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Full text of "La cathédrale St-Pierre de Lisieux"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/lacathdralestpOOhard 


LA 


CATHÉDRALE  S^-PIERRE 


DE    LISIEUX 


II    A   FTF,  TIKF-.   DE  CET   OUVRAGE   : 

2^    Exemplaires  de  ^rand  luxe,  avec  lettrines  enluminées  à  la  main 
au  monaftcrc  des  Bénédictines  de  Lifieux. 

I  80    Exemplaires  sur  papier  "  Normandy  \'clum  *  crcmc. 

2')%    Exemplaires  sur  papier  "  Normandy  Vélum  «  blanc  a  la  forme. 


Tout  droit!  rittrvtt. 
Copyright  by  /'.  Hardy.   K)l~. 


ABBE  V.  HARDY 

VICAIRE    A    LA    CATHÉDRALE    SAINT- PIERRE 

MEMBRE     DE     LA     SOCIÉTÉ     FRANÇAISE     DARCHÉOLOGI E 

ET    DE    LA    SOCIÉTÉ    DES    ANTIQUAIRES    DE    NORMANDIE 


LA 


CATHÉDRALE 

S'-PIERRE  DE  LISIEUX 


PARIS 

IMPRIMERIE    FRAZIER-SOYE 
I  C)  I  7 


PENDANT    LA    GI{ANDE    GUEI{I{E 

UN  MAlTI{E-TYPOGI{,APHE  PARJSIEN , 
CLORJEUX   BLESSÉ   DE  LA    BATAILLE   DE   LA    MARJ^'E 

IMPRJMA  CE  rOLi'ME  DE  LLXE 

POUB^AIDER^AU  /{ELÈfEMENT  DE  L  ARJ  DV  LIVREE 

EN  FINANCE. 

NOMBRE  DILLUSTI{,\TION5 
SONT  LŒUrRJ  DUN  MUTILÉ,  LE  PE[NTI{E  RS>BERJ  SALLES. 

PAl{Ml  LES  olUTH^  DESSINATEURS. 
NEUF  SE  TRS)UrENT^rX  .4RJAÈES 


Lifitux.  l(  li,  JOUI  mi~. 


^  SON  ÉMINENCE  LE  CAI{piNAL  OMETTE 

■jfrchc\>eque  de  Paris,  ancien  éveque  de  Bayeiix. 

^  SA  GR^ANDEUR^MONSEIGNEUI^LEMONTslIER^ 

qui  me  nomma  vicaire  à  Lifetix. 

^  MONSIEUI^  LE  CHANOINE  HUGONIN 

lArchipretre  de  Lifeux. 

A  tous  ceux  qui,  dans  le  pjjfé  ont  dimé  la  cathédrale 
Saint-Pierre . 

A  tous  ceux  qui,  dans  le  préfent  l'étudient  et  l'admirent. 

Je  dédie  la  penfée  de  ces  p^^ges. 

V.  H. 


Mon  cher  t^^bbé. 


J  ai  lu  votre  Cathédrale  de  Saint-Pierre  de  Lilieux. 
K0//5  êtes  prêtre.  Pour  vous  donc  une  églife  est  avant  tout  la  niaifon  de 
Dieu  :  son  sanctuaire  ejl  l  endroit  le  plus  aimé  par  suite  de  la  préfence  de 
Notre-Seigneur  au  tabernacle.  Depuis  sept  ans  cette  cathédrale  a  été  le  lieu 
béni  où  vous  ave2^  accompli  les  actes  les  plus  importants  de  votre  mmijlère 
sacerdotal,  et  entretenu  la  piété  de  votre  àme.  Elle  vous  ejl  donc  bien  chère, 
je  ne  m  étonne  pas  aue  vous  aye:^  voulu  en  écrire  la  monographie. 

Je  pcnfe  aue  plus  d  une  fois,  dans  vos  méditations  solitaires,  vous  jve;^ 
évoaué  les  souvenirs  du  paffé.  (^  revu  en  imagination  les  cérémonies  reli- 
gieuses aui  ont  été  célébrées,  les  cortèges  cjui  se  sont  développés  dans  cet 
édifice  aui  leur  prêtait  son  cadre  magnijiaue.  Que  de  perfonnages  célèbres  y 
ont  été  solennellement  reçus.'  Qu^c  d  artifans  lexoviens  y  sont  venus  abriter 
leurs  confréries  dans  ses  chapelles.'  Que  de  traditions  chrétiennes  s  y  sont 
confervées  pendant  des  siècles.'  Vous  ave^  esauijfé  cette  hijloire  rcligieufe  de 
la  cathédrale  tant  aimée  par  vous. 

Mais  ce  monument,  s  il  ejl  un  acte  de  foi.  est  auffi  l  cxpreffion  dune 
idée  ejlhétiaue.  Vous  ave:^  observé,  étudié  ce  côté  humain  (y*  artijiicjuc  de 
Saint-Pierre.  Vous  jve;^  senti  ç^  compris  ce  (jiic  ses  colonnes,  ses  piliers,  ses 
voûtes,  ses  lignes  harmonieuses  disent  au  vifiteur  instruit  cjui  analyse  tous  ces 
éléments  de  la  cathédrale,    comme   le   botanifle   obfervc  (^  décrit   les  organes 


ydriés  de  U  jleiir.  De  votre  plume  sont  alors  sortis  les  chapitres  savants  aux- 
quels des  hommes  compétents  ont  donné  leur  suffrage.  Puiffie-^-vous  commu- 
niquer à  tous  vos  lecteurs  cet  efprit  d  obfervation  scientifique  qui  prépare 
l'âme  à  un  enthousiasme  plus  confcient  ^  plm  profond,  à  une  admiration 
plus  raifonnée  de  l  enfemble. 

La  cathédrale  Samt-Pierre  est  l  ornement  par  excellence  de  Lifieux.  Toutes 
les  générations  de  la  cité  ont  travaillé,  depuis  plm  de  sept  cents  ans.  à  la 
bâtir,  à  la  compléter,  à  l  orner,  à  la  reconflriiire  après  les  ravages  du  temps 
ou  des  hommes.  Vous  ave:^  voulu  raconter  cette  hifloire.  Et  tout  d'abord  vous 
avei;^  rendu  hommage  au  grand  éveque  Arnoul  a  qui  revient  la  principale 
part  dans  la  conception  (j^  l  entreprife  de  l'œuvre.  Je  souhaite  avec  vous  qu'on 
ne  gâte  plus  jamais  cette  merveille  sous  prétexte  de  l'embellir  ^  qu  on  lui 
conferve  sa  belle  unité  dans  la  conflruction  ^  dans  la  décoration. 

Perfonne  ne  pourrait  se  flatter  d  avoir  réfolu  tous  les  problèmes  d'hifloire 
^  d'archéologie  que  soulève  l  étude  dune  telle  œuvre.  Vous  ave^^  dit  le  der- 
nier mot  sur  beaucoup  de  queflions,  ^  l'on  ne  pourra  plus  écrire  sur  cette 
cathédrale  sans  vous  citer.  Quelle  gloire  pour  vous  d  avoir  attaché  votre  nom 
à  ces  pierres  séculaires.' 

Ces  quelques  lignes  difent  infuffsamment  les  satiffactions  que  m  a  pro- 
curées la  lecture  de  votre  travail;  elles  vous  apportent  du  moins  les  félicitations 
de  votre  évèque,  0^  les  remerciements  qu  il  adreffe  à  tous  vos  collaborateurs 
érudits,  hifloriens,  artifies,  deffinateurs,  photographes...  Vous  ave^  fait  tous 
enfemble  une  belle  œuvre.  Puiffe  mon  témoignage  être,  aux  amis  des  cathé- 
drales, aux  admirateurs  des  monuments  normands,  aux  chercheurs  des  tradi- 
tions du  pdffé,  une  invitation  à  faire  avec  vous  â  la  cathédrale  de  Saint-Pierre 
de  Lifieux  une  vif  te  qu'ils  ne  termineront  pas  sans  vous  avoir  remercié  de 
leur  avoir  préparé  des  heures  si  délicieufes. 

Je  vous  prie  d  agréer,  mon  cher  t^bbé.  l  affurance  de  mes  sentiments 
dévoués  en  TV. -5. 

Bayeux,   le  22  février   Kjf/. 


ARCHEVECHE 

DE 

PARIS 


Paris,  le  27  juin  191  j. 


Cher  Monsieur  l'abbé, 

J  ai  reçu  hier  les  bonnes  feuilles  du  bel  ouvrage  que 
vous  publieT^  sur  la  chère  Cathédrale  de  Lisieux. 

Dès  que  cet  ouvrage  a  été  annoncé,  je  me  suis  inscrit 
parmi  les  souscripteurs.  Je  serai  heureux  de  le  posséder  ^ 
de  pouvoir  ainsi  mieux  connaître  l'histoire  ^  les  beautés  de 
cette  Cathédrale  de  Saint-Pierre  que  je  ne  me  lassais  pas  de 
voir  ^  d'admirer. 

Jejoms  mes  bien  sincères  félicitations  à  celles  que  vous 
avcT^  reçues  de  Monseigneur  Lemonnier  pour  ce  remarquable 
travail,  si  merveilleusement  illustré. 

i^ceve:^,  cher  Monsieur  l'abbé,  l'assurance  de  mes 
affectueux  ^  dévoués  sentiments, 


/       oCot^    .  ^^^    (^/l^^    ^-^^^> 


J^    /azA/^a 


UN    MOT   DE    M.    MAURICE    BARRES 

A    L  AUTEUR 


Tandis  que  les  envdhijj'ciirs  s  acharnent  pour  anéantir  nos  monuments  çy'. 
pis  encore,  notre  efprit,  il  ejl  jujle,  beau,  néceffaire,  que  ceux  qui  ne  peuvent 
combattre  expliquent  cy*  glorifient  l  efprit  de  nos  monuments,  de  notre  terre 
C^  de  notre  nation. 

Dans  la  chaire,  dans  les  livres,  dans  les  journaux,  dans  la  rue.  il  faut 
que  la  penfée  françaife  s  oppofe  à  la  penfée  allemande,  avant-courrière  des 
armées  germano-turco-bulgares . 

Devant  les  soldats  de  la  Germanie  marchent  une  philofophie,  une  morale, 
une  ejlhétique.  qui  nous  ont  envahis  depuis  des  années.  SoycT^  félicité  çy^  remer- 
cié, M.  le  premier  vicaire,  d  honorer  y*  d  expliquer  au  fort  de  la  bataille  les 
vieilles  pierres  de  la  cathédrale  de  Lifieux.  l  un  de  ces  monuments  qui.  jaillis 
du  cœur  de   nos  pères,  expriment  pour  l'éternité  nos  efpérances  çy  nos  forces. 

C  est  le  devoir  de  tous  y'  d  abord  des  prêtres  d  aider  les  Français  à  com- 
prendre (yr  à  aimer  la  valeur  incompamble  des  églifes  de  France.  J  approuve 
les  amis  qui  ont  empêché  M.  l  abbé  Hardy  d  ajourner  jnfqn  après  la  guerre 
la  publication  de  ce  livre  qu  il  avait  commencé  de  préparer  avant  iqij.  y' 
je  me  réjouis  que  l  écrivain  çy  les  artifes  aient  trouvé  dans  M.  Odend  hal. 
imprimeur  d  art.  le  plus  digne  metteur  en  œuvre. 

Terriblement  blcffé  pendant  la  bataille  de  la  Marne,  M.  Odend  hal.  qui 
porte  la  médaille  militaire  ç^  la  croix  de  guerre,  veut  continuer  de  servir  la 
Fmncc.  Ses  amis  en  /  c}  r  ^  lui  confcillcnt  d  abandonner  son  labeur  y"  l  indus- 
trie du  Livre,  mais  lui.  dans  une  penfée  patriotique,  voulut  sur  ce  nouveau 
champ   d'action   continuer   sa   lutte   contre  l  envahifjeur.    Il   s  ef  donné  pour 


tâche  d  aider  les  éditeurs  français  à  ravir  aux  Allemands  leurs  clients  améri- 
cains ^  anglais.  ^  déjà  ce  sont  les  soufcriptions  de  nos  alliés  qui  ont  permis 
la  belle  exécution  du  préfent  ouvrage. 

Les  lecteurs  apprendront  avec  une  profonde  sympathie  qu  en  même  temps 
que  l  imprimeur  de  ce  livre  ejl  un  grand  blejfé  de  la  Marne,  les  collabora- 
teurs ^  les  artifles  principaux  de  la  partie  illufhrée  sont  des  mutilés  ou  des 
mobilifés,  ^  quant  à  ceux  qui  n  ont  plus  l  âge  d  être  soldats,  ils  ont  pris  une 
part  active  aux  œuvres  de  la  guerre. 

M.  Robert  Salles  vient  d'être  amputé  de  la  jambe  gauche.  La  plupart 
de  ses  deffins  que  nous  admirons  ont  été  crayonnés  sur  un  lit  d  hôpital.  Le 
docteur  de  Sapincourt.  médecin  chef  d'hôpitaux  militaires,  efl  revenu  du  front 
pour  caufe  de  maladie.  M.  L.  Desportes  ejl  adminifhrateur  de  l'hôpital  auxi- 
liaire j^.  MM.  /^  Bigot,  l'architecte  Duroy.  Geo  Lefèvre.  Pafquet.  Pol 
Pitt.  Caron.  le  lieutenant  Renault  sont  des  mobilifés. 

Quel  témoignage,  sur  le  cœur  ç^  l  intelligence  de  la  France,  qu  un  tel 
livre,  que  de  tels  hommes!  Nos  héros  groupés  autour  de  la  plus  haute  penfée 
traditionnelle  de  la  patrie.'  Je  ne  m'étonne  pas  que  les  (américains  aient  déjà 
voulu  s  ajfurer  les  plus  beaux  tirages  de  cette  Cathédrale  de  Lijleux. 

de  l\Académit  française. 


AU  LECTEUR 


C  ejl  une  belle  œuvre  que  Sdint-Pierre  de  Lisieux,  mais  les  siècles  lut  ont 
donné  un  visage  sévère.  Les  pierres  de  sa  façade,  ses  arcs-houtants.  ses  tours 
ont  pris  la  couleur  du  brouillard  (j;r  du  ciel  d  hiver.  Depuis  plus  d  un  siècle, 
les  chanoines  ont  quitté  les  stalles  du  chœur  (^r  cejfé  de  réciter  les  prières  de 
la  liturgie.  Ne  voyant  que  les  rejles  de  son  ancienne  gloire,  beaucoup  de 
Lexoviens  ne  comprennent  plus  guère  la  haute  valeur  ejlhétique  de  l édifice. 
Parmi  les  visiteurs,  d  aucuns  s  étonnent  que  les  araignées  y  puijfent  ourdir  en 
paix  leurs  toiles  épaijfes  0"  envelopper,  comme  d  une  houjfe,  piliers,  arcatures 
^  voûtes.  D  autres  regrettent  de  voir  la  pouffière  s'abattre  sans  trêve  sur 
r appui  des  fenêtres,  sur  les  grilles  des  chapelles,  les  enfeux  ou  les  vieilles 
boiseries. 


II 


yoir  une  cathédmle.  ce  n  efl  pas  seulement  la  tmyerfer  en  quelques 
injlants.  juger  plm  ou  moins  sé\èrement  son  entretien,  surprendre  l  effort 
dellructeur  des  révolutions  politiques  ou  des  révolutions  de  goût.  Voir  une 
cdthédmle.  ce  n  efl  même  pds  déchiffrer  attentivement  sur  Li  pierre  tombale 
un  nom  effacé,  admirer  un  chapiteau,  un  détail  de  sculpture,  un  effet  imprévu 
de  lignes,  se  distntire  un  infiant  des  fantaisies  d  un  imagier  anonyme  :  mais 
confidérer  cette  cathédmle  comme  un  être  vivant,  rechercher  son  âge.  la  situer 
dans  sa  lignée  historique,  la  comparer  avec  les  édifces  similaires,  laffemhler 
les  souvenirs  qu  elle  évoque. 

Par  manie  d  histoire  ç^r  d  archéologie,  ayant  longtemps  fureté  dans  le 
pàffé  de  la  Cathédmle  Saint-Pierre,  ayant  connu  la  joie  de  la  regarder  à 
loisir,  il  nous  a  paru  opportun  de  livrer  au  public  quelques-unes  des  réflexions 
quelle  nous  mspim  dans  ces  flâneries  répétées.  Déjà  en  décembre  /g/;,  à  la 
Salle  Patria.  devant  un  auditoire  ausf  nombreux  que  sympathique,  nous 
avons  eu  l  occafion  d  étudier  les  beautés  architecturales  de  Saint-Pierre.  La 
conférence  d  hier,  retouchée  (j"  notablement  augmentée,  efl  devenue  le  livre 
d  auiourd  hui. 

Le  présent  tmvail  n  efl  qu  une  simple  esquijfe.  C  efl  la  condition  néceffaire 
dune  monographie  défnitive  d  exiger  l  effort  de  plujieurs  génémtions.  Rien 
que  pour  pénétrer  le  secret  des  multiples  documents  dépofés  aux  t^yfrchives  du 
Calvados,  il  faudwit  une  existence  entière...  Souligner  les  problèmes  soulevés 
par  la  cathédmle  au  double  point  de  vue  historique  (^  archéologique  ;  pré- 
senter et  discuter  les  textes  qui  concernent  l  histoire  de  sa  confhuction  : 
mppclcr  les  pages  les  plus  belles  (^  les  plus  émouvantes  de  sa  vie  d  autrefois  : 
telles  furent  nos  préoccupations  en  écrivant  cette  modeste  étude. 

M.  Lahayc  a  bien  voulu  rédiger  la  partie  consacrée  â  la  chapelle  de  la 
Vierge.  Le  vifitcur.  déjircux  d  être  renfcigné  sur  le  paffé  de  la  cathédmle 
Saint-Pierrc.  trouvem  toujours,  dans  le  diflingué  Secrétaire  de  la  Société  histo- 
rique de  Lisieux.   un  guide  auff  aimable  que  compétent. 

M  Etienne  Devillc  s  efl  charge  d  étudier  les  trop  rares  verrières  échap- 
pées aux  facheujes  rejlaumtions  des  xvn"  et  xvin"  siècles. 


m 


tyfbfoliiment  convaincu  que  le  meilleur  moyen  de  parler  à  l'esprit  e(l 
souvent  de  parler  aux  yeux,  nous  n  avons  rien  négligé  pour  fleurir  notre 
texte  d  images  très  variées. 

La  documentation  photographique  n'utilise  que  des  clichés  harmonieux 
^  irréprochables. 

Les  aquarelles,  fufains.  gouaches,  lithographies  qui  égaient  le  volume 
sont  signés  des  meilleurs  artistes  normands.  L'un  d'eux  nous  écrivait  récem- 
ment :  «  L  architecture  de  la  cathédrale  de  Lisieux  efl  si  riche  qu'elle  appau- 
vrit les  illustrateurs  qui  la  reproduisent.  /,  Nous  avons  le  ferme  efpoir  que  le 
public  d'élite,  auquel  nous  nous  adrejfons.  sera  vite  perfuadé  du  contraire. 
Devant  les  beautés  de  Saint-Pierre.  les  âmes  de  nos  coUabomteurs  ont  profon- 
dément vibré.  Leurs  travaux  révèlent  la  juste ffe  de  leur  vision  ^  la  diverfté 
de  leur  tempémment.  Cette  diverjité  même  nefi  pas  sans  charme.  Heureux 
les  artistes  capables  de  fxer  ainf  dans  une  belle  forme  l  émotion  pieuse  de 
tant  de  générations  qui.  sans  arrêt,  vinrent  prier  dans  la  vieille  Cathédrale  ! 


Il   est  d  ufage   que    les   avant-propos  s  achèvent   sur    des  remerciements. 
J'éprouve  un   vif  plaifir    à  suivre   cette  respeSîable    tmdition.   M.    le  doâieur 
Coutan  ^  M.  Louis  I^gnier  ont  revu  les  pages  defcriptives  avec  une  obli- 
geance et  un  empreffement  qu  il  m  efl  très  agréable  de  reconnaître . 

Comment  oublierais-je  M.  Charles  Puchot  ^  M.  R^my  du  Vivier  qui 
m  ont  gracieusement  introduit  dans  leurs  magnifqiies  bibliothèques?  M.  l'abbé 
Masselin,  M.  Sauvage,  confervateur  de  la  Bibliothèque  municipale  de  Caen, 
M.  G.  Huard,  élève  de  l  école  des  Chartes,  M.  Moisy,  préfident  de  la  Société 
historique  de  Lifteux.  nous  ont  présenté  de  judicieuses  obfervations  sur  l  àgt  de 
la  cathédrale  ^  les  textes  qui  intéreffent  son  passé. 

Mon  ami  M.  Boutey,  M.  (JÎlbert  Vuaflart.  direâleur  de  la  Bibliothèque 
d'tArt  et  d\Archéologie  à  Paris,  MM.  Montasfier  ^  Odendhal,  directeurs 
de  la  célèbre  imprimerie  FraT^ier-Soye.  ont  secondé  avec  autant  d  affabilité 
que  de  compétence  nos  efforts  pour  donner  à  ce  livre  une  ordonnance  <(^  une 
présentation  vraiment  artistiques. 


IV 


M.  fJlndré  Mdrty.  dont  les  procédés  de  reprodutlion  sdisiffent  si  fidèlement 
les  demi-teintes,  nous  a  procuré  une  incompamble  série  de  phototypies  dont 
les  connaiffeurs  apprécieront  la  smcérité  ^  la.  valeur  documentaire. 

(Jl  tous  ceux  oui  me  prêtèrent  leur  concours  bienveillant  (jr  dévoué 
i  adreffe  l  expreffion  de  ma  profonde  gmtitude. 

Je  me  reprocherais  enfin  de  ne  pas  reconnaître  la  part  lointaine  çy-  cepen- 
dant décisive  qui  revient,  dans  ce  travail,  à  mon  oncle  M.  l  abbé  V .  Barbot  (^ 
à  M.  le  chanoine  Dubosq.  supérieur  du  Gmnd  Séminaire  de  Bayeiix.  qui.  au 
seuil  de  la  jeuneffe.  m  initièrent  l  un  (jr  loutre  à  la  science  archéologique. 


Lifieux.  le  2^  décembre  iyi(>. 


l'I.    2 


PL 


^=*  ■'^^:^  -?^?=.v^  ^ 


V auteur  du  beau  livre  que  le  lec- 
teur \\i  parcourir  rejfetnble  aux  clercs 
que  Puvisde  Chavannes 
C^  Jean-Paul  Laurens 
ont  peints:  il  a  leurs 
traits  afcétiques  (jr  ^^- 
cueillis:  son  visage  pa- 
raîtrait sévère  s  il  n  é- 
tait.  à  l  ordinaire,  éclairé 
d  un  large  sourire  :  à  travers  ses  yeux 
on  devine  l  anie  des  bâtiffeurs  de  ca- 
thédrales. Comme  la  leur,  sa  piété  ejl 
entreprenante  :  comme  eux.  il  ejlime 
que  rien  n  eji  trop  riche  ni  trop 
précieux  pour  la  gloire  du  Chrifl 
(^  des  Saints.  Ne  pouvant, 
pour  de  bonnes  raifons.  songer 
à  élever  un  temple,  il  a  voulu 


VI 


faire  un  livre  qui  rdcontermt  la  vj^e  c2^  séyere  églife  où.  jeune  prêtre,  il  j 
connu  ses  plus  graves  (j;r  ses  plus  chères  émotions. 

ty4\ec  un  défntêrejfenient  dbfolu.  il  souhaitait  seulement  que  son  livre  fut 
une  œuvre  belle,  deflinée  à  un  petit  nombre.  Mais,  ayant  rencontré  un  Je 
ces  maîtres  dont  le  talent  rappelle  celui  des  grands  imprimeurs  de  la  I{e- 
naissance.  cefl  un  véritable  objet  d  art.  digne  des  Plantm-Moretus.  que 
M.    l  abbé  Hardy  a  vu  sortir  des  prejfes  de  la  maifon  FraT^ier-Soye. 

Son  étude  de  la  cathédrale  Saint-Pierre  de  Lifieux  s  ejl  faite  lentement,  au 
cours  des  longues  heures  pajfées  sous  les  hautes  voûtes.  Chaque  pilier,  chaque 
ogive,  chaque  détail  lui  ejl  familier.  Il  a  vu.  au  cours  des  années,  le  soleil  pro- 
mener sur  chaque  dalle  l  ombre  enluminée  des  vitraux  ç^,  sans  effort,  il  a  pu 
décrire  son  églife.  ayant  vécu  dans  ses    murs  comme  ceux  qui   les  ont  élevés. 

L  ouvrage  de  M.  l  abbé  Hardy,  conçu  dans  un  calme  claufhal.  a  été 
exécuté  durant  les  jours  tragiques.  Il  préparait  l  impreffion  de  la  "  Cathédrale 
de  Lifieux  ,/  pendant  que  la  cathédrale  de  R^eims.  incendiée  par  les  Huns  res- 
sufcités.  fumait  encore  (j^  son  livre  voit  le  jour  pendant  que.  sur  le  vieil 
occident,  l  aube  éclaire   chaque  fois  des  morts  (^  des  ruines  nouvelles. 

Efl-d  inopportun,  en  ces  temps  où  un  délire  de  cruauté  secoue  le  monde, 
d  évoquer  la  période  lointaine  oii.  dans  une  éclaircie  de  paix,  la  France  se 
couvrit  d  un  blanc  manteau  d  églifes  r  Non.  certainement. 

Elles  paraijfent  si  grandes,  aujourd  hiii.  celles  dont  les  voûtes  eventrecs 
par  les  obus  laijfent  voir  le  ciel  mfni:  leurs  tours  écroulées  font  un  gejle  de 
protejiation  si  tragique,  semblables  au  moignon  sanglant  du  mutilé  que  l  agres- 
seur frappe  encore.'  Celles  qui  rejlent  intactes  ne  sont  que  plus  précieufes. 
Il  ejl  temps  de  les  préferver.  d  en  conserver  l  image,  d  en  apprendre  l  hijloire 
obfcure  (^^  de  l  enfcigner  à  ceux  qui.  prés  délies,  ont  pajfé  trop  indifférents. 

Le  livre  de  l  abbé  Hardy  arrive  à  son  heure. 

Il  a  voulu  prendre  ses  collaborateurs  parmi  ceux  qui  vivent  autour  de  lui: 
quelques-uns  ont  un  nom  qui  honore  leur  petite  patrie:  d  autres,  plus  mo- 
destes, n  avaient  pas  prévu  l  importance  (j;r  le  luxe  de  l  œuvre  rêvée  par  leur 
savant  vicaire. 

En  particulier,  il  lui  eut  été  facile,  parmi  les  hijloriens  ç^  les  archéologues 
de  Normandie  sans  aller  même  bien  loin  de  sa  demeure  de  trouver  des 
savants  (^  des    lettrés   qui   eujfent   pris  grand  plaisir  à  signer  la  préface  de 


VII 


ff  La.  Cdthédrdle  de  Sdint-Pierre  de  Lisieiix  ».  //  s'efl  montré  bien  téméraire 
en  tenant  à  ce  au  elle  soit  écrite  par  un  ignoré  jujlifiant  de  tous  les  titres  du 
monde  pour  le  demeurer  toujours. 

L'auteur  a  penfé  que  des  collaborateurs  nés  ou  vivant  près  des  grandes 
tours  de  Saint-Pierre  (j^  comprenant  son  aujlère  beauté  compoferaient  à  la 
belle  cathédrale  un  hymne  ayant  un  accent  local  dont  les  dijfonances  pour- 
raient se  réfoudre  en  une  harmonie  originale  (j^  satiffaifante.  M.  Maurice 
Barrés  n  a-t-il  pas  dit  :  "  Les  églifes  sont  la  voix,  le  chant  de  notre  terre, 
une  voix  sortie  du  sol  où  elles  s  appuient,  u 

Il  efl  certaines  villes  de  France  où  l  on  se  sent  plus  près  du  pajfé.  Lisieux 
ejl  de  celles-là.  Certains  jours,  ou  plutôt  certaines  nuits  claires,  cjuand  les 
taches  apportées  par  les  temps  modernes  s  ejîompent  ou  s  effacent,  il  ejl  facile 
de  s'y  croire  aux  temps  moyennâgeux.  Comment  ne  pas  songer  à  nos  lointains 
ancêtres  en  frôlant  leurs  demeures,  en  voyant  les  silhouettes  tourmentées  de 
leurs  toits,  les  ruelles  où  ils  circulaient,  les  perfpectives  familières  que  le  temps 
a  refpectées. 

C  efl  une  des  curiofités  inflinctives,  mais,  hélas  !  jamais  satiffaites.  que  de 
connaître  l  intime  penfée  de  ceux  qui.  aux  premiers  temps  de  l  occupation 
normande,  vivaient  sur  le  coin  de  terre  où  nous  habitons  :  de  ceux  qui  ont  vu 
la  cité  nouvelle  s  élever  sur  les  ruines  de  l  oppidum  gallo-romain  qu  ils  avaient 
saccagé.  Comment  la  race  de  ces  conquérants  barbares  s  est-elle  fondue  dans  le 
sang  vieilli  des  anciens  habitants r' 

Les  documents  écrits  sur  ces  époques  reculées  n  exiflent  pas.  nous  sommes 
réduits  à  confulter  les  pierres  pour  nous  inflruire.  En  les  interrogeant,  on  leur 
trouve  un  langage.  Elles  portent,  comme  nous,  leur  acte  de  naiffance.  leur  âge, 
leurs  rides.  Elles  parlent.  Leur  agencement  raconte  un  peu  leurs  aventures. 

C  efl  avec  elles  que  nous  avons  maintes  fois  converfé  0^  c  est  à  travers 
leurs  signes  que  nom  avons  cherché,  en  ne  nous  diffimulant  pas  le  rifque  de 
multiples  erreurs,  quelques  renfeignements  sur  les  tranfformations  de  notre 
petit  pays. 

<iA  travers  la  ville  d  aujourd  hui  l'obfervateur  retrouve,  sans  trop  d  eff^ort. 
l  antique  cité.  Le  tracé  de  son  enceinte  se  devine  grâce  aux  subfhuâlions  qui 
affleurent  le  sol  ou  se  rencontrent  encore  dans  les  caves. 


VIII 


Ici,  le  pTittorium,  trdufformé  plus  tard  en  forterejfe  Cr  en  Lifli<jne 
roninne,  formait  le  coté  nord  tout  entier  de  la  ville:  à  left.  la  muraille  sui- 
vait une  ligne  tracée  entre  notre  boulevard  C^  la  rue  de  la  Paix:  au  midi, 
elle  defcendait  entre  la  rue  d  Ouville  ç^t-  le  boulevard,  jusqu  au  canal. 

Le  quatrième  coté  du  quadrilatère  suivait  la  rive  droite  du  cours  dcau: 
il  allait  ensuite  rejoindre  le  palais  du  préteur,  à  l  endroit  ou  nous  voyons 
encore,  sous  la  tour  Sud  de  la  cathédrale,  un  fragment  de  cette  conjhruâion 
en  petit  appareil. 

C efl  dans  ce  cadre  étroit,  qui  pouvait  contenir  au  plus  ^<>n  maifons 
cy^  2.^<)<>  à  ■;.<><><>  habitants,  que  l  éveque  t^^rnoul.  entre  les  années  /  /  /  2  c^ 
I  I  j  ^.  entreprit  de  rebâtir  le  palais  à  demi  dévaflé  de  ses  prédecejfeurs 
ç^  d  édifier,  sur  l  emplacement  agrandi  des  églises  antérieures,  le  magnifique 
monument  objet  de  ce  livre. 

M.  l  abbé  Hardy  a  écrit,  en  traits  rapides,  l  hifloire  du  grand  évéque  qui 
illufira  Lisieux.  la  Normandie  C^  la  France.  Il  fut  un  de  ces  hommes  qui 
sont  comme  l  ojfature  de  la  société  de  leur  temps.  On  ne  pourrait  trouver  de 
phyfonomie  plus  expreffive  pour  synthétiser  l  Eveque  dans  le  haut  moyen  âge. 
Tantôt  confeiller  des  rois,  tantôt  perfécuté  par  eux.  il  devient  le  banquier  des 
uns  après  avoir  été  dépouillé  par  les  autres.  Il  efl  conflamment  mêlé  à  leurs 
entreprifes.  à  leurs  succès,  à  leurs  querelles,  quand  il  n  eji  pas  occupé  à  célé- 
brer leur  mariage. 

t-Appelé  maintes  fois  à  R^me  par  chacun  des  huit  papes  qui  ont  régné 
wiis  son  épifcopat.  il  rend  à  l  un  deux  cjT  à  l  Eglife  un  service  qui  suffirait 
à  la  gloire  de  son  nom  :  il  rallie  les  rois  de  France  (y-  d  r  4ngleterre  au  pape 
(.Alexandre  Cr  parvient,  par  là  même,  à  évincer  l  anti-papc  Victor. 

Sa  vie  cependant  s  achève  trificmcnt.    dans  la  perfécution  y-  la  douleur. 

Quelle  a  pu  être  son  influence  sur  les  Lexoviens  de  cette  époque." 

Imagine2^qu  auiourd  hui  même,  dans  une  ville  de  "i.ono  habitants,  le  sou- 
verain séjourne  durant  de  longues  années.  Il  y  efl  mêlé  à  tous  les  grands 
événements  qui  agitent  l  Europe  :  il  y  reçoit  les  princes  les  plus  puissants, 
les  éveques.  les  abbés  les  plus  renommés:  une  activité  intenfe  règne  autour 
de  lui.  Le  peuple,  ejfcntiellement  pieux  (jr  myflique.  sur  lequel  s  exerce  sa 
double  autorité  de  pontife  C^  de  comte,  n  a  pu  suivre  qu  avec  une  paffion 
intcnfc  0'  filiale  ses  succès,  ses  préoccupations,  ses  déboires.  Il  efl  certain  que 


IX 


la  vie  économique  de  la  région  en  d  été  tranfformée  ^  que  [activité  intellec- 
tuelle de  notre  ville  s  en  ejl  développée. 

Nous  envifdgenons  peut-être  toutes  ces  viciffitudes  avec  lefprit  frondeur 
que  nous  nous  sommes  façonné.  Mais  l'âme  du  xu'  siècle  efl  plus  grave- 
elle  est  imprégnée  dune  foi  refpectueufe  C^  profonde:  elle  vit  conftamment 
sou^s  l  œd  de  Dieu.  Les  devoirs  religieux  priment  tous  les  autres,  il  n  ejl 
pas  de  joies  plus  vives  que  celles  de  la  piété:  il  nefl  pas  de  fête  qui  ne  soit 
celle  du  culte.  L  Eglife  dirige  le  monde  occidental  d  une  main  puijfante. 
souveraine  :  elle  a  porté  partout,  dans  l  organifation,  son  efprit  d  ordre,  sa 
difcipline.  sa  hiérarchie,  comme  elle  a  impofé  ses  dogmes  dans  les  consciences. 
Elle  n'empêche  pas  nos  aïeux  de  compter  nombre  de  paillards  rebelles  ^  de 
pécheurs  endurcis.  Grands  (^  petits  sont  loin  d  être  policés.  i(sr  les  vices 
inhérents  à  la  nature  humaine  se  manifejient  avec  une  violence  avérée. 
L  Eglife  parvient  cependant  à  toucher  même  les  révoltés,  ^  c  e/?  une  erreur 
grave  de  croire  que  le  peuple  supportait  mal  la  domination  eccléfiastique. 
L' Eglife  n'était  pas  oppreffive  :  elle  se  sentait  forte,  elle  se  montrait  indul- 
gente. Quand  on  voit  son  œuvre  bienfaifante,  éducatrice.  dans  les  premiers 
siècles  de  la  société  féodale,  on  comprend  qu  elle  ait  rallié  la  foule  des  faibles, 
excité  leur  confance  ^  leur  foi. 

Pour  nos  pères,  la  conflruction  de  la  cathédrale  Saint-Pierre  fut  un  évé- 
nement confidérable  qui  les  tint  en  haleine  pendant  quarante  ans.  peut-être 
pendant  soixante. 

Les  textes  qui  pourraient  nom  enfeigner  leur  état  d  efprit  sont  rares: 
Ihijloire  intime  de  ces  temps  s  ejl  écrite  par  induction.  Les  grands  travaux  de 
cette  période  n  ont  pu  s  exécuter,  avec  l  enfemble  ^  la  perfévérance  qui 
étaient  indifpen fables,  sans  une  exaltation  extraordinaire  du  sentiment  religieux. 
fJl  notre  époque  nous  retrouvons  cet  enthoufiafme  dans  les  grands  pèlerinages, 
comme  ceux  de  Lourdes:  mais  il  ne  dure  que  quelques  jours,  alors  qu  il  a 
soutenu,  pendant  près  d  un  siècle,  les  conflructeurs  de  nos  grandes  bajiliques. 

Voici  un  document  curieux  qui  nous  apprend  comment  on  travaillait  à 
l  édif  cation  des  cathédrales.  Cef  une  lettre  de  Haimon,  abbé  de  Saint-Pierre- 
sur-Dives.  petite  ville  du  diocèfe  de  Lifieux.  Ce  document  écrit  entre  i  i ^o 
(^  I  j  ^o.  par  conféquent  au  moment  où  Ion  entreprend  les  travaux  de 
Saint-Pierre.   laijfe   entendre    que.  tour  à    tour,  les   députations  des  paroijfes 


environnantes  cy'  même  lointaines  viennent  contribuer  à  l'œuvre.  On  a  choifi 
la  période  où  les  récoltes  ne  retiennent  pas  au  logis,  çy-.  comme  il  s  agit  d  un 
acte  pieux  auauel  sont  attribués  de  célefles  faveurs,  chacun  veut  y  contribuer. 
tÂuff  le  convoi  entraine-t-il  toute  la  famille  ;  vieux  0^  jeunes,  valides  <yr 
malades.  On  circule  en  cortège,  trompettes  (^  bannières  en  tête,  dans  les  chars 
primitifs  aux  roues  de  bois,  à  travers  les  chemins  peu  praticables  de  notre 
région  accidentée. 

Haimon.  écrit  :  "  Quand  le  convoi  s'arrête  en  chemin,  on  n'entend  pas 
'f  autre  chofe  que  1  aveu  des  fautes  et  la  demande  suppliante  du  pardon 
"    faite  à  Dieu. 

"'  Là,  à  la  prédication  de  la  paix,  les  haines  s  apaifent.  la  difcorde  ceffe. 
''  les  dettes  sont  remifes  et  1  unité  des  cœurs  rétablie.  Si  cjuelqu  un  eft 
'f  affez  endurci  pour  ne  pas  pardonner  à  celui  qui  lui  a  fait  tort,  ou  pour 
ff  ne  pas  obéir  aux  pieux  avertifTements  des  prêtres  du  Chrifl.  auflitôt  son 
*'  offrande  eft  rejetée  du  char  comme  impure  et  lui-mcmc  cfl:  séparé,  avec 
"    iirande  honte,  de  la  société  des  vrais  fidèles. 

"  Là.  à  la  prière  des  fidèles,  on  voit  des  malades,  des  infirmes  se  lever 
*'  du  char  sur  lequel  ils  avaient  été  couchés; on  voit  des  muets  ouvrir  leurs 
"    lèvres  et  louer  Dieu  et  des  poffédés  s  apaifer. 

"  On  voit  des  prêtres,  prépofés  à  chacun  des  chars,  exhorter  à  la  péni- 
"  tence,  à  la  confefîion.  aux  cris  de  repentir,  au  ferme  propos.  On  voit 
"  des  fidèles  de  tout  âge  proflernés  à  terre,  invoquer  la  mère  de  Dieu  et 
"    faire  entendre  ses  louanges. 

f  Mais  les  trompettes  retentiffent.  les  bannières  sont  hiffées  et  portées 
'f  en  tête  du  cortège.  Le  peuple  fidèle  reprend  sa  marche  et  avec  une  telle 
"  vivacité  que  rien  ne  le  retarde,  ni  les  chemins  des  montagnes,  ni  l.i  profon- 
"    dcur  des  gués... 

"  On  arrive  à  l'églile  en  conftruction.  Autour  d  clic,  on  dilpofc  les 
"  chars,  comme  un  campement  des  ouvriers  de  Dieu  et.  toute  la  nuit  sui- 
"    vante,  une  veillée  religieufe  a  lieu,  confacrée  aux  hvmnes  et  aux  cantiques. 

"  Alors  chaque  char  cft  éclairé  de  cierges  et  de  torches.  Sur  chaque 
"  char  sont  placés  des  malades  et  des  infirmes  pour  le  soulagement  desquels 
'-'    on  apporte  les  reliques  des  saints. 

"    Les  prêtres  et  les  clercs  font  des   proccffions   solennelles,   suivis   d'un 


XI 


«  peuple  recueilli,  et  tous  implorent  la  miiéricorde  de  Dieu  et  de  Notre- 
•'<   Dame  pour  la  guénfon  de  leurs  frères.  // 

Rjen  ne  permet  de  croire  que  ce  tableau  n  efl  pas  exact  ^  sincère  :  la 
yivacité  de  ses  traits  nous  fait  mesurer  la  puijfance  du  levier  myjlérieux  ^ 
divin  qui  a  lancé  dans  les  airs  les  voûtes  (^  les  flèches  de  nos  cathédrales. 

t  quels  travaux  employait-on  la  foule  exaltée  qui  venait  en  aide  aux 
maîtres  de  l  œuvrer  En  général,  ces  ouvriers  volontaires  travaillaient  comme 
manœuvres .  Les  déblaiements,  le  nivellement,  les  fouilles  des  fondations  furent 
confdérables  à  Lifeux.  où  l  immense  églife  ejl  confruite  sur  le  fane  de  la 
colline.  L'extraction  des  matériaux  fut  une  tâche  qui  impofa  de  rudes  fatigues. 
Les  carrières  de  Saint-Hippolyte  d  où  on  les  a  tirés,  étaient  à  9  kilomètres 
du  chantier  0^  leurs  galeries  repréfentent  un  vafe  réfeau  dont  il  ejl  diffcile 
aujourd  hui  de  reconnaître  les  détours.  C  ef  une  montagne  de  pierres  qui  en 
sortit  (^  que  l  on  tranfporta  avec  des  moyens  rudimentaires. 

Les  ouvriers  de  métier  étaient  en  petit  nombre.  Les  tailleurs  de  pierre 
habiles  <(sr  les  charpentiers  y  dominaient.  Saint-Pierre  n  offrant  que  peu  de 
sculptures,  on  n  employa  que  peu  d  artijles  pour  orner  ses  vafles  nefs. 

La  cathédrale  d'Arnoul  efl  reflée  intacte  depuis  près  de  sept  siècles.  Les 
succeffeurs  du  grand  éveqiie  y  ajoutèrent  diverfes  parties  sans  troubler  la  con- 
ception primitive  de  l'œuvre.  Celui  qui  conflate  cette  rare  confervation  éprouve 
le  regret  infni  de  ne  pouvoir  accoler  le  nom  de  l  architecte  qui  a  conçu  le 
plan  de  la  bafilique  au  nom  du  prélat  qui  en  a  infpiré  (jr  surveillé  l'exécution. 
Toutefois,  il  faut  penfer  que  l  artifte  a  goûté  une  joie  que  ne  connut  pas 
l  évéque.  son  projet  a  été  si  scrupuleufement  refpecté  qu'il  devait  être  là  pour 
en  diriger  les  travaux  jusqu'à  leur  achèvement.  Peu  de  ses  rivaux  connurent 
une  telle  satiffaction. 

Le  critérium  de  la  beauté  c  efl  la  durée  de  son  influence.  L  architecture 
ogivale  françaife  (^r  normande,  pendant  près  de  quatre  cents  ans,  infpira 
toutes  les  branches  de  l'art  dans  le  monde  occidental.  Si,  pendant  un  certain 
nombre  d'années,  le  déflr  de  céder  à  un  goût  nouveau  préoccupa  les  artifles, 
leurs  œuvres  n'eurent  qu  un  succès  fugitif  Cr  pour  toujours  endormi.  L  admi- 
ration du  peuple  refla  toujours  fidèle  à  Parchitecture  du  moyen  âge  parce 
qu  elle  était  faite  pour  le  peuple. 

Le  culte  du  paffé  nous  efl  revenu  :  c'efl  un  grand  bien  puifque  c  efl  un 


XII 


dctc  de  lujlice.  Ceux  qui  méprifdient.  du  siècle  dernier,  le  style  de  nos  cjthé- 
drdles  tendient  en  médiocre  eflime  les  hommes  (jr  les  idées  qui  l  dvdient  fdit 
fleurir.  ^Au  point  de  vue  hiflorique  (^  philosophique  ils  se  trompdient. 
tAujOurdhui.  pdrmi  les  drchéologues  cy^  les  hifloriens.  ceux  qui  sont  peu 
enclins  d  Id  myflique  reconndijfent  les  immenfes  services  rendus  pdr  l  Eglife 
d  l  hunidnité  :  les  dutres  ne  pdffent  jdmdis  sdns  émotion  devant  les  monu- 
ments modefles  ou  superbes  ddns  lesquels  des  générdtions  sdns  nombre  sont 
venues  pour  prier  ddns  les  Idrmes  ou  ddns  Id  joie.  ^Auprès  de  ces  témoins  de 
pierre,  que  les  épdules  ou  les  genoux  ont  polis,  il  ejl  impoffible  de  ne  pds 
songer  à  Id  vdnité  des  chofes.  â  Lt  p.tuvretc  dune  organifdtion  sdns  idcdl.  d 
Id  confoldtion  infinie  que  le  Chrifl  dpporte  d  ceux  qui  souffrent,  '^'luff. 
nous  dimons  nos  cdthédrdles.  non  seulement  pour  l  impreffonndnte  splendeur 
de  leur  forme,  nidis  encore  pour  Lt  divine  leçon  de  mordle  qu  elles  profeffent. 

Tous  ceux  qui  ont  colldboré  du  livre  de  M.  l  dbbé  Hdrdy  sont  de  cet 
dvis.  Ce  sont  ces  sentiments  qui  ont  guidé  l  hdbile  crdyon  de  R^obcrt  Sdlles. 
lexovien  d  origine  (^  l  un  de  nos  meilleurs  peintres  normduds.  chcT^  qui  le 
défir  d  être  exdct  (2^  sincère  ne  pdrdlyfe  pds  les  belles  qudlités  d  inuigindtion. 
Ld  cdthédrdle  qui  Id  vu  iiditre  lui  durd  fourni  prétexte  d  une  série  de  ses 
plus  heureufcs  comportions. 

L  dmour  des  choses  dncicnncs  cfl  une  vieille  pdffion  chc^  l  excellent 
peintre  CJT"  deffuidteur.  M.  Léon  Le  Clerc,  le  crédteur  du  niufee  du  Vieux 
Honfleur.  le  collectionneur  dvifé  des  objets  d  drt  popuLiirc.  Lui  duffi  d  rodé 
penddnt  de  longues  heures  dutour  de  ld  cdthédrdle  de  Lifieux.  compdrdiit  sd 
hdute  nidjfe  d  ld  flne  élégdnce  de  Sdinte-Cdtherinc.  chef-d  œuvre  des  chdr- 
pen tiers  hon fleurais  du  xv"  siècle. 

Prés  de  lui.  épris  des  mêmes  bcdutés.  M.  f{.tymond  Bigot,  le  robujlc 
sculpteur  defcenddnt  des  huchiers  qui  furent  ld  gloire  de  notre  région,  d 
voulu  trdcer  pour  Sdint-Pierre  quelques  notes  où  ses  hiboux  préférés  profilent 
leur  nocturne  silhouette. 

M.  Géo  Lefèvre  cfl  son  émule.  M.  Pdtoii  fut  leur  profeffcur.  Il  fut 
duffi  celui  du  jeune  Contel  qui  d  trouvé  le  rdre  bonheur  d  être  origuidl  d 
2i>  dns!  Ongnidl  et  puijfdnt  duffi.  M.  Gernc;^  qui.  très  moderne,  d  regdrdé 
dvec  rdifon  (^  succès,  nos  vieux  grdveurs  sur  bois.  D  dutrcs.  pleins  de  tdlent 
(^  de  notoriété,    sont  devenus  des   colldbordteurs  de  M     l  Idrdy    pdrcc    que 


XIII 


Lifieux  exerça  sur  eux  son  invindhle  attraction,  tels  :  MM.  Balande,  Duroy, 
Jouvenot.  Des  modefies,  comme  M.  Boutey.  M""  Defbordes  ^  Caron, 
comme  la  religieufe-infîrmière  qui  trouve  le  temps  de  peindre  en  soignant  les 
bleffés  de  l hôpital  i^.  ont  dû  céder  auffi  aux  demandes  preJJ'antes  de  l'auteur 
^  confentir  à  ce  qu  il  publie  dans  son  ouvrage  luxueux  des  œuvres  qui  ne 
lui  étaient  pas  deflinées.  MM.  Pafquet  ^  Pol  Pitt,  petits- fis  des  artifles 
qui  stigmatifèrent  sur  les  modillons  de  nos  cathédrales  les  ridicules  de  tous 
les  temps,  ont  laijfé  leur  satirique  crayon  pour  ajouter  une  page  pleine 
d  art  au  livre  de  leur  abbé.  De  plus  loin  qu  eux  encore  efl  venu  le  D'  de 
Sapincourt  dont  les  deffins  seront  remarqués  dans  l œuvre  commune  ;  en  effet, 
pour  les  exécuter,  il  quitta,  quelques  heures,  la  salle  de  panfements  et  la  table 
d  opération  où  il  soignait  les  blejfés  de  la  grande  guerre. 

Les  autres  collaborateurs  de  M.  l'abbé  Hardy  ont  entendu  rendre  égale- 
ment hommage  à  la  beauté  de  l'églife  :  ils  en  ont  vu,  comme  les  peintres,  les 
lignes  superbes,  sa  couleur  toujours  changeante,  toujours  émouvante,  mais 
avec  la  forme  extérieure  de  l  œuvre  gothique —  nous  devons  dire  plus  exacte- 
ment françaife  —  ils  ont  confidéré  le  séjour  de  prière  i(j^  de  charité,  l'école  du 
devoir  ç^  du  sacrifce  qu'abritent  les  murailles  archi-centenaires .  On  peut  le 
dire  de  M.  Lahaye.  pour  qui  la  cathédrale  semble  une  seconde  demeure  qu'il 
surveille  C^  défend  avec  des  soins  d'héritier.  On  peut  le  dire  de  M.  Etienne 
Deville  qui,  ayant  vécu  de  longues  années  au  milieu  d'objets  ddrt  sans  prix, 
revenu  dans  la  terre  natale,  se  plaît  à  décrire  ce  que  le  génie  a  fait  de  plus 
riche  ^  de  plus  beau. 

Chacun  d'eux  a.  le  droit  d'être  félicité;  mais  peut-être  ont-ils  savouré 
mieux  que  les  louanges  la  joie  d'avoir  contribué  à  l  œuvre  de  M.  l'abbé  Hardy. 

Pour  lui,  auteur  à  la  fois  modefle  (j^  magnifque  de  la  cathédrale  lexo- 
vienne.  il  s  efl  ajfuré,  je  le  lui  affrme,  la  reconnaijfance  très  profonde  de  ses 
concitoyens.  C  ejl  peu  (^  c  efl  beaucoup.  L'augufle  verbe  :  «  In  propria 
venit  //  ne  lui  sera  pas  appliqué. 

D  autres  éloges  lui  sont  venus  de  plus  haut  :  les  félicitations  qui  fgurent 
en  tète  de  ce  beau  livre  ^  que  lui  adreffent  le  grand  cardinal  (^  le  saint 
évéque,  succeffeurs  d'tÂrnoul,  celles  de  l  illufîre  écrivain  qui  a  signé  '-'  La 
grande  pitié  des  Eglifes  de  France  ».  la  lettre  flatteufe  de  M.  C.  Enlart, 
qui   le  félicite    très   vivement   d  avoir   mené   à    bien,    en  pleine  guerre,    une 


XIV 


publication  qui  semble  devoir  faire  tant  d  honneur  à  l  érudition  çy^  à  l  édition 
françaifes  :  celle  de  M.  i^  de  Lafleyrie,  membre  de  l  Injlitut.  qui  l  ajfiire  de 
la  reconndijfance  de  tous  les  amis  de  nos  \ieux  monuments,  ont  récotnpenfé 
de  son  labeur  M.  l  abbé  Hardy. 

Mais  les  confidents  de  sa  penfée  sa\ent  pourtant  qu  il  n  a  ni  cherché,  ni 
•voulu  ce  succès.  Il  na  ré\é.  en  décrivant  l  oeuvre  des  grands  ;;y^  lointains 
devanciers,  que  d  ajouter,  en  quelques  p^gcs.  un  gejle  filial  ç^  pieux  au 
grand  ge^e  d  adoration  qu  ont  fait,  au  Dieu  crucifé.  les  bàtijfeurs  de  Saint- 
Pierre-de-Lifeux. 


Lifieux,  Octobre   n)/j. 


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C-iivi.c   i^/tvialiiC-i. 


VUE    EXTÉRIEURE    DE  LA  CATHÉDRALE  SAINT-PIERRE   (Lithographie  daprès  Chapuy). 


INTRODUCTION 


ASPECT  GÉNÉRAL  DE  LA  CATHÉDRALE 
SES  HISTORIENS 


OINT  D'ORNEMENTS  savamment  ouvragés,  point  de  contreforts 
aux  fines  dentelures,  aucune  recherche,  aucune  exubérance 
dans  les  formes,  mais  à  l'extérieur  des  tours  maffives  et 
robuftes.  une  abfide  géométrique,  des  feneftrages  sévères 
et  sobres,  un  caractère  de  gravité  méditative  qui  cadre 
admirablement  avec  le  tempérament  normand;  à  Tintérieur  des  lignes  stables 
où  le  regard  s'arrête  avec  plaifir;  d'un  bout  à  l'autre  une  réferve,  une  simpli- 
cité harmonieuse  qui  vous  pénètrent,  vous  enveloppent  dès  le  premier 
contact  :  telle  eft  dans  son  enfemble  la  cathédrale  Saint-Pierre  de  Lifieux. 

Il  serait  téméraire  d'affirmer  que  la  cathédrale  lexovienne  est  de  toutes 
les  églifes  normandes  celle  qui  a  le  plus  de  vigueur,  de  goût  épuré  et  de 
caractère.  La  cathédrale  de  Rouen,  en  dépit  de  quelques  inégalités,  préfente 
une  silhouette  plus  variée  et  plus  séduifante,  des  sculptures  plus  somptueuses. 
Elle  intérefle  davantage  les  peintres  et  les  sculpteurs.  Saint-Pierre  de  Lifieux 


2  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

intéreiTe  plutôt  les  architectes  et  les  admirateurs  de  la  sobre  pureté  des  lignes 
encore  chargées  d'archaifme.  Autant  la  nef  de  Notre-Dame  de  Baveux  est 
riante  et  gaie,  autant  celle  de  Lifieux  semble  sévère,  grave,  prefque  rigide 
dans  sa  majcftueuse  unité.  Sans  être  la  plus  savante  et  la  plus  riche  des 
églifes  de  la  province,  la  cathédrale  Saint-Pierre  compte  cependant  parmi 
les  plus  attiques  et  les  plus  attachantes.  Après  l'avoir  vifitée  avec  une  érudite 
curiofité.  un  maître  comme  Viollet-Ie-Duc  pouvait  dire  :  "  Savez-vous  qu  à 
Lifieux  vous  polTédez  lune  des  cathédrales  les  plus  précieufes  pour  l'hiftoire 
de  larchitccture  du  moyen  âge.  //  L  élève  préféré  du  grand  gothifant.  M.  de 
Baudot,  dans  son  magiftral  ouvrage  sur  la  Sculpture  fntnçjise.  n  a  pas  été 
moins  cnthoufiaftc  :  '^  Pour  suivre  le  mouvement  du  style  de  tranfition.  il 
faut,  écrit-il.  étudier  Lifieux  .  // 

Etudier  Lifieux.  Chaque  année,  à  la  belle  saison,  de  nombreux  touristes, 
des  architectes  diftingués.  des  archéologues  de  tous  pays  viennent  interroger  les 
vieilles  pierres,  leur  demander  leur  âge  et  leurs  antécédents  hifloriques.  Et 
nombreux  sont  ceux  qui.  après  avoir  exploré  la  vie  organique  et  puilTante  de 
la  vieille  cathédrale,  s  efforcent  d  en  souligner  la  valeur  effhétique. 

A  cet  égard  les  archéologues  d  Angleterre  méritent  une  mention  spéciale. 
Détail  piquant,  le  tounfte  amateur  de  gravures  vraiment  originales  et 
vivantes  doit  s  ad  relier  à  quelque  librairie  anglaife,  le  chercheur  avide  de 
rcconftituer  1  afpect  revêtu  par  la  cathédrale  aux  divcrles  périodes  de  sa 
loniiue  hiftoire,  doit  de  toute  néceffité  ouvrir  les  études  de  Cotman.  du 
Carel.  Galli-Knight.    Turner.  Taylor  s  et  John  Ruskin  '. 

Bien  que  les  écrivains  américains  aient  peu  étudié  les  églifes  normandes, 
lun    d  eux  Porter  s.  dans  son  livre  sur  1  architecture    du  moyen  âge.  a  con- 

1.  De  Baudot  :  Lj  Sciilplure  frjii^jise  ju  Moyen  fAge  et  j  b  H^tuissjnce.  p.    id. 

2.  Voir  la  Biblioi^rapliic  à  la  fin  du  volume. 

"  EgliTe  cathédrale  Saint-Pierre,  tlic  reconftruction  was  bcgun  in  1051».  but  which  wis  dcf- 
troyed  in  1  i  ■;!<  bv  a  fire.  Sonie  débris  is  prefervcd  in  thc  prcfent  édifice,  commcnccd  by  Bishop 
Arnoult.  Wlicn  the  bishop  died  in  1  iSi  .  thc  nave,  thc  iwo  arms  of  thc  tranfept,  the  lantern  and 
a  large  part  of  thc  nuin  façade  had  bccn  conAructed  and  the  church  was  entircly  finished  whcn  his 
succciïor,  Jourdain  de  Homnicl.  dicd  111  1  :  1  S.  Eit;ht  vcars  aher  thc  édifice  wat  d.im.igcd  bv  firc. 
Thc  nccciTary  rcilorations  were  carricd  out  bv  William  of  Pont-dc-l' Arche,  who  at  thc  samc  timc 
iindcrtook  olher  works  of  cmbellishment.  notably  the  conrtruction  of  the  two  latéral  chapels  of 
the  chevet.  It  was  pcrhaps  this  same  bishop  who  crectcd  thc  western  towers,  of  which  however 
onlv  the  Northern  survives,  the  Southern,  as  is  known  from  an.  *   —^  Porter  t  Mcdieyjl  ofrchitecture. 


INTRODUCTION 


facré  à  la  cathédrale  de  Lifieux  les  lignes  suivantes  :  <'<  La  reconftruction  de 
l'églife  cathédrale  Saint-Pierre  a  été  commencée  en  1050,  mais  elle  fut 
endommagée  en  11  36  par  un  incendie.  Quelques  débris  ont  été  confervés 
dans  1  édifice  actuel  commencé  par  1  évèque  Arnoul.  A  la  mort  du  prélat, 
en  1181,  la  nef,  les  deux  bras  du  tranfept,  la  lanterne  et  une  grande  partie 
de  la  façade  principale  étaient  achevés.  L'églife  était  complètement  finie  en 
I!2l8,  à  la  mort  de  Jourdain  du  Hommet,  lun  des  succefleurs  d'Arnoul. 
Huit  ans  plus  tard  lédifice  était 
ruiné  par  le  feu.  Les  reftau- 
rations  néceffaires  étaient  faites 
par  Guillaume  du  Pont-de- 
l'Arche  qui.  à  la  même  époque, 
avait  entrepris  d  autres  travaux 
d  embelliffement .  principale- 
ment la  conftruction  de  deux 
chapelles  latérales  du  chevet. 
Le  même  évèque  a  peut-être 
édifié  les  tours  occidentales. 
La  tour  du  Sud,  comme  l'in- 
dique une  ancienne  infcription, 
fut  rebâtie  en  1379.  Les  cha- 
pelles qui  bordent  la  nef  et  la 
chapelle  de  la  Vierge  appar- 
tiennent au  xv^  siècle.  » 

AfTurément   les  Anglais  et 
les    Américains    n  ont    pas    été 

seuls  à  explorer  les  beautés  de  notre  cathédrale.  Avant  Viollet-le-Duc.  avant 
M.  de  Baudot,  déjà  cités  lun  et  l'autre,  il  se  trouva  dans  Lifieux  même  un 
architecte  patient  et  laborieux  qui  entreprit  de  révéler  à  ses  contemporains 
la  suprême  perfection  et  les  richefles  ignorées  des  églifes  gothiques  en  général 
et  de  Saint-Pierre  en  particulier.  Ce  fut  larchitecte  Piel  (fig.  t).  Non 
content  de  se  pencher  affectueusement  sur  la  vieille  cathédrale  pour  la  bien 
comprendre,  dans  ses  chroniques  d  art  il  eflaie  de  faire  partager  à  sa  génération 
un   peu   de  lexaltation  sereine  qui  rayonne  du  refpectable  édifice.  Au  retour 


Fig. 


Alexandre  Piel. 


4  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

d'un  long  voyage  en  Allemagne.  Piel  conftate  avec  une  vive  satiffaction  que 
les  cathédrales  d  outre-Rhin  sont  pofténeures  aux  nôtres  et  sont  loin  d  être 
auiTi  mefurées  et  aufll  exprefUves.  Longtemps  avant  Emile  Mâle.  1  artifte 
lexovien  avait  obfervé  cjue  les  Allemands  n  ont  pas  le  tact  exquis  des  races 
supérieures,  linftinct  infaillible  du  moment  où  il  faut  s'arrêter.  Et  il  en  pro- 
fite pour  oppofer  la  difcrète  ornementation  de  Saint-Pierre  aux  décorations 
heurtées  des  églifes  de  Munich  et  de  Wurtzbourg'. 

A  côté  de  Piel.  dont  les  notes  sur  la  cathédrale  sont  trop  brèves  '.  il  con- 
vient de  citer  M.  labbé  Farolet.  Ce  prêtre  cultivé,  amateur  éclairé  des  chofes 
d  art.  dcHervait  la  paroifTe  Saint-Pierre  en  I1S40,  au  moment  où  1  églife 
fut  claiTée  monument  hiftonque.  M.  1  abbé  Farolet  "  savait  son  églife  par 
cœur  //.  Plein  d  attention  pour  elle,  son  zèle  sacerdotal  souffrait  de  la  voir 
pauvre,  dénuée,  vide  du  mobilier  qui  lui  fit  jadis  une  si  gracieufe  parure. 
D  ordinaire,  la  moindre  démarche  près  des  autorités  coûtait  beaucoup  à  sa 
timidité  naturelle,  mais  quand  il  s  agiffait  de  sa  chère  cathédrale,  il  se  décou- 
vrait une  bravoure  à  toute  épreuve.  Au  moment  du  clafTement.  M.  Farolet 
publia  un  aperçu  hiftonque  et  un  difcours  de  la  plus  grande  utilité  à  tous 
ceux  qui  voudront  étudier  la  cathédrale  avec  attention  et  exactitude'. 

Parmi  les  meilleurs  hiftoriens  de  Saint-Pierre  il  faut  également  indiquer 
M.  H.  de  Formeville''.  Son  étude  sur  1  ancien  évèché-comté  de  Lifieux  la 
fréquemment  amené  à  parler  de  la  cathédrale  et  de  sa  vie  paffée.  Le  dépouil- 
lement méthodique  de  nombreuses  chartes  échappées  au  pillage  révolution- 
naire et  dépofées  aux  archives  du  Calvados,  ses  relations  avec  les  témoins 
de  la  splendeur  d  avant  1  yN»).  lui  ont  permis  décrire  des  paires  très  pré- 
cieufes.  surtout  au  point  de  vue  anecdotique.  Si  la  documentation  des  ouvrages 
de  M.  de  Formeville  ne  laiffe  guère  à  délirer,  leur  rédaction  est  trop  touffue 
et  trop  embarraffée.  L  insuffifance  de  la  table  rend  ses  volumes  difficilement 
consultables. 


1.  Voy.    ï\e\\(\u\x,    dans    Tcyssicr.    Notice   biogrjphitjue   sur   L.-tA.    PieL    Paris,     1843, 
in-S.  p.    1  •^7  et  siiiv. 

2.  Alexandre  Piel  :  Miscelbnccs,  Lisieux.   iSob,  in-S,  p.    1 00  à  lO'^. 

3.  M.   Farolet   :   Difcours  et  Notes  sur  l'ancienne  Cjthcdrjle  de  Lifieux,    Lifieux,    1S40, 
in-8"  de  •Î2  paj^cs. 

.j.  U.  de  Formeville  :  Hifloire  de  l'jncien  È\échè  de  Lifieux.  Lifieux,  1S7;.  2  vol.  in-8'\ 


;  ■ 


PI.  6 


Dessin  de  M.  Duroy,  architecte  ï  Caen. 
LA  CATHÉDRALE  SAINT-PIERRE  ET  L'ÉGLISE  SAINT-GERMAIN 


INTRODUCTION  5 

M.  Arthème  Pannier,  dans  de  nombreux  articles  parus  dans  le  journal 
Le  Normand,  de  1867  à  1870,  a  succeiTivement  examiné,  en  archéologue, 
les  parties  principales  de  l'églife  Saint-Pierre  et  afligné  à  chacune  d'elles  une 
date  parfois  conteftable.  Le  style  de  M.  Pannier  eft  attrayant,  quoique  un 
peu  diffus.  L  avocat  qu'il  était  n  a  peut-être  pas  suffifamment  oublié  ses 
artifices  de  rhétorique  en  plaidant  devant  le  public  lexovien  la  caufe  de  la 
cathédrale.  En  définitive.  M.  Charles  Vaffeur  a  été  le  premier  à  traiter  le 
sujet  d'une  façon  enfin  digne  de  lui.  Familier  avec  les  vieilles  écritures,  sachant 
regarder  et  pénétrer  les  formes  architecturales,  il  a  publié,  en  1881,  une 
étude  de  premier  ordre  dont  les  hiftoriens  de  la  cathédrale  seront  déformais 
tributaires.  C'est  un  simple  avant-projet,  un  croquis,  mais  combien  confcien- 
cieux  et  fidèle  '.  Ce  travail  déjà  très  fouillé  doit  être  complété  par  la  brève 
defcription  insérée  par  M.  de  Caumont  dans  sa  Statistique  momimentdle  du 
Cdhddos'.  ^'' Je  travaille,  difait-il,  pour  ceux  qui  ne  savent  rien,  pour  ceux 
qui  n'ont  pas  épelé  dans  les  grands  livres.  » 

M.  Louis  Serbat  '  secrétaire  général  de  la  Société  françaife  d'Archéologie 
et  chroniqueur  du  Bulletin  Monumental,  travaille  au  contraire  pour  les 
érudits  et  les  savants.  M.  Serbat  ne  s  est  pas  contenté  de  vifiter  à  la  hâte 
Saint-Pierre  de  Lifieux  ;  il  y  est  revenu  plufieurs  fois.  Le  mémoire  qu'il  a 
rédigé  pour  les  membres  du  Congrès  archéologique  tenu  à  Caen,  en  1908, 
doit  être  signalé  comme  un  modèle  de  defcription  raifonnée  et  scientifique. 
Avec  un  sens  critique  remarquable,  fauteur  a  su  réfoudre  des  problèmes 
délicats  soulevés  par  les  remaniements  succeflifs  subis  par  la  cathédrale  à 
travers  les  phafes  de  sa  longue  deftinée.  Son  travail  n'a  qu  un  seul  défaut  : 
celui  de  n'être  point  acceflible  au  grand  public.  Il  faut  du  courage  et  de  la 
perfévérance  pour  s  engager  dans  ce  dédale  de  réflexions  toutes  hénffées  de 
termes  abftraits  et  techniques.  D'une  lecture  extrêmement  aride,  l'étude 
archéologique  de  M.  Serbat  offre  une  remarquable  précifion  documentaire. 
La  voie  lui  avait  été  ouverte  par  M.  E.  Lambin,  le  baron  de  Béthune  et  l'abbé 
Marie,  ancien  vicaire  de  Saint-Jacques  de  Lifieux.  Le  premier  de  ces  érudits 

1 .  Ch.  VafTeur  :  Etudes  hifioriques  et  archéologiques  sur  la  Cathédrale  de  Lifieux,  Caen, 
Le  Blanc-Hardel,   1881,  in-8"  de  8^  P^g^s. 

2.  Statijlique  monumentale  du  Cahados,  t.  V,  Caen,  1807,  pp.  200-23Q. 

3.  Congrès  archéologique  de  iqo8,  t.  I,  pp.  300-318. 


h  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

glide  très  rapidement  sur  la  defcription  architecturale,  mais  s  attarde  plus  lon- 
guement sur  la  grammaire  ornementale.  Avec  une  compétence  indifcutable. 
il  dcfigne  par  leur  nom  les  feuilles  ou  les  fruits  que  la  mam  des  sculpteurs 
gothicjues  accrocha  aux  chapiteaux  des  pihers  ou  aux  tympans  des  portails'. 

Le  baron  de  Béthune.  un  archéologue  belge,  dans  le  Bulletin  Je  Id  Gilde 
de  Sdint-Thonus  et  de  Saint-Luc.  a  entrepris,  en  i^W).  une  defcription 
archéologique  de  la  cathédrale  lexovienne  remplie  de  remarques  judicieufes '. 

M.  1  abbé  Marie,  dans  la  'Normandie  Monumentale .  a  réfumé  la  plupart 
des  travaux  précédents,  non  sans  y  mêler  quelques  réflexions  originales.  Son 
efquiffe  se  lit  avec  autant  d  intérêt  que  de  plailir.  mais  elle  eft  incomplète, 
faute  d  études  préliminaires  approfondies.  C  est  1  œuvre  d  un  lettré  qui.  pour 
ne  pas  compliquer  les  difficultés  de  sa  tache,  s  est  fié  aveuglément  aux  docu- 
ments de  seconde  main'. 

Enfin,  nous  aurions  mauvaife  grâce  à  ne  point  rappeler  que  les  membres 
des  deux  groupements  locaux  :  "  Le  Vieux  Lifieux  //  et  ''  La  Société  Hifto- 
riquc  de  Ldieux  //  ne  cefTcnt  de  rechercher,  de  conferver  et  d  interpréter  les 
souvenirs  qui  mtéreffent  la  cathédrale  Saint-Pierre.  Tous  les  archéologues, 
architectes,  hiftoriens  ou  touriftes  dont  nous  venons  de  rappeler  les  noms  et 
les  travaux,  s  accordent  à  glorifier  la  mefure.  la  réferve  délicate.  1  aifance  et 
la  puifTantc  harmonie  de  Saint-Pierie.  Qii  il  y  ait  entre  eux  des  divergences 
dans  les  dates  afllgnées  aux  diverfes  parties  de  la  cathédrale,  dans  la  defcrip- 
tion d  un  portail  ou  d  une  chapelle,  dans  1  interprétation  d  un  haut-relief  ou 
dune  effigie  funéraire,  nul  ne  saurait  s  en  étonner.  Mais  dès  qu  il  s  agit  de 
se  prononcer  sur  la  valeur  artiRiquc  du  monument,  toute  cette  pléiade  d  éru- 
dits  redevient  unanime.  La  vieille  cathédrale  recueille  ainfi  '^  cet  achèvement 
de  beauté  que  donne  aux  plus  parfaits  chefs-d  œuvre  1  adhélion  émue  des 
âmes  humaines  //.  Seul.  Louis  Dubois  s  est  infcnt  en  faux  contre  1  afTenti- 
timent  général.  Dans  son  second  volume  de  1  Hijloirc  de  Lifieux  '.  il  s  ef- 
force de  dénigrer  le   stvlc    de    Li  cathédrale.    Rebelle   de    parti  pris    à   toutes 

I  .  Emile  Lambin  :  f{c\'uc  Je  l' Art  chrétien.   .\'  série,  t.  VII,    iSdo,  pp.   448-4^2. 
2.  Bulletin  de  b  GilJe  de  Sjint-Thomjs  et  de  Snint-Luc.  t.  IX.  2'  partie,  1  S«)S,  pp.  ^40-0^0. 
■? .  Abbé  Marie  :  L'Eglife  Sjint-Pierre  de  Lifieux,  dans  la  "Normandie  Monumentale .  Calvados, 
i.   II,  p.  <»  I  . 

\.  I..  Diiboi'î  :  Hifloire  de  Lifieux .  Iificuv.    iS4s.   3  vol.  in-8  ,  t.  II.  p.  20',. 


INTRODUCTION  7 

les  œuvres  non  «  clalliques  //,  à  cette  heure  où  Mérimée,  Piel.  Laflus 
mènent  une  campagne  de  réhabilitation  en  faveur  de  1  organifme  gothique, 
Louis  Dubois  critique  amèrement  le  thème  décoratif  de  nos  anciens  archi- 
tectes, 'f  Au  lieu  des  belles  proportions  de  1  art  grec,  de  la  pureté  et  de  la 
simplicité  de  1  ornementation,  de  la  facilité  de  saifir  1  enfemble  au  premier 
regard,  il  (l  art  gothique)  surabonde  de  recherches,  et  s'il  préfente  des  détails 
parfois  charmants,  ils  sont  trop  multipliés  et  trop  confus.  On  ne  saurait 
nier,  au  surplus,  que  son  ampleur  a  quelque  chofe  d  augufte  et  son  antiquité 
a  quelque  chofe  de  vénérable.  Au  refte.  cette  architecture  sarrafine.  qu  on  a 
mal  à  propos  appelée  gothique,  n  eut  jamais,  quoi  qu  on  en  ait  dit.  une  expref- 
fion  de  sentiment  religieux  :  c  était  tout  simplement  la  réininifcence  de 
1  architecture  orientale  rapportée  par  les  croifés,  trop  souvent  mêlée  avec  la 
barbarie  de  1  art  dans  son  enfance  :  tels  sont  les  ogives  et  les  contreforts,  les 
clochetons  et  les  gargouilles  ;  tels  sont  les  perfonnages  trapus,  rabougris  et 
ratatinés,  en  oppofition  avec  les  colonnades  effilées  comme  de  gigantefques 
ro féaux  ;  telles  sont  les  moqueries  parfois  fort  leftes.  dans  quelques  parties 
fort  inconvenantes.  >/ 

De  telles  remarques  sont  frivoles  et  ne  méritent  pas  de  difcuffion  de 
détail.  L  intelligence  de  1  hiftorien  doit  être  affez  souple,  affez  accueillante  pour 
suivre  le  goût  français  dans  ses  inclinations  succeffives.  Il  n  y  a  que  les  petits 
efprits  pour  séparer  dans  leur  admiration  lart  claffique  et  lart  médiéval.  Avant 
de  porter  un  jugement  sévère  sur  les  artiftes  de  la  France  d  autrefois,  ne 
faut-il  pas  commencer  par  se  rendre  compte  de  leurs  préoccupations  efthé- 
tiques  et   des  difficultés  théoriques  qu  ils  avaient  à  réfoudre  ? 


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ASPECT   EXTÉRIEUR.  DE   LA    CATHÉDRALE   AVANT    17S1)    (Dessin    de  R.   Salles). 


CHAPITRE    PREMIER 


LA   CATHEDRALE   ROMANE 


ÉGLISE  DE  LISIEUX  n'a  pas,  comme  celle  de  Lyon,  l'honneur  de 
se  rattacher  aux  temps  apoftoliques.  Selon  toutes  vraifem- 
blances.  la  hiérarchie  éccléfiaftique  ny  fut  parfaitement 
organifée  qu'à  la  fin  du  iv^  fiècle.  Vers  385,  Théodofe, 
scinda  la  seconde  Lyonnaife  et  diftribua  les  cités  qui  rele- 
vaient d  elle  entre  les  métropoles  de  Rouen  et  de  Tours  ' .  Lifieux  fut  placé 
sous  la  dépendance  de  Rouen.  Saint  Victrice  (380  à  409)  et  saint  Martin 
n'ont  sans  doute  pas  été  étrangers  à  1  organifation  définitive  du  diocèfe  de 
Lifieux.  Evidemment  le  chriftianisme  peut  y  avoir  pénétré  auparavant,  «  si 
l'on  en  croit  la  tradition,  saint  Taurin  prêcha  le  nom  de  Jéfus-Chrift  à 
Thiberville  et  en  plufieurs  autres  lieux  du  pays  Lieuvin...  Quelques-uns 
croient  que  la  première  églife  de  Lifieux,  fondée  au  plus  tard  au  commen- 

r.  Th.  Mommfen.  Mémoires  sur  les  provinces  romaines,  trad.  E.  Picot,  dans  I^viie  archéolo- 
gique, nouv.  série,  t.  XIII,  i  SbO,  p.  377  ;  t.  XIV,  i8b6,  p.  369  ;  t.  XV,  1867,  p.  i . —  «  L'Eglife 
de  Lifieux  ne  paraît  pas  plus  ancienne  que  270,  on  n'en  connaît  pas  le  premier  apôtre.  » 
Longueval,  Hifloirc  de  l'Eglise  gallicane.  —  L'églife  de  Lifieux  exiftait  avant  la  fin  du  vi*^  siècle, 
voy.  Dom  Chamard,  L' Etablijfcment  du  Christianisme  et  les  Origines  des  Eglises  de  France,  Paris, 
1873,  p.  91,  dans  I{evue  des  Qiiejlions  historiques,  t.  XIV,   1873,  p.  359. 


lo  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

cernent  du   iv'  siècle,   a  été  originairement   dédiée  à  la  Sainte -Vierge.  Je  ne 
scay  pas  sur  quov  cette  opinion  particulière  peut  être  appuyée  '   ?/. 

Une  autre  tradition  non  moins  immémoriale.  aiTure  que  le  premier  temple 
chrétien  fut  dédié  à  saint  Aignan.  mort  en  453.  Une  chapelle  de  ce  nom 
servit  au  culte  jufciuen  février  1702'.  Située  dans  la  rue  Pont-Mortain, 
elle  dépendait  de  la  menfe  capitulaire.  A  laube  du  moyen  âge,  les  chanoines 
y  célébraient  leurs  offices  liturgiques.  Bien  plus,  il  paraîtrait  que  les  premiers 
chrétiens  de  Lifieux  avaient  leur  cimetière  dans  les  terrains  avoifinant  la 
chapelle.  Or.  en  iN()-5  et  i*S()_|,  pendant  la  confl:n.iction  des  mailons  n'"  14 
et  2"),  en  bordure  de  la  rue  Pont-Mortain.  les  maçons  ont  rencontré  plu- 
fieurs  rangées  de  squelettes.  Des  briques  romaines,  quelques  débris  de  vales 
en  terre  de  Samos.  retrouvés  près  des  offements.  permettent  de  suppofer 
qu  il  y  avait  là  une  nécropole  gallo-romaine.  Aucune  médaille,  aucune  mon- 
naie, aucun  emblème  chrétien  n  ont  été  recueillis,  et  c  eft  dommage  pour 
Ihiftoire  des  origines  chrétiennes  du  pays  d  Auge. 

Thibaud  relie  le  premier  évèque  de  Lilieux  connu  des  érudits  et  des 
chercheurs  (^  j»^-")]'')  •  L  obfcurité  la  plus  profonde  enveloppe  la  mémoire 
des  prcdcccfTeurs  de  ce  prélat.  Ils  avaient  sans  doute  accompli  -leur  tâche  paf- 
torale  sans  bruit  et  sans  éclat. 

Un  bcîiédictm  de  1  abbaye  de  Flcury  [Saint-Benoit-sur-Loire],  qui 
vivait  à  la  fin  du  xi"  siècle  et  étayait  d  ordinaire  son  cxpofition  de  preuves 
puifécs  dans  les  chartes  ou  les  chroniques,  le  moine  Aimoin.  raconte 
qu  Etherius,  évèque  de  Lilieux  (V'^*"*)??)-  cniploya  un  clerc  de  1  églife  du 
Mans  à  1  inftruction  des  écoliers  de  son  diocèfe.  convaincu  qu  il  était  de 
sa  compétence  dans  les  lettres  et  1  enfeignement  ^ 

Dès  cette  époque,  1  école  était  une  dépendance  obligée  de  1  églife  épif- 
copale.  La  conllruction  des  édifices  cultuels  précédait  toujours  la  création  des 

I  .  l'ic  des  sjints  Pjtrons  du  diocèse  de  Lificux,  in- i  2,  LiTiciix,  Duronccrcy,  p.  204  et  p.  <^4- 
1 S .  Bulletin  monumenUl,    iS()(),  p.   4»)(). 

2.  Inventaire  de  la  chapelle  Saint-Aignan  et  adjudication  des  objets  cultuels.  .\ri.h.  du 
Calvados,  (>  et  u  février  17Q2. 

T,.  GjIUj  Chriflunid,  t.  II.  1 7  VK  Ecclefu  Lexovienfis,  p.  70';,  col.  1,  Noël  Desliays. 
éd.  Forineville,  t.  II,  p.  2. 

4.  Grégoire  de  Tours,  Historié  ecclefuslidc  Frjncorum,  livre  \'I.  th.ip.  xxxvi,  cdit.  Guadct 
et  Taranne,  t.  II,  p.   47(1. 


LA  CATHEDRALE  ROMANE  ii 

établiflements  scolaires.  AufTi  il  n'eft  pas  exagéré  d'affirmer  que  Lifieux  fut 
de  bonne  heure  pourvu  d  une  bafilique.  Ces  sortes  de  sanctuaires  n'étaient 
pas  voûtés.  Ils  avaient  un  plafond  ou  une  charpente  apparente,  à  travers 
laquelle  on  voyait  le  toit.  Cette  églife  dura  sans  doute  jusqu'aux  invafions 
normandes  (ix'  siècle).  A  l'heure  de  la  marée,  les  barques  danoifes  jetaient 
l'ancre  sur  les  grèves  de  la  Manche,  ou  remontaient  rapidement  les  fleuves 
côtiers.  Que  de  paroifles  furent  alors  ruinées.  Habitués  à  contempler  la  plan- 
tureufe  vallée  de  la  Touques,  il  nous  est  difficile  d  imaginer  ce  qu'elle  était 
après  le  paflage  des  hommes  du  Nord.  Les  Normands,  nos  pères,  furent 
d'abord  nos  perfécuteurs.  Le  chroniqueur  de  l'abbaye  d'Ouche  ne  le  cache 
pas.  «  Le  diocèfe  de  Lisieux.  remarque-t-il.  fut  autant  exposé  à  la  fureur  des 
Normands  que  les  autres;  ces  pillards  saccagèrent  la  ville  épifcopale.  mafla- 
crèrent  les  habitants,  brûlèrent  les  maifons  et  les  églifes,  tout  ce  qu  il  y  avait 
d'écrits  et  de  documents  relatifs  au  gouvernement  civil  et  eccléfiastique  périt 
dans  cet  incendie  '.  » 

Les  Normands  étaient  cruels  et  rapaces  et  s'en  glorifiaient.  S'il  eft  vrai 
qu'un  Normand  d  un  peu  d  inftaiction  et  de  religion  était  alors  '<  merveille 
introuvable  >/,  il  eft  à  croire  que  l'école  d  Etherius  et  la  bafilique  difpa- 
rurent  dans  cette  tourmente  ". 

A  peine  les  malheurs  des  ix^  et  x'  siècles  ont-ils  pris  fin.  qu'un  magni- 
fique renouveau  de  vie  religieufe  se  produit  dans  toute  la  chrétienté.  Chaque 
cité  importante  veut  à  tout  prix  édifier  une  cathédrale  pour  abriter  la  mé- 
ditation pieufe  des  âmes.  Un  témoin  de  ce  mouvement  spontané  de  foi  et 
d'art,  Raoul  Glabert,  pouvait  écrire  dans  sa  chronique  :  'f  la  terre  semble 
dépouiller  sa  vieillefle  et  se  parer  d'un  blanc  manteau  d'églifes  nouvelles'  ». 

Encouragés  par  l'évêque  Herbert  (io2()  à  T050),  les  Lexoviens 
apportent  leur  peine,  leur  corvée  et  leur  aumône  pour  la  conftruction  d  une 
nouvelle  cathédrale.  Large  et  spacieufe,  elle  devait  1  être  pour  recevoir  les  flots 
prefles  des  fidèles. 

Pour  aller  plus  vite  en  befogne,  Herbert   aurait  utilifé  pour  la  réédifi- 

1.  Orderic  VitaL  H'vs^t.  ecclés.,  lib.  VI,  édit.  Le  Prévost,  t.  III,  p.  8^. 

2.  Dumoulin.  Hijloire générale  de  Normandie,  it)3C>,  livre  I,  p.  11. 

^.  Baronius,  Annales,  t.  XI,  p.  18.  — F{odulji  Glabri,  Hijloriarum,  lib.  III.  cap.  3, 
édit.  M.  Prou. 


12  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

cation  de  son  églife  épiTcopale,  de  nombreux  matériaux  provenant  des  an- 
ciennes fortifications  de  la  ville'.  D  un  style  sévère  et  puiffant.  cette  églife 
avait  demandé  des  sommes  importantes.  Malgré  la  générofité  de  ses  diocé- 
sains, le  prélat  dut  recourir  à  des  expédients  pour  solder  les  dépenfes.  S  adref- 
fant  aux  chanoines  de  Chartres  polTefleurs  de  bénéfices  dans  son  diocèse. 
Herbert  leur  demanda  de  payer  le  droit  de  vifite.  Apparemment  ses  récla- 
mations reftèrent  vaines  '. 

L  évéque  Hugues  d  Eu  (i<>y)-i()77)  succéda  à  Herbert.  Allié  aux 
grandes  familles  de  Normandie,  petit-fils  de  Richard  P\  le  nouvel  élu  devait 
contribuer  largement  à  1  embellifîement  et  à  la  décoration  de  la  cathédrale 
romane.  Probablement,  en  105').  Hugues  célébra  la  dédicace  solennelle  du 
nouveau  sanctuaire  au  milieu  d  un  concours  immenfe  de  fidèles  et  en  pré- 
fence  des  membres  du  concile  provincial  alTemblé  à  Lifieux  pour  juger  et 
deftituer  Mauger  archevêque  de  Rouen. 

Jean  I"  (i  107-1  i  )i)  fit  quelques  additions  au  plan  primitif  de  la 
cathédrale  d  Herbert.  Autour  du  domaine  épifcopal.  il  réunit  les  établilTe- 
mcnts  qui  devaient  particulièrement  intéreHer  le  peuple,  comme  les  écoles, 
le  prétoire,  des  maifons  pour  les  chanoines,  pour  les  clercs  et  sen-iteurs. 

La  cathédrale  était  devenue  le  cœur  de  la  cité.  Mais  ses  jours  étaient 
comptés.  En  i  1^(1.  le  jour  de  la  fête  de  l'archange  saint  Michel.  GeoflFrov. 
comte  d  Anjou,  fit  alUéger  la  ville  de  Lifieux.  La  lutte  fut  acharnée.  Quelques 
chevaliers  normands  sortirent  pour  ravitailler  la  garnifon  commandée  par 
Alain  de  Dinan.  Redoutant  1  arrivée  du  comte  d  Anjou.  Geoffrov.  les  gar- 
diens de  Lifieux  mirent  eux-mêmes  le  feu  à  la  ville  qu  ils  devaient  protéger. 
La  cité  '*  brûla  avec  toutes  ses  richefies  //.  et  les  Angevins  s  enfuirent  sans 
livrer  d'affaut.  La  cathédrale  d'Herbert  difpan.it-cllc  dans  ce  défaftrc  ?  où 
fut-elle  simplement  abîmée,  noircie  par  la  fumée?  La  pénurie  de  documents 
ne  permet  pas  de  réfoudie  cette  quefiion  avec  certitude'. 

1.  Ordcric  Vital.  Hut.  ceci.,  cd.  Le  Prévost,  t.  II,  p.  -„oo.  —  GjHu  Chrijlijnj,  cd. 
Palme,  t.  XI.  col.  7tiS-7(>i». 

2.  Bouquet.  f{crum  Gjlltcjrum  Scriptorcs,  t.  X.  p.  408.  —  Nocl  Dcshays.  cd.  Forincvilic. 
t.  II,  p.  I  S  et  lu.  —  H.  Le  Court.  Les  Pojfcsfiom  du  chapitre  de  Chartres  M  pays  d'Auge, 
Vannes,  i  <)0  i ,  in-S*. 

-i.  Ordcric  Vital.  Hist.  ceci,  cd.  I.c  Prcvoft,  lib.  XIII.  t.  V,  p.  6q.  —  GjHu  Chnjlunj. 
éd.  Palmé,  t.  XI,  col.  774. 


PL  8 


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ORDLN'ATION    DORDERIC   VITAL  (Gouache  de  Léon  Lederc). 


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SCEAU   DE    L'ÉVtQUE  ARNOUL 


PORTR.\IT   DE   MARIN    BOURGEOIS 


LA  CATHÉDRALE  ROMANE  13 

C  eft  dans  la  cathédrale  romane  que  le  grand  hiftorien  normand  Orderic 
Vital  reçut  le  sous-diaconat.  Lui-mèine  nous  a  raconté  ce  grand  événement 
de  sa  vie  monaftique.  Un  peintre  d  Honfleur,  M.  Léon  Leclerc.  vient  de  nous 
en  donner  une  curieufe  reflitution. 

Au  printemps  de  lOQi,  Orderic  quitte  l'abbaye  de  Saint-Evroul  et 
laifTe  entrouverts,  sur  le  large  pupitre  de  chêne,  les  manufcrits  sur  velin  où 
ses  maîtres  lui  apprennent  à  travailler.  En  compagnie  de  plufieurs  religieux 
et  de  Serlon.  1  abbé  du  monaflère.  le  jeune  homme  vint  jufqu  à  la  cité  épis- 
copale.  Le  i  ^  mars,  dans  la  matinée.  1  évèque  Gilbert  Maminot.  revêtu  d  une 
chafuble  aux  plis  larges  et  ondoyants,  la  crolTe  en  main,  entouré  de  quelques 
clercs.  adreiTe  la  parole  aux  ordinants...  Orderic  s  agenouille  avec  ferveur 
sur  les  dalles  du  sanctuaire  et  reçoit  pieufement  l'ordination  des  mains  de 
1  évèque'.  De  cette  antique  bafilique,  où  le  savant  chroniqueur  normand 
prit  à  1(3  ans  les  engagements  les  plus  solennels,  que  refte-t-il-  à  1  heure 
préfente.-'  Peu  de  chofes  sans  doute.  Les  deux  piliers  maiTifs  qui  ser\'ent  d  en- 
cadrement intérieur  à  la  porte  principale  pourraient  être  des  vertiges  de  cette 
églifse  du  XI*  siècle.  Les  moulures  de  ces  piliers  sont  riidimentaires.  les 
joints  très  larges  et  d  un  mortier  extrêmement  réfistant.  Sur  lune  des  alUses 
eft  gravée  une  croix  à  branches  égales  qui  reiîemble  beaucoup  à  une  croix 
de  confécration.  Quelques  archéologues  eftiment  que  les  deux  arcades 
cintrées  du  croifillon  Nord  pourraient  se  rattacher  à  la  même  époque. 

En  1804.  en  creufant  les  tranchées  du  calorifère,  dans  le  bas  de  la  nef, 
les  ouvriers  découvrirent  le  sol  de  la  bafilique  d  Herbert  et  une  partie  de 
son  pavage.  C  était  une  mofaique  assez  frufte.  compofée  de  petits  cubes  de 
marbre  de  Carrare,  de  porphyre,  d  ophite  et  de  pierres  de  diverfes  couleurs 
réunies  par  un  ciment  d  une  dureté  très  grande.  Pour  compofer  un  tel  pavage 
les  artifans  du  xi"  siècle  avaient  sans  doute  utilifé  des  débris  de  conftruc- 
tions  gallo-romaines.  Il  convient  de  remarquer  que  le  pavage  de  la  bafilique 
lexovienne  refTemblait  prefque  complètement  à  celui  de  féglife  élevée  par 
Childebert  P'  sur  1  emplacement  actuel   de  Notre-Dame-de-Paris. 

r.    Orderic  Vital,  éd.  Le  Prévost,  livre  V,  t.  H,  p.   31,  et  livre  XIII,  t.  V,  p.  13b. 


CHAPITRE     II 


LA    CATHÉDRALE    GOTHIQUE 


ÉTUDE  DESCRIPTIVE 


VANT  D  ABORDER  la  defcription  sommaire  de  la  cathédrale, 
il  semble  opportun  de  donner  une  idée  claire  et  précife  des 
caractères  elTentiels  du  style  ogival  auquel  elle  appartient. 
Tout  d  abord  il  convient  de  s  entendre  sur  le  sens  du 
mot  ogive.  Ce  n  est  pas  1  arc  brifé  ou  en  tiers  point.  Au 
moyen  âge.  le  mot  ogive  défigne  toujours  et  uniquement  les  nervures 
diagonales  placées  sous  les  voûtes  '. 

En  réalité,  trois  éléments  principaux  diftinguent  1  architecture  gothique 

I .  Comptes  de  la  Fabrique  de  la  Cathédrale  :  Du  lundi   i"  décembre  au  o.  les  maçons  tra- 
vaillent à  tailler  de  la  pierre  des  ogjyes  de  la  voidst,  par  Jean  Britoms,   1307. 


16  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

de  1  architecture  romane  :  la  voûte  sur  croisée  d  ogives.  1  emploi  des  arcs- 
boutants.  1  ornementation  naturalifte.  Avec  un  faible  effort  le  conftructeur 
de  la  belle  époque  ogivale  cherche  à  obtenir  un  effet  confidérable.  Une 
trouvaille  ingénieufe.  la  croifée  d  ogives,  marque  le  point  de  départ  de 
1  architecture  nouvelle. 

En  une  page  très  remarquée  des  hiftoriens  de  1  art.  un  écrivain 
normand.  Mlle  Louife  Pillion,  a  mcivcilleufement  analyfé  le  syftème  de 
l'architecture   gothique  : 

"  C  est  en  France  qu  il  faut  suivre  leffort.  tenace  et  divers  en  ses 
manifcftations,  des  architectes  du  moyen  âge  pour  arriver  à  voûter  en  pierre 
d'une  façon  durable,  élégante  et  logique,  le  plan  notablement  enrichi  de  la 
bafilique   romaine. 

'■'  Du  jour  où  cet  effort  commence,  il  n  ed;  plus  poffible  d  y  marquer 
des  temps  d  arrêt,  d  y  établir  des  divifions  arbitraires  :  il  ne  s  interrompra 
que  lorfqu  il  aura  trouvé  la  solution  définitive  du  problème.  Cette  solution 
réfide  dans  la  croifée  d  ogives,  armature  légère  et  solide,  élaffique  et  réfis- 
tante  qui  permet  de  répartir  et  de  divifer.  au  gré  du  conftiucteur.  les 
pouflées  qu  exerce  sur  les  supports  verticaux  d  un  édifice  la  malle  bombée 
d  une  voûte  de  pierre. 

"  Dans  les  compartiments  formes  par  cette  armature,  les  quartiers  de 
voûte  sont  bâtis  indépendants  les  uns  des  autres  :  aux  points  où  les  ogives 
ont  localifé  les  poufTées.  des  piliers  les  reçoivent.  Le  surplus  de  force  active 
qui,  s  exerçant  latéralement,  tendrait  à  faire  bafculer  les  supports  cfl:,  à  son 
tour,  recueilli,  comme  capté  au  dehors  de  lédifice  par  larc-boutant.  et  eft 
tranfmis  au  contrefort  qui  stabilife  définitivement  tout  le  syftème.  Ainfi  eff 
conftituée  une  sorte  de  membrure  qui  a  1  activité  latente  et  comme  la  flexi- 
bilité des  articulations  d  un  corps  vivant.  Les  murs,  dans  un  édifice  de  ce 
type,  resffent  utiles  en  tant  que  la  clôture,  ils  ne  sont  plus  indiipenlables 
pour  1  équilibre  et  la  solidité  ;  auffi  la  tendance  confiante  de  1  architecture 
nouvelle  scra-t-elle  de  les  ajouter,  de  les  "  tréforer  //  de  fenêtres,  jufqu  à 
n  en  faire  plus  que  d  immenfes  cloifons  vitrées  '.   >/ 


I  .  Mlle  Piliion  :   La  Sculpteun  frjuçjis  du  XIIl"  siècle.  Collection  Les  Mjitrcs  de  l'tArt, 
Paris,  s.  d. .  pp.    i  3  et   13. 


PI.  9 


L'ARCHITECTURE  GOTHIQUE  (Dessin  de  Géo  Lcftvrc). 


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LE   CHEVET   DU   CROISILLON   NORD    ET  LES   TOURS  i Dessin   de   M.    Vassal). 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  17 

L'aperçu  dont  le  lecteur  vient  de  prendre  connaifïance  n'eft-il  pas  un 
chef-d'œuvre  de  clarté  et  de  science  archéologique  ? 

A  la  même  époque  qui  vit  les  maîtres  d  œuvre  pofer  leur  voûte  sur 
des  arceaux  entrecroifés.  les  sculpteurs  et  les  tailleurs  d'images  s'attachèrent 
à  imiter  la  vie  réelle.  Ils  penfèrent  avec  raifon  que  les  plantes,  les  feuilles 
et  les  jolies  fleurs  qu'ils  rencontraient  chaque  jour  sur  leur  chemin  offraient 
affez  de  nobleffe  pour  orner  la  maifon  de  Dieu.  Au  lieu  de  repréfenter  des 
plantes  factices,  des  volutes  empRintées  à  1  art  antique,  ou  les  feuilles 
d'acanthe,  ces  fidèles  obfervateurs  de  la  nature  accrochent  aux  chapiteaux 
les  feuilles  élargies  du  nénuphar,  celles  du  chêne,  les  pétales  de  la  rofe  ou 
la  fougère  enroulée  sur  elle-même.  A  mefure  que  leur  talent  s'aflouplit,  les 
sculpteurs  s'attachent  à  imiter  des  végétations  plus  complexes.  Après  avoir 
détaillé  et  reproduit  les  végétaux  et  les  animaux,  ils  s'efforcent  d'interpréter 
les  formes  vivantes  du  corps  humain.  La  raideur  hiératique  et  la  gaucherie 
de  la  statuaire  romane  s  effacent  peu  à  peu  et  laiffent  le  champ  libre  à  des 
créations  d'une  beauté  supérieure.  Le  modelé  s  accentue,  les  phyfionomies 
s'animent,  expriment  un  caractère  et  des  sentiments.  Les  geftes  deviennent 
moins  embarraffés  et  plus  naturels. 

Dans  un  ouvrage  récemment  écrit  pour  préfenter  au  public  la  synthèfe 
de  l'art  normand,  M.  le  chanoine  Porée  affure  que  dans  notre  vieille  pro- 
vince la  statuaire  n  efi:  pas  inférieure  à  larchitecture. 

«  On  a  volontiers  reconnu  aux  Normands  la  qualité  de  grands  bâtis- 
seurs, mais  généralement  on  leur  refufe  celle  de  sculpteurs  et  de  statuaires. 
Cette  dernière  affertion  ne  nous  parait  pas  juftifiée.  A  Lifieux,  certains  cha- 
piteaux de  la  nef.  les  portes  de  la  façade,  les  deux  enfeux  du  tranfept  Nord 
révèlent  un  goût  délicat  ' .  » 

L'étude  de  la  cathédrale  lexovienne,  de  ses  sculptures  sur  pierre  et  sur 
bois,  nous  permettra  de  souligner  la  vérité  de  cette  appréciation. 

L'EXTÉRIEUR 


Dédiée   à    l'apôtre    saint   Pierre,    la    cathédrale    actuelle    repréfente    une 
X    latine.    Elle    eft    orientée    du   levant    au    couchant,   selon    1  ufage   des 

I.  Chanoine  Porée.  L'tArt  Noryndrid,  Paris,  Fontemoing,  in  8",  p.  20. 


i8  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

architectes  du  moyen  âge.  Le  plan  de  1  édifice  comprend  :  une  nef  de 
huit  travées  accompagnée  de  bas-côtés  en  Iiaifon  avec  une  série  de  cha- 
pelles ;  un  carré  de  tranfept  couronné  par  une  tour  quadrangulaire  :  deux 
croifillons  voûtés  de  trois  croifées  d'ogives  et  bordés  à  1  efl:  de  collatéraux: 
un  chœur  compofé  de  quatre  travées  droites  et  d  un  chevet  demi-circulaire. 
Sur  le  déambulatoire  s  ouvrent  trois  chapelles  rayonnantes  ;  celle  du  centre, 
dédiée  à  la  Vierge,  efl;  de  plus  vaftes  dimenfions  que  les  autres.  Quatre 
portes  principales  donnent  accès  dans  1  intérieur  de  1  édifice,  une  au  croi- 
sillon Sud.  trois  à  la  grande  façade.  Il  serait  à  souhaiter  que  le  portail  du 
bas-côté  Sud  fut  à  nouveau  livré  à  la  libre  circulation  des  fidèles,  et  le 
porche  correfpondant  débarraffé  des  objets  peu  séduifants  qui  1  encombrent 
depuis  une  dizaine  d  années. 

Les  dimenfions  principales  sont  les  suivantes  : 

Largeur  totale,   hors  œuvre  du   grand  portail   aux   contreforts  exté- 
rieurs de  la  chapelle  Notre-Dame   :    i  i  (  )  mètres. 

Largeur  de  la  nef  d  axe  en  axe  des  maîtres  piliers  :   S  m.   h"). 

Largeur  du  chœur,  d  axe  en  axe  des  piles  monocvlindriques  :  (S  m.  20. 

Hauteur  de  la  grande  nef  sous  clef  :    ig  m.   (f). 

Hauteur  sous  la  lanterne  :   2<)  m.   ()0. 

Si  Ion  compare  ces  dimenfions  à  celles  des  églifes  normandes  les  plus 
voifines.  on  conRatc  que  la  cathédrale  de  Bayeux  a  102  mètres  de  longueur 
totale  et  10  mètres  de  largeur.  Saint-Eticnnc  de  Caen  melurc  1  1^  mètres 
de  longueur  sur    i  1    m.    jo  de  largeur  d  axe  en  axe  des  piliers. 

La  pierre  calcaire,  dont  la  cathédrale  Saint-Pierre  c(\  conRruitc.  provient 
prcfque  entièrement  des  vaftes  carrières  des  Loges,  humble  hameau  situé 
dans  la  jolie  vallée  baignée  par  la  Touques,  à  une  faible  diflance  de  Saint- 
Martin-de-la-Lieue,  sur  la  route  de  Liheux  à  Livarot.  Les  pierres  les  plus 
résiflantes  et  les  plus  fines  ont  été  choilies  de  préférence  pour  les  socles  des 
larges  piles,  les  pierres  tendres  ont  été  réfervces  pour  les  parties  sculptées. 
En  général,  les  pierres  utililées  par  les  maîtres  maçons  sont  friables,  faciles 
à  tailler,  promptes  à   s  effriter  sous    faction    du    vent,   de    la   pluie    et  de  la 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR 


19 


gelée.   Aulfi.   à  l'heure  préfente,   divers  meneaux  de  feneftrages  et  certaines 
corniches  extérieures  sont-ils  très  endommagés. 


FAÇADE   OCCIDENTALE. 


7-      M  ^-^^ 


Cette  façade  s  élève  sur  un  perron  de  dix-huit  degrés  refait  en  1866. 
Le  palier  efl:  large  ;  1  agencement  des   marches  difpofées   en  angle  vif.   sans 
entraver  la  circulation,  rend  au  clergé  les  plus  appréciables  serv'ices  dans  les 
grandes  solennités.  Le  jour  de  la  première  commu- 
nion, rien  n'eft  repofant  comme  de  voir  les  fillettes, 
enveloppées  dans  leur  voile   blanc,    defcendre  lente- 
ment  les   degrés   de    granit,    dont   les   teintes   com- 
mencent à  s  harmonifer  avec  les  couleurs  rembrunies 
de  la  façade. 

La  façade  se  diftingue  par  son  ample  et  noble 
simplicité.  Quatre  contreforts  surmontés  d  un  fron- 
ton triangLilaire  et  décorés  d'arcatures.  de  niches  et 
de  dais,  en  marquent  les  divifions  verticales.  Ces 
niches  abritaient  des  statues.  La  porte  centrale, 
tracée  en  arc  brifé,  a  perdu  sa  riche  décoration,  son 
hnteau  et  son  trumeau,  auquel  s  adoflait  peut-être 
une  statue.  Un  bas-relief,  repréfentant  probable- 
ment le  Jugement  dernier,  recouvrait  le  tympan 
à  trois  lobes,  senfiblement  plus  bas  que  la  grifaille 
actuelle. 

Il  efl:  facile  de  se  rendre  compte  de  la  dimenfion  précife  des  anciennes 
baies,  car  les  deux  petites  portes  ont  été  encadrées  dans  la  porte  moderne. 
Leurs  ferrures  ont  été  refpectées.  Dans  lembrafure  de  la  porte  reftent  quel- 
ques socles  de  colonnes  recouverts  de  fleurs  de  lys  et  de  feuillages  de  vigne. 
Ces  sculptures  sont  à  comparer  avec  celles  des  chapiteaux  du  porche  inté- 
rieur. Le  30  novembre  1808  la  foudre  endommagea  cette  partie  de  l'édi- 
fice. Pour  rendre  le  portail  «  plus  propre  »,  les  marguilhers  et  le  curé, 
M.  Blondel,  décidèrent  de  faire  enlever  les  fragments  de  sculptures  refl:és 
soit  dans   les  voufTures.    soit   sur  le   tympan.    Les   parties   lifles   reçurent  un 


mmàM 


Fig.    2.    —    Vue   de    la   Cathédrale 
d'après  un  calendrier  de   1852. 


20  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

décor  dans  le  goût  de  1  époque,  c'eft-à-dire  des  peintures  rouge,  brun  et 
vert  du  plus  pitoyable  effet.  L  étroit  pilier  qui  séparait  les  deux  vantaux  de 
la  porte  fut  supprimé,  soit  que  la  foudre  1  eût  endommagé,  soit  qu  il  gènàt 
le  paflage  du  dais  dans  les  proceffions. 

Il  eft  intéreffant  de  savoir  que  parmi  les  sculptures  du  portail  figuraient 
les  signes  du  zodiaque  et  les  quatre  Evangélifles.  Dans  une  lettre  qu  il  écrit 
à  dom  Bernard  de  Montfaucon.  religieux  de  Saint-Germain-des-Prés.  à 
Pans,  un  bénédictin  de  l'abbaye  du  Bec,  dom  Profper  Taffin.  s  exprime 
ainfi  :  ^f  Je  me  souviens  d'avoir  remarqué  au  portail  de  1  églifc  cathédrale 
de  Lifieux  les  quatre  Evangéliftes  qui  ont  les  tètes  des  quatre  animaux, 
sous  la  figure  dcfquels  on  croit  que  1  Ecriture  nous  les  défigne.  Saint  Jean, 
par  exemple,  a  une  tète  d  aigle,  etc.  S  il  efloit  queftion  d  cglifes  et  d  églifes 
anciennes,  votre  révérence  sçait  qu  on  n  en  trouve  point  de  plus  magnifique 
qu'en  Normandie  '.  >/ 

Vraifemblablcment  les  Evangéliftes  entouraient  un  Chrift  en  majefté 
sculpté  sur  le  tympan.  Avant  les  outrageantes  et  inguériffables  mutilations 
de  la  Révolution,  l'un  des  portails  de  Saint-Taurin  d  Evreux  offrait  au 
regard  un  thème  décoratif  analogue.  Le  bénédictin  normand.  Louis  Le 
Monnicr.  signale  le  fait  en  ces  termes  :  n  Au-deffous  de  plufieurs  cintres 
ornez  de  beaucoup  de  figures  eff  un  Sauveur  beaucoup  plus  grand  que  le 
naturel,  affis.  qui  donne  la  bénédiction  d  une  main  et  de  la  gauche  tient 
une  grande  croix  au  haut  d  un  bâton,  son  auréole  eff  comme  une  croix 
patéc  ;  ce  Sauveur  cil:  accompagné  de  cette  difposition  *  •  *  des  quatre 
Evangéliffcs  de  grandeur  humaine,  affis,  qui  tiennent  chacun  un  pupitre 
et  qui  regardent  le  Sauveur,  mais  ces  quatre  Evangéliffes  ont  sur  des 
corps  humains  des  tètes  le  premier  d  un  homme,  le  second  a  la  tète  d  aigle, 
le  troisième  d  un  lion  et  le  quatrième  d  un  bœuf',   a 

L  état  de  lieux  dreffé  le  2<)  février  l  /N  j.  peu  après  le  décès  de  Mgr  de 
Condorcet.  laide  suppofer   qu  il   n'y  eut  jamais  de    statues  entre  les  colon- 

1.  Lettre  du  1  S  juillet  ly^u.  l^c\uc  Bcncdictinc,  année  ii)i  i,  p.  200.  —  Georges  Huard. 
Qu^elqucs  Lettres  de  Bcncdictim  nomunds.  dans  Bdiocjna,  10 12.  pp.  2(14-28-;.  Les  signes  du 
zodiaque,  comme  à  Chartres,  devaient  remplir  I  une  des  voulTures. 

2.  Lettre  de  Fr.  Louis  Le  Monnier  j  Montfjucon,  2.}  septembre  1721).  Bibliothèque  Natio- 
nale Ms  fr.    17,  70(),  F"  174. 


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LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  21 

nettes  du  grand  portail  :  «  Nous  avons  remarqué,  dit  l'architecte  diocéfain, 
qu'il  manque  au  grand  portail  huit  colonnes  de  pierre  avec  leurs  bafes, 
dont  quatre  de  7  pouces  de  diamètre  sur  huit  pieds  de  haut,  non  compris 
les  chapiteaux.  Les  quatre  autres  de  4  pouces  de  diamètre  '.  »  Comme  les 
deux  portes  voifines,  celle  du  milieu  avait  ses  vouflures  supportées  par  un 
double  rang  de  colonnettes  entièrement  dégagées.  Le  portail  occidental  de 
Notre-Dame  des  Andelys  et  de  l'églife  d'Eu  permettent  de  se  faire  une 
jufte  idée  de  1  ébrafement  du  portail  quand  il  était  dans  toute  sa  splendeur. 

La  statue  de  grandeur  naturelle  adoiTée  naguère  au  trumeau  repréfen- 
tait  probablement  le  patron  de  la  cathédrale  :  saint  Pierre.  Le  12  sep- 
tembre 1560  «  lymagier  Eftienne  reçut  une  légère  rétribution  pour 
avoir  faict  une  main  à  1  ymaige  sainct  Pierre  du  portail  de  l'églife'  ». 

Au-deiTus  de  la  porte  que  nous  venons  de  décrire  s'ouvre  sous  une 
profonde  archivolte  portée  par  six  colonnettes  une  immenfe  fenêtre  à  trois 
meneaux  feuillages.  Le  même  parti  architectural  se  retrouve  à  Sens  et  à 
Noyon.  à  Saint-Pierre-sur-Dives,  ainfi  qu  aux  cathédrales  de  Bayeux  et  de 
Coutances.  A  Lifieux,  le  tracé  du  remplage  et  sa  décoration  tourmentée 
laiiTent  suppofer  une  reprife  du  xvf  siècle.  En  1849,  l'architecte  des  Monu- 
ments hiftoriques  fit  démolir  et  reconftruire  entièrement  la  fenêtre.  M.  Danjoy 
a  dû  la  rétablir  telle  qu'elle  exiftait  lors  des  travaux  et  non  d'après  sa  forme 
primitive. 

Depuis  1776  une  horloge,  dont  le  cadran  eft  bien  vifible  sur  les  gravures 
anciennes,  dominait  la  fenêtre'.  Œuvre  d'Andrieu,  de  Bonneville-la-Louvet, 
cette  horloge  exifte  encore.  En  1842  elle  fut  cédée  par  la  fabrique  à  la  ville  de 
Lifieux  à  charge  par  le  Conseil  municipal  de  veiller  à  son  entretien.  «  La 
commune  fera  conduire  l'horloge  avec  une  grande  régularité'*  de  sorte  qu'elle 
marche  conftamment  et  qu'elle  sonne  les  heures,  les  demies,  les  quarts  et 
demi-quarts.  » 

Depuis  1852,  une  galerie  fort  simple  rehe  les  deux  tours.  C'efl;  de  ce 

1.  Procès-verhdl  des  Domaines  de  l'Evêché  Le  Lifeiix  17S4,  pièce  appartenant  à  la  Biblio- 
thèque de  Lifieux. 

2.  Abel  Doynard  :  Comptes  1  ^^^ç-i ^60.  Archives  du  Calvados. 

3.  L'Horloge,  dans  journal  Le  Normand,  g  juillet  1870. 

4.  Délibérations  de  la  Fabrique  de  Saint-Pierre  de  Lifieux,  3  avril  1842. 


22 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


balcon,  protégé  par  une  baluflrade  trilobée,  que  les  enfants  de  la  maitrife  Saint- 
Pierre  chantent  à  Pâques  fleuries,  au  retour  de  la  procefTion.  la  douce  et  grave 
mélodie  du  Gloria  Laus  ' .  La  terrafle  située  entre  les  tours  sert  de  point 
d'attache  à  deux  gargouilles  au  long  cou.  Elles  repréfentent  des  monftres 
hybrides.  L  exprefTion  de  ces  chimères  efl:  vraiment  curieufe.  Si  elles  n  étaient 
retenues  par  leurs  lourdes  ailes  de  pierre,  il  semble  qu  elles  s  élanceraient, 
prendraient  leur  vol  et  emporteraient  bien  loin  la  proie  qu  elles  tiennent 
sous  leurs  griffes  puilTantes. 

Un  ange  sonnant  de  la  trompette  sert  d  amortiflemcnt  au  gable. 

Les  deux  portes  latérales  encadrent  bien  le  portail  principal.  Elles  pré- 
sentent, d  ailleurs,  le  même  as- 


pect   gênera 


1.  L 


es   touriites   et 


ift( 


les  archéologues  s  arrêtent  plus 
volontiers  devant  la  porte  du 
bas-côté  Sud  (fig.    "î). 

Cette  belle  ouverture  efl 
entourée  de  trois  archivoltes  à 
reflauts,  repofant  sur  des  co- 
lonnettes  dé"[ao;ées.  Dans  la 
vouflure  médiane  courent  des 
feuillages  ajourés  du  plus  gra- 
cieux effet.  Deux  remarquables 

fitrurines    les  soutiennent.   Au 
n 

sommet  de  la  dernière  archivolte,  deux  oifeaux.  étudies  d  après  nature, 
becquètent  des  raifins.  On  les  croirait  vivants. 

Aux  chapiteaux  des  colonnettes  formant  claire-voie  s  accrochent  des 
feuillages  nerveux  et  fins.  Sous  1  arc  trilobé  du  tympan,  se  drelTait  une 
stcftue  dont  le  dais  seul  a  été  épargné. 

Au  dire  de  Ruskin  :  '^  1  entrée  sud-ouefl  de  la  Cathédrale  de  Lilieux 
efl:    une   des   portes   les   plus  originales  et    les   plus   intéreffantes   de   la    Nor- 


Pig.  V         Détail  du  portail  Uu  ba^-colc  5uJ 


I  .  "  A  Lificux,  c'est  au-dclTiis  du  portail  de  rci;lifc,  entre  les  deux  tours,  en  un  endroit 
de  li  vuli^aircment  appelé  "  Gloria  Las  «  que  les  enfants  de  choeur  et  les  niuficicns  chantent  le 
GlortJ  Laus.  «  Dom  Claude  du  Vert  :  Explicjtion  des  ccrcmonies  de  l'Eglife,  2'  édition.  Pans, 
170Q,  tome  II,   p.   1)7.   Compte  d\Ahel  Doyiurd  /^>y.   *  travaux  du  coflé  du  Gloria  Laus.  * 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  23 

mandie.  »  Le  couronnement  du  portail  avec  ses  rofaces,  trèfles,  quatre- 
feuilles  gravés,  fournit  à  1  archéologue  anglais  l'occafion  d'un  deflin  sché- 
matique vraiment  suggeftif  et  de  remarques  non  moins  intéreflantes  sur  les 
principes  décoratifs  affectionnés  des  Normands  :  pénétrations  des  moulures, 
interfection  d  arcs  brifés.  emploi  des  médaillons  géométriques.  J.  Ruskin 
reproche  à  l'architecte  de  Lifieux  d'avoir  ajufté  avec  trop  peu  de  correction 
les  motifs  sculptés  avant  la  pofe.  L  ordonnance  du  portail  en  souffre  un 
peu,  encore  que  '^  la  compofition  tout  entière  se  préfente  dune  façon 
exquifement  pittorefque  et  riche  d'étranges  effets  de  clair  et  obfcur,  «  the 
whole  difpofition  exquifitely  picturefque  and  full  of  strange  play  of  light 
and  shade  ' .  » 

La  porte  latérale  du  bas-côté  Nord  efl:  moins  heureufement  encadrée 
par  les  contreforts  à  caufe  de  la  proximité  de  lancien  palais  épifcopal.  En 
1842  et  1843  le  portail  nord  fut  prefque  entièrement  renouvelé  à  caufe  de 
l'impnidence  des  maçons  qui.  en  travaillant  à  lancien  évèché,  sectionnèrent 
par  mégarde  le  soubaffement.  Prefque  toute  la  sculpture  a  été  refaite  à 
cette  époque. 

Larchitecte  M.  Danjoy  a  cependant  laiffé  quelques  veffiges  de  lorne- 
mentation  ancienne  afin  de  permettre  la  comparaifon  entre  la  sculpture 
primitive  et  la  nouvelle.  Plufieurs  chapiteaux  finement  ouvragés  repréfen- 
tent  des  oifillons  voletant  sur  la  feuillée.  des  souris  grignotant  des  grappes 
de  raifin.  des  boucs  rongeant  1  extrémité  des  branchages,  une  grenouille  se 
balançant  sur  une   plante  d  une  belle  fraîcheur. 

Eft-il  befoin  de  faire  remarquer  que  linfluence  normande  a  laiflé  une 
profonde  empreinte  sur  toute  la  façade,  dans  les  médaillons  trèfles  ou  qua- 
drilobés.  dans  le  tracé  excefTivement  pointu  des  arcs  brifés.  dans  la  difpo- 
fition en  claire-voie  des  colonnettes  des  ébrafements,  dans  la  dimenfion 
amplifiée  et  les  gorges  feuillagées  de  la  grande  fenêtre,  dans  la  multiplicité 
des  arcatures  purement  décoratives,  tous  détails  qui.  vifiblement,  procèdent 
de  l'école  régionale.  A  la  cathédrale  de  Séez,  à  labbaye  d'Ardennes,  près 
Caen,  à  Ussy,    au  portail  Saint-Jean  de  Notre-Dame  de  Rouen,  le  plan  et 

I.  John  Ruskin  :  The  Seven  Lamps  of  .Architecture.  in-8°,  London  :  G.  Routhedge  et 
Sons  Limited.  New-York  :  E.-P.  Dutton  et  C",  pp.  97  et  98. 


24  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

les    formes   ornementales    ne    sont-ils   pas    interprétés    d'une    façon    prefque 
identique  r' 

LES    TOUI{S. 

La  façade  c(\.  surmontée  de  deux  clochers  d'inégale  élévation  et 
d'inégale  beauté.  Le  corps  carré  des  tours,  senfiblemcnt  plus  large  que  les 
bafes.  déborde  partiellement  sur  le  pignon  central.  Autant  la  tour  du  Nord 
eft  élégante,  autant  sa  voifine  parait  sévère  et  lourde.  Lune  date  de  la 
belle  époque  gothique,  du  xiu'  siècle,  et  l'autre  malgré  son  afpect  roman 
ne  remonte  qu'au  xvi'  siècle.  Dans  la  magnifique  conférence  qu  il  a 
confacrée  aux  clochers  de  façade  et  aux  tours  lanternes  du  Calvados. 
M.  Eugène  Lefèvre-Pontalis  a  fait  obferver  que  '^  1  ancien  évêché  de  Lifieux 
avec  SCS  triftes  flèches  recouvertes  d'ardoifes  ne  poiTède  que  trois  tours 
remarquables,  celles  de  sa  cathédrale'   >/. 

Ld  Tour  du  TNord  se  dreHc  à  quarante  mètres  au-delTus  du  niveau  de 
la  place  Thiers.  Cette  superbe  tour  aux  lignes  impeccables  eft  un  pur  chef- 
d'œuvre  d'élégance,  de  simplicité  et  d  harmonie.  Elle  s'appuie  sur  un  socle 
en  glacis  recouvert  d  imbrications.  Sur  chaque  face  du  corps  carré  s  ouvrent 
deux  lancettes  refendues  en  deux  ouvertures  secondaires  par  une  fine  colon- 
nette  aux  chapiteaux  épanouis  en  croffes  végétales.  Suivant  1  habitude  des 
architectes  normands,  l  allonirement  de  ces  baies  géminées  eft  très  confidé- 
rable.  Elles  sont  encadrées  d  arcatures  en  tiers-point.  Une  suite  de  quatre- 
feuilles  gravés  tapirTcnt  les  écoinçons.  Des  colonnes  d  angles  viennent  adou- 
cir les  arêtes  du  corps-carré.  Cette  difpofition  a  des  analogues  dans  quelques 
édifices  de  la  réiiion.  notamment  à  Saint-Pierre-sur-Divcs.  à  la  cathédrale 
de  Bayeux  (clocheton  du  tranfept).  à  Bazcnvillc.  Bernières  et  Ifs. 

Des  lofangcs  cun'ilignes  ornent  le  bandeau  qui  supporte  la  toiture  à 
quatre  pans.  lout  porte  à  croire  que  le  clocher  Nord  n  a  jamais  reçu  de 
couronnement  en  pierre.  La  légende  s  cft  efforcée  de  donner  à  cette  ano- 
malie une  explication.  Cette  légende,  rédigée  au  xvi'  siècle  et  remife  en 
vogue  vers  iS  jo.  a  pu  satiiFaire  1  imagination  populaire,  toujours  avide  de 
détails  pittorcfques.   En  réalité  elle  c(\  dénuée  de  toute  vrademblance  '. 

1.  Congrès  tArchcologiqiic  de  itu>s,  t.  II.  p.  (>^2. 

2.  lAlmdtxdch  de  Lifieux. 


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12 


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Cl.  des  Monuments  historiques. 


PORTAIL  DU    BAS-COTE  SUD 


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LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  25 

La  partie  de  la  tour  Nord  enclavée  dans  l'ancien  palais  épifcopal  offre  un 
intérêt  archéologique  exceptionnel.  En  effet,  de  ce  côté,  le  second  étage  de 
la  tour  comporte  une  décoration  d'une  richeffe  surprenante.  La  cathédrale 
servait  de  mur  de  fond  à  une  vafte  salle  gothique  où  l'évêque  de  Lifieux 
recevait  ses  hôtes  de  marque  et  son  nombreux  clergé  dans  les  circonftances 
solennelles  '.  A  en  juger  par  les  vertiges  refpectés  par  le  temps  et  les  hommes, 
la  salle  gothique  surpaffait  en  beauté  les  parties  les  plus  ornées  de  la  cathé- 
drale elle-même.  Des  arcatures  décoratives  d'un  joli  travail  s'alignent  tout 
le  long  de  la  muraille.  Des  rofaces  profondément  fouillées  rempliflent  les 
tympans.  Les  archivoltes,  très  moulurées,  comportent  une  série  de  gorges 
bien  accufées.  Les  chapiteaux  revêtent  leur  corbeille  de  feuillages  traités  au 
naturel.  Le  bandeau  fleuri  qui  réunit  les  arcatures  semble  soulevé  par  un 
vent  affez  vif  Parmi  les  feuilles  qui  friffonnent  se  détache  une  tête 
d'homme.  Evidemment,  toutes  les  sculptures  furent  exécutées  avant  la  pofe, 
car  certains  médaillons  n'ont  point  trouvé  la  place  exacte  qui  leur  conve- 
nait. Sachant  parfaitement  que  les  invités  des  évèques  arrêteraient  volontiers 
leurs  regards  sur  le  mur  de  fond  de  la  salle  gothique,  le  maître  d'œuvre 
du  xiii^  siècle  mit  tout  son  talent  à  1  embellir.  Les  dévots  de  la  cathédrale, 
défireux  de  juger  par  eux-mêmes  l'ornementation  végétale  qui  nous  occupe, 
devront  gagner  les  greniers  du  Palais  de  Juftice.  La  vifite  achevée,  une  autre 
surprife  les  attend,  à  condition  de  s'aventurer  jufque  sous  les  combles  de 
l'aile  établie  en  bordure  de  la  place  Thiers.  Un  efcalier  de  trois  ou  quatre 
marches  y  donne  accès.  Sous  cet  efcalier  régnent  encore  des  arcatures  déco- 
ratives toutes  pénétrées  de  la  tradition  normande.  A  quelle  conftruction 
appartiennent  ces  membres  d  architecture  ?  Eft-ce  à  la  cathédrale  ?  Eft-ce  au 
palais  épifcopal  ?  Nous  laiffons  à  de  plus  habiles  que  nous  le  soin  de  réfoudre 
ce  problème  troublant  (fig.  4). 

