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Digitized by the Internet Archive
in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/lacathdralestpOOhard
LA
CATHÉDRALE S^-PIERRE
DE LISIEUX
II A FTF, TIKF-. DE CET OUVRAGE :
2^ Exemplaires de ^rand luxe, avec lettrines enluminées à la main
au monaftcrc des Bénédictines de Lifieux.
I 80 Exemplaires sur papier " Normandy \'clum * crcmc.
2')% Exemplaires sur papier " Normandy Vélum « blanc a la forme.
Tout droit! rittrvtt.
Copyright by /'. Hardy. K)l~.
ABBE V. HARDY
VICAIRE A LA CATHÉDRALE SAINT- PIERRE
MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DARCHÉOLOGI E
ET DE LA SOCIÉTÉ DES ANTIQUAIRES DE NORMANDIE
LA
CATHÉDRALE
S'-PIERRE DE LISIEUX
PARIS
IMPRIMERIE FRAZIER-SOYE
I C) I 7
PENDANT LA GI{ANDE GUEI{I{E
UN MAlTI{E-TYPOGI{,APHE PARJSIEN ,
CLORJEUX BLESSÉ DE LA BATAILLE DE LA MARJ^'E
IMPRJMA CE rOLi'ME DE LLXE
POUB^AIDER^AU /{ELÈfEMENT DE L ARJ DV LIVREE
EN FINANCE.
NOMBRE DILLUSTI{,\TION5
SONT LŒUrRJ DUN MUTILÉ, LE PE[NTI{E RS>BERJ SALLES.
PAl{Ml LES olUTH^ DESSINATEURS.
NEUF SE TRS)UrENT^rX .4RJAÈES
Lifitux. l( li, JOUI mi~.
^ SON ÉMINENCE LE CAI{piNAL OMETTE
■jfrchc\>eque de Paris, ancien éveque de Bayeiix.
^ SA GR^ANDEUR^MONSEIGNEUI^LEMONTslIER^
qui me nomma vicaire à Lifetix.
^ MONSIEUI^ LE CHANOINE HUGONIN
lArchipretre de Lifeux.
A tous ceux qui, dans le pjjfé ont dimé la cathédrale
Saint-Pierre .
A tous ceux qui, dans le préfent l'étudient et l'admirent.
Je dédie la penfée de ces p^^ges.
V. H.
Mon cher t^^bbé.
J ai lu votre Cathédrale de Saint-Pierre de Lilieux.
K0//5 êtes prêtre. Pour vous donc une églife est avant tout la niaifon de
Dieu : son sanctuaire ejl l endroit le plus aimé par suite de la préfence de
Notre-Seigneur au tabernacle. Depuis sept ans cette cathédrale a été le lieu
béni où vous ave2^ accompli les actes les plus importants de votre mmijlère
sacerdotal, et entretenu la piété de votre àme. Elle vous ejl donc bien chère,
je ne m étonne pas aue vous aye:^ voulu en écrire la monographie.
Je pcnfe aue plus d une fois, dans vos méditations solitaires, vous jve;^
évoaué les souvenirs du paffé. (^ revu en imagination les cérémonies reli-
gieuses aui ont été célébrées, les cortèges cjui se sont développés dans cet
édifice aui leur prêtait son cadre magnijiaue. Que de perfonnages célèbres y
ont été solennellement reçus.' Qu^c d artifans lexoviens y sont venus abriter
leurs confréries dans ses chapelles.' Que de traditions chrétiennes s y sont
confervées pendant des siècles.' Vous ave^ esauijfé cette hijloire rcligieufe de
la cathédrale tant aimée par vous.
Mais ce monument, s il ejl un acte de foi. est auffi l cxpreffion dune
idée ejlhétiaue. Vous ave:^ observé, étudié ce côté humain (y* artijiicjuc de
Saint-Pierre. Vous jve;^ senti ç^ compris ce (jiic ses colonnes, ses piliers, ses
voûtes, ses lignes harmonieuses disent au vifiteur instruit cjui analyse tous ces
éléments de la cathédrale, comme le botanifle obfervc (^ décrit les organes
ydriés de U jleiir. De votre plume sont alors sortis les chapitres savants aux-
quels des hommes compétents ont donné leur suffrage. Puiffie-^-vous commu-
niquer à tous vos lecteurs cet efprit d obfervation scientifique qui prépare
l'âme à un enthousiasme plus confcient ^ plm profond, à une admiration
plus raifonnée de l enfemble.
La cathédrale Samt-Pierre est l ornement par excellence de Lifieux. Toutes
les générations de la cité ont travaillé, depuis plm de sept cents ans. à la
bâtir, à la compléter, à l orner, à la reconflriiire après les ravages du temps
ou des hommes. Vous ave:^ voulu raconter cette hifloire. Et tout d'abord vous
avei;^ rendu hommage au grand éveque Arnoul a qui revient la principale
part dans la conception (j^ l entreprife de l'œuvre. Je souhaite avec vous qu'on
ne gâte plus jamais cette merveille sous prétexte de l'embellir ^ qu on lui
conferve sa belle unité dans la conflruction ^ dans la décoration.
Perfonne ne pourrait se flatter d avoir réfolu tous les problèmes d'hifloire
^ d'archéologie que soulève l étude dune telle œuvre. Vous ave^^ dit le der-
nier mot sur beaucoup de queflions, ^ l'on ne pourra plus écrire sur cette
cathédrale sans vous citer. Quelle gloire pour vous d avoir attaché votre nom
à ces pierres séculaires.'
Ces quelques lignes difent infuffsamment les satiffactions que m a pro-
curées la lecture de votre travail; elles vous apportent du moins les félicitations
de votre évèque, 0^ les remerciements qu il adreffe à tous vos collaborateurs
érudits, hifloriens, artifies, deffinateurs, photographes... Vous ave^ fait tous
enfemble une belle œuvre. Puiffe mon témoignage être, aux amis des cathé-
drales, aux admirateurs des monuments normands, aux chercheurs des tradi-
tions du pdffé, une invitation à faire avec vous â la cathédrale de Saint-Pierre
de Lifieux une vif te qu'ils ne termineront pas sans vous avoir remercié de
leur avoir préparé des heures si délicieufes.
Je vous prie d agréer, mon cher t^bbé. l affurance de mes sentiments
dévoués en TV. -5.
Bayeux, le 22 février Kjf/.
ARCHEVECHE
DE
PARIS
Paris, le 27 juin 191 j.
Cher Monsieur l'abbé,
J ai reçu hier les bonnes feuilles du bel ouvrage que
vous publieT^ sur la chère Cathédrale de Lisieux.
Dès que cet ouvrage a été annoncé, je me suis inscrit
parmi les souscripteurs. Je serai heureux de le posséder ^
de pouvoir ainsi mieux connaître l'histoire ^ les beautés de
cette Cathédrale de Saint-Pierre que je ne me lassais pas de
voir ^ d'admirer.
Jejoms mes bien sincères félicitations à celles que vous
avcT^ reçues de Monseigneur Lemonnier pour ce remarquable
travail, si merveilleusement illustré.
i^ceve:^, cher Monsieur l'abbé, l'assurance de mes
affectueux ^ dévoués sentiments,
/ oCot^ . ^^^ (^/l^^ ^-^^^>
J^ /azA/^a
UN MOT DE M. MAURICE BARRES
A L AUTEUR
Tandis que les envdhijj'ciirs s acharnent pour anéantir nos monuments çy'.
pis encore, notre efprit, il ejl jujle, beau, néceffaire, que ceux qui ne peuvent
combattre expliquent cy* glorifient l efprit de nos monuments, de notre terre
C^ de notre nation.
Dans la chaire, dans les livres, dans les journaux, dans la rue. il faut
que la penfée françaife s oppofe à la penfée allemande, avant-courrière des
armées germano-turco-bulgares .
Devant les soldats de la Germanie marchent une philofophie, une morale,
une ejlhétique. qui nous ont envahis depuis des années. SoycT^ félicité çy^ remer-
cié, M. le premier vicaire, d honorer y* d expliquer au fort de la bataille les
vieilles pierres de la cathédrale de Lifieux. l un de ces monuments qui. jaillis
du cœur de nos pères, expriment pour l'éternité nos efpérances çy nos forces.
C est le devoir de tous y' d abord des prêtres d aider les Français à com-
prendre (yr à aimer la valeur incompamble des églifes de France. J approuve
les amis qui ont empêché M. l abbé Hardy d ajourner jnfqn après la guerre
la publication de ce livre qu il avait commencé de préparer avant iqij. y'
je me réjouis que l écrivain çy les artifes aient trouvé dans M. Odend hal.
imprimeur d art. le plus digne metteur en œuvre.
Terriblement blcffé pendant la bataille de la Marne, M. Odend hal. qui
porte la médaille militaire ç^ la croix de guerre, veut continuer de servir la
Fmncc. Ses amis en / c} r ^ lui confcillcnt d abandonner son labeur y" l indus-
trie du Livre, mais lui. dans une penfée patriotique, voulut sur ce nouveau
champ d'action continuer sa lutte contre l envahifjeur. Il s ef donné pour
tâche d aider les éditeurs français à ravir aux Allemands leurs clients améri-
cains ^ anglais. ^ déjà ce sont les soufcriptions de nos alliés qui ont permis
la belle exécution du préfent ouvrage.
Les lecteurs apprendront avec une profonde sympathie qu en même temps
que l imprimeur de ce livre ejl un grand blejfé de la Marne, les collabora-
teurs ^ les artifles principaux de la partie illufhrée sont des mutilés ou des
mobilifés, ^ quant à ceux qui n ont plus l âge d être soldats, ils ont pris une
part active aux œuvres de la guerre.
M. Robert Salles vient d'être amputé de la jambe gauche. La plupart
de ses deffins que nous admirons ont été crayonnés sur un lit d hôpital. Le
docteur de Sapincourt. médecin chef d'hôpitaux militaires, efl revenu du front
pour caufe de maladie. M. L. Desportes ejl adminifhrateur de l'hôpital auxi-
liaire j^. MM. /^ Bigot, l'architecte Duroy. Geo Lefèvre. Pafquet. Pol
Pitt. Caron. le lieutenant Renault sont des mobilifés.
Quel témoignage, sur le cœur ç^ l intelligence de la France, qu un tel
livre, que de tels hommes! Nos héros groupés autour de la plus haute penfée
traditionnelle de la patrie.' Je ne m'étonne pas que les (américains aient déjà
voulu s ajfurer les plus beaux tirages de cette Cathédrale de Lijleux.
de l\Académit française.
AU LECTEUR
C ejl une belle œuvre que Sdint-Pierre de Lisieux, mais les siècles lut ont
donné un visage sévère. Les pierres de sa façade, ses arcs-houtants. ses tours
ont pris la couleur du brouillard (j;r du ciel d hiver. Depuis plus d un siècle,
les chanoines ont quitté les stalles du chœur (^r cejfé de réciter les prières de
la liturgie. Ne voyant que les rejles de son ancienne gloire, beaucoup de
Lexoviens ne comprennent plus guère la haute valeur ejlhétique de l édifice.
Parmi les visiteurs, d aucuns s étonnent que les araignées y puijfent ourdir en
paix leurs toiles épaijfes 0" envelopper, comme d une houjfe, piliers, arcatures
^ voûtes. D autres regrettent de voir la pouffière s'abattre sans trêve sur
r appui des fenêtres, sur les grilles des chapelles, les enfeux ou les vieilles
boiseries.
II
yoir une cathédmle. ce n efl pas seulement la tmyerfer en quelques
injlants. juger plm ou moins sé\èrement son entretien, surprendre l effort
dellructeur des révolutions politiques ou des révolutions de goût. Voir une
cdthédmle. ce n efl même pds déchiffrer attentivement sur Li pierre tombale
un nom effacé, admirer un chapiteau, un détail de sculpture, un effet imprévu
de lignes, se distntire un infiant des fantaisies d un imagier anonyme : mais
confidérer cette cathédmle comme un être vivant, rechercher son âge. la situer
dans sa lignée historique, la comparer avec les édifces similaires, laffemhler
les souvenirs qu elle évoque.
Par manie d histoire ç^r d archéologie, ayant longtemps fureté dans le
pàffé de la Cathédmle Saint-Pierre, ayant connu la joie de la regarder à
loisir, il nous a paru opportun de livrer au public quelques-unes des réflexions
quelle nous mspim dans ces flâneries répétées. Déjà en décembre /g/;, à la
Salle Patria. devant un auditoire ausf nombreux que sympathique, nous
avons eu l occafion d étudier les beautés architecturales de Saint-Pierre. La
conférence d hier, retouchée (j" notablement augmentée, efl devenue le livre
d auiourd hui.
Le présent tmvail n efl qu une simple esquijfe. C efl la condition néceffaire
dune monographie défnitive d exiger l effort de plujieurs génémtions. Rien
que pour pénétrer le secret des multiples documents dépofés aux t^yfrchives du
Calvados, il faudwit une existence entière... Souligner les problèmes soulevés
par la cathédmle au double point de vue historique (^ archéologique ; pré-
senter et discuter les textes qui concernent l histoire de sa confhuction :
mppclcr les pages les plus belles (^ les plus émouvantes de sa vie d autrefois :
telles furent nos préoccupations en écrivant cette modeste étude.
M. Lahayc a bien voulu rédiger la partie consacrée â la chapelle de la
Vierge. Le vifitcur. déjircux d être renfcigné sur le paffé de la cathédmle
Saint-Pierrc. trouvem toujours, dans le diflingué Secrétaire de la Société histo-
rique de Lisieux. un guide auff aimable que compétent.
M Etienne Devillc s efl charge d étudier les trop rares verrières échap-
pées aux facheujes rejlaumtions des xvn" et xvin" siècles.
m
tyfbfoliiment convaincu que le meilleur moyen de parler à l'esprit e(l
souvent de parler aux yeux, nous n avons rien négligé pour fleurir notre
texte d images très variées.
La documentation photographique n'utilise que des clichés harmonieux
^ irréprochables.
Les aquarelles, fufains. gouaches, lithographies qui égaient le volume
sont signés des meilleurs artistes normands. L'un d'eux nous écrivait récem-
ment : « L architecture de la cathédrale de Lisieux efl si riche qu'elle appau-
vrit les illustrateurs qui la reproduisent. /, Nous avons le ferme efpoir que le
public d'élite, auquel nous nous adrejfons. sera vite perfuadé du contraire.
Devant les beautés de Saint-Pierre. les âmes de nos coUabomteurs ont profon-
dément vibré. Leurs travaux révèlent la juste ffe de leur vision ^ la diverfté
de leur tempémment. Cette diverjité même nefi pas sans charme. Heureux
les artistes capables de fxer ainf dans une belle forme l émotion pieuse de
tant de générations qui. sans arrêt, vinrent prier dans la vieille Cathédrale !
Il est d ufage que les avant-propos s achèvent sur des remerciements.
J'éprouve un vif plaifir à suivre cette respeSîable tmdition. M. le doâieur
Coutan ^ M. Louis I^gnier ont revu les pages defcriptives avec une obli-
geance et un empreffement qu il m efl très agréable de reconnaître .
Comment oublierais-je M. Charles Puchot ^ M. R^my du Vivier qui
m ont gracieusement introduit dans leurs magnifqiies bibliothèques? M. l'abbé
Masselin, M. Sauvage, confervateur de la Bibliothèque municipale de Caen,
M. G. Huard, élève de l école des Chartes, M. Moisy, préfident de la Société
historique de Lifteux. nous ont présenté de judicieuses obfervations sur l àgt de
la cathédrale ^ les textes qui intéreffent son passé.
Mon ami M. Boutey, M. (JÎlbert Vuaflart. direâleur de la Bibliothèque
d'tArt et d\Archéologie à Paris, MM. Montasfier ^ Odendhal, directeurs
de la célèbre imprimerie FraT^ier-Soye. ont secondé avec autant d affabilité
que de compétence nos efforts pour donner à ce livre une ordonnance <(^ une
présentation vraiment artistiques.
IV
M. fJlndré Mdrty. dont les procédés de reprodutlion sdisiffent si fidèlement
les demi-teintes, nous a procuré une incompamble série de phototypies dont
les connaiffeurs apprécieront la smcérité ^ la. valeur documentaire.
(Jl tous ceux oui me prêtèrent leur concours bienveillant (jr dévoué
i adreffe l expreffion de ma profonde gmtitude.
Je me reprocherais enfin de ne pas reconnaître la part lointaine çy- cepen-
dant décisive qui revient, dans ce travail, à mon oncle M. l abbé V . Barbot (^
à M. le chanoine Dubosq. supérieur du Gmnd Séminaire de Bayeiix. qui. au
seuil de la jeuneffe. m initièrent l un (jr loutre à la science archéologique.
Lifieux. le 2^ décembre iyi(>.
l'I. 2
PL
^=* ■'^^:^ -?^?=.v^ ^
V auteur du beau livre que le lec-
teur \\i parcourir rejfetnble aux clercs
que Puvisde Chavannes
C^ Jean-Paul Laurens
ont peints: il a leurs
traits afcétiques (jr ^^-
cueillis: son visage pa-
raîtrait sévère s il n é-
tait. à l ordinaire, éclairé
d un large sourire : à travers ses yeux
on devine l anie des bâtiffeurs de ca-
thédrales. Comme la leur, sa piété ejl
entreprenante : comme eux. il ejlime
que rien n eji trop riche ni trop
précieux pour la gloire du Chrifl
(^ des Saints. Ne pouvant,
pour de bonnes raifons. songer
à élever un temple, il a voulu
VI
faire un livre qui rdcontermt la vj^e c2^ séyere églife où. jeune prêtre, il j
connu ses plus graves (j;r ses plus chères émotions.
ty4\ec un défntêrejfenient dbfolu. il souhaitait seulement que son livre fut
une œuvre belle, deflinée à un petit nombre. Mais, ayant rencontré un Je
ces maîtres dont le talent rappelle celui des grands imprimeurs de la I{e-
naissance. cefl un véritable objet d art. digne des Plantm-Moretus. que
M. l abbé Hardy a vu sortir des prejfes de la maifon FraT^ier-Soye.
Son étude de la cathédrale Saint-Pierre de Lifieux s ejl faite lentement, au
cours des longues heures pajfées sous les hautes voûtes. Chaque pilier, chaque
ogive, chaque détail lui ejl familier. Il a vu. au cours des années, le soleil pro-
mener sur chaque dalle l ombre enluminée des vitraux ç^, sans effort, il a pu
décrire son églife. ayant vécu dans ses murs comme ceux qui les ont élevés.
L ouvrage de M. l abbé Hardy, conçu dans un calme claufhal. a été
exécuté durant les jours tragiques. Il préparait l impreffion de la " Cathédrale
de Lifieux ,/ pendant que la cathédrale de R^eims. incendiée par les Huns res-
sufcités. fumait encore (j^ son livre voit le jour pendant que. sur le vieil
occident, l aube éclaire chaque fois des morts (^ des ruines nouvelles.
Efl-d inopportun, en ces temps où un délire de cruauté secoue le monde,
d évoquer la période lointaine oii. dans une éclaircie de paix, la France se
couvrit d un blanc manteau d églifes r Non. certainement.
Elles paraijfent si grandes, aujourd hiii. celles dont les voûtes eventrecs
par les obus laijfent voir le ciel mfni: leurs tours écroulées font un gejle de
protejiation si tragique, semblables au moignon sanglant du mutilé que l agres-
seur frappe encore.' Celles qui rejlent intactes ne sont que plus précieufes.
Il ejl temps de les préferver. d en conserver l image, d en apprendre l hijloire
obfcure (^^ de l enfcigner à ceux qui. prés délies, ont pajfé trop indifférents.
Le livre de l abbé Hardy arrive à son heure.
Il a voulu prendre ses collaborateurs parmi ceux qui vivent autour de lui:
quelques-uns ont un nom qui honore leur petite patrie: d autres, plus mo-
destes, n avaient pas prévu l importance (j;r le luxe de l œuvre rêvée par leur
savant vicaire.
En particulier, il lui eut été facile, parmi les hijloriens ç^ les archéologues
de Normandie sans aller même bien loin de sa demeure de trouver des
savants (^ des lettrés qui eujfent pris grand plaisir à signer la préface de
VII
ff La. Cdthédrdle de Sdint-Pierre de Lisieiix ». // s'efl montré bien téméraire
en tenant à ce au elle soit écrite par un ignoré jujlifiant de tous les titres du
monde pour le demeurer toujours.
L'auteur a penfé que des collaborateurs nés ou vivant près des grandes
tours de Saint-Pierre (j^ comprenant son aujlère beauté compoferaient à la
belle cathédrale un hymne ayant un accent local dont les dijfonances pour-
raient se réfoudre en une harmonie originale (j^ satiffaifante. M. Maurice
Barrés n a-t-il pas dit : " Les églifes sont la voix, le chant de notre terre,
une voix sortie du sol où elles s appuient, u
Il efl certaines villes de France où l on se sent plus près du pajfé. Lisieux
ejl de celles-là. Certains jours, ou plutôt certaines nuits claires, cjuand les
taches apportées par les temps modernes s ejîompent ou s effacent, il ejl facile
de s'y croire aux temps moyennâgeux. Comment ne pas songer à nos lointains
ancêtres en frôlant leurs demeures, en voyant les silhouettes tourmentées de
leurs toits, les ruelles où ils circulaient, les perfpectives familières que le temps
a refpectées.
C efl une des curiofités inflinctives, mais, hélas ! jamais satiffaites. que de
connaître l intime penfée de ceux qui. aux premiers temps de l occupation
normande, vivaient sur le coin de terre où nous habitons : de ceux qui ont vu
la cité nouvelle s élever sur les ruines de l oppidum gallo-romain qu ils avaient
saccagé. Comment la race de ces conquérants barbares s est-elle fondue dans le
sang vieilli des anciens habitants r'
Les documents écrits sur ces époques reculées n exiflent pas. nous sommes
réduits à confulter les pierres pour nous inflruire. En les interrogeant, on leur
trouve un langage. Elles portent, comme nous, leur acte de naiffance. leur âge,
leurs rides. Elles parlent. Leur agencement raconte un peu leurs aventures.
C efl avec elles que nous avons maintes fois converfé 0^ c est à travers
leurs signes que nom avons cherché, en ne nous diffimulant pas le rifque de
multiples erreurs, quelques renfeignements sur les tranfformations de notre
petit pays.
<iA travers la ville d aujourd hui l'obfervateur retrouve, sans trop d eff^ort.
l antique cité. Le tracé de son enceinte se devine grâce aux subfhuâlions qui
affleurent le sol ou se rencontrent encore dans les caves.
VIII
Ici, le pTittorium, trdufformé plus tard en forterejfe Cr en Lifli<jne
roninne, formait le coté nord tout entier de la ville: à left. la muraille sui-
vait une ligne tracée entre notre boulevard C^ la rue de la Paix: au midi,
elle defcendait entre la rue d Ouville ç^t- le boulevard, jusqu au canal.
Le quatrième coté du quadrilatère suivait la rive droite du cours dcau:
il allait ensuite rejoindre le palais du préteur, à l endroit ou nous voyons
encore, sous la tour Sud de la cathédrale, un fragment de cette conjhruâion
en petit appareil.
C efl dans ce cadre étroit, qui pouvait contenir au plus ^<>n maifons
cy^ 2.^<)<> à ■;.<><><> habitants, que l éveque t^^rnoul. entre les années / / / 2 c^
I I j ^. entreprit de rebâtir le palais à demi dévaflé de ses prédecejfeurs
ç^ d édifier, sur l emplacement agrandi des églises antérieures, le magnifique
monument objet de ce livre.
M. l abbé Hardy a écrit, en traits rapides, l hifloire du grand évéque qui
illufira Lisieux. la Normandie C^ la France. Il fut un de ces hommes qui
sont comme l ojfature de la société de leur temps. On ne pourrait trouver de
phyfonomie plus expreffive pour synthétiser l Eveque dans le haut moyen âge.
Tantôt confeiller des rois, tantôt perfécuté par eux. il devient le banquier des
uns après avoir été dépouillé par les autres. Il efl conflamment mêlé à leurs
entreprifes. à leurs succès, à leurs querelles, quand il n eji pas occupé à célé-
brer leur mariage.
t-Appelé maintes fois à R^me par chacun des huit papes qui ont régné
wiis son épifcopat. il rend à l un deux cjT à l Eglife un service qui suffirait
à la gloire de son nom : il rallie les rois de France (y- d r 4ngleterre au pape
(.Alexandre Cr parvient, par là même, à évincer l anti-papc Victor.
Sa vie cependant s achève trificmcnt. dans la perfécution y- la douleur.
Quelle a pu être son influence sur les Lexoviens de cette époque."
Imagine2^qu auiourd hui même, dans une ville de "i.ono habitants, le sou-
verain séjourne durant de longues années. Il y efl mêlé à tous les grands
événements qui agitent l Europe : il y reçoit les princes les plus puissants,
les éveques. les abbés les plus renommés: une activité intenfe règne autour
de lui. Le peuple, ejfcntiellement pieux (jr myflique. sur lequel s exerce sa
double autorité de pontife C^ de comte, n a pu suivre qu avec une paffion
intcnfc 0' filiale ses succès, ses préoccupations, ses déboires. Il efl certain que
IX
la vie économique de la région en d été tranfformée ^ que [activité intellec-
tuelle de notre ville s en ejl développée.
Nous envifdgenons peut-être toutes ces viciffitudes avec lefprit frondeur
que nous nous sommes façonné. Mais l'âme du xu' siècle efl plus grave-
elle est imprégnée dune foi refpectueufe C^ profonde: elle vit conftamment
sou^s l œd de Dieu. Les devoirs religieux priment tous les autres, il n ejl
pas de joies plus vives que celles de la piété: il nefl pas de fête qui ne soit
celle du culte. L Eglife dirige le monde occidental d une main puijfante.
souveraine : elle a porté partout, dans l organifation, son efprit d ordre, sa
difcipline. sa hiérarchie, comme elle a impofé ses dogmes dans les consciences.
Elle n'empêche pas nos aïeux de compter nombre de paillards rebelles ^ de
pécheurs endurcis. Grands (^ petits sont loin d être policés. i(sr les vices
inhérents à la nature humaine se manifejient avec une violence avérée.
L Eglife parvient cependant à toucher même les révoltés, ^ c e/? une erreur
grave de croire que le peuple supportait mal la domination eccléfiastique.
L' Eglife n'était pas oppreffive : elle se sentait forte, elle se montrait indul-
gente. Quand on voit son œuvre bienfaifante, éducatrice. dans les premiers
siècles de la société féodale, on comprend qu elle ait rallié la foule des faibles,
excité leur confance ^ leur foi.
Pour nos pères, la conflruction de la cathédrale Saint-Pierre fut un évé-
nement confidérable qui les tint en haleine pendant quarante ans. peut-être
pendant soixante.
Les textes qui pourraient nom enfeigner leur état d efprit sont rares:
Ihijloire intime de ces temps s ejl écrite par induction. Les grands travaux de
cette période n ont pu s exécuter, avec l enfemble ^ la perfévérance qui
étaient indifpen fables, sans une exaltation extraordinaire du sentiment religieux.
fJl notre époque nous retrouvons cet enthoufiafme dans les grands pèlerinages,
comme ceux de Lourdes: mais il ne dure que quelques jours, alors qu il a
soutenu, pendant près d un siècle, les conflructeurs de nos grandes bajiliques.
Voici un document curieux qui nous apprend comment on travaillait à
l édif cation des cathédrales. Cef une lettre de Haimon, abbé de Saint-Pierre-
sur-Dives. petite ville du diocèfe de Lifieux. Ce document écrit entre i i ^o
(^ I j ^o. par conféquent au moment où Ion entreprend les travaux de
Saint-Pierre. laijfe entendre que. tour à tour, les députations des paroijfes
environnantes cy' même lointaines viennent contribuer à l'œuvre. On a choifi
la période où les récoltes ne retiennent pas au logis, çy-. comme il s agit d un
acte pieux auauel sont attribués de célefles faveurs, chacun veut y contribuer.
tÂuff le convoi entraine-t-il toute la famille ; vieux 0^ jeunes, valides <yr
malades. On circule en cortège, trompettes (^ bannières en tête, dans les chars
primitifs aux roues de bois, à travers les chemins peu praticables de notre
région accidentée.
Haimon. écrit : " Quand le convoi s'arrête en chemin, on n'entend pas
'f autre chofe que 1 aveu des fautes et la demande suppliante du pardon
" faite à Dieu.
"' Là, à la prédication de la paix, les haines s apaifent. la difcorde ceffe.
'' les dettes sont remifes et 1 unité des cœurs rétablie. Si cjuelqu un eft
'f affez endurci pour ne pas pardonner à celui qui lui a fait tort, ou pour
ff ne pas obéir aux pieux avertifTements des prêtres du Chrifl. auflitôt son
*' offrande eft rejetée du char comme impure et lui-mcmc cfl: séparé, avec
" iirande honte, de la société des vrais fidèles.
" Là. à la prière des fidèles, on voit des malades, des infirmes se lever
*' du char sur lequel ils avaient été couchés; on voit des muets ouvrir leurs
" lèvres et louer Dieu et des poffédés s apaifer.
" On voit des prêtres, prépofés à chacun des chars, exhorter à la péni-
" tence, à la confefîion. aux cris de repentir, au ferme propos. On voit
" des fidèles de tout âge proflernés à terre, invoquer la mère de Dieu et
" faire entendre ses louanges.
f Mais les trompettes retentiffent. les bannières sont hiffées et portées
'f en tête du cortège. Le peuple fidèle reprend sa marche et avec une telle
" vivacité que rien ne le retarde, ni les chemins des montagnes, ni l.i profon-
" dcur des gués...
" On arrive à l'églile en conftruction. Autour d clic, on dilpofc les
" chars, comme un campement des ouvriers de Dieu et. toute la nuit sui-
" vante, une veillée religieufe a lieu, confacrée aux hvmnes et aux cantiques.
" Alors chaque char cft éclairé de cierges et de torches. Sur chaque
" char sont placés des malades et des infirmes pour le soulagement desquels
'-' on apporte les reliques des saints.
" Les prêtres et les clercs font des proccffions solennelles, suivis d'un
XI
« peuple recueilli, et tous implorent la miiéricorde de Dieu et de Notre-
•'< Dame pour la guénfon de leurs frères. //
Rjen ne permet de croire que ce tableau n efl pas exact ^ sincère : la
yivacité de ses traits nous fait mesurer la puijfance du levier myjlérieux ^
divin qui a lancé dans les airs les voûtes (^ les flèches de nos cathédrales.
t quels travaux employait-on la foule exaltée qui venait en aide aux
maîtres de l œuvrer En général, ces ouvriers volontaires travaillaient comme
manœuvres . Les déblaiements, le nivellement, les fouilles des fondations furent
confdérables à Lifeux. où l immense églife ejl confruite sur le fane de la
colline. L'extraction des matériaux fut une tâche qui impofa de rudes fatigues.
Les carrières de Saint-Hippolyte d où on les a tirés, étaient à 9 kilomètres
du chantier 0^ leurs galeries repréfentent un vafe réfeau dont il ejl diffcile
aujourd hui de reconnaître les détours. C ef une montagne de pierres qui en
sortit (^ que l on tranfporta avec des moyens rudimentaires.
Les ouvriers de métier étaient en petit nombre. Les tailleurs de pierre
habiles <(sr les charpentiers y dominaient. Saint-Pierre n offrant que peu de
sculptures, on n employa que peu d artijles pour orner ses vafles nefs.
La cathédrale d'Arnoul efl reflée intacte depuis près de sept siècles. Les
succeffeurs du grand éveqiie y ajoutèrent diverfes parties sans troubler la con-
ception primitive de l'œuvre. Celui qui conflate cette rare confervation éprouve
le regret infni de ne pouvoir accoler le nom de l architecte qui a conçu le
plan de la bafilique au nom du prélat qui en a infpiré (jr surveillé l'exécution.
Toutefois, il faut penfer que l artifte a goûté une joie que ne connut pas
l évéque. son projet a été si scrupuleufement refpecté qu'il devait être là pour
en diriger les travaux jusqu'à leur achèvement. Peu de ses rivaux connurent
une telle satiffaction.
Le critérium de la beauté c efl la durée de son influence. L architecture
ogivale françaife (^r normande, pendant près de quatre cents ans, infpira
toutes les branches de l'art dans le monde occidental. Si, pendant un certain
nombre d'années, le déflr de céder à un goût nouveau préoccupa les artifles,
leurs œuvres n'eurent qu un succès fugitif Cr pour toujours endormi. L admi-
ration du peuple refla toujours fidèle à Parchitecture du moyen âge parce
qu elle était faite pour le peuple.
Le culte du paffé nous efl revenu : c'efl un grand bien puifque c efl un
XII
dctc de lujlice. Ceux qui méprifdient. du siècle dernier, le style de nos cjthé-
drdles tendient en médiocre eflime les hommes (jr les idées qui l dvdient fdit
fleurir. ^Au point de vue hiflorique (^ philosophique ils se trompdient.
tAujOurdhui. pdrmi les drchéologues cy^ les hifloriens. ceux qui sont peu
enclins d Id myflique reconndijfent les immenfes services rendus pdr l Eglife
d l hunidnité : les dutres ne pdffent jdmdis sdns émotion devant les monu-
ments modefles ou superbes ddns lesquels des générdtions sdns nombre sont
venues pour prier ddns les Idrmes ou ddns Id joie. ^Auprès de ces témoins de
pierre, que les épdules ou les genoux ont polis, il ejl impoffible de ne pds
songer à Id vdnité des chofes. â Lt p.tuvretc dune organifdtion sdns idcdl. d
Id confoldtion infinie que le Chrifl dpporte d ceux qui souffrent, '^'luff.
nous dimons nos cdthédrdles. non seulement pour l impreffonndnte splendeur
de leur forme, nidis encore pour Lt divine leçon de mordle qu elles profeffent.
Tous ceux qui ont colldboré du livre de M. l dbbé Hdrdy sont de cet
dvis. Ce sont ces sentiments qui ont guidé l hdbile crdyon de R^obcrt Sdlles.
lexovien d origine (^ l un de nos meilleurs peintres normduds. chcT^ qui le
défir d être exdct (2^ sincère ne pdrdlyfe pds les belles qudlités d inuigindtion.
Ld cdthédrdle qui Id vu iiditre lui durd fourni prétexte d une série de ses
plus heureufcs comportions.
L dmour des choses dncicnncs cfl une vieille pdffion chc^ l excellent
peintre CJT" deffuidteur. M. Léon Le Clerc, le crédteur du niufee du Vieux
Honfleur. le collectionneur dvifé des objets d drt popuLiirc. Lui duffi d rodé
penddnt de longues heures dutour de ld cdthédrdle de Lifieux. compdrdiit sd
hdute nidjfe d ld flne élégdnce de Sdinte-Cdtherinc. chef-d œuvre des chdr-
pen tiers hon fleurais du xv" siècle.
Prés de lui. épris des mêmes bcdutés. M. f{.tymond Bigot, le robujlc
sculpteur defcenddnt des huchiers qui furent ld gloire de notre région, d
voulu trdcer pour Sdint-Pierre quelques notes où ses hiboux préférés profilent
leur nocturne silhouette.
M. Géo Lefèvre cfl son émule. M. Pdtoii fut leur profeffcur. Il fut
duffi celui du jeune Contel qui d trouvé le rdre bonheur d être origuidl d
2i> dns! Ongnidl et puijfdnt duffi. M. Gernc;^ qui. très moderne, d regdrdé
dvec rdifon (^ succès, nos vieux grdveurs sur bois. D dutrcs. pleins de tdlent
(^ de notoriété, sont devenus des colldbordteurs de M l Idrdy pdrcc que
XIII
Lifieux exerça sur eux son invindhle attraction, tels : MM. Balande, Duroy,
Jouvenot. Des modefies, comme M. Boutey. M"" Defbordes ^ Caron,
comme la religieufe-infîrmière qui trouve le temps de peindre en soignant les
bleffés de l hôpital i^. ont dû céder auffi aux demandes preJJ'antes de l'auteur
^ confentir à ce qu il publie dans son ouvrage luxueux des œuvres qui ne
lui étaient pas deflinées. MM. Pafquet ^ Pol Pitt, petits- fis des artifles
qui stigmatifèrent sur les modillons de nos cathédrales les ridicules de tous
les temps, ont laijfé leur satirique crayon pour ajouter une page pleine
d art au livre de leur abbé. De plus loin qu eux encore efl venu le D' de
Sapincourt dont les deffins seront remarqués dans l œuvre commune ; en effet,
pour les exécuter, il quitta, quelques heures, la salle de panfements et la table
d opération où il soignait les blejfés de la grande guerre.
Les autres collaborateurs de M. l'abbé Hardy ont entendu rendre égale-
ment hommage à la beauté de l'églife : ils en ont vu, comme les peintres, les
lignes superbes, sa couleur toujours changeante, toujours émouvante, mais
avec la forme extérieure de l œuvre gothique — nous devons dire plus exacte-
ment françaife — ils ont confidéré le séjour de prière i(j^ de charité, l'école du
devoir ç^ du sacrifce qu'abritent les murailles archi-centenaires . On peut le
dire de M. Lahaye. pour qui la cathédrale semble une seconde demeure qu'il
surveille C^ défend avec des soins d'héritier. On peut le dire de M. Etienne
Deville qui, ayant vécu de longues années au milieu d'objets ddrt sans prix,
revenu dans la terre natale, se plaît à décrire ce que le génie a fait de plus
riche ^ de plus beau.
Chacun d'eux a. le droit d'être félicité; mais peut-être ont-ils savouré
mieux que les louanges la joie d'avoir contribué à l œuvre de M. l'abbé Hardy.
Pour lui, auteur à la fois modefle (j^ magnifque de la cathédrale lexo-
vienne. il s efl ajfuré, je le lui affrme, la reconnaijfance très profonde de ses
concitoyens. C ejl peu (^ c efl beaucoup. L'augufle verbe : « In propria
venit // ne lui sera pas appliqué.
D autres éloges lui sont venus de plus haut : les félicitations qui fgurent
en tète de ce beau livre ^ que lui adreffent le grand cardinal (^ le saint
évéque, succeffeurs d'tÂrnoul, celles de l illufîre écrivain qui a signé '-' La
grande pitié des Eglifes de France ». la lettre flatteufe de M. C. Enlart,
qui le félicite très vivement d avoir mené à bien, en pleine guerre, une
XIV
publication qui semble devoir faire tant d honneur à l érudition çy^ à l édition
françaifes : celle de M. i^ de Lafleyrie, membre de l Injlitut. qui l ajfiire de
la reconndijfance de tous les amis de nos \ieux monuments, ont récotnpenfé
de son labeur M. l abbé Hardy.
Mais les confidents de sa penfée sa\ent pourtant qu il n a ni cherché, ni
•voulu ce succès. Il na ré\é. en décrivant l oeuvre des grands ;;y^ lointains
devanciers, que d ajouter, en quelques p^gcs. un gejle filial ç^ pieux au
grand ge^e d adoration qu ont fait, au Dieu crucifé. les bàtijfeurs de Saint-
Pierre-de-Lifeux.
Lifieux, Octobre n)/j.
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C-iivi.c i^/tvialiiC-i.
VUE EXTÉRIEURE DE LA CATHÉDRALE SAINT-PIERRE (Lithographie daprès Chapuy).
INTRODUCTION
ASPECT GÉNÉRAL DE LA CATHÉDRALE
SES HISTORIENS
OINT D'ORNEMENTS savamment ouvragés, point de contreforts
aux fines dentelures, aucune recherche, aucune exubérance
dans les formes, mais à l'extérieur des tours maffives et
robuftes. une abfide géométrique, des feneftrages sévères
et sobres, un caractère de gravité méditative qui cadre
admirablement avec le tempérament normand; à Tintérieur des lignes stables
où le regard s'arrête avec plaifir; d'un bout à l'autre une réferve, une simpli-
cité harmonieuse qui vous pénètrent, vous enveloppent dès le premier
contact : telle eft dans son enfemble la cathédrale Saint-Pierre de Lifieux.
Il serait téméraire d'affirmer que la cathédrale lexovienne est de toutes
les églifes normandes celle qui a le plus de vigueur, de goût épuré et de
caractère. La cathédrale de Rouen, en dépit de quelques inégalités, préfente
une silhouette plus variée et plus séduifante, des sculptures plus somptueuses.
Elle intérefle davantage les peintres et les sculpteurs. Saint-Pierre de Lifieux
2 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
intéreiTe plutôt les architectes et les admirateurs de la sobre pureté des lignes
encore chargées d'archaifme. Autant la nef de Notre-Dame de Baveux est
riante et gaie, autant celle de Lifieux semble sévère, grave, prefque rigide
dans sa majcftueuse unité. Sans être la plus savante et la plus riche des
églifes de la province, la cathédrale Saint-Pierre compte cependant parmi
les plus attiques et les plus attachantes. Après l'avoir vifitée avec une érudite
curiofité. un maître comme Viollet-Ie-Duc pouvait dire : " Savez-vous qu à
Lifieux vous polTédez lune des cathédrales les plus précieufes pour l'hiftoire
de larchitccture du moyen âge. // L élève préféré du grand gothifant. M. de
Baudot, dans son magiftral ouvrage sur la Sculpture fntnçjise. n a pas été
moins cnthoufiaftc : '^ Pour suivre le mouvement du style de tranfition. il
faut, écrit-il. étudier Lifieux . //
Etudier Lifieux. Chaque année, à la belle saison, de nombreux touristes,
des architectes diftingués. des archéologues de tous pays viennent interroger les
vieilles pierres, leur demander leur âge et leurs antécédents hifloriques. Et
nombreux sont ceux qui. après avoir exploré la vie organique et puilTante de
la vieille cathédrale, s efforcent d en souligner la valeur effhétique.
A cet égard les archéologues d Angleterre méritent une mention spéciale.
Détail piquant, le tounfte amateur de gravures vraiment originales et
vivantes doit s ad relier à quelque librairie anglaife, le chercheur avide de
rcconftituer 1 afpect revêtu par la cathédrale aux divcrles périodes de sa
loniiue hiftoire, doit de toute néceffité ouvrir les études de Cotman. du
Carel. Galli-Knight. Turner. Taylor s et John Ruskin '.
Bien que les écrivains américains aient peu étudié les églifes normandes,
lun d eux Porter s. dans son livre sur 1 architecture du moyen âge. a con-
1. De Baudot : Lj Sciilplure frjii^jise ju Moyen fAge et j b H^tuissjnce. p. id.
2. Voir la Biblioi^rapliic à la fin du volume.
" EgliTe cathédrale Saint-Pierre, tlic reconftruction was bcgun in 1051». but which wis dcf-
troyed in 1 i ■;!< bv a fire. Sonie débris is prefervcd in thc prcfent édifice, commcnccd by Bishop
Arnoult. Wlicn the bishop died in 1 iSi . thc nave, thc iwo arms of thc tranfept, the lantern and
a large part of thc nuin façade had bccn conAructed and the church was entircly finished whcn his
succciïor, Jourdain de Homnicl. dicd 111 1 : 1 S. Eit;ht vcars aher thc édifice wat d.im.igcd bv firc.
Thc nccciTary rcilorations were carricd out bv William of Pont-dc-l' Arche, who at thc samc timc
iindcrtook olher works of cmbellishment. notably the conrtruction of the two latéral chapels of
the chevet. It was pcrhaps this same bishop who crectcd thc western towers, of which however
onlv the Northern survives, the Southern, as is known from an. * —^ Porter t Mcdieyjl ofrchitecture.
INTRODUCTION
facré à la cathédrale de Lifieux les lignes suivantes : <'< La reconftruction de
l'églife cathédrale Saint-Pierre a été commencée en 1050, mais elle fut
endommagée en 11 36 par un incendie. Quelques débris ont été confervés
dans 1 édifice actuel commencé par 1 évèque Arnoul. A la mort du prélat,
en 1181, la nef, les deux bras du tranfept, la lanterne et une grande partie
de la façade principale étaient achevés. L'églife était complètement finie en
I!2l8, à la mort de Jourdain du Hommet, lun des succefleurs d'Arnoul.
Huit ans plus tard lédifice était
ruiné par le feu. Les reftau-
rations néceffaires étaient faites
par Guillaume du Pont-de-
l'Arche qui. à la même époque,
avait entrepris d autres travaux
d embelliffement . principale-
ment la conftruction de deux
chapelles latérales du chevet.
Le même évèque a peut-être
édifié les tours occidentales.
La tour du Sud, comme l'in-
dique une ancienne infcription,
fut rebâtie en 1379. Les cha-
pelles qui bordent la nef et la
chapelle de la Vierge appar-
tiennent au xv^ siècle. »
AfTurément les Anglais et
les Américains n ont pas été
seuls à explorer les beautés de notre cathédrale. Avant Viollet-le-Duc. avant
M. de Baudot, déjà cités lun et l'autre, il se trouva dans Lifieux même un
architecte patient et laborieux qui entreprit de révéler à ses contemporains
la suprême perfection et les richefles ignorées des églifes gothiques en général
et de Saint-Pierre en particulier. Ce fut larchitecte Piel (fig. t). Non
content de se pencher affectueusement sur la vieille cathédrale pour la bien
comprendre, dans ses chroniques d art il eflaie de faire partager à sa génération
un peu de lexaltation sereine qui rayonne du refpectable édifice. Au retour
Fig.
Alexandre Piel.
4 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
d'un long voyage en Allemagne. Piel conftate avec une vive satiffaction que
les cathédrales d outre-Rhin sont pofténeures aux nôtres et sont loin d être
auiTi mefurées et aufll exprefUves. Longtemps avant Emile Mâle. 1 artifte
lexovien avait obfervé cjue les Allemands n ont pas le tact exquis des races
supérieures, linftinct infaillible du moment où il faut s'arrêter. Et il en pro-
fite pour oppofer la difcrète ornementation de Saint-Pierre aux décorations
heurtées des églifes de Munich et de Wurtzbourg'.
A côté de Piel. dont les notes sur la cathédrale sont trop brèves '. il con-
vient de citer M. labbé Farolet. Ce prêtre cultivé, amateur éclairé des chofes
d art. dcHervait la paroifTe Saint-Pierre en I1S40, au moment où 1 églife
fut claiTée monument hiftonque. M. 1 abbé Farolet " savait son églife par
cœur //. Plein d attention pour elle, son zèle sacerdotal souffrait de la voir
pauvre, dénuée, vide du mobilier qui lui fit jadis une si gracieufe parure.
D ordinaire, la moindre démarche près des autorités coûtait beaucoup à sa
timidité naturelle, mais quand il s agiffait de sa chère cathédrale, il se décou-
vrait une bravoure à toute épreuve. Au moment du clafTement. M. Farolet
publia un aperçu hiftonque et un difcours de la plus grande utilité à tous
ceux qui voudront étudier la cathédrale avec attention et exactitude'.
Parmi les meilleurs hiftoriens de Saint-Pierre il faut également indiquer
M. H. de Formeville''. Son étude sur 1 ancien évèché-comté de Lifieux la
fréquemment amené à parler de la cathédrale et de sa vie paffée. Le dépouil-
lement méthodique de nombreuses chartes échappées au pillage révolution-
naire et dépofées aux archives du Calvados, ses relations avec les témoins
de la splendeur d avant 1 yN»). lui ont permis décrire des paires très pré-
cieufes. surtout au point de vue anecdotique. Si la documentation des ouvrages
de M. de Formeville ne laiffe guère à délirer, leur rédaction est trop touffue
et trop embarraffée. L insuffifance de la table rend ses volumes difficilement
consultables.
1. Voy. ï\e\\(\u\x, dans Tcyssicr. Notice biogrjphitjue sur L.-tA. PieL Paris, 1843,
in-S. p. 1 •^7 et siiiv.
2. Alexandre Piel : Miscelbnccs, Lisieux. iSob, in-S, p. 1 00 à lO'^.
3. M. Farolet : Difcours et Notes sur l'ancienne Cjthcdrjle de Lifieux, Lifieux, 1S40,
in-8" de •Î2 paj^cs.
.j. U. de Formeville : Hifloire de l'jncien È\échè de Lifieux. Lifieux, 1S7;. 2 vol. in-8'\
; ■
PI. 6
Dessin de M. Duroy, architecte ï Caen.
LA CATHÉDRALE SAINT-PIERRE ET L'ÉGLISE SAINT-GERMAIN
INTRODUCTION 5
M. Arthème Pannier, dans de nombreux articles parus dans le journal
Le Normand, de 1867 à 1870, a succeiTivement examiné, en archéologue,
les parties principales de l'églife Saint-Pierre et afligné à chacune d'elles une
date parfois conteftable. Le style de M. Pannier eft attrayant, quoique un
peu diffus. L avocat qu'il était n a peut-être pas suffifamment oublié ses
artifices de rhétorique en plaidant devant le public lexovien la caufe de la
cathédrale. En définitive. M. Charles Vaffeur a été le premier à traiter le
sujet d'une façon enfin digne de lui. Familier avec les vieilles écritures, sachant
regarder et pénétrer les formes architecturales, il a publié, en 1881, une
étude de premier ordre dont les hiftoriens de la cathédrale seront déformais
tributaires. C'est un simple avant-projet, un croquis, mais combien confcien-
cieux et fidèle '. Ce travail déjà très fouillé doit être complété par la brève
defcription insérée par M. de Caumont dans sa Statistique momimentdle du
Cdhddos'. ^'' Je travaille, difait-il, pour ceux qui ne savent rien, pour ceux
qui n'ont pas épelé dans les grands livres. »
M. Louis Serbat ' secrétaire général de la Société françaife d'Archéologie
et chroniqueur du Bulletin Monumental, travaille au contraire pour les
érudits et les savants. M. Serbat ne s est pas contenté de vifiter à la hâte
Saint-Pierre de Lifieux ; il y est revenu plufieurs fois. Le mémoire qu'il a
rédigé pour les membres du Congrès archéologique tenu à Caen, en 1908,
doit être signalé comme un modèle de defcription raifonnée et scientifique.
Avec un sens critique remarquable, fauteur a su réfoudre des problèmes
délicats soulevés par les remaniements succeflifs subis par la cathédrale à
travers les phafes de sa longue deftinée. Son travail n'a qu un seul défaut :
celui de n'être point acceflible au grand public. Il faut du courage et de la
perfévérance pour s engager dans ce dédale de réflexions toutes hénffées de
termes abftraits et techniques. D'une lecture extrêmement aride, l'étude
archéologique de M. Serbat offre une remarquable précifion documentaire.
La voie lui avait été ouverte par M. E. Lambin, le baron de Béthune et l'abbé
Marie, ancien vicaire de Saint-Jacques de Lifieux. Le premier de ces érudits
1 . Ch. VafTeur : Etudes hifioriques et archéologiques sur la Cathédrale de Lifieux, Caen,
Le Blanc-Hardel, 1881, in-8" de 8^ P^g^s.
2. Statijlique monumentale du Cahados, t. V, Caen, 1807, pp. 200-23Q.
3. Congrès archéologique de iqo8, t. I, pp. 300-318.
h SAINT-PIERRE DE LISIEUX
glide très rapidement sur la defcription architecturale, mais s attarde plus lon-
guement sur la grammaire ornementale. Avec une compétence indifcutable.
il dcfigne par leur nom les feuilles ou les fruits que la mam des sculpteurs
gothicjues accrocha aux chapiteaux des pihers ou aux tympans des portails'.
Le baron de Béthune. un archéologue belge, dans le Bulletin Je Id Gilde
de Sdint-Thonus et de Saint-Luc. a entrepris, en i^W). une defcription
archéologique de la cathédrale lexovienne remplie de remarques judicieufes '.
M. 1 abbé Marie, dans la 'Normandie Monumentale . a réfumé la plupart
des travaux précédents, non sans y mêler quelques réflexions originales. Son
efquiffe se lit avec autant d intérêt que de plailir. mais elle eft incomplète,
faute d études préliminaires approfondies. C est 1 œuvre d un lettré qui. pour
ne pas compliquer les difficultés de sa tache, s est fié aveuglément aux docu-
ments de seconde main'.
Enfin, nous aurions mauvaife grâce à ne point rappeler que les membres
des deux groupements locaux : " Le Vieux Lifieux // et '' La Société Hifto-
riquc de Ldieux // ne cefTcnt de rechercher, de conferver et d interpréter les
souvenirs qui mtéreffent la cathédrale Saint-Pierre. Tous les archéologues,
architectes, hiftoriens ou touriftes dont nous venons de rappeler les noms et
les travaux, s accordent à glorifier la mefure. la réferve délicate. 1 aifance et
la puifTantc harmonie de Saint-Pierie. Qii il y ait entre eux des divergences
dans les dates afllgnées aux diverfes parties de la cathédrale, dans la defcrip-
tion d un portail ou d une chapelle, dans 1 interprétation d un haut-relief ou
dune effigie funéraire, nul ne saurait s en étonner. Mais dès qu il s agit de
se prononcer sur la valeur artiRiquc du monument, toute cette pléiade d éru-
dits redevient unanime. La vieille cathédrale recueille ainfi '^ cet achèvement
de beauté que donne aux plus parfaits chefs-d œuvre 1 adhélion émue des
âmes humaines //. Seul. Louis Dubois s est infcnt en faux contre 1 afTenti-
timent général. Dans son second volume de 1 Hijloirc de Lifieux '. il s ef-
force de dénigrer le stvlc de Li cathédrale. Rebelle de parti pris à toutes
I . Emile Lambin : f{c\'uc Je l' Art chrétien. .\' série, t. VII, iSdo, pp. 448-4^2.
2. Bulletin de b GilJe de Sjint-Thomjs et de Snint-Luc. t. IX. 2' partie, 1 S«)S, pp. ^40-0^0.
■? . Abbé Marie : L'Eglife Sjint-Pierre de Lifieux, dans la "Normandie Monumentale . Calvados,
i. II, p. <» I .
\. I.. Diiboi'î : Hifloire de Lifieux . Iificuv. iS4s. 3 vol. in-8 , t. II. p. 20',.
INTRODUCTION 7
les œuvres non « clalliques //, à cette heure où Mérimée, Piel. Laflus
mènent une campagne de réhabilitation en faveur de 1 organifme gothique,
Louis Dubois critique amèrement le thème décoratif de nos anciens archi-
tectes, 'f Au lieu des belles proportions de 1 art grec, de la pureté et de la
simplicité de 1 ornementation, de la facilité de saifir 1 enfemble au premier
regard, il (l art gothique) surabonde de recherches, et s'il préfente des détails
parfois charmants, ils sont trop multipliés et trop confus. On ne saurait
nier, au surplus, que son ampleur a quelque chofe d augufte et son antiquité
a quelque chofe de vénérable. Au refte. cette architecture sarrafine. qu on a
mal à propos appelée gothique, n eut jamais, quoi qu on en ait dit. une expref-
fion de sentiment religieux : c était tout simplement la réininifcence de
1 architecture orientale rapportée par les croifés, trop souvent mêlée avec la
barbarie de 1 art dans son enfance : tels sont les ogives et les contreforts, les
clochetons et les gargouilles ; tels sont les perfonnages trapus, rabougris et
ratatinés, en oppofition avec les colonnades effilées comme de gigantefques
ro féaux ; telles sont les moqueries parfois fort leftes. dans quelques parties
fort inconvenantes. >/
De telles remarques sont frivoles et ne méritent pas de difcuffion de
détail. L intelligence de 1 hiftorien doit être affez souple, affez accueillante pour
suivre le goût français dans ses inclinations succeffives. Il n y a que les petits
efprits pour séparer dans leur admiration lart claffique et lart médiéval. Avant
de porter un jugement sévère sur les artiftes de la France d autrefois, ne
faut-il pas commencer par se rendre compte de leurs préoccupations efthé-
tiques et des difficultés théoriques qu ils avaient à réfoudre ?
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ASPECT EXTÉRIEUR. DE LA CATHÉDRALE AVANT 17S1) (Dessin de R. Salles).
CHAPITRE PREMIER
LA CATHEDRALE ROMANE
ÉGLISE DE LISIEUX n'a pas, comme celle de Lyon, l'honneur de
se rattacher aux temps apoftoliques. Selon toutes vraifem-
blances. la hiérarchie éccléfiaftique ny fut parfaitement
organifée qu'à la fin du iv^ fiècle. Vers 385, Théodofe,
scinda la seconde Lyonnaife et diftribua les cités qui rele-
vaient d elle entre les métropoles de Rouen et de Tours ' . Lifieux fut placé
sous la dépendance de Rouen. Saint Victrice (380 à 409) et saint Martin
n'ont sans doute pas été étrangers à 1 organifation définitive du diocèfe de
Lifieux. Evidemment le chriftianisme peut y avoir pénétré auparavant, « si
l'on en croit la tradition, saint Taurin prêcha le nom de Jéfus-Chrift à
Thiberville et en plufieurs autres lieux du pays Lieuvin... Quelques-uns
croient que la première églife de Lifieux, fondée au plus tard au commen-
r. Th. Mommfen. Mémoires sur les provinces romaines, trad. E. Picot, dans I^viie archéolo-
gique, nouv. série, t. XIII, i SbO, p. 377 ; t. XIV, i8b6, p. 369 ; t. XV, 1867, p. i . — « L'Eglife
de Lifieux ne paraît pas plus ancienne que 270, on n'en connaît pas le premier apôtre. »
Longueval, Hifloirc de l'Eglise gallicane. — L'églife de Lifieux exiftait avant la fin du vi*^ siècle,
voy. Dom Chamard, L' Etablijfcment du Christianisme et les Origines des Eglises de France, Paris,
1873, p. 91, dans I{evue des Qiiejlions historiques, t. XIV, 1873, p. 359.
lo SAINT-PIERRE DE LISIEUX
cernent du iv' siècle, a été originairement dédiée à la Sainte -Vierge. Je ne
scay pas sur quov cette opinion particulière peut être appuyée ' ?/.
Une autre tradition non moins immémoriale. aiTure que le premier temple
chrétien fut dédié à saint Aignan. mort en 453. Une chapelle de ce nom
servit au culte jufciuen février 1702'. Située dans la rue Pont-Mortain,
elle dépendait de la menfe capitulaire. A laube du moyen âge, les chanoines
y célébraient leurs offices liturgiques. Bien plus, il paraîtrait que les premiers
chrétiens de Lifieux avaient leur cimetière dans les terrains avoifinant la
chapelle. Or. en iN()-5 et i*S()_|, pendant la confl:n.iction des mailons n'" 14
et 2"), en bordure de la rue Pont-Mortain. les maçons ont rencontré plu-
fieurs rangées de squelettes. Des briques romaines, quelques débris de vales
en terre de Samos. retrouvés près des offements. permettent de suppofer
qu il y avait là une nécropole gallo-romaine. Aucune médaille, aucune mon-
naie, aucun emblème chrétien n ont été recueillis, et c eft dommage pour
Ihiftoire des origines chrétiennes du pays d Auge.
Thibaud relie le premier évèque de Lilieux connu des érudits et des
chercheurs (^ j»^-")]'') • L obfcurité la plus profonde enveloppe la mémoire
des prcdcccfTeurs de ce prélat. Ils avaient sans doute accompli -leur tâche paf-
torale sans bruit et sans éclat.
Un bcîiédictm de 1 abbaye de Flcury [Saint-Benoit-sur-Loire], qui
vivait à la fin du xi" siècle et étayait d ordinaire son cxpofition de preuves
puifécs dans les chartes ou les chroniques, le moine Aimoin. raconte
qu Etherius, évèque de Lilieux (V'^*"*)??)- cniploya un clerc de 1 églife du
Mans à 1 inftruction des écoliers de son diocèfe. convaincu qu il était de
sa compétence dans les lettres et 1 enfeignement ^
Dès cette époque, 1 école était une dépendance obligée de 1 églife épif-
copale. La conllruction des édifices cultuels précédait toujours la création des
I . l'ic des sjints Pjtrons du diocèse de Lificux, in- i 2, LiTiciix, Duronccrcy, p. 204 et p. <^4-
1 S . Bulletin monumenUl, iS()(), p. 4»)().
2. Inventaire de la chapelle Saint-Aignan et adjudication des objets cultuels. .\ri.h. du
Calvados, (> et u février 17Q2.
T,. GjIUj Chriflunid, t. II. 1 7 VK Ecclefu Lexovienfis, p. 70';, col. 1, Noël Desliays.
éd. Forineville, t. II, p. 2.
4. Grégoire de Tours, Historié ecclefuslidc Frjncorum, livre \'I. th.ip. xxxvi, cdit. Guadct
et Taranne, t. II, p. 47(1.
LA CATHEDRALE ROMANE ii
établiflements scolaires. AufTi il n'eft pas exagéré d'affirmer que Lifieux fut
de bonne heure pourvu d une bafilique. Ces sortes de sanctuaires n'étaient
pas voûtés. Ils avaient un plafond ou une charpente apparente, à travers
laquelle on voyait le toit. Cette églife dura sans doute jusqu'aux invafions
normandes (ix' siècle). A l'heure de la marée, les barques danoifes jetaient
l'ancre sur les grèves de la Manche, ou remontaient rapidement les fleuves
côtiers. Que de paroifles furent alors ruinées. Habitués à contempler la plan-
tureufe vallée de la Touques, il nous est difficile d imaginer ce qu'elle était
après le paflage des hommes du Nord. Les Normands, nos pères, furent
d'abord nos perfécuteurs. Le chroniqueur de l'abbaye d'Ouche ne le cache
pas. « Le diocèfe de Lisieux. remarque-t-il. fut autant exposé à la fureur des
Normands que les autres; ces pillards saccagèrent la ville épifcopale. mafla-
crèrent les habitants, brûlèrent les maifons et les églifes, tout ce qu il y avait
d'écrits et de documents relatifs au gouvernement civil et eccléfiastique périt
dans cet incendie '. »
Les Normands étaient cruels et rapaces et s'en glorifiaient. S'il eft vrai
qu'un Normand d un peu d inftaiction et de religion était alors '< merveille
introuvable >/, il eft à croire que l'école d Etherius et la bafilique difpa-
rurent dans cette tourmente ".
A peine les malheurs des ix^ et x' siècles ont-ils pris fin. qu'un magni-
fique renouveau de vie religieufe se produit dans toute la chrétienté. Chaque
cité importante veut à tout prix édifier une cathédrale pour abriter la mé-
ditation pieufe des âmes. Un témoin de ce mouvement spontané de foi et
d'art, Raoul Glabert, pouvait écrire dans sa chronique : 'f la terre semble
dépouiller sa vieillefle et se parer d'un blanc manteau d'églifes nouvelles' ».
Encouragés par l'évêque Herbert (io2() à T050), les Lexoviens
apportent leur peine, leur corvée et leur aumône pour la conftruction d une
nouvelle cathédrale. Large et spacieufe, elle devait 1 être pour recevoir les flots
prefles des fidèles.
Pour aller plus vite en befogne, Herbert aurait utilifé pour la réédifi-
1. Orderic VitaL H'vs^t. ecclés., lib. VI, édit. Le Prévost, t. III, p. 8^.
2. Dumoulin. Hijloire générale de Normandie, it)3C>, livre I, p. 11.
^. Baronius, Annales, t. XI, p. 18. — F{odulji Glabri, Hijloriarum, lib. III. cap. 3,
édit. M. Prou.
12 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
cation de son églife épiTcopale, de nombreux matériaux provenant des an-
ciennes fortifications de la ville'. D un style sévère et puiffant. cette églife
avait demandé des sommes importantes. Malgré la générofité de ses diocé-
sains, le prélat dut recourir à des expédients pour solder les dépenfes. S adref-
fant aux chanoines de Chartres polTefleurs de bénéfices dans son diocèse.
Herbert leur demanda de payer le droit de vifite. Apparemment ses récla-
mations reftèrent vaines '.
L évéque Hugues d Eu (i<>y)-i()77) succéda à Herbert. Allié aux
grandes familles de Normandie, petit-fils de Richard P\ le nouvel élu devait
contribuer largement à 1 embellifîement et à la décoration de la cathédrale
romane. Probablement, en 105'). Hugues célébra la dédicace solennelle du
nouveau sanctuaire au milieu d un concours immenfe de fidèles et en pré-
fence des membres du concile provincial alTemblé à Lifieux pour juger et
deftituer Mauger archevêque de Rouen.
Jean I" (i 107-1 i )i) fit quelques additions au plan primitif de la
cathédrale d Herbert. Autour du domaine épifcopal. il réunit les établilTe-
mcnts qui devaient particulièrement intéreHer le peuple, comme les écoles,
le prétoire, des maifons pour les chanoines, pour les clercs et sen-iteurs.
La cathédrale était devenue le cœur de la cité. Mais ses jours étaient
comptés. En i 1^(1. le jour de la fête de l'archange saint Michel. GeoflFrov.
comte d Anjou, fit alUéger la ville de Lifieux. La lutte fut acharnée. Quelques
chevaliers normands sortirent pour ravitailler la garnifon commandée par
Alain de Dinan. Redoutant 1 arrivée du comte d Anjou. Geoffrov. les gar-
diens de Lifieux mirent eux-mêmes le feu à la ville qu ils devaient protéger.
La cité '* brûla avec toutes ses richefies //. et les Angevins s enfuirent sans
livrer d'affaut. La cathédrale d'Herbert difpan.it-cllc dans ce défaftrc ? où
fut-elle simplement abîmée, noircie par la fumée? La pénurie de documents
ne permet pas de réfoudie cette quefiion avec certitude'.
1. Ordcric Vital. Hut. ceci., cd. Le Prévost, t. II, p. -„oo. — GjHu Chrijlijnj, cd.
Palme, t. XI. col. 7tiS-7(>i».
2. Bouquet. f{crum Gjlltcjrum Scriptorcs, t. X. p. 408. — Nocl Dcshays. cd. Forincvilic.
t. II, p. I S et lu. — H. Le Court. Les Pojfcsfiom du chapitre de Chartres M pays d'Auge,
Vannes, i <)0 i , in-S*.
-i. Ordcric Vital. Hist. ceci, cd. I.c Prcvoft, lib. XIII. t. V, p. 6q. — GjHu Chnjlunj.
éd. Palmé, t. XI, col. 774.
PL 8
n
ORDLN'ATION DORDERIC VITAL (Gouache de Léon Lederc).
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'W-^^
SCEAU DE L'ÉVtQUE ARNOUL
PORTR.\IT DE MARIN BOURGEOIS
LA CATHÉDRALE ROMANE 13
C eft dans la cathédrale romane que le grand hiftorien normand Orderic
Vital reçut le sous-diaconat. Lui-mèine nous a raconté ce grand événement
de sa vie monaftique. Un peintre d Honfleur, M. Léon Leclerc. vient de nous
en donner une curieufe reflitution.
Au printemps de lOQi, Orderic quitte l'abbaye de Saint-Evroul et
laifTe entrouverts, sur le large pupitre de chêne, les manufcrits sur velin où
ses maîtres lui apprennent à travailler. En compagnie de plufieurs religieux
et de Serlon. 1 abbé du monaflère. le jeune homme vint jufqu à la cité épis-
copale. Le i ^ mars, dans la matinée. 1 évèque Gilbert Maminot. revêtu d une
chafuble aux plis larges et ondoyants, la crolTe en main, entouré de quelques
clercs. adreiTe la parole aux ordinants... Orderic s agenouille avec ferveur
sur les dalles du sanctuaire et reçoit pieufement l'ordination des mains de
1 évèque'. De cette antique bafilique, où le savant chroniqueur normand
prit à 1(3 ans les engagements les plus solennels, que refte-t-il- à 1 heure
préfente.-' Peu de chofes sans doute. Les deux piliers maiTifs qui ser\'ent d en-
cadrement intérieur à la porte principale pourraient être des vertiges de cette
églifse du XI* siècle. Les moulures de ces piliers sont riidimentaires. les
joints très larges et d un mortier extrêmement réfistant. Sur lune des alUses
eft gravée une croix à branches égales qui reiîemble beaucoup à une croix
de confécration. Quelques archéologues eftiment que les deux arcades
cintrées du croifillon Nord pourraient se rattacher à la même époque.
