qu'elle  présente,  à  cause 
des  risques  qu'elle  court. 

a.  Na  ht  bhiksiikâJi  santlti  sthâhjo  nâdhisrîyante. 

h.  Xa  eu  wrgâli  santlti  yavâ  (var.  sâlayo)  nopyante. 

Ces  deux  proverbes,  qui  vont  souvent  de  compagnie,  sont  étudiés  par  le  Col. 


238  CHAPITRE  II.  47  a-b. 

objections  et  s'en  tenir  à  la  Doctrine  (dosesii  pratividhâtavijam 
siâdhântas  cânusartavtjah). 

Qu'est-ce  que  le  nâmakâya,  le  padakâi/a,  le  vijanjanakCuja  ? 

47  a-b.  Les  nâmakâya,  etc.,  sont  les  collections  des  samjnâs, 
vâkyas  et  aksaras  '. 

1.  Par  nûnian,  '  nom  '  ou  '  mol  ',  il  faut  entendre  '  ce  qui  fait 
naître  une  idée  '  (samjnùkarana)  -,  par  exemple  les  mots  couleur, 
son,  odeur,  etc. 

2.  Par  pada,  '  phrase  ',  il  faut  entendre  vâkya,  un  discours,  une 
phrase  comportant  le  développement  nécessaire  pour  que  le  sens  soit 
complet  (yâvaidrUiapmrisamâpti)  ',  par  exemple  la  stance  :  «  Imper- 

Jacub,  clans  Second  Handfnl  of  Popular  Maxims  (Bombay,  Niniayasâgar,  1909, 
p.  4;^,  index  sub  voe.  na  hi  bliiksiikiih),  avec  les  références  qui  suivent  :  Maha- 
bhâsya,  i.  99,  ii.  194,  iii.  23  (Kielhorn),  dans  le  même  contexte  (na  hi  dosâh 
santlti  paribhâsâ  na  kartavyâ  laksanam  va  na  praneyam  /  na  hi  bhikm- 
kâh  ...)  ;  Vâcaspatimisra,  NyâyavârtikiitrifparyatTkâ.  pp.  G2,  441  ;  Bliûmatî.  p.  ^)i  ; 
Sarvadarsanasumgralui,  p.  3  de  la  hailuction  de  Cowell.  —  11  luul  ajouter  Kâma- 
sûtra  (voir  Cat.  Oxford,  21(1  b  ),  où  les  deux  proverbes  sont  attribués  à  Vatsyâyana 
(signalé  par  Weber,  Indische  Studien,  XIII,  p.  326.) 

c.  Ato  'jlrnabhayân  nâhdraparityàgo  bhiksttkabhayân  na  sthâlyâ  ana- 
dhisrayanam  dosesu  praiividhàiavyam  iti  nyfiyah. 

Le  Col.  Jacob  cite,  pour  ce  troisième  j)roV(rbe,  Pancapâdikâ.  p.  63  (dont  la  finale 
dosesu  pratividhCitavyam  se  retrouve  dans  Vasubandbu"),  Jîvannuiktiviveka,  p.  8 
(qui  attribue  le  proverbe  à  Ànandabodhâcâryaj,  et  Hitopade.4a,  ii.  50,  dosabhlter 
anârambhah  .... 

d.  Na  maksikâli  paianilti  niodakâ  ua  bhnksyavte. 

Proverbe  pour  letpi»!  je  n'ai  d'aulre  référence  que  Yasubandliu.  Il  semble  que 
les  Bouddbistes,  étant  bhiksus,  ont  substitué  au  proverbe  du  mendiant  (bhiksnka) 
et  de  la  sthall,  le  proverbe  moins  piquant  des  mouches  et  du  gâteau. 

1 .  nâmakâyâdaya  h  sa  tnjnCi  vâkyfik.sa  rasa  m  uktayu  h. 

Surendranalh  Dasgupta,  Sludy  (.f  Patanjali  (Calcutta,  1920).  résume  (p.  192-201) 
les  diverses  théories  du  .^phota. 

2.  Le  terme  samjùâkarana  a}>jiarlienl  à'Ta  langue  vulgaire  (^ïofcaô/iâ.sâj;  c'est 
un  équivalent  île  nâmadheya,  nom,  appellalioti,  car  on  dit  :  «  Devadatta  est  son 
samjùâkarana  ».  Mais,  ici,  on  doit  couqtrendre  :  «  Ce  qui  fait  naitre  l'idée  ». 
F'n  ellVt  la  sanijùâ  est  un  dharma  mental,  '  idée  ',  '  notion  ',  '  concept  '  (i.  14  c-d); 
le  nâman  esl  ce  qui  '  fait  ',  ce  qui  engendre  ce  dharuia. 

3.  Il  ne  s'agit  pas  de  pada  ^=  forme  déclinée  ou  conjuguée  (Fânini,  i.  4,  14). 


Hiiian-tsang,  v,  fol.  19  a-b.  239 

manent.'^  sont  les  sainskâras »  et  le  reste  '.  —  Ou  bien,  \)ar  pad a, 

il  fauCententfre  ce  qui  fait  comprendre  (i/ena  gamyante)  \cii  diverses 
modalités  d'activité,  de  qualité,  de  temps  qui  coucernent  une  certaine 
personne  (kriyâgimakàlasamhandhavisesuli)  :  par  exemple  :  il  cuit, 
il  li^J,j«i  ;  il  est  noir,  jaune,  rouge  (krsno  gauro  ?'aktah)  ^  ;  il  cuit, 
il  cuira,  il  a  cuit  '. 

3.  Par  vyanjana  il  faut  entendre  aksara,  phonème  (varna), 
voyelle  et  consonne,  par  exemple  a,  â,  i,  l,  etc. 

Mais  les  aksaras  ne  sont-ils  pas  les  noms  des  lettres  (lipi/avayava)? 

On  ne  fait  pas,  on  ne  prononce  pas  les  phonèmes  en  vue  de 
désigner,  de  donner  l'idée  des  lettres;  mais  on  fait,  on  écrit  les  lettres 
en  vue  de  donner  l'idée  des  phonèmes,  pour  que,  quand  on  ne  les 
entend  pas,  on  en  ait  cependant  l'idée  par  l'écriture.  Par  conséquent 
les  phonèmes  ne  sont  pas  les  noms  des  lettres.  [19  b] 

4.  kâya,  '-  corps  ',  c'est-à-dire  '  collection  '  ;  sainiikti,  en  effet,  a  le 
sens  de  samavâya,  d'après  Dhâtupâtha,  iv,  114. 

On  a  donc  :  7iâmakâya  =  couleur,  son.  odeur,  etc.  ;  padakâya  = 

1.  Il  faut  considérer  comme  un  pada  la  stance  entière  : 

anityâ  vata  samskârâ  ntpâdavyayadliarutinah  j 
utpadya  hi  nirndliyaute  tesCim  vyupasamah  siikhali  jj 
qu'on  explique  de  plusieurs  manières  : 

a.  Thèse  (pratijncij:  «  Les  samskâras  sont  impermanents  ».  Argument  (Jietu)  : 
«  parce  que  leur  nature  est  de  naître  et  périr  ».  Exemple  (drstânta)  :  «  ceux  qui, 
étant  nés,  meurent,  sont  impermanents  ». 

b.  L'argument  :  '<  Leur  nature  est  de  naître  et  de  périr  »,  est  établi  par  la 
remarque  :  <  En  effet,  étant  nés,  ils  meurent  ». 

c.  «  Les  samskâras  sont  impermanents,  en  d'autres  termes,  leur  nature  est  de 
naître  et  périr  »  ;  «  parce  que,  étant  nés,  ils  périssent  »  ;  «  étant  impermanents, 
ils  sont  douloureux,  donc  les  arrêter  est  bonheur  »,  c'est  là  ce  que  le  Bouddha 
veut  enseigner  à  ses  fidèles. 

C'est  la  stance  que  prononça  éakra  à  la  mort  de  Bhagavat,  Dïgha,  ii.  157  ; 
Samyutta,  i.  158;  Dialogues,  ii.  176;  Jâtaka.  94  ;  Madhj  amakavrtti,  p.  39  ;  Manus- 
crit Dutreuil  de  Rhins,  J.  As.  1898,  ii.  3(X)  (tiré  à  part,  p.  108)  ;  Udânavarga,  i.  1  ; 
Mdo,  26,  Anityatâsûtra  :  J.  Przyluski,  Funérailles,  p.  9. 

2.  Type  de  '  phrase  nominale  '. 

3.  Le  nCtman  înii  \oir  (dyotaka)  le  caractère  propre  (svaïaksana)  ;  le  pada 
fait  voir  les  diverses  relations  où  se  trouve  la  chose  dont  le  caractère  propre  est 
connu. 


240  CHAPITRE  II,  47  a-b. 

«  les  sarnskâras  sont  impermanents,  les  dharmas  sont  impersonnels  ; 
le  Nirvana  est  tranquille  ....  »  etc.  ;  vijcuijcuuikciya  =  ka,  kka,  ga 

1.  Objection  du  Sautrânlika.  —  Les  mots,  pbrases  et  phonèmes 
(namân,  pada,  vyanjana)  ne  sont-ils  pas  '  voix  '  (vâc)  de  leur 
nature,  et  par  conséquent  '  son  '  (èahda)  ?  Donc  ils  font  partie  du 
rûpaskandha  ;  ils  ne  sont  pas  des  sarnskâras  dissociés  de  la  pensée 
comme  l'enseigne  le  Sarvâstivâdin. 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Ils  ne  sont  pas  '  voix  '.  La  voix  est  '  son 
vocal  '  (ghosa),  et  un  son  vocal,  tout  seul  (gliosamâtra),  un  cri  par 
exemple,  ne  l'ait  pas  atteindre,  comprendre  l'objet.  —  Mais  le  mot 
(Hâmari),  qui  d'ailleurs  est  en  fonction  du  son  vocal  (vâcam  upà- 
dCuja),  met  eu  lumière  (dyotayati),  fait  atteindre  ou  signifie  (praty- 
âyayatij  l'objet. 

Le  Sautrântika.  —  Ce  que  j'appelle  '  voix  ',  ce  n'est  pas  le  son 
vocal  sans  plus,  mais  le  son  vocal  qui  fait  atteindre  l'objet,  c'est-à-dire 
le  son  vocal  sur  lequel  les  personnes  qui  parlent  se  sont  mises  d'accord 
qu'il  signifiera  une  certaine  chose.  C'est  ainsi  (|ue  les  Anciens  ont 
investi  le  son  go  du  pouvoir  de  signifier  neuf  choses  [:20  aj  : 

«  Les  savants  ont  établi  le  son  go  dans  neuf  choses,  région  cardi- 
nale, bétail,  terre,  rayon,  parole,  diamant,  œil,  ciel  et  eau  »  '. 

Le  philosophe  pour  qui  «  c'est  le  mot  (aâman)  qui  met  en  lumière 
l'objet  »,  doit  admettre  que  le  son  go  a  été  doté  par  convention  de 
ces  différentes  acceptions.  Si  donc  tel  objet  est  signifié  à  l'auditeur 
par  tel  mot,  c'est  bien  un  son  vocal  (ghosa),  sans  plus,  qui  le  signifie. 
Quel  avantage  à  supposer  l'enlilé  (pie  vous  appelez  '  mot  '  ? 

"l.  Le  Sautrântika  poursuit.  —  Le  mol  sera  ou  produit  (utpâdya, 
janya)  par  lu  voix  -  ou  manifesté  (prakâsya,  vyuiïgya)  '  par  la  voix. 


1.  Comparer  Ainarasinilm,  iii.  Nânârlliuvarga,  25. 

2.  C'esl-à-dire  :  <  la  voix  «';lant,  le  mol  —  dliarma  dissocié  de  la  pensée  — 
naît  »  (vâci  satyCim  sa  cittamprayukta  utpadyute). 

3.  C'esl-à-dire  :  "  le  mot  —  dharma  dissocié  de  la  pensée  —  naîl  avec  le 
son  vocal  en  Irain  de  nailre  :  le  son  vocal  le  manifeste  en  vue  de  la  désignation 
de  l'objet  »  fyhosenofpndiidun'uieiia  sa  ciltaviinaijukto  dharma  ntpudyate  j 
sa  tam  prakâsuyaty  arthndyotaudya). 


Hiuan-tsang,  v,  fol.  19  b-20  b.  241 

a.  Dans  la  j)remière  hypothèse,  la  voix  étant  son  vocal  (gliosa)  de 
sa  nature,  tout  son  vocal  quel  qu'il  soit,  même  un  cri  d'animal, 
produira  le  mot.  —  Si  vous  répliquez  que  le  mot  est  produit  seulement 
par  un  son  vocal  d'une  certaine  nature  —  le  son  articulé,  varncit- 
maHâk"'^  nous  disons  que  cette  sorte  de  son  vocal  qui  est  capable  de 
produire  le  mot  sera  bien  capable  de  désigner  l'objet. 

Dans  la  seconde  hypothèse,  même  critique,  en  remplaçant  le  verbe 
'  produire  '  par  le  verbe  '  manifester  '. 

b.  Mais  il  est  absurde  de  supposer  que  la  voix  produise  le  mot.  En 
effet,  les  sons  n'existent  pas  en  même  temps  —  on  a,  par  exemple, 
r-û-p-a  —  et  le  mot,  que  vous  définissez  comme  un  dharma,  une 
entité,  ne  peut  naître  par  parties.  Comment  donc  la  voix,  quand 
elle  produit  le  mot,  le  produit-elle  ?  —  Vous  direz  que  le  cas  est  ana- 
logue à  celui  de  Vavijnapti  (iv.  3  d)  [20  b]  :  le  dernier  moment  de  la 
vijnapti,  acte  corporel  ou  vocal,  en  raison  des  moments  antérieurs, 
crée  Vavijnapti.  Mais,  dirons-nous,  si  le  dernier  moment  de  son  de 
la  voix  crée  le  mot,  il  suffira  d'entendre  le  dernier  son  pour  atteindre, 
pour  comprendre  l'objet. 

Ce  n'est  pas  une  échappatoire  de  supposer  que  la  voix  engendre 
(janayati)  le  phonème  (vyahjana),  que  le  phonème  engendre  le  mot, 
que  le  mot  fait  comprendre  la  chose.  En  effet,  la  même  objection  se 
présente  :  «  Les  phonèmes  n'existent  pas  en  même  temps,  etc.  » 

Pour  les  mêmes  raisons,  il  est  absurde  de  supposer  que  la  voix 
manifeste  le  mot.  [Les  sons  n'existent  pas  en  même  temps,  et  un 
dharma,  entité  une,  tel  le  mot,  ne  peut  être  manifesté  par  parties.... 
et  le  reste] 

c.  [L'hypothèse  que  la  '  voix  '  engendre  le  phonème  —  hypothèse 
que  nous  avons  provisoirement  tolérée  —  appelle  d'ailleurs  de  nou- 
velles remarques].  Un  phonème  distinct  de  la  voix,  les  experts  appli- 
quent vainement  leur  esprit  et  ne  le  découvrent  pas.  —  D'ailleurs,  la 
voix  n'y  n'engendre  ni  ne  manifeste  le  phonème,  pour  les  mêmes 
raisons  qui  font  que  la  voix  ni  n'engendre  ni  ne  manifeste  le  mot. 
[  La  *  voix  '  étant  son  vocal  de  sa  nature,  tout  son  vocal  engendrera 

16 


242  CHAPITRE  II,  47-48  b. 

ou  iimnifestera  le  phonème.  Si  vous  répliquez  que  le  phonème  est 
seulement  engendré  ou  manifesté  par  un  son  vocal  d'une  certaine 
nature....  comme  ci-dessus  ad  2  a]. 

3.  Mais  le  Sarvâstivadin  peut  supposer  que,  à  l'instar  du  caractère 
'  naissance  ',  le  mot  naît  avec  son  objet  (suhaja).  —  La  question  de 
savoir  s'il  est  produit  ou  manifesté  par  la  voix,  disparaît. 

Dans  cette  hypothèse,  il  n'y  aura  pas  de  mot  actuel  désignant  une 
chose  passée  ou  future.  —  D'ailleurs,  le  père,  la  mère  ou  d'autres 
personnes  fixent  arbitrairement  le  mot  qui  est  le  nom  propre  du  fils, 
etc.  :  comment  admettre  que  le  mot,  à  l'instar  du  caractère  '  nais- 
sance ',  naisse  simultanément  à  l'objet  ?  —  Enfin,  les  inconditionnés 
n'auront  pas  de  nom,  puisqu'ils  ne  naissent  pas  :  conséquence  que  le 
Sarvâstivadin  ne  peut  admettre. 

4.  Mais  le  Sarvâstivadin  s'autorise  d'un  texte.  Î3hagavat  a  dit  : 
«  La  stance  repose  sur  les  mots »  '. 

Le  Sautrâutika  répond  que  le  mot  (nâman)  est  un  son  (éahda) 
sur  lequel  les  hommes  sont  tombés  d'accord  ({u'il  signifiera  une 
certaine  chose  -.  La  stance  (gcitliù)  ou  phrase  (vâkyci,  pada)  est  un 
certain  arrangement  (racanâ)  des  mots  :  c'est  dans  ce  sens  que, 
d'après  Bhagavat,  elle  repose  (samnisrita)  sur  les  mots.  [21  a]  — 
Admettre  une  entité  en  soi,  nommée  pada,  c'est  là  une  hypothèse 
bien  superflue.  Autant  vaudrait  soutenir  (pi'il  existe,  distinctes  des 
fourmis  et  des  pensées,  des  choses  en  soi  nommées  '  file  des  fourmis  ', 
'  succession  des  pensées  '  \  Reconnaissez  donc  que  seuls  les  phonè- 
mes (aksaras),  qui  sont  des  sons,  existent  en  soi. 

Le  Vaibhasika  admet  des  samskâras  dissociés  de  la  pensée,  nâma- 


1.  Samyuktriganui,  36,  27.  Sainyutta,  i.  38  :  iiâwasnmnisn'fâ  fjâtlul.  La  (jdfhâ 
fài  une  '  plirase  '  (vCikyct)  ;  elle  repose  sur  les  mois,  puisqu'elle  cxi.sle  quand  les 
mots  .sont  nés.  Par  lonséquent,  le  mol  el  la  phrase  existent  en  soi. 

2.  arthesH  krtâvudhih  èabdo  nâma.  —  Mahâvyulpatti,  245,  .319,  reproduit 
l'expression  krtâvadhi,  htshams  Itcud  pa. 

3.  punkiitai,  '  connue  la  ligne  des  lourmis  '  ;  nuiis,  dira-l-on.  les  fourmis  (pii 
forment  la  ligne  existent  en  même  temps  :  nous  donnerons  un  nouvel  exemple  : 
cittdmipurvyavat,  '  comme  la  succession  des  pensées  '. 


Hiiiau-tsang,  x,  fol.  20  b-21  b.  243 

kâya^  padaj^âya,  vyanjanakâya,  car,  dit-il,  tous  les  dharmas  ne 
soi>t*][)as  à  la  portée  de  l'entendement  '. 

Oiv- demande  (1)  à  quelle  sphère  d'existence  appartiennent  les 
pliou.èn|és,  mots  et  phrases  ;  (2)  s'ils  appartiennent  aux  êtres  vivants 
(sattvâkluja)  (i.  10  b)  ;  (3)  s'ils  sont  de  rétribution,  d'accroissement 
ou  d'écoulement  (i.  37)  ;  (4)  s'ils  sont  bons,  mauvais  ou  non-définis. 

47  c-b.  Du  Kâmadhatu  et  du  RCipadhâtu,  appartenant  aux  êtres 
vivants,  d'écoulement,  non-définis  ^. 

Les  phonèmes,  etc.,  appartiennent  à  deux  sphères  d'existence. 
D'après  une  opinion,  ils  existent  aussi  dans  rArûpyadhâtu,  mais  ils 
y  sont  '  imprononçables  '  (atiahhilâpi/a,  akathya).  ^  [21  b] 

Ils  appartiennent  aux  êtres  vivants,  étant  produits  par  l'effort  de 
l'être  vivant  et  consistant  en  son  articulé  (varna),  etc.  En  effet,  ils 
appartiennent  à  celui  qui  parle,  non  pas  à  la  chose  qu'ils  désignent. 

Ils  sont  d'écoulement  (naisyandika),  étant  produits  par  le  sahliâ- 
galietu  (ii.  52)  ;  ils  ne  sont  pas  de  rétribution,  puisqu'ils  procèdent 
du  désir  de  celui  qui  parle  ;  ils  ne  sont  pas  d'accroissement  (cmpa- 
cayika),  n'étant  pas  matériels. 

Ils  sont  non-souillés-non-définis  (anivriâvyâkrta,  ii.  28)  '\ 

Nous  expliquerons  sommairement  les  caractères,  non  encore  indi- 
qués, des  autres  dharmas  dissociés  de  la  pensée  (ii.  35). 

47  d-48  b.  —  De  même  le  genre  (sahhâgatd),  qui  est  en  outre  de 
rétribution,  qui  appartient  aux  trois  sphères  d'existence  .  ' 

1.  Les  dharmas  qui  sont  du  domaine  de  la  connaissance  des  Tathâgatas 
(tathâgatajnânagocarapatita)  ne  sont  pas  tarkagamya. 

2.  kâmariipàptasattvcikhyanisyanddvyâkrtâh 
Vibhâsâ,  15,  1. 

3.  Les  phonèmes,  etc.  ne  sont  pas  '  voix  '  de  leur  nature.  Rien  n'empêche  qu'ils 
existent  dans  rArûpyadhâtu,  mais,  comme  la  voix  manque  dans  cette  sphère 
d'existence,  on  ne  peut  les  y  prononcer.  —  Le  VaiLhûsika  :  Comment  pouvez-vous 
dire  qu'ils  existent  là  où  ils  ne  sont  pas  prononcés  ? 

4.  Les  mots  qui  désignent  les  bons  dharmas  ne  sont  pas  bons  :  car  un  homme 
qui  a  coupé  les  racines  de  bien,  parlant  des  bons  dharmas,  possède  (prâpti)  les 
mots  qui  désignent  ces  dharmas. 

5.  tathâ     sabhâgatâ  vipâko  'pi  traidhàtnkl 


244  CHAPITRE  II,  48  b-49. 

'  De  même  ',  c'est-à-dire  :  comme  les  phonèmes,  mots  et  phrases, 
la  sabhCujatâ  est  des  deux  premières  sphères,  apparlient  aux  êtres 
vivants,  est  d'écoulement,  est  non-soilillée-non-délinie.  Mais  lasrtW^â- 
(jatâ  n'est  pas  seulement  d'écoulement  :  elle  est,  en  outre,  de  rétribu- 
tion ;  elle  n'appartient  pas  seulement  aux  deux  premières  sphères  :  elle 
appartient  aussi  à  la  troisième. 

48  1).  Les  possessions  (prâpti)  sont  de  deux  espèces  \ 

Elles  sont  d'écoulement  et  de  rétribution. 

48  c.  Les  caractères  aussi  '^ 

Les  caractères,  naissance,  etc.  sont  de  deux  espèces,  comme  les 
possessions. 

48  c-d.  Les  recueillements  et  les  non-possessions  (aprâpti)  sont 
d'écoulement.  ^ 

Les  deux  recueillements  et  les  non-[)ossessions  sont  seulement 
d'écoulement. 

Quant  à  leur  sphère,  leur  relation  avec  les  êtres  vivants,  leur  qua- 
lification morale  (bon.  etc.),  les  explications  ont  été  données  ci-dessus 
[22  aj.  —  Les  caractères  appartiennent  à  tous  les  conditionnés,  donc 
ils  appartiennent  aux  êtres  vivants  et  aux  non-vivanls.  —  Pour 
Vâsamjùika  et  Xâijus,  voir  ii.  41  d.  et  45  a.  [vi.  1  aJ 

V.  iiETUS  (49-55  b),  PUA  LAS  (55  c-61  b),  pratyayas  (61  c-73). 

Nous  avons  vu  (ii.  47  c-d)  que  la  naissance,  pour  engendrer  le 
(Uiarma  qu'elle  doit  engendrer,  réclame  le  concours  des  hetus,  causes, 
et  des  pratijdijas,  conditions.  On  demande  quels  sont  les  hetufi,  quels 
sont  les  pratyaijas  ''. 

1.  âptayo  dvidhâ  I 

Hilian-tsang  corrige  :  Les  prâptis  sont  de  trois  espî-ces,  ksanika  (i.  38), 
d'écoulement,  de  rétribution. 

2.  \laksftnflny  api  -i.  tiii^yandali  snmâpattyasamanvayâh.  jj] 

4.    Lu  Vvûktiyâ  fuit  les  retnaifjiifs  suivantes  :  a.  Il  n'y  a  pus  de  différence  entre 


Hiimn-tsang,  \,  fol.  21  b-vi,  fol.  l  b.  245 

4^.  Kârgnahetn,  sahahhû,  sabhâga,  sampnnjuktaka,  sarva- 
tra0,  vipâka  :  le  hetn  est  considéré  comme  sextuple  '.  [1  h] 

Kâfranahetu,  raison  d'être  ;  sahabliûhchi,  cause  mutuelle  •,sàbhâ- 
fjaJi^tiiJcRuse  pareille  ;  samprayuMakalietii,  cause  associée  ;  sarva- 
tragahetii,  cause  universelle  ;  vipâkahetii,  cause  de  rétribution  :  telles 
sont  les  six  sortes  de  causes  que  reconnaissent  les  Àbhidbarmikas 
(Jnânaprasthana,  1,  ii)  -. 

hefu  ei  prafynifa,  car  Bhagavat  a.  dit  :  dvaii  hetn  dvau  prafyaynn  samyag- 
drsfer  tifpâdâya  kataman  clvau  parafas  ca  gJioso  'dhyâtmam  ca  yoniso 
manasikcirah.  (Anguttara,  i.  87  :  dce  'me  bhikkhave  paccayâ  sannnâditthiya 
nppâdciya  ...  parato  ca  ghoso  yoniso  ca  manasikâro). 

b.  hetit.pratyaya,  nidâna,  kârana, nimitta, linga,npauisad  sont  synonymes. 

c.  Pourquoi  donner  séparément  un  exposé  des  hetus  et  des  prafyayas  ?  — 
Parce  que  l'exposé  des  hetus  comporte  l'examen  de  la  cause  en  tant  que  '  non- 
obstacle  ',  '  mutuelle  ',  '  pareille  ',  etc.  (ii.  49;  :  l'exposé  des  pratyayas  comporte 
l'examen  de  la  cause  en  tant  que  hetn,  antécédent  immédiat,  etc.  (ii.  62). 

1.  [kâranahetnh  sahabhtili  sabhCtgah  samp rayuktakah  I 
sarvatrago  vipùkas  ca]  sadvidlio  hetnr  isyate  jj 

Abhidharmalirdaya  (Xanjio,  1288),  ii.  11. 

2.  Dans  quel  Sûtra  sont  promulguées   les  six  sortes  de  hetu  ?  En  efTet  l'Abhi- 
dharma  ne  fait  qu'expliquer,  apprécier,  commenter  le  Sûtra  (sarvo  hy  abhidhar-  ^ 
mah  sûtrârthah  sntranikasah  sûtravyâkhyânani). 

Les  Vaibliâsikas  disent  que  le  Sûtra  qui  traitait  de  ce  point  a  disparu  (antai'- 
hita).  L'Ekottarâgama  énumérait  les  dharmas  jusqu'aux  catégories  de  cent 
dharmas;  il  ne  contient  plus  que  dix  catégories  jusqu'aux  décades  fâdasafcâ^j 
(Voir  Introduction). 

Mais  les  Sûtras  ne  manquent  pas  qui  caractérisent  chaijue  espèce  de  hetn  et 
la  Vvâkhyâ  apporte  des  exemples  empruntés,  semble-t-il,  à  Samghabhadra  ;iii. 
79  b  16). 

(a)  kâranahetu  :  «  La  connaissance  visuelle  naît  en  raison  de  l'organe  de  l'œil 
et  des  visibles  »  (Samyutta,  iv.  87,  etc.). 

(b)  sahahhnhetu  :  «  Ces  trois  membres  du  chemin  accompagnent  (anuvarf) 
la  vue  correcte  >.  «  Le  contact  est  la  rencontre  de  trois  ;  naissent  ensemble  la 
sensation,  la  notion,  la  volition  ». 

(c;  sabhâgahetu  :  «  Cet  homme  (pndgaîa)  est  muni  de  bons  dharmas,  de 
mauvais  dharmas  ;  ses  bons  dharmas  périssent,  ses  mauvais  dharmas  se 
développent,  niais  une  racine  de  bien  aunsahagata  n'est  pas  coupée  (asti 
câsyânnsahagafam  knsalamfdam  asamncchinnam),  d'où  naîtra  une  autre 
racine  de  bien  :  cet  homme,  dans  l'avenir,  deviendra  pur  »  (visnddhidharmâ 
bhavisyati,  cp.  Anguttara,  iii.  315). 

Dans  un  contexte  apparenté,  Samyutta.  iii.  131  (comparer  KathSvatthu,  p.  215) 


246  CHAPITRE  II,  50  a. 

50  a.  Tous  les  dliarmas  sont  kciranahctu  à  l'égard  de  tous,  eux- 
inêuies  exceptés  '. 

Un  dharina  n'est  pas  le  kâranaJietn  de  soi-même. 

A  cette  exception  près,  tous  les  dharmas  sont  kâranahetu  à  l'égard 
de  tous  les  dharmas  conditionnés  (samskrfa),  parce  qu'aucun  dhar- 
ina ne  constitue  un  obstacle  (avifjhnahliâvâvasfhâna)  à  la  naissance 
des  dharmas  susceptibles  de  naître  (ufpatfimani). 

De  celte  définition,  il  résulte  que  les  dharmas  qui  sont  sahabhû- 
hetn,  etc.  sont  aussi  kâranahetu  :  les  autres  hetus  rentrent  dans  le 
kâranahetu,  —  Le  hetu  qui  ne  reçoit  pas  de  nom  spécial,  qui  est 
simplement  kârana,  '  raison  d'être  ',  sans  qualification,  c'est  le 
kâranahetu  :  il  reçoit  à  titre  de  nom  particulier  le  nom  qui  convient 
à  tous  les  hetus.  Comparer  le  nom  du  rûpâyaiana  (i.  24). 

Le  kâranahetu  appelle  les  observations  ipii  suivent. 
1.  Les  vices  (âsrava)  se  produisent  chez  l'ignorant  ;  une  fois  les 
vérités  connues,  ils  ne  se  produisent  pas.  De  même,  les  étoiles  (jyotis) 

porte  annsaha(jata  que  Samgluihhadra  liatUiit  ici  exactement  (soéi  kni  hîng)  ; 
il  s'agit  d'une  racine  de  bien  tenace,  identitiée  (Samglialdiadra,  V>9  b  19)  au  inirâna- 
a»m-dftâfw  ("?)  ('feïeÔM  soéï  frmtj  de  l'école  des  Sthaviras.  d»A  'SiW'''^ 

Mais  les  MSS.  de  la  Vyâkhya  portent  anusahagnta  et  nous  verrons  que,  dans 
le  Dhâsya  de  iv.  79  d,  la  version  chinoise  du  .InâncTprastlirma  en  donne  l'écpiivalenl 
exact  :  icêi  kiû  Itiiirj.  Dans  ce  passage  annsahfKjntit  est  l'éipiivalent  de  mrdn- 
iiirrlu  :  «  Quelles  sont  les  racines  de  bien  dites  anusahayata?  —  Celles  qui  sont 
abandonnées  en  dernier  lieu  ]ors(jue  les  racines  de  bien  sont  rompues  ;  celles  par 
l'absence  descjuelles  les  racines  <le  liiin  sont  dites  être  rompues  ».  [On  a  vu 
ci-dessus  ('p.  184)  que,  à  proprement  parler,  les  racines  de  bien  ne  sont  jamais 
rompues.] 

(d)  snmprayuklakahetu :  «  C'est  ce  (pi'on  nomme  la  foi  (éraddhâ)  ayant  pour 
racine  la  vue  (darsana),  associée  à  VnreiiiajnCivn  (vi.  74  c)  :  ce  que  cet  homme 
connaît  (vijânâti),  il  le  pénètre  [lar  \n  prajnâ  (prajânùti)  ». 

(e)  snrv(iir(i(jnhcfn  :  *  Pour  rhotmne  <pii  a  la  vue  fausse  fuiifhijâdrsp',  v.  7) 
les  actes  corporels,  les  actes  vocaux,  la  volilion,  la  résolution,  les  sciitiskaras  qui 
suivent  ces  actes,  etc.,  tous  ces  (Ihaniins  ont  pour  conséquence  malheur,  hideur. 
—  Pourquoi  ?  —  Parce  qu'il  a  unr-  vue-de-péché  (pâpikâ),  à  savoir  la  vue  fausse  » 
(Comparer  Afiguttara.  v.  21i2). 

(t)  vipâkahefu  :  -<  De  Tncle  fait  ici  ....  ils  snvoiiri-nl  là  la  n'Iribution  ». 
1.  sv((to  'vijQ  karntinhetuh. 


Hiiian-tsang,  vi,  fol.  i  b-2  a.  247 

ne  sqjit  pas  visibles  (^uand  le  soleil  luit.  Donc  la  connaissance  des 
vérifias  et  le  soleil  font  obstacle  (vigluia)  aux  vices,  aux  étoiles.  Donc 
il  est  fftux  de  dire  que  tous  les  dharmas  conditionnés  sont  kârana- 
hctn  parce  qu'ils  ne  font  pas  obstacle  à  la  naissance. 

TvbXîs  entendons  que  la  connaissance  des  vérités  et  la  clarté  du 
soleil  ne  font  pas  obstacle  à  la  naissance  du  dliarma  qui  est  '  nais- 
sant '  (ïifpaâijamâna),  c'est-à-dire  du  dliarma  qui,  ses  causes  étant 
complètes  ',  va  incessamment  exister  (anantarahliâvin). 

2.  Qu'on  nomme  cause,  raison  d'être,  ce  qui  est  capable  de  faire 
obstacle  et  ne  fait  pas  obstacle,  soit  !  Les  villageois,  en  effet,  [2  a] 
quand  le  seigneur  (hhojaka)  ne  les  opprime  pas  (anupadrotar), 
disent  :  «  Nous  sommes  heureux  par  le  fait  du  maître  (svâminâ 
smah  sidxhitâli)  »  -.  Mais  peut-on  nommer  cause  ce  qui,  étant  inca- 
pable de  faire  obstacle,  ne  fait  pas  obstacle  ?  Le  Nirvana  est  incapable 
de  faire  obstacle  à  la  naissance  de  quelque  conditionné  que  ce  soit  ; 
de  même  les  dharmas  futurs  en  ce  qui  concerne  les  dharmas  passés, 
de  même  les  êtres  infernaux  (nclraka)  ou  les  animaux  en  ce  qui 
concerne  les  êtres  de  rÂrûpyadhâtu  :  le  Nirvana,  les  dharmas  futurs, 
les  êtres  infernaux  sont,  sous  le  rapport  de  l'obstacle  à  la  naissance 
des  conditionnés  en  question,  comme  s'ils  n'existaient  pas  (asattidya). 
Peut-on  les  considérer  comme  des  causes  ? 

Ils  sont  causes  ;  car,  même  quand  le  seigneur  est  incapable  de  leur 
nuire,  les  villageois  s'expriment  comme  nous  avons  dit  ;  mais  non 
pas  au  sujet  d'un  seigneur  inexistant. 

3.  La  définition  (mrdeéa)  que  nous  avons  donnée  du  kâranahetii 
est  une  définition  générale  et  comprend  ce  qui  est  kâranaJietu  par 
excellence  (pradhânah  kâranahetuh)  et  ce  qui  est  simplement 
kàranahetii  (apradhâna).  Le  kâranahetu  par  excellence  est  la  cause 
génératrice  (janaka)  :  dans  ce  sens,  l'œil  et  la  couleur  sont  kâra- 
nahehi  de  la  connaissance  de  la  vue  ;  de  même  l'aliment  à  l'égard 


1.  Dès  qu'a  lieu  la  connaissance  des  vérités,  les  causes  des  passions  ne  sont 
plus  complètes,  puisque  laprctpii  des  passions  est  coupée  par  cette  connaissance. 

2.  Montaigne,  iii.  9  :  Les  princes  me  donnent  prou,  s'ils  ne  m'ostent  rien  ;  et  me 
font  assez  de  bien  quand  ils  ne  me  font  point  de  mal. 


248  CHAPITRE  II,  50-51. 

du  corps'  .  la  semence,  etc.  à  l'égard  de  la  pousse,  elc.  (Voir  ii.  56  b) 

4.  Objection.  —  Si  tous  les  clharmas  sont  causes  des  autres  dhar- 
mas  parce  qu'ils  ne  leur  font  pas  obstacle,  pourquoi  tous  les  dharmas 
ne  naissent-ils  pas  ensemble  ?  '  Pourquoi,  lorsqu'un  meurtre  est 
commis,  tous  les  êtres  ne  sont-ils  pas,  comme  le  meurtrier  lui-même, 
revêtus  du  péché  de  meurtre  ? 

L'objection  est  vaine.  En  effet,  tous  les  dharmas  reçoivent  le  nom 
de  kâranahetti  parce  qu'ils  ne  font  pas  obstacle  :  ce  n'est  pas  qu'ils 
soient  tous  des  facteurs  (kâraka). 

5.  D'après  d'autres  maîtres,  tous  les  kâranahdus  possèdent  une 
réelle  efficace  (sâmarthya)  à  l'endroit  de  tous  les  dharmas  [2  b]. 
Par  exemple  le  Nirvana  et  la  connaissance  de  la  vue  :  une  connais- 
sance mentale,  boime  ou  mauvaise,  naît  ayant  le  Nirvana  comme 
objet  (âlambana,  ii.  62  c-d)  ;  de  cette  connaissance  mentale  naît  plus 
tard  une  connaissance  de  la  vue  ;  le  Nirvana  a  donc  efficace,  média- 
tement,  à  l'endroit  de  la  connaissance  de  la  vue. 

La  même  argumentation  s'applique  aux  dharmas  futurs,  aux  êtres 
infernaux,  etc. 