Ld  Tour  du  Sud.  Une  maçonnerie  ancienne  renforcée  par  des  cordons 
de  briques  très  larges  sert  en  partie  de  soubaffement  à  la  tour  du  Sud. 
Quelques  pierres  dures  et  réfiftantes  protègent  et  encadrent  cette  subffruc- 
tion  gallo-romaine,  la  défignant  à  l'attention  des  vifiteurs. 

Viollet-le-Duc   a  remarqué  que  plufieurs  cathédrales  furent  édifiées   sur 

I.  Archives  du  Calvados.  Comptes  de  la  Fabrique,  parj.  Britoms,  28  avril  au  3  mai  1505. 

4 


3b 


SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 


remplacement  des  bâtiments  dépendant  à  1  origine  du  domaine  public 
romain.  Cette  obfervation  ne  s'applique-t-elle  pas  à  léglife  Saint-Pierre  ? 
Les  patientes  inveftigations  de  MM.  Bouet.  A.  de  la  Porte,  de  Formeville. 
H.  et  A.  Moify,  A.  Pannier.  Ch.  VafTeur  et  Raymond  Lantier  ont  établi 
d  une  façon  certaine  que  le  Lifieux  d'aujourd  hui  était  habité  au  iv'  siècle. 


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Pig    4  Arcatures  de  la  salle  gothique. 

L  emplacement  sur  lequel  se  drelTc  la  cathédrale  semble  bien  avoir  fait 
partie  de  1  enceinte  militaire  gallo-romaine.  Les  murs  retrouvés  au  moment 
de  la  condruction  de  la  Banque  de  France  et  de  IHôtel  des  Portes  confir- 
ment pleinement  cette  suppolition   . 

I.   K.  Laïuicr  :  Lideux  L;allo-ronuin  dans  Etuda  Lexoxienties,  I.  i  «t  i  s ,  Cacn.  Jouan.  in-4'\ 
pp.  <>.\  et  (*v  —  Ch.  Vasscur  ;  Bullrtm  .\fonumentjL  t.  XXVI.  iSSo.  pp.  -,  M-'îaa. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  27 

Il  eft  vraifemblable  que  primitivement  les  corps  carrés  des  clochers 
préfentaient  la  même  silhouette  élégante,  les  mêmes  baies  allongées,  le  même 
remplage.  L  élancement  démefuré  des  grandes  ouvertures  aura  donné  des 
inquiétudes  pour  la  solidité  de  la  tour  Sud.  Au  xvi^  siècle.  1  architecte  de  la 
cathédrale  aura  recoupé  les  feneftrages  du  xiii^  siècle  par  trois  baies  en  plein 
cintre  séparées  par  des  meneaux  imbriqués.  Ces  traverfes  jouent  le  rôle 
d'étréfillons  ;  larges  et  puiflantes.  elles  sont  capables  de  réfifter  au  poids 
énorme  que  le  maitre  d 'œuvre  voulut  leur  impofer.  Ce  n  eft  là  qu'une 
hypothèfe.  mais  bien  plaufible  et  propofée  par  des  archéologues  diftingués, 
spécialement  par  MM.  Lefèvre-Pontalis  et  Serbat'.  La  décoration  des  écoinçons 
des  baies  supérieures,  les  colonnes  d  angle,  les  longues  arcatures  d'encadre- 
ment confirment  cette  ingénieufe  explication  et  semblent  indiquer  que  la  tour 
Sud  fût  bâtie  sur  le  modèle  de  sa  voifine.  L'hiftoire  locale  nous  apprend 
d'ailleurs  qu  en  1367  et  plus  tard,  en  14'^').  la  tour  méridionale  mena- 
çait ruine.  La  pierre  s'effritait,  certains  défordres  s  étaient  produits  dans  la 
conftruction.  des  caflures.  puis  des  lézardes  sérieufes  apparaifTaient  autour 
des  longues  baies  du  xiii^  siècle.  Vers  la  fin  d'octobre  1483.  maçons  et 
charpentiers  préparèrent  un  syflème  allez  complexe  d  étréfillonnements  defiiné 
à  enrayer  la  pouffée  latérale  des  murs.  A  cet  effet.  '^  1  horlogier  et  serrurier  » 
de  Saint-Jacques  entoure  les  quatre  angles  de  la  tour  de  vigoureux  cercles 
en  fer.  La  pouffée  verticale  de  la  pyramide  eft  neutralifée  à  laide  d'énormes 
piles  de  bois  difpofées  sous  la  partie  supérieure  des  fenêtres.  Malgré  cette 
armature  tant  intérieure  qu'extérieure.  1  évèque  Etienne  Bloffet  de  Carrouges 
et  le  chapitre  de  la  cathédrale  ont  encore  des  inquiétudes.  Le  soutènement 
leur  parait  infiaffisant.  une  confultation  d'hommes  compétents  est  décidée. 
Le  24  mai  1487  trois  charpentiers  de  renom  :  Jehan  le  Menefchier,  Jehan 
le  Saulnier.  Thomas  Leportiers.  après  avoir  examiné  la  «  haulte  tour  ». 
réclament  en  effet  de  nouvelles  mefures  de  sécurité,  sinon,  en  cas  de  catas- 
trophe, les  cloches  pourraient  être  totalement  brifées. 

A  la  suite  de  ces  recommandations,  une  épaiffe  voûte  de  bois  fut  jetée 

I .  M.  de  la  Rocque,  architecte  de  la  Cathédrale,  eftimait  au  contraire  que  la  tour  du  Sud 
avait  dès  l'origine  des  baies  en  plein  cintre  sur  chaque  face.  Cette  opinion  eft  partagée  par  plu- 
sieurs érudits  lexoviens  bien  au  courant  des  difcufllons  hiftoriques  t\  archéologiques  soulevées 
par  l'étude  de  la  cathédrale  Saint-Pierre. 


28  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

sur  le  beffroi.  Au  cas  où  le  clocher  viendrait  à  s  écrouler,  la  magnifique 
sonnerie  refterait  indemne.  Les  événements  devaient  montrer  la  haute  sageffe 
de  cette  prévifion  des  charpentiers  lexoviens. 

Le  I  ()  mars  1533,  veille  de  la  fête  Saint-Patnce.  vers  quatre  heures  de 
l'après-midi,  "  là  grande  tour  de  pierre  en  forme  de  pyramide  ejloit  tombée 
et  dvoit  rumé,  gajié  et  dèmoly  partie  de  la  di6ie  églife  //.  Un  témoin  ocu- 
laire. Pierre  Levefque.  nous  a  détaillé  les  cruelles  conféquences  de  la  chute  du 
clocher  Sud.  Si  le  récit  n  est  pas  très  coloré,  il  a  du  moins  le  mérite  de  la 
précifion.  Au  jour  le  jour  le  diligent  fabnquier  de  Saint-Pierre  marque 
confciencieufcment  1  état  de  la  dépenfe. 

Dans  sa  chute,  la  flèche  Sud  endommagea  gravement  plufieurs  édifices 
voifins.  L'habitation  d'Adrien  Lehoux  fut  même  complètement  enfevelie  sous 
les  décombres.  Confcients  de  leurs  refponfabilité.  les  chanoines  s  empres- 
sèrent de  lui  procurer  une  autre  maifon. 

Les  porches,  les  trois  premières  travées  de  la  nef.  les  verrières  et  les 
voûtes  de  plufieurs  chapelles,  les  couvertures  et  quelques  arcs-boutants 
subirent  de  fâcheux  dommages.  Des  débris  de  toute  sorte  jonchaient  le  parvis 
et  le  dallage  du  vaifleau  central.  Des  morceaux  de  grifaille.  des  débris  de 
médaillons  et  de  bordures,  des  plombs  tordus  par  le  choc  craquaient  à  tout 
inftant  sous  les  pas. 

Huit  jours  après  cette  '-'  grande  et  importable  ruine  />  c  était  Pâques, 
la  plus  triomphale  de  toutes  les  fêtes.  En  ce  beau  jour,  la  plupart  des  Lexoviens 
tenaient  à  affister  à  l'office  pontifical.  Auffi  Meffieurs  du  chapitre  se  hàtèrent- 
ils  de  faire  déblayer  1  intérieur  de  '-'  leur  éizlife  //.  André  GofTct.  maitre- 
maçon,  et  une  équipe  de  manœuvres  se  mirent  réfolumcnt  à  1  œuvre.  Les 
solennités  pafcales  terminées,  les  charpentiers,  maçons,  couvreurs,  verriers 
commencèrent  les  réparations  indifpcniablcs.  Les  arcs-boutants  du  côté  du 
palais  épifcopal  furent  confolidés.  On  rcflaura  les  verrières  des  chapelles 
Saint-Denis  et  Saint-Michcl.  Dans  la  dernière  semaine  de  juin  les  travaux 
de  déblaiement  étaient  terminés.  Il  n  avait  pas  fallu  moins  de  douze  cents 
livres  pour  les  accomplir.  ' 

A  1  approche  de  1  hiver  il  importait    de  mettre  à   1  abri   des    intempéries 

I .  Compte  de  G.  Levefcjuc,   i'^'  novembre  i  s  s  ■  .1  mcmc  jour  i  s  s  i . 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  29 

le  corps  carré  de  la  tour.  Une  charpente  en  bois  et  une  couverture  de 
chaume  y  pourvurent  ;  même  pendant  les  plus  mauvais  jours,  les  ouvriers 
travaillèrent  avec  perfévérance.  arrivant  très  tôt,  repartant  très  tard.  Le 
7  novembre,  le  comptable  de  la  fabrique  verfe  au  cirier  ^r  par  dix  livres  de 
chandelle  pour  éclairer  aux  mâchons  >/.  Tous  ces  travaux  demandaient  du 
temps  et  beaucoup  d  argent.  Or,  la  fabrique  était  pauvre.  En  1383,  l'évêque 
Guillaume  d  Eftouteville  lui  avait  fieffé  environ  quatre-vingt-dix  livres  de 
rente.  Maigres  refïources  pour  entretenir  un  édifice  auffi  vafte  que  Saint- 
Pierre.  Depuis  13(17  il  y  avait  bien  à  lentrée  du  chœur  un  tronc  deftiné 
à  recevoir  les  offrandes  volontaires  des  fidèles  :  dans  les  années  heureufes 
ce  tronc  pouvait  produire  environ  quatre  livres  de  revenu,  somme  aflez 
modique.  Les  donations,  les  droits  sur  les  sépultures  et  les  infcriptions 
funéraires  ne  pouvaient  non  plus  fournir  de  bien  larges  subfides.  Le  prin- 
cipal bailleur  de  fonds,  c  était  1  évèque.  Il  est  curieux  de  conftater  que  le 
chapitre,  si  jaloux  et  si  fier  de  ses  prérogatives  dans  la  cathédrale,  n'était 
jamais  preflé  de  la  réparer  quand  elle  menaçait  ruine.  Très  au  courant  de 
ses  droits,  il  feignait  d  ignorer  ses  devoirs. 

Par  acte  paffé  le  2  i  décembre  i  5  3  *>  devant  Michel  Lailler  et  Olivier 
Carrey,  tabellions,  lévêque  Jacques  d'Annebault  confacre  son  fief  de  la 
Gouyère,  situé  à  Bonneville-la-Louvet,  à  la  réfection  de  la  tour'.  Le  souve- 
rain pontife  Paul  IV  daigna  stimuler  les  libéralités  des  Lexoviens  par  des 
indulgences.  Ces  pardons  et  jubilés,  de  155")  à  1559,  produifirent  environ 
six  cents  livres  ".  Des  quêtes  générales  eurent  lieu,  la  fabrique  reçut  quelques 
legs  ;  enfin,  après  de  longues  héfitations.  le  chapitre  confentit  également  à 
contribuer  aux  réparations  en  abandonnant  les  légères  redevances  que,  de 
temps  immémorial,  chaque  églife  et  chaque  paroiffe  lui  verfaient  à  l'époque 
de  la  Pentecôte. 

Avant  de  reconflruire  un  clocher,  il  convenait  d'abord  de  réparer  les 
dégâts  survenus  dans  les  voûtes.  Tel  fut  l'avis  unanime  de  l'évêque  et  des 
chanoines.  Les  dévaftations  des  Proteftants  devaient  retarder  jufqu'en  157Q 
la     réfection    de     la    flèche.    Pendant    vingt-deux   années,    les   maçons   s'y 

1.  Acte  originaL  Archives  départementales.  Fabrique  de  la  Cathédrale,  i'""  liasse. 

2 ,  Comptes  de  Pierre  Levesque  et  d'tAbel  Doynard  {isss  à  iss?). 


^,o  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

employèrent  aflez  irrégulièrement.  Il  eft  vrai  que  chaque  hiver  la  neige  et 
le  froid  obligeaient  les  ouvriers  à  1  inactivité.  En  158*^-  ^^s  sculpteurs  tra- 
vaillèrent la  rangée  de  quatre -feuilles  ajourés  qui  sert  de  baluftrade  au 
clocher.  Les  panneaux  de  pierre  pleine,  intercalés  entre  les  quatre-feuilles, 
reçurent  une  décoration  héraldique.  Au  début  du  xix'  siècle  des  perfonnes 
âgées  nommaient  encore  cette  baluflrade  :  la  galerie  des  armoiries.  Pour 
l'exécution  de  ce  travail  d'art,  le  chapitre  de  Saint-Pierre  se  mit  en  rapport 
avec  une  célébrité  lexovienne.  Mann  Bourgeoys.  dont  1  attachante  phvfio- 
nomie.  '^  l'induftrve  et  savoir  en  1  art  de  painture  //  ont  été  récemment 
mis  en  relief  par  M.  Georges  Huard  '.  Quels  blafons  précis  le  peintre 
esquiffait-il  sur  la  baluftrade  crénelée?  Il  eft  bien  difficile  de  le  savoir. 

Quatre  lourds  clochetons,  d  une  forme  inufitée.  contournent  la  flèche. 
dont  les  arêtes  sont  agrémentées  de  crochets  et  les  huit  pans  recouverts 
d  imbrications  de  faible  relief. 

En  i<)(>i  et  i<)()2  d  importants  travaux  de  reftauration  ont  été  exécu- 
tés sur  cette  partie  de  la  cathédrale,  sous  la  direction  éclairée  de  M.  de  La 
Rocque.  architecte  des  Monuments  hiftonques.  La  symétrie  de  1  échafau- 
dage établi  pour  la  circonftance.  sa  quafi-élégance.  sa  légèreté,  ont  été 
admirées  des  connaiHeurs. 

Pour  perpétuer  le  souvenir  de  cette  récente  reftauration.  une  plaque 
commémorative  a  été  placée  dans  la  corniche  de  la  tour  Sud  (façade  oueft). 
Sur  cette  plaque  en  plomb  a  été  gravée  l'infcnption  suivante   : 

"  La  tour  Sud  de  1  églife  cathédrale  Saint-Pierre  a  été  restaurée  en 
I  c)C)  I    et    I  ()(>':?. 

"  M.  Henry  Chéron.  étant  maire  ; 

"  M.   l'abbé  Ducellier.   curé-doyen  de  Saint-Picrre  : 

"  M.   Simon,   préfident   du   Conseil  de  fabrique  ; 

"  M.  de   La  Rocque.   architecte   en   chef  des   Monuments  hiftonques  : 

"  M.  Lucas,  architecte  infpecteur  ; 

"  M.   Prévoft.  entrepreneur.    // 


1.  Bulletin  Société  Hifloriipic  Lificux.    t q i  f ,  n'    2i).    pp.   ^  à  "î;. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTERIEUR  31 


LES  MURJ  LATÈF{AUX,  ^RCS-BOUTANTS  ^  CONTR^FORJS . 

Conftruits  en  moyen  appareil  les  murs  de  la  cathédrale  Samt-Pierre 
n'ont  guère  d  autre  ornement  que  les  légères  colonnettes  à  bagues  enca- 
drant les  fenêtres.  Le  tailloir  de  chaque  chapiteau  se  prolonge  en  cordon. 
La  toiture  s  appuie  sur  une  corniche  confiflant  en  une  tablette  saillante 
portée  par  des  corbeaux  de  faible  dimenfion.  Des  modillons  à  tètes 
étranges  efquilTent  de  plaifantes  grimaces  ou  bien  encore  semblent  faire  de 
prodigieux  efforts  pour  empêcher  la  corniche  de  s  abîmer  dans  le  vide. 
Comme  à  Laon  et  à  Noyon.  la  décoration  romane  aux  formes  circulaires 
se  retrouve  dans  ces  encorbellements,  spécialement  dans  les  annelets.  Le 
long  du  déambulatoire,  du  chevet  et  des  chapelles,  les  corbeaux  sculptés 
font  place  à  une  mouluration  horizontale. 

Pour  neutralifer  la  pouffée  latérale  développée  par  les  croifées  d  ogives, 
des  étais  obliques  aux  reins  puiflamment  maçonnés  viennent  épauler  les  arcs 
doubleaux  des  voûtes.  Les  arcs-boutants  prennent  leur  point  d  appui  d  une 
part  sur  de  solides  contreforts  et  d  autre  part  sur  une  colonne  à  demi 
engagée  dans  les  murs,  indice  certain  de  leur  ancienneté.  La  pouiTée  des 
voûtes  est  ainfi  progreffivement  tranfmife  au  sol  comme  par  une  cafcade 
de  pierre.  Afin  de  rendre  impoffible  le  gliffement  des  affifes  supérieures  des 
contreforts,  les  architectes  du  xix^  siècle  les  ont  chargées  le  long  de  la  nef 
de  petites  piles  surmontées  de  flèches  et  autour  du  chœur  et  du  chevet  d  un 
pinacle  fleuronné  (fig.  3).  La  plupart  des  glacis  des  arcs-boutants  sont 
tapiffés  d'imbrications.  De  chaque  côté  de  l'églife.  à  la  naiffance  de  la 
courbe  de  l'abfide.  s'élèvent  des  contreforts  plus  épais.  Ils  abritent  un  efca- 
lier.  Cette  particularité  eft.  selon  Viollet-le-Duc.  l'une  des  caractérifliiques 
des  cathédrales  de  Normandie  '.  Si  la  charpente  des  bas-côtés  efl  sans 
intérêt,  la  charpente  de  la  nef  et  des  croifillons  eO:  remarquable  :  elle  efl: 
compofée  de  chevrons  portant  ferme.  Primitivement,  des  tuiles  diverfement 

I.  Deux  tourelles  d'efcalier  analogues  s'obfervent  à  la  Trinité  de  Fécamp,  à  1  Abbatiale 
d'Eu,  à  Saint-Georges  de  Bofcherville,  à  lAbbaye-aux-Dames  à  Caen,  i  N.-D.  de  Rouen,  à 
Saint-Etienne  de  Caen.  Aux  cathédrales  de  Baveux  et  Coutances,  les  tourelles  sont  au  nombre 
de  quatre. 


32 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


nuancées  recouvraient  la  toiture  de  la  cathédrale.  Quand,  par  un  beau 
soleil,  on  fait  rafccnfion  de  la  tour  Sud.  il  neft  pas  rare  d'apercevoir 
des    scintillements    imprévus    et    charmants  :     ce    sont     d  anciennes    tuiles 

vernifTées  c|ui  provoquent 
les  mille  jeux  de  la  lu- 
mière. Lorfcjue  toute  la 
couverture  était  ainfi  co- 
lorée, c  était  une  vraie  fête 
des  yeux.  Les  verts,  les 
bleus  profonds,  les  rouges 
de  pourpre  s  harmoni- 
saient si  joliment  ! 

LE 
PORJAIL  DU  PARADIS. 

Le  porche  latéral  du 
croifillon  Sud  s  appelle 
'^portail  du  Paradis//,  sans 
doute  parce  qu  il  s  ouvre 
sur  la  petite  rue  de  ce 
nom.  Il  fut  certainement 
élevé  dans  le  dernier  tiers 
du  xii'  siècle  comme  il  est 
aifé  de  s  en  convaincre 
par  1  examen  attentif  de  la 
sculpture.  Quoique  allez 
dcfii^uré  par  des  refaçons 
et  des  remaniements  di- 
vers, ce  très  sévère  morceau  d  architecture  s  impofe  à  1  attention  des  ar- 
chéoloi^ucs.  Quand  un  habile  photoi^raphe  eHaïc  de  reproduire  le  portail 
du  croifillon  Sud.  à  son  grand  étonnemcnt.  1  image  obtenue  subit  toujours 
une  déformation  fort  prononcée.  Elle  est  inévitable  ;  elle  tient  au  monu- 
ment  lui-même.   Edifié  sur  un   terrain  mouvant,  à  proximité  de  l  enceinte 


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Piiiiclc  fleuronnc  du  chucur. 


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LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR  33 

militaire,    cette   façade   a   perdu   son   équilibre  et  s'eft  écartée   de   l'aplomb 
que  lui  donna  le  maître  primitif. 

Tout  au  bas  de  la  façade  s'ouvre  une  porte  entourée  de  trois  archi- 
voltes à  moulures  toriques.  Trois  colonnettes  saillantes  et  trois  fûts  en  délit 
rempliflent  l'ébrafement.  Des  crochets  ornent  les  chapiteaux,  Au-defTus  de 
la  porte,  court  une  double  rangée  d'arcatures  dont  l'archivolte  supérieure 
est  refouillée  de  palmettes  exquifes.  Des  bandeaux  peu  saillants  et  de  profils 
aflez  sobres  servent  de  ligne  de  démarcation  entre  les  deux  zones  décora- 
tives. Le  premier  regiftre  comporte  d'élégantes  lancettes  géminées:  le  second 
rappelle  davantage  les  procédés  de  la  période  romane.  L'heureux  avance- 
cement  des  arcatures  donne  de  la  légèreté  à  la  façade  et  remplit  agréablement 
l'auftère  nudité  du  mur.  Malheureufement  les  contreforts  d'angle  maffifs  et 
largement  empattés  projettent  trop  d'ombre  sur  l'ensemble  de  la  décoration 
et  alourdiflent  la  silhouette  générale  du  portail. 

Pendant  la    guerre    de    Cent  ans,  des    fortifications    protégées    par   des 
fofles    profonds  avaient  été  creufés    autour  de    la  cathédrale  et  du    manoir 
épifcopal.  En  cas  d'alerte,  les  habitants  de  Lifieux  et  des  faubourgs  venaient 
chercher  abri  et  protection  dans  cette  enceinte  flanquée  de  tours  et  de  case- 
mates '.  Les  folTés  pafiant  trop  près   du  portail  méridional  provoquèrent  un 
fléchissement  dans  les   fondations.  La  façade   surplombait   de  ^    centimètres 
par  mètre   sur    la   place  Saint-Pierre   (c'est-à-dire   sur  l'emplacement   actuel 
de.  la    rue  du  Paradis).   Pour  enrayer  cette   efi-rayante   poufTée    du  croifillon 
sud,    l'architecte    commença  par   combler   les    vafl:es   fofles    défenfifs.    Une 
grande  quantité  de  terres  apportée  en  toute  hâte   vint  confolider  le  soubas- 
sement du  portail.   Il  en   réfulta  un   notable  exhauffement  du   sol  extérieur. 
Au  lieu  de  monter  pour   entrer  dans  1  églife  de  ce  côté,  il  fallut  déformais 
defcendre  plufieurs  degrés.  Non  content  de  cette  surélévation  donnée  au  sol, 
Guillemot  de  Samaifon,  maiflre  maçon  de  l'églife  Saint-Jacques,  de  1488 
à  1506,  réfolut  d  épauler  la  façade  à  l'aide  de  vigoureux  éperons.   C  était  le 
seul  moyen  de  la  préferver  d'une  ruine  certaine.  Un  tel  expédient,  s  il  aflu- 
rait  la  stabilité  de  la  mafle,   devait  fatalement  compromettre  Iharmonie  des 


1 .  '<  Ou  quel  chaftel  le  peuple  de  la  ville  de  Lifieux  et  d'environ  a  accouftumé  soy  retrairc 
et  avoir  son  refuge  en  cas  de  néceffité  et  de  péril.  ;/  (Cdxt.  de  Thomas  Basin,  F"  6.) 


34 


SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 


lignes  d'architecture.  En  190g.  lorfque  le  miniftère  des  Beaux- Arts  a  renou- 
velé cette  partie  de  léglife.  en  dêmoliffant  l'extrême  pointe  des  contrefons. 
les  maçons  ont  retrouvé  non  seulement  les  amorces  de  la  galerie  primitive 
mais  encore  plufieurs  arcatures  aveugles  (fig.  <>)  du  xii'  siéde  et  lare  de 
décharge  de  la  même  époc|ue.   Sa  décoration    rappelle  les  derniers  reflets  de 

lart  roman  (fig.   7). 

En  1  S  .4  I  et  I  S  4  2  . 
M.  Danjov  a  pris  la  pré- 
caution de  soulager  les  épe- 
rons du  xv'  siècle  à  1  aide 
d'armatures  en  fer  d  un 
poids  supérieur  à  deux  mille 
kilogrammes.  De  puiflantes 
pièces  de  ce  métal  pénètrent 
dans  1  intérieur  des  voûtes 
et  attirent  la  façade  vers 
1  intérieur  pour  1  empêcher 
de  s  échapper  brufquement 
dans  le  vide.  Malgré  ces 
mefures  de  sécurité,  malgré 
les  récents  travaux  de  1 1)()<), 
un   mouvement    de   défagré- 


/|fe'"|;;;;iiv 


.f  J^.»ry 


iration 


Fig.  6.        Arcature  aveugle,  croisillon  sud. 


lente  s  opère  encore 
du  côté  du  portail  du  Pa- 
radis. Pour  le  conflater.  il 
suffit    de    regarder  attentive- 


ment  les  murs  intérieurs  à  la  naillancc  du  triforium.  proche  1  entrée  du 
déambulatoire,  une  cafTure  de  plufieurs  centimètres  de  longueur  efi  bien 
apparente.  Depuis    iiM  i    clic  ne  celTe  de  s  ac^randir. 

La  façade  méridionale  de  Saint-Picrre  pourrait  être  comparée  avec  le 
chevet  droit  de  Laon.  soutenu  par  de  robufies  contreforts  surmontés  de 
pinacles,  percé  à  la  partie  inférieure  par  trois  hautes  lancettes.  L  ordonnance 
générale  se  rcfiemblc  singulièrement.  Cependant,  à  Lificux,  il  n  y  a  pas  de 
rofe  dans  la  décoration. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTERIEUR 


35 


LE   CHEVET  DU   CROISILLON  NOI^D. 

Plein  de  force  et  d  énergie  austère,  contrebuté  par  des  contreforts 
d  angle  allez  saillants,  le  chevet  du  croifillon  nord  n  a  point  de  portail.  Trois 
hautes  fenêtres  en  tiers-point  dominent  un  soubaflement  très  élevé  dont 
les  murs  sont  percés  de  deux  baies  également  en  tiers-point.  Deux  flèches 
octogonales,   dont  les  afTises  préfentent  des  arcatures  dépourvues  de  colon- 


Fig    7         Arc  de  décharge,  croisillon  sud. 

nettes,  couronnent  les  épais  contreforts.  Malgré  sa  nudité  sévère,  le  chevet 
nord  s'harmomfe  agréablement  avec  1  ofTature  de  1  églife  et  donne  à  sa 
silhouette  extérieure  une  note  grave  qui  rappelle  la  technique  romane. 
M"'  Vassal  nous  a  deffiné  très  Joliment  ce  coin  de  la  cathédrale  trop  peu 
remarqué  des  vifiteurs. 

LA    TOUR^  LANTERNE. 


Aux  xii'  et  xiii^  siècles  les  conftructeurs  normands  ont  montré  un  goût 
décidé  pour  les  tours  centrales.  Ils  aimaient  ces  hauts  clochers,  dont  la 
maiTe  se  profilait  au  point  d  interfection  des  tranfepts.  En  pafTant  du  roman 
au  style  nouveau,  les  architectes  ne  voulurent  point  renoncer  à  leurs  tours- 
lanternes,  dont  la  carrure  puiflante  produifait  des  oppofitions  intérefTantes, 
des  jeux  de  ligne  et  des  jeux  de   lumières  remarquables,   en  évitant  que  les 


36  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

faces  latérales  des  églifes  ne  se  dreOent  comme  les  murs  d  une  maifon  ordi- 
naire, brufquement  et  sans  variété.  M.  Lefévre-Pontalis  eftime  que  la  tour- 
lanterne  de  la  cathédrale  de  Lifieux  n  était  pas  prévue  à  1  origine.  L  examen 
du  monument  rend  cette  hypothèfe  plaufible.  A  1  intérieur  plufieurs 
colonnes  d'angle  ne  supportent  aucune  charge,  aucune  pouiTée  verticale  de 
la  voûte.  La  tour  centrale  a  pu  être  ajoutée  à  la  partie  françaife  de  la  cathé- 
drale par  le  conftructeur  du  début  du  xiii''  siècle,  soucieux  d  imprimer  à  son 
travail  un  accent  local  et  bien  normand. 

Flanquée  de  contreforts  à  relTauts.  la  tour-lanterne  eft  ajourée  de  deux 
fenêtres  en  arcs  brifés  sur  chacune  de  ses  faces.  Aux  angles,  une  longue 
colonnette  à  bagues  monte  jufqu  à  la  corniche.  Une  tourelle  ronde,  décorée 
à  sa  partie  supérieure  d  étroites  arcatures  sans  colonnettes.  se  drelle  à  1  angle 
nord-oueft.  Sa  flèche  couverte  d  ardoifes  eft  amortie  par  un  fleuron.  Un 
double  rang  de  bâtons  brifés  sert  de  corniche  à  la  tour.  Des  quatrc-feuilles 
gravés  occupent  les  écoinçons  formés  par  les  fenêtres  et  les  arcatures 
aveugles  qui  les  séparent. 

Une  simple  toiture  à  quatre  pans,  en  charpente  couverte  d  ardoifes, 
remplace  la  svelte  pyramide  en  bois  revêtu  de  plomb  dont  1  élégante 
silhouette  pointait  bien  haut  par-deffus  les  allées  et  les  manoirs  humble- 
ment réunis  au  pied  de  la  cathédrale.  Au  déclin  du  xviii'  siècle,  une  seule 
cloche  surnommée  la  *'  cloche  des  chanoines  »  séjournait  encore  dans  la 
tour-lanterne.   Elle  était  deftinéc  à  convoquer  les  réunions  capitulaires. 

Sous  1  épiscopat  de  Thomas  Basin,  au  xv""  siècle,  les  murs  extérieurs  de 
la  tour  centrale  furent  complètement  rcsOiaurés.  Les  comptes  du  fabriquier, 
Guillaume  Guéroult  '  (  i  j ')  i  -  i  j  ■)  2).  apportent  à  ce  sujet  d  intéreffantes 
précifions.  La  face  nord  était  particulièrement  délabrée.  Quarante-huit  jours 
de  travail  suffirent  à  1  appareilleur  Béroult  pour  remettre  à  neuf  la  base  de 
la  tour.  Comment  ne  pas  admirer  la  confcience  de  ce  maitrc-ouvrier .'' 
Redoutant  que  la  démolition  des  murailles  ébranlées  n  occafionne  de  graves 
dommages  aux  croifées  d  ogives  du  croilillon  nord.  1  entrepreneur  recom- 
mande à  ses  manœuvres  de  difpofer  sur  les  voûtes  des  nattes  ufagées  et  des 

t.  Congrès  tArchéologiijuc  de  Cdou  /909,  t.  II,  p.  07V 

2.  Comptes  de  Gucroult.  Archives  du  Calvados,  et  Quicherat,  Thomas  Basin.  t.  IV, 
p.    lOQ. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR 


37 


claies  «  dfn  que  les  pierres  et  le  grougin  et  le  mortier  qui  cherraient  de 
haut  de  ladite  lanterne  en  mâchonnant  ne  firent  pas  si  grant  dommage  à 
la  tieuUe  comme  ils  eujfent  peu  faire  /,.  En  1809,  l'architecte  chargé  par 
le  gouvernement  impérial  de  reftaurer  la  tour  centrale.  M.  Millet,  a  décou- 
vert à  la  bafe  du  contrefort  sur  lequel  s  appuie  le  premier  l'arc-boutant  du 
chœur  (côté  nord),  une  pierre  sculptée  offrant  les  armoiries  de  Thomas 
Basin.  nouvelle  preuve  indéniable  du  zèle  mis  par  ce  prélat  à  employer 
pour  la  réparation  de  sa  cathédrale  la  part  qui  lui  revint  dans  la  succefTion 
de  son  prédécefleur  Pafquier  de  Vaux. 


VUf  ^  ^.»-  V—  V.  ;  w..   ««-    ^     >^  S..-    *^^  t».  ' 


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^.1 


^ 


L'INTERIEUR 


LE  NAFJHEX 

oiR  APPRF.ciFR  coiiinic  il  convient  l'auftère  beauté  de  la 
cathédrale  Saint-Pierre.  il  eft  préférable  d  entrer  par  le  i^rand 
portail.  Quand  le  regard  s  arrête  sur  les  gros  piliers  de  la 
-c^-^'v  n  "'^^'  ^  ^^^^  ^^^  conlidérable.  La  longue  série  des  puiHants 
K:^^>4/aa  supports  fait  penfer  à  une  rangée  de  colonnes  antiques. 
Comme  ces  piles  s  appuient  fortement  sur  le  sol  !  On  sent  qu  elles  sont 
faites  pour  porter  et  qu  elles  résideront  indéfiniment  au  poids  énorme  que 
le  maître  d  œuvre  voulut  leur  impofer.  Parmi  les  grands  édifices  de  la  pre- 
mière époque  gothique,  la  nef  de  Lilieux  se  diflmguc  par  son  harmonieulc 
unité,  son  style  impeccable  et  un  peu  nu.  et  par  la  simplicité  de  ses  lignes. 
Clarté  et  force,  plus  de  profondeur  que  d  envolée,  telle  nous  parait  être 
l'imprelTion  d  enicmblc. 

La  nef  eft  d  une  médiocre  largeur,  mais  ce  défaut  ajoute  à  1  idée  de 
profondeur  qu  elle   suggère   dès  le  premier  coup  d  oeil. 

Suivant  une  tradition  alTez  fréquemment  suivie  par  les  architectes  romans, 
une  sorte  de  vcftibulc.  preiqu  une  petite  églilc  précède  la  grande  églifc.  Un 
narthex  d  une  travée  s  obfervait  pareillement  a  Saint-Evroul.  abbaye  béné- 
dictine de  lancien  diocèle  de  Lilieux.  A  la  cathédrale  Saint-Pierre.  le  porche 
intérieur  reflète  fidèlement  les  diverfcs  vieil  fitudcs  subies  par  la  conftnaction. 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQ_UE  —   INTERIEUR 


39 


Au  moment  où  les  tours  s  élevaient,  d  importantes 
retouches  furent  pratiquées  dans  1  ordonnance  du 
narthex.  Malgré  1  enchevêtrement  des  procédés  de  deux 
écoles  d  architecture,  le  vifiteur  exercé  peut  sans  peine 
apercevoir  les  repnfes  en  sous-œuvre. 

Evidemment  les  deux  larges  maffifs  qui  s  élèvent 
de  chaque  côté  de  la  grande  porte  appartiennent  à  la 
cathédrale  du  xi^  siècle. 

La  muraille   oueft   a  été  exhauiTée   et    solidement 
renforcée,    les   pieds-droits   senfiblement    allongés,    des 
faifceaux  de  colonnettes  établis  dans  les  angles  (fig.  8). 
Plufieurs   colonnes   du    xif  siècle    gardent  encore    leur 
fonction  primitive  :  mais  sur  leurs  abaques  repofent  de 
nouveaux  supports  deftinés  à  recevoir  la  retombée  des 
croifées   d  ogives.   Un  architecte  normand  préfida 
sans    doute   à   ces    refaçons.    Le    profil 
arrondi  des  bafes  et  des  chapiteaux,  la 
difpofition  circulaire   des   colonnes  raf- 
femblées    par    des    gorges     profondes. 
l'acuité   surprenante   des    arcs-brifés.    la 
prédominance  de   la  sculpture  végétale, 
dénotent,  à  n  en  point  douter,  l'archi- 
tecture  de    la   province.   L  ordonnateur     // 
précédent  préférait  les  tailloirs  rectangu-  // 
laires.   les  profils  et   les  courbes  d  arca- 
tures  en  vogue  dans  le   domaine  royal. 

La  voûte  médiane  du  porche  inté- 
rieur, écrafée  en  i  ")  <)  ^  par  la  chute 
du  clocher  sud.  s  orne  d  une  moulu- 
ration  RenaifTance.  Au  point  d  inter- 
fection  de  branches  d  ogives,  se  dé- 
tachent les  armoiries  du  chapitre  : 
deux  clefs  en  sautoir  cantonnées  de 
quatre  étoiles. 


i^S 


Fig.  S.  '     Suppon  du  nirthex 
allongé  au  xui'  ù'ede. 


40 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


La  tribune  occupée  par  l'orgue  et  les  deux  salles  contiguës  furent  recou- 
vertes de   croifées  d  ogives,  au    xiu'^^  siècle.    Le   profil    des  nervures   1  indique 

clairement  (fig.  ()). 

La  porte  qui  s  ouvre  sur  1  efcalier  des  orgues 
est  encadrée  par  une  archivolte  terminée  par  des 
culots  normands'.  Nous  en  avons  remarqué  de 
semblables  dans  la  salle  capitulaire  de  Saint-Pierre- 
sur-Dives  et  dans  les  chapelles  du  chevet  à  Saint- 
Etienne  de  Caen. 


Fig    .) 


Profil  du  doubleau  du  bu 
de   la   nef. 


La  grande  arcade 


met  1( 


le  qui  met  le  porcne  en  com- 
munication   avec    le   vaifTeau   central   a  traverfé  la 


>li 


d( 


:iudi 


C( 


période  révolutionnaire  sans  éprouver  de  trop  graves  préjudices,  i^ependant 
quelques  supports  ont  subi  des  mutilations  qui  paraifTent  avoir  été  inten- 
tionnelles et  remontent  sans  doute  à  ces  temps  si  troublés.  C  efl:  certai- 
nement 1  un  des  plus  jolis  coins  de  Saint-Pierre.  Lorfque  Viollet-le-Duc 
vifita  la  cathédrale,  nous  savons  qu  il  s'arrêta  avec  complaifance  devant 
1  arcade  centrale  pour  en  admirer  l'heureux  agencement  et  1  ornementation 
délicate.  Dans  son  Dictionnaire  raifonné  d'Ar- 
chitecture, en  deux  mots  explicatifs,  il  a  voulu 
en  caractérifer  la  sculpture.  Un  dcffm  de 
M.  Sauvageot  illuRre  son  texte  (fig.  lo).  L  un 
des  chapiteaux  du  narthcx  préfente  des  feuillages 
combinés  avec  des  figurines.  Ne  serait-il  pas 
une  réplique  savante  d  Un  chapiteau  du  trifo- 
rium  de  la  nef  pareillement  orné  d  une  tête 
d'homme  r'  Dans  la  sculpture,  on  trouve  des 
feuilles  d  acanthe.  Les  fines  et  multiples  décou- 
pures de  cette  plante  conventionnelle,  la  forme 
des  fruits.  le  repliement  des  folioles  entourées 
par  un  galon  perlé,  tout  indique  que  le  sculpteur 
achève  de  s  affranchir  des  derniers  souvenirs  romans.  Les  légers  rinceaux  qui 
courent  le  long  des  archivoltes,  les  deux  tètes  couronnées  qui  scr\-ent  de  som- 

I .    lin  culot  normand  se  peut  définir  :  un  cul-de-lampc  dont  la  partie  inférieure  en  forme 
de  conc  renversé  se  coude  à  an^le  droit  pour  pénétrer  dans  le  mur. 


Fig    lo   —  Chapiteaux  feuillagét  du  nanhei 


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LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  INTÉRIEUR 


41 


miers  témoignent  dune  obfervation  pénétrante  des  formes;  sans  être  très 
animées,  ces  figures  n  en  ont  pas  moins  une  grande  beauté  et  une  noblefîe 
remarquable.  M.  Patou.  profefleur  de  sculp- 
ture au  collège  de  Lifieux.  a  mis  toute  son 
habileté  à  les  reproduire  (fig.  11).  Naguère 
le  mufée  du  Trocadéro  a  fait  mouler  ces 
têtes  ainfi  que  trois  ou  quatre  chapiteaux 
feuillages.  Sur  les  catalogues,  le  confervateur 
date  ces  morceaux  de  sculpture  du  début  du 
xiii^  siècle.  Ils  pourraient  être  un  peu  plus 
anciens.  Dans  la  façade  occidentale  de  la 
cathédrale  de  Sens,  élevée  vers  117*)  à  I180, 
nous  avons  remarqué  des  chapiteaux  et  des 
rinceaux  très  reflemblants  avec  ceux  du  nar- 
thex  de  Saint-Pierre. 

Avant  de  s  éloigner  du  porche,  il  importe 
de  donner  un  moment  d'attention  à  deux 
culs-de-lampe  situés  près  de  1  entrée  de  chaque 
collatéral.  Au  nord  c'eft  un  homme  avec  une 
sorte  de  bonnet  de  docteur  en  guife  de 
coiffure.  Au  sud.  c  eft  auffi  une  tête  humaine. 
un  bel  ovale.  Les  boucles  des  cheveux  et  de 
la  barbe  sont  détachées  et  frifées.  Le  front 
large,  les  yeux  profondément  enfoncés  sous 
1  arcade  sourcihère.  le  pliffement  des  lèvres, 
la  phyfionomie  penfive  donnent  à  cette  sculp- 
ture beaucoup  de  nobleffe.  Il  y  a  sur  les 
traits  un  air  de  trifteffe  et  de  gravité  qui  inté- 
reffe.  Nous  ignorons  quels  perfonnages  hiftonques  ou  religieux,  idéalifés  ou 
réels,  l'imagier  de  la  cathédrale  a  voulu  repréfenter. 


■''Ç^i 


Fig.  II.  —  Rinceau  et  figurine  du  narthex. 


LA   NEF 


Au  lieu  de  se  hauffer  brufquement,  d'un  seul  élan,  vers  le  sommet  des 
voûtes,  les  lignes   afcendantes,    encore  timides  dans  leur    mouvement,  sont 


42  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 

coupées  d'alfifes  horizontales  où  elles  s'appuient.  Il  faut  plulieurs  arrêts,  plu- 
sieurs départs  avant  que  les  supports  inférieurs  atteignent  les  ner\ures  qu  ils 
doivent  soulager  et  soutenir. 

En  élévation,  la  nef  comprend  trois  zones  :  les  arcades  du  rez-de- 
chauiïée.  le  triforium.  les  fenêtres  ou  claire-voie.  Les  huit  travées  de  la  nef. 
larges  chacune  de  }  m.  lo.  étant  de  même  structure,  il  suffit  de  décrire 
une  seule  d  entre  elles  pour  avoir  une  idée  de  1  enfemble. 

Les  jrcjdes  du  re2^-de-chdiijfce.  tracées  en  arc-brifé.  s'appuient  sur  de 
robuftes  piles  cylindriques  uniformément  les  mêmes.  Pareille  difpofition 
se  retouvc  à  Notre-Dame-de-Louviers.  Un  tel  soubaflement  eft  encore 
roman.   Le  syftcmc  gothique   neft  très  apparent  qu'au  second  étage. 

Les  bafcs  de  ces  vigoureux  supports  portent  sur  un  socle  carré  aux  angles 
abattus:  elles  sont  munies  d'agrafes  ou  empattements.  Lune  des  piles  pré- 
sente même  une  griffe  de  lion  parfaitement  imitée'.  Depuis  K^S-j  le  socle 
eft  enfoui  dans  le  sol  à  une  profondeur  de  quarante  à  cinquante  centimètres. 

Le  fut  de  chaque  colonne  monocylindrique  eft  en  pierre  calcaire  groflière. 
la  bafe  en  pierre  plus  dure  et  plus  fine.  Depuis  le  pièdcftal  jufqu  à  1  aftra- 
gale.  la  hauteur  des  supports  atteint  \  m.  v>  ^  raifon  de  "?  m.  2(>  de  cir- 
conférence. Sur  deux  piles  se  voient  encore  des  traces  de  peintures  funé- 
raires: beaucoup  de  défunts,  en  effet,  ne  pouvant  prétendre  a  1  honneur  de 
la  statue  tombale,  devaient  se  contenter  d  une  inicription  relevée  d  une 
simple  peinture. 

L'ornementation  des  chapiteaux  confifle  en  deux  et  parfois  trois  ran- 
gées de  feuillages  dérivés  de  la  claifiquc  feuille  d'acanthe.  L'arum,  le  nénuphar, 
la  vigne  et  la  fougère  v  figurent  :  leur  pointe  se  termine  en  forme  de  volute 
retournée.  En  général  la  sculpture  n  offre  qu  un  relief  peu  senfible:  mais 
elle  reffe  vigourcufc  et  ample.  Deux  chapiteaux  rappellent  ceux  du  déambu- 
latoire de  Saint-Rcmi  de  Reims  élevé  vers  l  i  7(»-i  l  «jo.  Suivant  une  opinion 
émife  par  ViolIct-le-Duc.  les  sculptures,  au  moyen  âge.  étaient  exécutées 
avant  la  pofe:  parfois  les  artiffcs  se  bornaient  à  les  épanneler.  à  les  dégrolfir. 
en  tenant  compte  des  divers  ornements  qu  elles  devaient  recevoir  dans  la  suite. 

I  .  Moulurjtton  des  hjses  :  deux  boudins  sépares  par  une  gorge  ou  scotie  entre  deux  minces 
filew.  Au  lieu  dcire  rond,  le  tore  inférieur  cft  aplati.  Ccft  le  type  gcncral  des  bases  au 
xiT  siècle. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTÉRIEUR  43 

Un  bon  nombre  de  chapiteaux  de  la  nef  pourraient  n'être  que  de  sommaires 
ébauches.  Des  archéologues  expérimentés,  notamment  MM.  Vasseur.  Pannier 
et  Serbat  soutiennent  cette  hypothèse:  mais  d  autres  archéologues,  en  parti- 
culier M.  le  docteur  Coutan.  eftiment  la  décoration  des  chapiteaux  achevée. 
La  surface  de  pierre  semble  trop  plate,  trop  mince  pour  permettre  un 
refouillement  ultérieur.  Les  tailloirs  des  chapiteaux  ont  leurs  pans  coupés'. 

La  hauteur  des  grandes  arcades  donnerait  davantage  1  impreffion  d  élan- 
cement SI  le  maitre  de  1  œuvre  ne  les  avait  encadrées  par  un  large  plat 
deffiné  par  une  moulure'. 

Il  eft  permis  de  regretter  cet  enjolivement.  Ce  n'efl:  plus  la  suprême 
élégance  de  lare  brifé  aux  lignes  si  pures  et  si  simples  de  Laon,  Notre- 
Dame-de-Paris.  Saint-Yved  de  Braine  et  Longpont.  Les  nervures  de  la 
voûte  centrale  retombent  sur  des  colonnettes  qui  s  appuient  sur  le  tailloir  des 
grolles  colonnes  cvlindriques  :  parti  adopté  dans  les  nefs  de  Laon.  Notre- 
Dame-de-Paris,  et  dans  de  nombreufes  églifes  de  lIle-de-France.  Le  befoin 
de  légèreté,  qui  eft  un  des  caractères  eflentiels  de  1  art  gothique,  commence 
à  se  mamfefter  à  Lifieux:  1  architecte,  en  effet,  à  réduit  à  trois  le  nombre 
des  colonnettes  baguées  repofant  sur  le  tailloir.  La  colonne  des  arcs  formerets 
appuie  déjà  sur  le  triforium. 

Difons  sans  plus  tarder  que  les  voûtes  de  la  nef,  comme  d'ailleurs  celles 
du  chœur  et  des  croifillons.  sont  des  croifées  d  ogives  simples  sur  plan  bar- 
long  ou  rectangulaire.  Des  croifées  d  ogives  sur  plan  carré  se  voient  dans  les 
bas-cotés  de  la  nef.  dans  les  croifillons  et  les  trois  premières  travées  du 
déambulatoire,  car  la  quatrième  travée  eft  presque  rectangulaire.  Les  travées 
tournantes  sont  appareillées  sur  plan  trapèze.  Cette  énumération  peut  sembler 
un  peu  aride,  mais  elle  eft  indifpenfable  pour  mettre  en  rehef  les  difficultés 
rencontrées  par  les  maîtres  de  1  œuvre  dans  le  voûtement  des  diverfes  parties 
de  la  cathédrale.  Dans  les  travées  du  déambulatoire.  1  architecte  s  eft  trouvé  en 


1.  Profil  des  tailloirs  :  de  haut  en  bas,  un  filet,  des  doucines  superpofées  (S  peu  allongé) 
et  un  bandeau.  Ce  profil  fut  très  en  vogue  dans  la  région  parifienne  vers  iioo. 

2.  La  courbe  intérieure  des  grandes  arcades  comporte  un  large  méplat  entouré  d'un 
tore  entre  deux  cavets.  Le  tailloir  des  colonnes  qui  répondent  aux  ogives  neft  pas  placé  de  biais. 
La  mouluration  des  arcs  doubleaux  et  des  ogives  préfente  un  léger  bandeau  entre  deux  tores  et 
deux  cavets.  Les  formerets  ont  un  boudin  dégagé  par  un  canal. 


44  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

face  d'un  problème  difficile  à  réfoudre.  En  effet,  dans  le  rond-point,  l'es- 
pace à  couvrir  devenait  irrégulier,  plus  large  vers  l'extérieur  que  vers  l'intérieur. 
Inflruit  par  l'expérience,  l'architecte  a  triomphalement  utilifé  toutes  les  res- 
sources que  préfente  1  ogive.  Les  quatre  compartiments  de  la  voûte  s  infcnvent 
dans  des  triangles  inégaux  qui.  repliés  d  un  côté,  ouverts  de  1  autre,  suivent 
fidèlement  la  courbe  du  déambulatoire.  L'épaiiTeur  des  arcs  doubleaux  trahit 
leur  ancienneté.  Ils  ont  la  forme  briféc  qui  pouffe  moins  au  vide  que  le 
plein  cintre.  Les  arcs-ogives  sont  d  un  diamètre  plus  faible. 

De  légers  feuillages  garniffent  les  clefs  de  voûte,  sauf  dans  les  quatre 
premières  travées  remaniées  de  \^')(^  à  i  *)  v>-  Le  sommet  des  nervures  fut 
remis  à  neuf  avec  de  la  pierre  blanche  prifc  dans  les  carrières  dHermival'. 
La  réparation  de  chaque  croiféc  d  ogives  revenait  à  environ  quatre-vingts  livres. 
Les  entrepreneurs  d  aujourd  hui  seraient  sans  doute  très  embarraffés  pour 
travailler  à  si  bon  compte. 

LE   TRJFORJUM 

Les  anciens  textes  du  moyen  âge  entendent  par  ce  terme  tout  ouvrage 
percé  d  une  série  de  jours  ou  d  arcades.  Les  archéologues  contemporains 
réfervent  ce  mot  pour  dcfigner  la  série  d'arcatures  décoratives,  qui.  dans  une 
églife  gothique,  court  entre  les  arches  du  rez-dc-chauffée  et  les  fenêtres. 
Certaines  cathédrales,  par  exemple  Laon  et  Noyon.  poffèdent  à  la  fois  des 
tribunes  et  un  trifonum.  A  Lificux  le  trifonum  offre  simplement  1  apparence 
d  une  tribune. 

A  chaque  travée,  il  se  compofe  d'une  arcaturc  en  tiers-point  subdivifée 
en  deux  lancettes.  Le  tympan  et  les  baies  ont  été  aveuglés  affez  tardivement. 
Le  mur  de  rempliffagc  c(l  un  peu  épais  et  très  fruffe.  Un  architecte  du 
moyen  âge  eut  apporté  plus  d  attention  et  plus  de  soin  à  une  cloifon  ainli 
comprifc.  Primitivement  les  baies  pouvaient  servir  soit  à  faciliter  la  circulation 
de  1  air  sous  les  combles  des  collatéraux,  soit  à  permettre  les  réparations  des 
parties  hautes  du  monument  et  le  placement  des  tapifferies  et  des  tentures 
dans  les  cérémonies  solennelles.  Il  suffit  de  monter  sur  les  bas-cotés  et  d  ou- 

I.    Compte?    lie  I  cvcsquc  et  Doynard  (I^^^-l^^M).  Archives  du  Calvidos. 


PL 


Photo  Lemaitre. 


LA  NEF  DE  LA  CATHÉDRALE 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTÉRIEUR  45 

vrir  la  porte  d'une  baie  pour  remarquer  qu'à  une  époque  antérieure  la  colonne 
principale  deftinée  à  recevoir  les  deux  arcs  secondaires  était  accompagnée  de 
deux  minces  colonnettes.  Dans  les  chapiteaux  du  triforium.  le  sculpteur  a 
imité  de  préférence  des  feuilles  de  chêne,  d  acanthe  et  de  vigne'.  Ce  sont  les 
feuilles  enroulées  du  commencement  du  printemps,  des  jeunes  pouffes  aux 
lignes  encore  simples,  des  bourgeons  prêts  à  brifer  leur  frêle  enveloppe.  Le 
triforium  de  Saint-Pierre-de-Lifieux  peut  être  comparé  avec  le  triforium 
édifié  par  Guillaume  de  Sens  au-deflus  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Can- 
torbéry  vers  i  i  7  3 .  Le  triforium  de  la  cathédrale  anglaife  efl:  cependant  plus 
complexe.  Au  heu  d'une  archivolte  unique.  1  encadrement  des  arcatures  com- 
prend deux  archivoltes  et  deux  colonnettes  en  guife  d  appui.  Le  triforium  de 
la  cathédrale  de  Sens   se  rapproche  également  de  celui   de  Lifieux. 

L'étdge  supérieur  de  U  nef  ou  claire-voie  efl  très  simple.  Chaque  travée 
comprend  deux  feneftrages  en  tiers-point  dont  lébrasement  rappelle  le  style 
parifien.  Chaque  fenêtre  n'offre  qu'une  seule  verrière.  Il  se  pourrait  qu'à 
l'origine  ces  baies  euilent  été  plus  petites  et  traitées  comme  celles  des  croi- 
sillons. L'archivolte  des  fenêtres  porte  sur  des  colonnettes  annelées.  Quel 
dommage  qu'en  16  (S  (S  la  suppreffion  des  vitraux  anciens  ait  privé  la  cathé- 
drale de  cette  lumière  difcrète  et  voilée  si  propice  à  la  méditation  et  au 
recueillement.  Les  clartés  crues  ne  conviennent  guère  aux  édifices  du  moyen 
âge.  Une  certaine  pénombre  leur  donne,  au  contraire,  un  caractère  de  myfté- 
neufe  poéfie...  Au  xvii^  siècle  '^  les  gens  de  goût  »  n'étaient  point  de  cet 
avis.  Grands  ennemis  des  vitraux  obfcurs,  les  chanoines  de  Lifieux  achetèrent 
dans  les  verreries  de  Beaumont-le-Roger  et  de  Conches  les  verres  blancs 
néceilaires  à  une  large  diftnbution  de  lumière  dans  la  nef.  Le  ton  rem- 
bruni des  murailles  difparut  sous  un  épais  badigeon  d'une  éclatante  blan- 
cheur.  Les   moulures  et  les   sculptures    les    plus    finement   ouvragées    furent 

I .  La  préfence  de  la  vigne  dans  la  décoration  de  Saint-Pierre  n'a  rien  qui  puifle  nous 
étonner,  car  certaines  parties  du  pavs  normand  étaient  très  anciennement  couvertes  de  vignobles. 
Ex.  :  Cesny-aux-Vignes.  Dès  le  vi'  siècle,  l'évèque  de  Lifieux,  Etherius  donna  des  terres  et  des 
vignes  au  clerc  chargé  d'inftruire  les  enfants  de  la  cité  épifcopale.  Grégoire  de  Tours,  Historid 
Francorum.  liv.  VI,  ch.  xxxvi,  éd.  de  la  Soc.  de  l'Hist.  de  France,  t.  II,  p.  47b.  —  L.  Delisle. 
Etudes  sur  la  condition  de  la  Classe  agricole  et  l'état  de  l' Agriculture  en  Normandie  au  moyen  âge, 
p.  4  18  et  suiv. 


46  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

littéralement  empâtées  par  ce  revêtement  à  la  mode.  Dans  la  penfée  du  cha- 
pitre, ce  difpendieux  placage  devait  diffimuler  les  rides  et  la  vétufté  de  la 
cathédrale,  la  parer  de  nouvelles  grâces,  lui  donner  des  afpects  singulièrement 
rajeunis.  Avec  cette  exubérance  de  décor.  1  édifice  a  bien  failli  perdre  pour 
toujours  son  harmonieufe  beauté.  Tout  1  effort  réparateur  du  dernier  siècle 
n  a  pas  encore  suffi  à  lui  reftituer  sa  couleur  et  sa  phyfionomie  d  autrefois. 
On  a  crié  au  vandalisme  à  propos  des  travaux  exécutés  au  xvii'  siècle  dans 
la  nef  de  la  cathédrale.  Le  mot  eft  un  peu  gros  pour  qualifier  une  tranffor- 
mation,  d  ailleurs  fàcheufe,  mais  infpirée  par  une  admiration  exceffive  du 
style  clalfique.  Ne  soyons  pas  trop  sévères  pour  les  architectes  des  xvii"  et 
xviii"  siècles;  ne  les  excommunions  pas  trop  vite.  La  grande  coupable  fut  la 
mode.  A  travers  les  âges,  elle  a  commis  tant  de  fautes. 

D  abord  peu  favorable  aux  déplorables  entreprifes  de  son  chapitre. 
Mgr  Léonor  II  de  Matignon  finit  par  le  suivre  dans  ses  errements  et  ses 
innovations.  C  efl:  en  lOiSy  que  fut  commence,  grâce  à  la  générofité  mal 
comprife  du  prélat,  le  renouvellement  du  dallage.  Jufqu  à  cette  époque,  si 
funcfic,  la  cathédrale  était  prefque  entièrement  pavée  de  pierres  tombales.  Les 
morts  eux-mêmes  s  affociaient  aux  vivants  dans  un  même  élan  de  ferveur. 
Les  générations  difparues,  les  mains  jointes  sur  leurs  dalles  funèbres,  entre- 
tenaient dans  les  générations  nouvelles  1  idée  de  la  prière  et  de  la  confiance 
en  Dieu.  Près  de  ces  tombeaux,  le  paffé  et  le  prélcnt  s  uniffaient  dans  un 
même  sentiment  d  amour. 

Or,  en  \')>^'/,  pendant  de  longues  semaines,  tandis  que  fidèle  à  sa 
configne,  le  veilleur  prêchait  a  tous  le  refpect  des  défunts  en  psalmodiant  à 
travers  la  ville  endormie  : 

Rcvcilicz-vous,  gens  qui  dormez, 
Priez  Dicii  pour  les  trcp.ifTcs. 

les  équipes  de  maçons  relevaient  les  tombes  hifionées  et  les  transpor- 
taient, non  sans  quelque  fracas,  dans  la  chapelle  ablidale  et  le  pourtour  du 
chœur.  Le  menu  peuple  n  aime  guère  ceux  qui  dérangent  ses  habitudes  et  les 
œuvres  des  ancêtres.  Il  ne  manqua  point  de  déplorer  amèrement  1  cloigne- 
ment  des  gifants  couchés  sur  leurs  tombeaux.  Toujours  scnlible  a  leurs 
muettes  oraifons.  il  se  plaifait  à  prier  à  leurs  côtés. 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR  47 

Un  chroniqueur  de  l'époque  nous  laifTe  deviner  l'écho  des  plaintes  et 
des  critiques  formulées  par  1  opinion  publique  :  «  En  cette  année  1687, 
Mgr  l'Evêque  a  fait  réparer  de  neuf  toute  1  églife  cathédrale,  et  pour  cet  effet, 
on  a  ôté  toutes  les  tombes  qui  étaient  dans  la  nef  et  dans  les  ailes;  les  unes 
étaient  de  belle  pierre  et  les  autres  de  cuivre.  Elles  ont  été  tranfportées  der- 
rière le  chœur  et  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  ;  mais  une  bonne  quantité 
de  ces  belles  tombes  ont  été  cafTées  par  l'imprudence  des  ouvriers.  L'on  a 
trouvé  vis-à-vis  la  chaire  à  prêcher,  un  puits  fort  profond,  que  l'on  a  laifTé 
en  son  même  état,  après  l'avoir  couvert  d  une  grande  pierre.  L  on  a  pareille- 
ment ôté  les  tombes  de  pierre  et  de  cuivre  de  plufieurs  évèques  qui  étaient 
dans  le  chœur,  même  un  tombeau  élevé  en  bofie  contre  une  des  murailles 
des  ailes  de  la  nef,  dans  lequel  on  a  trouvé  les  oiTements  d  un  enfant  qui 
apparemment  était  de  qualité.  Le  commun  s  eft  scandalifé  de  ce  qu'on  a  ainfy 
ôté  tous  les  tombeaux  en  ce  que  cela  ôte  la  mémoire  de  plufieurs  perfonnes 
dignes  de  confidération  ' .  u 

Ce  puits,  dont  parle  l'auteur  du  Mémoridi  c'était  évidemment  le  puits 
de  l'œuvre.  Son  utilité  fut  par  la  suite  appréciée  soit  en  cas  d  incendie,  soit 
en  cas  de  guerre.  C'eft  ainfi  qu'au  xiv^  et  xv*  siècles,  quand  les  Anglais  ou 
même  les  bandes  de  pillards  français  étaient  signalés  dans  le  pays  d'Auge,  à 
la  moindre  alerte,  les  Lexoviens  venaient  chercher  abri  dans  la  citadelle  épis- 
copale  et  dans  l'églife  Saint-Pierre.  Le  chanoine  lexovien.  Jean  Le  Prévost, 
nous  l'apprend  dans  son  ouvrage  sur  la  chanté  de  Thiberville.  Le  menu 
peuple  habitait  alors  la  cathédrale,  il  y  allumait  du  feu  pour  ses  befoins,  il 
en  dégradait  à  l'occafion  les  colonnes  et  les  murailles".  A  partir  de  1407, 
la  conftruction  dune  enceinte  fortifiée  rendit  la  cathédrale  inutile  comme 
place  de  refuge  en  temps  de  guerre  :  l'édifice  jouifTait  pourtant  encore  du 
droit  d'afile.  Au  mois  de  septembre  1436.  le  recteur  des  écoles  de  la  ville. 
Jacques  Anquetil,  accufé  de  vouloir  préparer  la  reddition  de  Lifieux  en  faveur 
du  roi  de  France,  pour  éviter  les  pourfuites.  se  réfugia  dans  Saint-Pierre: 
pourfuivi.  arrêté,  il  fut  finalement  condamné  à  mort  comme  traître  à  la 
patrie...  Sans  prendre  parti  sur  le  fond  du  débat,  l'évêque  Pierre  Cauchon 

1.  Mémorial  de  ce  qui  s'est  passé  de  plus  remarquable  à  Lifieux  depuis  l'an  i6j6  à  77/7, 
petit  in-4'\  Bulletin,  Société  hijlorique  de  Lifieux,  1875,  n"  6. 

2.  Fie  des  SS.  Patrons  du  Diocèse  de  Lifieux,  p.   187. 


48  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

et  son  chapitre    revendiquèrent  pour   la  cathédrale  le  droit  d'afile.  Gain  de 
caufe  leur  refta. 

Plus  d  une  fois  pendant  les  guerres,  la  nef  servit  à  recueillir  les  blefTés. 
les  malades  ou  même  les  soldats  de  paiTage  notamment  en  i  S  i  ^  et  en 
l(S7o.  Des  perfonnes  qui  en  décembre  1N70  ont  vu  arriver  par  milliers 
les  soldats  nous  ont  dépeint  leur  affreux  dénuement.  La  plupart  étaient  si 
soucieux,  si  accablés  par  la  fatigue  et  la  faim  !  c  était  pitié  de  les  voir  gravir 
les  degrés  du  parvis.  Un  froid  rigoureux  venait  encore  ajouter  sa  terrible 
morfure  à  leurs  souffrances  phvfiques.  Une  neige  abondante  couvrait  le  sol. 
Douce  comme  une  aïeule,  la  cathédrale  eut  voulu  être  tiède  comme  un  nid 
pour  oftrir  un  refuge  guériHeur  à  ces  pauvres  victimes  du  devoir.  Ne  con- 
nait-elle  pas  les  mifères  humaines,  elle  qui  les  vit  pafler  toutes.'^  Malgré  la 
trifteHc  de  Iheure,  la  maison  de  Dieu  dut  trelTaillir  de  fierté  en  devenant, 
pour  quelques  nuits,  la  maifon  des  héros  malheureux...  En  1  S  i  <) .  sa  peine 
avait  du  être  plus  douloureufe  encore;  elle  devait  ouvrir  toutes  grandes  ses 
portes,  non  pas  devant  les  fils  de  France,  mais  devant  les  orgueilleux  soldats 
du  général  prufUen  Bluchcr. 

LES  COLLATÉf{AUX 

Les  collatciaux  ou  bas-côtés  qui  bordent  la  nef  sont  d  une  médiocre 
hauteur.  Le  dallage  eft  un  peu  plus  élevé  dans  le  collatéral  Nord  que  dans 
1  autre  bas-coté.  Les  voûtes  appareillées  sur  plan  carré  n  ont  pas  la  même 
élégance  que  dans  la  nef  (fig.  i  2).  Si  la  coupe  des  ogives  efi:  aufii  pure, 
les  colonnettes  et  les  nervures  ne  sont  pas  toujours  difpofées  avec  une  rigou- 
reufe  régularité.  Les  conflructeurs  du  moyen  âge  étaient  loin  d  être  auffi 
''  rationalises  //  que  les  archéologues  de  notre  temps.  Quand  la  réalifation 
de  leur  plan  leur  .semblait  trop  difficile,  dut  la  symétrie  en  souftnr  légère- 
ment, les  architectes  recouraient  à  des  expédients.  Un  support  de  plus  qu  il 
ne  fallait  avait-il  été  édifié,  le  maître  de  1  œuvre  le  laifiait  tout  de  même  en 
place;  au  contraire,  un  point  d  appui  faifait-il  défaut.  auflitcSt  une  pièce  sur 
lit  horizontal  placée  en  saillie  sur  le  nu  des  murailles  venait  recevoir  la  charge. 
A  chaque  extrémité  des  collatéraux,  des  corbeaux  ornés  de  grotefques 
ont  été    ajoutés    pour    recevoir    la    retombée    des  ogives,    certains    supports, 


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Collection  de  l'Auteur. 


ENTRÉE    DU    BAS-COTÉ   NORD 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  INTÉRIEUR 


49 


quoique  inutilifés,  ont  été  maintenus  dans  les  angles.  Pour  se  rendre  compte 
de  l'afpect  primitif  des  collatéraux,  le  vifiteur  devra  se  placer  au  bas  de  la 
nef,  face  à  la  statue  de  saint  Pierre.  Au  xm"  siècle,  les  bas-côtés  étaient 
fermés  par  un  mur  simplement  ajouré  de  feneftrage  en  arcs  brifés  semblables 
aux  deux  fenêtres  aveugles  les  plus  rapprochées  de  la  sacriftie  des  enfants  de 
chœur. 

L'alignement  des  robuftes  piles  cylin- 
driques de  la  nef  donne  beaucoup  de 
profondeur  à  ce  coin  de  la  cathédrale. 
Toutefois  dans  le  bas-côté  Nord  l'efca- 
lier  de  la  chaire  et  le  vafte  buffet  de 
l'orgue  de  chœur  nuifent  un  peu  à  la 
rectitude  de  la  perfpective.  Malgré  les 
nombreufes  chaifes  qui  l'encombrent, 
le  collatéral  Sud  garde  toute  sa  poéfie, 
surtout  en  été.  lorfque  dans  la  fraîcheur 
de  1  aurore,  les  vitraux  du  xv^  siècle  l'en- 
veloppent   de    leurs    chaudes  colorations 

(%  13). 

La  cathédrale  ne  renfermait  à  l'ori- 
gine qu  un  petit  nombre  d'autels  ;  mais 
aux  xiii*  et  xiv"  siècles,  les  pieufes  libéra- 
lités en  faveur  des  vivants  et  des  morts 
s'étant  multipliées,  le  plan  primitit"  de 
l'églife  dut  subir  de  senfibles  modifica- 
tions. Tout  le  long  des  collatéraux,  les  murs  gouttereaux  disparurent.  Les 
contreforts  furent  prolongés  vers  l'extérieur  et  toute  une  série  de  chapelles 
latérales  s  élevèrent  après  coup  entre  les  culées  des  arcs -boutants.  Au 
sud,  l'emplacement  originaire  des  contreforts  efl:  nettement  vifible  sur  les 
murs  de  séparation  des  chapelles  saint  Joseph  et  Notre-Dame-de-la-Salette. 
A  en  juger  par  la  difpofition  des  baies  et  le  caractère  des  remplages,  les 
chapelles  du  collatéral  Nord  paraifTent  avoir  été  ouvertes  avant  les  chapelles 
du  sud.  M.  Arthème  Pannier,  s'appuyant  sur  les  fouilles  pratiquées  dans  la 
première  et  la  troifième  chapelle,  était  porté  à  dater  de  la  fin  du  xiii^  siècle 


Fig.  12.  —  Collatéral  Sud  et  narthex. 


50 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


la  série  des  chapelles  du  collatéral  Nord.  Nous  les  croyons  du  début  du 
xiv'  siècle.  En  effet,  à  1  étude  de  M^  Delarue.  notaire  à  Lifieux.  nous  avons  lu 
un  texte  de    i  "ji^o  qui  mentionne  les  six  chapelles  du  bas-côté  Nord.  Roger 

de  Jumièges  se  charge  de 


.1: 


1( 


remplacer  leurs  verrières. 
Il  eft  permis  de  croire  que 
les  vitraux  primitifs  avaient 
duré  quelque  efpace  de 
temps  avant  de  tomber 
en   miettes  . 

Toutes  les  chapelles. 
de  dimeniions  à  peu  prés 
identiques,  s  ouvrent  sur 
les  collatéraux  par  une 
haute  arcade  pratiquée 
entre  les  colonnettes  an- 
nelées  qui  servent  de  sup- 
port aux  voûtes  des  bas- 
côtés.  Une  fenêtre  en  tiers- 
point  déverle  la  lumière 
dans  chaque  chapelle.  Au 
nord,  trois  meneaux  iiarnis 
de  fines  colonnettes  et  re- 
liés par  des  arcs  trilobés 
divifent  le  vitrail  en  quatre 
panneaux.  Dans  les  baies 
à  tracene  rayonnante,  le 
meneau  central  sert  de 
point  d  appui  à  deux  arcs  brifés  qui  encadrent  six  quatre-feuilles  et  à  une 
grande  roface  à  cinq  lobes.  Au  xv'  siècle,  quatre  fenêtres  ont  eu  leur  tvmpan 
renouvelé  dans  le  style  ogival  dit  flamboyant.  Les  rcmplagcs  prennent  un 
caractère  anguleux  et  pnlmatique   qui   n  eft  pas  sans  quelque  séchcrelTe.  Les 


Fig    n         Aipeci  général  du  collatcrtl  Sud 


1.    Voir  le  texte  de  Rot;cr  de  Jiimicpcs  au  chapitre  des  Vitraux. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTÉRIEUR 


51 


pétales  des  trèfles  se  terminent  en  une  pointe  aiguë  et  se  contournent  comme 
des  flammes  ondulant  sous  1  emprife  du  vent. 

Les  quatre  premières  chapelles  du  collatéral  Sud  accufent  une  retouche 
et  un  élargifl^ement  du  xv'  siècle.  Les  profils  prifinatiques  des  meneaux,  les 
rofaces  en  ellipfe  ou  en  forme  de  cœur  correfpondent  bien  avec  cette  période. 
Les  chapelles  de  ce  côté  pofledent  encore 
leur  décoration  primitive;  arcade  deflinée 
à  recevoir  l'autel  et  élégantes  pifcines  tri- 
lobées à  double  cuvette,  dont  les  trois 
archivoltes  d  encadrement  retombent  sur 
de  minces  colonnettes  terminées  par  des 
chapiteaux  feuillages.  Dans  le  collatéral 
Nord,  les  arcades  ont  été  agrandies  pour 
permettre  le  placement  de  tableaux. 

Dans  ses  pénétrantes  obfervations  sur 
la  flore  des  grandes  cathédrales  françaifes.  M.  Lambin  aflure  que  1  orne- 
mentation de  Saint-Pierre  de  Lifieux  efl:  celle  des  xiu^  et  xiv""  siècles  pour 
la  suite  des  chapelles  des  collatéraux  de  la  nef.  On  y  voit  se  développer 
la  chélidoine.  la  renoncule,  le  liferon.  le  rofier  sauvage,  du  lierre,  du  chêne 
et  de  la  vigne.  Ces  feuillages  ne  sont  pas  plifles,  ondulés,  nervés  en  creux 
comme  ceux  du  milieu  du  xiv*  siècle;  c  efl:  toufl'u.  simple  et  charmant  (fig.  1 4). 

Dans  les  collatéraux,  les  chapiteaux  des  colonnettes  annelées  sont  traités 
avec  un  art  déhcat,  le  tailloir  efl  carré.  Les  feuillages  se  collent  à  la  cor- 
beille moins  intimement  que  dans  la  nef.  L  églantier  et  le  liferon  sont  imités 
avec  une  saisiflante  fidélité. 


Fig.   14  Chapiteaux  du  collatéral  Nord. 


LE    TI{ANSEPT 


Quatre  arcs  en  tiers-point  limitent  le  carré  du  tranfept  et  le  mettent  en 
communication  avec  les  croifillons.  la  nef  et  le  chœur.  Aux  quatre  angles 
de  la  croifée  s  élèvent  d  énormes  piliers  compofés.  Sous  la  lanterne,  mieux 
encore  qu  au  bas  du  porche,  la  vieille  cathédrale  prend  une  allure  décora- 
tive et  monumentale  admirable.  La  croifée  et  les  bras  du  tranfept  furent 
édifiés  par  larchitecte  de  la  nef.   Seule  la  lanterne  date  du  xiii"  siècle. 


52 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Les  colonnes  d  angles  ont  été  ajoutées  après  coup  en  encorbellement  '. 
Elles  ne  partent  point  du  sol  même,  mais  simplement  du  sommet  des  grandes 
arcades  de  soutènement.  A  1  entrée  du  chœur,  les  faisceaux  de  supports  s  ar- 
rêtent au  niveau  dune  confole  feuillagée.  Pareille  difpofition  avait  été  égale- 
ment adoptée  à  la  cathédrale  de  Noyon  et  à  Saint-Yved  de  Braine.  Le 
triforium  de  la  lanterne  de  Lifieux  n  c(\  pas  identique  dans  toute  sa  hauteur. 
Les  tailloirs   des    chapiteaux    rappellent  encore   le   style    parifien.    tandis  que 


Fig     1^  Arcatur»  avcujjles  oc  ia  lamcrnc 


les    bafcs  et   les    tailloirs    des     colonnes    d  angles    sont    devenues   circulaires 

Les  archivoltes  et  la  série  de  médaillons  ornant  chaque  groupe  de  lan- 
cettes dénotent  plutôt  le  stvlc  normand.  La  claire-voïc  porte  une  empreinte 
régionale  indifcutable.  les  profils  des  nervures  et  la  prélcnce  de  gorges  pro- 
fondes dans  les  encadrements  des  feneflraces  en  sont  un  indice  certain.  Bref. 
SI  la  claire-voie  ert  une  oeuvre  normande,  la  partie  inférieure  de  la  tour-lanterne 
flotte  entre  deux  stvles  et  a  subi  1  influence  de  deux  écoles  diflinctes.  La 
claire-voïc  se  compose  de  deux  fenêtres  sur  chacune  des  quatre  faces.  Sur  leur 
appui   passe  une   galerie  de  circulation.   La  voûte   eft    établie   sur    huit   ncr- 


i.    A  Nouvion-lc-Vincux.  l'.irchitcctc  du  choeur  n'ayant  pas  prévu  la  lanterne  de  ta  croifce 
a,  comme  à  Lificux,  ajoute  des  supports  dans  les  angles,  du  coté  de  l'orient. 


PL   20 


Photo  Boutev 


INTÉRIEUR.  DE   L-^  TOUEL-LANTERNE 


Cl.  V.  Hardy 

LE  TRIFORIUM   DU  CHŒUR. 


LE  DÉAMBUL\TOIR.E  DU  NORD 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR 


53 


vures  rayonnant  autour  d'une  clef  circulaire.   La  clef 
avait   été  ainfi  difpofée  pour  livrer  pafTage  à 
la  cloche  abritée  par  la  flèche  en  charpente. 

Au  cours  des  âges,    de  notables  tra- 
vaux de   reftauration  ont   été    entrepris  à 
la  croifée  et  dans  les  deux  croifillons.  Les 
derniers  en  date  sont  de  1869  et  1870. 
M.    Arthème   Pannier  les  réfume    ainfi  : 
>-<  La  lanterne  du  xiif  siècle  a  été 
confolidée    et    complètement   ref- 
taurée     à     1  intérieur.     Les    larges 
crevafles,    que    Ton   apercevait   de 
chaque      côté     des     grandes 
arcades  ogivales  sur  lefquelles 
repofe  cette  tour  ont  nécef- 
fité    la    fermeture    des    huit 
baies   aveugles   de   la  galerie 
placée   à   la   bafe  de  la  lan- 
terne, et  dont  l'ombre  mettait 
parfaitement  en  relief  les  par- 
ties saillantes.  Tout  le  poids 
de    la     mafle     architecturale 
portait  sur  la  partie  centrale 
du  mur  qu  il  a  fallu  fortifier 
et  équilibrer  en  bouchant  ces 
ouvertures.    Cette  tour,    qui 
était     autrefois      surmontée 
d  une  pyramide  en  bois  très 
élancée  et  probablement  tra- 

,j,         ^      .    ^  _  ^  ^  Fig.  16.  —  Th.  Basin,  d'après  unjvitrairde  Caudebec-en-Caux. 

vaillée  à  jour,  rut  réparée  au 

xv*"  siècle,  à  l'intérieur,  par  les  soins  de  Thomas  Basin,  l'un  des  prélats  les 

plus  diftingués  et  les  plus  zélés  de  l'ancien  évêché  de  Lifieux'...  »  (Fig.  t6). 


r .    Almanach  de  Liftciix,  i  87  i ,  p.   136. 


54  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Nous  avons  précédemment  donné  une  idée  de  ces  travaux  extérieurs:  il 
reste  à  préciser  et  à  détailler  les  réfections  intérieures,  commencées  en  i  'io^ 
sous  1  épifcopat  du  cardinal  Jean  IV  Le  Veneur  et  décidées  sous  son  pré- 
décefleur  Etienne  BloiTet  de  Carrouges. 

C  était  en  novembre  l  504.  Un  prêtre  de  Lifieux  chargé  par  le  -'''  cha- 
pitre de  cjuérir  des  maitres-maçons  pour  veoir  et  vifiter  leuvre  de  1  églife  », 
se  rendit  à  Evreux  et  à  Rouen.  Ses  démarches  aboutirent.  Quelques  jours 
plus  tard.  1  appareilleur  de  la  cathédrale  d  Evreux.  André  ColTart.  arrivait  à 
Lifieux.  Apparemment  afTez  simple,  ce  perfonnage  defcendit  à  1  auberge  de 
l'Ecu-dc-France.  L  architecte  de  la  cathédrale  de  Rouen.  M'"  Jacques  Leroux 
devait  être  plus  confcient  de  son  titre  et  de  sa  compétence  :  son  fils 
raccompagnait,  tous  deux  s  inftallèrent  confortablement  en  "  1  oftellerie  Notre- 
Dame.  //  Le  chapitre  s  en  aperçut  à  ses  dépens.  Au  lieu  de  trois  écus  d  or, 
1  expert  rouennais  s  en  fit  octroyer  quatre,  sans  compter  les  frais  de  voyage 
et  de  séjour.  Avant  de  repartir,  les  architectes  établirent  un  rapport  consul- 
tatif et  un  devis. 

Le  1  février  i  V'V  deux  maçons.  Thomas  Legrand  et  Pierre  Turgis 
commencèrent  de  tailler  avec  précaution  de  larges  blocs  de  pierre  blanche 
provenant  des  carrières  de  la  Bove  et  des  Loges.  Denis  Gosset  vint  les  aider 
le  i"  mars.  Les  charpentiers  travaillent  de  leur  côté.  Ils  apportent  de  nom- 
breuses poutres,  les  réunilTent,  les  alTemblent.  L  échafaudage  devait  être 
maffif,  car  le  bois  fut  employé  avec  profufion.  Sachant  qu  un  échafaudage 
solidement  combiné  fait  gagner  du  temps  aux  ouvriers.  Guillemot  de  Sa- 
maifon,  "  maiftrc  principal  de  lœuvre  de  machonnerie  //.  exerce  une  sur- 
veillance attentive  sur  les  charpentiers,  leur  donne  à  1  occafion  d  utiles  confeils 
et  quand  il  le  faut  ne  craint  pas  de  mettre  lui-même  la  main  à  lœuvre. 
par  exemple  pour  "  lever  et  dresser  leftablie  sife  et  situe  de  soubz  1  arche 
du  pupitre  //.  Ainfi  furent  évitées  bien  des  pertes  de  temps  et  bien  des 
dépenfes  inutiles.  En  peu  de  jours,  de  puilTantes  arcades  de  bois  s  élevèrent 
sous  les  voûtes  du  croihlion  Sud.  Elles  formaient  comme  un  cintrage  provi- 
foirc  dediné  à  soulager  et  .'i  soutenir  la  maçonnerie  "  en  danger  de  cheoir.  » 

Le  7  avril,  au  matin,  les  maçons  prennent  podeflion  des  échafaudages. 
Un  simple    manœuvre  leur   apporte    les    matériaux  au  fur   et    à    mefurc  des 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR  55 

befoins.  Lare  d'entrée  du  chœur.  les  piliers  qui  reçoivent  sa  retombée,  le 
triforium  et  la  claire-voie  de  la  tour-lanterne,  les  voûtes  du  croifillon  Sud 
et  de  son  collatéral  sont  succeffivement  remis  en  état  par  l'atelier  de  ^r  maiftre 
Goflet.  //  Au  début,  ces  artifans  étaient  allez  inexpérimentés,  aufTi  Guille- 
mot de  Samaifon.  dont  la  science  toute  pratique  n'était  pas  faite  de  for- 
mules inertes,  leur  donnait  des  leçons,  befognant  de  ses  mains,  soit  pour 
tracer  les  épures  à  grandeur  d  exécution,  soit  pour  agencer  avec  précifion 
les  pierres  de  taille,  les  doubleaux  et  les  arcs-ogives.  Il  ne  fallut  pas  moins 
de  quinze  mois  pour  mener  à  bien  les  réparations  prévues  et  indiquées  par 
les  experts  consultés.  Le  0  avril  130O,  Laurent  Boullaye  peintre  décorateur 
recevait  7  sols  0  deniers  '^  pour  un  écufTon  aux  armes  de  Monfieur  de 
Lifieux  garni  de  feuillage  de  tous  coftés  en  la  clef  de  voulte  de  la  croifée 
nouvellement  édifiée  '.  //  La  réparation  des  verrières  de  la  lanterne  et  du 
croifillon  Sud.  lélargiilement  de  plufieurs  d  entre  elles  avaient  été  confiés  à 
Thomas  Doenart  ^r  verrinier  de  la  paroifTe  de  Saint-Jacques.  »  Ce  détail  eft 
intéreilant,  car  il  permet  de  remarquer  que  les  baies  de  la  tour-lanterne 
furent  agrandies  au  cours  des  travaux  de  reftauration. 

LES  CI{piSILLONS 

Les  deux  croifillons.  très  saillants,  donnent  de  l'ampleur  à  la  cathédrale. 
Leur  conftruction  se  rattache  à  la  première  campagne  de  travaux,  et  trois 
croifées  d'ogives  les  recouvrent.  Les  nervures,  ogives  et  doubleaux.  retombent 
sur  des  faifceaux  de  fûts  maintenus  par  des  tenons  en  forme  de  bague.  Du 
côté  occidental,  les  retombées  des  voûtes  s  arrêtent  sur  de  larges  consoles  : 
du  côté  oriental,  elles  sont  reçues  par  les  tailloirs  des  grolTes  colonnes  du 
rez-de-chauiTée.  Ces  piles  sont  traitées  comme  celles  de  la  nef,  mais  leur 
bafe  et  leur  socle  sont  complètement  à  découvert". 

Les  arcs  formerets  descendent  seulement  jufqu'à  la  bafe  des  fenêtres 
hautes,  leurs  moulures  y  forment  des  pénétrations  coudées.  En  bas.  dans  le 
mur  occidental  de  chaque  croifillon,  une  baie  en  tiers-point  a  été  aveuglée, 

1.  Comptes  du  fabriquier,  q  avril  1506. 

2.  Profl  des  oghes  :  un  tore  entre  deux  cavets.  —  Profil  des  doubleaux  :  une  gorge  entre 
deux  boudins. 


30 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


au  nord  par  la  dernière  chapelle,  bàtie  après  coup  :  au  sud.  par  la  conftruc- 
tion  de  la  salle  capitulaire  dont  la  porte  d  entrée  subfifte  encore. 

A  1  est  le  trifonum  se  préfente  à  la  façon  d  une  tribune.  Au  moment 
de  la  reftauration  du  tranfept.  1  architecte  n  ayant  pu  reftituer  avec  certitude 
la  phyfionomie  primitive  de  cet  étage,  s  est  contenté  de  subftituer  à  1  ancien 
blocage,  élevé  entre  les  baies,  une  simple  cloifon  en  bois.  Si  1  avenir  apporte 
des  données  moins  précaires,  il  sera  ainfi  plus  aifé  de  les  mettre  à  exécution. 


F-'  V 


Pig    I  7  Trifonum  du  croifillon  Nord 


A  1  ouert.  le  trifonum  ne  manc|uc  pas  d  originalité  (flg.  17).  C  eft 
une  galerie  fort  resserrée,  éclairée  par  des  arcaturcs  percées  de  baies  rectan- 
iiulaires  analoiiues  à  celles  qui  forment  la  jialerie  intérieure  de  la  tour  Sud. 
Une  voûte  en  berceau  surmonte  le  trifonum  occidental  dans  les  deux 
croiiillons. 


CHpiSILLON   NOl{D 

Le  mur  du  fond  appelle  de  nombrcufes  obfer\ations.  Décorer  avec  goût 
une  surface  nue  auHi  vafte  n  était  point  chofe  facile.  Il  eft  mer\cilleux  de 
voir  avec  quelle  aifance  le  maitre  de   1  oeuvre  a   surmonté    la    difficulté.    Un 


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LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTERIEUR  57 

long  cordon  marque  la  divifion  des  quatre  étages.  Aucune  séchereiïe,  aucune 
monotonie  dans  la  difpofition  des  membres  d'architecture.  Le  tracé,  la  forme 
des  arcs,  leur  emplacement  varie  à  chaque  étage.  De  grandes  lignes,  un  heu- 
reux arrangement  de  la  décoration,  l'union  intelligente  du  beau  et  de  l'utile, 
voilà  ce  qui  donne  à  lextrémité  du  croifiUon  un  magnifique  afpect  monu- 
mental. Tous  ceux  qui  voudront  contempler  le  mur  terminal  en  se  plaçant 
près  de  la  porte  du  Paradis,  sont  certains  de  goûter  une  satilfaction  artiftique 
très  réelle  et  très  complète. 

La  claire -voie  supérieure  comprend  trois  fenêtres  en  arc  brifé,  celle  du 
milieu  plus  élancée  que  les  autres.  Vient  enfuite  le  tnfonum,  puis  deux 
feneflrages  largement  ébrafés.  Leurs  archivoltes  retombent  de  chaque  côté 
sur  trois  colonnettes,  dont  les  chapiteaux  préfentent  de  jolis  feuillages.  L'un 
des  supports  efi:  commun  aux  deux  baies.  Au-deflous  de  ces  fenêtres  acco- 
lées s'élève  le  soubalTement  avec  deux  arcades  extrêmement  remarquées  des 
archéologues. 

Prévoyant  que  les  tombeaux  de  grande  taille  peuvent  gêner  l'exercice 
du  culte  et  la  circulation  des  fidèles,  lun  des  architectes  de  la  cathédrale  a 
fait  creufer  dans  le  soubalTement  deux  niches  funéraires  d  une  profondeur 
de  80  centimètres.  Naguère,  ce  genre  de  niches  s'appelait  ^^  arcosolium  », 
en  français  on  dit  un  enfeu.  A  l'époque  romane,  cette  forme  de  maufolée 
devint  particulièrement  à  la  mode  dans  les  provinces  de  1  ouefl;  de  la  France. 
Les  deux  enfeux  de  Saint-Pierre-de-Lifieux  ont  vivement  piqué  la  curiofité 
des  artiftes.  et  il  faut  bien  avouer  que,  jufqu'à  préfent,  les  interprétations 
diffèrent  profondément. 

Le  monument  de  gauche  consifte  en  une  niche  avec  soubaffement 
imitant  un  sarcophage.  Ce  soubaffement  efl:  enclavé  dans  le  mur,  de  telle 
sorte  qu  on  pourrait  croire  qu  il  y  fut  dépofé  au  moment  de  la  conffruction 
de  l'églife.  Cependant,  une  étude  plus  attentive  de  la  difpofition  des  pierres 
permet  d'affirmer  que  le  sarcophage  n'a  été  placé  là  que  dans  un  but  de 
confervation  à  une  date  moins  lointaine.  Cinq  médaillons  affreufement 
mutilés  ornent  le  devant  du  tombeau.  Un  riche  bandeau  circulaire  compofé 
de  palmettes,  d'S  accolés  et  de  feuillages  conventionnels  encadre  cinq  têtes 
d'infpiration  purement  païenne.  La  tête  du  milieu  se  préfente  de  face.  Elle 
a  la  chevelure  partagée  en  deux   parties  égales   par  une  raie  aflez  profonde. 

s 


58 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Fig. 


CroiTillon  Nord  :  figurines  d'un  enfeu. 


Deux  cpis  de  froment  lorment  couronne  sur  le  sommet  de  la  tète.  Les 
quatre  autres  tètes  d'accompagnement  sont  vues  de  profil,  trois  d  entre  elles 
portent    des    diadèmes   rehaussés   de    fines   pierreries  (fig.    iN).    Au  premier 

afpect.  deux  figures  ont 
une  allure  fièminine.  mais 
la  dispofition  des  che- 
veux indique  des  jeunes 
hommes.  Dans  les  ècoin- 
çons  que  laiHent  entre 
eux  les  médaillons,  se 
détachent  des  acanthes. 
Enfin,  une  ligne  de  perles 
efpacées  sert  de  bordure 
à  la  partie  inférieure  de  la  pierre  tombale.  Les  sculptures  des  cinq  figu- 
rines révèlent  un  tailleur  d  images  sûr  de  lui  et  de  son  outil  (fig.  19). 
L  Anglais  Turner  a  été  1  un  des  premiers  à  étudier  ces  morceaux  de  sculp- 
ture. A  son  avis  "  1  étude  des  tètes,  des  couronnes,  la  difpofition  des 
rinceaux  de  feuillage  permettent  de  confidérer  ce  sarcophage  comme  une 
production  de  la  période  carolingienne,  encore  quelle  puifie  être  d'une  date 
antérieure  //.  L  hiftorien 
de  Lifieux,  Louis  Dubois, 
connaiHait  le  palTaiie  pré- 


paiiage  pi 
cité  de  Turner,  mais  il  1  a 
traduit  avec  une  complète 
inexactitude  '.  En  effet,  si 
Turner  attribue  à  1  épo- 
que des  Carolingiens  les 
médaillons  en  ronde  boilc, 
il    date    du    xir    ou    xiii' 


Fig.  i<).        Croifillon  Nord  :  figuriaes  d'un  enfeu 


Siècles  les  deux  statues  en  armes  enchàffées  dans  le  fond  de  la  niche 
funéraire.  En  i>^7'?.  M.  de  Formeville  propofa  une  interprétation  difîé- 
rcntc  de   lopinion  émife  par  Turner  '  :    "  Nous   penfons  tout  simplement 

1  .    L.  Dubois,  Hijîoirc  de  Lifictix  t.  il,  p.  202. 

2.    De  Formeville,  Hijloire  Je  l'ancien  c\èchè-comtc  de  Lifieux,  t.  I.  p.  cxvij. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTÉRIEUR  59 

que  les  médaillons  sont  l'œuvre  des  artiftes  capricieux  du  xvi^  siècle. 
Qu  on  les  compare,  en  effet,  à  ceux  qui  décoraient  1  intérieur  de  la  belle 
maifon  de  la  rue  aux  Fèvres  et  à  quelques  autres  de  cette  époque,  on 
y  reconnaîtra  aifément  un  caractère  frappant  d  analogie  ou  même  d  iden- 
tité ;  c  eft  bien  le  même  mélange  de  coiffure  romaine  et  du  moyen  âge  et 
la  même  ornementation  sur  les  encadrements.  Cette  pierre,  dont  rien  au 
surplus  ne  juftifie  1  incruffation  dans  le  mur  en  cet  endroit,  puifqu'elle  n  a 
même  pas  les  dimenfions  de  1  arcade  sous  laquelle  elle  se  trouve,  nous 
parait  avoir  été  placée  là  dans  un  but  unique  de  confervation.  »  En  1908  ', 
le  chroniqueur  si  apprécié  des  lecteurs  du  Bulletin  Monumental  a  repris 
1  explication  donnée  par  M.  de  Formeville.  ^^  Ces  têtes,  écnt-il.  d  une  belle 
sculpture  paraiflent  à  première  vue  appartenir,  ainfi  que  leurs  encadrements, 
au  xii^  siècle,  mais  un  examen  attentif  des  détails  prouve  que  ce  travail 
n'efl;  pas  antérieur  au  xvu^  siècle.  »  A  notre  demande,  plufieurs  sculpteurs, 
très  experts  dans  leur  art.  ont  examiné  avec  attention  les  détails  et  1  en- 
semble du  sarcophage  et  les  ont  comparés  avec  des  travaux  du  xvi^  siècle, 
particulièrement  avec  les  médaillons  du  manoir  François  I"  à  Lifieux  et  du 
manoir  des  Gens-d  Armes  à  Caen.  En  réalité,  de  séneufes  différences 
exiftent  entre  les  deux  séries  de  sculptures,  et  les  analogies  paraiffent  affez 
lointaines.  Leur  conclufion  a  été  que  le  travail  eft  bien  antérieur  à  la 
Renaiflance.  Dans  les  médaillons  de  cette  dernière  époque,  les  épaules  sont 
souvent  entièrement  deffinées  et  prefque  toujours  elles  sont  au  moins  indi- 
quées ;  dans  le  monument  funéraire,  aucune  efquifle  des  épaules,  tout  le 
fond  du  médaillon  eft  occupé  par  le  vifage  et  le  cou.  les  coiffures  diffèrent 
complètement  :  dans  les  médaillons  Renaiffance,  elles  ont  plus  d  importance. 
Au  point  de  vue  du  fini  de  1  œuvre,  à  la  cathédrale  de  Lifieux.  la  sculp- 
ture des  bandeaux  circulaires  eft:  encore  collante,  peu  détachée  ;  dans  les 
manoirs  elle  a  un  rehef  plus  accentué.  Les  traits  des  figures  sont  délicats, 
plus  fouillés  dans  le  maufolée  que  dans  les  panneaux  Renaiftance.  Enfin, 
dans  l'enfeu,  les  écoinçons  ont  des  palmettes  autrement  anguleufes.  Pour 
réfumer  d'un  mot  notre  impreffion  :  les  bas-reliefs  avec  lesquels  nous 
venons  de  faire  connaiftance  pourraient   être  une  œuvre  de  tranfition  créée 

I.    Congrès  archéologique,  1908,  t.  I.  p.  310. 


bo  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

par  un  artifte  imprégné  de  la  tradition  romane  et  utilifant  les  données 
gallo-romaines  et  byzantines.  Nous  sommes  convaincus  qu  il  avait  sous  les 
yeux  une  collection  de  fines  et  précieufes  médailles  anciennes.  Il  efl:  intéres- 
sant de  remarquer  1  encadrement  circulaire  qui  rayonne  autour  de  la  pre- 
mière figure  à  droite.  Il  rappelle  à  s  y  méprendre  certains  rinceaux  de  1  églife 
Sancta-Maria-in-Valle  à  Cividale.  en  Frioul.  œuvre  infpirée  par  la  Renais- 
sance byzantine  du  x"  siècle  et  utilifée  par  le  maître  de  1  œuvre  au  début 
du  xii'  siècle  '. 

Dans  le  fond  de  la  niche  on  a  placé  deux  statues  malheureufement 
brifées.  Villemin  les  a  delfinées  au  xviu"  siècle  avec  peu  d  exactitude  :  au 
bas  de  son  efquine  on  lit  cette  légende  :  ".  Guerriers  armés  dans  la  nef  de 
la  cathédrale  de  Lifieux".   // 

En  1  N  I  7.  John  Cotmann  a  exécuté  un  delTin  plus  confciencieux  et  plus 
complet.  Les  deux  chevaliers  portent  une  tunique  d  étoffe  sans  manche, 
recouverte  d  un  vêtement  de  mailles  d  acier.  Un  long  bouclier  protège 
1  épaule  gauche.  Un  ceinturon  retient  le  fourreau  d  une  épée  effilée  vers  la 
pointe.  L  un  des  chevaliers  tient  d  une  main  une  palme,  de  1  autre  une 
banderole  à  infcription  ou  phylactère.  L  autre  chevalier  tient  également  une 
palme  de  la  main  droite,  mais  son  bras  gauche  difparait  sous  larmure.  Le 
sculpteur  a  mis  sous  les  pieds  des  deux  combattants  un  lion  comme  symbole 
de  bravoure  et  de  fier  courage.  Le  coftume  de  guerre,  lattitude  des  défunts 
laiffe  deviner  le  génie  de  ce  grand  xiii''  siècle  qui  a  ennobli  la  vie  et 
embelli  la  mort.  Quel  dommage  qu  il  ne  nous  soit  pas  poffiblc  de  savoir 
le  nom  de  ces  personnages  contemporains  des  croifades  ! 

Le  second  cnfcii  conliRe  également  en  une  niche  circulaire.  Deux 
courtes  colonnettes  pofées  sur  les  extrémités  du  soubafiement  supportent 
une  archivolte  moulurée.  Les  chapiteaux,  du  même  style  que  les  sculptures 
des  feneftrages  et  du  tnforium  du  tranfept,  annoncent  la  fin  du  xii'  siècle. 

Tout  au  bas  de  la  niche  six  anges  couronnés,  placés  en  regard  1  un  de 
1  autre,  portent  en  main  des  palmes  ou  des  phylactères.  Leur  tcte  eft  abritée 
par  une  arcade  cintrée  aux  écoinçons  garnis  de  quatre-feuilles.  Allis  sur  des 

1 .  R.  de  Lastcyric,  L Architccutrc  rcligicufc  en  Frjncc  j  l' cpo<jue ronunc .  Paris  igi  2,  in-S, 
p.  3b. 

2.  Monuments  français  inédits  pour  servir  J  l'hijïoire  des  arts.  t.  \'\  pi.  07 . 


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LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTÉRIEUR 


6i 


cippes  aflez  simples,  les  anges  portent  des  palmes  et  des  phylactères,  dont 
les  infcriptions  ont  difparu.  Ce  cortège  d'anges  n'exifta  pas  toujours  comme 
décoration  de  lenfeu,  c'efl:  une  sculpture  rapportée.  Le  haut  du  tympan 
repréfente  la  préfentation  d'un  défunt  au  tribunal  de  Dieu.  Deux  anges, 
revêtus  de  longues  tuniques  finement  drapées,  tiennent  avec  précaution  l'àme 
du  défunt  enveloppée  dans  un  long  linceul  et  symbolifée  par  un  perfonnage 
nu  (fig.  20).  Au  xiii^  siècle,  l'iconographie  du  tombeau  préfentait  volontiers 
l'âme  des  juftes  sous  les  traits  d'un  perfonnage  non  vêtu,  apparemment 
parce  que  les    bons  n'avaient  rien  à  cacher  au  regard  divin.  Les  méchants, 


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Fig.  20.  —  La  présentation  d'un  défiant  au  tribunal  de  Dieu. 


juftement  effrayés  à  la  vue  de  leurs  laideurs  morales,  s'efforçaient  de  les  difli- 
muler  sous  d'amples  vêtements.  Pour  mieux  exprimer  son  efpoir  en  la  bonté 
miféricordieufe  du  Suprême  Jufticier,  le  sculpteur  de  la  cathédrale  Saint- 
Pierre  confie  aux  anges  le  mort  qu'il  veut  honorer.  A  travers  les  nuées  du 
ciel,  les  deux  meilagers  emportent  doucement  leur  précieux  fardeau  jufqu'au 
Paradis,  lieu  du  repos  et  de  la  gloire  des  élus.  Les  ailes  des  anges  aux 
plumes  délicatement  fouillées,  leur  fine  chevelure,  le  relief  des  perfonnages, 
dont  les  corps  s'infléchifTent  avec  grâce,  l'heureux  agencement  de  leurs  mains, 
les  lignes  merveilleufement  souples  du  linceul  dont  les  extrémités  se  recourbent 
avec  une  surprenante  légèreté,  la  très  belle  difpofition  de  chaque  groupe 
tout  laifie  preilentir  un  travail  du  xiii*^  siècle. 


62  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

L'enfeu  que  nous  venons  de  décrire  pourrait  renfermer  les  reftes  de 
l'enfant  dont  parle  le  Mémorial  :  'r  L'on  a  ôté  même  un  tombeau  élevé  en 
bofle  contre  une  des  murailles  des  ailes  de  la  nef.  dans  lequel  on  a  trouvé 
des  oflements   d  un  enfant  qui  apparemment  était  de  qualité.   // 

En  avant  de  l'enfeu,  il  faut  signaler  une  statue  tombale  du  xii'  siècle. 
Découverte  en  juillet  i!^43  dans  la  cour  de  IHotel-de-VilIe.  elle  était  enga- 
gée dans  les  parois  d'un  réfervoir  à  eau.  La  municipalité  de  Lifieux.  persuadée 
que  ce  gisant  provenait  de  la  cathédrale,  le  rendit  à  sa  deftination  première. 

Taillée  dans  une  pierre  grisâtre,  analogue  au  marbre  de  Vieux,  la  statue 
offre  2  m.  i  s^  de  longueur  sur  o  m.  go  de  largeur  au  sommet.  Le  gisant 
foule  aux  pieds  un  dragon  ailé.  Il  porte  le  coftume  pontifical  :  chafuble 
large  et  ondoyante,  aube  à  parements  rehaudés  de  galons,  tunique,  étole. 
La  main  droite  se  drcHe  pour  bénir.  La  main  gauche  tient  une  croffe  très 
fruffe.  Le  corps  a  huit  fois  et  demi  la  longueur  de  la  tète,  ce  qui  fait  paraître 
les  bras  extrêmement  courts.  La  tète  eft  découverte,  les  cheveux  groffièrement 
contournés,  le  vifage  grêle,  les  mains  paraiHent  d  une  maigreur  afcétique.  Le 
défunt  préfente  la  croffe  tournée  en  dehors  pour  indiquer  sa  juridiction, 
cefl:  donc  bien  1  effigie  d  un  évèque.  M.  de  Formeville  suppofe  qu  il  s  agit 
de  Jean  I".  évèque  de  Lifieux  décédé  en  i  i  |  i  et  inhumé  dans  la  cathédrale 
du  côté  du  septentrion  .  Le  style  de  la  statue,  la  raideur  et  la  gaucherie  des 
membres,  le  manque  de  mouvement  et  de  soupleile  dans  les  draperies 
indiquent  la  facture  romane  ". 

Avant  de  quitter  l'extrémité  du  croifillon  Nord,  il  convient  de  se  sou- 
venir que  les  fonts  baptifmaux  s  y  trouvaient  avant  la  Révolution.  La 
cathédrale  était  paroiffe  pour  les  serviteurs  et  les  gens  du  chapitre;  cefl:  là 
que  leurs  enfants  recevaient  le  baptême.  Leur  entrée  dans  1  églife  s  effectuait 
par  la  porte  située  près  du  mur  de  fond.  L  ancienne  cuve  baptilmale.  datant 
du    xvii"  ou  xviif  siècle,  cft  reléi^uée  dans    un   coin  de  la  cathédrale    sous  le 

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1.  D'  Billon,  dans  Bulletin  mon.,   t.  XIII,  1S4S,  p.    100. 

2.  La  statue  tombale  coiifcrvéc  à  Saint-Pierre  doit  être  d'autant  plus  remarqucc  que  selon 
Emile  Màlc  :  "  C'eft  dans  les  dernières  années  du  xii"  siècle,  suivant  toutes  les  vraifemblanccs, 
que  l'on  vit  pour  la  première  fois  une  statue  touchée  sur  un  tombeau.  *  Emile  Maie. 
L'Art  religieux  en  France  à  h  fin  du  moyen  jge,  p.  424. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR  63 

narthex.  Elle  était  pourtant  plus  efthétique  que  l'étroite  cuve  de  marbre  qui 
la  remplace. 

Au  xvu^  siècle,  les  enfeux  et,  sans  doute,  les  autels  de  Saint-Gilles  et 
de  Saint-Ouen  reçurent  une  décoration  à  la  mode.  Les  sculptures  de  chaque 
tombeau  et  les  parties  lifles  furent  peintes  à  la  colle  de  même  que  les  bou- 
dins d'encadrement  et  les  colonnettes.  Il  en  refle  encore  des  traces  imper- 
ceptibles, le  rouge-brun  et  le  vert  dominaient. 


LE  COLLATÉI{AL  DU  CI{OISILLON  NORJ) 

L'exiftence  d  un  bas-côté  oriental  au  tranfept  conftitue  1  une  des  plus 
curieufes  particularités  architecturales  de  la  cathédrale  Saint-Pierre. 

Une  difpofition  prefque  identique  se  retrouve  à  Longues.  Beauport, 
Laufanne.  L  abbatiale  de  Saint-Denis,  à  1  époque  de  Suger',  comportait 
également  un  bas-côté  oriental,  difpofition  tout  à  fait  exceptionnelle  en 
France,  mais  fréquente  en  Angleterre  (Lincoln.  Rochefter.  Durham.  Here- 
ford,  Lichfield.  Salisbur>\  Peterborough).  Le  bas-côté  de  chaque  croifillon 
à  Lifieux  est  voûté  de  trois  croifées  d  ogives  sur  plan  carré.  Deux  chapelles 
ont  été  ménagées  le  long  du  mur  oritntal.  Les  autels  manquent  des  qualités 
même  du  style  qu'ils  prétendent  imiter.  Les  maitres  d'autrefois,  s'ils  reve- 
naient, les  renieraient.  Ces  paftiches  sont  loin  d  offrir  les  élégances  correctes 
et  pures  du  cadre  qu  ils  doivent  embellir.  Les  statues  placées  au-deflus  de 
ces  autels  paraiilent  si  étriquées  et  si  grêles!  Pour  être  jufte,  il  faut  ajouter 
qu  elles  étaient  deftinées  à  orner  le  grand  autel  où  des  statues  en  bronze 
doré  sont  venues  les  remplacer.  Près  du  paher  de  l'autel  le  plus  rapproché 
du  déambulatoire,  en  iQoc)  chacun  pouvait  contempler  une  pierre  tumu- 
laîre  de  1364.  Aujourd'hui  elle  n'efl:  plus  guère  vifible.  C'était  la  tombe 
de  Foulques  Coftard.  chanoine  de  la  cathédrale.  Le  défunt  avait  les  mains 
jointes,  la  tête  recouverte  d'une  aumuffe.  une  chappe  sur  les  épaules.  Des 
pilaftres  cannelés  et  chargés  de  rinceaux  feuillages  supportaient  une  riche 
arcade  d'encadrement.  L'infcription  gravée  en  lettres  gothiques  était  bien 
lifible.  M.  Arthème  Pannier  nous  l'a  confervée  : 

1.   Viollet-le-Duc  :  Dut.,  t.  IX,  p.  228. 


64  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 

Icy  efl  Lî  sépulture  de  vêfîb''  et  difcrète  perfonne 

M'  Foulqs  Coftdrd  en  son  vivant  p''"  chanoine  de  céans 

licencié  en  droict  canon  et  bachelier  en  théologie 

lequel  décéda  le  VIIT  jour  de  Novembre  md  VccLXIII 

R^quiefcat  in  Pace. 

^mcn  ' . 


LE  Cl{OISILLON  SUD 

Le  bas-côté  oriental  du  cioifillon  Sud  offre  tous  les  caractères  remar- 
qués dans  le  croifillon  Nord.  Seul  le  mur  du  fond  diffère.  La  fenêtre 
géminée  fut  agrandie  et  divifée  par  un  meneau  au  xvi  siècle.  Le  soubaffe- 
ment  du  mur  renferme  un  enfeu  voûté  de  deux  jolies  croifées  d  ogives. 
Malheureufemcnt  le  coffre  refte  nu.  la  pierre  tombale  a  été  buchée.  Cepen- 
dant en  la  regardant  avec  précaution,  il  efl:  encore  poffible  de  diffingucr  la 
place  des  mains,  la  forme  de  la  crofle.  les  contours  d  une  ample  chafuble 
et  même  quelques  traces  d  un  animal  symbolique.  C  était  évidemment  la 
sépulture  d  un  évêque  de  Lifieux.  L  ordonnance  du  mausolée  indique  le 
treizième  siècle.  L'un  des  médaillons  sculptés  sur  le  tvmpan  de  1  arcature 
extérieure  repréfentc  un  moine  à  la  bcface  entr  ouverte.  Sur  sa  tête  se  remarque 
un  bonnet  de  bouffon.  L'artiffe  aura  voulu  faire  une  chariie.  Sa  vcne  se 
sera  égayée  aux  dépens  de  quelque  docte  perfonnagc  de  son  entourage 
(fig.  2l).  Il  ny  eut  jamais  de  cenfeurs  moins  sévères  que  les  clercs  du 
moyen  âge:  ils  ne  se  scandalifaient  guère  des  saillies  de  la  gaité  populaire  et 
laidaient  pénétrer  dans  la  cathédrale  les  motifs  décoratifs  les  plus  fantailiftes. 
même  les  plus  facétieux.  Quand  les  bons  chanoines  de  Lifieux  aperçurent 
le  curieux  motif  exécuté  par  1  imagier  de  leur  églife.  ils  furent  sans  doute 
les  premiers  à  sourire   de  son  badinage  inoffenfif 

Le   mur  de  fond   du  croifillon    proprement    dit   a    son    rez-dc-chauilée 

I  .  Il  cft  qucftion  de  ce  dunoinc  dans  un  obituaire  de  la  cathédrale  appartenant  à  la 
Bibliotlicquc  Nationale  (xvi"  siècle,  fonds  latin  nouv.  acq..  n"  177S).  Au  7'  feuillet  de  ce 
précieux  manufcrit.  M.  Foulques  Coftard  eft  porte  domicilie  dans  la  maifon  canoniale  du 
titre  de  Sainte-Barbe  située  sur  la  rue  aux  Chanoines,  non  loin  de  remplacement  actuel  de  la 
Banque  de  France. 


PL  24 


PLAFOND    DE   BOIS  SCULPTÉ  PROVENANT  DE  L'ANCIENNE  TRIBUNE  DES   MUSICIENS 


Gouache  de  Léon  Lederc. 
GROUPE   DANGES,    BAS-RELIEF   PIERRE.    ENFEU   DU   CROISILLON   NORD 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  EXTÉRIEUR 


65 


marqué  par  un  tambour  dont  le  deflus  poiTède  un  riche  plafond  RenaifTance. 
A  la  fin  du  xvi^  siècle,  peut-être  à  partir  de  15 78,  dans  les  grandes  céré- 
monies religieufes.  lorcheflre  de  la  cathédrale  venait  se  placer  sur  une  tri- 
bune élevée  à  l'extrémité  du  tranfept.  La  galerie  de  service  ayant  été  fermée 
par  Guillemot  de  Samaifon.  «  la  tribune  des  muficiens  >/  permettait  de 
paiTer  d'un  coté  du  tranfept  à  l'autre  à  la  hauteur  du  triforium.  Le  plafond 
de  la  tribune  repofait  sur  une  énorme  traverfe  de  bois  s'appuyant  d'un  côté 
sur  le  mur  occidental  et 
de  lautre  côté  sur  les 
deux  premières  colonnes, 
ce  qui  explique  les  entailles 
profondes  qu  elles  préfen- 
tent  au  regard.  L'efcalier 
de  la  bibliothèque  du  cha- 
pitre deflervait  cette  tri- 
bune. En  1800  elle  fut 
démontée .  diminuée  et 
recompofée  par  les  soins 
de  M.  Larcher.  menuifier, 
et  Lemainier,  sculpteur,  à 
la    grande    loie    de    nom- 


granae    j 
breux  artiftes. 

Le  centre  du  plafond 
eft  formé  de  cinq  grands 
panneaux  octogones  enca- 
drant des  caiiTons  garnis  de  rofaces,  de  clefs  pendantes  sculptées  à  jour  et 
de  scènes  religieufes.  L'une  d  elles  repréfente  David  pinçant  de  la  harpe, 
l'autre  glorifie  sainte  Cécile,  patronne  des  muficiens.  La  vierge  romaine 
promène  ses  doigts  sur  un  clavier  d  orgue;  un  ange  se  tient  à  ses  côtés, 
comme  pour  diriger  son  jeu  et  lui  infpirer  de  délicates  et  prenantes  mélo- 
dies. Quatre  lofanges  ornés  de  têtes  d'anges,  ou  de  fines  arabefques 
entourent  les  médaillons  de  fond.  Des  moulures,  d'élégants  pendentifs,  des 
deffins  courants  servent  de  bordure  au  plafond  soutenu  par  deux  colonnes 
corinthiennes  en   beau  bois   de  chêne  décoré  de   cannelures  et  de  branches 


Fig.  21.  —  Médaillon  sculpté,  enfeu  du  croifillon  Sud. 


.,()  SAINT-PIEKKE  DE  LISIEUX 

(de  lierre.  Des  trophées  d'inftrumcnts  de  muficjue  et  des  figures  allégoriques 
et  mytliologiaues  sont  dilpofés  sur  la  frife  d'entablement.  Pris  à  part,  le 
plafond  c(l  une  pièce  de  menuiferie  remarcjuablc  par  son  affemblage.  son 
tracé  géométriGuc  et  sa  très  riche  décoration.  Malheureufcment  il  cd  fort 
mal  éclairé  et  puis  ne  trouble-t-il  pas  un  peu  1  harmonie  de  la  cathédrale, 
en  dérobant  aux  regards  la  porte  dite  du  Paradis,  dont  1  ordonnance  inté- 
rieure et  la  fine  sculpture  palTent  trop  inaperçues.''  Par  ailleurs,  ce  serait 
dommage  de  supprimer  un  aulli  curieux  morceau  de  sculpture  sur  bois; 
tous  ceux  qui  s  occupent  d  archéologie  savent  avec  quelle  prudente  réferve 
on  doit  toucher  aux  anciennes  boiferies,  aux  vieux  panneaux  à  caiffons  dont 
très  peu  sont  parvenus  jufqu  à  nous.  Confidérant  la  tribune  des  muficiens 
comme  une  adjonction  dilparate.  en  iS^".  M.  1  abbé  Cagniard  fort  de 
I  autorilation  préfectorale,  réfolut  de  la  supprimer.  De  violents  blâmes  et 
d  acerbes  protcftations  s  élevèrent  de  toutes  parts  contre  cet  enlèvement  inat- 
tendu. Se  failant  1  écho  de  ces  critiques,  le  Bulletin  uiommicntdl  écrivait  : 
'^  La  société  fiançaife  doit,  en  regrettant  les  actes  de  vandalilme.  ménager 
ceux  qui  s  en  rendent  coupables  lorfqu  ils  peuvent  prétexter  I  ignorance.  Mais 
ici  M.  le  curé  de  Saint-Pierre  de  Lifieux  a  aiii  en  connaifTance  de  caufe'.  /> 
Cclui-ci  ne  se  laiilait  pas  émouvoir  par  ces  plaintes  amères.  c  était  un  cœur 
d  or  mais  une  volonté  décidée.  Dans  une  difficulté,  il  s  arrangeait  toujours 
pour  avoir  le  dernier  mot.  Pourtant  après  treize  années  de  réliftance  M.  le 
curé  de  Saint-Pierre  se  lailla  convaincre  et  la  tribune  Sainte-Cécile,  rajeunie 
et  trani formée,  reparut  dans  la  cathédrale.  Vu  de  cet  endroit  élevé,  légliie 
prend  un  alpcct  grandiole.  le  chœur  réferve  aux  regards  une  bien  jolie 
pcrfpcctivc.  le  tran(ept  se  montre  dans  toute  sa  beauté,  la  lanterne  surgit 
comme  une  apparition  vivante  et  joyeuse. 

Au-dellus  du  plafond  à  caifTons.  la  muraille  ell  tapillée  darcatures  gémi- 
nées encadrées  deux  .i  deux  par  une  arcature  plus  grande.  La  retombée  de 
1  archivolte  supérieure  se  fait  soit  sur  des  tètes  humaines  d  alpect  bizarre, 
soit  sur  des  tètes  d  animaux. 

Le  triforium  cft  aveugle  et  formé  de  baies  reaangulaires  séparées  par 
une  large  maçonnerie  entourée  d  un  arc  brifc.  Avant  la  reftauration  du 
xv'  siècle  cette  galerie  permettait  de  contourner  le  croifillon  tout  entier. 

'      Bulletin  monument jl,  i.  XI.\,   i<s^-^,  p.  ^^4-1^^ 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQL'E  —   INTERIEUR 


67 


A  1  étage  supérieur.  1  architecture  efl:  prefque  identique  à  celle  du  croi- 
sillon Nord.  Trois  hautes  fenêtres  à  lancettes  l'ajourent.  Comme  M.  Serbat 
l'a  remarqué  avec  juftefTe.  le  feneftrage  du  milieu  eft  plus  élevé,  sans  que  son 
arc  soit  surhaufle.  il  en  réfulte  que  les  chapiteaux  des  colonnettes  ne  sont 
pas  au  niveau  des  chapiteaux  des  baies  latérales.  La  fenêtre  située  à  l'angle 
occidental  du  tambour  a  été  mutilée  au  moment  de  la  conflruction  de  la 
tribune  des  muficiens. 

A  droite  de  la  porte  des  chanoines,  qui  fut  d  abord  une  porte  donnant 
sur  1  extérieur,  subfifte  un  curieux  bas-relief  infcnt  sous  une  arcature  trilobée. 
C'eft  un  groupe  funéraire. 

Un  arc  en  accolade  à  rampants  feuillages 
et  fleuronnés  surmonte  le  trilobé.  De  légers 
contreforts  amortis  par  des  pinacles  super- 
pofés  mettent  en  valeur  le  groupe  sculpté. 
Une  série  d  arcatures  à  remplages  rehe  les 
pinacles  au  fleuron. 

La  Vierge  est  afTife  sous  le  lobe  droit. 
Son  manteau  retenu  par  une  agrafe  tombe 
jufqu  à  terre  en  se  creufant  de  plis  horizon- 
taux. Une  longue  chevelure  ondule  sur  les 
épaules  de  Notre-Dame,  un  magnifique  dia- 
dème entoure  son  front.  La  physionomie 
ouverte,  les  joues  pleines,  le  regard  droit,  tout  contribue  à  rendre  la  Vierge 
plus  aimable  que  majeflueufe  (fig.  22).  Ce  n  eft  pas  une  reine  solennelle 
et  froide,  c  efl:  une  mère  aimante  et  gracieufe.  Debout  sur  les  genoux  de 
Marie,  1  enfant  Jéfus  se  penche  avec  infiniment  de  bienveillance  vers  un 
eccléfiaftique.  très  fervent  dans  son  agenouillement.  La  figure  du  Sauveur 
s'anime,  ses  yeux  s  illuminent,  ses  lèvres  se  détendent,  il  va  sourire.  Un 
accueil  enthoufiafle  sera  certainement  réfervé  au  chanoine  qui.  mains 
jointes.  1  aumufle  sur  le  bras,  la  tonfure  bien  marquée,  vient  de  préfenter 
sa  supphque  avec  moult  révérence.  Devant  le  Juge  Suprême.  1  eccléfiaftique 
n'eft  pas  un  ifolé.  Le  patron  de  sa  maifon  canoniale,  saint  Sébaftien 
affifte  à  cette  décifive  entrevue.  Pour  rendre  la  scène  plus  pathétique, 
le  sculpteur  préfente  le  martvr  attaché  à  un   arbre.  Un  arc  à  la  main,  un 


Fig.  22.  —  Groupe  funéraire.  croifiUon  Sud 


68 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


paquet  de  flèches  à  la  ceinture,  le  bourreau  le  suit.  Anachronifme  char- 
mant :  cet  exécuteur  des  hautes  œuvres  porte  la  coiffure,  le  pourpoint  et  le 
haut-de-chaufTe  de  la  seconde  moitié  du  xv'  siècle.  Les  larges  plis  des  étoffes, 
la  figure  fine  et  expreffive  de  1  enfant  Jéfus.  le  commencement  de  réalifme 
qui  s  affirme  dans  le    geffe  protecteur  de  saint  Sébastien,  les  profils  prifma- 

tiques  des  arcatures.  les  feuillages  recro- 
quevillés, froiffés  et  très  détaillés,  per- 
mettent de  rattacher  le  bas-relief  à 
1  art  du  temps  de  Charles  VII  ou  de 
Louis  XI. 

Dans  le  lobe  supérieur,  un  ange 
aux  ailes  étendues  emporte  au  ciel  1  àme 
du  défunt  symbolifée  par  un  frêle 
enfant  en  prière  (fig.  2";).  Une  infcrip- 
tion  obituaire.  gravée  sur  une  plaque 
de  marbre,  était  jadis  appofée  au-deffous 
du  groupe  ;  elle  a  difparu.  mais  la  place 
qu  elle  occupait  eft  nettement  appa- 
rente. Le  bas-relief  eft  donc  bien  une 
repréfentation  funéraire.  C  était  le  tombeau  d  un  chanoine  du  titre  de 
Saint-Sébaftien.  Des  sculptures  funéraires  analogues  se  rencontrent  à  Eu, 
à  Moyaux.  et  à  Pierrefittc-en-Auge .  Il  suffit  d  ouvrir  le  recueil  de 
Gaignières  pour  en   retrouver  de  nombreux  exemples. 


Fig.    3V         Groupe  funéraire  du  croifillon  Sud,  détail. 


LE  CHŒUH^ 


Dans  la  conflruction  des  églifcs.  au  moyen  âge.  1  ulage  habituel  était 
d  élever  tout  d  abord  le  chœur.  A  Lilieux.  le  maitre  de  1  œuvre  commença 
les  travaux  par  la  nef.  qui  se  trouve  être  la  partie  la  plus  ancienne  de  1  édi- 
fice. Moins  étroit  et  mieux  proportionné  que  la  nef.  le  chœur  préfente  une 
légère  déviation  de  1  axe  et  une  déformation  senfible  due  sans  doute  au  mou- 
vement de  la  conflruction.  Dès  M'iy.  1  édifice  avait  joué  principalement 
dans  la    région   du   tranfcpt  et  du  chœur.  Grâce  à   1  élafticité  des   formules 


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LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTÉRIEUR  69 

gothiques.  le  tafïement  n'a  pu  rompre  à  l'équilibre.  L'adroite  oppofition 
des  membres  d'architecture  a  pleinement  réufTi  à  empêcher  un  gliffement 
fatal  des  parties  hautes. 

Le  chœur  de  Saint-Pierre  comprend  quatre  travées  droites  et  une 
abfide  demi-circulaire  comme  à  Bayeux,  Saint-Etienne  de  Caen,  Senlis, 
Noyon.   Nantes  et  Notre-Dame-de-Paris. 

Au  rez-de-chauflée,  les  huit  supports  de  la  partie  droite  sont  des 
colonnes  cylmdriques,  avec  bafes  et  chapiteaux  octogones  traités  comme 
dans  les  croifillons.  Les  deux  rangs  d'acanthes  de  chaque  corbeille  corres- 
pondent à  deux  affifes.  Une  seconde  aftragale  accentue  davantage  cette 
divifion.  Le  même  procédé  se  remarque  également  dans  la  nef.  le  tranfept, 
et  se  retrouve  à  Saint-Quentin.  SoiiTons.  Longpont,  Braifne.  Reims  et 
Chartres.  Au  moment  de  la  reftauration  moderne  du  chœur,  dans  les  tra- 
vées supérieures,  des  feuillages  à  crochets  furent  subftitués  aux  larges  feuilles 
côtelées  précédemment  appliquées  aux  corbeilles  anciennes. 