En 1804. en creufant les tranchées du calorifère, dans le bas de la nef,
les ouvriers découvrirent le sol de la bafilique d Herbert et une partie de
son pavage. C était une mofaique assez frufte. compofée de petits cubes de
marbre de Carrare, de porphyre, d ophite et de pierres de diverfes couleurs
réunies par un ciment d une dureté très grande. Pour compofer un tel pavage
les artifans du xi" siècle avaient sans doute utilifé des débris de conftruc-
tions gallo-romaines. Il convient de remarquer que le pavage de la bafilique
lexovienne refTemblait prefque complètement à celui de féglife élevée par
Childebert P' sur 1 emplacement actuel de Notre-Dame-de-Paris.
r. Orderic Vital, éd. Le Prévost, livre V, t. H, p. 31, et livre XIII, t. V, p. 13b.
CHAPITRE II
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE
ÉTUDE DESCRIPTIVE
VANT D ABORDER la defcription sommaire de la cathédrale,
il semble opportun de donner une idée claire et précife des
caractères elTentiels du style ogival auquel elle appartient.
Tout d abord il convient de s entendre sur le sens du
mot ogive. Ce n est pas 1 arc brifé ou en tiers point. Au
moyen âge. le mot ogive défigne toujours et uniquement les nervures
diagonales placées sous les voûtes '.
En réalité, trois éléments principaux diftinguent 1 architecture gothique
I . Comptes de la Fabrique de la Cathédrale : Du lundi i" décembre au o. les maçons tra-
vaillent à tailler de la pierre des ogjyes de la voidst, par Jean Britoms, 1307.
16 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
de 1 architecture romane : la voûte sur croisée d ogives. 1 emploi des arcs-
boutants. 1 ornementation naturalifte. Avec un faible effort le conftructeur
de la belle époque ogivale cherche à obtenir un effet confidérable. Une
trouvaille ingénieufe. la croifée d ogives, marque le point de départ de
1 architecture nouvelle.
En une page très remarquée des hiftoriens de 1 art. un écrivain
normand. Mlle Louife Pillion, a mcivcilleufement analyfé le syftème de
l'architecture gothique :
" C est en France qu il faut suivre leffort. tenace et divers en ses
manifcftations, des architectes du moyen âge pour arriver à voûter en pierre
d'une façon durable, élégante et logique, le plan notablement enrichi de la
bafilique romaine.
'■' Du jour où cet effort commence, il n ed; plus poffible d y marquer
des temps d arrêt, d y établir des divifions arbitraires : il ne s interrompra
que lorfqu il aura trouvé la solution définitive du problème. Cette solution
réfide dans la croifée d ogives, armature légère et solide, élaffique et réfis-
tante qui permet de répartir et de divifer. au gré du conftiucteur. les
pouflées qu exerce sur les supports verticaux d un édifice la malle bombée
d une voûte de pierre.
" Dans les compartiments formes par cette armature, les quartiers de
voûte sont bâtis indépendants les uns des autres : aux points où les ogives
ont localifé les poufTées. des piliers les reçoivent. Le surplus de force active
qui, s exerçant latéralement, tendrait à faire bafculer les supports cfl:, à son
tour, recueilli, comme capté au dehors de lédifice par larc-boutant. et eft
tranfmis au contrefort qui stabilife définitivement tout le syftème. Ainfi eff
conftituée une sorte de membrure qui a 1 activité latente et comme la flexi-
bilité des articulations d un corps vivant. Les murs, dans un édifice de ce
type, resffent utiles en tant que la clôture, ils ne sont plus indiipenlables
pour 1 équilibre et la solidité ; auffi la tendance confiante de 1 architecture
nouvelle scra-t-elle de les ajouter, de les " tréforer // de fenêtres, jufqu à
n en faire plus que d immenfes cloifons vitrées '. >/
I . Mlle Piliion : La Sculpteun frjuçjis du XIIl" siècle. Collection Les Mjitrcs de l'tArt,
Paris, s. d. . pp. i 3 et 13.
PI. 9
L'ARCHITECTURE GOTHIQUE (Dessin de Géo Lcftvrc).
PL
lO
J'
LE CHEVET DU CROISILLON NORD ET LES TOURS i Dessin de M. Vassal).
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 17
L'aperçu dont le lecteur vient de prendre connaifïance n'eft-il pas un
chef-d'œuvre de clarté et de science archéologique ?
A la même époque qui vit les maîtres d œuvre pofer leur voûte sur
des arceaux entrecroifés. les sculpteurs et les tailleurs d'images s'attachèrent
à imiter la vie réelle. Ils penfèrent avec raifon que les plantes, les feuilles
et les jolies fleurs qu'ils rencontraient chaque jour sur leur chemin offraient
affez de nobleffe pour orner la maifon de Dieu. Au lieu de repréfenter des
plantes factices, des volutes empRintées à 1 art antique, ou les feuilles
d'acanthe, ces fidèles obfervateurs de la nature accrochent aux chapiteaux
les feuilles élargies du nénuphar, celles du chêne, les pétales de la rofe ou
la fougère enroulée sur elle-même. A mefure que leur talent s'aflouplit, les
sculpteurs s'attachent à imiter des végétations plus complexes. Après avoir
détaillé et reproduit les végétaux et les animaux, ils s'efforcent d'interpréter
les formes vivantes du corps humain. La raideur hiératique et la gaucherie
de la statuaire romane s effacent peu à peu et laiffent le champ libre à des
créations d'une beauté supérieure. Le modelé s accentue, les phyfionomies
s'animent, expriment un caractère et des sentiments. Les geftes deviennent
moins embarraffés et plus naturels.
Dans un ouvrage récemment écrit pour préfenter au public la synthèfe
de l'art normand, M. le chanoine Porée affure que dans notre vieille pro-
vince la statuaire n efi: pas inférieure à larchitecture.
« On a volontiers reconnu aux Normands la qualité de grands bâtis-
seurs, mais généralement on leur refufe celle de sculpteurs et de statuaires.
Cette dernière affertion ne nous parait pas juftifiée. A Lifieux, certains cha-
piteaux de la nef. les portes de la façade, les deux enfeux du tranfept Nord
révèlent un goût délicat ' . »
L'étude de la cathédrale lexovienne, de ses sculptures sur pierre et sur
bois, nous permettra de souligner la vérité de cette appréciation.
L'EXTÉRIEUR
Dédiée à l'apôtre saint Pierre, la cathédrale actuelle repréfente une
X latine. Elle eft orientée du levant au couchant, selon 1 ufage des
I. Chanoine Porée. L'tArt Noryndrid, Paris, Fontemoing, in 8", p. 20.
i8 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
architectes du moyen âge. Le plan de 1 édifice comprend : une nef de
huit travées accompagnée de bas-côtés en Iiaifon avec une série de cha-
pelles ; un carré de tranfept couronné par une tour quadrangulaire : deux
croifillons voûtés de trois croifées d'ogives et bordés à 1 efl: de collatéraux:
un chœur compofé de quatre travées droites et d un chevet demi-circulaire.
Sur le déambulatoire s ouvrent trois chapelles rayonnantes ; celle du centre,
dédiée à la Vierge, efl; de plus vaftes dimenfions que les autres. Quatre
portes principales donnent accès dans 1 intérieur de 1 édifice, une au croi-
sillon Sud. trois à la grande façade. Il serait à souhaiter que le portail du
bas-côté Sud fut à nouveau livré à la libre circulation des fidèles, et le
porche correfpondant débarraffé des objets peu séduifants qui 1 encombrent
depuis une dizaine d années.
Les dimenfions principales sont les suivantes :
Largeur totale, hors œuvre du grand portail aux contreforts exté-
rieurs de la chapelle Notre-Dame : i i ( ) mètres.
Largeur de la nef d axe en axe des maîtres piliers : S m. h").
Largeur du chœur, d axe en axe des piles monocvlindriques : (S m. 20.
Hauteur de la grande nef sous clef : ig m. (f).
Hauteur sous la lanterne : 2<) m. ()0.
Si Ion compare ces dimenfions à celles des églifes normandes les plus
voifines. on conRatc que la cathédrale de Bayeux a 102 mètres de longueur
totale et 10 mètres de largeur. Saint-Eticnnc de Caen melurc 1 1^ mètres
de longueur sur i 1 m. jo de largeur d axe en axe des piliers.
La pierre calcaire, dont la cathédrale Saint-Pierre c(\ conRruitc. provient
prcfque entièrement des vaftes carrières des Loges, humble hameau situé
dans la jolie vallée baignée par la Touques, à une faible diflance de Saint-
Martin-de-la-Lieue, sur la route de Liheux à Livarot. Les pierres les plus
résiflantes et les plus fines ont été choilies de préférence pour les socles des
larges piles, les pierres tendres ont été réfervces pour les parties sculptées.
En général, les pierres utililées par les maîtres maçons sont friables, faciles
à tailler, promptes à s effriter sous faction du vent, de la pluie et de la
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR
19
gelée. Aulfi. à l'heure préfente, divers meneaux de feneftrages et certaines
corniches extérieures sont-ils très endommagés.
FAÇADE OCCIDENTALE.
7- M ^-^^
Cette façade s élève sur un perron de dix-huit degrés refait en 1866.
Le palier efl: large ; 1 agencement des marches difpofées en angle vif. sans
entraver la circulation, rend au clergé les plus appréciables serv'ices dans les
grandes solennités. Le jour de la première commu-
nion, rien n'eft repofant comme de voir les fillettes,
enveloppées dans leur voile blanc, defcendre lente-
ment les degrés de granit, dont les teintes com-
mencent à s harmonifer avec les couleurs rembrunies
de la façade.
La façade se diftingue par son ample et noble
simplicité. Quatre contreforts surmontés d un fron-
ton triangLilaire et décorés d'arcatures. de niches et
de dais, en marquent les divifions verticales. Ces
niches abritaient des statues. La porte centrale,
tracée en arc brifé, a perdu sa riche décoration, son
hnteau et son trumeau, auquel s adoflait peut-être
une statue. Un bas-relief, repréfentant probable-
ment le Jugement dernier, recouvrait le tympan
à trois lobes, senfiblement plus bas que la grifaille
actuelle.
Il efl: facile de se rendre compte de la dimenfion précife des anciennes
baies, car les deux petites portes ont été encadrées dans la porte moderne.
Leurs ferrures ont été refpectées. Dans lembrafure de la porte reftent quel-
ques socles de colonnes recouverts de fleurs de lys et de feuillages de vigne.
Ces sculptures sont à comparer avec celles des chapiteaux du porche inté-
rieur. Le 30 novembre 1808 la foudre endommagea cette partie de l'édi-
fice. Pour rendre le portail « plus propre », les marguilhers et le curé,
M. Blondel, décidèrent de faire enlever les fragments de sculptures refl:és
soit dans les voufTures. soit sur le tympan. Les parties lifles reçurent un
mmàM
Fig. 2. — Vue de la Cathédrale
d'après un calendrier de 1852.
20 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
décor dans le goût de 1 époque, c'eft-à-dire des peintures rouge, brun et
vert du plus pitoyable effet. L étroit pilier qui séparait les deux vantaux de
la porte fut supprimé, soit que la foudre 1 eût endommagé, soit qu il gènàt
le paflage du dais dans les proceffions.
Il eft intéreffant de savoir que parmi les sculptures du portail figuraient
les signes du zodiaque et les quatre Evangélifles. Dans une lettre qu il écrit
à dom Bernard de Montfaucon. religieux de Saint-Germain-des-Prés. à
Pans, un bénédictin de l'abbaye du Bec, dom Profper Taffin. s exprime
ainfi : ^f Je me souviens d'avoir remarqué au portail de 1 églifc cathédrale
de Lifieux les quatre Evangéliftes qui ont les tètes des quatre animaux,
sous la figure dcfquels on croit que 1 Ecriture nous les défigne. Saint Jean,
par exemple, a une tète d aigle, etc. S il efloit queftion d cglifes et d églifes
anciennes, votre révérence sçait qu on n en trouve point de plus magnifique
qu'en Normandie '. >/
Vraifemblablcment les Evangéliftes entouraient un Chrift en majefté
sculpté sur le tympan. Avant les outrageantes et inguériffables mutilations
de la Révolution, l'un des portails de Saint-Taurin d Evreux offrait au
regard un thème décoratif analogue. Le bénédictin normand. Louis Le
Monnicr. signale le fait en ces termes : n Au-deffous de plufieurs cintres
ornez de beaucoup de figures eff un Sauveur beaucoup plus grand que le
naturel, affis. qui donne la bénédiction d une main et de la gauche tient
une grande croix au haut d un bâton, son auréole eff comme une croix
patéc ; ce Sauveur cil: accompagné de cette difposition * • * des quatre
Evangéliffcs de grandeur humaine, affis, qui tiennent chacun un pupitre
et qui regardent le Sauveur, mais ces quatre Evangéliffes ont sur des
corps humains des tètes le premier d un homme, le second a la tète d aigle,
le troisième d un lion et le quatrième d un bœuf', a
L état de lieux dreffé le 2<) février l /N j. peu après le décès de Mgr de
Condorcet. laide suppofer qu il n'y eut jamais de statues entre les colon-
1. Lettre du 1 S juillet ly^u. l^c\uc Bcncdictinc, année ii)i i, p. 200. — Georges Huard.
Qu^elqucs Lettres de Bcncdictim nomunds. dans Bdiocjna, 10 12. pp. 2(14-28-;. Les signes du
zodiaque, comme à Chartres, devaient remplir I une des voulTures.
2. Lettre de Fr. Louis Le Monnier j Montfjucon, 2.} septembre 1721). Bibliothèque Natio-
nale Ms fr. 17, 70(), F" 174.
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LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 21
nettes du grand portail : « Nous avons remarqué, dit l'architecte diocéfain,
qu'il manque au grand portail huit colonnes de pierre avec leurs bafes,
dont quatre de 7 pouces de diamètre sur huit pieds de haut, non compris
les chapiteaux. Les quatre autres de 4 pouces de diamètre '. » Comme les
deux portes voifines, celle du milieu avait ses vouflures supportées par un
double rang de colonnettes entièrement dégagées. Le portail occidental de
Notre-Dame des Andelys et de l'églife d'Eu permettent de se faire une
jufte idée de 1 ébrafement du portail quand il était dans toute sa splendeur.
La statue de grandeur naturelle adoiTée naguère au trumeau repréfen-
tait probablement le patron de la cathédrale : saint Pierre. Le 12 sep-
tembre 1560 « lymagier Eftienne reçut une légère rétribution pour
avoir faict une main à 1 ymaige sainct Pierre du portail de l'églife' ».
Au-deiTus de la porte que nous venons de décrire s'ouvre sous une
profonde archivolte portée par six colonnettes une immenfe fenêtre à trois
meneaux feuillages. Le même parti architectural se retrouve à Sens et à
Noyon. à Saint-Pierre-sur-Dives, ainfi qu aux cathédrales de Bayeux et de
Coutances. A Lifieux, le tracé du remplage et sa décoration tourmentée
laiiTent suppofer une reprife du xvf siècle. En 1849, l'architecte des Monu-
ments hiftoriques fit démolir et reconftruire entièrement la fenêtre. M. Danjoy
a dû la rétablir telle qu'elle exiftait lors des travaux et non d'après sa forme
primitive.
Depuis 1776 une horloge, dont le cadran eft bien vifible sur les gravures
anciennes, dominait la fenêtre'. Œuvre d'Andrieu, de Bonneville-la-Louvet,
cette horloge exifte encore. En 1842 elle fut cédée par la fabrique à la ville de
Lifieux à charge par le Conseil municipal de veiller à son entretien. « La
commune fera conduire l'horloge avec une grande régularité'* de sorte qu'elle
marche conftamment et qu'elle sonne les heures, les demies, les quarts et
demi-quarts. »
Depuis 1852, une galerie fort simple rehe les deux tours. C'efl; de ce
1. Procès-verhdl des Domaines de l'Evêché Le Lifeiix 17S4, pièce appartenant à la Biblio-
thèque de Lifieux.
2. Abel Doynard : Comptes 1 ^^^ç-i ^60. Archives du Calvados.
3. L'Horloge, dans journal Le Normand, g juillet 1870.
4. Délibérations de la Fabrique de Saint-Pierre de Lifieux, 3 avril 1842.
22
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
balcon, protégé par une baluflrade trilobée, que les enfants de la maitrife Saint-
Pierre chantent à Pâques fleuries, au retour de la procefTion. la douce et grave
mélodie du Gloria Laus ' . La terrafle située entre les tours sert de point
d'attache à deux gargouilles au long cou. Elles repréfentent des monftres
hybrides. L exprefTion de ces chimères efl: vraiment curieufe. Si elles n étaient
retenues par leurs lourdes ailes de pierre, il semble qu elles s élanceraient,
prendraient leur vol et emporteraient bien loin la proie qu elles tiennent
sous leurs griffes puilTantes.
Un ange sonnant de la trompette sert d amortiflemcnt au gable.
Les deux portes latérales encadrent bien le portail principal. Elles pré-
sentent, d ailleurs, le même as-
pect gênera
1. L
es touriites et
ift(
les archéologues s arrêtent plus
volontiers devant la porte du
bas-côté Sud (fig. "î).
Cette belle ouverture efl
entourée de trois archivoltes à
reflauts, repofant sur des co-
lonnettes dé"[ao;ées. Dans la
vouflure médiane courent des
feuillages ajourés du plus gra-
cieux effet. Deux remarquables
fitrurines les soutiennent. Au
n
sommet de la dernière archivolte, deux oifeaux. étudies d après nature,
becquètent des raifins. On les croirait vivants.
Aux chapiteaux des colonnettes formant claire-voie s accrochent des
feuillages nerveux et fins. Sous 1 arc trilobé du tympan, se drelTait une
stcftue dont le dais seul a été épargné.
Au dire de Ruskin : '^ 1 entrée sud-ouefl de la Cathédrale de Lilieux
efl: une des portes les plus originales et les plus intéreffantes de la Nor-
Pig. V Détail du portail Uu ba^-colc 5uJ
I . " A Lificux, c'est au-dclTiis du portail de rci;lifc, entre les deux tours, en un endroit
de li vuli^aircment appelé " Gloria Las « que les enfants de choeur et les niuficicns chantent le
GlortJ Laus. « Dom Claude du Vert : Explicjtion des ccrcmonies de l'Eglife, 2' édition. Pans,
170Q, tome II, p. 1)7. Compte d\Ahel Doyiurd /^>y. * travaux du coflé du Gloria Laus. *
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 23
mandie. » Le couronnement du portail avec ses rofaces, trèfles, quatre-
feuilles gravés, fournit à 1 archéologue anglais l'occafion d'un deflin sché-
matique vraiment suggeftif et de remarques non moins intéreflantes sur les
principes décoratifs affectionnés des Normands : pénétrations des moulures,
interfection d arcs brifés. emploi des médaillons géométriques. J. Ruskin
reproche à l'architecte de Lifieux d'avoir ajufté avec trop peu de correction
les motifs sculptés avant la pofe. L ordonnance du portail en souffre un
peu, encore que '^ la compofition tout entière se préfente dune façon
exquifement pittorefque et riche d'étranges effets de clair et obfcur, « the
whole difpofition exquifitely picturefque and full of strange play of light
and shade ' . »
La porte latérale du bas-côté Nord efl: moins heureufement encadrée
par les contreforts à caufe de la proximité de lancien palais épifcopal. En
1842 et 1843 le portail nord fut prefque entièrement renouvelé à caufe de
l'impnidence des maçons qui. en travaillant à lancien évèché, sectionnèrent
par mégarde le soubaffement. Prefque toute la sculpture a été refaite à
cette époque.
Larchitecte M. Danjoy a cependant laiffé quelques veffiges de lorne-
mentation ancienne afin de permettre la comparaifon entre la sculpture
primitive et la nouvelle. Plufieurs chapiteaux finement ouvragés repréfen-
tent des oifillons voletant sur la feuillée. des souris grignotant des grappes
de raifin. des boucs rongeant 1 extrémité des branchages, une grenouille se
balançant sur une plante d une belle fraîcheur.
Eft-il befoin de faire remarquer que linfluence normande a laiflé une
profonde empreinte sur toute la façade, dans les médaillons trèfles ou qua-
drilobés. dans le tracé excefTivement pointu des arcs brifés. dans la difpo-
fition en claire-voie des colonnettes des ébrafements, dans la dimenfion
amplifiée et les gorges feuillagées de la grande fenêtre, dans la multiplicité
des arcatures purement décoratives, tous détails qui. vifiblement, procèdent
de l'école régionale. A la cathédrale de Séez, à labbaye d'Ardennes, près
Caen, à Ussy, au portail Saint-Jean de Notre-Dame de Rouen, le plan et
I. John Ruskin : The Seven Lamps of .Architecture. in-8°, London : G. Routhedge et
Sons Limited. New-York : E.-P. Dutton et C", pp. 97 et 98.
24 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
les formes ornementales ne sont-ils pas interprétés d'une façon prefque
identique r'
LES TOUI{S.
La façade c(\. surmontée de deux clochers d'inégale élévation et
d'inégale beauté. Le corps carré des tours, senfiblemcnt plus large que les
bafes. déborde partiellement sur le pignon central. Autant la tour du Nord
eft élégante, autant sa voifine parait sévère et lourde. Lune date de la
belle époque gothique, du xiu' siècle, et l'autre malgré son afpect roman
ne remonte qu'au xvi' siècle. Dans la magnifique conférence qu il a
confacrée aux clochers de façade et aux tours lanternes du Calvados.
M. Eugène Lefèvre-Pontalis a fait obferver que '^ 1 ancien évêché de Lifieux
avec SCS triftes flèches recouvertes d'ardoifes ne poiTède que trois tours
remarquables, celles de sa cathédrale' >/.
Ld Tour du TNord se dreHc à quarante mètres au-delTus du niveau de
la place Thiers. Cette superbe tour aux lignes impeccables eft un pur chef-
d'œuvre d'élégance, de simplicité et d harmonie. Elle s'appuie sur un socle
en glacis recouvert d imbrications. Sur chaque face du corps carré s ouvrent
deux lancettes refendues en deux ouvertures secondaires par une fine colon-
nette aux chapiteaux épanouis en croffes végétales. Suivant 1 habitude des
architectes normands, l allonirement de ces baies géminées eft très confidé-
rable. Elles sont encadrées d arcatures en tiers-point. Une suite de quatre-
feuilles gravés tapirTcnt les écoinçons. Des colonnes d angles viennent adou-
cir les arêtes du corps-carré. Cette difpofition a des analogues dans quelques
édifices de la réiiion. notamment à Saint-Pierre-sur-Divcs. à la cathédrale
de Bayeux (clocheton du tranfept). à Bazcnvillc. Bernières et Ifs.
Des lofangcs cun'ilignes ornent le bandeau qui supporte la toiture à
quatre pans. lout porte à croire que le clocher Nord n a jamais reçu de
couronnement en pierre. La légende s cft efforcée de donner à cette ano-
malie une explication. Cette légende, rédigée au xvi' siècle et remife en
vogue vers iS jo. a pu satiiFaire 1 imagination populaire, toujours avide de
détails pittorcfques. En réalité elle c(\ dénuée de toute vrademblance '.
1. Congrès tArchcologiqiic de itu>s, t. II. p. (>^2.
2. lAlmdtxdch de Lifieux.
PL
12
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Cl. des Monuments historiques.
PORTAIL DU BAS-COTE SUD
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LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 25
La partie de la tour Nord enclavée dans l'ancien palais épifcopal offre un
intérêt archéologique exceptionnel. En effet, de ce côté, le second étage de
la tour comporte une décoration d'une richeffe surprenante. La cathédrale
servait de mur de fond à une vafte salle gothique où l'évêque de Lifieux
recevait ses hôtes de marque et son nombreux clergé dans les circonftances
solennelles '. A en juger par les vertiges refpectés par le temps et les hommes,
la salle gothique surpaffait en beauté les parties les plus ornées de la cathé-
drale elle-même. Des arcatures décoratives d'un joli travail s'alignent tout
le long de la muraille. Des rofaces profondément fouillées rempliflent les
tympans. Les archivoltes, très moulurées, comportent une série de gorges
bien accufées. Les chapiteaux revêtent leur corbeille de feuillages traités au
naturel. Le bandeau fleuri qui réunit les arcatures semble soulevé par un
vent affez vif Parmi les feuilles qui friffonnent se détache une tête
d'homme. Evidemment, toutes les sculptures furent exécutées avant la pofe,
car certains médaillons n'ont point trouvé la place exacte qui leur conve-
nait. Sachant parfaitement que les invités des évèques arrêteraient volontiers
leurs regards sur le mur de fond de la salle gothique, le maître d'œuvre
du xiii^ siècle mit tout son talent à 1 embellir. Les dévots de la cathédrale,
défireux de juger par eux-mêmes l'ornementation végétale qui nous occupe,
devront gagner les greniers du Palais de Juftice. La vifite achevée, une autre
surprife les attend, à condition de s'aventurer jufque sous les combles de
l'aile établie en bordure de la place Thiers. Un efcalier de trois ou quatre
marches y donne accès. Sous cet efcalier régnent encore des arcatures déco-
ratives toutes pénétrées de la tradition normande. A quelle conftruction
appartiennent ces membres d architecture ? Eft-ce à la cathédrale ? Eft-ce au
palais épifcopal ? Nous laiffons à de plus habiles que nous le soin de réfoudre
ce problème troublant (fig. 4).
Ld Tour du Sud. Une maçonnerie ancienne renforcée par des cordons
de briques très larges sert en partie de soubaffement à la tour du Sud.
Quelques pierres dures et réfiftantes protègent et encadrent cette subffruc-
tion gallo-romaine, la défignant à l'attention des vifiteurs.
Viollet-le-Duc a remarqué que plufieurs cathédrales furent édifiées sur
I. Archives du Calvados. Comptes de la Fabrique, parj. Britoms, 28 avril au 3 mai 1505.
4
3b
SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
remplacement des bâtiments dépendant à 1 origine du domaine public
romain. Cette obfervation ne s'applique-t-elle pas à léglife Saint-Pierre ?
Les patientes inveftigations de MM. Bouet. A. de la Porte, de Formeville.
H. et A. Moify, A. Pannier. Ch. VafTeur et Raymond Lantier ont établi
d une façon certaine que le Lifieux d'aujourd hui était habité au iv' siècle.
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Pig 4 Arcatures de la salle gothique.
L emplacement sur lequel se drelTc la cathédrale semble bien avoir fait
partie de 1 enceinte militaire gallo-romaine. Les murs retrouvés au moment
de la condruction de la Banque de France et de IHôtel des Portes confir-
ment pleinement cette suppolition .
I. K. Laïuicr : Lideux L;allo-ronuin dans Etuda Lexoxienties, I. i «t i s , Cacn. Jouan. in-4'\
pp. <>.\ et (*v — Ch. Vasscur ; Bullrtm .\fonumentjL t. XXVI. iSSo. pp. -, M-'îaa.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 27
Il eft vraifemblable que primitivement les corps carrés des clochers
préfentaient la même silhouette élégante, les mêmes baies allongées, le même
remplage. L élancement démefuré des grandes ouvertures aura donné des
inquiétudes pour la solidité de la tour Sud. Au xvi^ siècle. 1 architecte de la
cathédrale aura recoupé les feneftrages du xiii^ siècle par trois baies en plein
cintre séparées par des meneaux imbriqués. Ces traverfes jouent le rôle
d'étréfillons ; larges et puiflantes. elles sont capables de réfifter au poids
énorme que le maitre d 'œuvre voulut leur impofer. Ce n eft là qu'une
hypothèfe. mais bien plaufible et propofée par des archéologues diftingués,
spécialement par MM. Lefèvre-Pontalis et Serbat'. La décoration des écoinçons
des baies supérieures, les colonnes d angle, les longues arcatures d'encadre-
ment confirment cette ingénieufe explication et semblent indiquer que la tour
Sud fût bâtie sur le modèle de sa voifine. L'hiftoire locale nous apprend
d'ailleurs qu en 1367 et plus tard, en 14'^'). la tour méridionale mena-
çait ruine. La pierre s'effritait, certains défordres s étaient produits dans la
conftruction. des caflures. puis des lézardes sérieufes apparaifTaient autour
des longues baies du xiii^ siècle. Vers la fin d'octobre 1483. maçons et
charpentiers préparèrent un syflème allez complexe d étréfillonnements defiiné
à enrayer la pouffée latérale des murs. A cet effet. '^ 1 horlogier et serrurier »
de Saint-Jacques entoure les quatre angles de la tour de vigoureux cercles
en fer. La pouffée verticale de la pyramide eft neutralifée à laide d'énormes
piles de bois difpofées sous la partie supérieure des fenêtres. Malgré cette
armature tant intérieure qu'extérieure. 1 évèque Etienne Bloffet de Carrouges
et le chapitre de la cathédrale ont encore des inquiétudes. Le soutènement
leur parait infiaffisant. une confultation d'hommes compétents est décidée.
Le 24 mai 1487 trois charpentiers de renom : Jehan le Menefchier, Jehan
le Saulnier. Thomas Leportiers. après avoir examiné la « haulte tour ».
réclament en effet de nouvelles mefures de sécurité, sinon, en cas de catas-
trophe, les cloches pourraient être totalement brifées.
A la suite de ces recommandations, une épaiffe voûte de bois fut jetée
I . M. de la Rocque, architecte de la Cathédrale, eftimait au contraire que la tour du Sud
avait dès l'origine des baies en plein cintre sur chaque face. Cette opinion eft partagée par plu-
sieurs érudits lexoviens bien au courant des difcufllons hiftoriques t\ archéologiques soulevées
par l'étude de la cathédrale Saint-Pierre.
28 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
sur le beffroi. Au cas où le clocher viendrait à s écrouler, la magnifique
sonnerie refterait indemne. Les événements devaient montrer la haute sageffe
de cette prévifion des charpentiers lexoviens.
Le I () mars 1533, veille de la fête Saint-Patnce. vers quatre heures de
l'après-midi, " là grande tour de pierre en forme de pyramide ejloit tombée
et dvoit rumé, gajié et dèmoly partie de la di6ie églife //. Un témoin ocu-
laire. Pierre Levefque. nous a détaillé les cruelles conféquences de la chute du
clocher Sud. Si le récit n est pas très coloré, il a du moins le mérite de la
précifion. Au jour le jour le diligent fabnquier de Saint-Pierre marque
confciencieufcment 1 état de la dépenfe.
Dans sa chute, la flèche Sud endommagea gravement plufieurs édifices
voifins. L'habitation d'Adrien Lehoux fut même complètement enfevelie sous
les décombres. Confcients de leurs refponfabilité. les chanoines s empres-
sèrent de lui procurer une autre maifon.
Les porches, les trois premières travées de la nef. les verrières et les
voûtes de plufieurs chapelles, les couvertures et quelques arcs-boutants
subirent de fâcheux dommages. Des débris de toute sorte jonchaient le parvis
et le dallage du vaifleau central. Des morceaux de grifaille. des débris de
médaillons et de bordures, des plombs tordus par le choc craquaient à tout
inftant sous les pas.
Huit jours après cette '-' grande et importable ruine /> c était Pâques,
la plus triomphale de toutes les fêtes. En ce beau jour, la plupart des Lexoviens
tenaient à affister à l'office pontifical. Auffi Meffieurs du chapitre se hàtèrent-
ils de faire déblayer 1 intérieur de '-' leur éizlife //. André GofTct. maitre-
maçon, et une équipe de manœuvres se mirent réfolumcnt à 1 œuvre. Les
solennités pafcales terminées, les charpentiers, maçons, couvreurs, verriers
commencèrent les réparations indifpcniablcs. Les arcs-boutants du côté du
palais épifcopal furent confolidés. On rcflaura les verrières des chapelles
Saint-Denis et Saint-Michcl. Dans la dernière semaine de juin les travaux
de déblaiement étaient terminés. Il n avait pas fallu moins de douze cents
livres pour les accomplir. '
A 1 approche de 1 hiver il importait de mettre à 1 abri des intempéries
I . Compte de G. Levefcjuc, i'^' novembre i s s ■ .1 mcmc jour i s s i .
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 29
le corps carré de la tour. Une charpente en bois et une couverture de
chaume y pourvurent ; même pendant les plus mauvais jours, les ouvriers
travaillèrent avec perfévérance. arrivant très tôt, repartant très tard. Le
7 novembre, le comptable de la fabrique verfe au cirier ^r par dix livres de
chandelle pour éclairer aux mâchons >/. Tous ces travaux demandaient du
temps et beaucoup d argent. Or, la fabrique était pauvre. En 1383, l'évêque
Guillaume d Eftouteville lui avait fieffé environ quatre-vingt-dix livres de
rente. Maigres refïources pour entretenir un édifice auffi vafte que Saint-
Pierre. Depuis 13(17 il y avait bien à lentrée du chœur un tronc deftiné
à recevoir les offrandes volontaires des fidèles : dans les années heureufes
ce tronc pouvait produire environ quatre livres de revenu, somme aflez
modique. Les donations, les droits sur les sépultures et les infcriptions
funéraires ne pouvaient non plus fournir de bien larges subfides. Le prin-
cipal bailleur de fonds, c était 1 évèque. Il est curieux de conftater que le
chapitre, si jaloux et si fier de ses prérogatives dans la cathédrale, n'était
jamais preflé de la réparer quand elle menaçait ruine. Très au courant de
ses droits, il feignait d ignorer ses devoirs.
Par acte paffé le 2 i décembre i 5 3 *> devant Michel Lailler et Olivier
Carrey, tabellions, lévêque Jacques d'Annebault confacre son fief de la
Gouyère, situé à Bonneville-la-Louvet, à la réfection de la tour'. Le souve-
rain pontife Paul IV daigna stimuler les libéralités des Lexoviens par des
indulgences. Ces pardons et jubilés, de 155") à 1559, produifirent environ
six cents livres ". Des quêtes générales eurent lieu, la fabrique reçut quelques
legs ; enfin, après de longues héfitations. le chapitre confentit également à
contribuer aux réparations en abandonnant les légères redevances que, de
temps immémorial, chaque églife et chaque paroiffe lui verfaient à l'époque
de la Pentecôte.
Avant de reconflruire un clocher, il convenait d'abord de réparer les
dégâts survenus dans les voûtes. Tel fut l'avis unanime de l'évêque et des
chanoines. Les dévaftations des Proteftants devaient retarder jufqu'en 157Q
la réfection de la flèche. Pendant vingt-deux années, les maçons s'y
1. Acte originaL Archives départementales. Fabrique de la Cathédrale, i'"" liasse.
2 , Comptes de Pierre Levesque et d'tAbel Doynard {isss à iss?).
^,o SAINT-PIERRE DE LISIEUX
employèrent aflez irrégulièrement. Il eft vrai que chaque hiver la neige et
le froid obligeaient les ouvriers à 1 inactivité. En 158*^- ^^s sculpteurs tra-
vaillèrent la rangée de quatre -feuilles ajourés qui sert de baluftrade au
clocher. Les panneaux de pierre pleine, intercalés entre les quatre-feuilles,
reçurent une décoration héraldique. Au début du xix' siècle des perfonnes
âgées nommaient encore cette baluflrade : la galerie des armoiries. Pour
l'exécution de ce travail d'art, le chapitre de Saint-Pierre se mit en rapport
avec une célébrité lexovienne. Mann Bourgeoys. dont 1 attachante phvfio-
nomie. '^ l'induftrve et savoir en 1 art de painture // ont été récemment
mis en relief par M. Georges Huard '. Quels blafons précis le peintre
esquiffait-il sur la baluftrade crénelée? Il eft bien difficile de le savoir.
Quatre lourds clochetons, d une forme inufitée. contournent la flèche.
dont les arêtes sont agrémentées de crochets et les huit pans recouverts
d imbrications de faible relief.
En i<)(>i et i<)()2 d importants travaux de reftauration ont été exécu-
tés sur cette partie de la cathédrale, sous la direction éclairée de M. de La
Rocque. architecte des Monuments hiftonques. La symétrie de 1 échafau-
dage établi pour la circonftance. sa quafi-élégance. sa légèreté, ont été
admirées des connaiHeurs.
Pour perpétuer le souvenir de cette récente reftauration. une plaque
commémorative a été placée dans la corniche de la tour Sud (façade oueft).
Sur cette plaque en plomb a été gravée l'infcnption suivante :
" La tour Sud de 1 églife cathédrale Saint-Pierre a été restaurée en
I c)C) I et I ()(>':?.
" M. Henry Chéron. étant maire ;
" M. l'abbé Ducellier. curé-doyen de Saint-Picrre :
" M. Simon, préfident du Conseil de fabrique ;
" M. de La Rocque. architecte en chef des Monuments hiftonques :
" M. Lucas, architecte infpecteur ;
" M. Prévoft. entrepreneur. //
1. Bulletin Société Hifloriipic Lificux. t q i f , n' 2i). pp. ^ à "î;.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTERIEUR 31
LES MURJ LATÈF{AUX, ^RCS-BOUTANTS ^ CONTR^FORJS .
Conftruits en moyen appareil les murs de la cathédrale Samt-Pierre
n'ont guère d autre ornement que les légères colonnettes à bagues enca-
drant les fenêtres. Le tailloir de chaque chapiteau se prolonge en cordon.
La toiture s appuie sur une corniche confiflant en une tablette saillante
portée par des corbeaux de faible dimenfion. Des modillons à tètes
étranges efquilTent de plaifantes grimaces ou bien encore semblent faire de
prodigieux efforts pour empêcher la corniche de s abîmer dans le vide.
Comme à Laon et à Noyon. la décoration romane aux formes circulaires
se retrouve dans ces encorbellements, spécialement dans les annelets. Le
long du déambulatoire, du chevet et des chapelles, les corbeaux sculptés
font place à une mouluration horizontale.
Pour neutralifer la pouffée latérale développée par les croifées d ogives,
des étais obliques aux reins puiflamment maçonnés viennent épauler les arcs
doubleaux des voûtes. Les arcs-boutants prennent leur point d appui d une
part sur de solides contreforts et d autre part sur une colonne à demi
engagée dans les murs, indice certain de leur ancienneté. La pouiTée des
voûtes est ainfi progreffivement tranfmife au sol comme par une cafcade
de pierre. Afin de rendre impoffible le gliffement des affifes supérieures des
contreforts, les architectes du xix^ siècle les ont chargées le long de la nef
de petites piles surmontées de flèches et autour du chœur et du chevet d un
pinacle fleuronné (fig. 3). La plupart des glacis des arcs-boutants sont
tapiffés d'imbrications. De chaque côté de l'églife. à la naiffance de la
courbe de l'abfide. s'élèvent des contreforts plus épais. Ils abritent un efca-
lier. Cette particularité eft. selon Viollet-le-Duc. l'une des caractérifliiques
des cathédrales de Normandie '. Si la charpente des bas-côtés efl sans
intérêt, la charpente de la nef et des croifillons eO: remarquable : elle efl:
compofée de chevrons portant ferme. Primitivement, des tuiles diverfement
I. Deux tourelles d'efcalier analogues s'obfervent à la Trinité de Fécamp, à 1 Abbatiale
d'Eu, à Saint-Georges de Bofcherville, à lAbbaye-aux-Dames à Caen, i N.-D. de Rouen, à
Saint-Etienne de Caen. Aux cathédrales de Baveux et Coutances, les tourelles sont au nombre
de quatre.
32
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
nuancées recouvraient la toiture de la cathédrale. Quand, par un beau
soleil, on fait rafccnfion de la tour Sud. il neft pas rare d'apercevoir
des scintillements imprévus et charmants : ce sont d anciennes tuiles
vernifTées c|ui provoquent
les mille jeux de la lu-
mière. Lorfcjue toute la
couverture était ainfi co-
lorée, c était une vraie fête
des yeux. Les verts, les
bleus profonds, les rouges
de pourpre s harmoni-
saient si joliment !
LE
PORJAIL DU PARADIS.
Le porche latéral du
croifillon Sud s appelle
'^portail du Paradis//, sans
doute parce qu il s ouvre
sur la petite rue de ce
nom. Il fut certainement
élevé dans le dernier tiers
du xii' siècle comme il est
aifé de s en convaincre
par 1 examen attentif de la
sculpture. Quoique allez
dcfii^uré par des refaçons
et des remaniements di-
vers, ce très sévère morceau d architecture s impofe à 1 attention des ar-
chéoloi^ucs. Quand un habile photoi^raphe eHaïc de reproduire le portail
du croifillon Sud. à son grand étonnemcnt. 1 image obtenue subit toujours
une déformation fort prononcée. Elle est inévitable ; elle tient au monu-
ment lui-même. Edifié sur un terrain mouvant, à proximité de l enceinte
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Piiiiclc fleuronnc du chucur.
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LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR 33
militaire, cette façade a perdu son équilibre et s'eft écartée de l'aplomb
que lui donna le maître primitif.
Tout au bas de la façade s'ouvre une porte entourée de trois archi-
voltes à moulures toriques. Trois colonnettes saillantes et trois fûts en délit
rempliflent l'ébrafement. Des crochets ornent les chapiteaux, Au-defTus de
la porte, court une double rangée d'arcatures dont l'archivolte supérieure
est refouillée de palmettes exquifes. Des bandeaux peu saillants et de profils
aflez sobres servent de ligne de démarcation entre les deux zones décora-
tives. Le premier regiftre comporte d'élégantes lancettes géminées: le second
rappelle davantage les procédés de la période romane. L'heureux avance-
cement des arcatures donne de la légèreté à la façade et remplit agréablement
l'auftère nudité du mur. Malheureufement les contreforts d'angle maffifs et
largement empattés projettent trop d'ombre sur l'ensemble de la décoration
et alourdiflent la silhouette générale du portail.
Pendant la guerre de Cent ans, des fortifications protégées par des
fofles profonds avaient été creufés autour de la cathédrale et du manoir
épifcopal. En cas d'alerte, les habitants de Lifieux et des faubourgs venaient
chercher abri et protection dans cette enceinte flanquée de tours et de case-
mates '. Les folTés pafiant trop près du portail méridional provoquèrent un
fléchissement dans les fondations. La façade surplombait de ^ centimètres
par mètre sur la place Saint-Pierre (c'est-à-dire sur l'emplacement actuel
de. la rue du Paradis). Pour enrayer cette efi-rayante poufTée du croifillon
sud, l'architecte commença par combler les vafl:es fofles défenfifs. Une
grande quantité de terres apportée en toute hâte vint confolider le soubas-
sement du portail. Il en réfulta un notable exhauffement du sol extérieur.
Au lieu de monter pour entrer dans 1 églife de ce côté, il fallut déformais
defcendre plufieurs degrés. Non content de cette surélévation donnée au sol,
Guillemot de Samaifon, maiflre maçon de l'églife Saint-Jacques, de 1488
à 1506, réfolut d épauler la façade à l'aide de vigoureux éperons. C était le
seul moyen de la préferver d'une ruine certaine. Un tel expédient, s il aflu-
rait la stabilité de la mafle, devait fatalement compromettre Iharmonie des
1 . '< Ou quel chaftel le peuple de la ville de Lifieux et d'environ a accouftumé soy retrairc
et avoir son refuge en cas de néceffité et de péril. ;/ (Cdxt. de Thomas Basin, F" 6.)
34
SAINT-PIERKE DE LISIEUX
lignes d'architecture. En 190g. lorfque le miniftère des Beaux- Arts a renou-
velé cette partie de léglife. en dêmoliffant l'extrême pointe des contrefons.
les maçons ont retrouvé non seulement les amorces de la galerie primitive
mais encore plufieurs arcatures aveugles (fig. <>) du xii' siéde et lare de
décharge de la même époc|ue. Sa décoration rappelle les derniers reflets de
lart roman (fig. 7).
En 1 S .4 I et I S 4 2 .
M. Danjov a pris la pré-
caution de soulager les épe-
rons du xv' siècle à 1 aide
d'armatures en fer d un
poids supérieur à deux mille
kilogrammes. De puiflantes
pièces de ce métal pénètrent
dans 1 intérieur des voûtes
et attirent la façade vers
1 intérieur pour 1 empêcher
de s échapper brufquement
dans le vide. Malgré ces
mefures de sécurité, malgré
les récents travaux de 1 1)()<),
un mouvement de défagré-
/|fe'"|;;;;iiv
.f J^.»ry
iration
Fig. 6. Arcature aveugle, croisillon sud.
lente s opère encore
du côté du portail du Pa-
radis. Pour le conflater. il
suffit de regarder attentive-
ment les murs intérieurs à la naillancc du triforium. proche 1 entrée du
déambulatoire, une cafTure de plufieurs centimètres de longueur efi bien
apparente. Depuis iiM i clic ne celTe de s ac^randir.
La façade méridionale de Saint-Picrre pourrait être comparée avec le
chevet droit de Laon. soutenu par de robufies contreforts surmontés de
pinacles, percé à la partie inférieure par trois hautes lancettes. L ordonnance
générale se rcfiemblc singulièrement. Cependant, à Lificux, il n y a pas de
rofe dans la décoration.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTERIEUR
35
LE CHEVET DU CROISILLON NOI^D.
Plein de force et d énergie austère, contrebuté par des contreforts
d angle allez saillants, le chevet du croifillon nord n a point de portail. Trois
hautes fenêtres en tiers-point dominent un soubaflement très élevé dont
les murs sont percés de deux baies également en tiers-point. Deux flèches
octogonales, dont les afTises préfentent des arcatures dépourvues de colon-
Fig 7 Arc de décharge, croisillon sud.
nettes, couronnent les épais contreforts. Malgré sa nudité sévère, le chevet
nord s'harmomfe agréablement avec 1 ofTature de 1 églife et donne à sa
silhouette extérieure une note grave qui rappelle la technique romane.
M"' Vassal nous a deffiné très Joliment ce coin de la cathédrale trop peu
remarqué des vifiteurs.
LA TOUR^ LANTERNE.
Aux xii' et xiii^ siècles les conftructeurs normands ont montré un goût
décidé pour les tours centrales. Ils aimaient ces hauts clochers, dont la
maiTe se profilait au point d interfection des tranfepts. En pafTant du roman
au style nouveau, les architectes ne voulurent point renoncer à leurs tours-
lanternes, dont la carrure puiflante produifait des oppofitions intérefTantes,
des jeux de ligne et des jeux de lumières remarquables, en évitant que les
36 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
faces latérales des églifes ne se dreOent comme les murs d une maifon ordi-
naire, brufquement et sans variété. M. Lefévre-Pontalis eftime que la tour-
lanterne de la cathédrale de Lifieux n était pas prévue à 1 origine. L examen
du monument rend cette hypothèfe plaufible. A 1 intérieur plufieurs
colonnes d'angle ne supportent aucune charge, aucune pouiTée verticale de
la voûte. La tour centrale a pu être ajoutée à la partie françaife de la cathé-
drale par le conftructeur du début du xiii'' siècle, soucieux d imprimer à son
travail un accent local et bien normand.
Flanquée de contreforts à relTauts. la tour-lanterne eft ajourée de deux
fenêtres en arcs brifés sur chacune de ses faces. Aux angles, une longue
colonnette à bagues monte jufqu à la corniche. Une tourelle ronde, décorée
à sa partie supérieure d étroites arcatures sans colonnettes. se drelle à 1 angle
nord-oueft. Sa flèche couverte d ardoifes eft amortie par un fleuron. Un
double rang de bâtons brifés sert de corniche à la tour. Des quatrc-feuilles
gravés occupent les écoinçons formés par les fenêtres et les arcatures
aveugles qui les séparent.
Une simple toiture à quatre pans, en charpente couverte d ardoifes,
remplace la svelte pyramide en bois revêtu de plomb dont 1 élégante
silhouette pointait bien haut par-deffus les allées et les manoirs humble-
ment réunis au pied de la cathédrale. Au déclin du xviii' siècle, une seule
cloche surnommée la *' cloche des chanoines » séjournait encore dans la
tour-lanterne. Elle était deftinéc à convoquer les réunions capitulaires.
Sous 1 épiscopat de Thomas Basin, au xv"" siècle, les murs extérieurs de
la tour centrale furent complètement rcsOiaurés. Les comptes du fabriquier,
Guillaume Guéroult ' ( i j ') i - i j ■) 2). apportent à ce sujet d intéreffantes
précifions. La face nord était particulièrement délabrée. Quarante-huit jours
de travail suffirent à 1 appareilleur Béroult pour remettre à neuf la base de
la tour. Comment ne pas admirer la confcience de ce maitrc-ouvrier .''
Redoutant que la démolition des murailles ébranlées n occafionne de graves
dommages aux croifées d ogives du croilillon nord. 1 entrepreneur recom-
mande à ses manœuvres de difpofer sur les voûtes des nattes ufagées et des
t. Congrès tArchéologiijuc de Cdou /909, t. II, p. 07V
2. Comptes de Gucroult. Archives du Calvados, et Quicherat, Thomas Basin. t. IV,
p. lOQ.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR
37
claies « dfn que les pierres et le grougin et le mortier qui cherraient de
haut de ladite lanterne en mâchonnant ne firent pas si grant dommage à
la tieuUe comme ils eujfent peu faire /,. En 1809, l'architecte chargé par
le gouvernement impérial de reftaurer la tour centrale. M. Millet, a décou-
vert à la bafe du contrefort sur lequel s appuie le premier l'arc-boutant du
chœur (côté nord), une pierre sculptée offrant les armoiries de Thomas
Basin. nouvelle preuve indéniable du zèle mis par ce prélat à employer
pour la réparation de sa cathédrale la part qui lui revint dans la succefTion
de son prédécefleur Pafquier de Vaux.
VUf ^ ^.»- V— V. ; w.. ««- ^ >^ S..- *^^ t». '
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L'INTERIEUR
LE NAFJHEX
oiR APPRF.ciFR coiiinic il convient l'auftère beauté de la
cathédrale Saint-Pierre. il eft préférable d entrer par le i^rand
portail. Quand le regard s arrête sur les gros piliers de la
-c^-^'v n "'^^' ^ ^^^^ ^^^ conlidérable. La longue série des puiHants
K:^^>4/aa supports fait penfer à une rangée de colonnes antiques.
Comme ces piles s appuient fortement sur le sol ! On sent qu elles sont
faites pour porter et qu elles résideront indéfiniment au poids énorme que
le maître d œuvre voulut leur impofer. Parmi les grands édifices de la pre-
mière époque gothique, la nef de Lilieux se diflmguc par son harmonieulc
unité, son style impeccable et un peu nu. et par la simplicité de ses lignes.
Clarté et force, plus de profondeur que d envolée, telle nous parait être
l'imprelTion d enicmblc.
La nef eft d une médiocre largeur, mais ce défaut ajoute à 1 idée de
profondeur qu elle suggère dès le premier coup d oeil.
Suivant une tradition alTez fréquemment suivie par les architectes romans,
une sorte de vcftibulc. preiqu une petite églilc précède la grande églifc. Un
narthex d une travée s obfervait pareillement a Saint-Evroul. abbaye béné-
dictine de lancien diocèle de Lilieux. A la cathédrale Saint-Pierre. le porche
intérieur reflète fidèlement les diverfcs vieil fitudcs subies par la conftnaction.
LA CATHÉDRALE GOTHIQ_UE — INTERIEUR
39
Au moment où les tours s élevaient, d importantes
retouches furent pratiquées dans 1 ordonnance du
narthex. Malgré 1 enchevêtrement des procédés de deux
écoles d architecture, le vifiteur exercé peut sans peine
apercevoir les repnfes en sous-œuvre.
Evidemment les deux larges maffifs qui s élèvent
de chaque côté de la grande porte appartiennent à la
cathédrale du xi^ siècle.
La muraille oueft a été exhauiTée et solidement
renforcée, les pieds-droits senfiblement allongés, des
faifceaux de colonnettes établis dans les angles (fig. 8).
Plufieurs colonnes du xif siècle gardent encore leur
fonction primitive : mais sur leurs abaques repofent de
nouveaux supports deftinés à recevoir la retombée des
croifées d ogives. Un architecte normand préfida
sans doute à ces refaçons. Le profil
arrondi des bafes et des chapiteaux, la
difpofition circulaire des colonnes raf-
femblées par des gorges profondes.
l'acuité surprenante des arcs-brifés. la
prédominance de la sculpture végétale,
dénotent, à n en point douter, l'archi-
tecture de la province. L ordonnateur //
précédent préférait les tailloirs rectangu- //
laires. les profils et les courbes d arca-
tures en vogue dans le domaine royal.
La voûte médiane du porche inté-
rieur, écrafée en i ") <) ^ par la chute
du clocher sud. s orne d une moulu-
ration RenaifTance. Au point d inter-
fection de branches d ogives, se dé-
tachent les armoiries du chapitre :
deux clefs en sautoir cantonnées de
quatre étoiles.
i^S
Fig. S. ' Suppon du nirthex
allongé au xui' ù'ede.
40
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
La tribune occupée par l'orgue et les deux salles contiguës furent recou-
vertes de croifées d ogives, au xiu'^^ siècle. Le profil des nervures 1 indique
clairement (fig. ()).
La porte qui s ouvre sur 1 efcalier des orgues
est encadrée par une archivolte terminée par des
culots normands'. Nous en avons remarqué de
semblables dans la salle capitulaire de Saint-Pierre-
sur-Dives et dans les chapelles du chevet à Saint-
Etienne de Caen.
Fig .)
Profil du doubleau du bu
de la nef.
La grande arcade
met 1(
le qui met le porcne en com-
munication avec le vaifTeau central a traverfé la
>li
d(
:iudi
C(
période révolutionnaire sans éprouver de trop graves préjudices, i^ependant
quelques supports ont subi des mutilations qui paraifTent avoir été inten-
tionnelles et remontent sans doute à ces temps si troublés. C efl: certai-
nement 1 un des plus jolis coins de Saint-Pierre. Lorfque Viollet-le-Duc
vifita la cathédrale, nous savons qu il s'arrêta avec complaifance devant
1 arcade centrale pour en admirer l'heureux agencement et 1 ornementation
délicate. Dans son Dictionnaire raifonné d'Ar-
chitecture, en deux mots explicatifs, il a voulu
en caractérifer la sculpture. Un dcffm de
M. Sauvageot illuRre son texte (fig. lo). L un
des chapiteaux du narthcx préfente des feuillages
combinés avec des figurines. Ne serait-il pas
une réplique savante d Un chapiteau du trifo-
rium de la nef pareillement orné d une tête
d'homme r' Dans la sculpture, on trouve des
feuilles d acanthe. Les fines et multiples décou-
pures de cette plante conventionnelle, la forme
des fruits. le repliement des folioles entourées
par un galon perlé, tout indique que le sculpteur
achève de s affranchir des derniers souvenirs romans. Les légers rinceaux qui
courent le long des archivoltes, les deux tètes couronnées qui scr\-ent de som-
I . lin culot normand se peut définir : un cul-de-lampc dont la partie inférieure en forme
de conc renversé se coude à an^le droit pour pénétrer dans le mur.
Fig lo — Chapiteaux feuillagét du nanhei
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LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR
41
miers témoignent dune obfervation pénétrante des formes; sans être très
animées, ces figures n en ont pas moins une grande beauté et une noblefîe
remarquable. M. Patou. profefleur de sculp-
ture au collège de Lifieux. a mis toute son
habileté à les reproduire (fig. 11). Naguère
le mufée du Trocadéro a fait mouler ces
têtes ainfi que trois ou quatre chapiteaux
feuillages. Sur les catalogues, le confervateur
date ces morceaux de sculpture du début du
xiii^ siècle. Ils pourraient être un peu plus
anciens. Dans la façade occidentale de la
cathédrale de Sens, élevée vers 117*) à I180,
nous avons remarqué des chapiteaux et des
rinceaux très reflemblants avec ceux du nar-
thex de Saint-Pierre.
Avant de s éloigner du porche, il importe
de donner un moment d'attention à deux
culs-de-lampe situés près de 1 entrée de chaque
collatéral. Au nord c'eft un homme avec une
sorte de bonnet de docteur en guife de
coiffure. Au sud. c eft auffi une tête humaine.
un bel ovale. Les boucles des cheveux et de
la barbe sont détachées et frifées. Le front
large, les yeux profondément enfoncés sous
1 arcade sourcihère. le pliffement des lèvres,
la phyfionomie penfive donnent à cette sculp-
ture beaucoup de nobleffe. Il y a sur les
traits un air de trifteffe et de gravité qui inté-
reffe. Nous ignorons quels perfonnages hiftonques ou religieux, idéalifés ou
réels, l'imagier de la cathédrale a voulu repréfenter.
■''Ç^i
Fig. II. — Rinceau et figurine du narthex.
LA NEF
Au lieu de se hauffer brufquement, d'un seul élan, vers le sommet des
voûtes, les lignes afcendantes, encore timides dans leur mouvement, sont
42 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
coupées d'alfifes horizontales où elles s'appuient. Il faut plulieurs arrêts, plu-
sieurs départs avant que les supports inférieurs atteignent les ner\ures qu ils
doivent soulager et soutenir.
En élévation, la nef comprend trois zones : les arcades du rez-de-
chauiïée. le triforium. les fenêtres ou claire-voie. Les huit travées de la nef.
larges chacune de } m. lo. étant de même structure, il suffit de décrire
une seule d entre elles pour avoir une idée de 1 enfemble.
Les jrcjdes du re2^-de-chdiijfce. tracées en arc-brifé. s'appuient sur de
robuftes piles cylindriques uniformément les mêmes. Pareille difpofition
se retouvc à Notre-Dame-de-Louviers. Un tel soubaflement eft encore
roman. Le syftcmc gothique neft très apparent qu'au second étage.
Les bafcs de ces vigoureux supports portent sur un socle carré aux angles
abattus: elles sont munies d'agrafes ou empattements. Lune des piles pré-
sente même une griffe de lion parfaitement imitée'. Depuis K^S-j le socle
eft enfoui dans le sol à une profondeur de quarante à cinquante centimètres.
Le fut de chaque colonne monocylindrique eft en pierre calcaire groflière.
la bafe en pierre plus dure et plus fine. Depuis le pièdcftal jufqu à 1 aftra-
gale. la hauteur des supports atteint \ m. v> ^ raifon de "? m. 2(> de cir-
conférence. Sur deux piles se voient encore des traces de peintures funé-
raires: beaucoup de défunts, en effet, ne pouvant prétendre a 1 honneur de
la statue tombale, devaient se contenter d une inicription relevée d une
simple peinture.
L'ornementation des chapiteaux confifle en deux et parfois trois ran-
gées de feuillages dérivés de la claifiquc feuille d'acanthe. L'arum, le nénuphar,
la vigne et la fougère v figurent : leur pointe se termine en forme de volute
retournée. En général la sculpture n offre qu un relief peu senfible: mais
elle reffe vigourcufc et ample. Deux chapiteaux rappellent ceux du déambu-
latoire de Saint-Rcmi de Reims élevé vers l i 7(»-i l «jo. Suivant une opinion
émife par ViolIct-le-Duc. les sculptures, au moyen âge. étaient exécutées
avant la pofe: parfois les artiffcs se bornaient à les épanneler. à les dégrolfir.
en tenant compte des divers ornements qu elles devaient recevoir dans la suite.
I . Moulurjtton des hjses : deux boudins sépares par une gorge ou scotie entre deux minces
filew. Au lieu dcire rond, le tore inférieur cft aplati. Ccft le type gcncral des bases au
xiT siècle.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR 43
Un bon nombre de chapiteaux de la nef pourraient n'être que de sommaires
ébauches. Des archéologues expérimentés, notamment MM. Vasseur. Pannier
et Serbat soutiennent cette hypothèse: mais d autres archéologues, en parti-
culier M. le docteur Coutan. eftiment la décoration des chapiteaux achevée.
La surface de pierre semble trop plate, trop mince pour permettre un
refouillement ultérieur. Les tailloirs des chapiteaux ont leurs pans coupés'.
La hauteur des grandes arcades donnerait davantage 1 impreffion d élan-
cement SI le maitre de 1 œuvre ne les avait encadrées par un large plat
deffiné par une moulure'.
Il eft permis de regretter cet enjolivement. Ce n'efl: plus la suprême
élégance de lare brifé aux lignes si pures et si simples de Laon, Notre-
Dame-de-Paris. Saint-Yved de Braine et Longpont. Les nervures de la
voûte centrale retombent sur des colonnettes qui s appuient sur le tailloir des
grolles colonnes cvlindriques : parti adopté dans les nefs de Laon. Notre-
Dame-de-Paris, et dans de nombreufes églifes de lIle-de-France. Le befoin
de légèreté, qui eft un des caractères eflentiels de 1 art gothique, commence
à se mamfefter à Lifieux: 1 architecte, en effet, à réduit à trois le nombre
des colonnettes baguées repofant sur le tailloir. La colonne des arcs formerets
appuie déjà sur le triforium.
Difons sans plus tarder que les voûtes de la nef, comme d'ailleurs celles
du chœur et des croifillons. sont des croifées d ogives simples sur plan bar-
long ou rectangulaire. Des croifées d ogives sur plan carré se voient dans les
bas-cotés de la nef. dans les croifillons et les trois premières travées du
déambulatoire, car la quatrième travée eft presque rectangulaire. Les travées
tournantes sont appareillées sur plan trapèze. Cette énumération peut sembler
un peu aride, mais elle eft indifpenfable pour mettre en rehef les difficultés
rencontrées par les maîtres de 1 œuvre dans le voûtement des diverfes parties
de la cathédrale. Dans les travées du déambulatoire. 1 architecte s eft trouvé en
1. Profil des tailloirs : de haut en bas, un filet, des doucines superpofées (S peu allongé)
et un bandeau. Ce profil fut très en vogue dans la région parifienne vers iioo.
2. La courbe intérieure des grandes arcades comporte un large méplat entouré d'un
tore entre deux cavets. Le tailloir des colonnes qui répondent aux ogives neft pas placé de biais.
La mouluration des arcs doubleaux et des ogives préfente un léger bandeau entre deux tores et
deux cavets. Les formerets ont un boudin dégagé par un canal.
44 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
face d'un problème difficile à réfoudre. En effet, dans le rond-point, l'es-
pace à couvrir devenait irrégulier, plus large vers l'extérieur que vers l'intérieur.
Inflruit par l'expérience, l'architecte a triomphalement utilifé toutes les res-
sources que préfente 1 ogive. Les quatre compartiments de la voûte s infcnvent
dans des triangles inégaux qui. repliés d un côté, ouverts de 1 autre, suivent
fidèlement la courbe du déambulatoire. L'épaiiTeur des arcs doubleaux trahit
leur ancienneté. Ils ont la forme briféc qui pouffe moins au vide que le
plein cintre. Les arcs-ogives sont d un diamètre plus faible.
De légers feuillages garniffent les clefs de voûte, sauf dans les quatre
premières travées remaniées de \^')(^ à i *) v>- Le sommet des nervures fut
remis à neuf avec de la pierre blanche prifc dans les carrières dHermival'.
La réparation de chaque croiféc d ogives revenait à environ quatre-vingts livres.
Les entrepreneurs d aujourd hui seraient sans doute très embarraffés pour
travailler à si bon compte.
LE TRJFORJUM
Les anciens textes du moyen âge entendent par ce terme tout ouvrage
percé d une série de jours ou d arcades. Les archéologues contemporains
réfervent ce mot pour dcfigner la série d'arcatures décoratives, qui. dans une
églife gothique, court entre les arches du rez-dc-chauffée et les fenêtres.
Certaines cathédrales, par exemple Laon et Noyon. poffèdent à la fois des
tribunes et un trifonum. A Lificux le trifonum offre simplement 1 apparence
d une tribune.
A chaque travée, il se compofe d'une arcaturc en tiers-point subdivifée
en deux lancettes. Le tympan et les baies ont été aveuglés affez tardivement.
Le mur de rempliffagc c(l un peu épais et très fruffe. Un architecte du
moyen âge eut apporté plus d attention et plus de soin à une cloifon ainli
comprifc. Primitivement les baies pouvaient servir soit à faciliter la circulation
de 1 air sous les combles des collatéraux, soit à permettre les réparations des
parties hautes du monument et le placement des tapifferies et des tentures
dans les cérémonies solennelles. Il suffit de monter sur les bas-cotés et d ou-
I. Compte? lie I cvcsquc et Doynard (I^^^-l^^M). Archives du Calvidos.
PL
Photo Lemaitre.
LA NEF DE LA CATHÉDRALE
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR 45
vrir la porte d'une baie pour remarquer qu'à une époque antérieure la colonne
principale deftinée à recevoir les deux arcs secondaires était accompagnée de
deux minces colonnettes. Dans les chapiteaux du triforium. le sculpteur a
imité de préférence des feuilles de chêne, d acanthe et de vigne'. Ce sont les
feuilles enroulées du commencement du printemps, des jeunes pouffes aux
lignes encore simples, des bourgeons prêts à brifer leur frêle enveloppe. Le
triforium de Saint-Pierre-de-Lifieux peut être comparé avec le triforium
édifié par Guillaume de Sens au-deflus du chœur de la cathédrale de Can-
torbéry vers i i 7 3 . Le triforium de la cathédrale anglaife efl: cependant plus
complexe. Au heu d'une archivolte unique. 1 encadrement des arcatures com-
prend deux archivoltes et deux colonnettes en guife d appui. Le triforium de
la cathédrale de Sens se rapproche également de celui de Lifieux.
L'étdge supérieur de U nef ou claire-voie efl très simple. Chaque travée
comprend deux feneftrages en tiers-point dont lébrasement rappelle le style
parifien. Chaque fenêtre n'offre qu'une seule verrière. Il se pourrait qu'à
l'origine ces baies euilent été plus petites et traitées comme celles des croi-
sillons. L'archivolte des fenêtres porte sur des colonnettes annelées. Quel
dommage qu'en 16 (S (S la suppreffion des vitraux anciens ait privé la cathé-
drale de cette lumière difcrète et voilée si propice à la méditation et au
recueillement. Les clartés crues ne conviennent guère aux édifices du moyen
âge. Une certaine pénombre leur donne, au contraire, un caractère de myfté-
neufe poéfie... Au xvii^ siècle '^ les gens de goût » n'étaient point de cet
avis. Grands ennemis des vitraux obfcurs, les chanoines de Lifieux achetèrent
dans les verreries de Beaumont-le-Roger et de Conches les verres blancs
néceilaires à une large diftnbution de lumière dans la nef. Le ton rem-
bruni des murailles difparut sous un épais badigeon d'une éclatante blan-
cheur. Les moulures et les sculptures les plus finement ouvragées furent
I . La préfence de la vigne dans la décoration de Saint-Pierre n'a rien qui puifle nous
étonner, car certaines parties du pavs normand étaient très anciennement couvertes de vignobles.
Ex. : Cesny-aux-Vignes. Dès le vi' siècle, l'évèque de Lifieux, Etherius donna des terres et des
vignes au clerc chargé d'inftruire les enfants de la cité épifcopale. Grégoire de Tours, Historid
Francorum. liv. VI, ch. xxxvi, éd. de la Soc. de l'Hist. de France, t. II, p. 47b. — L. Delisle.
Etudes sur la condition de la Classe agricole et l'état de l' Agriculture en Normandie au moyen âge,
p. 4 18 et suiv.
46 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
littéralement empâtées par ce revêtement à la mode. Dans la penfée du cha-
pitre, ce difpendieux placage devait diffimuler les rides et la vétufté de la
cathédrale, la parer de nouvelles grâces, lui donner des afpects singulièrement
rajeunis. Avec cette exubérance de décor. 1 édifice a bien failli perdre pour
toujours son harmonieufe beauté. Tout 1 effort réparateur du dernier siècle
n a pas encore suffi à lui reftituer sa couleur et sa phyfionomie d autrefois.
On a crié au vandalisme à propos des travaux exécutés au xvii' siècle dans
la nef de la cathédrale. Le mot eft un peu gros pour qualifier une tranffor-
mation, d ailleurs fàcheufe, mais infpirée par une admiration exceffive du
style clalfique. Ne soyons pas trop sévères pour les architectes des xvii" et
xviii" siècles; ne les excommunions pas trop vite. La grande coupable fut la
mode. A travers les âges, elle a commis tant de fautes.
D abord peu favorable aux déplorables entreprifes de son chapitre.
Mgr Léonor II de Matignon finit par le suivre dans ses errements et ses
innovations. C efl: en lOiSy que fut commence, grâce à la générofité mal
comprife du prélat, le renouvellement du dallage. Jufqu à cette époque, si
funcfic, la cathédrale était prefque entièrement pavée de pierres tombales. Les
morts eux-mêmes s affociaient aux vivants dans un même élan de ferveur.