50  \j^-(i.  Sont  sahabhnhetu,  cause  en  tant  (pie  coexistants,  les 
dharmas  qui  sont  efTet  les  uns  des  autres,  à  savoir  les  éléments 
(bhfda),  la  pensée  et  les  compagnons  de  la  pensée,  les  caractères  et 
le  caractérisé  ^ 

l.  Les  dharmas  qui  sont  effet  (ptirvsakaraphala,  ii.  58)  les  uns 
des  autres,  sont  dits  sahahhfdieiu  \ 

Par  exemple  les  grands  éléments  (mahâhhidn)  •  sont,  entre  eux, 

1.  D'après  le  texte  ;  aharasc(iini(hii/ùt  kâyasya  sammluyah.  —  Comparer 
Sarpyiittn,  iii.  62. 

2.  Toute  cause  doit  avoir  un  .ITct  :  kâraue  safi  kâryenn  bhavitavynm. 

P>.  sahnhhûr  yp  nntlialiphalah  /  hhûtavac  ciUaciUanuvarttlakfinnalak- 
syaiat 

Le  suffixe  rat  dans  le  sens  de  tarlyafhâ. 

4.  Ou  ue  dit  pas  (pu-  \«\}s  \(s  dliarmas  rocxisiani  (sahabhû)  snni  sahabhû- 
hetu.  Par  exemple  le  rnpa  dérivé  (bhnntika),  bleu,  etc.,  coexiste  aux  grands 
éléments  ;  mais  n'est  pns  snhahhilhetu  avec  eux.  (Voir  p.  2.53), 

5.  Voir  i.  2J,  ii.  22,  iiô. 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  2  a-3  a.  249 

sahabJifiJiefu.  De  même  la  pensée  et  ses  compagnons  (ii.  51)  ;  de 
mèiîïe  les  caractères,  naissance,  etc.  (ii.  45  b),  et  le  dharma  qu'ils 
caracJ.éHsent. 

Dans  la  catégorie  de  sahabhffhetn  rentrent  donc  tous  les  dharmas 
conaffTonnés  (samskrta).  Mais  il  faut,  dans  chaque  cas,  distinguer 
les  dharmas  qui  sont  en  relation  mutuelle  de  causalité  '. 

2.  Il  y  a  lieu  de  compléter  la  définition  qui  précède.  —  Un  dharma 
est  sahabhùhctu  de  ses  caractères  secondaires  (amdaksana,  ii.  45), 
sans  être  avec  eux  en  relation  mutuelle  de  causalité  :  car  les  carac- 
tères secondaires  ne  sont  pas  sahabhilhetii  de  leur  dharma.  Cas  à 
ajouter  à  la  définition  -.  [3  a] 

A  quels  dharmas  donne-t-on  le  nom  de  '  compagnons  de  la  pen- 
sée '  (cittârmparivarfin)  ? 

51  a-c.  Sont  compagnons  de  la  pensée  :  les  mentaux  {caittaj  ;  deux 
disciplines  (samvara)  ;  les  caractères  (laksanas)  des  mentaux,  des 
deux  disciplines  et  de  la  pensée  ^ 

Tous  les  dharmas  associés  à  la  pensée  (cittasamprayukta,  ii.  24), 
la  discipline  d'extase  et  la  discipline  pure  (iv.  17  d),  les  caractères, 
naissance,  etc.  (ii.  45  b),  de  tout  cela  et  aussi  de  la  pensée. 

51  d.  Au  point  de  vue  du  temps,  du  fruit,  etc.,  et  de  la  bonté,  etc.  * 

Les  compagnons  sont  associés  à  la  pensée  : 

1.  En  ce  qui  regarde  le  temps  :  ils  ont  la  même  naissance,  la  même 
durée,  la  même  destruction  que  la  pensée  ;  ils  sont  de  la  même  époque 
que  la  pensée. 

Quand  nous  disons  '  la  même  naissance ',  nous  entendons  le 

mot  '  même  '  (eka)  dans  le  sens  de  concomitance  :  les  compagnons 

1.  Tout  dharma  conditionné  et  ses  caractères  sont  entre  eux  sahabhûhetu  ; 
un  dharma  n'est  pas  sahabhûhetu  avec  les  caractères  d'un  autre  dharma. 

2.  npasamkhyânakaranam  ca  mahâsâstratnprodaréanârtham  sopasani- 
khyânatn  hi  vyâkaranâdi  mahâsâstram  drsyate  (Vyâktiyâ). 

3.  caittâ  dvau  samvarou  tesâm  cetaso  laksanâni  ca  /  cittânuvartinah. 

4.  kâlaphalâdrsnbhatâdibhili  jj 


250  CHAPITRE  II.  50  c-51. 

naissent,  durent,  périssent  en  même  temps  que  la  pensée  ;  mais  leur 
naissance  est  distincte. 

Quant  aux  pensées  qui  ne  sont  pas  destinées  à  naître  (anuipatU- 
dliarmin),  elles  ne  naissent,  ni  ne  durent,  ni  ne  périssent  :  de  même, 
leurs  compagnons.  C'est  pourquoi  on  ajoute  :  «  Les  compagnons  sont 
de  la  même  époque  que  la  pensée  ».  [La  pensée  qui  ne  doit  pas  naître 
est  future  jusqu'au  moment  où  elle  naîtrait  si  elle  naissait  :  ses  com- 
pagnons sont  alors  futurs  ;  elle  est  passée  depuis  le  moment  où  elle 
aurait  péri  si  elle  était  née  :  ses  compagnons  sont  alors  passés.]  ' 

2.  En  ce  qui  concerne  le  fruit,  etc.  —  Par  fruit  (pJiala),  il  faut 
entendre  le  purusakâraphala  (ii.  58  a-b)  et  le  visamyogaphala 
(ii.  57  d)  ;  par  et  cœtera,  il  faut  entendre  le  vipàkapliala  (ii.  57  a)  et 
le  nisyandaphala  (ii.  57  c). 

Les  compagnons  ont  le  même  fruit,  le  même  vlpâka,  le  même 
nisijaiida  que  la  pensée  [3  b]  :  '  même  '  indique  l'identité  (sam- 
khyâne,  sàdhârane). 

3.  En  ce  qui  regarde  la  bonté,  etc.  —  Les  compagnons  sont  bons, 
mauvais,  non-définis,  à  l'instar  de  la  pensée  qu'ils  accompagnent. 

On  compte  donc  dix  raisons  en  vertu  descpielles  les  compagnons 
sont  nommés  compagnons  '. 

La  pensée  dont  le  cortège  est  le  plus  réduit  (sarvàlpa  citfa)  '  est 
saliahhididu  de  cin(iuante-huit  dharmas  :  à  savoir  (1)  les  dix  mahâ- 
hhnmikas  (ii.  23)  avec  les  quatre  caractères  de  cliacun  d'eux,  (2)  ses 
quatre  caractères  et  ses  quatre  caractères  secondaires  {amdahsana, 
ii.  46). 

Si,  de  ces  <inquante-huit  dharmas,  on  écarte  les  quatre  caractères 
secondaires  (!<■  la  pensée  —  lesquels  n'ont  pas  d'action  sur  elle  —  on 

1.  La  première  partie  de  ce  paragraphe  d'après  la  Vyrikhyii. 

i2.  Les  dix  raisons  ne  sont  jamais  réunies.  P^  exemple,  dans  le  cas  de  la  pensée 
non-définie  non  destinée  à  nailre,  ios  conipnuiions  sin\\  coiniiagnons  pour  qtiaire 
raisons  :  (I)  mémo  éporpie,  (2)  même  Iruil  (purumkara),  (,3)  même  uisyaiula, 
(4)  même  fpialilé  d'être  non-défini. 

3.  C'est-à-dirf  la  pensée  non-souillée-non-définie  (anivrtâvyâkrta)  depuis  le 
deuxième  (Ihifn)ia  :  le  vilnrka,  le  vicâm,  les  knsalamahahhnmikas  lui  font 
défaut. 


Hiiiari-tsang,  vi,  fol.  3  a-b.  251 

a  cin^juante-quatre  dharmas  (\\\\  sont  sahahhûlielu  de  la  dite  pensée.' 
D  après  une  autre  opinion,  quatorze  dharmas  seulement  sont 
sahahJxTihetn  de  cette  pensée,  à  savoir  ses  quatre  caractères  et  les 
dix  maliûhhûmikas.  De  même  que  ses  caractères  secondaires  n'ont 
pas*d  action  sur  la  pensée,  de  même  les  caractères  des  inahâhhïiuii- 
kas  n'ont  pas  d'action  sur  la  pensée. 

Les  Yaibhâsikas  rejettent  cette  opinion,  —  que  les  quarante  carac- 
tères des  mahâbhilmikas  ne  sont  pas  sahabhûhetn  de  la  pensée,  — 
comme  contradictoire  à  la  doctrine  du  Prakaranagrantha  d'après 
lequel  «  les  quatre  caractères,  naissance,  vieillesse,  durée  et  imper- 
manence, de  la  croyance  au  moi  (satkâijadrsti)  et  des  dharmas 
associés  à  cette  croyance  (y  compris  les  mahâhhûmikas),  sont  à  la 
fois'efïet  et  cause  de  la  croyance  au  moi  ».  ~ 


1.  La  pensée  règne  (râjayaie)  sur  ses  ctïiiilaksanas ;  ceu^-cin'oni  pas  d'action 
(vyâpâra)  sur  la  pensée,  comme  on  a  vu  ii.  46. 

2.  L'éditeur  japonais  renvoie  à  Prakarana,  13,  5.  —  Voir  ci-dessous  p.  259  et 
269  où  le  même  texte  est  allégué. 

Le  Prakarana  examine  les  relations  entre  les  (juatre  vérités  et  la  croyance  au 
moi  (satkâyadrs'i).  La  Vyâkhyâ  en  donne  un  extrait  dont  voici  la  traduction  : 

A.  Il  y  a  quatre  vérités.  Parmi  les  vérités,  combien  ont  pour  cause  satkàyadrsH 
sans  être  cause  de  satkâyadrsfi,  combien  sont  cause  de  satkâyadrsfi  sans  avoir 
pour  cause  satkâyodrsfi,  combien  ont  pour  cause  safkâyadrs'i  et  sont  en  même 
temps  cause  de  satkâyadrs  i,  combien  n'ont  pas  pour  cause  satkâyadrsfi  et  ne 
sont  pas  cause  de  satkâyadrs'i  ?  A  cette  question  il  répond  :  deux  vérités  n'ont 
pas  pour  cause  satkâyadrsH  et  ne  sont  pas  cause  de  satkâyadrsti,  à  savoir  la 
vérité  de  la  destruction  et  la  vérité  du  chemin  ;  pour  les  deux  autres  vérités,  il  y  a 
lieu  de  distinguer. 

B.  La  vérité  de  la  douleur  peut  (1)  avoir  pour  cause  satkâyadrsfi  sans  être 
cause  de  satkâyadrsti,  (2)  avoir  pour  cause  satkâyadrsti  et  être  cause  de  sat- 
kâyadrsti, (3)  ne  pas  avoir  pour  cause  satkâyadrsfi  et  ne  pas  être  cause  de 
satkâyadrsfi  :  il  n'y  a  que  trois  alternatives  ;  le  seconde  (être  cause  de  satkâya- 
drsti sans  avoir  pour  cause  satkâyadrsfi)  manque. 

1.  A  pour  cause  satkâyadrsfi  sans  être  cause  de  satkâyadrsfi  toute  la  vérité 
de  la  douleur  souillée  [c'est-à-dire  tous  les  dharmas  qui  sont  douloureux  et  qui 
sont  klisfa]  à  l'exception  (a)  des  passions  (anusaya)  passées  et  présentes  qui 
peuvent  être  abandonnées  par  la  vue  de  la  douleur,  et  de  la  vérité  de  la  douleur 
associée  à  ces  passions  [par  exemple  la  sensation  associée  à  la  satkâyadrsfi 
qui  est  abandonnée  par  la  vue  de  la  douleur]  ;  (b)  de  la  vérité  de  la  douleur  future 
et  associée  à  la  satkâyadrsfi  (voir  p.  259  l.  11);  (c)  de  la  naissance-vieillesse- 


252  CHAPITRE  II,  50  c-5i. 

Certains  maîtres,  dans  leur  lecture  du  Prakaranagrantha,  omettent 
les  mots  :  «  et  des  dharnias  associés  à  cette  croyance  ».  D'après  les 
Vaibhnsikas  du  Kasmîr  [4  a],  ces  mots  figurent  dans  le  texte  ;  ou, 
s'ils  y  man([iifiil,  le  contexte  indique  qu'on  doit  les  suppléer  et  que 
le  texte  est  incomplet. 

Tout  dliarma  qui  est  cause  en  qualité  de  sahahhiOidu,  cause  en 
tant  que  coexistant  Oj(d  tâvat  sahabhfthetunâ  hetuli),  est  sahabhM, 
coexistant.  Mais  il  y  a  des  coexistants  qui  ne  sont  pas  sahabJiûhetu  : 

1.  les  caractères  secondaires  du  dliarma  principal  (mûladharma) 
ne  sont  pas  sahahhûhetu  en  ce  qui  concerne  ce  dharma  (ii.  46  a-b)  ; 

2.  les  mêmes  ne  sont  pas  saliablifdietu  entre  eux  ; 

3.  les  caractères  secondaires  des  compagnons  de  la  pensée  ne  sont 
pas  sahahhùhdn  en  ce  qui  concerne  la  pensée  ; 

4.  les  mêmes  ne  sont  pas  sahahhûhetu  entre  eux  ; 

5.  les  matières  dérivées  (hhautika,  upâdâyarûpa),  bleu,  etc., 
susceptibles  de  résistance  (sapratigha)  et  d'ailleurs  nées  ensemble 
(sahaja),  ne  sont  pas  sahabhnhetii  entre  elles  ; 

fliirée-impermanence  de  la  safkâiindrsli  et  des  dharmns  associés  à  cette  croyance 
(tatsnmprayuktânâm  ca  dharmùnam  :  ces  derniers  mots  sont  omis  dans 
certaine  recension). 

2.  A  pour  cause  sntkûyadrsti  et  est  cause  de  sntknyadrsU  !a  vérité  de  la 
douleur  qui  a  été  exceptée  dans  le  paragraphe  précédent. 

3.  N'a  jtas  pour  cause  snfknijadrs'i  et  n'est  pas  cause  de  snfkânadrsti  la 
vérité  de  la  douleur  non-souillée  [c'est-à-dire  les  (//<or»ms  (pii  sont  douloureux 
mais  (jui  sont  bons]. 

Les  versions  chinoises,  Nanjio  1292  (xxiii.  11,  ?jH  h  10)  et  1277  (10,  .58  b  4),  corres- 
pondent au  texte  (pii  précède.  Ouelques  omissions  (y  mau<juent  les  phrases  : 
«  A  celtf  (piestion,  il  réponrl  »,  ifi  prnsnc  visnrjatin)»  knroti.  et  «  Il  n'y  a  que 
trois  alternatives;  la  seconde  manipie  >,  irikofika)it,  driliya  kotir  tiâsti).  Des 
variantes  assez  sensibles  dans  la  définition  des  dharmas  qui  ont  pour  cause 
sntknyndrsti  et  sont  cause  de  sntkâyadrsti  :  (a)  les  pa.s.sions  pa.ssées  et  présentes 
qui  peuvent  être  abandonnées  par  la  vue  de  1»  douleur,  et  la  vérité  de  la  df>uleur 
associée  à  ces  passions  [1277  :  et  la  vérité  de  la  <louleur  associée,  coexistante,  etc. 
à  ces  passions],  (ht  les  passions  universelle.s  (sftrvd fraya)  pa.ssées  et  présentes 
qui  peuvent  être  abandonnées  par  la  vue  di-  l'firigine.  et  la  vérité  de  la  doideur 
qui  leur  est  associée  [1277  associée,  coexistante  <lc.],  ti  la  vérité  de  la  douleur 
future  et  associée  à  la  satkâyadrsU,  (d,)  la  naissance,  etc.,  de  la  salkâyadrsti 
future  et  des  dhartiias  associés. 


Hinau-tsang,  vi,  fol.  3  b-4  b.  253 

6.  une  pai>tie  des  mjitières  dérivées  non-susceptibles  de  résistance 
et  d'ailleurs  nées  ensemble,  ne  sont  pas  saltabJiiVietu  entre  elles  ;  il 
faut  e_X(5epter  les  deux  disciplines  (voir  p.  249)  ; 

7.  aucçine  matière  dérivée,  bien  (pie  née  avec  les  éléments  (bhûtaj, 
ne^i'saliabJtûJietu  en  ce  qui  concerne  les  éléments  ; 

8.  les  possessions  (prâpti),  même  quand  elles  naissent  avec  le 
(lit arma  auquel  elles  se  rapportent  (prâptintat),  ne  sont  pas  saha- 
hhûhetii  en  ce  qui  concerne  celui-ci. 

Les  dharmas  de  ces  huit  catégories  sont  des  coexistants  (saha- 
bhû),  mais  ne  sont  pas  saJiabhûlietu,  parce  que  le  fruit,  le  vipâka, 
le  nisyanda  ne  sont  pas  identiques  (voir  p.  250).  —  Pour  les  posses- 
sions (prâpti)  elles  n'escortent  pas  toujours  le  dharma  (sahacari- 
snu)  :  elles  naissent  soit  avant  le  dliarma,  soit  après  lui,  soit  en  même 
temps  que  lui.  (ii.  37-38) 

Le  Sautrântika  critique  la  doctrine  de  la  causalité  des  coexistants. 

Tout  cela  peut  être  juste  (sarvam  apy  état  syâtj,  que  «  ce  qui  est 
sahabhiiJietii,  cause  en  qualité  de  coexistant,  est  coexistant  »,  et  le 
reste.  Toutefois,  dans  le  monde,  la  relation  de  cause  à  effet  (lietti- 
phalabliâva)  est  bien  établie  dans  certains  cas  :  la  cause  étant  anté- 
rieure à  l'effet.  C'est  ainsi  que  la  semence  est  la  cause  de  la  pousse, 
la  pousse  de  la  tige,  etc.  Mais  on  ne  constate  pas  semblable  relation 
entre  des  choses  simultanées.  Vous  devez  donc  démontrer  que  des 
dharmas  nés  ensemble  (saliabhû)  peuvent  être  en  relation  de  cause 
à  effet.  [4  b] 

Le  Sarvâstivâdin  apporte  deux  exemples.  La  lampe  naît  avec  son 
éclat  (saprabka)  ;  la  pousse,  croissant  dans  la  clarté,  nait  avec  son 
ombre  (sacchCiija).  Or  la  lampe  est  la  cause  de  son  éclat,  la  pousse 
est  la  cause  de  son  ombre.  Donc  la  cause  et  l'effet  sont  simultanés. 

Le  Sautrântika.  —  Ces  exemples  ne  sont  pas  établis.  Il  faut  exauii- 
ner  (sampradhâryam)  si  la  lampe  est  la  cause  de  son  éclat,  ou  si, 
comme  nous  le  pensons,  la  lampe  avec  son  éclat  ne  sont  pas  l'une  et 
l'autre  l'effet  du  complexe  des  causes  et  conditions  antérieures,  huile, 
mèche,  etc.  De  même,  un  complexe  de  causes  antérieures  (semence. 


254  CHAPITRE  II,  50  c-52  a. 

lumière)  est  la  cause  de  la  pousse  et  de  l'ombre,  de  la  pousse  avec 
son  ombre. 

Le  Sarvâstivâdin.  —  La  relation  de  cause  et  d'effet  est  établie  par 
l'existence  et  la  non-existence  de  ce  qu'on  nonnne  effet,  parallèles  à 
l'existence  et  à  la  non-existence  de  ce  qu'on  nomme  cause.  La  défini- 
tion dos  logiciens  (hetuvid)  est  très  bonne  :  «  Lorsque,  A  étant  ou 
n'étant  pas,  B  est  ou  n'est  pas,  A  est  considéré  comme  cause,  B  est 
considéré  comme  effet  ».  —  Ceci  'posé,  si  nous  examinons  les  clhar- 
tuas  que  nous  avons  définis  comme  coexistants  et  saliahhûJietu, 
nous  voyons  qu'ils  existent  tous  lorsque  l'un  d'eux  existe,  et  qu'aucun 
n'existe  lorsque  l'un  d'eux  fait  défaut  '.  Ils  sont  donc  en  relation 
mutuelle  de  cause  et  d'effet. 

Le  Sautrantika.  —  Admettons  que,  parmi  des  dharmas  simulta- 
nés, un  dharma  peut  être  la  cause  d'un  autre  dharma  :  l'organe  de 
la  vue  est  la  cause  de  la  connaissance  visuelle  ^  Mais  comment  des 
dharmas  simultanés  seront-ils  causes  et  effets  les  uns  des  autres  ? 

Le  Sarvâstivâdin.  —  La  causalité  réciproque  est  établie  par  la 
définition  que  nous  avons  donnée  de  la  causalité.  Lorsque  la  pensée 
existe,  les  mentaux  (caitta)  existent,  et  réciproquement. 

Le  Sautrantika.  —  Fort  bien,  mais  alors  le  Sarvâstivâdin  doit 
reviser  son  système.  En  effet,  il  a  nié  la  causalité  réciproque  des 
matières  dérivées  (hhautika,  couleur,  saveur,  etc.)  bien  que  la 
couleur  n'existe  jamais  (avùnlhhâvin)  sans  la  saveur  (ii.  22)  ;  il  a 
nié  la  causalité  réciproque  des  matières  dérivées  et  des  grands 
éléments,  la  causalité  réciproque  des  caractères  secondaires  et  de  la 
pensée. 

Le  Sarvâstivâdin.  —  De  même  que  trois  bâtons  tiennent  (ava- 
siliâna)  en  se  suf)porlant  l'un  l'antre  [5  a],  de  même  est  établie  la 
relation  causale  des  simultanés,  pensée  et  mentaux,  etc. 

Le  Sautrantika.  —  Ce  nouvel  exemple  doit  être  examiné.  On  se 

1.  Ltt  où  se  trouve  un  mahâbhnta,  les  autres  nuihâbhûtas  se  trouvent  aussi, 
etc. 

2.  J'entenils  :  «  Un  moment  (ksana)  «lu  raksnrin(ln'ya  est  la  cause  de  la 
connaissance  visuelle  sinniltanre  ». 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  4  b-5  h.  255 

deniîyiLle  si  l^is  trois  bâtons  tiennent  par  la  force  que  possèdent  les 
trois^feûtons  en  tant  que  nés  ensemble  (sahotpannuhalena),  ou  bien 
si  la  force  tlu  complexe  des  causes  antérieures,  qui  les  fait  naître 
ensemble,  ne  les  fait  pas  aussi  naître  appuyés  l'un  sur  l'autre.  En 
outi^j'iTy  a  ici  autre  chose  que  la  force  mutuelle  de  support  (anyo- 
nijcibdla)  :  il  y  a  une  corde,  un  crochet  ;  il  y  a  le  sol. 

Mais,  réplique  le  Sarvâstivâdin,  les  coexistants  (sahahhû)  ont 
d'autres  causes  que  le  sahahhûlieiu,  à  savoir  le  sahhdgahetu,  le 
sarvairagahetu,  le  vipâkahetii,  lesquels  ont  un  rôle  analogue  à  celui 
de  la  corde,  etc.  Le  salmhliîilietu  est  donc  établi. 

52  a.  Sont  sahliCigalietu,  cause  semblable,  les  dharmas  sembla- 
bles '. 

Les  semblables  (sahhâga)  sont  sabliâgahelu  des  semblables, 

1.  Les  cinq  skandhas  bons  (kuéala)  sont  sahhâgahetu  des  cinq 
skciïidlias  bons.  Souillés  (klista),  c'est-à-dire  mauvais  (alxuéala)  et 
souillés-non-définis  (iiivrtâvi/âkrta),  ils  sont  sahhâgahetu  des  souil- 
lés. Non-définis,  c'est-à-dire  non-souillés-non-défînis  (anivrtâmjâ- 
krta),  ils  sont  sahhâgahetu  des  non-défmis.  [5  b] 

Toutefois  les  maîtres  ne  sont  pas  d'accord  sur  ce  dernier  point. 
D'après  les  uns,  le  rûpa  non-défini  est  sahhâgahetu  des  cinq  skan- 
dhas non-définis,  mais  les  quatre  skandhas,  sensation,  etc.,  ne  sont 
pas  sahhâgahetu  du  rûpa~.  D'après  d'autres,  quatre  skandhas  sont 
sahhâgahetu  de  cinq;  mais  Xerûpa  n'est  pas  sahhâgahetu  de  quatre. 
D'après  d'autres,  le  rûpa  n'est  \i3Ji  sahhâgahetu  de  quatre  et  récipro- 
quement. 

2.  A  considérer  une  existence,  le  premier  état  embryonnaire  (gar- 
hhâvasthâ)  est  cause  semblable  des  dix  états  :  cinq  états  embryon- 
naires, katala,  arhuda,  pjesin,  ghana,  praéâkhâ  ;  cinq  états  post- 
embryonnaires   (jâtâvasthâ),    hâla,    kumâra,    yuvan,    madhya, 

1.  sahhâgahetuli  sadrsah 
Voir  ii.  59. 

2.  D'après  la  règle  samavisistayoh,  ii.  52  d.  —  Les  quatre  skandhas  imma- 
tériels sont  '  meilleurs  ',  visista,  le  rûpa  est  '  moins  bon  ',  nyftna. 


256  CHAPiTRK  II,  52  a-b. 

vrddha.  Le  secoiuî  élat  oinbryonnaire  est  sahJiâgalietii  de  neuf  états 

(arhuila vùrddha),  et  ainsi  de  suite.  Un  moment  antérieur  de 

cha(jue  état  est  cause  semblable  des  moments  postérieurs  de  cet  état. 
(Comparer  iv.  53). 

A  considérer  les  états  d'une  existence  suivante  de  même  espèce, 
chacun  des  états  de  l'existence  antérieure  est  cause  semblable  des 
dix  états. 

De  même  en  va-t-il  pour  les  choses  extérieures  (bàhya),  blé,  riz, 
etc.,  la  qualité  de  sahltâgahelu  restant  confinée  dans  chaque  série  : 
le  blé  est  cause  semblable  du  blé,  non  pas  du  riz. 

3.  Le  iJârslântika  nie  que  la  matière  (rûpa)  soit  cause  semblable 
de  la  matière  ;  mais  c'est  contredire  le  Mahâsâstra  (Jnânaprasthana, 
13,  14)  :  «  Les  grands  éléments  passés  sont  hetu  et  adhipati  des 
grands  éléments  futurs.  »  Far  adliipcdi,  il  faut  entendre  adMpati- 
pratijaya  (ii.  62  d)  ;  par  hetu,  il  faut  entendre  sahhâgahetii,  car  les 
autres  hetus  sont  évidemment  hors  de  cause. 

Tous  les  dliarmas  send)lables  sont-ils  cause  semblable  des  dhar- 
mas  semblables  ?  Non  pas.  Sont  cause  semblable  les  dharmas 
semblables 

52  b.  Appartenant  à  même  catégorie  (niJcâya)  et  même  étage 
(hhù)'. 

C'est-à-dire  :  les  dhannas  apparlenaul  à  une  certaine  catégorie  et 
à  un  certain  étage  (bhûini)  sont  cause  semblable  des  dharmas  sem- 
blables de  la  dite  catégorie  et  du  dit  étage. 

Les  dharmas  se  classent  en  cinq  catégories  suivant  qu'ils  sont 
susceptibles  d'être  abandonnés  par  la  vue  de  chacune  des  quatre 
vérités  ou  par  la  méditation  (hhâvaiiâ)  (i.  40). 

Les  dhannas  appartiennent  à  neuf  étages  :  ils  sont  soit  du  Kama- 
dbâtii,  soit  d'un  drs  cpintre  dhyânas,  [6  a],  soit  d'un  des  quatre 
ârûi)y<is. 

Un  dhanna  susc('|)liblt'  d'être  abandonm''  par  la  vu»;  de  la  vérité 

1.  svu)iikayublnnu 


Hinan-tsang,  vi,  fol.  5  b-6  b.  257 

de  lajdouleui;  (duhkhadrgheija)  est  cause  semblable  d'un  dharma 
susc^lible  d'être  abandonné  par  la  vue  de  la  vérité  de  la  douleur,  et 
non  pa.*?  des  dharmas  appartenant  aux  quatre  autres  catégories  ;  et 
ainsi  de  suite. 

Paitfîi  les  dharmas  susceptibles  d'être  abandonnés  par  la  vue  de 
la  vérité  de  la  douleur,  celui  qui  appartient  au  Kâmadhâtu  est  cause 
semblable  d'un  dharma  appartenant  au  Kâmadhâtu  ;  et  ainsi  de 
suite. 

Le  sabhâgahetii  n'est  pas  encore  exactement  défini.  En  effet,  sont 
seuls  cause  semblable  les  dharmas 

52  b.  Nés  antérieurement  '. 

Le  dharma  né,  c'est-à-dire  passé  ou  présent,  et  antérieur  (agraja) 
est  cause  semblable  du  dharma  semblable  postérieur,  né  ou  non  né. 
Le  dharma  futur  n'est  pas  cause  semblable  ^ 

1.  Sur  quelle  autorité  repose  cette  définition  ? 

Sur  le  Mûlasâstra,  car  le  .Jnânaprasthâna  (1.  n)  dit  :  «  Qu'est-ce 
qui  est  cause  semblable  (sahhcigaheiu)  '?  —  La  racine  de  bien,  née 
et  antérieure  (agraja),  est  cause  (hetu)  en  qualité  de  cause  semblable 
à  l'endroit  de  la  racine  de  bien  postérieure  et  des  dharmas  qui  lui 
sont  associés  (tatsamprat/uMa),  de  même  catégorie  et  de  même 
étage.  De  la  sorte,  les  racines  de  bien  passées  sont  cause  semblable 
à  l'endroit  des  racines  de  bien  passées  et  présentes  ;  les  racines  de 
bien  passées  et  présentes  sont  cause  semblable  à  l'endroit  des  racines 
de  bien  futures  ». 

2.  Objection.  —  Le  dharma  futur  est  cause  semblable,  car  on  lit 
dans  le  même  Jnânaprasthâna  :  «  Le  dharma  qui  est  cause  d'un 
certain  dhat'ma,  y  a-t-il  une  époque  où  il  n'en  est  pas  cause  ?  [6  b] 
—  Jamais  ce  dharma  n'en  est  pas  cause  (na  kadâcin  na  hetuh).  » 

Le  Vaibhâsika.  —  Ce  texte  ne  contredit  pas  le  premier  ;  car  le 
Jnânaprasthâna  ne  vise  pas  ici  ce  qui  est  cause  en  qualité  de  cause 

1.  agrajâh  / 

2.  D'après  ParamSitha.  —  Manque  dans  Hiuan-tsang  ;  manque  dans  l'original. 

17 


25S  CHAPITRE  II.  5:2  b. 

semblable  (sabhàgahefu),  mais  bien  ce  qui  est  cause  en  qualité  de 
sahabhûhetu,  de  satupraynktakahetii,  de  vipàkahetu. 

D'après  une  autre  opinion,  celle  du  •  partisan  du  dernier  stade  ' 
(paramâvasthàvâdin),  la  réponse  du  Jfiânaprasthâna  :  «  Jamais  ce 
dhanna  n'est  pas  cause  ».  vise  le  sabhâgahetn  et  se  justifie  comme 
il  suit  :  Le  dhanna  futur,  à  l'état  naissant  (jâyamânâvasthâ),  est 
certainement  sabhâgahetu.  Donc,  tenant  compte  du  dhanna  futur 
à  son  ultime  stade,  le  Jùânaprasthâna  peut  dire  que  le  dhanna  n'est 
jamais  non  cause,  est  toujours  cause,  puisque,  à  un  certain  moment 
du  futur,  il  est  cause. 

Cette  explication  ne  résoud  pas  la  difficulté.  En  effet,  si  le  dhaniia 
futur,  après  ne  pas  avoir  été  cause,  devient  cause  en  arrivant  à  l'état 
naissant,  il  n'est  pas  toujours  cause  :  or  le  Jnânaprasthâna  dit  d'une 
manière  absolue  que  jamais  il  n'est  pas  cause. 

En  outre,  cette  explication  n'est  pas  conciliable  avec  la  réponse 
que  fait  le  .Jnânaprasthâna  (20,  -2.  Vibhâsâ.  17.  12)  à  une  autre 
question  :  «  Le  dhanna  qui  est  condition,  en  qualité  d'antécédent 
immédiat  (samanantara,  ii.  62  a-b),  d'un  certain  dharma,  y  a-t-il 
une  époque  où  il  n'en  est  pas  le  samanantara  ?  —  Oui.  lorsqu'il 
n'est  pas  né  (yadi  sa  dharmo  notpanno  bhavatij.  >>  —  Or  le  cas  du 
samanantara  est  analogue  à  celui  du  sabhâgahetu  :  le  samanan- 
tara futur,  arrivant  à  l'état  naissant,  est  samanantara.  Donc  si 
l'inteiprétation  de  la  réponse  :  «  .Jamais  ce  dharma  n'est  pas  cause  », 
dans  le  sens  :  «  Futur,  à  l'état  naissant,  il  est  sabhâgahetu  »,  est 
correcte,  le  .Jnânaprasthâna.  traitant  du  samanantara,  devrait 
répondre  comme  pour  le  saWiâgahetu  :  «  .Jamais  ce  dharma  n'est 
pas  samanantara  >.  Or  le  Jùânaprasthâna  répond  :  <•  Il  n'est  pas 
samanantara  lorsqu'il  n'est  pas  né  »,  Donc  le  mot  '  cause  ',  dans  la 
première  réponse,  ne  doit  pas  s'entendre  du  sabhâgahetu. 

Le  '  partisan  du  dernier  stade  '  dît  :  Le  Jnânaprasthâna  répond  à 
la  première  question  en  disant  :  <  Jamais  il  n'est  pas  cause  »,  et  à  la 
seconde  en  disant  :  "  Il  n'est  pas  cau.se  quand  il  n'est  pas  né  »,  afin 
de  montrer  qu'on  peut  répondre  de  deux  manières  pour  exprimer  le 
même  sens  {dvimukhafnadarsanârfham).  On  peut  répondre  à  la 


Hiuaa-tsang.  vi.  fol.  6  b-7  a.  259 

première  question  comme  à  la  seconde,  à  la  seconde  comme  à  la 
première. 

Singulier  procédé  d'exposition  !  L'auteur  du  Sâstra  serait  vraiment 
inhabile  \  Donc  lexplication  proposée  d'abord  est  la  bonne  expli- 
cation. [7  a] 

3.  Si  le  dharma  futur  n'est  pas  cause  semblable  (sabhâgahetuj, 
pourquoi  le  Prakaranapâdasâstra  enseigne-t-il  que  la  satkâyadrsti 
future  a  pour  cause  satkâyadrsti  et  est  cause  de  satkâyadrsti  ?  Nous 
lisons  en  effet  (dans  le  texte  cité  p.  251  n.  2  B  1  b)  :  <  à  l'exception 
de  la  satkâyadrsti  future  et  de  la  vérité  de  la  douleur  qui  lui  est 
associée  »  (anâgatâm  satkâyadrsti  m  tatsamprayuktam  ca  duhkha- 
satyam  sthâpayitvâ).^ 

Cette  lecture,  répond  le  Vaibhâsika.  est  corrompue  (viimstaka). 
Il  faut  lire  :  «  à  l'exception  de  la  vérité  de  la  douleur  associée  à  la 
satkâyadrsti  future  »  (anâgatasatkâ yadrst isa mprayuMam).  A  sup- 
poser que  votre  lecture  soit  authentique,  il  faut,  en  raison  du  sens 
que  le  texte  doit  exprimer  (arthato  vaivam  hoddhavyamj,  la  consi- 
dérer comme  sans  autorité  ()ia  tantram),  comme  ayant  été  déter- 
minée par  le  mouvement  du  discours  [c'est-à-dire  par  l'imitation  de 
la  phrase  précédente]  (bhûsyâksepât). 

4.  Si  le  dharma  futur  n'est  pas  sahhâgalietu,  comment  expliquer 

1.  D'après  le  eontradicteur  du  Vaibhâsika.  le  Prakarana  enseigne  que  la  sat- 
kâyadrsti future  et  les  dharmas  qui  lui  sont  associés  sont  en  même  temps  effet 
et  cause  de  safkâyailrsti.  Or  la  satkâyadrsti  future  n'est  ni  cause  coexistante 
(sahabhû/, ni  cause  associée  ^  sa  mpra  yuktaka  ',,  ni  cause  de  rétribution  [vipâka  >  : 
reste,  puisqu'on  ne  tient  pas  compte  du  kâranalietu,  qu'elle  soit  cause  semblable 
(sabhâgaj  et  universelle  (sarvagaj. 

Pour  le  Vaibhâsika.  le  Prakarana  parle  ici,  non  pas  de  la  satkâyadrsti  future, 
mais  des  dltarntas  fsensation.  etc.)  associés  à  cette  satkâyadrsti  :  ils  sont  cause 
de  satkâyadrsti  en  tant  que  cause  coexistaute  et  associée  (sahabhû,  samprayuk- 
iakaj,  et  ett'et  de  satkâyadrsti  considérée  comme  cause  coexistante  et  associée. 

Nous  avons  trois  lectures  :  outre  les  deux  lectxures  citées  ici,  le  texte  :  anâga- 
tâm ca  satkâyadrstisantprayuktant  dithkhasatyatft  sthâpayitvâ  :  *  à  l'excep- 
tion, en  outre,  de  la  vérité  de  la  douleur  future  et  associée  à  satkâyadrsti  » 
(voir  p.  iôl  n.  :2  B  1  b). 


260  CHAPITRE  II,  52  1). 

{kaiham  nlyate)  ce  hliâsya  de  la  Prajnapti  '  ?  Ce  traité  dit  en  effet  : 
«  Tous  les  dharmas  .sont  déterminés  à  un  ([uadru[>le  point  de  vue 
(catuske  niijatâh)  :  cause,  fruit,  point  d'appui  (àsraya),  objet  (dlam- 
hana)  »  ■. 

Le  Vaibhâsika  répond  :  Lorsipi'il  dit  :  «  ('e  dharnia  n'est  jamais 
non  cause  de  ce  dliarma  »,  le  traité  n'entend  \)as  parler  de  toutes  les 
espèces  de  causes.  Par  cause,  il  faut  entendre  le  mniprayuMaka 
lietu  et  le  sahahhûhetu  ;  par  fruit,  Vadhipatiphala  et  le  puruscikd- 
raphcda  (ii.  58)  '  ;  par  point  d'appui,  les  six  organes  (organe  de  la 
vue,  etc.)  ;  par  objet,  les  six  domaines  (visaya),  visible,  etc. 

5.  Si  le  dharma  futur  n'est  pas  sahliùgcdietu,  le  sabhâgcdichi 
d'abord  n'existe  pas,  ensuite  existe  (ahlmtvâ  bltavcUi). 