Si  l'étage  inférieur  du  chœur  proprement  dit  rappelle  le  style  de  la  nef 
et  des  croifillons.  par  les  mêmes  procédés  d'appareil,  des  profils  semblables 
et  d  identiques  ornements,  les  étages  supérieurs  préfentent  diverfes  modifica- 
tions. Elles  sont  plus  nombreufes  et  plus  apparentes  dans  le  voifinage  immé- 
diat du  chevet.  A  mesure  que  l'œuvre  se  développe,  elle  renouvelle  ses 
moyens  d'expreffion.  Dès  la  seconde  travée  les  fenêtres  hautes  préfentent  une 
mouluration  plus  complexe.  A  la  troifième  travée,  le  triforium  diffère  senfi- 
blement  (fig.  24).  Les  supports  s'affinent,  s'ifolent  de  la  muraille,  et 
finiffent  sur  un  tailloir  octogonal.  La  sculpture  des  chapiteaux  s'épanouit  en 
crochets;  la  mouluration  intérieure  des  archivoltes  n'offre  plus  de  claveaux 
à  fond  plat,  mais  des  boudins  parallèles  dégagés  par  des  gorges.  Enfin  le 
tympan  efi:  percé  d'un  trèfle  accoffé  de  trois  fleurons.  Ces  caractérifl:iques 
nouvelles  se  voient  également  à  la  quatrième  travée  et  d'autres  divergences 
encore.  En  effet,  les  trois  supports  de  la  voûte  portent  sur  des  socles  circu- 
laires et  se  terminent  par  des  tailloirs  arrondis.  Le  fût  ceffe  d'être  entouré  par 
des  bagues.  La  clef  de  voûte  devient  plus  large  et  plus  ornée. 

D'où  viennent  ces  différences  d  ornementation  dans  le  chœur?  Les  opi- 
nions sont  partagées.  La  plupart  des  archéologues  avec  M.  Charles  Vaffeur, 
efliiment  que  les  deux  dernières  travées  ne  furent  pas  prévues  par  le  premier 


70  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

conftructeur.  Primitivement  le  chœur  s'arrêtait  après  l'orgue  d'accompagne- 
ment. Il  suffit  pour  sen  convaincre  d'examiner  les  chapiteaux  des  grofles 
colonnes  qui  limitent  la  seconde  travée.  Les  tailloirs  affectent  un  tracé  cur- 
viligne. La  courbe  de  l'ancien  hémicvcle  commençait  au  droit  des  troifièmes 
colonnes.  Une  autre  preuve  de  l'allongement  du  chœur  serait  fournie  par 
l'exiftence  d  une  pifcine  retrouvée  naguère  dans  1  entre-colonnement.  Cet 
édicule  mafqué  par  les  bancs  du  déambulatoire  Sud  recevait  l'eau  provenant 
des  ablutions  et  indiquerait   la  pofition  occupée  par  l'autel  primitif.   L  or- 


Fig.   ;.(         Triforium  du  chccur. 


donnance  des  deux  premières  travées  du  déambulatoire  confirmerait  cette 
hypothèfc.  Elles  sont  complètement  différentes  des  autres  travées  et  beaucoup 
plus  françaifcs  que  normandes. 

En  i«)(>N.  M.  Louis  Scrbat.  dans  le  ijuide  du  Conférés  de  Caen.  a  mis 
en  doute  les  conclufions  de  ses  devanciers.  A  son  avis,  les  différences  dans 
1  élévation  des  étages  n  indiquent  ni  un  allongement  du  chœur  ni  deux 
campagnes  diftmctcs  dans  sa  conftruction.  mais  seulement  une  certaine  len- 
teur dans  les  travaux,  un  simple  repentir  en  cours  d  exécution.  La  reprifc 
n  a  eu  lieu  qu  à  la  naiffance  du  chevet.  En  effet,  à  1  extérieur,  les  quatre 
travées  droites  sont  presque  identiques  d  en  bas  jufqu  en  haut. 

A  défaut  de  textes,  seules  des  fouilles  conciencieufcs  pourraient  apporter 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR  71 

des  renfeignements  décififs  sur  1  étendue  du  chœur  primitif.  Mais  il  efl; 
permis  de  conftater  que  l'influence  locale  se  fait  sentir  dans  les  parties 
hautes  des  trois  dernières  travées  du  chœur. 

L'archéologue  peut  y  surprendre  les  tendances  qui  sépareront  l'école 
gothique  de  1  Ile-de-France  de  lécole  gothique  normande.  La  mouluration 
se  complique,  les  profils  deviennent  parallèles,  la  décoration  symétrique,  les 
tailloirs  s'arrondiiTent,  certains  boudins  se  coudent.  En  résumé  un  nouvel 
architecte  vient  de  prendre  la  direction  des  travaux  tout  en  s  infpirant  des 
traditions  de  la  province,  il  eflaie  de  ménager  une  tranfition  entre  son 
œuvre  et  celle  de  son  prédécefTeur, 

La  partie  droite  du  chœur  efl:  voûtée  sur  croifée  d'ogives  de  plan  bar- 
long.  Chaque  voùtain  appareillé  en  petits  moellons,  noyés  dans  un  mortier 
extrêmement  réfiftant,  offre  une  épaiffeur  d'environ  vingt-cinq    centimètres. 


LE  SANCTUAII{E 

La  partie  tournante  du  chœur  sert  de  sanctuaire  à  la  cathédrale  Saint-Pierre  ; 
pour  les  très  johes  et  savantes  chofes,  c'efl:  le  conftructeur  du  chevet  qui 
sait  les  secrets.  Là,  toute  force  efl:  active,  larchitecture  s'affine,  s'allège.  Aucun 
tâtonnement,  aucune  héfitation,  le  maître  de  l'œuvre  domine  les  procédés 
gothiques.  Prévoyant  exactement  les  points  de  pouffée  des  voûtes,  il  leur 
oppofe  des  arcs-boutants  difpofés  avec  beaucoup  d'art.  Ainfi  la  preffion 
oblique  devient  verticale,  une  longue  colonnette  effilée  la  tranfmet  au  tailloir 
des  pdes  du  rez-de-chauffée,  tandis  que  les  nervures  du  déambulatoire  main- 
tiennent l'équilibre  en  faifant  contrepoids.  Dans  le  triforium,  la  succeffion 
des  vides  et  des  pleins  calculés  avec  une  grande  habileté,  produit  de  belles 
oppofitions  de  lumière,  des  ombres  profondes  et  des  clairs  vigoureux.  La 
décoration,  les  profils,  la  compofition  générale,  indiquent  une  œuvre  nor- 
mande. D'ailleurs  en  élévation  et  pour  divers  détails,  le  chevet  de  Saint- 
Pierre  de  Lifieux  a  été  souvent  comparé  avec  ceux  de  Saint-Etienne  de  Caen 
et  de  Notre-Dame  de  Bayeux.  De  réelles  reffemblances  se  remarquent  dans 
les  trois  édifices.  Arcades  suraigués.  moulures  formées  de  boudins  parallèles 
et  de  gorges  profondes,  nervures    en  pénétration  les  unes   dans   les   autres, 


7  2  SAINT-PIERRE   DE  LISIEUX 

tailloirs  ronds:  autant  de  caractériftiques  qui  se  retrouvent  à  Caen.  à  Baveux 
et  à  Lifieux.  Le  chevet  de  1  Abbaye-aux-Hommes  marque  les  débuts  de  1  é- 
cole  gothique  de  Normandie.  Les  chœurs  de  Bayeux  et  de  Lifieux  en  marquent 
1  apogée.  Le  premier  avec  ses  écoinçons  couverts  de  rameaux  fleuris,  avec  sa 
voûte  rehauflée  de  peintures,  éblouit  le  regard  par  la  splendeur  de  son  décor: 
le  second  attire  par  sa  noble  simplicité.  Là-bas  c  eft  déjà  la  joliefTe  dans  les 
détails,  ici  c  eft  la  pureté  de  la  compolition  générale,  une  beauté  prefquc 
sévère  mais  d  une  douce  attirance.  Avant  la  Révolution,  le  menu  peuple, 
en  parlant  des  deux  diocèfes  et  des  deux  cathédrales,  difait  :  ''  Lifieux  le  noble 
et  Bayeux  le  riche.  //  Il  y  a  dans  cette  appréciation  une  nuance  qui  con- 
vient parfaitement  au  style  des  deux  monuments. 

Au  chevet  de  Saint-Picrre.  les  piliers  du  sanctuaire  au  nombre  de  six 
s  appuient  sur  un  soubafTement  demi-circulaire.  Moins  épaifles  que  les  co- 
lonnes de  la  partie  droite  du  chœur,  ces  piles  comprennent  deux  gros  sup- 
ports établis  1  un  derrière  1  autre,  flanqués  sur  les  côtés  de  deux  minces 
colonnettes.  La  corbeille  s  orne  de  feuillages  et  de  nombreux  crochets  difpofés 
en  alternance.  Le  tailloir  cft  commun  aux  quatre  fûts.  A  caufe  du  rétrécis- 
sement survenu  dans  rcntre-colonncmcnt.  les  sept  arcades  du  chevet  ofl^rent 
un  tracé  dune  extrême   acuité  '. 

Un  cordon  mouluré  marque  1  étage  du  triforium.  jolie  galerie  de  circu- 
lation formée  d  un  arc  en  tiers-point  partagé  en  deux  lancettes.  Le  tvmpan 
également  paré  d  ajours.  les  fûts  très  finement  arrondis,  les  chapiteaux  à 
tailloirs  octoiiones.  donnent  au  triforium  une  léiièreté  et  une  éléi^ance  incon- 
teflables.   Un  mur  plein  cache  les  combles. 

Quand  1  archéologue  vifite  cette  galerie,  il  lui  efl  facile  de  remarquer 
que  1  alignement  de  la  partie  tournante  du  chœur  s  avance  de  quelques  cen- 
timètres sur  la  partie  droite.  L'architecte  du  chevet  a  voulu  ainli  nettement 
délimiter  son  œuvre. 

Au-deffus  de  la  galerie  du  triforium  court  un  bandeau  de  quatre- 
feuilles  découpés  comme  à  1  emporte-pièce.  L  éclairage  cfl  donné  par  des 
feneflraiies  en  arc-brifé  taiiiients  aux  formerets  et  entourés  des  boudins 
parallèles.  Un  paflage  de  service  travcrfc  les  embrafures  des  fenêtres  et  permet 

I.    Pro^l  des  jrcjJes  du  chevet  :  cintj  tores  parallèles  dégagés  par  des  gorges. 


PL    26 


Photo  M.  H. 


LE  TB.IFOWUM  ET  LES  VOUTES  DU   CHŒUR 


Photo  Boutey. 


ANGLE   DU   CHŒUR  ET  DU   CROISILLON   SUD 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTERIEUR 


73 


de  circuler  autour  de  la  claire-voie  ' .  Les  huit  nervures  de  la  voûte  retombent 
sur  de  sveltes  colonnettes  qui  partent  des  tailloirs  des  supports  du  rez-de- 
chauflée.  Les  arcs  diagonaux  se  rejoignent  à 
la  clef  de  voûte  ornée  des  armoiries  du 
chapitre.  Toutefois  quatre  petites  branches 
d'ogives,  au  lieu  de  s'arrêter  à  la  clef,  con- 
vergent vers  le  doubleau  comme  à  Bayeux. 
Les  compartiments  de  voûte  sont  conftruits 
en  petit  appareil  taillé  avec  la  plus  grande 
symétrie.  La  clef  pendante  de  la  quatrième 
travée  droite  du  chœur  indique  une  reprife 
du  xvi^  siècle.  Les  voûtes  du  sanctuaire 
furent  sans  doute   remaniées  dans  la  même 


campagne. 


P^gï 


DEAMBULATOII{E 


Fig.  23.  —  Entrée  du  déambulatoire. 


Il  s'ouvre  de  chaque  côté  du  chœur  par 
un  grand  arc.  dont  l'archivolte  intérieure 
refte  plate  (fig.  23).  La  travée  tangente  au 
croifillon  en  forme  le  prolongement.  Elle  eft 
un  peu  plus  large  que  celui-ci.  La  seconde 
travée,  clofe  latéralement   par  un    mur  aflez 

simple,  efl;  percée  dune  porte.  Celle  du  collatéral  Nord  donne  accès  dans 
l'enclos  de  la  cathédrale,  celle  du  collatéral  Sud  conduit  à  la  sacriftie. 

Dans  les  deux  premières  travées  du  déambulatoire,  les  supports,  chapi- 
teaux, tailloirs,  les  nervures  des  voûtes  sont  traités  comme  dans  les  collaté- 
raux de  la  nef.  A  partir  de  la  troifième  travée,  le  style  porte  l'empreinte 
d'influences  normandes  indifcutables. 

Les  supports  de  la  voûte  perdent  leurs  bagues.  Doubleaux  et  ogives 
d'un  profil  plus  léger  repofent  d'un  côté  sur  les  tailloirs  des  chapiteaux  des 


I .   Profl  des  nervures  du  chevet  :  un  tore  entre  deux  cavets.^Pro/î/  des  doubleaux  du  chœur 
deux  boudins  séparés  par  un  canal.  —  Profl  des  ogives  :  un  boudin  entre  deux  cavets. 


74  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 

piliers  du  chœur  et.  du  côté  des  murs  latéraux,  sur  un  faifceau  non  plus 
de  trois  colonnes,  mais  de  cinq  supports  réunis  par  des  gorges  très  accen- 
tuées. Les  chapiteaux  ont  des  crochets  et  des  feuillages  difpofés  avec  beau- 
coup d  art.  Le  tailloir,  de  forme  arrondie,  eft  commun  au  failceau  des 
cinq  colonnettes.   Les  bafes  et  les  socles  sont  circulaires. 

D  un  banc  de  pierre,  où  les  anciens  Lexoviens  pouvaient  s  aHeoir  dans 
les  grandes  fêtes  liturgiques,  partent  des  arcatures  décoratives  d  un  profil 
bien  normand.  Les  architectes  de  la  cathédrale  de  Baveux  et  de  Norrey  ont 
fait  appel  au  même  procédé  de  décoration  dans  le  déambulatoire,  en 
1  enrichilTant  de  jolis  motifs.  A  Bayeux.  les  arcatures  sont  couronnées  par 
un  bandeau  de  feuillage  ;  à  Norrey  le  cifeau  du  sculpteur,  fouillant  pro- 
fondément la  pierre,  a  repréfenté  le  triomphe  de  1  Euchariftie.  A  Lifieux. 
la  décoration  du  soubalTement  rell:e  très  sobre.  Au-deiTus  d  un  bandeau 
mouluré,  de  belles  fenêtres  géminées,  à  double  remplage,  montent  jufqu  à 
la  voûte.  Les  écoinçons  sont  garnis  d  une  roface  feuillagée.  d  un  trèfle  ou 
d  un  quatrc-feuillc  fleuronné.  Ces  médaillons  gravés,  ces  rofaces  en  relief, 
sont  à  rapprocher  des  motifs  analogues  des  porches  latéraux  et  de  la  salle 
gothique  de  1  ancien  palais  épifcopal. 

L  ordonnance  de  la  claire-voie  du  déambulatoire  de  Bayeux  et  du 
chœur  de  Coutanccs  rappelle  les  feneflrages  de  Lifieux,  mais  dans  cette 
dernière  cathédrale  aucun  pafiagc  n  a  été  pratiqué  au  niveau  des  baies. 

Dans  la  partie  tournante  du  déambulatoire  de  Saint-Pierre,  chaque 
travée  de  voûte  ayant  la  forme  d  un  trapèze,  larchitecte  en  prit  le  centre 
et,  à  1  aide  d  ogives  d  inégale  longueur,  réunit  le  point  ainfi  obtenu  aux 
quatre  angles. 

En  iS()t).  M.  Millet,  architecte  des  monuments  hiftoriques  et  M.  Bel- 
lot,  entrepreneur,  reftaurèrent  très  adroitement  les  collatéraux  du  chœur. 
De  nombreux  bancs  en  gradins  obfiruaient  le  déambulatoire.  Les  colon- 
nettes  du  soubalTement  avaient  été  affrcufcment  mutilées  pour  placer  ces 
bancs  de  bois  blanc.  Après  avoir  débadigeonné  cette  partie  de  léglife  d  une 
main  experte,  les  ouvriers  rétablirent  les  fûts  et  les  chapiteaux  détruits, 
remirent  en  état  les  arcatures  avec  tant  d  attention  qu  il  est  presque  impos- 
sible de  diftinguer  les  traces  des  anciennes  dégradations. 

Les  deux  petites  portes   situées    près   des  chapelles  ablidales   conduilcnt 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTÉRIEUR  75 

l'une  à  la  tour  Saint-Ursin  '  et  l'autre  à  la  tour  Saint-Martin,  tourelles 
établies  à  la  naiilance  du  chevet,  comme  à  Saint-Etienne  de  Caen.  Baveux 
et  Coutances. 

Au  xiu'  siècle,  les  architectes  gothiques  se  plaifaient  à  faire  rayonner 
autour  du  chœur  une  ligne  continue  d  abfidioles.  Contrairement  à  cet 
ufage  généralement  refpecté,  à  Lifieux,  sur  la  partie  tournante  du  déambu- 
latoire s  ouvrent  trois  chapelles  efpacées.  réunies  entre  elles  par  un  soubas- 
sement circulaire.  Une  difpofition  analogue,  legs  de  la  tradition  romane, 
fut  également  adoptée  par  les  maîtres  d'œuvres  de  Rouen.  Bourges.  Saint- 
Julien  du  Mans,  et  dans  les  églifes  picardes  de  Saint-Sauve,  de  Montreuil- 
sur-Mer.  Notre-Dame-de-Samt-Omer.  Au  xiii"  siècle,  la  chapelle  Notre- 
Dame  était  loin  d  être  auffi  profonde  et  spacieufe.  Après  la  mort  de 
Jeanne  d'Arc.  Pierre  Cauchon  'r  alla  pafTer  les  dernières  années  de  sa  vie, 
oublié  et  meurtri,  dans  son  évèché  de  Lifieux.  Il  y  employa  ses  loifirs  et 
le  fruit  de  ses  peines  à  élever  une  chapelle  en  1  honneur  de  la  Vierge,  qui 
efl:  un  des  plus  exquis  monuments  de  1  époque,  car  cet  homme  énergique 
avait,  comme  Louis  XI.  le  goût  fin  et  sûr'.  >/  M.  Lahaye  donnera  dans 
cet  ouvrage  la  defcription  détaillée  de  cette  chapelle,  véritable  bijou  d  archi- 
tecture flamboyante. 

Les  deux  autres  chapelles  abfidales  sont  contemporaines  du  sanctuaire 
et  auffi  habilement  conçues  qu  élégantes  d'afpect.  Edifiées  sur  plan  semi- 
circulaire,  elles  ne  deviennent  pas  polygonales  au  niveau  de  1  appui  des 
feneftrages.  Sachant  par  expérience  que  les  baies  ouvertes  dans  un  mur 
cylindrique  poufient  au  vide,  et  que  la  taille  des  meneaux  sur  un  plan 
courbe  préfente  de  sérieufes  difficultés,  le  conftructeur  n  a  point  pratiqué 
de  fenêtres  géminées  dans  les  abfidioles. 

Trois  fenêtres  simples  en  arc  brifé  éclairent  chaque  chapelle,  dont  le 
soubafTement  eft  orné  d  un  côté  par  une  jolie  pifcine.  de  lautre  par  un 
sacraire  où  le  chapelain  dépofait  jadis  les  vafes  sacrés  après  la  mefle 
matinale. 

La  voûte  comprend  six  branches  d  ogives,  deux  d  entre  elles.  dépafTant 
la  clef,  viennent  rejoindre  le  doubleau  d  entrée.  Comme  à  la  cathédrale  de 

1 .  Comptes  de  1373. 

2.  G.  \^.^nQ)^.■3^xx.  Jeanne -i Arc.  Paris.  191 1,  p.  278. 


76  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Bayeux,  dans  la  mouluration  se  remarquent  des  tores  rainés  entre  deux 
gorges.  Les  cinq  colonnettes  qui  encadrent  les  trois  chapelles  de  1  abfide 
sont  réunies  par  des  gorges  profondes. 

Avant  la  Révolution,  la  chapelle  située  à  lextrémité  du  collatéral  Sud 
avait  pour  titulaire  ''  Monfieur  Saint-Urfin  //.  Ceft  là  que  le  Jeudi-Saint. 
après  l'office  liturgique.  Tévèque  de  Lifieux.  accompagné  d  un  nombreux 
clergé,  venait  dépofer  la  réferve  euchanftique  sur  un  repofoir  entouré  de 
tentures,  de  fleurs  et  de  cierges.  Chaque  jour,  des  pèlerins  y  venaient 
réclamer  la  protection  de  lilludire  guérilTeur  des  fiévreux.  Un  long  tableau 
à  lair  vieillot,  dont  M.  Robert  Salles  nous  a  fait  un  curieux  deffin.  per- 
mettait aux  clients  de  "  Monfieur  Saint-Urfin  //  de  se  rendre  compte  des 
grâces   spéciales  dont  Lifieux  lui  était  redevable. 

La  chapelle  édifiée  à  l'extrémité  du  collatéral  Nord  avait  jadis  pour 
titulaire  saint  Martin,  dont  le  souvenir  intérefTait  vivement  les  Normands 
d  autrefois. 

Ainfi  qu'un  payfan  qui  défriche  les  landes. 
L'hiftoirc  impitoyable  arrache  les  légendes. 

François  Coppée  avait  bien  raifon  de  jeter  cette  plainte  à  tous  les 
échos,  la  légende  n  eft  pas  1  ennemie  de  1  hifioire,  elle  la  complète,  1  agré- 
mente, lui  donne  une  teinte  plus  douce  et  attirante.  Les  vieilles  hiftoires. 
comme  les  vieilles  mélodies,  comme  les  vieilles  images,  nous  livrent  un 
peu  de  1  àme  de  nos  aïeux  et  nous  révèlent  tant  de  détails  inédits  sur  leurs 
habitudes  rcli<;ieufcs. 

Il  y  a  de  cela  de  longues  années...  Une  jeune  fille  de  Lifieux  '  devint 
subitement  aveugle.  Confiante  en  la  protection  de  saint  Martin,  clic  entre- 
prend le  pèlerinage  de  Tours.  Ses  parents  1  accompagnaient.  Durant  plu- 
sieurs jours,  la  picuie  pèlerine  prie  avec  un  indicible  efpoir.  La  guénfon 
ne  vient  pas.  Impatients  de  revoir  le  pays  d  Auge,  les  parents  de  la  jeune 
fille  insifient  pour  reprendre  le  chemin  du  retour.  Mais,  avant  de  s  éloi- 
gner,   laveugle    revient    encore    une    fois     implorer    le     vieil     archevêque. 

I.  V'xe  dc%  Siiinti  Pdtrons,  p.  2ib.  —  Grégoire  de  Tours,  Les  Livres  des  Mirjcles,  lib.  II, 
ch.  I.IV,  édit.  Bordicr,  Soc.  hist.  de  France,  Paris,  |i86o,  pp.   180-181. 


PL  27 


1'^ 


Collection  photographique  ae  1  Auteur 

LES  COLONNES  DU  CHŒUR,   COTÉ  NORD 


LA  CATHÉDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR 


77 


Agenouillée  près  du  tombeau  du  grand  thaumaturge,  elle  se  confie  à  Lui. 
Tout  à  coup,  une  infpiration  lui  vient  :  si  elle  approchait  de  ses  paupières 
le  voile  précieux  qui  recouvre  le  tombeau.  Elle  le  fit  sans  aucun  réfialtat... 
Il  ne  lui  refte  plus  qu'à  regagner  Lifieux...  Pendant  la  traverfée  de  la  Loire, 
au  lieu  de  se  laifler  abattre  par  la  cruauté  de  1  heure,  au  lieu  de  se  plaindre 
et  de  murmurer,  elle  continue  de  prier  saint  Martin.  A  genoux  dans  la 
fi-êle  embarcation  qui  gliiTe  doucement  sur  les  eaux  tranquilles,  elle  ne  cefîe 
de  répéter  cette  parole  d  efpoir  :  «  Que  vous  êtes  bon  !  Comment  vous 
remercier  dignement.  Bienheureux  confefleur,  sans  doute  je  n'ai  pas  eu  la 
joie  de  regarder  votre  tombe,  mais  au  moins  je  vous  suis  reconnaissante 
d'avoir  pu  la  toucher  de  mes  mains.  //  De  grofles  larmes  glifiaient  sur  son 
vifage.  Elle  veut  les  efluyer  et  soudain  ses  yeux  s'ouvrent  à  nouveau  à  la 
lumière...  Vite  elle  retourne  à  Tours.  Elle  joint  les  mains  avec  ferveur... 
Elle  ouvre  les  lèvres  pour  chanter  son  cantique  d  actions  de  grâces,  'r  Plu- 
sieurs entendirent  les  acclamations  qu  elle  fit  à  la  louange  du  saint  ;  puis, 
ayant  achevé  son  oraifon.  elle  se  retira  avec  grande  joie.  >/  On  peut  sans 
trop  d  effort  comprendre  avec  quel  charme  les  Lexoviens  du  moyen  âge 
ouïrent  cette  merveilleufe  hiftoire.  L  humble  fidèle,  qui  ne  connaiffait  au 
monde  que  son  clocher  et  sa  rue  tortueufe.  trouvait  dans  ce  récit  tout  ce 
qu'il  aimait  :  un  pèlerinage   heureux,  des  épifodes  déhcieux,  un  miracle. 


+  LOjJ 5 


DETAIL   DES   CHAPELLES 


CHAPELLES  DU  COLLATÉI{AL  NOI{p 


CHAPELLE  SAINT-VIVIEN  (CHAPELLE  NOTRE-DAME  DE  L\  DÉLIVRANDE) 


OLS  COMMENÇONS  par  la  plus  voifine  de  la  façade,  aujourd  hui 
dédiée  à  Notre-Dame-de-la-Délivrande.  Avant  la  Révolu- 
tion elle  était  sous  le  vocable  de  saint  Vivien.  A  l'entrée  de 
la  chapelle  chacun  peut  lire  cette  inscription  peinte  sur  une 
vulgaire  plaque  de  tôle  noire  :  ^^  Chapelle  de  Notre-Dame 
de-la-Délivrande.  Confrérie  canonicjiiement  érigée  dans  l  ancienne  églife  de 
Saint-Germain  de  Lifeiix  et  régulièrement  transférée  dam  l  églife  de  Saint- 
Pierre  avec  conceffion  d  indulgences.  //  Dans  1  églife  Saint-Germain.  vendue 
à  lencan  et  démolie  en  lyoS.  du  côté  de  l'Epitre.  entre  le  troifiéme  et 
le  quatrième  pilier,  jufte  derrière  la  chaire,  exiftait  une  chapelle  dédiée  à 
Notre-Dame-de-la-Délivrande.  C  était  là  devant  une  Vierge  en  bois  doré,  que 
les  pieufes  Lexoviennes  venaient  égrener  leur  chapelet  pu  faire  brûler  quelques 
cierges  en  souvenir  de  leurs  défunts.  Le  2  juillet,  les  i  3  et  22  août.  1  affluence 
était  confidérable.    En    1739,  le   clergé  de  Saint-Germain    conflatant   avec 


8o  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

joie  la  grande  dévotion  des  fidèles  pour  Notre-Danie-de-la-Délivrandc.  de- 
manda au  pape  Clément  XIII  d  ériger  en  confrérie  cette  pieufe  alTociation. 
Le  Souverain  Pontife  accueillit  favorablement  cette  recjuctc  et  enrichit  la 
confrérie  de  nombreux  privilèges. 

En  iNoi),  un  vicaire  de  Saint-Pierre  obtint  de  Mgr  Brault  la  permis- 
sion de  rétablir  dans  la  cathédrale  la  confrérie  difparue.  Jufqu  en  i  S()(>  nom- 
breufes  furent  les  infcriptions  sur  les  regiftres  dadmiffion.  nombreufes  auffi 
les  reflources.  En  i  N  *>  | .  la  confrérie  offrait  à  la  fabricjue  de  Saint-Pierre  la 
garniture  de  soie  rouge  qui  recouvre  le  siège  principal  du  banc-d  œuvre 
lorfque  Mgr  I  évèque  de  Baycux  vient  préfider  une  grande  fête  dans  sa  se- 
conde cathédrale.  Quelques  années  plus  tard.  M.  1  abbé  Cagniard.  toujours 
soucieux  de  rehaudcr  1  éclat  des  offices  liturgiques,  demanda  à  la  confrérie, 
pour  le  suiHe  de  Saint-Picrre.  vieux  grognard  de  la  garde,  un  cofhime  de 
drap  rouge  tout  chamarré  d  or. 

En  I  ■'^ 'i  ) .  au  moment  de  1  établiHcment  du  calorifère,  les  ouvriers  mirent 
à  découvert  1  ancien  pavage  de  la  chapelle  de  la  Délivrande  compofé  de  car- 
reaux de  terre  cuite  émaillée.  offrant  un  joli  defhn  jaune  sur  fond  rouge. 
Provenant  de  la  fabrique  du  Pré-d  Auge,  ce  dallage  formait  une  série  de 
rosaces  de   1  effet  le  plus  gracieux. 

A  la  même  date,  deux  caveaux  superpofés  furent  également  trouves 
dans  la  même  chapelle.  M.  Arthème  Pannier.  témoin  de  cette  trouvaille, 
la  signalée  à  1  attention  des  lecteurs  du  journal  Le  NornunJ  en  ces  termes  : 
''  L  une  des  pierres  qui  recouvraient  le  caveau  supérieur  offrait  une  infcrip- 
tion  en  grande  partie  effacée  et  un  écufion  qui  paraifiait  remonter  au  xiii' siècle. 
Le  caveau  inférieur  était  fortement  scellé  et  recouvert  d  une  large  pierre. 
Dans  les  terres  qu  on  a  retirées  de  cette  chapelle,  dont  le  sol  a  été  cxhaulTé 
de  "><)  centimètres  environ,  on  a  recueilli  avec  de  nombreux  fraiimcnts  de 
pavés  émaillés.unc  belle  pièce  de  monnaie,  grand  module  (argent  et  cuivre), 
offrant  d  un  coté  un  quatre-feuilles  dont  les  lobes  sont  occupés  par  quatre 
lions  rampants,  et  le  champ  par   deux  L  accolés  avec  légende  : 

LUDOVICUS.  DEI  ;  GRA     COWES  :  ET  :  DNS  :  FLANDRIE 

Cette  pièce  que  nous  attribuons  à  Louis  L'  (1122)  ou  à  Louis  II  (l"î.|0), 
comtes  de  Flandre,  se  rapporte  pai^faitemcnt  à    I  époque    de   la  conftruction 


PL 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTERIEUR  8i 

des  chapelles  qui  bordent   les  bas-côtés  de  la  nef  lefquelles  datent,  comme 
on  sait,  du  xiv*  siècle'.  » 

Il  convient  de  remarquer  que  la  chapelle  de  Notre-Dame-de-la-Déli- 
vrande,  ou  plus  exactement  Notre-Dame-de-Délivrande,  n'a  rien  de  commun 
avecNotre-Dame-de-la-Délivrande  près  de  Douvres.  A  Samt-Ouen  de  Rouen 
et  à  Notre-Dame  de  Louviers,  la  Vierge  était  invoquée  sous  la  même  appel- 
lation qu'à  Lifieux. 

CHAPELLE  SAINT-MANDÉ   (CHAPELLE    DE   LENFANT-JÉSUS) 

Cette  chapelle  était  autrefois  dédiée  à  saint  Mandé.  Une  statue  de  l'En- 
fant-Jéfus  remarquable  par  sa  polychromie  criarde  et  son  infignifîance,  a  été 
adoffée  à  l'arcade  d'entrée,  au  grand  détriment  des  lignes.  Le  mur  septen- 
trional eft  décoré  d'une  statue  de  sainte  Germaine,  d'une  médiocrité  dé- 
concertante. Créée  avec  la  principale  préoccupation  d'un  moulage  facile,  par 
son  attitude,  son  manque  d'expreffion.  elle  a  un  air  de  famille  avec  les 
articles  de  mauvais  goût  qui  déshonorent  certaines  vitrines  du  quartier  Saint- 
Sulpice,  à  Pans.  De  iSS*)  à  iNg<)  toute  une  série  de  statues  sans  carac- 
tère s'eft  glilTée  dans  la  cathédrale.  Ceux  qui  aiment  la  beauté  de  la  maifon 
de  Dieu  peuvent  regretter  cet  envahiflement  de  la  laideur.  Selon  la  jufte 
obfervation  de  Mgr  Baunard  :  '<  Il  ne  faut  pas  faire  rire  de  ce  que  nous 
devons  faire  vénérer  et  aimer".  » 

CHAPELLE  SAINTE-AGNÈS  (CHAPELLE  NOTRE-DAME-DE-LOURDESj 

Anciennement  sous  le  vocable  de  sainte  Agnès,  la  chapelle  de  Notre- 
Dame-de-Lourdes  renferme  une  pifcine  trilobée  allez  riche  de  sculpture  et 
d'une  compofition  charmante.  L'arc-brifé  qui  encadre  cet  édicule  efl:  lui- 
même  enveloppé  par  un  fronton  triangulaire  à  rampants  garnis  de  crochets 
et  d  un  fleuron. 

Une  pierre  tombale  dans  le  style  du  xiii^  siècle  se  trouve  encadrée  dans 
les  pavés  de  la  chapelle.  Au   point  de  vue    iconographique,  cette  tombe  efl; 

1.  Journal  Le  Normand.  14  sept.   1867. 

2.  Mgr  Baunard.  Un  siècle  de  l'Eglife  de  France,  Paris  1902,  p.  255. 


Il 


^ip« 


Plan  de  la  CatheUralc  Je  Liiicut 


LÉGENDE  DÉTAILLÉE  DU   PLAN  DE  LA   CATHÉDRALE 


TITRE  DES  CHAPELLES" 


Notre-Dame. 

Saint  Urfin. 

Saint  André. 

Saint  Jean  l' Evangélifle . 

La  salle  capittilaire. 

6.  Ste  Catherine  et  Ste  Croix  (r*  portion). 

7.  Saint  Thomas-le-Martyr . 

8.  Sainte  Madeleine  et  Saint  Catien, 
g.   Saint  Augujlin. 

10.  Saint  Laurent. 

11 .  Saint  Denis  et  Saint  Taurin. 

12.  St  Martin.  St  Roumain  et  St  Sébastien. 


,7  • 
4- 


/?. 

Saint  Jean-Baptijle  i  r'  et  2'  portion i. 

14. 

Saint  Etienne  (i''*'  et  2^  portion). 

15. 

Ste  Croix.  2*  portion  ou  StGilles-St  Leu 

là. 

Saint  Ouen. 

n- 

Saint  Nicolas. 

18. 

Saint  Léonard. 

19. 

Saint  Maur. 

20. 

Sainte  Agnès. 

21 . 

Saint  Mandé. 

-  - . 

Saint  Fivien. 

-î- 

Tous  les  Saints. 

24- 

Saint  Michel  (dans  la  tribune/. 

SIEGES  DES  MEMBRES  DU  CHAPITRE 


A  L'Evéque. 

B  Le  haut-doyen. 

C  Le  grand-chantre. 

D  Le  scolajle. 

E  L'archidiacre  du  Lieuvin. 

F  U archidiacre  d'Auge. 

G  Le  chanoine  de  semaine. 

H  Le  tréforier. 

I  Le  chèyecier. 

K  L'archidiacre  de  Pont-Audemer. 


L  L'archidiacre  de  Gacé. 

M  Le  premier  sous-chantre. 

N  Le  deuxième  sous-chantre. 

O  Le  vicaire  de  H^ys  ou  R^et^. 

P  Le  premier  vicaire. 

Q  Le  quatrième  vicaire. 

B^  Le  deuxième  vicaire. 

Les  chanoines,  dans  les  hautes  stalles 


par  rang 


d'ancienneté. 


r.   Pour  la  lifte  des  chapelles  confulter  :   Obitudire  de  la  Cathédrale,  Bibliothèque  nationale,  Ms  latin. 
Nouv.  acq.   1778. 


84  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

typique,  car  elle  exprime,  avec  une  scrupuleufe  fidélité,  les  traditions  du 
moyen  âge  sur  la  mort.  Pour  l'artisan  de  ce  monument  funéraire,  le  tré- 
pas n'eft  pas  seulement  un  grand  myftère.  il  efl:  surtout  une  immense  elpé- 
rance.  C'eft  à  deflein.  dans  une  penfée  mystique,  que  le  graveur  abrita  la 
tète  de  l'eccléfiaftique  défunt  sous  une  sorte  de  dais  ou  arcade  surmontée 
d  un  gable  ajouré  par  un  trèfle  et  garni  de  tètes  de  feuillages.  De  légers  con- 
treforts finement  dentelés  donnent  du  relief  à  la  figure  où  plane  une  no- 
blede.  une  sérénité  qui  ne  sont  déjà  plus  de  ce  monde.  Sommes-nous  en 
préfcnce  d'un  élu?  Lartifte  l'efpère.  et  c  efl  pourquoi,  non  content  de  mettre 
au-deflus  de  la  tète  du  mort  un  dais  sculpté  comme  en  poiTèdent  les  saints 
des  portails,  il  a  placé  dans  les  écoinçons  deux  anges  thuriféraires.  Les  deux 
serviteurs  de  Dieu  balancent  des  encensoirs  devant  le  défunt  en  signe  de 
vénération,  comme  ils  font  devant  les  martvrs  et  les  confelTcurs  de  la  foi. 
Enfin  les  pieds  de  l'eccléfiaftique  repofent  sur  un  dragon.  Ce  support  sym- 
bolique efl  malheurcufcment  caché  au  regard  par  le  confeffionnal.  Dans  la 
penfée  des  théologiens  du  xiii'  siècle,  au  seuil  de  1  éternité,  le  chrétien  de- 
vient une  image  du  Chrift  ;  comme  le  Sauveur  ne  doit-il  pas  fouler  aux 
pieds  le  monflre  infernal.  1  éternel  séducteur,  le  péché  et  tous  les  bas  inftincts 
de  la  nature  humaine? 

De  linfcription.  il  ne  rcftc  que  quelques  mots.  M.  Charles  Vaffeur 
propofa  naguère  la  lecture  suivante  : 

louen    Dic    C€  neuou  Ncvcm 

jnmS    D.      Doyen, 

en  pjïRflDis    ec    en    kcpos    $eic  soù)  mise 
«n  Diime    nmen 

L  invocation  de  la  Vierge,  sur  laquelle  1  infcription  se  termine,  permet  de 
suppofcr  que  la  tombe  était  précédemment  placée  dans  la  chapelle  ablidale. 
Depuis  iShS.  époque  ou  M.  WilTeur  étudiait  1  épigraphie  religieufe  de  la 
cathédrale,  pluhcurs  mots  et  divers  ornements  graves  au  trait  ont  beaucoup 
souffert  par  endroits.  Qui  sait .''  Dans  quelques  années,  cette  pierre  tombale  sera 
peut-être  complètement  cfFacéc.  Auifi  nous  avons  demandé  à  Jean  Contel  de 
prendre  une  empreinte  de   la  partie  supérieure  du  tombeau  de  Jouen  ou  Jean 


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LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —  INTERIEUR  85 

Leneveu.  ancien  doyen  du  chapitre  de  Lifieux.  Nous  savons  que  cet  eccléfias- 
tiquea  tenu  une  grande  place  dans  Ihiftoire  locale.  Dans  les  luttes  entre  l'évêque 
et  le  chapitre,  son  rôle  fut  confidérable.  En  vertu  de  l'autorité  temporelle 
qu'il  tenait  de  son  titre  de  comte  de  Lifieux,  lévèque  pofledait  en  principe 
les  pouvoirs  les  plus  étendus  dans  son  fief.  Mais  en  réalité  le  chapitre  de  la 
cathédrale  en  était  arrivé  à  exercer  un  contrôle  immédiat  sur  1  organisation 
de  la  ville  et  de  la  banlieue.  En  maintes  circonftances.  le  doyen  avait  étendu 
avec  adrefle  les  privilèges  du  chapitre  dont  il  était  1  élu.  C  était  en  son  nom 
et  sous  son  autorité  que  les  affaires  se  traitaient.  Quand  un  prélat  éner- 
gique proteftait  contre  ses  empiétements,  le  doyen  produifait  des  cartulaires 
anciens  et  des  actes  plus  ou  moins  authentiques,  établiflant  sa  prétendue 
indépendance  spirituelle  et  temporelle.  C  efl  ce  qui  arriva  sous  Guillaume 
dAfméres,  en  1290;  Jean  Leneveu  défendit  avec  vigueur  les  prérogatives 
du  chapitre  et  prétendit  exercer  hbrement  sa  juridiction  à  Lifieux  et  aux 
alentours.  Lévèque  dAvranches.  Raoul  de  Thiéville.  et  Jean  de  Bernières. 
évèque  de  Séez,  après  avoir  examiné  le  différend,  reconnurent  que  le  doyen 
était  juge  ordinaire  dans  la  ville  de  Lifieux  et  sa  banlieue.  M.  de  Formeville 
rapporte  ce  jugement  et.  dans  la  lifte  des  hauts-doyens,  il  affigne  à  Jean 
Leneveu  le  XIL'  rang.  La  Gdllid  Christiand  lui  confacre  quelques  lignes  : 
«  Jean  III  Neveu  figure  en  1287  sur  les  chartes  de  l'abbaye  du  Bec.  Il 
eut  avec  lévèque  Guillaume  une  querelle  judiciaire  à  propos  de  la  juridiction 
à  exercer  dans  la  ville  et  banlieue  de  Lifieux,  Lévèque  d'Avranches  Raoul, 
et  lévèque  de  Séez,  en  octobre  1290,  servirent  d  arbitres  pour  trancher  le 
débat.  En  1293.  Jean  était  encore  à  la  tète  du  chapitre  et  le  nécrologe 
mentionne  son  décès  à  la  date  du  2  4  avril  ' .  » 


CHAPELLE  SAINT-\L\UR    (CHAPELLE   DU    SACRÉ-CŒUR) 

Saint  Maur  fut  dabord  le  patron  de  cette  chapelle.  Elle  eft  éclairée 
par  un  feneftrage  dont  le  remplage  rayonnant  n'a  subi  aucun  remanie- 
ment effentiel   :  le  vitrail  ancien  a  seul  difparu.   Le  tableau  formant  retable 

I.  De  Formeville,  t.  I,  p.  cLxxxx\an  et  p.  cccxlviii.  Gallid  Christiand,  t.  XI,  édi- 
tion Palmé,  t.  VI,  col.  810. 


86  SAINT-PIEKKE  DE  LISIEUX 

a  été  peint  par  Mlle  Godard,  profeileur  de  peinture  à  Lifieux.  L  apparition 
du  Sacré-Cœur  à  la  bienheureufe  Marguerite-Marie  en  eil:  le  thème.  En 
avril  iN')iK  1  enlèvement  provifoire  du  précédent  tableau  a  permis  d  entre- 
voir une  peinture  murale  du  xvi'  siècle  fort  altérée  par  le  temps.  Cette 
curieufe  frefciue  repréfentait  l'Arbre  de  JeiTé.  Le  confefTionnal  de  la  chapelle 
du  Sacré-Cœur,  d  excellent  style  Louis  XIV.  offre  une  porte  sculptée  à  jour 
d'un  très  beau  travail.  Les  rinceaux  formés  de  feuillages  fantaisiftes  dénotent 
une  parfaite  sûreté  d  exécution. 


CHAPELLE    S.MNT-LEONARD    .  CHAPELLE    DE    NOTRE-D.\ME-DES-VICTOIKES) 

CHAPELLE   SAINT-NICOLAS 
(CHAPELLE   SAINT-FRANÇOIS-DE-SALES-SAINT-FRANÇOIS-XAVIER 

La  première  de  ces  chapelles  était  priinitivement  sous  le  vocable  de 
saint  Léonard,  la  seconde  avait  pour  protecteur  saint  Nicolas.  Les  reliques 
de  ce  saint  éveque  étaient  au  nombre  de  celles  que  les  calviniftes  ravirent 
en  \  ^()2.  Labbé  Piel  '  se  plaint  avec  raifon  de  ce  que  les  anciens  titres 
des  chapelles  de  la  cathédrale,  à  1  exception  de  celui  de  la  Vierge,  aient 
difparu.  '^  Il  semble  pourtant  qu  il  était  facile  d  établir  dans  ces  chapelles 
les  dévotions  bien  refpectables  affurément  que  1  on  v  trouve  aujourd  hui. 
sans  en  chaffer  des  saints  habitués  depuis  des  siècles  à  v  recevoir  les  hom- 
mages des  fidèles.  N'était-il  pas  pofTiblc  d  établir  le  culte  du  Sacré-Cœur, 
par  exemple,  dans  la  chapelle  Saint-Maur;  la  dévotion  a  Notre-Dame- 
de-Lourdcs  dans  la  chapelle  de  Sainte-Agnès,  et  aind  des  autres,  sans 
changer  le  vocable  de  ces  chapelles  r  // 

Nous  aurions  mauvaife  grâce  à  ne  point  obferx'er  que  si  le  souvenir 
des  anciens  patrons  des  chapelles  a  été  sacrifié  au  moment  des  reftaurations. 
par  contre,  on  a  eu  1  hcureufe  idée  de  reconllitucr  dans  les  vitraux  qui 
ornent  le  tympan  de  chaque  fenêtre  une  mtcrcffantc  suite  d  armoiries  des 
cvèques  de  Lifieux.  Les  crudits  et  les  artiilcs  ne  peuvent  manquer  d  applau- 
dir à  cette  initiative. 

I .  hwcntJirc  hifîoriijuc  da  JCtes  trjnfcrits  Jiix  Infmujtions  eccléfufît(]ues  Je  l'jncirn  diocèfr  de 
Lifieux,  t.  1.  p.  Lviii. 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTÉRIEUR  87 

CHAPELLES    DU    COLLATÉI^AL    SUD 

CHAPELLE    NOTRE-D.\ME-DE-GRACE 
CHAPELLE  DE  L\\NGE  GARDIEN 

Sans  cachet  artiftique.  ces  chapelles  ne  datent  que  du  début  du  siècle 
pafTé.  Elles  occupent  l'emplacement  de  la  salle  capitulaire  dont,  en  super- 
ficie,   elles   repréfentent  à  peu  près  la  moitié. 

CHAPELLE  SAINTE-CATHERINE  .CHAPELLE  NOTRE-DAME  DU  PERPÉTUEL  SECOURS» 

Anciennement  elle  avait  pour  patronne  sainte  Catherine.  Le  titulaire 
de  cette  chapelle  était  nommé  par  le  seigneur  de  Combray.  de  la  paroifle 
de  Fauguernon  :  toutes  les  autres  chapelles  étaient  à  la  nomination  du 
chanoine  de  semaine.  L  évèque  avait  rarement  befoin  d  intervenir  dans  la 
collation  du  bénéfice.  x'\près  avoir  promis  obéiilance  au  chapitre  dans  la 
salle  de  ses  réunions,  chaque  nouveau  chapelain  venait  prendre  place  dans 
une  stalle  du  chœur,  reftait  quelques  inftants  en  adoration  devant  le  Saint- 
Sacrement,  puis,  pénétrant  dans  la  chapelle  qui  lui  était  defi:inée.  il  bai- 
sait refpectueufement  1  autel  et  se  mettait  à  genoux  sur  le  palier  pour 
réciter  une  prière. 

Dans  le  tympan  de  la  verrière,  le  peintre  a  repréfenté  dans  le  regiftre 
supérieur  :  les  armes  de  1  abbaye  de  Notre-Dame-de-Bernay  et  de  Notre- 
Dame-du-Pré  à  Lifieux.  Dans  le  regifire  inférieur,  figurent  les  armoiries  de 
Notre-Dame-de-Grefi:ain  et  de  1  abbave  de  Saint-Evroul.  Les  côtés  sont 
occupés  par  les  blafons  de  1  abbaye  de  Saint-Pierre  de  Préaux  et  Notre- 
Dame  de  Cormeilles.  Ces  six  monaftères  vivaient  sous  le  règle  de  Saint- 
Benoît.  Seule,  l'abbaye  royale  de  Saint-Défir  a  survécu  à  la  tourmente 
révolutionnaire.  Des  autres  monaflères.  il  ne  refte  guère  que  des  débris  de 
murailles,  quelques  arceaux  romans  ou  gothiques  enfouis  dans  Iherbe  haute 
et  le  lierre.  N  était-ce  pas  faire  œuvre  pie  que  d  infcrire  le  nom  de  ces 
abbayes  sur  un  vitrail  de  la  cathédrale,  où.  joignant  les  mains,  baillant  les 
yeux,  ces  travailleurs  infatigables  paiTaient  lentement  quand  venait  l'époque 
des  ordinations  ? 


88  SAINT-PIERRE   DE  LISIEUX 


CHAPELLE    SAINT-THOMAS  LE  MARTYR    ^CHAPELLE    SAINTE-ANNE  i. 

C  efl  à  Saint-Thomas  de  Cantorbéry  que  cette  chapelle  fut  d  abord 
dédiée.  "  Dès  que  1  on  eut  connaiHance  à  Lifieux  des  miracles  et  de  la 
canonifation  de  saint  Thomas.  Arnoul.  qui  était  encore  évêque.  confacra 
dans  son  églife  cathédrale,  sous  1  invocation  de  ce  saint  martvr.  un  autel  et 
chapelle  qui  efl:  encore  aujourd  hui  un  titre  de  bénéfice  '.  //  Ainfi  s  exprime 
l'auteur  de  la  Vit  des  Saints  Pcitrons  du  diocèfe  de  Lifieux.  Les  chapelles 
latérales  de  Saint-Pierre  étant  poftérieures  aux  conftructions  d  Arnoul.  il 
efl  manifcfte  que  la  chapelle  Saint-Thomas  Becket  se  trouvait  à  1  origine 
dans  une  autre  partie  de  1  églife.  sans  doute  dans  1  un  des  croifillons. 

L'arcade  destinée  à  recevoir  1  autel  prend  naiilance  sur  deux  sommiers 
ornés  de  sculptures  refaites  sur  d  anciens  motifs,  aujourd  hui  en  poffeflion 
du  mufée  d  art  populaire  :  ■'-'  Le  vieux  Lifieux  //.  La  copie  a  été  particu- 
lièrement fidèle.  Un  autel  moderne  en  argent  repoufTé  au  marteau  a  été 
placé  sous  1  arcade  en  i '^  ^  7  par  les  soins  de  M.  1  abbé  Hofpice  Farolet. 
Le  delfin  en  fut  donné  par  M.  Danjoy,  architecte  chargé  de  la  reflaura- 
tion  de  réiilife".  L'exécution,  confiée  à  M.  Chevalier,  orfèvre  à  Pans,  revint  à 
2, ()()()  francs.  Cet  autel  semble  beaucoup  plus  heureux  comme  style  que  les 
autels  en  pierre  des  autres  chapelles.  Le  tombeau,  surtout,  quoique  très  simple 
de  forme,  eft  traité  avec  un  soin  et  un  goût  parfaits.  Sur  la  face  du  mur 
oriental,  du  côté  de  1  Evanf^ile.  une  sorte  de  niche  encadrée  dans  une  arcade 
trèflce  a  été  creufée  pour  servir  de  sacraire.  C  eft  dans  cette  sorte  d  armoire 
fermée   par  un   seul   vantail   que  les    vafes   sacrés   étaient   mis  en   sécurité. 

CHAPELLE    SAINTE-MADELEINE   ET    SAINT-GATIEN   (CHAPELLE    SAINTE-CÉCILE. 

Anciennement  dédiée  à  Sainte-Madeleine  et  à  Saint-Catien,  la  chapelle 
Sainte-Cécile  offre  dans  le  tympan  de  la  fenêtre  qui  léclaire  de  beaux 
fragments  de  vitraux,  dont  les  tons  harmonieux  font  contraflc  avec  les 
verrières  modernes. 

I.    He  des  sjtnts  Pjtrons,  p.  loo. 

a.  Certains  crudits  ayant  peine  à  admettre  que  l'autel  soit  en  argent,  nous  avons  demande 
à  un  bijoutier  détudier  la  queftion.  Sa  conclufion  a  été  que  l'autel  cit  réellement  en  argent  pur 
de  tout  alliage. 


PL  }o 


99. 


Collection  photographique  de  l'Auteur. 
LE    DÉAMBULATOIRE,   COTÉ   NORD 


PL    ?/ 


I......     M'I 


«Si* 


LA  CATHEDRALE  GOTHIQUE  —   INTERIEUR  89 

CHAPELLE    SAINT-AUGUSTIN    (CHAPELLE    SAINT-JOSEPH). 

Autrefois  chapelle  Saint- Auguftin. 

Les  trois  chapelles  les  plus  rapprochées  du  portail  ont  eu  leurs  voûtes 
refaites  après  la  chute  de  la  longue  tour,  par  conféquent  vers  1533.  Les 
clefs  pendantes  et  les  arcs  d  ogives  indiquent  nettement  cette  refaçon  par 
leurs  profils  et  leur  structure.  Quand  le  pavage  a  été  placé,  les  ouvriers  ont 
découvert  un  puits  voûté  en  berceau,  d'une  profondeur  d  un  mètre 
environ. 

CHAPELLE   SAINT-LAURENT    1  CHAPELLE    NOTRE-DAME    DE    LA    SALETTE). 

L'ancienne  chapelle  Saint-Laurent  conserve,  elle  aufli,  une  portion  de 
vitrail  du  xv^  siècle  repréfentant  le  myftère  de  la  Pentecôte, 

CHAPELLE    SAINT-MICHEL 

La  chapelle  de  Saint-Michel  était  autrefois  au-defTus  du  grand  portail 
près  des  orgues  .  L  ufage  de  placer  des  chapelles  dans  les  tours  était  fré- 
quent au  moyen  âge. 

Celle  de  Saint-Michel  se  trouvait  toujours  dans  un  lieu  élevé.  Actuelle- 
ment, la  chapelle  de  l'Archange  renferme  les  fonts  baptifmaux.  Avant  la 
Révolution,  elle  était  sous  le  vocable  de  saint  Denis  et  saint  Taurin. 


t*-.vl    1 


ri 


Cl.  Tribouillard. 

JEANNE    D'ARC,    par  Ch.   Desvergnes. 


Cl.   Lemaitre. 

L'INTÉRIEUR.  DE  LA  CHAPELLE  NOTRE-DAME 


Cl    Caroil 


L'EXTÉRIEUR  DE   LA  CH/^PELLE  NOTRE-DAME 


"p^r^^ii»» 


CHAPITRE    III 


LA    CHAPELLE   NOTRE-DAME 


A  CHAPELLE  qui  ome  rabfide  de  la  Cathédrale  fut  édifiée  sous 
l'épifcopat  et  par  les  soins  de  Pierre  Cauchon,  évêque  de 
Lifieux.  de   1432  à   1442. 

Il  en  exiftait  une    autre   auparavant  à   la  même  place, 
probablement  dans  le  même  genre  que  les  deux  autres  cha- 
pelles du  déambulatoire  '. 

L'ancienne  chapelle  avant  été  ruinée  par  les  faits  de  guerre.  Nicolas  de 
Savigny.  doyen  du  chapitre,  voulut  contribuer  aux  dépenfes  de  la  recons- 
truction et  légua  pour  cet  effet  60  livres.  «  Legavit  60  lihras  ad  conjlruen- 


I.  Voir  la  Charte  de  novembre  12  3  3  publiée  en  fin  de  volume  dans  les  Documents 
annexes  ;  —  les  Regiftres  de  Guillaume  Guérart,  tabellion  du  roi  et  de  l'évèque,  acte  du 
14  août  1390  (étude  de  M"  Delarue,  notaire  à  Lifieux  1  ;  —  l'accord  du  17  novembre  1433 
entre  Pierre  Cauchon  et  son  chapitre  (Bibliothèque  de  l'abbé  Loir). 


q4  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

ddm  cjpclldm  B.  M.  bellorum  tempefldte  funditus  e\ersam  et  a  Petro  epifcopo 
cum  mdgnis  siimptihiis  œdifcdtdm.   //   [Gdlhd    Chrijlidud.  t.  XI.) 

Il  n  apparaît  nulle  part,  soit  dans  les  titres  anciens,  soit  dans  la  chapelle 
elle-même,  que  Pierre  Cauchon  ait  voulu  élever  ce  monument  en  expiation 
de  la  sentence  iniciue  qu  il  avait  prononcée  contre  Jeanne  d  Arc. 

Cependant  d  aucuns  ont  prétendu  que  Pierre  Cauchon  avait  fait  élever 
cette  chapelle  en  expiation  de  son  injufte  sentence.  Cette  légende  du  repentir 
a  pris  naiflance  au  xviii'  siècle  et  elle  s  eft  propagée  çà  et  là  jufqu  à  nos 
jours  sans  examen  et  sans  preuves.  Elle  apparaît  dans  un  manufcrit,  écrit 
sous  1  épifcopat  de  Mgr  de  Brancas.  vers  ly^o.  Ce  manufcrit.  qui  repro- 
duit surtout  les  armoiries  des  évèques  de  Lifieux.  et  qui  contient  quelques 
erreurs,  eft  attribué  à  un  curé  de  Beuvron-cn-Auiie.  0\\  v  lit.  au  sujet  de 
Pierre  Cauchon  :  ''  Petriis  Cdiichon,  Cduipdnus.  dntcd  Bcllovdcenfis  Epùs. 
Qudrtutii  yicdriiim  injlitint.  uiijfdiu  qud  quotidie  bord  oct.  d  piieris  cdutdtus 
fiinddvit.  Obiit  /  ^  dcc.  i  1/2.  Jiicct  in  pdrtc  dcxtrd  dltdris  Cdpell.  B.  M. 
aiuwi  extriiit  pœmtcntid  ductus  scntentice  mortis  qiidm  contvd  Jodnndui  puclldin 
Aurelutnemem  dixerdt.  // 

Par  contre.  Noël  Deshayes,  curé  de  Campigny.  qui  écrivait,  au  milieu 
du  xviii'  siècle,  une  Hijloirc  des  Eyèaues  de  Lifieux.  dit  que  le  repentir  de 
Pierre  Cauchon  n  cfl:  prouvé  par  aucun  titre. 

Les  hifloriens  et  les  érudits  s  accordent  généralement  à  penfer  que  Pierre 
Cauchon  n  a  pas  donné  de  preuves  réelles  de  son  repentir.  Toute  sa  vie  il 
fut  Ihomme  des  Anglais,  il  eut  toujours  1  âme  anglaife.  et,  comme  les 
Anglais  de  son  temps,  il  ne  songea  pas  au  repentir'. 

Cette  chapelle  se  compofc  de  trois  travées  complétées  par  une  ahfidc  à 
pans  coupés.  Elle  mcfurc  dans  œuvre  i  7  m.  20  de  longueur  sur  <•  m.  NN  de 
large.  Elle  efl:  éclairée  par  neuf  grandes  fenêtres  flamboyantes  partagées  en 
quatre  baies  par  un  meneau  central  et  quatre  meneaux  secondaires.  Les 
tympans  offrent  des  tracencs  élégantes  et  variées. 

Sur  un  banc  établi  devant  ces  trois  travées  s  élèvent  les  colonnes  des 
voûtes  et  celle  des  arcatures  qui  décorent  tout  le  soubafTemcnt.  Ces  arcatures 
sont  trilobées  et  les  écoinçons  remplis  de  sculptures  allez  bizarres  (^fig.   20). 

1.    Ch.   Engelhard,  Pierre  Cjiu/jom,  son  prétendu  repentir. 


LA  CHAPELLE  NOTRE-DAME 


9  5 


Elles  reposent  sur  des  colonnettes  à  chapiteaux  feuillages.  Les  colonnes  des 
voûtes  groupées  en  faisceaux  sont  appliquées  contre  le  trumeau  des  fenêtres 
et  reçoivent  les  arceaux  d'une  voûte  d'arête. 

La  clef  de  voûte  qui  eft  au-deflus  du  sanctuaire  contient  l'écufTon  de 
Pierre  Cauchon.  L'autre  clef  de  voûte  en-deçà  du  sanctuaire  préfente  les 
armoiries  du  Chapitre. 

L'un  des  faifceaux  de  colonnettes  du  côté  nord  eft  interrompu  par  une 
niche  qui  abritait  anciennement  une  statue  de  la  Sainte-Vierge.  Le  soubaffe- 
ment  de  cette  niche  porte  encore  les  armoiries  de  Pierre  Cauchon. 

Il  n  y  a  pas  d'arcatures  dans  le  bas  du  chevet,  mais  du  côté  sud  se 
trouve  une  très  jolie  pifcine. 

Les  deux  grands  bas-reliefs  que  l'on  remarque  du  côté  nord  représentent 


Fig.  26.  —  Écoinçons  des  arcatures  trilobées  de  la  chapelle  abfidale. 

le  Crucifiement  et  la  Résurrection  de  Notre-Seigneur.  Ils  proviennent  de 
lancien  jubé  en  pierre  des  Loges,  élevé  à  l'entrée  du  chœur  au  commen- 
cement du  xiv'  siècle  et  détruit  en  1689  par  Léonor  II  de  Matignon. 

Sur  les  murs  latéraux  se  trouvent  six  curieux  bas-reliefs  —  trois  de 
chaque  côté  qui  ont  été  souvent  mal  interprétés.  Nous  en  avons  propofé 
naguère  une  explication  qui  a  été  reconnue  comme  très  rationnelle  et  vrai- 
ment définitive  ' .  Cette  interprétation  eft  la  suivante  : 

Ces  bas-reliefs  ont  les  caractères  du  xv'  siècle  et  ils  apparaifTent  comme 
échelonnés  dans  la  deuxième  moitié  de  ce  xv'  siècle.  Celui  qui  se  trouve  du 
côté  méridional,  le  plus  avancé  vers  l'autel,  eft  évidemment  le  plus  riche  et 
le  dernier  en  date  (fig.   27). 

Les  ornements  et  les  encadrements  diffèrent  suivant  l'époque  de  1  exé- 
cution. 


I.   Bulletin  de  U  Société  Hijîorique  de  Lifieux.  Année  19 13,  n'^  21,  p.  38-39, 


96 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Immédiatement  au-deiTous  de  ces  bas-reliefs,  on  remarque  1  emplace- 
ment occupé  autrefois  par  des  plaques  de  cuivre  maintenues  par  des 
crampons    (dont   quelques-uns   sont    encore  apparents)    et   sur  lesquelles   se 

trouvaient    très    probablement    des 


ifc 


A: 


-fon- 


Iit.ay.    -  Chapelle  Notre-Dame  :  couronnement  d'un  bas-rel 


inlcriptions    relatives  a  des  perl 
nages  inhumés  plus  bas. 

Tous     sont     compofés     de    la 

même   manière    :     un   chanoine   à 

genoux,    et  derrière   lequel  eft  son 

.       protecteur.    adrelTe    une    supplique 

1  Enfant  -Jéfus      porté     par 


ir 


^*è^^^ 


a  1  entant -j élus  porte  par  la 
Sainte  Vierire  ou  à  Notre-Sei^jneur  étendu  mort  sur  les  o;enoux  de  sa 
mère.  Ces  chanoines  et  leurs  protecteurs  sont  tournés  vers  1  autel.  Il  en 
réfultc  que  les  difpofitions  des  bas-reliefs  de  droite  sont  svmétriques 
de  celles  des  tableaux  de  gauche,  ce  qui  semble  bien  indiquer  aufli  que 
ces   bas-reliefs   ont   été   faits   pour   être   accrochés   là   où  ils  sont   (fîg.   2N). 

Pierre  Cauchon  fut  in-      _^ 

humé  dans  cette  chapelle  et 
son  tombeau  fut  un  peu 
monumental. 

Il  semblerait  que  les 
chanoines  d  alors  tinrent  à 
honneur  d  être  inhumés, 
eux  auili.  dans  cette  nou- 
velle chapelle.  Les  bas-reliefs 
qui  nous  occupent  sont  des 
petits  monuments  funé- 
raires élevés  à  la  mémoire 
de  ces  chanoines.  Dans  cha- 
cun d  eux.  nous  voyons,  en 


.Vii-. 


Fi«    3>. 


l'n  chanoine  du  titre  de  Sainte-Catherine  présente  une  supplique 
à  r Enfant-Jésus. 


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effet,  un  chanoine  à  genoux  avant  pour  protecteur  un  saint  perfonnage 
rcconnaiffable  à  son  attribut  :  saint  Paul  avec  son  glaive,  saint  Jacques  avec 
son  bâton  de  pèlerin,  sainte  Catherine  avec  sa  roue,  un  ange  avec  ses  ailes, 
etc.  Ce  chanoine  prèfcntc  une  supplique,  évidemment  en  faveur  de  son  àmc. 


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MONUMENTS   FUNÉEIAIRES  DE  LA   CHAPELLE  NOTRE-DAME 


MONUMENT  FUNÉRAIRE  D'UN  CHANOINE  DU  TITRE  DE  SAINT-JACQUES  (Chapelle  N.-D.), 


Pl.t  ios  Boutey. 
MONUMENT    FUNÉRAIRE   D'UN   CHANOINE    DU    TITRE   DE  SAINT-PAUL  (Chapelle  N.-D.). 


PL  M 


MONUMENT  FUNÉRAIRE   D'UN   CHANOINE,    CHAPELLE    NOTRE-D.\ME 


FRAGMENTS  DE   L'ANCIEN  JUBE,    CHAPELLE  NOTRE-D.\ME 


Photo  du  Vivier. 


STATUE   TOMBALE,  CROISILLON   NORD 


LA  CHAPELLE  NOTRE-DAME  97 

Et  ces  saints  protecteurs  ne  sont  autres  que  les  saints  patrons  des  maifons 
canoniales  dont  les  chanoines  étaient  titulaires.  Il  y  avait,  en  effet,  des  maisons 
canoniales  des  titres  de  Saint-Paul,  de  Sainte-Catherine,  de  Saint-Michel, 
Saint-Martin,  de  Sain-Urfin.  de  Saint-Jacques,  etc.  Un  septième  bas-relief 
semblable  aux  précédents  se  trouve  dans  le  transept  méridional  de  la  Cathé- 
drale près  de  la  porte  de  l'ancienne  salle  capitulaire.  Il  vient  corroborer  nos 
explications  dune  façon  plus  réalifte.  car  ici  lame  du  défunt  eft  matérialifée 
sous  la  forme  d  un  enfant  sans  sexe  tenu  par  un  ange.  Ce  bas-relief  doit 
s  interpréter  ainfi  :  Un  chanoine,  patronné  par  saint  Sébaflien.  pré  fente  une 
supplique  à  l  Enfant-Jéfus,  en   faveur   de  son   âme,  portée  par  un  ange. 

L'autel  en  pierre  qui  décore  le  sanctuaire  a  été  exécuté  en  iS'^^,  d  a- 
près  les  deilins  de  M.  Bouet.  C  efl:  une  des  compofitions  les  plus  savantes 
et  les  plus  gracieufes  de  cet  artifte.  Il  repréfente  d'un  côté  les  myftères 
joveux  et  de  1  autre  les  mvftères  douloureux  de  la  Sainte  Vierge. 

En  VOICI  une  defcription  remarquable  pubhée  par  M.  Arthème  Pannier. 
dans  les  journaux  de  Lifieux.  en   icS^a.  lors  de  1  érection   : 

«  Cet  autel  étale  aux  yeux  tout  le  luxe  d  ornementation  de  la  der- 
nière période  ogivale_,  et  préfente  les  mêmes  caractères  architectoniques.  Il 
eft  compofé  de  deux  parties  diftinctes,  le  tombeau  et  le  retable. 

K  Du  côté  de  l'épitre  eft  repréfentée  la  vie  douloureuse  de  la  Sainte 
Vierge,  et  du  coté  de  1  évangile  sa  vie  glorieuse  et  triomphante. 

«  La  face  du  tombeau  est  divifée  en  trois  compartiments,  décorés 
chacun  d  un  médaillon  symbolique.  La  couronne  qui  orne  le  médaillon  du 
milieu  eft  formée  de  lis  et  d  épines  ;  1  artifte  a  sans  doute  voulu  figurer  par 
ces  lis  et  ces  épines  étroitement  enlacés  les  angoiftes  de  Marie,  la  plus  pure 
de  toutes  les  Vierges.  La  couronne  du  médaillon  de  droite  eft  compofée 
d'épines  :  elle  eft  lemblème  de  la  douleur  et  de  la  souffrance.  La  couronne 
de  rofes  qui  décore  le  médaillon  de  gauche  eft  l'emblème  de  la  gloire  et 
du  triomphe.  Le  médaillon  du  milieu  porte  le  monogramme  de  Marie,  sur- 
monté d  une  couronne  ducale;  celui  de  droite  repréfente  une  étoile  rayonnante, 
avec  cette  infcnption  :  Quaf  Stella  matutina.  Le  médaillon  de  gauche  eft 
décoré  d  un  palmier  autour  duquel  s  enroule  un  phylactère  portant  cette  ins- 
cription :  Quaf  palma  exaltata  sum. 

'3 


98  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

"  Tous  ces  médaillons  sont  sculptés  avec  une  grande  délicatelTe  et  par- 
faitement fouillés.  Ils  sont  séparés  par  deux  niches  surmontées  de  dais  à  jour. 
Celle  de  droite  contient  la  statue  du  prophète  Ifaie  tenant  dans  ses  mains 
une  banderole  sur  laquelle  on  lit  :  Eccc  V'irgo  concipiet.  Dans  la  niche  de 
gauche  eft  la  statue  du  roi  David,  avec  cette  infcription  :  Giono fd  dictd  siint 
de  te.  Sur  chaque  angle  efl:  placée  une  niche  beaucoup  plus  large  que  celles 
dont  nous  venons  de  parler,  et  qui  efl:  partagée  en  deux  par  une  légère  co- 
lonnette  :  la  niche  de  droite  contient  un  groupe  de  statues  repréfentant  la 
Vifitation  :  le  vieillard  Simcon  tient  dans  ses  bras  1  Enfant-Jéfus.  Dans  la 
niche  de  gauche  se  trouve  un  autre  groupe  figurant  1  Annonciation  :  1  ange 
Gabriel  tient  de  la  main  droite  une  branche  de  lis.  et  de  1  autre  un  phvlac- 
tère  portant  cette  infcription  :  «y^vc.  grdtid  plend. 

"  Le  gradin  qui  relie  le  tombeau  au  retable  repréfente  des  lis  et  des 
épines  entrelacés  avec  beaucoup  dart.  et  qui  se  détachent  parfaitement  du 
fond. 

"  Le  retable  de  lautel.  wow  moins  riche  que  le  tombeau,  efl:  décoré  de 
trois  niches  surmontées  de  dais  à  jour,  sculptées  avec  une  extrême  délicatelTe 
et  un  fini  admirable.  Ces  niches  rcpofent  sur  un  large  stylobate  dans  lequel 
efl  pris  le  tabernacle,  de  forme  octogone.  La  niche  du  milieu,  un  peu  plus 
large  que  les  deux  autres,  contient  la  statue  de  la  Sainte  Vierge  tenant  dans 
ses  bras  1  Enfant-Jéfus.  La  pofe  de  la  Sainte  Vierge  efl:  admirable  de  grâce 
et  de  majefié;  sa  robe  et  son  manteau  sont  sculptés  de  mains  de  maitre. 
L  art  1  fie  a  scrupuleufement  suivi  les  règles  de  la  statuaire  au  xv"  siècle. 

'-'  Les  deux  autres  niches  contiennent  un  ange.  Celui  de  droite  eil  vêtu 
d  une  dalmatiquc  à  manches  avec  amict  brodé,  et  tient  dans  ses  mains  le 
glaive  de  la  douleur  :  celui  de  gauche  porte  une  longue  robe  recouverte  d  un 
manteau:  il  tient  de  la  main  droite  la  palme  du  triomphe,  et  de  1  autre  une 
couronne.  Entre  ces  niches  règne  une  charmante  galerie  travaillée  à  jour,  et 
formée  de  fenêtres  flamboyantes  surmontées  de  gables.  Iciquels  sont  termi- 
nés par  d  élégants  panaches.  Devant  cette  galerie  se  déploie  une  jolie  draperie 
attachée  à  des  pilaflres  gothiques  sur  lefquels  se  détachent  deux  riches  mé- 
daillons :  celui  de  droite  eft  formé  d  une  couronne  d  épines  au  centre  de 
laquelle  sont  figurés  sept  glaives  entrelacés  de  manière  à  former  le  mono- 
gramme de  Marie;  1  autre  médaillon  repréfente  une  couronne  de  rofes.  avec  le 


LA  CHAPELLE  NOTRE-DAME  99 

monogramme  de  Marie  compofé  de  sept  palmes.  Sur  le  riche  cordon  qui 
termine  le  stylobate.  et  qui  eft  entièrement  compofé  de  feuilles  de  varech,  se 
détachent  deux  banderoles  correfpondant  à  chaque  médaillon:  celle  de  droite 
porte  pour  infcription  :  Pertranjihit  glddius.  Sur  celle  de  gauche  on  lit  : 
Veni  corondberis.  /, 

Les  vitraux  qui  garnilTent  les  trois  tenètres  de  l'abfide  sont  modernes. 
Les  sujets  qu  ils  repréfentent  sont  relatifs  à  la  vie  glorieufe  et  à  la  vie  dou- 
loureufe  de  la  mère  du  Sauveur. 

Ces  trois  verrières,  faites  en  185*)  dans  la  fabrique  du  Mans,  dirigée 
par  M.  Luflon.  ont  été  placées  en  18*)  6   dans  la  Chapelle  Notre-Dame. 

L  une  (côté  de  1  Evangile)  repréfente  1  Annonciation,  la  Vifitation,  la  Na- 
tivité et  l'Adoration  des  Mages. 

Une  autre  (côté  de  1  Epitre)  retrace  les  scènes  douloureufes  de  la  vie  de 
la  Sainte  Vierge. 

Celle  du  fond  eil:  confacrée  à  l'Aflomption  et  au  couronnement  de  la 
Vierge. 

'/  Mgr  Cauchon  mourut  subitement  dans  la  maifon  du  doyenné  de 
Saint-Cande.  à  Rouen,  appelé  l'hôtel  de  Lifieux.  le  18  décembre  144^. 
Son  corps  fut  tranfporté  et  inhumé  à  Lifieux  dans  la  chapelle  de  la  Vierge. 
qu  il  avait  fait  bàtir.  On  y  voit  son  tombeau  en  marbre  noir  sur  lequel 
efl;  sa  statue  en  marbre  blanc  (Noël  Deshayes). 

Tiimuldtm  efl  Lexovii  in  cède  Cdthedralis  S^'  Petri  propre  dltdre  d  Id- 
tere  eydngelii  in  quà  yicdriiim  qiidrtiim  injîituerdt,  dotdverdtaue  et  sdcellum 
B^  Mdrice  Virginis  cedifîcdyerdt.  ubi  suh  tiimido  e  mdrmore.  nigro  auiefcit 
(Gallia  Chrift..  t.  XI). 

Le  Mémoridl  de  ce  qui  s  ejl  pdjfé  de  plus  remdrqudhle  à  Lifieux  depuis 
16/6  jusquen  J/i/,  dit  :  '^  En  décembre  170^.  on  a  réparé  1  autel  de 
la  chapelle  Notre-Dame  dans  la  cathédrale  de  Lifieux.  ce  qui  obligea  doter 
encore  une  ancienne  et  mémorable  antiquité  de  cette  chapelle  :  c  était  le 
tombeau  de  M'  Pierre  Cauchon.  évèque  de  Beauvais,  et  depuis  de  Lifieux. 
inhumé  en  cette  chapelle,  comme  ayant  fait  faire  la  dépenfe  pour  laugmen- 
tation  d  icelle.  Ce  tombeau  était  orné  dune  voûte  de  pierre  de  Caen.  qui 
le  couvrait,  et  d  une  grille  de  fer  très  solide.  De  tout  cecy  il  n  efl:  refl:é  que 
le  seul  tombeau,  en  l'état  qu'on  le  voit  encore  à  préfent.   >/ 


loo  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

(Sur  le  mur  avoifinant  ce  qui  reliait  du  tombeau,  on  plaça  deux  bas- 
reliefs  provenant  du  jubé  conftruit  au  xiv'  siècle  et  démoli  en  lOSg  ainfi 
qu'il  a  été  dit  plus  haut.  Ces  deux  bas-reliefs  furent  remontés  tout  près  de 
l'autel  lors  des  réparations  qu'on  fit  à  la  chapelle  vers   itSyS.) 

Le  tombeau  de  Pierre  Cauchon  se  trouvait  donc  près  de  1  autel  de  la 
chapelle,  du  côté  de  1  Evangile.  En  lyo").  on  ne  détruifit  que  la  voûte  en 
pierre  de  Caen  et  la  grille  de  fer.  La  statue  tombale  dut  reftcr  intacte,  puifque 
le  Mémorial  et  Noël  Deshayes.  qui  écrivait  en  i  7  *)  | .  en  parlent  dans  les 
termes  ci-de(Tus. 

Ce  fut.  sans  doute,  entre  les  années  r  7  ">  j  et  17^"^  que  ce  tombeau 
fut  complètement  détruit.  Car  à  la  mort  de  Mgr  de  Condorcet.  en  l'J^}, 
on  trouve  dans  les  regiftres  des  sépultures  de  la  Cathédrale,  tenus  par  le  cha- 
pitre, que  '^  Mgr  de  Condorcet  fut  inhumé  dans  le  caveau  de  M'  Pierre 
Cauchon.  //  Sur  le  caveau  on  plaça  une  table  de  marbre  '  avec  cette  infcrip- 
tion  :  '^    I  7  (S  3 ,  Jacques-Marie  de  Condorcet.  évèque  et  comte  de  Lifieux.   » 

Que  devinrent  alors  les  cendres  de  Pierre  Cauchon  ."  Il  eft  poffible  que 
le  cercueil  de  Mgr  de  Condorcet  fut  placé  au-deiTus  du  corps  de  Pierre 
Cauchon.  Nous  avons,  en  effet,  dans  la  Cathédrale  un  exemple  de  deux  ca- 
veaux superpofés  :  ceux  d  Etienne  Bloflct  de  Carrouges  et  du  Cardinal  Le 
Veneur  (1  onde  et  le  neveu). 

Pendant  la  Révolution,  en  171)";.  le  tombeau  de  Mgr  de  Condorcet 
fut  ouvert  et  profané.  Le  corps  du  vieil  évèque  fut  porté  au  cimetière  du 
Champ-Rcmouleux  et  jeté  dans  une  foffe  commune. 

Qui  sait  ?  les  violateurs  n  eurent  peut-être  pas  1  idée  d  aller  au-dellous 
du  corps  de  Mgr  de  Condorcet.  Si  Pierre  Cauchon  y  c(\  rcffé.  ils  ly  ont 
peut-être  laifTé.  et  alors  il  y  repoferait  encore  aujourd  hui.  Une  petite  fouille 
pourrait  nous  renfcigner. 

Quoi  qu  il  en  soit,  lorfquc  le  tombeau  de  Pierre  Cauchon  fut  enlevé, 
nous  avons  lieu  de  penfer  que  la  statue  tombale  fut  aftrcufcment  mutilée 
et  que  les  morceaux  servirent  à  boucher  la  première  fenêtre  du  collatéral  du 
croisillon  Nord,  probablement  pour  rinHallation.  en  cet  endroit,  d  un  autel 
avec  retable. 

I.   Cette  plaque  de  marbre  se  trouve  aujourd'hui  au  Musée  de  la  Ville. 


PL  js 


CURIEUX   ÉCOINÇONS   DE  LA   CHAPELLE  NOTRE-DAME 


LA  CHAPELLE  NOTRE-DAME 


lOI 


En  octobre  1869,  on  a  rou- 
vert cette  fenêtre,  et  on  a  retrouvé 
les  nombreux  fragments  de  mar- 
bre de  Carrare,  qui  avaient  été 
employés  comme  blocage.  Ces 
fragments,  avec  leurs  gracieux 
ornements,  le  style  avancé  des 
draperies  qui  sont  fort  belles  et 
les  rofaces  délicatement  sculptées, 
révèlent  1  œuvre  d'un  artifte  du 
xv^  siècle.  Ils  ont  été  raflemblés 
et  maintenus  au  moyen  de  plâtre. 
Malheureufement  la  tète  et  les 
mains  manquent.  Cette  statue  efl: 
bien  celle  d  un  évèque  ainfi  que 
l'attefte  le  vêtement  sacerdotal 
compofé  d'une  tunique  et  d'une 
dalmatique.  pofées  1  une  sur  l'au- 
tre, et  d  une  chafuble  relevée  sur 
les  bras.  Les  deffins  qui  couvrent 
la  chafuble  sont  formés  de  rofaces 
polylobées,  autrefois  garnies  de 
cabochons     imitant    les     pierres 


ifes.   Le 


rfoi 


precieules.  Le  perionnage  repre- 
fenté  couché  porte  le  manipule 
sur  le  bras  gauche  ;  létole  appa- 
raît entre  la  tunique  et  la  dal- 
matique, qui  eft  bordée  d'une 
belle  frange.  On  remarque  éga- 
lement une  trace  longitudinale 
que  recouvrait  une  crofTe  difpa- 
rue  et  qui  avait  été  fixée  par  un 
crampon  de  cuivre  sur  le  devant 
de  l'épaule  gauche. 


Fig.  29.   —  Tombeau  de  Pierre  Caucbon,  d'après  Gaignières. 


I02  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Parmi  les  évèques  inhumés  dans  la  cathédrale,  il  n'y  en  a  que  deux  dont 
le  tombeau  fut  surmonté  de  leur  effigie  en  marbre  blanc  :  Guillaume  d  Es- 
touville.  mort  en    i  4  i  4 .  et  Pierre  Cauchon   ifig.    2q). 

Or.  il  y  a.  à  la  Bibliothèque  Nationale  (^collection  Gaignièresi.  un  des- 
sin qui  répréfente  avec  détails,  l'effigie  du  tombeau  de  Pierre  Cauchon.  Un 
artifte  a  reproduit  fidèlement  ce  deffin.  directement  sur  les  cartons  de  Gai- 
gnières.  En  le  comparant  avec  la  statue  reconftituée.  on  reconnaît  entre  les 
deux  une  très  grande  similitude. 

Les  morceaux  raflemblés  de  cette  statue  repofent  actuellement  dans  une 
chapelle  collatérale  du  croifillon  Nord  de  la  Cathédrale. 

Sur  l'emplacement  du  tombeau  de  Cauchon.  M.  1  archiprètre  Ducellier 
fit  placer  en  1  wi  2  une  statue  de  la  bicnhcureuie  Jeanne  d  Are.  trop  mou- 
vementée, trop  moderne,  œuvre  du  sculpteur  Orléanais  Ch.  Defvergnes.  Cette 
statue  fut  bénite,  le  2  ")  août  I»»I2.  par  S.  E.  le  cardinal  Amctte  en  pré- 
sence de  Mgr  Lemonnier  et  d  une  afiifiance  confidérable.  Le  cardinal,  qui 
a  toujours  le  sens  de  là-propos,  fit  allufion.  dans  son  difcours.  à  ces  paroles 
du  Pfalmifle.  pour  les  appliquer  à  Jeanne  d  Arc  :  "  Donec  ponjni  immicos 
tiios.  scdbelliini  pcdiim  tiiorimi.   /, 

Auparavant,  le  2  |  octobre  igoc).  Mgr  Touchet  avait  donné  dans  la 
cathédrale  un  inoubliable  panégyrique  de  Jeanne  d  Arc  à  1  occafion  de  la 
béatification  de  1  héroïne. 

Du  côté  sud,  et  faiiant  pendant  à  celui  de  Pierre  Cauchon.  se  trouvait 
autrefois  le  cénotaphe  d  Antoine  Raguier.  évcquc  de  Lilieux.  mort  en  1  }''^2. 
Cet  évèque  y  était  repréfenté  à  genoux,  tourné  vers  1  autel  :  son  épithaphe 
était  au-delTus  de  son  bufle. 

Au  milieu  de  cette  même  travée  on  dépofa  en  lO.So  le  corps  de  Léo- 
nor  I"  de  Matignon,  mais  il  fut  plus  tard  reporté  à  Thorignv.  Cet  empla- 
cement servit  enfuite  pour  la  sépulture  de  Mgr  de  Brancas.en    17'M). 

Guillaume  de  Hautemer.  maréchal  de  Fervaqucs,  avait  été  également 
inhumé  dans  cette  chapelle  en  1  '>  1  l,  entre  les  tombeaux  de  Pierre  Cauchon 
et  d  Antoine  Raguier. 

Beaucoup  de  chanoines,  dont  on  ignore  les  noms,  curent  auHi  leurs 
sépultures  dans  cette  chapelle.  Les  pierres  tombales  ont  été  saccagées  ou 
détruites  ;  les  infcriptions  tumulaires  sont  dilparues. 


CHAPITRE    IV 


L  AGE   DE    LA    CATHÉDRALE 


A  CATHÉDRALE  SAINT-PIERRE  semble  mettre  une  certame  coquet- 
terie à  cacher  son  âge  :  celui  qui  connaîtrait  à  fond  la  vie 
mouvementée  de  1  évèque  de  Lifieux,  Arnoul,  pourrait  sans 
doute  la  dater  d'une  façon  aflez  certaine. 

Beaucoup  de  maîtres  de  l'archéologie  savent-ils  la  place 
privilégiée  occupée  par  la  forte  perfonnalité  d  Arnoul  dans  l'œuvre  politique, 
littéraire  et  artiftique  du  xif  siècle  '  ? 

EfquilTer  le  portrait  de  ce  prélat  n  eft  pas  chofe  facile,  car  si  la  plupart 
des  hiftoriens  lui  sont  très  favorables,  quelques-uns  le  dénigrent  à  plaifir. 
à  caufe  de  son  rôle  myftérieux  dans  l'affaire  de  Thomas  Becket". 

Normand  d  origine,  aimable,  généreux,  difert.  plein  de  la  lecture  des 
livres  saints,  parfaitement  au  courant  des  queftions  juridiques,  humanifte  à 
ses  heures.  Arnoul  ne  s  avance  qu'à  coup  sûr,  ne  se  livre  que  rarement.  Il 
sait  attendre,  intriguer,  négocier,  arriver  à  ses  fins  à  force  de  tact  et  de 
diplomatie.  Esprit  prompt  et  prudent,  par  la  souplefle  de  son  caractère  il 
s  efforce  de  diffiper  les  malentendus  et  les  complications. 

1.  Fleury,  Hijloire  ecdéfidjlique ,  Paris,  1721,  t.  XV,  pp.  87,  142,  188,  195,  441.  — 
Dom  Ceillier,  Hijî.  gén.  des  auteurs,  t.  XIV,  pp.  751-758. 

2.  Dom  L'Huillier,  Saint  Thomas  de  Cantorbéry,  t.  I,  1891,  pp.  72-74. 


I04  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Sa  science  s  impofe  aux  plus  savants,  sa  dialectique  aux  plus  élocjuents. 
Il  voyage  beaucoup,  prodigue  ses  confeils  aux  rois,  aux  papes,  comme  aux 
simples  laïques.  En  un  temps  où  l'influence  de  la  religion  chrétienne 
pénètre  les  lois  et  les   inftitutions.  rien   n  échappe  à  son   incroyable  activité. 

Que  l'on  s  imagine  un  érudit  qui  serait  un  poète,  un  homme  d  action 
qui  ne  dédai<^nerait  pas  d  être  un  amateur  éclairé  des  œuvres  d  art.  un 
conftructcur  qui  aurait  le  secret  de  recueillir  de  tortes  sommes,  un  voya- 
geur qui.  en  chevauchant  sur  les  chemins  de  France  et  d  Angleterre,  de 
Paleftine  et  d  halic.  saurait  faire  ample  moilTon  d  idées  et  d  initiatives  :  ce 
sont  là  les  principaux  traits  de  la  phyfionomie  d  Arnoul.  d  après  sa  corres- 
pondance et  les  écrits  de  ses  contemporains.  Comme  le  difait  très  jufte- 
mcnt  Mgr  Touchet  dans  son  panégyrique  d  Orderic  Vital  :  "  Confeiller  et 
modérateur,  autant  qu  il  put.  du  plus  violent  des  souverains  (Henri  II 
d  Angleterre).  Arnoul  appâtait  en  définitive  comme  un  homme  d  églife  dis- 
tingué et  un  véritable  homme  dEtat'.   // 

Le  sceau  d  Arnoul  compte  parmi  les  plus  beaux.  Il  le  repréiente 
debout,  revêtu  d  une  chalublc  magnifiquement  drapée.  La  tète,  très  fine, 
porte  la  mitre.  La  main  gauche  s  appuie  sur  une  crolTe  élégante,  tandis  que 
la  droite  se  lève  avec  gravité  pour  bénir.  Autour  du  sceau  se  lifent  ces 
mots  :   '-'  tyfrniilfus  Dci  ^rdtid  lexo\ienfs  cpifcop.   // 

Parmi  les  défi:nleurs  de  1  évèque  de  Lilieux.  il  efl  intéreflant  de  relever  les 
noms  de  saint  Bernard  et  de  Picrre-le-Vénérable  abbé  de  Cluny.  deux  person- 
nages qui.  par  leur  génie,  honorèrent  le  plus  1  Eglife  aux  environs  de  i  i  y). 

Le  souci  des  aflaires  publiques  ne  fit  point  oublier  à  1  évèque  Arnoul 
les  intérêts  de  ses  diocéfains.  La  réparation,  puis  la  réédification  de  sa  cathé- 
drale sur  un  plan  plus  vafle  reftent  la  penfée  dominante  et  1  occupation  de 
son  long  épifcopat  (^  i  i  j  i  - 1  i  S  i).  Il  suffit  de  parcourir  attentivement  sa 
correfpondancc  pour  comprendre  qu  il  a  été  1  ordonnateur  par  excellence  et 
le  fidèle  bailleur  de  tonds  de  ce  grand  œuvre.  Au  moins  quatre  lettres  de 
ce  docte  prélat  permettent  de  préciler  son  rôle  de  batilTeur.  Ce  sont  les 
premiers  renleignements  politifs  qui  permettent  de  fixer  approximativement 
1  âge  de  la  cathédrale  Saint-Pierre. 

La  première   lettre   à   étudier  remonte  à    i  l  |  > .   car  elle    c{\  adrclTée  au 

I.    Mgr  Touchet,  Orderic  f'ttjl.  Pans  i<»i2,  pp.   11-12. 


PL  ^6 


,^- 


DÉTAIL   D'UN  MONUMENT    FUNÉRAIRE    DE    LA  CHAPELLE  ABSIDALE 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE  105 

pape  Céleftin  IL  ancien  élève  d'Abélard.  qui  n'a  régné  que  cinq  mois,  du 
2  7  septembre  i  1 4  3  au  8  mars  1 1  4  4 .  Il  était  renommé  par  sa  science  et 
son  caractère  pacifique  et  conciliant.  Auffi  Arnoul  avait-il  chaudement 
plaidé  sa  caufe  en  Normandie  et  en  Angleterre.  Quelle  joie  ç  eût  été  pour 
l'évêque  de  Lifieux  de  se  rendre  près  du  nouveau  pape  pour  lui  offrir  ses 
hommages  et  ses  vœux.  Malheureufement,  de  graves  empêchements  le 
retiennent  dans  son  diocèfe.  «  Je  semis,  écrit-il,  -venu  vous  vijiter^  si  je 
n'étais  vivement  occupé  â  me  concilier  de  plus  en  plus  les  faveurs  du  nouveau 
prmce  (^Geoffroy  d  Anjou),  à  réparer  les  ruines  de  notre  églife  et  de  notre 
demeure,  à  prendre  soin  des  funérailles  de  mes  proches.  <lA  caufe  de  cela,  je 
n'ai  eu  ni  le  temps,  ni  la  joie,  ni  les  moyens  d  aller  vers  vous  '.  » 

Des  hiftoriens  normands,  notamment  MM.  Vasseur",  Ch.  Bréard', 
A.  Pannier^  M.  Farolet\  1  abbé  Marie  ^.  interprètent  la  formule  : 
«  E^farciendas  ecclejice  et  domus  nojhce  ruinas  /,  dans  le  sens  d  une  recons- 
truction et  non  pas  dune  simple  réparation.  A  les  en  croire.  Arnoul 
(fig.  30),  en  montant  sur  le  siège  épifcopal  de  Lifieux,  n'eut  à  prendre 
pofleffion  que  d  une  cathédrale  en  ruines  et  d  un  palais  en  cendres  ;  car,  en 
1136,  Geoffroy,  comte  d  Anjou,  avait  incendié  Lifieux  et  la  cathédrale.  Les 
ravages  du  feu  furent-ils  auffi  sérieux  que  l'affirment  ces  chercheurs  ?  Il 
semble  que  non.  En  effet,  si  la  cathédrale  avait  été  auffi  abimée,  comment 
en  1141.  le  21  mai,  Rotrou,  évèque  d  Evreux.  Renoul,  abbé  de  Saint- 
Evroul.  les  abbés  bénédictins  du  diocèfe  de  Lifieux  et  de  nombreux  fidèles 
euffent-ils  pu  inhumer  l'évêque  Jean  I"  dans  ^<  la  bafilique  de  Saint-Pierre 

1.  «  Venifîem  autem  ad  vos,  nifi  circa  confirmandam  mihi  recentem  novi  principis  gra- 
tiam,  et  refarciendas  ecclesias  et  domus  noftrae  ruinas  et  curanda  germanorum  funera  gravius 
occuparer.  Quibus  caufis.  nec  tempus  adhuc,  nec  alacritatem  habui  nec  expenfas.  Veniam  autem, 
Deo  volente.  quantocius,  ut  oculis  meis  vultus  veftri  serenitas  illucefcat,  et  ariditatem  meam 
quafi  uberior  de  proximo  novœ  benedictionis  riget  ubertas,  quia  modicum  id  quod  sum,  totus 
sum  sanctitatis  veftraï  sanctseque  Romande  Ecclefise  devotiffunus  servus.  //  Lettres  d' Arnoul.  édi- 
tion Giles,  Oxford,  1844,  in-S",  p.  83.  —  Pjtr.  Ut.,  t.  CCL  coL  ic).  En  1141.  Geoffroy 
Plantagenet  avait  énergiquement  combattu  l'élection  d'Arnoul  au  siège  de  Lifieux  et  saifi  le  tem- 
porel de  l'évèché  ;  ce  qui  avait  occafionné  de  nombreux  soucis  au  nouvel  évèque. 

2.  Etudes  sur  li  Cathédrale  de  Lijieux.  Caen.   1881,  pp.  20-25. 

3.  L Ahbaye  de  Grejldin.  Rouen,   1904,   p.  54. 

4 .  Dans  journal  Le  Normand. 

■).   Notes  pour  servir  à  l'Hijloire  de  la  Cathédrale  de  Lifieux,  Lifieux,  1840,  pp.  21-24. 
6.    Dans  La  Normandie  monumentale. 


lOb 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


au  pied  de   1  autel    Saint-Michel.    //   S  appuvant    sur    un  fait  célèbre   :    le 
maria<jc  de   la   reine  Aliéner   d'Aquitaine  avec    le  ]eune  Henri  Plantagenet, 


ce 


:léb 


re   a 


Lil 


leux 


le     I  N    mai    i  i  •)  2 


on 


)rétend    qu  a  cette   date   1  éveque 


Arnoul  avait  achevé  le  gros  œuvre  de  sa  ca- 
thédrale.    Cet    argument    nous    semble    très 


faible 


la    baiilu 


le.     car    la     Daiiiique    romane    qui.     en 

I  I  I  1  .  avait   servi   aux  obfèques   de   1  éveque 

de    Liiieux.    dix  ans  plus   tard,   pouvait    tout 

auffi    bien    être     utilifée     pour 

royal. 


le    mariage 


)y^ 


Il  ne 


difficile    d( 


lous  parait  airnciie  de  s  appuver  sur 
ces  souvenirs  hiftoriques  pour  interpréter  le 
texte  d  Arnoul  et  établir  que  le  diftingué 
prélat,  dès  le  début  de  son  épifcopat.  fit 
réédifier  une  cathédrale  toute  gothique  d  inf- 
piration  et  d  exécution.  A  notre  avis,  la 
première  en  date  des  lettres  d  Arnoul  ne 
vife  qu  une  simple  reftauration  de  la  cathé- 
drale romane. 

Cependant,  une  autre  lettre  de  1  éveque 
de  Lilieux  adrellée  à  son  confrère  de  Novon 
indique  que  dans  le  troilicme  quart  du 
xii'  siècle  Arnoul  s  occupait  de  la  conllruc- 
tion  d  une  nouvelle  cathédrale.  ''  Ccrtdins 
prêtres  de  votre  diocèfe  sont  venus  vers  Nous. 
Nous  avons  cm  devoir  les  retenir  pour  conftituer  des  alTociations  et  faire 
des  quêtes  pour  la  reconftruction  de  notre  églife.  pjrce  au  ils  avaient  Li 
réputation  J  être  habiles  et  bien  préparés  pour  ee  genre  ci  opérations.  Mais 
après  avoir  parcouru  le  diocèse  et  séjourné  auelaue  temps  chc:i^  Nous, 
pref(jue  tous  se  sont  enfuis  clandejhnenient.  comme  après  une  défaite.  Us 
mont  Liijfé  avec  une  dette  de  plus  de  ;o  livres  à  payer  à  leurs  créanciers. 
J  ai  soldé  cette  dette  pour  tenir  jufcju  au  bout  ma  prumejfe.  Bien  plus,  ces 
cjueteurs   ont    également    dérobé    soixante-dix    pièces    d  or   au   prêtre    R^.    le 

I.    Ordcric  Vital.  Hifî.  ccclés. ,  éd.  Le  Prévost. t.  V'.  p.  m*,:  cdit.  Gui/ot.  t.  IV.  p.  sî4. 


hig.  V 


L  evck^ue  Arnoul 


L'AGE  DE  LA  CATHÉDRALE  107 

porteur  de  la  préfente  lettre.  Pourtant  ils  dvdient  prêté  serment,  la  main 
sur  FEyangile,  de  nous  servir  fidèlement  durant  tout  leur  mandat.  Très  Cher, 
à  cdufe  de  cela,  nous  vous  demandons  bien  injlamment  de  nous  donner  une  jufle 
satiff action  et  de  reprendre  comme  ils  le  méritent  ces  vils  criminels.  Ce  n  efl 
pas  tant  la  queflion  d  argent  qui  nous  inquiète  que  la  punition  de  leur  mau- 
vaife  foi  et  de  l  affront  qu  ils  nous  ont  caufé'.  /, 

Quand  les  refîources  devenaient  infuffirantes,  les  évèques  bàtifleurs 
songeaient  à  intérelTer  à  leurs  conftructions  non  seulement  leur  diocèfe  mais 
les  provinces  voifines.  C  efl  ainfi  que  Thibaut,  évèque  de  Senlis.  envoya 
des  quêteurs  dans  les  villes  du  domaine  roval.  avec  des  lettres  de  recom- 
mandation de  Louis  VII.  Ils  revinrent  en  I13O  ou  1157-.  L  évèque  de 
Lifieux  recourut  au  même  expédient.  Les  collecteurs  s  enfuirent  inopiné- 
ment avec  une  partie  de  leurs  recettes.  Arnoul  s  en  plaint  à  Beaudoin. 
évèque  de  Noyon.  et  demande  à  son  confrère  de  prendre  des  mefures 
coercitives  contre  ces  escrocs.  Au  dire  des  Bénédictins  qui  rédigèrent  la 
Gallia  Chrifliana.  la  lettre  de  lévèque  Arnoul  daterait  de  11  74  environ  et 
s'adreiTerait  à  Beaudoin  III  (11O7-I174)  :  '^  arnoul.  évèque  de  Lifieux, 
écrivit  à  Beaudoin  au  sujet  du  préjudice  que  lui  avaient  caufé  certains  prêtres 
de  Noyon.  t^lprès  avoir  recueilli  de  l  argent,  ils  prirent  la  fuite' .  />  M.  Charles 
VafTeur  a  fait  remarquer  très  juftement  que  la  lettre  de  l' évèque  Arnoul 
pouvait  auffi  avoir  été  adreiTée  à  Beaudoin  II.  évèque  de  Noyon  de  TI48 
à  II 07.  C'efl:  un  point  d  hiftoire  difficile  à  débrouiller.   Il  convient  toute- 

I.  '•'  Venerunt  ad  nos  sacerdotes  quidam  de  epifcopatu  veftro,  quos  ad  fraternitate.-;  cons- 
tituendas,  et  faciendas  collectas  ad  resedificationem  Ecclesise  noftrse.  quia  periti  et  inftructi  super 
hujufmodi  officio  dicebantur,  duximus  retinendos.  Cum  autem  perluftrato  epifcopatu  apud  nos 
aliquandiu  refedilTent.  omnes  fere  quafi  facto  aginine  fuga  clandeftina  difcelîerunt.  Me  quidem 
in  summa  majore  XXX  librarum  :  suis  fidejufforio  nomine  obligatum  creditoribus  relinquentes, 
quas  ego  nimirum  omnes  servata  promifionis  meœ  veritate  perfolvi.  Sed  et  latori  prasfentium 
R.  Sacerdoti  noftro  eadem  fraude  LXX  solidos  abftulerunt,  cum  ipfi.  nobis  tactis  sacrosanctis 
Evangeliis  juramentum  corporale,  se  fidem  bonam  nobis  servaturos  in  tota  exfecutionc  negotii 
prasftitiffent.  Super  quo  chariffimam  nobis  fraternitatem  veftram  obnixius  exoramus,  non  tam  sanc 
recuperationem  pecunias.  quam  viadictam  tantas  fraudis  et  injuris  perfequentes,  ut  nobis  jus- 
titia  vefiira  satiffien  faciat.  et  tantum  crimen  animadverfione  débita  corrigatis.  //  <Jfrniiphi  Epifî. 
LIX  ad  Bdldcwimim  Novionensem  epifcopum  dans  Migne,  Pjtrologie  btine,  t.  CCI,  col.  go. 

2     M.  Aubert.  Monographie  de  la  Cathédrale  de  Senlis,  Senlis,   iQio,  in-4",  p.   i  i. 

3.  (11  74)  "  Ad  eum  scripfit  Arnulfus  Lexovienfis  epifcopus,  de  fraude  sibi  facta  a  qui- 
busdam  prefbyteris  diœcefis  Noviomenfis,  qui  corrasa  pecunia,  fuga  poftea  se  subtraxerant.  /> 
Gallia  Chrifliana.  t.  IX,  col.  1004. 


io8 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


fois    d'obferver  qu'en    117}    le    gros    œuvre    de    la   cathédrale  de    Noyon 
était  achevé,  par  conféquent,  à  cette  date,  les  quêteurs  de  ce  diocèfe  devaient 

être  libérés  de  leur  mis- 
sion. Il  se  pourrait  qu  à 
ce  moment  ces  «spécia- 
lises //  aient  cherché  d  un 
autre  coté  1  emploi  de 
leurs  talents.  C  eft  une 
simple  probabilité,  une 
conjecture  vraifemblable. 
De  ce  texte  ne  retenons 
qu  une  chofe.  en  l  l  7  j . 
Arnoul  travaillait  active- 
ment à  réédifier  une 
é^life  cathédrale. 

Fig.  )i.         Lificux  et  sa  cjtlicdrilc  J  après  les /'/jjji  c: /jroyï/^  Je  A'jr«M«i/jc.  ~  r\        ■ 

Initruit  par  1  expé- 
rience, Icvéque  de  Lificux.  un  peu  plus  tard,  s  adrella  pour  le  miniftère  de 
quêteur,  non   plus   à    des  ctran"[ers.    mais    à  ses   diocésains.    Une    troifième 


lettre  apporte  à  cet  égard  de  curieux  détails.  Si  les  quêteurs  furent  plus 
honnêtes,  leur  tache  ne  laiHa  pas  d  être  terriblement  difficile.  Arnoul  le 
déclare  lui-même  d  une  façon  piquante.  S  adreflant  au  pape  Alexandre  III  il 
dénonce  en  ces  termes  laccueil  déplorable  réfei-vé  à  ses  envoyés  par  les 
moines  de  Greflain.  abbave  bénédictine  du  diocêfc  de  Lificux.  supprimée  en 
177*)  :  '''  Nous  ne  pouvons  m  n  ofons  p^ffcr  le  jjit  sous  silence,  un  Je  nos 
prêtres  et  un  sous-dutcre .  que  nous  avons  envoyés  orgjiufer  des  djj^ocidtions.  en 
vue  de  Ij  rêédificJtion  de  notre  égUfe  que  nous  f.iifons  reconjhuire  de  fond  en 
comble,  franchirent  un  jour,  à  l  heure  du  diner.  Lt  grande  porte  du  dit  monas- 
tère pour  demander  l  aumône.  Un  des  moines  les  plus  importants,  à  savoir  le 
prieur  de  la  maifon  et  le  portier,  les  affaillirent  avec  la  dernière  violence,  les  inju- 
rièrent copieufement  et  puis  (ce  que  je  ne  puis  dire  sans  honte  et  sans  amer- 
tume) les  roulèrent  dans  la  bouc'.   // 

I.  Intérim,  quod  silentio  prctcrirc  non  pofTuniu";  iicc  audcmus.  quidjni  saccrdos  noftcr 
et  subdiaconus,  qui  a  nobis  obconftitucndas  fratcrnitatcs  ad  rccdificationcm  cccicfiac  noftra:  quain 
a  fundamcntis  inccpimus  mittcbantur,  novifTimas  fores  prxdictc  domus  hora  prandii  caufa  requi- 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE  109 

Irrité  d'une  telle  conduite,  l'évêque  Arnoul  demanda  aux  moines  une 
réparation;  mais  1  abbé  Guillaume  Huband  ou  d'Exeter  ne  leur  permit  pas 
de  s  humilier  de  la  sorte.  Au  contraire,  il  était  le  premier  à  leur  donner 
l'exemple  de  la  rébellion  '.  La  lettre  que  nous  étudions  montre  que  vers 
T 17Q  Arnoul  travaillait  encore  à  la  conftruction  de  sa  cathédrale.  Cette  lettre 
ne  peut  se  placer  avant  1179,  puifqu'elle  dénonce  l'abbé  Guillaume  élu 
en  cette  année  même".  D'autre  part,  elle  ne  peut  être  poftérieure  à  1181, 
époque  de  la  mort  d'Alexandre  III,  décédé  en  exil  à  Civita-Caftellana.  le 
30  août '.  Quoique  publiée  dès  1863  par  Fr.  Hiverani.  dans  son  Spicile- 
giiim,  imprimé  à  Florence,  la  lettre  d'Arnoul  n  était  pas  connue  de  M.  Vas- 
seur  et  M.  Serbat  ne  l'a  pas  non  plus  utilifée,  bien  que  M.  René  Poupar- 
din  l'ait  de  nouveau  réimprimée  en  IQ02  dans  la  Bibliothèque  de  l  Ecole 
des  Chartes,  t.  LXIII.  Si  MM.  Pannier  et  Marie,  avaient  eu  sous  les  yeux  le 
texte  dont  il  s'agit,  ils  auraient  certes  modifié  leur  opinion  sur  l'âge  de  la 
cathédrale  Saint-Pierre,  qui  n  efi:  peut-être  pas  auffi  ancienne  qu'ils  se 
l'imaginaient. 

Cependant,  une  quatrième  lettre  d'Arnoul  établit  que  la  cathédrale  lui 
a  coûté  fort  cher  à  conftruire.  Au  déclin  de  sa  vie,  le  chapitre  de  Lifieux 
l'accufe  de  dilapidations.  L'évêque.  dans  un  mémoire  adreflé  au  pape 
Lucius  III  (i^'  septembre  II  81  —  2*)  novembre  1185),  réduit  à  néant 
1  accufation  de  ses  chanoines  en  détaillant  les  nombreufes  largefïes  dont  ces 
meffieurs  lui  sont  redevables.  La  réponfe  d'Arnoul,  écrite  avec  âpreté, 
montre  toute  sa  puiilance  de  dialectique  et  jette  une  lumière  nouvelle  sur 
son  rôle  de  bâtifïeur. 

«  Les  chanoines  m'accufent  d'avoir  dilapidé  mon  églife,  moi  qui  lui  ai 
acquis  plus  de  1.200  livres  de  revenu  à  perpétuité;  qui  en  ai  porté  500 
dans  le  tréfor  ;    qui  en    ai    employé    10.000  en    bâtiments  qui  subsiftent; 

rendae  caritatis  ingreffi  sunt  ipfisque  a  monacho  quodam  majore,  scilicet  procuratore  domus.  et 
a  portario  violente  manus  illatse  sunt,  gravibufque  affecti  injuriis  in  luto  (quod  sine  ruborc  et 
amaritudine  dicere  non  poflumus)  convoluti.  ;>  18  Lettres  d'Arnoul,  éditées  par  René  Poupardin, 
Paris,   iqo2,  p.  9. 

1.  Bréard,  ^Abbaye  de  Grefîdin,  pp.  44  à  56. 

2.  Gallid  Chrijîidnd,  t.  XI,  coL  842.  —  NeujîriaPid,  pp.  528-34.  — Mondflicon  tAnglic, 
VI,  II,  loqo.  —  Canel,  Ejfdi  sur  l'drrondiffement  de  Pont-tAudemer ,  t.  II,  p.  45S.  —  Le  Pré- 
voU,  Mémoires  et  Notes  pour  servir  à  l'Hijloiredu  dépdrtement  de  l'Eure, E\tcux  1862,  t.  I,p.40(). 

3.  F.  Mourret,  Ld  Chrétienté,  Paris,  191b,  p.  425. 


no  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

moi  qui  ai  renouvelé  la  cathédrale,  en  partie  à  mes  frais,  et  à  1  aide  des 
acquêts  que  j  ai  faits,  qui  di  augmenté  de  600  libres  la  menfe  cjnonule.  qui 
en  ai  ajouté  plus  de  =^00  à  la  menfe  épifcopale.  Il  efl  vrai  qu  à  mon  a\ène- 
ment  j  ai  pris  dans  le  tréfor  1  7  marcs,  parce  que  j  étais  dans  l  obligation  de 
retirer  des  mains  du  comte  dtyinjou  les  biens  de  ma  menfe.  qu  il  retenait 
depuis  2j  mois,  sous  prétexte  que  je  m  étais  fait  sacrer  sans  son  ajfentiment. 
En  cette  affaire,  je  n  ai  agi  qu  avec  l  agrément  du  pape  Innocent,  de  glorieufe 
mémoire,  et  après  ayoir  verfé  tjoo  livres  de  mes  propres  deniers.  Pour  l  expé- 
dition de  Jérufalem.  dans  laquelle  je  fus  engagé  par  ordre  du  pape  Eugène,  j  ai 
vendu,  avec  son  agrément,  un  calice  d  or  pcfant  ;_/  onces.  Le  Souverain  Pontife 
m'avait  donné  la  permiffion.  s  il  en  était  befoin,  pour  la  croifade.  Je  pajfe  sous 
silence  pour  éviter  tout  soupçon  de  vanité  la  manière  libérale  avec  laquelle 
jai  toujours  exercé  l  hofpitalité.  le  grand  nombre  de  dons  que  j  ai  faits,  et  qui 
de  l  aveu  de  ceux  qui  en  bénéfcièrent,  surpajfent  ce  qu  on  pouvait  attendre 
d  un  homme  dont  la  fortune  était  aujfi  précaire  que  la  mienne.  Les  témoins  ne 
manquent  pas  pour  attefer  au  befoin  ce  que  j  avance.  J  ai  supplié  mes  juges 
d  établir  une  compenfation  entre  ce  que  j  avais  pris  et  ce  que  j  avais  donné.  Ma 
requête  na  pas  été  prife  en  conf  dération.  J  ai  été  condamné  à  payer  aux 
chanoines  1  <><»  livres  pour  être  employées  aux  befoins  de  la  cathédrale.  Bien  plus, 
ces  juges  impitoyables  m  ont  retenu  ma  propre  chapelle,  soit  une  chafuble. 
avec  tunique  et  dalmatique ,  que  j  avais  acquises  récemment.  C  est  ainf  que  les 
chanoines  m  ont  laijfé  sans  argent  et  sans  vêtements  liturgiques.  Mis  au 
courant  de  ces  procédés  indignes,  vous  ave:i^  cajfé  leur  sentence  et.  comme 
votre  correfpondance  le  laiffait  entendre,  vous  m  ave^  arraché  à  leur  haine 
implacable.  Je  prie  Votre  Sainteté  de  maintenir  son  jugement  et  de  me 
faire  rejlituer  ce  qui  m  a  été  injuflement  enlevé,  afn  que  ces  objets  puijfent 
revenir  aux  frères  fies  chanoines  de  Saint-Victor  de  Pans/,  au  milieu  desquels 
le  me  suis  retiré.  Les  chanoines  se  moquent  de  mon  infortune,  après  s  être 
attribue  arbitrairement  ce  que  je  dejlinais  à  des  bonnes  oeuvres,  ils  se 
réjouiffent  méchamment  de  m  avoir  forcé  à  partir  comme  le  dernier  des 
pauvres.  Que  Votre  Bonté  continue  ce  qu  elle  a  si  bien  commencé,  pour  que 
le  Chapitre   ne  puiffe  s  égayer  aux   dépens   de   mes  malheurs  .   // 

I.    «    Propofucrum    itaquc  me   boiia  Eccicsiz  dibpidaffc   profulius.  cuni    me    mille 

duccntas  libras  et  co  amplius  perpétuas  aLquififTe  conftarct.  et  thefauro  ctiam  intuliffe  t^umgen- 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE  m 

Arnoul  dans  sa  lettre  prouve  par  des  chiffres  que  les  chanoines,  aux- 
quels il  avait  fait  beaucoup  de  bien,  n'avaient  aucun  sujet  de  se  plaindre 
et  que  dans  ses  largeffes  il  n'a  pas  oublié  la  cathédrale.  Pour  la  rebâtir,  non 
seulement  il  a  ouvert  sa  bourfe  toute  grande,  mais  encore  il  a  fait  Tufage 
le  plus  légitime  et  le  plus  noble  des  profits  de  sa  diplomatie.  Soit  du  côté 
du  roi  d  Angleterre,  Henri  II.  soit  du  côté  de  Louis  VII.  roi  de  France, 
Tévêque  de  Lifieux  a  reçu  Tor  à  pleines  mains.  C'était  la  récompenfe  obli- 
gée des  services  exceptionnels  qu'il  a  rendus  aux  deux  souverains.  Entre  les 
Français  et  les  Anglais,  le  prélat  parut  toujours  prêt  à  ser\'ir  d'intermédiaire, 
en  bons  termes  avec  les  uns  et  les  autres:   attriflé  de  les   voir  en  lutte,   que 

tas,  et  duodecim  millia  librarum  exftantibus  aedificiis  impendifle  :  ipsamque  Ecclefam  Epifcopa- 
lent  ex  parte  sumptibiis  meis,  et  acquifitionihiis  inno\dtdm  :  ad  Communiam  quoque  Canonicorum 
sexcentas  libras  annuas  et  perpétuas  acquifîvi.  atque  mensam  Epifcopalem  quingentis  libris.  et 
eo  amplius.  annuis  et  perpetuis  augmentavi.  De  ipfo  autem  thefauro  ut  nihil  subtraham,  decem 
et  septem  marcas  in  initio  meae  promotionis  afTumpfi,  quia  bona  omnia  Epifcopalia  redimere  de 
manu  comitis  Andegavenfis  angebar.  quoe  ipfe  mihi  per  duos  annos  et  très  menfes  abftulerat, 
quia  electus  canonice  sine  ipfius  defignatione  fueram  confecratus.  Quod  ego  quidem  de  permis- 
sione  Domini  mei  gloriofse  memoriœ  Pape  Innocencii  feci,  cum  ego  prius  de  meo  nongentas 
libras  in  eam  caufam  et  amplius  expendiffem.  In  expeditione  quoque  Jerofolymitana  ad  quam  me 
Sanctus  Pater  Eugenius  Papa  deftinavit  invitam,  mandato  ipfius  calicem  aureum  trigenta  et  qua- 
tuor unciarum  expendi.  cum  ipfe  mihi.  si  amplius  oporteret,  mea  causa  aflumere  concccifTet. 
Praeterea,  ne  forte  jactantia  videatur.  quanta  intérim  fuerit  hofpitalitatis  effufio,  quam  etiam 
frequens  donorum  caritas  illuftrabat,  adeo  ut  ab  homine  mediocritatis  meae  vixtanta  polTet  lar- 
gitas  exfpextari,  quod  ab  his  qui  viderunt,  et  his  qui  experti  sunt,  publico  paffuTi  teftimonio 
confirmatur.  Supplicavi  judicibus  ut  eorum  quas  appofita  sunt  et  detracta,  quantitate  perfpecta. 
rationem  compenfationis  admitterent.  si  tamem  seftimandum  videretur  quod  in  tam  pias  et 
neceffarias  caufas  expenfum  fuerat.  et  poftea  plusquam  septuagies  septies  reftitutum.  Non  sum 
exauditus  in  aliquo.  quia  ora  eorum  et  corda  novi  metus,  et  antiquse  simultatis  obftinatio  clau- 
serat  :  neque  jam  latens  odium,  sed  prorupta  in  omnibus  audacia  videbatur.  Condemnaverunt 
me  itaque  in  centum  libras  donendas  canonicis.  quas  in  utilitates  Ecclefis  et  legitimos  sumptus 
expenderant,  mihique  de  Capellà  prorfùs  nova  quam  mihi  paraveram,  cafulam,  dalmaticam, 
tunicam,  abflulerunt  ;sicque  me  privatum  pecunià  et  sacris  spoliatum  veftibus  emiferunt.  Quod 
sane  cum  ad  veftram  audientiam  perveniffet.  sententiam  eorum  Apoftolicà  scveritate  quaflaftis, 
et  me  sicut  ex  litteris  veftis  intelligi  poteft  ab  ipforum  voluiftis  pervicacià  liberan.  Rogo  itaquc 
ut  veftra  in  decreto  suo  sententia  perfeveret.  suumque  litters  veftroe  confequantur  efFectum, 
mihique  quod  ex  injuftà  caufa  sublatum  eft,  reftitui  faciatio,  ut  ad  fratrcs  (Canonicos  Regg. 
SS.  Victoris  Paris,  innuit)  ad  quos  concefTi.pervenire  pofTit  quod  iis  ab  initio  fuerat  deflinatum. 
Infultant  illi  siquidem,  suoque  quod  ad  pias  caufas  deputatum  fuerat.  diftribuunt  arbitratu,  et 
me  quafi  nudum  et  inopem  exiifîe  improba  congratulatione  lœtentur.  Faciat  itaque  veftra  mife- 
ricordia  quod  coepiftis.  et  quod  a  vobis  quafi  decretum  eft  diftrictà  severitate  praîcipite  con- 
summari,  ne  de  noftris  gaudeat  simplex  vel  imperita  malicia  detrimcntis.  >/  —  DAchéry.  Spi- 
cilegitim.  édit.  de  1723,  t.  III.  p.  512;  —  Migne.  Putr.  lat.,  t.  CCI.  col.  loi;  —  Hijt. 
littér.,    t.    XVI,  p.  329;  (Almanach  de  Lifieux.   1871,  p.  149. 


I  I  2 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


(Je  démarches  n"a-r-il  pas  tenté  pour  les  concilier  !  Cette  remarque  n'eft  pas 
une  digreffion.  au  lieu  de  nous  éloigner  de  notre  sujet,  elle  nous  permet 
de  le  creufer  davantage  et  d'expliquer  aux  archéologues  comment  Tévèque 
Arnoul,  en  pleine  Normandie,  a  pu  bàtir  un  édifice  dans  le  style  français. 
L  influence  parifiennc.  regardée  généralement  comme  une  conféquence  de 
1  annexion  de  la  Normandie  au  domaine  royal,  à  Lifieux,  se  peut  expliquer 
par  les  relations  d  Arnoul  avec  les  moines  et  les  évèques  bàtifleurs  de  1  Ile- 
de-France,  de  la  Champagne  et  même  de  la  Bourgogne.  Arnoul  voyagea 
beaucoup  pour  les  affaires  de  1  Eglife.  de  la  France  et  de  1  Angletetre.  Un 
homme  comme  lui  ne  pouvait  voyager  sans  obferver  et  sans  apprendre.  En 
parcourant  le  domaine  royal,  comment  n  aurait-il  pas  regardé,  admiré  et 
étudié  attentivement   les  églifes  et  les   cathédrales  qui,   de  toutes  parts,  sur- 

iziffaient  sur  le  territoire 
de  Louis  VII  r  Le  nou- 
veau syftème  de  batir, 
1  art  gothique,  si  supé- 
rieur aux  svftèmes  anté- 
rieurs, n  a-t-il  pas  reçu  ses 
applications  les  plus  ca- 
ractériféesà  1  abbatiale  de 
Saint -Denis,  à  Notre- 
Damede  Senlis.àNovon. 
à  Saint-Etienne  de  Sens, 
à  Laon,  à  Notre-Dame 
de  Paris,  à  Vézelay,  à 
Saint-Rémy  de  Reims.  Or.  Arnoul  connaiHait  ces  édifices,  ou  tout  au 
moins  les  abbés  ou  les  prélats  qui  en  furent  les  infpirateurs  et  les  utiles 
ordonnateurs.  Plus  qu  à  tout  autre  éveque  il  lui  devenait  aifé  de  recruter 
dans  ses  chantiers  un  nombreux  pcrfonnel  de  maîtres  et  de  compagnons. 
Suger  et  Louis  VII  lui  devaient  de  la  reconnaiHance.  En  Orient,  pendant 
la  seconde  croilade.  n  avait- il  pas  aidé  de  ses  deniers  le  souverain,  dont 
la    situation    financière    nétait   guère    enviable  '.   A  peine   de   retour   de    la 


'•s    iî 


Corniche  i  modillons  du  bu-côté  Sud. 


I.    Sugcr  :  Lettre  LU.  âm',  Pjtr.  bt..  t.  CLXX.W!.  col.   13;). 


PLj7 


G.Tatou-^  \9\e 


AR.CATURES    DU   NARTHEX    (Dessin  de    G.  Patou). 


» 


LE  CHEVET  DE  LA   CATHÉDRALE  (Dessin   de  R.    Bigot). 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE  113 

Terre-Sainte,  l'évêque  de  Lifieux  aide  l'abbé  Suger  à  éviter  à  la  dynaftie 
capétienne  les  rigueurs  de  Geoffroy,  comte  d'Anjou'.  En  11 60,  Arnoul 
sert  de  témoin  dans  le  traité  de  paix  conclu  entre  Louis  VII  et  Henri  II 
d'Angleterre'.  En  1105,  le  prélat  préfente  ses  vœux  et  souhaits  de  profpé- 
rité  à  Louis  VII,  à  l'occafion  de  la  naiffance  de  son  fils  Philippe-Augufte, 
en  des  termes  qui  ne  laiffent  aucun  doute  sur  la  cordialité  de  leurs  rap- 
ports'.  Enfin,  en  117  3,  Arnoul  tente  vainement  d'apaifer  le  conflit  survenu 
entre  Henri  II,  le  roi  de  France,  la  reine  Aliénor  et  les  princes  anglais 
Richard  et  Geoffroy  ^.  Pour  ces  services,  et  pour  d'autres  encore,  l'évêque 
de  Lifieux  recueillit  évidemment  de  fructueux  préfents.  Le  roi  Henri  II, 
«  qui  encouragea  les  artifies  de  la  pierre,  autant  que  les  hifioriens  et  les 
poètes  »,  ne  dut  pas  oublier  non  plus  ses  intimes,  quand  ils  servaient  sa 
politique  auffi  adroitement  qu' Arnoul.  L  intelligence  des  affaires,  le  sens  pra- 
tique, la  perfpicacité  du  prélat  normand  lui  épargnèrent  d  ailleurs  de  très 
graves  déconvenues.  Non  seulement  Arnoul  assifi:e  au  mariage  d  Henri  avec 
Aliénor  d'Aquitaine,  mais  deux  ans  plus  tard,  en  11  34.  le  20  décembre, 
il  prend  part  à  la  cérémonie  solennelle  du  sacre  royal,  dans  l'églife  de  Wefl- 
minfter  \ 

En  avril  11 60,  Arnoul  parvient  à  décider  le  souverain  anglais  à  se  ral- 
lier à  la  caufe  du  pape  Alexandre  III  ".  Le  i  i  mars  1 162,  l'évêque  de  Lifieux 
affiflie  à  la  translation  des  corps  de  Richard  I"  et  Richard  II,  ducs  de  Nor- 
mandie, à  Fécamp".  Mais  c'efi:  surtout  après  la  rupture  de  Henri  II  avec 
l'archevêque  de  Cantorbéry  qu'il  déploie  toute  son  activité.  Durant  ce  dou- 
loureux conflit,  que  n'a-t-il  point  tenté  pour  inviter  les  deux  adverfaires  à 
ne  pas  troubler  la  paix! 