Les générations difparues, les mains jointes sur leurs dalles funèbres, entre-
tenaient dans les générations nouvelles 1 idée de la prière et de la confiance
en Dieu. Près de ces tombeaux, le paffé et le prélcnt s uniffaient dans un
même sentiment d amour.
Or, en \')>^'/, pendant de longues semaines, tandis que fidèle à sa
configne, le veilleur prêchait a tous le refpect des défunts en psalmodiant à
travers la ville endormie :
Rcvcilicz-vous, gens qui dormez,
Priez Dicii pour les trcp.ifTcs.
les équipes de maçons relevaient les tombes hifionées et les transpor-
taient, non sans quelque fracas, dans la chapelle ablidale et le pourtour du
chœur. Le menu peuple n aime guère ceux qui dérangent ses habitudes et les
œuvres des ancêtres. Il ne manqua point de déplorer amèrement 1 cloigne-
ment des gifants couchés sur leurs tombeaux. Toujours scnlible a leurs
muettes oraifons. il se plaifait à prier à leurs côtés.
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 47
Un chroniqueur de l'époque nous laifTe deviner l'écho des plaintes et
des critiques formulées par 1 opinion publique : « En cette année 1687,
Mgr l'Evêque a fait réparer de neuf toute 1 églife cathédrale, et pour cet effet,
on a ôté toutes les tombes qui étaient dans la nef et dans les ailes; les unes
étaient de belle pierre et les autres de cuivre. Elles ont été tranfportées der-
rière le chœur et dans la chapelle de Notre-Dame ; mais une bonne quantité
de ces belles tombes ont été cafTées par l'imprudence des ouvriers. L'on a
trouvé vis-à-vis la chaire à prêcher, un puits fort profond, que l'on a laifTé
en son même état, après l'avoir couvert d une grande pierre. L on a pareille-
ment ôté les tombes de pierre et de cuivre de plufieurs évèques qui étaient
dans le chœur, même un tombeau élevé en bofie contre une des murailles
des ailes de la nef, dans lequel on a trouvé les oiTements d un enfant qui
apparemment était de qualité. Le commun s eft scandalifé de ce qu'on a ainfy
ôté tous les tombeaux en ce que cela ôte la mémoire de plufieurs perfonnes
dignes de confidération ' . u
Ce puits, dont parle l'auteur du Mémoridi c'était évidemment le puits
de l'œuvre. Son utilité fut par la suite appréciée soit en cas d incendie, soit
en cas de guerre. C'eft ainfi qu'au xiv^ et xv* siècles, quand les Anglais ou
même les bandes de pillards français étaient signalés dans le pays d'Auge, à
la moindre alerte, les Lexoviens venaient chercher abri dans la citadelle épis-
copale et dans l'églife Saint-Pierre. Le chanoine lexovien. Jean Le Prévost,
nous l'apprend dans son ouvrage sur la chanté de Thiberville. Le menu
peuple habitait alors la cathédrale, il y allumait du feu pour ses befoins, il
en dégradait à l'occafion les colonnes et les murailles". A partir de 1407,
la conftruction dune enceinte fortifiée rendit la cathédrale inutile comme
place de refuge en temps de guerre : l'édifice jouifTait pourtant encore du
droit d'afile. Au mois de septembre 1436. le recteur des écoles de la ville.
Jacques Anquetil, accufé de vouloir préparer la reddition de Lifieux en faveur
du roi de France, pour éviter les pourfuites. se réfugia dans Saint-Pierre:
pourfuivi. arrêté, il fut finalement condamné à mort comme traître à la
patrie... Sans prendre parti sur le fond du débat, l'évêque Pierre Cauchon
1. Mémorial de ce qui s'est passé de plus remarquable à Lifieux depuis l'an i6j6 à 77/7,
petit in-4'\ Bulletin, Société hijlorique de Lifieux, 1875, n" 6.
2. Fie des SS. Patrons du Diocèse de Lifieux, p. 187.
48 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
et son chapitre revendiquèrent pour la cathédrale le droit d'afile. Gain de
caufe leur refta.
Plus d une fois pendant les guerres, la nef servit à recueillir les blefTés.
les malades ou même les soldats de paiTage notamment en i S i ^ et en
l(S7o. Des perfonnes qui en décembre 1N70 ont vu arriver par milliers
les soldats nous ont dépeint leur affreux dénuement. La plupart étaient si
soucieux, si accablés par la fatigue et la faim ! c était pitié de les voir gravir
les degrés du parvis. Un froid rigoureux venait encore ajouter sa terrible
morfure à leurs souffrances phvfiques. Une neige abondante couvrait le sol.
Douce comme une aïeule, la cathédrale eut voulu être tiède comme un nid
pour oftrir un refuge guériHeur à ces pauvres victimes du devoir. Ne con-
nait-elle pas les mifères humaines, elle qui les vit pafler toutes.'^ Malgré la
trifteHc de Iheure, la maison de Dieu dut trelTaillir de fierté en devenant,
pour quelques nuits, la maifon des héros malheureux... En 1 S i <) . sa peine
avait du être plus douloureufe encore; elle devait ouvrir toutes grandes ses
portes, non pas devant les fils de France, mais devant les orgueilleux soldats
du général prufUen Bluchcr.
LES COLLATÉf{AUX
Les collatciaux ou bas-côtés qui bordent la nef sont d une médiocre
hauteur. Le dallage eft un peu plus élevé dans le collatéral Nord que dans
1 autre bas-coté. Les voûtes appareillées sur plan carré n ont pas la même
élégance que dans la nef (fig. i 2). Si la coupe des ogives efi: aufii pure,
les colonnettes et les nervures ne sont pas toujours difpofées avec une rigou-
reufe régularité. Les conflructeurs du moyen âge étaient loin d être auffi
'' rationalises // que les archéologues de notre temps. Quand la réalifation
de leur plan leur .semblait trop difficile, dut la symétrie en souftnr légère-
ment, les architectes recouraient à des expédients. Un support de plus qu il
ne fallait avait-il été édifié, le maître de 1 œuvre le laifiait tout de même en
place; au contraire, un point d appui faifait-il défaut. auflitcSt une pièce sur
lit horizontal placée en saillie sur le nu des murailles venait recevoir la charge.
A chaque extrémité des collatéraux, des corbeaux ornés de grotefques
ont été ajoutés pour recevoir la retombée des ogives, certains supports,
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PL 19
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Collection de l'Auteur.
ENTRÉE DU BAS-COTÉ NORD
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR
49
quoique inutilifés, ont été maintenus dans les angles. Pour se rendre compte
de l'afpect primitif des collatéraux, le vifiteur devra se placer au bas de la
nef, face à la statue de saint Pierre. Au xm" siècle, les bas-côtés étaient
fermés par un mur simplement ajouré de feneftrage en arcs brifés semblables
aux deux fenêtres aveugles les plus rapprochées de la sacriftie des enfants de
chœur.
L'alignement des robuftes piles cylin-
driques de la nef donne beaucoup de
profondeur à ce coin de la cathédrale.
Toutefois dans le bas-côté Nord l'efca-
lier de la chaire et le vafte buffet de
l'orgue de chœur nuifent un peu à la
rectitude de la perfpective. Malgré les
nombreufes chaifes qui l'encombrent,
le collatéral Sud garde toute sa poéfie,
surtout en été. lorfque dans la fraîcheur
de 1 aurore, les vitraux du xv^ siècle l'en-
veloppent de leurs chaudes colorations
(% 13).
La cathédrale ne renfermait à l'ori-
gine qu un petit nombre d'autels ; mais
aux xiii* et xiv" siècles, les pieufes libéra-
lités en faveur des vivants et des morts
s'étant multipliées, le plan primitit" de
l'églife dut subir de senfibles modifica-
tions. Tout le long des collatéraux, les murs gouttereaux disparurent. Les
contreforts furent prolongés vers l'extérieur et toute une série de chapelles
latérales s élevèrent après coup entre les culées des arcs -boutants. Au
sud, l'emplacement originaire des contreforts efl: nettement vifible sur les
murs de séparation des chapelles saint Joseph et Notre-Dame-de-la-Salette.
A en juger par la difpofition des baies et le caractère des remplages, les
chapelles du collatéral Nord paraifTent avoir été ouvertes avant les chapelles
du sud. M. Arthème Pannier, s'appuyant sur les fouilles pratiquées dans la
première et la troifième chapelle, était porté à dater de la fin du xiii^ siècle
Fig. 12. — Collatéral Sud et narthex.
50
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
la série des chapelles du collatéral Nord. Nous les croyons du début du
xiv' siècle. En effet, à 1 étude de M^ Delarue. notaire à Lifieux. nous avons lu
un texte de i "ji^o qui mentionne les six chapelles du bas-côté Nord. Roger
de Jumièges se charge de
.1:
1(
remplacer leurs verrières.
Il eft permis de croire que
les vitraux primitifs avaient
duré quelque efpace de
temps avant de tomber
en miettes .
Toutes les chapelles.
de dimeniions à peu prés
identiques, s ouvrent sur
les collatéraux par une
haute arcade pratiquée
entre les colonnettes an-
nelées qui servent de sup-
port aux voûtes des bas-
côtés. Une fenêtre en tiers-
point déverle la lumière
dans chaque chapelle. Au
nord, trois meneaux iiarnis
de fines colonnettes et re-
liés par des arcs trilobés
divifent le vitrail en quatre
panneaux. Dans les baies
à tracene rayonnante, le
meneau central sert de
point d appui à deux arcs brifés qui encadrent six quatre-feuilles et à une
grande roface à cinq lobes. Au xv' siècle, quatre fenêtres ont eu leur tvmpan
renouvelé dans le style ogival dit flamboyant. Les rcmplagcs prennent un
caractère anguleux et pnlmatique qui n eft pas sans quelque séchcrelTe. Les
Fig n Aipeci général du collatcrtl Sud
1. Voir le texte de Rot;cr de Jiimicpcs au chapitre des Vitraux.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR
51
pétales des trèfles se terminent en une pointe aiguë et se contournent comme
des flammes ondulant sous 1 emprife du vent.
Les quatre premières chapelles du collatéral Sud accufent une retouche
et un élargifl^ement du xv' siècle. Les profils prifinatiques des meneaux, les
rofaces en ellipfe ou en forme de cœur correfpondent bien avec cette période.
Les chapelles de ce côté pofledent encore
leur décoration primitive; arcade deflinée
à recevoir l'autel et élégantes pifcines tri-
lobées à double cuvette, dont les trois
archivoltes d encadrement retombent sur
de minces colonnettes terminées par des
chapiteaux feuillages. Dans le collatéral
Nord, les arcades ont été agrandies pour
permettre le placement de tableaux.
Dans ses pénétrantes obfervations sur
la flore des grandes cathédrales françaifes. M. Lambin aflure que 1 orne-
mentation de Saint-Pierre de Lifieux efl: celle des xiu^ et xiv"" siècles pour
la suite des chapelles des collatéraux de la nef. On y voit se développer
la chélidoine. la renoncule, le liferon. le rofier sauvage, du lierre, du chêne
et de la vigne. Ces feuillages ne sont pas plifles, ondulés, nervés en creux
comme ceux du milieu du xiv* siècle; c efl: toufl'u. simple et charmant (fig. 1 4).
Dans les collatéraux, les chapiteaux des colonnettes annelées sont traités
avec un art déhcat, le tailloir efl carré. Les feuillages se collent à la cor-
beille moins intimement que dans la nef. L églantier et le liferon sont imités
avec une saisiflante fidélité.
Fig. 14 Chapiteaux du collatéral Nord.
LE TI{ANSEPT
Quatre arcs en tiers-point limitent le carré du tranfept et le mettent en
communication avec les croifillons. la nef et le chœur. Aux quatre angles
de la croifée s élèvent d énormes piliers compofés. Sous la lanterne, mieux
encore qu au bas du porche, la vieille cathédrale prend une allure décora-
tive et monumentale admirable. La croifée et les bras du tranfept furent
édifiés par larchitecte de la nef. Seule la lanterne date du xiii" siècle.
52
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Les colonnes d angles ont été ajoutées après coup en encorbellement '.
Elles ne partent point du sol même, mais simplement du sommet des grandes
arcades de soutènement. A 1 entrée du chœur, les faisceaux de supports s ar-
rêtent au niveau dune confole feuillagée. Pareille difpofition avait été égale-
ment adoptée à la cathédrale de Noyon et à Saint-Yved de Braine. Le
triforium de la lanterne de Lifieux n c(\ pas identique dans toute sa hauteur.
Les tailloirs des chapiteaux rappellent encore le style parifien. tandis que
Fig 1^ Arcatur» avcujjles oc ia lamcrnc
les bafcs et les tailloirs des colonnes d angles sont devenues circulaires
Les archivoltes et la série de médaillons ornant chaque groupe de lan-
cettes dénotent plutôt le stvlc normand. La claire-voïc porte une empreinte
régionale indifcutable. les profils des nervures et la prélcnce de gorges pro-
fondes dans les encadrements des feneflraces en sont un indice certain. Bref.
SI la claire-voie ert une oeuvre normande, la partie inférieure de la tour-lanterne
flotte entre deux stvles et a subi 1 influence de deux écoles diflinctes. La
claire-voïc se compose de deux fenêtres sur chacune des quatre faces. Sur leur
appui passe une galerie de circulation. La voûte eft établie sur huit ncr-
i. A Nouvion-lc-Vincux. l'.irchitcctc du choeur n'ayant pas prévu la lanterne de ta croifce
a, comme à Lificux, ajoute des supports dans les angles, du coté de l'orient.
PL 20
Photo Boutev
INTÉRIEUR. DE L-^ TOUEL-LANTERNE
Cl. V. Hardy
LE TRIFORIUM DU CHŒUR.
LE DÉAMBUL\TOIR.E DU NORD
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR
53
vures rayonnant autour d'une clef circulaire. La clef
avait été ainfi difpofée pour livrer pafTage à
la cloche abritée par la flèche en charpente.
Au cours des âges, de notables tra-
vaux de reftauration ont été entrepris à
la croifée et dans les deux croifillons. Les
derniers en date sont de 1869 et 1870.
M. Arthème Pannier les réfume ainfi :
>-< La lanterne du xiif siècle a été
confolidée et complètement ref-
taurée à 1 intérieur. Les larges
crevafles, que Ton apercevait de
chaque côté des grandes
arcades ogivales sur lefquelles
repofe cette tour ont nécef-
fité la fermeture des huit
baies aveugles de la galerie
placée à la bafe de la lan-
terne, et dont l'ombre mettait
parfaitement en relief les par-
ties saillantes. Tout le poids
de la mafle architecturale
portait sur la partie centrale
du mur qu il a fallu fortifier
et équilibrer en bouchant ces
ouvertures. Cette tour, qui
était autrefois surmontée
d une pyramide en bois très
élancée et probablement tra-
,j, ^ . ^ _ ^ ^ Fig. 16. — Th. Basin, d'après unjvitrairde Caudebec-en-Caux.
vaillée à jour, rut réparée au
xv*" siècle, à l'intérieur, par les soins de Thomas Basin, l'un des prélats les
plus diftingués et les plus zélés de l'ancien évêché de Lifieux'... » (Fig. t6).
r . Almanach de Liftciix, i 87 i , p. 136.
54 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Nous avons précédemment donné une idée de ces travaux extérieurs: il
reste à préciser et à détailler les réfections intérieures, commencées en i 'io^
sous 1 épifcopat du cardinal Jean IV Le Veneur et décidées sous son pré-
décefleur Etienne BloiTet de Carrouges.
C était en novembre l 504. Un prêtre de Lifieux chargé par le -''' cha-
pitre de cjuérir des maitres-maçons pour veoir et vifiter leuvre de 1 églife »,
se rendit à Evreux et à Rouen. Ses démarches aboutirent. Quelques jours
plus tard. 1 appareilleur de la cathédrale d Evreux. André ColTart. arrivait à
Lifieux. Apparemment afTez simple, ce perfonnage defcendit à 1 auberge de
l'Ecu-dc-France. L architecte de la cathédrale de Rouen. M'" Jacques Leroux
devait être plus confcient de son titre et de sa compétence : son fils
raccompagnait, tous deux s inftallèrent confortablement en " 1 oftellerie Notre-
Dame. // Le chapitre s en aperçut à ses dépens. Au lieu de trois écus d or,
1 expert rouennais s en fit octroyer quatre, sans compter les frais de voyage
et de séjour. Avant de repartir, les architectes établirent un rapport consul-
tatif et un devis.
Le 1 février i V'V deux maçons. Thomas Legrand et Pierre Turgis
commencèrent de tailler avec précaution de larges blocs de pierre blanche
provenant des carrières de la Bove et des Loges. Denis Gosset vint les aider
le i" mars. Les charpentiers travaillent de leur côté. Ils apportent de nom-
breuses poutres, les réunilTent, les alTemblent. L échafaudage devait être
maffif, car le bois fut employé avec profufion. Sachant qu un échafaudage
solidement combiné fait gagner du temps aux ouvriers. Guillemot de Sa-
maifon, " maiftrc principal de lœuvre de machonnerie //. exerce une sur-
veillance attentive sur les charpentiers, leur donne à 1 occafion d utiles confeils
et quand il le faut ne craint pas de mettre lui-même la main à lœuvre.
par exemple pour " lever et dresser leftablie sife et situe de soubz 1 arche
du pupitre //. Ainfi furent évitées bien des pertes de temps et bien des
dépenfes inutiles. En peu de jours, de puilTantes arcades de bois s élevèrent
sous les voûtes du croihlion Sud. Elles formaient comme un cintrage provi-
foirc dediné à soulager et .'i soutenir la maçonnerie " en danger de cheoir. »
Le 7 avril, au matin, les maçons prennent podeflion des échafaudages.
Un simple manœuvre leur apporte les matériaux au fur et à mefurc des
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 55
befoins. Lare d'entrée du chœur. les piliers qui reçoivent sa retombée, le
triforium et la claire-voie de la tour-lanterne, les voûtes du croifillon Sud
et de son collatéral sont succeffivement remis en état par l'atelier de ^r maiftre
Goflet. // Au début, ces artifans étaient allez inexpérimentés, aufTi Guille-
mot de Samaifon. dont la science toute pratique n'était pas faite de for-
mules inertes, leur donnait des leçons, befognant de ses mains, soit pour
tracer les épures à grandeur d exécution, soit pour agencer avec précifion
les pierres de taille, les doubleaux et les arcs-ogives. Il ne fallut pas moins
de quinze mois pour mener à bien les réparations prévues et indiquées par
les experts consultés. Le 0 avril 130O, Laurent Boullaye peintre décorateur
recevait 7 sols 0 deniers '^ pour un écufTon aux armes de Monfieur de
Lifieux garni de feuillage de tous coftés en la clef de voulte de la croifée
nouvellement édifiée '. // La réparation des verrières de la lanterne et du
croifillon Sud. lélargiilement de plufieurs d entre elles avaient été confiés à
Thomas Doenart ^r verrinier de la paroifTe de Saint-Jacques. » Ce détail eft
intéreilant, car il permet de remarquer que les baies de la tour-lanterne
furent agrandies au cours des travaux de reftauration.
LES CI{piSILLONS
Les deux croifillons. très saillants, donnent de l'ampleur à la cathédrale.
Leur conftruction se rattache à la première campagne de travaux, et trois
croifées d'ogives les recouvrent. Les nervures, ogives et doubleaux. retombent
sur des faifceaux de fûts maintenus par des tenons en forme de bague. Du
côté occidental, les retombées des voûtes s arrêtent sur de larges consoles :
du côté oriental, elles sont reçues par les tailloirs des grolTes colonnes du
rez-de-chauiTée. Ces piles sont traitées comme celles de la nef, mais leur
bafe et leur socle sont complètement à découvert".
Les arcs formerets descendent seulement jufqu'à la bafe des fenêtres
hautes, leurs moulures y forment des pénétrations coudées. En bas. dans le
mur occidental de chaque croifillon, une baie en tiers-point a été aveuglée,
1. Comptes du fabriquier, q avril 1506.
2. Profl des oghes : un tore entre deux cavets. — Profil des doubleaux : une gorge entre
deux boudins.
30
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
au nord par la dernière chapelle, bàtie après coup : au sud. par la conftruc-
tion de la salle capitulaire dont la porte d entrée subfifte encore.
A 1 est le trifonum se préfente à la façon d une tribune. Au moment
de la reftauration du tranfept. 1 architecte n ayant pu reftituer avec certitude
la phyfionomie primitive de cet étage, s est contenté de subftituer à 1 ancien
blocage, élevé entre les baies, une simple cloifon en bois. Si 1 avenir apporte
des données moins précaires, il sera ainfi plus aifé de les mettre à exécution.
F-' V
Pig I 7 Trifonum du croifillon Nord
A 1 ouert. le trifonum ne manc|uc pas d originalité (flg. 17). C eft
une galerie fort resserrée, éclairée par des arcaturcs percées de baies rectan-
iiulaires analoiiues à celles qui forment la jialerie intérieure de la tour Sud.
Une voûte en berceau surmonte le trifonum occidental dans les deux
croiiillons.
CHpiSILLON NOl{D
Le mur du fond appelle de nombrcufes obfer\ations. Décorer avec goût
une surface nue auHi vafte n était point chofe facile. Il eft mer\cilleux de
voir avec quelle aifance le maitre de 1 oeuvre a surmonté la difficulté. Un
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LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 57
long cordon marque la divifion des quatre étages. Aucune séchereiïe, aucune
monotonie dans la difpofition des membres d'architecture. Le tracé, la forme
des arcs, leur emplacement varie à chaque étage. De grandes lignes, un heu-
reux arrangement de la décoration, l'union intelligente du beau et de l'utile,
voilà ce qui donne à lextrémité du croifiUon un magnifique afpect monu-
mental. Tous ceux qui voudront contempler le mur terminal en se plaçant
près de la porte du Paradis, sont certains de goûter une satilfaction artiftique
très réelle et très complète.
La claire -voie supérieure comprend trois fenêtres en arc brifé, celle du
milieu plus élancée que les autres. Vient enfuite le tnfonum, puis deux
feneflrages largement ébrafés. Leurs archivoltes retombent de chaque côté
sur trois colonnettes, dont les chapiteaux préfentent de jolis feuillages. L'un
des supports efi: commun aux deux baies. Au-deflous de ces fenêtres acco-
lées s'élève le soubalTement avec deux arcades extrêmement remarquées des
archéologues.
Prévoyant que les tombeaux de grande taille peuvent gêner l'exercice
du culte et la circulation des fidèles, lun des architectes de la cathédrale a
fait creufer dans le soubalTement deux niches funéraires d une profondeur
de 80 centimètres. Naguère, ce genre de niches s'appelait ^^ arcosolium »,
en français on dit un enfeu. A l'époque romane, cette forme de maufolée
devint particulièrement à la mode dans les provinces de 1 ouefl; de la France.
Les deux enfeux de Saint-Pierre-de-Lifieux ont vivement piqué la curiofité
des artiftes. et il faut bien avouer que, jufqu'à préfent, les interprétations
diffèrent profondément.
Le monument de gauche consifte en une niche avec soubaffement
imitant un sarcophage. Ce soubaffement efl: enclavé dans le mur, de telle
sorte qu on pourrait croire qu il y fut dépofé au moment de la conffruction
de l'églife. Cependant, une étude plus attentive de la difpofition des pierres
permet d'affirmer que le sarcophage n'a été placé là que dans un but de
confervation à une date moins lointaine. Cinq médaillons affreufement
mutilés ornent le devant du tombeau. Un riche bandeau circulaire compofé
de palmettes, d'S accolés et de feuillages conventionnels encadre cinq têtes
d'infpiration purement païenne. La tête du milieu se préfente de face. Elle
a la chevelure partagée en deux parties égales par une raie aflez profonde.
s
58
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Fig.
CroiTillon Nord : figurines d'un enfeu.
Deux cpis de froment lorment couronne sur le sommet de la tète. Les
quatre autres tètes d'accompagnement sont vues de profil, trois d entre elles
portent des diadèmes rehaussés de fines pierreries (fig. iN). Au premier
afpect. deux figures ont
une allure fièminine. mais
la dispofition des che-
veux indique des jeunes
hommes. Dans les ècoin-
çons que laiHent entre
eux les médaillons, se
détachent des acanthes.
Enfin, une ligne de perles
efpacées sert de bordure
à la partie inférieure de la pierre tombale. Les sculptures des cinq figu-
rines révèlent un tailleur d images sûr de lui et de son outil (fig. 19).
L Anglais Turner a été 1 un des premiers à étudier ces morceaux de sculp-
ture. A son avis " 1 étude des tètes, des couronnes, la difpofition des
rinceaux de feuillage permettent de confidérer ce sarcophage comme une
production de la période carolingienne, encore quelle puifie être d'une date
antérieure //. L hiftorien
de Lifieux, Louis Dubois,
connaiHait le palTaiie pré-
paiiage pi
cité de Turner, mais il 1 a
traduit avec une complète
inexactitude '. En effet, si
Turner attribue à 1 épo-
que des Carolingiens les
médaillons en ronde boilc,
il date du xir ou xiii'
Fig. i<). Croifillon Nord : figuriaes d'un enfeu
Siècles les deux statues en armes enchàffées dans le fond de la niche
funéraire. En i>^7'?. M. de Formeville propofa une interprétation difîé-
rcntc de lopinion émife par Turner ' : " Nous penfons tout simplement
1 . L. Dubois, Hijîoirc de Lifictix t. il, p. 202.
2. De Formeville, Hijloire Je l'ancien c\èchè-comtc de Lifieux, t. I. p. cxvij.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR 59
que les médaillons sont l'œuvre des artiftes capricieux du xvi^ siècle.
Qu on les compare, en effet, à ceux qui décoraient 1 intérieur de la belle
maifon de la rue aux Fèvres et à quelques autres de cette époque, on
y reconnaîtra aifément un caractère frappant d analogie ou même d iden-
tité ; c eft bien le même mélange de coiffure romaine et du moyen âge et
la même ornementation sur les encadrements. Cette pierre, dont rien au
surplus ne juftifie 1 incruffation dans le mur en cet endroit, puifqu'elle n a
même pas les dimenfions de 1 arcade sous laquelle elle se trouve, nous
parait avoir été placée là dans un but unique de confervation. » En 1908 ',
le chroniqueur si apprécié des lecteurs du Bulletin Monumental a repris
1 explication donnée par M. de Formeville. ^^ Ces têtes, écnt-il. d une belle
sculpture paraiflent à première vue appartenir, ainfi que leurs encadrements,
au xii^ siècle, mais un examen attentif des détails prouve que ce travail
n'efl; pas antérieur au xvu^ siècle. » A notre demande, plufieurs sculpteurs,
très experts dans leur art. ont examiné avec attention les détails et 1 en-
semble du sarcophage et les ont comparés avec des travaux du xvi^ siècle,
particulièrement avec les médaillons du manoir François I" à Lifieux et du
manoir des Gens-d Armes à Caen. En réalité, de séneufes différences
exiftent entre les deux séries de sculptures, et les analogies paraiffent affez
lointaines. Leur conclufion a été que le travail eft bien antérieur à la
Renaiflance. Dans les médaillons de cette dernière époque, les épaules sont
souvent entièrement deffinées et prefque toujours elles sont au moins indi-
quées ; dans le monument funéraire, aucune efquifle des épaules, tout le
fond du médaillon eft occupé par le vifage et le cou. les coiffures diffèrent
complètement : dans les médaillons Renaiffance, elles ont plus d importance.
Au point de vue du fini de 1 œuvre, à la cathédrale de Lifieux. la sculp-
ture des bandeaux circulaires eft: encore collante, peu détachée ; dans les
manoirs elle a un rehef plus accentué. Les traits des figures sont délicats,
plus fouillés dans le maufolée que dans les panneaux Renaiftance. Enfin,
dans l'enfeu, les écoinçons ont des palmettes autrement anguleufes. Pour
réfumer d'un mot notre impreffion : les bas-reliefs avec lesquels nous
venons de faire connaiftance pourraient être une œuvre de tranfition créée
I. Congrès archéologique, 1908, t. I. p. 310.
bo SAINT-PIERRE DE LISIEUX
par un artifte imprégné de la tradition romane et utilifant les données
gallo-romaines et byzantines. Nous sommes convaincus qu il avait sous les
yeux une collection de fines et précieufes médailles anciennes. Il efl: intéres-
sant de remarquer 1 encadrement circulaire qui rayonne autour de la pre-
mière figure à droite. Il rappelle à s y méprendre certains rinceaux de 1 églife
Sancta-Maria-in-Valle à Cividale. en Frioul. œuvre infpirée par la Renais-
sance byzantine du x" siècle et utilifée par le maître de 1 œuvre au début
du xii' siècle '.
Dans le fond de la niche on a placé deux statues malheureufement
brifées. Villemin les a delfinées au xviu" siècle avec peu d exactitude : au
bas de son efquine on lit cette légende : ". Guerriers armés dans la nef de
la cathédrale de Lifieux". //
En 1 N I 7. John Cotmann a exécuté un delTin plus confciencieux et plus
complet. Les deux chevaliers portent une tunique d étoffe sans manche,
recouverte d un vêtement de mailles d acier. Un long bouclier protège
1 épaule gauche. Un ceinturon retient le fourreau d une épée effilée vers la
pointe. L un des chevaliers tient d une main une palme, de 1 autre une
banderole à infcription ou phylactère. L autre chevalier tient également une
palme de la main droite, mais son bras gauche difparait sous larmure. Le
sculpteur a mis sous les pieds des deux combattants un lion comme symbole
de bravoure et de fier courage. Le coftume de guerre, lattitude des défunts
laiffe deviner le génie de ce grand xiii'' siècle qui a ennobli la vie et
embelli la mort. Quel dommage qu il ne nous soit pas poffiblc de savoir
le nom de ces personnages contemporains des croifades !
Le second cnfcii conliRe également en une niche circulaire. Deux
courtes colonnettes pofées sur les extrémités du soubafiement supportent
une archivolte moulurée. Les chapiteaux, du même style que les sculptures
des feneftrages et du tnforium du tranfept, annoncent la fin du xii' siècle.
Tout au bas de la niche six anges couronnés, placés en regard 1 un de
1 autre, portent en main des palmes ou des phylactères. Leur tcte eft abritée
par une arcade cintrée aux écoinçons garnis de quatre-feuilles. Allis sur des
1 . R. de Lastcyric, L Architccutrc rcligicufc en Frjncc j l' cpo<jue ronunc . Paris igi 2, in-S,
p. 3b.
2. Monuments français inédits pour servir J l'hijïoire des arts. t. \'\ pi. 07 .
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LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR
6i
cippes aflez simples, les anges portent des palmes et des phylactères, dont
les infcriptions ont difparu. Ce cortège d'anges n'exifta pas toujours comme
décoration de lenfeu, c'efl: une sculpture rapportée. Le haut du tympan
repréfente la préfentation d'un défunt au tribunal de Dieu. Deux anges,
revêtus de longues tuniques finement drapées, tiennent avec précaution l'àme
du défunt enveloppée dans un long linceul et symbolifée par un perfonnage
nu (fig. 20). Au xiii^ siècle, l'iconographie du tombeau préfentait volontiers
l'âme des juftes sous les traits d'un perfonnage non vêtu, apparemment
parce que les bons n'avaient rien à cacher au regard divin. Les méchants,
j^'
Fig. 20. — La présentation d'un défiant au tribunal de Dieu.
juftement effrayés à la vue de leurs laideurs morales, s'efforçaient de les difli-
muler sous d'amples vêtements. Pour mieux exprimer son efpoir en la bonté
miféricordieufe du Suprême Jufticier, le sculpteur de la cathédrale Saint-
Pierre confie aux anges le mort qu'il veut honorer. A travers les nuées du
ciel, les deux meilagers emportent doucement leur précieux fardeau jufqu'au
Paradis, lieu du repos et de la gloire des élus. Les ailes des anges aux
plumes délicatement fouillées, leur fine chevelure, le relief des perfonnages,
dont les corps s'infléchifTent avec grâce, l'heureux agencement de leurs mains,
les lignes merveilleufement souples du linceul dont les extrémités se recourbent
avec une surprenante légèreté, la très belle difpofition de chaque groupe
tout laifie preilentir un travail du xiii*^ siècle.
62 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
L'enfeu que nous venons de décrire pourrait renfermer les reftes de
l'enfant dont parle le Mémorial : 'r L'on a ôté même un tombeau élevé en
bofle contre une des murailles des ailes de la nef. dans lequel on a trouvé
des oflements d un enfant qui apparemment était de qualité. //
En avant de l'enfeu, il faut signaler une statue tombale du xii' siècle.
Découverte en juillet i!^43 dans la cour de IHotel-de-VilIe. elle était enga-
gée dans les parois d'un réfervoir à eau. La municipalité de Lifieux. persuadée
que ce gisant provenait de la cathédrale, le rendit à sa deftination première.
Taillée dans une pierre grisâtre, analogue au marbre de Vieux, la statue
offre 2 m. i s^ de longueur sur o m. go de largeur au sommet. Le gisant
foule aux pieds un dragon ailé. Il porte le coftume pontifical : chafuble
large et ondoyante, aube à parements rehaudés de galons, tunique, étole.
La main droite se drcHe pour bénir. La main gauche tient une croffe très
fruffe. Le corps a huit fois et demi la longueur de la tète, ce qui fait paraître
les bras extrêmement courts. La tète eft découverte, les cheveux groffièrement
contournés, le vifage grêle, les mains paraiHent d une maigreur afcétique. Le
défunt préfente la croffe tournée en dehors pour indiquer sa juridiction,
cefl: donc bien 1 effigie d un évèque. M. de Formeville suppofe qu il s agit
de Jean I". évèque de Lifieux décédé en i i | i et inhumé dans la cathédrale
du côté du septentrion . Le style de la statue, la raideur et la gaucherie des
membres, le manque de mouvement et de soupleile dans les draperies
indiquent la facture romane ".
Avant de quitter l'extrémité du croifillon Nord, il convient de se sou-
venir que les fonts baptifmaux s y trouvaient avant la Révolution. La
cathédrale était paroiffe pour les serviteurs et les gens du chapitre; cefl: là
que leurs enfants recevaient le baptême. Leur entrée dans 1 églife s effectuait
par la porte située près du mur de fond. L ancienne cuve baptilmale. datant
du xvii" ou xviif siècle, cft reléi^uée dans un coin de la cathédrale sous le
o
1. D' Billon, dans Bulletin mon., t. XIII, 1S4S, p. 100.
2. La statue tombale coiifcrvéc à Saint-Pierre doit être d'autant plus remarqucc que selon
Emile Màlc : " C'eft dans les dernières années du xii" siècle, suivant toutes les vraifemblanccs,
que l'on vit pour la première fois une statue touchée sur un tombeau. * Emile Maie.
L'Art religieux en France à h fin du moyen jge, p. 424.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 63
narthex. Elle était pourtant plus efthétique que l'étroite cuve de marbre qui
la remplace.
Au xvu^ siècle, les enfeux et, sans doute, les autels de Saint-Gilles et
de Saint-Ouen reçurent une décoration à la mode. Les sculptures de chaque
tombeau et les parties lifles furent peintes à la colle de même que les bou-
dins d'encadrement et les colonnettes. Il en refle encore des traces imper-
ceptibles, le rouge-brun et le vert dominaient.
LE COLLATÉI{AL DU CI{OISILLON NORJ)
L'exiftence d un bas-côté oriental au tranfept conftitue 1 une des plus
curieufes particularités architecturales de la cathédrale Saint-Pierre.
Une difpofition prefque identique se retrouve à Longues. Beauport,
Laufanne. L abbatiale de Saint-Denis, à 1 époque de Suger', comportait
également un bas-côté oriental, difpofition tout à fait exceptionnelle en
France, mais fréquente en Angleterre (Lincoln. Rochefter. Durham. Here-
ford, Lichfield. Salisbur>\ Peterborough). Le bas-côté de chaque croifillon
à Lifieux est voûté de trois croifées d ogives sur plan carré. Deux chapelles
ont été ménagées le long du mur oritntal. Les autels manquent des qualités
même du style qu'ils prétendent imiter. Les maitres d'autrefois, s'ils reve-
naient, les renieraient. Ces paftiches sont loin d offrir les élégances correctes
et pures du cadre qu ils doivent embellir. Les statues placées au-deflus de
ces autels paraiilent si étriquées et si grêles! Pour être jufte, il faut ajouter
qu elles étaient deftinées à orner le grand autel où des statues en bronze
doré sont venues les remplacer. Près du paher de l'autel le plus rapproché
du déambulatoire, en iQoc) chacun pouvait contempler une pierre tumu-
laîre de 1364. Aujourd'hui elle n'efl: plus guère vifible. C'était la tombe
de Foulques Coftard. chanoine de la cathédrale. Le défunt avait les mains
jointes, la tête recouverte d'une aumuffe. une chappe sur les épaules. Des
pilaftres cannelés et chargés de rinceaux feuillages supportaient une riche
arcade d'encadrement. L'infcription gravée en lettres gothiques était bien
lifible. M. Arthème Pannier nous l'a confervée :
1. Viollet-le-Duc : Dut., t. IX, p. 228.
64 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
Icy efl Lî sépulture de vêfîb'' et difcrète perfonne
M' Foulqs Coftdrd en son vivant p''" chanoine de céans
licencié en droict canon et bachelier en théologie
lequel décéda le VIIT jour de Novembre md VccLXIII
R^quiefcat in Pace.
^mcn ' .
LE Cl{OISILLON SUD
Le bas-côté oriental du cioifillon Sud offre tous les caractères remar-
qués dans le croifillon Nord. Seul le mur du fond diffère. La fenêtre
géminée fut agrandie et divifée par un meneau au xvi siècle. Le soubaffe-
ment du mur renferme un enfeu voûté de deux jolies croifées d ogives.
Malheureufemcnt le coffre refte nu. la pierre tombale a été buchée. Cepen-
dant en la regardant avec précaution, il efl: encore poffible de diffingucr la
place des mains, la forme de la crofle. les contours d une ample chafuble
et même quelques traces d un animal symbolique. C était évidemment la
sépulture d un évêque de Lifieux. L ordonnance du mausolée indique le
treizième siècle. L'un des médaillons sculptés sur le tvmpan de 1 arcature
extérieure repréfentc un moine à la bcface entr ouverte. Sur sa tête se remarque
un bonnet de bouffon. L'artiffe aura voulu faire une chariie. Sa vcne se
sera égayée aux dépens de quelque docte perfonnagc de son entourage
(fig. 2l). Il ny eut jamais de cenfeurs moins sévères que les clercs du
moyen âge: ils ne se scandalifaient guère des saillies de la gaité populaire et
laidaient pénétrer dans la cathédrale les motifs décoratifs les plus fantailiftes.
même les plus facétieux. Quand les bons chanoines de Lifieux aperçurent
le curieux motif exécuté par 1 imagier de leur églife. ils furent sans doute
les premiers à sourire de son badinage inoffenfif
Le mur de fond du croifillon proprement dit a son rez-dc-chauilée
I . Il cft qucftion de ce dunoinc dans un obituaire de la cathédrale appartenant à la
Bibliotlicquc Nationale (xvi" siècle, fonds latin nouv. acq.. n" 177S). Au 7' feuillet de ce
précieux manufcrit. M. Foulques Coftard eft porte domicilie dans la maifon canoniale du
titre de Sainte-Barbe située sur la rue aux Chanoines, non loin de remplacement actuel de la
Banque de France.
PL 24
PLAFOND DE BOIS SCULPTÉ PROVENANT DE L'ANCIENNE TRIBUNE DES MUSICIENS
Gouache de Léon Lederc.
GROUPE DANGES, BAS-RELIEF PIERRE. ENFEU DU CROISILLON NORD
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — EXTÉRIEUR
65
marqué par un tambour dont le deflus poiTède un riche plafond RenaifTance.
A la fin du xvi^ siècle, peut-être à partir de 15 78, dans les grandes céré-
monies religieufes. lorcheflre de la cathédrale venait se placer sur une tri-
bune élevée à l'extrémité du tranfept. La galerie de service ayant été fermée
par Guillemot de Samaifon. « la tribune des muficiens >/ permettait de
paiTer d'un coté du tranfept à l'autre à la hauteur du triforium. Le plafond
de la tribune repofait sur une énorme traverfe de bois s'appuyant d'un côté
sur le mur occidental et
de lautre côté sur les
deux premières colonnes,
ce qui explique les entailles
profondes qu elles préfen-
tent au regard. L'efcalier
de la bibliothèque du cha-
pitre deflervait cette tri-
bune. En 1800 elle fut
démontée . diminuée et
recompofée par les soins
de M. Larcher. menuifier,
et Lemainier, sculpteur, à
la grande loie de nom-
granae j
breux artiftes.
Le centre du plafond
eft formé de cinq grands
panneaux octogones enca-
drant des caiiTons garnis de rofaces, de clefs pendantes sculptées à jour et
de scènes religieufes. L'une d elles repréfente David pinçant de la harpe,
l'autre glorifie sainte Cécile, patronne des muficiens. La vierge romaine
promène ses doigts sur un clavier d orgue; un ange se tient à ses côtés,
comme pour diriger son jeu et lui infpirer de délicates et prenantes mélo-
dies. Quatre lofanges ornés de têtes d'anges, ou de fines arabefques
entourent les médaillons de fond. Des moulures, d'élégants pendentifs, des
deffins courants servent de bordure au plafond soutenu par deux colonnes
corinthiennes en beau bois de chêne décoré de cannelures et de branches
Fig. 21. — Médaillon sculpté, enfeu du croifillon Sud.
.,() SAINT-PIEKKE DE LISIEUX
(de lierre. Des trophées d'inftrumcnts de muficjue et des figures allégoriques
et mytliologiaues sont dilpofés sur la frife d'entablement. Pris à part, le
plafond c(l une pièce de menuiferie remarcjuablc par son affemblage. son
tracé géométriGuc et sa très riche décoration. Malheureufcment il cd fort
mal éclairé et puis ne trouble-t-il pas un peu 1 harmonie de la cathédrale,
en dérobant aux regards la porte dite du Paradis, dont 1 ordonnance inté-
rieure et la fine sculpture palTent trop inaperçues.'' Par ailleurs, ce serait
dommage de supprimer un aulli curieux morceau de sculpture sur bois;
tous ceux qui s occupent d archéologie savent avec quelle prudente réferve
on doit toucher aux anciennes boiferies, aux vieux panneaux à caiffons dont
très peu sont parvenus jufqu à nous. Confidérant la tribune des muficiens
comme une adjonction dilparate. en iS^". M. 1 abbé Cagniard fort de
I autorilation préfectorale, réfolut de la supprimer. De violents blâmes et
d acerbes protcftations s élevèrent de toutes parts contre cet enlèvement inat-
tendu. Se failant 1 écho de ces critiques, le Bulletin uiommicntdl écrivait :
'^ La société fiançaife doit, en regrettant les actes de vandalilme. ménager
ceux qui s en rendent coupables lorfqu ils peuvent prétexter I ignorance. Mais
ici M. le curé de Saint-Pierre de Lifieux a aiii en connaifTance de caufe'. />
Cclui-ci ne se laiilait pas émouvoir par ces plaintes amères. c était un cœur
d or mais une volonté décidée. Dans une difficulté, il s arrangeait toujours
pour avoir le dernier mot. Pourtant après treize années de réliftance M. le
curé de Saint-Pierre se lailla convaincre et la tribune Sainte-Cécile, rajeunie
et trani formée, reparut dans la cathédrale. Vu de cet endroit élevé, légliie
prend un alpcct grandiole. le chœur réferve aux regards une bien jolie
pcrfpcctivc. le tran(ept se montre dans toute sa beauté, la lanterne surgit
comme une apparition vivante et joyeuse.
Au-dellus du plafond à caifTons. la muraille ell tapillée darcatures gémi-
nées encadrées deux .i deux par une arcature plus grande. La retombée de
1 archivolte supérieure se fait soit sur des tètes humaines d alpect bizarre,
soit sur des tètes d animaux.
Le triforium cft aveugle et formé de baies reaangulaires séparées par
une large maçonnerie entourée d un arc brifc. Avant la reftauration du
xv' siècle cette galerie permettait de contourner le croifillon tout entier.
' Bulletin monument jl, i. XI.\, i<s^-^, p. ^^4-1^^
LA CATHEDRALE GOTHIQL'E — INTERIEUR
67
A 1 étage supérieur. 1 architecture efl: prefque identique à celle du croi-
sillon Nord. Trois hautes fenêtres à lancettes l'ajourent. Comme M. Serbat
l'a remarqué avec juftefTe. le feneftrage du milieu eft plus élevé, sans que son
arc soit surhaufle. il en réfulte que les chapiteaux des colonnettes ne sont
pas au niveau des chapiteaux des baies latérales. La fenêtre située à l'angle
occidental du tambour a été mutilée au moment de la conflruction de la
tribune des muficiens.
A droite de la porte des chanoines, qui fut d abord une porte donnant
sur 1 extérieur, subfifte un curieux bas-relief infcnt sous une arcature trilobée.
C'eft un groupe funéraire.
Un arc en accolade à rampants feuillages
et fleuronnés surmonte le trilobé. De légers
contreforts amortis par des pinacles super-
pofés mettent en valeur le groupe sculpté.
Une série d arcatures à remplages rehe les
pinacles au fleuron.
La Vierge est afTife sous le lobe droit.
Son manteau retenu par une agrafe tombe
jufqu à terre en se creufant de plis horizon-
taux. Une longue chevelure ondule sur les
épaules de Notre-Dame, un magnifique dia-
dème entoure son front. La physionomie
ouverte, les joues pleines, le regard droit, tout contribue à rendre la Vierge
plus aimable que majeflueufe (fig. 22). Ce n eft pas une reine solennelle
et froide, c efl: une mère aimante et gracieufe. Debout sur les genoux de
Marie, 1 enfant Jéfus se penche avec infiniment de bienveillance vers un
eccléfiaftique. très fervent dans son agenouillement. La figure du Sauveur
s'anime, ses yeux s illuminent, ses lèvres se détendent, il va sourire. Un
accueil enthoufiafle sera certainement réfervé au chanoine qui. mains
jointes. 1 aumufle sur le bras, la tonfure bien marquée, vient de préfenter
sa supphque avec moult révérence. Devant le Juge Suprême. 1 eccléfiaftique
n'eft pas un ifolé. Le patron de sa maifon canoniale, saint Sébaftien
affifte à cette décifive entrevue. Pour rendre la scène plus pathétique,
le sculpteur préfente le martvr attaché à un arbre. Un arc à la main, un
Fig. 22. — Groupe funéraire. croifiUon Sud
68
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
paquet de flèches à la ceinture, le bourreau le suit. Anachronifme char-
mant : cet exécuteur des hautes œuvres porte la coiffure, le pourpoint et le
haut-de-chaufTe de la seconde moitié du xv' siècle. Les larges plis des étoffes,
la figure fine et expreffive de 1 enfant Jéfus. le commencement de réalifme
qui s affirme dans le geffe protecteur de saint Sébastien, les profils prifma-
tiques des arcatures. les feuillages recro-
quevillés, froiffés et très détaillés, per-
mettent de rattacher le bas-relief à
1 art du temps de Charles VII ou de
Louis XI.
Dans le lobe supérieur, un ange
aux ailes étendues emporte au ciel 1 àme
du défunt symbolifée par un frêle
enfant en prière (fig. 2";). Une infcrip-
tion obituaire. gravée sur une plaque
de marbre, était jadis appofée au-deffous
du groupe ; elle a difparu. mais la place
qu elle occupait eft nettement appa-
rente. Le bas-relief eft donc bien une
repréfentation funéraire. C était le tombeau d un chanoine du titre de
Saint-Sébaftien. Des sculptures funéraires analogues se rencontrent à Eu,
à Moyaux. et à Pierrefittc-en-Auge . Il suffit d ouvrir le recueil de
Gaignières pour en retrouver de nombreux exemples.
Fig. 3V Groupe funéraire du croifillon Sud, détail.
LE CHŒUH^
Dans la conflruction des églifcs. au moyen âge. 1 ulage habituel était
d élever tout d abord le chœur. A Lilieux. le maitre de 1 œuvre commença
les travaux par la nef. qui se trouve être la partie la plus ancienne de 1 édi-
fice. Moins étroit et mieux proportionné que la nef. le chœur préfente une
légère déviation de 1 axe et une déformation senfible due sans doute au mou-
vement de la conflruction. Dès M'iy. 1 édifice avait joué principalement
dans la région du tranfcpt et du chœur. Grâce à 1 élafticité des formules
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LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR 69
gothiques. le tafïement n'a pu rompre à l'équilibre. L'adroite oppofition
des membres d'architecture a pleinement réufTi à empêcher un gliffement
fatal des parties hautes.
Le chœur de Saint-Pierre comprend quatre travées droites et une
abfide demi-circulaire comme à Bayeux, Saint-Etienne de Caen, Senlis,
Noyon. Nantes et Notre-Dame-de-Paris.
Au rez-de-chauflée, les huit supports de la partie droite sont des
colonnes cylmdriques, avec bafes et chapiteaux octogones traités comme
dans les croifillons. Les deux rangs d'acanthes de chaque corbeille corres-
pondent à deux affifes. Une seconde aftragale accentue davantage cette
divifion. Le même procédé se remarque également dans la nef. le tranfept,
et se retrouve à Saint-Quentin. SoiiTons. Longpont, Braifne. Reims et
Chartres. Au moment de la reftauration moderne du chœur, dans les tra-
vées supérieures, des feuillages à crochets furent subftitués aux larges feuilles
côtelées précédemment appliquées aux corbeilles anciennes.
Si l'étage inférieur du chœur proprement dit rappelle le style de la nef
et des croifillons. par les mêmes procédés d'appareil, des profils semblables
et d identiques ornements, les étages supérieurs préfentent diverfes modifica-
tions. Elles sont plus nombreufes et plus apparentes dans le voifinage immé-
diat du chevet. A mesure que l'œuvre se développe, elle renouvelle ses
moyens d'expreffion. Dès la seconde travée les fenêtres hautes préfentent une
mouluration plus complexe. A la troifième travée, le triforium diffère senfi-
blement (fig. 24). Les supports s'affinent, s'ifolent de la muraille, et
finiffent sur un tailloir octogonal. La sculpture des chapiteaux s'épanouit en
crochets; la mouluration intérieure des archivoltes n'offre plus de claveaux
à fond plat, mais des boudins parallèles dégagés par des gorges. Enfin le
tympan efi: percé d'un trèfle accoffé de trois fleurons. Ces caractérifl:iques
nouvelles se voient également à la quatrième travée et d'autres divergences
encore. En effet, les trois supports de la voûte portent sur des socles circu-
laires et se terminent par des tailloirs arrondis. Le fût ceffe d'être entouré par
des bagues. La clef de voûte devient plus large et plus ornée.
D'où viennent ces différences d ornementation dans le chœur? Les opi-
nions sont partagées. La plupart des archéologues avec M. Charles Vaffeur,
efliiment que les deux dernières travées ne furent pas prévues par le premier
70 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
conftructeur. Primitivement le chœur s'arrêtait après l'orgue d'accompagne-
ment. Il suffit pour sen convaincre d'examiner les chapiteaux des grofles
colonnes qui limitent la seconde travée. Les tailloirs affectent un tracé cur-
viligne. La courbe de l'ancien hémicvcle commençait au droit des troifièmes
colonnes. Une autre preuve de l'allongement du chœur serait fournie par
l'exiftence d une pifcine retrouvée naguère dans 1 entre-colonnement. Cet
édicule mafqué par les bancs du déambulatoire Sud recevait l'eau provenant
des ablutions et indiquerait la pofition occupée par l'autel primitif. L or-
Fig. ;.( Triforium du chccur.
donnance des deux premières travées du déambulatoire confirmerait cette
hypothèfc. Elles sont complètement différentes des autres travées et beaucoup
plus françaifcs que normandes.
En i«)(>N. M. Louis Scrbat. dans le ijuide du Conférés de Caen. a mis
en doute les conclufions de ses devanciers. A son avis, les différences dans
1 élévation des étages n indiquent ni un allongement du chœur ni deux
campagnes diftmctcs dans sa conftruction. mais seulement une certaine len-
teur dans les travaux, un simple repentir en cours d exécution. La reprifc
n a eu lieu qu à la naiffance du chevet. En effet, à 1 extérieur, les quatre
travées droites sont presque identiques d en bas jufqu en haut.
A défaut de textes, seules des fouilles conciencieufcs pourraient apporter
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 71
des renfeignements décififs sur 1 étendue du chœur primitif. Mais il efl;
permis de conftater que l'influence locale se fait sentir dans les parties
hautes des trois dernières travées du chœur.
L'archéologue peut y surprendre les tendances qui sépareront l'école
gothique de 1 Ile-de-France de lécole gothique normande. La mouluration
se complique, les profils deviennent parallèles, la décoration symétrique, les
tailloirs s'arrondiiTent, certains boudins se coudent. En résumé un nouvel
architecte vient de prendre la direction des travaux tout en s infpirant des
traditions de la province, il eflaie de ménager une tranfition entre son
œuvre et celle de son prédécefTeur,
La partie droite du chœur efl: voûtée sur croifée d'ogives de plan bar-
long. Chaque voùtain appareillé en petits moellons, noyés dans un mortier
extrêmement réfiftant, offre une épaiffeur d'environ vingt-cinq centimètres.
LE SANCTUAII{E
La partie tournante du chœur sert de sanctuaire à la cathédrale Saint-Pierre ;
pour les très johes et savantes chofes, c'efl: le conftructeur du chevet qui
sait les secrets. Là, toute force efl: active, larchitecture s'affine, s'allège. Aucun
tâtonnement, aucune héfitation, le maître de l'œuvre domine les procédés
gothiques. Prévoyant exactement les points de pouffée des voûtes, il leur
oppofe des arcs-boutants difpofés avec beaucoup d'art. Ainfi la preffion
oblique devient verticale, une longue colonnette effilée la tranfmet au tailloir
des pdes du rez-de-chauffée, tandis que les nervures du déambulatoire main-
tiennent l'équilibre en faifant contrepoids. Dans le triforium, la succeffion
des vides et des pleins calculés avec une grande habileté, produit de belles
oppofitions de lumière, des ombres profondes et des clairs vigoureux. La
décoration, les profils, la compofition générale, indiquent une œuvre nor-
mande. D'ailleurs en élévation et pour divers détails, le chevet de Saint-
Pierre de Lifieux a été souvent comparé avec ceux de Saint-Etienne de Caen
et de Notre-Dame de Bayeux. De réelles reffemblances se remarquent dans
les trois édifices. Arcades suraigués. moulures formées de boudins parallèles
et de gorges profondes, nervures en pénétration les unes dans les autres,
7 2 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
tailloirs ronds: autant de caractériftiques qui se retrouvent à Caen. à Baveux
et à Lifieux. Le chevet de 1 Abbaye-aux-Hommes marque les débuts de 1 é-
cole gothique de Normandie. Les chœurs de Bayeux et de Lifieux en marquent
1 apogée. Le premier avec ses écoinçons couverts de rameaux fleuris, avec sa
voûte rehauflée de peintures, éblouit le regard par la splendeur de son décor:
le second attire par sa noble simplicité. Là-bas c eft déjà la joliefTe dans les
détails, ici c eft la pureté de la compolition générale, une beauté prefquc
sévère mais d une douce attirance. Avant la Révolution, le menu peuple,
en parlant des deux diocèfes et des deux cathédrales, difait : '' Lifieux le noble
et Bayeux le riche. // Il y a dans cette appréciation une nuance qui con-
vient parfaitement au style des deux monuments.
Au chevet de Saint-Picrre. les piliers du sanctuaire au nombre de six
s appuient sur un soubafTement demi-circulaire. Moins épaifles que les co-
lonnes de la partie droite du chœur, ces piles comprennent deux gros sup-
ports établis 1 un derrière 1 autre, flanqués sur les côtés de deux minces
colonnettes. La corbeille s orne de feuillages et de nombreux crochets difpofés
en alternance. Le tailloir cft commun aux quatre fûts. A caufe du rétrécis-
sement survenu dans rcntre-colonncmcnt. les sept arcades du chevet ofl^rent
un tracé dune extrême acuité '.
Un cordon mouluré marque 1 étage du triforium. jolie galerie de circu-
lation formée d un arc en tiers-point partagé en deux lancettes. Le tvmpan
également paré d ajours. les fûts très finement arrondis, les chapiteaux à
tailloirs octoiiones. donnent au triforium une léiièreté et une éléi^ance incon-
teflables. Un mur plein cache les combles.
Quand 1 archéologue vifite cette galerie, il lui efl facile de remarquer
que 1 alignement de la partie tournante du chœur s avance de quelques cen-
timètres sur la partie droite. L'architecte du chevet a voulu ainli nettement
délimiter son œuvre.
Au-deffus de la galerie du triforium court un bandeau de quatre-
feuilles découpés comme à 1 emporte-pièce. L éclairage cfl donné par des
feneflraiies en arc-brifé taiiiients aux formerets et entourés des boudins
parallèles. Un paflage de service travcrfc les embrafures des fenêtres et permet
I. Pro^l des jrcjJes du chevet : cintj tores parallèles dégagés par des gorges.
PL 26
Photo M. H.
LE TB.IFOWUM ET LES VOUTES DU CHŒUR
Photo Boutey.
ANGLE DU CHŒUR ET DU CROISILLON SUD
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR
73
de circuler autour de la claire-voie ' . Les huit nervures de la voûte retombent
sur de sveltes colonnettes qui partent des tailloirs des supports du rez-de-
chauflée. Les arcs diagonaux se rejoignent à
la clef de voûte ornée des armoiries du
chapitre. Toutefois quatre petites branches
d'ogives, au lieu de s'arrêter à la clef, con-
vergent vers le doubleau comme à Bayeux.
Les compartiments de voûte sont conftruits
en petit appareil taillé avec la plus grande
symétrie. La clef pendante de la quatrième
travée droite du chœur indique une reprife
du xvi^ siècle. Les voûtes du sanctuaire
furent sans doute remaniées dans la même
campagne.
P^gï
DEAMBULATOII{E
Fig. 23. — Entrée du déambulatoire.
Il s'ouvre de chaque côté du chœur par
un grand arc. dont l'archivolte intérieure
refte plate (fig. 23). La travée tangente au
croifillon en forme le prolongement. Elle eft
un peu plus large que celui-ci. La seconde
travée, clofe latéralement par un mur aflez
simple, efl; percée dune porte. Celle du collatéral Nord donne accès dans
l'enclos de la cathédrale, celle du collatéral Sud conduit à la sacriftie.
Dans les deux premières travées du déambulatoire, les supports, chapi-
teaux, tailloirs, les nervures des voûtes sont traités comme dans les collaté-
raux de la nef. A partir de la troifième travée, le style porte l'empreinte
d'influences normandes indifcutables.
Les supports de la voûte perdent leurs bagues. Doubleaux et ogives
d'un profil plus léger repofent d'un côté sur les tailloirs des chapiteaux des
I . Profl des nervures du chevet : un tore entre deux cavets.^Pro/î/ des doubleaux du chœur
deux boudins séparés par un canal. — Profl des ogives : un boudin entre deux cavets.
74 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
piliers du chœur et. du côté des murs latéraux, sur un faifceau non plus
de trois colonnes, mais de cinq supports réunis par des gorges très accen-
tuées. Les chapiteaux ont des crochets et des feuillages difpofés avec beau-
coup d art. Le tailloir, de forme arrondie, eft commun au failceau des
cinq colonnettes. Les bafes et les socles sont circulaires.
D un banc de pierre, où les anciens Lexoviens pouvaient s aHeoir dans
les grandes fêtes liturgiques, partent des arcatures décoratives d un profil
bien normand. Les architectes de la cathédrale de Baveux et de Norrey ont
fait appel au même procédé de décoration dans le déambulatoire, en
1 enrichilTant de jolis motifs. A Bayeux. les arcatures sont couronnées par
un bandeau de feuillage ; à Norrey le cifeau du sculpteur, fouillant pro-
fondément la pierre, a repréfenté le triomphe de 1 Euchariftie. A Lifieux.
la décoration du soubalTement rell:e très sobre. Au-deiTus d un bandeau
mouluré, de belles fenêtres géminées, à double remplage, montent jufqu à
la voûte. Les écoinçons sont garnis d une roface feuillagée. d un trèfle ou
d un quatrc-feuillc fleuronné. Ces médaillons gravés, ces rofaces en relief,
sont à rapprocher des motifs analogues des porches latéraux et de la salle
gothique de 1 ancien palais épifcopal.
L ordonnance de la claire-voie du déambulatoire de Bayeux et du
chœur de Coutanccs rappelle les feneflrages de Lifieux, mais dans cette
dernière cathédrale aucun pafiagc n a été pratiqué au niveau des baies.
Dans la partie tournante du déambulatoire de Saint-Pierre, chaque
travée de voûte ayant la forme d un trapèze, larchitecte en prit le centre
et, à 1 aide d ogives d inégale longueur, réunit le point ainfi obtenu aux
quatre angles.
En iS()t). M. Millet, architecte des monuments hiftoriques et M. Bel-
lot, entrepreneur, reftaurèrent très adroitement les collatéraux du chœur.
De nombreux bancs en gradins obfiruaient le déambulatoire. Les colon-
nettes du soubalTement avaient été affrcufcment mutilées pour placer ces
bancs de bois blanc. Après avoir débadigeonné cette partie de léglife d une
main experte, les ouvriers rétablirent les fûts et les chapiteaux détruits,
remirent en état les arcatures avec tant d attention qu il est presque impos-
sible de diftinguer les traces des anciennes dégradations.
Les deux petites portes situées près des chapelles ablidales conduilcnt
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR 75
l'une à la tour Saint-Ursin ' et l'autre à la tour Saint-Martin, tourelles
établies à la naiilance du chevet, comme à Saint-Etienne de Caen. Baveux
et Coutances.
Au xiu' siècle, les architectes gothiques se plaifaient à faire rayonner
autour du chœur une ligne continue d abfidioles. Contrairement à cet
ufage généralement refpecté, à Lifieux, sur la partie tournante du déambu-
latoire s ouvrent trois chapelles efpacées. réunies entre elles par un soubas-
sement circulaire. Une difpofition analogue, legs de la tradition romane,
fut également adoptée par les maîtres d'œuvres de Rouen. Bourges. Saint-
Julien du Mans, et dans les églifes picardes de Saint-Sauve, de Montreuil-
sur-Mer. Notre-Dame-de-Samt-Omer. Au xiii" siècle, la chapelle Notre-
Dame était loin d être auffi profonde et spacieufe. Après la mort de
Jeanne d'Arc. Pierre Cauchon 'r alla pafTer les dernières années de sa vie,
oublié et meurtri, dans son évèché de Lifieux. Il y employa ses loifirs et
le fruit de ses peines à élever une chapelle en 1 honneur de la Vierge, qui
efl: un des plus exquis monuments de 1 époque, car cet homme énergique
avait, comme Louis XI. le goût fin et sûr'. >/ M. Lahaye donnera dans
cet ouvrage la defcription détaillée de cette chapelle, véritable bijou d archi-
tecture flamboyante.
Les deux autres chapelles abfidales sont contemporaines du sanctuaire
et auffi habilement conçues qu élégantes d'afpect. Edifiées sur plan semi-
circulaire, elles ne deviennent pas polygonales au niveau de 1 appui des
feneftrages. Sachant par expérience que les baies ouvertes dans un mur
cylindrique poufient au vide, et que la taille des meneaux sur un plan
courbe préfente de sérieufes difficultés, le conftructeur n a point pratiqué
de fenêtres géminées dans les abfidioles.
Trois fenêtres simples en arc brifé éclairent chaque chapelle, dont le
soubafTement eft orné d un côté par une jolie pifcine. de lautre par un
sacraire où le chapelain dépofait jadis les vafes sacrés après la mefle
matinale.
La voûte comprend six branches d ogives, deux d entre elles. dépafTant
la clef, viennent rejoindre le doubleau d entrée. Comme à la cathédrale de
1 . Comptes de 1373.
2. G. \^.^nQ)^.■3^xx. Jeanne -i Arc. Paris. 191 1, p. 278.
76 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Bayeux, dans la mouluration se remarquent des tores rainés entre deux
gorges. Les cinq colonnettes qui encadrent les trois chapelles de 1 abfide
sont réunies par des gorges profondes.
Avant la Révolution, la chapelle située à lextrémité du collatéral Sud
avait pour titulaire '' Monfieur Saint-Urfin //. Ceft là que le Jeudi-Saint.
après l'office liturgique. Tévèque de Lifieux. accompagné d un nombreux
clergé, venait dépofer la réferve euchanftique sur un repofoir entouré de
tentures, de fleurs et de cierges. Chaque jour, des pèlerins y venaient
réclamer la protection de lilludire guérilTeur des fiévreux. Un long tableau
à lair vieillot, dont M. Robert Salles nous a fait un curieux deffin. per-
mettait aux clients de " Monfieur Saint-Urfin // de se rendre compte des
grâces spéciales dont Lifieux lui était redevable.
La chapelle édifiée à l'extrémité du collatéral Nord avait jadis pour
titulaire saint Martin, dont le souvenir intérefTait vivement les Normands
d autrefois.
Ainfi qu'un payfan qui défriche les landes.
L'hiftoirc impitoyable arrache les légendes.
François Coppée avait bien raifon de jeter cette plainte à tous les
échos, la légende n eft pas 1 ennemie de 1 hifioire, elle la complète, 1 agré-
mente, lui donne une teinte plus douce et attirante. Les vieilles hiftoires.
comme les vieilles mélodies, comme les vieilles images, nous livrent un
peu de 1 àme de nos aïeux et nous révèlent tant de détails inédits sur leurs
habitudes rcli<;ieufcs.
Il y a de cela de longues années... Une jeune fille de Lifieux ' devint
subitement aveugle. Confiante en la protection de saint Martin, clic entre-
prend le pèlerinage de Tours. Ses parents 1 accompagnaient. Durant plu-
sieurs jours, la picuie pèlerine prie avec un indicible efpoir. La guénfon
ne vient pas. Impatients de revoir le pays d Auge, les parents de la jeune
fille insifient pour reprendre le chemin du retour. Mais, avant de s éloi-
gner, laveugle revient encore une fois implorer le vieil archevêque.
I. V'xe dc% Siiinti Pdtrons, p. 2ib. — Grégoire de Tours, Les Livres des Mirjcles, lib. II,
ch. I.IV, édit. Bordicr, Soc. hist. de France, Paris, |i86o, pp. 180-181.
PL 27
1'^
Collection photographique ae 1 Auteur
LES COLONNES DU CHŒUR, COTÉ NORD
LA CATHÉDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR
77
Agenouillée près du tombeau du grand thaumaturge, elle se confie à Lui.
Tout à coup, une infpiration lui vient : si elle approchait de ses paupières
le voile précieux qui recouvre le tombeau. Elle le fit sans aucun réfialtat...
Il ne lui refte plus qu'à regagner Lifieux... Pendant la traverfée de la Loire,
au lieu de se laifler abattre par la cruauté de 1 heure, au lieu de se plaindre
et de murmurer, elle continue de prier saint Martin. A genoux dans la
fi-êle embarcation qui gliiTe doucement sur les eaux tranquilles, elle ne cefîe
de répéter cette parole d efpoir : « Que vous êtes bon ! Comment vous
remercier dignement. Bienheureux confefleur, sans doute je n'ai pas eu la
joie de regarder votre tombe, mais au moins je vous suis reconnaissante
d'avoir pu la toucher de mes mains. // De grofles larmes glifiaient sur son
vifage. Elle veut les efluyer et soudain ses yeux s'ouvrent à nouveau à la
lumière... Vite elle retourne à Tours. Elle joint les mains avec ferveur...