Mais  c'est  précisément  ce  que  les  Vail)brisikas  afiirment  !  La  con- 
dition (avasthâ)  de  sahhâgalidu  du  sahJiâgahetu  est  nouvelle,  elle 
existe  après  avoir  été  inexistante  ((d)hûtvâ  hhavali)  ;  mais  la  chose 
en  soi,  le  dravya  qu'est  un  certain  sahhâgcdielu,  n'est  pas  nouvelle. 
Un  dharma,  futur,  n'est  pas  sahliâg(dietu  ;  une  fois  né,  il  devient 
sahhdgahetu.  En  effet,  le  résultat  du  complexe  des  causes,  c'est  la 
condition  (avasthâ)  et  non  pas  la  chose  en  soi  (dravya),  le  dharma. 
[Le  dharma  futur  existe  comme  chose,  dravyatas  ;  le  complexe  des 
causes  le  fait  passer  du  futur  dans  le  présent,  le  dote  de  la  condition 
de  présent,  vartamânâvasthâ,  et  le  dote,  par  le  fait  même,  de  la 
qualité  de  sahhâgahetu  ;  voii-  v.  25.] 

6.  Quel  mal  voyez-vous  à  ce  que  le  dharma  Inlur  soit  cause  sem- 

1.  Voir  ci-dessous  y.  270.  n.  2. 

2.  C'est-à-dire  :  «  Le  ûhdrma  ([ui  est  cause  d'tui  corlaiu  (lluii-)iia,  n'esl 
jamais  non  cause  de  ce  dharma  ;  le  dharma  qui  est  le  Iruil  d'un  certain  dhar- 
ma   ;  le  dharma  (organe  de  la  vue,  etc.)  qui  est  le  point  d'appui  d'uu  certain 

dharma  (connaissance   visuelle,    etc.)  v^de  dharma   (couleur,    etc.)   qui    est 

i'olijet  d'un  certain  (//ior»(ff  (••ounaissance  visHcilt)  n'est  jamais  non  objet  de  ce 

dliarma. 

:i.  D'après  Hiuan-tsanj,^  :  «  l'ar  cause,  il  faut  entendre  les  kârana,  sahabhû, 
samprayuktaka  et  vipilhahelu  :  par  (ruil.  Us  ailhipati,  purusakâra  ci  vipd- 
kaphala  ».  -  Puramârlha  :  "-  Par  cause  il  faut  entendre  le  sampraynktukuhetu  ; 
par  fruit,  Vadhiputi  et  le  purusakâraphala. 


Hiiian-tsang,  vi,  fol.  7  a-b.  261 

blabl*  (sabJi&gaJietu)  giinsi  qu'il  est  cause  de  rétribution  (vipâkahetu, 
ii.  dl\)  ? 

S'imitait  sahliâgahetu,  il  serait  mentionné  comme  tel  dans  le  Jnâ- 
naprasth^na  (ci-dessus  p.  257,  1.  15)  ;  or  le  Jnânaprastbana,  répon- 
daiit'a  la  question  :  «  Qu'est-ce  qui  est  sahliâgahetu?  »,  ne  dit  pas 
que  les  racines  de  bien  futures  soient  sabhâgahetu  des  racines  de 
bien  futures. 

Nous  ne  pensons  pas  que  l'omission  du  dharnia  futur  dans  ce 
texte  fasse  argument  contre  nous  [7  b].  Ce  texte,  en  effet,  nomme 
seulement  les  sabhâgalietus  qui  sont  capables  de  '  prendre  '  et  de 
'  donner  '  un  fruit  (phaladânagrahanasamartha,  ii.  59). 

Non  pas  (naitacl  asti),  car  le  fruit  du  sahliâgahetu  est  le  '  fruit 
d'écoulement  ',  le  fruit  semblable  à  sa  cause  (nisyandaphala,  ii. 
57  c),  et  ce  genre  de  fruit  ne  convient  pas  à  un  dharma  futur,  parce 
que,  dans  le  futur,  il  n'y  a  pas  antériorité  et  postériorité  (pûrvapaé- 
chnatâhliâvât).  On  ne  peut  pas,  d'autre  part,  admettre  qu'un  dharma 
déjà  né,  passé  ou  présent,  soit  l'écoulement  d'un  dharma  futur,  de 
même  qu'un  dharma  passé  n'est  pas  l'écoulement  d'un  dharma 
présent,  car  le  fruit  n'est  pas  antérieur  à  la  cause.  —  Donc  le  dharma 
futur  n'est  pas  cause  semblable. 

7,  S'il  en  e.st  ainsi,  le  dharma  futur  ne  sera  pas  non  plus  vipâka- 
hetii,  cause  de  rétribution  (ii.  54  c),  car  (1)  le  fruit  de  rétribution 
(vipâkaphala,  ii.  56  a)  ne  peut  être  ni  simultané,  ni  antérieur  à  sa 
cause  ;  (2)  les  dh armas  du  futur  ne  présentent  pas  antériorité  et 
postériorité. 

Le  Vaibhâsika  répond  que  le  cas  n'est  pas  le  même.  La  cause 
semblable  (sahliâgahetu)  et  son  fruit  qui  est  écoulement  (ïiisyanda) 
sont  des  dharmas  semblables.  A  supposer  qu'ils  existent  dans  le 
futur,  faute  d'antériorité  et  de  postériorité,  ils  sont  réciproquement 
causes  l'un  de  l'autre,  et  par  conséquent  fruits  l'un  de  l'autre  :  or  il 
n'est  pas  admissible  que  deux  dharmas  soient  l'écoulement  l'un  de 
l'autre.  —  Au  contraire,  la  cause  de  rétribution  et  le  fruit  de  rétribu- 
tion sont  dissemblables.  Même  si  l'antériorité  et  la  postériorité  font 
défaut,  la  cause  reste  seulement  cause,  le  fruit  reste  seulement  fruit. 


262  CHAPITRE  II,  52  c-d. 

La  qualité  de  sahhâgahctn  résulte  de  la  condition  ou  état  (avasthà)  : 
un  dharma  futur  n'est  pas  sahhâgahetu  ;  entrant  dans  la  condition 
de  présent,  dans  la  condition  de  passé,  il  est  sahhâfjahchi.  La  qualité 
de  cause  de  rétribution  résulte  de  la  nature  même  du  dharma 
(laksana vyavasth itas  tu  vipâkahctuk). 

Nous  avons  dit  qu'un  dharma  est  cause  semh\ah\(^  (sahhâfjahetii) 
des  seuls  dharmas  qui  appartiennent  à  son  étage.  Cette  restriction 
s'applique-t-elle  à  tous  les  dharmas  ? 

Elle  s'applif(ue  seulement  aux  dharmas  impurs  (sâsrava),  non 
pas  aux  dharmas  purs  [8  a]  : 

52  c-d.  Mais  le  Chemin  est  sahhâgahetu  du  Chemin,  sans  distin- 
guer les  neuf  étages  '. 

Le  chemin  est  de  neuf  étages  ou  terres  —  Vanâgamya,  le  dhyâ- 
nântara,  les  quatre  dhyânas  primaires  (mûla),  les  trois  ârûpyas 
inférieurs  primaires  (vi.  20  c)  —  dans  ce  sens  que  l'ascète,  résidant 
dans  ces  neuf  états  de  recueillement,  peut  cultiver  le  chemin. 

Les  dharmas  qui  constituent  le  chemin  sont  cause  semblable  des 
dharmas  qjii  constituent  le  chemin,  d'étage  à  étage.  En  effet,  le 
chemin  réside  dans  les  divers  étages  comme  un  hôte  (àgantnka),  sans 
faire  partie  des  sphères  d'existence  (dhâtu)  auxquelles  les  étages 
appartiennent  :  la  soif  du  Kamadlultu,  du  Rfipadhatu,  de  l'Arfipya- 
dhatu,  ne  porte  pas  sur  le  chemin.  Le  chemin,  quel  que  soit  l'étage 
sur  lequel  s'appuie  l'ascète  pour  le  cultiver,  reste  de  même  nature 
(samânajâtiyaj  ;  le  chemin  est  donc  cause  semblable  du  chemin. 

Toutefois,  le  chemin  tout  entier  n'est  pas  cause  semblable  du 
chemin  tout  entier.  On  n'a  pas  à  tenir  compte  de  l'étage  où  il  est 
pratirjué,  mais  des  caractères  propres  au  chemin  lui-même. 

52  d.  Le  Chemin  est  saMn'igaheiiiûn  Ciiemin  égal  ou  supérieur  ^ 

Non  pas  du  chemin  inférieur,  parce  (pie  le  chemin  est  toujours 
acquis  pni  e^ori  (prayogaja). 

1.  nnyotiifam  vnvnbhûwis  t\i  niârgnli 

2.  aaniavisistayoh  ij 


Hluan-tsang,  vi,  fol.  7  b-8  b.  263 

Déiinissonft  ces  termes,  chemin  inférieur,  égal,  supérieur. 

1".  Lorsque  la  duJikJic  dJiarmajnânaksânti  (premier  moment  du 
darsajihninrga ,\\.  25  d),  passée  ou  présente,  est  cause  semblable  de 
la  mèmerJîsâidi  future,  le  chemin  causé  est  égal  au  chemin  causant. 

Corsque  cette  ksânti  est  cause  semblable  du  duhkhe  dharma- 
jfiâna  (deuxième  moment  du  daréanamârga,  vi.  26  a)  le  chemin 
causé  est  supérieur  au  chemin  causant. 

Et  ainsi  de  suite  jusqu'à  \ cuiutpâdajùâna  (vi.  50)  lequel,  n'ayant 
pas  de  supérieur,  peut  seulement  être  cause  semblable  d'un  chemin 
égal,  à  savoir  d'un  amdpâdajnâna  futur. 

2.  Pour  préciser,  le  daréanamârga  est  cause  semblable  du  daréa- 
namârga, du  hhâvanâmârga  et  de  Yaéalksamârga  ;  le  bkâvanâ- 
inârga,  du  hhâvanâmârga  et  de  V aéaiksamârga  ;  Vaéaiksamârga, 
de  V aéaiksamârga  égal  ou  supérieur. 

3.  A  considérer  un  chemin  quelconque,  ce  chemin  peut  être  prati- 
qué par  un  ascète  aux  facultés  faibles  (mrdvindriya)  ou  vives  (tiks- 
nendriya)  :  un  chemin  de-facultés-faibles  est  cause  semblable  du 
même  chemin  de-facultés-faibles  et  de-facultés-vives  [8  b]  ;  un  chemin 
de-facultés- vives  est  cause  semblable  du  même  chemin  de-facultés- 
vives.  —  Par  conséquent  les  chemins  de  Sraddhânusârin  (vi.  29),  de 
Sraddhâdhimukta  (vi.  31)  et  de  Samayavimukta  (vi.  56-7)  sont  res- 
pectivement cause  semblable  de  six,  de  quatre,  de  deux  chemins  ;  les 
chemins  de  Dharmânusarin  (vi.  29),  de  Drstiprapta  (vi.  31)  et  d'Asa- 
mayavimukta  (vi.  56-7)  sont  respectivement  cause  semblable  de 
trois,  de  deux,  d'un  chemin  '. 

Lorsqu'un  chemin  pratiqué  à  un  étage  supérieur  est  cause  sem- 
blable d'un  chemin  pratiqué  à  un  étage  inférieur,  comment  peut-il 
être  cause  d'un  chemin  égal  ou  supérieur  ? 

Le  chemin  pratiqué  à  un  étage  inférieur  peut  être  égal  ou  supérieur 
(1)  du  point  de  vue  des  facultés  (indriyas)  qui  peuvent  être  faibles 

t.  Les  chemins  de  Sraddhânusârin.  de  Sraddhâdhimukta  et  de  Samayavimukta, 
sont  les  chemins  de  darsano,  de  bhûvancl  (=^  saiksa)  et  d'asaiksa  des  ascètes 
de  facultés  faibles  ;  les  chemins  de  Dharmânusarin,  de  Drstiprapta  et  d'Asamaya- 
vimukta  sont  respectivement  les  mêmes  chemins  des  ascètes  de  facultés  vives. 


264  CHAPITRE  II,  53  a-1), 

ou  vives  à  n'importe  quel  étage,  (2)  du  point  de  vue  de  raccumula- 
tion  des  causes  (hetùpacayntas)  '. 

Il  n'arrive  pas  qu'une  rncMne  personne  prenne  successivement  les 
chemins  de  SraddhanusiTrin  et  de  Dharmânusarin  ;  cependant  le  pre- 
mier, présent  ou  passé,  est  la  cause  semblable  du  second,  postérieur  '. 

La  règle  du  fruit  égal  ou  supérieur  s'applique-t-elle  seulement  aux 
dharmas  purs  (anâsrava),  c'est-à-dire  aux  dharmas  qui  font  partie 
du  C-bomin  ? 

53  a.  Les  dharmas  acquis  par  effort  sont  sahhâgalietu  des  deux 
mêmes  classes,  l'égale  et  la  supérieure  '. 

Les  dharmas  mondains  (lankika)  acquis  par  effort  ou  exercice 
(prayogaja)  sont  cause  semblable  de  dharmas  égaux  ou  supérieurs, 
non  pas  de  dharmas  inférieurs. 

Quels  sont  les  dharmas  acquis  par  effort  ? 

53  b.  Ceux  qui  naissent  de  l'audition,  de  la  réflexion,  etc.  ^ 

Les  diiarmas  '  acquis  par  effort  '  s'opposent  aux  dharmas  '  innés  ' 
(upapattlpratilamhhika).  Ce  sont  des  qualités  (guna)  procédant  de 
l'audition  (sruta),  c'est-à-dire  de  la  parole  du  Bouddha,  de  la  réflexion 
(cintd),  du  recueillement  {hhâvanâ). 

1.  A  considérer  les  quinze  premiers  moments  {darèanamârcfa,  vi.  27),  le 
denxième  moment,  produit  dans  un  étage  inférieur,  est  supérieur  au  premier 
moment  produit  dans  un  étage  supérieur,  parce  «piil  a  pour  causes  :  (1)  les  causes 
du  premier  moment,  (2)  ses  causes  propres  ;  et  ainsi  de  suite  :  le  hhâvanâmârga 
a  pour  causes:  (1)  les  causes  du  dnrsnnanuiryn.  (2)  ses  causes  propres;  Vasniksa- 
mârya  a  pour  causes  :  (1)  les  causes  du  duréana  et  du  bhâvanâniârya,  (2)  ses 
causes  propres. 

En  outre,  dans  les  bhâvanâmârya  et  asaiksamârya,  le  chemin  détruit  neuf 
catégories  de  passions,  forte-forte,  forte-moyenne,  etc.;  il  est  successivement  faible- 
faillie,  faihle-moyen.  faihie-fort,  mnyen-faiMe,  etc.  —  Or  le  chemin  faible-moyen 
a  pour  causes  :  (1)  les  causes  du  chemin  faible-faible,  (2;  ses  propres  causes. 

2.  On  peut  donc  dire  que  le  chemin  de  Sradilhânusârin  cal  sabhâgohetu  de  six 
chemins.  Cette  thèse  tUmne  lieu  ,'i  une  discussion  dans  hupielle  le  maître  Vasumitra 
soutient  à  tort  que  le  Sraddhûnusarin  est  capable  de  rendre  vives  ses  facultés. 
(  Vyâkliyâ), 

3.  [pràyorjikan  tayor  eva  srntacint(imu}jadayah\ 


Hiiicui-tsaiig,  vi,  fol.  8  b-9  b.  265 

Etant  acqsis  par  effort  [9  a],  ils  sont  cause  semblable  de  meilleur 
ou  d  égal,  non  pas  de  moins  bon. 

he^dtiarmas  d'audition  (énifamaya)  du  domaine  du  Kamadliâtu 
sont  cau§e  semblable  de  dharmas  d'audition  et  de  réllexion  (cintâ- 
mayaTdu  Kâmadhatu  ;  non  pas  de  dharmas  de  recueillement  (hhâ- 
vanâmaya),  parce  que  ces  dharmas  n'existent  pas  dans  le  Kâma- 
dbatu,  parce  qu'un  dliarma  est  cause  semblable  de  dharmas  de  la 
même  sphère  d'existence. 

Les  dharmas  d'audition  du  Rûpadhâtu  sont  cause  semblable  de 
dharmas  d'audition  et  de  recueillement  du  Rûpadhâtu  ;  non  pas  de 
dharmas  de  réflexion,  parce  que  ces  dharmas  manquent  dans  cette 
sphère  d'existence  :  aussitôt  que,  dans  le  Rûpadhâtu,  on  conmience  à 
réfléchir,  aussitôt  on  entre  en  recueillement  (samâdhi). 

Les  dharmas  de  recueillement  du  Rûpadhâtu  sont  cause  semblable 
de  dharmas  de  recueillement  du  Rûpadhâtu,  non  pas  de  dharmas 
d'audition  du  Rûpadhâtu,  parce  que  ceux-ci  sont  moins  bons. 

Les  dharmas  de  recueillement  de  l'Ârûpyadhâtu  sont  cause  sem- 
blable de  dharmas  de  recueillement  de  l'Ârûpyadhâtu.  Les  dharmas 
d'audition  et  de  réflexion  manquent  dans  cette  sphère  d'existence. 

En  outre,  il  faut  considérer  que  les  dharmas  acquis  par  effort  sont 
de  neuf  classes  :  faible-faible,  faible-moyen,  etc.  —  Les  faibles-faibles 
sont  cause  semblable  de  dharmas  des  neuf  classes  ;  les  faibles-moyens, 
de  dharmas  de  huit  classes,  en  exceptant  les  faibles-faibles  ;  et  ainsi 
de  suite. 

Quant  aux  bons  dharmas  '  innés  ^,  les  neuf  classes  sont  cause 
semblable  les  unes  des  autres.  Il  en  va  de  même  des  dharmas  souillés 
(klista). 

Quant  aux  dharmas  non-souiliés-non-défmis  (anivrtâvyâkrta), 
ils  sont  de  quatre  catégories  (ii.  72),  la  suivante  étant  '  meilleure  ' 
que  la  précédente  [9  b]  :  dharmas  nés  de  rétribution  (vipâkaja) 
(i.  37)  ;  dharmas  relatifs  à  l'attitude  couchée,  assise,  etc.  (airyâpa- 
ihika)  :  dharmas  relatifs  au  travail  professionnel  (sailpasthânika)  ; 
pensée-de-création  (nirmânacitta)  (vii.  48).  —  Ces  quatre  catégories 
sont  respectivement  cause  semblable  de  quatre,  de  trois,  de  deux, 
d'une  catégorie. 


266  CHAPITRE  II,  53. 

En  oulro,  cuiiiiiie  une  ponséc-de-crcalioii  du  domaine  du  Kâma- 
dhatu  peut  être  le  fruit  de  clincun  des  quatre  dhyâïias  (Vïhhâsâ.,  18,  4), 
il  y  a  lieu  d'établir  ici  la  uièuie  distinction  :  les  pensées-de-création 
constituent  quatre  classes,  et  sont,  d'après  leur  classe,  cause  semblable 
de  quatre,  de  trois,  de  deux,  d'une  pensée-de-création.  En  effet,  fruit 
d'un  dhyâna  supérieur,  la  pensée-de-création  n'est  pas  cause  sembla- 
ble de  la  pensée-de-création  qui  est  le  fruit  d'un  dhyâna  inférieur  : 
d'une  cause  semblable  (pensée  de  création)  réalisée  à  plus  grand 
effort  (àbhisamskârika,  mahâyatnasâdhifa),  ne  peut  procéder  un 
dharina  moins  bon,  réalisé  à  moindre  effort  '. 

Ce  principe  étant  posé,  on  pose  et  on  résoud  les  questions  suivan- 
tes (ata  evâhifh)  :  - 

1.  Y  a-l-il  un  dhamin  pur  ((iminrava),  déjà  né  (utpanna),  qui  ne 
soil  pas  cause  d'un  dharma  pur  non  destiné  à  naître  (anidpalii- 
dharnian)  ? 

Oui.  Le  dtdikhe  dharmaj  ficma  déjà  né  n'est  pas  cause  des  didtkhe 
dharmajfidnaksântis  non  destinées  à  naître.  En  outre,  aucun  meil- 
leur (visista)  n'est  cause  du  moins  bon  (nyûna). 

2.  Y  a-t-il,  dans  une  série,  un  dharma  pur,  antérieurement  acquis 
(pûrvapraiilabdha  :  dont  on  a  d'abord  obtenu  la  prdpti),  (|ui  ne  soit 
pas  cause  d'un  dharma  pur  né  après? 

Oui.  Les  duhkhe  dharmajhâriaksânlis  futures,  [mais  dont  la  pos- 
session (prâpfl)  a  été  obtenue  au  premier  moment  du  Chemin,]  ne 
sont  pas  cause  du  duhkhe  dharmaj fiàiia  déjà  né.  Parce  que  le  fruit 
ne  peut  être  antérieur  à  la  cause,  ou  encore*  parce  que  le  dharma 
futur  n'est  pas  cause  semblable. 

3.  Y  a-t-il  un  dharma  pur,  né  antéiiciiicm^'nl,  ([ui  ne  soit  pas  cause 
d'un  dharma  pur  né  après  ? 

Oui.  Le  meilliMu-  (adhimâlra  =  visista)  n'est  pas  cause  du  moins 
bnn.  l'ar  exenq)lo.  lorsque,  après  être  tombé  d'un  fruit  supérieur,  on 
réalise  un   fiiiil   iiifcririu-,  Ir  fruit  supérieur  n'est  pas  cause  du  fruit 

1.  nhhisnm.skarikasyn  snhhùrinhetor  hï ifamnnnm  phnUim  na  bhavati. 

2.  Parnmûrtha  :  I.,es  maîtres  disent.  —  Vihhasâ,  18,  5. 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  9  b-10  b.  267 

inférieur  [10"a].  En  oiiire,  la  possession  du  diihkhe  dharmaj flâna 
née  antérieurement  n'est  pas  cause  des  possessions  de  la.  drihkîie 
dharmaj iiciHaksâïiti  qui  naîtront  dans  les  moments  postérieurs 
(duJjJiJie  y rivayaj Hânakfiâtdiksane,  etc.)  ;  parce  que  ces  nouvelles 
possessions  sont  moins  bonnes. 

53  c-d.  Seuls  sont  samprayiiktakahdu,  cause  en  qualité  d'asso- 
ciés, la  pensée  et  les  mentaux  '. 

Les  pensée-et-mentaux  sont  saniprayuktakalietu. 

Est-ce  à  dire  que  des  pensées  et  mentaux,  nés  à  des  moments  diffé- 
rents, nés  dans  des  séries  différentes,  sont  entre  eux  samprayukta- 
kahetu  ? 

Non  pas. 

Dirons-nous  donc  que  les  pensée-et-mentaux  de  même  aspect 
(ekâkâra),  c'est-à-dire  ayant  le  même  aspect  de  bleu,  etc.,  et  de 
même  objet  (ekâlambana),  c'est-à-dire  ayant  pour  objet  le  même 
bleu,  etc.,  sont  saniprayiiktakahetu  ? 

Non  pas.  Cette  définition  donne  prise  à  la  même  critique  :  pensées 
et  mentaux  d'époques  ditférentes  et  de  séries  différentes  peuvent  avoir 
même  aspect  et  même  objet. 

Dirons-nous  que  les  pensée-et-mentaux  de  même  aspect  et  de 
même  objet,  doivent,  en  outre,  être  de  même  époque  ? 

Cela  ne  suffit  pas  encore  :  car  beaucoup  de  personnes  peuvent  voir 
en  même  temps  la  nouvelle  lune. 

Par  conséquent,  l'auteur  ajoute  : 

53  d.  qui  ont  le  même  point  d'appui  -.  [iO  b] 

Les  pensée-et-mentaux  qui  ont  le  même  point  d'appui  sont,  entre 
eux,  samprayuMakahetu. 

'  Même  '  (sania)  signifie  unique  (ahliinna).  "^ 

1.  satnprayuktakahetus  tu  cittacaittdh 
Vyâkhyâ  :  tuêabdo  ' vadhârane  hhinnakratnas  ca. 
Vibhâsâ,  16,  12.  —  KathSvatthii,  vii.  2  sur  les  sampaifuttas. 

2.  samâérayâh  l'i 

3.  sama  peut  s'enteiidi'e  tulya,  pareil  ;  c'est  pourquoi  l'auteur  précise. 


268  ruAPiTHE  II.  53-54  b. 

Par  exeniplr,  un  inumcMit  (kiiaHa)  donné  de  l'orj^ane  de  la  vue 
(caksurlndriya)  est  le  point  d'appui  (1)  d'une  connaissance  visuelle, 
(2)  de  la  sensation  (vedanâ)  et  des  autres  mentaux  qui  sont  associés 
(samprayukta)  à  cette  connaissance.  Et  de  même  pour  les  autres 
organes  jusqu'au  martas  :  un  certain  moment  de  l'organe  mental 
(manas)  est  le  point  d'appui  d'une  connaissance  mentale  et  des  men- 
taux associés  à  cette  connaissance. 

Ce  qui  est  samprayiiktakahetu  est  aussi  sahabhùhetu.  Quelle  est 
la  différence  entre  ces  deux  causes  ?  ' 

Des  dharmas  sont  dits  sahabhùhetu  parce  qu'ils  sont  mutuelle- 
ment fruits  les  uns  des  autres  (anjjonijapJiahlrthena).  De  même  que 
les  compagnons  de  caravane  (sahaMrth  ika)  cheminent  (mârga- 
prayâna)  grâce  à  l'appui  qu'ils  se  donnent  les  uns  aux  autres  (paras- 
|;arrt6a^e;^«^  ;  de  même  la  pensée  est  le  fruit  du  mental,  le  mental 
est  le  fruit  de  la  pensée. 

Des  dharmas  sont  dits  samprayiikfakcdirhi,  cause  mutuelle  en 
qualité  d'associés,  parce  qu'ils  fonctionnent  identiquement  (sa.ma- 
prayogârthrna,  praynga  •=  pravrtti),  c'est-à-dire,  parce  qu'il  y  a 
entre  eux  les  cinq  similitudes  ou  identités  (samatâ)  définies  ci-des- 
sus ii.  34.  Le  voyage  des  compagnons  de  caravane  est  assuré  par 
l'appui  mutuel  qu'ils  se  confèrent  ;  en  outre,  ils  se  servent  des  mêmes 
aliments,  des  mêmes  boissons,  etc.  De  même,  la  pensée  et  les  mentaux 
se  servent  du  même  point  d'<q>pui,  ont  le  même  aspect,  etc.  :  si  une 
des  cinq  identités  manque,  ils  n'ont  plus  même  fonctionnement  et 
ne  sont  pas  associés  ^ 

54  a-l).  Sont  sarvatragahpfu,  cause  universelle,  les  universels 
antérieurs,  à  l'endroit  des  dharmas  souillés  de  leur  propre  étage '. 

Les   universels  (sarvaga),  ([ue   nous   étudierons  dans   le  chapitre 

1.  ^'illll^lsâ,  10,  l.'i.  sigiinlf  six  niiiiiions  sur  ce  |i()iiit. 

2.  ifdthn     fesam     snntfiniiopfitinsuaiKisdiffniadiiHtrihhoffdkriyayam 

prniioyns  tndvat  samapraiiogafvam  esàm  amjouyam  blinvati  /  ata  ecâha  / 
ekeua  hi  vinâ  na  sarve  snmpraijujjfante. 

3.  sarvatrnynkinjnh  klisfdtiam  svabhnmau  pûrvasarvagâh  / 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  10  b-ll  a.  269 

des  aniisai/cf^  (v.  12),  4iés  auparavant,  c'est-à-dire  passés  ou  présents, 
et  appartenant  à  un  certain  étage  (hhûnii),  sont  la  cause  universelle 
des  cUiarmas  souillés,  postérieurs,  du  même  étage,  qu'ils  soient 
soui^és  de  leur  nature,  par  association  ou  par  leur  origine  (iv.  9  c). 

Les  universels  sont  seulement  cause  de  dhannas  souillés  ;  ils 
sont  cause  de  dharmas  souillés  de  leur  catégorie  et  des  autres  caté- 
gories (nikâya,  ii.  52  b)  :  par  leur  pouvoir  prennent  naissance  (upa- 
jâyante),  avec  leur  cortège  (parivâra),  des  passions  appartenant  à 
des  catégories  différentes  de  la  leur  '.  Ils  constituent  donc  une  cause 
différente  du  sahhâgahetu  -. 

Les  dharmas  souillés  d'un  Àrya  (râga,  concupiscence,  etc.) 
auraient  donc  pour  cause  les  universels  ?  L'Àrya,  cependant,  a  aban- 
donné tous  les  universels,  car  ceux-ci  sont  abandonnés  par  la  vue 
des  vérités. 

Les  Vaibliâsikas  du  KasmTr  admettent  que  tous  les  dharmas 
souillés  ont  pour  cause  les  dharmas  abandonnés  par  la  vue  des 
vérités.  Car  le  Prakaranapâda  ^  s'exprime  en  ces  termes  :  «  Quels 
dharmas  ont  pour  cause  les  dharmas  abandonnés  par  la  vue  des 
vérités.  —  Les  dharmas  souillés  ^  et  la  rétribution  des  dharmas 
abandonnés  par  la  vue  des  vérités.  —  Quels  dharmas  ont  pour 
cause  des  non-définis  (avtjâkïia)  ?  —  Les  dharmas  conditionnés 
(samskrta)  non-définis  "'   et   les    dharmas   mauvais  (akusala).  — 

1.  De  l'universel  susceptible  d'être  abandonné  par  la  vue  de  la  douleur  procèdent 
des  passions  susceptibles  d'être  abandonnées  par  la  vue  de  l'origine,  de  la  destruc- 
tion et  du  chemin,  et  par  la  méditation.  De  l'universel  susceptible  d'être  abandonné 
par  la  vue  de  l'origine  procèdent  des  passions  susceptibles  d'être  abandonnées 
par  la  vue  de  la  douleur,  de  la  destruction  et  du  chemin,  et  par  la  méditation 

2.  On  les  nomme  '  universels  '  (sarvaya),  parce  qu'ils  vont  vers  (gacchanti), 
'  occupent  '  (bhajante),  ont  pour  objet  (âlambante)  toutes  les  catégories  de 
passions  ;  ou  parce  qu'ils  sont  cause  (hetubhâvam  gacchanti)  de  toutes  les 
catégories  de  passions. 

3.  Voir  ci-dessus  p.  251. 

4.  Puisque  le  texte  porte  :  «  les  dliarmas  souillés  »,  sans  autrement  préciser, 
il  s'agit  des  dharmas  souillés  des  Prthagjanas  et  des  Aryas. 

5.  Il  s'agit  des  samskrtas  non-délinis,  nivrtâvyakrta  ou  anivriâvyâkrta, 
non  des  deux  asamskrtas  non-définis,  l'espace  et  V aprat isamkhyâfi i rodha. 


270  CHAPITRE  II,  54. 

Y  a-l-il  lin  duhlxhasatya  qui  ait  pour  cause  la  croyance  au  moi 
(satkâyadrsti)  et  qui  ne  soit  pas  cause  de  croyance  au  moi  ?....  et  le 
reste  jusque  :  à  l'exclusion  des  naissance-vieillesse-durée-imperma- 
nence de  la  croyance  au  moi  future  '  et  de  ses  associés,  tout  autre 
dulikhasatya  souillé  ». 

Objection.  —  Si  des  dharmas  mauvais  (akuéala)  ont  pour  causes 
des  dharmas  non-délinis.  et  non  pas  seulement  des  dharmas  mau- 
vais [11  1)].  comment  faut-il  expliquer  ce  Jyhâsya  de  la  Prajuapti': 
«  Y  a-t-il  un  dharma  mauvais  qui  ait  seulement  pour  cause  un 
d  h  arma  mauvais  ?  —  Oui  ;  la  première  volition  (cetanâ)  souillée 
que  produit  un  Arya  tombant  du  détachement.  »  ' 

Réponse.  —  Les  dharmas  non-définis,  qui  sont  abandonnés  par 
la  vue  des  vérités,  sont  cause  (sarvatragahetu)  de  cette  mauvaise 
volition.  Si  la  Prajnapli  n'en  fait  pas  mention,  c'est  qu'elle  entend 
seulement  nommer  les  causes  qui  n'ont  pas  été  abandonnées. 

1.  Le  mot  'future'  manque  dans  Paramârtha.  et  sans  doute  aussi  dans  l'original. 
Voir  ci-dessus  p.  25:2. 

2.  D'après  la  Vyâkhyâ,  le  texte  porte  :  iiJam  tarhi  prajnapttDiûsyam — 

Hiuan-tsang  traduit  très  bien  :  «  Comment  l'aul-il  expliquer  le  Prajùuptipâdasas- 
ira  V  »,  car  «  ce  bhâsya  de  la  Prajfiapti  »  signilie  «  cette  explication  qu'on  lit 
dans  la  Prajfiapti  ».  —  Voir  la  version  tibétaine  de  la  Karniaprajùapti,  ebap.  ix. 
(Mdo.  G3,  fol.  229  b-236  a)  :  §  1.  Existe-l-il   une  volition  passée  qui   naisse    d'une 

cause  passée,  non  pas  d'une  cause  à  venir,  non  pas  d'une  cause  présente  ? 

§  2.  Existe-t-il  des  dharmas  bons  qui  naissent  de  causes  bonnes? Existe-t-il 

des  dharmas  non-définis  qui  naissent  de  causes  mauvaises?  Oui:  (1)  les  dharmas 
qui  sont  la  rélriliuliou  de  l'acte  mauvais;  (2)  les  dltartuas  du  Kâiiiudbâtu  associés 
à  la  satfidyadrsti  et  à  V antuyrdhudrsti.  §  .'î.  t^xiste-t-il  des  dliarmas  bons 
qui  naissent  seulement  de  causes  bonnes  ?  Oui  :  la  volition  associée  aux  membres 

de  la  Bodbi  Exi.-,lf.l-il  des  dharmas  iiKunais  qui  naissent  seulement  de  causes 

mauvaises  ? » 

Un  sait  par  J.  Takakusu  (JPTS.  VMô,  p.  77)  que  la  Karniaprajùapti  n'existe 
plus  en  cliinois.  Le  ANunjio  lol7  contient  la  Kûranaprajiiapti  ;  le  Nanjio  12*.)7 
contient  un  traité  analogue  à  la  Lokaprajnapti  :  on  trouvera  un  sommaire  de  ces 
deux  Prajfiaptis  dans  Cosmologie  bouddbique,  pp.  '2\i')-\iîlA). 

3.  syât  I  (lrya}indijalah  kdmavairâgydt  parih'iyamâno  yâm  tatpratha- 
matah  klistdm  cetaiiâui  sammtiklûkaroti.  —  «  Au  moment  où  il  tombe  du 
détaclienient,  la  volition  mauvaise  de  l'Arya  a  seulement  pour  cause  des  dharmas 
mauvais,  causes  en  qualité  de  sahabhû  et  de  samprayitktukahetu  ;  elle  n'a  pas 
pour  cause  des  dharmas  non-définis  puisque  l'Arya  a  abandonné  la  satkâyadrsti 
et  Vantagrâhadrstt  »  :  telle  est  l'interprétation  de  l'objectant. 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  11  a-12  a.  271 

54k  c-d.  Soiil   cause.de   rétribution  les   dliarmas  mauvais  et  les 

dJiarînas  bous  qui  sont  impurs  '. 

» 

1.  Sont  seuls  cause  de  rétribution  les  dharinas  mauvais  —  les- 
queli^wisi^n'it  tous  iiupurs  —  et  les  dliarmas  bons  qui  sont  impurs  ; 
parce  que  leur  nature  est  de  mûrir  (vipâkadharmatvât  =  vipakti- 
prakrtltvât). 

Les  dliarmas  non-définis  ne  sont  pas  cause  de  rétribution,  parce 
qu'ils  sont  faibles.  De  même  des  semences  pourries,  même  humec- 
tées, ne  poussent  pas. 

Les  dliarmas  purs  ne  sont  pas  cause  de  rétribution  parce  qu'ils 
ne  sont  pas  humectés  (ahliisyandita)  '  par  la  soif  (trsnâ).  De  même 
des  semences  intactes  (sàrablja),  non  humectées,  ne  poussent  pas. 

En  outre,  les  dliarmas  purs  ne  sont  liés  (praUsamijulda),  n'appar- 
tiennent à  aucune  sphère  d'existence  :  à  quelle  sphère  pourrait  appar- 
tenir le  fruit  de  rétribution  qu'ils  produiraient  ? 

Les  dliarmas  qui  ne  sont  ni  non-définis,  ni  purs,  possèdent  les 
deux  qualités  nécessaires  à  la  rétribution,  la  force  propre,  l'humidité 
de  la  soif.  De  même  la  semence  intacte  et  humectée. 

2.  Objection.  —  Quel  est  le  sens  de  l'expression  vipâkalietu  ? 
Vous  avez  le  choix  entre  deux  interprétations  de  ce  composé  :  vipâ- 
kalietu signifie  ou  bien  '  cause  de  vipâka  \  [12  a]  ou  bien  '  cause 
en  qualité  de  vipâka  '.  Dans  le  premier  cas,  le  suffixe  a  (gliavi) 
marque  l'état  (bliâva)  :  le  vipâka  (=  vipakti)  est  le  résultat  de  l'opé- 
ration indiquée  par  la  racine  vi-pac.  Dans  le  second  cas,  le  suffixe  a 
marque  l'opération  (karman)  :  le  vipâka  est  ce  qui  devient  mûr 
(vipacyate),  c'est-à-dire  l'action  arrivée  au  moment  où  elle  donne 
un  fruit.  —  A  laquelle  de  ces  deux  interprétations  vous  tenez-vous  ? 
Si  vous  acceptez  la  première,  comment  justifierez-vous  le  texte  (Jnâ- 
naprasthâna,  11,  9)  :  «  L'œil  naît  du  vipâka  (vipâkajam  caksus)  »  ? 

1.  l'ipâkahehtr  ahihhâh  îcuéalâs  caiva  sàsravâh  I 

Aux  dharmas  non-définis  manquent  la  fort-e  propre  (svasakti)  :  aux  dharmas 
purs  manque  le  co-f'acleur  (sahakârikârana).  —  Voir  iii,  36  b. 

2.  Mahâvyutpatti,  245,  181. . 


272  CHAPITRE  II,  54  c-d. 

Si  vous  acceptez  la  seconde,  cominenl  justilierez-voLis  l'expression  : 
«  vipâka  de  l'acte  »  ? 