1.  Suger  :  Lettres  CLXVII  et  CLXFIII,  dans  Migne,  Pair.  Idt.,  t.  CLXXXVI,  coL  1427- 
1429. 

2.  Bréquigny,  dans  Mémoires  de  l^cad.  des  Infcript..  t,  XLIII  ;  —  Soc.  libre  de  l'Eure, 
t.  X.    183 Q,  p.   172. 

3.  André  Duchefne  ;  Hiflorice  Francorum,  t.  IV,  p.  640. 

4.  A.  Luchaire  :  dans  LavifTe,  Hijloire  de  France,  t.  III,  p.  325. 

5.  Chronique  de  I{obert  de  Torigni,  édit.  L.  Delisle  pour  la  Société  de  l'Hiftoire  de  Nor- 
mandie, Rouen,  1872,  t.  I,  p.  2c)o. 

6.  Fleury  :  Hijl.  eccléfuft.,  Pans,   i  721,  t.  XV,  p.  88-89. 

7.  Chronique  de  R^obert  de  Torigni,  t.  I,  p.  336-337. 

'3 


114  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

C'efl  ainfi  qu'Arnoul.  en  i  i()|.  fait  à  quatre  reprifes  différentes  le 
voyage  de  Sens  (alors  que  la  cathédrale  Saint-Etienne  était  en  pleine  cons- 
truction) pour  demander  au  pape  Alexandre  III  d  apaifer  le  différend  entre 
Thomas  Becket  et  Henri  "  que  ses  heureux  succès  ont  rendu  si  délicat, 
qu  il  prend  pour  injure  un  manque  de  complaifance  '  >/.  Enfin  au  moment 
même  où  Henri  Plantagenet,  après  le  meurtre  tragique  de  son  ancien  chan- 
celier, allait  encourir  les  cenfures  du  Souverain  Pontife.  Arnoul.  dans  une 
lettre  mémorable',  plaida  si  bien  la  caufe  du  roi.  qu  il  défarma  contre  tout 
efpoir  la  Cour  de  Rome".  Pour  les  befoins  de  sa  politique,  le  roi  d'Angle- 
terre était  très  large,  ce  qui  permet  de  croire  qu  Arnoul  fut  amplement 
dédommage  de  ses  peines  et  de  ses  difficiles  miflions.  Du  refte.  Jean  de 
Salisbury  nous  dit  sans  ambages  que  1  évèque  de  Lilieux.  dans  ses  négo- 
ciations, savait  en  impofer  par  ses  dehors  séduisants  et  surtout  par  des 
prodigalités  étonnantes.  Arnoul.  en  fin  diplomate,  savait  au  moment 
opportun,  donner  aux  barons  ou  même  aux  eccléfiartiqucs  autre  chose 
que  de  bonnes  paroles  '.  C  ed:  un  argument  auquel  certaines  natures 
réfiffent  difficilement. 

De  1  expofé  hifforique  qui  précède,  il  réfulte  qu'à  tous  égards  Arnoul 
nous  apparaît  dans  une  situation  privilégiée  pour  mener  à  bien  la  conffruc- 
tion  d  une  cathédrale  nouvelle.  Lui-même  nous  affirme  que  ce  ne  fut  pas 
le  moindre  de  ses  soucis.  Son  témoignage  n  a  pas  paru  concluant  à  1  hiffo- 
rien  de  Lifieux.  Louis  Dubois.  Quant  aux  travaux  de  lévèque  Arnoul  ;  "  Il 
efl  certain,  écrit-il.  qu  ils  se  bornèrent  à  la  consffruction  de  son  palais  épis- 
copal,  et  à  quelques  réparations  de  la  cathédrale.  S  il  en  était  autrement. 
Orderic  Vital  en  aurait  parlé  avec  détail.  Ce  ne  fut  qu  au  commencement 
du  xiii'  siècle,  que  1  évèque  Jourdain  du  Houmet  fit  faire  de  grands  travaux 
à  ce  bel  édifice  '.  //  Louis  Dubois,  qui  a  donné  au  public  une  traduction  de 
1  hiffoire  cccléhaflique  du  moine  de  Saint-Evroul.  devait  savoir  mieux  que 
perfonnc.  qu  en    i  i  |  i  .  la  vieillelle   et   les   infirmités  forcèrent  Orderic  Vital 

1.  Doni  L'Huillicr  :  SjiVif  Thomas  de  Cjntorbèry,  Paris,   iSoi,  t.  I.  p.   2qo. 

2.  Arnoul  :  Lettre  j  Thomjs  Bccl^et,  dans  d'Achcry.  Spialegium.  t.  II.  p.  48^ 
-),.    Arnoul  :  Lettre  Xf^,  dans  Mipnc.  Pjtr.  Ut.,  t.  CCI,  col.  83. 

4.    ).-C.    Robcrtfon  :  Afjtcrijls  for  the  hilîory  of  Tbomjs  Becl^^et,  t.  V,  p.  os. 
") .    L.  Dubois  :  Hijîoire  de  Lifieux.  t.  II.  p.   201'. 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE  115 

à  mettre  un  terme  à  ses  travaux  de  chroniqueur.  A  la  dernière  page  de  son 
récit  le  laborieux  bénédictin  s'en  explique  en  ces  termes  : 

«   Voilà  que  fatigué  par  la  vieillefle  et  les  infirmités,  j'éprouve  le  défir 

de  terminer  ce  livre Voilà  que  la  chaire  de  Lifieux  efl:  privée  d  évêque  par 

la  mort  de  son  prélat  (Jean  l",  1 107-1 141)  et  je  ne  sais  quand  il  aura  un 
succeiTeur  ni  quel  il  pourra  être  ' .  //  Comment  Orderic  Vital  pouvait-il  par- 
ler des  travaux  d  un  prélat  qui  n'était  pas  encore  élu  canoniquement  quand 
il  cefïe  d'écrire?  L'objection  de  Louis  Dubois  ne  mérite  par  conféquent  au 
cune  attention,  elle  montre  avec  quelle  définvolture  il  a  écrit  l'hiftoire.  Au 
cours  des  recherches  qu'il  nous  a  été  donné  de  faire,  pendant  la  préparation 
de  cette  monographie,  plus  d  une  fois  nous  avons  pu  conftater  la  faiblelTe 
de  documentation  et  surtout  l'extrême  partialité  de  cet  érudit. 

Avant  de  révoquer  en  doute  le  rétabliiTement  de  l'églife  Saint-Pierre 
par  Arnoul.  Louis  Dubois  n  avait  qu  à  parcourir  la  Gdllid  Chriflidna  '  ou 
même  les  notes  hiftonques  de  M.  Farolet  \  Dans  ces  deux  ouvrages,  qu'il 
polTédait  certainement,  il  eût  pris  connaiffance  d'un  paflage  de  Robert  de 
Torigni  bien  propre  à  éclaircir  la  queftion.  Contemporain  d'Arnoul,  «  le 
plus  exact  des  anciens  hiftoriens  de  Normandie  •♦  //  connaifîait  perfonnel- 
lement  l'évêque  de  Lifieux  pour  lavoir  rencontré  à  Tours,  à  Fécamp.  à  Caen. 
et  ailleurs  encore.  Le  portrait  qu'il  nous  a  laifTé  d'Arnoul  n  eft  pas  flatté, 
au  contraire.  A  ses  yeux,  lévêque  de  Lifieux  n'était  qu'un  politique  dans 
le  mauvais  sens  du  mot  (v/r  ddmodiim  cdlîidus^). 

Comme  d  autre  part  Robert  du  Mont  fut  lui-même  un  grand  cons- 
tructeur, son  appréciation  sur  les  travaux  d  Arnoul  n  en  a  que  plus  de  poids 
et  de  valeur.  L  abbé  du  mont  Saint-Michel  s'exprime  ainfi  dans  le  supplé- 
ment qu'il  a  joint  à  la  chronique  de  Sigebert.  moine  de  Gemblours  : 
^z  arnoul,  évècjue  de  Lifieux,  dprès  dvoir  gouverné  penddnt  qudrdnte  dnnèes  le 
même  diocèfe.  et  après  avoir  travaillé  à  rebâtir  sa  cathédrale  et  de  mdgnifiques 
demeures,  renonçd  â  l  épifcopdt.  et  vint  terminer  ses  jours  à  Pdris  ddns  une  très 

1.  Orderic  Vital  :  Hijl.  eccléfufl.,  lib.  XIIL  édit.  Le  Prévofc,  t.  V.  p.   133. 

2.  Gallid  Chrifîiana.  t.  XL  coL  778. 

3.  Farolet  :  Notes,  p.  23. 

4.  Chronique  de  I^bert  de  Torigni,  édit.  Delifle,  t.  II.  p.   11. 
") .  Ibid. ,  t.  I.  p.  224. 


iib  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

belle  maison  cju'il  s'était  fait  édifier  à  l'abbaye  de  Saint-Victor  \  „  Après  ce 
témoignage  péremptoire.  il  semble  impoffible  de  ne  pas  admettre  que 
lévèque  Arnoul  a  réellement  pourfuivi  la  reconflruction  d  une  cathédrale. 
Au  moment  où  nous  écrivions  ces  lignes.  M.  Georges  Huard  commu- 
niquait à  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie  un  pafTage  des  ''  Miracles 
de  saint  Thomas  //.  de  Guillaume  de  Cantorbérv.  où  celui-ci  raconte  que  des 
ouvriers  qui  travaillaient  aux  fondations  de  1  églife  neuve  d  Arnoul  furent 
victimes  d'un  éboulement  et  ne  durent  leur  salut  qu'à  1  interceffion  du  mar- 
tyr de  Cantorbéry.  Ce  fut  le  2<)  décembre  i  170  que  Thomas  Becket  suc- 
comba sous  les  coups  de  quatre  chevaliers  normands  en  recommandant  sa 
caufe  et  celle  de  1  églife  à  Dieu,  à  la  Vietge  et  à  saint  Denvs,  patron  de  la 
douce  France. 

Les  mains  mif}  à  sun  vis.  à  Dampnedeu  se  rent, 
Al  martir  Saint-Denis,  cui  diilce  France  apent. 
E  as  sain:!^  de  l  Yglife  se  commande  erraument. 
La  caufe  seinte   Yglife  et  la  suc  ensement\ 

Le  texte  que  le  lecteur  va  parcourir  ne  peut  être  antérieur  au  mar- 
tyre du  vaillant  archevêque,  canonifé  solennellement  le  21  février  i  1 7 1 . 
dans  la  cathédrale  de  Segni,  en  préfence  du  Sacré-Collège,  par  le  pape 
Alexandre  III. 

"  Il  efl  dans  le  cours  des  chofes.  comme  chacun  peut  le  remarquer,  (jue 
le  malheur  atteigne  les  bons,  alors  que  les  méchants  sont  dans  la  profpérité. 
Dans  la  ville  épifcopale  de  Lifcux.  un  habitant  de  la  ville  du  nom  de  Hoger. 
occupé  avec  deux  compagnons  à  creufer  des  fondations  pour  la  réédification 

I  .  Chr.  i?  .  Jf  T. ,  t.  II.  p.  I  07.  T  Arnulfus,  Luxovicnfiscpircopus.  cum  pcr  XL  annos  candcm 
ccdcfiam  rcxifTct.  f?  in  ccdifcjndo  ecclefjm  et  pulchcrrimas  domos  laborafTct,  rcnunciavit  cpifco- 
patut,  et  pcrrcxit  Parifius,  suos  dics  dimidiaturus  apud  Sanctum  N'ictorcm  in  domibus  pulcher- 
rimis,  cjuas  ibi  ad  opus  suuin  conrtruxcrat.  //  Suivant  Benoit  de  Petcrboroui;h  ^I.  2781  Arnoul 
abandonna  son  cvcclic  par  suite  de  la  difgràce  qu'il  avait  encourue  en  1171  pour  avoir  pris  le 
parti  de  sa  famille  lioflilc  à  Henri  II  et  lice  à  ses  deux  fils  rebelles.  Noël  Deshays  penfe  qu'il 
s'était  brouillé  avec  le  souverain  anglais  pour  une  queftion  de  juridiction  féodale.  D'après  la 
GjUu  Chrtjîuru.  c'eft  précifément  à  cette  date  que  lévcque  de  Lfieux  fait  quêter  pour  sa  cathé- 
drale, n'ayant  plus  rien  à  efpérer  du  roi  d'Angleterre. 

2.    Garnier  de  Pont-Sainte-Maxence.  cdit.  Hippcau.  Pans,   l^<)lK  p.   11J4. 


PI.    î-S' 


LE    CHŒUR   ET  LE   CROISILLON   SUD    (Dessin   de  Jouvcnot). 


L'AGE  DE  LA  CATHÉDRALE  117 

de  r ancienne  églife.  alors  qu'il  se  trouvait  à  environ  20  pieds,  au-dejfous  du 
niveau  du  sol,  se  vit  soudainement  précipité  sous  l'amas  de  terre  accumulée  au 
haut  de  l'excavation  et  qui  avait  gUffé  sur  lui;  l'un  de  ses  compagnons  du 
nom  de  Robert,  voyant  le  péril  et  voulant  y  échapper,  fut  arrêté  et  à  demi 
enfoui.  S  efforçant  de  se  protéger,  en  se  servant  de  ses  bras  comme  de  rames, 
il  ne  réufjit  qu  à  déterminer  un  nouveau  glijfement  de  la  terre  qui  le  recou- 
vrit tout  entier,  sauf  le  haut  du  corps.  De  là,  il  tendait  les  mains  et  cherchait 
des  yeux  comment  l'on  pourrait  lui  venir  en  aide.  Roger  était,  sous  ses  pieds, 
écrafé  par  la  majfe,  et  tout  ce  qu'il  put  faire  ce  fut  d'invoquer  le  saint  mar- 
tyr Thomas  en  faifant  vœu  de  se  rendre  à  son  pèlerinage.  Il  le  priait  de  cœur, 
non  des  lèvres,  car  la  terre  lui  entrait  dans  la  bouche  quand  il  l'ouvrait,  et  il 
était  d'autant  plus  attentif  à  sa  prière,  qu  il  ne  pouvait  la  faire  de  vive  voix.  La 
mort  le  preffait  tellement  qu'il  ne  pouvait  à  peine  se  rendre  compte  de  son 
état.  Cependant,  ses  deux  frères  se  tenaient  près  de  la  fojfe.  suppliant  de  leurs 
vœux,  de  leurs  larmes  et  de  leurs  plaintes  saint  Thomas,  le  conjurant  de  ne 
pas  permettre  qu'ils  perdiffent  leur  frère.  Le  bon  saint,  exauçant  leurs  jufles 
prières,  arracha  à  la  terre  celui  qui  y  était  enfoui,  en  sorte  que  cela  put  être 
attribué  tout  à  la  fois  à  son  intervention  et  à  celle  des  saints  patrons  de  l'é- 
glife  de  Lifieux.  En  effet,  feu  de  bonne  mémoire,  l  évèque  de  Lifieux  (fiArnoul) 
qui  était  pré fent,  demandant  à  Robert  dont  la  tète  sortait  de  la  terre  ce  qu'il 
pouvait  être  advenu  de  Roger,  et  Robert  affrmant  que,  sous  une  telle  majfe, 
personne  ne  saurait  échapper  à  la  mort,  l  évêqiie  attrijlé  se  projlerna  en  prières 
devant  les  saints  patrons  de  son  Eglife.  Sous  leur  infpiration,  la  foule,  se  sai- 
sijfant  d'outils,  retira  la  terre  accumulée  et  ouvrit  la  fojfe,  voulant  avoir  Ro- 
ger sinon  vivant  du  moins  mort,  afn  qu  un  cadavre  ne  souillât  point  les  fon- 
dements de  léglife.  Enfn,  Roger  apparut,  la  tête  frappée  d'un  triple  coup 
de  hoyau  et,  à  l'admiration  de  l'affiflance,  rendu  fort  sur  l'heure  par  le  secours 
des  saints,  il  put  lui-même  monter  rapidement  les  échelons  de  l  échelle.  Mais, 
parvenu  au  haut,  sauvé  de  F  enfoui jfement.  il  succomba  à  l  oppreffion  et  ne 
put  bouger.  L'aide  des  Saints  l'avait  soutenu,  abandonné  à  lui-même,  il  refla 
faible  et  sans  forces,  à  ce  point  que  si  on  ne  l'eut  porté,  il  n'eût  pu  dffifier 
à  la  cérémonie  d'action  de  grâces,  à  laquelle  était  accourue  toute  la  cité\  » 

I.    De  Juvene  Luxoyienji  terrea  oppreffo.  —  '<  Mala  vicina  bonis  e(Te,  et  adversa  profperis 
intervenire  ex  vario  remm  eventu  quivis  advertit.  Civitate  Luxoviis  Rogen'us  quidam,  ejusdcm 


M  8  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Le  texte  de  Guillaume  de  Cantorbéi^'  ne  prouve  pas  nécefTairement 
qu'il  faille  fixer  la  date  initiale  des  travaux  d'Arnoul  à  i  i  7  i  au  plus  tôt. 
En  effet,  dans  ce  pafTage.  il  peut  être  queflion  des  fondations  du  tranlept 
évidemment  conftruit  après  la  nef.  Même  après  lecture  d  un  aulfi  curieux 
document,  il  efl:  poffible  de  soutenir  que  1  évèque  de  Lifieux  n  a  pas  attendu 
le  déclin  de  son  épifcopat  pour  démolir  l'églife  romane  et  la  remplacer  par 
une  conftruction  plus  en  rapport  avec  les  préoccupations  efthétiques  de  son 
temps. 

Dans  son  Hifloire  de  Normandie,  imprimée  à  Rouen  en  17' M-  Mas- 
seville.  après  avoir  donné  quelques  renfcignements  sur  nombre  de  '-'  Temples 
èleve:^  pour  Id  gloire  de  Dieu  dans  le  douT^icme  siècle  //.  confacre  à  1  éi^life 
cathédrale  de  Lifieux  cette  brève  notice  :  '^  I^ers  1201),  l  églife  de  Notre- 
Dame  de  Lifieux  fut  jugmentée  et  jchevée.  vers  la  fin  de  ce  siècle,  par  Jour- 

civitatis  inquiliiuis.  Jum  m  rccJifcJtiotie  \ctcris  ecclefuc  hiimun  cjfoderct  cum  duobus  jliis.  cjuafiquc 
viginti  duobus  pcdibus  in  vifccra  terra:  pcnctrarct,  ruit  ex  improviTo  humus  cqcfta  de  summiiaic 
foffx,  et  cum  quidem  pcnitus  obruit,  alium  vcro  quendam,  Robertum  nomine,  pratconfide- 
rantem  cafum  et  fugientem  interupit.  Qui  cum  sepultus  ex  parte  contra  cafum  niteretur.  remigio 
brachiorum  sibi  subveniens,  rurfus  desuper  moles  abrupta  devolvitur,  et  quamvis  non  penitus 
lotum,  totum  tamen  a  verticc  dcorsum  pcnitus  abfcondit.  Hincquc  manus  pr.ïtendcbat.  et  vifum 
non  etfuLjcrat  quomodo  subvenire  potcrat.  Qui  vcro  subtus  pcdcs  cjus  intcrrcptus  cft.  cum  tanta 
mole  prelTus  anxiarctur,  quod  solum  potuit.  cum  invocatione  sanctorum  martyri  Thomx  se 
voto  pcregrinationis  aArinxit,  orans  corde,  non  ore.  Siquando  autem  os  apcriret.  humus  infihebat, 
et  attcntius  ei  orandum  erat,  qui  orare  non  vocabat.  Qucm  et  mors  tanta  pulsabat  anguftia  ut 
vix  adverteret  quid  ex  se  fieret.  Sed  et  duo  fratres  ejus  aftabant.  votu.  flctu  et  planctu  martyrcm 
Thomam  solhcitius  interpellantes  ne  in  fratrc  fraternum  nomen  amittcrcnt.  Quorum  juftam 
petitionem  pius  patcr  exaudicns.  sic  obrutum  cxtumularc  procuravit  ut  et  sibi  sanctifque  Luxo- 
vienfis  cctlciuT  patroius  cxtumulatio  comiiuinitcr  afcribi  polTet.  Si  quidcm  co  cu|us  vertex 
cmincbat  ctfolTo,  cum  mterroqarct  super  obruto  vcnerand.x  memoria:  Luxovienfis  cpifcopus.  qui 
et  ipse  praefens  crai,  et  accipcrct  ncminem  tanta  prelTum  ruina  polTe  morti  subduci,  triftis  se 
ante  patronas  ecclcfix  sua:  projecit  in  oratione.  Quibus  infpirantibus  populus  accenfus  arreptis 
utenfibus  molcm  injectam  difTipavit,  sepulchrum  difjecit,  volais  si  tion  \hum  \el  mortuum  extrj- 
here  ne  ftwdjmetitum  fumus  prarvenirct.  Tandem  sepultus  apparuit.  ter  iigone  capite  percufTus. 
Qui  muncrc  sanctorum  mutuato  ad  horam  vigorc  celcrrime  non  sine  circumftantium  admira- 
tione  scalam  afccndit.  Sed  cum  superis  rcflitutus  ruinosx  molis  injurias  evafifTet.  non  protiims 
molcflias  opprcflionis  evasit,  nam  se  penitus  dimovere  non  potuit.  Quippe  sanctorum  frctus 
auxilio  przvaluit  et  roboratus  cft  ;  dimissus  sibi,  defecit  et  dcbilitatus  eft  in  tantum  ut,  nifi 
dcportatus  fuifTet,  gratiarum  actionibus,  ad  quas  tota  civitas  accita  cucurrit,  non  interfuilTct.  « 
Mirjculj  S.  Thomx  Cjntturietifts .  juctore  W'illclmo  Cjtttujricnfi .  lib.  Ill,  :.  dans  Robertfon. 
Mjterials  for  the  hiflory  of  Thomjs  Becl(ct.  London,   187^,  t.  I.  pp.  2^0-2^7. 


L'AGE  DE  LA  CATHÉDRALE  119 

ddin  du  Hommet  son  Evêqiie'.  »  Le  texte  de  l'hiftorien  du  xviii'  siècle  ren- 
ferme deux  légères  inexactitudes  :  le  prélat  dont  il  signale  l'activité  artiftique 
a  occupé  le  siège  épifcopal  de  Lifieux  non  pas  au  déclin  du  xii^  siècle,  mais 
au  début  du  xiu'  siècle  (1202-12  18).  De  plus,  la  cathédrale  lexovienne  ne 
fut  pas  dédiée  à  la  Vierge,  mais  au  prince  des  Apôtres,  à  saint  Pierre. 

En  1881.  M.  Charles  Vafleur  a  eu  la  bonne  fortune  de  retrouver,  dans 
les  archives  de  l'Hofpice  de  Lifieux.  le  texte  suivant  :  '<  Extrait  d'un  petit  traité 
intitulé  :  Ordo  et  Séries  epifcoponim  Lexoyienfium,  ce  qui  en  suit,  page  57.  » 

«  22.  — Jorddmis  de  Hiimeto  oh  prceclara  gefld,  virtutes  et  eleemofime 
(sic?)  mdgni  nomen  confeciitus,  electus  dtino  i  rSi  Ecclefidm  recedificdyit.  10 
clericos  in  ecclefid  inflitiiit,  1208.  Contrd  ^Albigenfes  dimicdt,  121 2,  ciim 
epifcopo  Rigonensi  (sic).  Multd  heneficid  et  decimds  Cdpittilo  Lexovienfiun 
121  y  Idrgitiir.  Domiim-Dei  dotdt;  àizu  et  perficit  ecclefiam  ii\^.  Moritiir 
in  expeditione  Hierofolimitdnd  v.  1220,  ihique  de  morte  per  mortem  défère 
(sic)  triumphdt'.  » 

Nombreufes  sont  les  erreurs  contenues  dans  le  texte  de  Y  Ordo  et  Séries. 
Jourdain  du  Hommet  n'a  pas  été  élu  évèque  de  Lifieux  en  1 1 8 1 .  mais  en 
1 201.  Il  n'eft  pas  mort  en  1220,  mais  en  12  18.  Il  n'a  donc  pu  confacrer 
une  églife  en  121Q.  D'autre  part,  à  s'en  tenir  au  contexte,  eft-ce  de  la 
cathédrale  Saint-Pierre  ou  de  l'églife  de  IHôtel-Dieu  (ancienne  églife  des  Ma- 
thurins)  dont  il  s'agit?  Les  deux  interprétations  se  peuvent  soutenir  avec  autant 
de  vraifemblance.  Quoi  qu  il  en  soit  de  ces  interprétations,  il  semble  que 
Jourdain  du  Hommet  s'intérella  à  sa  cathédrale.  En  effet,  dans  ses  Mémoires 
pour  servir  à  l  Hifloire  des  éyéqiies  de  Lifieux,  Noël  Defhays.  curé  de  Cam- 
pigny.  s'exprime  ainfi,  en  1754  : 

«  On  dit  que  cet  évèque.  qui  se  dijlmgud  toujours  pdr  sd  générofité,  rebâ- 
tit, ou  du  moins  répdrd  l églife  cdthédrdle'.  //  Les  bénédictins,  qui.  en  17  59» 
rédigèrent  l'hiftoire  du  diocèfe  de  Lifieux,  dans  la  Gdllid  Chriflidnd,  en  uti- 
lifant  les  documents  que  les  chanoines  avaient  mis  à  leur  difpofition.  pré- 

1.  MafTeville  :  H ijîoire  de  Normandie,  Rouen,   1704.  t.  II,  p.  208. 

2.  Ch.  VafTeur  :  Etudes  sur  la  Cathédrale  de  Lifieux,  Caen,  1881,  p.  26-27. 

3.  Formeville  :  Hifloire  de  l'ancien  E\échè  de  Lifieux,  t.  II,  p.  92, 


120  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 

cifent  un  peu  le  rôle  de  Jourdain  du  Hommet  :  «  En  121=^.  le  prélat 
concéda  la  somme  de  cent  livres  tournois  'ti  doii?^e  clercs  du  chœur  de  son 
églife.  à  charge  pour  eux  de  chanter  chacjue  jour  toutes  les  heures  cano- 
niales r'....'  Dans  la  Chronicjue  de  Normandie  se  lifent  ces  mots  .Jourdain, 
éyéaue  de  Lifieux,  mourut  au-delà  des  mers  et  y  fut  inhumé,  après  avoir  gou- 
verné, augmenté  et  enrichi  son  églife  durant  près  de   i~  ans'.// 

Récemment.  M.  1  abbc  MaiTelin  a  bien  voulu  nous  communiquer  un 
paiTage  ou  plus  exactement  une  annotation  marginale  d  un  manufcrit  du 
chapitre  de  Baveux  (ms  l  iS,  P  (S4V  sur  Jourdain  du  Hommet.  C  efl:  un 
martyrologe  d  Ufuard  provenant  de  1  abbaye  de  Mondaye  dont  le  prélat  fut 
le  fondateur  et  le  zélé  protecteur.  Un  religieux  de  ce  monaflère.  pour  per- 
pétuer le  souvenir  des  largefTes  de  Tévèque  à  1  égard  du  diocèfe  de  Lifieux. 
a  infcrit  dans  la  marge  du  livre  liturgique  cette  mention  qui  parait  bien 
une  simple  réédition  de  la  Chroniaue  de  Normandie  :  '^  Lan  12  ij.  beau- 
coup de  nobles  partirent  pour  la  croifadc  de  Terre  Sainte  fia  cincjuième/. 
L  évéaue  de  Lifeux.  Jourdain,  prit  part  à  l  expédition.  En  /2/S.  il  mourut 
au-delà  des  mers  et  y  fut  inhumé,  lui  qui  avait  beaucoup  agrandi  et  enrichi 
l  églife  de  Lifieux  pendant  près  de  i~  ans\  //  Les  nombrcufes  donations 
confcnties  au  chapitre  de  la  cathédrale,  par  le  diftingué  prélat ^  permettent  de 
suppofcr  que  lorfquc  Guillaume  du  Pont-dc-l  Arche,  en  i2lN.  monta  sur 
le  siège  épilcopal.  il  trouva  le  choeur  achevé.  Le  nouvel  évèque  gouvernait 
le  diocèfe  depuis  huit  ans  quand  un  incendie  vint  encore  exercer  ses  ravages 
sur  la  cathédrale. 

I  .  "  Ccimiin  libras  Turoncnfcs  diiodcciin  cicricis  chori  afTif^navit.  anno  i  2  i  "> .  qui  onincs 
horas  canonicas  pcr  sin^ulos  dics  dctantarcnt.  „  Gdlltj  Chrijî..  i.  XI,  col.  7S1. 

2.  "  In  Chronico  Nornunni<r  :  Obiit  Jordanus  Lcxov.,  cpifcopus  in  partibus  tranrmarinis. 
ibiquc  sepultus  cft,  qui  cccicfiam  Lcxovicnscm  rcxit  fcrc  annis,  17.0:  multum  accrcvit  et  ditavit 
caindcm.   //  GjIHj  Chrijï..  l.  XI.  col.  782. 

3.  "  Anno  Doinini  M  CC  XVII.  muiti  nobiliuni.  ut  in  Icrufalcm  ircnt  pro  pcrcqrinationc. 
hoc  tcmporc  crucc  sij;nati.  nurc  tranlicruni.  in  qua  cxpcditionc  Jordanus  cpift-opus  Lcxovicnds 
pcrrcxit.  Anno  M  CC  XVIII,  obiit  prcdictus  Jordanus  Lcxovicnfis  cpifcopus  in  partibus  trans- 
marinis  ibiquc  sepultus  cft.  qui  eccicftani  Lexovienfcm  rcxit  fcrc  annis  XVII  et  multum  acrcvit 
et  ditavit  camdcm.  Anno  M  CC  XXI  Guillcinuis  de  Ponte  de  l'Arche  confccratur  et  fit  cpifco- 
pus Lcxovicnfis Anno  M  CC  LXVII,   obiit  Fulco  Dafluni.   vcncrabilis   cpiscopus  I.cxovienfts 

et  sepclitur  cathcdrali  sancti  Pctri    Lcxovicnfis  antc  majus  altare  cui  succllit  Guido  de  Merula, 
archidiaconus  Conftantienfis.  * 

4.  Formcviilc,  t.  Il,  pp.  00  i  93. 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE  121 

D'après  les  frères  Sainte-Marthe',  le  feu  prit  à  l'églife  Saint-Pierre  en 
I  224.  Dom  Brice,  bénédictin  de  Saint-Germain-des-Prés,  le  Rituel  de  1661, 
et  XfiAncie.nne  Chronique  de  Normandie  ne  datent  avec  raifon  cet  événement 
que  de  1116.  Quelle  fut  1  étendue  du  défaftre  ?  Certains  archéologues 
prenant  à  la  lettre  le  texte  de  la  Gdllid  Chriflidnd  :  '<  Igné  comhujld  efl  Lexo- 
vienjis  Ecclejid  '  u  prétendent  que  tous  les  travaux  d'Arnoul  et  de  Jourdain 
furent  anéantis  par  ce  sinift:re\ 

Il  y  a  lieu  de  revenir  sur  un  jugement  auffi  péremiptoire. 

A  Noyon  et  à  Rouen,  les  incendies  mentionnés  par  les  chroniqueurs 
furent  partiels  et  pourtant  les  textes  sont  auffi  abfolus  que  pour  le  défaftre 
survenu  à  Lifieux  en  1226. 

L'opinion  de  Gally-Knight  reprife  récemment  par  MM.  Gonfe  et  Enlart 
ne  cadre  guère  avec  létude  archéologique  du  monument.  Si  le  rétablifle- 
ment  intégral  de  la  cathédrale  avait  eu  lieu  après  i  226,  comment  expliquer 
la  différence  de  style  entre  l'abfide  et  la  nef?  De  plus,  une  églife  auffi  vafte 
que  Saint-Pierre  ne  se  reconftruit  pas  en  quelques  années.  Si  l'évèque  Guil- 
laume du  Pont-de-l'Arche  avait  eu  les  soucis  d  une  réédifîcation  complète, 
aurait-il  pu,  dès  1233,  s'occuper  d  embelliffements  et  doter  la  chapelle 
Notre-Dame'*  tandis  que  son  frère  s  intérelTait  à  la  chapelle  Saint-Urfin, 
deux  morceaux  d'architecture  très  avancés  de  style  ?  La  Gdllid  Chrijiidnd 
nous  apprend  qu'à  la  même  date  l'évèque  de  Lifieux  fondait  dans  sa  cathé- 
drale les  chapelles  de  Saint-Ouen.  de  Saint-Gilles  et  de  Saint-Leu\  C'eft 
donc  bien  au  xii'  et  au  xiu^  siècle  qu  on  doit  les  travaux  effentiels  de  Saint- 
Pierre  de  Lifieux  et  comme  l'offature  de  lœuvre.  Il  ne  reftait  aux  siècles 
suivants  qu'à  parfaire  cette  œuvre,  à  la  reprendre  dans  le  détail,  à  confolider 
les  parties  les  moins  réfiftantes.  Quand  en  1230,  le  21  janvier,  l'archevêque 
franciscain  Eudes  Rigaud  fit  sa  vifite  à  l'évèque  de  Lifieux,  son  suffragant, 
le   chapitre  le    reçut  avec  tous  les  honneurs  dus  à  son  rang  dans  la  cathé- 

1.  GjUu  Chrijliiina,  Ant.,  t.  II,  in  Episc.  Lexov. 

2.  Gallia  Chrifliana,  t.  XI,  coL  782. 

3.  Gally-Knight,  Relation  d'un  Voyage  archéologique  fait  en  Normandie  en  18^3,  London, 
in-8%  p.   31. 

4.  Voir  à  la  fin  du  volume  une  charte  de  1233  dépofée  au  Archives  du  Calvados. 

5.  «  Fundavit  an.  1233  capellam  SS  Audoëni,  Egidii  et  Lupi,  ejus  vero  frater  dotavit 
capellam  sancti  Ursini  in  ecclesia  Lexoviensi.  //  Gallia  Christiana,  t.  XI,  col.  782. 

16 


122 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


^^^    m\    ./^ 


drale  magnifiquement  ornée.  Lui-même,  dans  le  Regiftre  des  Vifites.  nous 
a  minutieusement  confervé  les  réfultats  de  1  enquête  à  laquelle  il  soumit  le 
chapitre.  Il  apprit  que  1  évèque  avait  été  plus  d  une  année  sans  prêcher,  ni 
officier  dans  sa  cathédrale.  Si.  alors,  elle  avait  été  en  reconftruction,  n  eut-il 
pas  mentionné  le  fait  comme  une  circonftance  atténuante? 

Le  jour  de  lEpiphanie.   de    I2')N-  larchevèque   de  Rouen  préfide  une 

proceffion  faite  dans  la  cathédrale  Saint- 
Pierre  et  adresse  la  parole  aux  chanoines 
et  aux  fidèles.  Dix  ans  plus  tard,  le 
}  janvier  I2(>S,  le  pieux  confeiller  de 
saint  Louis  revient  de  nouveau  à  la 
cathédrale  de  Lifieux.  Reçu  solennelle- 
ment sous  le  narthex,  il  adrefTe  un  dif- 
cours  latin  aux  chanoines,  chapelains 
et  clercs  de  la  cathédrale.  Cette  fois, 
les  renfcigncments  qu  il  recueille  sur  la 
situation  matérielle  et  spirituelle  de 
1  éiilife  lui  donnent  toute  satiffaction '. 

CONFRpNl  ATION  DE  LA  CATHÈDH^LE 
Af'EC  DES  ÉDIFICES  SIM1LAII{ES 

L  églife  dont  parlent  les  textes  que 
nous  venons  d  uidiquer  et  d  interpréter 
c(l-clle  réellement  celle  que  nous  avons 
sous  les  yeux  f  L  infpcction  archéologique  du  monument,  son  étude  directe, 
à  pied-d  œuvre,  sa  confrontation  avec  des  édifices  similaires  à  peu  près 
contemporains  et  à  date  certaine  pourront  vraifemblablcment  nous  apporter 
d  utiles  précifions.  En  archéologie,  lobfcrvation  directe  complète  les  don- 
nées hiftoriques  et  les  met  en  valeur. 

L  étude   defcnptivc   de   Saint-Picrrc   de   Lificux   nous  a   révélé   que   si   la 
cathédrale  appartient  toute  entière  au  style  ogival,  elle  a  du  moins  subi  lin- 


Pig.  n 


Travée  d 
Coupe  I. 


-rre  de  Lifieux. 


I      Voir  à  I.Ï  fin  du  volume  les  passages  essentiels  du  registre  d'Eudes  Rigaud. 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE 


12' 


fluence  de  deux  écoles  d'architecture.  L  Ecole  fri.inçdifse  domine  dans  le  nar- 
thex,  la  nef  et  ses  collatéraux,  les  croifillons,  mais  son  empreinte  s  atténue 
de  plus  en  plus  dans  le  chœur  et  le  déambulatoire,  h  Ecole  normande  1  em- 
porte nettement  dans  les  deux  dernières  travées  droites  du  déambulatoire  et 
sa  partie  tournante.  Les  chapelles  efpacées.  le  chevet  en  hémicycle,  les  parties 
hautes  du  chœur,  la  tour-lanterne  et  la  façade  occidentale  se  rattachent  évi- 
demment à  1  école  de  la  province.  Or,  c'efl; 
seulement  au  début  du  xiii^  siècle  que  les  archi- 
tectes normands  ont  commencé  d  imprimer  au 
style  gothique  un  caractère  local  bien  tranché 
(arcs  très  aigus,  colonnettes  et  moulures  mul- 
tipliées, emploi  du  cul-de-lampe  coudé,  double 
remplage  des  fenêtres,  tailloirs  circulaires,  emploi 


les  eorees 


et   des   chanfi 


es   cnanrreins  creux,  me 


^daill 


ons 


■   I 


J L- 


trèfles  ou  quadrilobés,  sculpture  décorative  tou- 
jours un  peu  symétrique).  Les  parties  de  Saint- 
Pierre  où  ces  détails  architectoniques  se  remar- 
quent nous  paraiflent  antérieures  à  1233.  Le 
chœur  de  Saint-Etienne  de  Caen,  confinait  vers 
1200  par  maitre  Guillaume,  ne  serait-il  pas 
l'antécédent  exact,  le  prototype  du  chevet  de 
l'églife  de  Saint-Pierre  de  Lifieux  ?  Le  chœur  de 
Notre-Dame  de  Bayeux,  élevé  sous  le  pontificat 
de  Robert  des  Ablèges  (1  20(1- i  2  3  iV  parait 
poftérieur  au  chevet  de  la  cathédrale-sœur.  En 
effet  le  gothique  bayeufain  efl:  plus  svelte,  plus  orné,  moins  calme,  moins 
pondéré  que  le  style  si  pur  de  la  cathédrale  de  Lifieux. 

Que  la  partie  normande  de  la  vieille  bafilique  lexovienne  se  rattache 
au  treizième  siècle,  prefque  tous  les  archéologues  expérimentés  en  conviennent. 
La  partie   françaife  efl:  au  contraire  d  une  datation  beaucoup  plus  difficile. 

La  comparaifon  de  Saint-Pierre  avec  Noyon,  Sens,  Pans,  Laon  et 
Chartres  semble  devoir  nous  renfeigner  approximativement  sur  la  vraie  date 
de  notre  cathédrale. 

D'abord  il    efl:    inconteflable   que    Lifieux  dans    ses  portions   françaifes 


Fig.   34.        Travée  de  Chartres. 


124 


SAINT-PIEKKE  DE  LISIEUX 


précède  Chartres  (fig.  '54) '•  Ce  fut  le  vendredi  10  juin  i  i<»|.  que  sur- 
vint le  sinidrc  qui  occafionna  la  ruine  de  la  bafilique  romane.  Il  faut  lire 
dans  Huysmans  le  récit  de  lélan  prodigieux   de  zèle  et  d  enthoufiafme  qui 

suivit  la  deftruction  du  sanctuaire  dédié  à  la 
Vierge  noire.  Tous  travaillèrent  au  nouvel  édifice. 

(Selon  la  jolie  réflexion  d  Emile  Maie   :  le  peuple 
(i  offrit  ce  qu  il  avait,    ses   bras  robuftes.  Il  s  attela 

Mltî!  aux  chars,    porta  les   pierres   sur   ses    épaules.    Le 

bourgeois  donna  son  argent,  le  baron  sa  terre, 
1  architecte  son  génie.  Dès  1  luN,  le  chœur  était 
confacré.   En  élévation.  Chartres  et  Lifieux  com- 


portent  trois    étages    et 


des    voûtes    d  ogives    sur 


m  itti  ittu 


'''g    ,^^  Trivée  de  Noyon. 


plan  barlong.  A  Chartres  les  supports  sont  déjà 
quadrilobés.  par  conféquent  plus  franchement 
gothiques.  Chaque  colonnette  a  sa  fonction  bien 
prévue.  Dans  les  bafes,  la  scotie  eft  davantage 
creuféc,  les  chapiteaux  offrent  des  corbeilles  plus 
riches  et  plus  variées.  Le  trifonum,  d  une  élégance 
remarquable,  n  a  nullement  1  apparence  d  une 
tribune.  Enfin  à  l'étage  supérieur,  prcfquc  tout 
1  efpacc  compris  entre  le  trifonum  et  le  sommet 
des  formerets  eff  ajouré  par  des  fenêtres  géminées 
et  une  roface  à  huit  lobes.  Quand  on  étudie  attentivement  les  lignes  géné- 
rales, les  profils  et  la  grammaire  ornementale  des  deux  édifices,  la  conclulion 
s  impofe  :  Chartres,  dans  la  lignée  des  cathédrales,  apparut  après  la  conflmc- 
tion  de  Lilicux. 

Si  la  cathédrale  de  Lilicux   précède   Chartres,  elle  suit  Noyon  et   Sens. 

Dans  I  étude  si  confcicncicufc  qu  il   a   confacrée   à    Novon.  M.   Euiiènc 

Lefèvrc-Pontalis  conclut  que   le   chevet  actuel  de   la   cathédrale  devait  être  à 

peu  près  terminé  \z  i\   juin    1  1  ^7.   Lévèquc    Baudouin  III    (  1  M>7-i  17.4) 

vit  sans  doute  1  achèvement  du  tranlept  et  la  conftruction  des  deux  dernières 

I.    René   Mcrict    :   Lj   CjthédrjU  de   Chartres.   Pans,    looo.   l^-^>  .    —   Abbc  CIcrval  : 
Chartres,  sj   Cathédrale,    mo^,  in-S  .  Bultcaii   et   Brou   :    Monographie  de  la  Cathédrale. 

Chartres,   i887-i8i»o.  •;  vol    in-S". 


PLAN   DE   LA   CATHÉDRALE  DE  LISIEUX 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE 


125 


travées  de  la  nef.  Quand  Etienne  de  Nemours  monta  sur  le  siège  de  Noyon  en 
II 88,  la  nef  et  les  bas-côtés  se  trouvaient  prefque  édifiés'. 

En  élévation,  la  travée  de  Noyon  (fig.  !<))  comprend  quatre  membres. 
Nous  y  trouvons  un  étage  de  plus  qu'à  Saint-Pierre  de  Lifieux.  Tribunes  et 
triforium  voifinent  et  sont  superpofés.  Les  arcs-boutants  se  cachent  et  n'ofent 
avouer  franchement  leur  préfence.  Tandis  qu  à  Lifieux  les  supports  confiftent 
uniformément  en  une  groiTe  pile  ronde,  dans  la  cathédrale  de  1  Ile-de-France, 
les  voûtes  repofent  sur  des  piliers  alternés.  Cette  difpofition  si  particulière 
était  nécefTitée  par  lemploi  des  voûtes  sexpartites.  Le  plein  cintre  refte  encore 
aflocié  à  l'arc  brifé.  Les  nervures  des  voûtes  du  chœur  préfentent  des  pointes 
de  diamant,  des  perles  ou  de  petites  fleurs  entre  deux  boudins.  Ce  genre 
de  décoration  des  ogives  ne 

Lifi( 


se  retrouve  pas  a  Liiieux. 
Seul  le  profil  des  bafes  du 
déambulatoire  rappelle  un 
peu  les  bafes  des  croifillons 
de  Saint- Pierre.  Dans  le 
chœur  et  le  tranfept  de 
Noyon  les  bagues  relient 
les  faisceaux  de  colonnes  et 
des  annelets  se  remarquent 
aux  corniches  extérieures  ; 
1  intrados  des  arcs  refte  plat. 
Malgré  ces  affinités,  Lifieux 
dans  la  généalogie  des  ca- 
thédrales se  clafle  après 
Noyon.  On  peut  même 
suppofer  que  1  architecte  de 
léelife   normande  connaif- 


Fig.  )6.        Travée  de  Sens. 


fait  l'édifice  que  nous  venons  d'étudier.  M.  Anthyme  Saint-Paul  efl;ime 
qu'il  connaiflait  également  la  cathédrale  de  Sens  :  *'<  La  cathédrale  de  Sens 
(^fig.    36),     malgré     son    infériorité    comparativement     à    Saint-Denis,    efl: 


I.    Lefèvre-Pontalis  :  Hifîoire  delà  Cathédrale  de  Noyon,  Noyon,  1902,  in-8",  pp.  21-29. 


126  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

déjà  gothique,  elle  auffi  et.  gloire  exceptionnelle,  la  première  en  date  des 
cathédrales  gothiques.  Le  chœur  de  Saint-Germain-des-Prés.  confacré  en 
1103.  relève,  pour  moitié,  de  1  influence  de  Sens,  qui  semble  se  retrouver 
audi  aux  plans  des  cathédrales  de  Rouen  et  de  Lilieux  '  >/.  D  après 
M.  E.  Lambin  "  certaines  redemblances  qui  exiftent  entre  Saint-Pierre  de 
Lifieux  et  les  cathédrales  de  Sens  et  de  Cantorbén'.  conftruites  vers  la 
même  époque  par  Guillaume  de  Sens,  permettent  de  penfer  que  cet  architecte 
a  pu  donner  le  plan  de  la  cathédrale  normande  \   h 

Dès  I  N()7,  lavocat  lexovien  Arthèmc  Pannier  écrivait  :  "  Le  nom  de  l'ar- 
chitecte qui  a  élevé  ce  magnifique  édifice  (Lifieux)  n  efl:  pas  connu.  La  simi- 
litude de  caractères  qui  exiRc  entre  certaines  parties  de  1  églife  Saint-Pierre 
et  les  cathédrales  de  Sens  et  de  Cantorbérv.  conftruites  vers  le  même  temps  par 
Guillaume  de  Sens,  nous  portent  à  attribuer  à  cet  habile  architecte  une  large 
part  dans  la  conftruction  de  notre  cathédrale  '.   // 

Qu  au  point  de  vue  du  plan  et  de  1  ordonnance  des  travées  la  cathédrale 
Saint-Etienne  puiHc  être  confidérée  comme  le  prototype  de  Saint-Picrre  de 
Lilieux.  nous  n  en  sommes  point  surpris;  mais  les  analogies  entre  les  deux 
monuments  nous  paraiiTent  trop  lointaines,  trop  peu  accentuées,  pour  en 
conclure  à  l'identité  d  architecte.  En  tous  cas.  les  lignes  générales  de  Liiieux. 
le  profil  des  nervures,  la  difpolition  des  supports  et  des  voûtes  indiquent  une 
œuvre  poftérieure  à  Sens  et  antérieure  au  chevet  de  CantorbéiT  où  la  sculp- 
ture eR  plus  avancée  et  Li  niouluration  plus  compliquée.  La  cathédrale  de 
Sens,  commencée  dans  le  second  quart  du  xii'  siècle,  était  prefque  achevée 
en  I  I  hS  ^  Ce  fut  en  1  i  7  ^  que  le  chapitre  le  Cantorbér^*  demanda  à  1  ar- 
chitecte Guillaume  de  reconftruire  la  cathédrale  incendiée.  A  Sens,  si  1  or- 
donnance des  travées  ne  comprend,  comme  à  Lifieux.  que  les  arches  du  rcz- 
de-chaulTée.  le  triforium  et  les  ficnctres.  les  voûtes  du  vailTeau  central  sont 
sexpartites  et  les  piles  alternativement  fortes  et  faibles.  Le  triforium  préfente 
des  relTemblances  intimes  avec  celui  de  Lilieux.  La  voûte  actuelle  eft  plus 
bombée  qu  à  Saint-Pierre  et   elle  1  était  bien  davantage  avant  le  relèvement 

1.  Anthyinc  Saint-Paul  :  Htfloire  monunientjle  de  U  France,  Paris,    im  i.  p.    14V 

2.  Emile  Lambin  dans  I{e\ue  de  l'Art  chrétien,   iSqb,  0*  livraifon,  p.  1 . 
1.    StJtiflt(]ue  monutnentjle  du  Cj/vjJoi.  t.  V,  pp.   20^-204. 

.}.    Guide  archéologique  du    Congrès  d'tAvjllon.   1007.  in-S'.  pp.   200-224. 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE 


127 


des  formerets.  Les  arcs  ogives  sont  en  plein  cintre.  Le  profil  des  grandes 
arcades  offre  un  large  méplat  accofté  de  deux  tores;  les  gros  chapiteaux 
s'ornent  de  feuilles  d  acanthe  largement  traitées.  La  travée  d'entre  les  clo- 
chers eft  rectangulaire  et   rappelle  les  nervures  de  Lifieux.   Or,  cette  travée 


(Doii^feaiL   c^^/" 


<:^-Ù>l 


(Zû/fy. 


S^û\Mcait  diL^hotilxJ. 


iJlcu^po. 


(9awcà  iei  (Aialuanaj 


(Çalveà  de^^%d- 


^jyou(T7ty- 


H.oft^yf^€J. 


Fig.  37.        Profils  de  Saint-Pierre  de  Lifieux  et  des  cathédrales  de  la  même  période. 


128 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


était    achevée   en    i  iSo.   Nairuère    cette    date    nous   fut    confirmée    de  vive 

o 

voix  par  M.  le  chanoine  E.  Chartraire.  dont  les  études  sur  la  cathédrale 
Saint-Etienne  font  autorité.  Puirc|uc  les  plus  sérieufes  analogies  entre  les 
deux  monuments  se  rencontrent  surtout  dans  la  partie  de  la  baliln^ue 
sénonaise  édifiée  entre  i  i'»N  et  i  |S<>.  il  eft  permis  de  suppofer  que  les 
chantiers  de  Lificux  étaient   en   pleine  activité   durant   cet  cfpace    de  temps. 

Tandis  que  les  maîtres  d  œuvre  de  Sens 
et  de  Liheux  suppriment  les  tribunes,  soit 
parce  qu  elles  prennent  trop  sur  la  hauteur 
des  collatéraux,  soit  parce  qu  elles  augmen- 
tent confidérablement  les  charges  des  piliers 
du  soubaiTcment,  à  Notre-Dame  de  Pans 
1  architecte  conferve  aux  tribunes  leur  am- 
pleur (fig.  ^N).  Le  plan  des  supports  mo- 
nocylmdriques  rappelle  les  piles  de  la  nef 
et  des  croifillons  de  Saint-Pierre  de  Lilieux. 
Les  voûtes  sont  sexpartites.  mais  au  lieu  de 
renforcer,  comme  à  Sens,  de  deux  en  deux 
les  piliers  qui  bordent  le  vaiileau  central. 
1  architecte  a  trouvé  une  solution  plus  élé- 
gante :  ce  sont  les  supports  des  bas-cotés 
qui  ont  été  renforcés  alternativement  à 
I  aide  de  douze  colonnettcs.  Le  profil  des 
nervures  eft  plus  léger  qu  à  Lifieux  :  c  cft 
une  baguette  centrale  entre  deux  boudins 
qu  il  eft  facile  d  infcnre  dans  un  cpannelage  rectangulaire.  Les  fenêtres  se 
compofcnt  de  deux  arcs  brifés  surmontés  d  une  rofe  décorative.  Lare  en 
plein  cintre  ne  sert  que  pour  les  voûtes.  Les  arcs-boutants  sont  dun  stvle 
plus  avancé  que  ceux  de  Lifieux.  Chacun  sait  que  Notre-Dame  de  Paris 
fut  commencée  en  i  i'»";.  conlacrée  en  11S2  :  en  1  !«»'•.  il  ne  manquait 
plus  à  la  nef  que  deux  travées.  De  lavis  d'un  grand  nombre  d  archéo- 
logues la  cathédrale  de  Laon  serait  le  '^  brouillon  //  de  celle  de  Paris  et 
de  Lideux  '. 


Pig.  )8.        Travée  de  Notre-Dame  de  Pari\ 


I  .    Abcl   I-jbrc  :   Pjga  d'Art  chrétien,  pp.  8q-qo. 


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PI.  41 


PILES    DU    CHŒUR  ET  DE    LA  NEF 


PILES   DE   LA    NEF   —   ASPECT  PRIMITIF   DU  COLLATÉRAL  NORD    DE   LA   NEF 

ENTRÉE   DU   DÉAMBULATOIRE  SUD 


L'AGE  DE  LA  CATHEDRALE 


129 


fc;jM      J      ^l\ 


M.  le  chanoine  Porée,  dans  son  livre  sur  l'art  normand,  partage  cette 
manière  de  voir  :  '/  Il  n'efi:  pas  étonnant  que  la  Normandie  s'attarde,  jus- 
qu'après le  milieu  du  xii'  siècle,  au  roman  qu'elle  aflectionne  et  qu'elle 
pratique  avec  maitrife.  Le  style  gothique  eft  alors  importé,  tout  formé,  par 
des  maçons  de  l'Ile-de-France  à  Rouen  (tour  Saint-Romain)  et  du 
pays  de  Laon  à  Lifieux  (nef  de  la  cathédrale)  \  »  Il  eft  manifefte 
qu'une  parenté  étroite  exifte  entre  les  deux 
édifices.  Toutefois,  à  Lifieux.  l'imitation  n'eft 
pas  servile.  L'arc  brifé  a  toutes  les  préférences 
de  l'architecte.  Pour  éviter  une  certaine  confu- 
fion  dans  les  membrures  de  la  voûte  il  aban- 
donne les  voûtes  sexpartites,  mais  garde  certains 
motifs  décoratifs  encore  teintés  de  roman,  par 
exemple  les  modillons  et  les  annelets  dans  les 
corniches,  la  flore  large  et  gralTe  des  chapi- 
teaux, le  fond  plat  des  arcs  brifés.  les  griffes 
des  socles,  les   bagues  le  long  des  colonnettes. 

La  travée  de  Lifieux  n  eft  qu  une  réplique 
du  parti  architectural  adopté  dans  le  tranfept 
de  Laon  élevé  avant   i  174  '. 

Le  cloitre  de  la  cathédrale  de  Laon.  édifié 
après  cette  date,  offre  les  caractériftiques  même 
de  Lifieux  (fûts  monocylindriques,  socles  bas. 
carrés,  à  griffes,  chapiteaux  généralement  à  deux 
rangs  de  feuilles  larges,  tailloir  carré,  intrados  plat  à  boudins  dégagés  sur 
les  angles  par  des  cavets). 

Pour  quiconque  s'efforce  de  démêler  les  liens  qui  unifient  les  grandes 
églifes  françaifes.  il  eft  évident  qu'au  moment  où  la  nef.  les  collatéraux, 
les  croifillons  et  les  deux  premières  travées  du  chœur  de  Saint-Pierre  se 
conftruifaient.  le  syftème  gothique  achevait  sa  longue  et  lente  évolution.  Il 
se  trouvait  en  pleine  pofTeffion  de  ses  éléments  effentiels  :  voûtes  à  poufTées 

1.  L'Art  normdnd,  p.    5b. 

2.  Abbé  Bouxin  :  La  Cathédrale  ae  Laon,  in-8°,  Laon,  1902.  — Congrès  arch.  de  I{ems, 
t.  L  Paris,    I9i2,pp.    162  à  219. 

«7 


:r- -s_' 


Fig.  39.  —  Travée  de  Laon. 


I30 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


localifées  sur  des  points  précis  :  clefs  au  même  niveau  par  1  emploi  raifonné 
des  arcs  brifés;  application  ouverte  des  arcs-boutants  pour  maintenir  1  écjui- 
librc.  autant  de  particularités  qui  ne  permettent  guère  de  placer  la  date 
initiale  de  la  reconflruction  avant    i  lOo  à   i  170. 

Ni  timide,  ni  hélitant.  le  style  de  la  cathédrale  de  Lifieux  n"a  pas  tou- 
tefois les  raffinements  d  élégance,  lallégement  aérien.  1  heureux  mélange  de 
logique  et  d  audace  du  gothique  plus  épanoui  du  xuf  siècle.  Contenue, 
nullement  préoccupée  du  détail,  ne  cédant  jamais  aux  sollicitations  dange- 

reufes  du  pittorefquc.    1  architecture   de  Li- 
fieux   ne    se    permet    aucune    outrance    ni 
!  aucune    hardielTe    d  expreflion.    Elle    rcfpire 

lefFort  et  non  la  joie  de  vivre.  Il  ne  se 
peut  rien  de  plus  calme  et  de  plus  grave 
que  la  nef.  Pour  qui  1  a  examinée  de  près, 
elle  manque  cependant  de  largeur,  ses  sup- 
ports sont  robufles  comme  des  tours,  ses 
doubleaux  offrent  une  épaiffeur  relativement 
confidérable.  son  triforium  a  1  alpect  mys- 
térieux d  une  tribune.  Au  lieu  de  ces  ver- 
rières qui  éblouillent  le  regard,  le  maître 
d  œuvre  n  a  percé  que  des  fenêtres  d  affez 
médiocre  largeur,  nulle  part  il  n  a  uiilifé 
cette  jolie  trouvaille  de  1  art  national  :  la 
rofe,  SI  répandue  dans  les  églifes  de  la 
région  parilienne.  Pour  toutes  ces  raifons  d  ordre  technique,  nous  ne 
pouvons  avec  C.  Enlart  .  Gonse '.  Jean  Bertot".  L.  Dubois,  rajeunir  Saint- 
Pierre  de  Lilieux  et  reporter  sa  conflruction  en  plein  xiii'  siècle.  M.  le  cha- 
noine  Poréc  nous  parait   beaucoup    plus  près  de   la  vérité  quand  il  écrit  : 

1.  Enlan  :  Hijiotrc  Je  l'Art,  t.  II,  i"  partie,  Paris,  looh,  p.  ;  ,.  -  Parmi  les  principaux 
monuments  normands,  on  peut  citer  la  cathédrale  de  Lificux.  dont  rabfide  fut  rebâtie  de  1220 
à  1335,  et  le  rcftc  sans  doute  aufTi  vers  le  même  temps,  bien  cjuon  ait  une  date  de  conftrucuon 
de  I  160  i  I  ivS8  qui  parait  trop  ancienne  pour  l'édifice  actuel.  * 

2,  Gonfe  :  LtArt  gothi(]ue,  p.  307.  "  Chronologiquement.  Saint-Pierre  de  Lificux 
serait,  après  la  cathédrale  de  Rouen  du  xii'  siècle,  le  plus  ancien  édifice  gothique  de  Normandie. 
Les  documents  nous  apprennent,  en  effet,  qu'elle  fut  conftruitc  de  i  141  à  i  182;  mais  il  ne  refte 


Pig    4.. 


Lifieus  :  bafc  du  croifillon  Sud 


L'AGE  DE  LA  CATHÉDRALE 


131 


„m,'^-i<'"<'"'""'<<""""""^"^"'^  ~"'  '• 


V'-...       ^^^^      ■  %irv--. 


'<  La  période  gothique  proprement  dite  a  doté  la  Normandie  de  monu- 
ments d  une  beauté  supérieure.  Le  premier  en  date  eft  la  cathédrale  de 
Lifieux.  Conftruite  dans  sa  majeure  partie  de  11 60  à  1190,  elle  offre 
par  la  sévère  ordonnance  de  ses  colonnes  et  la  belle  sculpture  de  quelques 
chapiteaux,  une  certaine  analogie  avec  sa  contemporaine  la  cathédrale  de 
Laon.  Nous  ferons  remarquer  que  le  rond-point  de  rabfide.  de  style 
normand,  a  été  rebâti  à  la  suite  d'un  incendie,  entre  les  années  1226 
et  1233.  Le  grand  portail  et  la  tour-lan- 
terne sont  également  de  ces  dernières 
dates.  »  (L\Art  normand,  p.    16), 

Du  rapide  expofé  qui  précède,  il  ré- 
sulte que  dans  sa  partie  française  la 
cathédrale  Saint-Pierre  date  au  plus  tôt 
du  dernier  tiers  du  xii^  siècle.  Dans  sa 
partie  normande,  elle  appartient  au  pre- 
mier tiers  du  xiii^  siècle.  Il  efl:  probable 
que  les  parties  hautes  du  choeur  étaient 
terminées  en  121N.  Il  eft  certain  qu  en 
1233  le  chevet  et  les  chapelles  efpacées 
exiftaient.  La  tour  centrale  a  suivi  de  près 
1  achèvement  du  chœur.  La  tour  Nord  a 
précédé  les  sculptures  des  portails  de  la 
façade  occidentale.  Le  cours  du  xiv^  siècle 

vit  s'élever  les  chapelles  de  la  nef  entre  les  contreforts.  Les  six  chapelles  du 
collatéral  Nord  exiftaient  avant  i  ^go.  La  chapelle  de  la  Vierge,  reconftruite 
sous  l'épifcopat  de  Pierre  Cauchon.  était  achevée  en  1444  :  '^  jouxte  d  un 
côté  aux  murs  de  la  clofture  de  la  chapelle  Noftre-Dame  de  nouvel  édifiée.  » 
(Cctrtuldire    de    Thomas  Bafm.    fol.    39,    verfo.    Acte  du  22  juillet   1444.) 


^N 


Fig.  41. 


Lifieux  :  chapiteau  de  la  nef. 


de  l'édifice  primitif,  qui  fut  agrandi  et  preique  totalement  reconftruit  de  12  18  à  123^,  que 
quelques  admirables  chapiteaux.  Celui  que  nous  voyons  aujourd'hui  offre  des  morceaux  d'un 
style  riche  et  élégant   qui  se  rapprochent  affez  de  Laon.  /, 

3.  J.  Bertot  :  Lhre  du  Millénaire  de  Normandie,  p.  140.  '<  A  Lifieux,  il  nous  faudrait 
voir  la  cathédrale  du  xiu"  siècle  d'aipect  grave  et  de  lignes  un  peu  guindées  (?),  caractériftique 
du  xiii*  siècle  normand.  >/ 


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LE  MOBILIER 


AINTEN.\NT  que  nous  avons  décrit  sommairement  l'architec- 
ture intérieure  et  extérieure  de  la  cathédrale  Saint-Pierre, 
il  semble  néceflaire  de  préfenter  quelques  remarques  sur 
son  mobilier,  c  eft-à-dire  sur  ses  sculptures  sur  bois,  ses 
tableaux  et  ses  verrières. 


LES    STALLES 

Les  stalles  sont  inconteftablement  la  parure  artiftique  la  plus  précieufe  de 
l'églife  Saint-Pierre '.  Malgré  les  germes  de  deftruction  que  le  bois  porte  en 


I.    Vov.   de    Caumont,    Statijîique  monumentale   du  Cjlvjdos.    t.  V.  p.  23S.  —  Guide  de 
Lifieux,  1870.  p.  24.  — L.  Régnier.  Notre-Dame  d'Ecouis.  Paris.  1913,  p.   113. —  Chanoine 


,34  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

lui-même,  malgré  les  outrages  du  temps  et  des  hommes,  soixante  stalles 
s'alignent  encore  le  long  du  chœur.  Douze  ont  difparu.  Patiemment  aflem- 
blées  par  des  huchiers  anonymes,  magnifiquement  polies  par  un  long  frot- 
tement, hautes  et  baiTes  stalles,  à  caufe  de  leur  valeur  eflhétique.  ont  été  mifes 
au  nombre  des  monuments  hiftoriques.  Les  stalles  de  la  cathédrale  de 
Rouen  offrent  des  miftricordes  plus  variées  et  plus  originales  :  celles  de  Baveux 
avec  leurs  riches  baldaquins  et  leurs  lions  si  majeftueux  ont  une  décoration 
plus  luxuriante,  mais  celles  de  Lifieux  avec  leurs  figurines,  leurs  écoinçons. 
leurs  feneftrages  intéreflent  vivement  les  connaiffeurs.  La  compofition  tou- 
jours claire  et  sobre  s'adapte  admirablement  à  la  surface  à  décorer;  la  pré- 
cifion  des  sculptures  dénote  l'obfervation  directe  de  la  nature.  Les  geftes 
pris  sur  le  vif  plaifent  par  leur  jufteffe  et  expriment  fidèlement  les  sentiments 
des  personnages.  Enfin  l'ancienneté  même  des  boifenes.  leur  teinte  d  ébène 
charment  les  amateurs  les  plus  avertis. 

La  plupart  des  archéologues,  notamment  M.  Charles  VafTeur  et  M.  le 
chanoine  Porée  attribuent  les  stalles  de  Saint-Pierre  de  Lifieux  aux  premières 
années  du  xiv'  siècle.  M.  Louis  Serbat  les  date  de  la  fin  de  ce  même  siècle. 
Dans  sa  monographie  de  N.-D.  d'Ecouis.  M.  Louis  Régnier  propofe  une 
date  un  peu  différente.  "  Les  stalles  d'Ecouis.  écrit-t-il.  doivent  être  rangées 
parmi  les  plus  anciennes  qui  exiflent  en  France  à  1  heure  actuelle:  ce  sont, 
en  tout  cas.  les  plus  anciennes  de  la  Normandie,  car  celles  de  la  cathédrale 
de  Lifieux.  que  certains  archéologues  ont  attribuées  aux  premières  années  du 
xiv'  siècle,  sont  d  un  style  plus  avancé,  et  les  détails  de  leur  ornementation 
ne  permettent  pas  de  les  croire  antérieures  au  règne  de  Charles  V.  „  D  a- 
prcs  M.  Régnier,  les  stalles  de  Saint-Pierre  se  pourraient  donc  placer  entre 
1361)  et  13SC).  Les  colonnettes  à  pans  coupés,  les  bafes  à  renflement,  les 
feuilles  d  érable  defféchées  et  recroquevillées  des  chapiteaux  autorifent  une 
telle  opinion.  Mais,  d  autre  part,  le  modelé  des  vifages,  les  plis  simples  et 
calmes  des  vêtements,  les  coiffures  à  bandeaux  rappellent  les  habitudes  des 
sculpteurs  de  la  première  moitié  du  xiv' siècle.  De  plus,  il  convient  de  remar- 
quer qu  en   Normandie  lemploi  de  la  bafe    à  plinthe   renflée  se   rencontre 

Poréc,  L'Art  normjnd,  Paris,  i  o  i  ■; .  p.  22.  —  Congres  jrchèologicjuc ,  IQ08,  p.  ■îi'^.  — 
Mallct.  Cours  d'archéologie,  t.  II.  p.  220.  —  Gonfc,  L'Art  gothique,  p.  448.  -  -  Didron. 
Anndles  archéologiques,  t.  XXIII.  p.   i  i  ■^.  —  I{e\ue  illujhrée  du  Cjlvjdos,  igi4.  p.   100. 


LE    MOBILIER 


155 


fréquemment  entre  1320  et  1330.  Enfin,  à  dater  de  1346  et  surtout  de 
135O  à  1380,  les  invafions  anglaifes  défolèrent  Lifieux;  les  réparations  les 
plus  urgentes  étaient  négligées  par 
l'évèque  et  le  chapitre,  tandis  que 
sous  1  épifcopat  de  Guy  II  de  Har- 
court.  1303  à  i^^b.  et  jufqu  en 
1346  le  temporel  de  1  évèché  fut 
sans  ceffe  amplifié  par  de  nouvelles 
donations.  Il  efl  donc  permis  de 
suppofer  que  les  stalles  de  la  ca- 
thédrale lexovienne  se  rapportent  à 
cette  période.  Le  caractère  archaïque 
de  certaines  coiffures,  la  chafiable 
de  1  éveque.  les  dalmatiques  des 
diacres,  plufieurs  détails  très  fré- 
quents dans  le  cofiname  féminin  de 
la  première  moitié  du  xiv^  siècle, 
l'arrangement  des  cheveux,  les 
chauflures  déjà  pointues.  1  élégance 
harmonieufe  et  mefurée  des  sil- 
houettes, autant  de  détails  qui 
autorifent  une  telle  datation. 

Lorfque  Cl.  Sauvageot.  en 
1863.  étudiait  dans  les  Annales 
archéologiques  de  Didron.  les  stalles 
de  Lifieux.  elles  étaient  couvertes 
d  une  peinture  jaunâtre  de  1  afpect  ^ 
le  plus  défagréable.  ce  qui  empêcha 
le  diftingué  vifiteur  de  les  apprécier 
à  leur  jufte  valeur.  Séduit  par  l'élé- 
gance, la  finefïe.  la  belle  exécution 
des  stalles  de  Notre-Dame  de  la  Roche  (^Seine-et-Oife)  Sauvageot  écrivait  : 
^<  Bien  qu  elles  soient,  en  tous  points,  de  beaucoup  inférieures  à  celles  de 
Notre-Dame  de  la  Roche,   nous  n  avons  pas  héfité  à  les  graver  (fig.   42). 


Fig.  ^2.  —  Liine  des  stalles  de  Lisieui,  dessin  de  Sauvageot. 


13b  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Ce  sont  à  proprement  parler  les  mêmes  stalles,  mais  avec  la  finefTe  et  l'é- 
neriîie  en  moins;  les  formes  sont  alourdies  et  amollies,  1  architecture  de  la 
mcnuiferie  n  y  eft  plus  si  bien  raifonnée.  et  1  on  n  y  retrouve  plus  d  aufTi 
heureufes  proportions.  Cependant,  hàtons-nous  de  le  dire,  on  reconnaît  en- 
core, par  place,  un  certain  entrain  dans  1  exécution:  elles  ne  sont  pas  com- 
plètement dénuées  de  mente:  les  figures  sculptées  dans  les  feneftrages  des 
panneaux  de  clôture  poiTcdcnt.  par  exemple,  un  aflez  bon  caractère.  L  ha- 
bileté, la  tournure,  la  main  puiHante  du  xiii''  siècle  s  y  retrouveraient  encore 
au  befoin  //.  Aujourd  hui  ou  elles  sont  débarralTées  de  leur  déteflable  badi- 
geon, les  stalles  peuvent  être  mieux  jugées.  De  ci.  de  là.  dans  les  frifes 
feuillagées.  dans  1  afTcmblagc  et  le  décor  des  parclofes  apparaifTent  des  négli- 
gences qui  provoquent  1  étonnement  des  hommes  du  métier.  Parmi  les 
miféricordes.  d  aucunes  décèlent  une  facture  peu  raffinée,  il  en  efl:  de  gros- 
sièrement traitées.  Mais  M.  Sauvageot  ignorait  sans  doute  qu  en  i  ytQ  deux 
huchiers  lexoviens  travaillèrent  pendant  six  mois  à  refaire  les  patiences  et  les 
couronnements  mutilés  par  les  protcdants.  Quoique  lart  n'ait  point  gagné 
à  cette  redautation.  il  parait  opportun  de  tranfcnre  le  texte  qui  la  concerne. 

'<  Le  mardi  xxvij'  jour  d'avril  mil  V^  LXll,  alleu  faict  par  Mess''  du 
'<  Chap.  à  Jehan  Bullci  et  son  fils  pour  bien  et  deument  repareoir  lesd.  chaires 
'/    à  chacun  vj    pour  jour  compnns  les  defpends. 

'^  Le  dernier  jour  dud.  movs.  pavé  à  Girot  Heulte  pour  avoir  mis  en 
'^  bougons  le  boys  de  la  planchette  qui  eftoit  au  coupeau  de  la  grolTe  tour 
''  pour  faire  des  sièges  pour  lefd.  chaires  et  y  a  vacqué  p.  deux  jours  co- 
'^  prins  les  defpens  x'.   // 

(Le  travail  dure  jufqu  au    \n  octobre). 

Le  xvij'  jour  dud.  moys.  Bullet  et  son  fils  pour  avoir  refaict  les  armures 
de  derrière  le  maitre  autel,  faict  des  huvffets  et  récolté  le  chapicr  cRant  en 
ce  lyeu  pour  deux  jours  :   xxiiij\ 

'^  11  a  eflé  prins  du  bovs  de  léglifc  tant  po'  les  chaires  du  chœur  que 
pour  le  banc  de  reliques  le  nobre  de  vij  membrcurcs  et  huit  cns. 

''    Tout  total   :    I  I  S'  -    iS'r7^  -    )' i  (.^i  o'' '.    ^ 

I.    Comptes  d'Abcl  Doynart,  fabnqincr.  de  ToulTaiiit,    i  V"   pour  un  an. 


PL  43 


LA    CHARITÉ,    PANNEAU    DE   STALLE   (Dessin    de    R.   Bigot). 


SAINT-MICHEL 


Dusins  de  R    Bigot. 
LE  MENDIANT   ET  SA    BIENFAITRICE,    PANNEAUX  DES  STALLES 


LE   MOBILIER 


137 


Lors  de  la  démolition  du  jubé  gothique,  en  i68c),  les  stalles  furent 
déplacées  et  rapprochées  du  sanctuaire.  Sous  Louis  XV  les  chanoines,  vou- 
lant plus  d'aifes  et  moins  de  courants  d'air,  complétèrent  leurs  sièges  par 
une  clôture  en  chêne.  Très  riche,  au  point  de  vue  sculptural,  cette  ma- 
gnifique boiferie  s  harmonifait  péniblement  avec  le  style  de  la  cathédrale. 
Sous  le  premier  Empire,  elle  fut  difpofée  contre  les  murs  latéraux  de  la  cha- 
pelle de  la  Vierge,  En  1883,  quand  la  chapelle  retrouva  son  ancien  afpect, 


±..^iVM 


ff 


Fig.  43.  —  Aspect  des  stalles  avant  1789. 


les  panneaux  sculptés  furent  cédés  à  Mme  Herbet,  par  la  ville  de  Lifieux, 
moyennant  3.000  francs.  Dans  le  château  de  Combray,  la  bibhothèque  a 
été  lambrilTée  avec  ces  revêtements  Louis  XV.  C'efl:  merveille  de  voir  quel 
heureux  parti  les  architectes  en  ont  tiré.  Que  n'a-t-on  décoré  avec  ces 
panneaux  si  finement  ouvragés  la  sacriftie  de  Saint-Pierre  en  utilifant  comme 
plafond  l'ancienne  tribune  des  muficiens,  quel  bel  afpect  elle  autait  préfenté 
aux  regards! 

Il  semble  qu'avant  le  xvii*  siècle,  les  stalles  de  Lifieux  ne  pofTédaient  point 
de  doffiers.  Avant  les  retouches  de   1881  à  1883,  aucune  entaille,  aucune 


138  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

trace  n'en  révélait  l'exiftence.  C'eft  M.  Naples.  architecte  des  monuments 
hiftoriques.  qui  a  dirigé  les  récentes  reftaurations  des  stalles.  Le  i  2  sep- 
tembre 1S.S4.son  succelTeur  M.  Sainte-Anne  Louzier  précifait  ainfi  les  dé- 
penfes  occafionnées  par  le  déplacement  et  les  réfections  partielles  : 

Mcnuifcrie.    ...  lo.uib   fr.    28 

Serrurerie  .  4.^»»'^  fr.    80 

Sculpture    .    .  1.72'i    fr.    00 

Travaux. 17.240   fr.    oS 

Honoraires  de  l'Architecte 802    fr.    00 

Honoraires  de   l'Infpecteur 4';i    fr.    00 

"  Je  vous  prie  de  confidérer.  écrit-il  à  M.  Simon,  préfident  de  la  fa- 
brique, que  les  stalles  sont  devenues  mai^nifiqucs  et  que  le  chœur  a  pris  un 
afpect  charmant  qui  juftifierait  un  nouveau  sacrifice  de  la  fabrique. 

"  Le  inobilicr  du  chœur  pour  être  complet  devrait  être  augmenté  de  deux 
stalles  avec  dais  et  d  une  clôture  en  fer  analogue  à  celle  du  tranfept.  Mon- 
sieur le  curé  Rohée  en  a  exprimé  le  défir  et  je  suis  heureux  de  me  trouver 
en  communion  d  idée  avec  lui...  Je  crois  qu  il  faudrait  compter  sur  une 
dépenfe  de  cinq  mille  francs.   // 

M.  Hoffmann,  menuificr.  Corbel.  sculpteur.  Moutier.  serrurier,  furent 
les  principaux  artilans  de  la  reftauration  des  stalles.  Tous  les  trois  habitaient 
Saint-Germain-en-Lave. 

Les  deux  stalles  à  baldaquins,  œuvre  de  M.  Hauffairc.  de  Reims,  furent 
dilpofées  a  Icntréc  du  chœur  en  innn.Lc  7  juillet,  M.  Sainte-Anne  Lou- 
zier cent  à  M.  Simon  :  "^  J  ai  profité  d  un  voyage  dans  la  Marne  pour 
m  arrêter  à  Kcims  afin  de  voir  oîi  en  était  1  exécution  des  stalles.  Elles  sont 
en  bonne  voie.  Je  croîs  que  vous  serez  satiffait.   y/ 

La  satiffaction  des  Lexovicns  n  a  pas  été  auffi  grande  que  1  cfpérait 
1  architecte  des  Beaux-Arts.  La  scchereffe  de  la  sculpture.  1  afpect  mefquin 
des  dais  ont  provoqué  de  nombrcules  critiques  de  la  part  d  excellents 
juges. 


LE   MOBILIER 


13^) 


DETAIL    DES    STALLES 


LES    MISÉI{ICOI{pES 

La  plupart  des  miféricordes  sont  décorées  de   tètes  de  chiens  de  toutes 
tailles  et  de   toutes  races.   Nous  en    avons    compté   quarante-quatre.    Parmi 

ces  chiens  de  bois,  quelques-uns  n'offrent 
pas  d  intérêt.  Taillés  à  coups  de  hache,  au 
xvi'  siècle,  leur  allure  manque  de  vérité  et 
de  réalifme.  Par  contre,  sur  les  miféricordes 
non  remaniées,  le  vifiteur  attentif  remarque 
vite  certains  chiens  vraiment  typiques.  Ici. 
c'eft  une  fine  levrette,  là  un  chien  de  chaffe 
aux  longues  oreilles  rabattues,  plus  loin  un 
gros  bouledogue  à  mâchoires  proéminentes, 
ou  encore  un  chien  de  garde  à  l'air  rébarbatif  et  morofe.  Il  serait  impof- 
fible  de  cataloguer  et  d  identifier  toutes  ces  bètes  ;  "•'  c'eft  un  mélange 
curieux  d'animaux  sans  efpèce  définie,  tètes  de  chiens  à  oreilles  de  bovidés, 
ou  inverfement.   //   Les  sculpteurs  ano- 

fquiffèrent   avec 


F'g-  44 


a  fT> 

Miséricorde  de  stalle. 


du 


;iècl( 


nymes  au  xiv^  siècle  e 
bonhomie  ces  silhouettes  fantaisiftes. 
ne  se  souciant  pas  outre  mefure  de  la 
reffemblance  et  du  symbolifme.  Ingé- 
nieux et  spirituels,  ils  laiffèrent  volon- 
tiers libre  cours  à  leur  verve,  sans 
s'inquiéter  d'exprimer  une  penfée.  La 
tentative  d'explication  propofée  par 
M.  Cl.  Sauvageot  nous  semble  bien 
hypothétique.  '^  Nous  avons  vu  là. 
écrit-il  Mans  les  stalles  de  Lifieux)  des 
têtes  de  chiens,  de  loups  et  de  moutons, 
touchant  rapprochement  entre  les  gardiens,  les  afiaffins  et  les  victimes.  >/ 
A  vrai  dire,  nous  ne  rencontrons  dans  les  stalles  qu'une  seule  tète  de  mouton  ; 
«n  admettant  que  la    reproduction  du   loup  y  figure  également,  il   ne  fau- 


F'g-   4V 


Miséricorde  de  stalle. 


I40 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


cirait  guère  y   voir  autre  chofe   qu'une   fan- 
wiî^?^^wç^ifîSi??^^  taifie   de  sculpteur,  fantaifie   sans  portée,   ni 

'^■^■.■yi^c^'C<'^y-'^     intention  symbolique. 

Deux  tètes  de  bélier,  cinq  grotefques. 
sept  tètes  d  anges  aux  ailes  diverfement 
éployées  complètent  la  décoration  des  mifé- 
ricordes.  Enfin,  sur  1  une  des  tablettes,  le 
sculpteur  a  efquifTé  un  portrait  d  homme, 
aux  traits  individuels  et  fins.  Ne  serait-ce 
pas  sa  propre  effigie?  (^fig.  40.)  Dans  cette 
œuvre.  1  '^  imavizier  //  a  mis  certainement 
un  peu  de  son  cœur...  La  rare  fermeté  du 
deffin.  le  vifage  singulièrement  cxpreflif  et 
perfonnel.  intelligent,  prefi^^ue  malicieux, 
flattent  le  goût  le  plus  raffiné.  La  bouche 
aux  lèvres  un  peu  fortes,  les  pommettes  saillantes,  la  divifion  de  la  barbe 
en  mèches  légèrement  bouclées,  tous  ces  détails  donnent  à  la  phv'fionomic 
beaucoup  de  caractère. 


Fig.   46.   —  L'Imaygier  dei  stilles  (>) 


LES  P  A  ENCLOSES 

Les  parclofes.  c  eft-à-dire  les  panneaux  de  bois  qui  séparent  les  stalles 
entre  elles,  préfcntent  au  regard  de  jolies  découpures  et  des  feneftiages 
intérefTants. 

La  raideur  de  certaines  sculptures,  la  négligence  de  quelques  drapés 
laiffcnt  deviner  plufieurs  mains. 

Chaque  feneftragc  comporte  une  arcature  en  tiers-point  recoupée  par 
deux  trilobés.  Un  quatrc-fcuillcs  occupe  le  tvmpan.  des  plantes  ci  des 
animaux  variés  remplilTent  les  écoinçons  produits  par  le  feneflrage  et  son 
cadre  rcctaiiiiulaire. 

Les  colonnettes  des  parcloles.  de  forme  octogonale,  préfentcnt  des 
feuilles  d  érable.  Sur  le  couronnement  à  double  volute  de  chaque  parclofe 
s  obfcrvc  une  frife  de  feuilles  de  vi^nc. 

Sur   1  une    des   parclofes    le    tailleur   d  images   a    rcpréfenté    deux    anges 


LE  MOBILIER 


aux  ailes  fermées  :  saint  Gabriel  ? 
(fig.  47)  et  saint  Michel  terraflant 
le  dragon.  L'artifte  a  sans  doute 
voulu  traduire  la  doctrine  enfeignée 
par  la  liturgie  lexovienne.  Aux  pre- 
mières vêpres  de  la  fête  Saint-Mi- 
chel  les  fidèles  glorifiaient  larchange 
en  ces  termes  suggeftifs  : 

Inter  omnes  fulguntnti 
Enfe  Victor  emicat. 
Qui  dmconis  info  lent  etn 
Contudit  ferociam 
De  polo  truft  rebelliim 
In  pro fonda  tartam. 

La  main  gauche  du  glorieux 
archange  s'appuie  sur  un  écu  orné 
d'une  tête  de  lion,  de  lautre  main 
il  s'apprête  à  plonger  son  épée  dans 
la  gueule  de  l'Eternel  Ennemi. 

L'autre  ange,  armé  d'un  glaive, 
un  eucologe  en  main,  écrafe  sous 
ses  pieds  un  animal  fabuleux.  Pour 
les  Lexoviens  d'avant  la  Révolution, 
l'épopée  de  saint  Michel  n  allait  pas 
sans  celle  de  saint  Gabriel.  Héros 
de  la  même  lutte,  ils  avaient  tous 
les  deux  arraché  les  Ifraélites  à  l'em- 
prife  du  Démon,  au  moment  du 
retour  à  Jérufalem '.  Unis  dans  le 
combat,  ils  pouvaient  être  unis  dans 
l'iconographie.  Les  écoinçons  de  la 
pardofe    servent   d'abri   à    deux   oi- 

I .   Fie  des  Saints  Patrons  du  diocèfe  ae 
Lifieux,  p.  5c). 


Fig.  47.  —  Ange  des  stalles  de  la  cathédrale  Saint-Pierre 


H-hM 


142  SAINT-PIERRE   DE   LISIEUX 

féaux  de  proie,  a  la  pofe  vraiment  efthétique.  L  un  d  eux  eft  endormi  et 
I  autre  s'occupe  activement  de  sa  toilette.  La  pofe  ingénieufe  des  volatiles, 
la  jolieiTc  de  leur  plumage  ont  infpiré  à  M.  Raymond  Bigot  un  deffm 
délicatement  ouvré.  C  eft  merveille  comme  1  animalier  moderne  a  su  reco- 
pier avec  exactitude  lœuvre  des  huchiers  normands,  ses  devanciers. 

La  stalle  qui  sert  de  pendant  a  celle  cjue  nous  venons  d  étudier  n  a 
subi  aucun  remaniement  au  cours  des  âges.  Toute  la  parclole  eft  d  un 
seul   morceau.    Les    fi<:urines.    taillées   dans    la   malTe   du    bois,   sont  conia- 

n 

crées  l'une  à  la  glorification  de  saint  Pierre.  1  autre  à  un  perfonnage 
impofrible  a   identifier. 

Le  prince  des  Apôtres  porte  une  clef,  en  mémoire  du  pouvoir  que  lui 
donna  le  Chrift  de  lier  et  de  délier.  Il  a  les  cheveux  crépus,  les  pieds  nus 
et  la  longue  tunique  flottante.  Une  femme  voilée,  à  la  phvfionomie  pen- 
sive, se  tient  aux  cotés  de  saint  Pierre.  Entre  ses  mains  se  voit  un  livre 
à  fermoir.  La  tète  ovale  s  encadre  joliment  dans  les  boucles  soveufes  des 
cheveux.  Les  draperies,  sans  recherche,  enveloppent  judicieufement  les  di- 
verfcs  parties  du  corps. 

Des  mufles  de  lions,  à  la  crinière  largement  étendue,  au  regard  per- 
çant, occupent  les  écoinçons. 

Les  Apôtres  sont  rcpréfentés  sur  les  autres  feneflrages.  La  nudité  des 
pieds  permet  de  les  diftinguer.  plufieurs  d  entre  eux  portent  1  épée  pour 
symbolifcr  leur  mort  violente. 

Saint  Paul,  saint  André,  saint  Jacques  avec  son  bâton  de  pèlerin  se 
peuvent  identifier.  Il  efl  difficile  de  mettre  un  nom  sur  les  autres,  car  leurs 
emblèmes  ont  été  détruits  en  i  V-  ^""-i  en  IT'»";.  au  moment  des  iiuerres 
de  religion  ou  pendant  l.i  Révolution.  Le  diacre  saint  Laurent  avec  son 
gril,  et  saint  Etienne  avec  les  pierres  qu  il  tient  entre  ses  mains,  se  dis- 
tinguent a(îe/  ailément.  Enfin  un  éveque  ma]eftueulement  drapé  dans  une 
chalublc  aux  plis  calmes  et  riches,  elquilTe  un  gefte  de  bénédiction.  Ne 
scrait-cc  pas  saint  UHin.-'  Dans  la  liturgie  Icxovicnnc  il  tenait  une  si  large 
place  que  le  clergé  de  la  cathédrale  aura  déhré  le  voir  figurer  sur  les  stalles 
près   des    diacres    et    des   Apôtres.   Dan.s    un    livre    d  heures    du    xv'   siècle', 

1  .    Manufcrit  sur  vclin  du  xv'  siècle.  Jcrnicrs  feuillets,   propriété  de  M"'  du  Campart. 


LE   MOBILIER 


m: 


dans  les  litanies  des  saints,  nous  le  voyons  invoqué  immédiatement  après 
les  difciples  de  la  première  heure.  Dans  des  eucologes  plus  récents,  aux 
prières  pour  la  recommandation  de  l'âme,  Monfieur  saint  Urfin  est  imploré 
auffitôt  après  saint  Etienne  et  saint  Laurent". 

Dans  les  écoinçons  de  la  stalle  qui  nous  occupe,  et  dans  trois  autres, 
le  tailleur  d'images  a  sculpté  des  rats  aux  oreilles  allongées  (fig.  48).  Ces 
rongeurs  se  replient,  s'amincifTent  le  long  des  panneaux  de  bois,  ils  se 
pelotonnent  sans  bruit,  de  peur  d'éveiller  l'attention.  Ils  étudient  fiévreufe- 
ment  les  alentours,  à  la  pifte  de  la  moindre  alerte.  Avec  une  science  sur- 
prenante .     le     sculpteur 


du 


>'eft 


moyen  âge  s  elt  ap- 
pliqué à  rendre  les  geftes 
familiers  de  ces  animaux, 
qu'il  avait  vu  trottiner 
dans  les  recoins  de  son 
atelier. 

Deux  scènes  pleines 
de  saveur  et  de  vérité 
glorifient  la  chanté  chré- 
tienne .  scènes  graves . 
mais  très  humaines  et 
vraiment  vécues.  Pauvre 
de  tout,  riche  seulement 
d'efpoir,  un  mutilé  demande  l'aumône  à  une  grande  dame  qu'il  vient  de 
rencontrer  dans  quelque  ruelle  tortueufe.  Appuyé  sur  ses  deux  béquilles, 
l'eftropié  regarde  la  noble  châtelaine  avec  une  fervente  insiftance.  Oh  ! 
l'acuité  de  ce  regard  interrogateur  !  Bonne,  senfible,  accueillante,  la  jeune 
femme  donne  gracieufement  avec  un  charme  simple  qui  rehaufTe  le  bien- 
fait. Le  plus  noble  gefte  qui  soit  c'eft  d'ouvrir  la  main  toute  grande,  telle 
efl  l'idée  du  sculpteur.  Qui  ne  la  comprendrait  en  regardant  les  deux 
tableaux  qu'il  a  légués  à  la  cathédrale  ? 

Dans  la  scène  qui  sert  de  pendant   à  la  première,  la  main  du  boiteux 


Fig.  48.  ■ —  Ecoinjons  d'une  pardose  :  les  rats. 


2.   Heures  de  Lifeux,  p.  xlvi,  chez  Du  Roncerey,  à  Lifieux,  1753. 


44 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


se  lève  en  un  gefle  suppliant.  Aucune  exagération  dans  le  pathétique  :  la 
riche  Lexovienne  écoute  avec  bienveillance  les  doléances  de  1  infortuné.  Elle 
va  entrouvrir  son  aumônière  et  répondre  généreufement  à  la  demande.  A 
confidérer  ces  comportions  des  huchiers.  nous  pouvons  savoir  comment 
s'habillaient  les  Lexoviennes  du  xiv'  siècle.  Elles  nous  apparaiiTent  revêtues 
de  longues  robes  senliblement  échancrées  sur  la  poitrine.  Les  manches 
s  arrêtent  à  1  avant-bras,  sélargifTent  et  pendent  comme  aujourd  hui  les 
robes  des  religieufes.  Une  coiffure  allez  simple  ou  encore  un  mince  ban- 
deau retient  les  cheveux.   Le  coftume  eft  complété   par  des  chauffures  poin- 


jS^^^ 


•^  yn^ÛtMiçi  ■oa^ffr>--^f^>.^i^.^v^>»-  ^'^^jyQ^i^ti^^ 


M»i^  iWrtfljy  Hiifiiffltà&i 


Fig     .yi 


Couronnement  d'une  stalle 


tues,  et  par  une  ceinture  où  s  attache  1  aumcSnière  d  étoffe  avec  cordelière 
de  lame.  Comme  clic  eft  élégante  et  sobre.  Li  mile  de  ces  dames!  Aucun 
ornement  inutile,  ni  bijoux,  ni  afficjuets.  prefc^ue  pas  de  feffons.  L  attitude 
des  personnages,  le  léger  fléchiflcmcnt  des  corps,  indique  bien  qu  ils  ne 
sont  point  emprilonnés  dans  des  vêtements  ajuffés.  Le  sculpteur  a  compris 
que  la  beauté  d  une  chafuble.  d  une  dalmatiquc.  d  une  robe,  se  trouve 
effentiellement  dans  le  drapé.  Parmi  ses  contemporains,  la  richeffc  d  un 
vêtement  tenait  à  la  nchcffe  des  plis  et  à  la  souplcHe  de  1  étoffe. 


LA   CHAIRE  EPISCOPALE 

Le    cardinal    Levcneur    (  l  y»')- 1  <)  "?  (>)    avait    donné    .i    la   cathédrale    de 
Lifieux  une  chaire   épifcopale  en  pierre  de  Vcrnon.  regardée  '^  comme  une 


LE  MOBILIER  145 

des  plus  belles  qui  fulTent  dans  le  royaume  ' .  »  Sur  les  inftances  du  cha- 
pitre, Léonor  II  de  Matignon  la  fit  enlever  et  remplacer  par  une  chaire  en 
bois.  Un  peu  plus  tard,  le  prélat  «  se  repentit  d'avoir  suivi  l'avis  de  ceux 
qui  lui  avaient  confeiilé  de  détruire  ce  beau  monument  de  la  générofité  de 
Mgr  Leveneur.  »  Avant  la  Révolution  la  chaire  de  l'évêque  se  trouvait  près 
du  sanctuaire,  du  côté  de  l'Epître,  à  l'endroit  où  se  voient  préfentement 
les  affreux  fauteuils  des  confeillers  paroiffiaux. 

Le  25  mars  1903,  Mgr  Amette  a  inauguré  un  nouveau  trône  épisco- 
pal  offert  à  la  cathédrale  Saint-Pierre  par  Mme  Herbet,  née  Fournet,  veuve 
de  M.  E.  Herbet,  directeur  des  Affaires  Etrangères  à  Paris.  M.  d'Efpouy, 
profefleur  des  Beaux- Arts,  donna  les  deflins  de  cette  œuvre  fantaififte,  en 
s'infpirant  des  trônes  épifcopaux  du  Midi  de  la  France,  particulièrement  des 
trônes  du  xvi^  siècle.  L  exécution  du  trône  fut  confiée  à  la  maifon  Noirot- 
Biais. 

LA  CHAIF{E  A  PR^CHER^ 

La  chaire  en  bois  de  chêne  qui  décore  aujourd  hui  l'églife  Saint-Pierre 
fut  exécutée  en  1S34  par  M.  Chevalier,  menuifier  à  Rouen,  et  M.  Dela- 
haye,  sculpteur,  d'après  les  deffins  de  M.  Didron  et  Darcel  architecte  à  Pans-. 
D'ordonnance  un  peu  lourde,  elle  prétend  rappeler  le  style  du  xiif  siècle. 
Trop  haute,  elle  dérobe  aux  regards  l'une  des  groffes  piles  de  la  nef.  Pour- 
quoi ne  pas  l'avoir  laiffée  dans  l'entre-colonnement,  là,  même,  où  se  dreffait 
la  chaire  précédente? 

Le  tribune  hexagonale  eft  soutenue  par  douze  colonnettes  surmontées 
de  siyi  confoles  ornées  de  crochets  et  de  rofaces.  Les  panneaux  qui  sont 
répartis  sur  les  quatre  taces  de  la  tribune  repréfentent  les  Evangélifles.  Saint 
Mathieu  a  pour  attribut  l'homme.  Le  lion  défigne  saint  Marc.  Le  veau 
symbolife  saint  Luc.  L'aigle  enfin  eft  la  figure  de  saint  Jean.  Autour  dune 
chaire,  les  mêmes  animaux  expriment  les  vertus  que  le  chrétien  doit  prati- 
quer pour  être  sauvé  :  la  sageffe,  le  sacrifice,  le  courage,  le  détachement  des 

1.  Noël  DcyThays,  édition  Formeville,  p.  215  et  279.  —  Mémorial  Lexovien,  Bulletin  de 
là  Société  hijlorique  de  Lifietix,  n°  6,  p.   14. 

2.  Journal  Le  Normand,  6  cet.  1854. 

'9 


I4f 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


richeffcs.   Un  Chrid  en  majeflc  occupe  le  fond  de  la  chaire.  Des  cinq  bas- 
reliefs  c'eft  le  plus  heureux  comme  modelé. 

L'abat-voix  se   termine   par   une   niche  qui  abrite   une   statue   de   saint 


Fig.    ^o. 

Pierre  tenant  d  une  main  les  clefs  du  Paradis  et  de  1  autre  1  Evani;éliairc. 
Les  deux  plus  i^rands  orateurs  qui  soient  montes  dans  cette  chaire  sont  : 
M^r  Touchet  le  i.\  octobre  !»>(»•»  et  le  Père  Monlabrc  le  ^  décembre  iN<)N. 
Dans  la  lettre  d  invitation  qu'il  adrclTait.  le  2  ^   novembre  à  ses  paroifficns. 


LE   MOBILIER  147 

M.  Cagniard  faifait  l'éloge  de  l'éloquent  dominicain  en  ces  termes  :  «  Son 
éloquence,  le  feu  sacré  dont  son  cœur  eft  rempli,  le  défir  ardent  de  faire 
briller  les  victoires  et  les  conquêtes  de  la  religion,  tout  se  réunit  en  lui  pour 
le  rendre  tour  à  tour  tendre,  véhément  et  quelquefois  sublime.  Il  vous  ravira 
par  la  beauté  de  son  style,  la  richefTe  de  son  savoir  et  sa  profonde  connais- 
sance de  l'art  oratoire.  Au  refte,  tout  Paris  le  connaît,  et  l'immenfe  cathé- 
drale de  Notre-Dame  eft  trop  étroite  quand  il  monte  dans  la  chaire,  il 
y  a  dans  l'auditoire  plus  d  hommes  que  de  femmes.  //  A  Lifieux  la  cathé- 
drale fut  également  trop  étroite;  mais,  dans  la  foule,  il  y  eut  tout  de  même 
plus  de  femmes  que  d  hommes. 

L'ancienne  chaire  de  style  Louis  XIII  était  surmontée  d'un  abat-voix 
en  sapin  d'une  affligeante  laideur.  Avec  ses  baluflres  et  ses  anges  cariatides, 
seule  la  tribune  offrait  quelque  valeur  efthétique.  La  tradition  lexovienne  veut 
que  Boffuet,  invité  par  Mgr  de  Cospéan  (fig.  30),  y  ait  prononcé  un  difcours. 
C'est  en  raifon  de  ce  souvenir  hiftorique  que  la  tribune  de  cette  chaire 
a  été  transformée  en  tombeau  d'autel  et  utilifée  comme  telle  dans  la  cha- 
pelle de  l'Ange  gardien'. 

LE  JUBÉ 

Conformément  aux  anciennes  traditions,  au  xiv*  siècle,  le  chœur  de 
Saint-Pierre  était  clos  par  un  riche  jubé  gothique.  Chacun  sait  qu'on  ne 
compte  plus  guère  en  France  que  quelques  rares  jubés  dont  les  plus  ouvragés 
sont  le  jubé  de  l'églife  de  Brou,  celui  de  la  cathédrale  d'Albi.  celui  de 
Saint-Etienne-du-Mont  et  de  Saint-Urbain  de  Troyes. 

A  Lifieux,  le  jubé  était  une  sorte  de  tribune  tranfverfale  solidement 
encadrée  dans  les  maffifs  situés  à  droite  et  à  gauche  de  lentrée  du  chœur. 
La  plate-forme  devait  être  affez  large,  car  le  mercredi  des  cendres  et  le 
jeudi  saint,  l'évêque  accompagné  d'un  nombreux  clergé  y  prononçait  labfo- 
lution  en  faveur  des  pénitents  humblement  agenouillés  sous  la  lanterne". 
Dans  les  fêtes  solennelles,  l'Epître  et  lEvangile  étaient  chantés  du  haut  du 
jubé.  Durant  l'office  canonial,  certains  paffages  des  livres  saints  s  y  lifaient. 
C'efl;  même  parce  que  le  lecteur  demandait,  avant  de  commencer,  la  béné- 

1.  Le  Normand,   14  sept.   18b 7. 

2.  Cerem.  Lexov.,  MDCCXLVII.  in- 12  Lexoviis  Apud  Duroncerey.  pp.   iSS  et  20S. 


148  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

diction  du  célébrant  par  ces  paroles  :  juhe  domne,  benedicere.  que  ce  char- 
mant monument  avait  reçu  le  nom  de  Jubé.  Deux  lutrins  de  cuivre 
soutenus  par  une  colonne  en  bois  sculpté  supportaient  1  évangéliaire  ou  le 
Icctionnaire  '. 

En  iy)2.  les  proteftants  bnfèrent  une  partie  des  hauts  reliefs  et  les 
figurines  qui  formaient  le  plus  bel  ornement  du  jubé.  En  1^77  et  1  "^7>^. 
d  importantes  réparations  s'y  accomplifTent  sous  la  direction  d  un  peintre  de 
la   ville,   Pierre    Hesbert.   '^    Le   yv"  P^^  d'octobre   payé    à    Pierre    Hesbert. 

paintre,    pour    avoyr    racouftré     et     refait    les    ymages    du    pulpitre.    ci 

22'   10'  '.   // 

Dans  les  comptes  de  Jacques  Mignot  pour  Tannée  i  ')7S  nous  lifons  : 
'^  Payé  à  un  ung  nommé  Pierre  Hesbert  paintre.  sur  1  alleu  quil  avoyt  faict 
avec  meffieurs  du  chappitre  pour  paindre  et  remeftre  en  coullcur  le  pulpytre 
et  les  ymages  d  icelluv 07'.  » 

Dans  les  cérémonies  funèbres  importantes,  par  exemple  le  jour  de 
1  inhumation  de  lévèque,  le  jubé  difparailTait  sous  une  immenfe  tenture 
noire  rehaufTée  d  armoiries". 

Le  jubé  avait  le  grave  inconvénient  d'arrêter  les  regards  des  fidèles. 
Quelles  que  fufTcnt  sa  richclTe  et  son  élégance,  il  gênait  le  palTage  et  em- 
pêchait le  vifiteur  de  jouir  de  la  perfpective  du  chœur,  c  c(\.  ce  qui  explique 
qu  en  if)N()  le  chapitre  réclama  son  enlèvement.  '<  En  1  an  iOSq,  le  jubé 
de  1  églife  cathédrale  qui  avançait  environ  de  trois  pieds  dans  la  croifcc  de 
l'églife  et  qui  était  bàti  de  la  pierre  des  Loges,  fort  induftrieusement.  mais 
à  I  antique,  auquel  étoient  repréfentés  les  myflères  de  notre  foy.  comme  la 
salutation  de  la  Vicriic.  1  Annonciation,  la  naifTance  du  Sauveur  du  monde. 
la  Circoncifion,  1  Adoration  des  roys.  la  Paffion  et  la  Rcfurrection  de  Jcfus- 
Chrift,  tout  ce  beau  travail  a  été  démoli  par  Mond.  Seig.  évêque  (^Léonor  II 
de  Matignon).  Cet  ouvrage  subdftait  depuis  près  de  \oo  ans;  mais,  comme 
toutes  ces  figures  étoicnt  faites  à  1  antique  et  que  le  jubé  occupoit  ladite 
croiléc  de  1  églifc  et  en  otait  1  architecture,  on  v  mift  à  la  place  ccluy  qu  on 
y  voit  aujourd  hui  qui  a  été  fait  en  la  ville  de  Caen  par  le  s.  Brasnu,  maître 

1 .  Comptes  de  I  S7  "î. 

2.  Comptes  de  n77  et  nyS. 

3.  MètnoruL  édition  de  la  Socictc  Hijiorique  de  Lificux,  p.  0. 


PL  44 


S: 


MONSEIGNEUR    HUGONIN,   ÉVEQUE   DE  BAVEUX    ET   LISIEUX 


LE   MOBILIER  149 

sculpteur.  L'ancien  jubé  était  eftimé  à  plus  de  six  mille  livres,  et  le  nouveau 
na  coûté  que   1800  livres'.   » 

Du  jubé  en  bois  on  n'a  malheureufement  confervé  que  le  souvenir. 
Du  jubé  en  pierre,  nous  n'avons  plus  que  deux  panneaux  décorant  actuelle- 
ment les  murs  de  la  chapelle  Notre-Dame.  L'un  repréfente  le  crucifiement 
de  Jéfus  et  1  autre  sa  glorieufe  réfurrection. 

Le  2  3  août  1/02.  deux  députés  de  la  société  de  la  liberté  et  de  1  éga- 
lité adrelTèrent  une  pétition  au  confeil  général  du  diftrict  de  Lifieux  pour 
demander  la  démolition  du  jubé  et  de  la  chaire  épifcopale.  Le  bureau  mu- 
nicipal eut  le  bon  sens  de  n  y  point  prêter  attention.  Mais  quelques  jours 
plus  tard,  le  1 7  septembre,  les  deux  zélés  patriotes  s  introduifent  dans  la 
salle  des  séances,  et  le  plus  entreprenant  réclame  la  parole  pour  établir  : 
«  qu'il  exiftait  encore  dans  différents  endroits  de  cette  ville  et  notamment 
dans  la  ci-devant  cathédrale,  différents  monuments  et  armoiries  qui  annoncent 
encore  l'ancien  régime  et  le  derpotifme,  pourquoi  ils  demandent  à  l'affemblée 
d'en  faire  faire  la  suppreffion  sans  aucune  perte  de  temps  ainfi  que  la  chaire 
ci-devant  épifcopale  et  du  jubé. 

«  L'affemblée  a  arrêté  que,  dès  demain  il  sera  mis  des  ouvriers  pour  sup- 
primer tous  les  monuments  et  armoiries  qui  pourraient  exifter  dans  cette  ville 
ainfi  que  lesdites  chaire  et  jubé,  afin  qu'il  ne  refte  aucun  veftige  de  1  ancien 
régime".  »  La  délibération  ne  fut  pas  vaine.  Le  lendemain,  IQ  septembre. 
le  choeur  de  la  cathédrale  n'avait  plus  de  clôture  :  déformais  les  patriotes 
pourraient  suivre  attentivement  et  librement  les  cérémonies  du  culte! 

Depuis  18(34  le  chœur  eft  fermé  par  une  grille  en  fer  forgé,  dans  le 
style  du  xiii^  siècle,  exécutée  dans  les  ateliers  de  M.  Evraert.  ferronnier  d'art 
à  Pans.  Des  rofaces.  pommes  de  pin.  palmettes,  dune  exécution  irrépro- 
chable terminent  les  enroulements  et  les  rinceaux.  Les  grilles  qui  entourent 
le  sanctuaire  ont  été  façonnées  par  le  même  artiffe  en  1863.  La  clôture  pri- 
mitive du  sanctuaire,  d'une  hauteur  de  i  m.  80,  était  en  pierre  sculptée. 
Sacrifiée  par  les  chanoines  du  xvii^  siècle,  elle  fut  remplacée  par  des  grilles 
en  fer  forgé  et  embouti  démohes  pendant  la  Révolution'. 

1.  Mémorial,  édition  de  la  Société  Hifiorique  de  Lifieux,  pp.   13-14. 

2.  Délibération  du  Confeil  général  de  la  commune  de  Lifeux,  année  1792. 

3.  Journal  Le  Normand.   16  avril  1864  et  16  juillet  1865. 


1,0  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


LE  GI{AND  .AUTEL 


C'eft  le  2 S  mai  T-Sof)  que  Mgr  Hugonin  confacra  1  autel  actuel.  Le 
Chrift  en  bronze  ne  fut  placé  que  le  7  juillet  l8gi.  Cet  intérelTant  mor- 
ceau de  sculpture,  œuvre,  comme  l'autel,  d  un  anifte  rémois.  M.  HauHaire. 
difparait  trop  au  regard.  Les  colonnettes  du  tombeau  le  mafquent  prefque 
entièrement.  De  bons  juges  reprochent  à  l'autel  de  ne  point  s  harmonifer 
avec  l'architecture  du  chevet  de  la  cathédrale.  Le  clergé  peut  regretter  égale- 
ment la  dirpolltion  inufitée  et  dangereufe  du  palier  et  des  degrés  à  angles 
droits.  Au  contraire,  les  simples  fidèles,  dans  les  offices  du  soir,  ne  ceffent 
de  s  extafier  devant  les  nombreufes  ampoules  électriques,  dont  les  clartés 
légères  mettent  des  tranfparences  neigeufes  sur  les  vitraux  de  1  abfide.  A 
vrai  dire,  lautel  soulève  certaines  critiques  juftifiées;  cependant  ses  divers 
éléments  :  table,  gradin  et  tabernacle  dépalTent  de  beaucoup  les  créations 
simili-gothiques  expofées  dans  la  collection  commerciale  du  quartier  Saint- 
Sulpice  à  Pans.  Les  maîtres  d  autrefois,  s'ils  revenaient,  seraient  sans  doute 
indulgents  pour  rinfpirateur  de  cette  œuvre,  M.  Saint-Anne  Louzier.  Plu- 
sieurs détails  de  compofition  et  de  sculpture  les  intércfTeraient,  mais  ils 
répudieraient  comme  un  morceau  adventice  le  long  édicule  de  bois  doré 
qui  domine  le  tabernacle.  Maigre  et  grêle,  sous  prétexte  d  élancement,  ce 
baldaquin  à  jour  n'oHre  pas  une  liaifon  suffifante  avec  le  corps  même  de 
l'autel. 

L'autel  primitif,  au  lieu  d  ctrc  au  fond  de  la  courbure  du  chœur,  se 
trouvait  à  1  entrée  du  sanctuaire  actuel.  Un  chappier  et  deux  armoires 
étaient  difpofés  derrière  1  autel. 

Dans  les  cérémonies  liturgiques,  le  banc  de  pierre  qui  deffine  le  rond- 
point  servait  de  siège  aux  clercs.  Un  parement  de  soie  recouvrait  le  devant 
de  lautel  et  de  belles  courtines  fran<zées  de  laine  lentouraicnt.  Six  aiiiics 
de  cuivre  complétaient  la  décoration.  L  ancien  autel  majeur  de  la  cathédrale 
d  Arras.  dont  Viollet-lc-Duc  a  donné  un  joli  deflin  dans  son  Dictionnaire, 
permet  de  se  faire  une  juflc  idée  de  1  ancien  autel  de  Lifieux. 

De    plulieurs    palTages  des    comptes    du   fabriquier    de   la  cathédrale  \    il 

I.    Comptes  de  i^'i.   M72.    '57'*^-    'W?.   iV- 


LE   MOBILIER  151 

reffort  que  la  réferve  euchariftique  était  sufpendue  à  une  crofTe  de  métal. 
Les  hofties  se  dépofaient  dans  une  coupe  précieufe  ou  pyxide,  enveloppée 
d'un  pavillon  d'étoffe.  Une  chainette,  recouverte  de  feuilles  d'or  et  montée 
sur  une  poulie,  permettait  d'élever  ou  d'abaisser  le  ciboire  au  gré  des 
befoins.  Le  contre-autel  servait  de  point  d  attache  à  la  hampe  et  à  la  croffe 
de  sufpenfion  :  il  servait  également  de  support  au  tabernacle  de  Id  Fierté. 
La  Fierté,  c'était  la  châffe  qui  contenait  les  rehques  de  saint  Urfin,  patron 
de  la  ville  de  Lifieux.  Chaque  soir,  au  moment  de  la  fermeture  de  la 
cathédrale,  le  tréforier  du  chapitre  mettait  à  l'abri  les  reliques  et  les  joyaux 
d  or  et  d  argent  dans  le  coffre-fort  de  la  salle  capitulaire.  Le  31  oc- 
tobre 13 12,  «  vigile  de  Touffaintz  //.  il  advint  que  le  tréforier.  meffire 
Nicolas  d'Harcourt.  négligea  cette  précaution.  La  nuit  même,  un  nommé 
Jean  Lafnier,  aidé  de  quelques  complices  et  receleurs,  pénétra  dans  le  chœur 
de  Saint-Pierre,  et  enleva  la  plupart  des  reliques  et  objets  d'art  situés  soit 
sur  l'autel,  soit  sur  l'eftrade  élevée  immédiatement  en  arrière.  Une  bulle  de 
Léon  X,  datée  de  Rome,  le  28  mai  13  17,  énumère  les  objets  ■'''  prins  et 
dérrobez  >/.  C  était  d  abord  une  croix  d'or,  haute  de  3  3  centimètres  et  de 
même  largeur,  enrichie  du  bois  de  la  vraie  croix  et  de  pierres  précieufes 
dune  valeur  ineffimable.  Une  topaze  était  enchàffée  aux  pieds  du  Chrift. 
Parmi  les  objets  difparus.  il  faut  signaler  une  statue  et  quelques  cheveux 
de  la  Vierge  ;  une  image  en  vermeil  repréfentant  saint  Pierre.  L  apôtre 
tenait  en  main  un  reliquaire  avec  cette  infcription  :  De  veflibiis  Domini 
T^ofhri  Jefu  Chrifli  et  Sancti  Pétri.  Les  malfaiteurs  avaient  également  emporté 
un  archevêque  tenant  une  côte  de  saint  Urfin  avec  deux  anges  d'encadre- 
ment, des  calices,  patènes,  pixydes.  deux  couvertures  d'évangéliaires  et 
quantité  d'autres  richeffes  artiftiques. 

Après  de  nombreufes  démarches  infmctueufes,  le  voleur  fut  découvert, 
condamné  «  à  être  attaché  d  une  chefne  par  le  corps  d  une  actache  et  eftre 
fait  du  feu  à  Tentour  d'icelle.  »  En  réparation  du  dommage  et  pour  les 
frais  de  procédure,  le  roi  Louis  XII,  sur  les  biens  de  Jean  Lafnier,  devait 
verfer  6.000  livres  tournois  au  chapitre  de  la  cathédrale'. 

I.  H.  de  Formeville,  t.  II,  pp.  208-209.  —  L.  Dubois,  t.  I,  p.  145.  —  CartuUire  de 
Thomas  Bafin,  fol.  96-97.  —  R.-N.  Sauvage,  Un  \ol  de  reliques  à  Saint-Pierre  de  Lifieux  en 
I$I2,  dans  Bulletin  de  la  Société  Hijîorique  de  Lifieux,  n°  18,  année  iqio. 


M  2  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 


ORGUES 


Les  grandes  orgues  de  Saint-Pierre  comptent  parmi  les  plus  harmo- 
nieufes  de  Normandie.  Sur  la  boifene  se  lit  1  infcription  suivante  : 

CET  ORGUE 

A  ÉTÉ  DONNÉ  EN   LAN    1871 

PAR  M.  JEAN-LAMBERT  FOURNET, 

M.\NUFACTlîRIER. 

ANCIEN  MAIRE   DE  LISIEUX. 

MEMBRE  DU    CONSEIL  GÉNÉRAL  DU   CALVADOS. 

OFFICIER  DE  LA  LÉGION  D  HONNEUR. 

BIENFAITEUR  INSIGNE 

DE  CETTE  ÉGLISE 

ET  DES  PAUVRES  DE  LA  VILLE. 

Conftruit  par  M.  A.  Cavaillé-Coll.  le  grand  orgue  fut  béni,  le 
2')  novembre  i''^7  1.  par  Mgr  Hugonin  et  solennellement  inauguré  par 
Guilmant,  organise  de  la  Trinité  à  Pans.  Au  dire  du  savant  praticien. 
1  orgue  ''  c([  un  des  chefs-d  œuvre  de  la  facture  moderne,  mais  il  n'eft  pas 
suffifàmmcnt  avancé  sur  la  nef.  //  Si  les  muliciens  critiquent  la  place  de 
lorgue.  les  architectes  et  les  archéologues  la  regrettent  également,  parce 
qu  il  mafque  les  arcades  et  le  fcneftrage  du  fond  de  la  cathédrale.  M.  de 
la  Rocquc.  architecte  en  chef  des  monuments  hifloriques.  aurait  préféré 
de  beaucoup  placer  1  orgue  dans  1  un  des  croilillons.  de  la  sorte  ses  accords 
rempliraient  plus  sûrement  toutes  les  parties  de  léglife. 

Le  mardi  2  ^j  novembre  iN7  |.  à  ";  heures,  eut  lieu  un  récital  d  orgue 
avec  la  collaboration  des  artiftes  dont  les  noms  suivent  : 

M.  Dupaignc,  artiftc  à  Paris. 

M.  Henri  Tournaillon,  organiftc  de  la  catlicdralc  d'Orléans. 

M.  Aloys  Klein,  oryanifte  de  la  cathédrale  de  Rouen. 

M.  Flcury,  organiftc  de  Bon-Secours,  à  Rouen. 

M.  J.  Marie,  organifte  de  Saint-Sauveur,  à  Caen. 

MM.  A.  Cariez  et  A.  Dccq,  organiftes  à  Saint-Jacques  de  Lilicux. 

M    P.  Bcrctia,  titulaire  de  l'orgue  de  Saint-Pierre  de  Lifteux. 

Endommagé  par  la  foudre  en  1SS7.  l'orgue  a  été  reftauré  1  année 
suivante,  aux  frais  de  la  famille  Duchcfnc-Fournct.  par  la  maifon  Cavaillé- 
Coll. 


PI.   4  s 


LA   CATHÉDRALE    ET   SON    ANCIEN   AUTEL   (Dessin  de  Jouvenot). 


LE   MOBILIER  153 

En  mai  i8q8,  le  conseil  de  fabrique  de  Saint-Pierre  ayant  décidé 
de  confulter  M.  A.  Guilmant,  profefTeur  au  Confervatoire  et  organifte  de 
la  Trinité  à  Paris,  sur  l'opportunité  de  certains  perfectionnements  suscep- 
tibles d'augmenter  la  puifTance  et  les  reiTources  du  grand  orgue,  le  maître 
propofa  diverfes  modifications  :  l'addition  de  nouveaux  jeux,  le  renforce- 
ment des  anciens  jeux,  les  deux  claviers,  pofitif  et  récit,  seraient  munis 
de  machines  pneumatiques,  afin  de  porter  le  nombre  des  pédales  de  combi- 
naifon  à  17.  L'inftmment  aurait  ainfi  quarante-neuf  jeux  complets,  dont  : 

I  jeu  de  32  pédales.  i  jeu  de  2  23  pédales. 

8  jeux  de  ib  pédales.  2  jeux  de  2  pédalei. 

23  jeux  de  8  pédales.  i  jeu  de  i   13  pédales. 

10  jeux  de  4  pédales.  3  jeux  de  mutation. 

Le  montant  de  ces  travaux  se   serait  élevé  à  18.000  francs. 

Madame  Herbet,  en  1907,  a  voulu  continuer  les  traditions  de  géné- 
rofité  de  son  père  ;  grâce  à  ses  bienveillantes  largefles,  l'orgue  de  Saint- 
Pierre  reftera  longtemps  entre  les  mains  d'un  muficien  de  valeur.  Une  ins- 
cription latine  gravée  sur  une  plaque  de  marbre  blanc,  fixée  sur  l'un  des 
pieds-droits  du  porche,  évoque,  en  termes  déKcats,  l'initiative  charitable  de 
l'infigne  bienfaitrice  de  Lifieux. 

L'ancien  orgue,  démoli  en  17Q3,  était  remarquable  par  sa  force  et  par 
la  beauté  de  ses  jeux,  dont  quelques-uns  «  imitaient,  à  s'y  méprendre,  la 
voix  humaine  >/.  Le  dernier  organifte,  M.  Darrey,  commença  ses  fonctions 
en  1774  sous  l'épifcopat  de  Mgr  de  Condorcet. 

L'OI{GUE  DU  CHŒUÎ^ 

Dès  1362,  il  y  avait  un  orgue  de  chœur,  car  après  les  dévaftations  et 
les  troubles  survenus  dans  leur  églife,  Meffieurs  du  chapitre  chargèrent  Jehan 
Gaillard,  serrurier,  de  fournir  «  troys  crampons  de  fer  pour  tenir  deux 
pierres  du  bordage  du  pipitre  soubs  les  petites  orgues  rompus  par  les  Hu- 
guenots ». 

L'orgue  d'accompagnement  qui  se  voit  actuellement  dans  le  chœur  a 
été  inauguré,  le  17  novembre  1901,  par  M.  A.  Garcin,  organifte  du  grand 
orgue,  avec  le  gracieux  concours  de  M.  Chriftin,  ténor  solo  de  Téglife  de  la 

A  partir  de  la  9'  ligne,  au  lieu  de  pédales  lire  pieds.  90 


,^4  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 

Trinité,  de  la  Société  orphéonique  et  de  la  maitrife  de  Saint-Pierre  sous  la 
direction  de  M.  Trembloy.  Si  la  boiferie  n'offre  aucun  intérêt,  l'inflrument 
lui-même  rallie  tous  les  suffrages.  En  France,  comme  orgue  d'accompagne- 
ment, seul  celui  de  Saint-Sulpice.  à  Paris,  le  dépaffe  en  puiffance.  Le  titu- 
laire. M.  Jofeph  Mauger.  en  explique  ainfi  la  compofition  et  les  reffources 
muficales  :  f'  L'orgue  du  chœur,  don  de  Mme  Ofmont.  a  été  conftruit  par 
la  maifon  Cavaillé-Coll.  Il  renferme  2")  Jeux.  Il  poffêde  de  jolis  jeux  de 
fonds  et  des  mixtures  bien  timbrées.  Parmi  les  jeux  d  anches,  le  baffon  de 
l6  eft  remarquable.  Les  anches  et  les  mixtures  sont  enfermées  dans  la  boite 
expreffive.  Ses  claviers  sont  très  perfectionnés;  une  machine  pneumatique 
actionne  le  clavier  du  grand  orgue. 

«  11  joint  à  ses  nombreufes  reffources  des  qualités  de  douceur  et  d  éclat 
qui  permettent  à  Icxécutant  de  produire  des  effets  très  variés  et  d  interpréter, 
auffi  bien  que  sur  un  inffrument  plus  important,  n  importe  quelle  mufique 
des  maîtres  :  Bach.  Céfar  Franck.  Widor.  Vierne,  etc..   // 

Le  grand  orgue  et  I  orgue  du  chœur  ajoutent  une  gloire  de  plus  à  la 
renommée  de  la  cathédrale. 

L  orgue  eft  par  excellence  1  inffrument  sacré  du  culte  et  de  la  liturgie.  Il 
eff  non  seulement  une  parure  architecturale,  mais  il  eff  avant  tout  la  voix 
géante,  évocatrice  du  paffé.  lorfqu  il  chante  les  douces  et  pénétrantes  mélo- 
pées grégoriennes,  perpétuelle  et  vivante  prière  de  nos  aïeux. 

Si  la  majeffé  des  voûtes  d'une  belle  cathédrale  nous  invite  au  recueille- 
ment, 1  orgue,  par  les  harmonies  puiffantcs  qui  jailliffcnt  de  ses  tuyaux  et 
qui  se  répandent  dans  les  nefs,  exalte  lui  auffi  la  grandeur  infinie  du 
Créateur. 

LES    CLOCHES 

L\ANCIENNE    SONNERAI E 

Jufqu  à  la  Révolution,  la  tour  Nord  abrita  deux  majelKicux  bourdons. 
Le  plus  puiffant,  Saint-Pierre,  pelait  douze  mille  livres,  et  son  diamètre 
dcpaffait    2    mètres'.  Le   second   bourdon.    Saint-Uriin.    pcfait    neuf  mille 

1 .  Pour  se  rcnfcigncr  sur  l'ancienne  sonnerie  confulter  :  Le  Dn-is  et  Efiittution  fourni  par 
Pierre  Fontaine,  architecte  jure-expert  au  bailliage  de  Pontoifc  en  17S4  après  la  mort  de  Mgr  de 
Condorcct,  in-fol.  (Lificux,  Bibijothcquc  municipale.) 


LE   MOBILIER  155 

livres.  La  sonorité  de  ces  cloches  avait  un  tel  moelleux,  une  telle  ampleur, 
que  Lifieux  s'appelait  couramment  à  la  fin  du  moyen  âge  la  ville  sonnante. 

Le  clocher  Sud    renfermait  huit   cloches  en  accord  avec  les  bourdons. 

La  plus  lourde,  Sainte-Cécile,  s  appelait  vulgairement  1  Echauguette  (mot 
qui  signifie  guet  de  troupe  et  par  extenfion  éveil,  surveillance).  En  cas  d'in- 
cendie ou  de  grave  danger,  le  guetteur  de  nuit  devait  la  mettre  en  branle 
pour  donner  1  alarme.  Offerte  en  1285  par  Guy  Guyardon.  refondue  le 
4  juin  1490,  elle  pefait  3.836  livres.  Sur  ses  parois  d'airain  se  détachait 
en  caractères  gothiques  une  infcription  dont  lempreinte  a  été  recueillie  par 
M.  l'abbé  Loir  : 

t  ANNO...DNÏ.  Mmo  .  DUCËTmo  .  QÛrfO      GUIDO  .  GUIARDON      D.'M  . 