Elle ouvre les lèvres pour chanter son cantique d actions de grâces, 'r Plu-
sieurs entendirent les acclamations qu elle fit à la louange du saint ; puis,
ayant achevé son oraifon. elle se retira avec grande joie. >/ On peut sans
trop d effort comprendre avec quel charme les Lexoviens du moyen âge
ouïrent cette merveilleufe hiftoire. L humble fidèle, qui ne connaiffait au
monde que son clocher et sa rue tortueufe. trouvait dans ce récit tout ce
qu'il aimait : un pèlerinage heureux, des épifodes déhcieux, un miracle.
+ LOjJ 5
DETAIL DES CHAPELLES
CHAPELLES DU COLLATÉI{AL NOI{p
CHAPELLE SAINT-VIVIEN (CHAPELLE NOTRE-DAME DE L\ DÉLIVRANDE)
OLS COMMENÇONS par la plus voifine de la façade, aujourd hui
dédiée à Notre-Dame-de-la-Délivrande. Avant la Révolu-
tion elle était sous le vocable de saint Vivien. A l'entrée de
la chapelle chacun peut lire cette inscription peinte sur une
vulgaire plaque de tôle noire : ^^ Chapelle de Notre-Dame
de-la-Délivrande. Confrérie canonicjiiement érigée dans l ancienne églife de
Saint-Germain de Lifeiix et régulièrement transférée dam l églife de Saint-
Pierre avec conceffion d indulgences. // Dans 1 églife Saint-Germain. vendue
à lencan et démolie en lyoS. du côté de l'Epitre. entre le troifiéme et
le quatrième pilier, jufte derrière la chaire, exiftait une chapelle dédiée à
Notre-Dame-de-la-Délivrande. C était là devant une Vierge en bois doré, que
les pieufes Lexoviennes venaient égrener leur chapelet pu faire brûler quelques
cierges en souvenir de leurs défunts. Le 2 juillet, les i 3 et 22 août. 1 affluence
était confidérable. En 1739, le clergé de Saint-Germain conflatant avec
8o SAINT-PIERRE DE LISIEUX
joie la grande dévotion des fidèles pour Notre-Danie-de-la-Délivrandc. de-
manda au pape Clément XIII d ériger en confrérie cette pieufe alTociation.
Le Souverain Pontife accueillit favorablement cette recjuctc et enrichit la
confrérie de nombreux privilèges.
En iNoi), un vicaire de Saint-Pierre obtint de Mgr Brault la permis-
sion de rétablir dans la cathédrale la confrérie difparue. Jufqu en i S()(> nom-
breufes furent les infcriptions sur les regiftres dadmiffion. nombreufes auffi
les reflources. En i N *> | . la confrérie offrait à la fabricjue de Saint-Pierre la
garniture de soie rouge qui recouvre le siège principal du banc-d œuvre
lorfque Mgr I évèque de Baycux vient préfider une grande fête dans sa se-
conde cathédrale. Quelques années plus tard. M. 1 abbé Cagniard. toujours
soucieux de rehaudcr 1 éclat des offices liturgiques, demanda à la confrérie,
pour le suiHe de Saint-Picrre. vieux grognard de la garde, un cofhime de
drap rouge tout chamarré d or.
En I ■'^ 'i ) . au moment de 1 établiHcment du calorifère, les ouvriers mirent
à découvert 1 ancien pavage de la chapelle de la Délivrande compofé de car-
reaux de terre cuite émaillée. offrant un joli defhn jaune sur fond rouge.
Provenant de la fabrique du Pré-d Auge, ce dallage formait une série de
rosaces de 1 effet le plus gracieux.
A la même date, deux caveaux superpofés furent également trouves
dans la même chapelle. M. Arthème Pannier. témoin de cette trouvaille,
la signalée à 1 attention des lecteurs du journal Le NornunJ en ces termes :
'' L une des pierres qui recouvraient le caveau supérieur offrait une infcrip-
tion en grande partie effacée et un écufion qui paraifiait remonter au xiii' siècle.
Le caveau inférieur était fortement scellé et recouvert d une large pierre.
Dans les terres qu on a retirées de cette chapelle, dont le sol a été cxhaulTé
de "><) centimètres environ, on a recueilli avec de nombreux fraiimcnts de
pavés émaillés.unc belle pièce de monnaie, grand module (argent et cuivre),
offrant d un coté un quatre-feuilles dont les lobes sont occupés par quatre
lions rampants, et le champ par deux L accolés avec légende :
LUDOVICUS. DEI ; GRA COWES : ET : DNS : FLANDRIE
Cette pièce que nous attribuons à Louis L' (1122) ou à Louis II (l"î.|0),
comtes de Flandre, se rapporte pai^faitemcnt à I époque de la conftruction
PL
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 8i
des chapelles qui bordent les bas-côtés de la nef lefquelles datent, comme
on sait, du xiv* siècle'. »
Il convient de remarquer que la chapelle de Notre-Dame-de-la-Déli-
vrande, ou plus exactement Notre-Dame-de-Délivrande, n'a rien de commun
avecNotre-Dame-de-la-Délivrande près de Douvres. A Samt-Ouen de Rouen
et à Notre-Dame de Louviers, la Vierge était invoquée sous la même appel-
lation qu'à Lifieux.
CHAPELLE SAINT-MANDÉ (CHAPELLE DE LENFANT-JÉSUS)
Cette chapelle était autrefois dédiée à saint Mandé. Une statue de l'En-
fant-Jéfus remarquable par sa polychromie criarde et son infignifîance, a été
adoffée à l'arcade d'entrée, au grand détriment des lignes. Le mur septen-
trional eft décoré d'une statue de sainte Germaine, d'une médiocrité dé-
concertante. Créée avec la principale préoccupation d'un moulage facile, par
son attitude, son manque d'expreffion. elle a un air de famille avec les
articles de mauvais goût qui déshonorent certaines vitrines du quartier Saint-
Sulpice, à Pans. De iSS*) à iNg<) toute une série de statues sans carac-
tère s'eft glilTée dans la cathédrale. Ceux qui aiment la beauté de la maifon
de Dieu peuvent regretter cet envahiflement de la laideur. Selon la jufte
obfervation de Mgr Baunard : '< Il ne faut pas faire rire de ce que nous
devons faire vénérer et aimer". »
CHAPELLE SAINTE-AGNÈS (CHAPELLE NOTRE-DAME-DE-LOURDESj
Anciennement sous le vocable de sainte Agnès, la chapelle de Notre-
Dame-de-Lourdes renferme une pifcine trilobée allez riche de sculpture et
d'une compofition charmante. L'arc-brifé qui encadre cet édicule efl: lui-
même enveloppé par un fronton triangulaire à rampants garnis de crochets
et d un fleuron.
Une pierre tombale dans le style du xiii^ siècle se trouve encadrée dans
les pavés de la chapelle. Au point de vue iconographique, cette tombe efl;
1. Journal Le Normand. 14 sept. 1867.
2. Mgr Baunard. Un siècle de l'Eglife de France, Paris 1902, p. 255.
Il
^ip«
Plan de la CatheUralc Je Liiicut
LÉGENDE DÉTAILLÉE DU PLAN DE LA CATHÉDRALE
TITRE DES CHAPELLES"
Notre-Dame.
Saint Urfin.
Saint André.
Saint Jean l' Evangélifle .
La salle capittilaire.
6. Ste Catherine et Ste Croix (r* portion).
7. Saint Thomas-le-Martyr .
8. Sainte Madeleine et Saint Catien,
g. Saint Augujlin.
10. Saint Laurent.
11 . Saint Denis et Saint Taurin.
12. St Martin. St Roumain et St Sébastien.
,7 •
4-
/?.
Saint Jean-Baptijle i r' et 2' portion i.
14.
Saint Etienne (i''*' et 2^ portion).
15.
Ste Croix. 2* portion ou StGilles-St Leu
là.
Saint Ouen.
n-
Saint Nicolas.
18.
Saint Léonard.
19.
Saint Maur.
20.
Sainte Agnès.
21 .
Saint Mandé.
- - .
Saint Fivien.
-î-
Tous les Saints.
24-
Saint Michel (dans la tribune/.
SIEGES DES MEMBRES DU CHAPITRE
A L'Evéque.
B Le haut-doyen.
C Le grand-chantre.
D Le scolajle.
E L'archidiacre du Lieuvin.
F U archidiacre d'Auge.
G Le chanoine de semaine.
H Le tréforier.
I Le chèyecier.
K L'archidiacre de Pont-Audemer.
L L'archidiacre de Gacé.
M Le premier sous-chantre.
N Le deuxième sous-chantre.
O Le vicaire de H^ys ou R^et^.
P Le premier vicaire.
Q Le quatrième vicaire.
B^ Le deuxième vicaire.
Les chanoines, dans les hautes stalles
par rang
d'ancienneté.
r. Pour la lifte des chapelles confulter : Obitudire de la Cathédrale, Bibliothèque nationale, Ms latin.
Nouv. acq. 1778.
84 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
typique, car elle exprime, avec une scrupuleufe fidélité, les traditions du
moyen âge sur la mort. Pour l'artisan de ce monument funéraire, le tré-
pas n'eft pas seulement un grand myftère. il efl: surtout une immense elpé-
rance. C'eft à deflein. dans une penfée mystique, que le graveur abrita la
tète de l'eccléfiaftique défunt sous une sorte de dais ou arcade surmontée
d un gable ajouré par un trèfle et garni de tètes de feuillages. De légers con-
treforts finement dentelés donnent du relief à la figure où plane une no-
blede. une sérénité qui ne sont déjà plus de ce monde. Sommes-nous en
préfcnce d'un élu? Lartifte l'efpère. et c efl pourquoi, non content de mettre
au-deflus de la tète du mort un dais sculpté comme en poiTèdent les saints
des portails, il a placé dans les écoinçons deux anges thuriféraires. Les deux
serviteurs de Dieu balancent des encensoirs devant le défunt en signe de
vénération, comme ils font devant les martvrs et les confelTcurs de la foi.
Enfin les pieds de l'eccléfiaftique repofent sur un dragon. Ce support sym-
bolique efl malheurcufcment caché au regard par le confeffionnal. Dans la
penfée des théologiens du xiii' siècle, au seuil de 1 éternité, le chrétien de-
vient une image du Chrift ; comme le Sauveur ne doit-il pas fouler aux
pieds le monflre infernal. 1 éternel séducteur, le péché et tous les bas inftincts
de la nature humaine?
De linfcription. il ne rcftc que quelques mots. M. Charles Vaffeur
propofa naguère la lecture suivante :
louen Dic C€ neuou Ncvcm
jnmS D. Doyen,
en pjïRflDis ec en kcpos $eic soù) mise
«n Diime nmen
L invocation de la Vierge, sur laquelle 1 infcription se termine, permet de
suppofcr que la tombe était précédemment placée dans la chapelle ablidale.
Depuis iShS. époque ou M. WilTeur étudiait 1 épigraphie religieufe de la
cathédrale, pluhcurs mots et divers ornements graves au trait ont beaucoup
souffert par endroits. Qui sait .'' Dans quelques années, cette pierre tombale sera
peut-être complètement cfFacéc. Auifi nous avons demandé à Jean Contel de
prendre une empreinte de la partie supérieure du tombeau de Jouen ou Jean
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LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 85
Leneveu. ancien doyen du chapitre de Lifieux. Nous savons que cet eccléfias-
tiquea tenu une grande place dans Ihiftoire locale. Dans les luttes entre l'évêque
et le chapitre, son rôle fut confidérable. En vertu de l'autorité temporelle
qu'il tenait de son titre de comte de Lifieux, lévèque pofledait en principe
les pouvoirs les plus étendus dans son fief. Mais en réalité le chapitre de la
cathédrale en était arrivé à exercer un contrôle immédiat sur 1 organisation
de la ville et de la banlieue. En maintes circonftances. le doyen avait étendu
avec adrefle les privilèges du chapitre dont il était 1 élu. C était en son nom
et sous son autorité que les affaires se traitaient. Quand un prélat éner-
gique proteftait contre ses empiétements, le doyen produifait des cartulaires
anciens et des actes plus ou moins authentiques, établiflant sa prétendue
indépendance spirituelle et temporelle. C efl ce qui arriva sous Guillaume
dAfméres, en 1290; Jean Leneveu défendit avec vigueur les prérogatives
du chapitre et prétendit exercer hbrement sa juridiction à Lifieux et aux
alentours. Lévèque dAvranches. Raoul de Thiéville. et Jean de Bernières.
évèque de Séez, après avoir examiné le différend, reconnurent que le doyen
était juge ordinaire dans la ville de Lifieux et sa banlieue. M. de Formeville
rapporte ce jugement et. dans la lifte des hauts-doyens, il affigne à Jean
Leneveu le XIL' rang. La Gdllid Christiand lui confacre quelques lignes :
« Jean III Neveu figure en 1287 sur les chartes de l'abbaye du Bec. Il
eut avec lévèque Guillaume une querelle judiciaire à propos de la juridiction
à exercer dans la ville et banlieue de Lifieux, Lévèque d'Avranches Raoul,
et lévèque de Séez, en octobre 1290, servirent d arbitres pour trancher le
débat. En 1293. Jean était encore à la tète du chapitre et le nécrologe
mentionne son décès à la date du 2 4 avril ' . »
CHAPELLE SAINT-\L\UR (CHAPELLE DU SACRÉ-CŒUR)
Saint Maur fut dabord le patron de cette chapelle. Elle eft éclairée
par un feneftrage dont le remplage rayonnant n'a subi aucun remanie-
ment effentiel : le vitrail ancien a seul difparu. Le tableau formant retable
I. De Formeville, t. I, p. cLxxxx\an et p. cccxlviii. Gallid Christiand, t. XI, édi-
tion Palmé, t. VI, col. 810.
86 SAINT-PIEKKE DE LISIEUX
a été peint par Mlle Godard, profeileur de peinture à Lifieux. L apparition
du Sacré-Cœur à la bienheureufe Marguerite-Marie en eil: le thème. En
avril iN')iK 1 enlèvement provifoire du précédent tableau a permis d entre-
voir une peinture murale du xvi' siècle fort altérée par le temps. Cette
curieufe frefciue repréfentait l'Arbre de JeiTé. Le confefTionnal de la chapelle
du Sacré-Cœur, d excellent style Louis XIV. offre une porte sculptée à jour
d'un très beau travail. Les rinceaux formés de feuillages fantaisiftes dénotent
une parfaite sûreté d exécution.
CHAPELLE S.MNT-LEONARD . CHAPELLE DE NOTRE-D.\ME-DES-VICTOIKES)
CHAPELLE SAINT-NICOLAS
(CHAPELLE SAINT-FRANÇOIS-DE-SALES-SAINT-FRANÇOIS-XAVIER
La première de ces chapelles était priinitivement sous le vocable de
saint Léonard, la seconde avait pour protecteur saint Nicolas. Les reliques
de ce saint éveque étaient au nombre de celles que les calviniftes ravirent
en \ ^()2. Labbé Piel ' se plaint avec raifon de ce que les anciens titres
des chapelles de la cathédrale, à 1 exception de celui de la Vierge, aient
difparu. '^ Il semble pourtant qu il était facile d établir dans ces chapelles
les dévotions bien refpectables affurément que 1 on v trouve aujourd hui.
sans en chaffer des saints habitués depuis des siècles à v recevoir les hom-
mages des fidèles. N'était-il pas pofTiblc d établir le culte du Sacré-Cœur,
par exemple, dans la chapelle Saint-Maur; la dévotion a Notre-Dame-
de-Lourdcs dans la chapelle de Sainte-Agnès, et aind des autres, sans
changer le vocable de ces chapelles r //
Nous aurions mauvaife grâce à ne point obferx'er que si le souvenir
des anciens patrons des chapelles a été sacrifié au moment des reftaurations.
par contre, on a eu 1 hcureufe idée de reconllitucr dans les vitraux qui
ornent le tympan de chaque fenêtre une mtcrcffantc suite d armoiries des
cvèques de Lifieux. Les crudits et les artiilcs ne peuvent manquer d applau-
dir à cette initiative.
I . hwcntJirc hifîoriijuc da JCtes trjnfcrits Jiix Infmujtions eccléfufît(]ues Je l'jncirn diocèfr de
Lifieux, t. 1. p. Lviii.
LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTÉRIEUR 87
CHAPELLES DU COLLATÉI^AL SUD
CHAPELLE NOTRE-D.\ME-DE-GRACE
CHAPELLE DE L\\NGE GARDIEN
Sans cachet artiftique. ces chapelles ne datent que du début du siècle
pafTé. Elles occupent l'emplacement de la salle capitulaire dont, en super-
ficie, elles repréfentent à peu près la moitié.
CHAPELLE SAINTE-CATHERINE .CHAPELLE NOTRE-DAME DU PERPÉTUEL SECOURS»
Anciennement elle avait pour patronne sainte Catherine. Le titulaire
de cette chapelle était nommé par le seigneur de Combray. de la paroifle
de Fauguernon : toutes les autres chapelles étaient à la nomination du
chanoine de semaine. L évèque avait rarement befoin d intervenir dans la
collation du bénéfice. x'\près avoir promis obéiilance au chapitre dans la
salle de ses réunions, chaque nouveau chapelain venait prendre place dans
une stalle du chœur, reftait quelques inftants en adoration devant le Saint-
Sacrement, puis, pénétrant dans la chapelle qui lui était defi:inée. il bai-
sait refpectueufement 1 autel et se mettait à genoux sur le palier pour
réciter une prière.
Dans le tympan de la verrière, le peintre a repréfenté dans le regiftre
supérieur : les armes de 1 abbaye de Notre-Dame-de-Bernay et de Notre-
Dame-du-Pré à Lifieux. Dans le regifire inférieur, figurent les armoiries de
Notre-Dame-de-Grefi:ain et de 1 abbave de Saint-Evroul. Les côtés sont
occupés par les blafons de 1 abbaye de Saint-Pierre de Préaux et Notre-
Dame de Cormeilles. Ces six monaftères vivaient sous le règle de Saint-
Benoît. Seule, l'abbaye royale de Saint-Défir a survécu à la tourmente
révolutionnaire. Des autres monaflères. il ne refte guère que des débris de
murailles, quelques arceaux romans ou gothiques enfouis dans Iherbe haute
et le lierre. N était-ce pas faire œuvre pie que d infcrire le nom de ces
abbayes sur un vitrail de la cathédrale, où. joignant les mains, baillant les
yeux, ces travailleurs infatigables paiTaient lentement quand venait l'époque
des ordinations ?
88 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
CHAPELLE SAINT-THOMAS LE MARTYR ^CHAPELLE SAINTE-ANNE i.
C efl à Saint-Thomas de Cantorbéry que cette chapelle fut d abord
dédiée. " Dès que 1 on eut connaiHance à Lifieux des miracles et de la
canonifation de saint Thomas. Arnoul. qui était encore évêque. confacra
dans son églife cathédrale, sous 1 invocation de ce saint martvr. un autel et
chapelle qui efl: encore aujourd hui un titre de bénéfice '. // Ainfi s exprime
l'auteur de la Vit des Saints Pcitrons du diocèfe de Lifieux. Les chapelles
latérales de Saint-Pierre étant poftérieures aux conftructions d Arnoul. il
efl manifcfte que la chapelle Saint-Thomas Becket se trouvait à 1 origine
dans une autre partie de 1 églife. sans doute dans 1 un des croifillons.
L'arcade destinée à recevoir 1 autel prend naiilance sur deux sommiers
ornés de sculptures refaites sur d anciens motifs, aujourd hui en poffeflion
du mufée d art populaire : ■'-' Le vieux Lifieux //. La copie a été particu-
lièrement fidèle. Un autel moderne en argent repoufTé au marteau a été
placé sous 1 arcade en i '^ ^ 7 par les soins de M. 1 abbé Hofpice Farolet.
Le delfin en fut donné par M. Danjoy, architecte chargé de la reflaura-
tion de réiilife". L'exécution, confiée à M. Chevalier, orfèvre à Pans, revint à
2, ()()() francs. Cet autel semble beaucoup plus heureux comme style que les
autels en pierre des autres chapelles. Le tombeau, surtout, quoique très simple
de forme, eft traité avec un soin et un goût parfaits. Sur la face du mur
oriental, du côté de 1 Evanf^ile. une sorte de niche encadrée dans une arcade
trèflce a été creufée pour servir de sacraire. C eft dans cette sorte d armoire
fermée par un seul vantail que les vafes sacrés étaient mis en sécurité.
CHAPELLE SAINTE-MADELEINE ET SAINT-GATIEN (CHAPELLE SAINTE-CÉCILE.
Anciennement dédiée à Sainte-Madeleine et à Saint-Catien, la chapelle
Sainte-Cécile offre dans le tympan de la fenêtre qui léclaire de beaux
fragments de vitraux, dont les tons harmonieux font contraflc avec les
verrières modernes.
I. He des sjtnts Pjtrons, p. loo.
a. Certains crudits ayant peine à admettre que l'autel soit en argent, nous avons demande
à un bijoutier détudier la queftion. Sa conclufion a été que l'autel cit réellement en argent pur
de tout alliage.
PL }o
99.
Collection photographique de l'Auteur.
LE DÉAMBULATOIRE, COTÉ NORD
PL ?/
I...... M'I
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LA CATHEDRALE GOTHIQUE — INTERIEUR 89
CHAPELLE SAINT-AUGUSTIN (CHAPELLE SAINT-JOSEPH).
Autrefois chapelle Saint- Auguftin.
Les trois chapelles les plus rapprochées du portail ont eu leurs voûtes
refaites après la chute de la longue tour, par conféquent vers 1533. Les
clefs pendantes et les arcs d ogives indiquent nettement cette refaçon par
leurs profils et leur structure. Quand le pavage a été placé, les ouvriers ont
découvert un puits voûté en berceau, d'une profondeur d un mètre
environ.
CHAPELLE SAINT-LAURENT 1 CHAPELLE NOTRE-DAME DE LA SALETTE).
L'ancienne chapelle Saint-Laurent conserve, elle aufli, une portion de
vitrail du xv^ siècle repréfentant le myftère de la Pentecôte,
CHAPELLE SAINT-MICHEL
La chapelle de Saint-Michel était autrefois au-defTus du grand portail
près des orgues . L ufage de placer des chapelles dans les tours était fré-
quent au moyen âge.
Celle de Saint-Michel se trouvait toujours dans un lieu élevé. Actuelle-
ment, la chapelle de l'Archange renferme les fonts baptifmaux. Avant la
Révolution, elle était sous le vocable de saint Denis et saint Taurin.
t*-.vl 1
ri
Cl. Tribouillard.
JEANNE D'ARC, par Ch. Desvergnes.
Cl. Lemaitre.
L'INTÉRIEUR. DE LA CHAPELLE NOTRE-DAME
Cl Caroil
L'EXTÉRIEUR DE LA CH/^PELLE NOTRE-DAME
"p^r^^ii»»
CHAPITRE III
LA CHAPELLE NOTRE-DAME
A CHAPELLE qui ome rabfide de la Cathédrale fut édifiée sous
l'épifcopat et par les soins de Pierre Cauchon, évêque de
Lifieux. de 1432 à 1442.
Il en exiftait une autre auparavant à la même place,
probablement dans le même genre que les deux autres cha-
pelles du déambulatoire '.
L'ancienne chapelle avant été ruinée par les faits de guerre. Nicolas de
Savigny. doyen du chapitre, voulut contribuer aux dépenfes de la recons-
truction et légua pour cet effet 60 livres. « Legavit 60 lihras ad conjlruen-
I. Voir la Charte de novembre 12 3 3 publiée en fin de volume dans les Documents
annexes ; — les Regiftres de Guillaume Guérart, tabellion du roi et de l'évèque, acte du
14 août 1390 (étude de M" Delarue, notaire à Lifieux 1 ; — l'accord du 17 novembre 1433
entre Pierre Cauchon et son chapitre (Bibliothèque de l'abbé Loir).
q4 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
ddm cjpclldm B. M. bellorum tempefldte funditus e\ersam et a Petro epifcopo
cum mdgnis siimptihiis œdifcdtdm. // [Gdlhd Chrijlidud. t. XI.)
Il n apparaît nulle part, soit dans les titres anciens, soit dans la chapelle
elle-même, que Pierre Cauchon ait voulu élever ce monument en expiation
de la sentence iniciue qu il avait prononcée contre Jeanne d Arc.
Cependant d aucuns ont prétendu que Pierre Cauchon avait fait élever
cette chapelle en expiation de son injufte sentence. Cette légende du repentir
a pris naiflance au xviii' siècle et elle s eft propagée çà et là jufqu à nos
jours sans examen et sans preuves. Elle apparaît dans un manufcrit, écrit
sous 1 épifcopat de Mgr de Brancas. vers ly^o. Ce manufcrit. qui repro-
duit surtout les armoiries des évèques de Lifieux. et qui contient quelques
erreurs, eft attribué à un curé de Beuvron-cn-Auiie. 0\\ v lit. au sujet de
Pierre Cauchon : '' Petriis Cdiichon, Cduipdnus. dntcd Bcllovdcenfis Epùs.
Qudrtutii yicdriiim injlitint. uiijfdiu qud quotidie bord oct. d piieris cdutdtus
fiinddvit. Obiit / ^ dcc. i 1/2. Jiicct in pdrtc dcxtrd dltdris Cdpell. B. M.
aiuwi extriiit pœmtcntid ductus scntentice mortis qiidm contvd Jodnndui puclldin
Aurelutnemem dixerdt. //
Par contre. Noël Deshayes, curé de Campigny. qui écrivait, au milieu
du xviii' siècle, une Hijloirc des Eyèaues de Lifieux. dit que le repentir de
Pierre Cauchon n cfl: prouvé par aucun titre.
Les hifloriens et les érudits s accordent généralement à penfer que Pierre
Cauchon n a pas donné de preuves réelles de son repentir. Toute sa vie il
fut Ihomme des Anglais, il eut toujours 1 âme anglaife. et, comme les
Anglais de son temps, il ne songea pas au repentir'.
Cette chapelle se compofc de trois travées complétées par une ahfidc à
pans coupés. Elle mcfurc dans œuvre i 7 m. 20 de longueur sur <• m. NN de
large. Elle efl: éclairée par neuf grandes fenêtres flamboyantes partagées en
quatre baies par un meneau central et quatre meneaux secondaires. Les
tympans offrent des tracencs élégantes et variées.
Sur un banc établi devant ces trois travées s élèvent les colonnes des
voûtes et celle des arcatures qui décorent tout le soubafTemcnt. Ces arcatures
sont trilobées et les écoinçons remplis de sculptures allez bizarres (^fig. 20).
1. Ch. Engelhard, Pierre Cjiu/jom, son prétendu repentir.
LA CHAPELLE NOTRE-DAME
9 5
Elles reposent sur des colonnettes à chapiteaux feuillages. Les colonnes des
voûtes groupées en faisceaux sont appliquées contre le trumeau des fenêtres
et reçoivent les arceaux d'une voûte d'arête.
La clef de voûte qui eft au-deflus du sanctuaire contient l'écufTon de
Pierre Cauchon. L'autre clef de voûte en-deçà du sanctuaire préfente les
armoiries du Chapitre.
L'un des faifceaux de colonnettes du côté nord eft interrompu par une
niche qui abritait anciennement une statue de la Sainte-Vierge. Le soubaffe-
ment de cette niche porte encore les armoiries de Pierre Cauchon.
Il n y a pas d'arcatures dans le bas du chevet, mais du côté sud se
trouve une très jolie pifcine.
Les deux grands bas-reliefs que l'on remarque du côté nord représentent
Fig. 26. — Écoinçons des arcatures trilobées de la chapelle abfidale.
le Crucifiement et la Résurrection de Notre-Seigneur. Ils proviennent de
lancien jubé en pierre des Loges, élevé à l'entrée du chœur au commen-
cement du xiv' siècle et détruit en 1689 par Léonor II de Matignon.
Sur les murs latéraux se trouvent six curieux bas-reliefs — trois de
chaque côté qui ont été souvent mal interprétés. Nous en avons propofé
naguère une explication qui a été reconnue comme très rationnelle et vrai-
ment définitive ' . Cette interprétation eft la suivante :
Ces bas-reliefs ont les caractères du xv' siècle et ils apparaifTent comme
échelonnés dans la deuxième moitié de ce xv' siècle. Celui qui se trouve du
côté méridional, le plus avancé vers l'autel, eft évidemment le plus riche et
le dernier en date (fig. 27).
Les ornements et les encadrements diffèrent suivant l'époque de 1 exé-
cution.
I. Bulletin de U Société Hijîorique de Lifieux. Année 19 13, n'^ 21, p. 38-39,
96
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Immédiatement au-deiTous de ces bas-reliefs, on remarque 1 emplace-
ment occupé autrefois par des plaques de cuivre maintenues par des
crampons (dont quelques-uns sont encore apparents) et sur lesquelles se
trouvaient très probablement des
ifc
A:
-fon-
Iit.ay. - Chapelle Notre-Dame : couronnement d'un bas-rel
inlcriptions relatives a des perl
nages inhumés plus bas.
Tous sont compofés de la
même manière : un chanoine à
genoux, et derrière lequel eft son
. protecteur. adrelTe une supplique
1 Enfant -Jéfus porté par
ir
^*è^^^
a 1 entant -j élus porte par la
Sainte Vierire ou à Notre-Sei^jneur étendu mort sur les o;enoux de sa
mère. Ces chanoines et leurs protecteurs sont tournés vers 1 autel. Il en
réfultc que les difpofitions des bas-reliefs de droite sont svmétriques
de celles des tableaux de gauche, ce qui semble bien indiquer aufli que
ces bas-reliefs ont été faits pour être accrochés là où ils sont (fîg. 2N).
Pierre Cauchon fut in- _^
humé dans cette chapelle et
son tombeau fut un peu
monumental.
Il semblerait que les
chanoines d alors tinrent à
honneur d être inhumés,
eux auili. dans cette nou-
velle chapelle. Les bas-reliefs
qui nous occupent sont des
petits monuments funé-
raires élevés à la mémoire
de ces chanoines. Dans cha-
cun d eux. nous voyons, en
.Vii-.
Fi« 3>.
l'n chanoine du titre de Sainte-Catherine présente une supplique
à r Enfant-Jésus.
)yc
effet, un chanoine à genoux avant pour protecteur un saint perfonnage
rcconnaiffable à son attribut : saint Paul avec son glaive, saint Jacques avec
son bâton de pèlerin, sainte Catherine avec sa roue, un ange avec ses ailes,
etc. Ce chanoine prèfcntc une supplique, évidemment en faveur de son àmc.
PLjj
«îf-
-
'. •
. ;
if
_s:,5\ s 7-iS3i'
MONUMENTS FUNÉEIAIRES DE LA CHAPELLE NOTRE-DAME
MONUMENT FUNÉRAIRE D'UN CHANOINE DU TITRE DE SAINT-JACQUES (Chapelle N.-D.),
Pl.t ios Boutey.
MONUMENT FUNÉRAIRE D'UN CHANOINE DU TITRE DE SAINT-PAUL (Chapelle N.-D.).
PL M
MONUMENT FUNÉRAIRE D'UN CHANOINE, CHAPELLE NOTRE-D.\ME
FRAGMENTS DE L'ANCIEN JUBE, CHAPELLE NOTRE-D.\ME
Photo du Vivier.
STATUE TOMBALE, CROISILLON NORD
LA CHAPELLE NOTRE-DAME 97
Et ces saints protecteurs ne sont autres que les saints patrons des maifons
canoniales dont les chanoines étaient titulaires. Il y avait, en effet, des maisons
canoniales des titres de Saint-Paul, de Sainte-Catherine, de Saint-Michel,
Saint-Martin, de Sain-Urfin. de Saint-Jacques, etc. Un septième bas-relief
semblable aux précédents se trouve dans le transept méridional de la Cathé-
drale près de la porte de l'ancienne salle capitulaire. Il vient corroborer nos
explications dune façon plus réalifte. car ici lame du défunt eft matérialifée
sous la forme d un enfant sans sexe tenu par un ange. Ce bas-relief doit
s interpréter ainfi : Un chanoine, patronné par saint Sébaflien. pré fente une
supplique à l Enfant-Jéfus, en faveur de son âme, portée par un ange.
L'autel en pierre qui décore le sanctuaire a été exécuté en iS'^^, d a-
près les deilins de M. Bouet. C efl: une des compofitions les plus savantes
et les plus gracieufes de cet artifte. Il repréfente d'un côté les myftères
joveux et de 1 autre les mvftères douloureux de la Sainte Vierge.
En VOICI une defcription remarquable pubhée par M. Arthème Pannier.
dans les journaux de Lifieux. en icS^a. lors de 1 érection :
« Cet autel étale aux yeux tout le luxe d ornementation de la der-
nière période ogivale_, et préfente les mêmes caractères architectoniques. Il
eft compofé de deux parties diftinctes, le tombeau et le retable.
K Du côté de l'épitre eft repréfentée la vie douloureuse de la Sainte
Vierge, et du coté de 1 évangile sa vie glorieuse et triomphante.
« La face du tombeau est divifée en trois compartiments, décorés
chacun d un médaillon symbolique. La couronne qui orne le médaillon du
milieu eft formée de lis et d épines ; 1 artifte a sans doute voulu figurer par
ces lis et ces épines étroitement enlacés les angoiftes de Marie, la plus pure
de toutes les Vierges. La couronne du médaillon de droite eft compofée
d'épines : elle eft lemblème de la douleur et de la souffrance. La couronne
de rofes qui décore le médaillon de gauche eft l'emblème de la gloire et
du triomphe. Le médaillon du milieu porte le monogramme de Marie, sur-
monté d une couronne ducale; celui de droite repréfente une étoile rayonnante,
avec cette infcnption : Quaf Stella matutina. Le médaillon de gauche eft
décoré d un palmier autour duquel s enroule un phylactère portant cette ins-
cription : Quaf palma exaltata sum.
'3
98 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
" Tous ces médaillons sont sculptés avec une grande délicatelTe et par-
faitement fouillés. Ils sont séparés par deux niches surmontées de dais à jour.
Celle de droite contient la statue du prophète Ifaie tenant dans ses mains
une banderole sur laquelle on lit : Eccc V'irgo concipiet. Dans la niche de
gauche eft la statue du roi David, avec cette infcription : Giono fd dictd siint
de te. Sur chaque angle efl: placée une niche beaucoup plus large que celles
dont nous venons de parler, et qui efl: partagée en deux par une légère co-
lonnette : la niche de droite contient un groupe de statues repréfentant la
Vifitation : le vieillard Simcon tient dans ses bras 1 Enfant-Jéfus. Dans la
niche de gauche se trouve un autre groupe figurant 1 Annonciation : 1 ange
Gabriel tient de la main droite une branche de lis. et de 1 autre un phvlac-
tère portant cette infcription : «y^vc. grdtid plend.
" Le gradin qui relie le tombeau au retable repréfente des lis et des
épines entrelacés avec beaucoup dart. et qui se détachent parfaitement du
fond.
" Le retable de lautel. wow moins riche que le tombeau, efl: décoré de
trois niches surmontées de dais à jour, sculptées avec une extrême délicatelTe
et un fini admirable. Ces niches rcpofent sur un large stylobate dans lequel
efl pris le tabernacle, de forme octogone. La niche du milieu, un peu plus
large que les deux autres, contient la statue de la Sainte Vierge tenant dans
ses bras 1 Enfant-Jéfus. La pofe de la Sainte Vierge efl: admirable de grâce
et de majefié; sa robe et son manteau sont sculptés de mains de maitre.
L art 1 fie a scrupuleufement suivi les règles de la statuaire au xv" siècle.
'-' Les deux autres niches contiennent un ange. Celui de droite eil vêtu
d une dalmatiquc à manches avec amict brodé, et tient dans ses mains le
glaive de la douleur : celui de gauche porte une longue robe recouverte d un
manteau: il tient de la main droite la palme du triomphe, et de 1 autre une
couronne. Entre ces niches règne une charmante galerie travaillée à jour, et
formée de fenêtres flamboyantes surmontées de gables. Iciquels sont termi-
nés par d élégants panaches. Devant cette galerie se déploie une jolie draperie
attachée à des pilaflres gothiques sur lefquels se détachent deux riches mé-
daillons : celui de droite eft formé d une couronne d épines au centre de
laquelle sont figurés sept glaives entrelacés de manière à former le mono-
gramme de Marie; 1 autre médaillon repréfente une couronne de rofes. avec le
LA CHAPELLE NOTRE-DAME 99
monogramme de Marie compofé de sept palmes. Sur le riche cordon qui
termine le stylobate. et qui eft entièrement compofé de feuilles de varech, se
détachent deux banderoles correfpondant à chaque médaillon: celle de droite
porte pour infcription : Pertranjihit glddius. Sur celle de gauche on lit :
Veni corondberis. /,
Les vitraux qui garnilTent les trois tenètres de l'abfide sont modernes.
Les sujets qu ils repréfentent sont relatifs à la vie glorieufe et à la vie dou-
loureufe de la mère du Sauveur.
Ces trois verrières, faites en 185*) dans la fabrique du Mans, dirigée
par M. Luflon. ont été placées en 18*) 6 dans la Chapelle Notre-Dame.
L une (côté de 1 Evangile) repréfente 1 Annonciation, la Vifitation, la Na-
tivité et l'Adoration des Mages.
Une autre (côté de 1 Epitre) retrace les scènes douloureufes de la vie de
la Sainte Vierge.
Celle du fond eil: confacrée à l'Aflomption et au couronnement de la
Vierge.
'/ Mgr Cauchon mourut subitement dans la maifon du doyenné de
Saint-Cande. à Rouen, appelé l'hôtel de Lifieux. le 18 décembre 144^.
Son corps fut tranfporté et inhumé à Lifieux dans la chapelle de la Vierge.
qu il avait fait bàtir. On y voit son tombeau en marbre noir sur lequel
efl; sa statue en marbre blanc (Noël Deshayes).
Tiimuldtm efl Lexovii in cède Cdthedralis S^' Petri propre dltdre d Id-
tere eydngelii in quà yicdriiim qiidrtiim injîituerdt, dotdverdtaue et sdcellum
B^ Mdrice Virginis cedifîcdyerdt. ubi suh tiimido e mdrmore. nigro auiefcit
(Gallia Chrift.. t. XI).
Le Mémoridl de ce qui s ejl pdjfé de plus remdrqudhle à Lifieux depuis
16/6 jusquen J/i/, dit : '^ En décembre 170^. on a réparé 1 autel de
la chapelle Notre-Dame dans la cathédrale de Lifieux. ce qui obligea doter
encore une ancienne et mémorable antiquité de cette chapelle : c était le
tombeau de M' Pierre Cauchon. évèque de Beauvais, et depuis de Lifieux.
inhumé en cette chapelle, comme ayant fait faire la dépenfe pour laugmen-
tation d icelle. Ce tombeau était orné dune voûte de pierre de Caen. qui
le couvrait, et d une grille de fer très solide. De tout cecy il n efl: refl:é que
le seul tombeau, en l'état qu'on le voit encore à préfent. >/
loo SAINT-PIERRE DE LISIEUX
(Sur le mur avoifinant ce qui reliait du tombeau, on plaça deux bas-
reliefs provenant du jubé conftruit au xiv' siècle et démoli en lOSg ainfi
qu'il a été dit plus haut. Ces deux bas-reliefs furent remontés tout près de
l'autel lors des réparations qu'on fit à la chapelle vers itSyS.)
Le tombeau de Pierre Cauchon se trouvait donc près de 1 autel de la
chapelle, du côté de 1 Evangile. En lyo"). on ne détruifit que la voûte en
pierre de Caen et la grille de fer. La statue tombale dut reftcr intacte, puifque
le Mémorial et Noël Deshayes. qui écrivait en i 7 *) | . en parlent dans les
termes ci-de(Tus.
Ce fut. sans doute, entre les années r 7 "> j et 17^"^ que ce tombeau
fut complètement détruit. Car à la mort de Mgr de Condorcet. en l'J^},
on trouve dans les regiftres des sépultures de la Cathédrale, tenus par le cha-
pitre, que '^ Mgr de Condorcet fut inhumé dans le caveau de M' Pierre
Cauchon. // Sur le caveau on plaça une table de marbre ' avec cette infcrip-
tion : '^ I 7 (S 3 , Jacques-Marie de Condorcet. évèque et comte de Lifieux. »
Que devinrent alors les cendres de Pierre Cauchon ." Il eft poffible que
le cercueil de Mgr de Condorcet fut placé au-deiTus du corps de Pierre
Cauchon. Nous avons, en effet, dans la Cathédrale un exemple de deux ca-
veaux superpofés : ceux d Etienne Bloflct de Carrouges et du Cardinal Le
Veneur (1 onde et le neveu).
Pendant la Révolution, en 171)";. le tombeau de Mgr de Condorcet
fut ouvert et profané. Le corps du vieil évèque fut porté au cimetière du
Champ-Rcmouleux et jeté dans une foffe commune.
Qui sait ? les violateurs n eurent peut-être pas 1 idée d aller au-dellous
du corps de Mgr de Condorcet. Si Pierre Cauchon y c(\ rcffé. ils ly ont
peut-être laifTé. et alors il y repoferait encore aujourd hui. Une petite fouille
pourrait nous renfcigner.
Quoi qu il en soit, lorfquc le tombeau de Pierre Cauchon fut enlevé,
nous avons lieu de penfer que la statue tombale fut aftrcufcment mutilée
et que les morceaux servirent à boucher la première fenêtre du collatéral du
croisillon Nord, probablement pour rinHallation. en cet endroit, d un autel
avec retable.
I. Cette plaque de marbre se trouve aujourd'hui au Musée de la Ville.
PL js
CURIEUX ÉCOINÇONS DE LA CHAPELLE NOTRE-DAME
LA CHAPELLE NOTRE-DAME
lOI
En octobre 1869, on a rou-
vert cette fenêtre, et on a retrouvé
les nombreux fragments de mar-
bre de Carrare, qui avaient été
employés comme blocage. Ces
fragments, avec leurs gracieux
ornements, le style avancé des
draperies qui sont fort belles et
les rofaces délicatement sculptées,
révèlent 1 œuvre d'un artifte du
xv^ siècle. Ils ont été raflemblés
et maintenus au moyen de plâtre.
Malheureufement la tète et les
mains manquent. Cette statue efl:
bien celle d un évèque ainfi que
l'attefte le vêtement sacerdotal
compofé d'une tunique et d'une
dalmatique. pofées 1 une sur l'au-
tre, et d une chafuble relevée sur
les bras. Les deffins qui couvrent
la chafuble sont formés de rofaces
polylobées, autrefois garnies de
cabochons imitant les pierres
ifes. Le
rfoi
precieules. Le perionnage repre-
fenté couché porte le manipule
sur le bras gauche ; létole appa-
raît entre la tunique et la dal-
matique, qui eft bordée d'une
belle frange. On remarque éga-
lement une trace longitudinale
que recouvrait une crofTe difpa-
rue et qui avait été fixée par un
crampon de cuivre sur le devant
de l'épaule gauche.
Fig. 29. — Tombeau de Pierre Caucbon, d'après Gaignières.
I02 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Parmi les évèques inhumés dans la cathédrale, il n'y en a que deux dont
le tombeau fut surmonté de leur effigie en marbre blanc : Guillaume d Es-
touville. mort en i 4 i 4 . et Pierre Cauchon ifig. 2q).
Or. il y a. à la Bibliothèque Nationale (^collection Gaignièresi. un des-
sin qui répréfente avec détails, l'effigie du tombeau de Pierre Cauchon. Un
artifte a reproduit fidèlement ce deffin. directement sur les cartons de Gai-
gnières. En le comparant avec la statue reconftituée. on reconnaît entre les
deux une très grande similitude.
Les morceaux raflemblés de cette statue repofent actuellement dans une
chapelle collatérale du croifillon Nord de la Cathédrale.
Sur l'emplacement du tombeau de Cauchon. M. 1 archiprètre Ducellier
fit placer en 1 wi 2 une statue de la bicnhcureuie Jeanne d Are. trop mou-
vementée, trop moderne, œuvre du sculpteur Orléanais Ch. Defvergnes. Cette
statue fut bénite, le 2 ") août I»»I2. par S. E. le cardinal Amctte en pré-
sence de Mgr Lemonnier et d une afiifiance confidérable. Le cardinal, qui
a toujours le sens de là-propos, fit allufion. dans son difcours. à ces paroles
du Pfalmifle. pour les appliquer à Jeanne d Arc : " Donec ponjni immicos
tiios. scdbelliini pcdiim tiiorimi. /,
Auparavant, le 2 | octobre igoc). Mgr Touchet avait donné dans la
cathédrale un inoubliable panégyrique de Jeanne d Arc à 1 occafion de la
béatification de 1 héroïne.
Du côté sud, et faiiant pendant à celui de Pierre Cauchon. se trouvait
autrefois le cénotaphe d Antoine Raguier. évcquc de Lilieux. mort en 1 }''^2.
Cet évèque y était repréfenté à genoux, tourné vers 1 autel : son épithaphe
était au-delTus de son bufle.
Au milieu de cette même travée on dépofa en lO.So le corps de Léo-
nor I" de Matignon, mais il fut plus tard reporté à Thorignv. Cet empla-
cement servit enfuite pour la sépulture de Mgr de Brancas.en 17'M).
Guillaume de Hautemer. maréchal de Fervaqucs, avait été également
inhumé dans cette chapelle en 1 '> 1 l, entre les tombeaux de Pierre Cauchon
et d Antoine Raguier.
Beaucoup de chanoines, dont on ignore les noms, curent auHi leurs
sépultures dans cette chapelle. Les pierres tombales ont été saccagées ou
détruites ; les infcriptions tumulaires sont dilparues.
CHAPITRE IV
L AGE DE LA CATHÉDRALE
A CATHÉDRALE SAINT-PIERRE semble mettre une certame coquet-
terie à cacher son âge : celui qui connaîtrait à fond la vie
mouvementée de 1 évèque de Lifieux, Arnoul, pourrait sans
doute la dater d'une façon aflez certaine.
Beaucoup de maîtres de l'archéologie savent-ils la place
privilégiée occupée par la forte perfonnalité d Arnoul dans l'œuvre politique,
littéraire et artiftique du xif siècle ' ?
EfquilTer le portrait de ce prélat n eft pas chofe facile, car si la plupart
des hiftoriens lui sont très favorables, quelques-uns le dénigrent à plaifir.
à caufe de son rôle myftérieux dans l'affaire de Thomas Becket".
Normand d origine, aimable, généreux, difert. plein de la lecture des
livres saints, parfaitement au courant des queftions juridiques, humanifte à
ses heures. Arnoul ne s avance qu'à coup sûr, ne se livre que rarement. Il
sait attendre, intriguer, négocier, arriver à ses fins à force de tact et de
diplomatie. Esprit prompt et prudent, par la souplefle de son caractère il
s efforce de diffiper les malentendus et les complications.
1. Fleury, Hijloire ecdéfidjlique , Paris, 1721, t. XV, pp. 87, 142, 188, 195, 441. —
Dom Ceillier, Hijî. gén. des auteurs, t. XIV, pp. 751-758.
2. Dom L'Huillier, Saint Thomas de Cantorbéry, t. I, 1891, pp. 72-74.
I04 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Sa science s impofe aux plus savants, sa dialectique aux plus élocjuents.
Il voyage beaucoup, prodigue ses confeils aux rois, aux papes, comme aux
simples laïques. En un temps où l'influence de la religion chrétienne
pénètre les lois et les inftitutions. rien n échappe à son incroyable activité.
Que l'on s imagine un érudit qui serait un poète, un homme d action
qui ne dédai<^nerait pas d être un amateur éclairé des œuvres d art. un
conftructcur qui aurait le secret de recueillir de tortes sommes, un voya-
geur qui. en chevauchant sur les chemins de France et d Angleterre, de
Paleftine et d halic. saurait faire ample moilTon d idées et d initiatives : ce
sont là les principaux traits de la phyfionomie d Arnoul. d après sa corres-
pondance et les écrits de ses contemporains. Comme le difait très jufte-
mcnt Mgr Touchet dans son panégyrique d Orderic Vital : " Confeiller et
modérateur, autant qu il put. du plus violent des souverains (Henri II
d Angleterre). Arnoul appâtait en définitive comme un homme d églife dis-
tingué et un véritable homme dEtat'. //
Le sceau d Arnoul compte parmi les plus beaux. Il le repréiente
debout, revêtu d une chalublc magnifiquement drapée. La tète, très fine,
porte la mitre. La main gauche s appuie sur une crolTe élégante, tandis que
la droite se lève avec gravité pour bénir. Autour du sceau se lifent ces
mots : '-' tyfrniilfus Dci ^rdtid lexo\ienfs cpifcop. //
Parmi les défi:nleurs de 1 évèque de Lilieux. il efl intéreflant de relever les
noms de saint Bernard et de Picrre-le-Vénérable abbé de Cluny. deux person-
nages qui. par leur génie, honorèrent le plus 1 Eglife aux environs de i i y).
Le souci des aflaires publiques ne fit point oublier à 1 évèque Arnoul
les intérêts de ses diocéfains. La réparation, puis la réédification de sa cathé-
drale sur un plan plus vafle reftent la penfée dominante et 1 occupation de
son long épifcopat (^ i i j i - 1 i S i). Il suffit de parcourir attentivement sa
correfpondancc pour comprendre qu il a été 1 ordonnateur par excellence et
le fidèle bailleur de tonds de ce grand œuvre. Au moins quatre lettres de
ce docte prélat permettent de préciler son rôle de batilTeur. Ce sont les
premiers renleignements politifs qui permettent de fixer approximativement
1 âge de la cathédrale Saint-Pierre.
La première lettre à étudier remonte à i l | > . car elle c{\ adrclTée au
I. Mgr Touchet, Orderic f'ttjl. Pans i<»i2, pp. 11-12.
PL ^6
,^-
DÉTAIL D'UN MONUMENT FUNÉRAIRE DE LA CHAPELLE ABSIDALE
L'AGE DE LA CATHEDRALE 105
pape Céleftin IL ancien élève d'Abélard. qui n'a régné que cinq mois, du
2 7 septembre i 1 4 3 au 8 mars 1 1 4 4 . Il était renommé par sa science et
son caractère pacifique et conciliant. Auffi Arnoul avait-il chaudement
plaidé sa caufe en Normandie et en Angleterre. Quelle joie ç eût été pour
l'évêque de Lifieux de se rendre près du nouveau pape pour lui offrir ses
hommages et ses vœux. Malheureufement, de graves empêchements le
retiennent dans son diocèfe. « Je semis, écrit-il, -venu vous vijiter^ si je
n'étais vivement occupé â me concilier de plus en plus les faveurs du nouveau
prmce (^Geoffroy d Anjou), à réparer les ruines de notre églife et de notre
demeure, à prendre soin des funérailles de mes proches. <lA caufe de cela, je
n'ai eu ni le temps, ni la joie, ni les moyens d aller vers vous '. »
Des hiftoriens normands, notamment MM. Vasseur", Ch. Bréard',
A. Pannier^ M. Farolet\ 1 abbé Marie ^. interprètent la formule :
« E^farciendas ecclejice et domus nojhce ruinas /, dans le sens d une recons-
truction et non pas dune simple réparation. A les en croire. Arnoul
(fig. 30), en montant sur le siège épifcopal de Lifieux, n'eut à prendre
pofleffion que d une cathédrale en ruines et d un palais en cendres ; car, en
1136, Geoffroy, comte d Anjou, avait incendié Lifieux et la cathédrale. Les
ravages du feu furent-ils auffi sérieux que l'affirment ces chercheurs ? Il
semble que non. En effet, si la cathédrale avait été auffi abimée, comment
en 1141. le 21 mai, Rotrou, évèque d Evreux. Renoul, abbé de Saint-
Evroul. les abbés bénédictins du diocèfe de Lifieux et de nombreux fidèles
euffent-ils pu inhumer l'évêque Jean I" dans ^< la bafilique de Saint-Pierre
1. « Venifîem autem ad vos, nifi circa confirmandam mihi recentem novi principis gra-
tiam, et refarciendas ecclesias et domus noftrae ruinas et curanda germanorum funera gravius
occuparer. Quibus caufis. nec tempus adhuc, nec alacritatem habui nec expenfas. Veniam autem,
Deo volente. quantocius, ut oculis meis vultus veftri serenitas illucefcat, et ariditatem meam
quafi uberior de proximo novœ benedictionis riget ubertas, quia modicum id quod sum, totus
sum sanctitatis veftraï sanctseque Romande Ecclefise devotiffunus servus. // Lettres d' Arnoul. édi-
tion Giles, Oxford, 1844, in-S", p. 83. — Pjtr. Ut., t. CCL coL ic). En 1141. Geoffroy
Plantagenet avait énergiquement combattu l'élection d'Arnoul au siège de Lifieux et saifi le tem-
porel de l'évèché ; ce qui avait occafionné de nombreux soucis au nouvel évèque.
2. Etudes sur li Cathédrale de Lijieux. Caen. 1881, pp. 20-25.
3. L Ahbaye de Grejldin. Rouen, 1904, p. 54.
4 . Dans journal Le Normand.
■). Notes pour servir à l'Hijloire de la Cathédrale de Lifieux, Lifieux, 1840, pp. 21-24.
6. Dans La Normandie monumentale.
lOb
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
au pied de 1 autel Saint-Michel. // S appuvant sur un fait célèbre : le
maria<jc de la reine Aliéner d'Aquitaine avec le ]eune Henri Plantagenet,
ce
:léb
re a
Lil
leux
le I N mai i i •) 2
on
)rétend qu a cette date 1 éveque
Arnoul avait achevé le gros œuvre de sa ca-
thédrale. Cet argument nous semble très
faible
la baiilu
le. car la Daiiiique romane qui. en
I I I 1 . avait servi aux obfèques de 1 éveque
de Liiieux. dix ans plus tard, pouvait tout
auffi bien être utilifée pour
royal.
le mariage
)y^
Il ne
difficile d(
lous parait airnciie de s appuver sur
ces souvenirs hiftoriques pour interpréter le
texte d Arnoul et établir que le diftingué
prélat, dès le début de son épifcopat. fit
réédifier une cathédrale toute gothique d inf-
piration et d exécution. A notre avis, la
première en date des lettres d Arnoul ne
vife qu une simple reftauration de la cathé-
drale romane.
Cependant, une autre lettre de 1 éveque
de Lilieux adrellée à son confrère de Novon
indique que dans le troilicme quart du
xii' siècle Arnoul s occupait de la conllruc-
tion d une nouvelle cathédrale. '' Ccrtdins
prêtres de votre diocèfe sont venus vers Nous.
Nous avons cm devoir les retenir pour conftituer des alTociations et faire
des quêtes pour la reconftruction de notre églife. pjrce au ils avaient Li
réputation J être habiles et bien préparés pour ee genre ci opérations. Mais
après avoir parcouru le diocèse et séjourné auelaue temps chc:i^ Nous,
pref(jue tous se sont enfuis clandejhnenient. comme après une défaite. Us
mont Liijfé avec une dette de plus de ;o livres à payer à leurs créanciers.
J ai soldé cette dette pour tenir jufcju au bout ma prumejfe. Bien plus, ces
cjueteurs ont également dérobé soixante-dix pièces d or au prêtre R^. le
I. Ordcric Vital. Hifî. ccclés. , éd. Le Prévost. t. V'. p. m*,: cdit. Gui/ot. t. IV. p. sî4.
hig. V
L evck^ue Arnoul
L'AGE DE LA CATHÉDRALE 107
porteur de la préfente lettre. Pourtant ils dvdient prêté serment, la main
sur FEyangile, de nous servir fidèlement durant tout leur mandat. Très Cher,
à cdufe de cela, nous vous demandons bien injlamment de nous donner une jufle
satiff action et de reprendre comme ils le méritent ces vils criminels. Ce n efl
pas tant la queflion d argent qui nous inquiète que la punition de leur mau-
vaife foi et de l affront qu ils nous ont caufé'. /,
Quand les refîources devenaient infuffirantes, les évèques bàtifleurs
songeaient à intérelTer à leurs conftructions non seulement leur diocèfe mais
les provinces voifines. C efl ainfi que Thibaut, évèque de Senlis. envoya
des quêteurs dans les villes du domaine roval. avec des lettres de recom-
mandation de Louis VII. Ils revinrent en I13O ou 1157-. L évèque de
Lifieux recourut au même expédient. Les collecteurs s enfuirent inopiné-
ment avec une partie de leurs recettes. Arnoul s en plaint à Beaudoin.
évèque de Noyon. et demande à son confrère de prendre des mefures
coercitives contre ces escrocs. Au dire des Bénédictins qui rédigèrent la
Gallia Chrifliana. la lettre de lévèque Arnoul daterait de 11 74 environ et
s'adreiTerait à Beaudoin III (11O7-I174) : '^ arnoul. évèque de Lifieux,
écrivit à Beaudoin au sujet du préjudice que lui avaient caufé certains prêtres
de Noyon. t^lprès avoir recueilli de l argent, ils prirent la fuite' . /> M. Charles
VafTeur a fait remarquer très juftement que la lettre de l' évèque Arnoul
pouvait auffi avoir été adreiTée à Beaudoin II. évèque de Noyon de TI48
à II 07. C'efl: un point d hiftoire difficile à débrouiller. Il convient toute-
I. '•' Venerunt ad nos sacerdotes quidam de epifcopatu veftro, quos ad fraternitate.-; cons-
tituendas, et faciendas collectas ad resedificationem Ecclesise noftrse. quia periti et inftructi super
hujufmodi officio dicebantur, duximus retinendos. Cum autem perluftrato epifcopatu apud nos
aliquandiu refedilTent. omnes fere quafi facto aginine fuga clandeftina difcelîerunt. Me quidem
in summa majore XXX librarum : suis fidejufforio nomine obligatum creditoribus relinquentes,
quas ego nimirum omnes servata promifionis meœ veritate perfolvi. Sed et latori prasfentium
R. Sacerdoti noftro eadem fraude LXX solidos abftulerunt, cum ipfi. nobis tactis sacrosanctis
Evangeliis juramentum corporale, se fidem bonam nobis servaturos in tota exfecutionc negotii
prasftitiffent. Super quo chariffimam nobis fraternitatem veftram obnixius exoramus, non tam sanc
recuperationem pecunias. quam viadictam tantas fraudis et injuris perfequentes, ut nobis jus-
titia vefiira satiffien faciat. et tantum crimen animadverfione débita corrigatis. // <Jfrniiphi Epifî.
LIX ad Bdldcwimim Novionensem epifcopum dans Migne, Pjtrologie btine, t. CCI, col. go.
2 M. Aubert. Monographie de la Cathédrale de Senlis, Senlis, iQio, in-4", p. i i.
3. (11 74) " Ad eum scripfit Arnulfus Lexovienfis epifcopus, de fraude sibi facta a qui-
busdam prefbyteris diœcefis Noviomenfis, qui corrasa pecunia, fuga poftea se subtraxerant. />
Gallia Chrifliana. t. IX, col. 1004.
io8
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
fois d'obferver qu'en 117} le gros œuvre de la cathédrale de Noyon
était achevé, par conféquent, à cette date, les quêteurs de ce diocèfe devaient
être libérés de leur mis-
sion. Il se pourrait qu à
ce moment ces «spécia-
lises // aient cherché d un
autre coté 1 emploi de
leurs talents. C eft une
simple probabilité, une
conjecture vraifemblable.
De ce texte ne retenons
qu une chofe. en l l 7 j .
Arnoul travaillait active-
ment à réédifier une
é^life cathédrale.
Fig. )i. Lificux et sa cjtlicdrilc J après les /'/jjji c: /jroyï/^ Je A'jr«M«i/jc. ~ r\ ■
Initruit par 1 expé-
rience, Icvéque de Lificux. un peu plus tard, s adrella pour le miniftère de
quêteur, non plus à des ctran"[ers. mais à ses diocésains. Une troifième
lettre apporte à cet égard de curieux détails. Si les quêteurs furent plus
honnêtes, leur tache ne laiHa pas d être terriblement difficile. Arnoul le
déclare lui-même d une façon piquante. S adreflant au pape Alexandre III il
dénonce en ces termes laccueil déplorable réfei-vé à ses envoyés par les
moines de Greflain. abbave bénédictine du diocêfc de Lificux. supprimée en
177*) : ''' Nous ne pouvons m n ofons p^ffcr le jjit sous silence, un Je nos
prêtres et un sous-dutcre . que nous avons envoyés orgjiufer des djj^ocidtions. en
vue de Ij rêédificJtion de notre égUfe que nous f.iifons reconjhuire de fond en
comble, franchirent un jour, à l heure du diner. Lt grande porte du dit monas-
tère pour demander l aumône. Un des moines les plus importants, à savoir le
prieur de la maifon et le portier, les affaillirent avec la dernière violence, les inju-
rièrent copieufement et puis (ce que je ne puis dire sans honte et sans amer-
tume) les roulèrent dans la bouc'. //
I. Intérim, quod silentio prctcrirc non pofTuniu"; iicc audcmus. quidjni saccrdos noftcr
et subdiaconus, qui a nobis obconftitucndas fratcrnitatcs ad rccdificationcm cccicfiac noftra: quain
a fundamcntis inccpimus mittcbantur, novifTimas fores prxdictc domus hora prandii caufa requi-
L'AGE DE LA CATHEDRALE 109
Irrité d'une telle conduite, l'évêque Arnoul demanda aux moines une
réparation; mais 1 abbé Guillaume Huband ou d'Exeter ne leur permit pas
de s humilier de la sorte. Au contraire, il était le premier à leur donner
l'exemple de la rébellion '. La lettre que nous étudions montre que vers
T 17Q Arnoul travaillait encore à la conftruction de sa cathédrale. Cette lettre
ne peut se placer avant 1179, puifqu'elle dénonce l'abbé Guillaume élu
en cette année même". D'autre part, elle ne peut être poftérieure à 1181,
époque de la mort d'Alexandre III, décédé en exil à Civita-Caftellana. le
30 août '. Quoique publiée dès 1863 par Fr. Hiverani. dans son Spicile-
giiim, imprimé à Florence, la lettre d'Arnoul n était pas connue de M. Vas-
seur et M. Serbat ne l'a pas non plus utilifée, bien que M. René Poupar-
din l'ait de nouveau réimprimée en IQ02 dans la Bibliothèque de l Ecole
des Chartes, t. LXIII. Si MM. Pannier et Marie, avaient eu sous les yeux le
texte dont il s'agit, ils auraient certes modifié leur opinion sur l'âge de la
cathédrale Saint-Pierre, qui n efi: peut-être pas auffi ancienne qu'ils se
l'imaginaient.
Cependant, une quatrième lettre d'Arnoul établit que la cathédrale lui
a coûté fort cher à conftruire. Au déclin de sa vie, le chapitre de Lifieux
l'accufe de dilapidations. L'évêque. dans un mémoire adreflé au pape
Lucius III (i^' septembre II 81 — 2*) novembre 1185), réduit à néant
1 accufation de ses chanoines en détaillant les nombreufes largefïes dont ces
meffieurs lui sont redevables. La réponfe d'Arnoul, écrite avec âpreté,
montre toute sa puiilance de dialectique et jette une lumière nouvelle sur
son rôle de bâtifïeur.
« Les chanoines m'accufent d'avoir dilapidé mon églife, moi qui lui ai
acquis plus de 1.200 livres de revenu à perpétuité; qui en ai porté 500
dans le tréfor ; qui en ai employé 10.000 en bâtiments qui subsiftent;
rendae caritatis ingreffi sunt ipfisque a monacho quodam majore, scilicet procuratore domus. et
a portario violente manus illatse sunt, gravibufque affecti injuriis in luto (quod sine ruborc et
amaritudine dicere non poflumus) convoluti. ;> 18 Lettres d'Arnoul, éditées par René Poupardin,
Paris, iqo2, p. 9.
1. Bréard, ^Abbaye de Grefîdin, pp. 44 à 56.
2. Gallid Chrijîidnd, t. XI, coL 842. — NeujîriaPid, pp. 528-34. — Mondflicon tAnglic,
VI, II, loqo. — Canel, Ejfdi sur l'drrondiffement de Pont-tAudemer , t. II, p. 45S. — Le Pré-
voU, Mémoires et Notes pour servir à l'Hijloiredu dépdrtement de l'Eure, E\tcux 1862, t. I,p.40().
3. F. Mourret, Ld Chrétienté, Paris, 191b, p. 425.
no SAINT-PIERRE DE LISIEUX
moi qui ai renouvelé la cathédrale, en partie à mes frais, et à 1 aide des
acquêts que j ai faits, qui di augmenté de 600 libres la menfe cjnonule. qui
en ai ajouté plus de =^00 à la menfe épifcopale. Il efl vrai qu à mon a\ène-
ment j ai pris dans le tréfor 1 7 marcs, parce que j étais dans l obligation de
retirer des mains du comte dtyinjou les biens de ma menfe. qu il retenait
depuis 2j mois, sous prétexte que je m étais fait sacrer sans son ajfentiment.
En cette affaire, je n ai agi qu avec l agrément du pape Innocent, de glorieufe
mémoire, et après ayoir verfé tjoo livres de mes propres deniers. Pour l expé-
dition de Jérufalem. dans laquelle je fus engagé par ordre du pape Eugène, j ai
vendu, avec son agrément, un calice d or pcfant ;_/ onces. Le Souverain Pontife
m'avait donné la permiffion. s il en était befoin, pour la croifade. Je pajfe sous
silence pour éviter tout soupçon de vanité la manière libérale avec laquelle
jai toujours exercé l hofpitalité. le grand nombre de dons que j ai faits, et qui
de l aveu de ceux qui en bénéfcièrent, surpajfent ce qu on pouvait attendre
d un homme dont la fortune était aujfi précaire que la mienne. Les témoins ne
manquent pas pour attefer au befoin ce que j avance. J ai supplié mes juges
d établir une compenfation entre ce que j avais pris et ce que j avais donné. Ma
requête na pas été prife en conf dération. J ai été condamné à payer aux
chanoines 1 <><» livres pour être employées aux befoins de la cathédrale. Bien plus,
ces juges impitoyables m ont retenu ma propre chapelle, soit une chafuble.
avec tunique et dalmatique , que j avais acquises récemment. C est ainf que les
chanoines m ont laijfé sans argent et sans vêtements liturgiques. Mis au
courant de ces procédés indignes, vous ave:i^ cajfé leur sentence et. comme
votre correfpondance le laiffait entendre, vous m ave^ arraché à leur haine
implacable. Je prie Votre Sainteté de maintenir son jugement et de me
faire rejlituer ce qui m a été injuflement enlevé, afn que ces objets puijfent
revenir aux frères fies chanoines de Saint-Victor de Pans/, au milieu desquels
le me suis retiré. Les chanoines se moquent de mon infortune, après s être
attribue arbitrairement ce que je dejlinais à des bonnes oeuvres, ils se
réjouiffent méchamment de m avoir forcé à partir comme le dernier des
pauvres. Que Votre Bonté continue ce qu elle a si bien commencé, pour que
le Chapitre ne puiffe s égayer aux dépens de mes malheurs . //
I. « Propofucrum itaquc me boiia Eccicsiz dibpidaffc profulius. cuni me mille
duccntas libras et co amplius perpétuas aLquififTe conftarct. et thefauro ctiam intuliffe t^umgen-
L'AGE DE LA CATHEDRALE m
Arnoul dans sa lettre prouve par des chiffres que les chanoines, aux-
quels il avait fait beaucoup de bien, n'avaient aucun sujet de se plaindre
et que dans ses largeffes il n'a pas oublié la cathédrale. Pour la rebâtir, non
seulement il a ouvert sa bourfe toute grande, mais encore il a fait Tufage
le plus légitime et le plus noble des profits de sa diplomatie. Soit du côté
du roi d Angleterre, Henri II. soit du côté de Louis VII. roi de France,
Tévêque de Lifieux a reçu Tor à pleines mains. C'était la récompenfe obli-
gée des services exceptionnels qu'il a rendus aux deux souverains. Entre les
Français et les Anglais, le prélat parut toujours prêt à ser\'ir d'intermédiaire,
en bons termes avec les uns et les autres: attriflé de les voir en lutte, que
tas, et duodecim millia librarum exftantibus aedificiis impendifle : ipsamque Ecclefam Epifcopa-
lent ex parte sumptibiis meis, et acquifitionihiis inno\dtdm : ad Communiam quoque Canonicorum
sexcentas libras annuas et perpétuas acquifîvi. atque mensam Epifcopalem quingentis libris. et
eo amplius. annuis et perpetuis augmentavi. De ipfo autem thefauro ut nihil subtraham, decem
et septem marcas in initio meae promotionis afTumpfi, quia bona omnia Epifcopalia redimere de
manu comitis Andegavenfis angebar. quoe ipfe mihi per duos annos et très menfes abftulerat,
quia electus canonice sine ipfius defignatione fueram confecratus. Quod ego quidem de permis-
sione Domini mei gloriofse memoriœ Pape Innocencii feci, cum ego prius de meo nongentas
libras in eam caufam et amplius expendiffem. In expeditione quoque Jerofolymitana ad quam me
Sanctus Pater Eugenius Papa deftinavit invitam, mandato ipfius calicem aureum trigenta et qua-
tuor unciarum expendi. cum ipfe mihi. si amplius oporteret, mea causa aflumere concccifTet.