Nous  avons  niontié  (i.  37)  que  les  deux  explications  du  mot 
vipâka  sont  correctes.  Quand  on  examine  les  fruits,  il  faut  compren- 
dre le  mot  vipâka  d'après  la  première  explication  ;  le  sens  est  :  résul- 
tat, rétribution.  Le  texte  :  «  L'œil  naît  du  vipâka  »  doit  être  compris  : 
«  L'œil  naît  de  la  cause  de  vipâka  ». 

3.  Quel  est  le  sens  du  composé  vi-pâka  ? 

Le  préfixe  vi  indique  différence.  Le  vipâka  est  un  pâka,  un  fruit, 
dissemblable  (visadrsaj  de  sa  cause  '. 

Comment  cela  ? 

Dans  le  Kûmadliâtu,  (1)  une  cause  de  rétribution  (vipâkahetn) 
consistant  en  un  seul  skandha  produit  un  seul  fruit  :  la  possession 
(pjrâpti,  ii.  36  b)  avec  ses  caractères  (laksanas,  ii.  45  c)  ;  (2)  une 
cause  de  rétribution  consistant  en  deux  ska}idh as  produit  un  seul 
fruit  :  l'acte  coiporel  et  vocal  avec  ses  caractères  ;  (3)  une  cause  de 
rétribution  consistant  en  quatre  ska)id]ias  produit  un  seul  fruit  :  la 
pensée  et  les  mentaux,  bons  et  mauvais,  avec  leurs  hiksaïias. 

Dans  le  Rûpadliâtu,  (1)  une  cause  de  rétribution  consistant  en  un 

1.  Iliiian-tbung  place  ici  des  leiuurqueb  qui  iiianqtienl  dans  Paraïuûrlha  : 
D'après  les  Vaildiâsikas,  le  préfixe  vi  indique  difl'érence  :  vipâka  signifie  'pâka 
dilVérent  '  (Maliâvyutpalti.  245,  182).  C'est-à-dire  :  seul  le  vipâkahetn  donne  seule- 
ment unpâfca,  un  fruit,  non  senihlablo  à  lui-même.  Les  sahabhH,samprayuktaka, 
sabhâya,  sarvatrafjahetu  doiuicnl  sfnlrMVif'ut  un  fruit  semblal)le  à  eux-mêmes 
(bon,  mauvais,  noii-dt-lini)  ;  lu  kâranalteiii  doinie  un  fruit  semblable  ou  dissem- 
blable :  seul  le  vipâkahetn  donne  toujours  un  fruit  dissemblable  :  car  le  vipâka- 
hetn n'est  jamais  non-défini  et  son  fruit  est  toujours  non-défini. 

[D'après  les  Sautrântikas,  j  c'est  à  deux  conditions  qu'un  fruit  re*;oit  le  nom  de 
vipâka  :  il  doit  être  produit  jtar  le  dernier  stade  «le  l'évolution  d'une  série  (satn- 
tâiiaparincunaci^esu  ;  \oiv  i-i-i\fSHU:i  [).  18."»^  ;  il  doit  durer  plus  ou  moins  long- 
temps en  raison  de  In  force  plus  ou  moins  grande  de  la  cause.  Or,  les  fruits  issus 
de  deux  causes,  sahabhû  <t  sampraifnkiaka,  ne  présentent  pas  le  premier 
caractère,  car  ces  causes  projettent  et  réaliseid  leur  fruit  en  même  temps  (ii.  .'JS)  ; 
et  les  fruits  issus  de  trois  causes,  kâraiia,  sabhâ(ja,  sarvatraga  [12  b],  ne 
présentent  pas  le  second  caraclèri'  :  car  il  n'y  a  pas  de  limite  à  la  naissance 
répétée  de  ces  fruits  le  long  de  la  transmigration.  —  Par  conséquent  la  seule 
explication  de  vipâka  est  la  suivante  :  «  transformation  (viparinâma  ?)  et 
maturité  ». 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  12  a-13  a.  273 

seul  skciudha  produit^ un  seul  fruit:  la  possession  avec  ses  carac- 
tères^'Vasamjnisamûpalfi  (ii.  42  a)  avec  ses  caractères  ;  (2)  une 
cause  (je  rétribution  consistant  en  deux  skandhas  produit  un  seul 
fruit  :  la  mjnapti  (iv.  2)  du  premier  dhifâna  avec  ses  caractères  ; 
(3)  'ûilè  cause  de  rétribution  consistant  en  quatre  skandhas  produit 
un  seul  fruit  :  la  pensée  bonne,  non  de  recueillement  (car  la  pensée 
de  recueillement  comporte  toujours  le  râpa  de  discipline,  iv.  13, 
donc  cinq  skandhas),  avec  ses  caractères  [13  a]  ;  (4)  une  cause  de 
rétribution  consistant  en  cinq  skandhas  produit  un  seul  fruit  :  la 
pensée  de  recueillement  (samâhita)  avec  ses  caractères. 

Dans  rÂrQpyadhatu,  (1)  une  cause  de  rétribution  consistant  en  un 
seul  skandha  produit  un  seul  fruit  :  la  possession,  la  nirodliasamâ- 
patti  (ii.  43),  avec  leurs  caractères  respectifs  ;  (2)  une  cause  de  rétri- 
bution consistant  en  quatre  skandhas  produit  un  seul  fruit  :  la  pensée 
et  les  mentaux  avec  leurs  caractères. 

4.  Il  y  a  un  acte  dont  la  rétribution  est  incluse  dans  un  seul  àijata- 
na,  à  savoir  dans  le  seul  dharmcujatana  (i.  15)  :  l'acte  qui  a  pour 
rétribution  l'organe  vital  (jlvitendriya,  ii.  45  a)  '.  En  effet,  l'acte  qui 
a  pour  rétribution  l'organe  vital  a  nécessairement  pour  rétribution 
l'organe  vital  et  ses  caractères  (ii.  45  c)  ;  l'un  et  les  autres  font  partie 
du  dharmâyatana. 

L'acte  qui  a  pour  rétribution  l'organe  mental  (manas)  a  nécessai- 
rement pour  rétribution  deux  âyatanas,  à  savoir  le  mana-âyatana 

1.  asti  karma  yasyaiJcam  eva  dharmâyatanam  vipâko  vipacyate.  — 
Vibhâsâ,  19,  14.  —  fHiuaiî-t.sang  :  «  l'acte  qui  produit  l'organe  vital,  etc.  »  Par 
et  ccetera,  il  faut  entendre  ou  le  nikâyasabhâga  ou  les  caractères). 

L'Acârya  Vasumitra  n'admet  pas  cette  proposition.  L'organe  vital  ou  la  vie 
(jlvitendriya)  est  le  fruit  d'un  acte  qui  projette  une  existence  (âksepakakarman, 
iv.  95).  Si  la  rétribution  que  constitue  cet  organe  mûrit  (vipacyate)  dans  le  KSma- 
dhâtu,  on  a  nécessairement  kâya-indriya  et  jlvita-indriya  dans  les  premiers 
stades  de  la  vie  embryonnaire  ;  dans  les  derniers  stades  s'ajoutent  cinq  autres 
organes  (indriya).  Si  l'organe  vital  mûrit  dans  le  Rûpadliâtu,  on  a  sept  âyatanas; 
dans  l'Arûpyadhâtu,  on  a  munaâyatana  et  dharmâyatana.  —  Yasomitra 
discute  ces  remarques  et  cite  Sainghabhadra.  La  proposition  combattue  par  Vasu- 
mitra vise  l'Arûpyadhâtu  :  à  un  certain  moment,  pour  l'être  né  dans  cette  sphère, 
il  n'y  a  pas  de  pensée  (manaàyatana)  qui  soit  de  rétribution. 

18 


274  CHAPITRE  II,  54  c-d. 

(i.  16  b)  et  le  dharmâyatuna  (lequel  comprend  les  sensations,  etc., 
et  les  caractères  qui  accompagnent  nécessairement  l'organe  mental). 
L'acte  qui  a  pour  rétribution  le  spradavyâyatana  ou  tangible 
(i.  10  d)  a  nécessairement  pour  rétribution  deux  âyatanas,  à  savoir 
le  sprastavifàtjatana  et  le  dharmàijatana  (lequel  comprend  les 
caractères  du  tangible). 

L'acte  qui  a  pour  rétribution  le  kâyàycdatia  ou  organe  du  tact 
(i.  9  a)  a  nécessairement  pour  rétribution  trois  âyatanas,  le  kâyâya- 
tana,  le  sprastavyâyatana  (à  savoir  les  quatre  grands  éléments  qui 
supportent  le  kâyâyatana),  le  dharmâyatana  (lequel  comprend  les 
caractères). 

De  même,  l'acte  qui  a  pour  rétribution  soit  le  rùpa,  soit  le  gandha, 
soit  le  rasâyatana,  a  nécessairement  pour  rétribution  trois  âyata- 
nas :  sprastavyâyatana  et  dhannâyatana  comme  ci-dessus,  plus, 
suivant  le  cas,  rûpa,  gandha  ou  rasâyatana. 

L'acte  qui  a  pour  rétribution  soit  le  caksiis,  soit  le  érotra,  soit 
le  ghrâna,  so'û  \e  jilivâyatana,  a  nécessairement  pour  rétribution 
quatre  âyatanas  :  (1)  un  des  quatre  organes,  (2)  kâyâyatana, 
(3)  sprastavyâyatana,  (4)  dharmâyatana. 

Un  acte  peut  avoir  pour  rétribution  cinq,  six,  sept,  huit,  neuf,  dix, 
onze  âyatanas  '. 

Les  actes,  en  effet,  sont  de  deux  espèces,  de  fruit  varié  (vicitra), 
de  fruit  non  varié.  De  même  en  va-t-il  pour  les  semences  [13  b]  : 
lotus,  grenade,  figuier,  millet,  blé,  etc. 

5.  Il  peut  se  faire  que  la  rétribution  d'un  acte  appartenant  à  une 
seule  époque  (ckâdhvika),  appartieime  à  trois  épo(|ues  [traiyadhvi- 
ka)  '^  ;  mais  la  réciproque  n'est  pas  vraie  ',  car  le  fruit  ne  peut  être 
inférieur  à  la  cause  (mât)hnd  atinyûnam  hetoh  phatam).  D'un  acte 

durant  un  instant  (ekaksunika),  la  rétribution   peut  durer  de  nom- 

^" 

1.  Jamais  iloiize.  car  le  èahdâyuiana  n'est  jamais  rétiibufion  (i.  37  b-c). 

12.  La  r'-fribuliim  d'un  acte  ancien  peut  avoir  comniencé,  peut  se  continuer  au 
moment  actuel,  peut  se  prolonger  dans  l'avenir. 

3.  L'éditeur  japonais  donne  comme  exemple  d'un  acte  prolongé  lu  carrière 
héroïque  du  Bodhisaitva. 


Hiiian-tsang,  vi,  fol.  13  a-14  a.  275 

breux  instaiTts  ;  mais'  la  réciproque  n'est  pas  vraie,  pour  la  même 
raison.  (Vibhasâ,  19,  le) 

La^tribution  n'est  pas  simultanée  à  l'acte  qui  la  produit,  car  le 
frui^de^yétribution  n'est  pas  dégusté  au  moment  où  l'acte  est  accom- 
pli '.  La  rétribution  ne  suit  pas  l'acte  immédiatement  (anantara) 
car  c'est  au  samanantarapratifaya  (ii.  63  b)  qu'il  appartient  d'ame- 
ner (âkars)  le  moment  qui  suit  l'acte  immédiatement  :  en  effet,  la 
cause  de  rétribution  dépend,  pour  réaliser  son  fruit,  du  développe- 
ment de  la  série. 

A  quelle  époque  doit  appartenir  un  dharma  pour  être  chacune  de 
ces  six  causes  ?  Nous  avons  dit,  implicitement,  la  règle  ;  mais  nous 
ne  l'avons  pas  exposée  dans  la  kârika  : 

55  a-b.  Le  sarvatragahetu  et  le  sahliâgahetii  sont  de  deux 
époques  ;  trois  causes  sont  de  trois  époques  -. 

Un  dharma  passé,  un  dharma  présent  peut  être  sarvatraga,  peut 
être  sahhâgahetii  (ii.  52  b).  Les  dharmas  du  passé,  du  présent  et  du 
futur  peuvent  être  samprayuktaka,  sahahhû  et  vipdkahetii.  La 
kârika  ne  parle  pas  du  kâranahetu  (ii.  50  a)  :  les  dharmas  condi- 
tionnés des  trois  époques  sont  kâranahetu  ;  les  dharmas  incondi- 
tionnés sont  hors  du  temps. 

A  quels  fruits  correspondent  les  causes  ?  En  raison  de  quels  fruits 
sont-elles  reconnues  comme  causes  ? 

55  c-d.  Sont  fruits  le  conditionné  et  la  disconnexion  ^. 

Ainsi  qu'il  est  dit  dans  le  Mûlasastra  :  «  Quels  dharmas  sont 
fruit?  —  Les  conditionnés  et  \e pratisamkhycmirodha  »  '\ 

1.  na  ca  karmanâ  saha  vipako  vipacyate. 

2.  [sarvtitragali  sabhâgaé  ca  dvyadhcakan]  tryadhvakâs  trayah  / 
Comparer  ii.  59. 

3.  samskrtum  savisamyoyam  plialam. 

La  disconnexion  (visamyoga),  c'est-à-dire  le  visamyogaphala  (ii.  57  d,  vi.  46), 
est  le  pratisamkhyànirodha  ou  Nirvana  (i.  6),  un  des  inconditionnés  (asams- 
krta).  Elle  n'a  pas  de  cause,  elle  n'a  pas  de  fruit  ;  mais  elle  est  cause  (kârana- 
hetu, ii.  50  a)  ;  elle  est  fruit  (ii.  57  d). 

4.  Jnânaprasthâna,  5, 4  ;  Prakarana,  33  b  IG,  qu'on  peut  restituer  :pJiaiarf7iarwîâfe 


276  CHAPITRE  II,  55  d. 

Objection.  —  Si  riiicomlitioiuié  est  iVuiL,  il  doit  avoir  une  cause, 
de  laquelle  cause  on  pourra  dire  qu'il  est  le  fruit.  En  outre,  puisque 
vous  soutenez  qu'il  est  cause  (kâranalietii,  ii.  50  a),  il  doit  avoir  un 
fruit,  duquel  fruit  on  pourra  dire  qu'il  est  la  cause. 

Seuls  les  conditionnés,  répond  le  Sarvâstivâdin.  ont  cause  et  fruit. 

55  d.  L'inconditionné  n'a  ni  cause,  ni  fruit  '. 

Car  on  ne  peut  lui  attribuer  aucune  des  six  causes,  aucun  des  cinq 
fruits. 

i.  1.  Pourquoi  ne  pas  admettre  que  la  partie  du  Chemin  qu'on 
appelle  âiiantanjamârga  -  est  le  kâranahetu  du  fruit  de  discon- 
nexion (lisamyogaphala,  ii.  57  d)  ? 

Nous  avons  vu  ([ue  le  hâranahetu  est  la  cause  qui  ne  fait  pas 
obstacle  à  la  naissance  ;  or  la  disconnexion,  étant  inconditionnée,  ne 
naît  pas.  On  ne  peut  pas  lui  attribuer  un  kâranahetu. 

2.  Comment  donc  la  disconnexion  est-elle  fruit?  De  quoi  est-elle 
fruit  ? 

Elle  est  le  fruit  du  Chemin,  car  elle  est  obtenue  grâce  à  la  force 
du  Chemin  (vi.  51)  :  en  d'autres  termes,  c'est  par  le  Chemin  que 
l'ascète  obtient  la  possession  (prâpti,  ii.  36  c-d)  de  la  disconnexion 
[14  b]. 

3.  C'est  donc  l'obtention,  la  possession  de  la  disconnexion  qui  est 
fruit  du  Chemin,  et  non  pas  la  disconnexion  elle-même  :  car  le  Chemin 
est  efficace  à  l'égard  de  l'obtention  de  la  disconnexion,  non  pas  à 
l'égard  de  la  disconnexion. 

katame  !  sarve  samskrtâh  pratisamkhyanirodhaii  cal  na  phaladharmàh 
katawe  /  âkâéam  apratisumkhyauirodhah  /  saphaladharmâh  katame  / 
.va»i-e  samskrtâh  !  aphaludluirniâh  katame  I  sarve  'samfikrtdli  :  -^  Quels 
dharnias  sont  fruit?  Tous  U-s  coïKlilionni's  et  \e  praiisumkhyânirodha.  (Juels 
dhannas  iif  sont  pas  fruit?  L'espace  et  Vapratisamkhyânirodha.  Quels  dhar- 
tnas  oui  un  fruit  ?  Tous  les  conditionnés.  Quels  dharmas  n'ont  pas  de  fruit? 
Tous  les  inconditionnés  ». 

1.  nâsfi  mskrfasya  te. 
Miliiniit. -2(i.S>271. 

2.  L'anantaryamarya  coupe  la  passion  et  est  suivi  du  xnmiiktimârga,  '  le 
chemin  dans  lequel  la  passion  est  déjà  coupée  ',  dans  lequel  l'ascète  prend  posses- 
sion (prâpti)  de  la  disconnexion,  vi.  28. 


HmciH-tsang,  vi,  fol.  14  a-15  a.  277 

Eireiir  !  li  y  a  diversité  dans  l'efficacité  du  Chemin  à  l'égard  de 
l'obtention  d'une  part,  de  la  disconnexion  de  l'autre. 

Le^.Chemin  produit  l'obtention  ;  le  Chemin  fait  obtenir  (prâpayati) 
la  discotinexion.  Donc,  bien  que  le  Chemin  ne  soit  pas  cause  de  la 
dï^a^ïmexion  (==  pratisamkh y dnirodha),  on  peut  dire  que  celle-ci 
est  le  fruit  du  Chemin  '. 

4.  Puisque  l'inconditionné  n'a  pas  à' adliipatiphala  (ii.  58  d),  com- 
ment peut-on  le  définir  comme  kâranahetii  ? 

L'inconditionné  est  kâranahetii,  car  il  ne  fait  pas  obstacle  à  n'im- 
porte quel  dliarma  naissant  ;  mais  il  n'a  pas  de  fruit,  car,  étant  en 
dehors  du  temps  (adhvavinirm'uMa),  il  ne  peut  ni  projeter,  ni  donner 
un  fruit  (ii.  59  a-b). 

5.  Le  Sautrântika  nie  que  l'inconditionné  soit  cause.  En  effet,  le 
Sûtra  ne  dit  pas  que  la  cause  puisse  être  inconditionnée  ;  il  dit  que 
la  cause  est  seulement  conditionnée  :  «  Tous  les  hetus,  tous  les  pra- 

tyayas  qui  ont  pour  résultat  la  production  de  la  couleur de  la 

connaissance,  eux  aussi  sont  impermanents  ^  Produits  par  des  heius 
et  pratyayas  impermanents,  comment  la  couleur  ....  la  connaissance 
seraient-elles  permanentes  ?  » 

Le  Sarvastivâdin  réplique  :  Si  le  permanent,  l'inconditionné,  n'est 
pas  cause,  il  ne  sera  pas  '  condition  en  tant  qu'objet  '  (âlambana- 
prcdyaya,  ii.  63)  de  la  connaissance  qui  le  vise.  [15  a] 

Le  Sautrântika.  —  Le  Sûtra  déclare  que  les  hetus  et  pratyayas 
capables  de  produire  sont  impermanents.  Il  ne  dit  pas  que  toutes 
les  conditions  (pratyayas)  de  la  connaissance  sont  impermanentes. 
L'inconditionné  pourra  donc  être  '  condition  en  tant  qu'objet  '  de  la 
connaissance  ;  car  la  *  condition  en  tant  qu'objet  '  n'est  pas  produc- 
trice. 

Le  Sarvastivâdin.  —  C'est  des  causes  productrices  (janaka)  que  le 

1.  Certains  maîtres  soutiennent  qu'il  y  a  cinq  espèces  de  causes  :  (1)  kâraka, 
cause  efficiente,  le  germe  du  bourgeon  ;  (2)  jndpaka,  cause  indicatrice,  la  fumée 
du  feu  ;  (3)  vyanjaka,  cause  révélatrice,  la  lampe  du  pot  ;  (4)  clhvatrisaka,  cause 
destructrice,  le  marteau  du  pot  ;  (.5)  prâpaka,  cause  adductrice,  le  char  du  lieu. 

2.  ye  hetavo  ye  pratyaya  rûpasya vijndnasyofpâdâya  te  py  anityâh 

(Samyukta,  1,  5). 


278  CHAPITRE  IT,  55  d. 

Sûtra  (lit  qu'elles  sont  impermanentes  :  donc  le  Sûtra  ne  nie  pas  que 
l'inconditionné  soit  kâranahetu,  c'est-à-dire  '  cause  qui  ne  fait  pas 
obstacle  '. 

Le  Sautrûntika.  ■ —  Le  Sûtra  admet  la  '  condition  en  tant  qu'objet  ' 
(,  ii.  61  c)  ;  mais  il  ne  parle  pas  de  kâranahetu,  '  la  cause  qui  ne  fait 
pas  obstacle  '.  Il  n'établit  donc  pas  que  l'inconditionné  soit  cause. 

Le  Sarvastivadin.  —  En  eiïet,  le  Sûtra  ne  dit  pas  que  ce  qui  ne 
fait  pas  obstacle  est  cause  ;  mais  il  n'y  contredit  pas.  Beaucoup  de 
Sotras  ont  disparu  '.  Comment  s'assurer  que  le  Sûtra  n'attribue  pas 
à  l'inconditionné  la  qualité  de  kâranahetu  ? 

ii.  Le  Sautrantika.  —  Quel  est  le  dharma  qu'on  nomme  discon- 
nexion, visamyoga  ? 

Le  Sarvastivadin.  —  Le  Mûlasâstra  (Jnânaprasthana,  2,  2)  dit  que 
la  disconnexion  est  Xq  pralisamkhyânirodha  (ii.  57  d). 

Le  Sautrantika.  —  Lorsque  je  vous  ai  demandé  (i.  6)  ce  qu'est  le 
pratisamkhyânirodha,  vous  avez  répondu  :  «  C'est  la  disconnexion  »  ; 
je  vous  demande  ce  qu'est  la  disconnexion,  et  vous  répondez  :  «  C'est 
le  praiisamkhyânirodha  »  !  Les  deux  réponses  font  cercle  et  n'ex- 
pliquent pas  la  nature  du  dharma,  l'inconditionné,  dont  il  s'agit. 
Vous  nous  devez  une  autre  explication. 

Le  Sarvastivadin.  —  Ce  dharma,  de  sa  nature,  est  réel,  indicible 
[L5  b]  ;  seuls  les  Àryas  le  '  réalisent  '  intérieurement  chacun  pour 
soi.  Il  est  seulement  possible  d'indiquer  ses  caractères  généraux,  en 
disant  qu'il  y  a  une  entité  réelle  (dravya),  distincte  des  autres,  bonne 
(kuéala),  éternelle,  qui  reroit  le  nom  de  pratisamkhyânirodha, 
qu'on  nomme  aussi  disconnexion,  visamyoga. 

iii.  Le  Sautrantika  affirme  rpie  l'inconditionné,  le  triple  incondi- 
tionné (\.  5  b),  n'est  pas  réel.  Les  trois  dharmas  dont  il  s'agit  ne 
sont  pas,  comme  la  couleur,  la  sensation,  etc.,  des  entités  distinctes 
et  réelles  ^ 

1.  sfdrnni  en  baTiûny  nvlnrUitnvi  mûlaxamniUhhramfifU. 

2.  On  pput  penser  (|ii<',  dans  les  pagos  (pii  suivent,  Vasiibaiidhu  ne  rend  pas 
pleine  justice  aux  arguments  du  Sarvastivadin-Vait)hâsika  ;  il  ne  signale  pas  des 


Hiuan-isang,  vi,  fol.  15  a-b.  279 

1.  Ce  qu'on  nomme  '  espace  '  (âkâm),  c'est  seulement  l'absence 
de  taugible  (sprastavija),  c'est-à-dire  l'absence  d'un  corps  résistant 
(saprçUîgJiadrai'i/a).  Les  hommes,  dans  l'obscurité,  ne  rencontrant 
pas  ûiviQ,daHfah)  d'obstacle,  disent  qu'il  y  a  espace. 

3!  Ce  qu'on  nonmie  pratisamkhyCinirodlia  ou  Nirvana,  c'est  — 
lorsque  sont  détruits  Xanuéaya  déjà  produit  et  l'existence  déjà  pro- 
duite —  l'absence  de  naissance  d'un  autre  amiéaya,  d'une  autre 
existence,  et  cela  en  raison  de  la  force  de  la  connaissance  (pratisam- 
khyâ  =  prajiïâ)  '. 

3.  Lorsque,  indépendamment  de  la  force  de  la  connaissance  (praii- 
samkhyâ)  et  en  raison  de  la  seule  absence  des  causes,  il  y  a  absence 
de  naissance  de  dharmas,  c'est  ce  qu'on  nomme  apratisamkhyâ- 
nirodha.  Par  exemple,  lorsque  la  mort  avant  le  temps  (antarâma- 
rana)  interrompt  l'existence  (nikâya^abhâga,  ii.  10,  41),  il  y  a 
apratisamkhyânirodha  des  dharmas  qui  seraient  nés  au  cours  de 
cette  existence  si  elle  s'était  continuée. 

4.  D'après  une  autre  Ecole  -,  \e  pratisamkhyàriirodka  est  la  future 
non-naissance  des  passions  (anuéaya)  en  raison  de  la  connaissance 
(prajmi)  :  Y apratisauikJi yânirodha  est  la  future  non-naissance  de 
la  douleur,  c'est-à-dire  de  l'existence,  en  raison  de  la  disparition  des 
passions,  et  non  pas  directement  en  raison  de  la  connaissance.  [Le 

textes,  par  exemple  Udâna.  viii.  3  (Itivuttaka,  43,  Udânavarga,  xxvi.  21/.  qui 
rendent  au  moins  vraisemh)lable  la  réalité  du  Nirvana.  —  Samghabhadra  réfute 
Vasubandhu  et  les  autres  maîtres  qui  nient  les  inconditionnés  (NyâyanusSra, 
xxiii.  3,  90  b  4-95  b).  Son  exposé  est  trop  long  pour  trouver  place  ici  :  nous  en 
donnerons  la  traduction,  au  moins  partielle,  dans  l'Introduction. 

1.  HtpannânuéaynjanmcDiirodhe  pratisamkhyabalendnyasyâmisayasya 
jaunianas  cdnutpâdnh pratisamkhyânirodhah. 

a.  La  destruction  de  Vaniisaya,  c'est  la  destruction  de  l'origine  de  la  douleur 
(samudnyasalynnirodha,  destniction  de  ce  qui,  en  vérité,  est  l'origine  de  la 
douleur',  c'est  le  sopadhisesauirvâna. 

La  destruction  de  la  naissance  ou  existence  (janman),  c'est  la  destruction  de 
la  douleur  (duhkhasatyanirodha,  destruction  de  ce  qui,  en  vérité,  est  douleur), 
c'est  le  nirupadhiéesanirvana. 

b.  Par  nnnsayn,  il  faut  entendre  les  germes  (vâsanâ)  des  quatre-vingt-dix-huit 
amisayas  décrits  dans  le  Chapitre  v. 

2.  Les  Sthaviras,  d'après  l'éditeur  japonais. 


280  CHAPITRE  II,  55  d. 

premier  sera  donc  le  sopadhisesa  nirvânadliâtu,  le  second  sera  le 
nirupndh  iérsa  nirvân  adh  ùiu\ 

Mais,  remarque  le  Sautrantika,  la  future  non-naissance  de  la  dou- 
leur suppose  la  connaissance  (pratisamkhi/à)  ;  elle  est  donc  comprise 
dans  le  praUsamkhyânirodha. 

5.  Une  autre  école  '  définit  Vdpratismnkhyânirodha  :  «  non-exis- 
tence postérieure  (paécâd  abhâva),  en  vertu  de  leur  destruction 
spontanée  -,  des  dharmas  qui  sont  nés.  » 

Dans  cette  hypothèse  [16  a],  Yaprcdisamkhydnirodha  ne  sera  pas 
éternel  (nitya),  puisqu'il  manque  (abhâva)  aussi  longtemps  que  le 
dharma  en  cause  (=  amisaya)  n'a  pas  péri. 

Mais  le  pratisamldiyâïiirodha  n'a-t-il  pas  pour  antécédent  une 
certaine  connaissance,  la  pratisnmkhyâ  ?  Par  conséquent,  lui  aussi 
ne  sera  pas  éternel,  car,  l'antécédent  faisant  défaut,  le  conséquent 
fait  aussi  défaut. 

Vous  ne  pouvez  pas  dire  que  le  pratisawkh yânirodhn  n'est  pas 
éternel  parce  qu'il  a  pour  antécédent  la  i;m//srn;?A'/?//â  ;  en  efïet,  il 
n'a  pas  pour  antécédent  la  praiisamkhyci.  On  n'a  pas  le  droit  de  dire 
que  la  irratisanikliyâ  est  antérieure,  que  la  '  non-naissance  des 
dharmas  non  nés  '  est  postérieure.  —  Explicpions-nous.  La  non- 
naissance,  depuis  toujours,  existe  en  soi.  La  pratisamkhya  man- 
quant, li's  dharmas  naîtront  ;  si  \si  pratisamkhya  nait,  ils  ne  naîtront 
absolument  pas.  L'efficacité  (sâmarthyaj  de  la  pratisamkhya  à 
l'égard  de  leur  non-naissance  consiste  en  ceci  :  (1)  avant  la  2)roi«- 
samkhyà,  il  n'y  a  pas  d'obstacle  à  leur  naissance  ;  (2)  \-d pratisam- 
khyd  étant  donnée,  les  dharmas,  dont  la  naissance  n'était  pas 
empêchée  auparavant  (akrtotpailipratibandha),  ne  naissent  pas. 

in.  L<'  Sarvfistivadin  réfute  le  Sanlrânlika.  —  Si  le  Nirvana  est 
simplement   la   non-production  (auutpâda),   comment   expliquer  le 

1.  D'après  lYdileiir  japonais,  les  RInhfisfimghikns. 

2.  srnrasnniroflhat,  non  pas  par  la  fruce  de  la  prnjnâ,  comme  c'est  le  cas 
pour  Ir  pratisnmklnjanirnflhn. 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  15  b-i6  b.  281 

Siitm  (Samyukta,  26^-2)  :  «  La  pratique,  l'habitude,  la  culture  des  ciuq 
facultés,  foi,  etc.,  a  pour  résultat  l'abandou  (prahâna)  de  la  douleur 
passée,  future  et  présente  »  '  ?  —  En  efïet,  cet  abandon  n'est  pas  autre 
cho^e  oiie  le  Nirvana,  et  c'est  seulement  d'un  dharma  futur  qu'il 
peut  y  avoir  non-production,  non  pas  d'un  dharma  passé  ou  présent. 

Le  Sautrântika.  —  Ce  Sûtra  ne  contredit  pas  notre  définition  du 
Nirvana.  En  effet,  il  entend  par  '  abandon  de  la  douleur  passée, 
présente  ',  l'abandon  des  passions  (klesa)  portant  sur  la  douleur 
passée,  présente.  Notre  interprétation  est  justifiée  par  un  autre  texte 
(Sarnyukta,  3,  i7)  [16  b]  :  <v  Abandonnez  le  cliandarâga  -  relatif  au 
rûpa,  à  la  sensation....  à  la  connaissance  ;  quand  le  cliandarâga 
sera  abandonné,  le  rûpa  ....  la  connaissance  seront  par  vous  aban- 
donnés et  pénétrés  (parijnâ)  »  l  C'est  de  cette  manière  que  nous 
devons  entendre  '  l'abandon  de  la  douleur  passée  et  présente  '  dont 
parle  le  Sûtra  sur  les  facultés. 

Si  on  adopte  une  autre  leçon  du  Sûtra  sur  les  facultés  :  «  La  prati- 
que des  facultés  a  pour  résultat  l'abandon  de  la  passion  (klesa) 
passée,  future,  présente  »,  l'explication  est  la  même. 

Ou  bien,  la  passion  passée,  c'est  la  passion  de  l'existence  antérieure 
(paiirvajanmikoj  :  pïirve  janmani  bhava)  ;  la  passion  présente,  c'est 
la  passion  de  l'existence  présente  (aihajanmika)  ;  il  ne  s'agit  pas 
de  la  passion  d'un  moment  donné  passé  ou  présent  (ekaksanika). 
De  même  pour  les  dix-huit  trsnàvicaritas  (Anguttara,  ii.  212)  ou 
'  modes  de  la  soif  '  :  on  désigne  sous  le  nom  de  passés,  les  vicaritas 
qui  se  rapportent  à  l'existence  passée  ;  sous  le  nom  de  présents,  ceux 
qui  se  rapportent  à  l'existence  présente  ;  sous  le  nom  de  futurs,  ceux 
qui  se  rapportent  à  l'existence  future. 

1.  atitânâgatapratyiiipannasifa  duhkhasya  prahânâya  samvartate.  — 
Comparer  Kathavatthu,  xix.  1. 

2.  C'est-à-dire  le  chanda  (désir  du  futur  :  nuagafe  pràrthanâ)  et  le  râga 
(attactiemenl  à  ce  qu'on  possède  :  prdpte  Wthe  ' dhyavasdnam). 

3.  yo  rfipe  chandarâgas  tam  prnjahita  j  chandarâge  prahtne  evam  vas 
tad  riipam  pralilnam  bhavisyati. 

Le  prahana  du  rûpa  s'entend  de  Vanantaryamarga,  la  parijnû  s'entend  du 
vimuktimârga  fvi.  30).  (Glose  de  l'éditeur  japonais). 
Comparer,  pour  la  doctrine,  Samyutta,  iii.  8. 


282  CHAPITRE  II,  55  d. 

La  passion  passée  et  la  passion  présente  placent  dans  le  moi  actuel 
des  germes  appelés  à  produire  la  passion  future  :  quand  ces  germes 
sont  abandonnés,  la  passion,  passée  et  présente,  est  abandonnée  :  de 
même  on  dit  que  l'acte  est  épuisé  quand  la  rétribution  est  épuisée. 

Quant  à  la  douleur  future,  quant  à  la  passion  future,  ce  qu'on 
entend  par  leur  *  abandon  ',  c'est  le  fait  qu'elles  ne  naîtront  absolu- 
ment pas,  vu  l'absence  de  germes. 

Comment  entendre  autrement  l'abandon  de  la  douleur  passée  ou 
présente  ?  Il  n'y  a  pas  lieu  de  faire  effort  pour  que  périsse  ce  qui  a 
péri  ou  ce  qui  est  périssant  (nirodhCihlnmiiklia).  [17  a] 

2.  Le  Sarvâstivadin.  —  Si  les  inconditionnés  ne  '  sont  '  pas,  com- 
ment le  Sûtra  peut-il  dire  :  «  Le  détachement,  virùga,  est  le  meilleur 
de  tous  les  dharmas  conditionnés  et  inconditionnés  »  ?  Comment 
un  dliarma  qui  n'est  pas  (asat)  pourrait-il  être  le  meilleur  parmi 
des  dharmas  qui  ne  sont  pas  ?  ' 

Le  Sautrântika.  —  Nous  ne  disons  pas  que  les  inconditionnés  ne 
sont  pas.  Ils  sont  en  effet  de  la  manière  dont  nous  disons  qu'ils  sont. 
Expliquons-nous.  Avant  que  le  son  ne  soit  produit,  ou  dit  :  «  Il  est 
une  inexistence  antérieure  du  son  »  ;  après  que  le  son  a  péri,  on  dit  : 
«se  II  est  une  inexistence  postérieure  du  son  »  (asti  sahdasya  pascâd 
ahliârah),  et  cependant  il  n'est  pas  établi  que  l'inexistence  existe 
(hhavatl)  '  ;  de  même  en  va-l-il  des  inconditionnés. 

Bien  qu'inexistant,  un  inconditionné  mérite  d'être  loué,  à  savoir  le 
détachement  (virâga),  l'absolue  future  inexistence  de  tout  mal.  Cet 
inoxistaiit,  parmi  les  inexistants,  est  le  plus  distingué  (vièista).  Le 

1.  Samyiikta,  'M,  M  :  ye  kcriri  hhiksnvo  (Uiartnah  snmskrffi  l'â  nsnnuskriâ  va 
virâgas  tesâm  agra  âkhyayafe  (cité  Vyûkhyft,  iv.  127)  ;  Angiittara,  iii.  34, 
Itiviitlaka,  §  90  :  yâvalâ  Ctindi  flliammd  snnkhntâ  va  asnnkhatâ  va  virago 
tesam  nggam  nkkliâynfi.  ^ 

'  Dptarhenipnl  ',  riragn  =  rngaksnyn,  prftlisrnvkliydiiirnrlhn,  nirvana.  — 
Le  Nirvana  est  meilleur  que  Vapralisamkhydvirodhd  et  <jiie  l'rspace  (iv.  127  d). 

2.  On  peut  restifuer  :  ahhàvo  hhfnnllli  un  sidhyali.  —  Hinan-tsang  diffère  : 
Df  l'iiipxisienrp  on  nf  peut  pas  din  «inVIle  existe.  Le  valonr  du  verbe  '  être  '  est 
donc  établie  (:  ce  verbe  ne  signifie  pas  '  exister  'J.  C'est  ainsi  (pie  l'Ecriture  dit 
des  inconditionnés  qu'ils  sont. 


Hluan-tsang,  vi,  fol.  16  1)-17  b.  283 

Sûtra»le  louer  en  disant  qu'il  est  le  meilleur,  pour  que  les  fidèles 
conçoivent  à  son  endroit  joie  et  affection. 

3.  Le'Sarvâstivâdin.  —  Si  le  pratisamkhijânirodha  ou  Nirvana 
est  inexistence,  comment  peut-il  être  une  des  vérités  ?  Comment  peut- 
il  être  la  troisième  vérité  ? 

Que  faut-il  entendre  par  '  vérité  ',  àryasatya  ?  Sans  doute  le  sens 
de  satya  est  '  non  inexact  '  (aviparita).  Les  Àryas  voient  ce  qui 
existe  et  ce  qui  n'existe  pas  d'une  manière  non  inexacte  :  dans  ce  qui 
est  douleur  (dulikha),  ils  voient  seulement  douleur;  [17  b]  dans 
l'inexistence  de  la  douleur,  ils  voient  l'inexistence  de  la  douleur. 
Quelle  contradiction  apercevez-vous  à  ce  que  l'inexistence  de  la 
douleur,  le  pratisamkhyânirodha,  soit  une  vérité  ? 