CUJUS  .  SONUS  .  ARCE  .  REDUNDAT  . 

EJUS  .  SPIRAMEN  . 

PAGE  .  QUIESCAT  . 

AMEN  . 

AUCTA  .  FUI  .  DE  .  BONIS  .  PEB  .   RECORDACÔIS     GUILÛ  .  LËX  . 

QUÔND      PSULIS  .  DIGNISSIMI  .  ANNO  .  DNI  .  MO    .  QU.\DRINGEN'no  : 

NONAGESIMO      iii  to  .  JUNH 

«  L'an  du  Seigneur  1285,  Guy  Guyardon  donna  cette  cloche  dont  le 
son  retentit  avec  éclat  du  haut  du  clocher.  Que  son  âme  repofe  en  paix. 
Le  4  juin,  de  lan  de  grâce  14QO,  j'ai  été  augmentée  grâce  aux  libéralités 
de  Guillaume,  de  pieufe  mémoire,  autrefois  évèque  de  Lifieux.  » 

La  deuxième  cloche  s'appelait  Notre-Dame.  D'un  poids  de  1.250  kilos, 
elle  était  fêlée,  en  1784  à  la  mort  de  Mgr  de  Condorcet.  Déjà,  en  1562, 
le  chapitre  de  la  cathédrale  avait  payé  3  0  sols  "-'  à  Thoynet  Mallays,  ma- 
réchal pour  avoir  reforché  les  bateaulx  de  la  cloche  Notre-Dame  et  Saint- 
Jehan  rompus  parles  Huguenots'   //. 

La  troifième  cloche  se  nommait  Saint-Patrice;  la  quatrième  Saint-Paul  : 
elle  sonnait  chaque  soir  pour  indiquer  le  moment  d  éteindre  feu  et  lumière. 
Cette  série  de  cloches  occupait  la  partie  baffe  du  beffroi.  Dans  l'étage  su- 
périeur se  trouvaient  les  quatre  autres. 

La  cinquième  avait  nom  Marie.  La  sixième,  Saint-Cande  fut  offerte,  bénite 
et  nommée  en  1365  par  Jehan  Le  Hennuyer,  évêque  et  comte  de  Lifieux ^ 

1.  Comptes  du  fabriquier  de  1502. 

2.  Comptes  du  fabriquier  de   1564. 


156  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Elle  sortait  des  ateliers  de  Jean  Aubert.  fondeur  de  Lifieux.  très  apprécié 
pour  la  sonorité  parfaite,  la  juftelTe  et  la  richeffe  de  vibrations  de  ses  cloches. 
En  1686.  lilluflre  praticien  avait  fourni  une  octave  d'une  grande  puifTance 
pour  la  tour  Saint-Romain  à  Rouen. 

La  septième  s'appelait  Saint-Bertivin  :  la  huitième.  Saint-Sébaftien. 
L'acuité  et  la  clarté  de  son  timbre  l'avait  fait  surnommer  la  cloche  d'argent. 
Déplacée  en   i  V'V  ^^^^  ^^'^'^  ^^^  refondue  deux  fois  en   106*)  '. 

LA    SONNER^IE    ACTUELLE 

Depuis  le  ')  juin  T  S  «^  ^j .  le  clocher  Nord  abrite  cinc]  cloches,  dont 
trois  seulement  ont  été  fondues  par  la  maifon  Bollée  du  Mans. 

La  grofTc  cloche.  Marie-Im.maculée.  pèfc  2.\  \s  kilos  et  offre  i  m.  <->2 
de  diamètre.  Offerte  par  Madame  Delaunay.  elle  eut  pour  parrain  M.Jean- 
Lambert  Fournet,  induffricl  à  Lifieux.  et  pour  marraine  Madame  Adrien 
Gillottin.    La  décoration  de  cette  cloche  eff  vraiment  artifficjue. 

De  légers  rinceaux  entourent  sa  partie  infcrieurc.  sur  une  face  on  voit 
Icffigie  de  la  Vierge  Immaculée,  sur  lautre  un  Chriff  en  croix  et  les  écus- 
sons  de  M^r  Robin  et  de  la  cathédrale  Saint-Pierre. 

Une  banderole  porte  pour  légende  :  -  .\MOR  MEUS.  JESUS  CHMSTUS  *. 

Sur  la  seconde  cloche.  S.mnt-Pikrre.  eft  gravée  l  infcription  suivante  : 

'  L'an  1827.  j'ai  été  bénite  et  nommée  Saint-Pierre  par  M.  l'abbé  Euftachc  le  Jeune  de 
Crcqui,  grand  vicaire  et  chanoine  honoraire  de  Baveux,  et  par  Madame  Napohne-Juhenne-Jofé- 
phine  de  Catfarclh  Bejouen,  affiftés  de  M.  Jacques  Blondcl.  curé  de  Saint-Pierre  de  Lifieux. 

*  J. -Baptiste  Burel.  fondeur  a  Bernay.   - 

Le  poids  de  cette  cloche  cff  de    i .  )  ;  i    kilos. 

La  troifièmc  cloche,  d  un  poids  de  1 .  i  ^o  kilos,  d  un  diamètre  de 
T  m.  2 S.  porte  pour  légende  :  -  vox  DOMINI  IN  virtite  *.  M.  Faucjue, 
maire  de  Lifieux.  et  Madame  Médéric  Lcfrançois.  née  Bourfin.  l  ont  nom- 
mée S.mnt-Ursin. 

Cette  cloche  remplace  une  cloche  fondue  en    1S18. 

I.  D'  Billon.  Cjmpjnjlogie ,  Caen.  Le  Blanc-Hardel.  in-8".  pp.  77-81.  —  Journal  Le 
Normand,  2  juin  i8^v  —  ^^  Progrct  Lcxowen,  24  mai  189b. 


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LE  MOBILIER  157 

La  quatrième  cloche  pèfe  750  kilos  et  s'appelle  Saint-Paul. 

Refondue  en  septembre  1860,  elle  eut  pour  parrain  M.  Jules  Delarue, 
docteur  en  droit,  et  pour  marraine  Delphine-Adèle  Samfon,  épouse  de 
Jean- Alfred  Fleuriot,  docteur  en  médecine  de  la  Faculté  de  Paris.  Au  bas 
de  la  cloche  se  lit  cette  johe  devife  : 

VOX  EGO  SUM   VIT^   ET  MORTIS,   VOX  SEMPER  LAUDIS  ET   SALUTIS 
«  Je  suis  la  voix  de  la  vie  et  de  la  mort,  la  voix  de  la  louange  perpétuelle  et  du  salut.  » 

La  cinquième  cloche  ne  pèse  que  650  kilos,  son  diamètre  eft  de 
I  m.  04  et  son  nom  Saint-Germain,  parce  qu'elle  annonce  l'angélus  matinal. 
Sur  ses  parois  d'airain,  le  fondeur  a  gravé  en  relief  un  beau  crucifix  avec 
ces  mots  : 

DE  MANE    VIGILO   AD  TE 

Elle  porte  l'infcription  suivante  : 

«  J'ai  été  nommée  SAINT-GERMAIN  (en  souvenir  de  l'églife  de  ce  nom  détruite  en  1798)  par 
Léonor  Perrier,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  et  par  Céline  Fournet,  époufe  de  Augufte 
Duchefne.  » 

Les  cloches  forment  une  quinte  jufte  qui  donne  les  notes  : 


Tr^°  »  #« 


2=a: 


La  sonnerie  refte  le  plus  beau  souvenir  que  M.  l'abbé  Cagniard  ait 
laiffé  à  la  cathédrale.  «  Les  évêques,  ses  prédécefleurs  »,  n'étaient  pas  plus 
magnifiques  dans  leur  générofité.  Balancées  avec  une  lente  régularité,  les 
cinq  cloches  de  Saint-Pierre  produifent  des  mélodies  rythmiques  vraiment 
expreffives.    Au  matin   d'une  grande  fête,  comme   leur  tumulte  eft  joyeux! 

Lorfqu'en  octobre  1909,  Mgr  Touchet  daigna  accepter  de  glorifier 
Jeanne  d'Arc  dans  la  cathédrale  Saint-Pierre,  le  23,  à  la  nuit  tombante,  il 
ne  put  cacher  sa  prenante  satiffaction  d'entendre  à  nouveau  la  voix  muficale 
de  ces  cloches,  dont  la  sonorité  douce  et  pleine  l'avait  charmé  dans  sa  jeu- 
nefïe.  Le  lendemain,  le  puiiTant  orateur,  dans  une  envolée  superbe,  lançait 
à  toutes  les  cloches  de  France  l'invite  de  sonner  éperduement  le  triomphe 
de  la  Vierge  martyre. 

Là  où  le  Juge  dormait    son  dernier  sommeil,   quel  contentement  pour 


,,8  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

l'évcque  d'Orléans  d'ouir  les  cloches  normandes  développer  leurs  brillants 
accords  en  Ihonneur  de  la  Victime.  Il  eft  aifé  de  comprendre  pourquoi, 
en  cette  minute,  léloquent  prélat  se  fit  ouvrir  toutes  grandes  les  fenêtres 
de  la  modefte  salle  où  il  était  affis.  Ce  soir-là.  les  cloches  de  Saint-Pierre 
devaient  enchanter  son  àme... 

Le  carillon  funèbre  eft  plus  impreffionnant  encore.  Quand  revient  le 
mois  de  novembre  et  que.  dans  l'apaifement  du  soir  de  la  ToulTaint.  les 
cinq  cloches  jettent  des  notes  endeuillées  au  large  du  ciel,  leurs  appels 
mélancoliques,  leur  solennelle  et  pénétrante  poéfie  font  treilaillir  d  un  sin- 
gulier friffon  les  plus  oublieux  conime  les  plus  croyants. 

Thème  de   la  sonnerie  funèbre  des  premières  classes  : 


^ 


^^^jTo  a    o  ^^„    o 


Indépendamment  des  cloches,  il  faut  encore  mentionner  les  trois  timbres 
de  l'horloge.  Le  plus  gros,  qui  sonne  les  heures,  pèfe  (^oo  kilogrammes. 
Sa  forme  eft  hémifphériquc.  Sur  son  bord,  se  lifent  les  mots  suivants  : 

Sumptibtis  fjbrica  dnno   :jj'i 
I.  Caviliicr,  fondeur. 

TI{ÈSOB^ 

Le  tréfor.  difperfé  à  1  aventure  dans  la  haute  sacriftic.  renferme  quel- 
ques objets  de  valeur.  Nous  nous  bornerons  à  signaler  un  vitrail  du  xii'  ou 
xiii'  siècle  rcpréfentant  un  Chrift  en  majefté  :  un  portrait  de  Léonor  V'  de 
Matiiinon.  avec  son  cadre  Louis  XIV;  le  bréviaire  de  Mot  de  Condorcct  ; 
deux  curicufes  statues  en  bois  doré  du  xvii'  siècle,  sainte  Urfule  et  Notre- 
Damc-de-Lie(Te. 

L'ancien  tréfor  a  complètement  difparu.  II  était  fort  riche,  surtout  au 
xvi'  siècle.  Pour  s  en  convaincre,  il  suffit  de  parcourir  plul leurs  intérclTants 
documents  de  lépoque  :  une  lettre  de  Louis  XII  du  lo  septembre  i  *>  i  ■; . 
une  bulle  de  Léon  X.  datée  de  Rouen  le  ^S  mai  1^17.  un  monitoire 
de  l'Official    de   Lificux  du    13   mars    isiS.  enfin    ''   1  Extraict  des  articles 


LE   MOBILIER  159 

donnés  contre  ceux  qui  pillèrent  l'églife  Saint-Pierre  de  Lifieux  l'an  1562  ». 
La  plus  belle  pièce  du  tréfor  était  la  châsse  de  saint  Urfin,  pefant 
300  marcs  d'argent,  enrichie  de  pierres  précieufes,  et  des  statues  en  argent 
des  douze  apôtres. 

Dans  sa  livraifon  du  1 3  juillet  19 10,  Bdiocand  a  publié  un  inventaire 
du  tréfor  de  Saint-Pierre,  au  xvii'  siècle,  provenant  de  la  bibliothèque  de 
M.  l'abbé  Loir. 

L'état  du  recenfement  des  effets  mobiliers  de  la  cathédrale,  dreffé  par 
ordre  du  directoire  du  département  du  Calvados  en  décembre  1790,  permet 
de  conftater  qu'à  la  veille  de  la  Révolution  le  tréfor  de  la  cathédrale  était 
bien  diminué.  A  caufe  du  malheur  des  temps,  les  chanoines  du  xviii^  siècle 
avaient  aliéné  diverfes  pièces  d'orfèvrerie  à  ^r  un  prix  raifonnable  '  ». 

Le  reliquaire  de  saint  Urfin  lui-même  ne  poffédait  plus  ses  parures 
anciennes.  Après  avoir  énuméré  la  plus  grande  partie  de  l'argenterie,  les 
commiffaires  du  diftrict  s'expriment  ainfi  :  «  Plus  un  grand  reliquaire  de 
saint  Urfin.  dont  pefée  a  été  faite  par  le  sieur  Courdemanche,  et  qui 
s'eft  trouvé  d'un  poids  net  de  22  marcs,  déduction  faite  par  eftimation 
d'un  marc  pour  les  Reliques  qu'il  contient,  d'une  plaque  de  cuivre  servant 
à  soutenir  les  dites  Reliques  et  quelques  petits  médaillons  de  verre  attachés 
au  dit  Reliquaire,  plus  un  médaillon  d'or  orné  de  plufieurs  pierres  fines 
et  d'un  camée  égallement  attaché  au  dit  Reliquaire,  et  dont  le  dit  sieur 
Courdemanche   a  évallué  l'or  au  poids  d'environ  une  once.  » 

Le  jeudi  3  juillet  i  7  3  i .  Mgr  de  Brancas  dépofa  dans  une  chàfîe  sou- 
tenue par  un  ange  une  partie  des  reliques  de  saint  Urfin.  «  Le  surplus 
des  Saintes  Rehques,  demeuré  dans  l'ancienne  chàffe  de  bois  doré,  a  efi:é 
placé  dans  la  chapelle  Saint-Urfin,  au  cofté  de  l'Evangile  ".  » 

LES  TOMBEAUX 

Divers  fragments  retrouvés  ça  et  là,  pendant  les  refiaurations  du  chœur 
de  Saint-Pierre,  peuvent  donner  une  idée  des  tombeaux  dont  les  plus  riches 
se  dreffaient  de  chaque  côté  du  maitre-autel. 

1.  Délibération  du  Chapitre,   15  mai  1720. 

2.  Délibération  du  Chapitre,  5   juillet  1731. 


i6o  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

TOMBEAU  DU  CAl{DINAL  DESTOUTEntLE  [1^82-1414, 

Le  4  août  1N74.  en  soulevant  les  larges  dalles  du  déambulatoire,  entre 
les  deux  dernières  piles  du  chœur,  près  le  sanctuaire,  du  côté  de  1  Evangile, 
des  maçons  aperçurent  un  caveau.  Cinc]  marches  aflez  rapides  en  permet- 
taient 1  accès.  M.  Auguftin  Delaporte  y  pénétra.  Quelle  ne  fut  pas  sa  sur- 
prife  d'y  trouver  des  débris  de  cercueil,  un  scjuelette.  et  plus  de  deux  cents 
morceaux  de  marbre  de  diverfes  nuances.  C  était  la  tombe  du  cardinal 
d'Eftoutcvillc  car,  sur  fond  bleu,  en  lettres  gothiques,  se  détachait  ce  mot  : 

ESTOUTEVILLE. 

Une  autre  infcription  deux  fois  tracée  à  la  pierre  noire  était  ainfi  libellée  ; 
«  Tombeau  de  M.  d  Eftoutevillc.  ouvert  en  1  an    lôSi).   // 

Trois  defcriptions  '  nous  permettent  de  nous  faire  une  idée  aflez 
exacte  du  maufolée.  C  était  un  sarcophage  en  marbre  de  Carrare  sur 
lequel  la  statue  du  prélat,  en  habits  pontificaux,  était  couchée.  Sur  1  une 
des  faces,  figurait  1  écuflon  du  cardinal,  tenu  par  un  ange.  Ce  précieux 
fragment  retrouvé  vers  18O0,  dans  une  maifon  de  la  ville,  fut  deffiné  à 
cette  époque  par  M.  Bouet.  infpecteur  des  monuments  du  Calvados. 
Mgr  d  Eftouteville  mourut  au  château  de  Courtonne  le  2  i  décembre  i  )  i  1- 
Noél  Dcshays  raconte  qu  au  pied  de  son  maufolée.  en  marbre  blanc, 
il  y  avait  '^  un  autel  sur  lequel  les  deux  dcmi-douze  livres  qu  il  avait 
fondés  étaient  obligés  de  dire  tous  les  jours  la  mefl^e  pour  le  repos  de 
son  âme  //. 

Endommagé  en  l')^)2  par  les  calvinifles.  rapetilTé  en  HiSc),  le  tom- 
beau du  prélat,  en  août  1723,  "'  fut  tranfféré  près  1  autel  de  Sainte-Cécile, 
dans  la  muraille  du  coté  de  lévèché  laquelle,  pour  cet  effet,  sera  peu  creufée 
à  moins  de  frais  poffible  //.  Le  f\bnquier  ne  dépenla  que  1  s  livres  <>  sous 
pour  la  confection  d  un  piédcflal.  Le  2<>  juin  172  |.  son  regillre  accufe  un 
léger  supplément  :  "'  Payé  à  Jacques  Fougc  11  sous,  pour  avoir  peint  le 
maufolée  de  Mgr  d  Eflouteville.  qui  a  été  tranfporté  du  chœur  devant  Sainte- 
Cécile.   //  Des  érudits  se  sont  demandé   si   la   statue  en   marbre  qui   achève 


tri 


I.  Jean  Schoppcr,  dans  Bulletin  oirchèologiquc ,  t.  XVII.   kSuu.  pp.   ■î(i7-'^()U.  —  Bullct 
des  t^nticjiuircs  de  Normjndie,  t.  III,  p.   4M.  —  Noël  Deshjys,  p.    i  ^  v  —  >yflmjnjch  de  Li- 
fieux,  1874, p.  I  ^4  à  iti2,  an.  de  M.  labbc  Loir. —  Mcmorijt,  édition  Société  Hijîort<jue,  p.  1  4. 


LE   MOBILIER  i6i 

de  se  détériorer  dans  le  croifillon  Nord  ne  serait  pas  la  statue  funéraire  du 
cardinal  d'Eftouteville.  Elle  ne  peut  être  que  la  sienne  ou  celle  de  Pierre 
Cauchon. 

TOMBEAU  DE  FOULQUES  D'ASTIN  (12^0-1267) 

Du  même  côté  que  le  tombeau  du  cardinal  d'Eftouteville,  mais  un  peu 
plus  près  de  la  courbure  de  l'abfide,  s'élevait  la  sépulture  de  Foulques  d'Aftin. 
C'était  un  tombeau  en  bronze.  Jean  Schopper,  dans  ses  documents  relatifs 
à  l'art  du  moyen  âge,  lui  confacre  ces  lignes  :  «  Fulco,  évefque,  tombeau  en 
l'églife  de  Lifieux,  cuivre  dont  le  champ  eft  tout  fleurdelyfé  et  comparty  en 
lofanges.  Et  ce  peut  être  celui  qui  a  fait  baftir  la  chapelle  du  Palais,  parce 
que  les  vitres  en  sont  fleurdely fées  et  chaftellies,  qui  eft  le  siècle  de  saint 
Louis  et  de  sa  mère  '.  » 

En  1689,  le  tombeau  de  ce  prélat,  fut  rapproché  du  fond  de  l'abfide 
et  embelli. 

TOMBEAU  DE  GUY  D'HAI{COUI{T  (ijoj-ijj6j 

Le  tombeau  de  Guy  d'Harcourt  était  placé  auprès  du  maitre-autel,  du 
côté  de  l'Epître;  point  de  gifant,  une  table  de  marbre  noir.  Un  fragment 
de  ce  maufolée,  retrouvé  vers  18(3^,  montre  que  la  pierre  tombale  était 
décorée  d'arcatures  repofant  sur  de  fines  colonnettes.  Noël  Deshays,  le 
confciencieux  hiftorien  des  évêques  de  Lifieux,  nous  apprend  que  Mgr  d  Har- 
court  avait  édifié  son  tombeau  de  son  vivant,  sur  le  modèle  de  celui  de  son 
père  et  de  sa  mère  placé  dans  l'églife  Notre-Dame-du-Parc  près  du  château 
d'Harcourt'. 

TOMBEAU   DE   GUY  DU  MEI{LE  (1267-128^) 

En  février  1863,  à  l'entrée  du  chœur,  près  du  lutrin,  en  creufant  les 
galeries  du  calorifère,  les  ouvriers  terraffiers  mirent  à  découvert  un  caveau 
sépulcral  renfermant  le  corps  alTez  bien  confervé  d'un  évêque.  A  côté  des 
oiTements  et  des  reftes  d'ornements  pontificaux,  était   pofée  une  très  belle 

1 .  Bulletin  (yTrchéologique,  loc.  cit. 

2.  N.  Deshays,  p.   122. 


91 


ib2  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

croiTc  de  cuivre,  décorée  de  pommes  de  pin  et  d'une  volute  terminée  par 
une  tête  de  dauphin.  La  main  droite  laiiTait  voir  encore  l'anneau  paftoral 
garni  d'une  cmeraude  finement  cifelée.  Cette  sépulture  devait  être  celle  de 
Guy  du  Merle.  En  effet,  nous  savons  qu'il  fut  enterré  dans  le  chœur  de  la 
cathédrale,  sous  le  banc  des  choriftes.  Ancien  grand  chantre  de  la  cathé- 
drale de  Rouen,  peut-être  avait-il  exprimé  le  défir  de  repofer  sous  le  lutrin, 
en  souvenir  de  son  ancienne  obédience?  La  croife  de  Guy  du  Merle  a  été 
laiilee  en  terre.  Toutefois,  plufieurs  amateurs  en  ont  pris  des  deflins.  L  une 
de  ces  efquifTes  illuftre  les  premières  pages  de   notre  ouvrage. 

Les  travaux  d'inftallation  du  calorifère  firent  également  découvrir,  au 
milieu  du  chœur,  une  autre  croiTe  plus  petite  et  moins  ouvragée  que  celle 
de  Guv  du  Merle.  Un  fac-similé  de  cette  crolTe  se  trouve  actuellement  dans 
le  tréfor  de  l'ancienne  fabrique  Saint-Pierre.  L'original  en  bronze  a  malheu- 
reufcment  difparu  (fig.    ')l). 

TOMBEAU   D'ETIENNE   BLOSSET  DE    CARI^OUGES    (1482-1-^0^} 
et  du  CARDINAL   LE   FENEUB^  son  neveu   1 1 'io'i-i  ^39) 

Les  sépultures  de  ces  deux  prélats  retrouvées,  en  février  iN()v  dans  la 
troifième  travée  du  chœur  du  coté  de  l'Epitrc.  confinaient  cii  deux  caveaux 
superpofés.  Dans  le  caveau  supérieur,  les  hommes  de  peine  aperçurent  et 
relevèrent  une  plaque  de  cuivre  avec  deux  infcriptions.  dont  1  épitaphe  du 
cardinal  Leveneur  amfi  conçue  : 

Cy-f;ift  et  rcpofc  le  corps  de  feu  rcverciidiffimc  père  en   Dieu  Jclun  Le  Veneur  par 

la  grâce  et   permifTion  divine  en  son  vivant  Cardinal  du  Saint-Siège  apoftoliquc 

titre  de  Saint-Barthclemi-cn-lIfle,  grand  omofnicr  de    France,  cvcque  et  conte 

de  Lifieux  abbé  comcndataire  des  abbayes  de  Notre-Dame  du  Bcc-Ucliouin,  dioccfc  de  Rouen 

Notre-Dame-de-Lirc.  diocèfe  d(F,vircuxi,  Saint-Pierrc-de-Prcaulx  et  Notre-Dame    de  Greftain 

dioccfe  de  Lifie(ux),  Notre-Dame-de-Lonlay.  dioccfc  du  Mans,  du   Mont  Saint-Michel,    dioc 

cfc  d'Avrenclics,  (Saint-Sicrge  dAngicrs  et    de  Saini-Fufcien.  dioccfe  d'Amiens,  prieur  corn 

mcndataire  (de  Saint-V)ictor-lcs-Mans,  de  Saint-Nicolas-de-Maupas,  dépendant  de  ladite  a 

bbaye  de   1.//,  prieur  d'Anvremeu  dudit  dioccfe  de  Rouen  dépendant  de  ladite  abbaye  du  Bc 

aulTi  chancelier  et  lieutenant  du  Roy  en  Normcndie  et  conier>ateur  des  privilèges 

de  ri'niverfité  de  Caen.  lequel  décéda  le  septicfme  jour  d'aouft   lan  de  grâce 
mil.V  XLVIII  et  a  régné  évefque  le  temps  de  XXXVIII  ans  immédiatement  après 
feu  de  bonne  mémoire  Eftienne  Blo(Te(t)  son  oncle,  duquel  le  corps  crt  inhu- 
mé joignant   ce  préfcnt  scpuUlirc.  leurs   âmes  soient  en  létcrnel  repos  et 

gloire  de   Paradis.  Amen. 


LE   MOBILIER 


163 


Au  revers  de  l'infcription  funéraire  précédente,  se  détache  une  autre 
infcription  en  lettres  gothiques,  dont  le  fac-similé  eft  reproduit  à  la  page 
suivante  (fig.   32). 

Ces  infcriptions  sont  actuellement  la  propriété  du  mufée  de  la  ville 
de  Lifieux  ' . 


PIEBJ{E    TOMBALE   DE    Mgr   DE   MATIGNON   (1677-1714) 

En   avant  du  maître-autel  se  trouve  une  pierre  de  marbre   blanc   avec 
cette  longue  épitaphe  : 


D.  0.  M. 

HIC 

QUIESCIT 

BEATAM  EXPECTANS  RESURRECTIONEM 

LEONORIUS  DE  MATIGNON 

LEXOVIENSIS  EPISCOPUS  NOMINE  SECUNDUS 

ANTIQUAM  AVORUM  GLORIAM 

PROPRIA  VIRTUTE  ILLUSTRAVIT 

PRiECESSORUM  LAUDEM 

FIDE,  PIETATE,  CHARITATE,  VIGILANTIA 

UNUS  OMNIUM  COMPLEXUS  EST. 

GREGI  PASTOR  BONUS 

NOVITATUM  OSOR, 

DOCTOR  ECCLESIiï  ET  DISCIPULUS. 

CLERO  MAGNUM  EXEMPLUM 

PAUPERUM  AMORE,  DIVITIARUM  USU. 

QUiBRIS  PIUESULIS  EXIMII  MONUMENTUM. 

URBS  TOTA  MONUMENTUM  EST, 

ERECTIS  PASSIM  ET  DOTATIS 

SEMINARIIS.  NOSOCOMIIS  PTOCHOTROPHIIS. 

PAUPERES  HiEREDES  RELIQUIT, 

NE  QUOS  VIVENS  ALUERAT  MORIENS  DESERERET 

QUANTUM  DILEXERIT  DECOREM  DOMUS  DEI, 

HOC  TEMPLUM,  HJEC  ARA.  TESTANTUR. 

OBIIT 

ANNO  M  DCCXIIII  DIE  XIV  JULII 

iETATIS    ANNO    LXXIIII    EPISCOPATUS    XXXVII. 

VIRTUTES  IMITARE. 

REQUIESCAT  IN  FACE 


Fig.   •;  I .    -     CroiTe  épifcopale. 
(Tréfor  de  la   cathédrale). 


La  traduction  de  cette  inicription  tumulaire  se  peut  rendre  ainfi  :  Ici 
repofe,  dans  l'attente  de  la  réfurrection  glorieufe,  Léonor  de  Matignon, 
évêque  de  Lifieux,  deuxième  de  ce  nom,  qui,  par  ses  vertus  donna  un  nouvel 
éclat  à  l'antique  renommée  de  ses  aïeux.   En  lui  seul,  toutes  les   qualités  de 

I.  F,  de  Mély  et  A.  de  Montaiglon,  Hijîoire  et  defcription  du  mufée  de  Lifieux,  dans  In- 
ventaire général  des  I{khejfes  d'art  de  la  France,  province,  monuments  civils,  t.  VI,  1S92,  p.  255. 
—  Journal   Le   Normand,  février  18(15. 


i64  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

ses  prédéceiTeurs  se  trouvent  réunies  :  foi.  piété  chanté,  vigilance.  Pafteur 
attaché  à  son  troupeau,  ennemi  de  la  nouveauté  doctrinale,  docteur  et  fils 
soumis  de  l'Eglife,  il  donna  à  ses  clercs  un  bel  exemple  de  détachement  des 
richeiTes  et  de  charité  envers  les  pauvres.  Vous  cherchez  le  monument  élevé 
en  l'honneur  de  cet  illuftre  prélat  :  la  ville  entière  ed:  ce  monument.  Des 
séminaires,  des  hofpices  pour  les  déshérités  ont  été  érigés  en  divers  endroits 
et  dotés  grâce  à  ses  libéralités.  Pour  ne  point  abandonner  après  sa  mort  ceux 
quil  avait  secourus  pendant  sa  vie,  il  inftitua  les  pauvres  pour  ses  légataires. 


Pig,   5a.    -     Infcription  tumulaire  de  Guillaume  de  Griinville.  chanoine  de  la  cathédrale. 

■f  II)  décembre   14(18. 

Cette  éizlifc  et  cet  autel  atteftent  combien  il  aimait  à  embellir  la  mai  Ton 
de  Dieu. 

Il  mourut  l'an  F  7  i  ],  le  \  \  juillet,  à  l'âge  de  7  }  ans.  dans  la  37'  année 
de  son  épifcopat. 

^  Imitez  ses  vertus. 
Qu'il  rcpofe  en  paix. 

En  I7<»';.  quand  les  révolutionnaires  retirèrent  des  caveaux  du  chœur 
les  cercueils  de  plomb  pour  en  faire  des  balles,  ou  v  chercher  du  salpêtre, 
ils  lailTèrent  Léonor  II  de  Matii;non  dormir  en  paix  son  dernier  sommeil. 
Le  souvenir  de  ses  bienfaits  triompha  de  leur  haine  deflructrice. 


LE  MOBILIER  165 

Dans  la  vie  si  laborieufe  du  prélat  un  seul  épifode  fait  tache  :  le  zèle 
funefte  qu'il  mit  à  modernifer  la  cathédrale  Saint-Pierre.  Ombre  légère  en 
comparaifon  de  ses  initiatives  charitables. 

Il  efl;  de  ceux  auxquels  il  sera  beaucoup  pardonné  parce  qu'ils  ont 
beaucoup  aimé. 

Son  dernier  gefte  fut  un  gefte  généreux  ;  par  teftament,  Léonor  II  de 
Matignon  légua  30.000  livres  aux  pauvres  et  donna  20.000  livres  pour 
édifier  le  maitre-autel  de  la  cathédrale. 

Cet  autel  en  marbre  était  accompagné  de  deux  anges  adorateurs  et 
surmonté  d'une  gloire  resplendiiTante  dont  les  derniers  rayons  achèvent  de 
se  ternir  dans  un  recoin  de  la  sacriftie.  Si  les  chanoines  du  xviii'  siècle 
pouvaient  revenir  dans  leur  cathédrale,  qu'elle  ne  serait  pas  leur  surprise,  eux 
qui,  le  6  avril  1726,  chargeaient  le  fabriquier  «  d'acheter  de  la  toile  pour 
couvrir  la  gloire  toutes  les  fois  qu'on  baliera  l'église  ». 


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CHAPITRE    VI 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE 

DE  LA  CATHÉDRALE 


AINT-PIERRE  DE  LISIEUX  n'eft  pas  Seulement  un  joyau  d'archi- 
tecture et  une  œuvre  d'art  ;  elle  eft  davantage;  elle  efl: 
autre  chofe  encore.  La  cathédrale  a  été  et  refiera  le  cœur 
de    la  cité. 

Jaillie  de  l'élan  populaire,  si  ancienne  que  l'archéologue 
dénombre  difficilement  ses  années,  elle  fut  intimement  mêlée  à  la  vie  du  pays 
d'Auge  dont  elle  évoque  bien  les  aspects.  Elle  a  reçu  l'empreinte  diverfe  des 
croyants  qui  pafTèrent  sous  ses  portails,  pourfiiivant  à  leur  manière,  selon 
leurs  idées  et  leur  goût,  son  laborieux  relèvement  ou  sa  décoration  judi- 
cieufe.  Si  chaque  époque  y  vient  chercher  refuge,  efpoir  et  confolation.  elle 
y  pénètre  également  avec  des  préoccupations  nouvelles,  lui  confie  des 
befoins  ou  des  inquiétudes  intellectuelles,  que  les  âges  précédents  n'ont  pas 
soupçonnés. 

Pour  l'érudit  qui  se  plaît   à  regarder   bien  loin   dans    le    pafTé   et  bien 
avant  dans   l'àme  des    générations  dilparues,    tout   un    peuple    d  ombres  se 


Io8 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


lève  et  se  ranime  sous  les  voûtes  sonores  de  cette  grande  églife.  C  eft  une 
hiftoire  singulièrement  émouvante  que  la  sienne. 

A  caufe  du  progrès  de  1  archéologie  et  de  1  hifloire.  1  idée  que  nous 
avons  d  elle  se  précife,  s  achève  sans  celle,  et  c  eft  le  plus  beau  réfultat  de 
ce  long  effort  des  siècles  que  de  nous  permettre,  sinon  de  la  refpecter 
davantage,  du  moins  de  la  connaître  d  une  manière  plus  concrète  et  plus 
fidèle. 

Rien  donc  ne  sera  plus  attachant  que  de  demander  à  ce  témoin  de 
nous  livrer  un  peu  de  la  vie  qu'il  exprime. 


Pig    ^J.  —  La  colline  Saint-Urfm  en  1724 


L  entrée  solennelle  de  1  cvèque  était  autrefois,  dans  1  exiftence  de  Saint- 
Pierre,  un  événement  fort  confidérable. 

Le  prélat,  avant  de  traverfer  sa  ville  épifcopale.  devait  s  arrêter  sous  les 
hautes  futaies  de  la  colline  Saint-UHin,  sur  la  route  d  Evreux.  à  une 
faible  diftance  de  la  porte  de  Paris.  Par  un  jour  lumineux  de  mai.  quand 
le  soleil  déclinait  sur  les  pommiers  couverts  de  fleurs.  1  aui^ullc  voya- 
geur ne  pouvait  manquer  d  être  agréablement  impreflionné.  Le  châte- 
lain de  Saint-Denis  de  Mailloc.  dont  le  rôle  eft  dassiftcr  1  évoque  à  sa  des- 
cente de  haqucnée.  saifit  la  bride,  tient  létrier  et  auffitot  enfourche  la 
monture  qui.  déformais,  lui  appartient  de  plein  droit. 

Une  tranlaction  palTée  le  )  janvier  i  |7()  reconnaît  le  privilège  du 
tenancier  du   fief  de  Saint-Denis,    mais   l'oblige   à    faire  1  office  de    maitre 


PL  S5 


LA    FAÇ.\DE    OCCIDENTALE  DE  LA  CATHÉDRALE    SAINT-PIERRE 


L'ABSIDE    DE   LA  CATHÉDRALE  (Dessins  du  docteur  de  Sapincoun). 


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HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


169 


d'hôtel  au  diner  d'apparat  donné  par  le  nouvel  évêque,  lors  de  sa  prife  de 
pofTeffion  '. 

Au  xvn"  siècle,  les  routes  devenant  spacieufes,  les  évêques  de  Lifieux 
préfèrent  arriver  en  carrofTe.  En  fin  Normand,  le  châtelain  de  Saint-Denis 
de  Mailloc  se  demande  s'il  ne  pourrait  pas  revendiquer  non  plus  seulement 
les  chevaux,  mais  la  voiture  elle-même.  Il  y  eut  à  ce  sujet  d'ardentes 
discuffions  et  d'interminables 
procès.  Après  1O13,  lévéque 
pafle  la  soirée  et  la  nuit  au 
couvent  des  Capucins  ;  c  eft 
là  qu'il  reçoit  les  dignitaires 
du  chapitre  et  arrête  avec  eux 
les  moindres  détails  de  la  cé- 
rémonie d'inftallation.  Avant 
de  regagner  la  ville,  ces  mef- 
fieurs  du  chapitre  réclament 
les  trois  chapes  de  drap  d  or, 
la  chafuble  et  les  deux  dalma- 
tiques  que  le  prélat  efl  tenu 
d  offrir  à  sa  cathédrale  comme 
don  de  joyeux  avènement. 

Ce  fut  le  29  juillet  1O77 
que  Léonor  II  de  Matignon 
prit  officiellement  poffeffion 
de  son  évêché.  En  principe, 
il  devait  s'acheminer    nu-pieds 

vers  la  cathédrale,  en  marchant  sur  des  planches  recouvertes  d'étoffes. 
Pareille  cérémonie  n'avait  rien  de  réjouiffant,  auffi  l'évèque  s'en  fit  dif- 
penfer  par  le  chapitre,  et  le  27  juillet  se  rendit  directement  à  son  palais. 
La  milice  bourgeoife,  sous  les  ordres  du  capitaine-gouverneur  Céfar 
d'Oraifon,  avait  été  au-devant  de  Mgr  de  Matignon  jufqu'à  L'Hôtellerie. 
Le  29  juillet,  vers  neuf  heures   du  matin,   un  nombreux  clergé  se  préfenta 

I.   Archives  du  Calvados,  n°  93,  cote  73,  n°  98  à  102  ;  74,  5  sentences  de  1017,  10 18, 
1622,  1693,  ïti97' 


Fig.  34.  —  Léonor  II  de  Matignon. 


170  SAINT-PIERRE  DE  LISIECX 

dans  la  grande  salle  du  palais  épifcopal.  Une  foule  innombrable  se  prefTait 
aux  abords  de  la  cathédrale,  luxueufement  entourée  de  guirlandes  de  lierre, 
parée  d  éculTons  aux  armes  du  nouvel  élu.  Des  bourgeois  en  armes,  divifés 
en  quatre  compagnies,  faifaient  efcorte.  En  rochet.  1  évéque.  assifté  de  ses 
archidiacres,  suivit  la  procelfion.  Arrivé  au  bas  du  perron  de  Saint-Pierre, 
il  s  agenouilla  sur  un  superbe  pric-Dieu.  couvert  d  un  tapis  de  velours 
violet,  pour  réciter  sa  profeffion  de  foi. 

Après  une  première  proteftation  de  bienveillance  à  1  égard  du  chapitre, 
le  prélat,  rcvctu  de  sa  chape,  mitre  en  tète,  croiTe  en  main,  gravit  les 
degrés  du  perron  de  pierre  blanche  et  s  arrête  une  seconde  fois  avant  de 
pénétrer  dans  1  églife  tendue  de  tapilTenes.  Le  haut  doyen.  M.  Nicolas 
Taignicr-de-la-Bretefche.  docteur  en  théologie  de  la  Faculté  de  Pans, 
s  avance  vers  Mgr  de  Matignon,  déroule  avec  gravité  un  parchemin  allongé, 
sur  lequel  figure  une  formule  de  serment,   dont   voici   Tcxactc  traduction   : 

"  Moi,  Léonor  de  M.itignon.  évèaiic  et  comte  de  Lificiix.  je  jure  par 
les  Saints  Eyjngiles  de  Dieu,  (jiie  je  touche  corporellement  de  h  num,  de 
refpecter  mVioldblement  les  droits  et  immunités  de  l  Eglife  lexovienne,  les 
statuts  du  diocèfe  concernant  dignitaires  et  prébendes,  comme  ^nff  les  privi- 
lèges et  traditions  en  ufage  dans  ladite  Eglife.    „ 

La  lecture  à  haute  voix  du  serment  précédent  une  fois  achevée,  la  porte 
principale  de  la  cathédrale  s  ouvre  toute  grande.  Le  doven  du  chapitre 
introduit  le  prélat  dans  le  chœur,  lui  fait  renouveler  une  fois  encore  sa 
protellation  de  bienveillance  à  1  égard  du  corps  canonial,  et.  après  diverfes 
prières  et  cérémonies.  1  inflalle  dans  la  chaire  épifcopale,  pendant  que  la 
grande  voix  des  orgues  exhale  sur  la  foule  agenouillée  le  Te  Deum.  hymne 
de  louange  et  de  reconnailTance. 

Le  maitre  de  chapelle  prend  ses  suprêmes  difpolitions.  inlpccte 
1  orchelVe.  encourage  du  gefte  et  de  la  voix  les  soliftcs  pour  alluier  une 
exécution  impeccable  de  la  melTe  célébrée  par  M.  GolTct.  chanoine  pré- 
bende... Soudain,  un  silence  imprcflionnant  s'établit  dans  la  cathédrale, 
la  première  bénédiction  solennelle  de  1  évèque  descend  sur  la  foule  qui 
s  incline  refpcctueufemcnt...  Les  cloches  de  la  ville  entière  se  mettent  à 
chanter  dans  leurs  guérites  aériennes  ;  les  canons  cmplillent  1  atmolphèie  de 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


171 


leur  grondement  contus.  pendant  que  l'orgue  module  de  brillantes  phrafes 
muficales  sur  1  affistance  qui.  lentement,  se  prelTe  vers  les  portes  pour 
accompagner  1  évèque  jufque  dans  le  palais  en  partie  édifié  par  Léonor  I" 
de  Matio:non. 

Admirable  lignée  que  celle 
des  évèques  de  Lifieux,  allant  de 
Thibaud  (^338-349)  à  Mgr  de  la 
Ferronavs.  mort  en  exil  en  1799, 
tandis  que  la  cathédrale  était  la 
proie  du  sacrilège.  Hommes  de 
prière  ou  hommes  d  action,  âmes 
d  artiftes  et  de  théologiens,  grands 
bàtiileurs.  lettrés  délicats,  ils  eurent 
la  confolation  de  trouver  dans  leur 
peuple  de  profondes  et  généreufes 
sympathies.  Soucieux  d  éviter  les 
complications  et  les  conflits,  ils 
cherchaient  dans  1  admmiflration 
du  diocèfe  le  moyen  de  refl;er  en 
bons  termes  avec  tout  le  monde, 
et  le  plus  curieux  c  eft  qu  ils  y 
parvinrent  difficilement. 

Nobles  et  riches  pour  la  plupart,  les  prélats  remplirent  souvent  d'im- 
portantes fonctions  auprès  de  la  cour  royale.  Auffi.  à  partir  du  xvi'  siècle. 
Pans  et  plus  tard  Verfailles  les  virent  fréquemment.  Les  abfents  ont  tou- 
jours tort. 

L'occafion  se  préfentant.  le  collège  des  chanoines  ne  manquait  pas 
d  attirer  doucement  à  lui  certaines  attributions  épifcopales.  Une  à  une, 
les  prérogatives  de  l'évèque  s  égrenaient '.  Il  finit  par  n'être  plus  maitre 
dans  sa  cathédrale.  Les  fêtes  où  il  devait  célébrer  1  office  pontifical  étaient 
nettement  déterminées,  et   le    chapitre    ne   lui    eût  point    permis  d'outrepas- 

1.  MémoriaL  édition  Société  Hiflorique.  pp.  3-4-5.  — Injïnujtions ,  édition  PicL  xi.  20v»; 
xxxix,   ib2.  —  Mémoires  de  b  Soc.  des  t^întiq.  de  Normandie,  Paris,  183S,  pp.  25-20-27. 

2.  H.   de  Formeville,  Notice  sur  les  Chanoines  de  Lifieux,   Paris.   iSob,  in- S'  de  24  pages. 


Fig.  ^^.  —  Léonor  I*"  de  Matignon, 


172 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


r—y 


Wypvi' 


ser  ses  droits.  Pour   ordonner  ses  prêtres  à   Saint-Pierre,  l'évèque  devait  en 
référer  au   corps    canonial   pour    obtenir    l'autorifation.    Elle    était  accordée. 

mais  de  fort  inauvaifc  grâce. 

Dans  certaines  circonftances.  le 
chapitre  se  montrait  parfois  plus 
aimable,  c  était  surtout  lorsqu  il  avait 
affaire  à  un  prélat  influent  à  la  cour, 
qui  pouvait  1  aider  pécuniairement, 
ou  le  tirer  d'embarras  dans  certaines 
queftions  épineufes. 

A  peine  Mgr  de  Brancas  eft-il 
nommé  évcque  de  Lilieux.  que  le 
chapitre  s  emprelTe  de  lui  offrir  des 
lettres  de  vicaire  capitulaire.  parce 
qu  il  était  d  une  famille  puilTante  et 
pourrait  lui  rendre  de  nombreux 
services  '. 

Ces  diverfes  critiques  de  détails 
ne  nous  empêcheront  pas  de  recon- 
naître que  le  chapitre  de  Lilieux 
compta  parmi  ses  membres  de  re- 
marquables perfonnalités. 

Les  dehors  des  hommes  paHcnt. 
les  œuvres  reftent.  le  chapitre  en  a 
accompli  de  grandes.  Il  était  très  attaché  à  ses  devoirs,  savait  sadapter  aux 
circonftances.  Le  pape  hinocent  111  rend  hommage  à  sa  diflinction  : 
'^  Sdcriim  collcgiiini  c.wonicoruni  Lcxovicnfuni  imprimis  spcctdbilc.  //  Et  le 
Parlement  de  Rouen,  en  i<>  j  j  et  ijNN,  fait  léloge  de  sa  sa^cfTe.  de  ses 
lumières  et  de  sa  conduite  noble  entre  toutes. 

A  1  occalion  de  la  Saint-Urfin.  le  pouvoir  féodal  de  l'évcquc  pailait 
pour  deux  jours  entre  les  mains  des  chanoines.  Deux  d  entre  eux.  élus 
par  leurs  confrères,  exerçaient,  en  vertu  d'un  ulage  antique,  les  divers  droits 
seigneuriaux  réfcrvés  à  1  évcquc-comtc. 

I.    Rcqiftrcs,  Dclibèrjtton  du  Chapitre,  ■;  i  oct.   171.». 


Fig.   y>  Saint  Urfin,  patron  de  Lifieux 


PL  37 


LA  CAVALCADE  SAINT-URSIN  i Gouache  de  Léon   Leclerc, 


LES   FUNÉRAILLES   DU   MARÉCHAL    DE    FERVAQLîES  (Gouache  de  Léon  Lcdcrc). 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  173 

Le  10  juin,  toutes  les  cloches  annonçaient  la  fête.  A  2  heures  et 
demie  les  deux  chanoines-comtes  quittaient  leurs  manoirs  et  se  rendaient 
à  Saint-Pierre  au  milieu  des  acclamations  du  peuple.  A  la  fin  des  vêpres, 
un  impofant  cortège  s'organifait  sous  la  haute  direction  du  maître  des 
cérémonies.  Deux  superbes  chevaux  blancs  magnifiquement  harnachés 
attendaient  avec  quelque  impatience  à  côté  du  parvis. 

Vêtus  de  leurs  cappas  rouges,  les  deux  comtes  pafTaient  sous  le  grand 
portail,  où  leurs  armoiries  étaient  accrochées,  defcendaient  les  degrés  du 
perron,  mettaient  le  pied  à  l'étrier  et,  avec  une  appréhenfion  aflez  vive, 
enfourchaient  leurs  montures....  A  cet  inftant  le  cortège  se  mettait  en 
marche. 

En  avant  les  tambours  et  trompettes,  puis  vingt-cinq  hommes  bardés 
de  fer  et  armés  de  pied  en  cap.  Derrière  les  hommes  de  fer  venaient  les 
appariteurs  du  chapitre,  tenant  d'une  main  leur  bâton  d'argent  et  de 
l'autre  un  bouquet  aux  chatoyantes  couleurs.  Deux  chapelains  en  surplis, 
avec  des  fleurs  et  des  feuillages  en  bandoulière,  s'avançaient  à  pas  comptés, 
puis  les  deux  comtes,  les  officiers  de  haute  juftice  et  enfin  le  peuple,  se 
boufculant  un  peu,  pour  mieux  voir,  dans  un  brouhaha,  un  piétinement 
continu.  Un  peu  inquiets  par  le  pas  saccadé  de  leurs  montures,  embarradés 
par  leurs  gerbes  de  fleurs,  ces  deux  meffieurs  amufaient  fort  les  nombreux 
témoins  de  la  «  cavalcade  ». 

Le  cortège  gagnait  d'abord  la  porte  de  Pans,  ornée  de  fleurs  et 
d'écufTons.  Clefs  en  main,  les  gardiens  attendaient  la  venue  des  comtes. 
Les  murailles  voifines  difparaifl^ent  sous  la  richefl^e  des  courtepointes  ;  les 
habitants  du  quartier  ont  tendu  aux  balcons  des  draperies  écarlates  et, 
dune  porte  à  l'autre,  jeté  des  guirlandes  enrubannées  de  soie  rouge  et 
mauve. 

Dans  la  rue  c  efl:  une  ondulation  immenfe,  comme  du  vent  sur  les 
blés.  Au  moment  où  les  comtes  s'approchent,  deux  échevins  prennent  les 
clefs  de  la  porte  de  Paris  et  les  préfentent  sur  un  couffin  de  velours  cra- 
moifi.  Les  chanoines  font  la  révérence,  reçoivent  les  clefs,  d'un  mot 
aimable  remercient  les  notables  et,  comme  signe  de  leur  autorité  féodale, 
laifTent  à  la  porte  une  garde  prife  parmi  leurs  hommes  de  fer. 

Les    roulements    de    tambours,    les    joyeufes    fanfares    des    trompettes 


174 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


se  dirigeant  succeffive- 


reprennent  à  l'envi,  le  cortège  continue  sa  marche 

ment  vers  les  portes  d'Orbec.   de  la  chaufTée  et  de  Caen. 

Après  la  prise  de  poiTeffion  des  quatre  portes  de  la  cité,  les  deux  sei- 
gneurs se  rendaient  au  faubourg  Saint-Défir  jufqu  à  un  arbre  célèbre, 
appelé    vulgairement    l'Épine-du-Chapitre.    Plantée    au    milieu    de     la    rue. 

cette   épine   marquait  les  limites  du   fief  épifcopal   et    le 

commencement    du   territoire,    où    1  abbefTe    de    Notre- 

Dame-du-Pré   pouvait   exercer   sa   juridiction  temporelle. 

A   la  Saint-Urfin.  les  deux   comtes   devaient  contourner 

cette    borne    de    verdure,     pendant    que    les 

cloches    de    1  abbaye     remplilTaient    1  air    de 

leurs  doux  tintements. 

La    cavalcade    n  avait    plus    qu  à    rentrer 
dans    la   ville 


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plus  qu 
par  la  porte  de  Cacn  et  à 
s  arrêter  rue  du  Bouteiller.  en  ficc  le  col- 
lège. Les  profelTeurs  préientent  leurs  élèves. 
Les  illuftres  vifiteurs  donnent  congé.  En 
ofuife  de  remerciements,  les  écoliers  s  écrient 
joyeufement  :  ^^  f^ivunt  Comités .'  Vivent  les 
chanoines-comtes  !  //  Et  si.  d  aventure,  le 
congé  parailTait  insunisant.  alors  les  collé- 
giens ne  se  gênaient  pas  pour 
crier  d  une  voix  retentiflante  : 
'/  Moruntur  Comités!  A  mort 
les    chanoines-comtes  !    »    Cet 


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Pig    57.         Arrivée  de  la  uvAlcade  Saint  Unin  à  la  pone  de  Pari» 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  175 

âge  est  sans  pitié î...  Mais  l'heure  s'avançait,  les  deux  élus  du  chapitre  se 
rendaient  •'''  à  la  cohue  //,  c'eft-à-dire  au  prétoire  épifcopal  pour  la  recon- 
naifîance  de  leurs  droits  seigneuriaux,  puis  c  était   le  retour  à  la  cathédrale. 

Eft-il  befoin  d'ajouter  que  cette  cavalcade  faifait  la  joie  des  Lexo viens 
de  jadis.  Du  haut  de  leurs  lucarnes  aux  pignons  pointus,  portant  le  haut 
bonnet  normand  bien  joliment  orné  de  dentelle,  un  mantelet  coquettement 
pofé  sur  leurs  épaules,  les  Lexoviennes  d'aman  regardaient  curieufement 
l'interminable  défilé  de  la  Saint-Urfin.  Et  l'on  imagine  qu'elles  aimaient  à 
détailler  entre  elles  tout  le  décor  extérieur  de  la  fête,  les  nuances  des 
aumusses,  les  moindres  phs  des  cappas. 

Pendant  que  les  aïeules  aux  mains  tremblantes  égrènent  un  lourd  cha- 
pelet, accoudées  sur  le  rebord  des  fenêtres  à  meneaux,  les  jeunes  dames 
soulignent  d'un  sourire  l'allure  trop  peu  martiale  d'un  chanoine  tout 
courbé  par  làge.  ou  prennent  plaifir  à  contempler  les  afpects  toujours 
amufants  et  imprévus  des  coiffes  blanches  aux  ailes  de  dentelle  '. 

Quelques  jours  plus  tard,  c'était  la  Saint-Pierre.  La  veille,  à  Tiffue 
des  vêpres,  l'évèque  et  les  chanoines  defcendaient  la  grande  nef  de  la  cathé- 
drale. Les  uns  et  les  autres  se  rangeaient  en  cercle  près  d'un  bûcher  géant 
préparé  tantôt  sur  le  parvis,  tantôt  au  bas  des  degrés  du  perron.  L'évèque, 
ou  à  son  défaut  le  doyen  du  chapitre,  mettait  le  feu  aux  bûches  de  hêtre. 
Et  la  foule  d  applaudir  avec  enthoufiasme,  les  tambours  et  les  clairons  de 
ville  de  sonner  aux  champs,  cependant  que  d'allègres  carillons  annonçaient 
aux  paroiffes  environnantes  la  réuffite  du  feu  de  joie. 

A  la  nuit  clofe,  quand  se  faifaient  entendre  les  derniers  crépitements 
des  flammes,  le  spectacle  était  vraiment  féerique.  La  cathédrale  s'éclairait  si 
joliment  !  Par  instants,  les  grandes  lignes  de  la  façade  se  deffinaient  avec 
précifion.  Parfois  les  clartés  difcrètes  de  la  lune  venaient  à  leur  tour  se 
jouer  au  travers  des  flèches  ajourées  et  careffer  les  courbes  des  arcs-boutants, 

I.  L.  Echard,  Dictionnaire  géographique ,  traduit  de  l'anglais  par  M.  Vosgien,  chanoine  de 
Vaucouleurs,  édition  de  1740,  p.  319.  —  L.  Dubois  et  de  Formeville,  Hifloire  de  Lifieitx, 
Mémoire  des  paix  des  Comtes  en  1667.  —  Bibliothèque  Loir.  —  La  journée  d'un  Lexovien 
en  1787.  Lifieux,  E.  Lerebour,  1888,  in-8''  de  29  pages.  —  Almanach  de  Lifieux  de  1777, 
pp.  43-44,  chez  Miftral,  imprimeur  de  Mgr  TEvèque.  —  Les  Chanoines-comtes,  La  Saint- 
Urfin  dans  Bulletin  de  la  Société  Hijlorique  de  Lifieux,  n"  i  3 ,  année  1903. 


lyb 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


les  pieds-droits  des  portails.  Éblouies  par  le  feu  de  joie,  les  chouettes 
qui  habitent  les  charpentes  des  clochers  sortent  de  leurs  cachettes,  tour- 
noient autour  des  murs  alTombris  de  la  haute  abfide.  s'accrochent  le  long 
des  contreforts  ou  des  corniches  extérieures...  Puis,  infenfiblement.  les 
flammes  difparaiflent.  recommencent  un  inftant  leur  courfe  légère,  atteignent 
les  dernières   brindilles  de   bois  sous  leur  morfure   et  le   bûcher  s  évanouit. 

L  ombre  reprend  son  domaine,  len- 
tement  la  lune  defcend  à  1  horizon 
et  se  perd  derrière  les  collines  boifées. 
Depuis  longtemps  déjà,  les  gar- 
diens de  la  cité  ont  fermé  les  portes. 
Comme  un  eflaim  blotti  dans  sa 
ruche,  la  petite  ville  repofc  en  paix. 
Nul  bruit,  nul  ccho.  nul  pas.  Au 
sein  de  la  nuit,  la  grande  calife  soli- 
taire  n  eft  plus  surveillée  que  par  le 
ijucttcur  de  ville  aide  d  un  fidèle 
chien  de  iiarde.  dont  les  services 
parurent  indiipcnfablcs  à  dater  de 
1  yw.. 

L  humble  peuple  qui.  naguère, 
s  émerveillait  aux  '^  Myftères  //.  aimait 
panionnémcnt  les  fêtes  dont  nous 
venons  d  évoquer  le  souvenir.  Elles 
1  arrachaient    à   sa    vie  bcfojineufc   et 


Kg    ^« 


Piiuclet  flcuronnéi  de  l'abnde. 


monotone. 

A  Lifieux.  de  toutes  les  solennités.  Noël  a  toujours  été  la  plus  popu- 
laire, la  plus  attirante  et  la  plus  suivie.  Fiers  habitants  des  manoirs  sculptés, 
soldats  chercheurs  d  aventures  exceptionnelles,  vaillants  chefs  de  la  milice 
bourgcoife.  nobles  dames  aux  manteaux  longs  coupés  de  bandes  d  hermine, 
écoliers  cfpiègles  et  remuants,  en  ces  Noels  de  jadis  combien  s  ai;cnouil- 
lèrent  sur  les  dalles  de  la  nef  de  Saint-Pierre.  à  1  ombre  de  ses  larges 
piliers,  pour  implorer  la  bénédiction  du  divin  Rédempteur! 

A  1  office  de  nuit,  après  le  chant  de  la  généalogie,   trois  vicaires  de  la 


PL   s  S 


LA  NOËL  AU   XVIir   SIECLE   (Gouache  de   Léon  Leclerc) 


LA  FÊTE  DE   LA   DÉESSE   R..\ISON  (Gouache  de  Léon  Leclerc). 


HISTOIHE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  177 

cathédrale  revêtus  de  chapes  blanches,  précédés  d'un  cortège  d'enfants, 
défilaient  le  long  du  chœur...  Privilège  infigne.  car.  en  d'autres  temps,  un 
vicaire  qui  eût  traverfé  cette  partie  de  la  cathédrale  pendant  l'office  capitu- 
laire  eût  payé  fort  cher  sa  témérité... 

Debout  à  gauche  de  l'autel,  l'un  des  chanoines  attendait  les  trois  vifi- 
teurs.  leur  demandait  avec  solennité  le  but  de  leur  démarche,  'r  Nous 
venons  adorer  notre  Sauveur  »,  répondaient  les  k  pafteurs  //.  Avec  la 
pointe  de  leurs  bâtons  à  poignées  d'argent,  les  appariteurs  décrochaient  le 
voile  de  laine  qui  diffimulait  une  crèche,  où  la  Vierge,  à  genoux,  adorait 
son  Fils  en  joignant  les  mains.  Trois  fois  de  suite,  les  vicaires  balançaient 
l'encenfoir  tout  parfumé  d'encens  devant  cette  repréfentation  symbolique 
de  la  Nativité  de  Jéfus.  L'encenfement  terminé,  les  ^<  bergers  »  s'inclinaient 
refpectueufement  et  defcendaient  le  chœur  en  chantant  l'alleluia,  suivi  des 
grandiofes  accents  du  Te  Detim\ 

Arrivés  près  de  l'aigle,  les  vicaires  entonnaient  l'Introït  de  la  méfie,  en 
français,  et  déambulaient  dans  le  chœur  au  moment  du  Kyrie  et  du  Gloria. 
Ils  étaient  seuls  à  baifer  le  texte  après  l'Evangile  et  à  se  préfenter  à 
l'ofi-rande.  Alors  leur  rôle  avait  pris  fin.  il  ne  leur  refi:ait  plus  qu'à  rega- 
gner le  vefiiiaire  pour  y  dépofer  les  chapes  aux  agrafes  d  orfèvrerie. 

Le  jour  de  la  Pentecôte,  du  haut  des  galeries  de  la  tour-lanterne,  le 
sonneur  laiiTait  tomber  sur  la  foule  compacte  une  pluie  de  flammes  et  de 
fleurs  d'oubhes.  Bien  plus,  un  pigeon  blanc  aux  pattes  enguirlandées  de 
rubans  rouges  s'échappait  soudain,  à  la  grande  joie  des  enfants  de  chœur 
qui.  sur  leurs  sièges  efpacés.  épiaient  sa  sortie,  le  regardant  avec  satisfaction 
voleter  au  ras  des  hautes  voûtes  ou  dans  1  intervalle  des  piliers  '. 

Ainfi,  par  des  symboles  un  peu  naïfs,  étaient  repréfentées  d  une  manière 
très  vivante  et  la  defcente  de  l'Efpnt  Saint  dans  les  âmes  des  Apôtres  et 
les  lumières  qu'il  leur  apporta.  Libre  aux  intellectuels  de  sourire  de  ces 
cérémonies  archaïques,  elles  faifaient  plaifir  aux  ancêtres  ;  c'était  un  moment 
de  détente  dans  leur  vie  rude  et  difficile,  un  baume  verfé  sur  les  plaies 
vives,  un  coin  du  ciel  entrevu  par  ceux  auxquels  la  terre  n  off'rait  que 
d'insuffifantes  confolations. 

1.  Cèrémonidl  LexoVien,  MDCCXLVII,  pp.   177-180.  —  Obituaire,  1782,  p.   105. 

2.  Ducange,  Ferbo  nebula,  2. 

«3 


178  SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 

Pour  1  hiftorien.  il  y  a  dans  de  telles  scènes  un  souvenir  des  ''  Mys- 
tères //.  Au  théâtre,  par  exemple  dans  le  myftère  de  Jean  Michel,  sur  la 
Réfurrection,  pour  fi^rer  la  Defcente  du  Saint-Efpnt.  les  acteurs  devaient 
laiffer  choir  sur  les  spectateurs  un  *r  grand  brandon  de  feu  artificiellement 
fait  par  eau-de-vie  //.  L'interrogatoire  des  bergers  se  retrouve  dans  plufieurs 
Mvftcres.  Contempler  Jéfus  en  personne,  le  voir  s  éveiller  à  la  vie.  recevoir 
les  adorations  des  humbles  et  des  riches,  le  regarder  monter  au  calvaire  et 
s  étendre  sur  la  Croix  doulourcufe.  c  était  pour  la  foule  une  joie  incompa- 
rable. Le  clergé  le  savait  bien,  auffi  ne  dédaigna-t-il  pas  de  perpétuer  dans 
la  liturgie  certaines  scènes  plus  nobles  ou  plus  touchantes.  Mais  à  force  de 
vouloir  devenir  émouvant,  à  force  de  repréfenter  les  scènes  de  deuil  ou 
d'angoifTe.  le  théâtre  religieux  tomba  dans  un  réalifme  choquant. 

Le  17  novembre  i")  jN.  le  Parlement  de  Pans  enjoint  aux  confréries 
de  ne  plus  repréfenter  "  le  myftère  de  la  Paffion  Notrc-Sauveur.  ni  autres 
myflères  sacrés  //.  Cependant,  dans  les  diocèfes  normands,  plu! leurs  troupes 
continuèrent  à  monter  divcrfes  pièces  de  théâtre  religieux.  En  août  1^72. 
1  échevinage  lexovien  défendit  exprefTément  de  jouer  ''  le  myllère  de  Madame 
sainte  Barbe.   // 

L  heureux  âge  de  ces  repréfentations  pittorefques,  succeffivcment  enrichies 
de  mille  détails  pathétiques,  était  maintenant  palTé.  Les  calviniftes  travaillèrent 
avec  perfévérancc  à  diffipcr  cette  poéfic Si  les  protcflants  n  avaient  pro- 
noncé des  paroles  menaçantes  que  sur  les  légendes  dramatiques  et  les  tradi- 
tions apocryphes  du  moyen  âge.  il  serait  aifé  d  être  indulgent  à  leur  égard. 
M.iis  leur  audace  devait  être  beaucoup  plus  grande. 

Avec  la  Réforme,  c  efl  wow  seulement  un  lambeau  de  notre  patrimoine 
légendaire  tjui  s  en  va,  ce  sont  les  richelTes  artiftiques  de  la  France  qui  suc- 
combent. L  effort  des  générations  antérieures,  le  travail  heureux  des  artiflcs 
chrétiens  sont  reniés  par  les  calviniftcs. 

Dès  le  mois  de  mars  1  y)2,  à  Lilieux,  tout  est  en  alarme.  La  rumeur 
publique  répète  de  toutes  parts  que  dans  les  villes  où  les  dillidents  pénètrent, 
leur  colère  se  tourne  auflitot  contre  les  éclifes.  Une  émotion  bien  facile  à 
comprendre  s  empare  du  collège  des  chanoines.  En  toute  hatc.  à  1  exemple 
du  chapitre  de  Rouen,  le  chapitre  de  Lilieux  prend  divcrfes  précautions. 
Dix  ou  douze  gardes  devront  empêcher  les  protei^ants  d  interrompre  le  ser- 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHÉDRALE  179 

vice  divin  et  de  saccager  les  richefTes  artiftiques  de  la  cathédrale'.  Une  ample 
provifion  de  pierres  efl;  faite  «  aux  voultes  pour  ruer  contre  les  Hugenotz  ». 
les  portes  de  la  cathédrale  et  de  la  salle  capitulaire  sont  confolidées  à  l'aide 
de  solides  barres  de  bois.  La  grande  fierté  aux  reliques  une  fois  enterrée 
dans  la  salle  des  délibérations  du  chapitre,  le  tréforier  va  porter  les  objets 
les  plus  précieux  dans  une  fofTe  creufée  '<  à  cofté  l'eftable  de  la  fabrique  », 
c'eft-à-dire  au  pied  de  la  tour  Nord. 

Le  2C)  avril,  toutes  mefures  de  précautions  étant  prifes,  les  partifans  de 
la  religion  nouvelle  pouvaient  paraître,  une  terrible  réception  leur  serait 
ménagée  !  Les  défenfeurs  du  chapitre  se  difent  prêts  à  toute  éventualité  ;  pour 
plus  de  sûreté,  une  clef  leur  ouvrira  la  porte  de  la  tour  Saint-Martin.  En 
un  clin-d'œil,  la  garde  de  la  cathédrale  pourra  ainfi  gagner  les  combles  et, 
avec  un  entrain  furieux  cribler  de  coups  les  démolifTeurs  des  églifes. 

Ce  fut  souvent  la  deftinée  de  la  maifon  de  paix  de  devenir  le  centre 
des  tourbillons  de  bataille.  La  première  rencontre  ne  fut  guère  favorable 
aux  catholiques.  C'eft  le  3  mai,  avant -veille  de  l'Afcenfion .  le  bailli  et 
vicomte  d'Evreux.  dont  dépendait  la  ville  de  Lifieux,  pénètre  dans  Saint- 
Pierre  entouré  de  quelques  dizaines  de  gentilshommes  dévoués  à  la  caufe 
protestante.  L  office  canonial  était  commencé.  Force  fut  au  chapitre  de  l'in- 
terrompre brufquement  pour  écouter  les  récriminations  du  bailli  Louis 
d  Orbec.  Les  chanoines  devront  difperfer  immédiatement  la  garde  de  la  cathé- 
drale, lui  remettre  armes  et  munitions,  ou  sinon  c  eft;  la  mort.  Les  dignitaires 
du  chapitre  eiTaient  vainement  de  parlementer.  Armés  de  pifl:olets.  de  dagues 
et  d'épées,  les  compagnons  du  bailli  s'impatientent  et  infultent  copieufement 
les  gardes  levés  par  le  chapitre.  Ceux-ci,  pris  de  peur,  s'enfuient  preflement. 
gagnent  les  combles,  oublient  leur  belle  audace  des  jours  précédents,  leurs 
tas  de  cailloux  amoncelés  dans  les  voûtes,  se  dérobent  à  leur  devoir  et  rentrent 
piteufement  chez,  eux  -'<  délaiflant  la  garde  qu'ils  avaient  promis  faire  en 
icelle  églife  ». 

Les  partifans  de  la  religion  nouvelle  savaient  déformais  à  quoi  s'en  tenir 
sur  la  force  de  réfifl:ance  des  gardiens  de  la  cathédrale:  mais  les  catholiques 
de  la  ville  n'allaient-ils  pas  engager  la  lutte  avec  plus  d'énergie  et  de  fermeté? 

I .  Voir  l'importante  bibliographie  donnée  par  M.  Sauvage  dans  Etudes  lexo\iennes .  I,  1015, 
in-8",  p.  ^1-74. 


i8o 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Quefliion  bien  embarrafTante. 
On  pouvait  craindre  une  ba- 
taille dans  les  rues  même  de 
la  cité. 

Le  soir  de  lAfcenfion.  le 
bailli  d  Evreux  se  rend  maitre 
des  portes;  de  la  sorte,  im- 
poffible  de  pénétrer  en  ville 
sans  son  ordre  ou  sa  per- 
mifTion. 

Le  N  mai.  trois  cents 
proteftants  d  Honfleur.  Pont- 
l'Evèque  et  des  environs 
d'Orbcc  viennent  se  mettre 
aux  ordres  de  Louis  d  Orbec. 
Le  lendemain,  entre  i)  et 
lo  heures  du  matin.  "  tous 
d  un  commun  accord,  armés  de 
diverfcs  sortes  d  armes,  comme 
piflolets.  hallebardes,  piques, 
marteaux  de  fer  et  autres  bâ- 
tons, comme  chiens  enragés 
entrèrent  par  force  et  violence 
en  ladite  églife  de  Saint-Pierre 
et  en  icelle  rompirent  les  images 
et  autels,  ravirent  calices,  re- 
licjues  et  autres  joyaux  d'or  et  d'argent:  brûlèrent  chappes.  ornements,  pare- 
ments, nappes  et  autres  linges'  /,. 

Non  contents  de  ces  méfaits,  la  ra^e  iconoclafte  des  calviniftes  s  acharne 
contre  les  chartes  et  titres  de  fondations.  Indignées  de  ce  pillai^c  sacrilège, 
plufieurs  vaillantes  Lexoviennes  s'approchent  du   brafier  ardent    où  se  con- 

i.  Extrait  des  articles  donnes  contre  ceux  qui  pillèrent  rcplifc  Saint-Pierre  de  Lilieux 
I  ^h2,  copie  donnée  i  la  Société  Hifîoriijuc  Je  Lifeux,  par  Le  Métayer  des  Planches  (  Arch.  n"  7  y) 
et  copie  appartenant  à  M.  le  D'  La  Ncellc. 


Fig.   V'  ^  cathédrale  vue  de  l'ancienne  gendarmerie 


PI.    59 


LA   PRIERE   DE   L'AÏEULE,  de  J.  Boutey. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  i8i 

fument  toutes  les  richefles  de  la  cathédrale,  se  saififTent  de  nombreux  orne- 
ments et  s'apprêtent  à  les  emporter  dans  leurs  manoirs.  Ce  noble  gefle  ne 
déplait  pas  aux  reitres  surpris  de  tant  de  bravoure  et  d'énergie.  Les  crucifix 
brifés,  les  statues  jetées  à  bas,  les  autels  dépouillés  n'eft-ce  pas  un  réfultat 
suffifant?  Un  bourgeois  de  Lifieux  a  malheureufement  aperçu  la  scène; 
homme  violent,  groffier,  incapable  d'un  bon  mouveinent,  il  se  jette  sur  les 
pieufes  femmes,  leur  arrache  des  mains  le  précieux  fardeau  et,  avec  délice, 
précipite  dans  les  flammes  allumées  au  milieu  du  choeur  les  chafubles  bro- 
dées de  soie  et  d'or.  Certains  pavés,  aujourd'hui  difperfés  dans  le  chœur, 
gardent  encore  les  teintes  noires  de  la  flamme  et  de  la  fumée. 

Il  était  réfervé  à  la  cathédrale  de  subir  une  dévan:ation  plus  complète 
encore.  Les  arquebufiers  de  Guillaume  Paulmier  criblèrent  de  coups  le  cru- 
cifix et  les  statues  des  saints.  Les  ciboires,  les  calices,  les  vafes  d'or  enrichis 
de  pierreries  sont  emportés  pour  être  fondus,  mis  en  lingot  et  monnayés.  Le 
plomb  des  couvertures  servira  à  fabriquer  des  munitions.  Le  pavage  du 
chœur,  une  fois  défoncé,  les  chefs  protefl;ants  laiilent  fouiller  les  sépultures 
afin  de  mettre  les  morts  à  contribution.  Les  nouveaux  barbares,  ne  compre- 
nant pas  l'éloquence  des  tombes,  ouvrent  les  caveaux  et  retirent  les  cercueils 
de  plomb  pour  s'en  servir  contre  les  vivants.  Les  maufolées  élevés  à  la  mé- 
moire des  évêques  BloiTet  de  Carrouges  et  Leveneur  furent  martelés  par 
quelque  soudard  sans  aveu.  Le  vandalifme  huguenot  n'épargna  que  ce  qu'il 
ne  put  atteindre;  les  cloches  Notre-Dame  et  Saint -Jean,  les  hauts  doffiers 
et  les  miséricordes  des  stalles,  l'aigle,  les  lutrins,  les  retables  sculptés,  le  jubé, 
la  porte  occidentale  du  chœur,  la  clôture  du  sanctuaire  et  quantité  d'autres 
objets  cultuels  subirent  de  cruelles  mutilations. 

A  l'extérieur  de  la  cathédrale,  les  portes  de  la  façade  principale  volèrent 
en  éclats  sous  les  coups  répétés  des  marteaux  de  fer,  l'imagerie  du  portail, 
quoique  abimée,  ne  difparut  pas  complètement  dans  la  tourmente.  En  effet, 
un  écrivain  du  dix-huitième  siècle,  le  bénédictin  normand  dom  Taffin,  la 
signale  encore  à  l'attention  de  ses  confrères  parifiens. 

Il  faut  être  juflie  et  ne  pas  attribuer  à  une  seule  époque  les  actes  de 
vandalifme  que  nous  confl:atons  aujourd  hui.  Les  agreiTeurs  de  1362  gar- 
dèrent les  clefs  de  la  cathédrale  jufqu'au  1 0  mai.  A  cette  date,  le  gouver- 
neur   de    Normandie,    Henry-Robert    de    Lamarck,    duc    de    Bouillon,    fit 


l82 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


remettre   entre  les  mains  des  chanoines  les  clefs    de   la  grande  porte   occi- 
dentale. 

Les  "  séditieux  et  mal  sentans  de  la  foi  ,,  n'en  continuèrent  pas  moins 
leurs  dépradations.  Ils  s'entendaient  admirablement  à  vider  les  caves  des 
chanoines.  Loin  de  dcfavouer  de  tels  excès.  Guillaume  de  Hautemer.  sei- 
gneur de  FervaQucs.  les  encourageait  vifiblement.  Apre  au  gain,  ambitieux. 
l3atailleur.  perpétuellement  en  cjucte  de  profitables  aventures,  politique  avifé. 
capitaine  roval  de  Lifieux  par  intérim  ou  par  rufe.  Fervaques  mit  réfo- 
lumcnt  son  autorité  et  son  crédit  au  service  des  partifans  de  la  religion 
nouvelle.  Dès  lors  la  guerre  rcligieufc  tourne  au  brigandage  ;  FerNaques 
s'inftallc  confortablement  dans  la  maifon  de  I  officiai,  supprime  la  pompe 
des  cérémonies  catholiques,  fait  main  balTc  sur  la  fierté,  sur  les  tréfors  du 
chapitre  et  un  superbe  évangéliairc.  1  une  des  plus  riches  pièces  du  patrimoine 

artifliquc  de  la  cathé- 
drale. La  doctrine  des 
réformés  pouvait  être 
auRèrc.  à  Lilieux  leur  vie 
était    joveufe  ;    de    longs 


dme 


rs.     avec    des    menus 

somptueux,     aidaient     la 

pcriévérancc      des      nou- 
I 


Pig    fin     -  Lu  pilei  de  la  nef.     -  DefTin  de  Mlle  Ciron. 


veaux  convertis  :  Fer\'a- 
ques.  qui  aimait  les 
manifeftations  bmvantes. 
avait  parfois  d  atroces  plai- 
fantenes  soit  contre  les 
dévots  de  saint  Urlin. 
soit  contre  les  ecclélial- 
nqucs.  Certains  érudits 
ont  prétendu    qu  il   entra 


\  cheval  dans  la  cathé- 
drale Saint-Pierrc  et  convertit  en  ccune  la  chapelle  de  la  Vierge.  Nous 
avons  vainement  cherché  dans  les  documents  contemporains  un  écho  de 
CCS  douloureux  sacnlèties. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


183 


Les  chanoines  avaient  demandé  du  secours  à  Claude  de  Lorraine,  duc 
d'Aumale.  Fervaques  quitta  la  ville  de  Lifieux  au  début  de  juillet  et  le  18, 
sans  coup  férir,  les  troupes  royales  y  pénétrèrent  et  orgamfèrent  la  défenfe 
de  la  place  en  prévifion  d'un  retour  offenfif  des  bandes  iconoclaftes. 

Les  paifibles  habitants  de  Lifieux  étaient  au  comble  de  la  joie,  ils  four- 
nirent de  l'argent,  des  munitions  pour  le  plus  grand  profit  de  la  religion 
romaine. 

Le  Parlement  de  Rouen  prépara 
de  sérieufes  repréfailles.  La  juflice  ne 
devait  pas  atteindre  les  fortes  têtes  du 
parti.  Les  meneurs  se  dérobèrent  en 
temps  opportun,  laiflant  condamner 
une  vingtaine  de  leurs  compagnons 
de  vandahfme. 

Louis  d  Orbec  demeura  bailli 
d  Evreux.  et  Fervaques.  comblé  d  hon- 
neurs et  de  dignités,  ne  connut  jamais 
la  mauvaife  fortune.  On  a  dit  du 
diable  qu'en  devenant  vieux  il  se  fit 
ermite.  Le  maréchal  de  Fervaques.  sur 
le  déclin  de  1  âge,  s'il  ne  devint  pas 
ermite,  ni  moine,  aida  les  Jéfuites  à 
s'inftaller  à  Caen  et.  avec  1  aflenti- 
ment  de  1  évèque  Rouxel  de  Médavy, 
créa  à  Lifieux,  près  la  côte  Saint-Urfin,  un  couvent  de  capucins.  Il  voulait 
peut-être  montrer  à  ses  contemporains  comment  un  gentilhomme  nor- 
mand savait  se  réhabiliter  quand  il  avait  failli.  La  crainte  des  châtiments 
éternels  l'avait  acheminé  vers  la  sageiTe.  Le  chapitre  de  Lifieux,  oubliant  les 
ravages  de  l  5  6  2 ,  en  i  6 1 3  ,  accorda  à  son  ancien  perfécuteur  des  obfèques 
grandiofes  et  un  caveau  dans  la  chapelle  Notre-Dame.  Cette  cérémonie 
extraordinaire  nous  efl;  décrite  dans  une  brochure  d  une  infigne  rareté  con- 
servée à  la  Bibliothèque  nationale'.  Le  récit  permet  d  apprécier  l'originalité 

I.  Le  Tou-Bcju-Feu  de  U  mémoire  du  Maréchal  de  Fervaques,  par  P.  Beaunis,  édition  Le 
Verdier,  Rouen,  MDCCXCII. 


Fig.   61.   —  Roiuel  de  Médavy. 


i84  SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 

et  la  inamiiliccncc  des  cortèges  funèbres  qui  se  déroulèrent  dans  la  cathé- 
drale au  début  du  i^rand  siècle.  Sitôt  connue  la  mort  du  maréchal  de  Fer- 
vaques,  "  les  crieurs  de  patenoftrcs  de  la  ville  de  Lifieux  /y.  affiftés  d  un  maitre 
des  cérémonies,  proclament  par  les  rues,  avec  les  titres  du  défunt,  la  date  de 
son  décès  survenu  à  Rouen  le  i  )  novembre  i(>i  ■>,  et  les  jours  des  funé- 
railles fixés  aux   12  et  il   décembre. 

Après  1  annonce  de  la  douloureufe  nouvelle,  les  crieurs  agitent  leurs 
tintenelles  en  signe  de  deuil.  Puis,  le  maitre  des  cérémonies  de  recom- 
mencer son  annonce  :   "   Meffieurs  vous  prierez  Dieu  pour  lame   du   Haut 

et  PuifTant    seigneur  feu  Mefdre  Guillaume  de 

(^     ■    ^  Hautemer.  maréchal  de  France...   // 

^  Le  mardi   i<>  décembre,  le  corps  eft  apporté 

^  en  I  églifc  Saint-Dcfir  de  Lilieux  et  dépofé  pro- 

)  Sâ      vifoirement    dans    une    chapelle    ardente.    Deux 

Wf      jours  après,  dans  1  après-midi,  matines  et  laudes 
>  sont   chantées   avec  solennité.  Le   lendemain,  le 

i,v,  \  convoi  s'organife   et  gagne  la   cathédrale  Saint- 

'  »   ^  i^     '  Pierre,    lieu    de    la   sépulture.    L  évèque    Rouxel 

I  de  Mcdavy,  frère  de   Pierre  de  Médavv,   gendre 

j  du    maréchal   de  Fervaques,   prclide  la   levée   du 

corps.  Les  archers  de  la  maréchaulTcc  maintien- 
nent   Tordre    dans    le    cortèiie.    De     nombreux 

Pig.   69.         Un  cricur  de  (utciiotrci.  i  i  "^  i 

pauvres,  revêtus  de  robes  et  chaperons  noirs, 
ouvrent  la  marche,  rangés  sur  deux  rangs,  de  chaque  coté  de  la  rue. 
«  Après  marchaient  neuf  charitez,  et  deux  confrairies  différentes  en  leurs 
chaperons  suivirent  les  bons  hommes  eftant  en  prières.  //  Suivant  le  rite 
traditionnel,  le  plus  jeune  'f  chariton  //  porte  le  goupillon  et  le  bénitier  ; 
le  plus  robufle  porte  la  bannière  enrichie  de  fines  broderies.  Les  autres 
confrères,  revêtus  de  chaperons  frangés  d  or,  la  longue  torche  sur  lépaule, 
marchent  lièrcment.  écoutant  avec  une  vifible  satilfaction  le  tintement  des 
campanelles. 

Lentement  le  défilé  s  ébranle.  A  toutes  les  fenêtres  s  écrafent  des  "  con- 
templatifs //.  Un  nombre  confidérable  d'eccléfiaftiques,  "  les  capucins  en 
dévotion   //,    les    bourgeois,    les   échevins    de   Lifieux.    le   bailli   vicomtal.  les 


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HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


185 


médecins  et  apothicaires  suivent  et  portent  un  cierge  ou  un  bâton  noir  à 
la  main.  Toutes  les  marques  d'honneur  de  l'illuftre  défunt,  étendard,  ban- 
nière de  combat,  armures,  épées,  décorations,  bâton  de  maréchal,  sont  portés 
par  des  gentilshommes  ou  des  pages.  Le  cheval  de  bataille  caparaçonné 
d  étoffes  rehauffées  de  franges  d'or,  de  broderies  et  de  clinquants  d  argent, 
eft  conduit  par  six  valets  de  pied. 

Une  foule  extraordinaire 
moutonne  dans  la  rue  Grande  et 
les  ruelles  tranfverfales.  Chacun 
obferve  attentivement  le  cortège. 
Voici  les  perfonnages  en  vue,  les 
barons,  chevaliers,  comtes  et  ducs 
«  accouflrés  en  deuil....  aucuns 
la  larme  à  1  œil  ».  Voici  Mgr 
de  Médavy.  encadré  par  ses  porte- 
infignes  et  par  le  chapitre  de  la 
cathédrale.  Ces  ^r  Meffieurs  du 
clergé  //  précèdent  le  cercueil 
soutenu  par  onze  archers  sous  un 
dais  armorié.  Un  chapelain  por- 
tait le  cœur  du  maréchal.  Ré- 
cemment. M.  1  abbé  Delamare 
l'a  retrouvé  dans  1  églife  de  Fer- 
vaques.  Les  proches  parents  du 
défunts  marchaient  derrière  le 
dais  funèbre... 

Un  tel  défilé  devait  onduler  longtemps  à  travers  la  cité...  La  place  du 
marché  et  le  parvis  de  la  cathédrale  frémiflent  d  une  animation  inaccou- 
tumée. Enfin  des  croix  débouchent  devant  le  palais  épikopal,  environnées  de 
chandeliers  et  de  cierges...  Les  antiennes  succèdent  aux  psaumes,  les  bour- 
dons et  les  cloches  chantent  sur  la  dépouille  du  maréchal  1  cfpoir  de  la 
résurrection  immortelle.  Les  chants  s'apaifent,  la  multitude  se  recueille.  Le 
cercueil  vient  de  palier  près  de  1  églife  Saint-Germain.  Mgr  de  Médavy. 
voyant  le  portail  occidental  de  Saint-Pierre  affiégé  par  des  milliers  de  curieux. 


Fig.  63.  —   Le  Maréchal  de  Fervaques. 


«4 


,8b  SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 

fait  signe  d'entrer  "  par  la  porte  c^ui  cft  au  droit  du  cieur  et  annef  de  la 
sufdite  églife...,  appareillée  et  ornée  en  deuil  //.  Les  archers  dépofent  la 
bière  sous  un  catafalque  encadré  de  très  nombreux  cierges. 

L'évèque  de  Lifieux  officie,  un  capucin  prononce  1  oraifon  funèbre  de 
lilluftre  défunt,  l'élite  des  affiliants  se  préfente  à  l'ofFrande.  'f  Le  service 
cfiant  achevé,  le  cercueil  fut  levé  en  grand  honneur,  et  porté  devant  1  image 
Nofire-Dame,  ou  efiait  le  préparatif.  en  arche  voûtée,  et  1  autel  orné  pour 
subvenir  à  la  réception  de  ce  dernier  honneur  temporel.  //  Le  corps  eft  def- 
cendu  dans  le  caveau,  les  colliers  d  ordre.  1  cnfeignc.  tous  les  infignes  du 
commandement  militaire,  sont  réunis  autour  de  la  chapelle  ardente.  Les 
pauvres  emportent  leurs  cierges,  les  archers  et  "  maiftres  d  hôtel  leurs  bafions 
noirs  //,  le  bâton  de  maréchal  de  France,  dernier  hochet  de  la  vanité  humaine, 
efi  brifé  en  préfence  de  toute  1  affiftance.  Tout  efi:  fini,  c  eft  le  dernier  adieu. 

Le  maréchal  ne  devait  pas  dormir  dans  les  caveaux  de  la  chapelle  Notre- 
Dame  d  un  sommeil  inviolé.  Par  une  cruelle  ironie  des  événements,  celui 
cjui  naguère  avait  laifTé  profaner  les  tombeaux  des  évèques  de  Lilieux  devint 
la  victime  des  soudards  qui  ne  refpectaient  ni  les  souvenirs  du  pafié.  ni  le 
repos  des  morts. 

En  I7S().  à  Lifieux  comme  dans  la  plupart  des  villes,  des  cérémonies 
impofantes  célèbrent  lunion  de  la  religion  et  de  la  liberté.  Dès  le  i  |  avril 
I7g(),  le  difirict  de  Lifieux  reçoit  plein  pouvoir  pour  adminifircr  et  aliéner 
à  son  gré  le  patrimoine  ccdéliafiique  de  la  région.  Le  2  l  avril,  le  projet 
Martineau  supprime  les  chapitres  des  églifes  cathédrales  et  ne  maintient 
qu'un  seul  évèque  par  département.  Le  i  \  août,  Louis  XVL  trop  faible  pour 
braver  lAfiemblée  nationale,  sanctionne  les  divers  décrets  connus  sous  le 
nom  de  "  Confiitution  civile  du  Clergé.  //  Sous  prétexte  de  renouveler 
1  Eglife  de  France,  les  parlementaires  efpéraient  la  détacher  de  Rome  et 
1  alTervir  au  pouvoir  civil.  Le  2";  octobre,  en  pénétrant  dans  «  leur  églifc  >/. 
les  chanoines  de  Lifieux  virent  aux  portes  une  affiche  annonçant  leur  sup- 
prellion. 

Ces  premiers  proicrits  de  la  hiérarchie  ecdéliafiiquc  ne  s  éloignèrent  pas 
subitement.  Pendant  plufieurs  jours  encore,  affis  dans  les  stalles  du  chœur, 
levètus  du  rochet  et  de  Ihcrmine  mouchetée  de  noir,  les  membres  du  cha- 
pitre continuent  à  glorifier  Dieu  par  leurs  prières  et  leurs  chants. 


HISTOIRE  ANECDOTIQLΠ DE  LA  CATHEDRALE 


187 


Le  maire  de  Lifieux.  M.  Le  Roy.  homme  de  loi.  ne  peut  comprendre 
une  telle  réfiftance;  devant  la  légalité  tout  doit  céder...  même  un  chapitre 
de  cathédrale.  Dominé  par  le  club  des  Amis  de  la  Conftitution.  établi  depuis 
le  29  juillet  dans  le  couvent  des  Frères  Prêcheurs,  le  pauvre  maire  allait, 
venait,  se  torturant  à  la  recherche  d  un  compromis. 
En  face  de  1  attitude  du  chapitre  que  devenir  ?  {^Ç- 

Dès  le  2  b  octobre,  héfitant,  incertain.  _;vl4ï5*'^ 

n  ofant   prendre    de    refponfabilités.    le  ^.     •   ,• 

maire   fait   part   à   son    confeil    des  C^v^v^-'i^'  ' 

décrets    sur    la    suppreffi  '  "^ 


aiH    ^. 


ppi 


lion 


1  évêché  et  des  cha- 
noines de  Lifieux.  ^^  Le 
chapitre,   dit-il.   s'eft  as- 
semblé au  mépris  du  décret, 
a    célébré    l'office    dimanche 
dernier   et    ce    lour.    Le   procu- 


jour.  Le  p 
reur  de  la  commune  '  et  son 
subftitut'  reo;ardent  ce  fait  comme 
une  infraction  à  la  loi,  dont  1  effet 
principal  efl  de  retarder  ou  empêcher 
1  aliénation  des  biens  nationaux  à  la- 
quelle efl:  attaché  le  salut  de  l'Etat.  >/ 
Après  délibération,  le  confeil  gé- 
néral de  la  commune  décide  d  en  référer 
au  confeil  général  du  diffrict  qui.  à 
son  tour,  implore  les  confeils  du  di- 
rectoire du  département  du  Calvados'.  Le  1 3  novembre,  quatre  dignitaires 
du  chapitre  préfentent  au  diftnct  de  Lifieux  l'état  détaillé  des  biens,  revenus 
et  charges  de  leur  affociation.  A  s  en  tenir  aux  déclarations  des  intéreffés, 
le  chapitre  de  Lifieux  était  à  l'abri  du  befoin.  puifque.  bon  an.  mal  an.  son 
revenu  dépaffait  soixante  mille  livres,  déduction  faite  des  charges^  dont  cer- 


Fig.  64.  —  Les  chanoines  de  Lifieux. 


1.  M.  Yon,  rue  Pont-Mortain. 

2.  M.  Le  Rat.  rue  Porte-de-Paris. 

3.  Extrait  des  Regift.  Municip.,  20  oct.  17MO.  —  Archixes  départementales. 

4.  Déclarations  des  Biens  du  clergé.  —  Achi\e$  déoartementales. 


i88  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

taines  fondations  étaient  grevées.  Avant  le  vendredi  i  o  novembre,  les 
adminiftrateurs  du  directoire  du  diftrict  de  Lifieux  avaient  tranfmis  au  chapitre 
de  la  cathédrale  Saint-Pierre  l'ordonnance  du  département  du  Calvados, 
portant  défenfe  aux  chanoines  de  s  affembler  et  continuer  1  exercice  du  culte. 
Dans  une  proteftation  calme,  courtoife  et  pleine  de  dignité,  les  membres 
du  chapitre  rappellent  à  l'autorité  civile  leur  place  dans  la  hiérarchie  ecdé- 
siaflique  et  les  objets  multiples  de  leur  exiftence  corporative.  Spécialises  de 
la  prière,  dépofitaires  des  précieufes  traditions  de  1  églife  de  Lifieux.  confeil- 
1ers  nés  de  lévcque,  chargés  du  double  devoir  de  soulager  les  vivants  et 
d'implorer  pour  les  morts,  les  chanoines  demandent  à  Meffieurs  les  admi- 
niftrateurs du  diftrict  la  liberté  de  pourfuivre  leur  mmiftèrc.  dufTent-ils  sub- 
venir eux-mêmes  aux  frais  du  service  divin  '. 

Les  plaintes  et  réclamations  du  chapitre,  malgré  leur  modération,  ne 
trouvèrent  aucun  écho  près  des  adminiftrations  publiques.  Le  i  i  novembre, 
le  confeil  général  de  la  commune  dénonce  au  Comité  des  Recherches  et 
supprime  "  comme  attentatoire  à  1  autorité  des  lois  //  une  lettre  paftorale 
de  Mgr  de  la  Ferronnays  en  date  du  27  octobre.  Cet  écrit  attirait  1  atten- 
tion des  prêtres  et  des  laïques  sur  les  regrettables  innovations  de  1  Allcm- 
blée  Conftituantc. 

La  délibération  du  confeil  général  prouve  que  le  prélat  était  très  sym- 
pathique dans  son  dioccle.  sachante  s  y  trouve  nettement  soulignée;  mais 
les  officiers  municipaux,  nullement  préparés  à  1  exercice  de  1  autorité,  ne 
peuvent  comprendre  qu  un  évêque  protefte  contre  la  suppreflion  de  son 
siège  et  défobéifTc  à  la  Conftitution.  Sans  s  inquiéter  des  récents  décrets. 
Mgr  de  la  Ferronnays  garde  sa  juridiction,  baptiic.  confirme,  reçoit  dans 
sa  cathédrale  1  abjuration  d  un  juif  alfacien  ~.  confère  des  difpenies.  vilite 
les  communautés  rcliiiieufcs.  les  encourageant  à  refter  fidèles  à  leur  règle  et 
à  leur  volontaire  immolation. 

La  vigilance  soupçonneufe  de  la  société  populaire.  1  attitude  malveil- 
lante d  une  partie  de  la  population,  décidèrent  1  évcque  de  Lilieux  à  quitter 
sa  ville  épifcopale.  ce  qu  il  fit  sans  doute  dans  le  courant  de  novembre  i  71)0. 

1.  Dernière  dclibcraiioii  du  chapitre  de  Saint-Pierre.  Bjjocjuj.  2'  année.  T'  livraifon. 
15  mai    II)  10.  pp.   •^i-'î2-i3. 

2.  Rcgirtrc  de  l'Evcché  de  Lifieux.  8  oct.   1700. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHÉDRALE 


189 


Avant  de  porter  ses  regards  vers  la  terre  étrangère,  le  pieux  prélat 
séjourna  quelques  semaines  au  château  du  Pin.  propriété  d'un  ami  très 
sûr,  M.  de  Boifmont,  membre  de  l'Académie  françaife,  archidiacre  de 
Rouen.  En  s'éloignant.  l'évèque  de  Lifieux  se  flattait  de  revenir  bientôt 
préfider  quelque  solennité  dans  sa  cathédrale.  A  brève  échéance,  l'apai- 
fement  se  produirait  sûrement,  la  volonté  de  quelques-uns  ne  pouvait 
devenir  la  volonté  du  peuple.  Ainfi  raifonnaient  également  les  chanoines. 
Les  événements  allaient  donner 
à  ces  prévifions  un  démenti 
cruel. 

Du  14  au  I  <S  décembre, 
des  commiflaires  nommés  par 
le  directoire  du  département, 
drelTent  l'inventaire  «  des  effets 
mobiliers  de  la  cy-devant  cathé- 
drale Saint-Pierre  >/.  Les  orne- 
ments de  la  grande  et  petite  sa- 
crifties  sont  recenfés  et  les  scellés 
appofés  sur  les  chafubliers.  Les 
calices,  ciboires,  burettes  an- 
ciennes, les  croix  et  chandeliers 
et  toute  l'argenterie  de  la  salle 
capitulaire  sont  pareillement  en- 
fermés sous  scellés. 

Après  l'inventaire  du  chœur  et  de  la  nef,  les  commiffaires  ferment 
soigneufement  les  portes  d  entrée,  montent  à  la  bibliothèque  et  dreffent 
la  lifte  des  nombreux  ouvrages  ou  manufcrits  qu'elle  renferme.  Pierre 
Vivien,  âgé  de  trente-et-un  ans,  sonneur  et  bedeau  de  Saint-Pierre.  et 
Charles  Cuilié.  âgé  de  soixante-et-un  ans.  prefque  infirme,  second  sonneur 
et  souffleur  d  orgue  depuis  une  quarantaine  d  années,  deviennent  gardiens 
des  biens  mis  sous  séqueftre. 

Trouvant  portes  clofes,  les  chanoines  ne  peuvent  plus  s'affembler.  Une 
seule  reffource  leur  refte,  celle  d  implorer  la  clémence  de  l'autorité  munici- 
pale. Sur  1  heure,   le  chapitre   s'empreffa   de    recourir  à    cet   expédient.  Les 


Fig.  65. 


Mgr  de  la  Ferronnays. 


iqo 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


magiftrats   locaux  reçurent  avec   une  joie    enfantine   les   doléances  des  cha- 
noines et  les  tranfmircnt  sans  tarder  à  l'autorité  départementale.   *f  Aujour- 

5.  d  hui.  difcnt-ils  dans  leur 

lettre  de  recommanda- 
tion, les  chanoines  nous 
prient  de  leur  accorder 
la  permiflion  de  célébrer 
des  mclTes  bafTes  dans 
les  chapelles  de  1  églife  et 
d  y  acquitter  les  fonda- 
tions auffi  à  voix  bafle 
comme  simples  prêtres  en 
abandonnant  le  coflume 
qu  ils  avaient  comme  cv- 
devant  chanoines,  de  leur 
délivrer  à  cette  fin  quel- 
ques vafes  sacrés,  linges 
et   ornements  dont  ils  se 


•end 


ront  iiardiens  et  re 


î^ 


(fables,   ainfi 


f- 
lu- 


poniaoïes.   ainii    que 

de  la  petite  sacrifie 


faiie 


obfe 


P 


:h 


nous  oDlervant  que  cela 
se  pratique  amli  dans 
quantité  de  cathédrales 
du  royaume  >/. 

La  demande  fut  ac- 
cordée et  les  chanoines 
virent  ainli  leurs  privi- 
lèi;es  s  amoindrir  et  di- 
minuer izraduellement. 
Certains  prêtres  des  pa- 
roifTes   alfiflein    avec    une   secrète   complaifance  à   cette    déchéance    du  haut 

iques.     très    pénétrés    de    philoiophilme.    applau- 

nc    se    doutant   pas 


Pl>.    U(^ 


L'ancien  évèché  de  Lificiix. 


derf^é.     Pluficurs    eccléfiaR 


ques.     très    pénètres    ce    p 
dilTent    même    ouvertement    à    ces    mcluies    éiialitaires 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  191 

que  cette  abfence  de  solidarité  leur  apportera  dans  l'avenir  de  douloureux 
mécomptes  '. 

Pour  le  chapitre  de  Lifieux.  1  hiver  se  paffa  sans  trop  d  anxiété  :  les 
magnificences  du  culte  difparues,  les  prières  devinrent  plus  ferventes. 

Le  20  avril  17QI,  le  confeil  général  adrefle  ses  vœux  de  bienvenue  à 
l'évêque  conftitutionnel  Claude  Fauchet.  en  des  termes  où  l'enflure  se  mêle 
au  contentement  :  ^r  Depuis  longtemps  nous  défirions  voir  l'épifcopat 
confié  à  des  mains  pures,  votre  nom,  mille  et  mille  fois  répété  par  les  vrais 
amis  de  la  Conftitution,  prouvait  allez  que  vous  étiez  digne  de  remplir 
cette  place  éminente  qui.  jadis  livrée  à  1  intrigue,  ne  sera  déformais  que  la 
récompenfe  de  Ihomme  vertueux  qui  sait,  sans  hypocrifie,  rendre  à  Dieu 
ce  qui  efl  à  Dieu  et  donner  l'exemple  de  l'obéiflance  aux  lois  de  sa  patrie. 
Votre  élection,  Monfieur.  a  été  un  sujet  de  fête  pour  les  patriotes,  et  les 
ennemis  de  la  Conftitution  en  ont  gémi.  Ce  n  efl  point  pour  vous  en 
complimenter  que  nous  vous  écrivons,  nous  seuls  devons  nous  féliciter  de 
votre  promotion.  Veuillez  bien  nous  certifier  de  votre  acceptation.  Le  jour 
où  nous  en  recevrons  l'afTurance  sera,  n'en  doutez  pas,  pour  nous  un  beau 
jour  et  nous  efpérons,  sous  la  conduite  d  un  pafteur  auffi  méritant,  mar- 
cher dans  le  sentier  difficile  du  salut  avec  autant  de  courage  et  de  succès 
que  nous  volons  à  la  liberté".  » 

L  air  impofant  du  nouveau  venu,  sa  belle  taille,  son  regard  pénétrant, 
sa  VOIX  muficale,  son  gefte  très  sûr  réjouirent  les  partifans  de  léglife  nou- 
velle. Rien  ne  dut  être  négligé  pour  le  cérémonial  au  moment  de  son  entrée 
solennelle  à  Lifieux. 

Dès  le  22  avrd,  les  officiers  municipaux  s'inquiètent  du  jour  et  de 
l'heure  du  pafTage  de  M.  Fauchet,  'r  afin  de  donner  à  ce  digne  pafteur  des 
preuves  non  équivoques  de  leur  satifïaction'.  » 

Le  2  I  mai,  les  mêmes  magiftrats  invitent  le  clergé  de  la  ville  à  ne  plus 
recommander   aux    prières    des    fidèles   Mgr   de   La  Ferronnays,  sous    peine 

1.  Inventaire  du  12  décembre,  lygo  in-fol.  —  Archhe^  départementales.  —  Pierre  de 
la  Gorce,  Hijioire  de  la  BJyolution,  t.   I,  p.  2b. 

2.  Correspondance  de  la  municipalité  de  Lifieux,    ijgi. 

3.  Municipalité  de  Lifieux,  lettre  à  M.  Dejean,  membre  du  cercle  social.  Corresp., 
année  i  7  9 1 . 


192 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


d'une  grave  infraction  aux  lois.   Le  l  juin.   M.  Duprey.  curé  de  Saint-Ger- 
main, eft  somme  de  remettre  la  clef  de  son  prefbytère  à    la    municipalité. 

car  deux  jours  après.  M.  Bunel.  le  curé 
conflitutionnel.  défigné  par  1  évèque  du  Cal- 
vados, doit  être  solennellement  inftallé  dans 
ses  nouvelles  fonctions.  Le  l')  juin  et  le 
I  c)  août,  diverfes  maifons  canoniales  et 
plufieurs  propriétés  rurales  appartenant  à  la 
cathédrale  Saint-Pierre  sont  aliénées.  Parmi 
les  acheteurs  figurent  des  négociants,  des 
bourgeois,  de  simples  artifans. 

Les  acquéreurs  avaient  la  faculté  de  se 
libérer  par  annuités  avec  du  papier  monnaie 
devenu  célèbre  sous  le  nom  d  affi^nats. 

A  la  Noël,  les  officiers  municipaux  dé- 
cidèrent de  subftituer  1  éizhfc  Saint -Pierre 
à  1  églife  Saint  -  Germain  comme  paroilTe. 
Celle-ci  semblait  beaucoup  trop  cxigue  pour 
les  réunions  populaires.  La  cathédrale  serait 
infiniment  plus  propice  aux  grands  audi- 
toires, et  aux  grands  effets  d  éloquence. 

Le  directoire  du  département  du  Cal- 
vados et  le  diftrict  ne  pouvaient  refufer 
pareille  faveur:  aufd.  le  dernier  jour  de 
décembre,  toutes  précautions  sont  prifes 
pour  que  le  i  *>  janvier  I7<)2  le  service 
divin  se  faffe  non  plus  à  Saint- Germain 
mais  à  Saint-Pierre  '. 

C'était  un  dimanche,  vers  dix  heures 
du  matin,  le  clergé  de  Saint- Jacques  et 
Saint-Délir.  la  garde  nationale,  quittent  la  maifon  commune  et  se  rendent 
proceffionnellement   à  1  égliie    Saint-Germam.  coquettement    affife  entre   le 


Fifi.   '.;.         Pile  de  h  nef 
Deuin  de  M"'  Caron. 


I.    Arrêté  du  confcil  ycncral  relatif  i  la  tranflation  du  service  divin.  Archi\ei  municipjla. 


PL  6. 


VUE    DE   LÉGLISE  SAINT-GERMAIN,   d'après  un  crayon  de  Le  Cerf.  Églifc  démolie  en    1798. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHÉDRALE 


193 


Cimetière  et  la  rue  au  Cerf;  sa  flèche  émerge  agréablement  au-deiTus  des 
maifons  voifines,  son  portail  à  tympan  sculpté,  les  fines  dentelures  de  ses 
clochetons  effilés,  les  arcades  légères  de  sa  façade,  font  de  ce  vaifTeau  un 
des  plus   élégants  qu  ait  élevé  la  fin  du  moyen  âge  sur  la  terre  normande. 

Le  cortège  entre  dans  1  églife 
Saint-Germam.  le  curé  sous  le  dais 
porte  les  divines  efpèces,  puis  la 
grande  porte  s  ouvre  de  nouveau 
pour  laisser  pafTage  aux  autorités 
et  à  la  foule. 

Le  défilé  eft  long  ;  après  avoir 
pris  la  gauche,  il  remonte  la 
grand  rue.  gagne  la  place  du  Mar- 
ché, le  parvis,  et  pénètre  dans  la  ca- 
thédrale. Les  fidèles  s  agenouillent, 
le  canon  tonne,  et  pendant  que  le 
clergé  en  chape  remplit  le  sanc- 
tuaire, comme  pour  mettre  un  peu 
de  joie  sous  le  ciel  grisâtre,  toutes 
les  cloches  de  la  ci-devant  cathé- 
drale sonnent  éperdument.  Durant 
la  cérémonie,  les  portes  de  1  églife 
désaffectée  sont  clofes.  Jamais  plus 
elle  ne  reverra  son  hôte  aimé  : 
avant  que  ne  s  achève  la  tourmente 
révolutionnaire,  en  lygS.  la  pioche 
des  démolifTeurs  1  aura  jetée  bas. 
Le  théâtre  de  Lifieux.  Saint-Mards 

de  Frefne.  Saint-Jacques  et  Saint-Pierre,  Auvillars  et  Ammeville,  ont 
rivahfé  d  ardeur  pour  obtenir  quelques-unes  des  dépouilles  de  Saint- 
Germain. 

Peu  de  jours  après  la  prife  de  pofTeffion  de  Saint-Pierre  par  le  clergé 
aiTermenté,  deux  cents  affiches  blanches,  placardées  tant  à  Lifieux  que  dans 
les  localités   environnantes,   annoncent   '/  la  vente   publique  et  à  1  encan,  à 


Fig.  68.  —  L'Eglise  Saint-Germain. 


194 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


la  porte  de  l'égliTe  Saint-Picrre.  ci-dcvant  cathédrale  de  Lifieux.  de  plufieurs 
meubles  d  églife  //  et  d  une  foule  d'objets  provenant  de  la  maitrife  '. 

Dans  ce  temple,  hier  encore  si  riche  de  pièces  d  orfèvrerie,  de  soieries, 
de  brocarts  et  d  objets  d  art.  le  cler^^é  conflitutionnel.  maitre  et  triomphant, 
pourrait  à  son  aife  organifer  des  réunions  plus  simples  et  plus  fraternelles 
que   celles    de    1  Eglile    privilégiée.    Un   orcheftre    ne  pouvait-il    donc    point 


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remplacer  les  orgues  muettes  f  Des  fmfccaux  de  drapeaux,  de  longues  guir- 
landes entremêlées  de  cocardes  multicolores,  feraient  oublier  les  '^  monu- 
ments et  armoiries  qui  annoncent  encore  1  ancien  régime  et  le  dclpotifme  '.  » 
I.e  même  drap  mortuaire  ser\ira  déformais  pour  tous  les  citoyens,  tout 
le  clergé  salarié  par  la  nation  devra  aflidcr  à  chaque  inhumation,  quelle 
que  soit  la  condition  du  défunt,  '^  et  ce  pour  prouver  légalité  décrétée  par 

1.  Affiche    du     I  "■  février  1702.     A  LiTieux,  chez  J.  Dclauiuv.  mipr..  rue  Etroite.    — 
A rchtvei  dcpjrtcmentjlcs . 

2.  H^giflrc  muntctpal  Je  Lificux,   171)2.  —  DélibcTJtions  et  CorrefpotiJjnces. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHÉDRALE  195 

l'Affemblée  nationale  '  //.  L  office  sera  d'égale  durée  pour  les  humbles 
comme  pour  les  bourgeois,  et  nul  emblème  seigneurial,  aucune  tenture  ne 
sera  plus  accrochée  aux  piliers  de  la  nef  et  du  chœur.  Pour  plus  de  sim- 
plicité encore,  le  sonneur  ne  mettra  en  branle  qu  une  seule  cloche,  non 
seulement  pour  les  inhumations,  mais  auffi  pour  les  offices  du  dimanche, 
sauf  dans  les  fêtes  majeures  où  deux  cloches  pourront  sonner. 

Le  3  I  août,  une  adrefle  eft  envoyée  à  ,Mgr  Fauchet,  évêque  du  Cal- 
vados, pour  solliciter  de  l'AfTemblée  nationale  cjue  <'<  la  ci-devant  cathé- 
drale soit  définitivement  accordée  pour  paroiffe  Saint-Germain  ».  Le 
14  août,  la  Conftituante  avait  ordonné  ^<  de  détruire,  sans  aucun  délai, 
les  monuments,  refte  de  la  féodalité,  de  quelque  nature  qu  ils  soient, 
exiftant  encore  dans  les  temples  et  autres  lieux  publics,  et  même  à  l'exté- 
rieur des  maifons  particulières  //. 

Ces  prefcriptions  barbares  furent  exécutées  à  Lifieux  avec  une  aveugle 
fidélité  et  une  étonnante  précipitation.  La  chaire  épifcopale.  le  jubé,  les 
maufolées  et  les  armoiries  qui  décoraient  les  murailles  de  la  cathédrale 
Saint-Pierre  difparurent  en  quelques  jours.  Seule,  l'image  de  l'évêque  Hen- 
nuyer  devait  être  refpectée,  grâce  à  l'initiative  de  la  société  populaire  :  au 
confeil  général  elle  adrefTa  la  pétition  suivante  : 

iA  Mef fleurs  les  Adminifhrateurs  du  Confeil  général  du  Diflrict, 
Maire,  Offciers  municipaux  et  Notables  réunis, 

Meffieurs, 

Jean  H.ennuyer  honora  son  siècle  par  un  trait  rare  d'humanité,  la  fatale 
journée  de  la  Samt-Barthélemy  fut  pour  lui  un  jour  de  gloire,  puifqu'il 
détourna  les  citoyens  de  cette  ville  de  tremper  leurs  mains  dans  le  sang  de 
leurs  frères.  La  mémoire  d'un  homme  si  grand  et  si  humain,  de  ce  premier 
ami  de  la  liberté,  doit  être  à  jamais  confervée.  Son  image  ef  un  dépôt  sacré 
que  les  hommes  libres  méritent  seuls  de  pojféder,  et  s  il  doit  être  retiré  du 
lieu  qu'il  occupe,  ce  ne  peut  être  que  pour  être  placé  au  milieu  d'eux. 

Nous   venons,   en   conféquence,    Meffieurs,    vous  demander  au    nom   des 

I.    Délibération  du  Confeil  municipal  des  25,   "^o  août  et   17  sept.    1702. 


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SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


dmis  de  Id  liberté  et  de  l'égalité,  que  l'inuge  de  cet  homme  \ertueux  leur 
soit  accordée  pour  être  placée  dans  le  lieu  de  leurs  séances,  en  face  du  bureau, 
et  que  l'infcription  étant  au  pied  soit  traduite  en  langue  françaife  pour  deve- 
nir intelligible  à  tous  les  citoyens. 

La  fraternité  avec  laquelle  vous  nous  accueille:^  efl  sur  garant  de  la  réus- 
site de  notre  intéreffante  pétition. 

Les  commijfaires  de  la  Société  des  rJimis  de  la  liberté  et  de  l  égalité. 

Langueneur  fis.    Bcllicre.    Prey\ 

Les  officiers  municipaux  accueillirent  favorablement  la  demande  du 
club,  mais  quand,  le    i  ",   septembre,  les  commiflaires  de  la  société  entrèrent 

dans  la  cathédrale,  la  statue  de  1  évëcjue  Hcn- 
nuyer  était  déjà  décapitée.  Des  patriotes  trop 
zélés  s'étaient  hâtés  de  briler  ce  précieux  vertige 
du  palTé. 

Le  17  septembre,  à  10  heures  du  matin, 
les  électeurs  de  la  2'  section  se  réunirent  à 
Saint-Pierre  pour  la  nomination  des  ]Ui;cs  de 
paix,  de  leurs  afTelTeurs  et  greffiers.  Le  len- 
demain,   à    S   heures,    les   citovens  de  la  même 

du    renouvellement    de    la 


section     s  occupent 
municipalité. 


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-e  n  était  pas  la  première  rois  que  la  ca- 
thédrale servait  à  ces  allcmblées  électorales, 
maintes   fois    les   patriotes   y   étaient   venus   soit 

':    pour     des     ser\'ices     solennels,     soit     pour     des 

réunions  purement  civiles  et  politiques.  La 
mailon  de  Dieu,  en  vertu  de  1  éiialité.  n'était- 
elle  pas  la  maifon  de  tous  f  Des  dames,  des  jeunes  filles  de  la  bourgcoilie. 
des  femmes  d  alpect  minable,  saturées  de  déclamations,  ailiftcnt  souvent 
à  ces  ralTcmblcmcnts.  Pendant  les  séances  publiques,  leur  tricotage  d  une 
main,   laiguille   de   1  autre,    elles    applaudilTcnt   les    harangues    ou    s'égaient 


Pig.  70. 


I.    Délibêrjtion  du  Confril  ttnmicipjl,   12  scpt^  I7Q2. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  197 

comme  à  la   comédie.    Les   plus   mal   coiffées,   les   plus  mal   vêtues  se  mo- 
quaient de  la  police  ;  au  fond  elle  n  exiftait  pas. 

Les  orateurs  devaient  parler  au  milieu  d'interruptions  inceffantes  et 
d'un  bourdonnement  continu.  Même  pendant  les  cérémonies  religieufes, 
l'ordre  devenait  difficile.  Les  '^  vrais  républicains  »  prirent  plus  d'une  fois 
les  «  royaliftes  »  en  flagrant  délit  ^  d  incivifme  ».  Quelque  fâcheux 
s'ingéniait  à  renverfer  un  banc,  un  autre  contrefaifait  les  geftes.  les  atti- 
tudes, le  parler  des  orateurs.  Le  dimanche  à  la  mefle  «  la  bonne  compa- 
gnie »  raillait  les  proclamations  du  directoire  départemental  ou  les  décrets 
de  l'Affemblée  nationale,  et  le  peuple,  au  moment  des  prières  pour  la 
nation,  chantait  obftinément  1  antienne  hturgique  en  ufage  sous  la  monar- 
chie. Les  citoyens  muficiens  de  la  garde  nationale  finirent  par  s  offufquer 
d'une  telle  audace  et  demandèrent  à  la  municipahté  d'y  mettre  bon  ordre. 
Le  28  décembre  parvenait  la  réponfe  suivante  : 

Citoyens, 

Nous  ne  pouvons  qu  applaudir  à  lolfervation  que  vous  nous  aveT^  faite 
du  sujet  de  l  abus  qui  réfulte  de  la  prière  Domine  salvum  fac  regem,  que 
des  perfonnes,  par  habitude  et  qui  ne  savent  pas  le  latin,  chantent  au  lieu  de 
Domine  salvum  fac  gentem  et  legem  :  nous  sentons,  comme  vous,  que  cejl 
un  larcin  fait  à  la  nation  et  à  la  loi  qui  méritent  à  tous  égards  qu  on  adrejTe 
des  vœux  au  Ciel  en  leur  faveur  et  non  pas  pour  le  roy,  dont  le  nom  seul 
eji  odieux  aux  vrais  républicains. 

Pour  éviter  cette  erreur,  il  ejl  un  moyen,  cejl  de  changer  l air  ancien  et 
d'en  subflituer  un  nouveau  qui  soit  facile.  Le  peuple,  en  l  apprenant  lorfque 
vous  le  chantercT^  en  symphonie,  se  familiarifera  avec  les  mots  gentem  et 
legem,  il  oubliera  celui  de  regem  et  tout  sera  dans  l'ordre.  Comme  cela  efl 
de  votre  compétence,  nous  vous  invitons  de  vous  en  occuper  :  votre  T^èle  que 
nous  connaijfons  nous  promet  que  vous  vous  en  acquitterez^  au  plus  tôt'. 

L'enlèvement  des  cloches  devait  suivre  de  près  la  suppression  des  ar- 
moiries et  des  maufolées.  Mettant  à  profit  un  décret  de  la  Convention,  du 

I.    Lettre  du  28  décembre  1702,  Correfpondance  de  Id  Municipalité. 


198  SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 

2  3  février  lyn.  les  officiers  municipaux  de  Lifieux  décidèrent  d  utilifer  la 
sonnerie  de  la  cathédrale  pour  la  défenfe  de  la  cité  et  de  la  République. 
Tranfformées  en  canons,  les  cloches  seraient  beaucoup  plus  utiles.  Le 
2")  février,  vers  huit  heures  du  matin,  commença  ''  le  déplacement  des 
cloches  inutiles  //.  Cinc^uante  gardes  nationaux  surveillaient  les  abords  de 
la  cathédrale,  afin  d  éviter  des  scènes  douloureufes  dans  la  population. 

Dans  une  lettre  aux  officiers  municipaux  d  Honflcur.  le  o  mars,  la 
municipalité  lexovienne  fait  connaître  les  termes  du  marché  relatif  aux 
cloches  : 

'f  Les  citoyens  frères  Perié,  demeurant  à  Paris,  ont  acheté  le  métal  de  nos 
cloches  pour  le  prix  de  ■;(>  sols  par  livre  et  se  sont  obligés  nous  fournir  S  pièces 
de  canon  du  calibre  de  cjuatre.  montés  sur  leur  affût,  aux  conditions  que  nous 
fairions  porter  nos  cloches  à  nos  frais:  nous  avons  pris  celles  des  communautés 
et  couvents  supprimés,  de  même  cjue  celles  de  l  églife  Samt-Germam  qui  l  a 
également  été,  nous  n'en  avons  laiffé  à  celle  de  l'églife  Saint-Pierre,  cjui  seri 
provifoirement  de  paroiffe  au  lieu  et  place  de  cette  dernière,  que  deux  moyennes 
et  deux  petites  et  à  Saint-Jacques  autant.  „ 

Aux  sept  cloches  de  la  cathédrale  adrelTées  au  fondeur  parilicn.  la 
municipalité  ajoute,  le  |  mars,  une  effigie  d  cvcfquc  en  cuivre,  d  un  poids 
de   Nt)<»   livres. 

Le  I  I  mars,  les  patriotes  de  Lifieux  s'impatientent  ;  à  leur  gré.  les 
canons  tardent  bien  d  arriver...  Le  maire,  M.  Blochc.  efi  accablé  de  récla- 
mations impérieufes.  le  peuple  murmure,  les  eipnts  s  aigrilTent  et  nombre 
de  gens  réclament  bien  haut  cju  il  eut  été  préférable  de  vendre  les  cloches 
à  un  chaudronnier  bien  connu  a  Paris.  Armandie.  qui  le  !'•  février  avait 
soumiffionné  l'achat  des  cloches  pour  23  sols  la  livre.  Le  marché  était 
évidcmmciu  moins  lucratif,   mais   plus  sur. 

Enfin,  le  I  7  mars,  des  pièces  de  canon  arrivent  .à  Lilieux.  Les  efforts 
et  les  diligentes  démarches  du  maire  Jouenne  de  Longchamp.  député  de  la 
Convention,  avaient  abouti  à  ce  premier  rclultat.  Néanmoins,  à  1  arrivée 
des  voitures,  les  vrais  républicains  éprouvèrent  une  déception  cruelle.  Ils 
avaient  beau  regarder,  au  lieu  des  huit  pièces  de  canon  promîtes  en  échange 
des  cloches,  les  chariots   n  iw  contenaient    que  deux  d  alîc/.  médiocre  gros- 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHÉDRALE  199 

seur.  La  Convention  avait  gardé  le  surplus  pour  ses  armées  aux  prifes  avec 
la  coalifation  des  grandes  puiflances  européennes. 

Non  sans  peine,  les  édiles  de  Lifieux  expliquent  à  leurs  concitoyens 
que  l'intérêt  particulier  doit  céder  devant  l'intérêt  général,  que.  dans  des 
conjonctures  si  graves,  faire  éprouver  des  défagréments  à  de  véritables 
patriotes,  ce  serait  provoquer  les  rires  «  des  ariftocrates  '  >/.  De  telles  rai- 
sons n'avaient  guère  d'emprife  sur  la  «  cautèle  normande  »  des  habitants 
du  pays  d'Auge. 

Une  seule  cloche,  l'Echauguette,  demeura  dans  le  beffroi  de  Saint- 
Pierre,  les  trois  autres  furent  defcendues,  au  début  d'avril  1794,  pour 
être  converties  en  canons  '. 

Le  23  juillet  de  l'année  précédente,  la  Convention  avait  ordonné  de 
ne  laiffer  par  paroiffe  qu'une  seule  cloche  et  de  tranfporter  les  autres  aux 
fonderies  voifines.  Une  telle  décifion  ne  fut  pas  appliquée  sur  Iheure,  pour 
ne  point  éveiller  les  susceptibilités  de  la  population  très  attachée  à  ses 
richeffes  campanaires.  Avant  de  laiffer  partir  les  onze  cloches  de  leur  caril- 
lon, les  paroiffiens  de  Saint-Jacques  ne  les  avaient-ils  pas  sonnées  durant 
plufieurs  jours  et  plufieurs  nuits  ?  Les  habitants  de  Saint-Germain 
n'avaient-ils  pas  envahi  Ihôtel  de  ville  pour  les  replacer  dans  leur  clocher, 
et  permettre  au  célèbre  carillonneur  Mefnier  d'exercer  à  nouveau  son 
talent  ? 

Malgré  leur  civifme.  les  autorités  locales  devaient  compter  avec  l'exas- 
pération des  confciences  religieufes.  Tout  contribuait  d'ailleurs  à  surexciter 
les  colères  des  honnêtes  gens  :  en  octobre,  les  cercueils  de  plomb  renfer- 
més dans  les  caveaux  de  la  cathédrale  avaient  été  enlevés.  Les  cadavres  des 
évêques  jetés  pêle-mêle  au  cimetière  actuel.  Les  plombs  des  cercueils 
devaient  être  tranfformés  en  balles.  Le  corps  du  maréchal  de  Fervaques  fut 
retrouvé  dans  un  parfait  état  de  confervation.  enserré  dans  de  longues  et 
fines  bandelettes  de  toile,  que  se  difputèrent  les  femmes  préfentes  à  cette 
trifte  befogne  de  l'extraction  des  cercueils. 

La  profanation  de  la  tombe  du  maréchal  n^excita  pas  les  mêmes  répu- 
gnances que  les  autres  exhumations.    Vers    1839,  ^^  couvreur  de  la  cathé- 

1.  Correfpondjnce  de  U  Municipalité  du  24  février. 

2.  Confeil  général  de  Lifieux.  —  Délibération,   17  germinal,  2    année  rép. 


200 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


dralc  Saint-Pierre,  un  nommé  Picot,  racontait  avec  délices  qu'au  moment 
où  le  squelette  du  seigneur  de  Fervaques  fut  mis  à  découvert,  un  ouvrier 
alTéna  un  vigoureux  coup  de  bêche  sur  le  crâne  du  cadavre  en  s  écriant  : 
/"  Ah!    ifredin,  tu  en  as  fait  souffrir  affez  d  autres   .   // 

De  pareilles  bcfognes  ne  pouvaient  manquer  d  ouvrir  la  porte  au  van- 
dalifme  des  sectaires  de  la  Révolution,  excités  par  les  gazettes,  les  placards, 
les  brochures  et  les  harangues  qu'ils  entendaient  dans  les  réunions  pu- 
bliques. 