Praeterea, ne forte jactantia videatur. quanta intérim fuerit hofpitalitatis effufio, quam etiam
frequens donorum caritas illuftrabat, adeo ut ab homine mediocritatis meae vixtanta polTet lar-
gitas exfpextari, quod ab his qui viderunt, et his qui experti sunt, publico paffuTi teftimonio
confirmatur. Supplicavi judicibus ut eorum quas appofita sunt et detracta, quantitate perfpecta.
rationem compenfationis admitterent. si tamem seftimandum videretur quod in tam pias et
neceffarias caufas expenfum fuerat. et poftea plusquam septuagies septies reftitutum. Non sum
exauditus in aliquo. quia ora eorum et corda novi metus, et antiquse simultatis obftinatio clau-
serat : neque jam latens odium, sed prorupta in omnibus audacia videbatur. Condemnaverunt
me itaque in centum libras donendas canonicis. quas in utilitates Ecclefis et legitimos sumptus
expenderant, mihique de Capellà prorfùs nova quam mihi paraveram, cafulam, dalmaticam,
tunicam, abflulerunt ;sicque me privatum pecunià et sacris spoliatum veftibus emiferunt. Quod
sane cum ad veftram audientiam perveniffet. sententiam eorum Apoftolicà scveritate quaflaftis,
et me sicut ex litteris veftis intelligi poteft ab ipforum voluiftis pervicacià liberan. Rogo itaquc
ut veftra in decreto suo sententia perfeveret. suumque litters veftroe confequantur efFectum,
mihique quod ex injuftà caufa sublatum eft, reftitui faciatio, ut ad fratrcs (Canonicos Regg.
SS. Victoris Paris, innuit) ad quos concefTi.pervenire pofTit quod iis ab initio fuerat deflinatum.
Infultant illi siquidem, suoque quod ad pias caufas deputatum fuerat. diftribuunt arbitratu, et
me quafi nudum et inopem exiifîe improba congratulatione lœtentur. Faciat itaque veftra mife-
ricordia quod coepiftis. et quod a vobis quafi decretum eft diftrictà severitate praîcipite con-
summari, ne de noftris gaudeat simplex vel imperita malicia detrimcntis. >/ — DAchéry. Spi-
cilegitim. édit. de 1723, t. III. p. 512; — Migne. Putr. lat., t. CCI. col. loi; — Hijt.
littér., t. XVI, p. 329; (Almanach de Lifieux. 1871, p. 149.
I I 2
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
(Je démarches n"a-r-il pas tenté pour les concilier ! Cette remarque n'eft pas
une digreffion. au lieu de nous éloigner de notre sujet, elle nous permet
de le creufer davantage et d'expliquer aux archéologues comment Tévèque
Arnoul, en pleine Normandie, a pu bàtir un édifice dans le style français.
L influence parifiennc. regardée généralement comme une conféquence de
1 annexion de la Normandie au domaine royal, à Lifieux, se peut expliquer
par les relations d Arnoul avec les moines et les évèques bàtifleurs de 1 Ile-
de-France, de la Champagne et même de la Bourgogne. Arnoul voyagea
beaucoup pour les affaires de 1 Eglife. de la France et de 1 Angletetre. Un
homme comme lui ne pouvait voyager sans obferver et sans apprendre. En
parcourant le domaine royal, comment n aurait-il pas regardé, admiré et
étudié attentivement les églifes et les cathédrales qui, de toutes parts, sur-
iziffaient sur le territoire
de Louis VII r Le nou-
veau syftème de batir,
1 art gothique, si supé-
rieur aux svftèmes anté-
rieurs, n a-t-il pas reçu ses
applications les plus ca-
ractériféesà 1 abbatiale de
Saint -Denis, à Notre-
Damede Senlis.àNovon.
à Saint-Etienne de Sens,
à Laon, à Notre-Dame
de Paris, à Vézelay, à
Saint-Rémy de Reims. Or. Arnoul connaiHait ces édifices, ou tout au
moins les abbés ou les prélats qui en furent les infpirateurs et les utiles
ordonnateurs. Plus qu à tout autre éveque il lui devenait aifé de recruter
dans ses chantiers un nombreux pcrfonnel de maîtres et de compagnons.
Suger et Louis VII lui devaient de la reconnaiHance. En Orient, pendant
la seconde croilade. n avait- il pas aidé de ses deniers le souverain, dont
la situation financière nétait guère enviable '. A peine de retour de la
'•s iî
Corniche i modillons du bu-côté Sud.
I. Sugcr : Lettre LU. âm', Pjtr. bt.. t. CLXX.W!. col. 13;).
PLj7
G.Tatou-^ \9\e
AR.CATURES DU NARTHEX (Dessin de G. Patou).
»
LE CHEVET DE LA CATHÉDRALE (Dessin de R. Bigot).
L'AGE DE LA CATHEDRALE 113
Terre-Sainte, l'évêque de Lifieux aide l'abbé Suger à éviter à la dynaftie
capétienne les rigueurs de Geoffroy, comte d'Anjou'. En 11 60, Arnoul
sert de témoin dans le traité de paix conclu entre Louis VII et Henri II
d'Angleterre'. En 1105, le prélat préfente ses vœux et souhaits de profpé-
rité à Louis VII, à l'occafion de la naiffance de son fils Philippe-Augufte,
en des termes qui ne laiffent aucun doute sur la cordialité de leurs rap-
ports'. Enfin, en 117 3, Arnoul tente vainement d'apaifer le conflit survenu
entre Henri II, le roi de France, la reine Aliénor et les princes anglais
Richard et Geoffroy ^. Pour ces services, et pour d'autres encore, l'évêque
de Lifieux recueillit évidemment de fructueux préfents. Le roi Henri II,
« qui encouragea les artifies de la pierre, autant que les hifioriens et les
poètes », ne dut pas oublier non plus ses intimes, quand ils servaient sa
politique auffi adroitement qu' Arnoul. L intelligence des affaires, le sens pra-
tique, la perfpicacité du prélat normand lui épargnèrent d ailleurs de très
graves déconvenues. Non seulement Arnoul assifi:e au mariage d Henri avec
Aliénor d'Aquitaine, mais deux ans plus tard, en 11 34. le 20 décembre,
il prend part à la cérémonie solennelle du sacre royal, dans l'églife de Wefl-
minfter \
En avril 11 60, Arnoul parvient à décider le souverain anglais à se ral-
lier à la caufe du pape Alexandre III ". Le i i mars 1 162, l'évêque de Lifieux
affiflie à la translation des corps de Richard I" et Richard II, ducs de Nor-
mandie, à Fécamp". Mais c'efi: surtout après la rupture de Henri II avec
l'archevêque de Cantorbéry qu'il déploie toute son activité. Durant ce dou-
loureux conflit, que n'a-t-il point tenté pour inviter les deux adverfaires à
ne pas troubler la paix!
1. Suger : Lettres CLXVII et CLXFIII, dans Migne, Pair. Idt., t. CLXXXVI, coL 1427-
1429.
2. Bréquigny, dans Mémoires de l^cad. des Infcript.. t, XLIII ; — Soc. libre de l'Eure,
t. X. 183 Q, p. 172.
3. André Duchefne ; Hiflorice Francorum, t. IV, p. 640.
4. A. Luchaire : dans LavifTe, Hijloire de France, t. III, p. 325.
5. Chronique de I{obert de Torigni, édit. L. Delisle pour la Société de l'Hiftoire de Nor-
mandie, Rouen, 1872, t. I, p. 2c)o.
6. Fleury : Hijl. eccléfuft., Pans, i 721, t. XV, p. 88-89.
7. Chronique de R^obert de Torigni, t. I, p. 336-337.
'3
114 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
C'efl ainfi qu'Arnoul. en i i()|. fait à quatre reprifes différentes le
voyage de Sens (alors que la cathédrale Saint-Etienne était en pleine cons-
truction) pour demander au pape Alexandre III d apaifer le différend entre
Thomas Becket et Henri " que ses heureux succès ont rendu si délicat,
qu il prend pour injure un manque de complaifance ' >/. Enfin au moment
même où Henri Plantagenet, après le meurtre tragique de son ancien chan-
celier, allait encourir les cenfures du Souverain Pontife. Arnoul. dans une
lettre mémorable', plaida si bien la caufe du roi. qu il défarma contre tout
efpoir la Cour de Rome". Pour les befoins de sa politique, le roi d'Angle-
terre était très large, ce qui permet de croire qu Arnoul fut amplement
dédommage de ses peines et de ses difficiles miflions. Du refte. Jean de
Salisbury nous dit sans ambages que 1 évèque de Lilieux. dans ses négo-
ciations, savait en impofer par ses dehors séduisants et surtout par des
prodigalités étonnantes. Arnoul. en fin diplomate, savait au moment
opportun, donner aux barons ou même aux eccléfiartiqucs autre chose
que de bonnes paroles '. C ed: un argument auquel certaines natures
réfiffent difficilement.
De 1 expofé hifforique qui précède, il réfulte qu'à tous égards Arnoul
nous apparaît dans une situation privilégiée pour mener à bien la conffruc-
tion d une cathédrale nouvelle. Lui-même nous affirme que ce ne fut pas
le moindre de ses soucis. Son témoignage n a pas paru concluant à 1 hiffo-
rien de Lifieux. Louis Dubois. Quant aux travaux de lévèque Arnoul ; " Il
efl certain, écrit-il. qu ils se bornèrent à la consffruction de son palais épis-
copal, et à quelques réparations de la cathédrale. S il en était autrement.
Orderic Vital en aurait parlé avec détail. Ce ne fut qu au commencement
du xiii' siècle, que 1 évèque Jourdain du Houmet fit faire de grands travaux
à ce bel édifice '. // Louis Dubois, qui a donné au public une traduction de
1 hiffoire cccléhaflique du moine de Saint-Evroul. devait savoir mieux que
perfonnc. qu en i i | i . la vieillelle et les infirmités forcèrent Orderic Vital
1. Doni L'Huillicr : SjiVif Thomas de Cjntorbèry, Paris, iSoi, t. I. p. 2qo.
2. Arnoul : Lettre j Thomjs Bccl^et, dans d'Achcry. Spialegium. t. II. p. 48^
-),. Arnoul : Lettre Xf^, dans Mipnc. Pjtr. Ut., t. CCI, col. 83.
4. ).-C. Robcrtfon : Afjtcrijls for the hilîory of Tbomjs Becl^^et, t. V, p. os.
") . L. Dubois : Hijîoire de Lifieux. t. II. p. 201'.
L'AGE DE LA CATHEDRALE 115
à mettre un terme à ses travaux de chroniqueur. A la dernière page de son
récit le laborieux bénédictin s'en explique en ces termes :
« Voilà que fatigué par la vieillefle et les infirmités, j'éprouve le défir
de terminer ce livre Voilà que la chaire de Lifieux efl: privée d évêque par
la mort de son prélat (Jean l", 1 107-1 141) et je ne sais quand il aura un
succeiTeur ni quel il pourra être ' . // Comment Orderic Vital pouvait-il par-
ler des travaux d un prélat qui n'était pas encore élu canoniquement quand
il cefïe d'écrire? L'objection de Louis Dubois ne mérite par conféquent au
cune attention, elle montre avec quelle définvolture il a écrit l'hiftoire. Au
cours des recherches qu'il nous a été donné de faire, pendant la préparation
de cette monographie, plus d une fois nous avons pu conftater la faiblelTe
de documentation et surtout l'extrême partialité de cet érudit.
Avant de révoquer en doute le rétabliiTement de l'églife Saint-Pierre
par Arnoul. Louis Dubois n avait qu à parcourir la Gdllid Chriflidna ' ou
même les notes hiftonques de M. Farolet \ Dans ces deux ouvrages, qu'il
polTédait certainement, il eût pris connaiffance d'un paflage de Robert de
Torigni bien propre à éclaircir la queftion. Contemporain d'Arnoul, « le
plus exact des anciens hiftoriens de Normandie •♦ // connaifîait perfonnel-
lement l'évêque de Lifieux pour lavoir rencontré à Tours, à Fécamp. à Caen.
et ailleurs encore. Le portrait qu'il nous a laifTé d'Arnoul n eft pas flatté,
au contraire. A ses yeux, lévêque de Lifieux n'était qu'un politique dans
le mauvais sens du mot (v/r ddmodiim cdlîidus^).
Comme d autre part Robert du Mont fut lui-même un grand cons-
tructeur, son appréciation sur les travaux d Arnoul n en a que plus de poids
et de valeur. L abbé du mont Saint-Michel s'exprime ainfi dans le supplé-
ment qu'il a joint à la chronique de Sigebert. moine de Gemblours :
^z arnoul, évècjue de Lifieux, dprès dvoir gouverné penddnt qudrdnte dnnèes le
même diocèfe. et après avoir travaillé à rebâtir sa cathédrale et de mdgnifiques
demeures, renonçd â l épifcopdt. et vint terminer ses jours à Pdris ddns une très
1. Orderic Vital : Hijl. eccléfufl., lib. XIIL édit. Le Prévofc, t. V. p. 133.
2. Gallid Chrifîiana. t. XL coL 778.
3. Farolet : Notes, p. 23.
4. Chronique de I^bert de Torigni, édit. Delifle, t. II. p. 11.
") . Ibid. , t. I. p. 224.
iib SAINT-PIERRE DE LISIEUX
belle maison cju'il s'était fait édifier à l'abbaye de Saint-Victor \ „ Après ce
témoignage péremptoire. il semble impoffible de ne pas admettre que
lévèque Arnoul a réellement pourfuivi la reconflruction d une cathédrale.
Au moment où nous écrivions ces lignes. M. Georges Huard commu-
niquait à la Société des antiquaires de Normandie un pafTage des '' Miracles
de saint Thomas //. de Guillaume de Cantorbérv. où celui-ci raconte que des
ouvriers qui travaillaient aux fondations de 1 églife neuve d Arnoul furent
victimes d'un éboulement et ne durent leur salut qu'à 1 interceffion du mar-
tyr de Cantorbéry. Ce fut le 2<) décembre i 170 que Thomas Becket suc-
comba sous les coups de quatre chevaliers normands en recommandant sa
caufe et celle de 1 églife à Dieu, à la Vietge et à saint Denvs, patron de la
douce France.
Les mains mif} à sun vis. à Dampnedeu se rent,
Al martir Saint-Denis, cui diilce France apent.
E as sain:!^ de l Yglife se commande erraument.
La caufe seinte Yglife et la suc ensement\
Le texte que le lecteur va parcourir ne peut être antérieur au mar-
tyre du vaillant archevêque, canonifé solennellement le 21 février i 1 7 1 .
dans la cathédrale de Segni, en préfence du Sacré-Collège, par le pape
Alexandre III.
" Il efl dans le cours des chofes. comme chacun peut le remarquer, (jue
le malheur atteigne les bons, alors que les méchants sont dans la profpérité.
Dans la ville épifcopale de Lifcux. un habitant de la ville du nom de Hoger.
occupé avec deux compagnons à creufer des fondations pour la réédification
I . Chr. i? . Jf T. , t. II. p. I 07. T Arnulfus, Luxovicnfiscpircopus. cum pcr XL annos candcm
ccdcfiam rcxifTct. f? in ccdifcjndo ecclefjm et pulchcrrimas domos laborafTct, rcnunciavit cpifco-
patut, et pcrrcxit Parifius, suos dics dimidiaturus apud Sanctum N'ictorcm in domibus pulcher-
rimis, cjuas ibi ad opus suuin conrtruxcrat. // Suivant Benoit de Petcrboroui;h ^I. 2781 Arnoul
abandonna son cvcclic par suite de la difgràce qu'il avait encourue en 1171 pour avoir pris le
parti de sa famille lioflilc à Henri II et lice à ses deux fils rebelles. Noël Deshays penfe qu'il
s'était brouillé avec le souverain anglais pour une queftion de juridiction féodale. D'après la
GjUu Chrtjîuru. c'eft précifément à cette date que lévcque de Lfieux fait quêter pour sa cathé-
drale, n'ayant plus rien à efpérer du roi d'Angleterre.
2. Garnier de Pont-Sainte-Maxence. cdit. Hippcau. Pans, l^<)lK p. 11J4.
PI. î-S'
LE CHŒUR ET LE CROISILLON SUD (Dessin de Jouvcnot).
L'AGE DE LA CATHÉDRALE 117
de r ancienne églife. alors qu'il se trouvait à environ 20 pieds, au-dejfous du
niveau du sol, se vit soudainement précipité sous l'amas de terre accumulée au
haut de l'excavation et qui avait gUffé sur lui; l'un de ses compagnons du
nom de Robert, voyant le péril et voulant y échapper, fut arrêté et à demi
enfoui. S efforçant de se protéger, en se servant de ses bras comme de rames,
il ne réufjit qu à déterminer un nouveau glijfement de la terre qui le recou-
vrit tout entier, sauf le haut du corps. De là, il tendait les mains et cherchait
des yeux comment l'on pourrait lui venir en aide. Roger était, sous ses pieds,
écrafé par la majfe, et tout ce qu'il put faire ce fut d'invoquer le saint mar-
tyr Thomas en faifant vœu de se rendre à son pèlerinage. Il le priait de cœur,
non des lèvres, car la terre lui entrait dans la bouche quand il l'ouvrait, et il
était d'autant plus attentif à sa prière, qu il ne pouvait la faire de vive voix. La
mort le preffait tellement qu'il ne pouvait à peine se rendre compte de son
état. Cependant, ses deux frères se tenaient près de la fojfe. suppliant de leurs
vœux, de leurs larmes et de leurs plaintes saint Thomas, le conjurant de ne
pas permettre qu'ils perdiffent leur frère. Le bon saint, exauçant leurs jufles
prières, arracha à la terre celui qui y était enfoui, en sorte que cela put être
attribué tout à la fois à son intervention et à celle des saints patrons de l'é-
glife de Lifieux. En effet, feu de bonne mémoire, l évèque de Lifieux (fiArnoul)
qui était pré fent, demandant à Robert dont la tète sortait de la terre ce qu'il
pouvait être advenu de Roger, et Robert affrmant que, sous une telle majfe,
personne ne saurait échapper à la mort, l évêqiie attrijlé se projlerna en prières
devant les saints patrons de son Eglife. Sous leur infpiration, la foule, se sai-
sijfant d'outils, retira la terre accumulée et ouvrit la fojfe, voulant avoir Ro-
ger sinon vivant du moins mort, afn qu un cadavre ne souillât point les fon-
dements de léglife. Enfn, Roger apparut, la tête frappée d'un triple coup
de hoyau et, à l'admiration de l'affiflance, rendu fort sur l'heure par le secours
des saints, il put lui-même monter rapidement les échelons de l échelle. Mais,
parvenu au haut, sauvé de F enfoui jfement. il succomba à l oppreffion et ne
put bouger. L'aide des Saints l'avait soutenu, abandonné à lui-même, il refla
faible et sans forces, à ce point que si on ne l'eut porté, il n'eût pu dffifier
à la cérémonie d'action de grâces, à laquelle était accourue toute la cité\ »
I. De Juvene Luxoyienji terrea oppreffo. — '< Mala vicina bonis e(Te, et adversa profperis
intervenire ex vario remm eventu quivis advertit. Civitate Luxoviis Rogen'us quidam, ejusdcm
M 8 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Le texte de Guillaume de Cantorbéi^' ne prouve pas nécefTairement
qu'il faille fixer la date initiale des travaux d'Arnoul à i i 7 i au plus tôt.
En effet, dans ce pafTage. il peut être queflion des fondations du tranlept
évidemment conftruit après la nef. Même après lecture d un aulfi curieux
document, il efl: poffible de soutenir que 1 évèque de Lifieux n a pas attendu
le déclin de son épifcopat pour démolir l'églife romane et la remplacer par
une conftruction plus en rapport avec les préoccupations efthétiques de son
temps.
Dans son Hifloire de Normandie, imprimée à Rouen en 17' M- Mas-
seville. après avoir donné quelques renfcignements sur nombre de '-' Temples
èleve:^ pour Id gloire de Dieu dans le douT^icme siècle //. confacre à 1 éi^life
cathédrale de Lifieux cette brève notice : '^ I^ers 1201), l églife de Notre-
Dame de Lifieux fut jugmentée et jchevée. vers la fin de ce siècle, par Jour-
civitatis inquiliiuis. Jum m rccJifcJtiotie \ctcris ecclefuc hiimun cjfoderct cum duobus jliis. cjuafiquc
viginti duobus pcdibus in vifccra terra: pcnctrarct, ruit ex improviTo humus cqcfta de summiiaic
foffx, et cum quidem pcnitus obruit, alium vcro quendam, Robertum nomine, pratconfide-
rantem cafum et fugientem interupit. Qui cum sepultus ex parte contra cafum niteretur. remigio
brachiorum sibi subveniens, rurfus desuper moles abrupta devolvitur, et quamvis non penitus
lotum, totum tamen a verticc dcorsum pcnitus abfcondit. Hincquc manus pr.ïtendcbat. et vifum
non etfuLjcrat quomodo subvenire potcrat. Qui vcro subtus pcdcs cjus intcrrcptus cft. cum tanta
mole prelTus anxiarctur, quod solum potuit. cum invocatione sanctorum martyri Thomx se
voto pcregrinationis aArinxit, orans corde, non ore. Siquando autem os apcriret. humus infihebat,
et attcntius ei orandum erat, qui orare non vocabat. Qucm et mors tanta pulsabat anguftia ut
vix adverteret quid ex se fieret. Sed et duo fratres ejus aftabant. votu. flctu et planctu martyrcm
Thomam solhcitius interpellantes ne in fratrc fraternum nomen amittcrcnt. Quorum juftam
petitionem pius patcr exaudicns. sic obrutum cxtumularc procuravit ut et sibi sanctifque Luxo-
vienfis cctlciuT patroius cxtumulatio comiiuinitcr afcribi polTet. Si quidcm co cu|us vertex
cmincbat ctfolTo, cum mterroqarct super obruto vcnerand.x memoria: Luxovienfis cpifcopus. qui
et ipse praefens crai, et accipcrct ncminem tanta prelTum ruina polTe morti subduci, triftis se
ante patronas ecclcfix sua: projecit in oratione. Quibus infpirantibus populus accenfus arreptis
utenfibus molcm injectam difTipavit, sepulchrum difjecit, volais si tion \hum \el mortuum extrj-
here ne ftwdjmetitum fumus prarvenirct. Tandem sepultus apparuit. ter iigone capite percufTus.
Qui muncrc sanctorum mutuato ad horam vigorc celcrrime non sine circumftantium admira-
tione scalam afccndit. Sed cum superis rcflitutus ruinosx molis injurias evafifTet. non protiims
molcflias opprcflionis evasit, nam se penitus dimovere non potuit. Quippe sanctorum frctus
auxilio przvaluit et roboratus cft ; dimissus sibi, defecit et dcbilitatus eft in tantum ut, nifi
dcportatus fuifTet, gratiarum actionibus, ad quas tota civitas accita cucurrit, non interfuilTct. «
Mirjculj S. Thomx Cjntturietifts . juctore W'illclmo Cjtttujricnfi . lib. Ill, :. dans Robertfon.
Mjterials for the hiflory of Thomjs Becl(ct. London, 187^, t. I. pp. 2^0-2^7.
L'AGE DE LA CATHÉDRALE 119
ddin du Hommet son Evêqiie'. » Le texte de l'hiftorien du xviii' siècle ren-
ferme deux légères inexactitudes : le prélat dont il signale l'activité artiftique
a occupé le siège épifcopal de Lifieux non pas au déclin du xii^ siècle, mais
au début du xiu' siècle (1202-12 18). De plus, la cathédrale lexovienne ne
fut pas dédiée à la Vierge, mais au prince des Apôtres, à saint Pierre.
En 1881. M. Charles Vafleur a eu la bonne fortune de retrouver, dans
les archives de l'Hofpice de Lifieux. le texte suivant : '< Extrait d'un petit traité
intitulé : Ordo et Séries epifcoponim Lexoyienfium, ce qui en suit, page 57. »
« 22. — Jorddmis de Hiimeto oh prceclara gefld, virtutes et eleemofime
(sic?) mdgni nomen confeciitus, electus dtino i rSi Ecclefidm recedificdyit. 10
clericos in ecclefid inflitiiit, 1208. Contrd ^Albigenfes dimicdt, 121 2, ciim
epifcopo Rigonensi (sic). Multd heneficid et decimds Cdpittilo Lexovienfiun
121 y Idrgitiir. Domiim-Dei dotdt; àizu et perficit ecclefiam ii\^. Moritiir
in expeditione Hierofolimitdnd v. 1220, ihique de morte per mortem défère
(sic) triumphdt'. »
Nombreufes sont les erreurs contenues dans le texte de Y Ordo et Séries.
Jourdain du Hommet n'a pas été élu évèque de Lifieux en 1 1 8 1 . mais en
1 201. Il n'eft pas mort en 1220, mais en 12 18. Il n'a donc pu confacrer
une églife en 121Q. D'autre part, à s'en tenir au contexte, eft-ce de la
cathédrale Saint-Pierre ou de l'églife de IHôtel-Dieu (ancienne églife des Ma-
thurins) dont il s'agit? Les deux interprétations se peuvent soutenir avec autant
de vraifemblance. Quoi qu il en soit de ces interprétations, il semble que
Jourdain du Hommet s'intérella à sa cathédrale. En effet, dans ses Mémoires
pour servir à l Hifloire des éyéqiies de Lifieux, Noël Defhays. curé de Cam-
pigny. s'exprime ainfi, en 1754 :
« On dit que cet évèque. qui se dijlmgud toujours pdr sd générofité, rebâ-
tit, ou du moins répdrd l églife cdthédrdle'. // Les bénédictins, qui. en 17 59»
rédigèrent l'hiftoire du diocèfe de Lifieux, dans la Gdllid Chriflidnd, en uti-
lifant les documents que les chanoines avaient mis à leur difpofition. pré-
1. MafTeville : H ijîoire de Normandie, Rouen, 1704. t. II, p. 208.
2. Ch. VafTeur : Etudes sur la Cathédrale de Lifieux, Caen, 1881, p. 26-27.
3. Formeville : Hifloire de l'ancien E\échè de Lifieux, t. II, p. 92,
120 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
cifent un peu le rôle de Jourdain du Hommet : « En 121=^. le prélat
concéda la somme de cent livres tournois 'ti doii?^e clercs du chœur de son
églife. à charge pour eux de chanter chacjue jour toutes les heures cano-
niales r'....' Dans la Chronicjue de Normandie se lifent ces mots .Jourdain,
éyéaue de Lifieux, mourut au-delà des mers et y fut inhumé, après avoir gou-
verné, augmenté et enrichi son églife durant près de i~ ans'.//
Récemment. M. 1 abbc MaiTelin a bien voulu nous communiquer un
paiTage ou plus exactement une annotation marginale d un manufcrit du
chapitre de Baveux (ms l iS, P (S4V sur Jourdain du Hommet. C efl: un
martyrologe d Ufuard provenant de 1 abbaye de Mondaye dont le prélat fut
le fondateur et le zélé protecteur. Un religieux de ce monaflère. pour per-
pétuer le souvenir des largefTes de Tévèque à 1 égard du diocèfe de Lifieux.
a infcrit dans la marge du livre liturgique cette mention qui parait bien
une simple réédition de la Chroniaue de Normandie : '^ Lan 12 ij. beau-
coup de nobles partirent pour la croifadc de Terre Sainte fia cincjuième/.
L évéaue de Lifeux. Jourdain, prit part à l expédition. En /2/S. il mourut
au-delà des mers et y fut inhumé, lui qui avait beaucoup agrandi et enrichi
l églife de Lifieux pendant près de i~ ans\ // Les nombrcufes donations
confcnties au chapitre de la cathédrale, par le diftingué prélat ^ permettent de
suppofcr que lorfquc Guillaume du Pont-dc-l Arche, en i2lN. monta sur
le siège épilcopal. il trouva le choeur achevé. Le nouvel évèque gouvernait
le diocèfe depuis huit ans quand un incendie vint encore exercer ses ravages
sur la cathédrale.
I . " Ccimiin libras Turoncnfcs diiodcciin cicricis chori afTif^navit. anno i 2 i "> . qui onincs
horas canonicas pcr sin^ulos dics dctantarcnt. „ Gdlltj Chrijî.. i. XI, col. 7S1.
2. " In Chronico Nornunni<r : Obiit Jordanus Lcxov., cpifcopus in partibus tranrmarinis.
ibiquc sepultus cft, qui cccicfiam Lcxovicnscm rcxit fcrc annis, 17.0: multum accrcvit et ditavit
caindcm. // GjIHj Chrijï.. l. XI. col. 782.
3. " Anno Doinini M CC XVII. muiti nobiliuni. ut in Icrufalcm ircnt pro pcrcqrinationc.
hoc tcmporc crucc sij;nati. nurc tranlicruni. in qua cxpcditionc Jordanus cpift-opus Lcxovicnds
pcrrcxit. Anno M CC XVIII, obiit prcdictus Jordanus Lcxovicnfis cpifcopus in partibus trans-
marinis ibiquc sepultus cft. qui eccicftani Lexovienfcm rcxit fcrc annis XVII et multum acrcvit
et ditavit camdcm. Anno M CC XXI Guillcinuis de Ponte de l'Arche confccratur et fit cpifco-
pus Lcxovicnfis Anno M CC LXVII, obiit Fulco Dafluni. vcncrabilis cpiscopus I.cxovienfts
et sepclitur cathcdrali sancti Pctri Lcxovicnfis antc majus altare cui succllit Guido de Merula,
archidiaconus Conftantienfis. *
4. Formcviilc, t. Il, pp. 00 i 93.
L'AGE DE LA CATHEDRALE 121
D'après les frères Sainte-Marthe', le feu prit à l'églife Saint-Pierre en
I 224. Dom Brice, bénédictin de Saint-Germain-des-Prés, le Rituel de 1661,
et XfiAncie.nne Chronique de Normandie ne datent avec raifon cet événement
que de 1116. Quelle fut 1 étendue du défaftre ? Certains archéologues
prenant à la lettre le texte de la Gdllid Chriflidnd : '< Igné comhujld efl Lexo-
vienjis Ecclejid ' u prétendent que tous les travaux d'Arnoul et de Jourdain
furent anéantis par ce sinift:re\
Il y a lieu de revenir sur un jugement auffi péremiptoire.
A Noyon et à Rouen, les incendies mentionnés par les chroniqueurs
furent partiels et pourtant les textes sont auffi abfolus que pour le défaftre
survenu à Lifieux en 1226.
L'opinion de Gally-Knight reprife récemment par MM. Gonfe et Enlart
ne cadre guère avec létude archéologique du monument. Si le rétablifle-
ment intégral de la cathédrale avait eu lieu après i 226, comment expliquer
la différence de style entre l'abfide et la nef? De plus, une églife auffi vafte
que Saint-Pierre ne se reconftruit pas en quelques années. Si l'évèque Guil-
laume du Pont-de-l'Arche avait eu les soucis d une réédifîcation complète,
aurait-il pu, dès 1233, s'occuper d embelliffements et doter la chapelle
Notre-Dame'* tandis que son frère s intérelTait à la chapelle Saint-Urfin,
deux morceaux d'architecture très avancés de style ? La Gdllid Chrijiidnd
nous apprend qu'à la même date l'évèque de Lifieux fondait dans sa cathé-
drale les chapelles de Saint-Ouen. de Saint-Gilles et de Saint-Leu\ C'eft
donc bien au xii' et au xiu^ siècle qu on doit les travaux effentiels de Saint-
Pierre de Lifieux et comme l'offature de lœuvre. Il ne reftait aux siècles
suivants qu'à parfaire cette œuvre, à la reprendre dans le détail, à confolider
les parties les moins réfiftantes. Quand en 1230, le 21 janvier, l'archevêque
franciscain Eudes Rigaud fit sa vifite à l'évèque de Lifieux, son suffragant,
le chapitre le reçut avec tous les honneurs dus à son rang dans la cathé-
1. GjUu Chrijliiina, Ant., t. II, in Episc. Lexov.
2. Gallia Chrifliana, t. XI, coL 782.
3. Gally-Knight, Relation d'un Voyage archéologique fait en Normandie en 18^3, London,
in-8% p. 31.
4. Voir à la fin du volume une charte de 1233 dépofée au Archives du Calvados.
5. « Fundavit an. 1233 capellam SS Audoëni, Egidii et Lupi, ejus vero frater dotavit
capellam sancti Ursini in ecclesia Lexoviensi. // Gallia Christiana, t. XI, col. 782.
16
122
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
^^^ m\ ./^
drale magnifiquement ornée. Lui-même, dans le Regiftre des Vifites. nous
a minutieusement confervé les réfultats de 1 enquête à laquelle il soumit le
chapitre. Il apprit que 1 évèque avait été plus d une année sans prêcher, ni
officier dans sa cathédrale. Si. alors, elle avait été en reconftruction, n eut-il
pas mentionné le fait comme une circonftance atténuante?
Le jour de lEpiphanie. de I2')N- larchevèque de Rouen préfide une
proceffion faite dans la cathédrale Saint-
Pierre et adresse la parole aux chanoines
et aux fidèles. Dix ans plus tard, le
} janvier I2(>S, le pieux confeiller de
saint Louis revient de nouveau à la
cathédrale de Lifieux. Reçu solennelle-
ment sous le narthex, il adrefTe un dif-
cours latin aux chanoines, chapelains
et clercs de la cathédrale. Cette fois,
les renfcigncments qu il recueille sur la
situation matérielle et spirituelle de
1 éiilife lui donnent toute satiffaction '.
CONFRpNl ATION DE LA CATHÈDH^LE
Af'EC DES ÉDIFICES SIM1LAII{ES
L églife dont parlent les textes que
nous venons d uidiquer et d interpréter
c(l-clle réellement celle que nous avons
sous les yeux f L infpcction archéologique du monument, son étude directe,
à pied-d œuvre, sa confrontation avec des édifices similaires à peu près
contemporains et à date certaine pourront vraifemblablcment nous apporter
d utiles précifions. En archéologie, lobfcrvation directe complète les don-
nées hiftoriques et les met en valeur.
L étude defcnptivc de Saint-Picrrc de Lificux nous a révélé que si la
cathédrale appartient toute entière au style ogival, elle a du moins subi lin-
Pig. n
Travée d
Coupe I.
-rre de Lifieux.
I Voir à I.Ï fin du volume les passages essentiels du registre d'Eudes Rigaud.
L'AGE DE LA CATHEDRALE
12'
fluence de deux écoles d'architecture. L Ecole fri.inçdifse domine dans le nar-
thex, la nef et ses collatéraux, les croifillons, mais son empreinte s atténue
de plus en plus dans le chœur et le déambulatoire, h Ecole normande 1 em-
porte nettement dans les deux dernières travées droites du déambulatoire et
sa partie tournante. Les chapelles efpacées. le chevet en hémicycle, les parties
hautes du chœur, la tour-lanterne et la façade occidentale se rattachent évi-
demment à 1 école de la province. Or, c'efl;
seulement au début du xiii^ siècle que les archi-
tectes normands ont commencé d imprimer au
style gothique un caractère local bien tranché
(arcs très aigus, colonnettes et moulures mul-
tipliées, emploi du cul-de-lampe coudé, double
remplage des fenêtres, tailloirs circulaires, emploi
les eorees
et des chanfi
es cnanrreins creux, me
^daill
ons
■ I
J L-
trèfles ou quadrilobés, sculpture décorative tou-
jours un peu symétrique). Les parties de Saint-
Pierre où ces détails architectoniques se remar-
quent nous paraiflent antérieures à 1233. Le
chœur de Saint-Etienne de Caen, confinait vers
1200 par maitre Guillaume, ne serait-il pas
l'antécédent exact, le prototype du chevet de
l'églife de Saint-Pierre de Lifieux ? Le chœur de
Notre-Dame de Bayeux, élevé sous le pontificat
de Robert des Ablèges (1 20(1- i 2 3 iV parait
poftérieur au chevet de la cathédrale-sœur. En
effet le gothique bayeufain efl: plus svelte, plus orné, moins calme, moins
pondéré que le style si pur de la cathédrale de Lifieux.
Que la partie normande de la vieille bafilique lexovienne se rattache
au treizième siècle, prefque tous les archéologues expérimentés en conviennent.
La partie françaife efl: au contraire d une datation beaucoup plus difficile.
La comparaifon de Saint-Pierre avec Noyon, Sens, Pans, Laon et
Chartres semble devoir nous renfeigner approximativement sur la vraie date
de notre cathédrale.
D'abord il efl: inconteflable que Lifieux dans ses portions françaifes
Fig. 34. Travée de Chartres.
124
SAINT-PIEKKE DE LISIEUX
précède Chartres (fig. '54) '• Ce fut le vendredi 10 juin i i<»|. que sur-
vint le sinidrc qui occafionna la ruine de la bafilique romane. Il faut lire
dans Huysmans le récit de lélan prodigieux de zèle et d enthoufiafme qui
suivit la deftruction du sanctuaire dédié à la
Vierge noire. Tous travaillèrent au nouvel édifice.
(Selon la jolie réflexion d Emile Maie : le peuple
(i offrit ce qu il avait, ses bras robuftes. Il s attela
Mltî! aux chars, porta les pierres sur ses épaules. Le
bourgeois donna son argent, le baron sa terre,
1 architecte son génie. Dès 1 luN, le chœur était
confacré. En élévation. Chartres et Lifieux com-
portent trois étages et
des voûtes d ogives sur
m itti ittu
'''g ,^^ Trivée de Noyon.
plan barlong. A Chartres les supports sont déjà
quadrilobés. par conféquent plus franchement
gothiques. Chaque colonnette a sa fonction bien
prévue. Dans les bafes, la scotie eft davantage
creuféc, les chapiteaux offrent des corbeilles plus
riches et plus variées. Le trifonum, d une élégance
remarquable, n a nullement 1 apparence d une
tribune. Enfin à l'étage supérieur, prcfquc tout
1 efpacc compris entre le trifonum et le sommet
des formerets eff ajouré par des fenêtres géminées
et une roface à huit lobes. Quand on étudie attentivement les lignes géné-
rales, les profils et la grammaire ornementale des deux édifices, la conclulion
s impofe : Chartres, dans la lignée des cathédrales, apparut après la conflmc-
tion de Lilicux.
Si la cathédrale de Lilicux précède Chartres, elle suit Noyon et Sens.
Dans I étude si confcicncicufc qu il a confacrée à Novon. M. Euiiènc
Lefèvrc-Pontalis conclut que le chevet actuel de la cathédrale devait être à
peu près terminé \z i\ juin 1 1 ^7. Lévèquc Baudouin III ( 1 M>7-i 17.4)
vit sans doute 1 achèvement du tranlept et la conftruction des deux dernières
I. René Mcrict : Lj CjthédrjU de Chartres. Pans, looo. l^-^> . — Abbc CIcrval :
Chartres, sj Cathédrale, mo^, in-S . Bultcaii et Brou : Monographie de la Cathédrale.
Chartres, i887-i8i»o. •; vol in-S".
PLAN DE LA CATHÉDRALE DE LISIEUX
L'AGE DE LA CATHEDRALE
125
travées de la nef. Quand Etienne de Nemours monta sur le siège de Noyon en
II 88, la nef et les bas-côtés se trouvaient prefque édifiés'.
En élévation, la travée de Noyon (fig. !<)) comprend quatre membres.
Nous y trouvons un étage de plus qu'à Saint-Pierre de Lifieux. Tribunes et
triforium voifinent et sont superpofés. Les arcs-boutants se cachent et n'ofent
avouer franchement leur préfence. Tandis qu à Lifieux les supports confiftent
uniformément en une groiTe pile ronde, dans la cathédrale de 1 Ile-de-France,
les voûtes repofent sur des piliers alternés. Cette difpofition si particulière
était nécefTitée par lemploi des voûtes sexpartites. Le plein cintre refte encore
aflocié à l'arc brifé. Les nervures des voûtes du chœur préfentent des pointes
de diamant, des perles ou de petites fleurs entre deux boudins. Ce genre
de décoration des ogives ne
Lifi(
se retrouve pas a Liiieux.
Seul le profil des bafes du
déambulatoire rappelle un
peu les bafes des croifillons
de Saint- Pierre. Dans le
chœur et le tranfept de
Noyon les bagues relient
les faisceaux de colonnes et
des annelets se remarquent
aux corniches extérieures ;
1 intrados des arcs refte plat.
Malgré ces affinités, Lifieux
dans la généalogie des ca-
thédrales se clafle après
Noyon. On peut même
suppofer que 1 architecte de
léelife normande connaif-
Fig. )6. Travée de Sens.
fait l'édifice que nous venons d'étudier. M. Anthyme Saint-Paul efl;ime
qu'il connaiflait également la cathédrale de Sens : *'< La cathédrale de Sens
(^fig. 36), malgré son infériorité comparativement à Saint-Denis, efl:
I. Lefèvre-Pontalis : Hifîoire delà Cathédrale de Noyon, Noyon, 1902, in-8", pp. 21-29.
126 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
déjà gothique, elle auffi et. gloire exceptionnelle, la première en date des
cathédrales gothiques. Le chœur de Saint-Germain-des-Prés. confacré en
1103. relève, pour moitié, de 1 influence de Sens, qui semble se retrouver
audi aux plans des cathédrales de Rouen et de Lilieux ' >/. D après
M. E. Lambin " certaines redemblances qui exiftent entre Saint-Pierre de
Lifieux et les cathédrales de Sens et de Cantorbén'. conftruites vers la
même époque par Guillaume de Sens, permettent de penfer que cet architecte
a pu donner le plan de la cathédrale normande \ h
Dès I N()7, lavocat lexovien Arthèmc Pannier écrivait : " Le nom de l'ar-
chitecte qui a élevé ce magnifique édifice (Lifieux) n efl: pas connu. La simi-
litude de caractères qui exiRc entre certaines parties de 1 églife Saint-Pierre
et les cathédrales de Sens et de Cantorbérv. conftruites vers le même temps par
Guillaume de Sens, nous portent à attribuer à cet habile architecte une large
part dans la conftruction de notre cathédrale '. //
Qu au point de vue du plan et de 1 ordonnance des travées la cathédrale
Saint-Etienne puiHc être confidérée comme le prototype de Saint-Picrre de
Lilieux. nous n en sommes point surpris; mais les analogies entre les deux
monuments nous paraiiTent trop lointaines, trop peu accentuées, pour en
conclure à l'identité d architecte. En tous cas. les lignes générales de Liiieux.
le profil des nervures, la difpolition des supports et des voûtes indiquent une
œuvre poftérieure à Sens et antérieure au chevet de CantorbéiT où la sculp-
ture eR plus avancée et Li niouluration plus compliquée. La cathédrale de
Sens, commencée dans le second quart du xii' siècle, était prefque achevée
en I I hS ^ Ce fut en 1 i 7 ^ que le chapitre le Cantorbér^* demanda à 1 ar-
chitecte Guillaume de reconftruire la cathédrale incendiée. A Sens, si 1 or-
donnance des travées ne comprend, comme à Lifieux. que les arches du rcz-
de-chaulTée. le triforium et les ficnctres. les voûtes du vailTeau central sont
sexpartites et les piles alternativement fortes et faibles. Le triforium préfente
des relTemblances intimes avec celui de Lilieux. La voûte actuelle eft plus
bombée qu à Saint-Pierre et elle 1 était bien davantage avant le relèvement
1. Anthyinc Saint-Paul : Htfloire monunientjle de U France, Paris, im i. p. 14V
2. Emile Lambin dans I{e\ue de l'Art chrétien, iSqb, 0* livraifon, p. 1 .
1. StJtiflt(]ue monutnentjle du Cj/vjJoi. t. V, pp. 20^-204.
.}. Guide archéologique du Congrès d'tAvjllon. 1007. in-S'. pp. 200-224.
L'AGE DE LA CATHEDRALE
127
des formerets. Les arcs ogives sont en plein cintre. Le profil des grandes
arcades offre un large méplat accofté de deux tores; les gros chapiteaux
s'ornent de feuilles d acanthe largement traitées. La travée d'entre les clo-
chers eft rectangulaire et rappelle les nervures de Lifieux. Or, cette travée
(Doii^feaiL c^^/"
<:^-Ù>l
(Zû/fy.
S^û\Mcait diL^hotilxJ.
iJlcu^po.
(9awcà iei (Aialuanaj
(Çalveà de^^%d-
^jyou(T7ty-
H.oft^yf^€J.
Fig. 37. Profils de Saint-Pierre de Lifieux et des cathédrales de la même période.
128
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
était achevée en i iSo. Nairuère cette date nous fut confirmée de vive
o
voix par M. le chanoine E. Chartraire. dont les études sur la cathédrale
Saint-Etienne font autorité. Puirc|uc les plus sérieufes analogies entre les
deux monuments se rencontrent surtout dans la partie de la baliln^ue
sénonaise édifiée entre i i'»N et i |S<>. il eft permis de suppofer que les
chantiers de Lificux étaient en pleine activité durant cet cfpace de temps.
Tandis que les maîtres d œuvre de Sens
et de Liheux suppriment les tribunes, soit
parce qu elles prennent trop sur la hauteur
des collatéraux, soit parce qu elles augmen-
tent confidérablement les charges des piliers
du soubaiTcment, à Notre-Dame de Pans
1 architecte conferve aux tribunes leur am-
pleur (fig. ^N). Le plan des supports mo-
nocylmdriques rappelle les piles de la nef
et des croifillons de Saint-Pierre de Lilieux.
Les voûtes sont sexpartites. mais au lieu de
renforcer, comme à Sens, de deux en deux
les piliers qui bordent le vaiileau central.
1 architecte a trouvé une solution plus élé-
gante : ce sont les supports des bas-cotés
qui ont été renforcés alternativement à
I aide de douze colonnettcs. Le profil des
nervures eft plus léger qu à Lifieux : c cft
une baguette centrale entre deux boudins
qu il eft facile d infcnre dans un cpannelage rectangulaire. Les fenêtres se
compofcnt de deux arcs brifés surmontés d une rofe décorative. Lare en
plein cintre ne sert que pour les voûtes. Les arcs-boutants sont dun stvle
plus avancé que ceux de Lifieux. Chacun sait que Notre-Dame de Paris
fut commencée en i i'»";. conlacrée en 11S2 : en 1 !«»'•. il ne manquait
plus à la nef que deux travées. De lavis d'un grand nombre d archéo-
logues la cathédrale de Laon serait le '^ brouillon // de celle de Paris et
de Lideux '.
Pig. )8. Travée de Notre-Dame de Pari\
I . Abcl I-jbrc : Pjga d'Art chrétien, pp. 8q-qo.
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PI. 41
PILES DU CHŒUR ET DE LA NEF
PILES DE LA NEF — ASPECT PRIMITIF DU COLLATÉRAL NORD DE LA NEF
ENTRÉE DU DÉAMBULATOIRE SUD
L'AGE DE LA CATHEDRALE
129
fc;jM J ^l\
M. le chanoine Porée, dans son livre sur l'art normand, partage cette
manière de voir : '/ Il n'efi: pas étonnant que la Normandie s'attarde, jus-
qu'après le milieu du xii' siècle, au roman qu'elle aflectionne et qu'elle
pratique avec maitrife. Le style gothique eft alors importé, tout formé, par
des maçons de l'Ile-de-France à Rouen (tour Saint-Romain) et du
pays de Laon à Lifieux (nef de la cathédrale) \ » Il eft manifefte
qu'une parenté étroite exifte entre les deux
édifices. Toutefois, à Lifieux. l'imitation n'eft
pas servile. L'arc brifé a toutes les préférences
de l'architecte. Pour éviter une certaine confu-
fion dans les membrures de la voûte il aban-
donne les voûtes sexpartites, mais garde certains
motifs décoratifs encore teintés de roman, par
exemple les modillons et les annelets dans les
corniches, la flore large et gralTe des chapi-
teaux, le fond plat des arcs brifés. les griffes
des socles, les bagues le long des colonnettes.
La travée de Lifieux n eft qu une réplique
du parti architectural adopté dans le tranfept
de Laon élevé avant i 174 '.
Le cloitre de la cathédrale de Laon. édifié
après cette date, offre les caractériftiques même
de Lifieux (fûts monocylindriques, socles bas.
carrés, à griffes, chapiteaux généralement à deux
rangs de feuilles larges, tailloir carré, intrados plat à boudins dégagés sur
les angles par des cavets).
Pour quiconque s'efforce de démêler les liens qui unifient les grandes
églifes françaifes. il eft évident qu'au moment où la nef. les collatéraux,
les croifillons et les deux premières travées du chœur de Saint-Pierre se
conftruifaient. le syftème gothique achevait sa longue et lente évolution. Il
se trouvait en pleine pofTeffion de ses éléments effentiels : voûtes à poufTées
1. L'Art normdnd, p. 5b.
2. Abbé Bouxin : La Cathédrale ae Laon, in-8°, Laon, 1902. — Congrès arch. de I{ems,
t. L Paris, I9i2,pp. 162 à 219.
«7
:r- -s_'
Fig. 39. — Travée de Laon.
I30
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
localifées sur des points précis : clefs au même niveau par 1 emploi raifonné
des arcs brifés; application ouverte des arcs-boutants pour maintenir 1 écjui-
librc. autant de particularités qui ne permettent guère de placer la date
initiale de la reconflruction avant i lOo à i 170.
Ni timide, ni hélitant. le style de la cathédrale de Lifieux n"a pas tou-
tefois les raffinements d élégance, lallégement aérien. 1 heureux mélange de
logique et d audace du gothique plus épanoui du xuf siècle. Contenue,
nullement préoccupée du détail, ne cédant jamais aux sollicitations dange-
reufes du pittorefquc. 1 architecture de Li-
fieux ne se permet aucune outrance ni
! aucune hardielTe d expreflion. Elle rcfpire
lefFort et non la joie de vivre. Il ne se
peut rien de plus calme et de plus grave
que la nef. Pour qui 1 a examinée de près,
elle manque cependant de largeur, ses sup-
ports sont robufles comme des tours, ses
doubleaux offrent une épaiffeur relativement
confidérable. son triforium a 1 alpect mys-
térieux d une tribune. Au lieu de ces ver-
rières qui éblouillent le regard, le maître
d œuvre n a percé que des fenêtres d affez
médiocre largeur, nulle part il n a uiilifé
cette jolie trouvaille de 1 art national : la
rofe, SI répandue dans les églifes de la
région parilienne. Pour toutes ces raifons d ordre technique, nous ne
pouvons avec C. Enlart . Gonse '. Jean Bertot". L. Dubois, rajeunir Saint-
Pierre de Lilieux et reporter sa conflruction en plein xiii' siècle. M. le cha-
noine Poréc nous parait beaucoup plus près de la vérité quand il écrit :
1. Enlan : Hijiotrc Je l'Art, t. II, i" partie, Paris, looh, p. ; ,. - Parmi les principaux
monuments normands, on peut citer la cathédrale de Lificux. dont rabfide fut rebâtie de 1220
à 1335, et le rcftc sans doute aufTi vers le même temps, bien cjuon ait une date de conftrucuon
de I 160 i I ivS8 qui parait trop ancienne pour l'édifice actuel. *
2, Gonfe : LtArt gothi(]ue, p. 307. " Chronologiquement. Saint-Pierre de Lificux
serait, après la cathédrale de Rouen du xii' siècle, le plus ancien édifice gothique de Normandie.
Les documents nous apprennent, en effet, qu'elle fut conftruitc de i 141 à i 182; mais il ne refte
Pig 4..
Lifieus : bafc du croifillon Sud
L'AGE DE LA CATHÉDRALE
131
„m,'^-i<'"<'"'""'<<""""""^"^"'^ ~"' '•
V'-... ^^^^ ■ %irv--.
'< La période gothique proprement dite a doté la Normandie de monu-
ments d une beauté supérieure. Le premier en date eft la cathédrale de
Lifieux. Conftruite dans sa majeure partie de 11 60 à 1190, elle offre
par la sévère ordonnance de ses colonnes et la belle sculpture de quelques
chapiteaux, une certaine analogie avec sa contemporaine la cathédrale de
Laon. Nous ferons remarquer que le rond-point de rabfide. de style
normand, a été rebâti à la suite d'un incendie, entre les années 1226
et 1233. Le grand portail et la tour-lan-
terne sont également de ces dernières
dates. » (L\Art normand, p. 16),
Du rapide expofé qui précède, il ré-
sulte que dans sa partie française la
cathédrale Saint-Pierre date au plus tôt
du dernier tiers du xii^ siècle. Dans sa
partie normande, elle appartient au pre-
mier tiers du xiii^ siècle. Il efl: probable
que les parties hautes du choeur étaient
terminées en 121N. Il eft certain qu en
1233 le chevet et les chapelles efpacées
exiftaient. La tour centrale a suivi de près
1 achèvement du chœur. La tour Nord a
précédé les sculptures des portails de la
façade occidentale. Le cours du xiv^ siècle
vit s'élever les chapelles de la nef entre les contreforts. Les six chapelles du
collatéral Nord exiftaient avant i ^go. La chapelle de la Vierge, reconftruite
sous l'épifcopat de Pierre Cauchon. était achevée en 1444 : '^ jouxte d un
côté aux murs de la clofture de la chapelle Noftre-Dame de nouvel édifiée. »
(Cctrtuldire de Thomas Bafm. fol. 39, verfo. Acte du 22 juillet 1444.)
^N
Fig. 41.
Lifieux : chapiteau de la nef.
de l'édifice primitif, qui fut agrandi et preique totalement reconftruit de 12 18 à 123^, que
quelques admirables chapiteaux. Celui que nous voyons aujourd'hui offre des morceaux d'un
style riche et élégant qui se rapprochent affez de Laon. /,
3. J. Bertot : Lhre du Millénaire de Normandie, p. 140. '< A Lifieux, il nous faudrait
voir la cathédrale du xiu" siècle d'aipect grave et de lignes un peu guindées (?), caractériftique
du xiii* siècle normand. >/
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LE MOBILIER
AINTEN.\NT que nous avons décrit sommairement l'architec-
ture intérieure et extérieure de la cathédrale Saint-Pierre,
il semble néceflaire de préfenter quelques remarques sur
son mobilier, c eft-à-dire sur ses sculptures sur bois, ses
tableaux et ses verrières.
LES STALLES
Les stalles sont inconteftablement la parure artiftique la plus précieufe de
l'églife Saint-Pierre '. Malgré les germes de deftruction que le bois porte en
I. Vov. de Caumont, Statijîique monumentale du Cjlvjdos. t. V. p. 23S. — Guide de
Lifieux, 1870. p. 24. — L. Régnier. Notre-Dame d'Ecouis. Paris. 1913, p. 113. — Chanoine
,34 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
lui-même, malgré les outrages du temps et des hommes, soixante stalles
s'alignent encore le long du chœur. Douze ont difparu. Patiemment aflem-
blées par des huchiers anonymes, magnifiquement polies par un long frot-
tement, hautes et baiTes stalles, à caufe de leur valeur eflhétique. ont été mifes
au nombre des monuments hiftoriques. Les stalles de la cathédrale de
Rouen offrent des miftricordes plus variées et plus originales : celles de Baveux
avec leurs riches baldaquins et leurs lions si majeftueux ont une décoration
plus luxuriante, mais celles de Lifieux avec leurs figurines, leurs écoinçons.
leurs feneftrages intéreflent vivement les connaiffeurs. La compofition tou-
jours claire et sobre s'adapte admirablement à la surface à décorer; la pré-
cifion des sculptures dénote l'obfervation directe de la nature. Les geftes
pris sur le vif plaifent par leur jufteffe et expriment fidèlement les sentiments
des personnages. Enfin l'ancienneté même des boifenes. leur teinte d ébène
charment les amateurs les plus avertis.
La plupart des archéologues, notamment M. Charles VafTeur et M. le
chanoine Porée attribuent les stalles de Saint-Pierre de Lifieux aux premières
années du xiv' siècle. M. Louis Serbat les date de la fin de ce même siècle.
Dans sa monographie de N.-D. d'Ecouis. M. Louis Régnier propofe une
date un peu différente. " Les stalles d'Ecouis. écrit-t-il. doivent être rangées
parmi les plus anciennes qui exiflent en France à 1 heure actuelle: ce sont,
en tout cas. les plus anciennes de la Normandie, car celles de la cathédrale
de Lifieux. que certains archéologues ont attribuées aux premières années du
xiv' siècle, sont d un style plus avancé, et les détails de leur ornementation
ne permettent pas de les croire antérieures au règne de Charles V. „ D a-
prcs M. Régnier, les stalles de Saint-Pierre se pourraient donc placer entre
1361) et 13SC). Les colonnettes à pans coupés, les bafes à renflement, les
feuilles d érable defféchées et recroquevillées des chapiteaux autorifent une
telle opinion. Mais, d autre part, le modelé des vifages, les plis simples et
calmes des vêtements, les coiffures à bandeaux rappellent les habitudes des
sculpteurs de la première moitié du xiv' siècle. De plus, il convient de remar-
quer qu en Normandie lemploi de la bafe à plinthe renflée se rencontre
Poréc, L'Art normjnd, Paris, i o i ■; . p. 22. — Congres jrchèologicjuc , IQ08, p. ■îi'^. —
Mallct. Cours d'archéologie, t. II. p. 220. — Gonfc, L'Art gothique, p. 448. - - Didron.
Anndles archéologiques, t. XXIII. p. i i ■^. — I{e\ue illujhrée du Cjlvjdos, igi4. p. 100.
LE MOBILIER
155
fréquemment entre 1320 et 1330. Enfin, à dater de 1346 et surtout de
135O à 1380, les invafions anglaifes défolèrent Lifieux; les réparations les
plus urgentes étaient négligées par
l'évèque et le chapitre, tandis que
sous 1 épifcopat de Guy II de Har-
court. 1303 à i^^b. et jufqu en
1346 le temporel de 1 évèché fut
sans ceffe amplifié par de nouvelles
donations. Il efl donc permis de
suppofer que les stalles de la ca-
thédrale lexovienne se rapportent à
cette période. Le caractère archaïque
de certaines coiffures, la chafiable
de 1 éveque. les dalmatiques des
diacres, plufieurs détails très fré-
quents dans le cofiname féminin de
la première moitié du xiv^ siècle,
l'arrangement des cheveux, les
chauflures déjà pointues. 1 élégance
harmonieufe et mefurée des sil-
houettes, autant de détails qui
autorifent une telle datation.
Lorfque Cl. Sauvageot. en
1863. étudiait dans les Annales
archéologiques de Didron. les stalles
de Lifieux. elles étaient couvertes
d une peinture jaunâtre de 1 afpect ^
le plus défagréable. ce qui empêcha
le diftingué vifiteur de les apprécier
à leur jufte valeur. Séduit par l'élé-
gance, la finefïe. la belle exécution
des stalles de Notre-Dame de la Roche (^Seine-et-Oife) Sauvageot écrivait :
^< Bien qu elles soient, en tous points, de beaucoup inférieures à celles de
Notre-Dame de la Roche, nous n avons pas héfité à les graver (fig. 42).
Fig. ^2. — Liine des stalles de Lisieui, dessin de Sauvageot.
13b SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Ce sont à proprement parler les mêmes stalles, mais avec la finefTe et l'é-
neriîie en moins; les formes sont alourdies et amollies, 1 architecture de la
mcnuiferie n y eft plus si bien raifonnée. et 1 on n y retrouve plus d aufTi
heureufes proportions. Cependant, hàtons-nous de le dire, on reconnaît en-
core, par place, un certain entrain dans 1 exécution: elles ne sont pas com-
plètement dénuées de mente: les figures sculptées dans les feneftrages des
panneaux de clôture poiTcdcnt. par exemple, un aflez bon caractère. L ha-
bileté, la tournure, la main puiHante du xiii'' siècle s y retrouveraient encore
au befoin //. Aujourd hui ou elles sont débarralTées de leur déteflable badi-
geon, les stalles peuvent être mieux jugées. De ci. de là. dans les frifes
feuillagées. dans 1 afTcmblagc et le décor des parclofes apparaifTent des négli-
gences qui provoquent 1 étonnement des hommes du métier. Parmi les
miféricordes. d aucunes décèlent une facture peu raffinée, il en efl: de gros-
sièrement traitées. Mais M. Sauvageot ignorait sans doute qu en i ytQ deux
huchiers lexoviens travaillèrent pendant six mois à refaire les patiences et les
couronnements mutilés par les protcdants. Quoique lart n'ait point gagné
à cette redautation. il parait opportun de tranfcnre le texte qui la concerne.
'< Le mardi xxvij' jour d'avril mil V^ LXll, alleu faict par Mess'' du
'< Chap. à Jehan Bullci et son fils pour bien et deument repareoir lesd. chaires
'/ à chacun vj pour jour compnns les defpends.
'^ Le dernier jour dud. movs. pavé à Girot Heulte pour avoir mis en
'^ bougons le boys de la planchette qui eftoit au coupeau de la grolTe tour
'' pour faire des sièges pour lefd. chaires et y a vacqué p. deux jours co-
'^ prins les defpens x'. //
(Le travail dure jufqu au \n octobre).
Le xvij' jour dud. moys. Bullet et son fils pour avoir refaict les armures
de derrière le maitre autel, faict des huvffets et récolté le chapicr cRant en
ce lyeu pour deux jours : xxiiij\
'^ 11 a eflé prins du bovs de léglifc tant po' les chaires du chœur que
pour le banc de reliques le nobre de vij membrcurcs et huit cns.
'' Tout total : I I S' - iS'r7^ - )' i (.^i o'' '. ^
I. Comptes d'Abcl Doynart, fabnqincr. de ToulTaiiit, i V" pour un an.
PL 43
LA CHARITÉ, PANNEAU DE STALLE (Dessin de R. Bigot).
SAINT-MICHEL
Dusins de R Bigot.
LE MENDIANT ET SA BIENFAITRICE, PANNEAUX DES STALLES
LE MOBILIER
137
Lors de la démolition du jubé gothique, en i68c), les stalles furent
déplacées et rapprochées du sanctuaire. Sous Louis XV les chanoines, vou-
lant plus d'aifes et moins de courants d'air, complétèrent leurs sièges par
une clôture en chêne. Très riche, au point de vue sculptural, cette ma-
gnifique boiferie s harmonifait péniblement avec le style de la cathédrale.
Sous le premier Empire, elle fut difpofée contre les murs latéraux de la cha-
pelle de la Vierge, En 1883, quand la chapelle retrouva son ancien afpect,
±..^iVM
ff
Fig. 43. — Aspect des stalles avant 1789.
les panneaux sculptés furent cédés à Mme Herbet, par la ville de Lifieux,
moyennant 3.000 francs. Dans le château de Combray, la bibhothèque a
été lambrilTée avec ces revêtements Louis XV. C'efl: merveille de voir quel
heureux parti les architectes en ont tiré. Que n'a-t-on décoré avec ces
panneaux si finement ouvragés la sacriftie de Saint-Pierre en utilifant comme
plafond l'ancienne tribune des muficiens, quel bel afpect elle autait préfenté
aux regards!
Il semble qu'avant le xvii* siècle, les stalles de Lifieux ne pofTédaient point
de doffiers. Avant les retouches de 1881 à 1883, aucune entaille, aucune
138 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
trace n'en révélait l'exiftence. C'eft M. Naples. architecte des monuments
hiftoriques. qui a dirigé les récentes reftaurations des stalles. Le i 2 sep-
tembre 1S.S4.son succelTeur M. Sainte-Anne Louzier précifait ainfi les dé-
penfes occafionnées par le déplacement et les réfections partielles :
Mcnuifcrie. ... lo.uib fr. 28
Serrurerie . 4.^»»'^ fr. 80
Sculpture . . 1.72'i fr. 00
Travaux. 17.240 fr. oS
Honoraires de l'Architecte 802 fr. 00
Honoraires de l'Infpecteur 4';i fr. 00
" Je vous prie de confidérer. écrit-il à M. Simon, préfident de la fa-
brique, que les stalles sont devenues mai^nifiqucs et que le chœur a pris un
afpect charmant qui juftifierait un nouveau sacrifice de la fabrique.
" Le inobilicr du chœur pour être complet devrait être augmenté de deux
stalles avec dais et d une clôture en fer analogue à celle du tranfept. Mon-
sieur le curé Rohée en a exprimé le défir et je suis heureux de me trouver
en communion d idée avec lui... Je crois qu il faudrait compter sur une
dépenfe de cinq mille francs. //
M. Hoffmann, menuificr. Corbel. sculpteur. Moutier. serrurier, furent
les principaux artilans de la reftauration des stalles. Tous les trois habitaient
Saint-Germain-en-Lave.
Les deux stalles à baldaquins, œuvre de M. Hauffairc. de Reims, furent
dilpofées a Icntréc du chœur en innn.Lc 7 juillet, M. Sainte-Anne Lou-
zier cent à M. Simon : "^ J ai profité d un voyage dans la Marne pour
m arrêter à Kcims afin de voir oîi en était 1 exécution des stalles. Elles sont
en bonne voie. Je croîs que vous serez satiffait. y/
La satiffaction des Lexovicns n a pas été auffi grande que 1 cfpérait
1 architecte des Beaux-Arts. La scchereffe de la sculpture. 1 afpect mefquin
des dais ont provoqué de nombrcules critiques de la part d excellents
juges.
LE MOBILIER
13^)
DETAIL DES STALLES
LES MISÉI{ICOI{pES
La plupart des miféricordes sont décorées de tètes de chiens de toutes
tailles et de toutes races. Nous en avons compté quarante-quatre. Parmi
ces chiens de bois, quelques-uns n'offrent
pas d intérêt. Taillés à coups de hache, au
xvi' siècle, leur allure manque de vérité et
de réalifme. Par contre, sur les miféricordes
non remaniées, le vifiteur attentif remarque
vite certains chiens vraiment typiques. Ici.
c'eft une fine levrette, là un chien de chaffe
aux longues oreilles rabattues, plus loin un
gros bouledogue à mâchoires proéminentes,
ou encore un chien de garde à l'air rébarbatif et morofe. Il serait impof-
fible de cataloguer et d identifier toutes ces bètes ; "•' c'eft un mélange
curieux d'animaux sans efpèce définie, tètes de chiens à oreilles de bovidés,
ou inverfement. // Les sculpteurs ano-
fquiffèrent avec
F'g- 44
a fT>
Miséricorde de stalle.
du
;iècl(
nymes au xiv^ siècle e
bonhomie ces silhouettes fantaisiftes.
ne se souciant pas outre mefure de la
reffemblance et du symbolifme. Ingé-
nieux et spirituels, ils laiffèrent volon-
tiers libre cours à leur verve, sans
s'inquiéter d'exprimer une penfée. La
tentative d'explication propofée par
M. Cl. Sauvageot nous semble bien
hypothétique. '^ Nous avons vu là.
écrit-il Mans les stalles de Lifieux) des
têtes de chiens, de loups et de moutons,
touchant rapprochement entre les gardiens, les afiaffins et les victimes. >/
A vrai dire, nous ne rencontrons dans les stalles qu'une seule tète de mouton ;
«n admettant que la reproduction du loup y figure également, il ne fau-
F'g- 4V
Miséricorde de stalle.
I40
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
cirait guère y voir autre chofe qu'une fan-
wiî^?^^wç^ifîSi??^^ taifie de sculpteur, fantaifie sans portée, ni
'^■^■.■yi^c^'C<'^y-'^ intention symbolique.