Et  cette  inexistence  est  la  troisième  vérité,  parce  que  les  Àryas  la 
voient  et  la  proclament  immédiatement  après  la  deuxième. 

4.  Le  Sarvastivâdin.  —  Mais  si  les  inconditionnés  sont  des  inexis- 
tants, la  connaissance  qui  a  pour  objet  l'espace  et  les  deux  '  destruc- 
tions '  ou  '  cessations  ',  nirodhas,  aura  pour  objet  une  non-cbose. 

Nous  n'y  voyons  aucun  inconvénient,  comme  nous  l'expliquerons 
dans  la  discussion  du  passé  et  du  futur  (v.  25). 

5.  Quel  mal  voyez-vous  à  soutenir  que  l'inconditionné  existe 
réellement  ?  demande  le  Sarvastivâdin. 

Quel  avantage  vous-même  y  voyez-vous  ? 

Cet  avantage  que  la  doctrine  Yaibhâsika  se  trouve  sauvegardée. 

Que  les  dieux  se  chargent  de  défendre  cette  doctrine,  s'ils  jugent 
que  c'est  possible  !  Mais  soutenir  l'existence  en  soi  de  l'inconditionné, 
c'est  affirmer  comme  réelle  une  chose  inexistante.  En  effet,  l'incondi- 
tionné n'est  pas  connu  par  la  connaissance  d'évidence  (pratyaksa), 
comme  c'est  le  cas  pour  la  couleur,  pour  la  sensation,  etc.;  il  n'est 
pas  connu  par  induction  (anumâna),  en  raison  de  son  activité, 
comme  c'est  le  cas  pour  les  organes  des  sens. 

6.  En  outre,  si  le  nirodha  est  une  chose  en  soi,  comment  justifier 
le  génitif  :  diihkhasya  nirodliah,  destruction  ou  cessation  de  la 
douleur,  destruction  de  la  passion,  destruction  de  l'objet  de  la 
passion  ?  —  Dans  notre  système,  cela  va  de  cire  :  la  destruction  de 


284  CHAPITRE  II,  55  d. 

la  chose  est  simplement  rinexistence  de  la  chose.  '  Destruction  de  la 
douleur  '  signifie  :  '  la  douleur  n'existera  plus  '.  Mais  nous  ne  pouvons 
concevoir,  entre  la  chose,  c'est-à-dire  la  passion,  et  la  destruction 
conçue  comme  une  entité  en  soi,  aucune  relation  de  cause  à  effet, 
d'effet  à  cause,  de  tout  à  partie,  etc.,  qui  justifie  le  génitif  '. 

Nous  affirmons,  répond  le  Sarvâstivâdin,  que  la  destruction  est 
une  chose  en  soi  [18  a].  On  peut  cependant  spécifier  la  destruction 
comme  étant  en  relation  avec  telle  chose  (destruction  de  la  concu- 
piscence, etc.),  car  on  prend  possession  (prùpti,  ii.  37  b)  de  la  destruc- 
tion au  moment  où  l'on  coupe  la  possession  de  telle  ou  telle  chose. 

Mais,  répliquerons-nous,  qu'est-ce  qui  détermine  ou  spécifie  la 
prise  de  possession  de  la  destruction  ?  - 

7.  Le  Sarvâstivâdin.  —  Le  Sûtra  parle  du  Bhiksu  qui  a  obtenu  le 
Nirvana  dans  cette  vie  \  Si  le  Nirvana  est  inexistence,  néant  (ahhâ- 
va),  comment  pourrait-on  l'obtenir  ? 

Le  Sautrântika.  —  Le  Bhiksu,  par  la  possession  de  la  force  adverse 
ou  de  l'antidote  (pratipaksalâhheua),  c'est-à-dire  par  la  possession 
du  Chemin,  a  obtenu  une  personnaHtéfâ«rrt//ff)  contraire  aux  passions 
(klesa),  contraire  à  une  nouvelle  existence.  C'est  pourquoi  le  Sûtra 
dit  qu'il  a  obtenu  le  Nirvana. 

8.  D'ailleurs  nous  avons  un  texte  (Saniyukta,  13,  0)  qui  montre  que 
le  Nirvana  est  pure  inexistence  (abluicamâtra).  Le  Sûtra  dit  '  : 
«  L'abandon  romj)let  (aéesaprahâna),  la  purification  (vyaritihhâva 


1.  vastuno  f=  râgâdivastiuio)  [nirodhasya  ca\  hetuphalâcUbhâvasatn- 
hhnvat. 

2.  Rhâsya  :  fasijn  inrhi  prap(i)iiu(iiiic  [ko  lictith].  —  Vyakliyû  :  Utsija 
uirndhnsyn  yn  'yam  prapter  uiyaiuah  /  asyaiva  nirodhasya  praptir  nanya- 
syeti  II  tasmiu  prâptiniyame  ko  hetuh  II  na  In  nirodhasya  praptyâ  sardham 
kaAr.it  satnhandho  'sti  hcfuphaUidihhacafiambhavat. 

3.  drs  adhannniiirra)irtprr(i>fa,  t'fsl-à-fliro  '  (nii  se  Inuivf^  dans  le  Nirvfina 
avec  restes  '  (sopadhiscsatiiriHuiastha). 

4.  sdiig  hsnal  l.uli  ma  lus  par  spans  pa  hbyan  bar  l.i;<yiir  ba  (M.  Vyiit.  245,  1259; 
7.ad  pa  hdod  cha^'^s  daii  IhjiI  lui  l.igog  pa  nunii  par  /lii  l>a  (12W))  nub  pa  (70,  4) 
sdiig  bsfial  gzliaii  dan  fiin  mlsliams  sbyor  ba  iiied  pa  len  pa  ined  pa  bbyiin  ba  med 
pa  gan  yin  pa  hdi  Ha  ste  /  pbun  po  tlinms  cad  ries  par  spans  pa  (245.  12.58)  sred 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  17  b-18  b.  285 

ou  vchiilhhâCa),  l'épukement  (ksaya),  le  détachement  (virâga),  la 
destruction  (tiirodlia),  l'apaisement  (vijupasainu),  le  passage  défi- 
nitif (astamgama)  de  cette  douleur  ;  la  non-renaissance  (apraiisam- 
fï/^/j,  Ja  nbn-prise  (amipâdâuaj,  la  non-apparition  (apràdurhliâva) 
dune  autre  douleur,  —  cela  est  calme  (sântaj,  cela  est  excellent 
(pranltam)  à  savoir  le  rejet  de  tout  upadhi  (sarvopadhipratimh- 
sarga),  l'épuisement  de  la  soif  (/rswâA"&'a</a^,  le  détachement  (^r/râ^a), 
la  destruciion  (ÈilrodhaJ,  le  Nirvana  ». 

Le  Sarvâstivâdin.  —  Quand  le  Sûtra  dit  que  le  Nirvana  est  non- 
apparition  de  nouvelle  douleur  (apràdurhliâva),  le  Sûtra  veut  dire 
qu'il  n'y  a  pas  apparition  de  douleur  dans  le  Nirvana  ', 

Le  Sautrantika.  —  Je  ne  vois  pas  que  ce  locatif  :  '  dans  le  Nirvana  ' 
ait  quelque  force  pour  établir  que  le  Nirvana  est  une  chose.  Dans 
quel  sens  entendez-vous  le  locatif  asmin  ?  Si  cela  veut  dire  :  asmin 
sali,  '  le  Nirvana  étant,  il  n'y  a  pas  apparition  de  douleur  ',  alors 
la  douleur  n'apparaît  jamais  car  le  Nirvana  est  éternel.  Si  cela  veut 
dire  :  asmin  prâpte,  '  le  Nirvana  étant  obtenu  ',  [18  b]  vous  devrez 
admettre  que  la  douleur  future  n'apparaît  pas  lorsque  le  Chemin 


pa  zad  pa  /  hdod  chags  dan  hbral  ba  /  hgog  pa  dan  mya  nan  las  hdas  pa  hdi  ni 
zhi  baho  /  hdi  ni  ^ya  nom  paho  / 

Une  variante  de  la  finale  dans  Mahâvastu,  ii.  285  :  etain  sântam  etam  pianîtani 
etam  yathâvad  etam  aviparTtam  yam  idam  sarvopadhipratinihsargo  sarvasanis- 
karasamatbo  dharmopacchedo  irsnâksayo  viiâgo  nirodho  nirvânam. 

La  Vyâkhyâ  fournit  les  premiers  mots  du  texte  :  yat  khalv  asya  [duhkhasya 

],  et  les  deux  termes  prahâna  et  aprâthirbhâva.  On  a,  Anguttara,  i.  KM): 

parilckhaya  paliâna  kJiaya  vaya  virâga  nirocllia  cCiga  patinissagga ;  y.  4:21  : 
asesavirciga  nirodha  cciga  patinissaçjga  mutti  anciJaya  :  Samyutta,  i.  136: 
sabbasamkhdrasamatha  ...  ;  Itivuttaka,  01  :  upadhippatinissagga.  —  Voir 
aussi  les  versions  sanscrites  de  Majjhima,  i.  497  dans  Pischel,  Fragments  d'Idi- 
kutsari,  p.  8  (vyantibhâva)  et  Avadânasataka,  ii.  187  (vântlbhâva). 

1.  En  d'autres  termes,  aprâdurbhciva  =  nâsmin prâdurbhâvah.  C'est  l'éty- 
mologie  adhikaranasCidhana.  Le  Sautrantika  comprend  aprâdiirbhâva  = 
apmdurbhûti  (bhCivasâdhana). 

L'explication  du  Sarvâstivâdin  est  reproduite  Madhyamakavrtli,  p.  525,  et 
attribuée  au  philosophe  qui  considère  le  Nirvana  comme  un  bîiâva,  mi  padârtJia 
semblable  à  une  digue,  et  qui  arrête  le  processus  de  la  passion,  de  l'acte  et  de  la 
naissance. 


286  CHAPITRE  II,  55  d-56  b. 

—  par  la  vertu  duqiu;l  vous  supposez  que  le  Nirvana  s'obtient  — 
ou  bien  est,  ou  bien  est  obtenu  '. 

9.  Par  conséquent  la  comparaison  du  Sûtra  est  excellente  : 

«  Connne  le  nirvana  de  la  flamme,  ainsi  la  délivrance  de  sa 
pensée  »  -. 

C'est-à-dire  :  de  même  que  l'extinction  de  la  flamme  est  seulement 
le  '  passage  '  (atif-aija)  de  la  flamme  et  non  pas  une  certaine  chose 
en  soi,  de  même  la  délivrance  de  la  pensée  de  Bhagavat. 

10.  Le  Sautranlika  s'autorise  encore  de  l'Ablndharma  où  nous 
lisons  :  «  Quels  sont  les  dhannas  avastuka  ?  —  Les  inconditionnés  »  '. 

—  Le  terme  avastuka  signifie  '  irréel  ',  '  sans  nature  propre  '• 

Le  Vaibhasika  n'accepte  pas  cette  interprétation.  Le  terme  vastu, 
en  effet,  est  employé  dans  cinq  acceptions  différentes  :  1.  vaslu  dans 
le  sens  de  chose  en  soi  (svahhâvavastu),  par  exemple  :  «  Lorsqu'on 
a  obtenu  (pratilabh)  ce  vastu  {Vasubhâ,  vi.  1 1  ),  on  est  en  possession 
(samanvâgam)decevastu»  (jAanaprasthâna,  20.  s,  Yibhasa,  197,  8); 
2.  vastu  dans  le  sens  d'objet  de  connaissance  (âlamhanavastu),  par 
exemple  :  «  Tous  les  dharmas  sont  connus  (jneya)  par  les  différents 
sdi\ou'ri(jhânena),  chacun  connaissant  son  objet  [>ropie (y athâvastu)  » 
(Prakarana,  81  b  9)  ;  3.  vastu  dans  le  sens  de  '  lieu  d'attachement  ' 
(sanii/ojdHlija),  par  exemple  :  «  Celui  qui  est  lié  à  un  vastu  par  le 
lien  d'affection,  est-il  lié  à  ce  même  vastu  par  le  lien  d'hostilité  ?  » 
(V'ibha.sâ,  58,  2)  ;  4.  vastu  dans  le  sens  de  cause  (hetuj,  par  exemple  : 
«  Quels  sont  les  dharmas  munis  d'une  cause  (savastuka)  ? —  Les 


1.  En  effet  le  chemin  détruit  la  production  de  la  douleur,  duhkhusamnduya. 
A  (]uoi  bon  iiriui:^iner,  à  côté  du  chemin,  une  chose  en  soi  nommée  niroiïha  ? 

2.  DîL'ha.  ii.  ITiT:  Samyulla.  i.  1. ">'.(:  Theragâthâ,  IMMi. 

pujjotasseca  nibbàtium  vimoklio  cefaso  aliil. 
La  réilaction  sanscrite  (Avadrmasaiaka.  iM),^Iadhyamakavrtti.r*20,  Dulva.Nanjio, 
118,  apud  .J.  Przyluski.  .J.  As.  l'JiK.  ii.  4ÎK>,  Ml)  : 

pradijotfisiieva  nircânunt  vimoksan  tasya  cetasah. 
ilcri  anisf  au  moment  du  Nirvâria-sans-restes.  —  La  déliuilion   bhuvujiirudho 
iiHjhanuni,  Aut,Millara,  v.  1).  Sainyulla,  ii.  110,  etc. 

ÎJ.  Vibhâsa,  '.i].  Kl.  —  On  lit  Prakarana,  Îî3  b  3,  une  définition  qu'on  peut  resti- 
tuer :  avastuka  aprafyayâ  dharmâh  katume  ?  asamskrtâ  dharmâh  (voir  i.  7). 


Hiuau-isang  vi,  fol.  18  Ij-19  a.  287 

dharmas  conditionné!»  »  (Prakarana,  33  b)  '  [19  a]  ;  5.  vastu  dans  le 
senâ  ae  '  acte  de  s'approprier'  (parigraha),  par  exemple:  «  vastu 
de  ch^nip,  vastu  de  maison,  vastu  de  boutique,  vastu  de  richesse  : 
abaudoupant  l'acte  de  s'approprier  (parigraha),  il  y  renonce  » 
(ViBïïâsa,  56, 2)  \ 

Le  Vaibhâsika  conclut  :  Dans  le  passage  qui  nous  occupe,  vastu  a 
le  sens  de  cause  ;  avastuka  signifie  '  qui  n'a  pas  de  cause  '.  Les 
inconditionnés,  quoique  réels,  étant  toujours  dépourvus  d'activité, 
n'ont  pas  de  cause  qui  les  produise,  n'ont  pas  d'effet  qu'ils  produisent. 

Il  faut  expliquer  quelle  sorte  de  fruit  procède  de  chaque  espèce  de 
cause. 

56  a.  La  rétribution  est  le  fruit  de  la  dernière  cause  K 

La  dernière  cause  est  la  cause  de  rétribution,  vipâkaJietu,  parce 
que  la  cause  de  rétribution  est  nommée  la  dernière  dans  la  liste.  Le 
premier  fruit,  vipâkapliala  (ii.  57),  est  le  fruit  de  cette  cause. 

56  b.  Le  fruit  du  souverain  est  le  fruit  de  la  première  '\ 

1.  C'est  le  texte  cité  ad  i.  7. 

2.  La  Vyâkhyâ  ad  i.  7  (édition  de  Pétiogiad.  p.  22)  reproduit  toutes  ces  expli- 
cations. 

3.  vipâkah  phaJani  antyasya. 
L'éditeur  japonais  cite  la  Vibhâsâ,  121,  3. 

Les  fruit;  sont  de  cinq  espèces  :  1.  iiisyandaphala,  2.  vipâkapliala,  3.  visam- 
yogaphala,  4.  purusakCtrapUala,  5.  adhipatiphala. 

a.  nisyandaphala  :  le  bon  produit  par  bon,  le  mauvais  produit  par  mauvais, 
le  non-défini  produit  par  non-défini. 

b.  vipâkaphaîa  :  le  vipâka  est  produit  par  des  dharmas  mauvais  ou  bons- 
impurs  ;  la  cause  étant  bonne  ou  mauvaise,  le  fruit  est  toujours  non-défini.  Comme 
ce  fruit  est  différent  de  sa  cause  et  est  '  maturité  '  (pCika),  il  est  nommé  vipâka 
(visadréa  pâka). 

c.  visamyoifaphala.  Les  ânanfaryamârgas  rompent  la  passion  ;  ils  ont  pour 
visamyogaphaîa  ei puriisakâraphala  la  rupture  de  la  passion;  ils  ont  pour 
nisyandaphala  et  purusakâraphala  le  vimnktiniârga  :  ils  ont  pour  nisyanda- 
phala tous  les  cliemins  postérieurs,  égaux  ou  supérieurs,  de  leur  espèce. 

Voir  aussi  rAbhidharmûvatârasâstra  (Nanjio,  1291)  ii.  14,  où  sont  expliqués 
les  noms  des  fruits. 

4.  pûrvasyâdhipajani  phalam  ou  pûrvasyâdhipatam  phalam  (Pânini.  iv. 
1,  85).  —  iv.  85  a-b,  110  a. 


288  CHAPITRE  II,  56  b-57  b. 

La  première  cause  est  lekâranahetu,  raison  d'être;  le  dernier  fruit 
en  procède. 

Ce  fruit  est  iiunimé  adhipaja,  né  du  souverain,  ou  ùdhipata 
appartenant  au  souverain,  parce  qu'il  est  le  fruit  du  souverain  (adlii- 
patipJialaJ  (ii.  58  c-d).  On  considère  que  le  kâranahetu  fait  figure  de 
souverain  (adhipati). 

Mais,  dira-t-on,  la  tpialite  de  ne  pas  faire  obstacle  (anâvarana- 
bhàvamâtrâvasthâna,  ii.  50  a)  suffit  à  constituer  le  kâranahetu. 
Comment  peut-on  le  regarder  comme  '  souverain  '  ? 

Le  kâranahetu  est  ou  bien  '  cause  non  efficiente  '  (upeksaka)  — 
et  alors  on  le  regarde  comme  souverain  parce  qu'il  ne  fait  pas  obsta- 
cle —  ou  itieii  '  cause  efficiente  '  (kâraka)  —  et  on  le  regarde  comme 
souverain  parce  qu'il  possède  maîtrise,  activité  génératnce  et  prédo- 
nnnanle  (pradhâna,  janaka,  anyihJtâra)  [19  b).  Par  exemple,  les 
dix  âyatunas  (couleur  et  organe  de  la  vue,  etc.)  sont  souverains  à 
l'égard  des  cinq  connaissances  sensibles  ;  l'acte  collectif  des  êtres 
vivants  est  souverain  à  l'égard  du  monde-réceptacle  '.  L'organe  de 
l'ouïe  exerce  une  souveraineté  (âdhipatya)  médiate  à  l'égard  de  la 
connaissance  visuelle,  car,  après  avoir  entendu,  riK)inme  éprouve  le 
désir  de  voir.  Et  ainsi  de  suite.  (Voir  ii.  50  a) 

56  c-d.  L'écoulement  est  le  fruit  de  la  cause  semblable  et  de  la 
cause  universelle  \ 

Le  fruit  d'écoulement  Oiisyandaphala)  procède  du  sahhâyahetu 
(ii.  52)  et  du  sarvatragahefn  (ii.  54)  :  car  le  fruit  de  ces  deux  causes 
est  semblable  à  sa  cause  (ii.  57  c  ;  iv,  85). 

56  d.  Le  paiirusa.  le  tVnit  vii-ii.  est  le  fruil  de  deux  causes  \ 

1.  Le  monde  réceptacle  (bhâjanaloka,  ii|.  4.'),  iv.  1)  est  produit  par  les  actes 
bons  et  mauvais  de  l'ensemble  des  êtres  vivu^l^i  ;  il  est  iion-dé-rnii  :  cependant  il 
n'est  pas  rétribution  (ripâkd),  parce  que  la  rétribution  est  un  dharma  •  appar- 
tenant aux  êtres  vivants  '  (p.  ^.tO)  ;  par  conséquent,  il  est  Vadliipatiphala  des 
actes  considérés  coinnie  kârutuilielu. 

2.  subUâijasurvatrayayor  nisyauduh. 
*{.  })<iuii(sam  (huyoh  // 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  19  a-20  a.  289 

h»  fruit  du  sahaWiiihetu  (ii.  50  b)  et  du  saniprayuktakalietu 
(ii.  53  c)  s'appelle  paurusa,  viril,  c'est-à-dire  :  fruit  du  piiriisakâra, 
fruit  lie' l'activité  virile. 

Le  piQriisakâra,  activité  virile,  n'est  pas  distinct  de  l'homme  même 
(purusabhâva),  car  l'acte  n'est  pas  distinct  de  ce  qui  accomplit  l'acte. 
Le  fruit  de  l'activité  virile  (ptiriisakâraphala)  peut  donc  être  nommé 
fruit  viril  (paiiriisa). 

Que  faut-il  entendre  par  '  activité  virile  '  ? 

L'activité  (kâritra,  kriijâ,  karman)  d'un  dharma  est  nommée  son 
activité  virile  (puriisakâra),  parce  qu'elle  est  semblable  à  l'activité 
d'un  homme  (purusa).  De  même,  dans  le  monde,  on  nomme  une 
certaine  plante  kâkajanghâ,  parce  qu'elle  ressemble  à  un  pied  de 
corbeau  ;  on  nomme  un  héros  mattaliastin,  parce  qu'il  ressemble  à 
un  éléphant  furieux, 

hesamprayiiktakaJietu  et  le  sahabhûhetii  sont-ils  les  seules  causes 
qui  aient  un  fruit  d'activité  virile  ? 

D'après  une  opinion,  les  autres  causes  ont  cette  sorte  de  fruit,  à 
l'exception  de  la  cause  de  rétribution  (vipâkahetu).  Ce  fruit  est,  en 
effet,  ou  bien  simultané,  ou  bien  immédiatement  consécutif  à  sa  cause  ; 
tel  n'est  pas  le  fruit  de  rétribution.  D'après  d'autres  maîtres  ',  la  cause 
de  rétribution  a  aussi  un  fruit  d'activité  virile  distant,  par  exemple  le 
fruit  récolté  par  le  laboureur. 

[Donc  un  dharma  est  (1)  nisyandaphala,  parce  qu'il  naît  sembla- 
ble à  sa  cause,  (2)  piirusakâraphala,  parce  qu'il  naît  par  la  force  de 
sa  cause,  (3)  adhipatiphala,  parce  qu'il  naît  en  raison  du  '  non 
obstacle  '  de  sa  cause.] 

Quels  sont  les  caractères  des  différents  fruits  ?  [20  a] 

57  a-b.  La  rétribution  est  un  dharma  non-défini,  appartenant  à 
l'être  vivant,  naissant  tardivement  d'un  défini  ^ 

La  rétribution  (vipclka)  est  un  dharma  non-souillé-non-défini 
(anivrtàvyâkrta). 

1.  Manque  dans  Paramâitlia. 

2.  vipâko  'vyâkrto  dhannali  sattvâkhyo  vyâkrtodbhavah  j 

19 


290  CHAPITRE  II,  57. 

Parmi  les  dJiarmas  non-souillés-non-défiiiis,  quelques-uns  appar- 
tiennent aux  êtres  vivants  {saUvâkhya).  les  autres  n'appartiennent 
pas  aux  êtres  vivants.  Par  conséquent  l'auteiir  précise  :  '  appartenant 
aux  êtres  vivants  ',  c'est-à-dire  :  naissant  dans  la  série  des  êtres 
vivants. 

Appartiennent  aux  êtres  vivants  des  dharmas  dits  d'accroissement 
(aupacayika,  venant  de  la  nourriture,  etc.,  i.  37)  et  dits  d'écoulement 
(naisyandika,  provenant  d'une  cause  qui  leur  est  semblable,  i.  37, 
ii.  57  c).  Par  conséquent  l'auteur  précise  :  *  naissant  tardivement  de 
l'acte  défini  '.  —  L'acte  défini  est  ainsi  nommé  parce  qu'il  produit 
rétribution  ;  c'est  l'acte  mauvais  (akuéala)  et  l'acte  bon-impur  (kusa- 
lasâsrava)  (ii.  54  c-d).  D'un  acte  de  cette  nature  naît  tardivement, 
non  pas  en  même  temps,  non  pas  immédiatement  après,  le  fruit  qu'on 
appelle  '  fruit  de  rétribution  '  ou  '  fruit  de  maturité  '  (vipâkaphala)  '. 

Pourquoi  ne  pas  considérer  comme  fruit  de  rétribution  les  dharmas 
qui  ne  font  pas  partie  des  êtres  vivants,  les  montagnes,  les  fleuves, 
etc.  ?  Ne  naissent-ils  pas  de  l'acte  bon  ou  mauvais  ? 

Les  dharmas  qui  ne  font  pas  partie  des  êtres  vivants  sont,  de  leur 
nature,  communs.  Tout  le  monde  peut  en  jouir.  Or  le  fruit  de  rétri- 
bution, par  définition,  est  propre  :  jamais  autrui  ne  jouit  du  fruit  de 
rétribution  de  l'acte  que  j'ai  accompli.  L'acte,  outre  le  fruit  de  rétri- 
bution, produit  le  '  fruit  du  souverain  '  (adhipatiphala)  :  ["10  b]  de 
ce  fruit  les  êtres  jouissent  en  commun,  parce  que  la  collectivité  des 
actes  concoiH't  à  sa  création  (p.  288,  n.  1). 

57  c.  Le  fruit  semblable  à  sa  cause  s'appelle  écoulement  -. 

1.  Le  préfixe  tid  dans  udbluiva  signifie  'plus  tard",  '  tardiveiuent  '  (uttarakâla,). 
—  Le  recueillement  (satnâdhi)  produit  un  at-croissement  des  grands  éléments  du 
corps  :  ces  grands  éléments  sont  dits  '  d'accroissement  '  (aupacayika)  parce 
tju'ils  naissent  soit  en  même  temps  que  le  recueillement,  soit  immédiatement 
après;  ils  ne  sont  j)as  de  rétrilnition.  De  même  la  pensée  de  création  (nirmâ- 
fiacitta,  i.  lil,  vii.  48)  est  non-délinie,  apparlenaut  à  l'être  vivant,  créée  par  un 
acte  défini  (recueillement)  ;  mais,  naissant  immédiatement  du  recueillement,  elle 
n'est  pas  de  rétribution.  En  outre,  le  Iruit  de  rétribution  appartient  toujours  au 
même  étage  que  l'acte  dont  il  procède. 

!2.  nisyrtndo  hetusadrsah. 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  20  a-b.  291 

L*  dhanna  semblable  à  sa  cause  est  le  fruit  d'écoulemeut  (nisyan- 
daphala).  Deux  causes,  la  cause  semblable  et  la  cause  universelle 
(sabUdgaJietu,  ii.  52,  sarvatragahetii,  ii.  54  a-b)  donnent  un  fruit 
d'écoulement. 

ol  le  fruit  de  la  cause  universelle  est  un  fruit  d'écoulement,  un 
fruit  semblable  à  sa  cause,  pourquoi  ne  pas  donner  à  la  cause  univer- 
selle le  nom  de  cause  semblable  ? 

Le  fruit  de  la  cause  universelle  est  toujours  semblable  à  sa  cause 
(Ij  au  point  de  vue  de  l'étage  ;  il  appartient  comme  elle  au  Kâma- 
dhâtu,  etc.  ;  (2)  au  point  de  vue  du  caractère  moral  :  comme  elle,  il 
est  souillé  (klista).  Mais  il  peut  appartenir  à  une  catégorie  différente 
de  la  catégorie  de  sa  cause.  Par  catégorie  (nikâya,  prakâra),  on 
entend  le  mode  d'abandon  :  susceptible  d'être  abandonné  par  la  vue 
de  la  vérité  de  la  douleur,  etc.  (ii.  52  b).  Lorsqu'il  y  a  similitude  entre 
la  cause  et  le  fruit  à  ce  dernier  point  de  vue,  la  cause  universelle  est 
en  même  temps  cause  semblable. 

Quatre  cas  se  présentent  : 

1.  sabhâgalietu  qui  n'est  pas  sarvatragahetu  :  par  exemple,  les 
passions  non-universelles  (râga,  etc.)  par  rapport  aux  passions  de 
leur  propre  catégorie  (nikclya)  ; 

2.  sarvatragahetu  qui  n'est  pas  satjJiàgahetu  :  les  passions  univer- 
selles par  rapport  à  une  passion  d'une  autre  catégorie  ; 

3.  sarvatragahetu  qui  est  en  même  temps  sabhùgahetu  :  les 
passions  universelles  par  rapport  à  une  passion  de  leur  propre  caté- 
gorie ; 

4.  tout  autre  dharma  n'est  ni  sahhâgahetu,  ni  sarvatragahetu  '. 

57  d.  La  destruction  par  l'intelligence,  c'est  la  disconnexion  ". 

La  disconnexion  (visamyoga)  ou  le  visamyogaphata,  '  fruit  qui 
consiste  en  disconnexion  ',  c'est  la  destruction  (ksaya  =  nirodha) 
obtenue  par  la  connaissance  spéculative  (dhl  =  praj fia).  Le  visamyo- 
gaphata est  donc  \e  pratisamkhyiïnirodha.  (Voir  ci-dessus  p.  278). 

1.  Les  dharmas  bons  ne  sont  pas  sabhdgahehi  des  dharmas  souillés,  etc. 

2.  visamyogaJi  ksayo  dhiyâ  // 


29:2  CHAPITRE  II,  58-59. 

58  a-b.  Un  clharma  est  le  fruit  de  l'activité  virile  du  dharma  par 
la  force  duquel  il  naît  '. 

Il  s'agit  d'un  dharma  conditionné  (samskrta). 

Exemples  :  le  recueillement  du  premier  dhyâna  est  le  fruit  d'acti- 
vité virile  de  la  pensée  du  domaine  du  Kâmadhatu  qui  le  provoque 
ou  le  pvé\)'dve(tafprayogacitta);\e  recueillement  du  deuxième  dhyâna 
est  le  fruit  d'activité  virile  d'une  pensée  du  domaine  du  premier 
dhyâna. 

Un  dharma  pur  peut  être  le  fruit  d'activité  virile  d'un  dharma 
impur  (les  Umkikâgradliarmas  ont  pour  fruit  la  duhkhe  dhar- 
ma jnânaksânti,  vi.  25  c-d)  [21  a]. 

La  pensée-de-création  (nirmânacitta)  est  le  fruit  de  l'activité  virile 
d'une  pensée  du  domaine  d'un  dhyâna  (vii.  48). 

Et  ainsi  de  suite  -. 

On  considère  le  pratisamkhyânirodlia  ou  Nirvana  comme  un 
'  fruit  d'activité  virile  '  ;  or  la  définition  58  a-h  ne  s'applique  pas  au 
nirodha  qui,  étant  éternel,  ne  naît  pas.  Disons  donc  qu'il  est  le  fruit 
d'activité  virile  du  dharma^âr  la  force  duquel  on  en  obtient  la  posses- 
sion. 

58  c-d.  Tout  dharma  conditionné  est  le  fruit  de  souverain  (adhi- 
patiphala)  des  dharmas  conditionnés,  en  exceptant  les  dharmas 
qui  lui  sont  postérieurs  \ 

Quelle  dilTérence  entre  le  IViiil  d'activilé  virile  et  le  fruit  de  souve- 
rain ? 

1.  yadbalaj  jâiffite  ijat  iat  pludam  pnrumlfàrajam  / 

2.  La  pensée  à  la  mori  (i)tnr(ui(iciffa)  du  Kâmadliâtu,  c'est-à-dire  la  pensée 
de  l'être  qui  nieurl  dans  le  Kâmuillirilii,  peut  avoir  pour  fruit  viril  le  premier 
moment  de  l'être  intermédiaire  du  Rûpadliâtu.  —  Ces  exemples  montrent  la  diffé- 
rence entre  le  purusakâraphaUt  tl  le  rru|t  d'écoulement  (nisyamlaphala). 
Quatre  cas:  \.  punisnkaritpliuhi  qui  n'est  pas  «/.sw/nxJa/j/îaîa  ;  exemples  \:\- 
ileasus;  2.  visnandaphala,  le  Cruil  des  causes  sahhfKjd  el  sari(it>afj(n\\n  n*i 
suit  pas  immédiatement  ;  ?>.  nisijanda  et  purnsakâraphula,  fruit  pareil,  de  même 
étage,  immédiat  ;  4.  ni  l'un  ni  l'aulri-  :  fruit  de  rétrilmtion. 

3.  apûtvah  samskrlasyuivn  samskrto  'dhipuieh  phalam  jj 
Voir  ii.  7>^y  h  et  iv.  HTi. 


Hiiian-tsang,  vi,  fol.  20  b-21  a.  293 

Le  premier  est  relatif  à  l'agent  (kartar)  ;  le  second,  relatif  à  l'agent 
et  au  non-agent.  Par  exemple,  une  chose  œuvrée  est  le  fruit  d'activité 
virile- et  le  fruit  de  souverain  de  l'artisan  qui  l'a  faite  ;  elle  est  seule- 
ment le; fruit  de  souverain  de  celui  qui  n'est  pas  l'artisan. 

Un  demande  dans  quelle  condition  (avasthâ),  dans  la  condition  de 
future,  présente  ou  passée,  se  trouve  chacune  des  causes  (hetu)  quand 
elle  prend  (grhnâii,  àksipati)  et  quand  elle  donne  (prayacckati, 
dadâti)  son  fruit  ? 

59.  Cinq  causes  prennent  leur  fruit,  présentes  ;  deux  le  donnent, 
présentes  ;  deux  le  donnent,  présentes  et  passées  ;  une  le  donne, 
passée  '. 

Que  faut-il  entendre  par  '  prendre  un  fruit  ',  '  donner  un  fruit  '  ?  ^ 
Un  dharma  prend  un  fruit  lorsqu'il  en  devient  la  semence  '. 
Un  dharma  donne  un  fruit  au  moment  où  il  donne  à  ce  fruit  la 
force  de  naître,  c'est-à-dire  au  moment  où,  le  fruit  futur  étant  tourné 
vers  la  naissance,  prêt  à  naître  (ufpâdâhJiimiiJcha),  ce  dharma  lui 
donne  la  force  qui  le  fait  entrer  dans  la  condition  de  présent. 

59  a-b.  Cinq  causes  prennent  leur  fruit,  présentes. 

Cinq  causes  prennent  leur  fruit  seulement  quand  elles  sont  présen- 
tes :  passées,  elles  ont  déjà  pris  leur  fruit  ;  futures,  elles  n'ont  pas 
d'activité  (v.  25). 

Il  en  va  de  même  du  kâranahetu  ;  mais  la  stance  ne  le  mentionne 

1.  vartanmnâh  phalam  panca  grhnanti  clvan  prayacchatah  / 
vartamânâbhyatltau  dvâv  eko  Hitah  prayacchati  // 

Comparer  ii.  55  a-b. 

2.  Ces  définitions  sont  données  plus  loin  (vi.  22  a  7)  dans  l'original.  On  les 
place  ici  pour  la  commodité  du  lecteur. 

3.  tasya  biiahhâvopagamanât.  —  Le  f7/?ar»ta existe  toujours,  qu'il  soit  futur, 
présent  ou  passé.  Nous  disons  qu'il  prend  ou  projette  un  fruit  au  moment  où, 
devenant  présent,  il  devient  cause  ou  semence  d'un  fruit.  —  La  Vyâkhyâ  observe 
que  la  comparaison  de  la  semence  appartient  à  la  théorie  des  Sautrântikas.  Aussi 
«  ce  texte  manque  dans  certains  manuscrits  »  (kvacit pwstake  nâsty  esa  pâthah). 
Ailleurs  la  Vyakhyâ  explique  :  pratigrhnantity  âksipanti  hetiibliâvenopa- 
tisthanta  ity  artliah. 


294  CHAPITRE  II,  59. 

pas,   parce   cjue   le   kâranahetii   n'a   pas   nécessairement   un   fruit 
(saphcda). 

59  b.  Deux  donnent  leur  fruit,  présentes. 

La  cause  coexistante  (sahabhû)  et  la  cause  associée  (scmiprayuk- 
taka)  donnent  leur  fruit  seulement  quand  elles  sont  présentes  [21  b]  : 
ces  deux  causes  en  efïet  prennent  et  donnent  leur  fruit  en  même 
temps. 

59  c.  Deux  donnent  leur  fruit,  présentes  et  passées. 

La  cause  semblable  (sahhâga)  et  la  cause  universelle  (sarvafraga) 
donnent  leur  fruit  et  quand  elles  sont  présentes  et  quand  elles  sont 
passées. 

Comment  peuvent-elles  donner  leur  fruit,  le  fruit  d'écoulement 
(nisyanda,  ii.  56  c),  lorsqu'elles  sont  présentes  ?  Nous  avons  vu 
(ii.  52  b,  54  a)  qu'elles  sont  antérieures  à  leur  fruit. 

On  dit  que,  présentes,  elles  donnent  leur  fruit,  parce  qu'elles  le 
créent  immédiatement  (samanantaranirvartanât).  Quand  leur  fruit 
est  né,  elles  ont  passé  (ablujatHa)  :  elles  l'ont  déjà  donné  ;  elles  ne 
donnent  pas  deux  fois  le  même  fruit  '. 

i.  Il  arrive  que,  à  un  moment  donné,  un  sahhâfjahetn  bon  (knsala) 
prenne  un  fruit  et  ne  donne  pas  de  fruit.  Ounlrr  alternatives  :  prendre, 
donner,  prendre  et  donner,  ni  prendre  ni  donner  \ 

1.  Les  possessions  (prâpti)  des  racines  de  bien  qu'abandonne  au 
dernier  moment  l'homme  qui  coupe  les  racines-de-bien  (iv.  80  a) 
prennent  un  fruit,  ne  donnent  pas  de  fruit  \ 

2.  Les  possessions   des   racines  de   bien   qu'acquiert    au   premier 

1.  Sur  ce  point  délicat,  Snmghahliadra,  Nv/ljrnvalfirn,  98  a  .3. 

2.  asti  kusnlah  sahhagnhetuh  phnlnm  pratigrhndti  na  dadâti.  —  D'après 
VibhnsA,  18.  :,. 