Le  27  octobre  I7<)>.  un  détachement  de  huilards  et  quelques  éner- 
gumènes.   Picot,  cabaretier.  Le   Maréchal.   Le    Rov.    perruquier,  et  Mignot. 


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Fig.  71.    —   Li.leux  au  xvi*  siècle. 


tailleur,  pénètrent  dans  1  églifc  Saint-Pierre  et  s  y  livrent  aux  plus  lamen- 
tables déprédations.  La  chapelle  Sainte-Annc.  située  à  gauche  du  chœur, 
reçoit  les  premiers  dommages.  Le  citoyen  Le  Rov  elcaladc  prollcmcnt  les 
grilles  d  entrée,  monte  sur  1  autel,  déplace  la  statue  de  saint  Germain  et 
autres  picufes  images.  Prenant  1  une  de  ces  statues  par  la  tcte.  le  zélé 
démolifTeur  interroge  ses  compagnons  ;  "'  Que  ceux  qui  sont  d  avis  de 
jeter  ce  saint  à  terre  lèvent  la  main.  //  Auflitot  plulieurs  mains  se  lèvent, 
un  bruit  strident  résonne  sur  les  pavés,  la  statue  vient  de  s  y  abimer. 

Tambour  en   tète,  huffards  et   "    bouriieois    //   fracturant   tout,   brifant 
tout,  explorent  la  chapelle  Notre-Dame.  Monsieur  Saint-Urlin  perd  bras  et 


I.    Noies  nuiiufcritcs  de  MM.  loir  et  Piichot. 


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HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


201 


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jambes:  saint  Laurent,  saint  Michel  gifent  sur  les  dalles  affreufement  mutilés. 
Et  comme  si  la  deftruction  de  ces  images  vénérables  ne  suffifait  pas  à  apai- 
fer  sa  rage  antireligieufe.  l'un  des  profanateurs,  voyant  un  afficheur  de  la  rue 
aux  Fèvres,  Simon  Vaudin.  sau- 
ver un  Chrifl;  de  la  deftruction 
sacrilège,  se  saifit  de  l'image 
de  Jéfus  crucifié,  la  jette  par 
terre  et  lui  donne  un  vigoureux 
coup  de  pied.  Avant  de  quitter 
la  cathédrale,  ces  hommes  de 
défordre  jettent  la  statue  de 
saint  François  la  face  contre 
terre,  la  font  rouler  les  degrés 
du  perron,  la  mettent  debout 
et  la  portent  auprès  de  «  l'arbre 
de  la  fraternité,  planté  sur  la 
place  publique  ».  Les  huffards 
frappent  le  pauvre  saint  Fran- 
çois à  coups  de  sabre  avec 
tant  de  violence  que  lun  de 
ces  sabres  vole  en  éclats. 

Plufieurs  Lexoviens  protef- 
tèrent  immédiatement  contre 
ces  attentats  sacrilèges.  Sur 
cette  dénonciation,  la  munici- 
palité impuiiTante  traduifit  les 
profanateurs  devant  le  juge  de 
paix  non  moins  impuiiTant. 
Devant  le  parti  de  la  violence,  le  parti  de  la  modération  et  de  1  ordre 
devenait  de  jour  en  jour  plus  faible. 

Perfécuté,  mais  non  anéanti,  le  catholicifme  avait  toujours  ses  fidèles. 
Dans  la  cathédrale  devenue  temple  de  la  Raifon  '<  au  lieu  d'écouter  la  morale 
saine  et  républicaine  »,  bien  des  perfonnes  continuent  de  venir  prier  près 
de  leur  saint  de  prédilection. 

96 


Fig.  72.  —  Le  ponail  du  Paradis  vers  1860 


303  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Pour  mettre  fin  à  ce  "  fanatifme  trop  invétéré  //.  le  21  pluviôfe  an  II 
(0  février  ly^MJ-  ^^  confeil  général  décide  "  que  toutes  les  idoles  qui  sont 
dans  la  ci-devant  cathédrale  de  cette  commune  et  qui  a  efté  choifie  pour 
le  temple  de  la  Raifon  en  seront  retirées  et  pour  cet  effet,  le  confeil  géné- 
ral a  nommé  pour  ses  commiffaires  les  citoyens  Granval.  officier  municipal,  et 
Lozout,  notable,  lefquels  sont  invités  de  s'occuper  inceffamment  et  ce.  à 
commencer  dès  le  jour  de  demain,  à  retirer  toutes  les  dites  idoles,  sauf  au 
confeil  général  à  se  pourvoir  aux  repréfentants  du  peuple  pour  obtenir  la 
dite  ci-devant  cathédrale  définitivement  pour  temple  de  la  Raifon  ' .    // 

Les  maçons  eurent  beau  oter  "  les  marques  tant  e.xtérieures  qu  inté- 
rieures du  fanatifme  //.  c'était  la  foi  du  peuple,  l'habitude  religieufe  qu  il 
fallait  changer,  attacher  du  moins  ailleurs,  pour  obtenir  de   réels  réfultats. 

Profcrit  de  it%  temples,  a  Lifieux  comme  dans  beaucoup  d  autres  cités. 
le  culte  catholique  s'exerça  dans  les  demeures  des  particuliers.  A  la  faveur  des 
ténèbres,  la  mclTe  se  célèbre.  Dans  le  grand  silence  nocturne,  ufant  de  rufes 
héroïques,  quelques  prêtres  au  milieu  des  fidèles  agenouillés,  sur  un  autel 
improvifè.  font  dcfcendre  le  Chrift  miféricordieux.  Certaines  de  ces  meffes 
silencieufcs  durent  revêtir  une  solennité  saiiiilantc  par  la  penfée  quelles 
pouvaient  être  les  dernières... 

La  violence  peut  s'acharner  contre  les  croyances,  les  pratiques  tradition- 
nelles periirtent.  Le  confeil  de  la  commune  de  Lifieux  peut  fermer  la  ci-devant 
cathédrale  le  2  |  décembre  17»)^  pour  empêcher  les  habitants  de  la  ville  de 
célébrer  la  Noël,  toutes  ces  mefures  de  rigueur  ne  servent  qu  à  raviver  dans 
les  àmcs  les  grands  souvenirs  des  fêtes  difparues. 

Le  peuple  sent  plus  qu  il  ne  réfléchit.  Il  tient  aux  cérémonies  religieufes  :  au 
jour  fixé  par  le  calendrier  catholique,  les  fidèles  se  souviennent  des  belles 
solennités  d  autrefois  et  mettent  tout  en  œuvre  pour  les  célébrer  encore. 

Soucieufc  de  remplacer  ce  qu  elle  avait  détruit,  la  Convention  multiplie 
les  fêtes  en  Ihonneur  de  la  Raifon.  Ce  culte  laïque  était  très  artificiel  en 
regard  du  culte  héréditaire.  Tout  étriqués  dans  leur  sévère  coilume  noir, 
les  repréfentants  du  peuple  semblaient  bien  petits  sous  les  hautes  voûtes 
édifiées  par  la  foi  des  anciennes  générations.  ' 

I.    Dchbérjtton  du  Confeil  gcnérjl.  21   pluviofc.  7  florcal,  in  II. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE  203 

Enfermées  dans  le  cercle  des  banalités  de  commande  :  fanfares,  illumi- 
nations, harangues  enflammées,  salves  d  artillerie,  les  réjouiflances  de  la 
Révolution  trouvent  froids  les  spectateurs.  A  Lifieux.  l'ingénieur  Quefnel 
fut  le  grand  orgamfateur  de  ces  mamfeftations  politiques,  morales  et  civiques. 
Malgré  son  zèle,  malgré  son  entente  du  décor  et  de  la  mife  en  scène,  le 
nouveau  maitre  des  cérémonies  n  aboutit  qu  à  un  échec  déplorable. 

Les  solennités  révolutionnaires  firent  du  bruit  les  premiers  mois,  mais 
leur  fafl^eufe  monotonie.  1  exagération  de  leur  nombre,  les  expédients  arti- 
ficiels de  leur  célébration,  les  difcréditèrent  promptement  dans  l'opinion 
publique.  De  toutes  ces  fêtes,  l'une  des  mieux  réuffies  fut  sans  doute  celle 
du  8  juin  1794.  en  l'honneur  de  1  Etre  suprême  et  de  la  Nature.  Elle  se 
déroula  dans  la  nef  de  la  cathédrale  Saint-Pierre.  L'entrée  du  chœur  était 
fermée  par  un  immenfe  rideau  tricolore,  rehaufle  de  guirlandes  également 
tricolores  entremêlées  de  verdure.  Chaque  pilier  reçut  également  une  déco- 
ration de  guirlandes.  Au  milieu  de  la  nouvelle  clôture  du  chœur,  se  détachait 
un  tableau  sur  lequel  se  lifait  la  Décldrdtion  des  Droits  de  l'Homme.  Au-deflus 
de  ce  cadre  et  sur  toute  la  largeur  du  rideau,  en  lettres  de  fleurs,  apparaiflait 
l'infcription  suivante  : 

A  L'ÊTRE  SUPRÊME 

Sous  la  tour-lanterne  se  dreffait  l'autel  de  la  Nature,  aux  gradins  char- 
gés  de  fruits  et  de  fleurs.  En  face  la  chaire,  deux  efl:rades  :  l'une  pour  les 
orateurs,  l'autre  pour  les  muficiens.  Une  draperie  émaillée  de  verdure  et  de 
fleurs  recouvrait  la  porte  extérieure,  sur  le  tympan,  les  promoteurs  du  culte 
de  la  Raifon  avaient  fixé  une  plaque  de  marbre  noir  avec  ces  mots  :  Temple 
DE  LA  Raison.  Récemment,  M.  Lahaye  a  retrouvé  cette  plaque  dans  un  recoin 
de  l'Hôtel  de  ville. 

Le  8  juin,  à  8  heures  et  demie,  les  tambours  de  chaque  compagnie  de  la 
garde  nationale  battent  le  rappel.  Un  peu  après  10  heures,  les  citoyens  et  ci- 
toyennes, chefs  militaires,  juges,  confeillers  municipaux,  magifl:rats  de  toute  sorte 
entrent  dans  le  Temple:  les  hommes  se  placent  d  un  côté  de  la  nef,  les  femmes 
de  l'autre,  les  enfants  occupent  l'allée  centrale.  Un  roulement  de  tambour 
invite  l'aflemblée  au  silence.  La  municipalité  monte  sur  l'eflrade  réfervée  aux 
orateurs.  Après  lecture  d  un  extrait  du  difcours  de  Robefpierre  sur  la  fête 


204  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

du  jour,  le  maire  Cœfsin  proclame  le  décret  de  la  Convention  nationale. 
Les  applaudifTements  et  acclamations  prévus  au  programme  ne  manquent 
pas.  La  mufiquc  de  la  garde  nationale  donne  un  morceau  de  cir- 
conftance.  un  enfant,  au  nom  de  la  jeunelTc  des  écoles,  prononce  une 
allocution.  Un  chœur  de  jeunes  filles  chante  1  hymne  à  1  Eternel,  suivi  d  un 
difcours  et  d'un  autre  hymne  religieux  exécuté  par  un  groupe  d  hommes.  Le 
maire,  ceint  de  l'écharpe  tricolore,  revient  sur  1  eftrade.  répète  le  décret  de 
la  Convention,  se  met  en  tcte  de  la  jeunefle  et  fait  si^nc  au  cortège  de 
quitter  la  ci-devant  cathédrale.  Telle  fut  la  fcte  en  1  honneur  de  1  Etre 
Suprême. 

Les  grandes  lignes  de  ce  cérémonial  servirent  pour  la  fcte  de  la  JcunclTe, 
pour  la  fcte  des  Epoux,  pour  la  solennité  de  la  ReconnaifTance  et  des  Vic- 
toires, pour  les  fêtes  de  1  Agriculture  et  des  Vieillards,  pour  1  anniverfaire  de 
la  fondation  de  la  République  et  de  la  mort  de  Louis  XVL.. 

Une  fcte,  à  vrai  dire,  ne  se  décrète  pas,  elle  réfultc  d  un  idéal  commun. 
Si,  dans  les  années  I7<)>  et  I7<)}.  une  foule  compacte,  par  cunofité  ou 
par  peur,  se  prelTait  dans  la  vieille  cathédrale  grande  ouverte,  en  ly*»*^  et 
l'Jt)b  laffiflancc  diminue  senliblcmcnt.  même  les  fonctionnaires  deviennent 
tièdes.  des  fâcheux  troublent  les  fêtes,  les  muliciens  ne  préparent  plus  leurs 
partitions  '"  comme  cela  se  pratiquait  dans  les  années  précédentes  où  l  ému- 
lation était  générale  '.   // 

A  Lifieux,  comme  dans  nombre  de  villes,  se  vérifie  1  appréciation  de 
M.  Erneft  Laviffe  :  '-'  l  Eglife  seule  en  France  sait  créer  des  fêtes  et  les  perpé- 
tuer. //  Les  fêtes  révolutionnaires  n  ont  abouti  qu  à  un  '^  fiaico  déplorable  //  '. 

Le  12  thermidor  an  II  (v>  juillet  \'ji.).\).  le  confeil  général  alloue 
cent  cinquante  livres  au  citoyen  Vivien  pour  les  services  qu  il  fait  .ui  temple 
de  la  Raifon.  Il  doit,  en  ettct.  balaver  régulièrement  1  ancienne  cathédrale, 
la  lailTer  vifiter  aux  étrangers  avides  dadmircr  ses  splendeurs,  prendre  soin 
de  Ihorlotîe. 

Le  2  frimaire  (22  novembre  I7<>)K  le  citovcn  Granval  est  nommé 
commifTairc  pour  allifter  au  dégalonncmcnt  des  ornements  liturgiques.  Le 
l<)  ventcSfc   ((>   mars    ly'»*)).  rafTcmblcmcin   du   peuple   dans   le  temple    de 

1 .  Correfpomijttce  de  h  Mutticipjlité.  i  "qh. 

2.  Jofcph  Fabrc,  Les  hourrejux  de  Jejnne-d' Arc.  Paris,    i  o  i  ^ ,  p.   217. 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


205 


l'Éternel,  afin  d'établir  la  lifte  des  indigents.  Le  1 1  floréal  (30  avril  1793), 
les  sections  de  1  Unité,  de  1  Egalité  et  de  la  Fraternité  s'entendent  «  pour 
enfemble  aller  demander  à  la  municipalité  tous  les  renfeignements  néceffaires 
sur  les  dilapidations  et  dévaftations  commifes  dans  les  ci-devant  églifes  de 
cette  commune,  s'enquérir  s'il  y  a  eu  des  réquifitions  formelles  données  par 
Frémanger,  repréfentant  du  peuple,  pour  les  commettre  //.  Habilement,  le 
confeil  général  évite  la  réunion,  mais  le  7  fructidor  (24  septembre  1793), 
plufieurs  membres  de  la 
section  de  l'Egalité  récla- 
ment l'ouverture  d  un  édi- 
fice pour  y  profefTer  le 
culte  catholique. 

Un  mouvement  irré- 
fiftible  de  lopinion  avait 
forcé  la  Convention  à 
voter,  le  30  mai  1705,  le 
libre  usage  des  églifes  non 
aliénées:  de  tous  côtés, 
les  paroiiTes  redemandent 
leurs  églifes.  Dans  plu- 
fieurs, on  force  la  main 
aux  municipalités,  les  prê- 
tres qui  se  cachaient  réap- 
parailTent.  Le  confeil  de 
la    commune,    à    Lifieux, 

ne  montra  aucun  empreflement  à  favonfer  un  pareil  mouvement.  Cepen- 
dant, le  2 S  fructidor  (14  septembre  1793),  l'horloge  de  la  ci-devant 
cathédrale  eft  mife  en  réparation.  La  couverture  eft  auffi  vifitée.  Le  22  floréal 
an  IV  [\i  mai  1796),  l'adminiftration  municipale,  dans  une  lettre  au 
département,  'r  réclame  contre  l'aliénation  poffible  de  la  ci-devant  cathé- 
drale Saint-Pierre  //,  c'eft  le  seul  local  convenable  pour  réunir  les  citoyens 
en  ademblées  primaires  ;  ce  motif  intéreflant  doit  le  faire  conferver  et 
excepter  de  la  vente.  La  confervation  de  léglife  ci-devant  Saint-Germain 
ne  s'impofe  pas  moins  :   ''-'  Cet  édifice  servant  de  magafin  aux   fourrages. 


F'g-  73- 


Vue  de  Lisieux.  prise  de  la  route  de  Pont-l'Evêque. 


206  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

tant    des   diftricts    de    Lifieux    que   de    Pont-l'Evèque.    ne    peut    être    vendu 
puifqu  il  est  elTentiel  au  service  public.   // 

Le  12  prairial  an  IV  (^  i  mai  17QO).  la  municipalité  s'explique  près 
de  l'adminirtration  départementale  sur  les  orgues  :  "'  Il  nous  eft  impolfible 
de  conftater  des  buffets  d'orgues  dans  notre  commune,  ceux  qui  v  exiftaient 
ayant  été  vendus  sans  réferve  par  la  ci-devant  adminiftration  du  diftrict.  » 
Le  2  vendémiaire,  an  IV  (23  septembre  i7»-;()).  la  municipalité  reçoit  une 
pétition  demandant  une  églife  pour  1  exercice  exclufif  du  culte  catholique. 
La  réponfe  eft  nettement  défavorable.  L'adminiftration  redoute  que  1  ou- 
verture dune  églife  n  occafionne  des  troubles  et  ne  diffipe  la  tranquillité 
dont  jouit  la  cité  depuis  la  fermeture  de  ces  édifices  religieux.  Toutefois, 
s'apercevant  que  les  catholiques  étaient  décidés  à  s'emparer  par  la  force  de 
leurs  anciennes  églifes.  dès  le  27  vendémiaire  an  V  (iN  octobre  l  7<>(>), 
l'adminifliration  municipale  rendait  au  culte  la  ci -devant  églilc  de 
l'Abbaye. 

Le  •;  ventôse  an  V  (21  février  17^7).  «  le  citoyen  Gondouin  choilis- 
sait  l'enceinte  de  la  ci-devant  églife  Saint-Jacques  pour  y  exercer  le  culte 
catholique.   // 

Durant  ce  temps,  Saint-Pierre  servait  toujours  aux  fêtes  civiques,  de 
plus  en  plus  troublées,  de  plus  en  plus  affadies  par  1  abus  de  froides  ab- 
stractions. Le  I  *)  germinal  an  V  (j  avril  1707).  l'adminiffration  municipale 
décide  de  réparer  la  toiture  de  la  sacriffie  où  la  pluie  tombe  avec  abondance. 

Le  S  thermidor  an  VI  (2^)  juillet  170N).  la  mufique  de  la  garde 
nationale  reçoit  de  la  municipalité  d'amers  reproches  pour  son  manque  de 
zèle  dans  les  fêtes  républicaines  célébrées  dans  Saint-Pierre.  Le  27  vendé- 
miaire an  VII  (iS  octobre  171)^).  le  commandant  de  la  garde  nationale 
est  à  son  tour  admonefté  dans  ces  termes  :  "  C  cfl  tivcc  pcuie.  citoyen,  cjuc 
ï Admimfhrdùon  d  \u.  dans  le  lien  lieflinc  À  Li  réunion  des  citoyens  (jue  le 
silence  n'efl  pjs  ohfervè.  En  vdin  elle  a  rccLvnc  ce  silence  si  nècejfdire.  elle 
n \t  pu  l  obtenir.  Li  nhilveilLince  y  sentit-elle  pour  cjuelcjue  chofe.''  ou  les 
enfmts  sjns  leurs  parents,  se  rendant  dans  ce  lieu  sans  s  être  pénétrés  du  sujet 
du  raffenihlement  ordonné  par  la  loi  du  1  ;  fructidor  dernier,  se  sont-ils 
abandonnés  à  des  jeux  et  à  des  bruits  (jui  ne  sont  cjue  pour  troubler  l  ordre  et 
empêcher  (jue  les  plus  près  de  leflrade.  où  se  place  l  Adminiflration.  n  entendent 


HISTOIRE  ANECDOTIQUE  DE  LA  CATHEDRALE 


207 


aii'dyec   beaucoup   de  peine   la  lecture   des   lois   et  actes  émanés  de    l autorité 
publique,  parvenus  à  l\Admimjhration  pendant  le  cours  de  la  décade:' 

Cefl  pour  obvier  à  ces  inconvénients  que  nous  vous  adreffons  la  préfente 
et  vous  invitons  à  l  avenir,  et  jusqu'à 
nouvel  ordre,  de  donner  pour  con- 
figne  que  tous  ceux  qui  seront  trou- 
vés fdifant  du  bruit  dans  l'enceinte 
dejlinée  à  la  réunion  des  citoyens 
pendant  la  cérémonie  décadaire  soient 
contraints  d'en  sortir,  et,  en  cas  de 
refus  d  obéir,  qu'ils  soient  conduits 
à  la  salle  de  difciplme  jusqu'après 
la  cérémonie,  pour  être  par  l'tyidmi- 
nifhration  pris  le  parti  convenable.  » 

A  partir  du  1 3  août  1800. 
les  fonctionnaires,  les  salariés  du 
gouvernement,  les  autorités  locales 
viennent  seuls  au  temple  déca- 
daire... Deux  ans  plus  tard,  le 
I  )  août  1802.  la  cathédrale  Saint- 
Pierre  était  officiellement  rendue 
au  culte  catholique  comme  simple 
paroifTe.  L'évèque  de  Bayeux.  Mon- 
seigneur Brault,  défiena,  pour  pré- 


gna,  pour  p 
fider   la  cérémonie   de  réouverture, 
M.  Euftache  Le  Jeune  de  Créquy, 
ancien   vicaire  général   de   Mgr  de 
la  Ferronnays. 

En  cette  fête  de  l'AfTomption  Fig.  74. 


dXT     .  T^  1  ^L'J      1        '-    •     Tombeau  de  M.  de  Créquv.  au  cimetière  de  Saint-Désir  de  Lisieux. 

e  JNotre-Uame,  la  cathédrale  était  ^  ■ 

trop  petite  pour  la  foule  immenfe.  Après  le  chant  du  Mi  fer  ère  et  du  Te  Deum, 

M.  de  Créquy,  tenant  à  la  main  le  Saint-Sacrement,  fit  le  tour  de  l'églife. 

Précédant  la  proceffion,  M.  l'abbé  Millet  difait  à  la  foule  :   «   A  genoux, 

c'efl:  votre  Dieu  qui  paiTe.  »  Au  souvenir  de  leurs  égarements  d  hier,  beau- 


208 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


coup  d'affiftants  ne  purent  retenir  leurs  larmes.  La  melTe  fut  célébrée  sur  un 

autel  très  rudimentaire  dreffé  à  la  hâte  par  MM.  Goron  et  Farcy.  menuifiers. 

Dans  la  cathédrale  rendue  au  culte,  tout  eft  délabré,  rien  ne  refte  des 

objets  nécefTaires  à  la  célébra- 
tion des  offices.  C  eft  la  grande 
défolation  !  Le  sous-sol  boule- 
verfé  par  endroits,  des  statues 
sans  tète,  des  arcatures  et  des 
colonnes  brifées.  les  tableaux 
lacérés,  les  vitraux  en  ruine  re- 
difent  à  tous  les  horreurs  et  les 
attentats  qui  s  v  commirent 
pendant  près  de  dix  années. 
L  excès  du  défaflre  provo- 
ua le  renouvellement  néccfTaire. 


^  S 


les    iiardiens 


Malheureufement 
du  temple   ne  surent   point   ai- 
guiller dans  un  sens  ellhétique 


:tiqi 


1( 


iPÎ: 


^*&-  7\    ~   ^-  D»"!").  Mchitecte. 


les  premiers  ciiais  de  restau- 
ration. Ils  couaircnt  au  plus 
prcfTé.  Soucieux  de  panier  en 
toute  hâte  les  plaies  béantes  de 
la  vieille  cathédrale,  les  rcllau- 
rateurs  du  premier  Empire  accomplirent  des  travaux  coûteux  c|ui  rcRent  le 
défcCpoir  des  architectes  contemporains. 

Après  iSjo,  MM.  Piel.  Danjov.  Naples.  Sainte-Anne  Louzier.  De  la 
Rocc|ues.  ont  tour  à  tour  repris,  pierre  à  pierre,  les  afliles  branlantes  du 
monument;  dans  le  calcaire  rongé  par  1  âge,  ils  ont  inféré  avec  difcrétion 
de  la  pierre  neuve.  Les  murs  ont  été  débarrallés  du  vilain  badigeon  qui 
dérobait  au  regard  les  profils  et  les  sculptures.  Le  premier  de  ces  architectes, 
Picl,  n  a  fait  qu  amorcer  le  travail  de  renouvellement,  et  cependant  sa  phylio- 
nomie  reliera  déformais  inléparable  de  la  cathédrale  Samt-Pierrc. 

Picl  aimait  pafiionnément  ce  bel  édifice  ogival.  Son  plus  vif  défir  était 
de  créer  autour  du  glorieux    sanctuaire  une  atmosphère  d  affection.  Un  de 


HISTOIRE  ANECDOTIQL'E  DE  LA  CATHEDRALE 


209 


ses  amis  nous  l'a  montré  errant  dans  la  nef.  palTant  de  longues  heures  à 
contempler  les  larges  affifes  des  piliers,  les  corbeilles  des  chapiteaux,  les 
arcatures.  les  retombées  des  voûtes,  obfervant  les  jeux  d  ombre  et  de 
lumière  et  les  reflets  des  vitraux.  Mais  c'était  surtout  pendant  les  offices  du 
soir  qu'il  se  plaifait  à  regarder  attentivement  1  édifice,  quand  la  foule  le  ren- 
dait vivant,  quand  les  ombres  à  peine  diffipées  par  endroits,  lui  donnaient 
une  profondeur  myftérieufe.  Les  piliers  de  la  nef.  ceux  du  tranfept.  ceux  du 
chœur,  les  croifées  d'ogives,  à 
cette  heure  difcrète.  lailTaient 
mieux  deviner  les  penfées  des 
créateurs  de  1  œuvre. 

La  cathédrale  ne  fut  pas 
ingrate  à  l'égard  de  son  ardent 
protecteur.  Elle  devait  le  rame- 
ner à  la  pratique  religieufe.  Et 
c'efl:  là.  semble-t-il.  l'une  des 
plus  belles  pages  de  son  hiftoire 
à  travers  les  âges. 

Sans  doute,  il  n  efl:  pas  né- 
ceflaire  de  pofleder  des  convic- 
tions religieufes  pour  éprouver 
un  plaifir  de  vénération  devant 
les  temples  catholiques.  Quoique 
n  admettant  pas  encore  la  vérité 
tranfcendante  et  divine  de  la 
religion  du  Chrift.  Maurice 
Barrés,  dans  un  livre  rythmé 
comme  un  poème,  ne  vient-il 
pas  de  plaider  magnifiquement 


Fig.  76.  —  Deuils  du  grand  portail. 


la  caufe  des  églifes  de  France  ?  Piel  commence  par  jouir  de  la  beauté 
sereine  de  Saint-Pierre.  Son  àme  eft  impreffionnée,  elle  s  accoutume  à 
l'ordonnance  de  l'édifice,  et  ne  tarde  pas  à  se  prendre  d'une  ardente  sym- 
pathie, puis  dune  admiration  croiiTante  pour  les  grandes  lignes  inaltérées 
de  l'œuvre.  La  forme  ne  peut  se  séparer  de  l'idée  qui  l'anime.  Peu  à  peu. 


a? 


3  10  SALNT-PIERRE  DE  LISIEUX 

le  jeune  architecte  comprend  c]u  une  telle  merveille  d  an  doit  être  Texpres- 
sion  concrète  d  une  idée  vraiment  supérieure.  Dans  la  cathédrale,  son  cœur 
rciTent  un  apaifement  tout  intime,  une  sécurité  inexprimable.  "  Pour  en 
mefurer  la  grandeur,  écnt-il.  pour  en  admirer  la  majefté.  je  suis  obligé  de 
lever  les  yeux  vers  le  ciel  et  me  voilà  déjà  dans  1  attitude  de  la  prière.  // 

Il  y  a  plufieurs  chemins  qui  mènent  à  la  croyance,  a  déclaré  F.  Brune- 
tière  dans  un  livre  célèbre.  Et  de  fait,  on  peut  croire,  pour  des  raifons 
intellectuelles,  ou  morales,  ou  hiftoriques.  ou  sociales  et  pour  d  autres  motifs 
encore.  Piel  a  cru  pour  des  raifons  d  ordre  efthétique.  C  eft  en  dreiTant  lin- 
ventaire  architectural  de  la  vieille  cathédrale  gothique,  qu  un  jour  il  a  en- 
tendu les  pas  et  la  voix  qui  firent  treflaillir  les  difciples  de  1  Evanc;ile. 
Œuvre  d  art.  symbole  de  vérité,  la  cathédrale  devenait  pour  larchitecte  le 
corps  mvftique  du  Chnfl  dont  1  ame  se  mêlait  à  son  àme. 

Commencée  dans  1  indifférence,  sa  vie  s  acheva  dans  la  pénitence,  le 
silence  et  le  recueillement  d  un  monaftére  italien  tout  proche  de  1  immenfc 
plaine  de  Marengo.  A  peine  le  nouveau  converti  avaii-il  revêtu  la  robe 
blanche  des  dominicains,  que  le  Père  Lacordaire  devina  sa  haute  valeur 
morale  ;  "  Dieu,  écrivait-il.  nous  d  en\oyé  dernièrement,  dans  L.-A.  Piel. 
un  jeune  homme  d  un  rare  mérite.  // 

A  1  aube  du  vingtième  siècle,  le  ^^  mai  l  qOQ.  Mgr  Lemonnicr.  évcque 
de  Bayeux.  en  souvenir  du  pafTc  de  la  cathédrale,  a  daigné  accorder  aux 
curés  succeffifs  de  Saint-Pierre  le  titre  d  archiprètre  et  aux  vicaires  de  la 
paroiffc.  chantres  et  enfants  de  chœur,  le  cofKime  en  ufa^e  à  la  cathédrale 
de  Baveux. 

La  brillante  fortune  de  1  une  n  empêche  pas  1  autre  d  être  vivante  encore. 
Au  jour  d  une  belle  fête,  quand  la  cité  tout  entière  emplit  la  vieille  cathé- 
drale, quand  les  clartés  jovcufcs  de  1  électricité  soulignent  puifTammcnt 
1  harmonie  de  son  architecture,  quand  la  maitrife  exécute  les  plus  belles 
créations  des  grands  maitres.  elle  préfente  toujours  une  nchelTc  inouïe  de 
pcnfécs  et  d  émotions.  Aux  générations  actuelles,  la  cathédrale  montre  par 
son  exemple  comment  il  faut  s  adapter  aux  circonftanccs  et,  après  une  vie 
somptueufc.  accepter  une  vie  plus  simple. 


PL   63 


MONSEIGNEUR   LEMONNIER,    ÉVÉQUE   DE    BAYEUX   ET   LISIEUX 


CHAPITRE  VII 


LES   VITRAUX 


RNEMENTAL    au    plus    haut    chef.    1  art    somptueux   du   vitrail 

qui.  pendant   le   moyen    âge   et   la    RenaifTance.  a  été.   en 

France,    inféparable  de  1  architecture,  fut  la   forme  la  plus 

brillante    et   la    plus    riche    de    la    peinture    monumentale. 

C  efl;  un  art  auffi  français  que  l'architecture  dite  gothique. 

Léon  dOftie'  et  le  moine  Théophile'  sont  les  premiers  qui  aient  parlé 

clairement    de    1  art    du    peintre   verrier:  le   second  surtout    reconnaiffait  la 

supériorité  des  ouvriers  de  la  Gaule  '^  in  hoc  opère  peritiffimi  /,. 

Une  véritable  révolution  s'accomplit  dans  1  art  chrétien  lorfque  la  figure 
humaine  fut  tranfportée  de  la  paroi  dans  la  fenêtre  et  de  la  mofaïque  ou 
de  la  frefque  sur  le  vitrail.  Ce  fut  alors  tout  un  enfeignement  théologique 


en  images  lumineufes. 


Cette  profonde  poéfie  de  la  lumière  que  nos  climats  ne  connailTent  pas, 
éclat  des  verdures    éternelles,  splendeurs  des  montagnes  lointaines  et  de   la 

1.  Chronici  Cafînen(ls.  édit.  Dubreuil.  Paris,  1605,  lib.  III,  cap.    10.  27. 

2.  Theophili  prep>yteri  et  monachi  libri  III.   seu  diverptrum  artium  schedula,  édit.  de  TEfca- 
lopicr.  Paris.   iS43,lib.  II. 


2  I  2 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


mer,  tout  cet  enchantement   dont    rêve   l'homme  du    Nord,  nos  artiftes  le 
mirent  dans  leurs  vitraux.  Le  vitrail  eft  l'art  des  pays  sans  soleil. 

Jufqu'à  l'apogée  de  la  RenaifTance,  les  églifes  de  France,  toujours  plus 
légères  et  plus  aériennes,  s'enrichirent  à  1  envi  de  ces  clôtures  splendides  qui 
conftituaient  des  peintures  tranfparentes. 

La  cathédrale  Saint-Pierre  reçut,  à  1  origine  même  de  sa  conftruction. 
une  décoration  en  rapport  avec  son  importance,  notamment  des  vitraux 
peints.  Il  nous  en  reftc  un  témoignage  précieux  dans  un  médaillon  repré- 
sentant le  Chrifl:  affis  et  bénilTant.  qui  remonte  à  la  fin  du  xu'  siècle. 

Deux  autres  fragments  pour  le  xiii"  et  quelques  morceaux  aiTez  impor- 
tants pour  le  xv",  prouvent  que  notre  vénérable  cathédrale  avait  été  poun'ue 
d'une  vitrerie  peinte  sur  laquelle,  malheureufement.  nous  ne  polTédons  que 
fort  peu  de  textes  narratifs. 

Il  nous  faut  arriver  à  la  fin  du  xiv'  siècle  pour  trouver  une  mention 
précife  se  rapportant  aux  vitraux.  Nous  savons  en  effet  que  le  i  7  janvier  i  "îijo. 
nouveau  style,  ■'''  Rogicr  de  Jiimièges  '  congnut  que.  pour  Lî  somme  de 
LXl^II  livres  tournois,  dont  il  se  tint  pour  content,  de  XXX  livres  et  de  tout 
le  vieil  verre  que.  il  doit  avoir  pour  cjufe  de  ce.  il  efloit  tenu  et  promijl  verrer 
les  y^I  chapelles  de  Sdint-Pierre  de  Lifieux.  devers  le  nuinoir  Monficur.  si 
comme  plus  d  pldin  efl  contenu  pdr  Id  ccdule  sur  ce  fdite.  Liquelle  meffre 
Jdcques  Guérdrt  d  devers  lui.  Ltcjuelle  il  doit  kiillier.  et  les  XXXVÎI  livres 
qui  demeurent  d  pdier  d  ces  termes  :  qiidnd  IIII  fenejhes  premières  seront  verre:i^. 
XVII  livres  X  soûls,  et  les  diitres  XVll  livres  X  souhs  qudut  Id  befogne  serd 
pdrfdite\   // 

Ce  texte,  dans  son  laconisme,  ne  nous  permet  pas  de  nous  faire  une 
idée  très  précife  du  genre  de  travail  que  devait  exécuter  Roger  de  Jumiègcs. 
On  sait  toutefois   qu'il   s'agit   des   chapelles   du   collatéral   Nord    et    qu  un 

I  .  Rot;cr  de  Jimiicgcs  dut  se  fixer  i  Lificux  où  il  polTcdiit  un  héritage  près  h  place  aux 
Fruiiagcs  de  la  cohue  de  révcquc.  Cet  héritage  fut  acquis  par  la  suite  par  Richard  du  Boulay 
et  son  frère  qui  le  fietfcrcnt.  le  2  avril  144^,  à  Jean  PicI,  moyennant  une  rente  de  4  livres 
10  sols.  CjTtttbire  de  Thonus  Bjftn,  fol.  70,  ms.  n"  ^  de  la  Bibliothèque  de  Lifieux.  —  De 
Formevillc,  Hijïoire  Je  l'jncieit  è\èché-comté  de  Lifieux,  t.  II,  p.  3;^. 

2.  Extrait  du  H^egiflre  de  Giiilbutiie  Guèrjrt,  ubellwn  de  M.  de  Lifieux,  i jqo-i  ^q2.  Ar- 
chives de  M"  Dclaruc,  iietaire.  —  Voir  Le  /^rveiV  libérjl  du  4  novembre   iqo^. 


LES  VITRAUX  213 

marché,  plus  amplement  defcriptif  du  travail  à  exécuter,  avait  été  pafTé  avec 
l'artifte  à  cet  effet. 

Un  autre  texte,  emprunté  au  même  regiftre.  eft  beaucoup  plus  explicite 
en  ce  qui  concerne  la  vitrerie  des  hautes  fenêtres  de  la  nef  et  du  chœur. 
Voici  ce  texte  :  ^'  7  ^vn/  i^ço.  En  dit  jour  fut  préfent  I{ogier  de  Jumièges 
qui  congnut  que  pour  Id  somme  de  LV  livres  tournois  que  lui  avoit  promis 
mefjire  Jacques  Guêrart.  fabriquer  de  la  fabrique  de  Saint-Pierre  de  Lifeux, 
il  ejloit  tenu  et  promijl  faire  et  verrer  à  ses  propres  cous  et  defpens,  tout  le 
haut  de  la  nef  de  ladicte  églife  de  Saint-Pierre  et  toutes  les  verrières,  border  de 
bonnes  coulleurs  et  en  celles  de  devers  le  cuer,  en  chacune  un  ymage  avecqucT^ 
son  tabernacle,  et  avecqucT;^  ce.  doit  icelluy  Rogier,  faire  et  verrer  XVI  fenejhres. 
cejî  affavoir  X  de  neuf  verre  et  VI  de  vieil  verre  qui  y  ejl,  et  promijl  faire 
ycelle  befoingne,  à  commencher  du  jour  diid.  et  continuer  jufque^^  ad  ce  que  la 
befoingne  soit  achevée.  » 

Nous  savons  donc  par  cet  acte  que  les  fenêtres  du  choeur  étaient  gar- 
nies de  vitraux  à  perfonnages  placés  sous  des  édicules  ou  dais,  se  détachant 
sans  doute  sur  des  étoffes  damaffées,  comme  c'était  la  coutume  alors. 

Il  nous  faut  parvenir  au  milieu  du  xv''  siècle  pour  trouver  de  nouvelles  . 
mentions  relatives  aux  vitraux,  encore  semblent-elles  se  rapporter  à  des 
verrières  garnies  de  réfilles  de  plomb.  Dans  un  ancien  regiftre  des  comptes 
de  la  fabrique,  sous  l'adminiftration  de  Thomas  Basin",  on  trouve  qu'en 
1452  Robin  d'Arqués,  vitrier,  avait  defcendu  de  la  lanterne  de  l'églife 
VII  formes  de  verre  pour  les  rappareiller  et  les  remettre  en  plomb  neuf. 
Chaque  forme  contenait  ()  3  pieds  et  il  lui  était  alloué  2  sols  3  deniers  par 
forme  suivant  le  marché  qui  avait  été  paffé  avec  lui  par  le  doyen,  le  vicaire, 
le  tréforier  et  autres  de  la  chapelle  Saint-Nicolas. 

C'eft  probablement  en  vue  de  ce  travail  que  Robin  Jehan  avait  touché, 
en  cette  même  année,  une  somme  de  i  S  sols  pour  avoir  fait  XVIII  claies 
de  bois  neuf. 

Pendant  le  cours  du  xvi'  siècle,  de  nombreux  travaux  furent  faits  aux 
vitraux,  simples  travaux  d  entretien  que  nous  nous  contenterons  d  énumérer 


I .   Quicherat, H/y?Oîrf  de  Charles  VU  et  de  Louis  XI,  par  Thomas  Bafin,  Société  de  l'Hifloire 
de  France,  t.  IV,  p.  299. 


2  14  SAINT-PIERRE   DE   LISIEUX 

sommairement,    les  textes  s'y   rapportant  ayant   été  intégralement   publiés'. 

1303,  28  septembre,  —  Thomas  Doefnart.  "  verrinier  de  la  paroilTe 
Saint-Jacques  //.  répare  et  remet  en  plomb  sept  fenêtres  de   la  lanterne. 

I  30O.  Le  même  delcend.  répare  et  remet  en  place  les  trois  verrières  du 
pignon  de  la  croifée  ''  vers  la  fontaine  bouillant  //  et  une  autre  verrière  proche 
le  doyenné.  A  la  fenêtre  du  milieu  du  croisillon  Sud.  il  poie  trois  éculTons 
et  plufieurs  autres  pièces  peintes. 

i")2").  Le  même  répare  lune  des  vitres  du  haut  de  1  églile.  X'incent 
BloiTet  "  voirinier  //.  relève  deux  des  panneaux  de  la  fenêtre  du  côté  du 
palais  près  le  grand  autel  du  chœur:  en  répare  une  autre  devant  les  orgues 
et  devers  le  reveftiaire  et  met  des   lozanges  à  la  chapelle  de  Saint-Urfin. 

l^aS.  Le  même  remet  en  plomb  neuf  une    des    "  voirrines  //    de 

la  lanterne. 

I")  jS.  Jehan  Le  Grand,  travaille  à  la  chapelle  Saint-Taurin  et  à  la 
chapelle  Saint-Michel. 

1  5  ")  .^"' V^")-  Pierre   Gauvin    entretient  la  vitrerie    et   fait    quelques 

travaux  aux  chapelles  Saint-Denis.  Saint-Michcl  et  Saint-Martm. 

Quelques  menus  travaux  furent  faits,  en  1  *)  N  -  ^^  i  y''-  p-'^''  Laurent 
Le  Charpentier  et  Guillaume  Mocquerie. 

La  deftruction  de  nos  vitraux  fut  commencée  par  le  fanatifmc  religieux 
des  calvinides;  mais  elle  fut  continuée  de  façon  syftématique  par  les  cha- 
noines du  xvii'  siècle,  sous  prétexte  que  les  verres  de  couleur  oblcurcillaient 
1  cglife  et  qu  ils  les  gênaient  dans  la  lecture  des  offices. 

En  ihS-y,  l'œuvre  de  defliruction  était  très  avancée  à  Lilieux;  François 
Samson  et  Rochcry.  serruriers,  travaillaient  avec  Mercier,  vitrier,  à  la  vitrerie 
de  la  cathédrale  pour  laquelle  on  ne  dépenfa  pas  moins  de  (><•<>  livres  l  s,  sols. 
et  pourtant,  par  économie,  on  allait  chercher  le  verre  en  paniers  aux  ver- 
reries de  Conches  et  de  Beaumont.  L  année  suivante.  1  œuvre  de  vandalilme 
était  accomplie.  Rien  ne  fut  oublié,  pas   même  les  fenêtres  de  la  lanterne'. 

1 .  Comptes  de  b  fjbricjue  de  b  Cjthèdrjle,  dans  Bulletin  de  b  Société  Hiftoricjue  de  Lifieiix. 
n"  13.   I  i>oo,  p.   I  2  et  suiv. 

2.  Charles  VafTeur.  Etudes  hiflori<jues  et  jrcbéologitjiici  un  b  Cjthédrale  de  Lifcux.  p.  7Q. 


LES  VITRAUX  215 

L'auteur  anonyme  du  Mémorial,  'di  la  date  de  T  68 8,  parlant  des  travaux  faits 
par  ordre  de  Meffieurs  les  chanoines  pour  embellir  leur  églife,  écrit  tout 
simplement  :  '<  Ils  l'ont  fait  vitrer  de  neuf  en  ôtant  toutes  les  anciennes 
vitres  qui  efloient  fort  obfcures  ' .  » 

Le  vandalifme  des  chanoines  dépafTa  celui  des  calviniftes  du  xvi^  siècle  ; 
ceux-ci  ne  s'attaquèrent  qu'aux  sujets  à  portée  de  leurs  atteintes,  tandis  que 
les  premiers  détruifirent  méthodiquement  les  verrières  les  plus  élevées,  à  grands 
renforts  de  difpendieux  échafaudages. 

Ce  sont  les  verriers  du  xii^  siècle  qui  imaginèrent  d'enfermer  les  divers 
épifodes  d  un  récit  dans  une  série  de  médaillons  circulaires,  et  le  vitrail  tout 
entier  dans  une  bordure  magnifique.  Ce  sont  eux  qui  étudièrent  patiem- 
ment les  lois  de  Iharmonie  des  couleurs  et  qui  découvrirent  ce  beau  bleu 
profond,  pareil  à  un  ciel  d  été,  qui  palpite  dans  latmofphère,  derrière  les 
personnages. 

Les  vitraux  du  xii^  siècle  nous  apparaiffent  déjà  dans  toute  la  splendeur 
de  leur  coloration  harmonieufe  et  puiffante.  témoignant  d'une  technique 
très  avancée.  La  tradition  byzantine  se  reflète  sur  les  verrières.  La  simplicité 
des  compofitions  et  des  mouvements,  l'expreffion  calme  des  figures  sont  ins- 
pirées d  un  sentiment  très  profond.  Les  sujets,  généralement  de  petite 
dimenfion  et  infcrits  dans  les  médaillons,  s'enlèvent  en  coloration  franche 
sur  des  fonds  d'intenfité  variée. 

A  Saint-Pierre  nous  ne  polTédons  plus  que  deux  fragments  de  ces  vi- 
traux primitifs  :  une  petite  roface  décorative  et  un  Chrift  affis  et  bénilTant, 
confervés  à  la  sacriftie  de  la  cathédrale. 

La  roface.  qui  n'a  que  24  centimètres  de  diamètre,  eft  sur  fond  bleu, 
formée  de  quatre  palmettes  jaunes  sur  fond  brun  et  quatre  feuilles  rouges 
sur  fond  noir.  Au  centre,  un  quatre  -  feuille  en  vert  clair  sur  un  fond 
sombre. 

Le  médaillon,  qui  mefure  .)  1  centimètres  de  diamètre,  repréfente  un 
Chrifl:  de  majefté.  affis  et  béniflant.  Un  nimbe  bleu,  crucifère  jaune,  entoure 
sa  tète  ;  il  porte  une  robe  jaune-brun  que  recouvre  un  manteau  vert  ;  1  en- 

I.  Mémoridl  de  ce  qui  s'ejî  pajfc  de  plus  remarquable  dans  la  \ille  de  Lifieux.  jùjù-i  yij, 
dms  Bulletin  Soc.  Hifî.  de  Lifieux,  n°  6,  1875,  p.   13. 


2i6  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

semble  de  la  compofition  se  détache  sur  un  fond  brun  foncé.  "  La  figure 
du  Chrifl  eft  traitée  en  lignes  raides  sur  des  verres  d  une  teinte  sombre 
afin  de  faire  mieux  refTortir  1  expreiTion  de  la  tète  encadrée  de  bleu  clair. 
Quelques  incorrections  se  remarquent  dans  la  figure;  Tenfemble  du  cofKime 
cft  lourdement  drapé,  la  monture  de  plomb  durcit  encore  les  traits,  mais 
cette  dureté    n  cft  pas  inutile,  elle  augmente  le  'réalifme  de  la  peinture'.    // 

Et  ceci  cft  conforme  à  la  tradition  de  cette  époque,  qui  repréfentc  tou- 
jours le  Chrifl:  comme  un  homme  dans  la  force  de  1  âge.  de  trente-cinq  à 
quarante  ans.  conftamment  barbu,  jamais  souriant,  à  la  figure  sérieuse 
quand  elle  ne  fi:  pas  trific  \  Le  Chrifi  symbolife  à  la  fois  I  être  et  la  puis- 
sance par  excellence;  les  beaux  manufcrits  grecs  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale le  démontrent  dans  leurs  miniatures,  et  Guillaume  Durand"'  remarque 
que.  même  dans  1  églife  latine,  la  toute-puifTance  efi  attribuée  à  Jéfus.  Il  dit  : 
Iifhtgo  Chrijli...  pictd  ut  rcfidcns  m  throno.  seu  m  solio  cxcclfo.  prdcfcntcm 
indiciît  iihtjcjldtcm.  qiijfi  dicdt  :  DdLi  ejl  ei  potcjlds  in  cœlo  et  in  tend.   /, 

Au  xiii"  siècle,  notre  cathédrale  s'enveloppa  dans  ce  voile  irifc  dont  nous 
admirons  encore  les  refies  de  ses  scintillantes  broderies. 

Les  médaillons  dits  léiiendaires.  à  fonds  bleu  ou  rouiic.  s  enlèvent  sur 
d  étincelantes  mosaïques  qu  entourent  de  riches  et  larges  bordures  à 
feuillages.  Les  armatures  de  fer  foiiié  suivent  le  contour  des  médaillons, 
forment  comme  le  squelette  du  vitrail  et  contribuent,  par  leurs  silhouettes 
noires,  à  donner  de  la  fermeté  à  la  compolition  qui.  à  difiance.  n  c^ 
jamais  confufe. 

Le  verrier  ne  cherche  pas  à  faire  une  cviivre  individuelle,  defiince  à  être 
examinée  ifolément  ;  son  but  c^i  de  concourir,  sous  la  direction  unique  du 
maitrc   de  1  œuvre,  à  rornemcntation  du  monument. 

Non  seulement  par  une  judicieuie  et  harmonieule  difinbution  des  cou- 
leurs, il  illumine  1  intérieur  de  la  cathédrale  d  un  jour  à  la  fois  mvfiérieux 
et  splendide  qui  ajoute  à  la  sévérité  grandiofc  de  larchitccture  ;  mais  encore 
il  afpirc,  comme  1  imagier,  à  présenter  1  enicignemcnt  des  vérités  fonda- 
mentales de   la  religion,  les  récits  de  la  Bible,  les  vies    des  saints  et.  parfois, 

1.  Conférence  de  M.  l'abbc  Hardy,  donnée  ï  Lisieux  en  décembre  igi3. 

2.  Voy.  Didron,  Iconogrjphic  chrétienne,  Hijloire  de  Dieu,  Paris,   1843,  p.    3  n  et   suiv. 
^.   I{jtionjle  diwwTum  officiorum.  lib.  I.  cap.  m. 


PL  47 


LE    CHRIST   EN    MAJESTÉ.    VITRAIL  DU    XII*  SIÈCLE  iDcsin  de  R.  Salles). 


LES  VITRAUX  217 

il  exprime  des  idées  théologiques  plus  savantes  et  plus  compliquées  que 
celles  que  développent  les  sculptures  des  façades. 

Les  vitraux  narratifs  confacrés  à  la  légende  des  saints  sont  beaucoup 
plus  fréquents  ;  ce  sont  les  pages  éclatantes  d'une  légende  dorée.  L  enfemble 
formait  un  des  plus  beaux  livres  à  miniatures  que  jamais  prince  ait  payé  au 
poids  de  l'or. 

Que  refte-t-il  aujourd'hui  de  cette  vitrerie  merveilleufe  qui  ravifîait  et 
extafiait  nos  aïeux  du  moyen  âge  f  A  peine  un  vitrail  complet  ou  du  moins 
un  médaillon  à  double  scène,  que  l'on  a  divifé  pour  1  infcrire  dans  deux 
verrières  modernes  exécutées,  avec  alTez  de  goût,  dans  le  style  qui  nous 
occupe. 

Ces  vénérables  fragments  de  la  riche  parure  de  notre  cathédrale  se 
voient  aujourd  hui  dans  le  collatéral  du  croisillon  Nord,  au-deilus  des  autels 
Saint-Pierre  et  Saint-Paul. 

Le  vitrail  au-deiTus  de  1  autel  Saint-Paul  a  confervé  une  scène  de  la  vie 
de  saint  Jean  l'Evangélifte.  son  martyre  à  Rome  devant  la  porte  Latine.  Sous 
le  nom  de  saint  Jean  Porte-Latine  fjodnnes  diite  portdm  Idtindm)  on  fête 
chaque  année  le  martyre  que,  vers  1  an  qO,  1  empereur  Domitien.  fit  endu- 
rer à  l'apôtre,  en  le  plongeant  dans  une  chaudière  d  huile  bouillante,  dont 
il  sortit  sain  et  sauf  suivant  la  parole  de  Notre-Seigneur  Jéfus-Christ '. 

Nous  trouvons  cette  scène  fréquemment  repréfentée  dans  les  manufcrits 
du  moyen  âge,  notamment  dans  les  (^■^pocdlypfes  figurées,  dont  les  biblio- 
thèques pofTèdent  de  nombreux  exemplaires.  De  tous  les  manufcrits  signalés 
par  L.  Delisle',  nous  en  avons  choifi  deux  qui.  par  leur  caractère  éminem- 
ment artiftique  et  par  leur  origine  anglo-normande,  nous  ont  paru  offrir 
un  intéreffant  objet  d'étude  et  de  comparaifon  avec  les  vitraux  qui  nous 
occupent. 

C  eft  d'abord  le  beau  manufcrit  R.   16,  2,  du  collège  de  la  Trinité  à 

1.  Joan,  XXI,  22.  — Act.  Apojl.,  III,  i-S.  —  Voy.  Legendd  Jtirea,  De  Sjticto  Johanne. 
A  Rome  encore,  la  chapelle  San-Gio\jnni-in-oleo  pafTe  pour  occuper  l'emplacemenr  même  du 
supplice.  Ce  sujet  a  été  très  souvent  repréfenté  au  xui*^  siècle;  voyez  notamment  Emile  Màlc, 
L'^rt  religieux  du  xiti'^  siècle  en  France,  p.  330.- — -Lucien  Bégule,  Les  Vitraux  du  moyen  âge  et 
de  la  B^naijfance  dans  la  région  lyonnaise,  Paris,   iqii,  in-4,  p.  3'). 

2.  Mémoires  sur  les  figures  de  l'Apocalypfe.  dans  l'Apocalypfe  en  français  au  xiti'  siècle, 
publiée  par  la  Société  des  anciens  textes  français,  Paris,   1901,  p.  i-i  i  . 


aS 


2iS  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Cambridtçe  .  dont  les  miniatures  sont  des  œuvres  de  tout  premier  ordre  '  et 
dont  les  légendes  en  français  ont  deja  attire  1  attention  du  savant  Samuel 
Berger'. 

Le  second  eft  un  manulcrit  qui  fit  jadis  partie  de  la  "  librairie  //  de 
Charles  V  et  qui  se  trouve  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale,  n''  jo^ 
du  fonds  français  \  Ces  deux  manufcrits.  du  xiii"  siècle,  nous  seront  d'un 
précieux  secours  pour  identifier  d  une  manière  abfolue  les  deux  fragments 
de  vitraux  de  cette  époque  que   notre  cathédrale  poiTède  aujourd  hui. 

Le  manufcrit  de  Cambridge  expofe  ainfi  la  scène  du  martvre  de  1  apôtre  : 
f  le  empereur  cruel,  purfur  des  crejliens.  j  l^i  cummaundement  d  fut  nus  en 
un  tonel  de  oiele  drddunt.  pur  la  cunfeffon  del  nun  Jefu  Crij}.  dunt  il  en  ifjî 
SI  ne  fu  de  ren  hlefcé.  pjr  Id  grâce  de  Deu.   /, 

L  empereur  Domitien.  vêtu  d  une  robe  brochée  verte  que  recouvre  un 
manteau  rouge,  la  tète  ceinte  de  la  couronne  rovale  et  tenant  le  sceptre, 
eft  affis  sur  un  tronc  à  droite.  Près  de  lui.  deux  perfonnages  debout.  L  a- 
potrc.  nu.  les  veux  au  ciel,  les  mains  élevées  dans  1  attitude  de  la  prière,  cil 
plongé  à  mi-corps  dans  une  valque  verte  repofant  sur  un  trépied  de  fer. 
.•Xu-deflous.  un  braficr  dont  les  flammes  entourent  la  valque. 

Si  maintenant  nous  rapprochons  de  ce  vitrail  la  miniature  du  ms.  R.  i  <> 
de  Cambridge  et  celle  du  ms.  franc,  jo";  de  la  Bibliothèque  nationale, 
nous  trouverons  une  source  commune  d'infpiration  et  une  repréfentation 
iconographique  à  peu  près  identique. 

Dans  le  ms.  de  Cambridge  (fol.  i '''».  1  empereur  Domiticn  el^  aliis 
sur  un  tronc,  un  petit  chien  blanc  a  ses  pieds.  Il  porte  une  robe  bleue  à 
galon  rouge  a  la  ceinture  et  au  col,  recouverte  dun  manteau  brun  clair 
doublé  de  blanc  et  semé  de  fleurons.  Sur  la  tète  une  couronne  rovale  d'or, 
et  dans  la  mam  gauche  un  sceptre.  Près  de  lui.  se  tient  debout  un  perfon- 
nagc  revêtu  d  une  robe  blanche  à  capuchon  lui  recouvrant  la  tète  :  par-defTus 

I.  Publié  par  M.  R.James.  The  Trintty  collège  tyfpocjlypÇe.  printcd  for  thc  Roxburghc 
Club.    London.    looi».  in-fol. 

:.  Voy.  Waapcn.  Trejfttres  of  jrt  m  Grcjt  Britjm.  t.  II.  p.  4^■;.  — -  Calleria  and  Cabi- 
nets of  art  m  Gréât  BritJin,  p.    s  24. 

•;.   Lj  Bible  frjn^jife  jii  moyen  jge,  pp.  q';-q7-4o8. 

4.  Publié  par  L.  Dclisic  et  P.  Mcycr.  L' Apoulypfe  en  français  au  xiii*  siècle.  Pans.  1901, 
in-8  et  album  in-fol. 


LES  VITRAUX  219 

sa  robe,  une  dalmatique  rofe  à  galon  d  or.  Il  tient  de  la  main  gauche  une 
épée  nue  la  pointe  en  1  air.  Trois  autres  personnages  afilftent  à  la  scène,  et 
1  un  deux  semble  vouloir  arrêter  1  apôtre,  simplement  vêtu  d  une  sorte  de 
caleçon,  qui  se  difpofe  à  se  plonger  dans  la  chaudière,  reprèfentèe  ici  par 
une  cuve  en  bois,  entourée  de  cercles  rouges  et  bleus.  Sur  1  autre  bord  de  la 
même  cuve.  1  apôtre  en  sort  sans  aucun  mal  à  la  grande  stupéfaction  d  un 
perfonnage  qui  se  trouve  devant  lui.  Dans  cette  miniature  ne  figure,  en 
somme,  que  le  commencement  et  la  fin  du  martyre  de  1  apôtre. 

Dans  le  deffin  au  trait,  légèrement  colorié  en  teintes  rouges,  vertes  et 
bleues,  du  manufcrit  de  la  Bibliothèque  nationale  (fol.  2).  nous  trouvons 
au  contraire  1  apôtre  plongé  dans  la  chaudière  placée,  comme  dans  notre 
vitrail,  sur  un  trépied,  au-defius  d  un  feu  ardent,  que  deux  tortionnaires 
activent  avec  des  soufflets.  Un  troifième  verfe  sur  la  tête  du  saint  le  contenu 
d'une  écuelle.  A  gauche.  1  empereur  efi:  affis  sur  une  banquette  richement 
ornée,  portant  le  cofi:ume  roval.  mais  sans  sceptre,  écartant-  de  la  main  gauche 
un  perfonnage  au  profil  caricatural  qui  lui  parle  à  1  oreille.  A  droite,  on 
voit  le  saint,  complètement  nu.  sorti  de  la  chaudière,  sans  aucun  mal.  les 
mains  jointes,  rendant  grâces  à  Dieu. 

Il  n  efi:  pas  douteux  que  les  verriers  du  xiu^  siècle  aient  connu  ces  figures 
de  l'Apocalypfe  qui  furent  si  souvent  reproduites,  non  seulement  sur  les 
vitraux,  mais  en  tapifTerie.  ainii  qu  en  témoignent  les  fameufes  tentures  de 
la  cathédrale  d  Angers. 

Le  second  fragment,  qui  semble  bien  avoir  fait  partie  du  précédent, 
efi:  infcrit  dans  le  vitrail  placé  au-deflus  de  1  autel  Saint-Pierre  :  il  repré- 
sente une  autre  scène  de  la  vie  de  saint  Jean.  La  légende  Sanctiis  Johannes 
eyd^^ngelijld'^.  qui  se  lit  au  bas  de  ce  fragment,  semble  bien  démontrer 
que  ces  deux  panneaux  appartenaient  primitivement  à  une  même  verrière 
décorant  la  chapelle  Saint-Jean,  qui  se  trouvait  autrefois  dans  le  croifillon 
Sud.  La  scène  reprèfentèe  ne  comporte  que  trois  perfonnages  :  1  apôtre,  un 
homme  debout  à  droite  et  au  centre  une  femme,  à  moitié  enveloppée 
d'un  suaire,  les  mains  jointes,  affise  sur  un  brancard.  Nous  avons  devant 
les  yeux  la  résurrection  de  Drufiana  par  1  apôtre  saint  Jean.  Ce  thème  a  été 
emprunté  par  Jacques  de  Voragine  à  un  hiftorien  fabuleux  de  1  évangélifie. 
qui  a  JOUI  de  quelque  crédit  au  moyen  âge.   On  attribue  ce  récit  à  Abdias 


220  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

de  Babylonc.  dont  l'œuvre  fut  publiée  en  i  ">  •>  i .  par  Wolfgang  Lafius. 
sous  le  titre  de  Hiflorid  ccrtdminis  dpcflolici.  Le  pape  Paul  I\'.  en  i^^7. 
ccnfura  l'ouvrage  et  le  rejeta  comme  apocr\phe. 

Quoi  qu  il  en  soit,  le  récit  d  Abdias.  interprété  par  1  auteur  de  la 
Légende  doTcc.  infpira  les  verriers  du  moven  âge,  qui  puifèrent  dans  les 
récits  de  Jacques  de  Voragine  de  nombreux  sujets  iconographiques  pour 
1  illuftration  des  léi^endes   des  saints. 

Voici  une  adaptation  du  récit  d  Abdias.  que  nous  trouvons  dans  une 
ancienne  traduction  françaife  de  la  Légende  dorée,  imprimée  à  Lyon  vers 
14  (S  2.  par  Nicolas  Philippe  et  Marc  Rcynaud  : 

Et  lors  Siiinct  Jcdn  cjiii  Ai  jvoit  ejlé  aporté  À  grjnt  injure,  fut  jniené  en 
Ephesc  j  gr.int  honneur  et  toutes  les  gens  couroient  À  l  encontre  lui  et 
difoient  :  Bcnoijl  es-tu  qui  viens  du  nom  de  Notre-Seigneur  Jefus-Chrij}.  Et 
qudnd  il  entrd  ddns  Id  cité,  Drufdnd.  qui  dvoit  moult  déjiré  sd  venue,  étoit 
portée  morte,  et  les  pdrents  d  icclle  et  les  veuves,  et  les  orphelins,  dirent  d 
Jedn  :  Voici.  Jedn.  Drujuind  morte  que  nous  portons,  qui  obéijfoit  d  tous  tes 
ddmonejlements  et  nous  nourrijjoit  tous  et  défiroit  moult  td  venue  et  dprcs 
difoit  :  Hd.  hd.  SI  je  voie  l  dpotrc  Dieu  dvdnt  que  je  mourujj'c.  et  tu  es 
venu  et  elle  ne  te  peut  voir.  Et  lors  comnundd  d  mettre  yus  Id  hiere  et  délier 
le  corps  et  dit  :  Notre-Seigneur  cjl  rcjfufcité.  Drufidud  lève.  sors,  et  vd  en 
td  mdifon  et  me  dppdrcille  nid  réfection.  Et  celle  se  levd  tdntot  et  s  en  dlld 
vers  Sd  mdifon  toute  curieufe  du  comnidiide  de  l  dpôtre  et  lui  étoit  dvis  que 
elle  n  étoit  pds  revenue  de  mort,  nidis  éveillée  de  dormir   . 

Dans  le  manufcrit  de  1  Apocalvpfe  confervé  à  Cambridge  {fo\.  ■;  ";  )  on 
trouve  la  repréfentation  de  la  réfurrection  de  Drufiana.  rcpréfentéc  par  une 
curieufe  miniature  avec  les  légendes  suivantes  :  Ci  cornent  lemporte  Dru- 
sidnd  pur  enterer  c  cum  semt  Johdn  Id  refufcite  pdr  Id  prière  des  poeveres. 
Un   deue  es  tri  semt  Johdn  prêche  c  un   verrdi  Jhefu   Crifi    Noihe  Segnur. 

Bcdu  sire  vfc^  vojhre  dmie   Drujieinc  tre  nus  portum  ci  morte  tre  defireit 

I.  Cité  par  Firmin-Didot.  Da  Apocdlypfes  fgurces.  Pans.  iiS7o.  in-S,  p.  ;',.  —  \oy. 
aussi  Lj  Légende  dorée,  édition  ci  traduction  Rozc.  t.  I.  p.  Q4.  —  Euftbc.  Htjl.  ecclés.,  lib.  III. 
cap.   I . 


LES  VITRAUX  221 

yofhe  repeir.  —  Li  men  segniir  Jhefii  Chrifi  te  refiifcite  Drufieine.  Leve;^ 
SW5  si  vd  d  td  mesiim,  si  me  dpdrdile  d  mdnger. 

Dans  ce  manufcrit.  la  scène  se  déroule  à  la  porte  même  de  la  ville 
d'Ephèfe,  où  saint  Jean  se  difpofe  à  entrer.  L  alTemblée  eft  beaucoup  plus 
nombreufe.  puifqu'elle  ne  comporte  pas  moins  de  dix  perfonnages.  Deux 
d'entre  eux  préfentent  à  1  apôtre  des  sortes  de  pancartes,  sur  lefquelles  se 
lifent  les  légendes  que  nous  venons  de  reproduire.  Drufiana  eft  affife  sur 
un  brancard  élevé  sur  quatre  pieds  et  pofé  à  terre.  Elle  eft  encore,  comme 
dans  notre  vitrail,  à  moitié  vêtue  de  son  suaire,  sur  lequel  une  ample  dra- 
perie eft  rejetée.  C'eft  le  moment  de  la  réfurrection. 

Dans  le  ms.  français  403  (^fol.  43  '°).  la  scène  eft  divifée  en  deux 
parties.  D  un  côté,  les  gens  d'Ephèfe  sortent  de  la  ville  et  viennent  au 
devant  de  1  apôtre  lui  annoncer  la  fatale  nouvelle.  De  l'autre.  Jean  vient 
de  franchir  la  porte  et  se  trouve  devant  le  brancard  que  1  on  a  arrêté 
près  de  lui.  Drufiana  y  eft  affile,  nue.  recouverte  d  un  drap  aux  plis  mul- 
tiples et  compliqués.  Elle  joint  les  mains  et  regarde  1  apôtre  d  un  air 
étonné.  Elle  semble  une  toute  jeune  fille,  tandis  que  sur  notre  vitrail  et 
sur  le  ms.  de  Cambridge  c  eft  déjà  une  femme  d  un  certain  âge.  Près  du 
brancard,  deux  cierges  allumés  et.  à  terre,  deux  clochettes  et  un  vafe 
d'eau  bénite  avec  son  afperfoir.  Cinq  perfonnages.  dont  1  un  porte  une 
croix  de  proceffion,  se  trouvent  derrière  le  brancard  et  trois  autres  sont 
debout  près  du  saint.  Tous  manifeftent  leur  satiffaction  contenue  et  ref- 
pectueufe. 

Nous  avons  cru  bon  de  rapprocher  ces  deux  manufcnts  des  peintures 
de  nos  vitraux  :  il  réfulte  clairement  de  cette  coinparaifon  que  les  verrières 
repréfentant  des  scènes  de  l'Apocalypfe  ont  été  infpirées  directement  par 
les  manufcnts  qui  ont  tous  à  peu  près  reproduit  les  mêmes  sujets. 

A  cette  époque,  les  scènes  sont  en  général  réduites  à  leur  plus  simple 
expreffion.  aucun  détail  superflu  ne  surcharge  l'image  qui  reproduit  bien 
simplement,  mais  combien  éloquemment,  ce  qu'elle  veut  exprimer. 

Une  infcription,  placée  au  bas  du  vitrail  de  droite,  nous  apprend  que 
ces  deux  verrières  ont  été  reftaurées  et  complétées  par  Albert  Gsell.  peintre 
verrier  à  Paris,  en  1895.  Nous  retrouverons,  d  ailleurs,  le  nom  de  cet 
artifte  lorfque  nous  arriverons  à  lexamen  des  vitraux  modernes. 


SAINT- PIERRE  DE  LISIEL'X 

Le  xv'  siècle  eft  plus  amplement  repré- 
fenté.  mais  ce  ne  sont  encore  c|ue  des  frag- 
ments, cjui  nous  font  regretter  la  difpantion 
du  mer%eilleux  enfemble  que  devait  offrir  la 
vitrerie  des  chapelles  des  collatéraux. 

Ce  siècle   marc|ue    une   évolution   rapide. 
Les    artiftes   se  sont   affranchis   de    la 
direction    du    maitre    de     1  œuvre    et 
semblent  travailler  moins   pour  lédi- 
fice  c|ue  pour  leur  propre  réputation. 
Au    lieu     de    ces     éblouiffantes    mo- 
laïques   diaprées   des    plus   vives  cou- 
leurs,   ils    adoptent,   autour    des   per- 
sonnaiies     s  enlevant     sur     de     riches 
draperies    damaffées.    un    parti    orne- 
mental d  architectures,  souvent  enva- 
hillantes.    et    où   dominent    le    blanc 
et    le    jaune    d  argent.     Le    dellin    se 
perfectionne,   les  formes  sont  étudiées   sur 
le  corps  humain,    le   modèle   des   draperies 
sur    nature     et.     enfin,    la    perfpcctive    va 
bientôt  apparaître   dans  le   vitrail.   Mais   ce 

'  art    sévère 


propres 


langer    pour 


c{\    un    d 

verrier,  et  la  décadence  ell  proche. 

Les  quelques  spécimens  de  1  art  de  cette 
époque  se  trouvent  dans  les  lobes  des  tympans 
des  fenêtres  des  chapelles  du  collatéral  Sud. 

La  deuxième  tenetre.  en  entrant  par  le  bas 
de  la  nc^,  a  confcrvé  une  Pentecôte  '  qui  nous 
parait  avoir  subi  de  séneules  reffaurations.  La 
Vierge  aflife.  vêtue  dune  robe  de  brocart  d  or, 
un  voile  blanc  sur  la  tête,  recouvert  par  un 
ample  manteau  à  orfrois  d  or.  occupe  le  centre 


Fig    77         I^  Vierge,  vitrail  de  U  Pentecôte 


I .    i/fc/.   olpoji.,  II,    1  ,  3,  4. 


LES  VITRAUX 


22  ' 


de   L 


Gré 


de    T 


Soph 


le   la   composition.    Oregoire    de    iours.   :>opnronius, 
Métaphrafte.  saint  Bernard  et  d  autres,  montrent  bien 
que    la    sainte    Vierge    partageait    la    vie    des    apôtres. 
C'eft  pourquoi,  avec   saint  Jean   Damaf^ 
cène,    saint    Chryfoftome    et    saint    Ger- 
main,   toute    1  Eglife    enfin,   la    proclame 
honorée  au-deiTus  de  toutes  les  créatures. 
au-deflus  des  chérubins,    des  séraphins  et 
de  tous  les  chœurs  des  anges.   G  eft  dans 
cette  penfée  que    les   peintres   de  la  Pen- 
tecôte  n'hésitent    pas    à   donner    à   Marie 
la  place  la  plus  honorable.  Tous  les  mo- 
numents   iconographiques,    la    Bible    sy- 
riaque de  Florence,  le    Graduel  de  Priin. 
le    Pfdiitier    du    British   Mufeum    (Lanf- 
downe   n°  383),    nous    montrent 
Marie   occupant    dans   le   cénacle. 
au    milieu    des    apôtres,    la    place 
d  honneur  '. 

La  Mère  de  Dieu  eft  entourée 
d  un  groupe  d'apôtres  et  de  difci- 
ples  au  nombre  de  vingt-et-un.  L  un  tient 
un  bourdon  de  pèlerin,  un  autre  un  livre. 
Tous  sont  à  genoux,  les  mains  jointes  ou 
croifées    sur    la    poitrine .    ou    élevées    en 
un  gefte  d  étonnement.  En  haut  le  Saint-Efprit. 
sous   forme    de   colombe,    les    ailes   éployées,    la 
tête    ceinte   du    nimbe   crucifère,    domine   len- 
femble.  Dans   les   lobes  inférieurs,  quatre  anges  vêtus  de 
blanc,  aux  ailes  rouges  et  vertes,  sonnent  de  la  trompette. 

Un  examen  attentif  de  ce  vitrail   nous  a  fait  décou- 
vrir quelques  inscriptions,  tracées    en   capitales  gothiques. 

I.    Voy.   Rohaut    de   Flcury,   La  Sainte  Vierge,    t.    I,   p.   233    et 


su 


iv.,  t.  II.  p.  428. 


Fig.   7S.  Les  Apôtres, 

vitrail  de  la  Pentecôte. 


224  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

sur   la    bordure    des   vêtements   des   perfonnages.    Sur    1  orfroi    retenant    le 

manteau  de  la  Vierge,  on  lit  : 

p.  m.  m. 

Sur  le  manteau  de  1  apôtre  tenant  un  livre,  dans  un  des  lobes  supé- 
rieurs du    vitrail  à   droite,  se   déroule   une   inkription   dont    nous  n  avons 

pu  déchiffrer  Cjue   : 

...  muncriis  uxin... 

L  enlemblc  de  la  compofition  s'enlève  sur  un  fond  bleu  onde.  Les  apôtres 
portent  des  robes  de  brocart  blanches  à  broderies  d  or.  que  recouvrent 
d  amples  manteaux  rouges  doublés  de  vert.  Qjjcltjucs  figures  sont  traitées 
inagiilralemcnt  et  semblent  offrir  de  véritables  portraits.  Les  phvlionomies 
expriment  ordinairement  1  étonnement .  cjuclques-unes  sont  empreintes 
d  une  grande  douceur  et  d  une  puifTante  vivacité  d  expreffion.  Les  langues 
de  feu  de  1  Efprit  saint  ne  sont  pas  apparentes,  seule  la  colombe  au  nimbe 
crucifère  occupe  le  lobe  supérieur  de  la  fenêtre.  La  pofe  des  perfonnages. 
le  groupement  habile  et  les  oppofitions  de  couleur  font  de  cette  scène  une 
page  très  expreflive  et  très  agréable  par  1  enfemblc  iriié  du  fond  qui  atté- 
nue la  violence  de  certaines  colorations. 

La  troihème  fenêtre  a  confervé  un  Couronnement  de  Li  l^ierge.  qui  a 
été  étudié  par  Piel  à  qui  nous  en  empruntons  la  deicription.  '^  Dans  la 
troilième  chapelle  à  droite  du  portail,  dit-il.  il  relie  une  portion  de  vitrail 
allez  curieufe.  Le  gothique  allemand  des  légendes,  les  plis  des  vêtements 
des  anges,  la  forme  de  leurs  ailes,  indiquent  un  travail  du  xv"  siècle. 

C  efl  un  couronnement  de  la  Vierge  par  Dieu  le  Père,  Dieu  le  Fils  et 
Dieu  le  Saint-Efprit.  La  Vierge  eft  à  genoux  les  mains  jointes.  Elle  eft 
revêtue  d  une  robe  ou  surcot  d  or  recouverte  d  un  manteau  étoffé  à  manches 
tombantes,  bordé  d  un  iialon  d  or.  Ses  cheveux  sont  lifles  sur  le  front  et 
tombent  en  flocons  d  or  sur  ses  épaules. 

Dieu  le  Père  e(f  coiffé  d  une  tiare  d  or  d  une  seule  couronne  et  sur- 
montée d  une  croix.  Les  cheveux  et  la  barbe  sont  lonm  et  blancs  :  un 
nimbe  vert  entoure  sa  tête.  Son  cxpreilion  efl  grave  et  immobile. 

Dieu  le  Elis  a  les  cheveux  de  la  couleur  de  ceux  de  la  Vierge,  ils  sont 
longs,  peu  ondoyants  et  serrés  autour  de  la  tête  par  une  couronne  d  épines: 


PI.   48 


TÈTES    DAPOTRES,    VITRAIL  DU    XV-    SIÈCLE   > Dessin  de  L.  Leclerc). 


LES  VITRAUX 


225 


son  nimbe  efl:  également  vert  et  crucifère.  Le  Père  et  le  Fils  tiennent  la 
couronne  de  la  mam  gauche  et  béniffent  la  Vierge  de  la  droite.  Ils  sont 
enveloppés  tous  deux  dans  un  même  manteau  violet. 

Dieu  le  Saint-Efprit  se  trouve  à  la  hauteur  de  leur  figure,  sous  la  forme 
d'une  colombe  voltigeant  sur  la  tête  de  la  Vierge,  il  a  un  nimbe  d'or. 

Quatre  groupes,  préfidés  chacun  par  un  ange,  affiftent  au  couronne- 
ment. Chaque  ange  tient  à  sa  main  une  légende:  ceux  de  droite  sont 
recouverts  dune  chape,  celui  qui 
refte  à  genoux  a  une  robe  blanche. 

Le  groupe  de  droite,  le  plus 
voifin  du  Chrifl:  se  compose  de 
deux  vierges,  deux  diacres,  un 
évêque.  un  moine  chauve  barbu, 
robe  et  capuchon  jaunes,  manteau 
vert,  et  d  une  veuve. 

Le  deuxième  du  même  côté, 
au-defTous  du  précédent,  eft  com- 
pofé  d'un  roi,  d'une  reine,  d'un 
pape  entre  deux  cardinaux  et  de 
deux  moines  blancs  ou  religieufes 
en  prière  (à  notre  avis  ce  sont  des 
chanoines,  fig.   7c)). 

Dans  le  premier  groupe  à  gau- 
che, il  ne  subfifte  d'ancien  que  les 
ailes  de  l'ange  et  les  trois  moines  à  robes  grifes.  Dans  le  second,  trois 
saints  nus,  deux  moines  à  capuchon  jaune  et  manteau  blanc  et  deux 
autres  moines  à  manteau  et  capuchon  gris. 

Tous  ces  perfonnages  sont  réguliers,  de  différentes  couleurs.  Il  efl  à 
remarquer  qu'ils  sont  sept  dans  chaque  compartiment,  non  compris  l'ange. 
Les  anges  de  droite  ont  les  ailes  vertes,  ceux  de  gauche  les  ont  jaunes. 

Il  y  a  de  plus  quatre  anges  portant  des  légendes  et  des  chérubins  cou- 
verts de  plumes,  jaunes  et  vertes', 

Ld  Légende  dorée   ne   décrit    pas   le    Couronnement  de  la    Vierge,    elle 

I,   ^Alexandre  Piel,  Lifieux,  1860,  pp.   100-102. 

39 


Fig-  79-  —  Chanoines  avec  leur  aumuffe  sur  la  tête. 


220  SAINT-PIEllKE  DE  LISIEUX 

l'indique  d  un  mot.  Il  n  en  fallait  pas  davantage  pour  éveiller  1  imagination 
des  artiftes  qui  appliquèrent  à  Marie  ces  verfets  du  pfalmirte  :  "  La  reine 
s  eft  afl'ife  à  sa  droite  en  un  vêtement  d  or  '  :  //  ou  encore  :  '^  Il  a  posé 
sur  sa  tète  une  couronne  de  pierres  précieufes '.  // 

En  général,  c  eft  toujours  le  Fils  seul  qui  couronne  sa  mère,  surtout 
aux  xiii'  et  xiv'  siècles;  quelquefois  c  efl;  le  Père,  rarement  les  trois  per- 
sonnes enfemble.  Au  xv'  siècle,  on  retrouve  le  Père,  en  coftume  de  pape 
ou  d  empereur;  le  Fils  revêtu  d  un  simple  manteau  et  tenant  quelquefois  sa 
croix  et  le  Samt-Efprit.  sous  forme  de  colombe  planant  entre  eux". 

Nous  citerons  un  deffin  sur  parchemin  confen'é  au  mufèe  du  Louvre  ; 
le  Triomphe  de  Id  Vierge,  peint  en  l  ]  ">  '^  par  Enguerrand  Charonton.  mu- 
sée de  Villeneuve-les-Avimion  '.  et  un  curieux  vitrail  de  Notre-Dame-de-la- 
Couture  de  Bernay.  donné  avant  iy)()  par  Louis  des  Haulles.  abbc  de 
Bernay  ' . 

Quelquefois  encore,  le  cas  t{\.  afTez  rare  et  mérite  d  être  signalé,  les 
trois  pcrfonnes  divines,  sous  la  forme  humaine,  procèdent  au  couronnement 
de  Marie.  Nous  en  connaifTons  un  exemple  dans  une  très  curieufe  peinture 
circulaire,  sur  bois,  confervée  en  SuifTe  au  mufèe  de  Baie.  Les  trois  per- 
sonnes divines,  sous  forme  corporelle,  sont  alliles  sur  un  tronc.  Le  Père, 
portant  une  couronne  impériale,  efl:  adis  au  milieu;  à  droite  et  à  gauche, 
le  Fils  et  le  Saint-Efprit.  revêtus  d  une  robe  blanche,  tenant  de  la  main 
gauche  un  sceptre  fleuronné.  Un  seul  manteau  abrite  les  trois  perlonnes 
qui.  toutes,  de  la  main  droite,  soutiennent  la  couronne  sur  la  tête  de  la 
Sainte  Vierge,  à  genoux  devant  le  Père:  ce  dernier  soutenant  de  la  main 
gauche  le  globe  du  monde.  Des  nimbes  rayonnants  entourent  les  têtes  des 
trois  personnes  de  la  Sainte-Trinité.  Cette  peinture,  que  nous  croyons 
appartenir  à  l'école  d  Avignon,  préfente  tous  les  caractères  du  xv""  siècle 
avancé,  précifément  la  date  de  1  exécution  de  notre  vitrail. 

1.  lAjîitit  rcginj  j  dextris  ejits.  in  veflitu  Jcjumto.  Ps.  XLIV.   lo. 

2.  Pofuiflt  in  cjpitc  cjtis  coron jm  de  bpidc  pretiofo.  Ps.  XX.  4. 

".    Chanoine  Porcc,  Note  sur  (quelques   rcprèfenUtions  de   b  Sdintc-Trinitc.  p.    :. 

4 .    Voir  André  Michel,  Hifîoirc  de  l'Art,  t.  II,    i  "  part. ,  p.   i  «iS  ;  i-  IH,   i"  part. ,  p.  1^8. 

") .  Voir  Chanoine  Porcc.  dans  Bulletin  monumental,  t.  XLVIII.  1 8S  i  ,  p.  ^17.  — 
E.  Veuchn.  Un  spcàmcn  ae  b  Peinture  sur  verre,  dans  Sociétés  des  Bejux-Arts  des  départements, 
t.  XXIV,   it)oo,  pp.   13^-138. 


LES  VITRAUX  227 

Il  efl:  facile  de  trouver  dans  les  poéfies  religieufes  du  moyen  âge  des 
textes  se  rapportant  à  la  gloire  de  Marie  dans  le  ciel.  Voici  d  abord  un 
pafTage  d'une  des  plus  anciennes  séquences  c|u  on  ait  compofées  sur  ce  sujet  : 
K  De  quel  éclat  brille  dans  le  firmament  cette  étoile  de  la  mer  qui  a  mis 
au  jour  la  lumière  de  tous  les  aftres.  des  hommes  et  des  efprits  céleftes!   » 

Quarn  splcndida  polio  stelLt  Maris  rutilât, 
Qti^œ  omnium  lumen  ajiroriim  et  hominum  atque  spiritum  genuit. 

Dans  une  hymne  anonyme,  qu  on  croit  du  iv^  siècle,  encore  en  ufage  dans 
le  bréviaire  ciftercien,  nous  lifons  :  '^  Que  vous  refplendifTez  d  une  lumière 
glorieufe.  royale  fille  de  la  race  de  David,  sublime  vierge  Marie,  qui  siégez 
au-deflus  de  tous  les  habitants  des  cieux!  /> 

O   quani  glorifcj  luce  coruscans 
Stirpis  djvidice.  regia  proies, 
Sublimis  refidens  virgo  Maria 
Supra  cccligenas  ctheris  omnes. 

Enfin  ces  vers  d  Adam  de  Saint-Victor  :  --^  O  Marie,  étoile  de  la  mer, 
vous  occupez,  par  votre  ineffable  dignité,  une  place  au-defTus  de  toutes  celles 
qu  occupent  les  habitants  des  cieux!  // 

O  Maria,  Stella  maris 
Dignitate  singularis. 
Super  omnes  ordinaris 
Ordincs  cœlejlium. 

A  ces  témoignages  poétiques,  comment  ne  pas  y  ajouter  les  admirables 
paiTages  que  nous  empruntons  à  une  homélie  de  saint  Germain,  patriarche 
de  Conftantinople  : 

Ave,  liicidd  niibes  qiiœ  spiritiudem  diyinum  rorem  nohis  siiperinflillds. 
qii(£qiie  per  hodierniim  tuiim  in  Sanctd  sdnctoriim  ingreffuîn... 

cy^ve,  dniceniffimm  et  rdtiondlis  Dei  pdmdifus.  benevolentifftmd  et  omni- 
potenti  ejmdem  dexterd  hodie  dd  orientem  pldntatm... 

tJf-ve.  sdcrofdncte  cedificdtum,  et  immdculdtum,  puriffimiimqiie  Dei,  siimmi 
R^gis,  pdldtium,  ejiisdem  mdgnificentid  circumorndtum... 

tÂ\e,  novd  Sion  et  divind  Jermdlem.  mdgm  f{egis  civitds,  in  ciijus  domibus 
Deiis  ipfe  cognofcitiir... 


228  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

o/^ve.  Dei  mons  ùrc£pinguU  et  iimhrofus  :  in  (juo  enutritus  rjtionalis 
tÂgniis  dtaue  infrnutdtes  nafims  portdvit... 

ty/ve.  sanctus  Dei  thromis,  divimim  donariiim,  domus  gloria.  perpiilchrujn 
ornamentiim.  et  cimelium  electum... 

t^lve,  Mdrid,  grdtid  plend.  sdnctis  sductior.  et  ccelis  cxcelfor:  et  Cherii- 
him  gloriofior.  et  Semphim  honordbilior.  et  .super  omnetn  crcdtiimui  \enerd- 
bilior.  Ave  colitmbd.  ^iiœ  gloriofo  dc  splendido  tiio  in  templum  ingrefj'u. 
nohis  et  friictum  fers  oliva.  et  servdtorem  d  spiritudli  diluvio.  dc  portiim  sdlutis 
dnnuntids.  cujiis  pennce  dedrgentdte  et  pofleriom  dorfi  in  pdllore  diiri.  sdnctiffimi 
et  illiimindntis  Spiritus  fiilgore  irmdidntiir.  Ave.  iirnd  ex  piiro  dtiro  confldtj. 
et  siid\iffimdm  dninuriim  nojlmriini  dulcedinem.  Chrijliim  scillicet.  qui  nidnnd 
ejl.  continens  ! . . .  ' 

Une  autre  scène,  non  moins  curieufe,  qui  n  cft  malheurcufement  qu  une 
reflitution  moderne,  puifqu  clic  eft  signée  Gfell  dans  le  fond  bleu  de  la 
peinture,  mente  de  retenir  1  attention,  d  autant  plus  qu  elle  a  été  refaite 
d'après  des  données  archéologiques  et  des  documents  anciens,  c  efl  le  pèfe- 
tnent  des  dmes  qui  occupe  un  lobe  crucifère  de  la  partie  centrale. 

Le  pèfement  des  âmes,  ou  pfvchoftafic.  forme  habituellement  un  sujet, 
un  épifode  de  la  grande  scène  du  Jugement  dernier.  L  auteur  principal  de 
cette  scène  c  eft  l'archange  saint  Michel.  Il  efl  debout  et  la  balance  eft  sufpen- 
due  dans  sa  main.  L  àme  eft  alors  le  sujet  d  une  vive  conteflation  entre  les 
anges  et  les  diables;  souvent  un  diablotin  et  le  cas  se  préfente  ici  placé 
traitreufement  sous  le  plateau  accufateur.  cherche,  en  se  cramponnant  après. 
à  le  faire  trébucher. 

Cette  scène  n  eft  autoriféc  par  aucun  texte  évangéliquc.  mais  elle  c(\  née 
d  une  métaphore  aulii  vieille  que  le  monde.  On  retrouve  cette  idée  dans 
l'ancienne  Egypte  et  Ihidc  primitive'.  Les  pères  de  1  Eglife  emploient  quel- 
quefois cette  comparaifon,  saint  Auguftin  en  particulier  dit  que  les  bonnes 
et    les  mauvaifes   actions   seront    comme  suipendues  dans  une  balance",  et 

1 .  Sjncttis  Germjtius  Conjïjtitwopolitjnus  patrurchj.  Homilu  dc  S.  l'irginis  Dcipdrs  niyjleriis. 
—  PatT.grsc.  bt.y  t.  XCVIII,  col.  -^00-310. 

2.  Voy.   Maury,  Lj  Pfychofijfie.  dans  l^cvuc  archéolog.,   1884.  t.  I,  p.  2-x^. 

3.  Sermo  /..in  l'ig.  Pentecoji. 


PL  49 


LA   BEATITUDE    ETERNELLE.    VITRAIL   DU    XV-  SIÈCLE  (Dessin  de  L.  Leclcrc) 


LES  VITRAUX  229 

saint  Jean  Chryfoftome  reprend  aufli  cette  penfée  '  qui  frappa  l'imagination 
populaire  et  que  1  art  réalisa  si  bien,  les  artiftes  ne  manquant  jamais  de 
représenter  les  démons  très  acharnés  à  la  perte  de  l'àme  dont  le  procès  était 
pendant  au  tribunal  divin'. 

Le  pèfement  des  âmes  que  l'on  rencontre  sur  tant  de  monuments  eft- 
il  simplement  une  allégorie,  adoptée  généralement  par  les  artiftes,  comme 
plus  propre  à  exprimer  la  sévère  juftice  du  jugement  de  1  Eternel?  On  serait 
tenté  de  le  croire,  et  tout  donne  à  penfer  qu  ils  n'étaient  que  des  figures 
de  langage,  pour  ceux  qui  en  faifaient  ufage,  tandis  qu'elles  étaient  traduites 
par  le  peuple   dans  un  sens  matériel  et  littéral. 

La  partie  subfiftante  de  ce  curieux  vitrail  nous  fait  vivement  regretter 
la  perte  du  refte.  Cette  œuvre,  par  l'archaifme  de  sa  compofition.  se  recom- 
mande de  1  art  des  bords  du  Rhin  et  fait  songer  aux  anciennes  figures  au 
trait  des  vieux  livres  d  heures  du  moyen  âge. 

Comme  la  scène  précédente,  celle-ci  se  détache  sur  un  fond  violet 
sombre  qui  accentue  le  relief  et  les  contours  des  perfonnages.  prefque  tous 
traités  au  blanc  d  argent.  D'un  caractère  beaucoup  plus  archaïque  cette  ver- 
rière se  recommande  par  sa  curieufe  technique  et  surtout  par  1  ordonnance 
de  sa  compofition.  Il  s  y  trouve  des  phyfionomies  et  des  détails  de  coftumes 
intérefiants.  traités  avec  beaucoup  de  soin  et  de  précifion. 

La  scène  du  couronnement  eft  fort  belle:  les  figures  des  perfonnes 
divines  sont  très  expreffives  malgré  la  rigidité  de  leurs  lignes.  La  carnation 
brune  de  la  sainte  Vierge  rappelle  ces  deux  verfets  du  Cantique  des  can- 
tiques (L  4,  3).  ^<  Nigra  siim  sed  formofd...  Nolite  me  confiderare  qiiod 
fiiscd  sim  quid  decoloravit  me  sol...  » 

Les  infcriptions  gothiques  qui  se  lisent  sur  ce  vitrail  sont  toutes  rela- 
tives à  la  Sainte-Trinité.  Leur  déchiffrement  eft  affez  difficile  par  suite  de 
leur  difpofition  et  auffi  à  caufe  des  tranfpofitions  qui  semblent  y  avoir  été 
faites  lors  des  reftaurations  de  cette  verrière. 

Voici  quelques-uns  de  ces  textes  que  nous  sommes  parvenus  à  relever, 
et    qui    ont    été   très    obligeamment    revus    par   M.    le    chanoine   Porée,   le 

1.  Cité  par  Vincent  de  Beauvais.  Spec.  hijl.  epil.,  cap.  cxviii. 

2.  Molanus,   De  Hijïoria  sdcrartim  imaginum,  édit.  Paquot,  p.  374. 


2-,o  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

savant   curé   de   Bournainvillc.   que    nous   tenons    à    remercier   tout    particu- 
lièrement. 

in  sanctc  spiriiu 

eura  m  pcritcitc 

Ces  deux  inscriptions  peuvent  se  référer  au  texte  de  1  Evangile  :  m  spi- 
ritii  et  veritdte  oportet  ddorare  (Joan..  IV.   21). 

Qloria  tibi  omnipotcns  deu$  irinus  et  unus 
ma^nus  et  excchus  te  deced  ymiius   iu, 

Ces  trois  derniers  mots  commencent  le  piaume   (>  \. 

trinitas  Immensa   lux  anaelorum 
e|us  celi  spes...  m...  bancrum 
bencdictus   sit   trinitas. 

C  eft  le  commencement  de  1  antienne  du  Benedictiis  à  Laudes  de  la  fête 

de  la  Sainte-Tnnité. 

«jobiscutn  misericordiam    Judith,  viii.   17). 
sancta  unitasque  trina  deitas  oera 
atquc  In  omnem  .. 

conflteblmur...  fecit...  que  in  ooce... 
nos  qui  tibl  menta   dci'ctl  tu  nos  exaudi 
nos  quoque  tibi  psallimus  tu  nos  exaudi 
laus  iaus  tua  sit  in  eternum  amen. 

Un   des  an^es  porte   une    infcription   sur  la   bordure   de  son  vêtement; 

nous  n  avons  pu  lire  cjue  : 

...  r  m  a  n... 

La  fenêtre  suivante  se  rapporte  a  la  vie  de  Notre-Seï teneur.  1  Asccnfon. 
Jéfus  vient  de  s'élever  au  ciel.  La  Vierge  et  les  difciplcs  sont  dans  une  sorte 
de  contemplation  en  préfcncc  du  prodige,  jude  le  moment  où  les  anges 
leur  adrefTcnt  cette  queftion  ;  '^  Hommes  de  Galilée,  pourc^uoi  vous  tenez- 
la.  rciiardant  au  ciel  '  f  /, 

Les  apôtres  le  suivaient  des  yeux,  lorfqu  il  fut  enveloppé  d  une  nuée 
brillante,  symbole  de  sa  gloire;  par  où  il  faut  entendre,  suivant  une  expres- 
sion familière  aux  Hébreux,  la  suite  des  anges  qui  1  accompagnaient  \ 

1.  f'tri  Gjltlsi,  ■juia  itjtis  jfpicientes  in  cœlum?  Act.  Apofi..  I,    11. 

2.  Exoii..  XXV.  ?3.  —  Ln'it.,  XVI.  7. 


LES  VITRAUX  231 

Si  1  Afceniion  eft  une  des  scènes  de  lEvangile  dont  liconographie 
chrétienne  se  soit  emparée  avec  le  plus  d  amour  et  cju  elle  ait  le  plus  repro- 
duite, il  n  en  eft  peut-être  pas  dont  la  compofition  ait  mieux  triomphé  des 
variations.  L  école  symbolique  n'influe  prefque  pas  sur  son  origine  et  Ion 
retrouve  déjà,  aux  portes  de  Sainte-Sabine,  le  Chrift  dans  son  auréole.  Marie 
ayant  les  apôtres  à  ses  côtés. 

La  Vierge  debout,  vêtue  d  une  robe  de  brocart,  amplement  décolletée, 
recouverte  d'un  manteau  bleu,  bordé  d  un  orfroi  à  pierreries,  ses  cheveux 
dorés  tombant  en  flots  ondoyants  sur  ses  épaules,  efl:  entourée  par  les 
apôtres.  Tous  ont  les  yeux  levés  au  ciel,  et  le  seul  sentiment  qui  parait  les 
animer  efl:  une  surprife  mêlée  d  efTroi.  A  remarquer  surtout  celui  qui  se 
tient  à  demi  renverfé.  derrière  la  Vierge. 

Cette  dernière  manque  un  peu  de  cette  dignité  calme,  sereine,  divine 
même  que  l'on  retrouve  dans  les  vierges  françaifes  du  xiii^  et  du  xiv^  siècle. 
Elle  eft  grafîe.  la  figure  bouffie,  les  lèvres  épaifl'es.  rappelant  à  s  y  méprendre 
les  vierges  de  Martin  Schongauer  et  de  son  école. 

La  préfence  de  la  Sainte  Vierge,  au  moment  de  1  x^fcenfion,  eft  atteftée 
par  des  monuments  dune  haute  antiquité,  notamment  dans  la  peinture 
d  une  Bible  syriaque  du  vr  siècle  confervée  à  la  bibliothèque  de  San  Lorenzo 
à  Florence:  Marie  occupe  le  centre  de  la  compofition.  au  premier  plan,  au 
milieu  des  apôtres.  Elle  eft  debout,  vêtue  dune  robe  violette,  les  bras  en 
croix  comme  les  orantes  des  catacombes  ' . 

Un   des   apôtres,  à   droite   de   la  Vierge,   porte   sur    la   bordure   de    son 

manteau    une    infcription   dont    nous    n'avons   pu   déchiffrer   que   les   mots 

suivants  : 

...  uenimus  im    x  mox... 

Par  une  fantaifie  de  1  artifte.  le  groupement  des  perfonnages  compofant 
cette  scène  n  eft  pas  tout  à  fait  rationnel.  En  effet,  prefque  tous  semblent 
planer  dans  l'efpace.  Le  peintre  a  cédé  évidemment  à  une  exigence  décora- 
tive, mais  on  ne  s  explique  pas  très  bien  la  pofition  de  certains  apôtres  qui 
manquent  de  point  d  appui.  Les  figures,  généralement  anguleufes,  très 
expreffives,  dénotent  une  certaine  incorrection  de  deffin. 

I.    Rohaut  de  Fleury,  L'Evjngile,  t.  II,   1874,  p.  302.  —  La  Sjintc-l'ierge.  t.  I.    187S, 
p.  227. 


332  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Ces  verrières,  qui  appartiennent  au  xv'  siècle,  étaient  sans  doute  déco- 
rées, dans  leurs  panneaux  inférieurs,  de  saints  perfonnages  en  pied,  encadrés 
dans  des  motifs  d'architecture  et  s'enlevant  sur  de  riches  draperies  damaflées 
aux  couleurs  éclatantes.  Dans  1  églife  de  Notre-Dame  de  la  Couture,  à 
Bcrnav.  il  subfifte  une  grande  verrière  de  cette  époque  offrant  une  sem- 
blable difpofition.  En  bas.  devaient  se  trouver  les  portraits  des  donateurs 
et  les  infcriptions  votives  dont  nous  ne  pouvons  que  déplorer  la  difparition. 
ou  bien  encore  de  petites  scènes  supcrpofées  comme  à  la  Madeleine  de 
Verncuil. 

Une  des  hautes  fenêtres  du  croihllon  Sud  nous  montre  encore  un  inté- 
refTant  fragment  de  la  peinture  sur  verre  à  la  fin  du  xv"  siècle.  Nous  vou- 
lons parler  du  Sjint  Pierre  Crucifié  qui  se  détache  violemment  sur  le  verre 
blanc  dont  on  la  encadré  à  la  fin  du  xvii"  siècle.  On  sait  que  saint  Pierre, 
le  patron  de  la  cathédrale,  et  c  cfl:  peut-être  en  cette  qualité  que  nous 
devons  la  confervation  de  cette  intérefTantc  peinture  fut  crucilié  la  tcte 

en  bas.  Le  prince  des  apôtres  cil:  attaché  sur  une  croix,  en  forme  de  tau. 
avec  des  cordes  aux  mains  et  aux  pieds.  Il  cfl:  entièrement  vêtu  de  larges 
braies  bleues  à  trois  bandes  jaunes  horizontales:  un  justaucorps  bleu  serré 
à  la  taille  par  une  ceinture  de  même  couleur.  La  figure,  très  expreffive. 
eft  traitée  en  «irifaillc  et  se  détache  sur  un  nimbe  de  couleur  roui^e. 

Les  critiques  se  sont  demandés  si.  crucifié  la  tcte  en  bas.  saint  Pierre 
avait  été  et  devait  être  attaché  à  la  croix  avec  des  clous  ou  avec  des  cordes. 
Au  point  de  vue  théorique,  la  qucftion  ainli  agitée  n  a  point  été  réloluc 
d  une  manière  pércmptoire.  Dans  la  pratique,  lufage  des  cordes  c(\  plus 
ordinaire,  mais  non  pas  abfolu.  La  miniature  du  Beuedictioudl  de  saint 
Ethclwold  offre  un  exemple  de  1  emploi  simultané  des  cordes  et  des  clous; 
les  bas-reliefs  du  cibonum  de  Sixte  IV.  dans  la  cr\'pte  du  Vatican,  en 
offrent  un  autre  où  les  clous  seulement  sont  emplovés.  Chacun,  à  cet  égard, 
relie  libre  de  suivre  ses  impref  fions  perfonnclles  '. 

Les  hautes  fenêtres  du  chœur  confervent  encore,  dans  leur  partie 
centrale,  quelques  rofaces  et  quelques  jolies  figurines  du  xvi'  siècle.  Les 
anciennes  verrières  ont  été  employées  comme  bordure;  nous  avons  retrouvé 

I.  G.  de  Saini-Laurcnt,  Iconographie  de  idmt  Pierre,  dans  Aiinjles  jrchèologi(jues,  t.  XXV, 
l8b^,  p.    2  11. 


LES  VITRAUX  233 

des  fragments  de  perfonnages  et  des  lambeaux  d'infcription  remontant  au 
xv'  siècle  encadrant  les  affreux  verres  blancs  dont  meffieurs  les  chanoines 
du  xvii^  se  montrèrent  si  fiers. 

Si  nous  en  croyons  le  témoignage  d'un  auteur  anonyme  qui  écrivait 
en  1870  ',  1  églife  Saint-Pierre  poffédait  encore  à  cette  date,  dans  le 
déambulatoire,  des  dais  du  xv"  siècle  qui  servaient  d  amortiffement  à  de 
grandes  figures,  une  lapidation  de  saint  Etienne,  de  la  même  époque,  un 
refte  de  grifaille  du  xu'  siècle  et  deux  médaillons  du  xiii^  repréfentant  les 
traits  de  la  vie  de  saint  Urfin  (?). 

En  admettant  que  ces  fragments  y  fuffent  encore  en  i  870,  ils  n'y  étaient 
certainement  plus  en  I9ii,ainfi  qu'on  l'a  un  peu  trop  légèrement  affirmé 
aux  membres  d'une  société  savante  qui  vifitaient  alors  notre  belle  cathédrale  ^ 

La  vitrerie  moderne  peinte  de  la  cathédrale  comprend  les  trois  fenêtres 
supérieures  de  1  abfide,  celles  des  collatéraux,  du  déambulatoire  et  de  la 
chapelle  de  la  Vierge,  ces  dernières  sont  décrites  dans  le  chapitre  spécial 
confacré   à   cette   remarquable    addition   faite   au   monument   au  xv^  siècle. 

Les  trois  verrières  de  1  abfide,  qui  sortent  des  ateliers  de  Luffon.  repré- 
sentent le  Chrift,  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Ce  sont  des  œuvres  à  prétention 
archaïque,  d  une  sécheresse  de  deffin  que  rachète  à  peine  un  coloris  affez  vif. 

Les  fenêtres  des  collatéraux  sont  peintes  en  grifailles  avec,  au  centre  de 
la  verrière,  une  bande  hiftonée  reproduifant  diverfes  scènes  de  la  vie  de 
l'apôtre  saint  Pierre,  patron  de  l'églife.  Nous  n'infiftons  pas  sur  ces  tableaux, 
dont  la  compofition  et  l'exécution  sont  abfolument  dénués  de  toute  valeur 
artiftique.  Par  une  louable  penfée,  on  a  peint  dans  les  lobes  des  tympans 
de  ces  fenêtres  les  armoiries  des  anciens  évêques  de  Lifieux  et  des  abbayes 
dépendant  de  l'ancien  diocèfe.  Difons  que  ces  vitraux,  moins  celui  de 
l'ange  gardien,  sont  dus  à  la  munificence  de  M"*"  Renier,  décédée  à  Lifieux 
en    1883,  et   que   leur  exécution  ne  coûta  pas  moins   de    17.300    francs. 

Les  vitraux  de  la  chapelle  de  saint  Joseph  de  Cupertino  (1861)  ont  été 
offerts  par  M.  de  Moidrey,  avocat  général  à  la  cour  de  Caen.  Avant  d'occu- 
per ce  dernier  pofte,  M.  de  Moidrey  avait  été  subftitut  à  Lifieux. 

1.  Guide  du  Voyageur  dans  la  ville  de  Lijïeux,  pp.  25-26. 

2.  De  Cenival,  Excurfon  dans  le  Lieuvin  et  le  pays  d'Auge,  p.  25,  dans  Bulletin  de  la  Soc. 
hijl.  de  l'Orne,   191  i,   t.  XXX. 

3" 


2-54  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Le  vitrail  de  la  chapelle  dédiée  à  l'Ange  gardien  fut  compofé  et  exécuté 
en  iSfi7  dans  les  ateliers  de  M.  Duhamel,  peintre  verrier  a  Evreux.  Du 
berceau  jufqu'à  la  tombe,  lange  gardien  suit  ses  protégés  :  tel  était  le  pro- 
gramme. La  compofition  du  peintre,  trop  chargée  de  détails,  manque  de 
vigueur  :  le  rayonnement  de  certaines  couleurs  affaiblit  les  autres.  Malgré 
sa  tranfparence  et  sa  luminofité,  ce  vitrail  n  eft  qu  un  mauvais  paftiche  des 
brillantes  productions  du  moyen  âge    . 

Vingt  ans  plus  tard,  un  peintre  verrier,  doublé  d  un  archéologue.  Lau- 
rent Gsell,  s'engageait  à  décorer  de  verrières  les  fenêtres  du  déambulatoire. 
Sa  soumiffion  fut  approuvée,  par  1  adminiftration  des  Beaux-Arts,  le 
12  août  1NS7.  L  œuvre  de  cet  artiftc  se  compofe  de  médaillons,  dans  le 
style  du  xiir  siècle,  infcrits  dans  des  grifailles.  Cédant  à  une  pieufe  penfee.  il 
a  rcpréfenté  un  certain  nombre  de  saints  locaux,  cjui  prouve  avec  quel  soin 
on  conferve  le  culte  de  nos  saints.  Dans  nos  cathédrales,  les  saints  locaux 
tiennent,  après  les  apôtres,  la  première  place.  Chaque  perfonnc  retrouvait 
ainfi.  dans  la  maifon  de  Dieu,  un  peu  de  son  paffc.  Tout  ce  qui.  suivant 
les  idées  d  alors,  mentait  d  échapper  a  1  oubli  dans  les  annales  d  une  ville, 
semblait  conferve  là  pour  1  éternité.  L  humble  peuple  avait  devant  ces  monu- 
ments une  confufe  idée  de  son  hiftoire:  il  sentait  qu  il  n  était  pas  sans  racine 
sur  la  terre,  qu  il  avait  lui  auffi  ses  aïeux. 

Les  médaillons  de  Gscll  font  aujourd  hui  1  admiration  des  connailTeurs 
et  des  artilles.  précifément  à  caufe  du  soin  scrupuleux  apporté  par  le  peintre 
qui  ne  craignit  pas  de  remonter  directement  aux  sources  de  la  tradition. 
Connues  dans  le  style  du  monument,  dont  elles  sont  la  parure,  ces  compo- 
sitions font  grand  honneur  à  1  artille  et  demeurent  un  de  ses  plus  beaux 
travaux.  V^oici  les  sujets  reprélentés  sur  ces  verrières,  en  suivant  le  déambu- 
latoire du  sud  au  nord  :  saint  Victor,  saint  Clair,  sainte  Cécile,  .saint  1  ho- 
mas  Bcckct.  saint  Aiiinan.  saint  Antoine  de  Padoue.  sainte  Elilabeth.  saint 
Ambroile.  saint  Dominique  et  la  Vierge  du  Rolaire.  saint  François  d  As- 
sifc.  La  Cène,  saint  Roch.  saint  Patrice,  saint  Urhn.  saint  Bertivin.  saint 
Sébaftien. 

La  simple  énumcration  de  ces  noms  ne  doit-elle  pas  rappeler  aux  Lexo- 
vicns  des  chers  souvenirs   de   leur  paffé.   Saints  dont   le   culte   se   rattache  à 

I.   Sur  ce  vitrail,  voy.  Le  Normand,   i"  juin  1S07. 


LES  VITRAUX  235 

de  pieufes  croyances,  au  souvenir  d'affociations  dont  nos  aieux  étaient  si 
fiers  ou  à  des  fondations  charitables  dont  on  ferait  bien  de  s  infpirer  encore 
aujourd  hui. 

Dans  les  collatéraux  du  tranfept.  notons  encore  deux  intérefTantes 
tentatives  de  réfurrection  de  ces  verrières  irisées  dont  le  moyen  âge  avait 
été  si  prodigue.  Dans  le  croifillon  Nord,  au-deflus  des  deux  derniers  pan- 
neaux du  xiu*  siècle  qui  soient  parvenus  jufqu'à  nous,  Albert  Gsell  a,  en 
1893,  reconftitué  deux  autres  parties  de  médaillons  :  la  Cène  et  saint  Jean 
écrivant  lApocalypfe.  Amfi  complétés,  ces  deux  médaillons  ont  été  enchàflés 
dans  une  riche  mosaïque  où  la  combinaifon  du  bleu  avec  le  rouge  donne  à 
ces  vitraux  une  nuance  violacée  un  peu  mélancolique. 

Dans  le  croifillon  Sud.  au-deflus  de  lautel  de  saint  Urfm.  deux  autres 
verrières,  œuvres  du  même  artifte.  et  conçues  dans  cet  admirable  style  du 
xui^  siècle,  repréfentent  deux  scènes  de  la  vie  de  saint  Germain  et  deux 
scènes  de  la  vie  de  saint  Urfin. 

Ces  vitraux  portent  des  légendes  latines  que  nous  reproduifons  ici. 
Sur  celui  de  gauche,  confacré  à  saint  Urfin,  on  lit  :  Sancti  Urfm  invenhin- 
tur  reliqiiice.  —  Sdnctiis  Urfnus  fehricitdntem  sdndt.  Il  s  agit  de  l'invention 
ou  découverte  des  reliques  du  saint  et  de  la  guérifon  d'un  fiévreux,  obtenue 
par  son  interceffion  ' . 

Le  vitrail  de  droite  reproduit  deux  scènes  de  la  vie  de  saint  Germain, 
évêque  d  Auxerre,  en  souvenir  de  Téglife  détruite,  dédiée  sous  le  vocable  de 
ce  saint,  et  qui  s'élevait  jadis  non  loin  de  la  cathédrale.  Ce  vitrail  porte  les 
infcriptions  suivantes  :  Sdnctus  Germdnus  sdhdt  Armoricos.  —  Sdnctiis  Ger- 
mdmis  epifcopiis  rejfiifcitdt  mortem. 

La  première  scène  se  rapporte  à  l'intervention  du  saint  évèque  en  faveur 
des  Armoricains",  en  44O,  lorfque,  à  son  retour  de  la  Grande-Bretagne,  il 
se  difpofait  à  rentrer  dans  son  diocèfe  :  saint  Germain  arrêtant,  à  la  tête  de 
son  armée.  Eocaric.  roi  des  Allemnads.  prince  féroce  et  idolâtre,  chargé  par 
le  général  romain  Aétius  de  châtier  les  Bretons  rebelles. 

La  seconde  rappelle  la  réfurrection  du  fils  de  Volufien.  chancelier  du 
patrice  Sigifvulte,  que   saint  Germain,  par  ses  prières,   rappel  à  la  vie  alors 

I.    Vie  des  saints  Patrons,  p.   179  et  suiv. 

2  .    Godefcard,  Vie  des  Saints,  Paris,  1828, t.  IX,  pp.  300-371.  —  Vie  des  saints  Patrons  y^' .  227. 


236 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


de  son  voyage  à  Ravenne.  où  il  étiat  venu,  au  nom  des  Bretons,  implorer  la 
clémence  de  l'empereur  Valentinien  III. 

On  eut  un  moment  la  penfée  de  garnir  de  grifailles  le  tympan  du 
grand  portail;  le  iN  juin  1S8S,  M.  Sainte-Anne  Louzier.  architecte,  écri- 
vait à  ce  propos  à  M.  Simon,  préfident  du  confeil  de  fabrique  :  "  Quant 
ff  au  tvmpan  de  la  grande  porte,  qui  eft  une  difpofition  appelée  à  difpa- 
*f  raitre  quand  on  fera  une  reftauration  de  l'édifice,  je  suis  d  avis  qu  un 
"  vitrail  en  grifaille  serait  une  dépenfe  inutile.  Vous  pourriez  très  bien  faire 
"  réparer  le  vitrage  actuel:  ce  serait,  je  penfe.  faire  acte  de  bonne  admi- 
"  niflration.   //  On  a  suivi  le  confeil  de  l'architecte,  et  on  a  eu  bien  raifon. 

Le  nombre  des  anciennes  verrières  diminuant  de  ]our  en  jour,  leur 
confcrvation  devrait  être  lobjct  d  une  sollicitude  d  autant  plus  confiante. 
La  deftruction  aveugle  de  ces  œuvres  d'art  du  palTé  ne  saurait  être  imputée 
qu'à  une  ignorance  barbare  qu  on  s'étonne  de  rencontrer  encore  de  nos 
jours.  Devant  la  poffibilité  des  plus  coupables  pratiques,  on  ne  peut  que 
souhaiter  l  intervention  des  moyens  légaux  de  préfervation  et.  d  abord,  le 
clafTement  d'office  des  vitraux  anciens,  qui  sont  des  monuments  hiftonques. 
au  même  titre  que  les  édifices  dont  ils  font  partie. 


'M  Àk 


CHAPITRE    VIII 


LES    TABLEAUX 


•INTÉRIELR  de  la  cathédrale  de  Lifieux.  n  eut  longtemps 
d  autre  ornementation  que  les  saillies  ouvragées  dans  la 
pierre  de  ses  chapiteaux,  le  rude  modelé  de  quelques 
bas-rehefs  intérelTants,  les  gravures  hiératiques  des  pierres 
tombales  et  1  éblouiiTante  parure  de  ses  vitraux.  En  les 
cherchant  un  peu.  on  pouvait  voir  auffi  quelques  craintives  peintures  à  la 
détrempe  '. 

Il  faut  arriver  au  premier  quart  du  xvr  siècle  pour  conftater  la  préfence 
dans  la  cathédrale  de  Lifieux  d  un  tableau  peint  à  l'huile  :  celui  du  Mi- 
racle de  la  Chàjfe  de  saint  Urfin'. 

I.  En  décembre  1866,  dans  l'ancienne  chapelle  Saint-Urfin.  on  a  découvert  des  traces  de 
peintures  à  frefque  sur  lesquelles  on  pouvait  diftinguer  encore  plufleurs  évèques  iAlmanach  de 
Lifieux.  pour  1868). 

En  avril  1869,  dans  la  chapelle  du  Sacré-Cœur,  on  a  également  retrouvé  une  peinture 
murale  repréfentant  l'arbre  de  Jeffé  ;  un  tableau  moderne  la  dérobe  au  regard  1  Le  Normand  du 
i""'  mai  1809). 

Quelques  autres  peintures  murales  se  devment  encore  sur  plufieurs  colonnes  de  la  nef: 
mais  elles  sont  si  fruftes  qu'on  ne  saurait  rien  précifer. 

Dans  la  chapelle  Saint-Martin,  il  exifte  un  refte  de  peinture  à  la  détrempe  du  xiv^  siècle, 
accompagnant  une  infcription  obituaire  d'un  grainetier  de  Lifieux. 

2.    Ce  chapitre  des  tableaux  a  été  rédigé  sur  les  notes  prises  par  M.  Salles  au  cours  de  ses 
visites  à  la  cathédrale  Saint-Pierre. 


2VS 


SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 


LE  TABLEAU  DU  MIRACLE  DE  LA  CHASSE  DE  SAINT  URSIN 

Il  a  connu  bien  des  infortunes.  Nai^uèrc  haut  placé,  en  171»";  il  prit 
le  chemin  de  lexil.  quitta  la  cathédrale  grandiofe  et  vint  s  échouer  dans 
un  manafin  d  antiquailles.  Après  la  signature  du  Concordat,  un  généreux 
Lexovien  lapcrçoit.  le  reconnaît  ailément.  1  arrache  à  la  désolation  et  le 
fait  accrocher  au  mur  méridional  de  la  chapelle  de  la  Chanté  en  1  églife 
Saint-Jacques.  Et  c  efl  là  qu'il  faut  se  rendre  pour  deviner  et  comprendre 
le  secret  du  tableau  avec  lequel  nous  défirons  lier  connaiiTance. 

A  vrai  dire,  jamais  présentation  ne 
fut  plus  désobligeante. 

La  lumière  crue  d  une  verrière  ex- 
trêmement tranfparente  nuit  beaucoup 
à  1  afpect  général  de  la  toile.  Elle  se 
trouve  plongée  dans  une  oblcurité  si 
profonde  que  le  regard  s  exerce  d  abord 
en  vain  à  scruter  ses  ténèbres.  Il  faut 
tenir,    regarder    sans    laffitude   et     sans 


hâte.  Peu  à  peu.   les    v 


habi 


Un  fiévreux  implorant  saint  Urfm. 


peu.  les  veux  s  nabituent 
à  la  tonalité  morne  et  verdatre.  le  ta- 
bleau s  anime,  sa  converlation  bridée 
se  déride,  elle  devient  inilructive  et 
captivante.  Des  silhouettes  se  dcllinent 


sur  le  fond  rembruni,   le  ciel  se  découvre,  un  payfage.  puis  un  long  delile. 
des  fiévreux  chaudement  enveloppés  dans    des  couvertures,  enfin    et    surtout 


un  sui 


perbe  reliq 


,pp 


reliquaire. 


I  .  Avant  I  /M'i,  le  tableau  de  saint  Urfin  se  trouvait  dans  la  cathédrale  Saint-Picrre  dans 
la  chapelle  dédiée  aujourd'hui  à  saint  Antoine  de  Padoue.  à  droite  du  maitre-autel.  Sur  les 
piliers  d'entrée  de  cette  chapelle,  à  environ  quatre  mètres  du  sol,  se  remarcjuent  encore  des 
traces  de  crampons.  Ne  serait-ce  pas  ceux  sur  lesquels  était  fixé  le  tableau? 

En  1711,  l'auteur  de  la  l'ic  des  uiitts  Patrons  du  dtocèfe  de  Lifieux.  p.  iS^,  préfente  ainfi 
cette  toile  à  ses  lecteurs  :  *  Il  y  a  dans  notre  éçlife  cathédrale  une  belle  chapelle  de  Saint-UrTin, 
en  titre  de  bénéfice.  On  v  voit  un  tableau  en  long,  divifé  en  quatre  carrés.  au-deiTus  defquels 
on  lit  ces  mots  :  COMMENT  LES  REUQIES  DE  M  .SAINT  IRSIN  FIRENT  .\PKmTEES  PAR  MIRACLE  EN 
CliTTL  Vll.i.i;  EN  L  AN  m.-,>,  PAR  LES  SOINS  DE  HIT.O  EVr-SOlT  DE  l.lSIEfX     - 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


239 


Un  peu  d'histoire  locale  s  impose  pour  pénétrer  le  sens  de  cette  toile  rapié- 
ciée  et  maladroitement  retouchée. 

C  était  en  lO")").  Depuis  une  cinquantaine  d  années,  les  architectes 
bàtiflaient  les  grandes  églises  uniquement  en  pierre.  Encouragés  par  l'évèque 
Herbert  et  par  Hugues  d  Eu  son  succeiTeur.  les  Lexoviens  s  empreflerent 
d'édifier  une  cathédrale  qui  par  sa  physionomie  grave  et  son  immensité  pro- 
voqua bientôt  1  admiration  des    diocèses  avoifinants. 

Tout  heureux  du  succès.  1  évèque  Hugues  d  Eu 
avait  par  avance  arrêté  les  moindres  détails  de  la  dédi- 
cace de  ce  merveilleux  édifice,  sublime  abri  pour  la 
méditation  pieuse  de  ses  fidèles. 

Au  moment  où  s  achevaient  les  préparatifs  de  la 
grandiose  cérémonie,  une  cruelle  épreuve,  un  frisson 
de  souffrance  traversa  le  pays  d  Auge  et  le  Lieuvin.  La 
peste  noire  creusa  de  larges  vides  dans  tous  les  rangs 
de  la  société.  Quelles  heures  d  angoiffe  et  d  inexpri- 
mable inquiétude,  durent  vivre  les  habitants  de  Lifieux 
et  des  alentours  !  Quel  déchirement  en  particulier 
pour  1  àme  toute  de  douceur  et  de  bonté  de  1  évèque 
Hugues!  Ce  qu  il  v  avait  de  terrible,  c  eft  que  la 
maladie  était  souvent  foudroyante,  on  était  bien 
portant  la  veille,   mort  le  lendemain. 

Avec  ferveur  la  population  se  recommandait  à 
Dieu.  Eglifes  et  chapelles  regorgeaient  de  monde. Dans 
tout  le  pays,  le  bruit  se  répandit  qu  un  saint  très 
honoré  à  Bourges,  saint  Urfm.  possédait  le  privilège 
de  guérir  les  maladies  contagieufes.  Depuis  un  temps  immémorial,  les  popu- 
lations du  Berrv  lui  donnaient  leur  confiance  ainsi  qu  à  saint  Juft  son  com- 
pagnon. Ses  reliques  opéraient  partout  d'éclatants  prodiges.  L  évèque  de 
Lifieux  trouva  le  moyen  de  décider  le  clergé  et  les  habitants  de  Bourges  à 
lui  confier  momentanément  les  reliques  du  généreux  guériffeur.  A  peine 
arrivées  à  Lifieux  elles  firent  merveille.  Subitement  la  peste  cessa  d  exercer 
ses  ravages,  la  loie  de  vivre  prit  rapidement  la  place  de  la  désolation  de 
jadis.  Les  délégués   de  Bourges  qui    avaient   accompagné  jusqu  à  Lifieux  les 


Fig.  S I .        Statue  de  rëglife 
Saint-Jacques. 


240 


SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 


reliques  de  saint  Urfin  ne  recevaient  que  remerciements  chaleureux  de  la 
part  des  nombreux  malades  revenus  à  la  santé.  Une  place  d  honneur  leur 
fut  réservée  durant  les  fêtes  de  la  Dédicace  de  la  Cathédrale.  Telle  est.  dans 
ses  grandes  lignes,  la  fiction  que  le  chapitre  de  la  cathédrale  lit  repré- 
senter par  un  peintre  normand  dont  le  nom  n  cft 
^'S'^à  //^N  malheureusement  point  parvenu  jusqu  à  nous.  Mise  en 
Jf/y^.^^&  \  r         belle  place,  dans  1  église  principale  du  diocèfe.  la  légende 

tant  jolie  pourra  plus  sûrement  pénétrer  les  efprits  et 
les  cœurs.  Mife  à  la  portée  de  tous,  elle  ébranlera 
davantage  les  foules,  et  durant  de  longs  siècles  encore, 
les  fiévreux  viendront  dévotement  se  recommander  à 
saint  Urfin.  pieufe  figure  incertaine  dont  1  hiftorien 
pourra  peut-être  quelque  jour  précifer  le  rôle  tutélaire. 
Des  quatre  scènes,  formant  jadis  un  tableau  de 
1  m.  V)  de  largeur  sur  un  mètre  de  hauteur,  sorte 
de  frife  divifée  en  quatre  parties  inégales  par  de  frêles 
colonnes  imitant  le  marbre,  il  ne  refte  que  les  trois 
de  gauche. 

Dam  le  premier  pdnnenu.  saint  Urlin  s  entretient 
familièrement  avec  le  Maître  de  1  Evanmle  dont  il  avait 
été  le  sur  confident. 

Dam  le  deuxième  panucdii,  le  clergé  et  les  habitants 
de  Lifieux    accompagnent  la  chalTe  de   leur  protecteur 
jufqu  à  la  sortie  de  la  ville. 
Ddus  le  troisième  pAunedit.   les   glorieux  relies    de    saint  Uriin   regagnent 
Lifieux  au  milieu  des  chants  d  alléizrelTe  de  Li  multitude. 

Le  aujtrième  pdunedu.  aujourd  hui  diiparu.  reprélentait  saint  l  rliii  fai- 
sant la  lecture  à  la  Cène.  Par  sympathie  pour  son  difciple.  Jésus  lui  avait 
confié  cette  haute  mission. 