Deux tètes de bélier, cinq grotefques.
sept tètes d anges aux ailes diverfement
éployées complètent la décoration des mifé-
ricordes. Enfin, sur 1 une des tablettes, le
sculpteur a efquifTé un portrait d homme,
aux traits individuels et fins. Ne serait-ce
pas sa propre effigie? (^fig. 40.) Dans cette
œuvre. 1 '^ imavizier // a mis certainement
un peu de son cœur... La rare fermeté du
deffin. le vifage singulièrement cxpreflif et
perfonnel. intelligent, prefi^^ue malicieux,
flattent le goût le plus raffiné. La bouche
aux lèvres un peu fortes, les pommettes saillantes, la divifion de la barbe
en mèches légèrement bouclées, tous ces détails donnent à la phv'fionomic
beaucoup de caractère.
Fig. 46. — L'Imaygier dei stilles (>)
LES P A ENCLOSES
Les parclofes. c eft-à-dire les panneaux de bois qui séparent les stalles
entre elles, préfcntent au regard de jolies découpures et des feneftiages
intérefTants.
La raideur de certaines sculptures, la négligence de quelques drapés
laiffcnt deviner plufieurs mains.
Chaque feneftragc comporte une arcature en tiers-point recoupée par
deux trilobés. Un quatrc-fcuillcs occupe le tvmpan. des plantes ci des
animaux variés remplilTent les écoinçons produits par le feneflrage et son
cadre rcctaiiiiulaire.
Les colonnettes des parcloles. de forme octogonale, préfentcnt des
feuilles d érable. Sur le couronnement à double volute de chaque parclofe
s obfcrvc une frife de feuilles de vi^nc.
Sur 1 une des parclofes le tailleur d images a rcpréfenté deux anges
LE MOBILIER
aux ailes fermées : saint Gabriel ?
(fig. 47) et saint Michel terraflant
le dragon. L'artifte a sans doute
voulu traduire la doctrine enfeignée
par la liturgie lexovienne. Aux pre-
mières vêpres de la fête Saint-Mi-
chel les fidèles glorifiaient larchange
en ces termes suggeftifs :
Inter omnes fulguntnti
Enfe Victor emicat.
Qui dmconis info lent etn
Contudit ferociam
De polo truft rebelliim
In pro fonda tartam.
La main gauche du glorieux
archange s'appuie sur un écu orné
d'une tête de lion, de lautre main
il s'apprête à plonger son épée dans
la gueule de l'Eternel Ennemi.
L'autre ange, armé d'un glaive,
un eucologe en main, écrafe sous
ses pieds un animal fabuleux. Pour
les Lexoviens d'avant la Révolution,
l'épopée de saint Michel n allait pas
sans celle de saint Gabriel. Héros
de la même lutte, ils avaient tous
les deux arraché les Ifraélites à l'em-
prife du Démon, au moment du
retour à Jérufalem '. Unis dans le
combat, ils pouvaient être unis dans
l'iconographie. Les écoinçons de la
pardofe servent d'abri à deux oi-
I . Fie des Saints Patrons du diocèfe ae
Lifieux, p. 5c).
Fig. 47. — Ange des stalles de la cathédrale Saint-Pierre
H-hM
142 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
féaux de proie, a la pofe vraiment efthétique. L un d eux eft endormi et
I autre s'occupe activement de sa toilette. La pofe ingénieufe des volatiles,
la jolieiTc de leur plumage ont infpiré à M. Raymond Bigot un deffm
délicatement ouvré. C eft merveille comme 1 animalier moderne a su reco-
pier avec exactitude lœuvre des huchiers normands, ses devanciers.
La stalle qui sert de pendant a celle cjue nous venons d étudier n a
subi aucun remaniement au cours des âges. Toute la parclole eft d un
seul morceau. Les fi<:urines. taillées dans la malTe du bois, sont conia-
n
crées l'une à la glorification de saint Pierre. 1 autre à un perfonnage
impofrible a identifier.
Le prince des Apôtres porte une clef, en mémoire du pouvoir que lui
donna le Chrift de lier et de délier. Il a les cheveux crépus, les pieds nus
et la longue tunique flottante. Une femme voilée, à la phvfionomie pen-
sive, se tient aux cotés de saint Pierre. Entre ses mains se voit un livre
à fermoir. La tète ovale s encadre joliment dans les boucles soveufes des
cheveux. Les draperies, sans recherche, enveloppent judicieufement les di-
verfcs parties du corps.
Des mufles de lions, à la crinière largement étendue, au regard per-
çant, occupent les écoinçons.
Les Apôtres sont rcpréfentés sur les autres feneflrages. La nudité des
pieds permet de les diftinguer. plufieurs d entre eux portent 1 épée pour
symbolifcr leur mort violente.
Saint Paul, saint André, saint Jacques avec son bâton de pèlerin se
peuvent identifier. Il efl difficile de mettre un nom sur les autres, car leurs
emblèmes ont été détruits en i V- ^""-i en IT'»";. au moment des iiuerres
de religion ou pendant l.i Révolution. Le diacre saint Laurent avec son
gril, et saint Etienne avec les pierres qu il tient entre ses mains, se dis-
tinguent a(îe/ ailément. Enfin un éveque ma]eftueulement drapé dans une
chalublc aux plis calmes et riches, elquilTe un gefte de bénédiction. Ne
scrait-cc pas saint UHin.-' Dans la liturgie Icxovicnnc il tenait une si large
place que le clergé de la cathédrale aura déhré le voir figurer sur les stalles
près des diacres et des Apôtres. Dan.s un livre d heures du xv' siècle',
1 . Manufcrit sur vclin du xv' siècle. Jcrnicrs feuillets, propriété de M"' du Campart.
LE MOBILIER
m:
dans les litanies des saints, nous le voyons invoqué immédiatement après
les difciples de la première heure. Dans des eucologes plus récents, aux
prières pour la recommandation de l'âme, Monfieur saint Urfin est imploré
auffitôt après saint Etienne et saint Laurent".
Dans les écoinçons de la stalle qui nous occupe, et dans trois autres,
le tailleur d'images a sculpté des rats aux oreilles allongées (fig. 48). Ces
rongeurs se replient, s'amincifTent le long des panneaux de bois, ils se
pelotonnent sans bruit, de peur d'éveiller l'attention. Ils étudient fiévreufe-
ment les alentours, à la pifte de la moindre alerte. Avec une science sur-
prenante . le sculpteur
du
>'eft
moyen âge s elt ap-
pliqué à rendre les geftes
familiers de ces animaux,
qu'il avait vu trottiner
dans les recoins de son
atelier.
Deux scènes pleines
de saveur et de vérité
glorifient la chanté chré-
tienne . scènes graves .
mais très humaines et
vraiment vécues. Pauvre
de tout, riche seulement
d'efpoir, un mutilé demande l'aumône à une grande dame qu'il vient de
rencontrer dans quelque ruelle tortueufe. Appuyé sur ses deux béquilles,
l'eftropié regarde la noble châtelaine avec une fervente insiftance. Oh !
l'acuité de ce regard interrogateur ! Bonne, senfible, accueillante, la jeune
femme donne gracieufement avec un charme simple qui rehaufTe le bien-
fait. Le plus noble gefte qui soit c'eft d'ouvrir la main toute grande, telle
efl l'idée du sculpteur. Qui ne la comprendrait en regardant les deux
tableaux qu'il a légués à la cathédrale ?
Dans la scène qui sert de pendant à la première, la main du boiteux
Fig. 48. ■ — Ecoinjons d'une pardose : les rats.
2. Heures de Lifeux, p. xlvi, chez Du Roncerey, à Lifieux, 1753.
44
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
se lève en un gefle suppliant. Aucune exagération dans le pathétique : la
riche Lexovienne écoute avec bienveillance les doléances de 1 infortuné. Elle
va entrouvrir son aumônière et répondre généreufement à la demande. A
confidérer ces comportions des huchiers. nous pouvons savoir comment
s'habillaient les Lexoviennes du xiv' siècle. Elles nous apparaiiTent revêtues
de longues robes senliblement échancrées sur la poitrine. Les manches
s arrêtent à 1 avant-bras, sélargifTent et pendent comme aujourd hui les
robes des religieufes. Une coiffure allez simple ou encore un mince ban-
deau retient les cheveux. Le coftume eft complété par des chauffures poin-
jS^^^
•^ yn^ÛtMiçi ■oa^ffr>--^f^>.^i^.^v^>»- ^'^^jyQ^i^ti^^
M»i^ iWrtfljy Hiifiiffltà&i
Fig .yi
Couronnement d'une stalle
tues, et par une ceinture où s attache 1 aumcSnière d étoffe avec cordelière
de lame. Comme clic eft élégante et sobre. Li mile de ces dames! Aucun
ornement inutile, ni bijoux, ni afficjuets. prefc^ue pas de feffons. L attitude
des personnages, le léger fléchiflcmcnt des corps, indique bien qu ils ne
sont point emprilonnés dans des vêtements ajuffés. Le sculpteur a compris
que la beauté d une chafuble. d une dalmatiquc. d une robe, se trouve
effentiellement dans le drapé. Parmi ses contemporains, la richeffc d un
vêtement tenait à la nchcffe des plis et à la souplcHe de 1 étoffe.
LA CHAIRE EPISCOPALE
Le cardinal Levcneur ( l y»')- 1 <) "? (>) avait donné .i la cathédrale de
Lifieux une chaire épifcopale en pierre de Vcrnon. regardée '^ comme une
LE MOBILIER 145
des plus belles qui fulTent dans le royaume ' . » Sur les inftances du cha-
pitre, Léonor II de Matignon la fit enlever et remplacer par une chaire en
bois. Un peu plus tard, le prélat « se repentit d'avoir suivi l'avis de ceux
qui lui avaient confeiilé de détruire ce beau monument de la générofité de
Mgr Leveneur. » Avant la Révolution la chaire de l'évêque se trouvait près
du sanctuaire, du côté de l'Epître, à l'endroit où se voient préfentement
les affreux fauteuils des confeillers paroiffiaux.
Le 25 mars 1903, Mgr Amette a inauguré un nouveau trône épisco-
pal offert à la cathédrale Saint-Pierre par Mme Herbet, née Fournet, veuve
de M. E. Herbet, directeur des Affaires Etrangères à Paris. M. d'Efpouy,
profefleur des Beaux- Arts, donna les deflins de cette œuvre fantaififte, en
s'infpirant des trônes épifcopaux du Midi de la France, particulièrement des
trônes du xvi^ siècle. L exécution du trône fut confiée à la maifon Noirot-
Biais.
LA CHAIF{E A PR^CHER^
La chaire en bois de chêne qui décore aujourd hui l'églife Saint-Pierre
fut exécutée en 1S34 par M. Chevalier, menuifier à Rouen, et M. Dela-
haye, sculpteur, d'après les deffins de M. Didron et Darcel architecte à Pans-.
D'ordonnance un peu lourde, elle prétend rappeler le style du xiif siècle.
Trop haute, elle dérobe aux regards l'une des groffes piles de la nef. Pour-
quoi ne pas l'avoir laiffée dans l'entre-colonnement, là, même, où se dreffait
la chaire précédente?
Le tribune hexagonale eft soutenue par douze colonnettes surmontées
de siyi confoles ornées de crochets et de rofaces. Les panneaux qui sont
répartis sur les quatre taces de la tribune repréfentent les Evangélifles. Saint
Mathieu a pour attribut l'homme. Le lion défigne saint Marc. Le veau
symbolife saint Luc. L'aigle enfin eft la figure de saint Jean. Autour dune
chaire, les mêmes animaux expriment les vertus que le chrétien doit prati-
quer pour être sauvé : la sageffe, le sacrifice, le courage, le détachement des
1. Noël DcyThays, édition Formeville, p. 215 et 279. — Mémorial Lexovien, Bulletin de
là Société hijlorique de Lifietix, n° 6, p. 14.
2. Journal Le Normand, 6 cet. 1854.
'9
I4f
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
richeffcs. Un Chrid en majeflc occupe le fond de la chaire. Des cinq bas-
reliefs c'eft le plus heureux comme modelé.
L'abat-voix se termine par une niche qui abrite une statue de saint
Fig. ^o.
Pierre tenant d une main les clefs du Paradis et de 1 autre 1 Evani;éliairc.
Les deux plus i^rands orateurs qui soient montes dans cette chaire sont :
M^r Touchet le i.\ octobre !»>(»•» et le Père Monlabrc le ^ décembre iN<)N.
Dans la lettre d invitation qu'il adrclTait. le 2 ^ novembre à ses paroifficns.
LE MOBILIER 147
M. Cagniard faifait l'éloge de l'éloquent dominicain en ces termes : « Son
éloquence, le feu sacré dont son cœur eft rempli, le défir ardent de faire
briller les victoires et les conquêtes de la religion, tout se réunit en lui pour
le rendre tour à tour tendre, véhément et quelquefois sublime. Il vous ravira
par la beauté de son style, la richefTe de son savoir et sa profonde connais-
sance de l'art oratoire. Au refte, tout Paris le connaît, et l'immenfe cathé-
drale de Notre-Dame eft trop étroite quand il monte dans la chaire, il
y a dans l'auditoire plus d hommes que de femmes. // A Lifieux la cathé-
drale fut également trop étroite; mais, dans la foule, il y eut tout de même
plus de femmes que d hommes.
L'ancienne chaire de style Louis XIII était surmontée d'un abat-voix
en sapin d'une affligeante laideur. Avec ses baluflres et ses anges cariatides,
seule la tribune offrait quelque valeur efthétique. La tradition lexovienne veut
que Boffuet, invité par Mgr de Cospéan (fig. 30), y ait prononcé un difcours.
C'est en raifon de ce souvenir hiftorique que la tribune de cette chaire
a été transformée en tombeau d'autel et utilifée comme telle dans la cha-
pelle de l'Ange gardien'.
LE JUBÉ
Conformément aux anciennes traditions, au xiv* siècle, le chœur de
Saint-Pierre était clos par un riche jubé gothique. Chacun sait qu'on ne
compte plus guère en France que quelques rares jubés dont les plus ouvragés
sont le jubé de l'églife de Brou, celui de la cathédrale d'Albi. celui de
Saint-Etienne-du-Mont et de Saint-Urbain de Troyes.
A Lifieux, le jubé était une sorte de tribune tranfverfale solidement
encadrée dans les maffifs situés à droite et à gauche de lentrée du chœur.
La plate-forme devait être affez large, car le mercredi des cendres et le
jeudi saint, l'évêque accompagné d'un nombreux clergé y prononçait labfo-
lution en faveur des pénitents humblement agenouillés sous la lanterne".
Dans les fêtes solennelles, l'Epître et lEvangile étaient chantés du haut du
jubé. Durant l'office canonial, certains paffages des livres saints s y lifaient.
C'efl; même parce que le lecteur demandait, avant de commencer, la béné-
1. Le Normand, 14 sept. 18b 7.
2. Cerem. Lexov., MDCCXLVII. in- 12 Lexoviis Apud Duroncerey. pp. iSS et 20S.
148 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
diction du célébrant par ces paroles : juhe domne, benedicere. que ce char-
mant monument avait reçu le nom de Jubé. Deux lutrins de cuivre
soutenus par une colonne en bois sculpté supportaient 1 évangéliaire ou le
Icctionnaire '.
En iy)2. les proteftants bnfèrent une partie des hauts reliefs et les
figurines qui formaient le plus bel ornement du jubé. En 1^77 et 1 "^7>^.
d importantes réparations s'y accomplifTent sous la direction d un peintre de
la ville, Pierre Hesbert. '^ Le yv" P^^ d'octobre payé à Pierre Hesbert.
paintre, pour avoyr racouftré et refait les ymages du pulpitre. ci
22' 10' '. //
Dans les comptes de Jacques Mignot pour Tannée i ')7S nous lifons :
'^ Payé à un ung nommé Pierre Hesbert paintre. sur 1 alleu quil avoyt faict
avec meffieurs du chappitre pour paindre et remeftre en coullcur le pulpytre
et les ymages d icelluv 07'. »
Dans les cérémonies funèbres importantes, par exemple le jour de
1 inhumation de lévèque, le jubé difparailTait sous une immenfe tenture
noire rehaufTée d armoiries".
Le jubé avait le grave inconvénient d'arrêter les regards des fidèles.
Quelles que fufTcnt sa richclTe et son élégance, il gênait le palTage et em-
pêchait le vifiteur de jouir de la perfpective du chœur, c c(\. ce qui explique
qu en if)N() le chapitre réclama son enlèvement. '< En 1 an iOSq, le jubé
de 1 églife cathédrale qui avançait environ de trois pieds dans la croifcc de
l'églife et qui était bàti de la pierre des Loges, fort induftrieusement. mais
à I antique, auquel étoient repréfentés les myflères de notre foy. comme la
salutation de la Vicriic. 1 Annonciation, la naifTance du Sauveur du monde.
la Circoncifion, 1 Adoration des roys. la Paffion et la Rcfurrection de Jcfus-
Chrift, tout ce beau travail a été démoli par Mond. Seig. évêque (^Léonor II
de Matignon). Cet ouvrage subdftait depuis près de \oo ans; mais, comme
toutes ces figures étoicnt faites à 1 antique et que le jubé occupoit ladite
croiléc de 1 églifc et en otait 1 architecture, on v mift à la place ccluy qu on
y voit aujourd hui qui a été fait en la ville de Caen par le s. Brasnu, maître
1 . Comptes de I S7 "î.
2. Comptes de n77 et nyS.
3. MètnoruL édition de la Socictc Hijiorique de Lificux, p. 0.
PL 44
S:
MONSEIGNEUR HUGONIN, ÉVEQUE DE BAVEUX ET LISIEUX
LE MOBILIER 149
sculpteur. L'ancien jubé était eftimé à plus de six mille livres, et le nouveau
na coûté que 1800 livres'. »
Du jubé en bois on n'a malheureufement confervé que le souvenir.
Du jubé en pierre, nous n'avons plus que deux panneaux décorant actuelle-
ment les murs de la chapelle Notre-Dame. L'un repréfente le crucifiement
de Jéfus et 1 autre sa glorieufe réfurrection.
Le 2 3 août 1/02. deux députés de la société de la liberté et de 1 éga-
lité adrelTèrent une pétition au confeil général du diftrict de Lifieux pour
demander la démolition du jubé et de la chaire épifcopale. Le bureau mu-
nicipal eut le bon sens de n y point prêter attention. Mais quelques jours
plus tard, le 1 7 septembre, les deux zélés patriotes s introduifent dans la
salle des séances, et le plus entreprenant réclame la parole pour établir :
« qu'il exiftait encore dans différents endroits de cette ville et notamment
dans la ci-devant cathédrale, différents monuments et armoiries qui annoncent
encore l'ancien régime et le derpotifme, pourquoi ils demandent à l'affemblée
d'en faire faire la suppreffion sans aucune perte de temps ainfi que la chaire
ci-devant épifcopale et du jubé.
« L'affemblée a arrêté que, dès demain il sera mis des ouvriers pour sup-
primer tous les monuments et armoiries qui pourraient exifter dans cette ville
ainfi que lesdites chaire et jubé, afin qu'il ne refte aucun veftige de 1 ancien
régime". » La délibération ne fut pas vaine. Le lendemain, IQ septembre.
le choeur de la cathédrale n'avait plus de clôture : déformais les patriotes
pourraient suivre attentivement et librement les cérémonies du culte!
Depuis 18(34 le chœur eft fermé par une grille en fer forgé, dans le
style du xiii^ siècle, exécutée dans les ateliers de M. Evraert. ferronnier d'art
à Pans. Des rofaces. pommes de pin. palmettes, dune exécution irrépro-
chable terminent les enroulements et les rinceaux. Les grilles qui entourent
le sanctuaire ont été façonnées par le même artiffe en 1863. La clôture pri-
mitive du sanctuaire, d'une hauteur de i m. 80, était en pierre sculptée.
Sacrifiée par les chanoines du xvii^ siècle, elle fut remplacée par des grilles
en fer forgé et embouti démohes pendant la Révolution'.
1. Mémorial, édition de la Société Hifiorique de Lifieux, pp. 13-14.
2. Délibération du Confeil général de la commune de Lifeux, année 1792.
3. Journal Le Normand. 16 avril 1864 et 16 juillet 1865.
1,0 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
LE GI{AND .AUTEL
C'eft le 2 S mai T-Sof) que Mgr Hugonin confacra 1 autel actuel. Le
Chrift en bronze ne fut placé que le 7 juillet l8gi. Cet intérelTant mor-
ceau de sculpture, œuvre, comme l'autel, d un anifte rémois. M. HauHaire.
difparait trop au regard. Les colonnettes du tombeau le mafquent prefque
entièrement. De bons juges reprochent à l'autel de ne point s harmonifer
avec l'architecture du chevet de la cathédrale. Le clergé peut regretter égale-
ment la dirpolltion inufitée et dangereufe du palier et des degrés à angles
droits. Au contraire, les simples fidèles, dans les offices du soir, ne ceffent
de s extafier devant les nombreufes ampoules électriques, dont les clartés
légères mettent des tranfparences neigeufes sur les vitraux de 1 abfide. A
vrai dire, lautel soulève certaines critiques juftifiées; cependant ses divers
éléments : table, gradin et tabernacle dépalTent de beaucoup les créations
simili-gothiques expofées dans la collection commerciale du quartier Saint-
Sulpice à Pans. Les maîtres d autrefois, s'ils revenaient, seraient sans doute
indulgents pour rinfpirateur de cette œuvre, M. Saint-Anne Louzier. Plu-
sieurs détails de compofition et de sculpture les intércfTeraient, mais ils
répudieraient comme un morceau adventice le long édicule de bois doré
qui domine le tabernacle. Maigre et grêle, sous prétexte d élancement, ce
baldaquin à jour n'oHre pas une liaifon suffifante avec le corps même de
l'autel.
L'autel primitif, au lieu d ctrc au fond de la courbure du chœur, se
trouvait à 1 entrée du sanctuaire actuel. Un chappier et deux armoires
étaient difpofés derrière 1 autel.
Dans les cérémonies liturgiques, le banc de pierre qui deffine le rond-
point servait de siège aux clercs. Un parement de soie recouvrait le devant
de lautel et de belles courtines fran<zées de laine lentouraicnt. Six aiiiics
de cuivre complétaient la décoration. L ancien autel majeur de la cathédrale
d Arras. dont Viollet-lc-Duc a donné un joli deflin dans son Dictionnaire,
permet de se faire une juflc idée de 1 ancien autel de Lifieux.
De plulieurs palTages des comptes du fabriquier de la cathédrale \ il
I. Comptes de i^'i. M72. '57'*^- 'W?. iV-
LE MOBILIER 151
reffort que la réferve euchariftique était sufpendue à une crofTe de métal.
Les hofties se dépofaient dans une coupe précieufe ou pyxide, enveloppée
d'un pavillon d'étoffe. Une chainette, recouverte de feuilles d'or et montée
sur une poulie, permettait d'élever ou d'abaisser le ciboire au gré des
befoins. Le contre-autel servait de point d attache à la hampe et à la croffe
de sufpenfion : il servait également de support au tabernacle de Id Fierté.
La Fierté, c'était la châffe qui contenait les rehques de saint Urfin, patron
de la ville de Lifieux. Chaque soir, au moment de la fermeture de la
cathédrale, le tréforier du chapitre mettait à l'abri les reliques et les joyaux
d or et d argent dans le coffre-fort de la salle capitulaire. Le 31 oc-
tobre 13 12, « vigile de Touffaintz //. il advint que le tréforier. meffire
Nicolas d'Harcourt. négligea cette précaution. La nuit même, un nommé
Jean Lafnier, aidé de quelques complices et receleurs, pénétra dans le chœur
de Saint-Pierre, et enleva la plupart des reliques et objets d'art situés soit
sur l'autel, soit sur l'eftrade élevée immédiatement en arrière. Une bulle de
Léon X, datée de Rome, le 28 mai 13 17, énumère les objets ■''' prins et
dérrobez >/. C était d abord une croix d'or, haute de 3 3 centimètres et de
même largeur, enrichie du bois de la vraie croix et de pierres précieufes
dune valeur ineffimable. Une topaze était enchàffée aux pieds du Chrift.
Parmi les objets difparus. il faut signaler une statue et quelques cheveux
de la Vierge ; une image en vermeil repréfentant saint Pierre. L apôtre
tenait en main un reliquaire avec cette infcription : De veflibiis Domini
T^ofhri Jefu Chrifli et Sancti Pétri. Les malfaiteurs avaient également emporté
un archevêque tenant une côte de saint Urfin avec deux anges d'encadre-
ment, des calices, patènes, pixydes. deux couvertures d'évangéliaires et
quantité d'autres richeffes artiftiques.
Après de nombreufes démarches infmctueufes, le voleur fut découvert,
condamné « à être attaché d une chefne par le corps d une actache et eftre
fait du feu à Tentour d'icelle. » En réparation du dommage et pour les
frais de procédure, le roi Louis XII, sur les biens de Jean Lafnier, devait
verfer 6.000 livres tournois au chapitre de la cathédrale'.
I. H. de Formeville, t. II, pp. 208-209. — L. Dubois, t. I, p. 145. — CartuUire de
Thomas Bafin, fol. 96-97. — R.-N. Sauvage, Un \ol de reliques à Saint-Pierre de Lifieux en
I$I2, dans Bulletin de la Société Hijîorique de Lifieux, n° 18, année iqio.
M 2 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
ORGUES
Les grandes orgues de Saint-Pierre comptent parmi les plus harmo-
nieufes de Normandie. Sur la boifene se lit 1 infcription suivante :
CET ORGUE
A ÉTÉ DONNÉ EN LAN 1871
PAR M. JEAN-LAMBERT FOURNET,
M.\NUFACTlîRIER.
ANCIEN MAIRE DE LISIEUX.
MEMBRE DU CONSEIL GÉNÉRAL DU CALVADOS.
OFFICIER DE LA LÉGION D HONNEUR.
BIENFAITEUR INSIGNE
DE CETTE ÉGLISE
ET DES PAUVRES DE LA VILLE.
Conftruit par M. A. Cavaillé-Coll. le grand orgue fut béni, le
2') novembre i''^7 1. par Mgr Hugonin et solennellement inauguré par
Guilmant, organise de la Trinité à Pans. Au dire du savant praticien.
1 orgue '' c([ un des chefs-d œuvre de la facture moderne, mais il n'eft pas
suffifàmmcnt avancé sur la nef. // Si les muliciens critiquent la place de
lorgue. les architectes et les archéologues la regrettent également, parce
qu il mafque les arcades et le fcneftrage du fond de la cathédrale. M. de
la Rocquc. architecte en chef des monuments hifloriques. aurait préféré
de beaucoup placer 1 orgue dans 1 un des croilillons. de la sorte ses accords
rempliraient plus sûrement toutes les parties de léglife.
Le mardi 2 ^j novembre iN7 |. à "; heures, eut lieu un récital d orgue
avec la collaboration des artiftes dont les noms suivent :
M. Dupaignc, artiftc à Paris.
M. Henri Tournaillon, organiftc de la catlicdralc d'Orléans.
M. Aloys Klein, oryanifte de la cathédrale de Rouen.
M. Flcury, organiftc de Bon-Secours, à Rouen.
M. J. Marie, organifte de Saint-Sauveur, à Caen.
MM. A. Cariez et A. Dccq, organiftes à Saint-Jacques de Lilicux.
M P. Bcrctia, titulaire de l'orgue de Saint-Pierre de Lifteux.
Endommagé par la foudre en 1SS7. l'orgue a été reftauré 1 année
suivante, aux frais de la famille Duchcfnc-Fournct. par la maifon Cavaillé-
Coll.
PI. 4 s
LA CATHÉDRALE ET SON ANCIEN AUTEL (Dessin de Jouvenot).
LE MOBILIER 153
En mai i8q8, le conseil de fabrique de Saint-Pierre ayant décidé
de confulter M. A. Guilmant, profefTeur au Confervatoire et organifte de
la Trinité à Paris, sur l'opportunité de certains perfectionnements suscep-
tibles d'augmenter la puifTance et les reiTources du grand orgue, le maître
propofa diverfes modifications : l'addition de nouveaux jeux, le renforce-
ment des anciens jeux, les deux claviers, pofitif et récit, seraient munis
de machines pneumatiques, afin de porter le nombre des pédales de combi-
naifon à 17. L'inftmment aurait ainfi quarante-neuf jeux complets, dont :
I jeu de 32 pédales. i jeu de 2 23 pédales.
8 jeux de ib pédales. 2 jeux de 2 pédalei.
23 jeux de 8 pédales. i jeu de i 13 pédales.
10 jeux de 4 pédales. 3 jeux de mutation.
Le montant de ces travaux se serait élevé à 18.000 francs.
Madame Herbet, en 1907, a voulu continuer les traditions de géné-
rofité de son père ; grâce à ses bienveillantes largefles, l'orgue de Saint-
Pierre reftera longtemps entre les mains d'un muficien de valeur. Une ins-
cription latine gravée sur une plaque de marbre blanc, fixée sur l'un des
pieds-droits du porche, évoque, en termes déKcats, l'initiative charitable de
l'infigne bienfaitrice de Lifieux.
L'ancien orgue, démoli en 17Q3, était remarquable par sa force et par
la beauté de ses jeux, dont quelques-uns « imitaient, à s'y méprendre, la
voix humaine >/. Le dernier organifte, M. Darrey, commença ses fonctions
en 1774 sous l'épifcopat de Mgr de Condorcet.
L'OI{GUE DU CHŒUÎ^
Dès 1362, il y avait un orgue de chœur, car après les dévaftations et
les troubles survenus dans leur églife, Meffieurs du chapitre chargèrent Jehan
Gaillard, serrurier, de fournir « troys crampons de fer pour tenir deux
pierres du bordage du pipitre soubs les petites orgues rompus par les Hu-
guenots ».
L'orgue d'accompagnement qui se voit actuellement dans le chœur a
été inauguré, le 17 novembre 1901, par M. A. Garcin, organifte du grand
orgue, avec le gracieux concours de M. Chriftin, ténor solo de Téglife de la
A partir de la 9' ligne, au lieu de pédales lire pieds. 90
,^4 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
Trinité, de la Société orphéonique et de la maitrife de Saint-Pierre sous la
direction de M. Trembloy. Si la boiferie n'offre aucun intérêt, l'inflrument
lui-même rallie tous les suffrages. En France, comme orgue d'accompagne-
ment, seul celui de Saint-Sulpice. à Paris, le dépaffe en puiffance. Le titu-
laire. M. Jofeph Mauger. en explique ainfi la compofition et les reffources
muficales : f' L'orgue du chœur, don de Mme Ofmont. a été conftruit par
la maifon Cavaillé-Coll. Il renferme 2") Jeux. Il poffêde de jolis jeux de
fonds et des mixtures bien timbrées. Parmi les jeux d anches, le baffon de
l6 eft remarquable. Les anches et les mixtures sont enfermées dans la boite
expreffive. Ses claviers sont très perfectionnés; une machine pneumatique
actionne le clavier du grand orgue.
« 11 joint à ses nombreufes reffources des qualités de douceur et d éclat
qui permettent à Icxécutant de produire des effets très variés et d interpréter,
auffi bien que sur un inffrument plus important, n importe quelle mufique
des maîtres : Bach. Céfar Franck. Widor. Vierne, etc.. //
Le grand orgue et I orgue du chœur ajoutent une gloire de plus à la
renommée de la cathédrale.
L orgue eft par excellence 1 inffrument sacré du culte et de la liturgie. Il
eff non seulement une parure architecturale, mais il eff avant tout la voix
géante, évocatrice du paffé. lorfqu il chante les douces et pénétrantes mélo-
pées grégoriennes, perpétuelle et vivante prière de nos aïeux.
Si la majeffé des voûtes d'une belle cathédrale nous invite au recueille-
ment, 1 orgue, par les harmonies puiffantcs qui jailliffcnt de ses tuyaux et
qui se répandent dans les nefs, exalte lui auffi la grandeur infinie du
Créateur.
LES CLOCHES
L\ANCIENNE SONNERAI E
Jufqu à la Révolution, la tour Nord abrita deux majelKicux bourdons.
Le plus puiffant, Saint-Pierre, pelait douze mille livres, et son diamètre
dcpaffait 2 mètres'. Le second bourdon. Saint-Uriin. pcfait neuf mille
1 . Pour se rcnfcigncr sur l'ancienne sonnerie confulter : Le Dn-is et Efiittution fourni par
Pierre Fontaine, architecte jure-expert au bailliage de Pontoifc en 17S4 après la mort de Mgr de
Condorcct, in-fol. (Lificux, Bibijothcquc municipale.)
LE MOBILIER 155
livres. La sonorité de ces cloches avait un tel moelleux, une telle ampleur,
que Lifieux s'appelait couramment à la fin du moyen âge la ville sonnante.
Le clocher Sud renfermait huit cloches en accord avec les bourdons.
La plus lourde, Sainte-Cécile, s appelait vulgairement 1 Echauguette (mot
qui signifie guet de troupe et par extenfion éveil, surveillance). En cas d'in-
cendie ou de grave danger, le guetteur de nuit devait la mettre en branle
pour donner 1 alarme. Offerte en 1285 par Guy Guyardon. refondue le
4 juin 1490, elle pefait 3.836 livres. Sur ses parois d'airain se détachait
en caractères gothiques une infcription dont lempreinte a été recueillie par
M. l'abbé Loir :
t ANNO...DNÏ. Mmo . DUCËTmo . QÛrfO GUIDO . GUIARDON D.'M .
CUJUS . SONUS . ARCE . REDUNDAT .
EJUS . SPIRAMEN .
PAGE . QUIESCAT .
AMEN .
AUCTA . FUI . DE . BONIS . PEB . RECORDACÔIS GUILÛ . LËX .
QUÔND PSULIS . DIGNISSIMI . ANNO . DNI . MO . QU.\DRINGEN'no :
NONAGESIMO iii to . JUNH
« L'an du Seigneur 1285, Guy Guyardon donna cette cloche dont le
son retentit avec éclat du haut du clocher. Que son âme repofe en paix.
Le 4 juin, de lan de grâce 14QO, j'ai été augmentée grâce aux libéralités
de Guillaume, de pieufe mémoire, autrefois évèque de Lifieux. »
La deuxième cloche s'appelait Notre-Dame. D'un poids de 1.250 kilos,
elle était fêlée, en 1784 à la mort de Mgr de Condorcet. Déjà, en 1562,
le chapitre de la cathédrale avait payé 3 0 sols "-' à Thoynet Mallays, ma-
réchal pour avoir reforché les bateaulx de la cloche Notre-Dame et Saint-
Jehan rompus parles Huguenots' //.
La troifième cloche se nommait Saint-Patrice; la quatrième Saint-Paul :
elle sonnait chaque soir pour indiquer le moment d éteindre feu et lumière.
Cette série de cloches occupait la partie baffe du beffroi. Dans l'étage su-
périeur se trouvaient les quatre autres.
La cinquième avait nom Marie. La sixième, Saint-Cande fut offerte, bénite
et nommée en 1365 par Jehan Le Hennuyer, évêque et comte de Lifieux ^
1. Comptes du fabriquier de 1502.
2. Comptes du fabriquier de 1564.
156 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Elle sortait des ateliers de Jean Aubert. fondeur de Lifieux. très apprécié
pour la sonorité parfaite, la juftelTe et la richeffe de vibrations de ses cloches.
En 1686. lilluflre praticien avait fourni une octave d'une grande puifTance
pour la tour Saint-Romain à Rouen.
La septième s'appelait Saint-Bertivin : la huitième. Saint-Sébaftien.
L'acuité et la clarté de son timbre l'avait fait surnommer la cloche d'argent.
Déplacée en i V'V ^^^^ ^^'^'^ ^^^ refondue deux fois en 106*) '.
LA SONNER^IE ACTUELLE
Depuis le ') juin T S «^ ^j . le clocher Nord abrite cinc] cloches, dont
trois seulement ont été fondues par la maifon Bollée du Mans.
La grofTc cloche. Marie-Im.maculée. pèfc 2.\ \s kilos et offre i m. <->2
de diamètre. Offerte par Madame Delaunay. elle eut pour parrain M.Jean-
Lambert Fournet, induffricl à Lifieux. et pour marraine Madame Adrien
Gillottin. La décoration de cette cloche eff vraiment artifficjue.
De légers rinceaux entourent sa partie infcrieurc. sur une face on voit
Icffigie de la Vierge Immaculée, sur lautre un Chriff en croix et les écus-
sons de M^r Robin et de la cathédrale Saint-Pierre.
Une banderole porte pour légende : - .\MOR MEUS. JESUS CHMSTUS *.
Sur la seconde cloche. S.mnt-Pikrre. eft gravée l infcription suivante :
' L'an 1827. j'ai été bénite et nommée Saint-Pierre par M. l'abbé Euftachc le Jeune de
Crcqui, grand vicaire et chanoine honoraire de Baveux, et par Madame Napohne-Juhenne-Jofé-
phine de Catfarclh Bejouen, affiftés de M. Jacques Blondcl. curé de Saint-Pierre de Lifieux.
* J. -Baptiste Burel. fondeur a Bernay. -
Le poids de cette cloche cff de i . ) ; i kilos.
La troifièmc cloche, d un poids de 1 . i ^o kilos, d un diamètre de
T m. 2 S. porte pour légende : - vox DOMINI IN virtite *. M. Faucjue,
maire de Lifieux. et Madame Médéric Lcfrançois. née Bourfin. l ont nom-
mée S.mnt-Ursin.
Cette cloche remplace une cloche fondue en 1S18.
I. D' Billon. Cjmpjnjlogie , Caen. Le Blanc-Hardel. in-8". pp. 77-81. — Journal Le
Normand, 2 juin i8^v — ^^ Progrct Lcxowen, 24 mai 189b.
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LE MOBILIER 157
La quatrième cloche pèfe 750 kilos et s'appelle Saint-Paul.
Refondue en septembre 1860, elle eut pour parrain M. Jules Delarue,
docteur en droit, et pour marraine Delphine-Adèle Samfon, épouse de
Jean- Alfred Fleuriot, docteur en médecine de la Faculté de Paris. Au bas
de la cloche se lit cette johe devife :
VOX EGO SUM VIT^ ET MORTIS, VOX SEMPER LAUDIS ET SALUTIS
« Je suis la voix de la vie et de la mort, la voix de la louange perpétuelle et du salut. »
La cinquième cloche ne pèse que 650 kilos, son diamètre eft de
I m. 04 et son nom Saint-Germain, parce qu'elle annonce l'angélus matinal.
Sur ses parois d'airain, le fondeur a gravé en relief un beau crucifix avec
ces mots :
DE MANE VIGILO AD TE
Elle porte l'infcription suivante :
« J'ai été nommée SAINT-GERMAIN (en souvenir de l'églife de ce nom détruite en 1798) par
Léonor Perrier, chevalier de la Légion d'honneur, et par Céline Fournet, époufe de Augufte
Duchefne. »
Les cloches forment une quinte jufte qui donne les notes :
Tr^° » #«
2=a:
La sonnerie refte le plus beau souvenir que M. l'abbé Cagniard ait
laiffé à la cathédrale. « Les évêques, ses prédécefleurs », n'étaient pas plus
magnifiques dans leur générofité. Balancées avec une lente régularité, les
cinq cloches de Saint-Pierre produifent des mélodies rythmiques vraiment
expreffives. Au matin d'une grande fête, comme leur tumulte eft joyeux!
Lorfqu'en octobre 1909, Mgr Touchet daigna accepter de glorifier
Jeanne d'Arc dans la cathédrale Saint-Pierre, le 23, à la nuit tombante, il
ne put cacher sa prenante satiffaction d'entendre à nouveau la voix muficale
de ces cloches, dont la sonorité douce et pleine l'avait charmé dans sa jeu-
nefïe. Le lendemain, le puiiTant orateur, dans une envolée superbe, lançait
à toutes les cloches de France l'invite de sonner éperduement le triomphe
de la Vierge martyre.
Là où le Juge dormait son dernier sommeil, quel contentement pour
,,8 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
l'évcque d'Orléans d'ouir les cloches normandes développer leurs brillants
accords en Ihonneur de la Victime. Il eft aifé de comprendre pourquoi,
en cette minute, léloquent prélat se fit ouvrir toutes grandes les fenêtres
de la modefte salle où il était affis. Ce soir-là. les cloches de Saint-Pierre
devaient enchanter son àme...
Le carillon funèbre eft plus impreffionnant encore. Quand revient le
mois de novembre et que. dans l'apaifement du soir de la ToulTaint. les
cinq cloches jettent des notes endeuillées au large du ciel, leurs appels
mélancoliques, leur solennelle et pénétrante poéfie font treilaillir d un sin-
gulier friffon les plus oublieux conime les plus croyants.
Thème de la sonnerie funèbre des premières classes :
^
^^^jTo a o ^^„ o
Indépendamment des cloches, il faut encore mentionner les trois timbres
de l'horloge. Le plus gros, qui sonne les heures, pèfe (^oo kilogrammes.
Sa forme eft hémifphériquc. Sur son bord, se lifent les mots suivants :
Sumptibtis fjbrica dnno :jj'i
I. Caviliicr, fondeur.
TI{ÈSOB^
Le tréfor. difperfé à 1 aventure dans la haute sacriftic. renferme quel-
ques objets de valeur. Nous nous bornerons à signaler un vitrail du xii' ou
xiii' siècle rcpréfentant un Chrift en majefté : un portrait de Léonor V' de
Matiiinon. avec son cadre Louis XIV; le bréviaire de Mot de Condorcct ;
deux curicufes statues en bois doré du xvii' siècle, sainte Urfule et Notre-
Damc-de-Lie(Te.
L'ancien tréfor a complètement difparu. II était fort riche, surtout au
xvi' siècle. Pour s en convaincre, il suffit de parcourir plul leurs intérclTants
documents de lépoque : une lettre de Louis XII du lo septembre i *> i ■; .
une bulle de Léon X. datée de Rouen le ^S mai 1^17. un monitoire
de l'Official de Lificux du 13 mars isiS. enfin '' 1 Extraict des articles
LE MOBILIER 159
donnés contre ceux qui pillèrent l'églife Saint-Pierre de Lifieux l'an 1562 ».
La plus belle pièce du tréfor était la châsse de saint Urfin, pefant
300 marcs d'argent, enrichie de pierres précieufes, et des statues en argent
des douze apôtres.
Dans sa livraifon du 1 3 juillet 19 10, Bdiocand a publié un inventaire
du tréfor de Saint-Pierre, au xvii' siècle, provenant de la bibliothèque de
M. l'abbé Loir.
L'état du recenfement des effets mobiliers de la cathédrale, dreffé par
ordre du directoire du département du Calvados en décembre 1790, permet
de conftater qu'à la veille de la Révolution le tréfor de la cathédrale était
bien diminué. A caufe du malheur des temps, les chanoines du xviii^ siècle
avaient aliéné diverfes pièces d'orfèvrerie à ^r un prix raifonnable ' ».
Le reliquaire de saint Urfin lui-même ne poffédait plus ses parures
anciennes. Après avoir énuméré la plus grande partie de l'argenterie, les
commiffaires du diftrict s'expriment ainfi : « Plus un grand reliquaire de
saint Urfin. dont pefée a été faite par le sieur Courdemanche, et qui
s'eft trouvé d'un poids net de 22 marcs, déduction faite par eftimation
d'un marc pour les Reliques qu'il contient, d'une plaque de cuivre servant
à soutenir les dites Reliques et quelques petits médaillons de verre attachés
au dit Reliquaire, plus un médaillon d'or orné de plufieurs pierres fines
et d'un camée égallement attaché au dit Reliquaire, et dont le dit sieur
Courdemanche a évallué l'or au poids d'environ une once. »
Le jeudi 3 juillet i 7 3 i . Mgr de Brancas dépofa dans une chàfîe sou-
tenue par un ange une partie des reliques de saint Urfin. « Le surplus
des Saintes Rehques, demeuré dans l'ancienne chàffe de bois doré, a efi:é
placé dans la chapelle Saint-Urfin, au cofté de l'Evangile ". »
LES TOMBEAUX
Divers fragments retrouvés ça et là, pendant les refiaurations du chœur
de Saint-Pierre, peuvent donner une idée des tombeaux dont les plus riches
se dreffaient de chaque côté du maitre-autel.
1. Délibération du Chapitre, 15 mai 1720.
2. Délibération du Chapitre, 5 juillet 1731.
i6o SAINT-PIERRE DE LISIEUX
TOMBEAU DU CAl{DINAL DESTOUTEntLE [1^82-1414,
Le 4 août 1N74. en soulevant les larges dalles du déambulatoire, entre
les deux dernières piles du chœur, près le sanctuaire, du côté de 1 Evangile,
des maçons aperçurent un caveau. Cinc] marches aflez rapides en permet-
taient 1 accès. M. Auguftin Delaporte y pénétra. Quelle ne fut pas sa sur-
prife d'y trouver des débris de cercueil, un scjuelette. et plus de deux cents
morceaux de marbre de diverfes nuances. C était la tombe du cardinal
d'Eftoutcvillc car, sur fond bleu, en lettres gothiques, se détachait ce mot :
ESTOUTEVILLE.
Une autre infcription deux fois tracée à la pierre noire était ainfi libellée ;
« Tombeau de M. d Eftoutevillc. ouvert en 1 an lôSi). //
Trois defcriptions ' nous permettent de nous faire une idée aflez
exacte du maufolée. C était un sarcophage en marbre de Carrare sur
lequel la statue du prélat, en habits pontificaux, était couchée. Sur 1 une
des faces, figurait 1 écuflon du cardinal, tenu par un ange. Ce précieux
fragment retrouvé vers 18O0, dans une maifon de la ville, fut deffiné à
cette époque par M. Bouet. infpecteur des monuments du Calvados.
Mgr d Eftouteville mourut au château de Courtonne le 2 i décembre i ) i 1-
Noél Dcshays raconte qu au pied de son maufolée. en marbre blanc,
il y avait '^ un autel sur lequel les deux dcmi-douze livres qu il avait
fondés étaient obligés de dire tous les jours la mefl^e pour le repos de
son âme //.
Endommagé en l')^)2 par les calvinifles. rapetilTé en HiSc), le tom-
beau du prélat, en août 1723, "' fut tranfféré près 1 autel de Sainte-Cécile,
dans la muraille du coté de lévèché laquelle, pour cet effet, sera peu creufée
à moins de frais poffible //. Le f\bnquier ne dépenla que 1 s livres <> sous
pour la confection d un piédcflal. Le 2<> juin 172 |. son regillre accufe un
léger supplément : "' Payé à Jacques Fougc 11 sous, pour avoir peint le
maufolée de Mgr d Eflouteville. qui a été tranfporté du chœur devant Sainte-
Cécile. // Des érudits se sont demandé si la statue en marbre qui achève
tri
I. Jean Schoppcr, dans Bulletin oirchèologiquc , t. XVII. kSuu. pp. ■î(i7-'^()U. — Bullct
des t^nticjiuircs de Normjndie, t. III, p. 4M. — Noël Deshjys, p. i ^ v — >yflmjnjch de Li-
fieux, 1874, p. I ^4 à iti2, an. de M. labbc Loir. — Mcmorijt, édition Société Hijîort<jue, p. 1 4.
LE MOBILIER i6i
de se détériorer dans le croifillon Nord ne serait pas la statue funéraire du
cardinal d'Eftouteville. Elle ne peut être que la sienne ou celle de Pierre
Cauchon.
TOMBEAU DE FOULQUES D'ASTIN (12^0-1267)
Du même côté que le tombeau du cardinal d'Eftouteville, mais un peu
plus près de la courbure de l'abfide, s'élevait la sépulture de Foulques d'Aftin.
C'était un tombeau en bronze. Jean Schopper, dans ses documents relatifs
à l'art du moyen âge, lui confacre ces lignes : « Fulco, évefque, tombeau en
l'églife de Lifieux, cuivre dont le champ eft tout fleurdelyfé et comparty en
lofanges. Et ce peut être celui qui a fait baftir la chapelle du Palais, parce
que les vitres en sont fleurdely fées et chaftellies, qui eft le siècle de saint
Louis et de sa mère '. »
En 1689, le tombeau de ce prélat, fut rapproché du fond de l'abfide
et embelli.
TOMBEAU DE GUY D'HAI{COUI{T (ijoj-ijj6j
Le tombeau de Guy d'Harcourt était placé auprès du maitre-autel, du
côté de l'Epître; point de gifant, une table de marbre noir. Un fragment
de ce maufolée, retrouvé vers 18(3^, montre que la pierre tombale était
décorée d'arcatures repofant sur de fines colonnettes. Noël Deshays, le
confciencieux hiftorien des évêques de Lifieux, nous apprend que Mgr d Har-
court avait édifié son tombeau de son vivant, sur le modèle de celui de son
père et de sa mère placé dans l'églife Notre-Dame-du-Parc près du château
d'Harcourt'.
TOMBEAU DE GUY DU MEI{LE (1267-128^)
En février 1863, à l'entrée du chœur, près du lutrin, en creufant les
galeries du calorifère, les ouvriers terraffiers mirent à découvert un caveau
sépulcral renfermant le corps alTez bien confervé d'un évêque. A côté des
oiTements et des reftes d'ornements pontificaux, était pofée une très belle
1 . Bulletin (yTrchéologique, loc. cit.
2. N. Deshays, p. 122.
91
ib2 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
croiTc de cuivre, décorée de pommes de pin et d'une volute terminée par
une tête de dauphin. La main droite laiiTait voir encore l'anneau paftoral
garni d'une cmeraude finement cifelée. Cette sépulture devait être celle de
Guy du Merle. En effet, nous savons qu'il fut enterré dans le chœur de la
cathédrale, sous le banc des choriftes. Ancien grand chantre de la cathé-
drale de Rouen, peut-être avait-il exprimé le défir de repofer sous le lutrin,
en souvenir de son ancienne obédience? La croife de Guy du Merle a été
laiilee en terre. Toutefois, plufieurs amateurs en ont pris des deflins. L une
de ces efquifTes illuftre les premières pages de notre ouvrage.
Les travaux d'inftallation du calorifère firent également découvrir, au
milieu du chœur, une autre croiTe plus petite et moins ouvragée que celle
de Guv du Merle. Un fac-similé de cette crolTe se trouve actuellement dans
le tréfor de l'ancienne fabrique Saint-Pierre. L'original en bronze a malheu-
reufcment difparu (fig. ')l).
TOMBEAU D'ETIENNE BLOSSET DE CARI^OUGES (1482-1-^0^}
et du CARDINAL LE FENEUB^ son neveu 1 1 'io'i-i ^39)
Les sépultures de ces deux prélats retrouvées, en février iN()v dans la
troifième travée du chœur du coté de l'Epitrc. confinaient cii deux caveaux
superpofés. Dans le caveau supérieur, les hommes de peine aperçurent et
relevèrent une plaque de cuivre avec deux infcriptions. dont 1 épitaphe du
cardinal Leveneur amfi conçue :
Cy-f;ift et rcpofc le corps de feu rcverciidiffimc père en Dieu Jclun Le Veneur par
la grâce et permifTion divine en son vivant Cardinal du Saint-Siège apoftoliquc
titre de Saint-Barthclemi-cn-lIfle, grand omofnicr de France, cvcque et conte
de Lifieux abbé comcndataire des abbayes de Notre-Dame du Bcc-Ucliouin, dioccfc de Rouen
Notre-Dame-de-Lirc. diocèfe d(F,vircuxi, Saint-Pierrc-de-Prcaulx et Notre-Dame de Greftain
dioccfe de Lifie(ux), Notre-Dame-de-Lonlay. dioccfc du Mans, du Mont Saint-Michel, dioc
cfc d'Avrenclics, (Saint-Sicrge dAngicrs et de Saini-Fufcien. dioccfe d'Amiens, prieur corn
mcndataire (de Saint-V)ictor-lcs-Mans, de Saint-Nicolas-de-Maupas, dépendant de ladite a
bbaye de 1.//, prieur d'Anvremeu dudit dioccfe de Rouen dépendant de ladite abbaye du Bc
aulTi chancelier et lieutenant du Roy en Normcndie et conier>ateur des privilèges
de ri'niverfité de Caen. lequel décéda le septicfme jour d'aouft lan de grâce
mil.V XLVIII et a régné évefque le temps de XXXVIII ans immédiatement après
feu de bonne mémoire Eftienne Blo(Te(t) son oncle, duquel le corps crt inhu-
mé joignant ce préfcnt scpuUlirc. leurs âmes soient en létcrnel repos et
gloire de Paradis. Amen.
LE MOBILIER
163
Au revers de l'infcription funéraire précédente, se détache une autre
infcription en lettres gothiques, dont le fac-similé eft reproduit à la page
suivante (fig. 32).
Ces infcriptions sont actuellement la propriété du mufée de la ville
de Lifieux ' .
PIEBJ{E TOMBALE DE Mgr DE MATIGNON (1677-1714)
En avant du maître-autel se trouve une pierre de marbre blanc avec
cette longue épitaphe :
D. 0. M.
HIC
QUIESCIT
BEATAM EXPECTANS RESURRECTIONEM
LEONORIUS DE MATIGNON
LEXOVIENSIS EPISCOPUS NOMINE SECUNDUS
ANTIQUAM AVORUM GLORIAM
PROPRIA VIRTUTE ILLUSTRAVIT
PRiECESSORUM LAUDEM
FIDE, PIETATE, CHARITATE, VIGILANTIA
UNUS OMNIUM COMPLEXUS EST.
GREGI PASTOR BONUS
NOVITATUM OSOR,
DOCTOR ECCLESIiï ET DISCIPULUS.
CLERO MAGNUM EXEMPLUM
PAUPERUM AMORE, DIVITIARUM USU.
QUiBRIS PIUESULIS EXIMII MONUMENTUM.
URBS TOTA MONUMENTUM EST,
ERECTIS PASSIM ET DOTATIS
SEMINARIIS. NOSOCOMIIS PTOCHOTROPHIIS.
PAUPERES HiEREDES RELIQUIT,
NE QUOS VIVENS ALUERAT MORIENS DESERERET
QUANTUM DILEXERIT DECOREM DOMUS DEI,
HOC TEMPLUM, HJEC ARA. TESTANTUR.
OBIIT
ANNO M DCCXIIII DIE XIV JULII
iETATIS ANNO LXXIIII EPISCOPATUS XXXVII.
VIRTUTES IMITARE.
REQUIESCAT IN FACE
Fig. •; I . - CroiTe épifcopale.
(Tréfor de la cathédrale).
La traduction de cette inicription tumulaire se peut rendre ainfi : Ici
repofe, dans l'attente de la réfurrection glorieufe, Léonor de Matignon,
évêque de Lifieux, deuxième de ce nom, qui, par ses vertus donna un nouvel
éclat à l'antique renommée de ses aïeux. En lui seul, toutes les qualités de
I. F, de Mély et A. de Montaiglon, Hijîoire et defcription du mufée de Lifieux, dans In-
ventaire général des I{khejfes d'art de la France, province, monuments civils, t. VI, 1S92, p. 255.
— Journal Le Normand, février 18(15.
i64 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
ses prédéceiTeurs se trouvent réunies : foi. piété chanté, vigilance. Pafteur
attaché à son troupeau, ennemi de la nouveauté doctrinale, docteur et fils
soumis de l'Eglife, il donna à ses clercs un bel exemple de détachement des
richeiTes et de charité envers les pauvres. Vous cherchez le monument élevé
en l'honneur de cet illuftre prélat : la ville entière ed: ce monument. Des
séminaires, des hofpices pour les déshérités ont été érigés en divers endroits
et dotés grâce à ses libéralités. Pour ne point abandonner après sa mort ceux
quil avait secourus pendant sa vie, il inftitua les pauvres pour ses légataires.
Pig, 5a. - Infcription tumulaire de Guillaume de Griinville. chanoine de la cathédrale.
■f II) décembre 14(18.
Cette éizlifc et cet autel atteftent combien il aimait à embellir la mai Ton
de Dieu.
Il mourut l'an F 7 i ], le \ \ juillet, à l'âge de 7 } ans. dans la 37' année
de son épifcopat.
^ Imitez ses vertus.
Qu'il rcpofe en paix.
En I7<»';. quand les révolutionnaires retirèrent des caveaux du chœur
les cercueils de plomb pour en faire des balles, ou v chercher du salpêtre,
ils lailTèrent Léonor II de Matii;non dormir en paix son dernier sommeil.
Le souvenir de ses bienfaits triompha de leur haine deflructrice.
LE MOBILIER 165
Dans la vie si laborieufe du prélat un seul épifode fait tache : le zèle
funefte qu'il mit à modernifer la cathédrale Saint-Pierre. Ombre légère en
comparaifon de ses initiatives charitables.
Il efl; de ceux auxquels il sera beaucoup pardonné parce qu'ils ont
beaucoup aimé.
Son dernier gefte fut un gefte généreux ; par teftament, Léonor II de
Matignon légua 30.000 livres aux pauvres et donna 20.000 livres pour
édifier le maitre-autel de la cathédrale.
Cet autel en marbre était accompagné de deux anges adorateurs et
surmonté d'une gloire resplendiiTante dont les derniers rayons achèvent de
se ternir dans un recoin de la sacriftie. Si les chanoines du xviii' siècle
pouvaient revenir dans leur cathédrale, qu'elle ne serait pas leur surprise, eux
qui, le 6 avril 1726, chargeaient le fabriquier « d'acheter de la toile pour
couvrir la gloire toutes les fois qu'on baliera l'église ».
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CHAPITRE VI
HISTOIRE ANECDOTIQUE
DE LA CATHÉDRALE
AINT-PIERRE DE LISIEUX n'eft pas Seulement un joyau d'archi-
tecture et une œuvre d'art ; elle eft davantage; elle efl:
autre chofe encore. La cathédrale a été et refiera le cœur
de la cité.
Jaillie de l'élan populaire, si ancienne que l'archéologue
dénombre difficilement ses années, elle fut intimement mêlée à la vie du pays
d'Auge dont elle évoque bien les aspects. Elle a reçu l'empreinte diverfe des
croyants qui pafTèrent sous ses portails, pourfiiivant à leur manière, selon
leurs idées et leur goût, son laborieux relèvement ou sa décoration judi-
cieufe. Si chaque époque y vient chercher refuge, efpoir et confolation. elle
y pénètre également avec des préoccupations nouvelles, lui confie des
befoins ou des inquiétudes intellectuelles, que les âges précédents n'ont pas
soupçonnés.
Pour l'érudit qui se plaît à regarder bien loin dans le pafTé et bien
avant dans l'àme des générations dilparues, tout un peuple d ombres se
Io8
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
lève et se ranime sous les voûtes sonores de cette grande églife. C eft une
hiftoire singulièrement émouvante que la sienne.
A caufe du progrès de 1 archéologie et de 1 hifloire. 1 idée que nous
avons d elle se précife, s achève sans celle, et c eft le plus beau réfultat de
ce long effort des siècles que de nous permettre, sinon de la refpecter
davantage, du moins de la connaître d une manière plus concrète et plus
fidèle.
Rien donc ne sera plus attachant que de demander à ce témoin de
nous livrer un peu de la vie qu'il exprime.
Pig ^J. — La colline Saint-Urfm en 1724
L entrée solennelle de 1 cvèque était autrefois, dans 1 exiftence de Saint-
Pierre, un événement fort confidérable.
Le prélat, avant de traverfer sa ville épifcopale. devait s arrêter sous les
hautes futaies de la colline Saint-UHin, sur la route d Evreux. à une
faible diftance de la porte de Paris. Par un jour lumineux de mai. quand
le soleil déclinait sur les pommiers couverts de fleurs. 1 aui^ullc voya-
geur ne pouvait manquer d être agréablement impreflionné. Le châte-
lain de Saint-Denis de Mailloc. dont le rôle eft dassiftcr 1 évoque à sa des-
cente de haqucnée. saifit la bride, tient létrier et auffitot enfourche la
monture qui. déformais, lui appartient de plein droit.
Une tranlaction palTée le ) janvier i |7() reconnaît le privilège du
tenancier du fief de Saint-Denis, mais l'oblige à faire 1 office de maitre
PL S5
LA FAÇ.\DE OCCIDENTALE DE LA CATHÉDRALE SAINT-PIERRE
L'ABSIDE DE LA CATHÉDRALE (Dessins du docteur de Sapincoun).
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HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
169
d'hôtel au diner d'apparat donné par le nouvel évêque, lors de sa prife de
pofTeffion '.
Au xvn" siècle, les routes devenant spacieufes, les évêques de Lifieux
préfèrent arriver en carrofTe. En fin Normand, le châtelain de Saint-Denis
de Mailloc se demande s'il ne pourrait pas revendiquer non plus seulement
les chevaux, mais la voiture elle-même. Il y eut à ce sujet d'ardentes
discuffions et d'interminables
procès. Après 1O13, lévéque
pafle la soirée et la nuit au
couvent des Capucins ; c eft
là qu'il reçoit les dignitaires
du chapitre et arrête avec eux
les moindres détails de la cé-
rémonie d'inftallation. Avant
de regagner la ville, ces mef-
fieurs du chapitre réclament
les trois chapes de drap d or,
la chafuble et les deux dalma-
tiques que le prélat efl tenu
d offrir à sa cathédrale comme
don de joyeux avènement.
Ce fut le 29 juillet 1O77
que Léonor II de Matignon
prit officiellement poffeffion
de son évêché. En principe,
il devait s'acheminer nu-pieds
vers la cathédrale, en marchant sur des planches recouvertes d'étoffes.
Pareille cérémonie n'avait rien de réjouiffant, auffi l'évèque s'en fit dif-
penfer par le chapitre, et le 27 juillet se rendit directement à son palais.
La milice bourgeoife, sous les ordres du capitaine-gouverneur Céfar
d'Oraifon, avait été au-devant de Mgr de Matignon jufqu'à L'Hôtellerie.
Le 29 juillet, vers neuf heures du matin, un nombreux clergé se préfenta
I. Archives du Calvados, n° 93, cote 73, n° 98 à 102 ; 74, 5 sentences de 1017, 10 18,
1622, 1693, ïti97'
Fig. 34. — Léonor II de Matignon.
170 SAINT-PIERRE DE LISIECX
dans la grande salle du palais épifcopal. Une foule innombrable se prefTait
aux abords de la cathédrale, luxueufement entourée de guirlandes de lierre,
parée d éculTons aux armes du nouvel élu. Des bourgeois en armes, divifés
en quatre compagnies, faifaient efcorte. En rochet. 1 évéque. assifté de ses
archidiacres, suivit la procelfion. Arrivé au bas du perron de Saint-Pierre,
il s agenouilla sur un superbe pric-Dieu. couvert d un tapis de velours
violet, pour réciter sa profeffion de foi.
Après une première proteftation de bienveillance à 1 égard du chapitre,
le prélat, rcvctu de sa chape, mitre en tète, croiTe en main, gravit les
degrés du perron de pierre blanche et s arrête une seconde fois avant de
pénétrer dans 1 églife tendue de tapilTenes. Le haut doyen. M. Nicolas
Taignicr-de-la-Bretefche. docteur en théologie de la Faculté de Pans,
s avance vers Mgr de Matignon, déroule avec gravité un parchemin allongé,
sur lequel figure une formule de serment, dont voici Tcxactc traduction :
" Moi, Léonor de M.itignon. évèaiic et comte de Lificiix. je jure par
les Saints Eyjngiles de Dieu, (jiie je touche corporellement de h num, de
refpecter mVioldblement les droits et immunités de l Eglife lexovienne, les
statuts du diocèfe concernant dignitaires et prébendes, comme ^nff les privi-
lèges et traditions en ufage dans ladite Eglife. „
La lecture à haute voix du serment précédent une fois achevée, la porte
principale de la cathédrale s ouvre toute grande. Le doven du chapitre
introduit le prélat dans le chœur, lui fait renouveler une fois encore sa
protellation de bienveillance à 1 égard du corps canonial, et. après diverfes
prières et cérémonies. 1 inflalle dans la chaire épifcopale, pendant que la
grande voix des orgues exhale sur la foule agenouillée le Te Deum. hymne
de louange et de reconnailTance.
Le maitre de chapelle prend ses suprêmes difpolitions. inlpccte
1 orchelVe. encourage du gefte et de la voix les soliftcs pour alluier une
exécution impeccable de la melTe célébrée par M. GolTct. chanoine pré-
bende... Soudain, un silence imprcflionnant s'établit dans la cathédrale,
la première bénédiction solennelle de 1 évèque descend sur la foule qui
s incline refpcctueufemcnt... Les cloches de la ville entière se mettent à
chanter dans leurs guérites aériennes ; les canons cmplillent 1 atmolphèie de
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
171
leur grondement contus. pendant que l'orgue module de brillantes phrafes
muficales sur 1 affistance qui. lentement, se prelTe vers les portes pour
accompagner 1 évèque jufque dans le palais en partie édifié par Léonor I"
de Matio:non.
Admirable lignée que celle
des évèques de Lifieux, allant de
Thibaud (^338-349) à Mgr de la
Ferronavs. mort en exil en 1799,
tandis que la cathédrale était la
proie du sacrilège. Hommes de
prière ou hommes d action, âmes
d artiftes et de théologiens, grands
bàtiileurs. lettrés délicats, ils eurent
la confolation de trouver dans leur
peuple de profondes et généreufes
sympathies. Soucieux d éviter les
complications et les conflits, ils
cherchaient dans 1 admmiflration
du diocèfe le moyen de refl;er en
bons termes avec tout le monde,
et le plus curieux c eft qu ils y
parvinrent difficilement.
Nobles et riches pour la plupart, les prélats remplirent souvent d'im-
portantes fonctions auprès de la cour royale. Auffi. à partir du xvi' siècle.
Pans et plus tard Verfailles les virent fréquemment. Les abfents ont tou-
jours tort.
L'occafion se préfentant. le collège des chanoines ne manquait pas
d attirer doucement à lui certaines attributions épifcopales. Une à une,
les prérogatives de l'évèque s égrenaient '. Il finit par n'être plus maitre
dans sa cathédrale. Les fêtes où il devait célébrer 1 office pontifical étaient
nettement déterminées, et le chapitre ne lui eût point permis d'outrepas-
1. MémoriaL édition Société Hiflorique. pp. 3-4-5. — Injïnujtions , édition PicL xi. 20v»;
xxxix, ib2. — Mémoires de b Soc. des t^întiq. de Normandie, Paris, 183S, pp. 25-20-27.
2. H. de Formeville, Notice sur les Chanoines de Lifieux, Paris. iSob, in- S' de 24 pages.
Fig. ^^. — Léonor I*" de Matignon,
172
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
r—y
Wypvi'
ser ses droits. Pour ordonner ses prêtres à Saint-Pierre, l'évèque devait en
référer au corps canonial pour obtenir l'autorifation. Elle était accordée.
mais de fort inauvaifc grâce.
Dans certaines circonftances. le
chapitre se montrait parfois plus
aimable, c était surtout lorsqu il avait
affaire à un prélat influent à la cour,
qui pouvait 1 aider pécuniairement,
ou le tirer d'embarras dans certaines
queftions épineufes.
A peine Mgr de Brancas eft-il
nommé évcque de Lilieux. que le
chapitre s emprelTe de lui offrir des
lettres de vicaire capitulaire. parce
qu il était d une famille puilTante et
pourrait lui rendre de nombreux
services '.
Ces diverfes critiques de détails
ne nous empêcheront pas de recon-
naître que le chapitre de Lilieux
compta parmi ses membres de re-
marquables perfonnalités.
Les dehors des hommes paHcnt.
les œuvres reftent. le chapitre en a
accompli de grandes. Il était très attaché à ses devoirs, savait sadapter aux
circonftances. Le pape hinocent 111 rend hommage à sa diflinction :
'^ Sdcriim collcgiiini c.wonicoruni Lcxovicnfuni imprimis spcctdbilc. // Et le
Parlement de Rouen, en i<> j j et ijNN, fait léloge de sa sa^cfTe. de ses
lumières et de sa conduite noble entre toutes.
A 1 occalion de la Saint-Urfin. le pouvoir féodal de l'évcquc pailait
pour deux jours entre les mains des chanoines. Deux d entre eux. élus
par leurs confrères, exerçaient, en vertu d'un ulage antique, les divers droits
seigneuriaux réfcrvés à 1 évcquc-comtc.