.3.  Les  dernières  prùpfis  d'^  lii'ii  fjii'on  roiipe,  à  savoir  les  prâptis  des  racines 
de  bien  faibles-faibles  (wrdumrdii)  projpttent  leur  fruit  (phalaparigrahatn 
kurvanti),  mais  ne  donnent  pas  ifur  fruil  (nisjjatidapliala),  puisque  manque 
le  moment  '  bon  '  (pi'elles  devraient  donner  ou  engendrer  (janya). 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  21  a-b  295 

moment  Thmiime  qui  jeprend  (prntisamdadhâna)  les  racines  de  bien 
(iv.  80  c),  donnent  leur  fruit,  mais  ne  prennent  pas  de  fruit. 

Il  faut  dire  '  :  Ces  mêmes  possessions,  les  possessions  abandonnées 
au  dernier  moment  par  l'homme  qui  coupe  les  racines-de-bien,  don- 
nent  leur  fruit  mais  ne  le  prennent  pas  au  moment  où  cet  homme 
reprend  les  racines-de-bien. 

3.  Les  possessions  de  l'homme  dont  les  racines-de-bien  ne  sont  pas 
coupées  —  en  exceptant  les  deux  cas  qui  précèdent  :  celui  de  l'homme 
qui  achève  de  couper,  celui  de  l'homme  qui  reprend  les  racines  de 
bien  —  prennent  et  donnent. 

4.  Dans  tout  autre  cas,  les  possessions  ni  ne  prennent,  ni  ne  don- 
nent :  par  exemple,  les  possessions  des  racines-de-bien  de  l'homme 
dont  les  racines-de-bien  sont  coupées  ;  les  possessions  des  racines- 
de-bien  d'un  étage  supérieur  de  l'homme  qui  est  tombé  de  cet  étage  : 
ces  possessions  ont  déjà  pris  leur  fruit,  donc  ne  le  prennent  plus  ; 
elles  ne  le  donnent  pas,  puisque  l'homme  ne  peut  avoir  actuellement 
possession  de  ces  racines. 

ii.  En  ce  qui  regarde  le  sabhâgahetii  mauvais  (akusala),  la  Yihhâsâ 
établit  les  mêmes  alternatives  : 

1.  Les  possessions  des  mauvais  dharmas  qu'abandonne  au  dernier 
moment  l'homme  qui  obtient  le  détachement  du  désir  (kâmavai- 
râgija). 

2.  Les  possessions  qu'acquiert  au  premier  moment  l'homme  qui 
choit  du  détachement. 

Il  faut  dire  :  Ces  mêmes  possessions,  quand  l'homme  choit  du 
détachement. 

3.  Les  possessions  de  l'homme  qui  n'est  pas  détaché,  en  exceptant 
les  deux  cas  qui  précèdent. 

1.  Vasubandhu  critique  la  doctrine  des  Vaibhâsikas.  En  effet,  ce  paragraphe 
est  mal  rédigé  {'sâfadj/aj; lorsqu'un  homme  reprend  les  racin«s-de-bien.  il  acquiert, 
tritemporelles,  les  prâptis  des  racines-de-bien  :  les  prâptis  passées  acquises  à  ce 
moment  donnent  leur  fruit,  mais  ne  le  prennent  pas  :  car  elles  l'ont  déjà  pris  ; 
mais  comment  peut-on  dire  que  les  prâptis  présentes  ne  prennent  pas  leur  fruit  ? 
La  définition  proposée  manque  donc  de  précision.  —  Sarnghabhadra  défend  la 
rédaction  de  la  VibbâsS.. 


296  CHAPITRE  II,  59. 

4.  Les  possessions  dans  tout  autre  cas  :  par  exemple  les  possessions 
de  l'homme  détaché  et  non  sujet  à  la  chute. 

iii.  En  ce  ([ui  concerne  le  sabhdgahetu  souillé-non-défmi  (nivriâ- 
vyciJirfa)  [22  aj,  il  y  a  aussi  quatre  alternatives  : 

1.  Les  dernières  possessions  de  dharmas  souillés-non-définis 
qu'ahandonne  le  saint  qui  devient  Arhat. 

2.  Les  premières  possessions  qu'acquiert  l'Arhat  tombé. 

Pour  mieux  dire  :  les  possession^  susdites  chez  l'Arhat  qui  tombe. 

3.  Les  possessions  de  l'homme  non  détaché  du  bhavâgra,  les  deux 
cas  précédents  étant  exclus. 

4.  Les  possessions  dans  tout  autre  cas  :  les  possessions  de  l'Arhat. 
iv.   En    ce   qui   concerne   le   sabhdgahetu    non-souillé-non-défini 

(anivrtâvyâkrfa),  quand  il  donne  son  fruit,  il  le  prend  (car  le  non- 
souillé-non-défini  dure  jusqu'au  Nirvana)  ;  mais  il  peut  prendre  son 
fruit  sans  le  donner  :  les  derniers  skandhas  de  l'Arhat  n'ont  pas 
d'écoulement  (nisyanda)  '. 

V.  Nous  avons  jusqu'ici  considéré  les  dharmas  qui  ne  sont  pas 
'  sujet  de  connaissance  '  (sâlambana).  Si  nous  considérons  la  pensée 
et  les  mentaux  dans  leurs  moments  successifs,  nous  établirons  pour 
le  sahhâgahetu  bon  les  quatre  alternatives  qui  suivent  : 

1.  11  prend  et  ne  donne  pas.  Lorstjue  la  pensée  bonne  est  immé- 
diatement suivie  d'une  pensée  souillée  ou  non-souillée-non-définie, 
cette  pensée  bonne,  en  tant  que  sabhâgahetu,  prend,  c'est-à-dire 
projette,  un  fruit  d'écoulement,  à  savoir  une  pensée  bonne  future,  que 
celle-ci  soit  destinée  à  naître  ou  non  ;  elle  ne  donne  pas  un  fruit 
d'écoulement,  puisque  la  pensée  qui  la  suit,  souillée  ou  non-souillée- 
non-définie,  n'est  pas  récoulement  d'une  pensée  bonne, 

2.  Il  donne  et  ne  prend  pas.  Lorsqu'une  pensée  bonne  suit  immé- 
diatement une  pensée  souillée  ou  non-so»iillée-non-définie,  une 
pensée  bonne  antérieure  donne  un  finit  d'écoulement,  à  savoir  la 
pensée  bonne  que  nous  considérons  ;  celte  pensée  antérieure  ne  prend 
pas  de  fruit,  puisqu'elle  l'a  pris  jadis. 

1.  nnivrtâvyûkrtasyn  pnécâtpâflrtkn  iti pnécâfpndnknlnksannt»  vyâkhyâ- 
tnvi  m  un  puunr  ucynte. 


Hinan-tsang,  vi,  fol.  21  b-22  b.  297 

3.  Jl  prend  et  donne.  Deux  pensées  bonnes  se  suivant,  la  première 
prena  et  donne  son  fruit  d'écoulement,  qui  est  la  seconde  pensée, 

4.  U  rie  prend  ni  ne  donne.  Lorsque  des  pensées  souillées  ou  non- 
souillées>non-définies  se  succèdent,  la  pensée  bonne  antérieure,  en 
tanl  que  sahhàgakefu,  a  jadis  pris  son  fruit  et  donnera  plus  tard  son 
fruit  ;  pour  l'instant,  ni  elle  ne  prend,  ni  elle  ne  donne. 

On  établira  symétriquement  les  alternatives  qui  concernent  le 
sabhâgaheUi  mauvais. 

59  d.  Une  cause  donne  son  fruit,  passée. 

La  cause  de  rétribution  donne  son  fruit  quand  elle  est  passée,  car 
ce  fruit  n'est  pas  simultané  ou  immédiatement  consécutif  à  sa  cause. 

D'autres  Maîtres,  les  docteurs  de  l'Ouest  (Vibhâsâ,  121,  6)  disent 
qu'il  y  a  quatre  fruits  différents  des  cinq  fruits  que  nous  avons  dits  : 

1.  pratlsthâphala,  fruit  de  la  base  [22  b]  :  le  cercle  d'eau  (jalaman- 
dala)  est  fruit  du  cercle  de  vent  (vâyumandala)  (iii.  45)  et  ainsi  de 
suite  jusqu'aux  herbes,  fruit  de  la  grande  terre  (maliâprthivl)  ; 

2.  prayogaphala,  fruit  de  l'exercice  préparatoire  :  Yanutpcida- 
jhâna,  etc.  (vi.  50)  est  fruit  des  asubhâ,  etc.  (vi.  11)  ; 

3.  sâmagrîphala,  fruit  d'un  complexe  :  la  connaissance  visuelle 
est  fruit  de  l'organe  de  la  vue,  du  visible,  de  la  lumière  et  d'un  acte 
d'attention  (Madhyamakavrtti,  454)  ; 

4.  hhàvanâphala,  fruit  du  recueillement  :  la  pensée-de-création 
(vii.  48)  est  fruit  du  dhyclna. 

D'après  le  Sarvâstivâdin,  le  premier  de  ces  quatre  fruits  rentre 
dans  la  catégorie  du  fruit  du  souverain  (adhipatiphala)  ;  les  trois 
autres  rentrent  dans  la  catégorie  du  fruit  viril  (purusakâraphala). 

Nous  avons  expliqué  les  causes  et  les  fruits.  Il  faut  maintenant 
examiner  par  combien  de  causes  sont  produits  les  différents  dharmas. 

De  ce  point  de  vue,  les  dharmas  se  rangent  en  quatre  catégories  : 
1.  dharmas  souillés  (klista),  c'est-à-dire  les  passions  (klesa),  les 
dharmas  associés  à  la  ipassion(samprayukta)  et  les  dharmas  ayant 
leur  origine  dans  la  passion  (samtiltha)  (iv.  8)  ;  2.  dharmas  de  rétri- 


298  CHAPITRE  II,  60-61  c. 

bution  ou  nés  de  la  cause  de  rétribution  (vipàkahetu,  ii.  54  c)  ;  3.  les 
premiers  dharmas  purs  (anùsrava),  c'est-à-dire  la  dnhkJw  dhar- 
mnjncïnaksântl  (i.  38  b,  vi.  27)  et  les  dharmas  coexistant  à  cette 
ksânfi  :  4.  les  autres  dharmas,  c'est-à-dire  les  dharmas  non-définis 
(avyâkrta),  à  l'exception  des  dharmas  de  rétribution,  et  les  dhar- 
mas bons  (kiisala),  à  l'exception  des  premiers  dharmas  purs. 

60-61  b.  La  pensée  et  les  mentaux  (1)  souillés,  (2)  nés  de  la  cause 
de  rétribution,  (3)  autres,  (4)  purs  pour  la  première  fois,  naissent  des 
causes  qui  restent  lorsqu'on  exclut,  dans  l'ordre,  (1)  la  cause  de  rétri- 
bution, (2)  la  cause  universelle,  (3)  ces  deux  causes,  (4)  ces  deux 
causes  plus  la  cause  semblable.  En  ce  qui  concerne  les  dharmas  qui 
ne  sont  pas  pensée  ou  mentaux,  exclure  vn  outre  la  cause  associée  '. 

La  pensée  et  les  mentaux,  (1)  lorsqu'ils  sont  souillés,  naissent  de 
cinq  causes  à  l'exclusion  de  la  cause  de  rétribution  [23  a]  ;  (2)  lors- 
qu'ils sont  rétribution,  naissent  de  ciiicj  causes  à  l'exclusion  de  la 
cause  universelle  ;  (3)  lorsqu'ils  sont  différents  de  ces  deux  catégories 
et  de  la  quatrième,  naissent  de  quatre  causes,  à  l'exclusion  de  la 
cause  de  rétribution  et  de  la  cause  universelle  ;  (4)  lorsqu'ils  sont 
purs  pour  la  première  fois,  naissent  de  trois  causes,  à  l'exclusion  des 
deux  causes  susdites  et  de  la  cause  semblable. 

Les  dharmas  qui  ne  sont  pas  pensée  ou  mentaux,  à  savoir  les 
dharmas  matériels  (nipin)  et  les  samskôras  non  associés  à  la 
pensée  (ii.  35),  suivant  qu'ils  tombent  dans  une  des  quatre  catégories, 
naissent  des  causes  propres  à  cette  catégorie  en  excluant  la  cause 
associée  (sampraijifkfnkahdu):  souillés  et  rétribution,  quatre  causes  ; 
dUTérents,  trois  causes  ;  purs  pour  la  première  ïok{anâsravasamvara, 
iv.  13),  deux  causes. 

Il  n'y  a  pas  de  dhnrma  qui  provienne  d'une  seule  cause  (ekahetti- 
samhhida)  :  ]h  raison  d'ètro  (karanafiefu)  et  la  cause  coexistante 
(^sa//r<6/?H//p//f^  ne  manquent  jamais,  fvii,  I  a) 

1.  klisfà  vipâknjah  sesâh  prathnmaryn  yathakrautam  j 
vipâknm  sarvàgam  hilvâ  tau  snbhnrjnm  ca  éesajdh  II 
cittncaitlâs  \fathânye  ca  snwprayuktakavarjitâh]  / 

Comparer  Abhidharmahrdaya,  ii.  12-15. 


Hiuan-tsang,  vi,  fol.  22  b-vii,  fol.  1  a.  299 

Nous  avoifs  expliqué  les  causes  (hetiis).  Quelles  sont  les  conditions 
(pratyaya)  ? 

61c.  Les  praiyayas  sont  dits  être  quatre  '. 

Où  cela  est-il  dit  ? 

Dans  le  Sûtra  :  «  Il  y  a  quatre  pratyayatâs,  à  savoir  hetupra- 
tyayatâ,  samanantarapratyayatâ,  âlamhanapratyayatâ,  adhipa- 

1.  catvârah prafyayâ  uktâh. 

Vibhâsâ,  16,  8  :  «  Il  est  vrai  que  ces  six  causes  (hetu)  ne  sont  pas  dites  dans  le 
Sûtra  ;  le  Sûtra  dit  seulement  qu'il  y  a  quaive  pratyayatâs  ». 

L'éditeur  japonais  cite  les  sources  du  Grand  Véhicule,  le  Nanjio  14-1  (trad.  Dhar- 
magupta\  le  Ghanavyûha,  le  Nanjio  140  (trad.  Hiuan-tsang),  le  jMadhyamaka 
(voir  Madhyamakavrtti,  p.  76X 

Quant  à  la  relation  des  hetus  et  des  pratyayas,  les  premiers  maîtres  de  la 
VibhasS  disent  que  (1)  le  hetupra tyaya  comprend  cinq  hetus  à  l'exception 
du  kâranahetii,  (2)  le  kâranahetu  comprend  les  trois  autres  pratyayas.  Les 
seconds  maîtres  de  la  Vibhâsâ  disent  que  (1  )  le  hetupratyaya  comprend  cinq 
hetus,  (2)  le  kâranahetu  correspond  au  seul  adhipatipratyaya  :  c'est  le  système 
adopté  par  Vasubandhu.  Pour  les  maîtres  du  Grand  Véhicule,  Te  sabhdgahetii 
est  à  la  fois  hetupratyaya  et  adhipatipratyaya,  les  autres  cinq  hetus  sont 
aclhipatipratyaya. 

Le  Prakarana,  30  a  17,  énumère  les  (\\\aiie  pratyayas.  Le  Vijnanakâya,  16  a  1, 
les  définit  en  fonction  des  cijùânas  :  «  Qu'est-ce  qui  est  hetupratyaya  d'une 
connaissance  visuelle?  Les  dharmas  coexistants  (sahabhû)  et  associés  (^sam- 
prayukta).  —  Qu'est-ce  qui  est  son  samanautarapratyayn  ?  La  pensée  et  les 
mentaux  auxquels  elle  est  égale  et  immédiate,  la  connaissance  visuelle  née  et 
naissante.  —  Qu'est-ce  qui  est  son  âlanibavapratyaya?  Les  \is\b\es.  —  Qu'est-ce 

qui  est  son  adhipatipratyaya  ?  Tous  les  dharmas,  à  l'exception  d'elle-même 

...  De  quoi  une  connaissance  visuelle  est-elle  le  hetupratyaya  ?  Des  dharmas 
coexi.stants  et  associés.  —  De  quoi  est-elle  le  samanautarapratyaya  ?  Des 
pensées  et  mentaux,  nés  ou  naissants,  égaux  et  immédiats  à  cette  connaissance 
visuelle.  —  De  quoi  est-elle  Yâlambaiiaprafyaya  ?  Des  pensées  et  mentaux  qui 
la  prennent  pour  objet.  —  De  quoi  est-elle  Y  adhipatipratyaya  ?  De  tous  les 
dharmas  à  l'exception  d'elle-même.  » 

Les  quatre  pratyayas  sont  détînis  dans  l'Abhidharmahrdaya,  ii.  16,  comme 
dans  notre  livre  :  le  hetupratyaya  comprend  les  cinq  hetus  ;  V adhipatipratyaya 
correspond  au  kâranahetu. 

Pour  les paccayas  de  l'Abhidhamma,  le  Dukapatthâna  paraît  l'autorité  capitale. 
Les  points  de  contact  avec  l'Abhidharma  sont  nombreux;  la  nomenclature  diffère; 
par  exemple,  le  sahajâtâdhipatipaccaya  est  notre  sahabhûhetti.  Voir  aussi 
Kathâvatthu.  xv.  1-2. 


300  CHAPITRE  II,  61  c-62  b. 

tipraiyayatâ,  ce  qui  est  condilion  en  qualité  de  cause,  en  qualité 
d'antécédent  égal  et  immédiat,  en  qualité  d'objet,  en  (jualité  de  sou- 
verain. » 

VdiY  praiyayatâ  on  entend  '  espèce  àepratyaya  '  (prafyayajâti)  '. 

Qu'est-ce  que  le  hetupratyaya  ? 

61  d.  Le  pyafyaya  qui  porte  le  nom  de  hetu,  c'est  cinq  hetus^. 

Si  on  excepte  le  kâranalictu,  les  cintj  lietus  restant  constituent  la 
hetupratyayatâ,  l'espèce  de  condition  nommée  cause. 
Qu'est-ce  que  le  sarnantarapratyaya  ? 

62  a-b.  Les  pensées-et-mentaux  qui  sont  nés,  à  l'exception  des 
derniers,  sont  samayuintarapratyaya  [1  bj  \ 

Si  on  excepte  la  dernière  pensée  et  les  derniers  mentaux  (citta- 
caittas)  de  l'Arhat  au  moment  du  Nirvana,  tous  les  pensées-et-men- 
taux qui  sont  nés  sont  samananlarapratyaya,  condition  on  qualité 
d'antécédent  égal  et  immédiat. 

i.  Seuls  les  pensées  et  mentaux  sont  samanantarapi'atyaya.  De 
quels  dharmas  sont-ils  samatiantarapratyaya  P 

1.  Cette  sorte  de  prafyaya  est  nommée  samanantara  parce  qu'elle 
produit  des  dharmas  égaux  (sania)  et  immédiats  (anantara).  Le 
préfixe  sam  s'entend  dans  le  sens  d'égalité. 

Par  conséquent  \  les  pensées-et-mentaux  seuls  sont  samanantara- 
praiyaya,  car,  en  ce  qui  concerne  les  autres  dharmas,  les  dharmas 
matériels  (rûpa)  par  exemple,  il  n'y  a  pas  égalité  entre  la  cause  et  le 
fruit.  En  elïet,  à  la  suite  d'un  rûpa  du  domaine  du  Kfunadiuitu, 
peuvent  naîlrt'  on  même  temps  deux  rûpas,  l'un  du  Kâmadbâtu, 
l'autre  du   Rûpailliâtu  ',  ou  bien  deux  rûpas,  l'un  du  Kâmadbalu, 

1.  C'est-à-dire  pratyaynprnkara,  ronimo^  on  dit  gotâ,  espèce  de  vache  (Vyfi- 
khyfi). 

2.  tirfrakh>inh  prifirn  holavnh 

3.  citiacditUi  (irntdnia  utpdniKih  scuncmantarah  / 

4.  V'^ihhâsH,  11.  4,  deuxif-mes  maîtres. 

5.  Il  s'agit  de  Vavijùaptirûpn.  Lorsque,  après  avoir  pris  le  Prâlimnksasamvara 
(avijùaptirûpa  do  Kriiiiadluitii),  un  Inuiiiiic  cntrp  dans  lo  dhyâna  impur  fsasra- 


Hiuan-tsang,  vii.  fol.  1  a-2  a.  301 

l'auttl  pur  '.Tandis  que  jamais  ne  naissent  en  même  temps,  à  la 
suite  d'une  pensée  de  Kâmadhâtu,  une  pensée  de  Kâmadhatu  et  une 
pensée  de  Rûpadhâtu.  L'apparition  (sammukhlbhâva)  des  rûpas  est 
conï\i^ej(jàJcula)  :  or  le  samanantarapratijcuja  ne  donne  pas  un  fruit 
confus  ;  donc  les  dharmas  matériels  ne  sont  pas  samanantarapra- 
tijaya. 

Vasumitra  dit  :  Dans  un  même  corps,  sans  que  la  série  d'un  rûpa 
d'accroissement  (aupaccujika)  soit  rompue,  peut  naître  un  second 
râpa  d'accroissement  ;  donc  le  rûpa  n'est  pas  samanantarapra- 
tyaya  -. 

Bhadanta  ^  dit  :  Le  dharma  de  rûpa  est  immédiatement  suivi  de 
moins  ou  de  plus.  Donc  il  n'est  pas  sanianantarapratyaija.  De  plus 
nait  moins  :  lorsqu'une  grande  masse  de  paille,  brûlée,  devient  cendre. 
De  moins  naît  plus  :  car  une  petite  semence  produit  la  racine  du 
figuier  (nyagrodha),  le  tronc,  les  branches,  les  feuilles  [2  a]. 

2.  Objection.  —  Lorsque  des  pensées  (citta)  se  succèdent  immédiate- 
ment, comportent-elles  toujours  le  même  nombre  d'espèces  de  men- 
taux associés  ?  Non.  Il  arrive  que  la  pensée  antérieure  comporte 
un  plus  grand  nombre  d'espèces  de  mentaux,  et  la  pensée  suivante 
un  nombre  moindre  ;  et  réciproquement.  Les  pensées,  bonne,  mau- 
vaise, non-définie,  se  succèdent  ;  et  elles  ne  comportent  pas  le  même 
nombre  de  mentaux  associés  (ii.  28-30)  :  les  recueillements,  qui  se 
succèdent,  comportent  ou  ne  comportent  pas  vitarka  et  vicâra 
(viii.  7).  Donc,  pour  les  mentaux  comme  pour  les  dharmas  matériels, 
il  n'y  a  pas  égalité.  (Vibhâsâ,  11,  s). 


va),  il  produit  le  samvara  de  dhyâna  (avijn-aptirnpa  de  Rûpadhâtu),  tandis 
que  Vavijnaptirfipa  de  Kâmadhâtu  continue  à  se  reproduire  (voir  iv.  17  b-c). 

1.  Dans  le  cas  où  l'homme  qui  a  pris  le  Prâtimoksasamvara  entre  dans  le 
dhyâna  pur. 

2.  C'est  la  deuxième  opinion  exposée  dans  la  Vibhâsâ.  —  Lorsque,  après  avoir 
mangé,  l'homme  s'endort  ou  entre  en  recueillement,  naissent  en  même  temps  le 
rûpa  d'accroissement  produit  par  la  nourriture  et  le  rûpa  d'accroissement  produit 
par  le  sommeil  ou  par  le  recueillement  (voir  i.  37). 

3.  Sur  Bhadanta,  le  Sthavira  Sautrantika  (Vyâkhyâ),  voir  p.  36.  —  Quatrième 
opinion  de  la  Vibhâsâ. 


30ii  CHAPITRE  II,  62  a-b. 

Cela  est  vrai  ;  il  y  a  .succession  de  moins  à  plus,  et  réciproquement 
(deuxième  opinion  de  la  Vibhasa)  ;  mais  seulement  par  accroisse- 
ment ou  diminution  du  nondjre  des  espèces  de  mentaux  (Vibhasa, 
11,  n).  En  ce  qui  concerne  une  espèce  déterminée,  jamais  il  n'y  a 
inégalité  :  jamais  à  la  suite  de  moins  nombreuses  sensations  (vedanâ) 
ne  surgissent  plus  nombreuses  sensations,  ni  réciproquement  ;  c'est- 
à-dire  :  jamais  une  pensée  accompagnée  d'une  sensation  n'est  suivie 
d'une  pensée  associée  à  deux  ou  à  trois  sensations.  De  même  pour  la 
notion  (samjnâ)  et  les  autres  mentaux. 

C'est  donc  seulement  par  rapport  à  son  espèce  propre  que  l'anté- 
rieur est  saniaHaiitaraprahjaija  du  subséquent  ?  La  sensation  est 
donc  le  samanautaraprati/aifa  de  la  seule  sensation  ? 

Non.  D'une  manière  générale  les  mentaux  antérieurs  sont  sania- 
uantarapnittjaija  des  mentaux  qui  suivent,  et  non  pas  seulement 
des  mentaux  de  leur  espèce.  Mais,  à  considérer  une  espèce,  il  n'y  a 
pas  succession  de  moins  à  plus,  et  réciproquement  :  ce  qui  justifie 
l'expression  samanantara,  '  égal  et  immédiat  '. 

3.  Les  Abliidharniikas  qui  prennent  le  nom  de  Samlanasabhagikas 
(Vibhasa,  10,  17)  soutiennent  au  contraire  qu'un  dharma  d'une 
certaine  espèce  est  seulement  samariaataraprattjaya  d'un  dharma 
de  cette  espèce  :  de  la  pensée  naît  la  pensée,  de  la  sensation  naît  la 
sensation,  etc. 

Objection.  —  Dans  celle  hypothèse,  lors(ju'ini  dharma  souillé 
(klida  -=  akiusala  ou  nivrtâvyâkrta)  naît  à  la  suite  d'un  dharma 
non-souillé,  ce  dharma  souillé  ne  procédera  pas  d'un  samanantara- 
pratyaya. 

C'est  la  passion  (klesaj  antérieurement  détruite  qui  est  le  sama- 
nantarapratyaya  de  la  passion  qui  souille  ce  second  dliarma.  La 
passion  nnlérieure  est  considérée  connue  précédant  immédiatement 
la  passion  postérieure,  encore  qu'elle  en  soit  séparée  (^r?/atYf/iiYa)  par 
un  dharma  non-souillé,  car  la  séparation  par  un  dharma  de  nature 
différente  fahdyajâllya)  ne  constitue  pas  séparation.  De  même  que 
la  pensée-de-sortie  (ryntfhâ)iaciHa)  du  recueillement-de-cessation 
(nirodhasamâpatti,  ii.  4.'>  a)  [-2  i»|a|)our  samauantarapratyaya 


Hiuan-tsang,  vii,  fol,  2  a-2  b.  303 

la  pensée-d'eTitrée-en-uecueillement  (samdpatticiUa)  antérieurement 
détruite  :  le  recueillement  (samapaUidravya)  ne  tait  pas  séparation. 

La  -théorie  des  Sâmtanasabhâgikas  est  inadmissible,  pensons- 
noua^  cajp,  dans  cette  théorie,  la  pensée  pure  (anâsrava)  produite 
pour  la  première  fois  (i.  38  b)  n'aurait  pas  de  samanantarapratyaya. 

4,  Les  samskâras  dissociés  de  la  pensée  (vlprayuMa,  ii.  35)  ',  de 
même  que  les  dharmas  matériels,  se  produisent  pêle-mêle  (vydkula- 
sammukhihhava)  :  donc  ils  ne  sont  pas  samanantarapratyaya. 
En  effet,  à  la  suite  d'une  possession  du  domaine  du  Kâmadhâtu, 
peuvent  se  produire  en  même  temps  des  possessions  relatives  à  des 
dharmas  des  trois  sphères  d'existence  et  aux  dharmas  purs,  etc. 

ii.  Pourquoi  nier  que  les  dharmas  futurs  soient  samanantara- 
pratyaya ? 

Les  dharmas  futurs  sont  pêle-mêle  (vyâkula)  :  il  n'y  a  pas,  entre 
eux,  antériorité,  postériorité  (voir  p.  261)  -. 

A.  Comment  donc  Bhagavat  sait-il  que  tel  dharma  futur  naîtra 
d'abord,  que  tel  autre  dharma  naîtra  après  ?  Il  connaît  l'ordre  de 
naissance  de  tout  ce  qui  naît  jusqu'à  la  lin  des  temps. 

1.  Première  réponse  '.  Sa  connaissance  résulte  d'une  induction 
(anumâna)  tirée  du  passé  et  du  présent.  —  Il  voit  le  passé  '*  : 
«  De  telle  sorte  d'acte  naît  tel  fruit  de  rétribution  ;  de  tel  dharma 
procède  tel  dharma  »  ;  il  voit  le  présent  :  «  Voici  telle  sorte  d'acte  : 
de  cet  acte,  tel  fruit  de  rétribution  naîtra  dans  le  futur  ;  voici  tel 
dharma  :  de  ce  dharma  procédera  tel  dharma  »..  —  Cependant  la 
connaissance  de  Bhagavat  est  ce  qu'on  nomme  pranidhijndna 
(vii.  37),  et  non  pas  connaissance  d'induction.  Au  moyen  de  l'induc- 
tion tirée  du  passé  et  du  présent,  Bhagavat  voit  immédiatement  les 

1.  Vibhâsfi,  11,  5,  deux  opinions.  Vasubandhu  expose  la  seconde. 

2.  Les  dharmas  simuUanés.  ne  présentant  ni  antériorité,  ni  postériorité,  ne 
peuvent  être  en  eux  samanantarapratyaya. 

3.  Les  premiers  maîtres  de  Vibhfisa,  11,  2.  —  atltasâmpratânuniânât.  — 
Hiuan-tsang  :  «  Il  induit  du  passé  et  du  présent,  mais  voit  d'une  manière  immé- 
diate :>. 

4.  atïtatn  kilâdhvânam  paéyati ...  Vibhasa,  ibid.  et  179,  3. 


304  CHAPITRE  II,  62  a-b. 

(Uuinnas  qui  résident,  pèle-méle,  dans  le  l'ulur,  et  il  produit  cette 
connaissance  [3  a]  :  «  Cet  homme,  ayant  accompli  tel  acte,  recevra 
certainement  telle  future  rétribution  »  '. 

A  vous  en  croire,  si  Bhagavat  ne  considère  pas  le  passé,  il  ne 
connaît  pas  le  futur.  Donc  il  n'est  pas  omniscient  (sarvavid). 

"1.  D'après  d'autres  maîtres  -,  il  y  a  dans  la  série  des  êtres  certain 
dharma  qui  est  l'indice  (cihna  ^=  llhya)  des  fruits  qui  naîtront  dans 
l'avenir,  à  savoir  certain  samfikâra  dissocié  de  la  pensée.  Bhagavat 
le  contemple  '  et  il  connaît  les  fruits  futurs,  sans  qu'il  doive  pour 
cela  pratiquer  les  clhyânas  et  les  ahhijnâs  (vii.  42  :  ci/utyupapâ- 
daJHCina). 

Le  Sautrântika.  —  S'il  en  était  ainsi,  Bhagavat  serait  un  interprète 
de  pronostiques  ^  ;  il  ne  serait  pas  un  '  voyant  '  (sâksâtkârin,  sâk- 
sâddarsin). 

3.  Par  conséquent  Bhagavat  connaît  à  son  gré  et  immédiatement 

1.  Hiium-tsang:  Bîiagavat  voit  que,  de  tel  acte  passé,  naît  tel  fruit:  de  tel 
lUuirma  nuit  iimnédiateiuent  tel  dharma  ;  que,  de  tel  acte  présent,  naît  tel 
fruit  :  de  tel  dharma  naît  immédiatement  tel  dharma.  Ayant  vu  ainsi,  il  est 
capable  de  savoir,  à  l'égard  des  dharmas  confus  de  l'avenir  :  tel  dhartna  naîtra 
immédiatemeiit  après  tel  dharma.  Quoicpi'il  connaisse  de  cette  manière,  ce  n'est 
pas  là  connaissance  d'induction,  car  Bhagavat,  induisant  d'après  l'ordre  de  nais- 
sance des  causes  et  effets  passés  et  présents,  connait  ensuite  d'une  vue  immédiate 
les  dharmas  confus  de  l'avenir  et  dit  :  «  Dans  l'avenir,  tel  être  acconqjlira  telle 
action,  recevra  telle  rétribution  ».  C'est  là  pranidhijùâna,  non  pas  anuniâ' 
najnana. 

l2.  Deuxième  opinion  de  la  Vibhâsâ,  17'.),  i;  Iroisièmo  opinion  exposée  dans 
Nyâyâvalâra,  lOI}  a  !2n. 

ParamSrtha  (29  b  12)  diffère  :  «  il  y  a,  dans  la  série  des  êtres,  un  certain  dhar- 
ma conditionné  associé  à  la  pensée  qui  est  l'indice  du  fruit  à  venir  ». 

Nyâyûvalara  :  «  il  y  a  actuellement,  dans  les  êtres,  un  indice  des  causes  et  fruits 
futurs,  sfiiiblable  à  un  signe  f)ronosli(jue  (nui  siany,chdyâ-nimitta),  ou  bien  un 
rUpa,  ou  bien  un  .sam.skdra  dissocie  df  la  pensée  ». 

'  indice  ',  rtags,  cihua  =  ii/t^/a  ,  raramârtha  et  Nyâyavalara  :  sien  siang  = 
pûrvalak.sana  ;  Hiuen-tsang  :  sien  tchao,  présage. 

^.   Kditeur  japonais  :  au  moyen  du  Jokad]iâlnsamvrlijnâua  (vii.  '{\ 

4.  mlshan-mkhan.  .Sarad  Garnira  suggère  (janaka  (^  rtsis  mkhan) ;  plutôt 
naimiUika  (lias  mkhan)  MVyut.  ISIi.  \'i'.i,  naimittaka,  Divya.  —  Hiuan-tsang  : 
S'il  en  était  ainsi,  le  Bouddha  connaitrail  le  futur  en  raison  des  indices  (tchân- 
siang)  ... 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  2  b-3  b,  305 

tout»  chose,-non  par  induction,  non  par  divination.  C'est  l'avis  des 
Sautrântikas,  justifié  par  cette  parole  de  Bhagavat  (Ekottara,  18,  le  ; 
comp^  Dîgha,  i.  31)  :  «  Les  qualités  des  Bouddhas,  le  domaine  des 
Bouddhas,  sont  incompréhensibles  ». 

B.  Si  le  futur  ne  présente  pas  antériorité  et  postériorité,  comment 
peut-on  dire  :  «  Immédiatement  après  les  laukika  agradharmas 
naît  seulement  la  duhkhe  dharmajhânaksânti  et  non  pas  un  autre 
dhanua  »  (vi.  27)  et  ainsi  de  suite  jusque  :  «  Immédiatement  après 
le  vajropamasamâdhi  naît  le  ksayajhâna  (vi.  46  c)  »  ? 

Les  Vaibhasikas  (Yibhâsâ,  11,2)  répondent  :  Si  la  naissance  de  ce 
dharma-ci  est  liée  à  ce  dhanna-lk,  immédiatement  après  celui-là, 
celui-ci  naît  [3  b].  De  même  que  le  bourgeon  naît  après  la  semence 
sans  que  le  samanantaraprattjaya  intervienne. 

iii.  Pourquoi  la  dernière  pensée  et  les  derniers  mentaux  de  l'Arhat 
ne  sont-ils  pas  samanantarapratyaya  (Vibhâsâ,  10,  le)  ? 

Parce  qu'aucune  pensée  et  aucun  mental  ne  naissent  après  eux. 

Mais  vous  nous  avez  appris  (i.  17)  qu'on  entend  par  manas  la 
pensée  (citta,  vijnâna)  qui  vient  de  disparaître  et  qui  sert  de  point 
d'appui  à  la  pensée  suivante.  Puisqu'aucune  pensée  ne  suit  la  dernière 
pensée  de  l'Arhat,  cette  dernière  pensée  ne  doit  recevoir  ni  le  nom 
de  manas,  ni  le  nom  de  samanantarapratyaya  ;  et  vous  la  consi- 
dérez cependant  comme  étant  manas. 

Le  cas  n'est  pas  le  même.  Ce  qui  constitue  le  manas,  ce  n'est  pas 
l'activité  (kâritra),  le  fait  de  supporter  la  pensée  subséquente,  c'est 
la  qualité  d'être  un  point  d'appui  (cisraya)  pour  cette  pensée  ;  que 
celle-ci  naisse  ou  ne  naisse  pas,  peu  importe.  La  dernière  pensée  de 
l'Arhat  est  '  point  d'appui  '  :  si  une  pensée  subséquente,  qui  serait 
supportée  par  ce  point  d'appui,  ne  naît  pas,  c'est  par  défaut  des  autres 
causes  nécessaires  à  sa  naissance.  Au  contraire,  ce  qui  constitue  le 
samanantarapratyaya,  c'est  l'activité.  Une  fois  que  ce  pratyaya  a 
pris  ou  projeté  un  fruit,  rien  au  monde  ne  peut  empêcher  ce  fruit  de 
naître.  Donc  la  dernière  pensée  de  l'Arhat  est  justement  nommée 
manas,  et  n'est  pas  samanantaraprayaya. 

iv.  Un  dliarma  qui  est  ciitasamanantara,  c'est-à-dire  qui  a  pour 

20 


306  CHAPITRE  II,  02. 

'  antécédent  égal  et  immédiat  '  (samancintarapratyaija)  une  certaine 
pensée,  est-il  cittauirantara,  c'est-à-dire,  suit-il  immédiatement  celte 
pensée  ? ' 

Quatre  alternatives. 

1.  La  pensée  et  les  mentaux  de  sortie  (vyidthâua)  des  deux  recueil- 
lements exempts  de  pensée  (ii.  41),  et  tous  les  moments  de  ces  deux 
recueillements  à  l'exception  du  premier,  ont  pour  samcmantarapra- 
iyaya  la  pensée-d'entrée  en  recueillement,  et  ne  suivent  pas  immé- 
diatement cette  pensée,  (ii.  64  b) 

2.  Les  caractères  (laksanas,  ii.  45  c)  (1)  du  premier  moment  des 
deux  recueillements,  (2)  de  toute  pensée  et  de  tout  mental  de  l'état 
conscient  (sacittakâvasthâ),  suivent  immédiatement  une  pensée,  mais 
n'ont  pas  de  samanantarapratyaya. 

3.  Le  premier  moment  des  deux  recueillements,  toute  pensée  et 
tout  mental  de  l'état  conscient,  ont  pour  samayiantaraprafyaya  la 
pensée  qu'ils  suivent  immédiatement. 