Que  le  Chrift  eut  fait  à  Aionfeur  sji}ict  Urfn  l'honneur  de  le  choilir 
pour  lecteur  a  la  Cène,  quil  eut  daigné  s  entretenir  avec  lui  sous  le  figuier, 
ces  cpilodes  savoureux  de  l  hifioire  de  1  archevêque  de  Bourges  plaisaient 
infiniment  aux  Lexovicns  du  xvi' siècle:  mais  ce  qui  les  charmait  plus  encore 
c  était  le  souvenir   des  merveilles  qu  il  avait  accomplies  parmi  leurs  ancêtres. 


Pig.  .Sa.        Statue  de  léglife 
Slint-Jacques. 


PL  30 


VUE   GÉNÉRALE   SUR    LES  CROISILLONS  ET   LE  CHŒUR  1  Dessin  de  R.  Salles) 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


241 


^f  Réconforter  //  la  tradition  locale,  tel  fut  le  noble  but  proposé  à  1  artifte 
parle  fabriquier  de  la  cathédrale  Saint-Pierre'.  Auffi.  sur  sa  toile,  les  scènes 
d'intérêt  général  n'occupent  quune  place  limitée,  tandis  que  les  épifodes 
d'intérêt  local  se  déroulent  sur  la  partie  centrale  du  tableau  et  sont  ainfi 
judicieufement  mis  en  valeur. 

Après  la    sublime   cérémonie,   les  délégués    de  Bourges   se   hâtèrent    de 
réclamer  la  reftitution  du  précieux  dépôt  dont  ils  avaient  la  garde.  Quelques 
jours  plus  tard,  la  chàfTe  de  saint  Urfin  ell:  placée     ^ 
sur  un  chariot.  Le  chapitre  de  la  cathédrale,  le  clergé     ,  r>>^ 
des   autres    paroifles.   la    population    toute   entière      _,  "    "^^^^^ 
accompagne  les  reliques  jusque  sous  les  châtaigniers 
séculaires  de  la  forêt  Rathouin.  à  peu  de  diftance 
de  la  ville  de  Lifieux.   sur  la  route   de  Pans.   Les 
belles  mafTes  de  verdure   de  la  forêt  offraient  un 
cadre  magnifique  aux  procefTions,  les  foules  pou- 


vaient s  abriter  sous  les  arches  de  feuillage. 


Déjà  le  cortège  atteignait  presque  le  sommet 
de  la  colline  boifée.  quand  soudain  le  cheval  qui 
traînait  le  chariot  s'arrêta  brisé  de  fatigue.  Im- 
poffible  de  le  faire  avancer,  tant  le  reliquaire 
devenait  pesant.  Dans  une  ferme  proche,  les  en- 
voyés de  Bourges  vont  chercher  une  géniiTe  :  peut- 
être  sera-t-elle  plus  docile  à  la  voix  des  charretiers.-' 
Le  souffle  précipité  et  les  persévérants  efforts  de 
la  bête  ne  parviennent  pas  à  faire  démarrer  le 
véhicule.  A  la  vue  de  ce  prodige.  1  évêque  Hugues 
s  écrie  :    ''    O   saint   Urfin  1  si  vous   défirez   refter 


B( 


ifeffe 


parmi  nous  ou  regagner  courges,  manireitez 
votre  volonté.  //  Le  conducteur  aiguillonne  avec 
plus  d  infiftance  la  géniffe  épuifée.  Encore  un 
effort,   encore    un.    dit-il.  la    montée   va    s  adoucir. 


Pèlerins. 


Les   roues   maffives   du 


I.  En  i(i8i.  le  chapitre  de  la  cathédrale  fit  recopier  le  tableau  de  saint  Urfin  par  un 
peintre  normand  :  "  Payé  à  Villers  painctre  pour  avoir  rcfaict  le  tableau  de  l'hiftoire  de  saint 
Urfin,  45  livres  7  sols.  ,/ 1  Coinptes   de   la  cathédrale,  en   loSi.) 


242 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


lourd  chariot  iic  tournent  toujours  pas.  Quel  parti  prendre  r  Le  soleil  dé- 
clinait a  Ihorizon;  les  saintes  reliques  ne  pouvaient  refter  la  nuit  expolées 
à  linclémence  du  temps,  au  milieu  d  une  épaifTe  forêt. 

L  évèque  invite  le  cortège  à  faire  demi-tour.  Aullitot  la  génilTe  se  met 
à  marcher  d  un  pas  allègre.  Donc  plus  de  doute,  au  lieu  de  s  en  retourner 

vers  le  Berrv'.  Monsieur  saint  Uriin  défire  refter  au 
milieu  des  populations  normandes.  Le  cortège  rentre 
immédiatement  en  ville  frénétiquement  acclamé  par 
la  foule  enthouiiafte.  Interdits,  stupéfaits,  les  délé- 
gués de  Bourges  font  la  moue.  Comment  se  pré- 
senter devant  leurs  concitoyens,  comment  leur 
raconter  la  vraie,  la  dramatique  hiftoire."  La  joie  des 
uns  devient  souvent  le  malheur  des  autres! 

Tout  en  haut  du  tableau,  sur  un  étroit  bandeau 
blanc,  le  peintre  a  inlcrit  en  lettres  noires  cette  inftruc- 
tive  devife  :  com.ment  les  reliques  de  monsieir  s.\inct  l'rsin 

FURENT  APPORTÉES  PAR  MIRACLE  EN  CETTE  VILLE  EN  LAN  lu•,^.  PAR  LES 
SOINS  DE  HUGO  EVESQUE  DE  LISIEUX 

Tout  en  bas  du  tableau  se  lit  cette  curieufe  et 
pittorefque   indication    :  ce  tableau  a  esté  refah-  sur 

LORIGINAL  VIEL  EN  LAN   k-Si.  AUX  DESPENS  DE  LA  FABRIQUE 

Le  caractère  archaïque  des  infcriptions  précédentes  n  cft  pas  fait  pour 
nous  déplaire,  bien  au  contraire,  en  aiTemblant  ces  mots  pre(que  vieillis  nous 
nous  sentons  plus  près  de  nos  aïeux,  nous  redevenons  leurs  voisins  d  une 
heure... 


I- 


L«  Chri«  (tj 


•int  Urftni 


Le  premier  pjnnejii  se  présente  en  hauteur.  Saint  Urfin.  vctu  en 
archevêque,  s  entretient  avec  le  Sauveur. 

La  phvfionomic  de  saint  Urfin  cft  pleine  d  attirance,  de  jcunclTc  et 
d'onction.  Une  ample  chape  faite  d  étoffe  rouge  et  souple,  fermée  sur  la 
poitrine  par  une  belle  agrafe,  enveloppe  le  saint  archevêque.  Le  rochet  et 
la   soutane    violette    paraifTcnt    très    riches.    La  tète  cft    coiffée    d  une    mitre 

c    perles    cl    pierres     précicufes.     Les 


alTcz   haute    ornée    de    valons    d  or.    d 


Fig.   Sv  -    Saint  Ursin 


244 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


"Vf    Ai 


â# 


fanons  de  cette  mitre,  terminés  par  des  effilés  d'or,  retombent  gracieufe- 
ment  sur  les  épaules.  L'attitude  de  saint  Urfin  indique  nettement  qu  il 
prêche  la  foule.  Le  Chrift  écoute  et  approuve   son   difciple...    Ne    dirait-on 

pas   que  les  rôles   sont   renverfés.  Jé- 
'^^'■^-  "  >  sus.  dans  la  circonftance.  s'efface   de- 

vant saint  Uriin.  C  eft  une  marque  de 
bienveillance  sacrée,  bien  faite  pour 
imprefllonner  les  fidèles,  et  leur  don- 
ner une  haute  idée  de  la  valeur  intel- 
lectuelle et  morale  de  leur  saint  pa- 
tron. L  artifte  a  mis  toutes  les  mo- 
dèles reffources  de  sa  science  à  donner 
à  ce  pieux  perfonnage  un  grand  accent 
de  douceur  et  de  bonté.  Il  a  é^ale- 
ment  admirablement  traduit  le  ca- 
ractère divin  de  Notre-Seiijneur.  Le 
vifage.  surtout,  eft  remarquable  d  cx- 
preflion.  de  beaux  veux  profonds,  un 
front  et  un  nez  réguliers,  une  loniiuc 
chevelure  soiiineufcment  étudiée,  une 
barbe  soyeule  :  le  drapé  harmo- 
nieux des  vêtements  .  1  attitude 
digne,  donnent  au  ChriR  beaucoup 
de  noblelTe  et  de  grandeur...  Au 
loin,  sous  un  figuier.  Jéfus  s'entretient  familièrement  avec  le  saint  évequc. 
Le  pavfage  repréfentc  une  prairie  légèrement  mouvementée  ;  à  1  horizon 
se  détache  une  colline  voilée  de  brume  et  un  petit  taillis.  Dans  le  ciel  un 
peu  tourmenté,  une  éclaircie  agréable  à  1  œil  relève  1  aipect  monotone  de  la 
compolition. 

Le  grjnd  pitnncdu  de  gjuchc  repréfentc  le  Départ  de  la  Challe  de  saint 
Uriin  pour  Bourges. 

Toute  en  bois  doré,  rehauffée  de  brillants  et  d  émaux,  clic  repofe  sur  un 
drap  de  couleur  rouge.  Il  c(\  très  intéreffant  de  pouvoir  distinguer  les  détails 
sculptés  et  gravés  qui   ornent   les  cotés   et   le    deflus    de  cet  incftimablc  rcli- 


.V     .^'^ 


Fi^;   si>.        tiitretien  de  Jcsus  et  uint  Uriin  tous  le  figuier. 


it-touclic    L.iri   IHIi 


iCoiiiininl    le-  Kcliqiio  De- ^'oiifitiir  ShiikI    \i  fin  furent  Aiioiltc^    Pjr 


FI.  5/ 

Miracle    £n  Ci  Ile  Ville  .''"  Lan.  jo^j  par  Les  Soins- De  Hugo  Euefque  Ddifieux 


Retouché.  Lan   1815.     1   I  Comment   Les  Reliques  De  Monfieur  Saincl    Vrfin  furent  Aporiees.  Par 


Miracle    £n  Celle  Vaille  .^"  Lan.  jo^>\  par  Les  SoinsDe  Hugo  Euefcjue  Delifieux   ^; 


LE  TABLEAU  DE  SAINT- 
■^SIN,  d'après  un  crayon  de 
.  Salles.  —  Autrefois  en  pos- 
(Tion  de  la  cathédrale  Saint- 
:rre,  ce  précieux  triptyque  se 
)uve  actuellement  dans  l'églifc 
int-Jacques  de  Lisieux. 


■"i 


Enlan.    J63I,  Auxdefpens.   Delà.  Fabricque 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


245 


quaire.  L'éclat  brillant  des  ors.  s'accrochant  aux  angles  et  aux  saillies,  forme 
contrafle  avec  l'ombre  des  creux  et  affirme  ainfi  le  relief  des  sculptures  '. 
La  mort  dans  1  àme.  les  habitants  de  Lifieux  accompagnent  les  reliques 
de  saint  Urfin  jufqu'à  la  sortie  de  leur  ville...  Les  habitants  de  Bourges,  au 
contraire,  s'en  retournent  joyeux  avec  leur  tréfor.  Ils  se  redreffent  avec  fierté 
sur  leurs  chevaux  blancs,  se  cambrent  dans  leur  pourpoint  de  velours  aux 


Fig.  87.  —   Départ  des  reliques  pour  Bourges. 

couleurs  éclatantes'.  Sur  leurs  beaux  'r  capels  >/.  des  plumes  soyeufes 
ondulent  gracieufement  sous  l'emprife  difcrète  d  un  vent  très  doux.  C'eft 
bien  un  drame  qui  plane  sur  ce  cortège.  D  un  côté,  se  devinent  la  tris- 
tefle,  l'amertume,  les  regrets;  de  1  autre,  rayonne  le  bonheur  le  plus  vif  et 
le  plus  enthoufiafle. 

Au  point  de  vue  iconographique,  il  convient  d  obferver  que  les  geftes 
de  ces  cavaliers,  leurs  coflumes,  leur  attitude,  ainfi  que  le  deffin,  le   mou- 

1.  Dans  un  procès  verbal  datant  du  14  avril  1199.  Guillaume  d'Eftouteville  donne  la 
defcription  de  la  chàfTe  :  "  C'eft,  dit-il,  une  châffe  d'environ  six  pieds  de  long,  de  deux  pieds 
de  large,  et  de  deux  pieds  de  haut,  sans  y  comprendre  la  couverture  en  forme  de  toit  qui  eft 
auffi  à  peu  près  de  deux  pieds;  elle  eft  couverte  d'argent  de  tous  cotez,  dorée  sur  la  couverture 
et  enrichie  d'ailleurs  de  pierres  précieufes  et  de  différentes  figures  ou  images,  sçavoir  eft  à  un 
bout  du  coté  droit  :  l'image  de  N.-S.,  repréfenté  affis  donnant  d'une  main  la  bénédiction  et 
tenant  un  livre  de  la  main  gauche;  à  l'autre  bout,  l'image  de  notre  B.  Patron  saint  Pierre  auffi 
repréfenté  affis  et  tenant  des  clefs  et  un  livre;  au  milieu  du  coté  de  l'autel,  de  l'image  de  la 
Sainte  Vierge  portant  son  fils  sur  son  sein;  et  au  milieu  de  l'autre  côté,  de  limage  de  notre 
autre  Patron,  saint  Urfin  en  habits  pontificaux...    //  —  Vïe  des  saints  Patrons  du  diocèfe  de  Lifteux. 

2.  Remarquer  l'anachronifme  des  coftumcs  qui  sont  du  xvi"  siècle  alors  que  la  scène  hifto- 
riqiic  se  pafTe  au  xi' . 


24b 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


vement  et  l'anatomie  de  leurs  chevaux  rappellent  en  tous  points  les  détails 
d  un  groupe  de  cavaliers  des  magnifiques  bas-reliefs  de  1  hôtel  du  Bourgthe- 
roulde  à  Rouen  repréfentant  la  célèbre  Entrevue  du  Cjnip  du  Drjp  d  or  \ 


uuMiv|i^*fSpr7m> 


I     '  *   -1* 


,; 


^  - 


^if.J 


Groupe  de  cavaliers  du  tableau 


lu  L, 


Fig. 


.>.s. 


Cavaliers  du  ba^-relief  de  l'hôtel  Bourgtheroulde. 


Il  faut  croire  uuc  le  créateur  du  tableau  de  saint  Urfin  n  ignorait  pas  le  chef- 
d'œuvre  roucnnais  que  nous  signalons.  Peut-être  en  polTédait-il  un  croquis  r' 

Le  rapprochement  pourrait  ctrc   un  point 


e  repère  pour  retrouver  le  nom 


:pere  p 


del' 


imagier 


anonyme  qui  travailla  pour  le  chapitre  de 
la  cathédrale  Samt-Picrre. 

La  cérémonie  de  la  R^cjlitution  de  la 
chdjfe  de  sdinct  Urfn  revêt  un  caractère 
cHcnticlIcmcnt  relii^ieux.  Point  de  eucr- 
riers  bardés  de  fer,  pas  d  archers  ni  d  ar- 
quebuliers  mêlés  à  la  foule.  Tout  )uftc 
deux  gardes,  la  lance  sur  I  épaule,  précè- 
dent  de   quelques    pas   le  chariot    et   iiui- 


î-> 


PifÇ.  H.» 


Pclcrincs 


lun 


et 


>afTent  allcgrcmciit 


dent  le  conducteur.  Profondément  péné- 
trés de  la  iirandcur  de  leurs  fonctions. 
devant   deux    "'   pèlerines   //    pieuiemcnt 


autre  panent  aiicgrcmciit    devant   deux    "'   pèlerines   // 
agenouillées  à  I  ombre  d  un  pommier  chargé  de  fruits 

I.  Bas-rciicfs  exécutes  après  le  mariii^c  d'Elconor  d'Autriche  et  de  Fran<,-ois  1"  en  is^o. 
Voir  de  la  Qucrricre.  Dcfcription  htjïoTiquc  des  nuifons  de  I\oueii,  t.  I,  p.  174  et  suiv.  — 
Jules    Adclinc,    /.  Hôtel    Bourt^theroiildc    dans    /j    Nornutidic    ttionutuenule  (Scinc- Inférieure j. 

t.  I.  iSin.  p.  1^. 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


247 


Fig.  ()o.  —  Retour  des  reliques  à  Lisieux. 


^^^ii;. 


Enfin,  pour  terminer  sa  compofition.  l'auteur  a  peint  les  chanoines  de 
Lifieux  marchant  en  bel  ordre  et  chantant  quelque  litanie  en  l'honneur  de 
leur  glorieux  bienfaiteur. 

Malgré   ses   imperfections,   ce   panneau   nous  plait.  Y  aurait-on  songé  .^ 
Les  teintes  afTombries  du  coloris  achèvent  d'attnfter, 
très  à  propos,  la  scène,  et  la  complètent  par  leur  note 
mélancolique. 

Le  second  pannedii,  nous  détaille  le  retour  im- 
prévu de  la  chàlTe  de  saint  Urfin  à  Lifieux. 

Le  cortège  qui  accompagnait  les  rehques  de  saint 
Urfin  vient  d'arriver  près  de  la  forêt  Rathouin. 
Soudain  le  cheval  qui  emportait  le  précieux  fardeau 
s'eft  arrêté,  accablé  par  1  incroyable  lourdeur  de  la 
chàffe.  La  foule  anxieufe  s  alTocie  avec  une  religieufe 
ferveur  aux  prières  de  l'évèque  Hugues.  Saint  Urfin, 
ému  de  tant  de  spontanéité  dans  la  supplication,  se 
rend  aux  vœux  de  cette  multitude  et  fait  comprendre 
sa  volonté  de  demeurer  dans  la  paifible  cité  lexovienne. 

C'efl;  le  moment  choifi  par  1  artifte  pour  peindre 
la    scène   qui    nous   occupe. 

Il  montre  la  multitude  dévalant  la  côte.  La  tête 
de  la  colonne  s  apprête  à  franchir  la  porte  de  Pans. 
Tout  ce  monde  remplit  1  atmofphère  du  bruit  de  ses  pas.  Un  chant  grave, 
lent,   se  fait  entendre.  Ce  sont  les    chanoines    tout   là-bas,    en  queue,  qui 


Fig.  91.   —  Délégué  de  Bourges 
avant   le  miracle. 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


chantent  les  louan^^es  du  Seigneur.  Le  maitre  des  céré- 
en  un  clin  d  œil.  eft  pan'enu  à  reformer  les  rangs  bnfés  de 
sion.   Déjà   la   croix  et   les   acolytes    ont   repris   la   tète   du 


r 


m  o  n  1  e  s . 
la  proces- 


cortege. 


'V-' 


%-i^ 


u  ^^ 


Fig.  •)?     -  Chanoines  ucoruni  les  reliques  de  saint  Ursin. 

La    nouvelle   du    miracle    s  efl:   vite    ré- 
pandue en  ville,  une  femme  a  eu  le  temps  de 
faire  transporter  sur  un  matelas   son  mari   alité 

la  fièvre.  Comme  ell 


fe 


1 


par  la  nevre.  v^omme  elle  implore  avec  ferveur  et  pitie 
pour  lui!  Les  conversations  vont  leur  tram.  A  li  porte 
de  Pans,  des  témoins  du  miracle  1  expliquent  aux  habi- 
tants des  faubourgs  accourus  dès  1  annonce  de  la 
)oveufe  nouvelle.  Ils  écoutent  tout  veux,  tout  oreilles, 
tandis  cjue  sur  la  route  la  chafTe  avance  lentement, 
traînée  par  la  génifle  et  flanquée  de  ses  deux  gardes.  Le 
conducteur,  désarçonné,  est  obligé  de  revenir  pédes- 
trcmcnt.  Un  riche  Lexovien  s  attarde,  par  condefccn- 
dancc.  à  consoler  un  des   deux  délégués  de  Bourges. 


doul 


ouloureusement 


ifTcctés 


ar     les     événements 


qui 


viennent  de  s  accomplir. 


L  ordonnance  très  svmétriquc  de  cette  scène,  le 
pittoresque  des  détails,  enchantent  nos  regards.  Cepen- 
dant le  travail  pèche  par  excès  d'auflérité  et  de  mélan- 
colie. Vraiment  on  voudrait  plus  d  allêgreffe  dans  les 
physionomies,  plus  de  mouvement  dans  les  attitudes. 
A  cette  heure  où  les  Lexoviens  sont  dans  1  enchante- 
ment de  savoir  que  la  chàfTe  de  saint  Urlm  reliera 
dans  leur  ville,  comment  le  peintre  n  a-t-il  pas  compris  qu  un  peu  d  en- 
thoulialme   était    de    mile    et    devait    détendre    et    adoucir   les   gefles    de    ces 


Pig    'Il         Un  délépuc  de  BmirLCt 
4prés  le  miracle. 


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LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


249 


figures    rigides  ■r   La    couleur    n  aide    pas    non    plus    à    faire   comprendre   le 
sujet.    Les   tons  sont   vraiment  trop  mornes   et   trop    éteints.   Bref,   heureux 


yÇt 


n"eft 


iffi 


comme  mile   en  scène,   ce   panneau  n  eit  pas   auiii  expre 
dent,   il   manque    d  àme   et    de  vérité.    En   fait,    les 
deux    scènes  du  Miracle  de   la  Châjfe  se  déroulent 
sur  un  fond  de  pavfage  prefque  identique. 

Il  est  manifefte  que  1  artifte  a  cherché  à  camper 
ses  perfonnages  dans  un  cadre  vrai.  Copier  sur 
nature  la  vue  qu'on  découvre  du  sommet  de  la 
côte  Saint-Urfin  en  regardant  vers  le   Nord,  tel  fut 


ffif 


lue 


le 


)rece- 


1 


de    17/: 


Me: 


:dh 


ui. 


e  premier  soin  ae  1  imdygier.  Même  aujourc 
le  tourifte  qui  voudra  bien  aller  sur  la  vieille  route 
de  Pans  remarquera  de  suite  que  le  pavfage  n'a 
guère  changé  depuis  le  seizième  siècle.  Si  la  topo- 
graphie du  tableau  de  saint  Urfin  refte  très  proche 
de  la  nature,  la  coloration  de  la  verdure  et  du 
feuillage  s  en  éloigne  notablement.  Les  verts  em- 
ployés sont  de  couleurs  sombres.  Par  places,  ils 
sont  comme  enfumés,  brûlés,  terreux.  Ces  tons 
conventionnels  ne  rappellent  en  rien  les  couleurs 
gaies  et  claires  que  1  œil  se  plaît  à  contempler  dans 
les  prés,  les  champs,  les  '^  clos  //  de  notre  mer- 
veilleux pays  normand. 

Le  coloris  alTombri  du  tableau  s  explique  par  les 
traditions  picturales  de  1  époque  où  il  fut  créé.  En 
Italie,  nombre  de  peintres  en  renom  employaient 
la  formule  des  fonds  sombres.  En  acceptant  cette 
technique,  en  noyant  dans  une  atmosphère  ténébreufe 
les  taches  claires  réparties  sur  les  perfonnages  et  les  objets  de  la  compofition. 
1  auteur  du  tableau  de  saint  Urfin  chercha  à  imiter  la  manière  des  plus 
savants  théoriciens  de   l'efthétique   nouvelle.  Pourquoi  lui  en  tenir  rigueur  ? 

Malgré  sa  perspective  défectueuse,  malgré  le  manque  de  proportion 
entre  les  êtres  et  les  choses,  malgré  lanachronisme  des  costumes,  le  tableau 
de  saint  Urfin  reste  une  œuvre  attachante. 


iprr.t\ji. 


Fig.  .)4. 
Les  Lexoviens  commentant  le  miracle. 


2^n  SAINT-PIEKKE  DE  LISIEL'X 

Les  yeux  fureteurs  des  artiftes  s  attardent  volontiers  sur  cette  toile  où 
le  sentiment  n'est  pas  voilé  par  le  métier.  Point  d  effets  inédits,  mais  quelle 
simplicité  dans  le  récit,  quelle  naïveté  dans  le  décor  !  Jolie  légende  inter- 
prétée sans  recherche  par  un  peintre  de  chez  nous.  Ce  tableau  émeut 
l'imagination  autant  que  sa  vue  plait  aux  yeux  :  toujours  le  poète  a  guidé 
la  main  de  1  artifte. 

LES    SIX    GRANDS    TABLEAUX 

Dans  la  seconde  moitié  du  xvii"'  siècle  le  chœur  de  la  cathédrale  était 
tendu  de  tapilTeries.  Ce  fut  1  officiai  de  Lilieux.  le  chanoine  Lcrat.  qui  eut 
lidée  de  les  remplacer  par  six  grands  tableaux  de  mêmes  dimenfions.  Dans 
une  réunion  extraordinaire  du  chapitre,  le  27  avril  ij'h».  M.  1  abbé  Lerat 
fit  savoir  a  la  "  Compagnie  //  qu  il  avait  en  mains  une  somme  d  argent 
dcdinée  à  lâchât  de  six  grands  tableaux.  Le  vœu  des  donateurs  était,  après 
affentiment  du  chapitre,  de  mettre  ces  œuvres  d  art  dans  le  chœur  de  la 
cathédrale,  à  la  place  des  tapiiTeries  déjà  bien  ufagées.  Une  pareille  initia- 
tive re^ut  de  chaleureufes  approbations,  surtout  bAxcc  auc.  Jjns  l  exécution 
dycelle.   m  Lt  fdhnquc  m  les  particuliers  n  en  seraient  grèves  '. 

D'ailleurs,  c  étaient  les  chanoines  qui  s  étaient  cotifés  pour  offrir  à  leur 
églife  cette  décoration  importante  \  Les  toiles  furent  commandées  sans  retard. 

r.    H^giflrc  du  Chapitre,  dclibcration  du  27  avril  17110. 

2.  Etat  des  sommes  qui  m  ont  ctc  données  par  McfTieurs  cv-nomnics  pour  être  employées 
à  la  décoration  de  la  cathédrale  de  Lificux  et  à  lâchât  de  six  tableaux  qui  y  sont  pofcs  : 

M.  I  abbé    Dufrefnc.  doyen W  I  '•  M.  Friquicr  de  La  Cau%inicrc ioi(  I. 

M.  I  abbé  de  la  Villc-du-Boi$.  chanoine  M.  Dubois,  chanoine ;  t  I. 

et  tréforicr l.\»"  I-  M.  Fontaine,  chanoine 72  i. 

M.  de  Méry.  chanoine \on  1.  j^j  Defpana.  chanoine 72  I. 

M.  Le  Bourp,  chanoine "«^  '  M.  Monlaiiu.  chanoine 21  l. 

M.  De   Vi^neral,  chanoine bo  L  

M.  Godefroy,   chanoine »î<  L                                                          To"'  ■  ^•'»^"  •• 

Le   I  octobre  1771  de  M.  Baillard  DcsLOurs,  chanoine.  V"  livres. 

Le  .)  octobre  1771.  reçu  de  Mgr  lEvcque  deLifieux,  par  les  mains  de  M.  Naudin.  chanoine,  la  somme 
de  mille  quarante  livres  que  Sa  Grandeur  a  bien  voulu  donner  pour  les  ouvrages  de  la  décoration  du  chœur, 
laquelle  somme  avec  le  billet  de  M.  Descours  chanoine,  faifant  celle  de  1 .  ■j  j»  livres  au  moyen  de  quoi  )e  suis 
rempli  des  avances  par  moi  faites  pour  les  ouvrages, 

S,gnc        I.E   R.^T. 

(Copie  faite  sur  les  quittances  par  M.  Puchot.  prcûdcnt  de  la  Soactc  htjloriquc  Je  Lifieux.) 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE  251 

Prefque  tous  les  guides,  sur  la  foi  des  hiftonens  normands  les  plus 
qualifiés,  attribuent  à  Lemonmer  la  paternité  de  ces  six  tableaux. 

Le  peintre  rouennais  n  efl;  l'auteur  que  d  une  seule  de  ces  toiles,  les 
autres  ont  été  peintes  par  des  artiftes  parifiens.  élèves  de  Vien.  ayant  une 
certaine  notoriété.  Les  noms  de  ces  artiftes  figLiraient  sur  les  quittances 
autrefois  confervées  aux  archives  de  la  cathédrale.  Aujourd  hui,  elles  ont 
malheureufement  difparu.  En  1895.  M.  Puchot  en  avait  par  bonheur  pris 
une   fidèle  copie   et  nous  l'avait  communiquée,  en   iqit. 

Les  sujets  religieux  impofés  aux  peintres  devaient  retracer  les  principaux 
épifodes  de  la  vie  des  deux  glorieux  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul.  Ils 
furent  interprétés  par  Larrieu,  de  la  Cour.  H.  Lagrenée,  Taillaffon,  Robin 
et  Lemonmer  qui  tous  livrèrent  leurs  œuvres  dans  le  courant  de  1 7  7  t  , 
sauf  Robin,  qui  expédia  la  sienne  le  r  ",  juin  1772.  Chaque  tableau,  de 
C)'"70  de  hauteur  sur  VvS  de  largeur,  fut  payé  350  livres,  excepté  celui 
de  Robin.  Un  léger  supplément  fut  alloué  à  cet  artifte  en  raifon  du  succès 
marqué  obtenu  par  sa  toile  au  Salon  du  Louvre.  Difcrètement,  l'artifte 
avait  infinué  que  cette  délicate  attention  du  chapitre  lui  serait  très  senfible. 
Une  lettre  adreffée  à  l'official  de  Lifieux  par  M.  Chevalier,  emballeur  de 
tableaux  à  Pans,  nous  apporte  à  cet  égard  quelques  précifions  :  ^<  Je  viens 
de  faire  encaifTer  et  emballer  votre  sixième  tableau,  la  voiture  sur  laquelle 
il  sera  chargé  devant  partir  après-demain,  vous  le  recevrez  vers  la  fin  de 
la  semaine.  Je  laifTe  à  M.  Rambaud  à  rendre  compte  de  ce  que  demande 
M.  Robin,  notre  peintre,  et  de  ce  qui  a  été  promis.  La  place  dans  le 
Salon  sera  un  témoignage  de  la  bonté  de  louvrage.  » 

Les  tableaux  parvinrent  sans  accident  à  Lifieux,  chez  M.  l'abbé  Cheva- 
lier, chanoine  de  Saint-Honoré.  qui  était  chargé  de  les  recevoir.  L  emballage 
avait  été  particulièrement  surveillé.  Les  toiles  étaient  roulées  sur  des  cyhn- 
dres  de  bois,  les  châffis  et  les  cadres  soigneusement  emprifonnés  dans  des 
boîtes  de  i  3  pieds  de  long  sur  2  pieds  de  large  et  1 8  pouces  de  profon- 
deur. Précautions  utiles  lorfqu'on  songe  qu'en  route,  pendant  plufieurs 
jours,  ces  précieux  et  fragiles  objets  seraient  expofés  aux  intempéries  de  la 
saifon  et  à  la  nonchalante  infouciance  des  charretiers.  Quelle  déception 
pour  le  chapitre  de  la  cathédrale  s  il  fût  arrivé  malheur  à  ses  tableaux  si 
impatiemment  attendus  !   Cadres  et  toiles  arrivèrent  heureufement  en   bon 


252  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

état.  A  la  vue  de  ces  richefTes  artiftiques.  les  chanoines  ne  manquèrent  pas 
d  exprimer  hautement  leur  complète  satiffaction  et  de  faire  diligence  pour 
les  mettre  en  bonne  place  au-defTus  des  stalles  du  chœur.  Les  tableaux 
furent  appofés  contre  les  piles  dans  1  ordre  suivant  : 

Entre  les  deux  premiers  piliers,  du  coté  sud  :  la  Converfon  Je  saint 
Pdiil,  par  de  la  Cour  :  puis,  sur  une  même  ligne  :  Sduit  Pierre  guèrifj^dnt 
les  nuliides  Je  son  ombre,  par  Robin  :  la  PréJicdtion  Je  sjint  Pierre,  par 
Larrieu.  De  lautre  côté  du  chœur,  en  defcendant.  on  voyait  :  Saint  Pierre 
Jélivrê  Je  prifon.  par  TaillafTon  :  Saint  Pierre  reffiifcitant  Thahite .  par 
Lcmonnier.  et  le  tableau  de  H.  Lagrenée  repréfentant  Saint  Paul  Jeyant 
l  Aréopage . 

Confortablement  affis  pendant  les  offices  dans  les  magnifiques  stalles 
du  xiv'  siècle,  les  chanoines,  entre  deux  prières,  avaient  la  douce  satilfaction 
de  pouvoir  admirer  tout  à  leur  aife  ces  impofantes  peintures  nées  de  leurs 
deniers,  et  de  méditer  à  loifir  les  scènes  édifiantes  qu  elles  reprélentaient. 
Ils  pouvaient  être  fiers  de  «'^  leur  œuvre  //  ;  c  était  un  irréprochable  spéci- 
men de  lart  de  leur  temps.  Ces  vaftes  pages  religieules  tenaient  utilement 
et  largement  la  place  des  vieilles  tapifTeries  accrochées  jadis  aux  piles  du 
cha-ur.  Les  tableaux  liolaient  complètement  le  chœur  du  déambulatoire  et 
avaient  lavantage  appréciable  d  intercepter  les  courants  d  air  . 

En  ly»)";.  les  mains  révolutionnaires  ne  relpectèrent  pas  ces  nobles 
productions  d  art.  C  cft  aux  soins  et  au  zèle  généreux  de  1  artifie  peintre 
Duval  Le  Camus  que  nous  devons  1  heureufe  reftauration  de  ces  tableaux  '. 
Actuellement.  1  un  d  eux  eft  placé  dans  le  croifillon  Sud.  trois  dans  les  cha- 
pelles du  collatéral  Sud  et  deux  dans  les  chapelles  du  collatéral  Nord. 


1.  D'après  les  notes  de  M.  l'abbé  le  Rat,   les   tableaux,  lambris  et  peintures  du   chœur 
revinrent  ï  7.^20  livres. 

2.  Le  Nornund,  journal  de  Lifieux.  année  iN^.S. 


NORD 


n 


Q        D        < 


SLJO 


Fig  i)^.  —  Emplacement  actuel  des  Tableaux. 


A. 

Prédication  de  saint  Pierre. 

G. 

Marr.Te  de  saint  Sébadien. 

O. 

B. 

Saint  Paul  devant  l'Aréopage. 

H. 

L'E.vtafe  de  saint  Jérôme. 

P. 

C. 

Délivrance     de    saint    Pierre    par 

I. 

Sainte  Cécile. 

Q. 

l'Ange. 

I. 

La  Cène. 

R. 

D. 

R.éfurrection  de  Thabite. 

K. 

Sainte  Anne  faifant  lire  la  Vierge. 

E. 

Converfion  de  saint  Paul. 

L. 

Saint  François-Xavier. 

S. 

F. 

Saint  Pierre  guériffant  les  ma'ades 

M. 

L'Ange  gardien. 
L'Apotheofe  de  saint  Charles. 

T. 

de  son  ombre. 

N. 

U. 

Préfentation  de  la  Vierge  au  Temple. 

Pieta. 

La  Nativité  du  Sauveur. 

.\pparition  du  Sacré-Cœur  à  la  Bien- 

heureufe  Marguerite-Marie. 
Préfenta:ion  de  Jéfus  au  Temple. 
La  Vifitation. 
L'Annonciation. 


2M 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


COLLATÈK,M  SUD   -   PREMIER^E   CHAPELLE 

PRÉDICATION    DE    SAINT    PIERRE 

PAR   LARRJEU  • 

L'Apôtre    parle    à    un    groupe   attentif.   Il    est    debout    à    lentrée    d  un 
temple  qui  s'élève  à  côté  des  murailles  de  la  ville.  Larrieu  la  représenté  avec 

un    vifage    clafTique.    le    front    dénudé    avec    une 

lécrère  mèche,  une  toiie  bleue  recouverte  d  un  vafte 

il  " 

manteau  de  teinte  jaune  biftre.  Pour  le  recon- 
naître, lartifte  lui  a  mis  à  la  main  droite  les  clés 
rmblématiques. 

Un    groupe    de    femmes    et    de    quelques 
hommes  se  tiennent  à  droite  de  1  Apôtre.  Un 
vieillard    et   des   disciples   recueillent   ses  ensei- 
gnements.   Ce    groupe    de    perfonnages 
eft   traité    hâtivement,    avec    des    fautes 
marquées  de  compofition  et  de  couleur. 
Le  perfonnagc  le  mieux  rendu, 
celui  où  1  auteur  a  révélé  sa  mai- 
trile.    eft    la    femme    habillée 
de  blanc,  coiffée  d  un  turban 
Je    la     mcme    couleur,    afiife 
au  bas  des  degrés  ;  son 
attitude     attentive     et 
émue,     remarquable- 
ment    tra- 
duite,   pro- 
voque  1  ad- 
miration  de 


Une  femme  écoute  la  prédication  de  laint  Pierre 


I .  Le  seul  docunicnt  concernant  cet  artifte  eft  le  suivant  :  "  Je  reconnais  avoir  reçu  de 
M.  Le  Rat  par  les  mains  de  M.  Le  Chevalier,  chanoine  de  Saint-Honorc,  la  somme  de  trois 
cent  cinc]uantc  livres  pour  le  tabic.ui  reprcfcntant  la  Prédication  de  saint  Pierre,  que  |  étais 
chargé  de  faire  pour  la  cathédrale  de  Lificux.   * 

A    Pjris.    le   Ji    Jvri7    i--i 

Signé  :   LARRIEU. 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


255 


tous  les  artiftes.  Moins  heureufes  sont  les  deux  femmes  à  gauche  du  tableau 

et  les  cinq  autres  placées  à  la  droite,  leur  gefte  dramatique  dépalTe  la  mefure. 

Des  erreurs  anatomiques  et  techniques,   trop   nombreufes.  enlèvent  à  l'en- 

femble  de  sa  valeur  artiftique. 

>{»      ^     ^ 

DEUXIÈME  CHAPELLE 

SAINT   PAUL    DEVANT    L'ARÉOPAGE 

PAR    LAGRENÉE    LE  JEUNE. 

Le  tableau  qui  orne  la  deuxième  chapelle  efi:  de  Jean-Jacques  Lagrenée. 
dit  le  Jeune,  né  à  Pans  en  1740  et 
mort  dans  la  même  ville  en  1821.  Il 
fut  élu  membre  de  1  Académie  des 
Beaux- Arts,  le  30  juin  1773.  Dans 
cette  toile,  il  a  repréfenté  la  prédication 
de  saint  Paul  devant  1  aréopage,  en  y 
apportant  une  débauche  de  mouvement, 
de  couleur  et  de  defTin  contre  laquelle 
devait  réagir  David  et  son  école. 

Dans  le  monument  italien  où  il  fait 
siéger  Taréopage  grec.  Lagrenée  a  groupé 
d  une  manière  harmonieufe  les  savants 
et  vieillards  de  1  aréopage  au  milieu  des- 
quels il  a  dispersé  agréablement  quelques 
jeunes  figures  qui  ne  sont  point  les  moins 
charmantes,  ni  les  moins  bien  traitées  du 
tableau.  A  gauche  de  la  toile,  monté  sur 
un  énorme  socle,  le  chef  de  l'aréopage, 
vêtu  de  bleu,  écoute  Paul  et  manifefte 
son  attention  par  un  gefte  contenu  qui 
n'efl:  pas  sans  éloquence.  Auprès  de  lui.  „•  ç  •    d  1 

r  T.  r  Fig  1)7.   —  baint  Paul. 

un  autre  vieillard  plus  calme,  prête  aulfi 

une    grande    attention    aux    propos    de    l'Apôtre.    Aux   pieds    de    ces    deux 

hommes,   accoudé  sur   le   bord  de  la  tribune,  un  jeune  éphèbe  écoute  avec 


2^b  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

émotion  1  orateur.  La  robe  rôle  délicatement  ouvrée,  la  pôle  des  mains 
et  leur  deffin  remarquable,  font  de  cette  figure  qui  occupe  au  deuxième 
plan   le   centre    de    la  compofition  1  une   des  panies    les  mieux  traitées. 

L  apôtre  Paul,  le  sujet  principal  de  la  toile,  par  la  vulgarité  de  ses  traits,  le 
manque  de  nobleiTe  de  son  front,  semble  avoir  trahi  la  conception  de 
1  auteur.  Il  parait  de  beaucoup  moins  bien  étudié  que  les  perfonnages  acces- 
soires. L  œuvre  de  Lagrenée  fut  cependant  eftimée  lors  de  son  apparition. 
Elle  figura  au  Salon  de  1771.  Cdtdlogiie  n  21  j.)  Voici  en  quels  termes 
on  1  appréciait  :  ''  Saint  Paul  préchant  dans  1  aréopage,  de  M.  Lagrenée  le 
Jeune,  quoique  non  terminé,  semble  aux  connaifleurs  de  bon  style.  // 


COLL.\TERj\L  SUD  —  TRJDISIEME  CHAPELLE 

DÉLI\RANCE    DE   SAINT    PIERRE    PAR    UN    ANGE 

T.\BLE.\U    DE  J.    T.\lLL.\SSON 

Le  tableau  qui  orne  la  troifième  chapelle  cft  de  Jean  Jofeph  TaillalTon. 
peintre  d  hiftoire  et  écrivain'.  Né  à  Blave.  en  IJ)'».  il  mourut  à  Pans  le 
1  I  novembre  iScx).  Il  fut  clu  membre  de  1  Académie,  le  "îo  novembre 
lyN»^.  TallailTon  repréfentc  saint  Pierre  délivré  par  un  ange  et  s  infpirc 
du  récit   des  Actes  des  Apôtres,  chapitre   v  verset    17-21. 

Pierre  efl  éveillé,  au  milieu  de  la  nuit,  par  1  apparition  du  melTager  divin. 
Un  rayon  lumineux  emplit  sa  cellule,  et  d  un  gefte  un  peu  maniéré,  mais 
très  harmonieux,  lange  porté  sur  une  nuée  lumineuie  montre  à  1  Apôtre 
le  chemin  qu  il  doit  suivre  pour  fuir  de  prilon.  La  tète  de  l'ange,  ses  ailes 
déployées  sont  teintés  avec  une  élégance,  une  légèreté,  une  harmonie  qui 
répondent  remarquablement  à  1  idéal  que  s  en  était  forme  1  artillc.  Cet  en- 
semble fait  un  contrafte  charmant  et  heureux  avec  1  Apôtre,  vieillard  aux 
traits  émaciés  mais  vigoureux.  Ses  traits,  traduifant  a  la  fois  1  admiration  et 
la  reconnaiffance.  sont  peints  avec  une  vigueur  magidrale.  Ces  deux  perfon- 
nages suffiraient  à  emplir  la  toile  :  cependant  1  artifte  a  difpofé  à  gauche  et 
dans  le  coin         deux  gardes  endormis  qui.  placés  au  premier  plan,  néccllitcnt 

I.  Mirionnciux,  /•-_/•  TjiUjjfon,  Bordeaux.  iSo:.  in-8".  —  Bcllicr  de  la  Chavigncnc. 
Dictiotinjne  iics  > 'irtifta.  t    11.  p.   \^.i). 


Fig.  98.   —  La  Résurrection  de  Tabithe.  détail  du  ubieau  de  Letnonnier. 


3^8  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

d'être  traités  avec  vigueur;  ils  1  ont  été,  dune  manière  heureufe.  et  la  cou- 
leur cuivre  de  leurs  vêtements  forme,  avec  celle  du  manteau  de  Pierre  et 
1  éclaira^fe  doré  qui  règne  autour  de  lange,  une  dégradation  savante  qu  ac- 
centue encore  le  bleu  complémentaire  qui  orne  le  coftume  des  gardes  et  la 
robe  du  mcHager  célefte.  L  architecture  s  eftompe  dans  la  nuit  et  difparait 
heureufcmcnt.  La  mife  en  toile,  l'arrangement  de  la  compolition.  1  autorité 
du  defTin.  1  aifancc  de  la  facture  montrent  qu  à  ;<>  ans  TaillalTon  polTédait 
des  connaifTances  techniques  complètes  et  faifait  honneur  a  1  école  de  Vien. 
dont  il  fut  un  des  plus  brillants  élèves.  Malhcureufcment.  1  humidité  de 
la  cathédrale  a  terni  d  une  manière  irréparable  le  premier  plan  du  tableau. 


COLLATER^'XL  SUD  —  SIXIEME  CHAPELLE 

LA  RÉSURRECTION   DE  TABITHE 

P.\R   LEMONNIER 

Le  tableau  qui  garnit  la  sixième  chapelle,  eft  une  belle  œuvre  du  peintre  Le- 
monnier        né  à  Rouen  le  (>  juin    i  7  j  "> .  décédé  à  Pans,  le    i  ~  août    i  n  "  ) 

dont  la  renommée  artiftique  a  illulVé  1  école  de  Rouen  au  xviii'  siècle. 
Il  eft,  à  jufte  titre,  conlidéré  comme  1  un  des  plus  grands  peintres  de  cette 
période.  Oii  lui  avait  injuftemcnt  attribué  tous  les  autres  tableaux  de  la 
cathédrale  Saint-Pierre  de  Lifieux.  On  diflinirue  sa  lariie  signature  au 
bas.  à  droite  du  tableau,  alors  que  les  signatures  des  autres  toiles  sont  presque 
difparucs.  C  eft  à  ce  détail  qu  il  faut  attribuer  1  erreur  qui  a  peHifté  si  long- 
temps sur  1  origine  des  tableaux  de  Saint-Pierre  de  Lilieux. 

La  réfurrection  de  Tabithe  c(ï  une  magnifique  compolition  à  la  fois, 
par  la  beauté  du  dcilin  et  la  couleur  du  procédé. 

Une  jeune  femme  morte  efl  couchée  sur  un  lit.  et  autour  d  elle  sa 
famille  se  soulevé  et  fait  des  geftes  de  prière  et  de  supplication  dirigées  vers 
1  Apôtre  qui  se  tient  debout,  au  pied  du  lit.  les  bras  écartés,  le  vifage  tourné 
vers  le  ciel  dans  un  mouvement  d  imploration  puifTante.  La  minute  pathé- 
tique a  été  admirablement  traduite  par  une  unité  de  sentiments  et  de 
gcftcs  qui  domine  dans  le  tableau.  La  richelTe  des  couleurs  le  ferait  admirer 
s  il  n  avait  pas  d  autres  qualités  efthétiques.  Toutefois,  on  pourrait  lui  lepro- 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHÉDRALE  259 

cher  l'excessive  multiplicité  des  draperies  qui  atténue  la  nobleiTe  de  lensemble. 

Voici  le  paflage  de  l'Ecriture  où  l'artifte  a  puifé  son  sujet  :  //  y  avait 
â  Joppé.  parmi  les  difciples.  une  femme  nommée  Tabithe:  elle  était  riche  en 
bonnes  œuvres  et  faifait  beaucoup  d aumônes.  Elle  tomba  malade  et  mourut... 
Les  difciples  ayant  appris  que  Pierre  se  trouvait  à  Lydda  à  côté  de  Joppé,  ils 
envoyèrent  deux  hommes  pour  le  prier  de  venir  iufque  cheT^  eux.  Pierre  par- 
tit avec  eux.  Dès  <ju'd  fut  arrivé,  on  le  conduifit  dans  la  chambre  mortuaire... 
Pierre  ft  sortir  tout  le  monde,  se  mit  à  genoux  et  pria:  puis,  se  tournant  vers 
le  cadavre,  il  dit  :  '^  Tabithe,  lève-toi/  „  Elle  ouvrit  les  yeux,  et  ayant  vu 
Pierre,  elle  se  mit  sur  son  séant.   (^ Actes  des  Apôtres,  chap.  IX,   3(3-43.) 

Dans  sa  notice  sur  Lemonnier.  A.  de  Lefpinois  eftime  que  son  tableau 
de  la  réfurrection  de  Tabithe  eft  une  œuvre  de  jeuneiTe.  mais  d'une  jeunefTe 
déjà  mûre  et  qui  donne  la  mefure  de  son  avenir.  Il  parait  que,  dans  sa 
vieillefTe.  Lemonnier  vint  revoir  le  tableau  de  Tabithe  et  le  contempla  long- 
temps. C  efl  qu  il  avait  pour  lui  une  prédilection  marquée,  et  qu  il  y  retrou- 
vait l'idée  première  du  groupe  des  peftiférés  de  la  pefte  de  Milan,  son  chef- 
d'œuvre  qu'il  exécuta  quatre  ans  après  le  tableau  deftiné  à  Saint-Pierre  de 
Lifieux.  Prix  de  Rome  en  1770.  Anicet-Charles-Gabriel  Lemonnier  con- 
tribua efficacement  à  la  création  du  mufée  de  Rouen.  Il  fut  directeur  de 
la  manufacture  des  Gobelins  de  18  10  à  i  8  1 0 .  Parmi  ses  œuvres  de  choix, 
quatre  s  infpirent  des  Actes  des  Apôtres  :  Saint  Pierre  guèriilant  les  para- 
lytiques. 1770:  la  Miffion  des  Apôtres.  1777:  la  Réfurrection  de  Ta- 
bithe,   1771   et  la  Prédication  de  saint  Paul'. 


CI{piSILLON  SUD 

LA  CONVERSION  DE  SAINT  PAUL 

PAR  DE  LA  COUR 

Pierre  de  la  Cour,  élève  de  Vien.  fut  profelTeur  à  1  Académie  de  Bor- 
deaux  pendant   près   d  un   demi-siècle.    Il    était   auffi  graveur  et  littérateur. 

I.  Pierre  Marcel.  Lj  collection  de  defjîns  de  Lemonnier  au  mufée  de  R^uen,  Paris.  1913, 
in-8°,  p.  467  et  suiv.  —  A,  Lemonnier.  Notice  hifîorique  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  H.  Lemon- 
nier, Paris,  1824,  p.  b  et  suiv.  —  A.  de  Lefpinois.  Notice  sur  Lemonnier  peintre  d'hifloire, 
Rouen,  1S70,  in-8",  pp.  S-g. 


2bo  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Né   à   Bordeaux,    le    l^    avril    T  7  4  V   '^   ^^    ^^^^    ^"    ^<^"^   même   ville    le 
2  N  janvier   i  S  i  4 . 

Les  Actes  des  Apôtres  (ch.  IX.  i-^o)  préfentent  ainfi  la  converfion  mira- 
culcLife  de  Saul.  plus  connu  sous  le  nom  de  Paul  :  SjuI  ne  rcfpirjnt  (juc 
haine  et  mendce  contre  les  difciples  du  Seigneur.  j/Ar  trouver  le  gmnd  prêtre 
et  lui  demanda  des  lettres  pour  les  synagogues  de  Damas,  afin  que.  s  il  trou- 
vait des  gens  de  cette  croyance,  hommes  ou  femmes,  il  les  amenât  enchaînes 
à  Jcrufalem.  Comme  il  était  en  chemin  et  cju  il  approchait  de  Damas,  tout  à 
coup  une  lumière  venant  du  ciel  refplendit  autour  de  lui.  Il  tomba  par  terre, 
et  entendit  une  voix  oui  lui  difait  ;  Saul.  Saul.  pourquoi  me  perfècutes-tu  r 
Il  répondit  :  Qui  étes-vous.  Seigneur. -■  Et  le  Seigneur  dit  ;  Je  suis  Jcfus  que 
tu  perfécutes.  Lève-toi  et  entre  dans  la  ville:  là  on  te  dim  ce  que  tu  dois 
faire.  Les  compagnons  de  Saul  demeurèrent  saisis  de  stupeur:  car  ils  perce- 
vaient le  son  de  la  voix,  mais  ne  voyaient  perfonne.  Saul  se  releva  de  terre, 
et  Lien  que  ses  yeux  fujfent  ouverts,  il  ne  voyait  rien:  on  le  prit  par  la  mam 
et  on  le  conduift  à  Damas.  Paul  pa{Ta  c|uclc|ues  jours  au  milieu  des  chrétiens 
de  ce  pays,  recouvra  la  vue.  fut  baptifé.  et  auffitot  il  se  mit  à  prêcher  dans 
les  synagogues  auc  Jéfus  cft  le  fils  de  Dieu. 

Le  peintre  de  la  Cour  avait  à  évoquer  sur  sa  toile  les  péripéties  de 
cette  scène  dramatique.  1  émouvante  grandeur  de  ce  combat  imprévu  où  se 
rencontrent  la  volonté  humaine  et  la  volonté  divine.  Tache  certainement 
laborieufe  et  qui  décourage  les  plus  pathétiques  des  peintres. 

De  la  Cour  a  repréfenté  Saul.  avec  beaucoup  de  logique,  au  moment 
même  où  le  trait  fulgurant  de  la  lumière  célcfte  le  frappe  et  1  éblouit.  Il 
chancelle  sur  son  cheval  et  étend  les  bras  avec  un  geRe  de  détrelTe  et 
d  abandon;  le  coursier  s  écroule  également,  de  même  les  compagnons  de 
route  du  citoyen  romain. 

Le  mouvement  d  effroi  cherché  par  1  artifte  se  traduit  fatalement  par 
une  regrettable  confufion  de  lignes  et  de  plans.  Certains  raccourcis,  malgré 
1  habileté  avec  laquelle  ils  sont  exécutés,  manquent  d  élégance.  Le  mouve- 
ment des  bras  de  Saul  retire  du  mérite  a  la  facture.  Les  fonds  ont  été 
interprétés,  en  des  couleurs  affombries.  pour  donner  plus  d  effet  à  la  lu- 
mière qui  inonde  le  bufte  de  lapôtre.  Les  qualités  du  peintre  s  impolent 
cependant    au   spectateur  :    couleur    puiffante  et    riche,    compolition    pleine 


PI.  3J 


ii-uujuiimijujiif/ 


"t^t^JU 


LE  CROISILLON   SUD 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE  261 

d'imagination,  draperies  et  coftumes  somptueux,  académie  supérieurement 
traitée.  De  la  Cour  a  produit  une  œuvre  séduifante  pour  les  amateurs  éclai- 
rés d  alors  —  adverfaires  déterminés  de  toute  innovation  picturale  —  qui 
ne  se  déclaraient  satisfaits  que  par  les  œuvres  cent  fois  répétées  des  élèves 
appauvris  de  Rubens. 

*J'      -î"      *î' 

C0LLATÉRJ\L   NORJ)  —   SIXIÈME  CHAPELLE 

SAINT  PIERRE  GUÉRISSANT  LES  MALADES  DE  SON  OMBRE 

TABLEAU    DE   I.-B.  ROBIN. 

Jean-Baptifte  Robin,  Fauteur  du  tableau  accroché  dans  la  sixième  cha- 
pelle du  collatéral  Nord  naquit  le  24  juillet  1734,  il  fut  reçu  à  lAcadé- 
mie  des  Beaux- Arts  en  avril  1772.  Il  mourut  à  Choufy  (Loir-et-Cher)  en 
novembre   1818. 

La  scène  se  déroule  au  pied  d'une  colonnade  monumentale  qui.  dans 
l'efprit  du  peintre  figure  probablement  les  portiques  du  temple  de  Jérufa- 
lem.  Pierre,  vêtu  d'une  tunique  bleue  recouverte  d  un  manteau  brun, 
s'avance  vers  les  nombreux  malades  avides  de  réconfort  et  de  guérifon. 

L'attitude  de  l'apôtre,  son  regard,  le  gefte  si  expreffif  de  ses  mains  donnent 
une  haute  idée  de  sa  puilTance. 

Cependant,  de  toute  évidence,  le  peintre  a  concentré  tout  son  effort 
artiftique  sur  un  malade  à  demi  enveloppé  dans  une  couverture  de  laine 
crème,  rayée  de  bleu,  bordée  de  rouge.  Ce  perfonnage  de  premier  plan, 
par  sa  pofe  savamment  étudiée  et  la  vérité  de  son  anatomie  irréprochable, 
nous  montre  que  Jean-Baptifte  Robin  était  un  deffinateur  étonnant  de 
précifion  et  de  vie.  La  luminofité  du  tableau,  quoique  manquant  de  cha- 
leur, refte  néanmoins  harmonieufe.  Les  effets  de  clair  et  d  ombre  sont 
judicieufement  équilibrés.  En  jetant  discrètement  quelques  reflets  sur  les 
maffes  sombres,  lartifte  eut  donné  plus  de  relief  à  son  œuvre. 

Dès  son  apparition,  en  i  77  3  ,  le  tableau  de  J.-B.  Robin  figura  à  1  expo- 
sition nationale  des  Beaux-Arts  au  Louvre.  L  un  des  critiques  de  l'époque 
1  appréciait  en  ces  termes  :  ^<  Nous  admirons  le  délire  de  M.  R^bin,  agréé, 
(jui  a  pris  pour  son  sujet  de  tableau   de  réception   saint  Pierre  guérijfant  les 


2b2  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

mdlddes  par  son  ombre.  Lj  première  cjuepion  cjii'on  fdit  en  consiJérjnt  cette 
2rdnde  machine  c  efl  de  se  demander  oit  ejl  l  ombre  du  saint,  cjui  n  en  jette 
cf aucun  côté.  Car  il  aurait  fallu,  pour  exprimer  cette  action  biT^arrc.  surtout 
en  peinture,  prendre  le  moment  du  lever  ou  du  coucher  du  soleil,  oit  les 
ombres  sont  très  prolongées.  diVifer  les  malades  en  trois  plans,  dont  les  guéris, 
plus  éclairés,  annonceraient  par  leur  joie,  par  leurs  gejles  de  remerciement 
et  d  acclamation,  le  miracle  qui  viendrait  de  se  faire  en  eux  :  les  autres 
seraient  suppofés  dans  le  fort  de  l  opération,  et  les  derniers  attefleraient 
par  l  état  défefpéré  oii  ils  se  trouveraient,  quelle  va  être  la  puijfance  de 
l  ami  de  Dieu,  u 

Le  critiauc  d  art  eu:  obligé  de  s  incliner  devant  1  inconteflablc  valeur 
de  lartifte  ;  '^  ^u  rcjlc.  en  blâmant  l  extravagance  et  le  défaut  de  bon  sens 
du  compofteur.  il  faut  applaudir  à  son  talent.  Des  plans  bien  diflincts.  de 
grandes  maffes  et  une  touche  affe:;^  ^'^^^^  f^'^^  ^'^'■^  '^"^  connaijfeurs  que  cet 
ouvrage  efl  dans   le  bon  style.   // 

Devant  ce  jui^ement  plein  de  contradictions  cjui  ne  soiii^era.  comme 
nous    le   faifons   nous-mèmc.   au   mot  du   poète   : 

La  criticjue  cfï  jifce  et  l'art  efi  difficile. 

Que  le  chroniqueur  du  salon  de  177"?  formule  des  rélerves.  rien  de 
plus  naturel,  mais  au  moins  qu  il  détaille  les  nombreufes  qualités  indé- 
niables de  1  oeuvre  qu  il  apprécie. 

+      •;•      •;• 

CRS>ISILLON   NORJ) 

LE  MARTYRE   DE   SAINT   SÉBASTIEN 

TABl.E.M'    ATTRIBIE  A  CARRACHE 

C  efl  dans  le  croifillon  Nord  que  se  voit  le  plus  précieux  des  tableaux 
de  la  cathédrale.  Il  repréfcnte  le  martvrc  de  saint  Scbaftien.  thème  que  les 
artiftcs  normands  des  xvi'.  xvii'  et  xviii'  siècles  abordèrent  maintes  fois. 
AulTi  bien  la  plupart  des  confréries  de  chanté  de  notre  région  avaient  saint 
Scbafticn  pour  patron.  Le  tableau  de  la  cathédrale  Saint-Picrre  parait  le  plus 
beau  de  tous  ceux  qui  subliQent  encore  en  Normandie. 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHÉDRALE 


En  17(10.  dans  l'inventaire  drefTé  à  la  mort  de  Mgr  de  Brancas,  un 
Martyre  de  saint  Sébaflien  et  un  saint  Jean  au  Défert  furent  eftimés  6.000 
livres,  somme  élevée  pour  l'époque.  Plufieurs  érudits  lexoviens  affirment  que 
le  saint  Sébaftien  de  la  cathédrale 
ne  serait  autre  que  le  remarquable 
panneau  inventorié  au  xviii*  siècle. 
Ce  n'eft,  en  réalité,  qu'une  simple 
suppofition.  En  effet,  d  ne  faut 
pas  oublier  qu  à  cette  époque. 
1  une  des  chapelles  de  Saint-Pierre 
de  Lifieux  était  dédiée  à  saint  Sé- 
baflien.  Qlu  nous  garantit  qu  un 
tableau  repréfentant  ce  grand 
saint  n  y  était  pas  appendu  ? 

Saint  Sébaftien  nous  apparaît 
sous  les  traits  d  un  jeune  adoles- 
cent, expirant,  attaché  à  un  arbre, 
le  corps  percé  de  flèches.  Pour  le 
maître,  qui  l'a  traité  dans  la  pofe 
claffique,  le  sujet  devint  1  occa- 
fion  d'une  admirable  académie. 
L'ensemble  des  chairs,  d'un  ton 
ivoirin,  éclairées  partie  en  pleine 
lumière,  partie  en  clair -obfcur 
sent  la  technique  dune  grande 
école.  Les  raccourcis  des  bras, 
l'anatomie  du  bufl;e  sont  jufte- 
ment  appréciés  des  connaiffeurs. 
La    figure    du    jeune    homme   mourant,    vue    des 


Fig.  <}().  —  Saint  Sébaûien. 


h 


trois-quarts,  exprime 
suprême  angoiffe  dans  le  goût  théâtral  du  temps.  On  peut  toutefois 
reprocher  à  ce  remarquable  morceau  de  peinture  un  excès  de  recherche 
dans  les  lignes  et  les  formes  du  corps,  un  manque  de  logique  dans  la  pofe 
du  mourant  qui  défaille  ;  mais  lœuvre  garde  les  belles  qualités  décoratives, 
1  émotion    reffentie    et    rendue,    Iheureufe    compofition    de    1  enfemble    et 


2(14 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


surtout  la  splendeur  de  la  couleur  malheureufement  altérée  par  de  nom- 
breufes  moifilTures.  Il  serait  à  souhaiter  que  des  précautions  exceptionnelles 
soient  prifes  pour  la  confervation  de  cette  belle  œuvre. 


AUTRES    TABLEAUX 


-t^ii 


QUATRJÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÉf{,AL   SUD 

L  EXTASE  DE  SAINT  JEROME 

Affis  sur  un  tertre,  saint  Jérôme  étudie  la  Bible  non  loin  d  un  crucifix 

bizarrement  fixé  dans  un  arbre 
dépouillé  de  son  feuillage.  Une 
Ionique  barbe  blanche  donne  de 
la  gravité  à  la  fio:ure.  Le  bufte 
se  détache  sur  un  fond  d  étoffe 
de  tonalité  sombre.  Derrière  le 
solitaire  penlif .  dans  1  ombre. 
apparailTcnt  vaijuemciu  une 
tète  de  lion  et  une  tète  de  mort. 
Médiocre  toile,  à  demi  effacée. 
Les  couleurs  sont  mornes.  Seul, 
un  ravon  lumineux  donne  du 
relief  au  haut  du  front .  à 
1  épaule  droite  du  saint  et  vient 
careffer  les  feuillets  du  texte 
sacré.  Efl-cc  une  œuvre  ita- 
lienne au  xvi'  siècle  ou  une 
simple     copie  ?     L  absence    de 


^^"N.. 


Siint  Jérôme. 


sif^natuic  UL  permet  pas  de  réfoudre  le  problème.  Toutefois  au  bas  de 
la  toile  se  détachent  ces  mots  :  Ex  donc  D.  D.  Dcbonfils  Cduonicus  Lcxo- 
victijis    l  J  /(y. 


Fig.  100*".  —  Sainte  Cécile. 


34 


âbh  SAINT-PIERKE  DE  LISIEUX 

MÊME    CHAPELLE 

SAINTE    CECILE 

PAR    P  -H     GUERIN  ' 

Sainte   Cécile,   vêtue   d  une   robe   blanche   serrée    à    la    ceinture   et   d  un 

manteau    bleu    clair,    doublé    de   rofe.    pince  de    la    harpe.   L  attitude   de   la 

sainte  semble  indiquer  qu  elle  prend   part  à  un  concert   célefte.   Elle  accom- 

pa'zne  sans  doute  langelot.  debout,  à  son  côté.  A  terre  deux  hautbois  et  une 

partition.   Un   cahier  de   mufique  efl  dépofé  sur  un    meuble    recouvert  d  un 

tapis  de  velours  vert  frangé  d  or.  La  phvfionomie  de  sainte  Cécile  n  cfl:  point 

d  un  modelé  savant,  mais  la  couleur  doucement   lumineufe  repole  les  veux. 

les  égave.  et  fait  valoir  cette  toile  de  petite  dimenhon.  Le  pinceau  de  1  artifte 

ne    se    serait-il    pas    attardé    complaifamment    à   imiter    une     tapilTeric     du 

xvui"  siècle  :'  ' 

*!*       +       *!* 

CINQUIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÈR^\L  SUD 

LA  CENE 

PAR  MICHEL-PIERRE  DESCOURS 

L  auteur  de  ce  tableau.  Michel-Pierre  Dclcours  naquit  a  Pans,  le 
27  février    17  j  i    et  mourut  a  Bernav  (^Eure).    le    i<»  mai    iNi  )  \ 

C  cfl  la  Pàque  ]uive  que  1  artiflc  a  mise  en  toile.  Sans  souci  d  exacti- 
tude locale  et  d  époque,  le  peintre  bernaven  groupe  autour  d  une  table 
ovale  Jéfus  et  ses  douze  apôtres.  Une  salle  circulaire  ornée  de  hautes  co- 
lonnes rappelle  vaguement  le  Cénacle.  Quelques  tètes,  obfervées  avec  ]us- 
tclle.  intérencnt  les  amateurs  éclairés;  mais,  même  aux  meilleures  phviio- 
nomics.  1  émotion  et  la  douceur  manquent.  Prêt  à  tranlmettre  aux  siens 
un  souvenir  très  tendre,  le  Chrift  laiila-t-il  tianfparaitrc  tant  de  dureté  et 
de  froideur."  Les  janfénifles  furent  seuls  à  le  croire  fermement.  Or.  la  Cène 
de  Deicours  remonte  a  une  époque  ou  leur  doctrine  av.iir  encore  de  chauds 
partifans.   Elle  date   en  elTet  de    I7''^V 

I  .  Sur  un  tableau  de  1  calife  «Je  Saint-Martin  Je  Mailloc  iCalvadosi,  nous  avons  lu  cette 
infcription  ;  *  Pli.  Gucrin,  peintre  à  Pont-1  Evet^uc  1808.    * 

3.  Sur  cet  artiAe,  voir  Chanoine  Porce.  Un  peintre  bernjyen.  Michel-Hiihert  Descours. 
Paris,   1880.  pp.    17-20. 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE  267 

MEME  CHAPELLE 

SAINTE  ANNE  FAISANT  LIRE  LA  VIERGE 

L'auteur  anonyme  de  cette  toile  aime  les  tons  sans  éclat.  Son  art 
évoque  1  âpre  saveur  d  œuvres  efpagnoles.  La  Vierge  et  un  angelot  enveloppé 
dans  un  nuage  sont  seuls  traités  en  teintes  lumineufes. 

^<     j\f.     ^ 

SIXIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÉRj\L  SUD 

SAINT  FRANÇOIS  XAVIER 

Pauvre  peinture.  Elle  ne  mérite  pas  de  retenir  l'attention. 

SEPTIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÉRJÏL  SUD 

L'ANGE  GARDIEN 

PAR  EDOUARD  KRUG. 

C'efl:  en  TSy^  qu'Edouard  Krug  compofa  ce  tableau  pour  la  chapelle 
de  1  Ange  gardien,  à  la  cathédrale  Saint-Pierre.  Krug  naquit  à  Drubec  (Cal- 
vados) le  *)  juillet  i(S33.  Elève  de  L.  Coignet.  il  créa  de  nombreufes 
oeuvres  d  infpiration  chrétienne.  L  églife  Saint-Pierre  de  Maçon  renferme 
plufieurs  de  ses  frefques.  L  Ange  gardien  de  Krug  a  été  scrupuleufement 
étudié  par  le  peintre  Robert  Salles.  '^  Au  milieu  d  un  pavsage  montagneux, 
au  bord  de  la  mer.  éclairée  à  1  horizon  par  un  soleil  couchant  très  lointain, 
un  ange  debout,  tout  en  blanc,  tient  une  croix  lumineufe.  Il  sert  de  guide 
à  un  ]eune  voyageur  portant  sur  1  épaule  un  paquet  au  bout  d  un  bâton. 
Cet  adolefcent  eft  vêtu  d  un  manteau  bleu  qui  flotte  derrière  lui. 

^^  Peinture  très  endeuillée.  Inconfciemment  on  évoque  de  suite  la  palette 
de  Prudhon  et  de  Henner  et  1  on   en  cherche   vainement  la  vibrante  émo- 

I.  Sur  cet  artifte  voir  Chanoine  Porée.  Un  Peintre  hernjyen,  Michel-Hubert  Descours. 
Paris,   i8Sg,pp.    17-20. 


2..S  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

tivité.  Cette  croix  noyée  dans  un  halo  crayeux  et  glacé,  sorte  de  phare  po- 
laire, occupe  trop  d  importance  dans  la  compofition.  Il  efl  étonnant  qu  un 
artifte  auffi  avifé  que  Krug  soit  tombé  dans  une  pareille  erreur  de  goût.  Le 
bleu  le  rouée  des  étoffes  et  la  note  blanche  des  ailes  de  1  ange  forment 
une  harmonie  de  tons  certainement  choifis  pour  svmbolifer  les  couleurs  du 
drapeau  français.  Idée  touchante  qui  complète  le  caractère  romantique  de 
lœuvrc  et  cadre  bien  avec  sa  haute  intention  morale.   » 


HUITIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATEB^\L  SUD 

APOTHÉOSE  DE  SAINT  CH.^RLES 

Saint  Charles,  debout,  un  long  crucifix  en  main,  est  accueilli  par  des 
anges  soutenant  avec  déférence  son  chapeau  et  sa  cappa  de  cardinal. 

Dans  le  haut  de  la  compolition.  un  autre  ange,  pauvrement  deffiné. 
porte  la  couronne  dcftinée  à  lélu  du  ciel.  Malgré  son  cachet  archaïque, 
lapothéofc  de  saint  Charles  parait  dater  du  xvni"  siècle.  La  chaleur  du  colo- 
ris ne  parvient  pas  à  voiler  le  convenu  de  la  draperie  et  de  la  perfpcctive. 
L  artifte  n  a  pas  su  rendre  avec  vigueur  1  impreffion  d  ardente  extale  d  un 
vifage  de  saint. 

•î*       •!*       •!* 

TABLEAUX   DES  CHAPELLES   Dl    COLLATERAL   NORD 
SIXIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÈRJ\L  NOIip 

LA  PRESENTATION  DE  LA  VIERGE  AL'  TEMPLE 

L  auteur  de  cette  Prélentation  de  la  Vierge  au  Temple  n  a  pas  cherché 
à  imaginer  une  scène  émouvante.  Son  pinceau  interpréta  simplement  le 
texte  évangélique.  Agenouillée  sur  les  marches  du  siège  du  grand  prêtre,  la 
Vierge  enfant  porte  une  robe  blanche.  Une  blonde  chevelure  enferrée  par 
un  ruban  rofe  s  arrête  à  la  naiffance  des  épaules.  Le  grand  prêtre  accueille 
avec  grâce  celle  qui  va  se  con(acrer  à  Dieu.  Saint  Joachim  et  sainte  Anne 
la  regardent  avec  tendrelTe.  Le  caractère  )uif  des  perlonnagcs  eft  nettement 
marqué   surtout    pour    le   grand    prêtre   et    I  un   des   servants  du   Temple.   Il 


TABLEAUX  DE  LA  CATHÉDRALE  269 

eft  fâcheux  que  l'artifte  n'ait  point  donné  à  la  Vierge  des  traits  plus  dis- 
tingués et  un  air  moins  vieillot.  La  tradition  veut  que  ce  tableau  ait  appar- 
tenu à  l'églife  Saint-Germain.  Un  superbe  cadre  en  chêne  sculpté  donne  du 
relief  à  la  toile  de  couleurs  aiTez  ternes. 

4*      4*       4* 

CINQUIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÉI{AL  NORJ) 

PIETA 

Affife  au  pied  de  la  montagne  sur  laquelle  s'éleva  la  croix,  la  Vierge 
des  Douleurs  tient  sur  ses  genoux  le  corps  inanimé  de  son  divin  Fils.  Dans 
le  lointain,  s'eftompent  quelques  monuments  de  Jérufalem.  Peinture  frufte, 
sans  émotion  profonde  et  sans  poéfie.  Le  bleu  et  le  rouge  dominent  dans 
les  vêtements.  C'efl:  une  œuvre  du  déclin  du  xvif  siècle. 


MÊME  CHAPELLE 

LA  NATIVITÉ  DU  SAUVEUR 

Adroitement  compofé,  ce  panneau  formant  retable  dénote  une  tran- 
quille afTurance  de  métier.  Que  n'eft-il  plus  touchant  de  sentiment?  La 
vivacité  du  coloris  difparaît  sous  une  abondante  couche  de  pouffière. 


QUATBJEME  CHAPELLE  DU  COLLATÉBJKL  NORJ) 

APPARITION    DU   SACRÉ-CŒUR   A  LA  BIENHEUREUSE 

MARGUERITE-MARIE 

L'auteur  de  ce  tableau.  M"'  Godard,  une  Lexovienne  qui  aimait  beau- 
coup la  cathédrale  Saint-Pierre,  a  fait  preuve  de  bonne  volonté  en  entrepre- 
nant un  tel  travail.  La  rigueur  du  deffin.  le  modelé  du  vifage  de  Jéfus 
s'impofent  à  l'attention  des  connaiiTeurs.  mais  n  emportent  pas  leur 
enthoufiafme. 


270 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Il  faut  1  avouer  sans  détour,  1  imagerie  religieufe  ne  polTède  pas  de 
repréfentation  du  Sacré-Cœur  satiffaifante.  L  apparition  du  Christ  à  la 
bienheureufe  Marguerite-Marie  attend  toujours  son  peintre.  Avec  tout  son 
souffle  de  croyant.  Maurice  Denis  a  déjà  amorcé  le  sujet.  S'il  y  revient, 
nul  doute  ciu  il  ne   nous  donne  un  chef-d  œuvre. 


TROISIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÉR^\L  XORJ) 

LA   PRÉSENTATION   DE  JÉSUS    AU    TEMPLE 

Si  1  artifle  anonyme  de  la  Prcfcntation  qui  orne  la  troisième  chapelle  du 
collatéral  Nord  ne  comprenait  guère  la  divine  beauté  de  la  lumière,  il  sai- 
silTait  à  merveille  le  coté  myllique  d  un  sujet.  Le  souci  du  sentiment, 
rexpreffion  naïve  des  figures,  les  geftes  vécus  aident  à  oublier  la  pauvreté  du 
deilin  et  1  exécution  défectueuse  de  la  draperie  et  des  chairs.  L  attitude  de 
la  Vierge  rappelle  les  procédés  de  certains  primitifs. 

Un  curieux  défaut  d  arrangement  provoque  le  sourire.  Un  cierge  porté 
par  un  perfonnage  d  arrière  plan  vient  se  planter  bien  d  aplomb  sur  la  tctc 
d  un  perfonnage  de  premier  plan.  Détail  pittorefquc  et  qui  palTc  inaperçu 
d  un  iirand  nombre  de  vditeurs.  La  toile  remonte  vrailcmblablement  aux 
premières  années  du  xviii''  siècle. 

*l*      *l*      •'* 
DEUXIÈME  CHAPELLE  DU  COLLATÈR^XL  NORJ) 

LA  X'ISITATION 

''  Toile  d  une  belle  cllhctique.  très  influencée  par  lait  italien  du  milieu 
du  xvii'  siècle.  Un  groupe  de  quatre  pcrionnagcs  se  détache  sur  un  fond 
d  architecture  romaine,  aux  lignes  savantes  et  harmonieuies.  La  Vierge  occupe 
le  centre  de  la  compolition.  Son  gede  rappelle  celui  de  la  Vierge  glorieuie 
de  Murillo.  Le  faire  de  cette  figure  eil  très  soigné:  il  v  a  même  un  peu 
d'affectation    dans    le    modelé.   Le    vi(a<re    de    Notre-Dame    cil    dune    belle 

n 

cxpreffion.  Sainte  Ehlabeth  et  les  deux  autres  femmes  offrent  des  harmonies 
de  liizncs  charmantes. 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHÉDRALE  271 

'^  L  enfenible  du  colons  eft  très  monté  de  ton:  celui  du  ciel  bleu 
affombri  efl:  d  une  richefTe  incomparable.  Quel  dommage  que  le  nom  de 
cette  intéreiTante  compofition  ne  nous  soit  pas  connu!  L  autel  placé  tout 
contre  le  bas  de  la  toile  empêche  peut-être  de  le  pofTéder  '.  ^/ 

*t«,  jit*  >t» 

PB^MIÈB^  CHAPELLE  DU  COLLATÉI{AL  NORJ) 

L'ANNONCIATION 

Les  cheveux  noués  par  un  mince  ruban  rofe.  un  voile  jaune  biftre  sur 
la  tète,  la  Vierge  porte  un  manteau  bleu  et  une  robe  rofe  dont  le  drapé 
manque  d  aifance  et  d  harmonie. 

Le  profil  de  Notre-Dame  rappelle  celui  de  Louis  XIV,  et  ses  mains,  d'une 
grolTeur  démefurée.  seraient  volontiers  celles  d'une  payfanne.  Autant  l'attitude 
de  la  Vierge  révèle  un  métier  héfitant  et  timide,  autant  1  ange  Gabriel  inté- 
reile  par  sa  largeur  de  facture  et  son  réalifme  de  bon  aloi.  Nous  croyons 
savoir  que   cette   toile  aiTez  inégale  et  repréfentative  de    deux  procédés 

singulièrement    différents  fut    donnée    à    la   cathédrale,    en    1802,    par 

F.  Miftral.  ancien  imprimeur  des  derniers  évèques  de  Lilieux. 


Telles  sont  les  toiles  que  nos  aïeux  léguèrent  à  1  églife  Saint-Pierre. 
Plusieurs  d  entre  elles  seraient  peut-être  plus  à  leur  place  dans  un  vafte  et 
somptueux  mufée.  Qu  importe,  en  les  confervant.  le  clergé  refpecte  la 
volonté  de  ceux  qui.  par  amour  de  1  idéal  nouveau,  les  achetèrent  à  prix 
d  or,  pour  orner  la  cathédrale.  Le  temps  et  les  éléments  ont  meurtri,  ridé, 
noirci  certaines  de  ces  œuvres  d  art.  Couronnées  d  ans.  chargées  de  souve- 
nirs, embellies  de  la  poéfie  du  paffé,  elles  ont  pris  un  afpect  qui  achève  à 
nos  yeux  leur  beauté  affez  inégale. 

De  tout  cet  héritage,  la  Vifitation  de  la  Vierge  et  le  martyre  de  saint 
Sébaftien  reftent  les  deux  plus  savants  morceaux.  Là  se  trouvent  concentrées 
toutes  les   nobles  qualités  du  véritable   artifle  :  la   pureté   des   lignes,  léqui- 

I  .    Note  de  M.    R.    Salles, 


272  SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 

libre  heureux  de  la  compofition.  1  harmonie  des  tons.  Comme  les  auteurs 
anonymes  de  ces  toiles  peignaient  bien,  et  jufte  surtout! 

Sans  atteindre  au  même  degré  de  perfection,  les  six  grands  tableaux 
du  xviii' siècle  conftituent  un  document  précieux  pour  indiquer  les  tendances 
de  lécole  françaife  à  l'époque  où  ils  parurent.  De  la  Cour.  Lagrenée. 
Larrieu.  Robin.  TaillalTon.  Lemonnier  sont  les  derniers  repréfentants  d  une 
manière  que  David  allait  dépalTer  à  partir  de  IJ^V  le  fouillis  décoratif  de 
Vien  et  de  ses  élèves  :  les  Romains  empanachés,  les  draperies  faftueufes 
soulevées  par  des  zéphyrs  importuns,  la  difperfion  des  lignes,  les  mouve- 
ments maniérés,  tout  cela  va  difparaitre  devant  un  sentiment  plus  sobre  de 
la  compofition  et  de  la  couleur.  Comme  les  peintres  qui  travaillèrent  pour 
le  chapitre  de  la  cathédrale  Saint-Pierre.  Louis  David  avait  fréquenté  1  ate- 
lier de  Vien  déjà  vivement  préoccupé  du  retour  à  la  gravité  antique.  En 
voulant  eontinuer  son  maître,   le  difciple   le  surpalTa. 

Par  la  perfection  de  ses  reflitutions.  il  séduilit  ses  contemporains  et 
devint  à  son  tour  chef  d  école.  De  mcme  que  Vien.  David  aimait  Rubens; 
mais,  dans  les  scènes  grandiofes  et  mouvementées,  il  apporte  davantage  de 
calcul,  d  application  et  de  connaifTance  de  l  antique. 

David  prétendait  ne  rien  peindre  que  d  après  nature.  Malheurcufcmcnt. 
ses  héros,  ses  perfonnages  pofent  et  n  agifTcnt.  Il  ne  les  regarde  que  pour 
les  rendre  selon  les  formes  de  la  statuaire  iircco-romainc.  Les  six  iirands 
tableaux  de  Saint-Pierre  de  Lilieux  permettent  do  comprendre  en  quel  sens 
lécole  de  David  modifia  la  technique  de  \^en.  déjà  influencée  par  1  art  an- 
tique,  et  réagit  contre  le  maniénfme  de  Boucher  et  de  Fragonard. 

Trop  vastes  pour  être  minutieufement  travaillées  dans  toute  leur  surface, 
les  six  toiles  préfentcnt  néanmoins  des  détails  bien  venus  et  parfois  très 
poufTés.  Créées  par  des  .irtiflcs  dont  1  Académie  des  Beaux-Arts  avait  confa- 
cré  la  renommée,  ces  larges  compoiitions  rcligicufcs  durent  longuement 
défrayer  les  commentaires  du  monde  eccléfiaRiquc  volontiers  cauleur  et 
pétillant  d'cfprit.  hnaginez  qu'à  la  Nocl  de  loi/  M.  I  archiprctrc  de  Saint- 
Picrre  commande  pour  1  églifc  six  magnifiques  toiles  aux  maîtres  de  1  heure  : 
à  Cormon.  Dagnan-Bouvcrct.  Flamcng.  J-P  Laurcns.  Lhcrmittc.  L.-O. 
Mcrfon,  quelle  émotion  ne  serait-ce  pas  dans  le  clergé  de  Lilicux  et  dans  le 


PI   u 


Bibliothèque  Nationale.  Esumpes 


LE    CROISILLON   NORD   (Dessin   de  Thorigny^. 


LES  TABLEAUX  DE  LA  CATHEDRALE 


273 


monde  des  artiftes!  Certes,  nos  peintres  modernes  pourraient  livrer  de  belles 
œuvres,  mais  beaucoup  moins  apparentées  entre  elles  que  ne  le  furent  les 
travaux  de  Charles  Lemonnier  et  de  ses  collègues  de  l  Académie. 

Plus  franchement  claffiques  que  les  peintures  modernes,  certaines  pro- 
ductions du  xviii"  siècle  avaient-elles  le  même  accent  de  sincérité  et  d  émo- 
tion? Etaient-elles  auffi  uniperlonnelles?  Queftion  singulièrement  attachante 
et  que  nos  lecteurs  se  feront  un  senfible  plaifir  de  réfoudre. 


3^ 


CHAPITRE  IX 


LES  DEPENDANCES  DE  LA  CATHÉDRALE 


L'ANCIENNE  SALLE  CAPITULAIRE 
ET  LA  BIBLIOTHÈQUE 

Il  exiftait  encore  au  début  du  dix-neuvième  siècle,  au  sud  de  la  cathé- 
drale, une  vafte  salle  accolée  au  croifillon.  C'était  la  salle  capitulaire.  Edifiée 
dans  la  seconde  moitié  du  treizième  siècle '.  après  la^cS.  elle  occupait  une 
superficie  double  de  celle  des  chapelles  actuellement  dédiées  à  Notre-Dame 
de  Grâces  et  à  1  Ange  Gardien.  Le  bâtiment  primitif  comprenait  deux 
pièces  superpofées.  La  première,  voûtée  sur  croifées  d  ogives,  au  rez-de- 
chauiTée,  servait  de  salle  de  réunion  aux  membres  du  chapitre.  En  I7()0, 
les  commiiTaires  du  diftrict.  chargés  d  appofer  les  scellés  sur  les  portes  du 
chœur  de  la  cathédrale  et  des  lieux  capitulaires.  conftatent  dans  la  salle  du 
chapitre  la  préfence  de  divers  objets  d  or  et  d  argent,  plus  le  grand  reli- 
quaire de  saint  Urfin  :  «  Pefée  en  fut  faite  par  le  sieur  Courdemanche  et 
qui  s  eft  trouvé  d'un  poids  net  de  2  2  marcs  déduction  faite  par  eftimation 
d  un  marc  pour  les  reliques  qu  il  contient,   d  une  plaque  de  cuivre  servant 

I.    R^ghjirc  des  yifitcs  de  l'Archevêque  Eudes  B,igjud,  édition  Boniiin.  n.  j()(). 


27b  SAINT-PIERRE   DE   LISIEUX 

à  soutenir  les  dites  reliques  et  de  quelques  petits  médaillons  de  verre  attachés 
au  dit  reliquaire,  plus  un  médaillon  en  or  orné  de  plulieurs  pierres  fines  et 
d  un  camée  également  attaché  au  dit  reliquaire  et  dont  le  dit  sieur  Courde- 
manche  a  évalué  l  or  au  poids  d  environ  une  once'.  //  Avant  la  Révolution, 
le  reliquaire  de  saint  Uriin  était  bien  déchu  de  son  antique  splendeur. 

Jufqu  en  l«SS{).  il  était  relativement  facile  de  se  rendre  compte  de  la 
phvfionomie  primitive  de  la  salle  capitulairc.  La  bafe  du  pilier  central  sur 
lequel  venaient  retomber  les  arcs  ogives  de  la  voûte  était  encore  vifible.  ainfi 
qu  un  banc  de  pierre  bordant  le  mur  extérieur  et  le  pavage  '.  La  négligence 
des  couvreurs  a   laiffé   récemment   difparaitre    ces  veftiges  anciens.  Les   tuiles 

BIBLIOTHEQUE 

Curavimus  Volentibus  Légère. 
■:i.^yUac\\.  -x. 

Fig    KM  Inscription  de  U  ponc  d  entrée  de  U  bibliothèque  du  chapitre. 

brifées  s  entafTant  les  unes  sur  les  autres  ont  fini  par  les  recouvrir  entièrement. 

La  seconde  pièce,  située  à  1  étage,  serxait  de  chartrier  et  de  bibliothèque. 
Des  fenêtres  en  tiers-point  éclairaient  les  deu.x  salles.  Un  elcalier  loge  dans 
1  angle  du  croilillon  Sud  permettait  au  public  de  pénétrer  dans  '^  la  librairie  // 
ou  bibliothèque  les  mardis  et  jeudis  de  chaque  semaine,  de  neuf  heures  à 
midi.  Au-dcllus  du  linteau  de  la  porte  d  entrée  se  lit  encore  l  infcnption 
ci-dessus  gravée  sur  une  plaque  de  marbre  noir. 

La  Révolution  qui  travaillait,  difait-cllc.  à  répandre  toutes  les  lumières, 
commença   par   les   éteindre    toutes.    La    bibliothèque    tut    d  abord    fermée, 

I  .  Etat  du  rcccnfcnicnt  des  effets  mobiliers  de  b  cv-dcvant  cathédrale  de  Saint-Pierre  de 
Lifieux,  drclTc  par  les  commilTaires  nommes  à  cet  clfci  par  le  département  du  Calvados  pour 
le  dïArict  de  Lificux  suivant  leur  procès-verbal  des  14,  i^.  H»,  '  7  et  •  î>  décembre  1700.  — 
Archives  du  Cj/vjJoj,  Rej^iftrc  in-fol.  de  72  pages. 

3.    Voir  en  appendice  une  defcription  abrégée  de  la  ^alic  capitulairc  et  de  la  bibliothèque. 


LES  DEPENDANCES  DE  LA  CATHEDRALE 


puis  inventoriée  (14.  I*).  16.  17  déc.  1700)  et  pillée.  Nombre  de  livres 
ornés  de  gravures  sur  bois,  les  manufcrits  offerts  par  Thomas  Basin  se  trou- 
vèrent difperfés  '.  Combien  à 
1  heure  préfente  refte-t-il  des 
l.')8o  volumes  mis  à  la  difpo- 
fition  des  lecteurs  avant  la  tour- 
mente révolutionnaire,  bien  peu. 
sans  doute.  Un  bréviaire  de 
Lifieux  in-4''  de  1018  pages 
sur  vélin  richement  illuftré.  se 
trouve  à  la  bibliothèque  pu- 
blique de  la  ville  de  Caen.  Le 
cartulaire  de  Thomas  Basin. 
bel  in-folio  sur  parchemin,  avec 
premières  lettres  enluminées  . 
efl:  conferv'é  à  la  bibliothèque 
de  Lifieux.  Ce  précieux  docu- 
ment d  hiftoire  locale,  a  été 
analyfè  par  M.  de  Forme- 
ville  -  et  étudié  avec  soin  par 
M.  Henri  Moisy  '.  La  perte  des 
autres  manufcrits  eft  d  autant 
plus  regrettable  que  plufieurs 
avaient  été  copiés  dans  les 
grandes  abbayes  bénédictines  de 
la  contrée,  et  probablement  dans 
le  prieuré  de  Sainte-Barbe-en-Auge.  et  sans  doute  dans  sa  succurfale  de 
Bequefort    en    Angleterre    où    séjournaient    des    copiftes    d  une    indéniable 

1 .  Sur  la  Bibliothèque  du  chapitre,  voir  Thomas  Bafin,  Hifloire  des  règnes  de  Charles  VII 
et  de  Louis  XI,  édit.  Quicherat,  t.  III.  p.  207  et  suiv..  t.  IV.  p.  107,  20S.  —  Etienne 
Deville,  Notices  sur  quelques  manuscrits  normands  confer\és  à  la  Bibliothèque  Sainte-Gencviè\e. 
Fasc.  y.  Manufcrits  lexoviens.  Evreux.   i<-)0^,  in-S. 

2.  Formeville.  Hifloire  de  Lifieux,  t.  II,  p.   î  i  "i . 

3.  H.  Moify,  Notes  pour  servir  à  ihifîoire  de  Lifieux  au  xv"  siècle  dans  Bulletin  Société  His- 
torique de  Lifieux,  année  1874,  n"  5. 


Fig.  102.  —  Nicolas  Orefme  préfentant  un  livre  à  Charles  V. 


2-jS 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


habileté.  La  miniature  anglaife  a-t-elle  été  influencée  au  xu'  et  xiii'  siècles  par 
la  miniature  continentale  spécialement  par  la  miniature  normande."  queftion 
toujours  en  sufpens  par  suite  de  la  difparition  des  travaux  français  de  cette 

période.  Les  révolutionnaires  lexoviens  se 
préoccupaient  peu  de  ces  problèmes  d  in- 
fluence artiflique  ;  ils  préféraient  voir  les 
luxueux  travaux  des  callii^raphes  s  abîmer 
dans  les  flammes  avec  les  titres  de  propriété 
du  chapitre...  Leur  lourdeur  d  efprit  ne  pou- 
vait s  affiner  pour  comprendre  la  spontanéité, 
le  pittorefque.  lintérct  anecdotique.  la  tech- 
nique léi^èrc  et  libre  de  ces  vieilles  imai;es  '. 
Après  la  renaifTancc  du  culte  catholique, 
officiellement  confacrée  par  le  concordat  de 
iN(>i.  des  réparations  onéreufes  devinrent 
néccfTaires  pour  protéi^cr  la  salle  capitulaire. 
Le  plomb  des  gouttières  avait  été  volé,  et  la  pluie,  traverlant  la  toiture, 
s  infiltrait  peu  à  peu  dans  les  voûtes.  Des  lézardes  et  des  crcvaHes  pro- 
fondes se  vovaient  dans  les  murs 
extérieurs.  La  fabrique  ne  pouvait  pas 
grand  chofe  pour  enrayer  une  telle 
défolation.  Un  des   marguilhers,  an- 


^K 


cicn  imprimeur  de  Mgr  de  la  Fer- 
ronays,  F.  Miftral.  après  avoir  pris 
lavis  de  deux  experts  en  maçonnerie, 
cnt.ini.i    des   pourparlers  avec   le   pro- 


pourp: 


e   p 


0^< 


.<'. 


I.  L  inventaire  Je  décembre  ijtiodonnc 
|j  liQc  de  la  plupart  des  livres  de  la  Biblio- 
thct|uc  dans  l'ordre  suivant   :   Ecriture  Sainte. 

Liturgie,  Vies  des  Saints,  Conciles.  Droit  civil    ^^ffwins  »  «/v»/^*" 

et  canonique.    Aux    murs   de    la  bibliothèque 
étaient    appendus    *    huit    tableaux    d'anciens 

évcques  encadres*.  Parmi  ces  portraits  figurait  celui  de  l'évcquc  Hcnnuycr.  Cf.  H^c^ijlrc  des  Dèli- 
bérjttom  du  Chjpitrc.  juillet  17SS.  Une  fois  les  scellés  .ippofcs  sur  les  titres  et  papiers  du  chapitre 
tous  ces  objets  furent  »  laifîés  en  charge  et  garde  de  Pierre  Vivien  et  de  Charles  Cuillier.  , 


LES  DEPENDANCES  DE  LA  CATHÉDRALE  279 

priétaire  de  la  cour  la  plus  rapprochée  de  la  salle  capitulaire.  M.  Jean- 
Jacques  Lebrun.  Celui-ci,  '■<  voulant  manifefter  tout  son  dévouement  au 
bien  de  l'églife  //.  se  chargea  volontiers  défaire  démolir  de  fond  en  comble 
la  salle  capitulaire  et  de  solder  les  dépenfes  occafionnées  par  la  réédification 
des  murs  de  clôture,  des  contreforts,  des  verrières  et  des  couvertures.  Le 
samedi  13  septembre  1804  (28  fructidor  an  XII)  un  accord  efl;  conclu 
entre  les  parties.  Au  dire  des  entrepreneurs,  Miftral  et  Le  Brun,  la  démolition 
abfolue  s'impofait  à  tous  les  égards.  '-<  Il  serait  très  avantageux  de  retrouver 
près  du  chœur  deux  chapelles  qui  n  avaient  été  employées  à  un  autre  ufage 
que  par  la  néceffité  des  circonftances...  l'ouverture  de  ces  deux  chapelles 
procurerait  à  cette  églife  une  grande  commodité,  rendrait  au  centre  de  ce 
vafte  édifice  un  beau  jour  et  un  coup  d  œil  agréable,  et  rétablirait  dans  sa 
diftribution  et  son  enfemble.  une  régularité  et  une  symétrie  dont  labfence 
efl:  choquante.  //  Ainfi  raifonnaient  les  entrepreneurs  et  les  fabriciens  du 
début  du  xix^  siècle,  raifonnement  intéreiTé  mais  médiocre  au  point  de  vue 
artiftique.  Les  vitraux  'f  à  la  moderne  //.  malgré  leur  tranfparence  et  leur  puis- 
sante armature  de  fer.  étaient  d  un  deffin  aiTez  mefquin:  les  deux  nouvelles 
chapelles  semblaient  bien  pauvres  de  lignes  pour  quiconque  voulait  établir  la 
comparaifon  avec  les  difpofitions  architectoniques  du  bâtiment  difparu. 
Fidèle  à  sa  promefTe.  J.  Lebrun  employa  les  meilleurs  matériaux  à  la 
réfection  et  à  1  appareillage  des  murs,  les  colonnes  furent  sciées  par  les  maçons 
et  noyées  dans  le  blocage,  au  simple  aspect,  le  vifiteur  peut  encore  se  rendre 
parfaitement  compte  de  ce  curieux  détail. 


R  li 


LE   CLOITRE 

C'était  une  enclave  de  bâtiments  situés  le  long  de  la  nef  de  la  cathédrale, 
du  côté  sud.  Un  seul  document,  le  cartulaire  de  Thomas  Bafin.  dans  un 
acte  du  g  septembre  1436,  signale  1  exiftence  du  "  clouaiftre  Saint-Pierre  //. 
Plus  tard,  la  démolition  de  cette  annexe  de  la  cathédrale  s  impofa  pour 
conftituer  un  cimetière  à  l'ufage  du  perfonnel  de  1  évèché. 

Le  cloitre  se  dreflait  sur  1  efpace  compris  entre  les  chapelles  du  collaté- 
ral sud  et  l'arrière  des  maifons  de  la  Grande  rue.  terrain  aujourd  hui  occupé 
par  une  habitation  particulière  et  un  jardin  d  agrément.  Nous  savons,  qu  à 
brève  échéance,  la  municipalité  de  Lifieux  se  propofe  d  élargir  1  étroit  pas- 
sage qui  borde  la  cathédrale  du  côté  méridional.  Ne  pourrait-on  pas  donner 
à  cette  rue  le  nom  de  1  évèque  Arnoul,  dont  la  mémoire  eft  étroitement 
liée  à  la  conftruction  de  1  églife  Saint-Pierre?  En  accueillant  avec  bienveil- 
lance ce  défir  qui  fut  à  diverfes  reprifes  exprimé  par  des  artiftes  et  des 
hiftonens,  le  Confeil  municipal  donnera  une  preuve  nouvelle  de  1  intérêt 
qu  il  porte  au  palTé  de  la  ville  de  Lifieux. 


3" 


DOCUMENTS  ANNEXES 


I 


Extraict  d'un  livre  en  parchemin  attaché  en  une  chaifne  dans  le  Chapitre  de  l'églife  cathé- 
drale de  Lifieux  intitulé  Secundiis  liber  cdrtarum  capitidi  au  feuillet  XCXV.  Ce  qui  enfuit. 

Univerfs  présentes  litterds  inspecturis,  frater  Petrus,  humilis  dbbas  Sti  Fictoris  Parifienfis  totmque 
ejufdem  locï  Conventus,  sdlutem  in  Domino.  Notum  fdcimus  quod  nos,  penfdtd  utilitdte  ecclefce  nojirce 
vendidimus  et  nomine  venditionis  perpétua  conceffimus  et  quittdtniis  venerdbili  viro  Guillelmo  de  Ponte 
Arche,  decdno  Lexovienfi,  executori,  ut  dicitur,  tefldmenti  defuncti  Pétri  Gdllici  quonddm  Lexo\ienfts 
cdnonici,  funddtoris,  ut  dicitur  i  dltdrium  Bedti  Dionifii  et  bedti  Tdurini  in  ecclefid  Lexovienfi  dd  opusi 
dltdrium  prcedictorum,  undecim  libras  turonenfium  dnnui  redditus,  quds  hdbebdmus  et  percipiebdtnus 
dnnudtim  in  epifcopdtu  Lexovienft,  ultra  centum  solidos  turonenfum  per  mdnutn  reverendiffimi  pdtris 
Lexovienfs  epifcopi,  et  sex  libras  turonenfum  in  ecclejid  de  Gdceyo,  per  mdnum  per  fonce  ejufdem  loci, 
habendds  et  percipiendds  dnnudtim  d  dicto  emptore  \el  db  ipfo  cdufdm  poffdenti,  hdbendds  per  mdnus 
prcedicti  epifcopi  et  rectoris,  qui  pro  tempore  fuerint  in  ecclefis  dntedictis,  pro  undecim  viginti  libris 
turonenfum  nobis  db  eodem  emptore  solutis,  tvdditis  et  libemtis  in  pecunid  numeratd  computdbili  et 
legdli  et  de  qud  tenemur  nos  pro  nobis  et  ecclefd  nofm  bene  pdgdtos,  renuncidntes  exceptioni  non 
numerutce  pecunio,  non  hdbitce  et  non  receptce,  et  promittimus  bond  fde  et  stipuldtione  legitimd  quod 
contra  venditionem  et  quittdcionem  hujusmodi  per  nos  \el  per  dlios  non  \eniemus  in  futurum,  cedentes 
et  tranfferantes  in  dictum  executorem,  ad  opus  dictorum  dltdrium,  omne  jus,  dominium,  proprietdtem 
et  pojfeffonem  et  omnem  dctionem  redlem  et  perfondlem,  utilem  et  directdm,  quce  vel  quds  in  dictis 
undecim  libris  turonenfum  dnnui  redditus  hdbebdmus  vel  hdbere  potemmus  et  quce  nobis  et  ecclefce 
nofrce  competebdnt  et  competere  potemnt  in  eifdem  quoquo  jure  seu  rdtione  qiurumque  yel  etidm  omni 
juris  duxilio  cdnonici  et  civilis  et  omni  privilégia  J  sede  dpofolicd  \el  legdto  ejufdem  pro  nobis  impe- 
trato  et  impetmndo,  benefcio  refitutionis  in  integrum  et  omnibus  dliis  exceptionibus  tdm  juris  qudm 
fdcti,  qudntum  dd  hcec  renuntidndo  penitus  et  exprejfe  in  hdc  pdrte  et  per  traditionem  prefentis  infru- 
menti  et  dliorum  inflrumentorum  quœ  super  hoc  hdbebdmus,  scilicet  litterce  colldtionis,  conceffonis  et 
confrmdcionis  prcedicti  redditus.  Invejliffunus  prefentcm  emptorem,  nomine  quo  supra,  de   undecim 


284  SAINT-PIERRE  DE  LISIELX 

ibris  tiironenfitim  :inmn  redditits  jntedictis.  In  cujus  rei  tefiimonium  et  perpettum  ret  niemorunu  sigillj 
nofï^n  prefentibiii  littcris  duximus  Jppoiienda.  Datiim  anno  Domini  millesimo  ducentefimo  octogefimo, 
menfe  Mjrtis. 

Collation  faite,  signée  :  Taupin  et  L.  Belot.  chacun  un  saing  et  un  paraphe. 

Collation  faite  sur  ledict  regiftre  par  moi  soubfigné  Guillaume  de  La  Flèche,  p*'".  notaire 
apoftolique  en  rc%erchc  de  Lifieux.  pour  valloir  et  servir  qu'il  appartiendra,  inftance  et  requeftc 
de  MMacques  Flambart  clerc  pourveu  de  la'^.  chapelle  de  Saint-Denis  fondée  en  la^.  églife  cathé- 
drale, ce  vingtième  jour  de  juin,  l'an  mil  six  cent  cinquante. 

de  Laflèchc. 

Archi\Ci  du  Cjlvjdos.  G.  Évcchc  de  Lificux.  Cathédrale  de  Lifieux.  Chapelle  Saint-Denis. 


II 

Extrait  d'un  gros  cartulaire  en  vclin  attaché  d'une  chailne  de  fer  au  bureau  du  Chapitre  de 
l'églizc  cathédralle  de  Saint-Pierre  de  Lifieux,  intitulé  :  Tabula,  seu  calcndarium  ad  inveniendas 
omnes  et  singulas  cartas  hujus  cjrtularii  per  parrochias  compiitando  munerum  m  fine  aijuslibet  capituli 
modo  quo  sequitiir.  ce  qui  enfuit  folios  ccc.  XXXIIIJ.  recto. 

Omnibus  Chrifîi  fidelibus  prx fentes  littcrjs  mfpccturis  U^illermus  di\ina  permiffione  Lexo\ienfis 
Epifcopus,  salutem  m  Domino.  Novcrit  unixerfitas  \efltn  quod  nos  dedimus  et  conccffimus  Capitula 
Lcxovienfi  duas  partes  dccimarum  parrochix  sancti  Dtonifii  de  yannerxq  habcndas  et  tenendas  post 
decejfiim  O...  thcfaumrii  Lexovienfis,  in  puntm  et  perpetuam  elcmofmam.  ad  proanationem  capitulo  et 
clericis  de  choro  in  fejlo  Assumptionis  Beatj:  Marix  Firginis  faciendam.  Dedimus  tnsuper  et  conces- 
simus  tertiam  partem  decimarum  illius  ecclefia  prefbitero  minijbranti  ad  altare  Beatx  Marix  in  ecclejia 
Bcati  Pétri  Lexo\ienjis  et  tribus  clericis  cjuos,  in  celchtitionc  miffcc.  singularis  diebus.  coadjutores  habebit, 
habendam  et  poffidcndam  in  pumm  et  perpctuam  clcmojinam  pojl  dcccffum  dicti.  O...  thefaurii,  qui 
singulis  annis ,  quamdiu  \'txertt,  dictis  prefbytero  et  clericis  per fohet  septem  libtas  dimidium  turonenfium. 
Ut  hoc  autem  m  pojlerum  nttum  et  stabile  obfrrxetur,  prxsenti  scripto  sigillum  nofhrum  duximus 
apponendum.  Actum  anno  gmtice  millefimo  ducentefimo  trigefimo  tertio,  menfe  novembri. 

Collation  faite,  signée  :  Taupin  et  Belot  avec  paraphes. 

Le  préfent  fait  sur  le  dit  gros  cartulaire  attaché  comme  dit  eft  et  délivré  à  M.  Robert  Le 
Roux,  maiirc  de  mufique  de  la  dite  églife  cathédralle.  pour  luy  valloir  qu'il  appartiendra,  par 
moy  soufTigné  secrétaire  ordinaire  dudit  chapitre  de  Lificux.  ce  quatriefme  jour  de  fcbvner  mil 
sept  cents  cinq. 

A.  MoefTard,  sec. 

Arckhei  du  Cahados.  G.  f.vèchc  de  Lificux.  Cathédrale  de  Lificux.  Chapelle  Notre-Dame. 


DOCUMENTS  ANNEXES  .    2S5 


III 


VISITES   DE    L'ARCHEVEQUE   DE  ROUEN   EUDES   RIGAUD 


f^ifte  de  12=,()  (n.  st.)   12  Kdl.  Fehructru  I2^g. 

'<  Venimus  LexovtJS.  et  recepti  fiiimus  d  capitula,  aint  proceffwne  et  ecclefia  paratj,  et  sermonem 
fecimus  in  capitula  congregato  seu  convocato  in  domo  domini  epifcopi-.  Ibidem  \ifitationem  exerciiimus, 
et  inqiiifyimus  iitrum  epifcopus  exerceret  pontifcalid;  responderunt  qiiod  in  ecclefia  Lexovienfi  non  cele- 
btavit,  anniu  eji  elapfm;  nés fciunt  quid  faciat  alibi,  nec  potefi  exercer e  pontificalia,  ut  pote  dedicando 
ecclefids  et  confecmndo  crifma,  benedicendo  moniales  et  hujufmodi :  item,  nonsermocinat,  licet  peroptime 
loquatur  :  non  potefi  celebntre.  nec  ecclefias  \ifitdre.  B^quifiti  quomodo  et  quibiis  confert  bénéficia  sua, 
refponderiint  quod  aliquando  contulit  talibus  qui  fiiemnt  infamati  sua  poftmodum  refiituti.  Decanatiis 
runtles  -venduntitr  seu  affrmdnturprocertoprecio'>.  Magifier  Nicholdus  de  Chievre\illa.  archidiaconus, 
non  refidet  in  ecclefia.  B^equifiti  utrum  epifcopus  habeat  familiam  honefldm;  refponderunt  quod  sicut 
credunt.  B^equifiti  quomodo  confer\dt  jura  et  bona  ecclefie  :  refponderunt  quod  nemoru  sua  multum 
pejoratd  sunt,  propter  stii  impotenciam.  Item,  utrum  capitulum  yifitet:  refponderunt  quod  sic.  Item, 
requifiti  qualiter  celebmtus  offcium;  refponderunt  quod  bene;  et  si  fdt  marrencia:  bene  levatur. 
I^equifiti  qualiter  servantur  ornamenta;  refponderunt  quod  suffciencia  ornamentorum  ibi  efl.  sed  minus 
munda  tenentur.  Item,  requifiti  utrum  in  ecclefia  sint  aliqui  clerici  infamati:  refponderunt  quod  bene 
corriguntur  per  decanum.  Item  refponderunt  quod  statutum  silencii  bene  ser\atur.  Item,  clerici  et 
canonici  choriim  exeunt  et  yadunt  confabulando  per  ecclefiam,  dum  celebmtur  offcium...  }, 

Vifite  de  725 A'  (n.  st.)  S  id.  Janiidrii  i2^y. 

"  Proceffone  facta  in  ecclefia  Lexovienf,  et  nobis  prefentibiis.  fecimus  sermonem  canonicis  eccle- 
sie  et  populo.  Qito  facto,  magnam  miffam  celebmyimus  in  pontificalibus .  Qiio  facto  canonicis  et  domino 
epifcopo  congregatis  in  re\estiario  quo  utuntur  loco  capituli,  quia  dliud  cdpitidum  non  hdbent,  vifitd\imus 
eos...  // 

f^ifite  de   1268  (n.  st.)  2  non.  Jamidrii  1 26J. 

"  Per  graciam  Dei  intrayimus  \eftibulum  matricis  ecclefie  Lexoxienfis .  et  ibi  canonicis  et  capella- 
nis  ac  clericis  chori  ipfius  ecclefie  congregatis,  proposuimus  \erbum  Dei  in  latino... 

Inquifito  autem  de  statu  ipfius  ecclefie,  inyenimus  per  Dei  graciam,  ipfam  in  bono  statu  exiftere 
et  spiritualiter  et  temporaliter.  et  nihil  in  ea  vice  illa  correctione  dignum.    „ 

I.    D'après  Th.  Bonnin.  Rjgefiriim  vifitationum  archiepifcopi  I{othomagenf .  Rouen,   it^p,  in-4. 
:.  Guillaume  II,  du  Pont  de  l'Arche,  19'  évèque  de  Lifieux. 

■;.  Les  statuts  arrêtes  au  synode  de  Rouen,  en  1245,  défendaient  cxpreffcmcnt  de  trafiq^uer  des 
doyennes  ruraux  et  d'affermer  les  églifes. 


28o  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


IV 


Djns  un  Inventaire  des  Titres  et  Ecritures  de  b  Fondation  de  la  cha- 
pelle Sainte-Madeleine  et  Samt-Gatien.  dreffé  au  xviii''  siècle,  on  lit  : 

Un  cahier  en  papier  et  copies  touchans  lad.  fondacion.  La  première  eft  une  conceffion 
accordée,  le  jour  de  samedy  après  l'Assomption  de  la  Bienlieureufe  Vierge  Marie  l'an  1270.  par 
Guy  du  Merle,  cvcque  de  Lifieux,  à  Thibaut  de  Falaife,  chanoine  de  Lificux,  tout  ou  partie  de 
ce  que  ledit  de  Falaife  a  acheté  et  acquis  dans  le  village  des  Coquerels,  situé  dans  lad.  banlieue 
et  domaine  dans  le  fief  de  l'abbcsse  de  Lifieux,  dans  le  fief  des  orfèvres  et  ailleurs,  dans  lad. 
banlieue  et  domaine  dudit  évèque,  tant  en  terres,  maifons,  pofîeffions,  bois,  qu'en  revenus  et 
généralement  quelconques,  et  que  le  tout  fut  amorty,  ladite  conceffion  fut  agréée  et  ratifiée 
par  les  Doien  et  Chapitre  de  Lifieux,  au  mois  d'août  de  l'année  1270,  pour  l'utilité  de  leur 
églife. 

La  seconde  est  une  copie  de  la  fondation  faite  par  Thibaut  de  Falaife,  chanoine  et  archi- 
diacre de  l'églife  de  Lifieux,  au  mois  de  juillet  de  l'an  1277,  d'une  chapelle  dans  la  principale 
églife  de  Lifieux,  dans  l'aile  du  coté  droit  de  la  nef  d'iccllc  églife,  en  l'honneur  de  la  Bienheu- 
reufe  Marie-Madeleine,  et  de  saint  Catien  confeffeur,  par  l'acte  de  laquelle  fondation  il  a  donné 
pour  le  vivre  d'un  prêtre  deffervant  continuellement,  tous  les  achats  et  acquêts  qu'il  a  faits  dans 
icelle  fondation,  par  laquelle  il  est  porté  que  ledit  de  Falaife  veut  et  ordonne  que  le  chapelain 
pourvu  de  ladite  chapelle  célèbre  tous  les  jours  une  mcfTe  à  l'autel  de  ladite  chapelle,  laquelle 
copie  de  la  dite  fondation  fut  vidimée  par  Cuv,  évèque  dud.  Lificux,  le  mercredi,  fefte  de  saint 
Cilles  de  l'année  1277,  au  mois  de  septembre,  à  Canapville. 

tArchiyes  du  Cj/vj</oj,  série  G.  Evcchc  de  Lificux.  Cathédrale  de  Lificux.  Chapelle  Saintc-.MadcIcinc 
et  Saint-Gaticn. 


EXTRAIT   DU   DEVIS 
Drcjfè  par  Pierre  Fontaine,  architecte-expert,  en   1  J  "^  j  ■ 

"  Enfuite  avons  vifité  le  bâtiment  de  la  bibliothèque,  derrière  led.  bas  coté  (Sud  1  et  la 
chapelle  de  Saint-André,  lequel  contient  trente-trois  pieds  de  large  sur  trente  de  long,  y  com- 
pris I  emplacement  de  lelcaiicr  de  la  Tour... 

A  la  Bibliothèque  au  delTous  (du  comble)  éclairée  Je  quatre  croifécs  à  grands  carreaux, 
carrelée  en  carreaux  de  terre  cuite  et  contenant  vingt  pieds  de  long  sur  trente  un  dans  oeuvre, 
dont  le  plancher  supérieur  eft  supporté  sur  deux  sommiers,  le  tout  plafonné  en  bourre  —  avec 
corniche  -  eft  néccffaire  de  reprendre  les  lé/ardcs  au  plafond  le  long  des  sommiers,  le  surplus 
en  bon  état.  A  lefcalier  montant  à  la  Bibliothèque  et  grenier  au-defTus  çft  néccffaire  de  retailler 


DOCUMENTS  ANNEXES  287 

douze  marches  qui  sont  ufées  et  d'en  remplacer  six  qui  sont  hors  d'état  de  servir,  le  tout  en 
pierre  de  longueur  et  dépaifTeur  pareille  aux  anciennes. 

Enfuite  sommes  defcendus  au  Chapitre,  sous  ladite  Bibliothèque,  voûtée  en  ogives  avec 
pendant  en  pierre  et  supportée  par  une  colonne  dans  le  milieu  formant  deux  arcades.  Eclairée 
par  deux  croifées  à  chaffis  à  verre  du  coté  du  midi,  carrelée  en  carreaux  de  terre  cuite. 

La  porte  d'entrée  du  Chapitre  eft  à  deux  vantaux  et  eft  placée  dans  la  chapelle  de  Saint- 
André.  Le  dit  Chapitre  en  bon  état,  toutes  les  quelles  réparations  portées  au  préfent  article 
nous  avons  eftimées  à  la  somme  de  quatre  cent  douze  livres,  dont  les  deux  tiers  à  la  charge  du 
dit  seigneur  éveque  sont  de  deux  cent  soixante-quatorze  livres.  //  ^^ Article  bS^  du  devis.  ) 

(In-folio  de  272  pages.  —  Lifieux.  Bibliothèque  municipale.  1 


VI 

LA  'i  CHAHUTÉ  .  DE  LA  CATHÉDRALE 

"  La  dite  Charité  ayant  été  fondée  sous  1  invocation  des  apôtres  saint  Pierre  et  saint  Paul 
et  de  saint  Urfin,  patron  de  la  ville  et  de  lad.  cathédrale,  dès  le  temps  du  transport  miraculeux 
des  reliques  dud.  saint  Urfln  faict  par  les  soins  de  Hugues,  évesque  dud.  Lifieux,  nepveu  de 
Richard,  segond  duc  de  Normandie,  en  l'an  mil  cinquante-cinq,  et  la  preuve  de  tous  les  habi- 
tants de  lad.  ville  et  banlieue,  et  dont  on  confervc  la  mémoire  par  une  solennelle  et  généralle 
proceffion  qui  se  fait  tous  les  ans  en  lad.  ville.  Laquelle  Charité  fut  réformée  en  mil  quatre  cent 
quarante-trois  dont  led.  Evefque  et  le  Chapitre  et  tous  les  plus  confidérables  sont  et  ont  tou- 
jours efté  les  premiers  frères  depuis  lequel  établifTement  premier  et  de  plus  aud.  qu'aucune  de 
lad.  ville  et  banlieue  elle  a  toujours  jouy  des  honneurs  et  préférance. . .   '  » 

Bulle  et  martyrologe  de  la  Charité  de  l'églife  cathédrale  de  Saint-Pierre,  laquelle  bulle 
était,  en  lôbb,  reliée  et  attachée  dans  un  livre  servant  à  la  dite  Charité,  couvert  en  cuir  noir  et 
fermant  à  clef. 

En  l'an  de  grâce  mil  quatre  cents  et  six,  le  jour  de  la  fefte  des  Reliques  de  léglize  Saint- 
Pierre  de  Lifieux,  qui  furent  le  4""^  jour  du  mois  d'apvril,  plufieurs  bonnes  perfonnes  tant  de 
l'églize  comme  bourgeois  et  habitans  de  la  ville  et  cité  de  Lifieux  pour  ce  affemblez  en  lad. 
églife  de  Lizieux,  confidérant  les  grands  miracles  comme  préfervaons  d'ennemis  et  adverfaires, 
reftituons  de  biens  perdus,  garifons  de  diverfes  maladies  et  autres  miracles  plufieurs  que 
N'''  Seigf  a  faictz  et  fait  de  jour  en  jour  en  lad.  ville  et  cité  de  Lifieux  et  en  plufieurs  autres 
lieux  par  les  mérites  de  Monf"  S"^  Pierre  et  S^  Paul  apoftres  de  Dieu  et  patrons  de  léglize  dud. 
lieu  et  auffy  par  les  mérites  de  Monf"  S^  Urfin,  duquel  le  corps  et  les  reliques  repofent  en 
lad.  églize,  défirant  à  la  louange  de  la  Benoîte  Trinité  et  la  véneraon  et  honneur  que  la  Vierge 
Marie  et  des  defTufd.  Monf"  S'  Pierre.  S^  Paul  et  S^  Urfin,  et  qui  vaille  à  effacer  péchés  et 
grâces  acquérir  envers  Dieu  ont  ordonné  une  Charité  cftre  faicte  dorénavant  en  lad.  Eglize  de 
Lizieux  à  la  chapelle  dud.  Monf""  S^  Urfin  en  la  manière  qui  enfuit. 

I.  Extrait  de  l'arrêt  du  Parlement,  du  8  mars  1007,  dont  il  va  être  question  plus  loin. 


-).<;.^ 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Item,  cette  prélcntc  Charité  fut  reformée  et  innovée  selon  les  articles  cy  après  déclarez  par 
Mcfl"  du  Chapitre  de  lad.  Eglize  de  Lizieux  et  les  frères  dicellc  Charité  concordablcment. 
Laquelle  Charité  est  fondée  de  Monf"  S'  Pierre.  S'  Paul  ajoutez  et  mis  aujourd'hui,  avec  la 
première  fondaon  qui  eftoit  de  Monfieur  S'  Urfln.  Les  articles  furent  accordez  par  mes  dictz 
seig"  du  Chapitre  eux  tenant  leur  Chapitre  en  laq.  Eglize  et  lieu  acouflumé.  le  mercredy  vingt- 
dcuxiefme  jour  de  may  l'an  mil  iiij'x  liij.  >  144  •5.  ) 

Item,  révérend  père  en  Dieu  Monf''  Guille  Def^outcville  par  la  grâce  de  Dieu  Evclquc  de 
Lizieux,  à  tous  ceux  et  celles  qu'en  lad.  Charité,  par  dévotion  ce  rendront,  ou  charitablement 
élargiront  de  leurs  biens,  en  eftat  de  grâce  soit  par  huict  jours  après  octroie  et  donné  XX  jours 
de  vraie  indulgence  et  de  vray  pardon. 

Suit  la  teneur  des  nombreux  articles  de  ce  I^cglcmcnt.  dont  voici  l'analyse  : 


1.  —  Kcccption  :  (>  deniers  pour  I  entrée. 

2.  —  Frères  quittant  le  dioccfc. 

;.   —    I    prcvoft,    I    cchcvin.    12    frères   servants  et 

I  clerc. 
4.  —  Chaperon. 
^.   —  Fctcs  de  la  Charité  en  la  chapelle  St  Urfin  : 

(on  sonnera  la  cloche  St  Urfin). 


:4- 

2(1. 
=  7- 


—  Décès  d  un  frère  :  drap  et  bannière. 

—  Devoirs  des  chapelains. 

—  ProccI  lions  générales  et   du   chef   de   Monf. 

saint  Urfin. 

—  Tcftamcnt  en  faveur  de  la  Charité. 

—  Pèlerinage  des  affocics. 

—  Excommunication. 

—  Prières  pour  les  alTocics. 


6.  —   Proccffion  à  la  croix  Saint-Urfin. 

■j.  —   MelTc de  Requiem  le  lendemain  des  trois  fctcs.  2S.  —  Frères  dcccdcs  hors  la  ville  de  Lificux 

S.  —   Fètcs  Saint-Pierre  et  Saint-Paul.  H).  —  Habits  convenables. 

().  —  Le  lendemain,  melTe  solennelle.  }o.  —  Recouvrement  des  deniers, 

m.  .VlclTc  de  Requiem.  31.  —  MciTel  ou  MelTelle  (Lépreux). 

II.  —   MelTcs  de  la  Charité.  î;.  —  Torches  aux  inhumations. 

la.  —  Amendes.  ',  ■; .  —  Cierges  aux  inhumations. 

n.  —  Décès  des  frères  ou  sœurs  en  la  ville  et  fau-  ,^.  —  Difficultés  par  suite  de  grande  mortalité 


bourg  de  Lificux. 

14.    —  MclTc  journalière  pour  la  Charité. 

1^.   —  Revenu  de  la  Charité  :  son  emploi. 

1(1.  Secours  aux  confrères  nécclfitcux. 

17.    —  Convoi  de  prcvofts. 

iS.  —  Boite  ou  trclor  de  la  Charité. 

19.   —  Attributions  de  l'cchcvin. 

30.  —  Décès  d'un  frère  :  soin  et  affiAancc. 


?^.  —  Devoirs  du  crieur. 

Th.  —  Patcnortres  aux  carrefours. 

^7.  —  ObcilTance  au  prévoft  et  échevin. 

V*<.  —  Défunts  portés  aux  paroifTcs  voifincs  ^ornc- 

ments  de  la  Charité i. 

V).  —  Rétribution  aux  chapelains  et  chantres. 

40.  —  Rétribution  aux  diacre  et  sous-diacrc. 

41.  —  Rétribution  aux  sous-chantres. 


En  mars  idoo,  la  Charité  de  Saint-Germain  empêche  celle  de  Saint-Pierre  de  faire  la  levée 
dun  corps  et  de  suivre  l'ordre  ordinaire  du  convoi.  Appuyée  par  le  Chapitre  de  la  cathédrale, 
la  Charité  intente  une  action  judiciaire  à  celle  de  Saint-Germain;  l'aiTaire.  d'abord  portée  en 
l'officialité,  puis  au  bailliage  d'Orbcc.  se  termine  devant  le  Parlement  de  Rouen,  lequel,  par  un 
arrêt  du  S  mars  10(17  '  donne  gain  de  caufe  à  la  Charité  de  Saint-Pierrc  et  la  iiuinticnt  dans  ses 
droits  de  préséance  qu'elle  cxenj-iit  depuis  un  temps  immémorial  ^  . 

I.  Ce  procès  fut  pourfuivi  par  les  soins  du  Chapitre,  et  l'un  des  chanoines,  M.  Charles  du  Thiron,  en 
a  recueilli  toutes  les  pièces  dont  il  forma  un  rcgiftrc  actuellement  dcpofé  aux  Archives  départementales  du 
Calvados,  série  G.  Evèchc. 

3.  E.  Vcuclin.  —  Les  six  confrértcs  fuiiératres  ou  Charités  de  u  \ille  de  Lifteux.  dans  Bulletin  Soc.  hiji.  de 
LifteiLX.  N'  n>,  iSya,  p.  40-41.  Voy.  auJfi  Vcuclin.  Documents  concernant  les  confréries  de  chanté  normandes, 
Evrcux,  1X1^3  in-S,  p.  73  et  suiv.  dans  l{ecucil  des  travaux  de  la  Société  libre  de I Eure,   \'  série,  t.  L\. 


DOCUMENTS  ANNEXES 


289 


VII 


Département  du  Cdhddos.  Difhict  de  Lifieux. 