I. Rcqiftrcs, Dclibèrjtton du Chapitre, ■; i oct. 171.».
Fig. y> Saint Urfin, patron de Lifieux
PL 37
LA CAVALCADE SAINT-URSIN i Gouache de Léon Leclerc,
LES FUNÉRAILLES DU MARÉCHAL DE FERVAQLîES (Gouache de Léon Lcdcrc).
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE 173
Le 10 juin, toutes les cloches annonçaient la fête. A 2 heures et
demie les deux chanoines-comtes quittaient leurs manoirs et se rendaient
à Saint-Pierre au milieu des acclamations du peuple. A la fin des vêpres,
un impofant cortège s'organifait sous la haute direction du maître des
cérémonies. Deux superbes chevaux blancs magnifiquement harnachés
attendaient avec quelque impatience à côté du parvis.
Vêtus de leurs cappas rouges, les deux comtes pafTaient sous le grand
portail, où leurs armoiries étaient accrochées, defcendaient les degrés du
perron, mettaient le pied à l'étrier et, avec une appréhenfion aflez vive,
enfourchaient leurs montures.... A cet inftant le cortège se mettait en
marche.
En avant les tambours et trompettes, puis vingt-cinq hommes bardés
de fer et armés de pied en cap. Derrière les hommes de fer venaient les
appariteurs du chapitre, tenant d'une main leur bâton d'argent et de
l'autre un bouquet aux chatoyantes couleurs. Deux chapelains en surplis,
avec des fleurs et des feuillages en bandoulière, s'avançaient à pas comptés,
puis les deux comtes, les officiers de haute juftice et enfin le peuple, se
boufculant un peu, pour mieux voir, dans un brouhaha, un piétinement
continu. Un peu inquiets par le pas saccadé de leurs montures, embarradés
par leurs gerbes de fleurs, ces deux meffieurs amufaient fort les nombreux
témoins de la « cavalcade ».
Le cortège gagnait d'abord la porte de Pans, ornée de fleurs et
d'écufTons. Clefs en main, les gardiens attendaient la venue des comtes.
Les murailles voifines difparaifl^ent sous la richefl^e des courtepointes ; les
habitants du quartier ont tendu aux balcons des draperies écarlates et,
dune porte à l'autre, jeté des guirlandes enrubannées de soie rouge et
mauve.
Dans la rue c efl: une ondulation immenfe, comme du vent sur les
blés. Au moment où les comtes s'approchent, deux échevins prennent les
clefs de la porte de Paris et les préfentent sur un couffin de velours cra-
moifi. Les chanoines font la révérence, reçoivent les clefs, d'un mot
aimable remercient les notables et, comme signe de leur autorité féodale,
laifTent à la porte une garde prife parmi leurs hommes de fer.
Les roulements de tambours, les joyeufes fanfares des trompettes
174
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
se dirigeant succeffive-
reprennent à l'envi, le cortège continue sa marche
ment vers les portes d'Orbec. de la chaufTée et de Caen.
Après la prise de poiTeffion des quatre portes de la cité, les deux sei-
gneurs se rendaient au faubourg Saint-Défir jufqu à un arbre célèbre,
appelé vulgairement l'Épine-du-Chapitre. Plantée au milieu de la rue.
cette épine marquait les limites du fief épifcopal et le
commencement du territoire, où 1 abbefTe de Notre-
Dame-du-Pré pouvait exercer sa juridiction temporelle.
A la Saint-Urfin. les deux comtes devaient contourner
cette borne de verdure, pendant que les
cloches de 1 abbaye remplilTaient 1 air de
leurs doux tintements.
La cavalcade n avait plus qu à rentrer
dans la ville
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plus qu
par la porte de Cacn et à
s arrêter rue du Bouteiller. en ficc le col-
lège. Les profelTeurs préientent leurs élèves.
Les illuftres vifiteurs donnent congé. En
ofuife de remerciements, les écoliers s écrient
joyeufement : ^^ f^ivunt Comités .' Vivent les
chanoines-comtes ! // Et si. d aventure, le
congé parailTait insunisant. alors les collé-
giens ne se gênaient pas pour
crier d une voix retentiflante :
'/ Moruntur Comités! A mort
les chanoines-comtes ! » Cet
-fc-ca^'^
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w <'»'
-«:
Pig 57. Arrivée de la uvAlcade Saint Unin à la pone de Pari»
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE 175
âge est sans pitié î... Mais l'heure s'avançait, les deux élus du chapitre se
rendaient •''' à la cohue //, c'eft-à-dire au prétoire épifcopal pour la recon-
naifîance de leurs droits seigneuriaux, puis c était le retour à la cathédrale.
Eft-il befoin d'ajouter que cette cavalcade faifait la joie des Lexo viens
de jadis. Du haut de leurs lucarnes aux pignons pointus, portant le haut
bonnet normand bien joliment orné de dentelle, un mantelet coquettement
pofé sur leurs épaules, les Lexoviennes d'aman regardaient curieufement
l'interminable défilé de la Saint-Urfin. Et l'on imagine qu'elles aimaient à
détailler entre elles tout le décor extérieur de la fête, les nuances des
aumusses, les moindres phs des cappas.
Pendant que les aïeules aux mains tremblantes égrènent un lourd cha-
pelet, accoudées sur le rebord des fenêtres à meneaux, les jeunes dames
soulignent d'un sourire l'allure trop peu martiale d'un chanoine tout
courbé par làge. ou prennent plaifir à contempler les afpects toujours
amufants et imprévus des coiffes blanches aux ailes de dentelle '.
Quelques jours plus tard, c'était la Saint-Pierre. La veille, à Tiffue
des vêpres, l'évèque et les chanoines defcendaient la grande nef de la cathé-
drale. Les uns et les autres se rangeaient en cercle près d'un bûcher géant
préparé tantôt sur le parvis, tantôt au bas des degrés du perron. L'évèque,
ou à son défaut le doyen du chapitre, mettait le feu aux bûches de hêtre.
Et la foule d applaudir avec enthoufiasme, les tambours et les clairons de
ville de sonner aux champs, cependant que d'allègres carillons annonçaient
aux paroiffes environnantes la réuffite du feu de joie.
A la nuit clofe, quand se faifaient entendre les derniers crépitements
des flammes, le spectacle était vraiment féerique. La cathédrale s'éclairait si
joliment ! Par instants, les grandes lignes de la façade se deffinaient avec
précifion. Parfois les clartés difcrètes de la lune venaient à leur tour se
jouer au travers des flèches ajourées et careffer les courbes des arcs-boutants,
I. L. Echard, Dictionnaire géographique , traduit de l'anglais par M. Vosgien, chanoine de
Vaucouleurs, édition de 1740, p. 319. — L. Dubois et de Formeville, Hifloire de Lifieitx,
Mémoire des paix des Comtes en 1667. — Bibliothèque Loir. — La journée d'un Lexovien
en 1787. Lifieux, E. Lerebour, 1888, in-8'' de 29 pages. — Almanach de Lifieux de 1777,
pp. 43-44, chez Miftral, imprimeur de Mgr TEvèque. — Les Chanoines-comtes, La Saint-
Urfin dans Bulletin de la Société Hijlorique de Lifieux, n" i 3 , année 1903.
lyb
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
les pieds-droits des portails. Éblouies par le feu de joie, les chouettes
qui habitent les charpentes des clochers sortent de leurs cachettes, tour-
noient autour des murs alTombris de la haute abfide. s'accrochent le long
des contreforts ou des corniches extérieures... Puis, infenfiblement. les
flammes difparaiflent. recommencent un inftant leur courfe légère, atteignent
les dernières brindilles de bois sous leur morfure et le bûcher s évanouit.
L ombre reprend son domaine, len-
tement la lune defcend à 1 horizon
et se perd derrière les collines boifées.
Depuis longtemps déjà, les gar-
diens de la cité ont fermé les portes.
Comme un eflaim blotti dans sa
ruche, la petite ville repofc en paix.
Nul bruit, nul ccho. nul pas. Au
sein de la nuit, la grande calife soli-
taire n eft plus surveillée que par le
ijucttcur de ville aide d un fidèle
chien de iiarde. dont les services
parurent indiipcnfablcs à dater de
1 yw..
L humble peuple qui. naguère,
s émerveillait aux '^ Myftères //. aimait
panionnémcnt les fêtes dont nous
venons d évoquer le souvenir. Elles
1 arrachaient à sa vie bcfojineufc et
Kg ^«
Piiuclet flcuronnéi de l'abnde.
monotone.
A Lifieux. de toutes les solennités. Noël a toujours été la plus popu-
laire, la plus attirante et la plus suivie. Fiers habitants des manoirs sculptés,
soldats chercheurs d aventures exceptionnelles, vaillants chefs de la milice
bourgcoife. nobles dames aux manteaux longs coupés de bandes d hermine,
écoliers cfpiègles et remuants, en ces Noels de jadis combien s ai;cnouil-
lèrent sur les dalles de la nef de Saint-Pierre. à 1 ombre de ses larges
piliers, pour implorer la bénédiction du divin Rédempteur!
A 1 office de nuit, après le chant de la généalogie, trois vicaires de la
PL s S
LA NOËL AU XVIir SIECLE (Gouache de Léon Leclerc)
LA FÊTE DE LA DÉESSE R..\ISON (Gouache de Léon Leclerc).
HISTOIHE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE 177
cathédrale revêtus de chapes blanches, précédés d'un cortège d'enfants,
défilaient le long du chœur... Privilège infigne. car. en d'autres temps, un
vicaire qui eût traverfé cette partie de la cathédrale pendant l'office capitu-
laire eût payé fort cher sa témérité...
Debout à gauche de l'autel, l'un des chanoines attendait les trois vifi-
teurs. leur demandait avec solennité le but de leur démarche, 'r Nous
venons adorer notre Sauveur », répondaient les k pafteurs //. Avec la
pointe de leurs bâtons à poignées d'argent, les appariteurs décrochaient le
voile de laine qui diffimulait une crèche, où la Vierge, à genoux, adorait
son Fils en joignant les mains. Trois fois de suite, les vicaires balançaient
l'encenfoir tout parfumé d'encens devant cette repréfentation symbolique
de la Nativité de Jéfus. L'encenfement terminé, les ^< bergers » s'inclinaient
refpectueufement et defcendaient le chœur en chantant l'alleluia, suivi des
grandiofes accents du Te Detim\
Arrivés près de l'aigle, les vicaires entonnaient l'Introït de la méfie, en
français, et déambulaient dans le chœur au moment du Kyrie et du Gloria.
Ils étaient seuls à baifer le texte après l'Evangile et à se préfenter à
l'ofi-rande. Alors leur rôle avait pris fin. il ne leur refi:ait plus qu'à rega-
gner le vefiiiaire pour y dépofer les chapes aux agrafes d orfèvrerie.
Le jour de la Pentecôte, du haut des galeries de la tour-lanterne, le
sonneur laiiTait tomber sur la foule compacte une pluie de flammes et de
fleurs d'oubhes. Bien plus, un pigeon blanc aux pattes enguirlandées de
rubans rouges s'échappait soudain, à la grande joie des enfants de chœur
qui. sur leurs sièges efpacés. épiaient sa sortie, le regardant avec satisfaction
voleter au ras des hautes voûtes ou dans 1 intervalle des piliers '.
Ainfi, par des symboles un peu naïfs, étaient repréfentées d une manière
très vivante et la defcente de l'Efpnt Saint dans les âmes des Apôtres et
les lumières qu'il leur apporta. Libre aux intellectuels de sourire de ces
cérémonies archaïques, elles faifaient plaifir aux ancêtres ; c'était un moment
de détente dans leur vie rude et difficile, un baume verfé sur les plaies
vives, un coin du ciel entrevu par ceux auxquels la terre n off'rait que
d'insuffifantes confolations.
1. Cèrémonidl LexoVien, MDCCXLVII, pp. 177-180. — Obituaire, 1782, p. 105.
2. Ducange, Ferbo nebula, 2.
«3
178 SAINT-PIERKE DE LISIEUX
Pour 1 hiftorien. il y a dans de telles scènes un souvenir des '' Mys-
tères //. Au théâtre, par exemple dans le myftère de Jean Michel, sur la
Réfurrection, pour fi^rer la Defcente du Saint-Efpnt. les acteurs devaient
laiffer choir sur les spectateurs un *r grand brandon de feu artificiellement
fait par eau-de-vie //. L'interrogatoire des bergers se retrouve dans plufieurs
Mvftcres. Contempler Jéfus en personne, le voir s éveiller à la vie. recevoir
les adorations des humbles et des riches, le regarder monter au calvaire et
s étendre sur la Croix doulourcufe. c était pour la foule une joie incompa-
rable. Le clergé le savait bien, auffi ne dédaigna-t-il pas de perpétuer dans
la liturgie certaines scènes plus nobles ou plus touchantes. Mais à force de
vouloir devenir émouvant, à force de repréfenter les scènes de deuil ou
d'angoifTe. le théâtre religieux tomba dans un réalifme choquant.
Le 17 novembre i") jN. le Parlement de Pans enjoint aux confréries
de ne plus repréfenter " le myftère de la Paffion Notrc-Sauveur. ni autres
myflères sacrés //. Cependant, dans les diocèfes normands, plu! leurs troupes
continuèrent à monter divcrfes pièces de théâtre religieux. En août 1^72.
1 échevinage lexovien défendit exprefTément de jouer '' le myllère de Madame
sainte Barbe. //
L heureux âge de ces repréfentations pittorefques, succeffivcment enrichies
de mille détails pathétiques, était maintenant palTé. Les calviniftes travaillèrent
avec perfévérancc à diffipcr cette poéfic Si les protcflants n avaient pro-
noncé des paroles menaçantes que sur les légendes dramatiques et les tradi-
tions apocryphes du moyen âge. il serait aifé d être indulgent à leur égard.
M.iis leur audace devait être beaucoup plus grande.
Avec la Réforme, c efl wow seulement un lambeau de notre patrimoine
légendaire tjui s en va, ce sont les richelTes artiftiques de la France qui suc-
combent. L effort des générations antérieures, le travail heureux des artiflcs
chrétiens sont reniés par les calviniftcs.
Dès le mois de mars 1 y)2, à Lilieux, tout est en alarme. La rumeur
publique répète de toutes parts que dans les villes où les dillidents pénètrent,
leur colère se tourne auflitot contre les éclifes. Une émotion bien facile à
comprendre s empare du collège des chanoines. En toute hatc. à 1 exemple
du chapitre de Rouen, le chapitre de Lilieux prend divcrfes précautions.
Dix ou douze gardes devront empêcher les protei^ants d interrompre le ser-
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHÉDRALE 179
vice divin et de saccager les richefTes artiftiques de la cathédrale'. Une ample
provifion de pierres efl; faite « aux voultes pour ruer contre les Hugenotz ».
les portes de la cathédrale et de la salle capitulaire sont confolidées à l'aide
de solides barres de bois. La grande fierté aux reliques une fois enterrée
dans la salle des délibérations du chapitre, le tréforier va porter les objets
les plus précieux dans une fofTe creufée '< à cofté l'eftable de la fabrique »,
c'eft-à-dire au pied de la tour Nord.
Le 2C) avril, toutes mefures de précautions étant prifes, les partifans de
la religion nouvelle pouvaient paraître, une terrible réception leur serait
ménagée ! Les défenfeurs du chapitre se difent prêts à toute éventualité ; pour
plus de sûreté, une clef leur ouvrira la porte de la tour Saint-Martin. En
un clin-d'œil, la garde de la cathédrale pourra ainfi gagner les combles et,
avec un entrain furieux cribler de coups les démolifTeurs des églifes.
Ce fut souvent la deftinée de la maifon de paix de devenir le centre
des tourbillons de bataille. La première rencontre ne fut guère favorable
aux catholiques. C'eft le 3 mai, avant -veille de l'Afcenfion . le bailli et
vicomte d'Evreux. dont dépendait la ville de Lifieux, pénètre dans Saint-
Pierre entouré de quelques dizaines de gentilshommes dévoués à la caufe
protestante. L office canonial était commencé. Force fut au chapitre de l'in-
terrompre brufquement pour écouter les récriminations du bailli Louis
d Orbec. Les chanoines devront difperfer immédiatement la garde de la cathé-
drale, lui remettre armes et munitions, ou sinon c eft; la mort. Les dignitaires
du chapitre eiTaient vainement de parlementer. Armés de pifl:olets. de dagues
et d'épées, les compagnons du bailli s'impatientent et infultent copieufement
les gardes levés par le chapitre. Ceux-ci, pris de peur, s'enfuient preflement.
gagnent les combles, oublient leur belle audace des jours précédents, leurs
tas de cailloux amoncelés dans les voûtes, se dérobent à leur devoir et rentrent
piteufement chez, eux -'< délaiflant la garde qu'ils avaient promis faire en
icelle églife ».
Les partifans de la religion nouvelle savaient déformais à quoi s'en tenir
sur la force de réfifl:ance des gardiens de la cathédrale: mais les catholiques
de la ville n'allaient-ils pas engager la lutte avec plus d'énergie et de fermeté?
I . Voir l'importante bibliographie donnée par M. Sauvage dans Etudes lexo\iennes . I, 1015,
in-8", p. ^1-74.
i8o
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Quefliion bien embarrafTante.
On pouvait craindre une ba-
taille dans les rues même de
la cité.
Le soir de lAfcenfion. le
bailli d Evreux se rend maitre
des portes; de la sorte, im-
poffible de pénétrer en ville
sans son ordre ou sa per-
mifTion.
Le N mai. trois cents
proteftants d Honfleur. Pont-
l'Evèque et des environs
d'Orbcc viennent se mettre
aux ordres de Louis d Orbec.
Le lendemain, entre i) et
lo heures du matin. " tous
d un commun accord, armés de
diverfcs sortes d armes, comme
piflolets. hallebardes, piques,
marteaux de fer et autres bâ-
tons, comme chiens enragés
entrèrent par force et violence
en ladite églife de Saint-Pierre
et en icelle rompirent les images
et autels, ravirent calices, re-
licjues et autres joyaux d'or et d'argent: brûlèrent chappes. ornements, pare-
ments, nappes et autres linges' /,.
Non contents de ces méfaits, la ra^e iconoclafte des calviniftes s acharne
contre les chartes et titres de fondations. Indignées de ce pillai^c sacrilège,
plufieurs vaillantes Lexoviennes s'approchent du brafier ardent où se con-
i. Extrait des articles donnes contre ceux qui pillèrent rcplifc Saint-Pierre de Lilieux
I ^h2, copie donnée i la Société Hifîoriijuc Je Lifeux, par Le Métayer des Planches ( Arch. n" 7 y)
et copie appartenant à M. le D' La Ncellc.
Fig. V' ^ cathédrale vue de l'ancienne gendarmerie
PI. 59
LA PRIERE DE L'AÏEULE, de J. Boutey.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE i8i
fument toutes les richefles de la cathédrale, se saififTent de nombreux orne-
ments et s'apprêtent à les emporter dans leurs manoirs. Ce noble gefle ne
déplait pas aux reitres surpris de tant de bravoure et d'énergie. Les crucifix
brifés, les statues jetées à bas, les autels dépouillés n'eft-ce pas un réfultat
suffifant? Un bourgeois de Lifieux a malheureufement aperçu la scène;
homme violent, groffier, incapable d'un bon mouveinent, il se jette sur les
pieufes femmes, leur arrache des mains le précieux fardeau et, avec délice,
précipite dans les flammes allumées au milieu du choeur les chafubles bro-
dées de soie et d'or. Certains pavés, aujourd'hui difperfés dans le chœur,
gardent encore les teintes noires de la flamme et de la fumée.
Il était réfervé à la cathédrale de subir une dévan:ation plus complète
encore. Les arquebufiers de Guillaume Paulmier criblèrent de coups le cru-
cifix et les statues des saints. Les ciboires, les calices, les vafes d'or enrichis
de pierreries sont emportés pour être fondus, mis en lingot et monnayés. Le
plomb des couvertures servira à fabriquer des munitions. Le pavage du
chœur, une fois défoncé, les chefs protefl;ants laiilent fouiller les sépultures
afin de mettre les morts à contribution. Les nouveaux barbares, ne compre-
nant pas l'éloquence des tombes, ouvrent les caveaux et retirent les cercueils
de plomb pour s'en servir contre les vivants. Les maufolées élevés à la mé-
moire des évêques BloiTet de Carrouges et Leveneur furent martelés par
quelque soudard sans aveu. Le vandalifme huguenot n'épargna que ce qu'il
ne put atteindre; les cloches Notre-Dame et Saint -Jean, les hauts doffiers
et les miséricordes des stalles, l'aigle, les lutrins, les retables sculptés, le jubé,
la porte occidentale du chœur, la clôture du sanctuaire et quantité d'autres
objets cultuels subirent de cruelles mutilations.
A l'extérieur de la cathédrale, les portes de la façade principale volèrent
en éclats sous les coups répétés des marteaux de fer, l'imagerie du portail,
quoique abimée, ne difparut pas complètement dans la tourmente. En effet,
un écrivain du dix-huitième siècle, le bénédictin normand dom Taffin, la
signale encore à l'attention de ses confrères parifiens.
Il faut être juflie et ne pas attribuer à une seule époque les actes de
vandalifme que nous confl:atons aujourd hui. Les agreiTeurs de 1362 gar-
dèrent les clefs de la cathédrale jufqu'au 1 0 mai. A cette date, le gouver-
neur de Normandie, Henry-Robert de Lamarck, duc de Bouillon, fit
l82
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
remettre entre les mains des chanoines les clefs de la grande porte occi-
dentale.
Les " séditieux et mal sentans de la foi ,, n'en continuèrent pas moins
leurs dépradations. Ils s'entendaient admirablement à vider les caves des
chanoines. Loin de dcfavouer de tels excès. Guillaume de Hautemer. sei-
gneur de FervaQucs. les encourageait vifiblement. Apre au gain, ambitieux.
l3atailleur. perpétuellement en cjucte de profitables aventures, politique avifé.
capitaine roval de Lifieux par intérim ou par rufe. Fervaques mit réfo-
lumcnt son autorité et son crédit au service des partifans de la religion
nouvelle. Dès lors la guerre rcligieufc tourne au brigandage ; FerNaques
s'inftallc confortablement dans la maifon de I officiai, supprime la pompe
des cérémonies catholiques, fait main balTc sur la fierté, sur les tréfors du
chapitre et un superbe évangéliairc. 1 une des plus riches pièces du patrimoine
artifliquc de la cathé-
drale. La doctrine des
réformés pouvait être
auRèrc. à Lilieux leur vie
était joveufe ; de longs
dme
rs. avec des menus
somptueux, aidaient la
pcriévérancc des nou-
I
Pig fin - Lu pilei de la nef. - DefTin de Mlle Ciron.
veaux convertis : Fer\'a-
ques. qui aimait les
manifeftations bmvantes.
avait parfois d atroces plai-
fantenes soit contre les
dévots de saint Urlin.
soit contre les ecclélial-
nqucs. Certains érudits
ont prétendu qu il entra
\ cheval dans la cathé-
drale Saint-Pierrc et convertit en ccune la chapelle de la Vierge. Nous
avons vainement cherché dans les documents contemporains un écho de
CCS douloureux sacnlèties.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
183
Les chanoines avaient demandé du secours à Claude de Lorraine, duc
d'Aumale. Fervaques quitta la ville de Lifieux au début de juillet et le 18,
sans coup férir, les troupes royales y pénétrèrent et orgamfèrent la défenfe
de la place en prévifion d'un retour offenfif des bandes iconoclaftes.
Les paifibles habitants de Lifieux étaient au comble de la joie, ils four-
nirent de l'argent, des munitions pour le plus grand profit de la religion
romaine.
Le Parlement de Rouen prépara
de sérieufes repréfailles. La juflice ne
devait pas atteindre les fortes têtes du
parti. Les meneurs se dérobèrent en
temps opportun, laiflant condamner
une vingtaine de leurs compagnons
de vandahfme.
Louis d Orbec demeura bailli
d Evreux. et Fervaques. comblé d hon-
neurs et de dignités, ne connut jamais
la mauvaife fortune. On a dit du
diable qu'en devenant vieux il se fit
ermite. Le maréchal de Fervaques. sur
le déclin de 1 âge, s'il ne devint pas
ermite, ni moine, aida les Jéfuites à
s'inftaller à Caen et. avec 1 aflenti-
ment de 1 évèque Rouxel de Médavy,
créa à Lifieux, près la côte Saint-Urfin, un couvent de capucins. Il voulait
peut-être montrer à ses contemporains comment un gentilhomme nor-
mand savait se réhabiliter quand il avait failli. La crainte des châtiments
éternels l'avait acheminé vers la sageiTe. Le chapitre de Lifieux, oubliant les
ravages de l 5 6 2 , en i 6 1 3 , accorda à son ancien perfécuteur des obfèques
grandiofes et un caveau dans la chapelle Notre-Dame. Cette cérémonie
extraordinaire nous efl; décrite dans une brochure d une infigne rareté con-
servée à la Bibliothèque nationale'. Le récit permet d apprécier l'originalité
I. Le Tou-Bcju-Feu de U mémoire du Maréchal de Fervaques, par P. Beaunis, édition Le
Verdier, Rouen, MDCCXCII.
Fig. 61. — Roiuel de Médavy.
i84 SAINT-PIERKE DE LISIEUX
et la inamiiliccncc des cortèges funèbres qui se déroulèrent dans la cathé-
drale au début du i^rand siècle. Sitôt connue la mort du maréchal de Fer-
vaques, " les crieurs de patenoftrcs de la ville de Lifieux /y. affiftés d un maitre
des cérémonies, proclament par les rues, avec les titres du défunt, la date de
son décès survenu à Rouen le i ) novembre i(>i ■>, et les jours des funé-
railles fixés aux 12 et il décembre.
Après 1 annonce de la douloureufe nouvelle, les crieurs agitent leurs
tintenelles en signe de deuil. Puis, le maitre des cérémonies de recom-
mencer son annonce : " Meffieurs vous prierez Dieu pour lame du Haut
et PuifTant seigneur feu Mefdre Guillaume de
(^ ■ ^ Hautemer. maréchal de France... //
^ Le mardi i<> décembre, le corps eft apporté
^ en I églifc Saint-Dcfir de Lilieux et dépofé pro-
) Sâ vifoirement dans une chapelle ardente. Deux
Wf jours après, dans 1 après-midi, matines et laudes
> sont chantées avec solennité. Le lendemain, le
i,v, \ convoi s'organife et gagne la cathédrale Saint-
' » ^ i^ ' Pierre, lieu de la sépulture. L évèque Rouxel
I de Mcdavy, frère de Pierre de Médavv, gendre
j du maréchal de Fervaques, prclide la levée du
corps. Les archers de la maréchaulTcc maintien-
nent Tordre dans le cortèiie. De nombreux
Pig. 69. Un cricur de (utciiotrci. i i "^ i
pauvres, revêtus de robes et chaperons noirs,
ouvrent la marche, rangés sur deux rangs, de chaque coté de la rue.
« Après marchaient neuf charitez, et deux confrairies différentes en leurs
chaperons suivirent les bons hommes eftant en prières. // Suivant le rite
traditionnel, le plus jeune 'f chariton // porte le goupillon et le bénitier ;
le plus robufle porte la bannière enrichie de fines broderies. Les autres
confrères, revêtus de chaperons frangés d or, la longue torche sur lépaule,
marchent lièrcment. écoutant avec une vifible satilfaction le tintement des
campanelles.
Lentement le défilé s ébranle. A toutes les fenêtres s écrafent des " con-
templatifs //. Un nombre confidérable d'eccléfiaftiques, " les capucins en
dévotion //, les bourgeois, les échevins de Lifieux. le bailli vicomtal. les
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HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
185
médecins et apothicaires suivent et portent un cierge ou un bâton noir à
la main. Toutes les marques d'honneur de l'illuftre défunt, étendard, ban-
nière de combat, armures, épées, décorations, bâton de maréchal, sont portés
par des gentilshommes ou des pages. Le cheval de bataille caparaçonné
d étoffes rehauffées de franges d'or, de broderies et de clinquants d argent,
eft conduit par six valets de pied.
Une foule extraordinaire
moutonne dans la rue Grande et
les ruelles tranfverfales. Chacun
obferve attentivement le cortège.
Voici les perfonnages en vue, les
barons, chevaliers, comtes et ducs
« accouflrés en deuil.... aucuns
la larme à 1 œil ». Voici Mgr
de Médavy. encadré par ses porte-
infignes et par le chapitre de la
cathédrale. Ces ^r Meffieurs du
clergé // précèdent le cercueil
soutenu par onze archers sous un
dais armorié. Un chapelain por-
tait le cœur du maréchal. Ré-
cemment. M. 1 abbé Delamare
l'a retrouvé dans 1 églife de Fer-
vaques. Les proches parents du
défunts marchaient derrière le
dais funèbre...
Un tel défilé devait onduler longtemps à travers la cité... La place du
marché et le parvis de la cathédrale frémiflent d une animation inaccou-
tumée. Enfin des croix débouchent devant le palais épikopal, environnées de
chandeliers et de cierges... Les antiennes succèdent aux psaumes, les bour-
dons et les cloches chantent sur la dépouille du maréchal 1 cfpoir de la
résurrection immortelle. Les chants s'apaifent, la multitude se recueille. Le
cercueil vient de palier près de 1 églife Saint-Germain. Mgr de Médavy.
voyant le portail occidental de Saint-Pierre affiégé par des milliers de curieux.
Fig. 63. — Le Maréchal de Fervaques.
«4
,8b SAINT-PIERKE DE LISIEUX
fait signe d'entrer " par la porte c^ui cft au droit du cieur et annef de la
sufdite églife..., appareillée et ornée en deuil //. Les archers dépofent la
bière sous un catafalque encadré de très nombreux cierges.
L'évèque de Lifieux officie, un capucin prononce 1 oraifon funèbre de
lilluftre défunt, l'élite des affiliants se préfente à l'ofFrande. 'f Le service
cfiant achevé, le cercueil fut levé en grand honneur, et porté devant 1 image
Nofire-Dame, ou efiait le préparatif. en arche voûtée, et 1 autel orné pour
subvenir à la réception de ce dernier honneur temporel. // Le corps eft def-
cendu dans le caveau, les colliers d ordre. 1 cnfeignc. tous les infignes du
commandement militaire, sont réunis autour de la chapelle ardente. Les
pauvres emportent leurs cierges, les archers et " maiftres d hôtel leurs bafions
noirs //, le bâton de maréchal de France, dernier hochet de la vanité humaine,
efi brifé en préfence de toute 1 affiftance. Tout efi: fini, c eft le dernier adieu.
Le maréchal ne devait pas dormir dans les caveaux de la chapelle Notre-
Dame d un sommeil inviolé. Par une cruelle ironie des événements, celui
cjui naguère avait laifTé profaner les tombeaux des évèques de Lilieux devint
la victime des soudards qui ne refpectaient ni les souvenirs du pafié. ni le
repos des morts.
En I7S(). à Lifieux comme dans la plupart des villes, des cérémonies
impofantes célèbrent lunion de la religion et de la liberté. Dès le i | avril
I7g(), le difirict de Lifieux reçoit plein pouvoir pour adminifircr et aliéner
à son gré le patrimoine ccdéliafiique de la région. Le 2 l avril, le projet
Martineau supprime les chapitres des églifes cathédrales et ne maintient
qu'un seul évèque par département. Le i \ août, Louis XVL trop faible pour
braver lAfiemblée nationale, sanctionne les divers décrets connus sous le
nom de " Confiitution civile du Clergé. // Sous prétexte de renouveler
1 Eglife de France, les parlementaires efpéraient la détacher de Rome et
1 alTervir au pouvoir civil. Le 2"; octobre, en pénétrant dans « leur églifc >/.
les chanoines de Lifieux virent aux portes une affiche annonçant leur sup-
prellion.
Ces premiers proicrits de la hiérarchie ecdéliafiiquc ne s éloignèrent pas
subitement. Pendant plufieurs jours encore, affis dans les stalles du chœur,
levètus du rochet et de Ihcrmine mouchetée de noir, les membres du cha-
pitre continuent à glorifier Dieu par leurs prières et leurs chants.
HISTOIRE ANECDOTIQLŒ DE LA CATHEDRALE
187
Le maire de Lifieux. M. Le Roy. homme de loi. ne peut comprendre
une telle réfiftance; devant la légalité tout doit céder... même un chapitre
de cathédrale. Dominé par le club des Amis de la Conftitution. établi depuis
le 29 juillet dans le couvent des Frères Prêcheurs, le pauvre maire allait,
venait, se torturant à la recherche d un compromis.
En face de 1 attitude du chapitre que devenir ? {^Ç-
Dès le 2 b octobre, héfitant, incertain. _;vl4ï5*'^
n ofant prendre de refponfabilités. le ^. • ,•
maire fait part à son confeil des C^v^v^-'i^' '
décrets sur la suppreffi ' "^
aiH ^.
ppi
lion
1 évêché et des cha-
noines de Lifieux. ^^ Le
chapitre, dit-il. s'eft as-
semblé au mépris du décret,
a célébré l'office dimanche
dernier et ce lour. Le procu-
jour. Le p
reur de la commune ' et son
subftitut' reo;ardent ce fait comme
une infraction à la loi, dont 1 effet
principal efl de retarder ou empêcher
1 aliénation des biens nationaux à la-
quelle efl: attaché le salut de l'Etat. >/
Après délibération, le confeil gé-
néral de la commune décide d en référer
au confeil général du diffrict qui. à
son tour, implore les confeils du di-
rectoire du département du Calvados'. Le 1 3 novembre, quatre dignitaires
du chapitre préfentent au diftnct de Lifieux l'état détaillé des biens, revenus
et charges de leur affociation. A s en tenir aux déclarations des intéreffés,
le chapitre de Lifieux était à l'abri du befoin. puifque. bon an. mal an. son
revenu dépaffait soixante mille livres, déduction faite des charges^ dont cer-
Fig. 64. — Les chanoines de Lifieux.
1. M. Yon, rue Pont-Mortain.
2. M. Le Rat. rue Porte-de-Paris.
3. Extrait des Regift. Municip., 20 oct. 17MO. — Archixes départementales.
4. Déclarations des Biens du clergé. — Achi\e$ déoartementales.
i88 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
taines fondations étaient grevées. Avant le vendredi i o novembre, les
adminiftrateurs du directoire du diftrict de Lifieux avaient tranfmis au chapitre
de la cathédrale Saint-Pierre l'ordonnance du département du Calvados,
portant défenfe aux chanoines de s affembler et continuer 1 exercice du culte.
Dans une proteftation calme, courtoife et pleine de dignité, les membres
du chapitre rappellent à l'autorité civile leur place dans la hiérarchie ecdé-
siaflique et les objets multiples de leur exiftence corporative. Spécialises de
la prière, dépofitaires des précieufes traditions de 1 églife de Lifieux. confeil-
1ers nés de lévcque, chargés du double devoir de soulager les vivants et
d'implorer pour les morts, les chanoines demandent à Meffieurs les admi-
niftrateurs du diftrict la liberté de pourfuivre leur mmiftèrc. dufTent-ils sub-
venir eux-mêmes aux frais du service divin '.
Les plaintes et réclamations du chapitre, malgré leur modération, ne
trouvèrent aucun écho près des adminiftrations publiques. Le i i novembre,
le confeil général de la commune dénonce au Comité des Recherches et
supprime " comme attentatoire à 1 autorité des lois // une lettre paftorale
de Mgr de la Ferronnays en date du 27 octobre. Cet écrit attirait 1 atten-
tion des prêtres et des laïques sur les regrettables innovations de 1 Allcm-
blée Conftituantc.
La délibération du confeil général prouve que le prélat était très sym-
pathique dans son dioccle. sachante s y trouve nettement soulignée; mais
les officiers municipaux, nullement préparés à 1 exercice de 1 autorité, ne
peuvent comprendre qu un évêque protefte contre la suppreflion de son
siège et défobéifTc à la Conftitution. Sans s inquiéter des récents décrets.
Mgr de la Ferronnays garde sa juridiction, baptiic. confirme, reçoit dans
sa cathédrale 1 abjuration d un juif alfacien ~. confère des difpenies. vilite
les communautés rcliiiieufcs. les encourageant à refter fidèles à leur règle et
à leur volontaire immolation.
La vigilance soupçonneufe de la société populaire. 1 attitude malveil-
lante d une partie de la population, décidèrent 1 évcque de Lilieux à quitter
sa ville épifcopale. ce qu il fit sans doute dans le courant de novembre i 71)0.
1. Dernière dclibcraiioii du chapitre de Saint-Pierre. Bjjocjuj. 2' année. T' livraifon.
15 mai II) 10. pp. •^i-'î2-i3.
2. Rcgirtrc de l'Evcché de Lifieux. 8 oct. 1700.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHÉDRALE
189
Avant de porter ses regards vers la terre étrangère, le pieux prélat
séjourna quelques semaines au château du Pin. propriété d'un ami très
sûr, M. de Boifmont, membre de l'Académie françaife, archidiacre de
Rouen. En s'éloignant. l'évèque de Lifieux se flattait de revenir bientôt
préfider quelque solennité dans sa cathédrale. A brève échéance, l'apai-
fement se produirait sûrement, la volonté de quelques-uns ne pouvait
devenir la volonté du peuple. Ainfi raifonnaient également les chanoines.
Les événements allaient donner
à ces prévifions un démenti
cruel.
Du 14 au I <S décembre,
des commiflaires nommés par
le directoire du département,
drelTent l'inventaire « des effets
mobiliers de la cy-devant cathé-
drale Saint-Pierre >/. Les orne-
ments de la grande et petite sa-
crifties sont recenfés et les scellés
appofés sur les chafubliers. Les
calices, ciboires, burettes an-
ciennes, les croix et chandeliers
et toute l'argenterie de la salle
capitulaire sont pareillement en-
fermés sous scellés.
Après l'inventaire du chœur et de la nef, les commiffaires ferment
soigneufement les portes d entrée, montent à la bibliothèque et dreffent
la lifte des nombreux ouvrages ou manufcrits qu'elle renferme. Pierre
Vivien, âgé de trente-et-un ans, sonneur et bedeau de Saint-Pierre. et
Charles Cuilié. âgé de soixante-et-un ans. prefque infirme, second sonneur
et souffleur d orgue depuis une quarantaine d années, deviennent gardiens
des biens mis sous séqueftre.
Trouvant portes clofes, les chanoines ne peuvent plus s'affembler. Une
seule reffource leur refte, celle d implorer la clémence de l'autorité munici-
pale. Sur 1 heure, le chapitre s'empreffa de recourir à cet expédient. Les
Fig. 65.
Mgr de la Ferronnays.
iqo
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
magiftrats locaux reçurent avec une joie enfantine les doléances des cha-
noines et les tranfmircnt sans tarder à l'autorité départementale. *f Aujour-
5. d hui. difcnt-ils dans leur
lettre de recommanda-
tion, les chanoines nous
prient de leur accorder
la permiflion de célébrer
des mclTes bafTes dans
les chapelles de 1 églife et
d y acquitter les fonda-
tions auffi à voix bafle
comme simples prêtres en
abandonnant le coflume
qu ils avaient comme cv-
devant chanoines, de leur
délivrer à cette fin quel-
ques vafes sacrés, linges
et ornements dont ils se
•end
ront iiardiens et re
î^
(fables, ainfi
f-
lu-
poniaoïes. ainii que
de la petite sacrifie
faiie
obfe
P
:h
nous oDlervant que cela
se pratique amli dans
quantité de cathédrales
du royaume >/.
La demande fut ac-
cordée et les chanoines
virent ainli leurs privi-
lèi;es s amoindrir et di-
minuer izraduellement.
Certains prêtres des pa-
roifTes alfiflein avec une secrète complaifance à cette déchéance du haut
iques. très pénétrés de philoiophilme. applau-
nc se doutant pas
Pl>. U(^
L'ancien évèché de Lificiix.
derf^é. Pluficurs eccléfiaR
ques. très pénètres ce p
dilTent même ouvertement à ces mcluies éiialitaires
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE 191
que cette abfence de solidarité leur apportera dans l'avenir de douloureux
mécomptes '.
Pour le chapitre de Lifieux. 1 hiver se paffa sans trop d anxiété : les
magnificences du culte difparues, les prières devinrent plus ferventes.
Le 20 avril 17QI, le confeil général adrefle ses vœux de bienvenue à
l'évêque conftitutionnel Claude Fauchet. en des termes où l'enflure se mêle
au contentement : ^r Depuis longtemps nous défirions voir l'épifcopat
confié à des mains pures, votre nom, mille et mille fois répété par les vrais
amis de la Conftitution, prouvait allez que vous étiez digne de remplir
cette place éminente qui. jadis livrée à 1 intrigue, ne sera déformais que la
récompenfe de Ihomme vertueux qui sait, sans hypocrifie, rendre à Dieu
ce qui efl à Dieu et donner l'exemple de l'obéiflance aux lois de sa patrie.
Votre élection, Monfieur. a été un sujet de fête pour les patriotes, et les
ennemis de la Conftitution en ont gémi. Ce n efl point pour vous en
complimenter que nous vous écrivons, nous seuls devons nous féliciter de
votre promotion. Veuillez bien nous certifier de votre acceptation. Le jour
où nous en recevrons l'afTurance sera, n'en doutez pas, pour nous un beau
jour et nous efpérons, sous la conduite d un pafteur auffi méritant, mar-
cher dans le sentier difficile du salut avec autant de courage et de succès
que nous volons à la liberté". »
L air impofant du nouveau venu, sa belle taille, son regard pénétrant,
sa VOIX muficale, son gefte très sûr réjouirent les partifans de léglife nou-
velle. Rien ne dut être négligé pour le cérémonial au moment de son entrée
solennelle à Lifieux.
Dès le 22 avrd, les officiers municipaux s'inquiètent du jour et de
l'heure du pafTage de M. Fauchet, 'r afin de donner à ce digne pafteur des
preuves non équivoques de leur satifïaction'. »
Le 2 I mai, les mêmes magiftrats invitent le clergé de la ville à ne plus
recommander aux prières des fidèles Mgr de La Ferronnays, sous peine
1. Inventaire du 12 décembre, lygo in-fol. — Archhe^ départementales. — Pierre de
la Gorce, Hijioire de la BJyolution, t. I, p. 2b.
2. Correspondance de la municipalité de Lifieux, ijgi.
3. Municipalité de Lifieux, lettre à M. Dejean, membre du cercle social. Corresp.,
année i 7 9 1 .
192
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
d'une grave infraction aux lois. Le l juin. M. Duprey. curé de Saint-Ger-
main, eft somme de remettre la clef de son prefbytère à la municipalité.
car deux jours après. M. Bunel. le curé
conflitutionnel. défigné par 1 évèque du Cal-
vados, doit être solennellement inftallé dans
ses nouvelles fonctions. Le l') juin et le
I c) août, diverfes maifons canoniales et
plufieurs propriétés rurales appartenant à la
cathédrale Saint-Pierre sont aliénées. Parmi
les acheteurs figurent des négociants, des
bourgeois, de simples artifans.
Les acquéreurs avaient la faculté de se
libérer par annuités avec du papier monnaie
devenu célèbre sous le nom d affi^nats.
A la Noël, les officiers municipaux dé-
cidèrent de subftituer 1 éizhfc Saint -Pierre
à 1 églife Saint - Germain comme paroilTe.
Celle-ci semblait beaucoup trop cxigue pour
les réunions populaires. La cathédrale serait
infiniment plus propice aux grands audi-
toires, et aux grands effets d éloquence.
Le directoire du département du Cal-
vados et le diftrict ne pouvaient refufer
pareille faveur: aufd. le dernier jour de
décembre, toutes précautions sont prifes
pour que le i *> janvier I7<)2 le service
divin se faffe non plus à Saint- Germain
mais à Saint-Pierre '.
C'était un dimanche, vers dix heures
du matin, le clergé de Saint- Jacques et
Saint-Délir. la garde nationale, quittent la maifon commune et se rendent
proceffionnellement à 1 égliie Saint-Germam. coquettement affife entre le
Fifi. '.;. Pile de h nef
Deuin de M"' Caron.
I. Arrêté du confcil ycncral relatif i la tranflation du service divin. Archi\ei municipjla.
PL 6.
VUE DE LÉGLISE SAINT-GERMAIN, d'après un crayon de Le Cerf. Églifc démolie en 1798.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHÉDRALE
193
Cimetière et la rue au Cerf; sa flèche émerge agréablement au-deiTus des
maifons voifines, son portail à tympan sculpté, les fines dentelures de ses
clochetons effilés, les arcades légères de sa façade, font de ce vaifTeau un
des plus élégants qu ait élevé la fin du moyen âge sur la terre normande.
Le cortège entre dans 1 églife
Saint-Germam. le curé sous le dais
porte les divines efpèces, puis la
grande porte s ouvre de nouveau
pour laisser pafTage aux autorités
et à la foule.
Le défilé eft long ; après avoir
pris la gauche, il remonte la
grand rue. gagne la place du Mar-
ché, le parvis, et pénètre dans la ca-
thédrale. Les fidèles s agenouillent,
le canon tonne, et pendant que le
clergé en chape remplit le sanc-
tuaire, comme pour mettre un peu
de joie sous le ciel grisâtre, toutes
les cloches de la ci-devant cathé-
drale sonnent éperdument. Durant
la cérémonie, les portes de 1 églife
désaffectée sont clofes. Jamais plus
elle ne reverra son hôte aimé :
avant que ne s achève la tourmente
révolutionnaire, en lygS. la pioche
des démolifTeurs 1 aura jetée bas.
Le théâtre de Lifieux. Saint-Mards
de Frefne. Saint-Jacques et Saint-Pierre, Auvillars et Ammeville, ont
rivahfé d ardeur pour obtenir quelques-unes des dépouilles de Saint-
Germain.
Peu de jours après la prife de pofTeffion de Saint-Pierre par le clergé
aiTermenté, deux cents affiches blanches, placardées tant à Lifieux que dans
les localités environnantes, annoncent '/ la vente publique et à 1 encan, à
Fig. 68. — L'Eglise Saint-Germain.
194
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
la porte de l'égliTe Saint-Picrre. ci-dcvant cathédrale de Lifieux. de plufieurs
meubles d églife // et d une foule d'objets provenant de la maitrife '.
Dans ce temple, hier encore si riche de pièces d orfèvrerie, de soieries,
de brocarts et d objets d art. le cler^^é conflitutionnel. maitre et triomphant,
pourrait à son aife organifer des réunions plus simples et plus fraternelles
que celles de 1 Eglile privilégiée. Un orcheftre ne pouvait-il donc point
>
-ISîCUX en I
7Ô;
'f r «"m CA^/mnrs
SîGcrmiin
ff'^ ^
K//»
Pig. <.«).
remplacer les orgues muettes f Des fmfccaux de drapeaux, de longues guir-
landes entremêlées de cocardes multicolores, feraient oublier les '^ monu-
ments et armoiries qui annoncent encore 1 ancien régime et le dclpotifme '. »
I.e même drap mortuaire ser\ira déformais pour tous les citoyens, tout
le clergé salarié par la nation devra aflidcr à chaque inhumation, quelle
que soit la condition du défunt, '^ et ce pour prouver légalité décrétée par
1. Affiche du I "■ février 1702. A LiTieux, chez J. Dclauiuv. mipr.. rue Etroite. —
A rchtvei dcpjrtcmentjlcs .
2. H^giflrc muntctpal Je Lificux, 171)2. — DélibcTJtions et CorrefpotiJjnces.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHÉDRALE 195
l'Affemblée nationale ' //. L office sera d'égale durée pour les humbles
comme pour les bourgeois, et nul emblème seigneurial, aucune tenture ne
sera plus accrochée aux piliers de la nef et du chœur. Pour plus de sim-
plicité encore, le sonneur ne mettra en branle qu une seule cloche, non
seulement pour les inhumations, mais auffi pour les offices du dimanche,
sauf dans les fêtes majeures où deux cloches pourront sonner.
Le 3 I août, une adrefle eft envoyée à ,Mgr Fauchet, évêque du Cal-
vados, pour solliciter de l'AfTemblée nationale cjue <'< la ci-devant cathé-
drale soit définitivement accordée pour paroiffe Saint-Germain ». Le
14 août, la Conftituante avait ordonné ^< de détruire, sans aucun délai,
les monuments, refte de la féodalité, de quelque nature qu ils soient,
exiftant encore dans les temples et autres lieux publics, et même à l'exté-
rieur des maifons particulières //.
Ces prefcriptions barbares furent exécutées à Lifieux avec une aveugle
fidélité et une étonnante précipitation. La chaire épifcopale. le jubé, les
maufolées et les armoiries qui décoraient les murailles de la cathédrale
Saint-Pierre difparurent en quelques jours. Seule, l'image de l'évêque Hen-
nuyer devait être refpectée, grâce à l'initiative de la société populaire : au
confeil général elle adrefTa la pétition suivante :
iA Mef fleurs les Adminifhrateurs du Confeil général du Diflrict,
Maire, Offciers municipaux et Notables réunis,
Meffieurs,
Jean H.ennuyer honora son siècle par un trait rare d'humanité, la fatale
journée de la Samt-Barthélemy fut pour lui un jour de gloire, puifqu'il
détourna les citoyens de cette ville de tremper leurs mains dans le sang de
leurs frères. La mémoire d'un homme si grand et si humain, de ce premier
ami de la liberté, doit être à jamais confervée. Son image ef un dépôt sacré
que les hommes libres méritent seuls de pojféder, et s il doit être retiré du
lieu qu'il occupe, ce ne peut être que pour être placé au milieu d'eux.
Nous venons, en conféquence, Meffieurs, vous demander au nom des
I. Délibération du Confeil municipal des 25, "^o août et 17 sept. 1702.
igb
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
dmis de Id liberté et de l'égalité, que l'inuge de cet homme \ertueux leur
soit accordée pour être placée dans le lieu de leurs séances, en face du bureau,
et que l'infcription étant au pied soit traduite en langue françaife pour deve-
nir intelligible à tous les citoyens.
La fraternité avec laquelle vous nous accueille:^ efl sur garant de la réus-
site de notre intéreffante pétition.
Les commijfaires de la Société des rJimis de la liberté et de l égalité.
Langueneur fis. Bcllicre. Prey\
Les officiers municipaux accueillirent favorablement la demande du
club, mais quand, le i ", septembre, les commiflaires de la société entrèrent
dans la cathédrale, la statue de 1 évëcjue Hcn-
nuyer était déjà décapitée. Des patriotes trop
zélés s'étaient hâtés de briler ce précieux vertige
du palTé.
Le 17 septembre, à 10 heures du matin,
les électeurs de la 2' section se réunirent à
Saint-Pierre pour la nomination des ]Ui;cs de
paix, de leurs afTelTeurs et greffiers. Le len-
demain, à S heures, les citovens de la même
du renouvellement de la
section s occupent
municipalité.
c<
h
h
-e n était pas la première rois que la ca-
thédrale servait à ces allcmblées électorales,
maintes fois les patriotes y étaient venus soit
': pour des ser\'ices solennels, soit pour des
réunions purement civiles et politiques. La
mailon de Dieu, en vertu de 1 éiialité. n'était-
elle pas la maifon de tous f Des dames, des jeunes filles de la bourgcoilie.
des femmes d alpect minable, saturées de déclamations, ailiftcnt souvent
à ces ralTcmblcmcnts. Pendant les séances publiques, leur tricotage d une
main, laiguille de 1 autre, elles applaudilTcnt les harangues ou s'égaient
Pig. 70.
I. Délibêrjtion du Confril ttnmicipjl, 12 scpt^ I7Q2.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE 197
comme à la comédie. Les plus mal coiffées, les plus mal vêtues se mo-
quaient de la police ; au fond elle n exiftait pas.
Les orateurs devaient parler au milieu d'interruptions inceffantes et
d'un bourdonnement continu. Même pendant les cérémonies religieufes,
l'ordre devenait difficile. Les '^ vrais républicains » prirent plus d'une fois
les « royaliftes » en flagrant délit ^ d incivifme ». Quelque fâcheux
s'ingéniait à renverfer un banc, un autre contrefaifait les geftes. les atti-
tudes, le parler des orateurs. Le dimanche à la mefle « la bonne compa-
gnie » raillait les proclamations du directoire départemental ou les décrets
de l'Affemblée nationale, et le peuple, au moment des prières pour la
nation, chantait obftinément 1 antienne hturgique en ufage sous la monar-
chie. Les citoyens muficiens de la garde nationale finirent par s offufquer
d'une telle audace et demandèrent à la municipahté d'y mettre bon ordre.
Le 28 décembre parvenait la réponfe suivante :
Citoyens,
Nous ne pouvons qu applaudir à lolfervation que vous nous aveT^ faite
du sujet de l abus qui réfulte de la prière Domine salvum fac regem, que
des perfonnes, par habitude et qui ne savent pas le latin, chantent au lieu de
Domine salvum fac gentem et legem : nous sentons, comme vous, que cejl
un larcin fait à la nation et à la loi qui méritent à tous égards qu on adrejTe
des vœux au Ciel en leur faveur et non pas pour le roy, dont le nom seul
eji odieux aux vrais républicains.
Pour éviter cette erreur, il ejl un moyen, cejl de changer l air ancien et
d'en subflituer un nouveau qui soit facile. Le peuple, en l apprenant lorfque
vous le chantercT^ en symphonie, se familiarifera avec les mots gentem et
legem, il oubliera celui de regem et tout sera dans l'ordre. Comme cela efl
de votre compétence, nous vous invitons de vous en occuper : votre T^èle que
nous connaijfons nous promet que vous vous en acquitterez^ au plus tôt'.
L'enlèvement des cloches devait suivre de près la suppression des ar-
moiries et des maufolées. Mettant à profit un décret de la Convention, du
I. Lettre du 28 décembre 1702, Correfpondance de Id Municipalité.
198 SAINT-PIERKE DE LISIEUX
2 3 février lyn. les officiers municipaux de Lifieux décidèrent d utilifer la
sonnerie de la cathédrale pour la défenfe de la cité et de la République.
Tranfformées en canons, les cloches seraient beaucoup plus utiles. Le
2") février, vers huit heures du matin, commença '' le déplacement des
cloches inutiles //. Cinc^uante gardes nationaux surveillaient les abords de
la cathédrale, afin d éviter des scènes douloureufes dans la population.
Dans une lettre aux officiers municipaux d Honflcur. le o mars, la
municipalité lexovienne fait connaître les termes du marché relatif aux
cloches :
'f Les citoyens frères Perié, demeurant à Paris, ont acheté le métal de nos
cloches pour le prix de ■;(> sols par livre et se sont obligés nous fournir S pièces
de canon du calibre de cjuatre. montés sur leur affût, aux conditions que nous
fairions porter nos cloches à nos frais: nous avons pris celles des communautés
et couvents supprimés, de même cjue celles de l églife Samt-Germam qui l a
également été, nous n'en avons laiffé à celle de l'églife Saint-Pierre, cjui seri
provifoirement de paroiffe au lieu et place de cette dernière, que deux moyennes
et deux petites et à Saint-Jacques autant. „
Aux sept cloches de la cathédrale adrelTées au fondeur parilicn. la
municipalité ajoute, le | mars, une effigie d cvcfquc en cuivre, d un poids
de Nt)<» livres.
Le I I mars, les patriotes de Lifieux s'impatientent ; à leur gré. les
canons tardent bien d arriver... Le maire, M. Blochc. efi accablé de récla-
mations impérieufes. le peuple murmure, les eipnts s aigrilTent et nombre
de gens réclament bien haut cju il eut été préférable de vendre les cloches
à un chaudronnier bien connu a Paris. Armandie. qui le !'• février avait
soumiffionné l'achat des cloches pour 23 sols la livre. Le marché était
évidcmmciu moins lucratif, mais plus sur.
Enfin, le I 7 mars, des pièces de canon arrivent .à Lilieux. Les efforts
et les diligentes démarches du maire Jouenne de Longchamp. député de la
Convention, avaient abouti à ce premier rclultat. Néanmoins, à 1 arrivée
des voitures, les vrais républicains éprouvèrent une déception cruelle. Ils
avaient beau regarder, au lieu des huit pièces de canon promîtes en échange
des cloches, les chariots n iw contenaient que deux d alîc/. médiocre gros-
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHÉDRALE 199
seur. La Convention avait gardé le surplus pour ses armées aux prifes avec
la coalifation des grandes puiflances européennes.
Non sans peine, les édiles de Lifieux expliquent à leurs concitoyens
que l'intérêt particulier doit céder devant l'intérêt général, que. dans des
conjonctures si graves, faire éprouver des défagréments à de véritables
patriotes, ce serait provoquer les rires « des ariftocrates ' >/. De telles rai-
sons n'avaient guère d'emprife sur la « cautèle normande » des habitants
du pays d'Auge.
Une seule cloche, l'Echauguette, demeura dans le beffroi de Saint-
Pierre, les trois autres furent defcendues, au début d'avril 1794, pour
être converties en canons '.
Le 23 juillet de l'année précédente, la Convention avait ordonné de
ne laiffer par paroiffe qu'une seule cloche et de tranfporter les autres aux
fonderies voifines. Une telle décifion ne fut pas appliquée sur Iheure, pour
ne point éveiller les susceptibilités de la population très attachée à ses
richeffes campanaires. Avant de laiffer partir les onze cloches de leur caril-
lon, les paroiffiens de Saint-Jacques ne les avaient-ils pas sonnées durant
plufieurs jours et plufieurs nuits ? Les habitants de Saint-Germain
n'avaient-ils pas envahi Ihôtel de ville pour les replacer dans leur clocher,
et permettre au célèbre carillonneur Mefnier d'exercer à nouveau son
talent ?
Malgré leur civifme. les autorités locales devaient compter avec l'exas-
pération des confciences religieufes. Tout contribuait d'ailleurs à surexciter
les colères des honnêtes gens : en octobre, les cercueils de plomb renfer-
més dans les caveaux de la cathédrale avaient été enlevés. Les cadavres des
évêques jetés pêle-mêle au cimetière actuel. Les plombs des cercueils
devaient être tranfformés en balles. Le corps du maréchal de Fervaques fut
retrouvé dans un parfait état de confervation. enserré dans de longues et
fines bandelettes de toile, que se difputèrent les femmes préfentes à cette
trifte befogne de l'extraction des cercueils.
La profanation de la tombe du maréchal n^excita pas les mêmes répu-
gnances que les autres exhumations. Vers 1839, ^^ couvreur de la cathé-
1. Correfpondjnce de U Municipalité du 24 février.
2. Confeil général de Lifieux. — Délibération, 17 germinal, 2 année rép.
200
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
dralc Saint-Pierre, un nommé Picot, racontait avec délices qu'au moment
où le squelette du seigneur de Fervaques fut mis à découvert, un ouvrier
alTéna un vigoureux coup de bêche sur le crâne du cadavre en s écriant :
/" Ah! ifredin, tu en as fait souffrir affez d autres . //
De pareilles bcfognes ne pouvaient manquer d ouvrir la porte au van-
dalifme des sectaires de la Révolution, excités par les gazettes, les placards,
les brochures et les harangues qu'ils entendaient dans les réunions pu-
bliques.
Le 27 octobre I7<)>. un détachement de huilards et quelques éner-
gumènes. Picot, cabaretier. Le Maréchal. Le Rov. perruquier, et Mignot.
f=^
Li«
Fig. 71. — Li.leux au xvi* siècle.
tailleur, pénètrent dans 1 églifc Saint-Pierre et s y livrent aux plus lamen-
tables déprédations. La chapelle Sainte-Annc. située à gauche du chœur,
reçoit les premiers dommages. Le citoyen Le Rov elcaladc prollcmcnt les
grilles d entrée, monte sur 1 autel, déplace la statue de saint Germain et
autres picufes images. Prenant 1 une de ces statues par la tcte. le zélé
démolifTeur interroge ses compagnons ; "' Que ceux qui sont d avis de
jeter ce saint à terre lèvent la main. // Auflitot plulieurs mains se lèvent,
un bruit strident résonne sur les pavés, la statue vient de s y abimer.
Tambour en tète, huffards et " bouriieois // fracturant tout, brifant
tout, explorent la chapelle Notre-Dame. Monsieur Saint-Urlin perd bras et
I. Noies nuiiufcritcs de MM. loir et Piichot.
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HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
201
'âS - —
jambes: saint Laurent, saint Michel gifent sur les dalles affreufement mutilés.
Et comme si la deftruction de ces images vénérables ne suffifait pas à apai-
fer sa rage antireligieufe. l'un des profanateurs, voyant un afficheur de la rue
aux Fèvres, Simon Vaudin. sau-
ver un Chrifl; de la deftruction
sacrilège, se saifit de l'image
de Jéfus crucifié, la jette par
terre et lui donne un vigoureux
coup de pied. Avant de quitter
la cathédrale, ces hommes de
défordre jettent la statue de
saint François la face contre
terre, la font rouler les degrés
du perron, la mettent debout
et la portent auprès de « l'arbre
de la fraternité, planté sur la
place publique ». Les huffards
frappent le pauvre saint Fran-
çois à coups de sabre avec
tant de violence que lun de
ces sabres vole en éclats.
Plufieurs Lexoviens protef-
tèrent immédiatement contre
ces attentats sacrilèges. Sur
cette dénonciation, la munici-
palité impuiiTante traduifit les
profanateurs devant le juge de
paix non moins impuiiTant.
Devant le parti de la violence, le parti de la modération et de 1 ordre
devenait de jour en jour plus faible.
Perfécuté, mais non anéanti, le catholicifme avait toujours ses fidèles.
Dans la cathédrale devenue temple de la Raifon '< au lieu d'écouter la morale
saine et républicaine », bien des perfonnes continuent de venir prier près
de leur saint de prédilection.
96
Fig. 72. — Le ponail du Paradis vers 1860
303 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Pour mettre fin à ce " fanatifme trop invétéré //. le 21 pluviôfe an II
(0 février ly^MJ- ^^ confeil général décide " que toutes les idoles qui sont
dans la ci-devant cathédrale de cette commune et qui a efté choifie pour
le temple de la Raifon en seront retirées et pour cet effet, le confeil géné-
ral a nommé pour ses commiffaires les citoyens Granval. officier municipal, et
Lozout, notable, lefquels sont invités de s'occuper inceffamment et ce. à
commencer dès le jour de demain, à retirer toutes les dites idoles, sauf au
confeil général à se pourvoir aux repréfentants du peuple pour obtenir la
dite ci-devant cathédrale définitivement pour temple de la Raifon ' . //
Les maçons eurent beau oter " les marques tant e.xtérieures qu inté-
rieures du fanatifme //. c'était la foi du peuple, l'habitude religieufe qu il
fallait changer, attacher du moins ailleurs, pour obtenir de réels réfultats.
Profcrit de it% temples, a Lifieux comme dans beaucoup d autres cités.
le culte catholique s'exerça dans les demeures des particuliers. A la faveur des
ténèbres, la mclTe se célèbre. Dans le grand silence nocturne, ufant de rufes
héroïques, quelques prêtres au milieu des fidèles agenouillés, sur un autel
improvifè. font dcfcendre le Chrift miféricordieux. Certaines de ces meffes
silencieufcs durent revêtir une solennité saiiiilantc par la penfée quelles
pouvaient être les dernières...
La violence peut s'acharner contre les croyances, les pratiques tradition-
nelles periirtent. Le confeil de la commune de Lifieux peut fermer la ci-devant
cathédrale le 2 | décembre 17»)^ pour empêcher les habitants de la ville de
célébrer la Noël, toutes ces mefures de rigueur ne servent qu à raviver dans
les àmcs les grands souvenirs des fêtes difparues.
Le peuple sent plus qu il ne réfléchit. Il tient aux cérémonies religieufes : au
jour fixé par le calendrier catholique, les fidèles se souviennent des belles
solennités d autrefois et mettent tout en œuvre pour les célébrer encore.
Soucieufc de remplacer ce qu elle avait détruit, la Convention multiplie
les fêtes en Ihonneur de la Raifon. Ce culte laïque était très artificiel en
regard du culte héréditaire. Tout étriqués dans leur sévère coilume noir,
les repréfentants du peuple semblaient bien petits sous les hautes voûtes
édifiées par la foi des anciennes générations. '
I. Dchbérjtton du Confeil gcnérjl. 21 pluviofc. 7 florcal, in II.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE 203
Enfermées dans le cercle des banalités de commande : fanfares, illumi-
nations, harangues enflammées, salves d artillerie, les réjouiflances de la
Révolution trouvent froids les spectateurs. A Lifieux. l'ingénieur Quefnel
fut le grand orgamfateur de ces mamfeftations politiques, morales et civiques.
Malgré son zèle, malgré son entente du décor et de la mife en scène, le
nouveau maitre des cérémonies n aboutit qu à un échec déplorable.
Les solennités révolutionnaires firent du bruit les premiers mois, mais
leur fafl^eufe monotonie. 1 exagération de leur nombre, les expédients arti-
ficiels de leur célébration, les difcréditèrent promptement dans l'opinion
publique. De toutes ces fêtes, l'une des mieux réuffies fut sans doute celle
du 8 juin 1794. en l'honneur de 1 Etre suprême et de la Nature. Elle se
déroula dans la nef de la cathédrale Saint-Pierre. L'entrée du chœur était
fermée par un immenfe rideau tricolore, rehaufle de guirlandes également
tricolores entremêlées de verdure. Chaque pilier reçut également une déco-
ration de guirlandes. Au milieu de la nouvelle clôture du chœur, se détachait
un tableau sur lequel se lifait la Décldrdtion des Droits de l'Homme. Au-deflus
de ce cadre et sur toute la largeur du rideau, en lettres de fleurs, apparaiflait
l'infcription suivante :
A L'ÊTRE SUPRÊME
Sous la tour-lanterne se dreffait l'autel de la Nature, aux gradins char-
gés de fruits et de fleurs. En face la chaire, deux efl:rades : l'une pour les
orateurs, l'autre pour les muficiens. Une draperie émaillée de verdure et de
fleurs recouvrait la porte extérieure, sur le tympan, les promoteurs du culte
de la Raifon avaient fixé une plaque de marbre noir avec ces mots : Temple
DE LA Raison. Récemment, M. Lahaye a retrouvé cette plaque dans un recoin
de l'Hôtel de ville.
Le 8 juin, à 8 heures et demie, les tambours de chaque compagnie de la
garde nationale battent le rappel. Un peu après 10 heures, les citoyens et ci-
toyennes, chefs militaires, juges, confeillers municipaux, magifl:rats de toute sorte
entrent dans le Temple: les hommes se placent d un côté de la nef, les femmes
de l'autre, les enfants occupent l'allée centrale. Un roulement de tambour
invite l'aflemblée au silence. La municipalité monte sur l'eflrade réfervée aux
orateurs. Après lecture d un extrait du difcours de Robefpierre sur la fête
204 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
du jour, le maire Cœfsin proclame le décret de la Convention nationale.
Les applaudifTements et acclamations prévus au programme ne manquent
pas. La mufiquc de la garde nationale donne un morceau de cir-
conftance. un enfant, au nom de la jeunelTc des écoles, prononce une
allocution. Un chœur de jeunes filles chante 1 hymne à 1 Eternel, suivi d un
difcours et d'un autre hymne religieux exécuté par un groupe d hommes. Le
maire, ceint de l'écharpe tricolore, revient sur 1 eftrade. répète le décret de
la Convention, se met en tcte de la jeunefle et fait si^nc au cortège de
quitter la ci-devant cathédrale. Telle fut la fcte en 1 honneur de 1 Etre
Suprême.
Les grandes lignes de ce cérémonial servirent pour la fcte de la JcunclTe,
pour la fcte des Epoux, pour la solennité de la ReconnaifTance et des Vic-
toires, pour les fêtes de 1 Agriculture et des Vieillards, pour 1 anniverfaire de
la fondation de la République et de la mort de Louis XVL..
Une fcte, à vrai dire, ne se décrète pas, elle réfultc d un idéal commun.