4.  Les  caractères  (1)  de  tous  les  moments  des  deux  recueillements 
à  l'exception  du  premier,  (2)  de  la  pensée  et  des  mentaux  de  sortie 
des  deux  recueillements,  n'ont  pas  de  samanantarapralyaya,  car  ils 
sont  des  dhanuas  dissociés  de  la  pensée  (viprayukla,  ii.  35)  ;  et  ne 
suivent  immédiatement  aucune  pensée. 

(Ju'est-ce  qui  est  âlambauaprafyaya,  condition  en  qualité  d'objet  ? 

62  c.  Tous  les  dharmas  sont  âlamhana,  objet  de  la  connais- 
sance K 

Tous  les  dharmas,  aussi  bien  les  conditionnés  (samskrfa)  que  les 
inconditionnés  (usamskrta),  sont  '  condition  en  qualité  d'objet  '  des 
pensées  et  mentaux  (cittacaittas),  mais  non  ])as  indistinctement.  Par 
exemple,  la  connaissance  visuelle  (caksurvijtld)iaj  et  les  mentaux, 
sensation,  etc.,  qui  lui  sont  associés,  ont  pour  objet  tous  les  visibles  ; 
la  connaissance  auditive,  les  sons  ;  la  connaissance  de  l'odorat,  les 

1.  D'après  VilthnsH,  11,7:  comparer  Prakarana,  74  It  1(5. 
'2.  [dhfiihiâ  nlamhunam  sarve\ 


Hman-tsang,  vii,  fol.  3  b-4  b.  307 

odeurs  [4  b]  ;  la  connaissance  du  tact,  les  tangibles.  La  connaissance 
mentale  (manovij flâna)  et  les  mentaux  qui  lui  sont  associés  ont 
pour-objet  tous  les  dh armas.  [En  ce  qui  concerne  le  manas,  la  kâri- 
kâ  ô2  c,  s'entend  donc  à  la  lettre]. 

Lorsqu'un  dit  arma  est  l'objet  d'une  pensée,  il  ne  peut  pas  se  faire 
que  ce  dharma,  à  un  moment  quelconque,  ne  soit  pas  objet  de  cette 
pensée.  C'est-à-dire  :  même  quand  un  visible  n'est  pas  pris  comme 
objet  (âlambyate)  par  la  connaissance  visuelle,  il  est  objet,  car, 
qu'il  soit  pris  ou  ne  soit  pas  pris  comme  objet,  sa  nature  reste  la 
même.  De  même  que  le  combustible  (indhana)  est  combustible, 
même  quand  il  n'est  pas  en  combustion. 

A  considérer  le  problème  du  point  de  vue  de  la  pensée  qui  prend 
un  dharma  comme  objet,  on  établit  une  triple  détermination.  La 
pensée  est  déterminée  (1)  quant  à  Vâyatana  :  par  exemple,  une  con- 
naissance visuelle  porte  seule.ment  sur  le  visible  (rûpa-âyatana)  ; 
(2)  quant  au  dravya,  quant  à  la  chose  :  une  certaine  connaissance 
visuelle,  la  connaissance  de  bleu,  de  rouge,  etc.,  porte  sur  le  bleu,  le 
rouge,  etc.  (voir  i.  10)  ;  (3)  quant  au  moment  (ksana)  :  une  certaine 
connaissance  visuelle  porte  sur  un  certain  moment  de  bleu. 

La  pensée  est-elle  déterminée  de  la  même  manière  en  ce  qui  regarde 
son  point  d'appui,  âéraya,  c'est-à-dire  l'organe,  organe  de  la  vue, 
etc.  ?  —  La  réponse  est  affirmative  '.  Toutefois,  présente,  la  pensée 
est  liée  à  son  point  d'appui  ;  passée  et  future,  elle  en  est  séparée. 
D'après  d'autres,  présente  et  passée,  elle  est  liée  à  son  point  d'appui  K 

Qu'est-ce  qui  est  adhipatipratyaya,  condition  en  qualité  de  sou- 
verain ? 

62  d.  La  cause  nommée  kàrana  est  dite  adhipati,  souverain  ^ 

\J adliipaiipratyayatâ,  la  classe  de  condition  nommée  souveraine, 
c'est  le  kâranahetu,  la  cause  nommée  '  raison  d'être  '  (ii.  50  a),  car 

1.  ont  ity  âha.  —  Vibhasâ,  197,  2. 

2.  Les  deux  premières  opinions  de  Vibbâsâ  12,  5.  —  Troisième  opinion  :  pré- 
sente, passée,  future,  la  pensée  est  liée  à  son  point  d'appui. 

3.  Ce  pada  est  difficile  à  restituer  :  byecl  rgyu  shes  byar  hdag  por  bsacl  = 
patih  kâranaïii  iicyate- 


308  CHAPITRE  II,  62  d-04  a. 

le  kâranahetu  est  la  '  condition  souveraine  '  (adhlpaHprcdyaya). 
Ce  nom  est  justifié  à  deux  points  de  vue.  —  La  condition  souve- 
raine, ou  causalité  souveraine,  est  celle  qui  appartient  au  plus  grand 
nombre  de  dh armas  et  qui  s'exerce  sur  le  plus  grand  nombre  de 
dhannas  (adii ikah  jymiyayah,  adhikasya  va  pratyayah). 

1.  Tous  les  dhannas  sont  '  condition  en  qualité  d'objet  '  de  la 
connaissance  mentale.  Toutefois  les  dharmas  coexistant  (sahabhù) 
à  une  certaine  pensée  ne  sont  pas  l'objet  de  cette  pensée,  tandis 
qu'ils  en  sont  le  kàranahetu.  Donc  les  dharmas,  sans  exception, 
sont  '  condition  souveraine  '  en  tant  que  kàranahetu,  non  pas  en 
tant  que  '  condition  en  qualité  d'objet  '• 

2.  Tout  dharma  a  pour  kàranahetu  tous  les  dharmas,  à  l'excep- 
tion de  soi-même. 

Aucun  dharma  n'est,  à  quelque  titre  que  ce  soit,  condition  de  soi- 
même.  Le  dharma  conditionné  (samskrta)  n'est  pas  condition  du 
dharma  inconditionné,  et  réciproquement. 

Dans  quel  état  (avasthâ),  étal  présent,  passé,  futur,  se  trouvent 
les  dharmas  à  l'égard  desquels  les  diverses  conditions  exercent 
leur  activité  ? 

Examinons  d'abord  le  hefnprafyaya,  la  condition  en  qualité  de 
cause,  c'est-à-dire  cinq  causes,  à  l'exclusion  du  kàranahetu. 

63  a-b.  Deux  causes  exercent  leur  activité  à  l'égard  d'un  dharma 
périssant  '. 

Par  '  j)érissant  ',  il  faut  entendre  '  présent  '.  Le  dharma  présent 
est  nommé  '  périssant  ',  '  en  train  de  périr  ',  parce  que,  étant  né,  il 
est  tourné  (ahhimnkha)  vers  sa  destruction. 

Le  sahahhûhefu  (ii.  50  b)  et  le  sampraynktakahetu  (53  c)  opèrent 
leur  opération  (kârifram  karotij  iiVt'gavd  du  dharma  présent,  parce 
qu'ils  opèrent  leur  opération  à  l'égard  d'un  dharma  (pii  naît  en 
même  temps  (ju'eux  ^ 

1.  nirudhydmûne  kâritraut  dcun  helu  kiinitits. 
D'après  Vibliflsû,  3G,  7. 

2.  Hiuuu-lsang  :  «  parce  qu'ils  font  qu'un  fi  uit  uO  <ii  même  temps  qu'eux  pos- 
sède opération  ». 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  4  b-5  b.  309 

Q3  b-c.  Trois,  à  Tégard  d'un  dharma  naissant  '. 


*• 


Un  dharma  naissant,  c'est-à-dire  un  dharma  futur,  parce  que  le 
dharma  futur,  n'étant  pas  né,  est  tourné  vers  la  naissance.  [5  b] 
^^gS^.'trois  causes  en  question  sont  le  sahhâgahetu  (ii.  52  a),  le 
sarvatragahetu  (54  a),  le  vipâkahetii  (54  c). 
En  ce  qui  concerne  les  autres  conditions  : 

63  c-d.  Deux  autres  conditions,  dans  l'ordre  inverse  -. 

Dans  la  liste  des  conditions  vient  d'abord  \e  samanantarapratyaya, 
condition  en  qualité  d'antécédent  :  il  exerce  son  activité  comme  font 
les  trois  causes,  à  savoir  à  l'endroit  d'un  dharma  naissant,  car  les 
pensée-et-mentaux  d'un  moment  donné  cèdent  leur  place  (avakâéa- 
dâna)  aux  pensée-et-mentaux  qui  naissent. 

Dans  la  liste  vient  ensuite  Xcdamhanapraiijaya,  condition  en 
qualité  d'objet  :  il  exerce  son  activité  comme  font  les  deux  causes, 
à  savoir  à  l'égard  d'un  dharma  périssant  :  ce  dharma  périssant, 
c'est  pensée-et-mental,  c'est  les  '  sujets  de  la  connaissance  '  (âlam- 
baka),  lesquels,  périssant,  c'est-à-dire  présents,  saisissent  un  objet 
présent. 

Quant  à  Vadhipatiprafyat/a,  condition  en  qualité  de  souverain, 
son  activité  (kâritra)  consiste  uniquement  à  ne  pas  faire  obstacle 
(anâvaranahhâvena  ....  avasthâna)  :  il  ne  fait  obstacle  ni  au  dharma 
présent,  ni  au  dharma  passé,  ni  au  dharma  futur. 

En  raison  de  combien  de  conditions  naissent  les  diverses  sortes 
de  dharmas  ? 

64  a.  La  pensée  et  les  mentaux  naissent  en  raison  des  quatre 
conditions  \ 

1.  hehipratyaya,  les  cinq  causes  ;  2.  samanantarapratyaya,  la 
pensée  et  les   mentaux  antérieurs,  qui  sont  nés,   non  séparés  par 

1.  trayah  I  jâyamâne. 

2.  tato  'nyau  tu  pratyayau  tadviparyayât  II 

3.  catîirbhié  cittacaittâ  hi.  —  Comparer  Abhidharmahrdaya,  ii.  17. 


310  CHAPITRE  II,  64. 

d'autres  pensées,  d'autres  mentaux  ;  3.  àlamhanapratyaya,  les  cinq 
objets  dont  le  visible  (rûpa)  est  le  premier,  ou,  dans  le  cas  de  la 
connaissance  mentale,  tous  les  dharmas ;  4:.  cidJupcdipratijaya,  tous 
les  dharmas,  en  exceptant  la  pensée  et  les  mentaux  dont  la  naissance 
est  envisagée. 

64  b.  Les  deux  recueillements,  en  raison  de  trois  '. 

Il  fa'it  excepter  Vâlambanaprcdyai/a,  parce  que  le  recueillement 
d'inconscience  (ii.  42)  et  le  recueillement  de  cessation  (ii.  43)  ne 
saisissent  pas,  ne  connaissent  pas  un  objet.  On  a  :  1.  hctupratyaya, 
deux  causes,  le  sahahlmhetu  (les  laksanas,  naissance,  etc.  (ii.  45  c) 
du  recueillement),  le  sahhclgahehi  (les  dharmas  bons  antérieurs, 
déjà  nés,  appartenant  à  l'étage  du  recueillement,  c'est-à-dire  au 
quatrième  dhyâna  ou  au  bhavâgra  suivant  le  cas)  ;  2.  samananta- 
rapratyaya,  la  pensée  d'entrée  en  recueillement  et  les  mentaux  qui 
sont  associés  à  cette  pensée  ;  la  pensée  d'entrée  n'est  séparée  par 
aucune  pensée  de  tous  les  moments  du  recueillement  ;  3.  adhipati- 
pratyaya,  comme  ci-dessus. 

Ces  deux  recueillements  naissent  d'un  travail,  d'une  inflexion  de 
la  pensée  (cittâbhisamskâraja,  cUtâhhogaja)  :  ils  ont  donc  une 
pensée  comme  samanantarapraiyaya.  Ils  empêchent  la  production 
de  la  pensée  (cUioipattipraiibaiidha)  :  donc  ils  ne  sont  pas  sania- 
nantarapratynya  de  la  pensée  de  sortie  du  recueillement,  bien  qu'ils 
lui  soient  immédiatement  contigus  (niraniara  ;  voir  p.  306). 

64  c.  Les  autres  dharmas,  en  raison  de  deux  ^ 

Les  autres  dharmas,  à  savoir  les  autres  samskâras  dissociés  de 
la  pensée  (cittaviprayukta)  et  les  dharmas  matériels  (rûpa) 
naissent  en  raison  du  hehipralyaya  et  de  Y  adhipati  pratyaya 
(Vibhasa.  1.36.  r,).  ^ 

Tous  les  dharmas  qui  premient  naissance  naissent  en  raison  des 
cinq  hetiis  et  des  (\vmive  pratyayas  que  nous  venons  d'expliquer.  Le 

1.  saviâpnltidva ijam  tn'bhih  j 

2.  dvcibhyâm  anye  tu  jayante 


Hinan-tsang,  vii,  fol.  5  b-7  a.  311 

moïKle  ne  «procède  pas  d'une  cause  unique,  qu'on  l'appelle  Dieu, 
Purusa,  Pradhana  ou  de  tout  autre  nom  '. 

Cgniment  établissez-vous  cette  thèse  ? 

Si  vcrus  pensez  que  les  thèses  sont  établies  par  des  arguments  [6  b], 
vous  trahissez  votre  doctrine  que  le  monde  naît  d'une  cause  unique. 

64  d.  Non  pas  de  Dieu  ou  de  toute  autre  Cause,  puisqu'il  y  a 
succession,  etc.  - 

Que  les  choses  soient  produites  par  une  cause  unique,  par  Dieu, 
Mahâdeva  ou  Vasudeva,  c'est  inadmissible  pour  plusieurs  raisons. 

1.  Si  les  choses  étaient  produites  par  une  cause  unique,  elles 
naîtraient  toutes  en  même  temps  :  or  chacun  sait  qu'elles  naissent 
successivement. 

Le  Théiste.  —  Elles  naissent  successivement  en  vertu  des  désirs 
de  Dieu  :  «  Que  ceci  naisse  maintenant!  Que  ceci  périsse  maintenant! 
Que  ceci  naisse  et  périsse  plus  tard  !  » 

S'il  en  est  ainsi,  les  choses  ne  naissent  pas  d'une  cause  unique, 
puisque  les  désirs  sont  multiples.  D'ailleurs  ces  désirs  mrdtiples 
devront  être  simultanés,  puisque  Dieu,  cause  des  désirs,  n'est  pas 
multiple,  et  les  choses  naîtront  toutes  en  même  temps. 

a.  Le  Théiste.  —  Les  désirs  de  Dieu  ne  sont  pas  simultanés,  parce 
que  Dieu,  pour  produire  ses  désirs,  tient  compte  d'autres  causes. 

S'il  en  est  ainsi,  Dieu  n'est  pas  la  cause  unique  de  toute  chose. 
Et  les  causes  dont  Dieu  tient  compte  se  produisent  successivement  : 
elles  dépendent  donc  de  causes  qui  elles-mêmes  dépendent  d'autres 
causes.  Regressus  ad  infinihim. 

Le  Théiste.  —  x4dmettons  que  la  série  des  causes  n'a  pas  com- 
mencé. [7  a] 

Ce  serait  admettre  que  le  samsara  n'a  pas  d'origine.  Vous  aban- 
donnez la  doctrine  de  la  cause  unique  pour  vous  rallier  à  la  théorie 

1.  Vyakhya  :  lévara,  Purusa,  Pradhâna,  temps  (kâla),  nature  propre  (sva- 
bhâva),  atomes,  etc. 

2.  nesvarâcleh  kramâclibhih  jl  Comparer  BodhicarjRyai^ra,  ix.  119  ;  Saddar- 
sanasanigraha,  p.  11  ;  la  leltre  amicale  (JPTS.  1886),  50,  etc. 


312  CHAPITRE  II,  64  d-65  a. 

bouddhique  (sâkyapiitrlya)  des  causes  (hetus)  et  des  conditions 
(pratijai/as). 

h.  Le  Théiste.  —  Les  désirs  de  Dieu  sont  simultanés,  mais  les 
choses  ne  naissent  pas  en  même  temps  parce  qu'elles  naissent  comme 
Dieu  veut  qu'elles  naissent,  c'est-à-dire  successivement. 

Inadmissible.  Les  désirs  de  Dieu  restent  ce  qu'ils  sont  (tesâm 
pascâd  aviéesât).  Expliquons-nous.  Supposons  que  Dieu  désire  : 
«  Que  ceci  naisse  maintenant  !  Que  cela  naisse  plus  tard  !  »  Nous 
ne  voyons  pas  pourquoi  le  second  désir,  d'abord  non  efficace,  sera 
plus  tard  efficace  ;  pourquoi,  plus  tard  efficace,  il  ne  le  sera  pas 
d'abord. 

2.  Quel  avantage  obtient  Dieu  de  ce  grand  effort  par  lequel  il 
produit  le  monde  ? 

Le  Théiste.  —  Dieu  produit  le  monde  pour  sa  propre  satisfaction 
(prîti). 

Il  n'est  donc  pas  Dieu,  Souverain  (isvara),  en  ce  qui  concerne 
sa  propre  satisfaction,  puisqu'il  ne  peut  pas  la  réahser  sans  un  moyen 
(upàija).  N'étant  pas  Souverain  par  rapport  à  sa  propre  satisfaction, 
comment  serait-il  Souverain  par  rapport  au  monde  ?  —  D'ailleurs, 
direz-vous  que  Dieu  trouve  satisfaction  à  voir  les  êtres  qu'il  a  créés 
en  proie  à  toutes  les  soufTrances  de  l'existence,  y  compris  les  tortures 
des  enfers  ?  Hommage  à  ce  Dieu  !  Elle  est  bien  dite,  en  vérité,  la 
stance  profane  :  «  On  l'appelle  Rudra  parce  qu'il  brûle,  parce  qu'il 
est  aiguisé,  féroce,  redoutable,  mangeur  de  chair,  de  sang  et  de 
moelle  ».  [7  b]  ' 

3.  Le  partisan  de  Dieu,  cause  unique  du  monde,  nie  les  causes 
visibles  —  causes  et  conditions  —  l'efficace  (ptirusakâra)  de  la  graine 
à  l'égard  de  la  pousse,  etc.  —  Si,  modifiant  sa  position,  il  admet 
l'existence  de  ces  causes,  et  prétend  que  ces  causes  servent  à  Dieu 
d'auxiliaires  (sahakdrm)  :  c'est  là  une  pieuse  affirmation  (bhakti- 

1.  Sloka  de  Vyasa  flans  le  SatarudrTya  (Vyakhyfi).  -  Mahabhârata,  vii.  203, 
140,  xiii.  161,  7  :  yan  nirdahati  yat  tiksno  yacl  nfjro  yaf  pratapavân  j  niam- 
saéonitamajjado  yat  tafo  rudra  itcyate.  —  Burnouf,  Introduction,  p.  568,  a 
signalé  cette  citation. 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  7  a-S  a.  313 

vâdti)  san5'  plus,  car  nous  ne  constatons  pas  l'activité  (vyâpâra) 
d'une  Cause  à  côté  de  l'activité  des  causes  dites  secondes.  D'ailleurs, 
Dieiwne  sera  pas  Souverain  à  l'égard  des  causes  auxiliaires,  puisque 
celî^Sj^  concourent  à  la  production  de  l'effet  par  leur  propre  efficace. 
—  Peut-être,  pour  éviter  la  négation  des  causes,  qui  sont  visibles, 
pour  éviter  l'affirmation  d'une  action  actuelle  de  Dieu,  laquelle  action 
n'est  pas  visible,  le  théiste  dira  que  l'œuvre  de  Dieu  est  la  création 
(âdisarga)  :  mais  la  création,  dépendant  uniquement  de  Dieu,  n'aura 
jamais  eu  de  commencement,  comme  Dieu  même  (anâditvapt'ci- 
sanga).  Conséquence  que  le  théiste  rejette. 

Nous  réfuterons  la  doctrine  du  Purusa,  du  Pradhana,  etc.,  comme 
nous  avons  réfuté  la  doctrine  théiste,  mutatis  mutandis.  Donc,  aucun 
dhanna  ne  naît  d'une  cause  unique. 

Hélas,  les  hommes  ne  sont  pas  éclairés  '  î  Comme  les  oiseaux  et 
les  brutes,  vraiment  dignes  de  pitié,  ils  vont  d'existence  en  existence, 
accomplissant  des  actions  diverses  ;  ils  goûtent  le  fruit  de  ces  actions  ^ 
et  croient  faussement  que  Dieu  est  la  cause  de  ce  fruit.  —  ^  Pour  mettre 
un  terme  à  cette  fausse  conception  [8  a],  nous  devons  expliquer  la 
vérité. 

Nous  avons  vu  (ii.  64  c)  que  les  dharmas  matériels  naissent  en 
raison  de  deux  conditions,  hetuprcdyaya,  adhipatiprcdyaya.  Il  faut 
préciser  et  voir  comment  les  grands  éléments,  hhûtas,  mahâbliûtas, 
et  les  dharmas  de  matière  dérivée  (tipâdùyarûpa)  ou  bJiaidikas, 
sont  hetiipratyaya,  '  condition  en  qualité  de  cause  ',  soit  entre  eux, 
soit  les  uns  des  autres. 

65  a.  Les  bliiltas  sont  cause  des  bhiltas  de  deux  manières  % 

Les  quatre  bhiitas,  terre  élémentaire  (prthivldliâiu),  etc.,  sont 
causes  des  quatre  bhi'das  en  qualité  de  cause  semblable,  sabhâgahetu, 
et  de  cause  coexistante,  sahabhidietu. 

1.  akHabuddhayah  =: paramârthasâstrair  asamskrtabuddhayah. 

2.  vipâka  ei purusakâraphala. 

3.  Addition  de  Hiuan-tsang. 

4.  dvidhâ  bhûtâui  taddhehih.  —  Sur  les  bhfitas,  i.  12,  ii.  22. 


314  CHAPITRE  II,  65  b-66. 

65  l>.  et  (les  hlianfikas,  de  cinq  manières  '. 

Les  quatre  hhiitas  sont  causes  des  hhautikas  —  couleur,  saveur, 
etc.  —  de  cinq  manières,  en  qualité  àejanana,  niera ya,  pratisfkà, 
upastnmhJw,  upahrmhanahetn  -. 

JannnnhetK,  cause  génératrice,  parce  que  les  bhantikas  naissent 
d'eux,  comme  l'enfant  de  ses  parents  \ 

Niérai/aJietu,  cause-de-tutèle,  parce  que  les  hhautikas,  une  fois 
nés,  subissent  leur  influence  (anuvidhâ),  comme  le  moine  est  sous 
la  tutèle  de  l'Àcarya  et  de  rUpadhyâya. 

Praiisthàhetu,  cause-de-support,  parce  que  les  hhanfikas  sont 
supportés  (âdhâra)  par  eux,  comme  un  tableau  est  supporté  par  un 
mur  \ 

UpasiamhhahQlii,  cause-de-maintien,  parce  que  les  bhiitas  sont  la 
cause  de  la  non-interruption  des  hhautikas. 

Upahrmhanahetn,  cause-de-croissance,  parce  que  les  hhûtas  sont 
cause  du  développement  des  hhautikas  [8  b]. 

C'est  dire  que  les  hhûtas  sont,  à  l'égard  des  hhautikas,  ja h niahetu, 
cause  de  naissance,  vikârahetu,  cause  de  transformation,  âdhâra- 
hetu,  cause  de  su[)port,  sthitihetu,  cause  de  durée,  vrddhihetu,  cause 
de  développement. 

65  c.  Les  fjJiautikas  sont  cause  des  hhautikas  de  trois  manières', 

En  qualité  de  sahahhû,  de  satjhâga  et  de  vipâkahetu.  Nous  ne 
mentionnons  pas  le  kâranahetu,  car  tout  dharma  est  kâranahetu 
de  tout  dharma. 

1.  Sont  sahahhûhdu  les  actes  du  corps  et  de  la  voix  de  la  catégorie 
décrite  ii.  51  a  (deux  disciplines),  lesquels  sont  hhautika. 

1.  [hlKHitihaiifOfi  fil  pancadha]  / 

2.  Hivian-lsBnp  ajoute  que  ces  cinq  causes  sont  des  variétés  du  kâranahetn. 
Voir  Vynkhyfi,  i.   11.  oii  est  expliqué  le  iapiir)rl  de  causalité  entre  les  6/jM/as 

qui    font    part  if    «le    la    personne  (dératfa)  et    cette  sorte  de   bhnutika  qu'est 
Vnvijfinpfi. 

3.  Ces  définition-.  (rapn>.   Viblifisfi,   127,  fi.    —   Saniglinldiudni,   110  a,  présente 
d'autres  explications,  donne  d'autres  exemples. 

4.  Voir  ci-dessus  ad  59  d.  le  pratisthaphaln. 

5.  [tridhâ  bhautikani  anyouyam]. 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  8  a-9  a.  315 

2.  Sont  s<*bliâgahetu  tous  les  bhaidikas  qui  sont  nés,  à  l'égard 
des  hliautikas  semblables  (sàbhâga). 

3.  Spht  vipâkahetii  les  actes  du  corps  et  de  la  voix  :  l'œil  est  pro- 
duit par  la  rétribution  de  l'acte,  etc. 

65  d.  et  cause  des  bhi'das,  d'une  manière  '. 

Les  actes  du  corps  et  de  la  voix  produisent  les  bhfdas  comme  fruit 
de  rétribution  :  ils  sont  donc  vipâkahetu. 

Nous  avons  vu  que  la  pensée  et  les  mentaux  antécédents  sont  le 
samanantarapraijjaija,  la  condition  en  qualité  d'antécédent  égal 
et  immédiat,  de  la  pensée  et  des  mentaux  subséquents.  Mais  nous 
n'avons  pas  expliqué  combien  d'espèces  de  pensée  peuvent  naitre 
immédiatement  après  cliaque  espèce  de  pensée. 

Pour  définir  la  règle,  il  faut  d'abord  établir  le  classement  des 
pensées. 

Tout  d'abord,  on  distingue  douze  catégories. 

66.  Pensée  bonne,  mauvaise,  souillée-non-définie,  non-souillée- 
non-définie,  de  Kamadhatu.  Pensée  bonne,  souillée-non-définie,  non- 
souillée-non-définie,  de  Rûpadhatu  et  d'Arûpyadhâtu.  Deux  pensées 
pures  ^ 

Quatre  espèces  de  pensée  appartiennent  au  Kamadhatu  :  kiisala, 
akuéala,  nivrtâvijcikrta,  anivriâvyâkrta. 

Trois  espèces,  en  ce  qui  regarde  les  deux  sphères  supérieures,  en 
exceptant  Vakusala. 

1.  [bhûtànâin]  ekadhaiva  tat  II 

2.  knsalâknéalam  kâme  nivrtânivriam  manah  j 
rûpârûpyesv  akusalâd  auyafra  [dve  avâsrave]  '! 

La  doctrine  des  douze  pensées  est  exposée  dans  Vijnanakaya.  vi  (fol.  54  b)  et 
dans  l'ouvrage  de  Dharmatrâta,  Nanjio,  1287,  fol.  95  b  et  suivants,  x.  29-34  : 
«  Dans  le  Kamadhatu,  quatre  ;  dans  le  Rûpadhatu  et  rArûpyadhâtu.  chacun  trois, 
aussi  saiksa  et  asaiksa.  On  va  dire  leur  ordre  de  naissance.  Dans  le  Kamadhatu, 
le  kusala  engendre  neuf  et  il  est  produit  par  huit  ...  ».  Suit  (karikâs  35-46)  la 
doctrine  des  vingt  pensées  (Kosa,  ii.  71  b-72i  qui  comporte  l'exposé,  en  kârikâs, 
des  règles  de  la  succession  des  pensées.  Vasubandhu  se  contente  là-dessus,  comme 
on  verra,  de  donner  un  hliâsya  ;  mais  Yasomitra,  sous  le  nom  de  samgrahaslo- 
kcis,  fournit  une  rédaction  versifiée  qui  nous  conserve  peut-être  un  fragment  du 
texte  original  de  Dharmatrâta. 


316  CHAPITRE  n.  66  d-68  c. 

Deux  pensées  pures,  celle  du  Saiksa  et  celle  de  l'Ailiat  ou  Asaikça. 
Ces  douze  pensées  ne  naissent  pas  indiiréiemment  à  la  suite  les 
unes  des  autres  : 

67-68  1).  A  considérer  d'abord  les  pensées  du  domaine  du  Kama- 
dhatu,  après  le  kusala  peuvent  naître  neuf  pensées  ;  le  kusaïa  peut 
naître  après  huit  pensées.  Uakuéala  peut  naître  après  dix  pensées  ; 
quatre  pensées  peuvent  naître  après  YakuAala.  De  même  pour  le 
nivrtâvïjâkrta.  Ij'anivrtâvyâkrfa  peut  naître  après  cinq  pensées; 
sept  pensées  peuvent  naître  après  Y anivrtâvyâkrta  '.  [9  b] 

1.  Immédiatement  après  une  pensée  bonne  (kusala,  suhha)  du 
domaine  du  Kâmadhatu  peuvent  naître  neuf  pensées,  à  savoir  :  (1-4) 
les  quatre  pensées  de  Kâmadhatu  ;  (5-6)  deux  pensées  de  Riipadhatu  : 
kusala,  lorsque  l'ascète  entre  en  recueiWernent,  nivrtâvyâkrta,  lorsque 
l'homme  mourant  dans  le  Kâmadhatu  avec  une  pensée  bonne  passe 
dans  l'existence  intermédiaire  de  Ropadhatu  (iii.  38)  ;  (7)  une  pensée 
d'Arnpyadhatu.  mvrtâvyâkrta,  lorsqu'un  mourant  du  Kâmadhatu 
renaît  dans  rÀrûpyadhâtu;  non  pas  kusala,  car,  rÀrrq)yadhatu  étant 
éloigné  du  Kâmadhatu  par  (piatre  éloignements  -,  on  ne  peut  passer 
directement  du  Kâmadhatu  dans  un  recueillement  d'ÀrCqiyadhâtu  ; 

1.  [kânie  subhacittân  nava  cittciny  nstabliya  eva  tat  / 
astibham  dasabhyas]  tasmâc  catvdri  [nivrtatn  tathâ  // 
paùcabhyo  'nivrtam  sapta  cittâni  tndaunvtaram]  j 

Comparer  Kathavatfhu,  xiv.  1,  où  le  Thernvrulin  nminlient,  contre  le  Maha- 
sHnighika,  ({ue  le  bon  ne  suit  pas  le  mauvais,  etc. 

2.  Les  quatre  éloignements  sont  Vâéraya,  Vâkara,  Valambaua,  ia  pratipak- 
sadûratâ  : 

a.  Les  personnes  (âèraya)  de  rArûpynflhfltu  ne  peuvent  se  •  rendre  présent  ' 
(sfnfniiiikliïhnr),  s'assimiler,  aucun  dharnia  de  Kfimadlifilu.  tandis  <|ue  les  êtres 
du  Hûj)iHllÉ.ûtu  se  rendent  présente,  s'assimilent  une  pensée  de  création  (nirmâ- 
nnr.itla)  de  Kfimadlifitu  Cn.  53  h>). 

b.  La  pensée  du  domaine  de  rArQpyadlifttu  n'applique  pas  au  Kflmadhfttu  les 
catégories  (cikâra)  de  '  grossier  ',  etc.  (vi.  49)  comme  fait  la  pensée  du  domaine 
«In  Pin|iadlic1tu. 

c.  iJe  mrni",  elle  ne  prend  pas  le  Kâmadhatu  conime  objet  (âlambana). 

d.  De  même  elle  ne  s'oppose  pas  aux  passions  de  KRrnadhalu  comme  font  les 
dhyânas. 

Sur  (pialrc  autres  éloignements,  v.  62. 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  9  a-10  a.  317 

(8-9)  ies  deux  pensées -pures,  de  Saiksa  ou  d'Asaiksa,  à  l'entrée  dans 
la  compréhension-des-vérittîs  (satyàbhisamaya)  (vi.  27). 

2.  Le  knsala  —  la  pensée  bonne  —  peut  naître  immédiatement 
après  huit  pensées,  à  savoir  :  (1-4)  les  quatre  pensées  de  Kâmadhâtu, 
(5-6)  deux  pensées  de  Rûpadhâtu,  knsala  et  nivrtâvyâkrla,  à  la 
sortie  du  recueillement.  Il  arrive  en  effet  que  l'ascète,  importuné 
(utpidita)  d'un  recueillement  souillé  (klista),  sorte  de  recueillement  : 
à  la  suite  de  la  pensée  souillée  (klista  =  nivrta)  qu'est  ce  recueil- 
lement, il  produit  une  pensée  bonne  (kuéala)  d'un  étage  inférieur, 
prévenant  ainsi  la  chute  en  se  réfugiant  dans  un  knsala  inférieur 
(viii.  14)  ;  (7-8)  deux  pensées  pures,  de  Saiksa  ou  d'Asaiksa,  à  la 
sortie  de  la  compréhension-des-vérités. 

3.  Le  klista,  c'est-à-dire  Vakiisala  et  le  nivrtâvyâkrta  —  la  pensée 
mauvaise  ou  souillée-non-définie,  —  peut  naître  après  dix  pensées, 
—  en  excejjtant  les  deux  pensées  pures,  —  car  la  pensée-de-réin- 
carnation dans  le  Kâmadhâtu  (pratisamdhikâla)  est  souillée  (ii.  14, 
iii.  38)  et  peut  suivre  n'importe  quelle  pensée  appartenant  aux  trois 
sphères  d'existence. 

4.  Après  le  klista  peuvent  naître  quatre  pensées,  les  quatre  pensées 
de  Kamadhatu.  [10  a] 

5.  V anii'rtclvyclkrta  peut  naître  après  cinq  pensées,  à  savoir  les 
quatre  pensées  de  Kâmadliâtu,  plus  le  knsala  de  Rûpadhâtu  ;  car  la 
pensée-de-création  (nirmânacitta)  de  Kâmadhalu,  c'est-à-dire  ayant 
pour  objet  la  création  d'un  objet  de  Kamadhatu,  succède  à  une  pensée 
bonne  de  Rûpadhâtu. 

6.  Après  Yanivrtâvyâkrta  peuvent  naître  sept  pensées,  à  savoir  : 
(1-4)  les  quatre  pensées  de  Kamadhatu,  (5-6)  deux  pensées  de  Rûpa- 
dhâtu, knsala,  car,  après  la  pensée-de-création  susdite,  une  bonne 
pensée  de  Rûpadhâtu  réapparaît,  et  nivrtâvyâkrta,  lorsqu'un  homme, 
mourant  avec  une  pensée  nivrtâvyâkrta,  renaît  dans  le  Rûpadhâtu 
dont  la  première  pensée  est  nécessairement  nivrtâvyâkrta  (iii.  38)  ; 
(7)  une  pensée  d'Ârûpyadhatu,  nivrtâvyâkrta,  lorsqu'un  homme, 
mourant  avec  une  pensée  nivrtâvyâkrta,  renaît  dans  l'Ârûpyadhatu. 

68  c-69  b.  Quant  aux  pensées  de  Rûpadhâtu,  après  le  knsala, 


318  CHAPITRE  II,  68  c-72. 

onze  ;  le  kusala  après  neuf  ;  le  nivrtdvyâkrta  après  huit  ;  après  le 
nivrtâvijâkria,  six  ;  Vanivrtâvi/âJirfa  après  trois  ;  six  après  Vani- 
vrtdvyâkrta  '. 

1.  Lnmédiatement  après  le  kiisala  —  la  pensée  bonne  —  de  Rûpa- 
dhâtu  peuvent  naître  onze  pensées,  en  exceptant  V anivrtùvijâkria 
de  Rrij>adliatu. 

2.  Le  husala  peut  naître  après  neuf  pensées,  en  exceptant  les  deux 
pensées  souillées  de  Kamadliâtu  (akuscda  et  niL'rtâcyâkrlaj  et 
Y anivrtâvyâkrta  d'Â rQpyadhatu. 

3.  Le  nivrtâvyâkrta  peut  naître  après  huit  pensées,  en  exceptant 
les  deux  pensées  souillées  de  Kâniadhâtu  et  les  deux  pensées  pures. 

4.  Après  le  nivrtâvyâkrta  peuvent  naître  six  pensées,  à  savoir  les 
trois  pensées  de  Rûpadhâtu,  le  kuéata,  Vakitsala  et  le  nivrtâvyâkrta 
de  Kâmadhatu. 

5.  h'anivrtâvyâkrta  peut  naître  après  les  trois  pensées  de  Rûpa- 
dhalu. 

6.  Après  V anivrtâvyâkrta  peuvent  naître  six  pensées,  à  savoir  : 
(1-3)  les  trois  pensées  de  Rûpadhâtu,  (4-5)  les  deux  pensées  souillées 
de  Kâmadhatu  (akusala  et  nivrtâvyâkrta),  (G)  la  pensée  souillée 
d'Ârûpyadhâtu  (nivrtâvyâkrta).  [10  b] 

69  c-70  b.  (}uant  aux  pensées  d'ÂrûpyadhâUi,  pour  Y anivrtâvyâ' 
krta  connue  ci-dessus  ;  après  le  knsala.  neuf  pensées  ;  le  kuéala 
après  six  ;  après  le  nivrtâvyâkrta,  sept  ;  le  nivrtâvyâkrta,  après 
sept  ^ 

1.  h' anivrtâvyâkrta  d'Ârûpyadhalu  j»uiit  naître  après  les  trois 
pensées  de  cette  sphère. 

2.  Après  y  anivrtâvyâkrta  d'Arûpyadhâtu  peuvent  naître  six 
pensées,  à  savoir  :  (1-3)  les  trois  pensas  de  cette  sphère,  (4-6)  les 
pensées  souillées  de  Kâmadhatu  (deux)  et  de  Rilpadhatu  (une). 

1.  {ekâdaia  éubhâd  rûpe  tud  )i(iv(isa)n(tn(iiit(tr(un  /  astabhyo  nicrtam 
fasniCit  satkam  univrlam  frayai  ;  tatuh  safkani\ 

2.  [iyant  nltir  ârûpye  pi  énbliân  nava  II  cittâui  lut  bhavet  satkân  nivrtât 
sapla  tat  tathâ  <  ] 


Hinan-tsang,  vii,  fol.  10  a-Il  a.  319 

3.  Après  le  Aw<sa /a. peuvent  naître  neuf  pensées,  en  exceptant  le 
kusata  de  Kamadiiâtu  et  VanivrtâvijiikHa  de  Kainadliâtu  et  de 
Rûpadhatu. 

i:.  Le  fiusala  peut  naître  après  six  pensées,  à  savoir  (1-3)  les  trois 
pensées  d'ArQpyadhâtu,  (4)  le  kuéala  de  RCipadhâtu,  (5-6)  les  deux 
pensées  pures. 