Etat  de  l'argenterie  trowvée  dans  les  églifes  et  communautés  supprimées,  dont  l'enyoi  a  été  fait 
à  r Hôtel  des  Monnaies  de  B^uen  pendant  l'année  I/Ç2. 


Noms  des 

établijfaiients 

dont    l'argenterie 

est  provenue. 

Situation 

des 

établilJements. 

Détail 
des  objets  d'argenterie. 

Poids 
de  chaque   objet. 

Epoque 

de  l'envoi  fait 

à  l'Hôtel  des 

Monnaies 

de   I{ouen. 

Obfervations . 

Églife    de 

Un  plat 

■)  marcs             5  gr. 

Le  fourneau   en  tôle 

Saint-  Pierre  , 

Un    enccnfoir.  sa  na- 

) —  4  onces,  — 

de  l'encenfoir  a  été  re- 

cy-devant  ca- 

Lifieux. 

vette  et  cuiller 

tiré. 

thédrale  de  Li  - 

Le   bâton    de    la  croix 

3  —  I  —         ■!  >' 

Le  bois  et  autres  ma- 

sieux. 

haute 

tières  du  bâton  de  grand 

Le     bâton    de    grand 

S  —  I  —        6  >/ 

chantre  ont  été  retirés. 

chantre  avec  sa  lan- 

Le bois  et  autres  ob- 

terne 

jets  du  bâton  de  la  croix 

6   chandeliers    d'autel 

1 3  —  I  —        — 

haute  ont  été  retirés. 

Deux  bâtons    d  appa- 

2 —  I  —        — 

Avril     1792. 

Il  y  a  eu  cinq   petits 

riteur,    une    vieille 

morceaux  de  cuivre    de 

coquille   pour  l'eau 

forme    triangulaire    qui 

bénite,  deux  petites 

ont   été  retirés    des    six 

cuftodes 

chandeliers. 

L'argent  qui  était  au 
bâton  de  la  croffe 

2  _  6  —  -j  gr.'/,. 

Il  y  a  un  peu  de  fer- 
blanc  de  retiré  des  bâtons 

Une  croix  en  argent 

<)  —  )  —       c  gr. 

d'appariteurs. 

Le  surplus  de  la  croffe 

7'  —  ")  —  ygr.'A- 

en  cuivre. 

Le  présent  état  certifie  véritable  par  nous,  adminijlrateurs  compofant  le  Directoire 
du  dijîrict  de  Lifieux,  le  j  ç  avril  1792,  l'an  IF  de  la  liberté. 

Signé  :   Delaunay,  Cordier,  Allaire,  Brctheaume. 

Collationné  à  loriginaL  pour  être,   la  préfente  expédition,   adrejfée 
au  Miniflre  des  Contributions  publiques,  à  Paris, 
à  Cden,  ce  2^   avril  i']i)2,  l'an  IV  de  la  liberté. 

Sigtié  :  Bougon,  secrétaire  général. 


(Bibl.  Nat.  Ms.   franc.  7777.) 


Communiqué  par   M.  J.   Bcranger. 


37 


2')0 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


VIII 


ÈtJt  des  pierreries  fines  ou  fjiisscs  et  matières  étrangères  aux  objets  d'or  et  d'argent  troinées  dans 
les  églises  et  communautés  supprimées,  dont  la  remise  a  été  faite  à  M.  Asselin,  trésorier  du  district. 


Églifc   Saint-Pierre, 

ci-devant  cathédrale  de 

Lisieux. 


j_,:icux. 


Un  bâton  en  bois  de  la  croffc  qui  était  garni 
en  argent,  un  autre  bâton  en  bois  de  grand 
chantre  qui  était  garni  en  argent  ;  six  petites 
plaques  en  fer-blanc  qui  étaient  sur  les  chandeliers 
d'autel  :  deux  petits  bâtons  de  bois  d'appariteur 
qui  étaient  garnis  d'argent  :  un  petit  bassin  en 
tôle  qui  était  dans  l'encenfoir:  une  couronne  en 
étolTe  garnie  en  perles  qui  était  sur  la  tctc  de  la 
reliquaire  de  Saint-Urfm. 

l'ne  petite  médaille  en  cuivre  garnie  de  pierres 
qui  était  attachée  à  la  dite  reliquaire. 

Un  petit  morceau  de  fer-blanc  et  une  petite  vis 
en  fer  et  son  écrou. 

Un  petit  tuyau  et  une  petite  plaque  en  cuivre 
battu. 

Cinq  petits  triangles  en  cuivre  très  légers  qui 
étaient  dans  le  pied  des  chandeliers  d'autel. 


:<i  avril. 


(Bibl.  Nat.  Loc.  cit.) 


Cet  état  ejî  clos  comme  le  précédent.  ) 

Communique  par  M.  J.  Bcran(;cr. 


IX 


Etat  des  pièces  d'or  et  d'argent  doré  trouvées  dans  les  églifcs  et  communautés  supprimées,  dont  l'envoi 
a  été  fait  à  l'Hôtel  des  Monnaies,  à  Pans  pendant  l'année  i/<j2,  l'an  l^  de  la  liberté. 


Sutns  dts  ctMiiïementt 

d'où  Its  pièces 

dèiigntei  sont 

pTOMenuet. 

Églife  St-Picrrc, 
ci  -  devant  cathé  - 
drale  de  Lificux. 


Situation 

de  cet 

ctjbli/fementi 


Lifieu.^ 


Dcsigiutioii 

des  diverfes  eièces  tjnr  en  or 

(ju'en  argent 


Six  calices  dorés,  six  patcnncs 
dorées,  deux  burettes  en  ver- 
meil, deux  instruments  de  paix 
dorés,  deux  ciboires  dorés,  une 
croix  haute  en  vermeil,  une  pe- 
tite croix  d'autel,  dont  les  extré- 
mités sont  dorées. 

Un  petit  saint  doré,  lequel 
était  dans  la  lanterne  du  bâton 
de  grand  chantre. 

Un  vafc  de  vermeil  pour  les 
Saintes  huiles. 

Un  grand  reliquaire  de  Saint- 
Urfm. 


Epoque  de  l  envoi 

à  [Hôtel de  Ij 

Monnaie 


.\vril 


iT'i:. 


Ob 


'te:\j:ij'i! 


Tous  les  objets  com- 
pris au  préfent  état  font 
partie  de  l'argenterie  trou- 
vée dans  l'églifc  Saint- 
Pierre,  ci-devant  cathé- 
drale de  Lifieux,  lautrc 
partie  devant,  aux  termes 
de  la  loi  du  r^mars  i  7Q  i , 
être  envoyés  i  Rouen 
comme  n'ayant  aucunes 
dorures. 


'Cet  état  est  clos  comme  les  précédents.  1 

(Bibl.  Nat    Lot    cit.)  Communique  par  M    J    Béranger. 


DOCUMENTS  ANNEXES  291 


17  prairial,  an  II   (^   juin    1794). 

Etat  de  l'argenterie  trouvée  dans  les  églifes  du  diftrict  de  Lifieux  (Calvados/,  dont  l'envoi  a  été 
fait  à  l'Hôtel  des  Monnaies  de  Paris  ce  jour  ij  prairial. 

(Il  comprend  un  total  de  1002  marcs,  4  onces,  5  gros  d'argenterie,  12-  provenances  y  sont 
indiquées  avec  détail j. 

On  y  relève  : 

Cy-devant  cathédrale  et  églife  Saint-Germain  de  Lifieux. 

Un  soleil  d'argent  doré,  orné  d'une  agathe  et  de  pierres,  5  calices  et  leurs  patennes.  un  ciboire 
doré,  deux  autres  ciboires,  dont  un  très  petit,  une  cujlode,  trois  vafes  et  une  coquille,  pefant  enfemble 
4c)  marcs.  1  once,  i  gros. 

(Bibl.  Nat    Ms  franc.  7786.)  Communiqué  par  M.  J.  Béranger. 


XI 

Lifieux,  le    17  prairial  l'an  2'  de  la  Rép.  fr.  une  et  indivifible  (5  juin  1794). 

Les  adminijlrateurs  compofant  le  directoire  du  diftrict  de  Lifieux  au  citoyen  Préfident  de  la 
Convention  Nationale. 

Citoyen . 

Nous  t' avons  annoncé  précédemment  r envoi  de  1002  marcs  d'argenterie  provenant  d'une  partie 
des  ci-devant  paroiffiales  de  notre  diftrict. 

Nous  t'adrejfons  aujourd'hui  la  ceinture  du  ci-devant  évêque  de  Lifeux  émigré,  sa  croix  de 
l'ordre  de  Notre-Dame  du  Mont-Carmel,  son  cachet  et  son  cure-dent  en  or,  un  autre  cachet  en  argent, 
une  cuillère,  une  fourchette  auff  en  argent  et  trois  portefeuilles  brodés  sur  lesquels  sont  prodigués  les 
signes  caractérijliques  de  l'orgueil  féodal  et  eccléfiajïique  qui  parlait  toujours  d'humilité  et  de  pauvreté, 
preuve  du  honteux  efclavage  qui  afflige  encore  l'humanité  sur  une  grande  partie  du  globe. 

Ces  objets  ont  été  trouvés  cachés,  avec  beaucoup  d'autres  du  même  genre,  dans  une  maifon  qu'il 
avait  fait  louer  par  l'un  de  ses  chanoines  émigré  comme  lui,  d'un  autre  émigré  encore. 

Les  précautions  qu'avaient  prifes  tous  ces  vampires  ajfamés  du  bien  et  du  sang  des  Français,  et 
dont  la  France  fourmillait,  prouvent  l'efpoir  qu'ils  avaient  de  revenir  et  l'envie  de  frujhrer  la  Répu- 
blique des  rcjfources  que  nous  offrent  les  biens  qu'ils  n'ont  pu  emporter  avec  eux,  s'ils  ne  revenaient 
point. 

Signé  :  Lerebours,  Foucquier,  Gaunel.  Caplain, 

(Arch.  Nat.  C.  30^.  113S.)  Communiqué  par  M.  Béranger. 


2  g  2 


SAINT- PIERRE  DE  LISIEUX 


XII 


Le  22  vendémiaire  an  IV  (14  octobre  174^). 

Le  dijhict  de  Lifieiix  envoie  à  l'Hôtel  des  Montuies  à  Paris. 

Objets  des  émigrés  : 

Jules-Bj:^ile  Perron  de  la  Peronnaye,  évécjue  de  Lifietix, 

Deux  glands  de  ceinture,  un  cordon  en  or.  au  bas  duquel  sont  deux  glands,  un  cordon  de  canne. 
une  jarretière  en  or  et  soie  verte,  une  petite  boite  ou  poivrière  en  coco  garnie  en  argent,  un  bord  de 
chapeau,  un  bouton,  une  ganfe  en  or,  un  petit  cercle  en  fil  d'argent,  plufieurs  croix,  rofettes.  boutons, 
cachets,  dont  quelques-uns  en  cuivre,  galon  d'or  et  d'argent,  bourfes  à  mettre  de  l'argent  et  bourfcs  à 
mettre  sur  les  calices,  cordons  de  montre  et  de  canne,  petites  bagues,  boucles  d'oreilles  à  pierre  noire. 

Aucun  poids  ni  évaluation  ne  sont  donnes. 

(Bibl.  Nat.  Ms.  frinç    JJV^.  P    >^<>  )  Communique  pjr   M    I.    Bérjtii'er 


XIII 


Dans  un  procès-verbal  dreffé  le  /  /  septembre  i-i)h  par  Alexandre-Louis  I^oettiers,  M'  de  la 
Monnaie  de  Paris  et  LaT^are-Salomon  R^outier.  membre  de  la  Commifjion  établie  au  dit  hôtel,  des 
objets,  diamants,  pierres  de  couleur  et  autres,  qui  leur  ont  été  remis  par  divers  départements,  on  y 
trouve  la  défignation  suivante  : 

TV"  /.S';.  De  la  ci-devant  cathédrale,  difîrict  de  Lifieux,  département  du  Calvados,  perles  reti- 
rées du  mittre,  poids  J  onces. 

(Bibl.  N»t    M$  fr»nç.  77S1.)  Communiiiuc  p»r  M   J    Béringer 


PL   6^ 


SŒUR  THÉRÈSE  DE  LENFANT-JÉSUS  ET  SON  PÈRE  (Dessin  de  Jouvcnot^. 


CONCLUSION 


Telle  ejl  la  vieille  cathédrale,  telle  fut  son  hijloire.  Relique  précieiife  des 
âges  lointains,  confidente  de  nos  aïeux,  à  ce  titre  elle  intérejfe  les  poètes  ^  les 
hijloriens.  La  légende  (j'  l  hijloire  vont  de  compagnie  sous  ses  hautes  yoùtes. 
Qiie  d'érudits  y  sont  venus  méditer  (jr  devifer  entre  deux  lectures.'  Qiiand  on  a 
paffé  de  longues  heures  à  contempler  les  lignes  de  son  architecture,  il  devient 
plus  facile  de  sympathifer  avec  la  vie  du  Moyen  <^ge.  vie  myjlique  (j;^  sereine, 
si  laborieufe  (^  si  calme,  en  regard  de  notre  vie  moderne  inquiète  ^  févreufe. 

Chef-d'œuvre  de  simplicité  harmonieufe.  la  vieille  cathédrale,  tant  de  fois 
lavée  par  les  pluies  (sr  les  neiges  fondantes .  avec  son  porche  a  trois  portes,  ter- 
mine agréablement  la  plus  spacieufe  place  de  Lifieux.  Souvent  enveloppée  d  une 
atmofphère  grifatre  qui  se  marie  avec  la  couleur  des  vieilles  demeures  blotties 
autour  de  son  abfide,  Saint-Pierre  attire  les  artifles  par  l'afpect  vigoureux  de  sa 
silhouette  extérieure  ^  par  la  mâle  beauté  de  son  élévation  intérieure.  Tout  est 
prévu  (j;'  agencé  pour  produire  une  décoration  sobre.  Toutes  les  lignes  concourent 
à  une  même  harmonie,  elles  ont  un  rythme  (j'  elles  ont  un  ordre  admirable. 

Toutefois  ce  n  est  point  affe-^  de  pénétrer  dans  ce  bel  édifice  ogival  avec 
l  ardent  défir  de  retrouver  les  formules  appliquées  par  ses  confhructeurs.  Il  peut 
être  agréable  d'y  éprouver  de  délicates  senfations  d  art,  d'y  surprendre  des  effets 


204  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

de  colonnes  C"  ^^  neryures  imprévus,  des  points  de  vue  pittorcfques  (j'  vdxxès: 
mais  ce  qui  fdit  sd  suprême  dttirdnce,  c  est  d  être  une  dme  deflinèe  d  fdire 
vivre  les  âmes.  Ld  cdthèdrdle  est  dvdnt  tout  l'dbri  superbe  du  Mditre  Eternel. 
Les  pierres  s'effritetit  du  cours  des  dges.  ddutres  pierres  viennent  les  rempLicer. 
Lui,  le  Chrijl  demeure.  Pdr  sd  préfence  perfonnelle.  il  dffurc  /  unité  de  ld 
Cdthèdrdle.  Aufji  bien,  elle  n'd  été  consfhuite  que  pour  lui  (jr  les  dmcs  qui  le 
cherchent  ou  le  suivent.  Pour  ld  mdifon  de  Dieu,  ld  grdnde  défoldtion.  l  irré- 
pdrdble  mdlheur  ce  serdit  d'être  vide:  sd  plus  précieufe  pdrure  c  efl  ld  foule 
qui  sy  pTejfc.  Là.  d  dilleurs.  efl  sd  sécurité.  t  ld  dernière  pdge  de  son  livre 
sur  ld  grdnde  pitié  des  églifes  de  Frdnce.  Mdiirice  Bdrrès  in f fie  dvec  rdifon  sur  cette 
idée  :  *'  Le  jour  où  les  églifes  deviendrdient  des  objets  refpectés  d  cduse  de  leur 
pdffè,  des  monuments  curieux...  elles  scrdient  perdues.  Ld  solidité  phyfque  des 
sdnctudires.  c'efl  d  être  mordlement  féconds...  Devdnt  ces  églifes.  çd  et  ld  dcmi- 
défertées.  demi-écroulées.  je  me  surprends  j  murmurer  ld  grdude  vérité,  le  mot 
déciff.-  les  églifes  de  Frdnce  ont  bcfoin  de  sdints.  >/  Telle  efl.  en  effet,  ld 
condition  ejfentiellc  de  leur  durée  çy-  de  leur  confervdtion. 

Aux  heures  les  plus  glorieufes  de  sd  vie  mouvementée,  lorfque  ld  cité 
tout  entière  empliffdit  ses  nefs,  lorfque  de  puiffdnts  évêques  (^  un  impofdnt 
cortège  de  chdnoines  (jr  ^^  clercs  pdjfdient  devdnt  ses  colonnes  drdpées  de  mersril- 
leufes  tdpifferies.  l  églife  Sdint-Pierre  n'eut  point  ld  joie  de  voir  ld  solennelle 
glorificdtion  d'un  sdint  de  Lifieux  ou  des  dlcntours. 

Ddns  un  prochdin  dvenir.  une  telle  confoldtion  serd  peut-être  réfervée  à 
cette  bonne  dïeule.  Elle  mérite  ce  souverdin  honneur.  Les  perfonnes  pieufes  qui 
ont  qudrdnte  dns  (j'  plus  se  souviennent  aifément  d'dvoir  mdintes  fois  rencontré, 
ddns  ld  Cdthèdrdle.  Thérèfe  Mdrtiu.  dujourd  hui  connue  ddns  le  monde  entier 
sous  le  nom  de  Sœur  Thérèfe  de  l  Enfint-Jéfus.  Pcnddnt  une  di^^dine  d  dnnécs. 
de  iSjj  d  iSSS.  ld  servdnte  de  Dieu  vint  entendre  fréquemment  ld  meffe 
mdtuidlc  ddns  ld  chdpelle  Notre-Ddme.  Quelles  supplicdtions  recueillies,  quelles 
demdndes  pleines  d  efpoir  elle  ddreffdit  silencieufement  d  Celui  qui  sufcite,  0^ 
cncourdge  0-  protège  les  sdints.  Sd  piété  n  dvdit  rien  d  exubérdnt.  C"  pourtdnt 
elle  étdit  dttirdute  (j^  suggefive.  Un  chdrme  mcr\'eilleux  se  dégdgedit  de  toute  sd 
perfonne:  duff  ceux  qui  ld  virent  prier  ne  trouvent  qu  un  seul  mot.  pour 
trdduire  leur  imprcffon:  nuis  quoi.  Seigneur,  est-ce  donc  si  simple  de  vousdimcrr 

Chdque  dimdnchc.  en  compdgnic  de  son  père  0-  de  ses  sœurs,  ld  petite 


CONCLUSION 


295 


Thérèse  affilait  à  la  mefje  ^  aux  yépres  dans  la  chapelle  de  saint  Joseph  de 
Ciipertino.  ^vec  sa  blonde  chevelure,  avec  sa  toilette  élégante  ^  dif crête,  son 
attitude  candide  çy^  pure,  elle  provoquait  la  sympathie  des  fdèles,  émus  de  tant  de 
réferye  0^  de  suave  difmction. 
Comme  elle  lisait  avec  attention 
les  paroles  si  divines  ^  si  hu- 
maines de  la  liturgie.'  «  Au 
moment  du  sermon,  écrit-elle  ', 
notre  chapelle  étant  éloignée  de 
la  chaire,  il  fallait  de f cendre  ^ 
trouver  des  places  dans  la  nef:  ce 
qui  n  était  pas  très  facile.  Mais 
pour  la  petite  Thérèfe  (jr  son 
père  tout  le  monde  s  emprejfait 
de  leur  offrir  des  chaifes.  Mon 
oncle  (M.  Guérin,  margiiillier 
de  la  cathédrale)  se  réjouijfait 
en  nous  voyant  arriver  tous  les 
deux,  il  m  appelait  son  petit 
rayon  de  soleil,  0^  difait  que. 
de  voir  ce  vénérable  patriarche 
conduifant  par  la  main  sa  petite 
file,  c  était  un  tableau  qui  le 
ravijfait.  Moi.  je  ne  m  inquié- 
tais guère  d  être  regardée,  je  ne 
m  occupais  que  d  écouter  atten- 
tivement le  prêtre,  u  Dans  le 
cadre  grandiofe  de  la  cathé- 
drale, quel  médaillon  exquis,  bien  digne  de  tenter  un  peintre  illufre.  Les 
grandes  fêtes,  comme  le  cœur  de  l'humble  enfant  les  aimait!  Elle  n'était  jamais 
plus  heureufe  qu  à  la  Fête-Dieu,  lorfque.  vêtue  de  blanc,  elle  levait  ses  yeux 

I.  Sœur  Thérèfe  de  lEnfdnt-Jéfus  et  de  b  Sainte-Face,  religieuse  carmélite,  iSj-^-jSqj. 
Hifioire  d'une  âme  écrite  par  elle-même.  Bar-le-Duc,  189S.  in-S",  pp.28-2(;.  —  Sœur  Thérèfe 
of  Lifieux,  the  Utile  flo^ver  ofjefus,  London,  1913,  in-S",  pp.  35-30. 


À 


■•:J 


l«i  l;i|i 


Fig.    103.   —   Aspect  de  la  Cathédrale  vers    1S40. 


2qb  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

cldirs  vers  l'Hoflie  viydnte  c^-.  selon  Id  Vieille  coutume,  jeuit  des  rofes  effeuillées 
près  des  reposoirs  éblouijfdnts. 

ff  Vdimdis  surtout  les  proceffions  du  Sdint-Sdcrement  :  quelle  joie  de  semer 
des  fleurs  sous  les  pas  du  Bon  Dieu.  Mdis.  dvdnt  de  les  y  Idiffer  tomber,  je  les  Idn^dis 
bien  hdut,  (^  y^  n'étdis  jdmdis  duffi  heureufe  qu  en  voydnt  mes  rofes  effeuillées 
toucher  loflenfoir  d  or.  /, 

C'ef  encore  ddns  Id  cdthédrdle  Sdint-Pierre.  en  Id  chdpelle  de  Id  Délivrdnde. 
que  Id  sdinte  enfdnt  se  confeffd  pour  Id  première  fois.  Bien  doux  souvenir  pour  elle. 

«  le  sortis  fécrit-ellej  du  confeffonndl  si  contente  (jr  si  légère  que  jdnuis 
je  n'dvdis  senti  dutdnt  de  joie.  /, 

En  souvenir  des  pieufes  émotions  que  votre  cœur  goiitd  ddns  Id  vieille  églife. 
Saur  Thérèfe  de  iEnfdnt-Jéfus.  monte?;^  bonne  gdrde  sur  elle,  dprès  les  mdgni- 
ficences  d'dutrefois.  il  ne  fdut  pds  quelle  conudiffc  l  ifolemcnt.  l  dbdndon  (^ 
Id  ruine. 


PL  64 


> 


Cliché  du  lieutenant  Renault. 


SOUVENIR   DE   LA    GRANDE    GUERRE 


PL    66 


Cl    AbbéDebon. 


LES    CHARITÉS    EN    PROCESSION    (Gouache  de  Léon  Ledcrc). 


BIBLIOGRAPHIE 


I.  —  MANUSCRITS 

tjfrchh'es  départementales  du  Calvados.  Liaffes  non  daffées  concernant  la  cathédrale  Saint-Pierre  de  Lifieux. 

archives  de  la  paroiffe  Saint-Pierre  de  Lifieux. 

t^frchives  de  la  Société  hijloriqiie  de  Lifieux.  Séries  H*.  M*.  N'\  P*. 

Archives  municipales  de  Lifieux. 

Séries  D*.  Délibérations  du  confeil  général  et  du  corps  municipal. 

—  E*.  Procès  verbal  de  remife.  Actes  de  catholicité,  179-. 

—  AA.  "  Te  Deum  ^y  et  (êtes,  1703-178^. 

—  FF.  Procédure  au  sujet  des  pillages  des  proteftants,  1377. 

Bibliothèque  municipale  de  Lifieux.  Cf.  spécialement.  Cartulaire  de  Thomas  Bafm,  w'  siècle.  Ms.  n°  3. 
Chartes  du  dioccfe  de  Lifieux  (Bibl.  Nat.,  ms.  lat.,  9209). 

Obituaire  delà  cathédrale  de  Lifieux.  xvi'  siècle  (Bibl.  Nat.,  nouv.  acq.  lat.,  n°  1778). 
Statuts  de  l'évéché  de  Lifieux  en  1^21  (Bibl.  Nat..  ms.  lat..  15 172,  fol.  137). 
Minutes  de  M'  Delarue.  notaire  à  Lifieux. 

Notes  manufcrites  de  M.  l'abbé  Bofquain,  ancien  vicaire  de  la  cathédrale  Saint -Pierre  :  de  A/A/.  RJmy  Du  Vivier, 
Ch.  Puchot  et  Ch.  Faffeur. 


II. 


PERIODIQUES 


tAlmanach  de  Lifieux  pour  1J64.  LiCeu.x,  J.-A.  du  Ronccray.  in-S". 

oflmanach  de  Lifieux  pour  les  années  l'J'Jy,  1774,  1777  et  17SJ .  Lifieux,  F.-B.  .Miftral,  in-8° 

tAlmanach  de  la  ville  et  du  diflrict  de  Lifieux  pour  i7()i .  Lifieux,  chez  Dclaunay,  in-8". 

Jîlmanach  du  Normand.  iSôy  et  187^.  Lifieux,  in-8". 

^Imanach  du  Lexovien,  Lifieux,  1904,  in-8",  pp.  14-13. 

lAmi  (/')  du  Clergé,  année  19 10,  in-8',  pp.  902  et  910. 

lAnnales  archéologiques,  par  Didron  aine.  Paris,  1844-1881,  28  voL  in-4". 


38 


2yS  SAINT- PIHRRE  DE  LISIEL^X 

BaiocJiiJ.  KciiujH  ut  documents  pour  scnir  à  l'hiftoirc  du  dioccfc.  in-8*. 
Bulletin  de  b  Société  des  ^'Intiqujires  de  Normandie,  •?<>  vol.  in-S*. 
Bulletin  de  b  Société hiflorique  de  Lifteux.  N*"  5,  6,  11,  i:,  17,   16  et  ::. 
Bulletin  monumental,  publié  sous  les  Jufpices  de  la  Société  fran^aife  d\Archéologie . 

Tomes  II,  if^5  6.  p.   174  :  —  VI,    1 S 40,  pp.   ^4,    17,   i  1 1  :  —  VII,   1841 .  pp.  ^8,    175.  2i»4, 
V^o.    ^81:    —  X,    1844,    pp.   647,    048:   —   XIII.    1847,    pp.    u)o-i<)4,    ^V'-  —  ^'^-    '"*'4*'. 
p.  <i4^  :   —  XVIII,    1852,  pp.  1^8-ibi  :  —  XIX,   iS)-i,  p.  ^78. 
Journal  Le  Normand.  Articles  de  M.  Arthcme  Pannier. 

Cf.    spécialement   les    numéros    des     1 1»    janvier,    ;     et     ;>'   mars.     1 4   septembre     '-^i'-:    0    et 
21    mai,   0  juillet  i>*7<).  Le  numéro  du  2  mars   1867  renferme  un  plan  terrien  de  la  cathédrale. 
Mois  iLci  littéraire  et  pittorefque . 

Articles  de  M.  Fabre  sur  la  généalogie  des  cathédrales. 
I{e\He  de  l\Art  chrétien,  i  8()(i,  in-4". 
I{p;uc  tllujirée  du  Calvados.  Lifieux,  in-4*. 

III.   —  OUVRAGES   IMPRIMÉS 

ANTHVME  SAINT-PAUL.  —  Hifioire  monumentale  de  b  France.  Paris,  hm  i .  in-4*. 

L'auteur  étudie  les  monumenu  du  moyen  ige  avec  beaucoup  de  sagacité  et  trace  d'une  main  sùrc  leur  généalo- 
gie   Les  quelques  réflexions  qu'il  confacre  à  la  cathédrale  de  Lifieux  montrent  qu'il  la  connaît  de  vifu. 

ARNOUL.  —  Éditions  de  ses  Lettres. 

EpifloU  ^-frnulphi  ep.  Le.xow  nunquam  antehac  in  tucem  editx.  [Edit.  Minos.|  Paris,  1^85, 
in-8*.  Epifiols  ad  Henricum  II...  e  alios  e  codice  ms.  Oxonienfi,  édit.  A.  Giles.  0.\ford,  1844,  in-8*. 
Migne.  Patrologie  latine,  t.  CCI,  col.  ^  et  suiv.  d'Acher\-.  Spicilegium.  Paris.  172;,  ;  vol.  in-fol. 
K.  Poupardin.  Dix-huit  lettres  inédites  d\Arnoul.  Paris.   1002,  in-8'. 

B.\SIN  ^Thomasi.  —  Ilifloire  de  Charles  l'II  et  de  Louis  XI,  publiée  pour  la  Société  de  l'Hiftoirc  de  France 

par  J.  Quicherat.  Paris,    183^-^»,  4  vol.  in-8'. 

Dans  le  t.  IV,  pp.  11)9-303,  extraits  de  deux  registres  de  la  iâbrique  présentant  le  compte  de  travaux  faits  à  la 
cathédrale  sous  Thomas  Bafin,  en    i4^i-<)3  et  1463-0). 

BAUDOT  (A.  de).  —  La  Sculpture  françaife  au  moyen  âge,  2*  cdit..  Paris,   i>i'>4,  in-fol. 

BAUDOT  lA.  de»  et  PERRAULT-DABOT  (A.).  —  Les  ^-frchives  des  Monuments  hifioriques.  t.  II,  Paris,  s.  d.. 
in-fol.  Contient,  p.  d  et  pi.   -,  ^,  un  plan  général  et  des  coupes  de  la  cathédrale. 

BAVET  (Cl.  —  Précis  de  l'Hifloire  de  l\Art.  Paris,  ii»o8.  in-8". 

BEAUNIS  (P.(.  —  Le  Tou-Beau-Feu  de  la  mémoire  du  maréchal  de  Fervacques.  édit.  Le  Verdier,  Rouen. 
1892,  in-4*. 

Détails  curieux  sur  les  grandes  cérémonies  funèbres  à  Lifieux  au  xvi*  siècle. 

BEGULE  (Lucien».  —  Les  l'itraux  du  moyen  âge  et  de  la  Rjnaijfance  dans  b  région  lyonnaife.  Paris,  u>i  1 .  in-4*. 

BETHUNE  I baron  dei.  —  La  Cathédrale  Saint-Pierre  de  Lifteux,  dans  Bulletin  de  b  Gilde  de  Saint-Thomas  et 
de  Saint-Luc,  t.  IX,  i'  partie,  iS,,^,  pp.  <.4n-()y».  Trois  planches,  le  bas-coté  sud  et  les  deux  enfcux 
du  croifillon  nord. 

BILLON  (le  docteur».  -  Notice  sur  une  pierre  sépulcrale  découverte  dans  l  Hotel-de-l'itle  de  Lifieux.  dans  Bulle- 
tin monumental,  t.  XIII.   1847.  pp.   ii)o-i<)4. 

Campanologie ,  études  sur  les  cloches   et  les  sonneries.  Cacn.    iS<,/.    in-S*.  Extrait  de  \  Annuaire...  publié 
par  l\Affociation  normande,  t.  XX.XI-XXXIII. 

BII^ON  (J.).  —  Les  origines  de  l' .architecture  gothique.  Les  premières  croifées  d'ogive  en  ^fngleterre.  Paris. 
1402,  in-4*.  Extrait  de  la  I{cvue  de  l\y-frt  chrétien,  U)o\,  pp.  ^o^  et  4(1  î. 


BIBLIOGRAPHIE  299 

BOUQUET  idomL  —  I{eriim  Gallicartim  et  FTancicarum  sariptores.  Paris,  1718-18^^.  in-fol..  t.  I-XIX:  conti- 
nué par  l'Académie  des  Infcriptions  et  Belles-Lettres.  Paris,  1 840-1 004,  t.  XX-XXIV. 

BRÉARD  iCh.).  —  L\Ahbdye  de  N.-D.   de  Grejîain  de   l'ordre  de  saint  Benoit  à  l'ancien  diocèfe  de  Lifieiix. 
Rouen,  1904,  in-8°. 

BREHIER  (L.).  —  Les  Eglifes  gothiques.  Paris,  s.  d.,  in-12. 

Excellent  travail  où  sont  condenfees  les  plus  judicieufes  obfervations  sur  lart  ogival. 

BRUTAILS    J.i.  —  Précis  d'Archéologie  du  moyen  âge.  Paris,  s.  d.,  in-8°. 
Livre  de  vulgarifation,  net.  subftantiel,  d'une  lecture  facile. 

CAUMONT  (A.  dei.  —  Statijlique  monumentale  du  Cdhados,  t.  V.  Caen,   1867,  in-8". 

Etude  hiftoriquc  et  archéologique  sur  la  cathédrale,  pp.  200-23  '  ■  ^e  te.xte.  illuftré  dune  vue  générale  par  E.  Sagot. 
a  été  rédigé  par  Ch.  Vaffeur  et  A.  Pannier. 

CÉNIVAL  (dei.  —  Excurfon  dans  le  Lieuvin  et  le  pays  d'^Auge.  Alençon,  191  i,  in-8'.  Extrait  du  Bulletin  de 
la  Société  hifl.  et  archéolog.  de  l'Orne,  t.  XXX. 

CHAMARD  iDom  François  1.  —   L' établiffement  du  Chriflianisme  et  les  origines  des  églifes  de  France.  Paris. 

1873,  in-8°. 

CHARMA    A.  .  —  Lifieux,  dans  La  Normandie  illujhrée.  t.  II.  Calvados,  pp.   59-65.  Nantes.   1852,  in-fol. 
Un  beau  deflin  de  F.  Benoift.  la  façade  occidentale,  avec  figures,  par  J.  Galdrau. 

CHASTILLON.  —  Topographie  françaife.  Paris,  1655,  in-fol. 

CLOQUET  iL.  I.  — Les  Cathédrales  gothiques.  Paris,  s.  d..  in-4". 

Intéreffante  étude  sur  la  cathédrale,  pp.  169-173:  l'auteur  fait  de  nombreux  emprunts  au  travail  de  Lambin.  Une 
vue  du  bas-coté  sud  de  la  nef  est  reproduite. 

Congrès  archéologiques  de  France.  XXXVII'  seffion,  tenue  à  Lifieux  en  iSjo.  Caen.  1871,  in-8'. 

Congrès  archéologiques  de  France.  LXXV'  seffion,  tenue  à  Caen  en  içoS.  T.  I.  Guide  du  Congrès.  Paris,  Caen, 

I 90g.  in-^\ 

CORNEILLE  iThomasi.  — Dictionnaire  uni\erfel.  géographique  et  historique .  Paris.    1708,  in-foL 

COTMAN  rjohni.  —  Antiquités  monumentales    de    la   Normandie,   notes   hiftoriques  de    P.  Louisv.   Paris, 
1881,  in-fol. 

Deux  magnifiques  planches  defTinées  et  gravées  par  Cotman  ;  façade  est  et  tranfept  sud. 

COURAJOD  (L.  I.  —  Levons  profejfées  à  l'école  du  Louvre  ( i8Sj-iSg6).  Paris,  1899,  3  vol.  in-8°. 

DE  LAPORTE.  —  Sur  un  caveau  funéraire  de  iéglife  Saint-Pierre  de  Lifeux,  dans  Bulletin  de  la  Soc.  des  lAntiq. 
de  Normandie,  t.  VII.  1874,  p.  245. 

DELISLE  (L.  I.   et  MEYER  iP.i.  —  L'Apocalypfe  en  français  au  xin*  siècle.  Paris.  Société  des  anciens  textes 
français,  1901,  in-8   et  album  in-fol. 

DIDRON.  —  Iconographie  chrétienne.  Hifioire  de  Dieu.  Paris.  1843,  in-4'. 

DIDYME  iCharlcs).  —  La  journée  d'un  Lexovien  en  //S'/.  Etude  de  moeurs  locales.  Lifieu.x.  188S,  in-8'. 

La  cavalcade  des  chanoines  et  l'hiAoire  de  saint  Urfin  intéreffent  surtout  l'auteur  qui  connaît  bien  son  -  vieux 
Lisieux  ». 

DINGRE.MONT.  —  Mémoires  sur  la  ville  de  Lifieux  et  sur  les  environs.  S.  1.  n.  d.,  in-8'. 

DUBOIS  (Louis^  —  Hifioire  de  Lifieux.  Lifieu.x,   1845.  2  voL  in-8*. 

Pendant  longtemps,  cet  ouvrage  a  fait  autorité.  Aujourd'hui,  il  convient  de  ne  le  confulier  qu'avec  précaution. 
Ennemi  de  l'art  médiéval,  il  en  parle  à  tort  et  à  travers,  et  ne  comprend  pas  la  beauté  du  ftvle  ogival.  Interprète  et 
modèle  trop  les  faits  avec  ses  idées  perfonnelles.  Parmi  les  lithographies  illuftrant  cet  ouvrage,  une  vac  de  la  cathédrale 
d'après  un  defHn  de  Doefnard 


-oo  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

DUCAREL.  —  antiquités  anglo-normandes,  traduction  de  Lcchaudc  d'Anisy.  Caen.    iS;;,  in-8". 

Livre  de  seconde  miin:  1  auteur  ne  s'eft  point  préoccupé  des  sources  hiftoriques    On  y  trouve,  p.  7^.  une  litho- 
graphie repréfentan:  la  cathédrale. 

DUCHESNE  (André'.  —  Hijloris  Normannorum  scriptores  antiqui.  Paris.  r6io,  in-fol. 

DU  MONSTIER'A.K  —  Neufhia  pia.  Rouen,  i('(«-,.  in-fol..  pp.  •^fi^-^Sô. 

DU  MOULIN  ( Gabriel I.  —  Hifloire  générale  de  Normandie.  Rouen,  H)-,  i,  in-fol. 

DURAND  (Guillaumci.  —  {{ationale  divinorum  officiorum,  cdit.  Ch.  Barthclciny.  Paris,  iS^i.  ^  vol.  in-î<". 

ENGELHARD  (Ch.u  —  Pierre  Cauchon.  Le  Havre,  i<)o6,  in-ti*. 

ie  manoir  Forme-ville.  Paris,    hm  '.  in-H".  Extrait  de  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  départements,  t.  XX.W. 

p.  2»)^  et  suiv. 

Plans  intéressants  des  xiv  et  xvm'  siècles 

—  Ejfai  sur  Lifieux  pendant  le  haut  moyen  âge.  Caen,    un  ),  in-S*. 

L'auteur,  longtemps  capitaine  à  Lifieux.  aimait  à  déchiffrer  les  parchemins  intérelTant  le  palTé  de  la  ville.  Chacune 
de  ses  études  abonde  en  documents  souvent  inédits,  mais  il  s'efforce  trop  de  tirer  des  textes  plus  de  renfeignements  qu'ils 
en  contiennent  en  réalité  Sa  brochure  sur  le  repentir  de  Cauchon  eft  d'une  grande  utilité  pour  l'étude  de  la  chapelle 
Notre-Dame  dans  la  cathédrale 

ENLART  (G.).  —  Manuel  d .Archéologie  françaife,  t.  I.  .Architecture  religieuse.  Paris.  i<)02,  in-S*. 

—  L\Architecture  gothique  au  xui'  siècle,  dans  Hijloire  de  l\Art,  publiée  sous  la  direction  d'André  Michel. 

t.  Il,  1"  partie,  p.  ;  et  suiv. 

Etudes  lexoviennes,  t.  I,  Paris,  Caen,  u>i  v  i"-S'. 

EXPILLY  (AbbéJ.-J.  d).  — Dictionnaire  géographique  des  Gaules.  Paris,  I7(i0,  in-fol.,  t.  IV,  p.  ^24. 

FABRE  f  Joseph  I.  —  Les  bourreaux  de  Jeanne  d\Arc.  Paris   ii)i  ^,  in-8*. 

FAROLET  (Abbé).  —  Difcours...  Notes  pour  ser\ir  à  l'hifloire  de  l ancienne  cathédrale  de  Lifieux.  Lifieux,  1S40, 
in-S*. 

Malgré  le  peu  de  documents  i]u  li  iviii  à  sa  difpoHtion.  l'auteur  donne  une  idée  généralement  jufte  de  Saint- 
Pierre.  Nous  crovons  savoir  qu'il  avait  beaucoup  profité  des  obfer\-ation$  orales  de  l'architecte  Pie! 

FIRMIN-DIDOT  (Ambroifc).  —  Des  .Apocalypfes  figurées,  manufcrites  et  xylographiques.  Paris,  iS^o,  in-S*. 

FORMEVILLE  iH.  dc^.  —  Sur  les  droits  des  chanoines  de  Lifieux,  dans  Bulletin  de  la  Soc.  des  ^Antiq.  de  Nor- 
mandie, t.  III.  r  S(>  (,  p.  4:4. 

—  Notice  sur  les  chanoines  de  l'ancienne  cathédrale  de  Lifieux,  dans  Mémoires  lus  à  la  Sorbonne,  Hijloire  et 

philologie,  iS()^-66,  pp.  477-4<)<>. 

—  Hifloire  de  l'ancien  È\éché-comté  de  Lifieux.  Lifieux,  187;,  2  vol.  gr.  in-S*. 

De  tous  les  hiftoriens  de  Lifieux.  Formeville  eft  le  plus  précis,  le  plus  sur.  malheureufement  le  moins  clair  Le 
second  volume  contient  les  Mèmoirci  de  Noël  Dcshays.  érudit  impartial  et  généralement  bien  informe,  qui  écnvait 
en  17^4  II  avait  confulté  les  archives  de  1  évéché  de  Lifieux  et  profité  des  matériaux  raflemblés  par  dom  Bnce  pour  le 
tome  XI  de  la  Gdllia  cbriftijiij. 

Gallia  chrifliana,  vetera  édit.,  i<)^<>,  t.  II.  646-6^2:  nova  cdit.,    I7^<).  t.  XI,  7<>2-Si4;  instr.  lOQ-aiS. 
Indifpenfible  à  confulter  pour  bien  connaître  l'hirtoire  de  la  conftruction  et  de  1  entretien  de  la  cathédrale 

GALLY-KNIGHT.        Relation  d'un  voyage  archéologique  fait  en  Normandie.  Londres,  iS^6,  in-S". 

Les  paffages  relatifs  à  Saint-Pierre  sont  empruntés  k  la  bibliothèque  de  Caen    Ouvrage  d  intérêt  secondaire 

GODESCARD.  —  fie  des  Saints,  t.  IX.  Paris.  i8aS,  in-8*. 

GONSE  (Louis).  —  L'^Art  gothique.  Paris,  s.  d.,  in-fol. 

L'auteur  a  le  souci  de  se  mettre  à  la  portée  de  tout  le  inonde.  Langue  claire  et  uvourcufe  Dam  ce  volume,  il  cft 
queftion  de  .Saint-Pierre  de  Lifieux,  pp.  306,  907  et  44.**    Tendance  exceffîse  à  rajeunir  la  cathédrale 


BIBLIOGRAPHIE  301 

GOUDIER  (Chanoine).  —  Efquiffe  de  l'hiftoire  de  Lifietix  pendant  le  xix'  siècle.  Bayeux,  i  9  i  i ,  in-8°. 
Renfeignements  puifés  dans  les  journaux  locaux. 

GREGOIRE  DE  TOURS.  —  Le  Livre  des  miracles  et  autres  opu feules,  publiés  pour  la  Société  de  Œiftoire  de 
France  par  H.  Bordier.  Paris,  1857-65,  4  vol.  in-8°. 

Guide  du  voyageur  dans  la  ville  de  Lifieux.  Lifieux,  1870,  in-8°. 

Guide  illujiré.  publié  par  le  syndicat  d'initiative  de  Lifieux.  Lifieux,  1909,  in-8*. 

La  plupan  des  indications  techniques  données  par  ce  guide  sont  empruntées  à  la  Statiflique  monumentale  du  Calva- 
dos de  de  Caumoni. 

GUILMETH  (Augufte).  —  Notices  sur  diverfes  localités  du  Calvados.  Rouen,  s.  d.,  in-8°. 
Livre  superficiel  et  bien  infignifiant. 

—  Notice  hijiorique  sur  la  ville  et  les  environs  de  Lifieux.  Rouen,   1850,  in-8". 

Vue  de  la  cathédrale,  façade  occidentale,  lith.  de  Polyclès  Langlois.  d'après  un  deflin  de  T.-D.  Joliment.    1845. 

HOURTICQ_'Louis>.  —  Hiftoire  générale  de  l\Art,  2'  édit.,  Paris,  1914,  in-8". 

JACQUES  DE  VORAGINE.  —  La  Légende  dorée,  traduction  de  labbé  J.-B.-M.  Roze.  Paris,  1002,  :;  vol. 
in-8°. 

JAMES  (M.-R.).  —  The  Trinity  collège  ^Apocalypse  a  reproduction  in  facfimile  of  the  manufaipt  /^.  16.  2  in 
the  lihrary  of  Trinity  collège,  Cambridge,  printed  for  the  Roxburghe  Club.  London,  iijoq,  in-fol. 

JONSOHN  (R.-J.>.  —  French  gothic  churches.  London,  1864,  in-fol. 

LA  GORCE  (Pierre' de").  —  Hiftoire  de  la  Révolution.  Paris,  1909,  2  voL  in-S". 

LA  MARTINIÈRE  'Buzen  de).  —  Grand  dictionnaire  géographique,  hiftorique  et  critique,  t.  IH,  2'  part., 
p.  155.  Paris,  1740,  in-fol. 

LAMBIN  lE.).  —  La  cathédrale  de  Lifieux  dans  Revue  de  l'Art  chrétien,  4'  série,  t.  VII,  1896,  pp.  448-452. 

—  La  Flore  des  grandes  cathédrales  de  France.  Paris,  1897.  in-8°. 

LASTEYRIE  (R.  de*.  —  L'Architecture  religieufe  en  France  à  l'époque  romane.  Paris,  ior2,  gr.  in-8°. 
Le  chapitre  X  est  rempli  de  pénétrantes  obfen-ations  sur  les  principes  effentiels  du  style  gothique. 

LE  COURT  (Henry).  —  Les  Pojfeffions  du  chapitre  de  Chartres  au  pays  d'A'uge.  Vannes,  1901,  in-S". 

LELONG  (Jacques».  —  Bibliothèque  hijiorique  de  la  France,  édit.  Fevrei  de  Fontette.  T.  I  et  IV.  Paris,  i7()8, 
1775,  in-fol,  n"  1079,  1080,  4272,  6561,  6562,  9984-97. 

LE  PREVOST  (Augufte).  —  Mémoires  et  notes  pour  servir  à  l'hiftoire  du  département  de  l'Eure,  recueillis  et 
publiés  sous  les  aufpices  de  la  Société  libre  de  l'Eure,  par  Léopold  Delisle  et  Louis  Passy.  Evreux, 
1862-1869,  7  ^°''  in-8'. 

LE  PREVOT  (Chanoine  J.  ).  —  Les  Vies  des  saints  patrons  du  diocèfe  de  Lifieux.  Lifieux  [1740],  in-12. 

Livre  très  rare,  rempli  de  renfeignements  sur  l'hiftoire  de  la  cathédrale.  Doit  être  confulté  avec  contrôle  et  précau- 
tion à  cause  de  ses  tendances  vraiment  trop  traditionnaliftes. 

L'HOPITAL  (J.;.  —  Le  vieux  Lifieux.  Lifieux,  1903,  in-4'. 

Bien  jolie  plaquette  où  l'auteur  a  déployé  son  grand  talent  d'écrivain  et  mis  tout  son  cœur  de  Normand.  Sur 
Saint-Pierre,  pp.  10-14. 

MALE  (Emile).  —  L\Art  religieux  du  xin'  siècle  en  France.  Paris,  1002,  in-4°. 

Ouvrage  d'une  érudition  très  sûre  :  excellente  initiation  à  la  symbolique  du  moyen  âge. 

MARIE  (Abbé).  —  Saint-Pierre  de  Lifieux,  dans  La  Normandie  pittorefque  et  monumentale.  Le  Havre,  iSt)6, 
in-folio. 

Une  magnifique  héliogravure  de  Dujardin  et  quelques  jolis  clichés  du  photographe  caennais.  H  Magron,  donnent 
à  cette  étude  de  seconde  main  un  certain  afpcct  artiftique. 


•^02 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


MARIE-CARDINE.  —  Hiftoire  de  Lifieux.  Lificux,   1899,  in-8*. 

Réfumé,  i  lufage  des  enfanu.  dej  ouvrages  de  de  Caumont,  Louis  du  Bois,  de  Forme\ille  et  Viffeur. 

MARTIN-SABON  (F.).  —  Catalogue  des  photographies  archéologiques...  Paris,   igio.  in-8*. 

Vingt  photographies  inédites  sur  la  cathédrale  figurent  dans  ce  catalogue,  bien  connu  de  ceux  qui  étudient  lart  du 
moyen  ige. 

MAURY.  —  Psychoftafie  dans  Rjvue  archéologique,   1S44,  t.  I.  p.  2;^  et  suiv. 

MÉLY  (F.  de)  et  MONTAIGLON  (A.  de).  —  Hijloire  et  defcription  du  mufée  de  Lifieux.  Paris.  1S9:,  in-8'. 

Extrait  de  l'Inventaire  général  des  richeffes  d'art  de  la  France,  province,  monuments  civils,  t.  VI.  pp.  2 -,2 

et  suiv. 

MILLIN  lA.-L.).  —  ofntiquités  nationales,  t.  II.  xix,  p.   n.  Paris.  17.(1,  in-4V 

MOLANUS.  —  De  Hifloria  sacrarum  imaginum  et picturarum ,  cdit.  J.-N.  Paquot.  Lovanii,    1771,  in-4'. 

MONTFAUCON  (Bernard  de).  —  Les  Monumens  de  la  monarchie  fran^oife,  t    111.  Paris.  1711.  in-fol. 
Nicolas  Oresme  préfentant  un  livre  à  Charles  V.  fig.  p.  ^î. 

ORDHRIC   \'1TAL  Orderici  l'italis  .Angligena  Uticenfis  monachi,  HiftorLx  ecclefiaflics  libri  tredecim:    ex 

\eteris  codicis  Uticenfis  coUatione  emendavit  et  suas  animadverftones  adjecit  .Augufïus  Le  Prévost.   Paris. 
Société  de  l  Hiftoire  de  France.   iS^S-rS^^,  )  vol.  in-S\ 

Traduction   françaife   par  Louis  du   Bois,  Hiftoire  de  Normandie,  dans   la   Collection  des  mémoires  sur  l  hiftoire  de 
France,  publiées  par  Guizot    Caen,  iSaO-iSa;,  4  vol    in-S". 

OTTIN.  —  Le  Vitrail,  son  hijloire,  ses  manifeflations  à  travers  les  âges.  Paris,  s.  d..  in-4\ 

PANNIER  (A.).    -  Notes  sur  les  découvertes  faites  dans  l'églife  Saint-Pierre  de  Lifieux,  dans  Bulletin  monumental. 
t.  XXXI,  iS<»^,  pp.   294-1"V 

PIEL  (Abbc).   —  Inventaire  hiflorique  des  actes  tranfcrits  aux  Infmuations  eccléfiajliques  de  l'ancien  diocèfe  de 
Lifieux.  Lifieux,   iS()i,   5  vol.  in-S*. 

Mine  précieufe  de  rcnfeignements  pour  l'hiftoire  de  la  cathédrale  et  du  chapitre  pendant  le  xviu*  «iicle 

PiEL  (Alexandre).  — MifceUanées.  Lifieux,  i8(i(),  in-S*. 

Pages  intéreffantes  du  célèbre  architecte  sur  les  peintures  et  les  vitraux 

PORÉE  (Chanoine).  —  L'Jtrt  Normand.  Paris,  i.)i  »•  in-"**- 

L'auteur  connaît  bien  la  cathédrale  qu'il  admire  sans  reftriction   L'une  des  planches,  p    34.  repréfente  la  porte  nord 
du  portail  occidental  de  Saint-Pierre. 

POUPARDIN  (R.l.   —  Dix-huit  lettres   inédites  d\Arnoul.    Fans,    iw'2,  in-.S*.  Extrait  de  la  Bibliothèque  de 
l  Ecole  des  Chartes,  t.  LXIII,  i'c<3,  pp.  1^2-17.^. 

Ces  lettres,  publiées  d'après  le  mi    ()i>a4  du  Vatican,  avaient  déji  vu  le  jour  dans  un  volume  imprimé  à  Florence 
en  186},  sous  le  titre  de  Spicileg,ium  Libtrianum  digtjfit  et  recenfuit  Frjncifcut  Hiverani 

RIGAUD  (Odon).  — {{egeflrum  vifttationum  archiepifcopi  l{pthomagenfis  i  i  2  jS-i  2«..,i,  publie  par  rii.  Bon- 
nin.  Rouen.    1847,  in-  \'. 

ROBFRT  DE  TORIGNI.  —  Chronique  de  R^obert  de  Torigni,  abbé  du  Mont  Sami- Michel,  suivie  de  divers 
opufcules  hijlortques,  public  par  Lcopold  Delisie.  Rouen.  Société  de  l  liiflotre  de  Normandie.  1873- 
1871 ,  2  vol.  in-S*. 

Contient  des  renfeignements  très  précis  pour  fixer  l'ige  de  la  cathédrale 

ROBERTSON  tJ.-C.).  —  Materials  for  the  hifiory  of  Thomas  Becl^et.  London.  187^-1881,  7  vol.  in-S*. 

ROHAUT  DE  FLEl'RY.     -  L  Evangile.  Etudes  iconographiques  et  archéologiques.  Paris.    1X74.  2  vol.   in-4V 

—     Li  Sainte -y  ler ge .  Études  archéologiques  et  iconographiques.  Paris.  187,^.  3  vol.  in-»*. 

RIISKIN  (John).         The  seven  Lampi  of  architecture.  London.  i-jn.  in-s*. 


BIBLIOGRAPHIE  303 

SAINT-LAURENT  (G.  dci.  —  Iconographie  de  Saint-Pierre,  dans  annales  archéologiques ,  t.  XXV,  1863, 111-4°. 

SARRAZIN  ^A.).  —  Pierre  Cauchon,  juge  de  Jeanne  d\Arc.  Paris,  Beauvais,  I{puen,  Lifteux.  Paris,  1901,  in-8°. 

SAUVAGE  (  R.-N.y.  —  Un  vol  de  reliques  à  Saint-Pierre  de  Lifteux  en  iyi2,  dans  Bulletin  Soc.  hist.  de  Lifieux. 
n*  18,  1910.  in-8°. 

SCHOPPER  (Jean».  —  L'art  du  Moyen  ^ge,  la  Renaiffance  néo-claf]ique  et  les  travaux  de  Peiresc,  dans  Bulletin 
archéologique,  t.  XVII,  1899,  p.  354  et  suiv. 

Sur  les  tombeaux  de  l'églife  de  Lifieux.  cf.  Bull,  de  la  Soc.  des  ^ntiq.  de  Normandie,  t.  III,  p.  41-;. 
SEGUIN  rRichard).  —  Histoire  du  pays  d\Auge  et  des  évéques-comtes  de  Lifieux.  Vire,   1852,  in-8°. 

SERRAT  (Louis I.  —  Guide  du  Congrès  archéologique  de  Caen.  Paris,  1909,  in-8". 

Etude  deftinée  aux  archéologues  de  profeflion  :  le  texte  defcriptif  néceflîte  la  plus  grande  attention.  L'illuftration 
comporte  d  intéreflantes  photographies  de  M.  Eug.  Lefèvrc-Pontalis. 

TASSIN.  —  Plans  et  propls  des  villes  de  France.  Paris,   16:5 1 ,  2  vol.  in-4". 

TAYLOR  ( J. .,  NODIER  (Ch.),  et  CAILLEUX  (A.  de).  —  Foyages  pittorefques  et  romantiques  dans  l'ancienne 
France.  Normandie,  t.  III.  Paris,  1878,  in-fol. 

Contient  pp.  4-().  quelques  notes  relatives  à  la  cathédrale  et  cinq  lithographies  hors  texte. 

TEYSSIER  lAm.l.  —  Notice  biographique  sur  Louis-Alexandre  Piel.  Paris,  1843,  in-4". 

Theophili  prefbyteri  et  monarchi  libri  III  seu  diverfarum  artium  schedula,  cdit.  de  l'Efcalopier.  Paris,  184^;,  in-4*. 

TRIGAN  (Charles).  — Hijîoire  eccléfiajlique  de  Normandie.  Caen.    [759-1761,  4  vol.  in-4°. 

TURNER.  —  Account  of  a  tour  in  Normandy.  London,  1820,  2  vol.  in-8°. 

Ouvrage  de  vulgarifation.  A  la  page   1^1  du  tome  II,  une  très  curieufe  gravure  deJ.-S.  Cotman  repréfentant  les 

médaillons  du  croifillon  nord. 

VASSEUR  (Charles).  —  Qttelques  réflexions  sur  le  tracé  de  l'enceinte  gallo-romaine  de  Lifteux,  dans  Bulletin 
monumental,   t.  XXVI,    1880,  pp.   •;i4--;22. 

—     Etudes  hifloriques  et  archéologiques  sur  la  cathédrale  de  Lifteux.  Caen,  1882,  in-8*.  Extrait  du  Bulletin  de  la 
Soc.  des  lAntiq.  de  Normandie,  t.  X,  1882,  pp.  419-501. 

Etude  confciencieufe,  très  documentée,  œuvre  capitale  au  point  de  vue  de  1  hilloire  du  monument. 

VILLEMIN  (N.-X,).  — ■  Monumens  français  inédits  pour  servir  à  l'hifloire  des  arts.  t.  I,  Paris,  1806,  in-fol. 

Contient,  p.  44  et  pi.  07  la  defcription  et  la  repréfentation  des  deux  statues  tombales  qui  se  trouvent  dans  un  des 
enfeux  du  croifillon  nord. 

VIOLLET-LE-DUC.  —  Dictionnaire  raifonné  d'Architecture.  Paris,  1854-1869,  10  vol.  in-8°. 

ZEILLER  (Martin».  —  Topographia  Gallice.  Francofurti,  1657,  in-fol. 


-:  f 


*: 


î  ■:  : 


'i   _  t  I*— 'tw^^V 


Dessin  de  Pnjqutt. 


TABLE  ONOMASTIQUE 


II 


TABLE  DES   ILLUSTRATIONS 


III 


TABLE  DES  MATIERES 


+     +     •»♦ 


■ YS^^^*t-.iq'^ 


39 


TABLE   ONOMASTIQUE 


Abdias  de  Babvlone.  210-  220. 
Abélard.  io>. 

Achén- (dom  Luc  d').  m.  114. 
Adam  de  Saint-Victor.  227. 
Adeline  (Jules),  graveur.  246. 
Aimoin.  moine.  10. 
Alain  de  Dinan.  1  2. 
Albi.  cathédrale.  147. 
Alexandre  IH.pape.  108.  loi).  in 
Aliéner  d'Aquitaine.  106,  in. 
Amette  (cardinal).  102,  14^. 
Ammeville  (église),  19^. 
Aiidelys  (I.t'S).  église  X.-D..  2r. 
Andrieu.  horloger.  21. 
Anquetil  (Jacques).  47. 
Anthyme  Saint-Paul.  i2=>. 
ArJeiiiifs,  abbave.  2'!. 
.\rmandie,  chaudronnier.  ic)S. 
Arnoul.  évêque  de  I.isieux 

2<Sl. 

Arras.  cathédrale,  i^o. 
Asselin.  trésorier  du  district. 
.\ubert  (Jeani.  fondeur  de  cloches 
Aubert  (Marcel).  107. 
Auvillars.  église,  k)-;. 
Avignon,  école  de  peinture.  226. 

Bach  (Sébastien),  i  =,4. 
Bailhird-Descours.  chanoine.  2so. 
Balande  (Gaston),  peintre. 
Bâle.  musée.  226, 
Barbot  (abbé  \'.),  iv. 


114.  I  Kl. 


8S.  i>>?-i  iS.  121. 


\U 


Barrés  (Maurice),  209,  294. 

Basin  (Thomas),  évêque  de  Lisieux.  ^6.  -57.  ^-î. 

i?i.  isi,  212.  211.277.  2'6\. 
Baudot  (de),  architecte.  2,  -5. 
Baudouin  III.  évêque  de  N'ovon.  124. 
Baunard  (Mgr».  Si. 
Baveux,   cathédrale.   2.   iS.    21.   24.  ■?!.  69.71. 

72-76.  12';.  210. 
Ba^envi/le.  église.  24. 
Beaitmont-lc-Rnaer,  \errerie.  4^.  214. 
Beaunis  (P.  ».  i.S-;. 
Beauport.  église.  6^. 
Bec-Hilloititi.  abbave.  20.  .S^.  \hz. 
Bégule  (  Lucien).  217. 
Bellier  de  La  Chavignerie.  2^0. 
Bellot.  entrepreneur.  74. 
Benoit  de  Peterborough.   1 16. 
Beranger  (J.).  289-292. 

Bernai-,  église  X.-D.-de-la-Couture.   22(1.  2-!2. 
Berniircs.  église.  24. 
Béroult.  appareilleur.  -yU. 
Berretta  (P.).  organiste.  1:^2. 
Bertot  (Jean),  1  lo.  m. 
Béthune  (baron).  ^.  6. 
Bigot  (Raymond),  sculpteur.  142. 
Billon  (D').  (>2.  is6. 
Bloche.  maire  de  Lisieux.  19S. 
Blondel,  curé  de  Saint-Pierre.  19,  is6. 
Blosset    de    Carrouges    (Etienne),    évêque    de 

Lisieux.  27,  S4.  100.  Son  tombeau,  162,  181. 
Blosset  (Vincent),  verrier,  214. 
Bûismont  (de),  archidiacre  Je  Rouen.  189. 


',oS 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Hollée.  fondeur  de  cloches,  i  s6. 

Bonnin  (Th).  28^. 

Boniiiiiix,  académie.  2^1). 

Bordier  (H.».  7<». 

Bossuet  (J.-B.l.  cvéque  de  Mcaux.   1 47. 

Boucher  (F.),  peintre.  272. 

Bouet.  ;<i,  1)7.  160. 

Boulav  (Richard  du),  2f2. 

Boullaye  (Laurent),  peintre,  ss. 

Bouquet  (doni).  12. 

Bonrgcovs  (  Marin),  peintre.  •?<>. 

Hourjri-s.  2i«>-24i.  244,  24s.  24S. 

—  cathédrale.  7s. 
Boutev  (.1.).  dessinateur,  m. 
Bouxin  labbé).  i2<j. 

Braine.  église  Saint-Yved.  4^.  «,2.  dt». 

Brancas  (Mgr  de),  évéque  de  l.isieux.  <)4.   102, 

I  s<).  172.  26^. 
Brasnu.  sculpteur.  14M. 
Brault  (Mgr),  évéque  de  Baveux.  ^i>.  207. 
Breard  ((ih.).  m^.  i.>.>. 
Bréquigny.  in. 
Brice  (doni).  121. 
Britonis  (Jean  ).  niacoii.  i^.  :=,. 
Bniii,  église.  147. 
Bullet  (Jehan),  huchier.  1  îd. 
Bulteau  (abbé),  r  24. 
Bunel,  curé  constitutionnel.  i<)2. 
Biircl  (J.-B.).  fondeur  de  cli)chcs.  \'>i>. 

C.œfsin.  maire  de  l.isieux.  21)4. 
Cani.  abbave  aux  liâmes,  ^i. 
—     archives  départementales.  i<>.  21.  21).  "(>. 

\\.     1(h).     1S7.     I.)l.     Ii)|.    27<>.     2S4,     2S(i, 

2SS. 
hibliothéipie  municipale.  27(>. 
église  Saint-Uticnne.    iS.  ■?!.  40.  di).  71. 

72.   7s.    I2'?. 

Jésuites.  iSi. 

—  manoir  des  Gens  d'.Xrmes.  ^9. 
Caffarelli  (M-  N.-l.).  isd. 

(lagniard  (abbé),  curé   de   Saint-Pierre.  66.  So. 

147.  IS7. 
CitvihridfTf.  collège  df  la  Trinité.  21S.  220.  221. 
(^ampart  (  M'"  du).  142. 
Chanel,  loi^ 

(^iin/orhirv,  cathédrale.  4s.  12(1. 
(Parlez  (.\.».  organiste.  is2. 
(-aron  (M"*i.  \m. 
(^arrache  (.\nnihal),  peintre.  2(0. 
C^arrey  (Olivier),  tabellion,  a»). 
Cauchon  (Pierre).   évéi]Ue  de  Lisieux.  47,  7s. 

<)')->)(>•  <)i)-i<ia.  ni.  i(>i. 
(^aumont  (.\.  de),  s.  113. 
(^availlé-C.oll.  i«i2.  1  «.4. 
(lavillicr  (J.),  fondeur  de  chu  lu  s     nS. 
Ccillier  (dom).  10^. 
liélcstin  il.  pape.  i<i«.. 


Cénival  (de).  23;. 

Ci'stn-iJux-\i)rnts.  4=;. 

Chamard  (dom),  g. 

Charles  V.  roi  de  France.  1^4.  21  S. 

(^iharles  VII.  roi  de  France.  OK. 

Charonton  (Hnguerran).  peintre.  2  2<>. 

Chartraire  (chanoine  E.).  12S. 

Chartres,  cathédrale.  20.  dg.  12?.  124.  127. 

—       chanoines  de.  12. 
(]héron  (Henry).  •50. 
(Chevalier,  chanoine.  2^1.  2S4. 
Clhevalier.  emballeur.  2^1. 
(Chevalier,  menuisier.  14s. 
(Chevalier,  orfèvre.  SS. 
(^hildcbert  I".  roi  de  France,  n. 
(^hristin.  chanteur,  is^. 
CiviJale.  église  Santa-Maria  in  Valle.  do. 
Clément  XIII.  pape.  Su. 
Clerval.  abbé.  124. 
Coignet  (Léon),  peintre.  2(>7. 
Coinbray.  château.  1^7. 
Couches,  verrerie.  4^.  214. 
C^ondorcet    (Mgr    de),    évéque    de   Lisicux.    20. 

loo.   I  ;,^-iss,    isM. 
Contel  (J.-C^h.),  peintre.  S4. 
Coppée  (  F'ran^ois).  7(). 
Corbel.  sculpteur.  i^S. 
Cormon.  peintre.  27: 
(^ospéan  (  Philippe  de).  c\  (.que  de  Lisuiix.  i  j(>, 

'47- 
Cossart  (André),  maitre  maison.  S4. 

(^ostard  (Foulques),  chanoine.  6^.  (14. 

(^otman  (John).  2.  do. 

Courdemanche.  \\>).  27*..  276. 

Coiirtiiiiiic.  château.  i(><>. 

Coutan  (H).  111.  42. 

Coutaiices.  cathédrale,  ai.  ^1.  74.  7^. 

Créqui  (abbé  Fustache  le  Jeune  de),    isd.  207. 

('uillier  ((Charles),  sonneur.  iSi».  27S. 

Oagnan-Bouvcret.  peintre,  273. 

Piinuts.  adu. 

Danjov.  architecte.  21.  2;.  •\\.  8S.  208. 

Darccl.  architecte.  14s. 

Dairey.  organiste.  w\. 

David,  roi.  (m. 

David  (Louis),  peintre.  2«i^.  273. 

Debontils.  chanoine.  ab4. 

Oecq  (.\.).  organiste.  is2. 

De     La    Cour   iI'iiTm     \irinlri       :>i.     ;i.r.     !?<,ii. 

a6i.  372. 
Delahave.  sculpteur.  14s. 
Delamare,  abbe.  18^ 
Delaporte  (A.j.  a6,  160. 
De  La  Rocque.  architecte.  27.  v>.  isa.  ao8. 
Delarue.  notaire,  so.  <Ȕ.  212. 
Delaruc  (Jules).  1^7. 
Delauney  (J.).  imprimeur.  n>4. 


TABLE    ONOMASTIQUE 


309 


Delauney  (M"").  is6. 

Delisle  (Léopold).  4^,  in.  iis-  217.  218. 

Denis  (Maurice),  peintre.  270. 

De  Samaison   (Guillemot),  architecte.  33.   S4. 

Desbordes  (M'")-  -'^"'• 

Descours  (M. -H.),  peintre,  266. 

Descours  (M. -P.).  peintre,  266. 

Deshays  (Noël).    12.  04.  99,  100.  116.  119,   14s. 

160.   169. 
Despana,  chanoine.  2^0. 
Desportes  (L.).  \iv. 
Desvergnes  (Ch.),  sculpteur.  102. 
Deville  (Etienne),  11.   277. 
Didron  (E.),  134.  135.  14=^,  216. 
Dœnart  (Thomas),  verrier.  55,  214. 
Domitien.  empereur  romain,  217,  218. 
Dovnard  (Abel).  21.  22.  29.  44,  136. 
Drubec,  2b-]. 
Drusiana,  219,  221. 
Dubois,  chanoine,  2=io. 
Dubois  (Louis).  6.  7.  58,  114,  11^.  119.  175. 
Dubosq.  chanoine,  iv. 
Dubreuil.  21  r. 
Ducange.  177. 

Ducellier.  curé  de  Saint-Pierre,  ^o,  102. 
Duchesne  (André),  113. 
Duchesne  (Aug.),  IS7. 
Duchesne-Fournet.  is2. 
Dufresne.  chanoine,  2=iO. 
Duhamel,  peintre  verrier.  234. 
Dumoulin  (Gabriel),  i  r. 
Dupaigne.  organiste.  1^2. 
Duprev.  curé  de  Saint-Germain.  192. 
Durand  (Guillaume),  évêque  de  Mendc.  216. 
Dnrham.  cathédrale,  63. 
Duroy.  architecte,  xiii. 
Du  Thiron.  chanoine,  288. 
Duval  Le  Camus,  peintre.  2^2. 
Du  Vert  (dom  Claude),  22. 
Du  Vivier  (Rémy),  m. 

Echard.  17s. 

Ecouis.  église.  I3'5,  i'54. 

Eléonor  d'Autriche.  246. 

Engelhard  (Ch.),  94. 

Enlart  (C),  121,  130. 

Envermeii,  prieuré,  162. 

Eocaric,  roi,  23s. 

Ephise^   220.  221 . 

Escalopier  (de  L'),  211. 

Espouy  (d'),  145. 

Ethérius,  évêque  de  Lisieux,  10,  ir,  4=;. 

Etienne,  imagier.  21. 

Etienne  de  Nemours,  évêque  de  Noyon,  125. 

Eu.  église  Saint-Laurent,  21,  31.  68. 

l'iusèbe.  é\êque  de  (^ésarée,  220. 

Evraert.  ferronnier  d'art,  149. 


Evreux^  cathédrale.  =,4. 

— •       église  Saint-Taurin,  20. 

Fabre  (Joseph),  204. 

Farcy,  menuisier.  208. 

Farolet,  curé  de  Saint-Pierre.  4.  88.  los,  115. 

Fauchet  (Claude),  évêque  constitutionnel,  19, 

Fauque,  maire  de  Lisieux.  156. 

Fccamp.  église  de  la  Trinité,  m.  in. 

Fervaques.  église,  185. 

F'ervaques  (Guillaume  de  Hautemer.  maréchal 

de),  102,  182-186,  199.  200. 
Firmin-Didot,  220. 
Flameng.  peintre.  272. 
Fleuriot  (J.-A.),  157. 
Fleury,  abbé,  105,  113. 
Fleury,  organiste.  is2. 
Florence,  bibliothèque.  223,  211. 
Fontaine,  chanoine,  250. 
Fontaine  (Pierre),  architecte,  154,  286. 
Formeville  (H.  de),  4,  58,  59,  62,  8^.  119.  120, 

145»  15I5  171!  ^75-  212,  277. 
Fougé  (Jacques),  peintre.  160. 
Foulques  d'Astin,  évêque  de  Lisieux,  161. 
Fournet  (Céline),  157. 
Fournet  (Jean-Lambert),  152,  1=56. 
Fragonard  (H.),  peintre,  272. 
Franck  (César).  154. 
François  \".  roi  de  France,  246. 
Frazier-Soye.  imprimeur,  m. 
Frémanger.  205. 
Friquier  de  la  Cauvinière.  chanoine,  2So. 

Gacé.  église,  285. 

Gaignières  (Roger  de),  68,  10 1. 

Gaillard  (Jehan),  serrurier.  iS3. 

Galli-Knight.  2.  121. 

Gallois  (Pierre),  chanoine,  283. 

Garcin  (A.),  organiste.  153. 

Garnier  de  Pont-Sainte-Maxence,  116. 

Gauvin  (Pierre),  verrier,  214. 

Geoffroy,  comte  d'Anjou,  12,  105,  113. 

Gernez.  peintre,  xii. 

Gilbert-Maminot,  évêque  de  Lisieux.  13. 

Giles(DO,  105. 

Gillottin  (.VI -«A.).  156. 

Godard  (M'"),  peintre.  86.  269. 

Godefroy.  chanoine,  2so. 

Gondouin.  206. 

Gonse  (L.).  121,  130,  134. 

Goron,  menuisier,  208. 

Gosset.  chanoine,  170. 

Gosset  (André),  maçon,  28. 

Gosset  Denis,  (maçon).  s4.  S5. 

Granval,  officier  municipal,  202,  204. 

Grégoire  de  Tours,  10,  4s,  76,  223. 

Gresiaiii,  abbave.  los.  108.  lot).  1(12. 


lO 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Gsell  (Albert),  peintre  verrier.  221.   22S.   234. 

23  s. 
Guérard  (Guillaume),  tabellion,  «n.  212- 
Gucrard  (Jacques),  tahcilioii.  212.  2n. 
Gucrin.  niarguillier.   2<>5. 
Guérin  (Ph.).  peintre,  266. 
Ciuéroult  (Guillaume),  ^d. 
Guillaume,  architecte.  122. 

—  d'Asnières.  évêque  de  Lisieux.  S».. 

—  de  Caiitorbér)  ,  ri6.  iiS. 

—  d'Kstouteville,   évéque  de  Lisieux. 

2«>,  102,  160,  161.  24s.  288. 

—  de  Graiuville,  chanoine.  164. 

—  iiubaiid.  abbé  de  Grestain.  n>g. 

—  de  la  l'iéche.  notaire.  2S4. 

du  Pont  de  IWrche.  évêque  de  Li- 
sieux. ^.  120.  121.  2S3.  284.  28^. 

—  de  Sens,  architecte.  4=..  i:(«. 
Guilmant  (A.),  r  S2.  is;. 

Guizot.  ri)<). 

Guy  de  Harcourt.  évêque  de  Lisieux.  n«..  161. 

Guv  du    Merle,   évéque  de  Lisieux.    120.    i(ti. 

163.  38s. 
Guyardon  (Ciuy).  m. 

Haimon,  abbé  de  Saint-Pierrc-sur-Dives.  \. 

//lin rt»/r/.  château.  i')r. 

Haussaire.  sculpteur.  1  iS.  m.». 

Henner.  peintre.  267. 

Henri    II.  roi   dWngleterre.  i  >j.   I06.  iii.  11  T. 

1 14,  1 16. 
Herbert,  évéque  de  Lisieux.  ii-n.  2V>. 
Hcrt^et.  (M"").  117.  14s,  is;. 
//i n/orJ,  église,  h^. 
Hfrmival,  44. 

Hesbert  (Pierre),  peintre.  14S. 
Heulte  (Girot).  huchicr,  nd. 
Hippeau  (C).  1 16. 
lliveraiii  ( Fr. ),  ii>i). 
lloUniann.  menuisier.  nS. 
ilonflfur.  église  S"-Catherine,  xii. 

musée,  \ii. 
Hotflli-ri,-  (L'),  lhi>. 
Huard  (Georges),  m.  ao.  ^o.  iid. 
Hugonin  (Mgr),  évoque  de    Baveux  et  i.isieux. 

14'»,  Isa. 
Hugues  d"Ku,  évéque  de  Lisieux.  12.  ;iS.  a^<^. 

241,  a  p.  2  (7.  3X7. 
HiuMiiins  (l.-K.  ».  I  2  (. 

//>.  t,k;ii-e.  24. 
Innoient  111.  pape.  17». 

I  11  qncs  d'Ai'      '    ■-''.  evêquc  de  Lisieux.  ao. 

I  I'   lues  de  \  .3  11».  3  3". 

1  I  ucK  (\1.-R.(,  aiS. 

1<  III  !•  .  —    '     I  isicux.  »>s.  los,  in. 

''  m  ïU  V  èquc  de  Séez.  Ss. 


Jean  de  Salisburg.  1 14. 

Jehan  le  Meneschier.  charpentier.  27. 

Jeanne  d'Arc.  7s.  1*4.  102.  IS7.  204. 

Jérusalem.  20<». 

Joppc.  2 Si». 

Jouenne  de  Longchamp.  député.  ii)8. 

Jourdain   du    Honimet.  évêque   de    Lisieux.   •?. 

114,  I 19-121. 
Jouvenot.  dessinateur,  xiii. 

Klein  (.Vloys).  organiste.  i=.2. 
Krug  (  Ldouard).  peintre.  2(17.  2('8. 

Lacordaire  (le  P.).  210. 

La  Ferronnays(  Mgr  de),  évêque  de  Lisieux. 171. 

iS.S.   |S(),    IQI.  207.   278.   2i»2. 

La  Ciouycre.  tiei  à  Honneville-la-Louvet.  2<). 
Lagrenée  (H.),   peintre.    25.1.    :«.2.    :>i.     2V(>. 

272. 
l.ahaye  (V.).  11.  7s,  30;. 
Lallier  (Michel),  tabellion.  2«». 
Lamarck  (  Henri-Robert   de),  duc  Je   Bouillon. 

iSi. 
Lambin  (  H.).  =..  <>.  «.1.  i2«>. 
La  Néelle  (D').  iSo. 
l.anticr  (  Raymond).  2(1. 
Zj"».  cathédrale,  ^i.   ',4.    p.   }}.   ir:.  12;.  127- 

I  2t).  1^1. 
La  Querrière  (de).  24h. 
L.ircher,  menuisier,  hs. 
l.arrieu.  peintre.  2si.  2^2.2^).       :. 
Lasius  (W'olfgang).  a 20. 
l.asnier  (Jean),  i  s  i. 
Lassus.  architecte,  7. 
I.astevrie  (R.  de),  xiv. 
l.aurens  (J.-P.).  peintre.  372. 
LitiiSiinnr.  église,  <>^. 
La  Ville  du  Bois,  chanoine.  as<>. 
l.avisse  (Krnest),  204. 
Le  Bourg,  chanoine,  aso. 
Lebrun  (Jean-Jacques).  271». 
Le  Charpentier  (Laurent»,  verrier.  214. 
Le  Glerc  (^Léon),  peintre,  n. 
Le  Court  (H.),  19. 

I.efèvre  (tieo).  peintre-sculpteur,  xii. 
I.efcvre-Pontalis  (Lugeiiei.  aj.  27.  i<).   124.  i2«.. 
Lelran(,ois  (M"*).  is6. 
Le  Grand  (Jehan),  verrier.  214. 
l.egrand  (  Ihoniasi,  S4. 
Le  Hennuyer  (J.).  évêque  de  Lisieux.  ms.  i<)s. 

ii)<>.  37S. 
Lelioux  I  Adrien».  2S. 
Lemainier,  sculpteur.  <>s. 
Le  Maréchal.  2<»»v 
Le  .Vlelaver  des  Planches.  180. 
Leinonnier  (.N|gr).évêque  de  Bayeiix  et  Lisieux. 

io2,  a  10. 
Le  Monnier  (  Louis),  ao. 


TABLE    ONOMASTIQUE 


1 1 


Lemonnier  (G.-A.).  peintre. 


Î^I.     "•^'^        "^^  1  —  "^ 


,<>. 


■/  =  • 


=7- 
109. 


Leneveu  (Jean),  doyen.  '^4.  S=^. 

Léon  X.  pape.  isr.  1^8. 

Léon  d"Ostie.  2r  i. 

Leportiers  (Thomas),  charpentier. 

Le  Prévost  (Auguste).  12.  13.  106. 

Le  Prévost  (Jean),  chanoine.  47. 

Le  Rat.  chanoine.  2^0.  2S2.  2^4. 

Le  Rat,  procureur.  187. 

Leroux  (Jacques),  architecte.  ^4. 

Le  Roux  (  Robert  I.  maitre  de  musique  de  la  ca- 
thédrale. 

Le  Roy.  maire  de  Lisieux.  1S7. 

Le  Roy.  perruquier.  200. 

Lespinois  (A.  de),  2S9. 

Le  Veneur  (Jean  IV).  évéque  de  Lisieux.  S4. 
100.  144,  162.  r8i. 

Le  Verdier  (P.).  i<S;. 

Levesque  (Pierre),  29.  44. 

Lhermitte.  peintre.  272. 

L'Huillier  (dom).  10;,  114. 

Lichticld.  église.  63. 

Lincoln,  église.  65. 

Lisieux.  Cathédrale  : 

—  \ge.  in^-n  I. 

—  Armoiries.  ■;<>. 

—  Aspect  général,  r-7. 

—  Autel  majeur,  r^o.  isr. 

—  Bibliographie.  2<)7-;o5. 

—  Bibliothèque  capitulaire.  6^.  18'».  276- 

278,  286.  287. 

—  Cathédrale  romane.  9-1';. 

—  Chaire  à  prêcher.  14^-147. 

—  Chaire  épiscopale,  144,  14^. 

—  Chapelles  des  collatéraux.  79-81). 

—  Chapelles  absidales.  74-76. 

—  Chapelle  N'.-D..  1.  47.  7s.  91-10: 


12  I. 


rS: 


:oo. 


■77- 


de 


131.  137.  149 
Chapelles  : 

Ange-gardien.  S7. 

Sainte-Anne.  2<)<i. 

Saint-.\ntoine-de-Padoue.  2;S. 

Saint-.\ugustin     (  Saint-Joseph 
Cupertino).  89,  231. 

Sainte-.\gnès  (X.-D.   de   Lourdes). 
Si.  83.  S^. 

Sainte-Catherine  (N.-D.  du  Perpé- 
tuel-Secours). 87. 

Saint-Denis.  28.  214.  2S;. 

Saint-Gilles.  121 . 

Saint-Laurent  (N'.-D.  delà  Salette), 
89. 

Saint-Léonard  (  N.-D.  des  Victoires), 
86. 

Saint-Leu.  r2i. 


Lisieux.  Chapelles  : 

Sainte-Madeleine    et   Saint-Gatien 

(Sainte-Cécile).  88.  286. 
Saint-Mandé  (Enfant-Jésus),  81. 
Saint-Martin.  214.  2^7. 
Saint-.Vlaur   (Sacré-Cœur),    85.  86, 

=37- 
Saint-Michel.  28.  89.  214. 

Saint-  Nicolas  (Saint-  François-de- 
Sales,  Saint  -  François  -  Xavier). 
86.  213. 

Saint-Ouen.  121. 

Saint-Taurin.  214.  283. 

Saint-Thomas.  88. 

Saint-L'rsin.  76.  77,   121.  [24.  2^7. 

Saint-Vivien  (N.-D.  de  la  Déli- 
vrande).  80.  81. 


Chœur,  68-71. 

Cloches,  36,  198.  i')<}.  .Vncienne  son- 
nerie. ts4-is6.  Sonnerie  actuelle. 
1^6,  rs8. 

Cloitre.  281. 

Collatéraux,  48-sr. 

Confrérie  N.-D.  de  la  Délivrande. 
79.  80. 

Confrérie  de  Charité  .287,  288. 

Croisillons.  ^5.  68. 

Crosse  de  Guy  du  Merle.  162.  r6;. 

Déambulatoire.  73-77. 

Dimensions.  f8. 

Enfeux  du  croisillon  Nord,  S7-63. 

Extérieur,  is-;7. 

Façade  occidentale.  r9-24. 

Fondation.  9. 

Fonts  baptismaux.  62,  6?. 

Histoire  anecdotique.  i67-;[0. 

Horloge.  21.  204. 

Intérieur,  38,  89. 

Jubé.  99,  147.  149. 

.\Iobilier,  ni-  16^. 

-Vlurs  latéraux,  arcs-boutants.  contre- 
forts. M.  ^2. 

Narthex,  38-41. 

>«eL  41-44. 

Orgues.  1^2-1^4.  2<>o.  214. 

Palais  épiscopal.  2s.  26.  190. 

Pavage  du  xi'  siècle,  i^. 

Peintures,  86,  148.  2^7-27^. 

Piscines,  si. 

Plafond  de  la  tribune  des  musiciens. 
6s.  66. 

Portail  du  Paradis.  ;2-;4. 

Portails  de  la  façade  (jccidentale.  22. 

Puits  dans  la  chapelle  Saint-Augustin. 
S9. 

Salle  capitulaire.  274.  278.  279.  287. 

Sanctuaire,  71-71. 


I  2 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Lisiciix.  Sculpture,  ry.  k).  o<>,  2^.  24.  ^<)-4î. 
4^,  SI,  5,9-62.  6S-67.  61),  72.  74. 
86.  88,  i)s.  96.  102.  ns.  136.  n8- 
14s.  148.  149.  181. 

—  Stalles.  1^^-144. 

—  Tableaux.  2^7-27^.  Leur  emplacement 

actuel.  2s^. 

—  Tombeaux.  4O.    S9-64.  <i7.  68.  81.  84. 

8<>,  99.  ii)2.  is9-i6s,  181.  199. 
Tours.    24-v>:   tour-lanterne.  ;s.  ^7  : 
tour  du  Sud.  ■;  :  tour  Saint-Martin. 
7=1.  174;  tour  Saint-l'rsin.  7s. 

—  Transept,  si.  s^. 

—  Trésor.  is8.  1S9.  162.  181.  181). 
-         Tribune  des  musiciens.  6s.  66. 

—  Tribune  du  *  Gloria  laus  *.  22. 

—  Trif'oriuni.  44-4''^.  71.  72. 

—  Tuiles    vernissées  cou\rant   autrefois 

la  cathédrale.  -51. 
Vitraux.    28.  4s.   4<).   su.    ss.  8s.  88. 

89.     99,      n<l.      I  s8,      2<»8.      211-2^6. 

279. 
N'oùtes.  i'>-28,  ^0.   41.  48.   S2.  6'!.  71. 
7'?.  7s.  Si).  12s.  126,  127.  I  2t). 

Lisicux.  Ville  : 

Abbaye  de  N.-D.  du  Pré.  174. 

—  Archives  municipales.  H)i.  i')2.  11)4-197. 

191).  204. 

—  Auberge  de  l'Hcu  de  France.  S4. 

—  Banque  de  France.  64. 

—  Bibliothèque    municipale.   21.    IS4.    212, 

276. 
("apucins.  i6t).  18;. 
(Chapelle  Saint-.\ignan.  10. 
(iohue  de  l'évèque.  212. 
(Collège.  174. 

—  Dominicains.  187. 
l.glise  Saint-Oesir.  184. 

liglise  Saint-Ciermain.   n».  i8s.   n)2,  11)3, 

19s.  t<)8,  199,  2ns.  269. 
Fglisc  Saint-Jacques.  r')2.   tin.   i')8.  ii)<). 

2<>s.  218-240. 
Hospice.  1 19. 
Hi'itel-de  N'illc.  02.  20^. 
\l.iison  canoniale  de  Saiiiii -lî  nlu     (.  ( 
Nlathurins.  i  m. 
Musée.  iu'>.  \h\. 
riace  aux  i'ruilages.  212. 

—  Place  du  Marché,  ii»^. 

—  Portes  de  la  ville.  171.  174. 

—  Rues:  du  Bouteillcr.  174;  au  (^crf.  ii»i; 
aux  (Chanoines.  64;  Htroitc.  11)4;  aux 
l'èvres.  SI.  201;  Cirandc-Rue.  281; 
Pont-Mortain.  10;  d'Ouville.  viii;  delà 
Paix,  vm, 

—  Siège  de  la  ville  par  Geoffroy  d'.Xnjou, 

13. 


Lisiciix.  X'ille  : 

—     Société  historique,  30.  47,  9s.  14s.  148. 
149.  isi,  160,  171.  17s.  180.  214.  21S, 

2SO. 

Société  *  Le  vieux  Lisieux  ».  (>.  88. 

Théâtre,  nn. 
Livarot,  18. 

Loges  (Les).  18.  5.4.  9s.  148. 
Loir  (abbé).  93,  iss.  IS9.  160.  17s. 
Loiiilres.  British  Muséum.  2;-,. 
Longpont.  église.  43.  <nj. 
Longues,  église.  6;. 
Lonlav.  abbave.  162. 

Lorraine  (Claude  de»,  duc  d'Aumale.  18;. 
Louis  VII.  roi  de  France.  IU7.  i  ii-i  n. 
Louis  IX.  roi  de  France.  122. 
Louis  XI.  roi  de  France.  bS. 
Louis  XII.  roi  de  France,  isi. 
Louis  XIII.  roi  de  France.  is8. 
Louis  XIV.  roi  de  France.  271. 
Louis  XVI.  roi  de  France.  186.  204. 
Louis,  comte  de  Flandre.  80. 
Louis  des  Haulles.  abbé  de  Bernav.  22(1. 
Lourdes,  pèlerinage. 
L.ouviers,  église  X.-D..  42.  81. 
Lozout.  notable.  201. 
Lucas,  architecte.  30. 
Luchaire  (.\.).  in. 
Lucius  III.  pape.  loi). 
Lusson.  peintre  verrier.  99.  2??. 
LtiiJii.  2 Si). 
Lj'on,  église,  i). 
Lyre,  abbaye.  162. 

Màcou.  église  Saint-Pierre.  267. 

Mâle  (F^mile).  4.  62.  124.  217. 

Malla\  s  (Th.).  maréchal,  iss. 

Mallet.  n4. 

MiiHs  (Le),  cathédrale.  10.  7s. 

Miireugo.  210. 

Marguerite- .Marie  (Bienheureuse»,  269,  270. 

.\larie  (abbé),  s.  <>.  los.  109. 

.Nlarie  (J.).  organiste.  is2. 

Marionneau.  2s6. 

Marty  (.\ndré).  iv. 

.^lasseIin  (abbé),  m.  220. 

.\lasseville.  1 18,  i  n». 

Matignon  (  I.éonor  I"  de),  évêquc   de   Lisicux. 

102.  isS.  171. 
Matignon  (  I.conor    II  de),  cvèque  de  Lisicux. 

46,  i)S,  14s,  I  jS,  i(i;-i6s.  160.  170. 
.Nlauger.  archevêque  de  Rouen,  iî. 
Manger  (Joseph),  organiste.  IS4. 
i^tivif^as.  prieuré,  16a. 
Maurv.  228. 

Medavy  (Pierre  de).  184. 
Mély  (I".  de).  \h\. 
.Xlercier,  vitrier.  214. 


TABLE    ONOMASTIQUE 


;•';> 


Mérimée.  7. 

Merlet  (René).  124. 

Merson  (L.-O.),  peintre,  272. 

Méry  (de),  chanoine.  2^0. 

Métaphraste.  223. 

Meyer(P.).  218. 

Michel  (André).  226. 

Michel  (Jean).  178. 

Migne  (abbé),  113,  114. 

Mignot  (Jacques),  trésorier.  148. 

Mignot.  tailleur.  200. 

Milet  (abbé),  207. 

Millet,  architecte,  37,  74. 

Mistral,  imprimeur,  17s,  271.  278.  279. 

Mocquerie  (Guillaume),  verrier.  214, 

Moidrey  (de),  233. 

Moisv  (A.),  m.  26. 

Moisy  (H.),  26.  277. 

Molanus.  220. 

Mommsen  (Th.).  9. 

Mondaye.  abbaye,  120. 

Monsabré  (R.-P.).  146.  147. 

Monsaint.  chanoine,  2SO. 

Montaiglon  (A.  de).  16-;. 

Montassier.  imprimeur,  m. 

Montfaucon  (B.  de),  20. 

Montreuil-sur-Mcf.  église.  7=.. 

Mont-Saint-Michel,  abbaye.  162. 

Mourret  (F.),  109. 

Moutier,  serrurier,  13S. 

Munich,  églises.  4. 

Murillo,  peintre.  270. 

Nantes,  cathédrale,  Oi). 
Naples,  architecte.  138.  208. 
N'audin,  chanoine.  2^0. 
Nicolas  de  Cheffreville,  archidiacre.  28s. 
Nicolas  d'Harcourt,  trésorier,  i^i. 
Nicolas  de  Savigny.  doven.  1)3. 
Noirot-Biais,  14=,. 
Norrey,  église,  74. 

Notre-Dame-de-Ja-Roche.  stalles  de  l'église,  n  s. 
Notrc-Dame-de-Liesse,  i s8. 
Nouvion-le-Vineux.  église.  52. 
Noyon.  cathédrale.  21.  31,  44.  52,  69.  108.  112, 
12 1.  125-12S.  127. 

Odend'hal  (Ch.),  imprimeur,  m. 
Oraison  (César  d'^,  gouverneur  de  Lisieux.  lOi). 
Orbec  (Louis  d').  bailli  d'Evreux,  180,  18-;. 
Orderic  Vital.  11-13,  "M-  'o^i  ''4-  "^• 
Osmont  (M°"),  1^4. 

Pannier  (Arthème).  s.  26,  42.  49.  ^3.  6^,  80,  97. 

105.  109,  126.  ■ 
Parc  (Le),  église  N.  D.,  161, 
Paris,  .\bbaye  de  Saint-Germain-des-Prés.  20. 

121.  126. 


Paris.  Académie  des  Beaux-Arts,  272. 

—  Archives  nationales,  291 . 

—  Bibliothèque  nationale,  20,  64,  102,  183, 

218,  219,  221, 289,  292. 

—  Bibliothèque  Sainte-Geneviève,  277. 

—  Chanoines  de  Saint-Victor,  110,  m,  116. 

—  Cathédrale.  13,  43,  69,  112,  123,  128. 

—  Eglise  Saint-Etienne-du-Mont,  147. 

—  Eglise  Saint-Sulpice,  154. 

—  Hôtel  des  Monnaies,  290-292. 

—  Musée  du  Louvre,  226. 

—  Musée  du  Trocadéro,  41. 

—  Salon  du  Louvre,  251,  256.  261,  262. 
Pasquet.  peintre,  xiii. 

Pasquier  de  Vaux,  évêque  de  Lisieux.  37. 

Patou  (Georges),  sculpteur,  41. 

Paul  IV,  pape,  29. 

Paulmier  (Guillaume),  181. 

Périé,  frères,  198. 

Perrier  (Léonor).  1^7. 

Peterborough.  cathédrale,  63. 

Philippe-Auguste,  roi  de  France.  113. 

Philippe  (Nicolas),  imprimeur,  220. 

Picot,  cabaretier,  200. 

Picot  (Emile),  9. 

Piel(abbé),  86.  171. 

Piel  (Alexandre),  architecte,   •;.  4.  7,  208-210, 

224. 
Piel  (Jean).  212. 

Pierre,  abbé  de  Saint-Victor.  28  v 
Pierre-le-A'énérable.  104. 
Pierrefitte-en-Aiige.  église,  68. 
Pillion  (M"^  Louise).  16. 
Pin  (Le),  château.  189. 
Pitt  (Pol),  dessinateur,  xiii. 
Plantin-Moretus,  imprimeur,  vi. 
Porée  (le  chanoine).  17,  120-m.  i';4,  226.  229, 

266. 
Porter.  2. 

Poupardin  (René).  log. 
Préaux,  abbaye,  162. 
Pré-d'Auge,  pavés.  80. 
Prévost,  mav'on,  30. 
Prou  (Maurice),  11. 
Prudhon.  peintre.  267. 
Prun,  abbave,  22 s. 
Puchot  (Charles),  111,  2=jo,  2M. 
Puvis  de  Chavannes.  peintre,  v. 

Quesnel.  ingénieur.  2<i2. 
Quicherat  (Jules),  '-.b.  21-;.  27O. 

Raguier  (Antoine),  évéque  de  Lisieux,  102. 

Raoul  Glaber.  1 1. 

Raoul  de  Thiéville,  évêque  d'Avranches.  8s. 

Rathoiiin  (forêt).  241.  242.  247. 

Ravcnne.  23(1. 

Régnier  (Louis).  III.  13;. 


40 


3M 


SAIiNT-PIERRE  DE  LISIEUX 


Reims,  cathédrale,  (><;. 

jglise  Saint-Rémy.  42.  1  12. 
kciKHiit  (lieutenant).  {Vn  mot  de  M.   Haries  a 

raiiteiiii. 
Renier  (Mi'*),  2^1. 
Renoiil.  abbé  de  Saint-Rvroiil,  !<>«,. 
Revnaïul  (Marc),  imprimeur.  220. 
Richard  1.  duc  de  Normandie.  12,  in. 
Richard  II.  duc  de  Normandie,  ir-?.  287. 
Rigaiid    (Hudev).   archevêque    de    Rouen,    121. 

I  22.  27s.  28s. 
Robert,  nia^on.  1 1<>.  117. 
Robert  des  .Vbléges.  évêque  de  Baveux.  1;',. 
Robert  de  Torigni.  in.  lis.  116. 
Robertson  (J.-l-.).  114.  iiS. 
Robespierre.  20^. 

Robin  (.^Igr).  évêque  de  Baveux.  |!^(). 
Robin  (Jehan),  verrier.  21-5. 
Robin  (J.-B.).  peintre.  2s  1 .  2S2.  2(>i.  272. 
Robin  d'.Xrques.  verrier.  2n. 
Rochery.  serrurier,  214. 
Rochestfr,  église.  (»i. 
Roettiers  (  Louis).  21)2. 
Roger,  inason.  j  Mi.  117. 

Roger  de  Jumièges,  peintre  verrier,  so,  21  2.  2n. 
Roiiaut  de  Meury.  22^.  2V- 
Rohée.  curé  de  Saint-Pierre.  n8. 
Rome,  chapelle  San  Giovanni  in  Oleo,  217. 

N'atiian.  2 •",2. 
Rotrou.  évêque  dlivreux.  ms. 
Routier  (L.  S.).  2i>2  . 
/^'//«•«.  cathédrale.   1.  2',,  ■51.  ^4.  75,.  121.  i2(>, 

I  21).    n".    I  S().    l(>2. 

chapitre.  17S. 

école  de  peinture.  2=.S. 
—     église  Saint-Ouen.  Si. 

Ii()tel  lie  Moiirgtiieroulde.  24(1. 

hôtel  lie  l.isieiix.  <)i). 

hôtel  lies  Monnaies.  281). 

Musée,  2SC). 
-     Parlement.  172,  i^-). 
Rouxel  de  Médavy,  évêque  de  l.isieux.  |S',-|,S^. 
Ro/.e  (abbé),  220. 
Ruhens  (  P.-p.).  pcinire.  :(m 
Kiiskin  (John).  2.  22.  2^. 

Saints  : 

.'Vignan,  lu.  a-)4. 


-  /■ 


Ainbroise.  2^4. 
André.  143. 
.\ntoine  de  Padoiie. 
Augustin.  228. 
Bernard.  104.  221. 
Bertivin,  2^4. 
Charles,  a68. 
Clair.  214. 
Denis,  Si). 
Dominique.  2V|. 


2^4. 


Saints  : 

lïthelwold.  2^2. 

Etienne.  142.  14^.  2^1. 

François.  201.  2^4. 

François-Xavier.  2(>7. 

Gabriel.  141.  271 . 

Gatien.  88. 

Germain.  200.  2Ts,  2^6. 

Germain,   évêque    de    Gonstaniinopk.    22;. 

"^  27 . 
Jacques,  y6.  47.  142. 
Jean  Chrysostome.  22-!,  221). 
Jean  Damascéne,  22;. 
Jean  l'Evangéliste.  217-221.  2-=.. 
Jérôme.  264. 
Joachim.  208. 
Laurent.  143.  201. 
Mandé.  81. 
Martin,  c».  7(1.  77.  1)7. 
Michel.  1)7.  141.  201.  22S. 
Patrice.  2^4. 

Paul.  (»().  1)7,    142.   2',',.   2^1,   2SS.   2^1).   260. 

Pierre,  142,  2^2.  2;^.  24=..  2^1.  2^4.  2s«..  is^. 

2S<).   261.    2<i2, 

Roch.  214. 

Sébastien.  67.  68.  1)7.  2^4.  262.  2(>^,  2O4.  371. 

Taurin.  <),  81). 

Thomas  de    Gantorbéry.  8^.    10-,.    114,    1  id. 

1 17.  1 18.  3^4. 
L'rsin.  7(1.  1)7.   142.    14'.   l'.i.  200,   2^".  2^4. 

2^s.  257-2^0. 
N'ictor.  2^4. 
N'ictrice.  i). 

Saintes  : 

.\nne.  2(17.  268. 
(Catherine.  06.  1)7. 
(décile.  (>>.  88.  2 ",4.  2(>s.  20(>. 
Elisabeth.  2^4,  270. 
Germaine.  81. 
Madeleine.  88. 
l'rsule.  is8. 
Saint-Anne   Louzier.  architecte.  138.   ie,o.  20S. 

Saint-Denis,  église,  di.  112. 
Sainf-Dniis-ile-Mailloc.  chÀicMi.  Ih8,  i6<). 
Saiiil-Iivrniil.  abbaye,  11.  n.  }8.  lo^. 
Sjint-CiCorgfs-de-BosKliervillc.  église.  11. 
Satn/-//if>f>olyti-Jii-/iouf-Jes-Pr('s. carrières,  xi . 
.Saint-Laurent  (G.  de»,  212. 
Siiint-Miirils-iie-I'resuf.  église,  \^t^• 
Saiiil-Miirtiii-iif-Lt-l.ieuf.  18. 
Siiinl-Omer.  église  N.-D..  7s. 
SaiNf-Piern--sitr-/)ives.  église.   21.   24.  40. 
SiUiit-Quftititi.  église,  (><». 
Sjinl-.S.iuvi .  église,  7*.. 
Sainte-.Nlarthe  (de),  lai. 
Siilisbiirv.  cathédrale,  Oi. 


TABLE    ONOMASTIQUE 


15 


Salles  (Robert),    peintre.  76.  2^7.  267.  271. 

Samson  (D.-A.).  rs7. 

Samson  (F.),  serrurier.  214. 

Sapincourt  (D"^  de),  xui. 

Sauvage  (R.-N.).  m.  isi.  170. 

Sauvageot.  architecte.  40.  1^=,.  nô.  ny. 

Shongauer  (Martin),  peintre.  2^1. 

Schopper  (Jean).  160.  161. 

Sée^.  cathédrale.  23. 

5^^«/'.  cathédrale.  116. 

Sentis,  cathédrale,  69,  107,  112. 

Sr/y^xathédrale.  21.  41.   4^,  112.  114.  i2';-i26. 

128. 
Serbat  (Louis),  s.  27.  42.  67,  70.  log.  114. 
Serlon.  abbé  de  Saint-Evroul.  i^. 
Sigebert,  moine,  us. 
Sigisvulte.  patrice  romain.  2îs. 
Simon,  marguillier.  30.  iiR.  2'(i. 
Sixte  IV.  pape.  2^2. 
Soissons.  cathédrale,  6g. 
Sophronius,  223. 
Suger,  abbé  de  Saint-Denis,  f)^.  112.  11;. 

Tabithe.  2=,7-2sq. 

Taignier  de  La  Bretesche  (Nicolas), haut  doyen. 

170. 
Taillasson.  peintre.  2m.  2^2,  2^6.  2^8.  272. 
Tassin  (dom  P.).  20.  iSi. 
Taylor.  2. 

Théodose,  empereur,  g. 
Théophile,  moine.  211. 
Thérèse  de  l'Enfant-Jésus  (sœur).  294.  296. 
Thibaud,  évêque  de  Lisieux.  10.  171. 
Thibaut,  évêque  de  Senlis.  107. 
Thibaut  de  Falaise,  chanoine.  286. 
Thiherville.  g.  47. 
Touchet  (  Mgr),  évêque  d'Orléans.  102.  104.  146. 

IS7. 
Touques,  vallée,  11.  18. 


Tournaillon  (Henri).  is2. 
Tours,  église  Saint-Martm.  76,  77. 
Trembloy.  professeur.  1^4. 
Troyes.  église  Saint-Urbain.  147. 
Turgis  (Pierre),  maçon.  ^4. 
Turner.  2,  ^8. 

Ussy.  église.  21. 

Valentinien  III.  empereur.  236. 

Vassal  (M'").  ;=^. 

Vasseur  (Charles  1.  -.  26.  42.  69.  84.  los,  107. 

119.  134,  214. 
\'audin  (Simon),  afficheur.  201. 
Verneuil.  église  de  la  Madeleine.  232. 
Veuclin  (E.).  226.  288. 
Vc\clay.  église.  112. 
Vien.  peintre.  2^8,  2^0,  272. 
Vierge  (la  Sainte).  18.  67,  79.  80,  9=5-99.  148. 

isi.  177.  222-234.  246,  267-271. 
Vierne.  organiste.  1S4. 
\'igneral  (de),  chanoine.  2^0. 
^'illemin.  60. 

\ tlleueuve-les-Avignon.  musée.  226. 
Villers,  peintre,  241. 
^'incent  de  Beauvais.  229. 
VioUet-le-Duc.  architecte.  2.   •;.  2^.   31.  40.  41. 

63.  1^0. 
Vivien  (Pierre),  sonneur,  181.},  204.  27.'^. 
Volusien.  chancelier  romain.  23=;. 
Vosgien.  chanoine.  17^. 
Vuaflart  (Albert),  m. 

Waagen,  218. 

Westminster,  église,  iiî. 
W'idor  (Ch.),  1^4. 

Wurt^bourg.  église.  4. 

Yon,  procureur.  187. 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS 


TABLE  DES    PLANCHES  HORS   TEXTE 


I 
2. 

4- 
V 
b. 

7- 
8. 

Q. 
lO. 
I  I 

I  2, 

14, 

ib. 
17- 


La  Cathédrale  vue  du  clocher  de  Saint-Jacques. 

Les  tours  de  la  façade  occidentale. 

L'abfide  de  la  chapelle  Notre-Dame. 

La  Cathédrale,  ses  tableaux,  son  autel. 

Vue  extérieure  de  la  Cathédrale. 

La  Cathédrale  Saint-Pierre  et  l'églife  Saint-Germain. 

Afpect  extérieur  de  la  Cathédrale  avant  1789. 

Ordmation  d'Orderic  Vital.  —  Sceau  de  l'évèque  Arnoul. 

geois. 
L'architecture  gothique. 
Le  chevet  du  croifillon  Nord  et  les  tours. 
Façade  occidentale. 
Portail  du  bas-côté  Sud. 

La  tour  du  Nord.  —  La  Cathédrale  sous  la  neige. 
La  tour  du  Sud  et  sa  flèche. 

Arrière-chœur  de  la  Cathédrale.  —  Le  portail  du  Paradis. 
Cul-de-lampe  du  bas-côté  Sud. 
La  nef  de  la  Cathédrale. 


Portrait  de  Marin  Bour- 


3,8  SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

i8.    —  Détail  du  narthcx.  —  Le  bas-corc  Sud  et  la  nef. 

iq.  Entrée  du  bas-coté  Nord. 

20.  Intérieur  de  la  tour-lanterne.  —  Le  triforium  du  chœur.    —  Le  déambulatoire  du  Nord. 

21.  Le  croifillon  Nord,  ses  enfeux  ses  statues. 

22.  Médaillons  circulaires  décorant  le  soubaffement  d'un  enfcu  du  croifillon  Nord. 

23.  Le  croifillon  Nord  et  son  collatéral. 

24.  Plafond  de  bois  sculpté   provenant  de  l'ancienne  tribune  des   inuficiens.    —  Groupe 

d'anges,  bas-relief  pierre,  enfeu  du  croifillon  Nord. 

2V  Monument  funéraire  d'un  chanoine  du  titre  de  saint  Sébaflien  (croifillon  Sud  I.        Monu- 

ment funéraire  d'un  chanoine  du  titre  de  saint  Michel    chapelle  Notre-Dame). 

2().  Le  triforium  et  les  voûtes  du  chœur. 

27.  Les  colonnes  du  chœur,  coté  nord. 

28.  Le  déambulatoire  et  les  colonnes  du  chœur,  coté  nord. 
2ir  La  Cathédrale  vue  du  narthcx. 

30.  Le  déambulatoire,  coté  nord. 

31.  Vue  générale  :  abfidc.  croifillons,  tours. 

32.  Statue  de  Jeanne-d'Arc.     -    L'intérieur  de  la  chapelle  Notre-Dame.     —  L'extérieur  de 

la  chapelle  Notre-Dame. 

33.  Monuments  funéraires  de  la  chapelle  Notre-Dame.         Monument  funéraire  d'un  cha- 

noine du  titre  de  saint  Jacques,  chapelle  Notre-Dame.  —  Monument  funéraire  d'un 
chanoine  du  titre  de  saint  Paul,  chapelle  Notre-Dame. 

34.  Monument  funéraire  d  un  chanoine,  chapelle   Notre-Dame.  ■ —  Fragments  de  l'ancien 

jubé,  chapelle  Notre-Dame.         Statue  tombale,  croifillon  Nord. 
3V  Curieux  écoini^ons  de  la  chapelle  Notre-Dame. 

3().  Détail  d  un  monument  funéraire  de  la  chapelle  abfidale. 

37.  Arcatures  du  narthex.         Le  chevet  de  la  Cathédrale. 

38.  Le  chœur  et  le  croifillon  Sud. 

31).  Travée  du  chœur  et  croifillon  Nord. 

40.  Sculptures  du  narthex.  Chapiteaux  du  chœur. 

4  I  .  Piles  du  chœur  et  de  la  nef.  Piles  de  la  nef.     -  Afpect  primitif  du  collatéral  Nord 

de  la  nef.      -  Entrée  du  déambulatoire  Sud. 
42.  Groupe  de  stalles  du  xiv"  siècle. 

41.  La  charité,  saint  Michel,  le  mendiant  et  sa  bienfaitrice,  panneaux  des  stalles. 

44.  Monfeigneur  Hugonin.  évcque  de  Baveux  et  Lifieux. 
4  V  La  Cathédrale  et  son  ancien  autel. 

4b.  Vue  générale  de  la  Cathédrale,  coté  nord. 

47.  Le  Chrifl  en  majcfté,  vitrail  du  xu    siècle. 

45.  Tètes  d'apcStrcs.  vitrail  du  xv'  siècle. 

41).  La  béatitude  éternelle,  vitrail  du  xv    siècle. 

^o.  Vue  générale  sur  les  croifillons  et  le   chœur. 

^  î .  Le  tableau  de  saint  Urfin. 

^3.  ChàfTe  de  saint  Urfin.  ciîai  de  reftitution. 

•\^.  Le  croifillon  Sud. 

^4.  Le  croifillon  Nord. 


35 

56 

57 
58 

5^) 
bo 

6i 

62 

64 

65 

6  6 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS  319 

—  La  façade  occidentale  de  la  Cathédrale.   —  L'abfide  de  la  Cathédrale. 

—  L'entrée  de  lévèque  dans  sa  Cathédrale.  —  Le  feu  de  joie  de  la  fête  Saint-Pierre. 

—  La  cavalcade  saint  Urfm.    —  Les  funérailles  du  maréchal  de  Fervaques. 

—  La  Noël  au  xvni''  siècle.  —  La  fête  de  la  déefle  Raifon. 

—  La  prière  de  l'aïeule. 

—  L'églife  Saint-Pierre  et  l'églife  Saint-Jacques. 

—  Vue  de  l'églife  Saint-Germain. 

—  Le  vandalifme  révolutionnaire,  en  octobre  1793.  —  La  réouverture  de  la  Cathédrale, 

I  •>  août  I  802  . 

—  Monfeigneur  Lemonnier,  évèque  de  Bayeux  et  Lifieux. 

—  Souvenir  de  la  Grande  Guerre. 

—  Sœur  Thérèfe  de  l'Enfant-Jéfus  et  son  père. 

—  Les  charités  en  proceffion. 


Couverture  du  volume   :   Vue  de  la  Cathédrale,  dans  un  encadrement  emprunté  à  la  chapelle 

Notre-Dame.  Deffm  de  Robert  Salles. 
Compofition  décorative  de  Robert  Salles,  en  tête  du  chapitre  des  tableaux. 
Encadrement  de   la  première   page  de   la  préface,    emprunté  à  un  monument  funéraire  de  la 

chapelle  Notre-Dame.  Deffm  de  Léon  Leclerc. 
Armoiries    de    Pierre    Cauchon,    chapelle    Notre-Dame,    second    plat    du    volume.    Deffm    de 

Jean  Ch.  Contel. 
Plan  en  couleurs,  gracieufement  communiqué  par  la  Société  française  d'Archéologie. 


II.         TABLE  DES  FIGURES  DANS  LE  TEXTE 


I 

2 

-I 

;> 
4 
5 

6 

7 
8 

9 
10 
1 1 

I  2 

13 

M 

16 


Pages 

—  Alexandre     Piel 3 

—  Vue  de  la  Cathédrale  d'après  un  calendrier  de  1832 i  >.) 

—  Détail  du  portail  du  bas-côté  Sud 22 

—  Arcatures  de  la  salle  gothique 26 

—  Pinacle    fleuronné    du    chœur 32 

—  Arcature   aveugle,   croifillon    Sud 34 

—  Arc  de  décharge,  croifillon  Sud 35 

—  Support  du  narthex  allongé  au  xai«  siècle 39 

—  Profil  du  doubleau  du  bas  de  la  nef. 40 

—  Chapiteaux   feuillages  du  narthex 40 

—  Rinceau  de  la  figurine  du  narthex 41 

—  Collatéral   Sud  et  narthex 4'' 

—  Afpect  général  du   collatéral   Sud 50 

—  Chapiteaux  du  collatéral  Nord *>  i 

—  Arcatures   aveugles  de  la  lanterne 52 

Th.  Bafin,  d'après  un  vitrail  de  Caudebec-en-Caux 33 


",  2U 


2<) 


32 


SAINT-PIERRE  DE  LISIEUX 

Pages 

Triforium  du  croifillon   Nord 5^» 

Croifillon  Nord  :  figurines  dur»  cnfcu .58 

La  prcfcntation   d'un  défunt   au   tribunal   de   Dieu 01 

21.  Médaillon  sculpte,  cnfcu  du  croifillon  Sud 05 

22.  Groupe  funéraire,  croifillon  Sud <'7 

23.  —   Groupe  funéraire. croifillon  Sud.  détail 08 

24.  -"  Triforium  du  chœur 7^ 

2^.    —  Entrée   du    déambulatoire 7  3 

2(».   -      Ecoinçons  des  arcaturcs  trilobées  de  la  chapelle  abfidalc 05 

27.  —   Chapelle  Notre-Dame  :    couronnement  d'un  bas-relief u(> 

28.  Un  chanoine  du  titre  de  S"-Caiherinc  prcfente  une  supplique  à  l'Enfant-Jéfus  qb 

Tombeau  de    Pierre    Cauchon.   d'après    Gaii^nicres 101 

L'évcque  Arnoul 10'^ 

',  I  .           Lifieux  et  sa  cathédrale,  d'après  les  Pbns  et  pTojil:^  de  Normandie.-           .      .      .  loS 

Corniche  à  modilloiis  du  bas-coté  Sud 112 

3-;.           Travée  de  Saint-Pierre  de  Lifieux.  Coupe  longitudinale 122 

14.  Travcc   de    Chartres .123 

■5^.           Travée    de    Noyon 124 

1,1              Travée   de  Sens 125 

3;              Profils  de  Saint-Pierre  de  Lifieux  et  des  cathédrales  de  la  même  période.  127 

3b.           Travée  de    Notre-Dame  de    Paris i  2S 

•\i).          Travée  de  Laon 1  -*' 

40.  Lifieux  :  bafe  du  croifillon  Sud .  1  30 

41.  Lilicux   :   chapiteau  de  la  nef 13' 

42.  Une   des  stalles  du   chœur M^ 

43.  Afpcct  des  stalles   avant  1781» '  ^7 

44-4S.           Miféricordcs   de   stalles 1  >i» 

.}('.           L'imaygier  des    stalles   (ri ...  i  40 

47.  Ange  des  stalles  de  la  cathédrale  Saint-Pierre 141 

48.  Ecoinçons  d'une  parclofe  :  les  rats 141 

411.           Couronnement  d'une  stalle i44 

V             Phihppc  de  Cofpéan.  évctjue  de    Lifieux 14" 

CrolTe  épifcopale  (Tréfor   de    la  cathédrale) M»3 

->;.           Infcription  tumulairc  de  Guillaume  de  Grainvillc.                                .       .  1114 

'J'î.           La   cote  Saint-Urfin  en   1 72.1 i  «»8 

^4.           Léonor  II  de  Matignon 1  ""> 

^  ^ .           Léonor  I"  de  Matignon ;  7  i 

SI'            Saint  Urfin,  patron  de  Lifieux 172 

Arrivée  de  la  cavalcade  saint  Urfin   à  la  porte  de   Pari^  1  7  .| 

Pinacles  fleuronnés  de  l'abfide. 

')".           La  Cathédrale  vue  de  l'ancienne  gcndarmcMc                                                         .  i^o 

I'".           Les  piles  de  la  nef "  ^  "^ 

«'  I  .           Rouxcl  de  Médavv,  cvcque  de  Lifieux.  i  >  . 

02.           Un  cricur  de  patenôtres 184 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS  321 

Pages 

63.  —  Le  maréchal  de   Fervaques 185 

64.  —  Les  chanoines  de  Lifieux 187 

65.  —    Mgr  de  La  Ferronnays 189 

66.  —  L'ancien  évèché  de  Lifieux 190 

67.  Pile  de  la  nef 192 

68.  —   Léglife  Saint-Germain 193 

69.  —   Lifieux  en  1785.      .      .      .      • 194 

70.  -     Jean  Le  Hennuyer,  évèque  de  Lifieux.      • 196 

71.  —  Lifieux  au  XVI®  siècle 200 

72.  —   Le  portail   du  Paradis   vers    18O0 201 

73.  —   Vue  de  Lifieux,  prife  sur  la  route  de  Pont-l'Evèque.       • 203 

74.  —   Tombeau  de  M.  de  Créqui  au  cimetière  de  Saint-Défir  de  Lifieux.      .      .      .  207 

75.  —   M.    Danjoy,  architecte 208 

76.  —  Détail  du  grand  portail ^09 

77.  —   La  Vierge,  vitrail  de  la  Pentecôte 222 

78.  —  Les  Apôtres,   vitrail   de    la  Pentecôte 223 

79.  —   Chanoines,  vitrail  du  xv"  siècle 225 

80.  Un  fiévreux  implorant  saint  Urfin 2^8 

81.  —   Saint  Urfin,  statue  de  l'églife  Saint-Jacques 239 

82.  —   Saint  Jufte,  statue  de  l'églife   Saint-Jacques 240 

83.  —   Pèlerins  ' 241 

84.  Le  Chrift 242 

85.  —  Saint  Urfin 243 

86.  —   Entretien  de  Jéfus  et  de  saint  Urfin  sous  le  figuier 244 

87.  —   Départ  des  reliques  pour  Bourges 243 

88.  —   Groupe  de  cavaliers,  tableau  de  saint  Urfin  et  hôtel  du  Bourgtheroulde  à  Rouen.  246 

89.  --   Pèlerines 246 

90.  —    Retour  des  reliques  à  Lifieux 247 

91.  —    Délégué  de  Bourges  avant  le  miracle 247 

92.  —   Chanoines  efcortant  les  reliques  de    saint  Urfin 248 

93.  - —    Un  délégué    de  Bourges  après  le  miracle 24S 

94.  —   Les  Lexoviens  commentant  le  miracle 24g 

95.  —   Emplacement  actuel  des  tableaux 233 

96.  —   Une  femme  écoute  la  prédication  de  saint  Pierre 234 

97.  —    Saint  Paul 233 

98.  —   La  réfurrection  de  Tabithe,  détail  du  tableau  de  Lemonnier 237 

99.  —   Saint    Sébafiiien 2(13 

100.    —    Saint  Jérôme 264 

100*"—     Sainte  Cécile 263 

ICI.           Inscription  de  la  porte  d'entrée  de  la  bibliothèque  capitulaire 27b 

102.  Nicolas  Oresme  présentant  un  livre  à  Charles  V 277 

103.  Ex-libris  dvi  Chapitre  de  Lisieux 27S 

104.  —   Pinacles  fleuronnés  de  l'abside 278 

103.    —   Aspect  de  la  Cathédrale  vers  1840 .             •  21)3 

4' 


122 


SAINT-PIEKRE  DE  LISIEUX 


III. 


TABLE  DES  TETES  DE  CHAPITRES 


I 

2  ^ 

3- 
4. 

() 

7 
S. 

M. 
I  o. 

t  I 

I  2. 
I  1. 
14. 

'  V 

H». 

'7 
iH. 
I  >i. 
20. 


Détail   de    bculpturc.  chapelle  Notre-Dame 

Gargouilles  du  portail  occidental 

Détail  du  tableau  de  saint  Urfm 

Contrefort  du  chœur 

Frife  du    narthex 

Dalle  tumulaire  du  chanoine  Jouen 

Les  gardes  endormis,  scène  de   la  Réfurrection,   chapelle    Notre-Dame  . 

Corniche  à    modillons,   bas-côtés    Sud 

Les    oiseaux    des    stalles 

La  Cathédrale,  vue  du  clocher  de  Saint-Jacques 

Détail    dun    vitrail,   collatéral    Sud .       . 

Ani^c  peignant,  compolition  de  Kobcrt  Salles  .  ...       2^"^ 

Baluftrade  de  la  tour  Sud ..27^ 

Tête  de  chapitre.  Rituel  de  Lijicux.   1744 28 1 

Corniche  à  modillons ....       28^ 

Couronnement  d  un  monument  funéraire,  chapelle  N.-D 2g'î 

Armoiries  de  Mi^"^^  de  Matignon,  de  Brancas  et  de  Condorcct 207 

Détail  du  tableau  de  saint  Urliii 305 

Tête  de  chapitre.  Rituel  de  Lificux.    1744 317 

La  Cathédrale  vue  de  la  cote  Saint-Urfm    ..  323 


I 
1 
i» 

1^ 
18 

7Q 
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1  ■;■; 
i(.7 

2  I  I 


TABLE  DES   ILLUSTRATIONS 


323 


IV.  —  TABLE  DES  CULS-DE-LAMPE 


Pages 
IV 

7 
3  7 
77 


1.  —  Miféricorde    de    stalle 

2.  —  Miféricorde  de  stalle 

3.  —  Afpect  ancien  du   portail  du  Paradis 

4.  —  Saint  Urfin 

5.  —  Armoiries  de  Pierre  Cauchon,  chapelle  Notre-Dame 8q 

6.  —  Miféricorde    de    stalle 165 

7.  —  Groupe   de  chapiteaux,   croifillon    Nord 236 

8.  —  Compofition  décorative  de  Robert  Salles 273 

q.  —  Miféricorde  de  stalle 279 

10.  —  Fleuron,  Rituel  de  Lificiix.   1744 281 

11.  —  Miféricorde  de  stalle.       • • 205 

12.  — ■  Deux  moines,  vitrail  du  xv'  siècle 2q(i 

M.  —  Armoiries  de  Ms""  de  La  Ferronays 303 

14.  —  Fleuron,  Rituel  de  Lificux,   1744 307 

I  ") .  —  Fleuron,  Mijfel  de  Lifieux.   1752 322 

ib.  —  La  Vierge,  chapelle  Notre-Dame -^23 

17.  —  Miféricorde  de  stalle 325 


TABLE  DES  MATIERES 


Lettre  de  Mgr  Lemonnier,  évèque  de  Bayeux. 
Lettre  de  Son  Eminence  le  cardinal  Amette. 
Un  mot  de  M.  Maurice  Barrés  à  l'auteur. 

Avis  au  lecteur 

Préface  de  M.  L.  Defportes 

Introduction  :  Afpect  général  de  la  cathédrale.  Ses  hiftoriens 


Chapitre  l. 

Chapitre  H. 

Chapitre  III 

Chapitre  IV, 

Chapitre  V. 

Chapitre  VI. 


Pages 


—  La  Cathédrale  romane 

—  La  Cathédrale  gothique  :  Etude  defcriptive 15 

—  La  chapelle  Notre-Dame,  par  M.  V.  Lahaye c)  i 

—  L'Age  de  la  Cathédrale 10  1 

—  Le  Mobilier 133 

—  Hiftoire  anecdotique  de  la  cathédrale 167 

Chapitre   VII.     —  Les  Vitraux,  par  M.  Etienne  Deville 211 

Chapitre   VIII.  —   Les  Tableaux 2^j 

Chapitre   IX.      —  Les  Dépendances  de  la  cathédrale 274 

Documents  annexes 283 

Condufion 2c)3 


Table  onomaftique •...30") 

Table  des  illuftrations 3^7 

Table  des  matières 32^ 


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