5.  Après  le  nivrtâvyâkrta  peuvent  naître  sept  pensées,  à  savoir 
(1-3)  les  trois  pensées  d'Ârfipyadhata,  (4)  le  kuéala  de  Rûpadhatu, 
(5-6)  les  deux  souillés  de  Kamadhâtu,  (7)  le  souillé  de  Ropadhâtu. 

6.  Le  nivi'tàvyûkrla  peut  naître  à  la  suite  de  sept  pensées,  en 
exceptant  les  deux  souillés  de  Kamadhâtu,  le  souillé  de  Rûpadhatu 
et  les  deux  pensées  pures. 

70  c-71  a.  Le  éaiksa  après  quatre,  cinq  après  le  éaiksa  ;  Vasaiksa 
après  cinq,  quatre  après  Vasaiksa  '. 

Le  éaiksa  —  la  pensée  propre  au  saint  qui  n'est  pas  Arhat  —  peut 
naitre  après  quatre  pensées,  à  savoir  le  éaiksa  et  le  kuéala  de  chacune 
des  trois  sphères. 

Après  le  éaiksa  peuvent  naître  cinq  pensées,  à  savoir  les  quatre 
qui  viennent  d'être  nommées  et  Vaéaiksa. 

Vaéaiksa  peut  naître  après  cinq  pensées,  le  éaiksa,  Vaéaiksa,  le 
kuéala  de  chacune  des  trois  sphères. 

Après  Vasaiksa  peuvent  naître  quatre  pensées,  Vaéaiksa  et  le 
kuéala  de  chacune  des  trois  sphères. 

C'est  conformément  à  ces  règles  que  les  douze  sortes  de  pensée 
peuvent  se  succéder.  [11  a] 

71  b-72.  Les  douze  sortes  de  pensée  en  font  vingt,  en  divisant 
la  pensée  bonne  (knsala)  des  trois  sphères  en  deux,  l'acquise  et 
l'innée  ;  en  divisant  la  pensée  non-souillée-non-définie  (anivrtâvyâ- 
krta)  de  Kamadhâtu  en  quatre  :  de  rétribution,  d'attitude,  de  travail, 


1.  [éaiksam  cahirbhya   etasmat  pancâsaiksam   tu]  pancakat  //   tasmac 
catvâri[cittâni] 


320  CHAPITRE  II,  71  b-72. 

de  création,  et  la  pensée  non-souillée-non-Jéfinie  de  Ropadhatu  en 
trois,  \ anivrtâvijâkrla  de  travail  étant  excepté  '. 

1.  Le  JïHSdhi  de  chacune  des  trois  sphères  se  divise  en  deux 
catégories,  1.  acquis  par  effort  (ijàtmka,  prCiyoyika)  '\  2.  acquis  à  la 
naissance  (upaïKdUUihhlka,  npapattiprâtilamhhika)  '\  —  On  a 
donc  six  espèces  de  kiiéala  correspondant  aux  trois  espèces  de  la 
première  liste. 

\Ja}iivrtùvyàkrta  (\q  Kïinvà{\\\di{\\  se  divise  en  quatre  catégories: 
1.  né-de-la-cause-de-rétribution  (cipâkaja,  ii.  57)  ;  2.  relatif  aux 
attitudes  (airijâpathika),  marche,  station,  position  assise,  position 
couchée;  3.  relatif  aux  arts  (sailpastliânika)  '  ;  4.  relatif  aux  créations 
magiques  (nairmita,  nairmânika)  :  la  pensée  par  laquelle  le  posses- 
seur du  pouvoir  surnaturel  crée  des  visibles,  etc.,  et  qu'on  nomme  le 
h'\\\{-(iL(ihliijnâ  (ahhijnâphala)  (vii.  49)  (ci-dessus  p.  265). 

Vanivi'tdvifâkrta  de  Rûpadhâtu  se  divise  en  trois  catégories,  car 
le  sailpasthânika  manque  dans  cette  sphère. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  diviser  Vanivrtâvijâkrta  d'ÂrQpyadhâtu,  car  il 
est  exclusivement  né-de-la-cause-de-rétribution. 

On  a  donc  sept  espèces  d'anivrtâvijâkrta  correspondant  à  deux 
anivrtCwyâkrtas  de  la  première  liste.  En  tenant  compte  des  knéalas, 
on  obtient  un  total  de  vingt. 

1.  \d\:à(laéa  tâni  vitiniafih  I 

dvidhâ  hliiflrâ  prâijofjil'opnputiihihhikdm  tiuhliani  jj  ] 
vipnkajairiiàpailnkaêitilpftstlKliiikcuuiiniiitani  / 
catnrdhâvijnkrtam  JcCime  [râpe  éailpikavarjitam  jj  J 

2.  C'est-à-dire  1.  ériitamaya,  2.  cintâmaya,  3.  hhâvanàmaya,  produit  pur 
l'ûudiiioii  ou  l'<'tuil(\  par  la  réflexion,  par  le  recueilleiuonl.  —  Dans  le  Kâinadhatu, 
1  et  2  ;  dans  le  Hûpadliûtu,  1  et  .3  ;  dans  rArnjiyailliâtu.  3,  connue  on  a  vu  ci-des- 
sus p.  20.^  ;  comparer  p.  -328. 

3.  C'est  le  kiiéahi  dont  l'être  (pii  renaît  dçms  le  Kâma  et  le  Rfipadliritu  obtient 
la  possession  (prapti)  au  moment  de  l'origine  de  yaularâbhnva  (antarâbhaca- 
pratisfimdhiksane)  ;  au  UKunenl  de  la  naissance,  «piand  l'être  renaît  dans 
l'Arûpyadliâlu. 

4.  Une  liste  des  silpasthâunkarmasthâna  (Maliâvyutpatti,  76,  5)  est  citée 
dans  le  Divyfivadâna,  pp.  .08,  1(K>  :  l'urt  de  se  tenir  sur  la  tête  de  l'éléphant,  sur 
le  dos  du  cheval,  l'arl  de  tirer  l'arc,  etc. 


Hiuan-isang,  vii,  fol.  11  a-il  b.  321 

Trois  aniartâvyâkrias,  Yainjâpathika  et  les  suivants,  ont  pour 
objet  (dlambaua)  le  visible,  l'odeur,  la  saveur  et  le  tangible  '.  Le 
mili}Qs\hâiiika,  en  outre,  a  pour  objet  le  son  ^ 

Ces  tfois  anivrlâvijâkrtas  sont  seulement  des  connaissances 
mentales  (manovijnàiiâni)  [ii  bj.  Toutefois  les  cinq  connaissances 
sensibles  précèdent  et  préparent  (prâyogika)  Vairyâpathika  et  le 
éailpastliânika  '. 

D'après  une  autre  opinion  ',  il  y  a  une  connaissance  mentale 
produite  (ahhinirlirta,  utpâdita)  par  Vairyâpathika  %  qui  a  pour 
objet  les  douze  âyatanas,  de  l'organe  de  la  vue  (caksurâyatana) 
jusqu'au  dharmâyatana. 

2.  Ces  vingt  pensées  naissent  les  unes  après  les  autres,  en  confor- 
mité avec  les  règles  qui  suivent  : 

i.  Kâmadbatu  :  huit  sortes  de  pensée  du  domaine  du  Kamadhâtu, 
à  savoir  deux  kiisalas,  deux  klistas  (akusala,  nivrtâvyâkrta),  quatre 
anivrtâvyâkrtas. 

\.  prâyogika  kuéala. 

Suivi  de  dix  :  (1-7)  sept  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Yahliijnâ- 
phala  (nirmânacitta)  ;  (8)  prâyogika  de  Rûpadhatu  ;  (9-10)  saiksa 
et  asaiksa. 

Suit  huit  :  (1  -4)  quatre  de  la  même  sphère,  les  deux  kusalas  et  les 
deux  klistas  ;  (5-6)  le  prâyogika  et  Vanivrtâvyâkrta  de  Rûpadhatu  ; 
(7-8)  saiksa  et  aéaiksa. 

1.  Les  visibles,  etc.  (1)  du  lit  et  du  corps,  etc.  (2)  des  instruments  (arc,  flèche, 
etc.),  (3)  de  la  chose  qu'on  veut  créer. 

2.  Car  on  apprend  les  arts  en  écoutant  l'insti-uction.  —  Le  vipâkaja  n'est  pas 
mentionné  ici  ;  donc  il  a  pour  objet  les  cinq  bhaiitikas,  visible,  etc. 

3.  En  effet  la  pensée  relative  à  la  marche,  etc.,  a  lieu  après  qu'on  a  vu,  senti, 
etc.  —  Hiuan-tsang  corrige  le  Bhâsya  :  «  Quatre  ou  cinq  connaissances  sensibles 
sont  préparalif  d'airyâpathika  et  de  éailpasthânika  respectivement  ».  Il  faut 
comprendre  que  la  connaissance  auditive  manque  pour  Vairyâpathika. 

4.  Vibhasfi,  126,  19.  —  Le  Bhadanta  Anantavarman  (Vyâkhya  ad  ii.  46  c-d), 
dans  l'Explication  de  la  VibbasS  (V^ibbasûvyâkhyana),  expose  cette  opinion  d'après 
laquelle  on  doit  admettre  des  anivrtâvyâkrtas  non  compris  dans  les  quatre 
avyâkrtas  susdits,  à  savoir  les  anivrtâvyâkrtas  définis  vii.  51. 

5.  Hiuan-tsang  :  ^  par  Vairyâpathika  et  le  éailpasthânika  ». 

21 


322  CHAPITRE  II,  71  b-72. 

2.  npapatiilûhhlka  kusala. 

Suivi  de  neuf  :  (1-7)  sept  de  la  même  sphère,  en  exceptant 
YabhijùâpJiala  ;  (S-9)  anivrtâvyâki'ta  de  Rûpadhatu  et  d'Àmpya- 
dliatu. 

Suit  onze  :  (1-7)  sept  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vabhijnd- 
phalci  ;  {S-9)  prâyogika  et  anivrtâvyâkrta  de  Rûpadhatu;  (10-11) 
éaiksa  et  aéaiksa. 

3-4.  akuéala  et  nivrlâvyakrta. 

Suivis  de  sept,  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vahhijnàphala. 

Suivent  quatorze  :  (1-7)  sept  de  la  même  sphère,  en  exceptant 
Vahhijnàphala  ;  (8-11)  quatre  de  Rûpadhatu,  en  exceptant  X^prâyo- 
gika  [12  a]  et  YahhijnâpJiala  ;  (12-14)  trois  d'Ârûpyadhatu,  en 
exceptant  le  prâyogika. 

5-6.  vipâkaja  et  airyâpathika. 

Suivis  de  huit  :  (1-6)  six  de  la  même  sphère,  en  exceptant  le 
prâyogika  etVabhijnâphala ;  (7-8)  anivrtâvyâkrta  de  Rûpadhatu 
et  d'Ârûpyadhatu. 

Suivent  sept,  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vahhijnàphala. 

7.  sailpastJiânika. 

Suivi  de  six,  de  la  même  sphère,  en  exceptant  le  prâyogika  et 
VahhijfiâpJiala. 

Suit  sept,  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vahhijfiâphala. 

8.  ahhijnâphala. 

Suivi  de  deux,  ahhijnâphala  de  la  même  sphère  ei  prâyogika  de 
Rûpadhatu. 

Suit  deux  :  les  mêmes. 

ii.  Hûpadiiatu  :  six  sortes  de  pensée  du  domaine  du  Rûpadhatu, 
à  savoir  deux  kusalas,  un  klista  (nivrlâvyakrta),  trois  anivrtâvyà- 
krtas. 

1.  prâyogika  kuéala.  ^ 

Suivi  de  douze  :  (1-6)  six  de  la  même  sphère,  (7-9)  trois  de 
Kamadhatu,  prâyogikaknéala^  upapatiilâhhikakusala,  ahhijnâ- 
phala ;  (  10)  prâyogika  d'Arûpyadhatu  ;  (11-12)  éaiksa  et  aéaiksa. 

Suit  dix  :  (1-4)  quatre  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vairyâpa- 


Hiuan-tsang,  vii.  fol.  11  b-13  a.  323 

tliika  et  le  vipâkaja  {12  b],  (5-6)  deux  de  Kamadhatii,  prâyogika 
et  abnijnâphala  :  (7-8)  deux  d' ArûpyRdh&iu, prâyogika,  nivrtàvyâ- 
krta  ;,i^ -10)  saiksa  et  aéaiksa. 

2.  iipqpatfilâbhika  kusala. 

Sinvi  de  huit  :  (1-5)  ciuq  de  la  même  sphère,  en  exceptant 
VahhiJHàphala  ;  (6-7)  deux  de  Kâmadhâtu,  akuéala  et  nivrtàvyâ- 
krta  '  ;  (8)  nivriâvyâkrta  d'Arûpyadhatu. 

Suit  cinq  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vabhijuâphala. 

3.  nivriâvyâkrta. 

Suivi  de  neuf  :  (1-5)  cinq  de  la  même  sphère,  en  exceptant 
Vabhijfiâphala  ;  (6-9)  quatre  de  Kamadhatu,  deux  kuéalas,  deux 
klistas. 

Suit  onze  :  (1-5)  cinq  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vahhijnâ- 
phala  ;  (6-8)  trois  de  Kamadhatu,  upapattilâbhika,  airyâpathika, 
vipâkaja  ;  (9-11)  trois  d'Arûpyadhatu,  en  exceptant  \e  prâyogika. 

4-5.  vipâkaja  et  airyâpathika. 

Suivis  de  sept  :  (1-4)  quatre  de  la  même  sphère,  en  exceptant  le 
prâyogika  et  Vabhijuâphala  ;  (5-6)  deux  de  Kamadhatu,  aktiéala  et 
nivrtâvyâkrta  ;  (7)  un  d'Arûpyadhatu,  nivrtâvyâkrta. 

Suivent  cinq,  de  la  même  sphère,  en  exceptant  Vahhijnâphala. 

6.  abhijMphala. 

Suivi  de  deux,  de  la  même  sphère,  prâyogika  et  abhijhâphala. 

Suit  deux  [13  a]  :  les  mêmes. 

iii.  ÀrOpyadhatu  :  quatre  sortes  de  pensée  du  domaine  de  TArOpya- 
dhatu,  à  savoir  deux  kuéalas,  nivrtâvyâkrta,  vipâkaja. 

1 .  prâyogika  kusala. 

Suivi  de  sept  :  (1-4)  quatre  de  la  même  sphère  ;  (5)  le  prâyogika 
de  Rûpadhatu,  (6-7)  miksa  et  aéaiksa. 

Suit  six  :  (1-3)  trois  de  la  même  sphère,  en  exceptant  le  vipâkaja  ; 
(4)  le  prâyogika  de  Rûpadhatu,  (5-6)  éaiksa  et  aéaiksa. 

2.  upapattilâbhika  kusala. 

Suivi  de  sept  :  (1-4)  quatre  de  la  même  sphère  ;  (5)  le  nivrtâvyâ- 
krta de  Rûpadhatu  ;  (6-7)  akuéala  et  nivrtâvyâkrta  de  Kamadhatu. 

1.  Première  pensée  de  l'existence  intermédiaire  (antarâbhava)  de  Rûpadhatu. 


324  CHAPITRE  II,  71  b-72. 

Suit  quatre,  de  la  même  sphère. 

3.  nivrlâvyâkrta. 

Suivi  de  huit  :  (t-4)  quatre  de  la  même  sphère  ;  (5-6)  le prâyogika 
et  le  nivrtâvyâkrta  de  Ropadhatu  ;  (7-8)  YaJmsala  et  le  nivrtâvyâ' 
krta  de  Kamadhatu. 

Suit  dix  :  (1-4)  quatre  de  la  même  sphère  ;  (5-10)  Y upapattilàbhika, 
Vairyâpathika,  le  vipâkaja  de  Rûpadhatu  et  de  Kamadhatu. 

4.  vipâkaja. 

Suivi  de  six  :  (1-3)  trois  de  la  même  sphère,  en  exceptant  le 
prâijogika  :  (4)  le  nivrtâvyàkrta  de  Rûpadhatu  ;  (5-6)  Vakuéala  et 
le  nlvrtâvi/âkrta  de  Kamadhatu.  [13  b] 

Suit  quatre,  de  la  même  sphère. 

iv.  Deux  pensées  pures  (anâsrava)  : 

1.  saiksa. 

Suivi  de  six:  (i-3)  prâi/ogika  des  trois  sphères;  (4)  iipapattiïà- 
bhika  de  Kamadhatu  ;  (5-6)  saiksa  et  aéaiksa. 

Suit  quatre  :  {i-3)  prâyogika  des  trois  sphères  ;  (4)  saiksa. 

2.  aéaiksa. 

Suivi  de  cinq  :  les  six  qui  suivent  le  saiksa  en  exceptant  le  saiksa. 
Suit   cinq  :   (1-3)  prâyogika  des  trois  sphères,  (4-5)  éaiksa   et 
aéaiksa. 

3.  Remarques. 

a.  Les  vipâkaja,  airyâpathika  et  éailpasthânika  naissent  immé- 
diatement à  la  suite  du  prâyogika  de  Kamadhatu.  Pour  quelle  raison 
la  réciproque  n'est-elle  pas  vraie  ? 

Le  vipâkaja  n'est  pas  favorable,  idoine  (anukûla)  au  prâyogika, 
parce  qu'il  est  faible  (durbala),  \)arcc  qu'il  se  développe  spontanément 
fanahhisamskâravâhitvât  =  ayatuena  pravrtteh). 

h' airyâpathika  et  le  éailpasthâtiika  ne  sont  pas  favorables  au 
prâyogika  parce  que  leur  raison  d'être  est  dans  la  création  d'une 
attitude  ou  d'une  chose  œuvréc(iryâpafha.^ilpâbhi.snmskaranapra- 
vrttatvât). 

Au  contraire,  le  niskramanacitta  ou  pensée  de  sortie  —  c'est-à- 
dire  la  pensée  quelconque,  vipâkaja,  etc.,  par  laquelle  le  Yogin  sort 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  13  a-14  a.  325 

de  l^^érie  dés  pensées  prâyoglka,  lecture,  réflexion  philosophique, 
etc.  —  se  développe  spontanément  (anahhisamskâravcihin  =  anâ- 
bliog&vâhin).  Le  itiskramanacitta  peut  donc  suivre  immédiatement 
le  i^îfâipgika. 

h.  Ohjection.  —  Si  le  prciyogika  ne  nait  pas  immédiatement  à  la 
suite  des  vipàkaja,  etc.,  parce  que  ceux-ci  ne  lui  sont  pas  favorables, 
encore  moins  naîtra-t-il  à  la  suite  de  la  pensée  souillée  (klistaj  qui 
lui  est  contraire  (viguna). 

Le  klista  est  contraire  au  prâyogika.  Cependant,  quand  l'ascète 
est  fatigué  (parikhimia)  de  l'activité  (samiidâcâra)  des  passions 
(klesa),  par  le  fait  que  l'ascète  prend  parfaite  connaissance  (parijnâ- 
na)  de  cette  activité,  le  prâyoglka  prend  naissance.  [14  a] 

c.  Le  kiisala  inné  de  Kâmadhâtu  est  vif  (pain)  ;  il  peut  donc  naître 
à  la  suite  des  deux  purs  (anâsrava)  et  aussi  à  la  suite  dnprâyogika 
de  Rûpadhatu  ;  mais',  comme  il  se  développe  spontanément,  il  n'est 
pas  suivi  de  ces  mêmes  pensées. 

Le  kuéala  inné  de  Kâmadhâtu,  étant  vif,  peut  naître  à  la  suite  du 
klista  de  Rûpadhatu  ;  mais  le  kuéala  inné  de  Rûpadhatu,  n'étant  pas 
vif,  ne  peut  pas  naître  à  la  suite  du  klista  d'Àrûpyadhâtu. 

4.  Les  pensées  naissent  immédiatement  les  unes  après  les  autres  ; 
elles  naissent  en  raison  C^vasât)  de  l'acte  d'attention  (uianaskâra, 
manasikarana).  Il  faut  donc  étudier  l'acte  d'attention. 

i.  On  distingue  trois  actes  d'attention  : 

1.  svalaksanamanaskâra,  acte  d'attention  portant  sur  le  caractère 
spécifique,  par  exemple  les  jugements  :  «  Le  rûpa  a  pour  caractère 
le  rûpanch....\e  vijhâna  a  pour  caractère  laprativijnapti  »  (i.  13, 16). 

2.  sâmcliiyalaksatiamaiiaskâra,  acte  d'attention  portant  sur  le 
caractère  commun  ;  il  porte  sur  les  seize  aspects  des  Vérités,  imper- 
manence, etc.  :  «  Les  dharmas  conditionnés  sont  impermanents  » 
(voir  vii.  10). 

3.  adhimuktimanaskâra.  Cet  acte  d'attention  ne  porte  pas, 
comme  les  deux  premiers,  sur  ce  qui  est  (bhûtârthe)  ;  il  procède  de 
Yadhimiikti,  c'est-à-dire  de  l'imagination  constructive  (adhimuktyâ 


326  CHAPITRE  II,  71  b-72. 

....manaskârah,  voir  p.  154);  il  préside  aux  contemplations  d'aéiibhâ 
(vi.  9)  ',  des  apramânas  (viii.  29),  des  vimokms  (viii.  32),  des 
ahhihhvâyatanas  (viii.  34),  des  krtsnâyatanas  (viii.  35),  etc. 

[D'après  les  premiers  maîtres  que  cite  la  Vibhasa,  11,]  on  peut 
réaliser  (samimtkhihhâva)  le  Chemin  à  la  suite  de  ces  trois  actes 
d'attention,  et,  inversement,  on  peut  produire  ces  trois  actes  d'attention 
immédiatement  après  le  Chemin.  Cette  opinion  s'appuie  sur  le  texte  : 
«  Il  produit  le  membre  de  la  Bodhi  appelé  mémoire  en  compagnie 
(c'est-à-dire  :  à  la  suite)  de  la  méditation  de  l'horible  (aéiibliâ)  »  \ 

[D'après  les  troisièmes  maîtres  de  la  Vijjhasa,]  c'est  seulement  à 
la  suite  du  sâmdnyalakmnamamiskâra  [14  b]  qu'on  peut  réaliser 
le  Chemin  ;  à  la  suite  du  Chemin,  on  peut  produire  les  trois  actes 
d'attention.  —  Quant  au  texte  allégué  par  les  premiers  maîtres,  il 
faut  l'entendre  dans  ce  sens  que,  après  avoir  dompté  la  pensée  au 
moyen  de  la  méditation  de  l'horrible,  l'ascète  est  capable  de  produire 
le  sâmânyalaksanamanaskâra,  à  la  suite  duquel  il  réalise  le 
Chemin.  Le  texte  vise  cette  action  médiate  de  la  méditation  de 
l'horrible  et  dit  :  aéubhâsahagatam  .... 

[D'après  les  quatrièmes  maîtres  de  la  Vibhasa,]  c'est  seulement  à 
la  suite  du  samcmyalaksanamanaskâra  que  l'ascète  peut  réaliser 
le  Chemin  ;  en  outre,  à  la  suite  du  Chemin,  il  ne  peut  aussi  produire 
que  le  sâmânyalaksanamanaskâra. 

L'auteur  réfute  les  troisièmes  maîtres.  —  Certes,  on  voit  bien  que 
l'ascète  qui  est  entré  dans  le  samyaktvaniyâma,  dans  le  Chemin 
(voir  iv.  27),  en  s'appuyant  sur  l'un  des  trois  étages  (bhùmi)  infé- 
rieurs (ancigamya,])Yem\eY  dhyâna,  dhyânântara),  pourra  produire, 
en  sortant  du  Chemin,  un  sâmclnyalaksanamanaskâra  du  domaine 

1.  Par  un  effort  d'imagination,  en  vertu  d'une  décision,  l'ascète  voit  le  corps 
comme  le  corps  n'est  pas  réellement,  à  savoir /Comme  étant  fait  uniquement  d'os 
pourris,  etc.  :  c'est  la  méditation  de  Ihorrihle,  aéiibha.  De  même,  dans  les  rdOhis 
(vii.  4S).  l'asrc'te  imagine  que  l'élémenl  terre  est  petit,  que  l'élément  eau  est  grand 
(comparer  DTgha,  ii.  108). 

2.  Samyuktagama  27,  \h:  aéubhâsahagatam  smrtisamhodhyangam  bhâ- 
vayaii.  —  La  '  mémoire  '  fait  partie  du  Chemin  ;  sahagafa  signifie  '  immédiate- 
ment suivant  '. 


Hman-tsang,  vii,  fol.  14  a-15  a.  327 

du  K|nia  et  reposant  sur  l'audition  ou  la  ré  flexion  (éruta'-,cintàniaij  a), 
parce  que  les  étages  en  question  sont  proches  ;  mais,  lorsque  l'ascète 
est  ei^é  dans  le  samyaklvanii/âma  en  s'appuyant  sur  le  deuxième, 
le  tr4?isième  ou  le  quatrième  dhyâna,  à  quel  étage  pourrait  appartenir 
le  sâmânyalaksanamanaskâra  qu'il  produirait  en  sortant  du 
Chemin  ?  Il  ne  produira  pas  le  saniânyalaksmiamanaskâra  du 
domaine  du  Kama,  parce  que  le  Kâma  est  trop  éloigné  des  dhyânas 
supérieurs.  Il  ne  produira  pas  non  plus  le  sâmânyalaksanamanas- 
kâra du  domaine  d'un  des  trois  dhyânas  supérieurs,  parce  qu'il  n'a  pas 
obtenu  ce  manaskâra  auparavant,  excepté  au  cours  de  la  pratique 
des  nirvedhabhâgîyas  (vi.l7:  contemplations  préliminaires  à  l'entrée 
dans  le  Chemin)  :  or  un  Ârya  ne  peut  à  nouveau  réaliser  les 
nirvedhabhâgîyas,  car  on  ne  peut  admettre  que,  possédant  déjà  le 
fruit,  il  réalise  à  nouveau  le  chemin  préparatoire. 

Mais,  dira-t-on,  il  existe  d'autres  sâmânyamanaskâras  [15  a]  qui 
ont  été  cultivés  en  même  temps  que  les  nirvedhabhâgîyas,  qui  sont 
de  la  nature  des  nirvedhabhâgîyas  [en  tant  qu'ils  portent  sur  les 
Vérités,  mais  qui  diffèrent  en  ne  portant  pas  sur  les  seize  aspects]  : 
par  exemple,  voir  que  :  «  tous  les  samskâras  sont  impermanents  », 
«  tous  les  dharmas  sont  impersonnels  »,  «  le  Nirvana  est  tranquille  » 
(jugement  général,  sâmânya,  puisqu'il  porte  sur  tout  Nirvana).  — 
C'est  cette  autre  espèce  de  sâmânyamanaskâra  que  l'ascète  se 
rendra  présente  en  sortant  du  Chemin. 

Les  Vaibhaçikas  n'acceptent  pas  cette  opinion,  parce  qu'elle  est 
illogique.  [En  effet,  la  culture  des  manaskâras  de  cette  espèce 
est  liée  aux  nirvedhabhâgîyas].  (Vibhâçâ,  11,  9). 

[La  vraie  doctrine  est  que  le  Chemin  peut  être  suivi  des  trois 
catégories  d'acte  d'attention.]  Lorsqu'on  obtient  le  fruit  d'Arhat  en 
s'appuyant  sur  Vanâgamya  (Vibhasa,  11,  lo),  la  pensée  de  sortie  de 
contemplation  est  ou  bien  de  cet  étage  (anâgamya),  ou  bien  du 
domaine  du  Kama.  Lorsqu'on  obtient  le  même  fruit  en  s'appuyant 
sur  Vâkihcanya,  la  pensée  de  sortie  est  ou  bien  de  ce  même  étage 
(âkihcanya),  ou  bien  du  naivasamjhânâsamjnâyatana  ou  bha- 
vâgra.  Lorsqu'on  obtient  le  même  fruit  en   s'appuyant    sur   tout 


328  CHAPITRE  H,  71  b-73  c. 

autre  étage,  la  pensée  de  sortie  est  seulement  de  cet  autre  étage. 

ii.  Il  y  a  quatre  sortes  d'acte  d'attention,  l'acte  d'attention  inné  ou 
naturel,  upapcdUprâtUamhhika,  né  de  renseignement,  érutamaya, 
né  de  la  réflexion,  cintâmaija,  né  du  recueillement,  hhâvanâmaya. 
Trois  sont  possibles  dans  le  Kâmadhâtu,  le  premier,  le  deuxième  et 
le  troisième,  car  le  recueillement  ("Mâi'n^iâ^  n'est  pas  du  Kâmadhfltu. 
Trois  sont  possibles  dans  le  Rûpadhâtu,  le  premier,  le  deuxième  et 
le  quatrième,  car,  dans  cette  sphère,  dès  que  l'on  médite  ou  réfléchit 
(cintà),  on  entre  en  recueillement.  Deux  sont  possibles  dans  l'ÀrQ- 
pyadhaiu,  le  premier  et  le  quatrième.  Il  y  a  donc  huit  actes  d'attention, 
trois,  trois  et  deux  (Vibhâsa,  11,  9). 

Le  Chemin  n'est  jamais  produit  à  la  suite  de  l'acte  d'attention 
upapaitiprâtilamhhika,  à  quebpie  sphère  que  celui-ci  appartienne, 
car  le  Chemin  exige  effort  (prayogapratibaddha)  [15  h].  Le  Chemin 
est  donc  produit  à  la  suite  de  cinq  actes  d'attention,  deux  de  Kâma- 
dhâtu, deux  de  Rûpadliâtu,  un  d'Arûpyadhâtu.  —  Mais,  à  la  suite 
du  Chemin,  l'acte  d'attention  îipapcdtiprâtilambhika  de  Kâmadhâtu 
peut  naître,  parce  qu'il  est  vif  (patu). 

Combien  de  pensées  sont  acquises  (lâbha,  prcdilamhha)  lorsqu'on 
se  rend  présente  (sammukhibhâva)  chacune  des  douze  sortes  de 
pensée  (ii.  67)  ? 

73  a-b.  Avec  la  pensée  souillée  de  chacune  des  trois  sphères, 
obtention  de  six,  de  .six,  de  deux  pensées  respectivement  '. 

Obtention  s'entend  de  la  prise  de  possession  par  celui  qui,  aupar- 
avant, ne  possédait  pas. 

i.  Obtention  de  six  pensées  avec  la  pensée  souillée  de  Kâmadhâtu. 

a.  01)tention  de  la  pensée  kusala  de  Kâmadhâtu  (1)  lorsqu'on 
reprend  les  racines-de-bien  par  une  pensée  de  doute,  laquelle  est 
souillée  (iv.  80  c)  ;  (2)  lorsqu'on  revient  au  Kâmadhâtu  en  tombant 
des  sphères  supérieures  (dhdtuprafyâgamana).  La  pcnsée-de-con- 
ception  est  néces.sairement  souillée  (iii.  38)  ;  avec  cette  pensée  on 

1.  klisfe  traidhâtuke  lâbhah  sannâm  sannâm  dvayoh. 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  15  a-16  a.  329 

prentt  possession  de  la  pensée  kuéala  de  Kâmadhatu,  car  on  ne  la 
possédait  pas  antérieurement  '. 

b-c^Obtention  des  pensées  aJciisala  et  nivrtâvyâkrta  de  Kama- 
dhat^i  0,)  lorsqu'on  revient  au  Kamadhatu  en  tombant  des  sphères 
supérieures  :  car  on  prend  alors  possession  de  celle  de  ces  deux 
pensées  qui  se  manifeste  ;  (2)  lorsqu'on  tombe  du  détachement  du 
Kamadhatu. 

d.  Obtention  de  la  pensée  nivrtâvyâkrta  de  Rûpadhatu,  lorsqu'on 
tombe  de  l'ÀrQpyadhatu  dans  le  Kamadhatu.  Avec  la  pensée  souillée 
de  la  conception  de  Kamadiiatu,  on  prend  en  effet  possession  de  la 
pensée  nivrtâvyâkrta  de  Rûpadhatu. 

e-f.  Obtention  de  la  pensée  nivrtâvyâkrta  d'Ârûpyadhatu  et  de  la 
pensée  saiksa,  lorsqu'on  tombe  de  la  qualité  d'Arhat  par  une  pensée 
de  Kamadhatu. 

ii.  Obtention  de  six  pensées  avec  la  pensée  souillée  de  Rûpadhatu 
[16  a]. 

Obtention  de  la  pensée  anivrtâvyâkrta  de  Kamadhatu  (nirmâna- 
citta)  et  de  trois  pensées  du  Rûpadhatu,  lorsqu'on  tombe  de  l'Àrûpya- 
dhatu  dans  le  Rûpadhatu. 

Obtention  de  la  pensée  nivrtâvyâkrta  d'Ârûpyadhatu  et  de  la 
pensée  saiksa,  lorsqu'on  tombe  de  la  qualité  d'Arhat  par  une  pensée 
de  Rûpadhatu. 

iii.  Avec  la  pensée  souillée  d'Arûpyadhatu,  obtention  de  la  pensée 
nivHâvyâkrta  d'Ârûpyadhatu  et  de  la  pensée  saiksa  :  lorsqu'on 
tombe  de  la  qualité  d'Arhat  par  une  pensée  d'Ârûpyadhatu. 

73  b-c.  Avec  la  pensée  bonne  du  Rûpadhatu,  obtention  de  trois  -. 

A  la  pensée  knsala  de  Rûpadhatu,  obtention  de  trois  pensées  :  de 
cette  pensée  elle-même  ;  de  la  pensée  anivrtâvyâkrta  de  Kamadhatu 
et  de  Rûpadhatu,  —  c'est-à-dire  de  la  pensée-de-création  relative  aux 
deux  sphères. 

1.  On  discute  dans  la  Vihhâsâ  si  la  pensée  kuéala  dont  on  prend  ainsi  posses- 
sion est  seulement  upapattiprâtilambhika,  ou  encore prâyogika. 

2.  [subhe  j  trayânâm  rûpaje] 


330  CHAPITRE  II,  73  c-d. 

73  c-d.  Avec  la  pensée  saih\sa,  obtention  de  quatre  '. 

Lorsque  se  réalise  la  première  pensée  éaiksa,  à  savoir  la  dnhkhe 
âharmajùanahmnti  (vi.  25  d),  obtention  de  quatre  pensées  :  (l)  la 
pensée  éaiksa  elle-même,  (2-3)  deux  pensées  anivrtâvyàkrta,  de 
Kamadbatu  et  de  Rûpadhatu  (pensées-de-création),  (4)  pensée /jMô'rtia 
d'Arûpyadbatu  :  il  y  a,  par  la  vertu  du  Chemin,  entrée  dans  le  Chemin 
(niyâmâvakrâYiti,  vi.  26  a)  et  détachement  du  Kâmadhatu  et  de 
rArOpyadhatu. 

73  d.  Avec  les  autres  pensées,  obtention  de  ces  mêmes  pensées'. 

Pour  les  pensées  non  spécifiées  ci-dessus,  lorsqu'elles  se  manifestent, 
on  les  obtient  seules. 

D'après  une  autre  opinion,  on  peut,  sans  faire  de  distinction  entre 
les  sphères,  dire  [16  b]  : 

«  Les  sages  disent  que,  avec  la  pensée  klîsta,  il  y  a  obtention  de 
neuf  pensées  ;  obtention  de  six,  avec  la  pensée  kusala  ;  obtention  de 
la  pensée  avyâkrta  avec  la  pensée  avyâkrta  »  l 

En  ce  qui  concerne  la  pensée  kuêala,  il  faut  corriger  et  lire  : 
«  obtention  de  sept  ».  Lorsqu'un  homme  reprend  les  racines-de-bien 
au  moyen  de  la  vue  exacte  (sauiyagrlrsti,  iv.  80),  il  obtient  la  pensée 
kusala  de  Kamadhâtu;  lorsqu'il  se  détache  du  Kâmadhatu,  il  obtient 
la  pensée-de-création  de  Kâmadiiâtu  et  de  Rfipadhâtu,  soit  deux 
anivrtcwyâkrias  :  lorsqu'il  prend  les  recueillements  de  Ropadhalu 
et  d'ArOpyadhatu,  il  obtient  les  pensées  kusala  de  ces  deux  sphères  ; 

1.  [saikse  rafin-un)n] 

2.  [tasya  cddhike  ,  ]       Ihag  la  de 

3.  C'est  une  kririkâ  de  J'ouvrage  de  Dharmntrfiln,  Naiijio  1287.  fol.  86  a  17  : 
«  Si  on  obtient  neuf  espèces  de  dharmas,  il  faut  savoir  que  c'est  avec  une  pensée 
klisia  ;  la  pensée  kuéala  obtient  six  espèces  ;  la  pensée  avyâkrta,  Vavyakrta  » 
(Trad.  de  Sarn^'bavnrman).  Paramarfha  :  «  Lorsque  se  produit  la  pensée  klista, 
on  obtient,  esl-il  dit,  neuf  espèces  d>'  pensées  ;  avec  la  pensée  kusala » 

La  Vyfikbya  fournit  le  troisième  pfida  : 

[lâbhah  syân  navacittânâm  kliste  cilta  iti  snirtam  j] 
sannârft  tu  kusale  citte  [tasyaivâvyâkrtodbhave  II] 


Hiuan-tsang,  vii,  fol.  16  a-b.  331 

à  l'eiïtrée  dans  le  Cliemiii,  obtention  de  la  pensée  éaiksa  ;  à  l'entrée 
dans  le  fruit  d'Arhat,  obtention  de  la  pensée  asaiksa. 

Poiir  les  deux  autres  pensées,  le  calcul  des  pensées  obtenues  s'éta- 
blit d'apriîs  les  explications  que  nous  avons  données.  Voici  une  stance 
aide-mémoire  : 

«  A  la  conception,  au  recueillement,  au  détachement,  à  la  chute, 
à  la  reprise  des  racines  de  bien,  on  obtient  des  pensées  qu'on  ne 
possédait  pas 


»'. 


1.  upapaftisamâpattivaimgyaparihânisu  j 

kiiéaJapratisamdhan  ca  cittaldbho  [hy]  atadvatah  jj 


Louvain.  —  Imprimerie  J.-B.  Istas. 


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BL 
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V374 
A352A 
1923 
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Vasubandhu 

L' atahidharmakosa 


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