Si, dans les années I7<)> et I7<)}. une foule compacte, par cunofité ou
par peur, se prelTait dans la vieille cathédrale grande ouverte, en ly*»*^ et
l'Jt)b laffiflancc diminue senliblcmcnt. même les fonctionnaires deviennent
tièdes. des fâcheux troublent les fêtes, les muliciens ne préparent plus leurs
partitions '" comme cela se pratiquait dans les années précédentes où l ému-
lation était générale '. //
A Lifieux, comme dans nombre de villes, se vérifie 1 appréciation de
M. Erneft Laviffe : '-' l Eglife seule en France sait créer des fêtes et les perpé-
tuer. // Les fêtes révolutionnaires n ont abouti qu à un '^ fiaico déplorable // '.
Le 12 thermidor an II (v> juillet \'ji.).\). le confeil général alloue
cent cinquante livres au citoyen Vivien pour les services qu il fait .ui temple
de la Raifon. Il doit, en ettct. balaver régulièrement 1 ancienne cathédrale,
la lailTer vifiter aux étrangers avides dadmircr ses splendeurs, prendre soin
de Ihorlotîe.
Le 2 frimaire (22 novembre I7<>)K le citovcn Granval est nommé
commifTairc pour allifter au dégalonncmcnt des ornements liturgiques. Le
l<) ventcSfc ((> mars ly'»*)). rafTcmblcmcin du peuple dans le temple de
1 . Correfpomijttce de h Mutticipjlité. i "qh.
2. Jofcph Fabrc, Les hourrejux de Jejnne-d' Arc. Paris, i o i ^ , p. 217.
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
205
l'Éternel, afin d'établir la lifte des indigents. Le 1 1 floréal (30 avril 1793),
les sections de 1 Unité, de 1 Egalité et de la Fraternité s'entendent « pour
enfemble aller demander à la municipalité tous les renfeignements néceffaires
sur les dilapidations et dévaftations commifes dans les ci-devant églifes de
cette commune, s'enquérir s'il y a eu des réquifitions formelles données par
Frémanger, repréfentant du peuple, pour les commettre //. Habilement, le
confeil général évite la réunion, mais le 7 fructidor (24 septembre 1793),
plufieurs membres de la
section de l'Egalité récla-
ment l'ouverture d un édi-
fice pour y profefTer le
culte catholique.
Un mouvement irré-
fiftible de lopinion avait
forcé la Convention à
voter, le 30 mai 1705, le
libre usage des églifes non
aliénées: de tous côtés,
les paroiiTes redemandent
leurs églifes. Dans plu-
fieurs, on force la main
aux municipalités, les prê-
tres qui se cachaient réap-
parailTent. Le confeil de
la commune, à Lifieux,
ne montra aucun empreflement à favonfer un pareil mouvement. Cepen-
dant, le 2 S fructidor (14 septembre 1793), l'horloge de la ci-devant
cathédrale eft mife en réparation. La couverture eft auffi vifitée. Le 22 floréal
an IV [\i mai 1796), l'adminiftration municipale, dans une lettre au
département, 'r réclame contre l'aliénation poffible de la ci-devant cathé-
drale Saint-Pierre //, c'eft le seul local convenable pour réunir les citoyens
en ademblées primaires ; ce motif intéreflant doit le faire conferver et
excepter de la vente. La confervation de léglife ci-devant Saint-Germain
ne s'impofe pas moins : ''-' Cet édifice servant de magafin aux fourrages.
F'g- 73-
Vue de Lisieux. prise de la route de Pont-l'Evêque.
206 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
tant des diftricts de Lifieux que de Pont-l'Evèque. ne peut être vendu
puifqu il est elTentiel au service public. //
Le 12 prairial an IV (^ i mai 17QO). la municipalité s'explique près
de l'adminirtration départementale sur les orgues : "' Il nous eft impolfible
de conftater des buffets d'orgues dans notre commune, ceux qui v exiftaient
ayant été vendus sans réferve par la ci-devant adminiftration du diftrict. »
Le 2 vendémiaire, an IV (23 septembre i7»-;()). la municipalité reçoit une
pétition demandant une églife pour 1 exercice exclufif du culte catholique.
La réponfe eft nettement défavorable. L'adminiftration redoute que 1 ou-
verture dune églife n occafionne des troubles et ne diffipe la tranquillité
dont jouit la cité depuis la fermeture de ces édifices religieux. Toutefois,
s'apercevant que les catholiques étaient décidés à s'emparer par la force de
leurs anciennes églifes. dès le 27 vendémiaire an V (iN octobre l 7<>(>),
l'adminifliration municipale rendait au culte la ci -devant églilc de
l'Abbaye.
Le •; ventôse an V (21 février 17^7). « le citoyen Gondouin choilis-
sait l'enceinte de la ci-devant églife Saint-Jacques pour y exercer le culte
catholique. //
Durant ce temps, Saint-Pierre servait toujours aux fêtes civiques, de
plus en plus troublées, de plus en plus affadies par 1 abus de froides ab-
stractions. Le I *) germinal an V (j avril 1707). l'adminiffration municipale
décide de réparer la toiture de la sacriffie où la pluie tombe avec abondance.
Le S thermidor an VI (2^) juillet 170N). la mufique de la garde
nationale reçoit de la municipalité d'amers reproches pour son manque de
zèle dans les fêtes républicaines célébrées dans Saint-Pierre. Le 27 vendé-
miaire an VII (iS octobre 171)^). le commandant de la garde nationale
est à son tour admonefté dans ces termes : " C cfl tivcc pcuie. citoyen, cjuc
ï Admimfhrdùon d \u. dans le lien lieflinc À Li réunion des citoyens (jue le
silence n'efl pjs ohfervè. En vdin elle a rccLvnc ce silence si nècejfdire. elle
n \t pu l obtenir. Li nhilveilLince y sentit-elle pour cjuelcjue chofe.'' ou les
enfmts sjns leurs parents, se rendant dans ce lieu sans s être pénétrés du sujet
du raffenihlement ordonné par la loi du 1 ; fructidor dernier, se sont-ils
abandonnés à des jeux et à des bruits (jui ne sont cjue pour troubler l ordre et
empêcher (jue les plus près de leflrade. où se place l Adminiflration. n entendent
HISTOIRE ANECDOTIQUE DE LA CATHEDRALE
207
aii'dyec beaucoup de peine la lecture des lois et actes émanés de l autorité
publique, parvenus à l\Admimjhration pendant le cours de la décade:'
Cefl pour obvier à ces inconvénients que nous vous adreffons la préfente
et vous invitons à l avenir, et jusqu'à
nouvel ordre, de donner pour con-
figne que tous ceux qui seront trou-
vés fdifant du bruit dans l'enceinte
dejlinée à la réunion des citoyens
pendant la cérémonie décadaire soient
contraints d'en sortir, et, en cas de
refus d obéir, qu'ils soient conduits
à la salle de difciplme jusqu'après
la cérémonie, pour être par l'tyidmi-
nifhration pris le parti convenable. »
A partir du 1 3 août 1800.
les fonctionnaires, les salariés du
gouvernement, les autorités locales
viennent seuls au temple déca-
daire... Deux ans plus tard, le
I ) août 1802. la cathédrale Saint-
Pierre était officiellement rendue
au culte catholique comme simple
paroifTe. L'évèque de Bayeux. Mon-
seigneur Brault, défiena, pour pré-
gna, pour p
fider la cérémonie de réouverture,
M. Euftache Le Jeune de Créquy,
ancien vicaire général de Mgr de
la Ferronnays.
En cette fête de l'AfTomption Fig. 74.
dXT . T^ 1 ^L'J 1 '- • Tombeau de M. de Créquv. au cimetière de Saint-Désir de Lisieux.
e JNotre-Uame, la cathédrale était ^ ■
trop petite pour la foule immenfe. Après le chant du Mi fer ère et du Te Deum,
M. de Créquy, tenant à la main le Saint-Sacrement, fit le tour de l'églife.
Précédant la proceffion, M. l'abbé Millet difait à la foule : « A genoux,
c'efl: votre Dieu qui paiTe. » Au souvenir de leurs égarements d hier, beau-
208
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
coup d'affiftants ne purent retenir leurs larmes. La melTe fut célébrée sur un
autel très rudimentaire dreffé à la hâte par MM. Goron et Farcy. menuifiers.
Dans la cathédrale rendue au culte, tout eft délabré, rien ne refte des
objets nécefTaires à la célébra-
tion des offices. C eft la grande
défolation ! Le sous-sol boule-
verfé par endroits, des statues
sans tète, des arcatures et des
colonnes brifées. les tableaux
lacérés, les vitraux en ruine re-
difent à tous les horreurs et les
attentats qui s v commirent
pendant près de dix années.
L excès du défaflre provo-
ua le renouvellement néccfTaire.
^ S
les iiardiens
Malheureufement
du temple ne surent point ai-
guiller dans un sens ellhétique
:tiqi
1(
iPÎ:
^*&- 7\ ~ ^- D»"!"). Mchitecte.
les premiers ciiais de restau-
ration. Ils couaircnt au plus
prcfTé. Soucieux de panier en
toute hâte les plaies béantes de
la vieille cathédrale, les rcllau-
rateurs du premier Empire accomplirent des travaux coûteux c|ui rcRent le
défcCpoir des architectes contemporains.
Après iSjo, MM. Piel. Danjov. Naples. Sainte-Anne Louzier. De la
Rocc|ues. ont tour à tour repris, pierre à pierre, les afliles branlantes du
monument; dans le calcaire rongé par 1 âge, ils ont inféré avec difcrétion
de la pierre neuve. Les murs ont été débarrallés du vilain badigeon qui
dérobait au regard les profils et les sculptures. Le premier de ces architectes,
Picl, n a fait qu amorcer le travail de renouvellement, et cependant sa phylio-
nomie reliera déformais inléparable de la cathédrale Samt-Pierrc.
Picl aimait pafiionnément ce bel édifice ogival. Son plus vif défir était
de créer autour du glorieux sanctuaire une atmosphère d affection. Un de
HISTOIRE ANECDOTIQL'E DE LA CATHEDRALE
209
ses amis nous l'a montré errant dans la nef. palTant de longues heures à
contempler les larges affifes des piliers, les corbeilles des chapiteaux, les
arcatures. les retombées des voûtes, obfervant les jeux d ombre et de
lumière et les reflets des vitraux. Mais c'était surtout pendant les offices du
soir qu'il se plaifait à regarder attentivement 1 édifice, quand la foule le ren-
dait vivant, quand les ombres à peine diffipées par endroits, lui donnaient
une profondeur myftérieufe. Les piliers de la nef. ceux du tranfept. ceux du
chœur, les croifées d'ogives, à
cette heure difcrète. lailTaient
mieux deviner les penfées des
créateurs de 1 œuvre.
La cathédrale ne fut pas
ingrate à l'égard de son ardent
protecteur. Elle devait le rame-
ner à la pratique religieufe. Et
c'efl: là. semble-t-il. l'une des
plus belles pages de son hiftoire
à travers les âges.
Sans doute, il n efl: pas né-
ceflaire de pofleder des convic-
tions religieufes pour éprouver
un plaifir de vénération devant
les temples catholiques. Quoique
n admettant pas encore la vérité
tranfcendante et divine de la
religion du Chrift. Maurice
Barrés, dans un livre rythmé
comme un poème, ne vient-il
pas de plaider magnifiquement
Fig. 76. — Deuils du grand portail.
la caufe des églifes de France ? Piel commence par jouir de la beauté
sereine de Saint-Pierre. Son àme eft impreffionnée, elle s accoutume à
l'ordonnance de l'édifice, et ne tarde pas à se prendre d'une ardente sym-
pathie, puis dune admiration croiiTante pour les grandes lignes inaltérées
de l'œuvre. La forme ne peut se séparer de l'idée qui l'anime. Peu à peu.
a?
3 10 SALNT-PIERRE DE LISIEUX
le jeune architecte comprend c]u une telle merveille d an doit être Texpres-
sion concrète d une idée vraiment supérieure. Dans la cathédrale, son cœur
rciTent un apaifement tout intime, une sécurité inexprimable. " Pour en
mefurer la grandeur, écnt-il. pour en admirer la majefté. je suis obligé de
lever les yeux vers le ciel et me voilà déjà dans 1 attitude de la prière. //
Il y a plufieurs chemins qui mènent à la croyance, a déclaré F. Brune-
tière dans un livre célèbre. Et de fait, on peut croire, pour des raifons
intellectuelles, ou morales, ou hiftoriques. ou sociales et pour d autres motifs
encore. Piel a cru pour des raifons d ordre efthétique. C eft en dreiTant lin-
ventaire architectural de la vieille cathédrale gothique, qu un jour il a en-
tendu les pas et la voix qui firent treflaillir les difciples de 1 Evanc;ile.
Œuvre d art. symbole de vérité, la cathédrale devenait pour larchitecte le
corps mvftique du Chnfl dont 1 ame se mêlait à son àme.
Commencée dans 1 indifférence, sa vie s acheva dans la pénitence, le
silence et le recueillement d un monaftére italien tout proche de 1 immenfc
plaine de Marengo. A peine le nouveau converti avaii-il revêtu la robe
blanche des dominicains, que le Père Lacordaire devina sa haute valeur
morale ; " Dieu, écrivait-il. nous d en\oyé dernièrement, dans L.-A. Piel.
un jeune homme d un rare mérite. //
A 1 aube du vingtième siècle, le ^^ mai l qOQ. Mgr Lemonnicr. évcque
de Bayeux. en souvenir du pafTc de la cathédrale, a daigné accorder aux
curés succeffifs de Saint-Pierre le titre d archiprètre et aux vicaires de la
paroiffc. chantres et enfants de chœur, le cofKime en ufa^e à la cathédrale
de Baveux.
La brillante fortune de 1 une n empêche pas 1 autre d être vivante encore.
Au jour d une belle fête, quand la cité tout entière emplit la vieille cathé-
drale, quand les clartés jovcufcs de 1 électricité soulignent puifTammcnt
1 harmonie de son architecture, quand la maitrife exécute les plus belles
créations des grands maitres. elle préfente toujours une nchelTc inouïe de
pcnfécs et d émotions. Aux générations actuelles, la cathédrale montre par
son exemple comment il faut s adapter aux circonftanccs et, après une vie
somptueufc. accepter une vie plus simple.
PL 63
MONSEIGNEUR LEMONNIER, ÉVÉQUE DE BAYEUX ET LISIEUX
CHAPITRE VII
LES VITRAUX
RNEMENTAL au plus haut chef. 1 art somptueux du vitrail
qui. pendant le moyen âge et la RenaifTance. a été. en
France, inféparable de 1 architecture, fut la forme la plus
brillante et la plus riche de la peinture monumentale.
C efl; un art auffi français que l'architecture dite gothique.
Léon dOftie' et le moine Théophile' sont les premiers qui aient parlé
clairement de 1 art du peintre verrier: le second surtout reconnaiffait la
supériorité des ouvriers de la Gaule '^ in hoc opère peritiffimi /,.
Une véritable révolution s'accomplit dans 1 art chrétien lorfque la figure
humaine fut tranfportée de la paroi dans la fenêtre et de la mofaïque ou
de la frefque sur le vitrail. Ce fut alors tout un enfeignement théologique
en images lumineufes.
Cette profonde poéfie de la lumière que nos climats ne connailTent pas,
éclat des verdures éternelles, splendeurs des montagnes lointaines et de la
1. Chronici Cafînen(ls. édit. Dubreuil. Paris, 1605, lib. III, cap. 10. 27.
2. Theophili prep>yteri et monachi libri III. seu diverptrum artium schedula, édit. de TEfca-
lopicr. Paris. iS43,lib. II.
2 I 2
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
mer, tout cet enchantement dont rêve l'homme du Nord, nos artiftes le
mirent dans leurs vitraux. Le vitrail eft l'art des pays sans soleil.
Jufqu'à l'apogée de la RenaifTance, les églifes de France, toujours plus
légères et plus aériennes, s'enrichirent à 1 envi de ces clôtures splendides qui
conftituaient des peintures tranfparentes.
La cathédrale Saint-Pierre reçut, à 1 origine même de sa conftruction.
une décoration en rapport avec son importance, notamment des vitraux
peints. Il nous en reftc un témoignage précieux dans un médaillon repré-
sentant le Chrifl: affis et bénilTant. qui remonte à la fin du xu' siècle.
Deux autres fragments pour le xiii" et quelques morceaux aiTez impor-
tants pour le xv", prouvent que notre vénérable cathédrale avait été poun'ue
d'une vitrerie peinte sur laquelle, malheureufement. nous ne polTédons que
fort peu de textes narratifs.
Il nous faut arriver à la fin du xiv' siècle pour trouver une mention
précife se rapportant aux vitraux. Nous savons en effet que le i 7 janvier i "îijo.
nouveau style, ■''' Rogicr de Jiimièges ' congnut que. pour Lî somme de
LXl^II livres tournois, dont il se tint pour content, de XXX livres et de tout
le vieil verre que. il doit avoir pour cjufe de ce. il efloit tenu et promijl verrer
les y^I chapelles de Sdint-Pierre de Lifieux. devers le nuinoir Monficur. si
comme plus d pldin efl contenu pdr Id ccdule sur ce fdite. Liquelle meffre
Jdcques Guérdrt d devers lui. Ltcjuelle il doit kiillier. et les XXXVÎI livres
qui demeurent d pdier d ces termes : qiidnd IIII fenejhes premières seront verre:i^.
XVII livres X soûls, et les diitres XVll livres X souhs qudut Id befogne serd
pdrfdite\ //
Ce texte, dans son laconisme, ne nous permet pas de nous faire une
idée très précife du genre de travail que devait exécuter Roger de Jumiègcs.
On sait toutefois qu'il s'agit des chapelles du collatéral Nord et qu un
I . Rot;cr de Jimiicgcs dut se fixer i Lificux où il polTcdiit un héritage près h place aux
Fruiiagcs de la cohue de révcquc. Cet héritage fut acquis par la suite par Richard du Boulay
et son frère qui le fietfcrcnt. le 2 avril 144^, à Jean PicI, moyennant une rente de 4 livres
10 sols. CjTtttbire de Thonus Bjftn, fol. 70, ms. n" ^ de la Bibliothèque de Lifieux. — De
Formevillc, Hijïoire Je l'jncieit è\èché-comté de Lifieux, t. II, p. 3;^.
2. Extrait du H^egiflre de Giiilbutiie Guèrjrt, ubellwn de M. de Lifieux, i jqo-i ^q2. Ar-
chives de M" Dclaruc, iietaire. — Voir Le /^rveiV libérjl du 4 novembre iqo^.
LES VITRAUX 213
marché, plus amplement defcriptif du travail à exécuter, avait été pafTé avec
l'artifte à cet effet.
Un autre texte, emprunté au même regiftre. eft beaucoup plus explicite
en ce qui concerne la vitrerie des hautes fenêtres de la nef et du chœur.
Voici ce texte : ^' 7 ^vn/ i^ço. En dit jour fut préfent I{ogier de Jumièges
qui congnut que pour Id somme de LV livres tournois que lui avoit promis
mefjire Jacques Guêrart. fabriquer de la fabrique de Saint-Pierre de Lifeux,
il ejloit tenu et promijl faire et verrer à ses propres cous et defpens, tout le
haut de la nef de ladicte églife de Saint-Pierre et toutes les verrières, border de
bonnes coulleurs et en celles de devers le cuer, en chacune un ymage avecqucT^
son tabernacle, et avecqucT;^ ce. doit icelluy Rogier, faire et verrer XVI fenejhres.
cejî affavoir X de neuf verre et VI de vieil verre qui y ejl, et promijl faire
ycelle befoingne, à commencher du jour diid. et continuer jufque^^ ad ce que la
befoingne soit achevée. »
Nous savons donc par cet acte que les fenêtres du choeur étaient gar-
nies de vitraux à perfonnages placés sous des édicules ou dais, se détachant
sans doute sur des étoffes damaffées, comme c'était la coutume alors.
Il nous faut parvenir au milieu du xv'' siècle pour trouver de nouvelles .
mentions relatives aux vitraux, encore semblent-elles se rapporter à des
verrières garnies de réfilles de plomb. Dans un ancien regiftre des comptes
de la fabrique, sous l'adminiftration de Thomas Basin", on trouve qu'en
1452 Robin d'Arqués, vitrier, avait defcendu de la lanterne de l'églife
VII formes de verre pour les rappareiller et les remettre en plomb neuf.
Chaque forme contenait () 3 pieds et il lui était alloué 2 sols 3 deniers par
forme suivant le marché qui avait été paffé avec lui par le doyen, le vicaire,
le tréforier et autres de la chapelle Saint-Nicolas.
C'eft probablement en vue de ce travail que Robin Jehan avait touché,
en cette même année, une somme de i S sols pour avoir fait XVIII claies
de bois neuf.
Pendant le cours du xvi' siècle, de nombreux travaux furent faits aux
vitraux, simples travaux d entretien que nous nous contenterons d énumérer
I . Quicherat, H/y?Oîrf de Charles VU et de Louis XI, par Thomas Bafin, Société de l'Hifloire
de France, t. IV, p. 299.
2 14 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
sommairement, les textes s'y rapportant ayant été intégralement publiés'.
1303, 28 septembre, — Thomas Doefnart. " verrinier de la paroilTe
Saint-Jacques //. répare et remet en plomb sept fenêtres de la lanterne.
I 30O. Le même delcend. répare et remet en place les trois verrières du
pignon de la croifée '' vers la fontaine bouillant // et une autre verrière proche
le doyenné. A la fenêtre du milieu du croisillon Sud. il poie trois éculTons
et plufieurs autres pièces peintes.
i")2"). Le même répare lune des vitres du haut de 1 églile. X'incent
BloiTet " voirinier //. relève deux des panneaux de la fenêtre du côté du
palais près le grand autel du chœur: en répare une autre devant les orgues
et devers le reveftiaire et met des lozanges à la chapelle de Saint-Urfin.
l^aS. Le même remet en plomb neuf une des " voirrines // de
la lanterne.
I") jS. Jehan Le Grand, travaille à la chapelle Saint-Taurin et à la
chapelle Saint-Michel.
1 5 ") .^"' V^")- Pierre Gauvin entretient la vitrerie et fait quelques
travaux aux chapelles Saint-Denis. Saint-Michcl et Saint-Martm.
Quelques menus travaux furent faits, en 1 *) N - ^^ i y''- p-'^'' Laurent
Le Charpentier et Guillaume Mocquerie.
La deftruction de nos vitraux fut commencée par le fanatifmc religieux
des calvinides; mais elle fut continuée de façon syftématique par les cha-
noines du xvii' siècle, sous prétexte que les verres de couleur oblcurcillaient
1 cglife et qu ils les gênaient dans la lecture des offices.
En ihS-y, l'œuvre de defliruction était très avancée à Lilieux; François
Samson et Rochcry. serruriers, travaillaient avec Mercier, vitrier, à la vitrerie
de la cathédrale pour laquelle on ne dépenfa pas moins de (><•<> livres l s, sols.
et pourtant, par économie, on allait chercher le verre en paniers aux ver-
reries de Conches et de Beaumont. L année suivante. 1 œuvre de vandalilme
était accomplie. Rien ne fut oublié, pas même les fenêtres de la lanterne'.
1 . Comptes de b fjbricjue de b Cjthèdrjle, dans Bulletin de b Société Hiftoricjue de Lifieiix.
n" 13. I i>oo, p. I 2 et suiv.
2. Charles VafTeur. Etudes hiflori<jues et jrcbéologitjiici un b Cjthédrale de Lifcux. p. 7Q.
LES VITRAUX 215
L'auteur anonyme du Mémorial, 'di la date de T 68 8, parlant des travaux faits
par ordre de Meffieurs les chanoines pour embellir leur églife, écrit tout
simplement : '< Ils l'ont fait vitrer de neuf en ôtant toutes les anciennes
vitres qui efloient fort obfcures ' . »
Le vandalifme des chanoines dépafTa celui des calviniftes du xvi^ siècle ;
ceux-ci ne s'attaquèrent qu'aux sujets à portée de leurs atteintes, tandis que
les premiers détruifirent méthodiquement les verrières les plus élevées, à grands
renforts de difpendieux échafaudages.
Ce sont les verriers du xii^ siècle qui imaginèrent d'enfermer les divers
épifodes d un récit dans une série de médaillons circulaires, et le vitrail tout
entier dans une bordure magnifique. Ce sont eux qui étudièrent patiem-
ment les lois de Iharmonie des couleurs et qui découvrirent ce beau bleu
profond, pareil à un ciel d été, qui palpite dans latmofphère, derrière les
personnages.
Les vitraux du xii^ siècle nous apparaiffent déjà dans toute la splendeur
de leur coloration harmonieufe et puiffante. témoignant d'une technique
très avancée. La tradition byzantine se reflète sur les verrières. La simplicité
des compofitions et des mouvements, l'expreffion calme des figures sont ins-
pirées d un sentiment très profond. Les sujets, généralement de petite
dimenfion et infcrits dans les médaillons, s'enlèvent en coloration franche
sur des fonds d'intenfité variée.
A Saint-Pierre nous ne polTédons plus que deux fragments de ces vi-
traux primitifs : une petite roface décorative et un Chrift affis et bénilTant,
confervés à la sacriftie de la cathédrale.
La roface. qui n'a que 24 centimètres de diamètre, eft sur fond bleu,
formée de quatre palmettes jaunes sur fond brun et quatre feuilles rouges
sur fond noir. Au centre, un quatre - feuille en vert clair sur un fond
sombre.
Le médaillon, qui mefure .) 1 centimètres de diamètre, repréfente un
Chrifl: de majefté. affis et béniflant. Un nimbe bleu, crucifère jaune, entoure
sa tète ; il porte une robe jaune-brun que recouvre un manteau vert ; 1 en-
I. Mémoridl de ce qui s'ejî pajfc de plus remarquable dans la \ille de Lifieux. jùjù-i yij,
dms Bulletin Soc. Hifî. de Lifieux, n° 6, 1875, p. 13.
2i6 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
semble de la compofition se détache sur un fond brun foncé. " La figure
du Chrifl eft traitée en lignes raides sur des verres d une teinte sombre
afin de faire mieux refTortir 1 expreiTion de la tète encadrée de bleu clair.
Quelques incorrections se remarquent dans la figure; Tenfemble du cofKime
cft lourdement drapé, la monture de plomb durcit encore les traits, mais
cette dureté n cft pas inutile, elle augmente le 'réalifme de la peinture'. //
Et ceci cft conforme à la tradition de cette époque, qui repréfentc tou-
jours le Chrifl: comme un homme dans la force de 1 âge. de trente-cinq à
quarante ans. conftamment barbu, jamais souriant, à la figure sérieuse
quand elle ne fi: pas trific \ Le Chrifi symbolife à la fois I être et la puis-
sance par excellence; les beaux manufcrits grecs de la Bibliothèque natio-
nale le démontrent dans leurs miniatures, et Guillaume Durand"' remarque
que. même dans 1 églife latine, la toute-puifTance efi attribuée à Jéfus. Il dit :
Iifhtgo Chrijli... pictd ut rcfidcns m throno. seu m solio cxcclfo. prdcfcntcm
indiciît iihtjcjldtcm. qiijfi dicdt : DdLi ejl ei potcjlds in cœlo et in tend. /,
Au xiii" siècle, notre cathédrale s'enveloppa dans ce voile irifc dont nous
admirons encore les refies de ses scintillantes broderies.
Les médaillons dits léiiendaires. à fonds bleu ou rouiic. s enlèvent sur
d étincelantes mosaïques qu entourent de riches et larges bordures à
feuillages. Les armatures de fer foiiié suivent le contour des médaillons,
forment comme le squelette du vitrail et contribuent, par leurs silhouettes
noires, à donner de la fermeté à la compolition qui. à difiance. n c^
jamais confufe.
Le verrier ne cherche pas à faire une cviivre individuelle, defiince à être
examinée ifolément ; son but c^i de concourir, sous la direction unique du
maitrc de 1 œuvre, à rornemcntation du monument.
Non seulement par une judicieuie et harmonieule difinbution des cou-
leurs, il illumine 1 intérieur de la cathédrale d un jour à la fois mvfiérieux
et splendide qui ajoute à la sévérité grandiofc de larchitccture ; mais encore
il afpirc, comme 1 imagier, à présenter 1 enicignemcnt des vérités fonda-
mentales de la religion, les récits de la Bible, les vies des saints et. parfois,
1. Conférence de M. l'abbc Hardy, donnée ï Lisieux en décembre igi3.
2. Voy. Didron, Iconogrjphic chrétienne, Hijloire de Dieu, Paris, 1843, p. 3 n et suiv.
^. I{jtionjle diwwTum officiorum. lib. I. cap. m.
PL 47
LE CHRIST EN MAJESTÉ. VITRAIL DU XII* SIÈCLE iDcsin de R. Salles).
LES VITRAUX 217
il exprime des idées théologiques plus savantes et plus compliquées que
celles que développent les sculptures des façades.
Les vitraux narratifs confacrés à la légende des saints sont beaucoup
plus fréquents ; ce sont les pages éclatantes d'une légende dorée. L enfemble
formait un des plus beaux livres à miniatures que jamais prince ait payé au
poids de l'or.
Que refte-t-il aujourd'hui de cette vitrerie merveilleufe qui ravifîait et
extafiait nos aïeux du moyen âge f A peine un vitrail complet ou du moins
un médaillon à double scène, que l'on a divifé pour 1 infcrire dans deux
verrières modernes exécutées, avec alTez de goût, dans le style qui nous
occupe.
Ces vénérables fragments de la riche parure de notre cathédrale se
voient aujourd hui dans le collatéral du croisillon Nord, au-deilus des autels
Saint-Pierre et Saint-Paul.
Le vitrail au-deiTus de 1 autel Saint-Paul a confervé une scène de la vie
de saint Jean l'Evangélifte. son martyre à Rome devant la porte Latine. Sous
le nom de saint Jean Porte-Latine fjodnnes diite portdm Idtindm) on fête
chaque année le martyre que, vers 1 an qO, 1 empereur Domitien. fit endu-
rer à l'apôtre, en le plongeant dans une chaudière d huile bouillante, dont
il sortit sain et sauf suivant la parole de Notre-Seigneur Jéfus-Christ '.
Nous trouvons cette scène fréquemment repréfentée dans les manufcrits
du moyen âge, notamment dans les (^■^pocdlypfes figurées, dont les biblio-
thèques pofTèdent de nombreux exemplaires. De tous les manufcrits signalés
par L. Delisle', nous en avons choifi deux qui. par leur caractère éminem-
ment artiftique et par leur origine anglo-normande, nous ont paru offrir
un intéreffant objet d'étude et de comparaifon avec les vitraux qui nous
occupent.
C eft d'abord le beau manufcrit R. 16, 2, du collège de la Trinité à
1. Joan, XXI, 22. — Act. Apojl., III, i-S. — Voy. Legendd Jtirea, De Sjticto Johanne.
A Rome encore, la chapelle San-Gio\jnni-in-oleo pafTe pour occuper l'emplacemenr même du
supplice. Ce sujet a été très souvent repréfenté au xui*^ siècle; voyez notamment Emile Màlc,
L'^rt religieux du xiti'^ siècle en France, p. 330.- — -Lucien Bégule, Les Vitraux du moyen âge et
de la B^naijfance dans la région lyonnaise, Paris, iqii, in-4, p. 3').
2. Mémoires sur les figures de l'Apocalypfe. dans l'Apocalypfe en français au xiti' siècle,
publiée par la Société des anciens textes français, Paris, 1901, p. i-i i .
aS
2iS SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Cambridtçe . dont les miniatures sont des œuvres de tout premier ordre ' et
dont les légendes en français ont deja attire 1 attention du savant Samuel
Berger'.
Le second eft un manulcrit qui fit jadis partie de la " librairie // de
Charles V et qui se trouve aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, n'' jo^
du fonds français \ Ces deux manufcrits. du xiii" siècle, nous seront d'un
précieux secours pour identifier d une manière abfolue les deux fragments
de vitraux de cette époque que notre cathédrale poiTède aujourd hui.
Le manufcrit de Cambridge expofe ainfi la scène du martvre de 1 apôtre :
f le empereur cruel, purfur des crejliens. j l^i cummaundement d fut nus en
un tonel de oiele drddunt. pur la cunfeffon del nun Jefu Crij}. dunt il en ifjî
SI ne fu de ren hlefcé. pjr Id grâce de Deu. /,
L empereur Domitien. vêtu d une robe brochée verte que recouvre un
manteau rouge, la tète ceinte de la couronne rovale et tenant le sceptre,
eft affis sur un tronc à droite. Près de lui. deux perfonnages debout. L a-
potrc. nu. les veux au ciel, les mains élevées dans 1 attitude de la prière, cil
plongé à mi-corps dans une valque verte repofant sur un trépied de fer.
.•Xu-deflous. un braficr dont les flammes entourent la valque.
Si maintenant nous rapprochons de ce vitrail la miniature du ms. R. i <>
de Cambridge et celle du ms. franc, jo"; de la Bibliothèque nationale,
nous trouverons une source commune d'infpiration et une repréfentation
iconographique à peu près identique.
Dans le ms. de Cambridge (fol. i '''». 1 empereur Domiticn el^ aliis
sur un tronc, un petit chien blanc a ses pieds. Il porte une robe bleue à
galon rouge a la ceinture et au col, recouverte dun manteau brun clair
doublé de blanc et semé de fleurons. Sur la tète une couronne rovale d'or,
et dans la mam gauche un sceptre. Près de lui. se tient debout un perfon-
nagc revêtu d une robe blanche à capuchon lui recouvrant la tète : par-defTus
I. Publié par M. R.James. The Trintty collège tyfpocjlypÇe. printcd for thc Roxburghc
Club. London. looi». in-fol.
:. Voy. Waapcn. Trejfttres of jrt m Grcjt Britjm. t. II. p. 4^■;. — - Calleria and Cabi-
nets of art m Gréât BritJin, p. s 24.
•;. Lj Bible frjn^jife jii moyen jge, pp. q';-q7-4o8.
4. Publié par L. Dclisic et P. Mcycr. L' Apoulypfe en français au xiii* siècle. Pans. 1901,
in-8 et album in-fol.
LES VITRAUX 219
sa robe, une dalmatique rofe à galon d or. Il tient de la main gauche une
épée nue la pointe en 1 air. Trois autres personnages afilftent à la scène, et
1 un deux semble vouloir arrêter 1 apôtre, simplement vêtu d une sorte de
caleçon, qui se difpofe à se plonger dans la chaudière, reprèfentèe ici par
une cuve en bois, entourée de cercles rouges et bleus. Sur 1 autre bord de la
même cuve. 1 apôtre en sort sans aucun mal à la grande stupéfaction d un
perfonnage qui se trouve devant lui. Dans cette miniature ne figure, en
somme, que le commencement et la fin du martyre de 1 apôtre.
Dans le deffin au trait, légèrement colorié en teintes rouges, vertes et
bleues, du manufcrit de la Bibliothèque nationale (fol. 2). nous trouvons
au contraire 1 apôtre plongé dans la chaudière placée, comme dans notre
vitrail, sur un trépied, au-defius d un feu ardent, que deux tortionnaires
activent avec des soufflets. Un troifième verfe sur la tête du saint le contenu
d'une écuelle. A gauche. 1 empereur efi: affis sur une banquette richement
ornée, portant le cofi:ume roval. mais sans sceptre, écartant- de la main gauche
un perfonnage au profil caricatural qui lui parle à 1 oreille. A droite, on
voit le saint, complètement nu. sorti de la chaudière, sans aucun mal. les
mains jointes, rendant grâces à Dieu.
Il n efi: pas douteux que les verriers du xiu^ siècle aient connu ces figures
de l'Apocalypfe qui furent si souvent reproduites, non seulement sur les
vitraux, mais en tapifTerie. ainii qu en témoignent les fameufes tentures de
la cathédrale d Angers.
Le second fragment, qui semble bien avoir fait partie du précédent,
efi: infcrit dans le vitrail placé au-deflus de 1 autel Saint-Pierre : il repré-
sente une autre scène de la vie de saint Jean. La légende Sanctiis Johannes
eyd^^ngelijld'^. qui se lit au bas de ce fragment, semble bien démontrer
que ces deux panneaux appartenaient primitivement à une même verrière
décorant la chapelle Saint-Jean, qui se trouvait autrefois dans le croifillon
Sud. La scène reprèfentèe ne comporte que trois perfonnages : 1 apôtre, un
homme debout à droite et au centre une femme, à moitié enveloppée
d'un suaire, les mains jointes, affise sur un brancard. Nous avons devant
les yeux la résurrection de Drufiana par 1 apôtre saint Jean. Ce thème a été
emprunté par Jacques de Voragine à un hiftorien fabuleux de 1 évangélifie.
qui a JOUI de quelque crédit au moyen âge. On attribue ce récit à Abdias
220 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
de Babylonc. dont l'œuvre fut publiée en i "> •> i . par Wolfgang Lafius.
sous le titre de Hiflorid ccrtdminis dpcflolici. Le pape Paul I\'. en i^^7.
ccnfura l'ouvrage et le rejeta comme apocr\phe.
Quoi qu il en soit, le récit d Abdias. interprété par 1 auteur de la
Légende doTcc. infpira les verriers du moven âge, qui puifèrent dans les
récits de Jacques de Voragine de nombreux sujets iconographiques pour
1 illuftration des léi^endes des saints.
Voici une adaptation du récit d Abdias. que nous trouvons dans une
ancienne traduction françaife de la Légende dorée, imprimée à Lyon vers
14 (S 2. par Nicolas Philippe et Marc Rcynaud :
Et lors Siiinct Jcdn cjiii Ai jvoit ejlé aporté À grjnt injure, fut jniené en
Ephesc j gr.int honneur et toutes les gens couroient À l encontre lui et
difoient : Bcnoijl es-tu qui viens du nom de Notre-Seigneur Jefus-Chrij}. Et
qudnd il entrd ddns Id cité, Drufdnd. qui dvoit moult déjiré sd venue, étoit
portée morte, et les pdrents d icclle et les veuves, et les orphelins, dirent d
Jedn : Voici. Jedn. Drujuind morte que nous portons, qui obéijfoit d tous tes
ddmonejlements et nous nourrijjoit tous et défiroit moult td venue et dprcs
difoit : Hd. hd. SI je voie l dpotrc Dieu dvdnt que je mourujj'c. et tu es
venu et elle ne te peut voir. Et lors comnundd d mettre yus Id hiere et délier
le corps et dit : Notre-Seigneur cjl rcjfufcité. Drufidud lève. sors, et vd en
td mdifon et me dppdrcille nid réfection. Et celle se levd tdntot et s en dlld
vers Sd mdifon toute curieufe du comnidiide de l dpôtre et lui étoit dvis que
elle n étoit pds revenue de mort, nidis éveillée de dormir .
Dans le manufcrit de 1 Apocalvpfe confervé à Cambridge {fo\. ■; "; ) on
trouve la repréfentation de la réfurrection de Drufiana. rcpréfentéc par une
curieufe miniature avec les légendes suivantes : Ci cornent lemporte Dru-
sidnd pur enterer c cum semt Johdn Id refufcite pdr Id prière des poeveres.
Un deue es tri semt Johdn prêche c un verrdi Jhefu Crifi Noihe Segnur.
Bcdu sire vfc^ vojhre dmie Drujieinc tre nus portum ci morte tre defireit
I. Cité par Firmin-Didot. Da Apocdlypfes fgurces. Pans. iiS7o. in-S, p. ;',. — \oy.
aussi Lj Légende dorée, édition ci traduction Rozc. t. I. p. Q4. — Euftbc. Htjl. ecclés., lib. III.
cap. I .
LES VITRAUX 221
yofhe repeir. — Li men segniir Jhefii Chrifi te refiifcite Drufieine. Leve;^
SW5 si vd d td mesiim, si me dpdrdile d mdnger.
Dans ce manufcrit. la scène se déroule à la porte même de la ville
d'Ephèfe, où saint Jean se difpofe à entrer. L alTemblée eft beaucoup plus
nombreufe. puifqu'elle ne comporte pas moins de dix perfonnages. Deux
d'entre eux préfentent à 1 apôtre des sortes de pancartes, sur lefquelles se
lifent les légendes que nous venons de reproduire. Drufiana eft affife sur
un brancard élevé sur quatre pieds et pofé à terre. Elle eft encore, comme
dans notre vitrail, à moitié vêtue de son suaire, sur lequel une ample dra-
perie eft rejetée. C'eft le moment de la réfurrection.
Dans le ms. français 403 (^fol. 43 '°). la scène eft divifée en deux
parties. D un côté, les gens d'Ephèfe sortent de la ville et viennent au
devant de 1 apôtre lui annoncer la fatale nouvelle. De l'autre. Jean vient
de franchir la porte et se trouve devant le brancard que 1 on a arrêté
près de lui. Drufiana y eft affile, nue. recouverte d un drap aux plis mul-
tiples et compliqués. Elle joint les mains et regarde 1 apôtre d un air
étonné. Elle semble une toute jeune fille, tandis que sur notre vitrail et
sur le ms. de Cambridge c eft déjà une femme d un certain âge. Près du
brancard, deux cierges allumés et. à terre, deux clochettes et un vafe
d'eau bénite avec son afperfoir. Cinq perfonnages. dont 1 un porte une
croix de proceffion, se trouvent derrière le brancard et trois autres sont
debout près du saint. Tous manifeftent leur satiffaction contenue et ref-
pectueufe.
Nous avons cru bon de rapprocher ces deux manufcnts des peintures
de nos vitraux : il réfulte clairement de cette coinparaifon que les verrières
repréfentant des scènes de l'Apocalypfe ont été infpirées directement par
les manufcnts qui ont tous à peu près reproduit les mêmes sujets.
A cette époque, les scènes sont en général réduites à leur plus simple
expreffion. aucun détail superflu ne surcharge l'image qui reproduit bien
simplement, mais combien éloquemment, ce qu'elle veut exprimer.
Une infcription, placée au bas du vitrail de droite, nous apprend que
ces deux verrières ont été reftaurées et complétées par Albert Gsell. peintre
verrier à Paris, en 1895. Nous retrouverons, d ailleurs, le nom de cet
artifte lorfque nous arriverons à lexamen des vitraux modernes.
SAINT- PIERRE DE LISIEL'X
Le xv' siècle eft plus amplement repré-
fenté. mais ce ne sont encore c|ue des frag-
ments, cjui nous font regretter la difpantion
du mer%eilleux enfemble que devait offrir la
vitrerie des chapelles des collatéraux.
Ce siècle marc|ue une évolution rapide.
Les artiftes se sont affranchis de la
direction du maitre de 1 œuvre et
semblent travailler moins pour lédi-
fice c|ue pour leur propre réputation.
Au lieu de ces éblouiffantes mo-
laïques diaprées des plus vives cou-
leurs, ils adoptent, autour des per-
sonnaiies s enlevant sur de riches
draperies damaffées. un parti orne-
mental d architectures, souvent enva-
hillantes. et où dominent le blanc
et le jaune d argent. Le dellin se
perfectionne, les formes sont étudiées sur
le corps humain, le modèle des draperies
sur nature et. enfin, la perfpcctive va
bientôt apparaître dans le vitrail. Mais ce
' art sévère
propres
langer pour
c{\ un d
verrier, et la décadence ell proche.
Les quelques spécimens de 1 art de cette
époque se trouvent dans les lobes des tympans
des fenêtres des chapelles du collatéral Sud.
La deuxième tenetre. en entrant par le bas
de la nc^, a confcrvé une Pentecôte ' qui nous
parait avoir subi de séneules reffaurations. La
Vierge aflife. vêtue dune robe de brocart d or,
un voile blanc sur la tête, recouvert par un
ample manteau à orfrois d or. occupe le centre
Fig 77 I^ Vierge, vitrail de U Pentecôte
I . i/fc/. olpoji., II, 1 , 3, 4.
LES VITRAUX
22 '
de L
Gré
de T
Soph
le la composition. Oregoire de iours. :>opnronius,
Métaphrafte. saint Bernard et d autres, montrent bien
que la sainte Vierge partageait la vie des apôtres.
C'eft pourquoi, avec saint Jean Damaf^
cène, saint Chryfoftome et saint Ger-
main, toute 1 Eglife enfin, la proclame
honorée au-deiTus de toutes les créatures.
au-deflus des chérubins, des séraphins et
de tous les chœurs des anges. G eft dans
cette penfée que les peintres de la Pen-
tecôte n'hésitent pas à donner à Marie
la place la plus honorable. Tous les mo-
numents iconographiques, la Bible sy-
riaque de Florence, le Graduel de Priin.
le Pfdiitier du British Mufeum (Lanf-
downe n° 383), nous montrent
Marie occupant dans le cénacle.
au milieu des apôtres, la place
d honneur '.
La Mère de Dieu eft entourée
d un groupe d'apôtres et de difci-
ples au nombre de vingt-et-un. L un tient
un bourdon de pèlerin, un autre un livre.
Tous sont à genoux, les mains jointes ou
croifées sur la poitrine . ou élevées en
un gefte d étonnement. En haut le Saint-Efprit.
sous forme de colombe, les ailes éployées, la
tête ceinte du nimbe crucifère, domine len-
femble. Dans les lobes inférieurs, quatre anges vêtus de
blanc, aux ailes rouges et vertes, sonnent de la trompette.
Un examen attentif de ce vitrail nous a fait décou-
vrir quelques inscriptions, tracées en capitales gothiques.
I. Voy. Rohaut de Flcury, La Sainte Vierge, t. I, p. 233 et
su
iv., t. II. p. 428.
Fig. 7S. Les Apôtres,
vitrail de la Pentecôte.
224 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
sur la bordure des vêtements des perfonnages. Sur 1 orfroi retenant le
manteau de la Vierge, on lit :
p. m. m.
Sur le manteau de 1 apôtre tenant un livre, dans un des lobes supé-
rieurs du vitrail à droite, se déroule une inkription dont nous n avons
pu déchiffrer Cjue :
... muncriis uxin...
L enlemblc de la compofition s'enlève sur un fond bleu onde. Les apôtres
portent des robes de brocart blanches à broderies d or. que recouvrent
d amples manteaux rouges doublés de vert. Qjjcltjucs figures sont traitées
inagiilralemcnt et semblent offrir de véritables portraits. Les phvlionomies
expriment ordinairement 1 étonnement . cjuclques-unes sont empreintes
d une grande douceur et d une puifTante vivacité d expreffion. Les langues
de feu de 1 Efprit saint ne sont pas apparentes, seule la colombe au nimbe
crucifère occupe le lobe supérieur de la fenêtre. La pofe des perfonnages.
le groupement habile et les oppofitions de couleur font de cette scène une
page très expreflive et très agréable par 1 enfemblc iriié du fond qui atté-
nue la violence de certaines colorations.
La troihème fenêtre a confervé un Couronnement de Li l^ierge. qui a
été étudié par Piel à qui nous en empruntons la deicription. '^ Dans la
troilième chapelle à droite du portail, dit-il. il relie une portion de vitrail
allez curieufe. Le gothique allemand des légendes, les plis des vêtements
des anges, la forme de leurs ailes, indiquent un travail du xv" siècle.
C efl un couronnement de la Vierge par Dieu le Père, Dieu le Fils et
Dieu le Saint-Efprit. La Vierge eft à genoux les mains jointes. Elle eft
revêtue d une robe ou surcot d or recouverte d un manteau étoffé à manches
tombantes, bordé d un iialon d or. Ses cheveux sont lifles sur le front et
tombent en flocons d or sur ses épaules.
Dieu le Père e(f coiffé d une tiare d or d une seule couronne et sur-
montée d une croix. Les cheveux et la barbe sont lonm et blancs : un
nimbe vert entoure sa tête. Son cxpreilion efl grave et immobile.
Dieu le Elis a les cheveux de la couleur de ceux de la Vierge, ils sont
longs, peu ondoyants et serrés autour de la tête par une couronne d épines:
PI. 48
TÈTES DAPOTRES, VITRAIL DU XV- SIÈCLE > Dessin de L. Leclerc).
LES VITRAUX
225
son nimbe efl: également vert et crucifère. Le Père et le Fils tiennent la
couronne de la mam gauche et béniffent la Vierge de la droite. Ils sont
enveloppés tous deux dans un même manteau violet.
Dieu le Saint-Efprit se trouve à la hauteur de leur figure, sous la forme
d'une colombe voltigeant sur la tête de la Vierge, il a un nimbe d'or.
Quatre groupes, préfidés chacun par un ange, affiftent au couronne-
ment. Chaque ange tient à sa main une légende: ceux de droite sont
recouverts dune chape, celui qui
refte à genoux a une robe blanche.
Le groupe de droite, le plus
voifin du Chrifl: se compose de
deux vierges, deux diacres, un
évêque. un moine chauve barbu,
robe et capuchon jaunes, manteau
vert, et d une veuve.
Le deuxième du même côté,
au-defTous du précédent, eft com-
pofé d'un roi, d'une reine, d'un
pape entre deux cardinaux et de
deux moines blancs ou religieufes
en prière (à notre avis ce sont des
chanoines, fig. 7c)).
Dans le premier groupe à gau-
che, il ne subfifte d'ancien que les
ailes de l'ange et les trois moines à robes grifes. Dans le second, trois
saints nus, deux moines à capuchon jaune et manteau blanc et deux
autres moines à manteau et capuchon gris.
Tous ces perfonnages sont réguliers, de différentes couleurs. Il efl à
remarquer qu'ils sont sept dans chaque compartiment, non compris l'ange.
Les anges de droite ont les ailes vertes, ceux de gauche les ont jaunes.
Il y a de plus quatre anges portant des légendes et des chérubins cou-
verts de plumes, jaunes et vertes',
Ld Légende dorée ne décrit pas le Couronnement de la Vierge, elle
I, ^Alexandre Piel, Lifieux, 1860, pp. 100-102.
39
Fig- 79- — Chanoines avec leur aumuffe sur la tête.
220 SAINT-PIEllKE DE LISIEUX
l'indique d un mot. Il n en fallait pas davantage pour éveiller 1 imagination
des artiftes qui appliquèrent à Marie ces verfets du pfalmirte : " La reine
s eft afl'ife à sa droite en un vêtement d or ' : // ou encore : '^ Il a posé
sur sa tète une couronne de pierres précieufes '. //
En général, c eft toujours le Fils seul qui couronne sa mère, surtout
aux xiii' et xiv' siècles; quelquefois c efl; le Père, rarement les trois per-
sonnes enfemble. Au xv' siècle, on retrouve le Père, en coftume de pape
ou d empereur; le Fils revêtu d un simple manteau et tenant quelquefois sa
croix et le Samt-Efprit. sous forme de colombe planant entre eux".
Nous citerons un deffin sur parchemin confen'é au mufèe du Louvre ;
le Triomphe de Id Vierge, peint en l ] "> '^ par Enguerrand Charonton. mu-
sée de Villeneuve-les-Avimion '. et un curieux vitrail de Notre-Dame-de-la-
Couture de Bernay. donné avant iy)() par Louis des Haulles. abbc de
Bernay ' .
Quelquefois encore, le cas t{\. afTez rare et mérite d être signalé, les
trois pcrfonnes divines, sous la forme humaine, procèdent au couronnement
de Marie. Nous en connaifTons un exemple dans une très curieufe peinture
circulaire, sur bois, confervée en SuifTe au mufèe de Baie. Les trois per-
sonnes divines, sous forme corporelle, sont alliles sur un tronc. Le Père,
portant une couronne impériale, efl: adis au milieu; à droite et à gauche,
le Fils et le Saint-Efprit. revêtus d une robe blanche, tenant de la main
gauche un sceptre fleuronné. Un seul manteau abrite les trois perlonnes
qui. toutes, de la main droite, soutiennent la couronne sur la tête de la
Sainte Vierge, à genoux devant le Père: ce dernier soutenant de la main
gauche le globe du monde. Des nimbes rayonnants entourent les têtes des
trois personnes de la Sainte-Trinité. Cette peinture, que nous croyons
appartenir à l'école d Avignon, préfente tous les caractères du xv"" siècle
avancé, précifément la date de 1 exécution de notre vitrail.
1. lAjîitit rcginj j dextris ejits. in veflitu Jcjumto. Ps. XLIV. lo.
2. Pofuiflt in cjpitc cjtis coron jm de bpidc pretiofo. Ps. XX. 4.
". Chanoine Porcc, Note sur (quelques rcprèfenUtions de b Sdintc-Trinitc. p. :.
4 . Voir André Michel, Hifîoirc de l'Art, t. II, i " part. , p. i «iS ; i- IH, i" part. , p. 1^8.
") . Voir Chanoine Porcc. dans Bulletin monumental, t. XLVIII. 1 8S i , p. ^17. —
E. Veuchn. Un spcàmcn ae b Peinture sur verre, dans Sociétés des Bejux-Arts des départements,
t. XXIV, it)oo, pp. 13^-138.
LES VITRAUX 227
Il efl: facile de trouver dans les poéfies religieufes du moyen âge des
textes se rapportant à la gloire de Marie dans le ciel. Voici d abord un
pafTage d'une des plus anciennes séquences c|u on ait compofées sur ce sujet :
K De quel éclat brille dans le firmament cette étoile de la mer qui a mis
au jour la lumière de tous les aftres. des hommes et des efprits céleftes! »
Quarn splcndida polio stelLt Maris rutilât,
Qti^œ omnium lumen ajiroriim et hominum atque spiritum genuit.
Dans une hymne anonyme, qu on croit du iv^ siècle, encore en ufage dans
le bréviaire ciftercien, nous lifons : '^ Que vous refplendifTez d une lumière
glorieufe. royale fille de la race de David, sublime vierge Marie, qui siégez
au-deflus de tous les habitants des cieux! />
O quani glorifcj luce coruscans
Stirpis djvidice. regia proies,
Sublimis refidens virgo Maria
Supra cccligenas ctheris omnes.
Enfin ces vers d Adam de Saint-Victor : --^ O Marie, étoile de la mer,
vous occupez, par votre ineffable dignité, une place au-defTus de toutes celles
qu occupent les habitants des cieux! //
O Maria, Stella maris
Dignitate singularis.
Super omnes ordinaris
Ordincs cœlejlium.
A ces témoignages poétiques, comment ne pas y ajouter les admirables
paiTages que nous empruntons à une homélie de saint Germain, patriarche
de Conftantinople :
Ave, liicidd niibes qiiœ spiritiudem diyinum rorem nohis siiperinflillds.
qii(£qiie per hodierniim tuiim in Sanctd sdnctoriim ingreffuîn...
cy^ve, dniceniffimm et rdtiondlis Dei pdmdifus. benevolentifftmd et omni-
potenti ejmdem dexterd hodie dd orientem pldntatm...
tJf-ve. sdcrofdncte cedificdtum, et immdculdtum, puriffimiimqiie Dei, siimmi
R^gis, pdldtium, ejiisdem mdgnificentid circumorndtum...
tÂ\e, novd Sion et divind Jermdlem. mdgm f{egis civitds, in ciijus domibus
Deiis ipfe cognofcitiir...
228 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
o/^ve. Dei mons ùrc£pinguU et iimhrofus : in (juo enutritus rjtionalis
tÂgniis dtaue infrnutdtes nafims portdvit...
ty/ve. sanctus Dei thromis, divimim donariiim, domus gloria. perpiilchrujn
ornamentiim. et cimelium electum...
t^lve, Mdrid, grdtid plend. sdnctis sductior. et ccelis cxcelfor: et Cherii-
him gloriofior. et Semphim honordbilior. et .super omnetn crcdtiimui \enerd-
bilior. Ave colitmbd. ^iiœ gloriofo dc splendido tiio in templum ingrefj'u.
nohis et friictum fers oliva. et servdtorem d spiritudli diluvio. dc portiim sdlutis
dnnuntids. cujiis pennce dedrgentdte et pofleriom dorfi in pdllore diiri. sdnctiffimi
et illiimindntis Spiritus fiilgore irmdidntiir. Ave. iirnd ex piiro dtiro confldtj.
et siid\iffimdm dninuriim nojlmriini dulcedinem. Chrijliim scillicet. qui nidnnd
ejl. continens ! . . . '
Une autre scène, non moins curieufe, qui n cft malheurcufement qu une
reflitution moderne, puifqu clic eft signée Gfell dans le fond bleu de la
peinture, mente de retenir 1 attention, d autant plus qu elle a été refaite
d'après des données archéologiques et des documents anciens, c efl le pèfe-
tnent des dmes qui occupe un lobe crucifère de la partie centrale.
Le pèfement des âmes, ou pfvchoftafic. forme habituellement un sujet,
un épifode de la grande scène du Jugement dernier. L auteur principal de
cette scène c eft l'archange saint Michel. Il efl debout et la balance eft sufpen-
due dans sa main. L àme eft alors le sujet d une vive conteflation entre les
anges et les diables; souvent un diablotin et le cas se préfente ici placé
traitreufement sous le plateau accufateur. cherche, en se cramponnant après.
à le faire trébucher.
Cette scène n eft autoriféc par aucun texte évangéliquc. mais elle c(\ née
d une métaphore aulii vieille que le monde. On retrouve cette idée dans
l'ancienne Egypte et Ihidc primitive'. Les pères de 1 Eglife emploient quel-
quefois cette comparaifon, saint Auguftin en particulier dit que les bonnes
et les mauvaifes actions seront comme suipendues dans une balance", et
1 . Sjncttis Germjtius Conjïjtitwopolitjnus patrurchj. Homilu dc S. l'irginis Dcipdrs niyjleriis.
— PatT.grsc. bt.y t. XCVIII, col. -^00-310.
2. Voy. Maury, Lj Pfychofijfie. dans l^cvuc archéolog., 1884. t. I, p. 2-x^.
3. Sermo /..in l'ig. Pentecoji.
PL 49
LA BEATITUDE ETERNELLE. VITRAIL DU XV- SIÈCLE (Dessin de L. Leclcrc)
LES VITRAUX 229
saint Jean Chryfoftome reprend aufli cette penfée ' qui frappa l'imagination
populaire et que 1 art réalisa si bien, les artiftes ne manquant jamais de
représenter les démons très acharnés à la perte de l'àme dont le procès était
pendant au tribunal divin'.
Le pèfement des âmes que l'on rencontre sur tant de monuments eft-
il simplement une allégorie, adoptée généralement par les artiftes, comme
plus propre à exprimer la sévère juftice du jugement de 1 Eternel? On serait
tenté de le croire, et tout donne à penfer qu ils n'étaient que des figures
de langage, pour ceux qui en faifaient ufage, tandis qu'elles étaient traduites
par le peuple dans un sens matériel et littéral.
La partie subfiftante de ce curieux vitrail nous fait vivement regretter
la perte du refte. Cette œuvre, par l'archaifme de sa compofition. se recom-
mande de 1 art des bords du Rhin et fait songer aux anciennes figures au
trait des vieux livres d heures du moyen âge.
Comme la scène précédente, celle-ci se détache sur un fond violet
sombre qui accentue le relief et les contours des perfonnages. prefque tous
traités au blanc d argent. D'un caractère beaucoup plus archaïque cette ver-
rière se recommande par sa curieufe technique et surtout par 1 ordonnance
de sa compofition. Il s y trouve des phyfionomies et des détails de coftumes
intérefiants. traités avec beaucoup de soin et de précifion.
La scène du couronnement eft fort belle: les figures des perfonnes
divines sont très expreffives malgré la rigidité de leurs lignes. La carnation
brune de la sainte Vierge rappelle ces deux verfets du Cantique des can-
tiques (L 4, 3). ^< Nigra siim sed formofd... Nolite me confiderare qiiod
fiiscd sim quid decoloravit me sol... »
Les infcriptions gothiques qui se lisent sur ce vitrail sont toutes rela-
tives à la Sainte-Trinité. Leur déchiffrement eft affez difficile par suite de
leur difpofition et auffi à caufe des tranfpofitions qui semblent y avoir été
faites lors des reftaurations de cette verrière.
Voici quelques-uns de ces textes que nous sommes parvenus à relever,
et qui ont été très obligeamment revus par M. le chanoine Porée, le
1. Cité par Vincent de Beauvais. Spec. hijl. epil., cap. cxviii.
2. Molanus, De Hijïoria sdcrartim imaginum, édit. Paquot, p. 374.
2-,o SAINT-PIERRE DE LISIEUX
savant curé de Bournainvillc. que nous tenons à remercier tout particu-
lièrement.
in sanctc spiriiu
eura m pcritcitc
Ces deux inscriptions peuvent se référer au texte de 1 Evangile : m spi-
ritii et veritdte oportet ddorare (Joan.. IV. 21).
Qloria tibi omnipotcns deu$ irinus et unus
ma^nus et excchus te deced ymiius iu,
Ces trois derniers mots commencent le piaume (> \.
trinitas Immensa lux anaelorum
e|us celi spes... m... bancrum
bencdictus sit trinitas.
C eft le commencement de 1 antienne du Benedictiis à Laudes de la fête
de la Sainte-Tnnité.
«jobiscutn misericordiam Judith, viii. 17).
sancta unitasque trina deitas oera
atquc In omnem ..
conflteblmur... fecit... que in ooce...
nos qui tibl menta dci'ctl tu nos exaudi
nos quoque tibi psallimus tu nos exaudi
laus iaus tua sit in eternum amen.
Un des an^es porte une infcription sur la bordure de son vêtement;
nous n avons pu lire cjue :
... r m a n...
La fenêtre suivante se rapporte a la vie de Notre-Seï teneur. 1 Asccnfon.
Jéfus vient de s'élever au ciel. La Vierge et les difciplcs sont dans une sorte
de contemplation en préfcncc du prodige, jude le moment où les anges
leur adrefTcnt cette queftion ; '^ Hommes de Galilée, pourc^uoi vous tenez-
la. rciiardant au ciel ' f /,
Les apôtres le suivaient des yeux, lorfqu il fut enveloppé d une nuée
brillante, symbole de sa gloire; par où il faut entendre, suivant une expres-
sion familière aux Hébreux, la suite des anges qui 1 accompagnaient \
1. f'tri Gjltlsi, ■juia itjtis jfpicientes in cœlum? Act. Apofi.. I, 11.
2. Exoii.. XXV. ?3. — Ln'it., XVI. 7.
LES VITRAUX 231
Si 1 Afceniion eft une des scènes de lEvangile dont liconographie
chrétienne se soit emparée avec le plus d amour et cju elle ait le plus repro-
duite, il n en eft peut-être pas dont la compofition ait mieux triomphé des
variations. L école symbolique n'influe prefque pas sur son origine et Ion
retrouve déjà, aux portes de Sainte-Sabine, le Chrift dans son auréole. Marie
ayant les apôtres à ses côtés.
La Vierge debout, vêtue d une robe de brocart, amplement décolletée,
recouverte d'un manteau bleu, bordé d un orfroi à pierreries, ses cheveux
dorés tombant en flots ondoyants sur ses épaules, efl: entourée par les
apôtres. Tous ont les yeux levés au ciel, et le seul sentiment qui parait les
animer efl: une surprife mêlée d efTroi. A remarquer surtout celui qui se
tient à demi renverfé. derrière la Vierge.
Cette dernière manque un peu de cette dignité calme, sereine, divine
même que l'on retrouve dans les vierges françaifes du xiii^ et du xiv^ siècle.
Elle eft grafîe. la figure bouffie, les lèvres épaifl'es. rappelant à s y méprendre
les vierges de Martin Schongauer et de son école.
La préfence de la Sainte Vierge, au moment de 1 x^fcenfion, eft atteftée
par des monuments dune haute antiquité, notamment dans la peinture
d une Bible syriaque du vr siècle confervée à la bibliothèque de San Lorenzo
à Florence: Marie occupe le centre de la compofition. au premier plan, au
milieu des apôtres. Elle eft debout, vêtue dune robe violette, les bras en
croix comme les orantes des catacombes ' .
Un des apôtres, à droite de la Vierge, porte sur la bordure de son
manteau une infcription dont nous n'avons pu déchiffrer que les mots
suivants :
... uenimus im x mox...
Par une fantaifie de 1 artifte. le groupement des perfonnages compofant
cette scène n eft pas tout à fait rationnel. En effet, prefque tous semblent
planer dans l'efpace. Le peintre a cédé évidemment à une exigence décora-
tive, mais on ne s explique pas très bien la pofition de certains apôtres qui
manquent de point d appui. Les figures, généralement anguleufes, très
expreffives, dénotent une certaine incorrection de deffin.
I. Rohaut de Fleury, L'Evjngile, t. II, 1874, p. 302. — La Sjintc-l'ierge. t. I. 187S,
p. 227.
332 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Ces verrières, qui appartiennent au xv' siècle, étaient sans doute déco-
rées, dans leurs panneaux inférieurs, de saints perfonnages en pied, encadrés
dans des motifs d'architecture et s'enlevant sur de riches draperies damaflées
aux couleurs éclatantes. Dans 1 églife de Notre-Dame de la Couture, à
Bcrnav. il subfifte une grande verrière de cette époque offrant une sem-
blable difpofition. En bas. devaient se trouver les portraits des donateurs
et les infcriptions votives dont nous ne pouvons que déplorer la difparition.
ou bien encore de petites scènes supcrpofées comme à la Madeleine de
Verncuil.
Une des hautes fenêtres du croihllon Sud nous montre encore un inté-
refTant fragment de la peinture sur verre à la fin du xv" siècle. Nous vou-
lons parler du Sjint Pierre Crucifié qui se détache violemment sur le verre
blanc dont on la encadré à la fin du xvii" siècle. On sait que saint Pierre,
le patron de la cathédrale, et c cfl: peut-être en cette qualité que nous
devons la confervation de cette intérefTantc peinture fut crucilié la tcte
en bas. Le prince des apôtres cil: attaché sur une croix, en forme de tau.
avec des cordes aux mains et aux pieds. Il cfl: entièrement vêtu de larges
braies bleues à trois bandes jaunes horizontales: un justaucorps bleu serré
à la taille par une ceinture de même couleur. La figure, très expreffive.
eft traitée en «irifaillc et se détache sur un nimbe de couleur roui^e.
Les critiques se sont demandés si. crucifié la tcte en bas. saint Pierre
avait été et devait être attaché à la croix avec des clous ou avec des cordes.
Au point de vue théorique, la qucftion ainli agitée n a point été réloluc
d une manière pércmptoire. Dans la pratique, lufage des cordes c(\ plus
ordinaire, mais non pas abfolu. La miniature du Beuedictioudl de saint
Ethclwold offre un exemple de 1 emploi simultané des cordes et des clous;
les bas-reliefs du cibonum de Sixte IV. dans la cr\'pte du Vatican, en
offrent un autre où les clous seulement sont emplovés. Chacun, à cet égard,
relie libre de suivre ses impref fions perfonnclles '.
Les hautes fenêtres du chœur confervent encore, dans leur partie
centrale, quelques rofaces et quelques jolies figurines du xvi' siècle. Les
anciennes verrières ont été employées comme bordure; nous avons retrouvé
I. G. de Saini-Laurcnt, Iconographie de idmt Pierre, dans Aiinjles jrchèologi(jues, t. XXV,
l8b^, p. 2 11.
LES VITRAUX 233
des fragments de perfonnages et des lambeaux d'infcription remontant au
xv' siècle encadrant les affreux verres blancs dont meffieurs les chanoines
du xvii^ se montrèrent si fiers.
Si nous en croyons le témoignage d'un auteur anonyme qui écrivait
en 1870 ', 1 églife Saint-Pierre poffédait encore à cette date, dans le
déambulatoire, des dais du xv" siècle qui servaient d amortiffement à de
grandes figures, une lapidation de saint Etienne, de la même époque, un
refte de grifaille du xu' siècle et deux médaillons du xiii^ repréfentant les
traits de la vie de saint Urfin (?).
En admettant que ces fragments y fuffent encore en i 870, ils n'y étaient
certainement plus en I9ii,ainfi qu'on l'a un peu trop légèrement affirmé
aux membres d'une société savante qui vifitaient alors notre belle cathédrale ^
La vitrerie moderne peinte de la cathédrale comprend les trois fenêtres
supérieures de 1 abfide, celles des collatéraux, du déambulatoire et de la
chapelle de la Vierge, ces dernières sont décrites dans le chapitre spécial
confacré à cette remarquable addition faite au monument au xv^ siècle.
Les trois verrières de 1 abfide, qui sortent des ateliers de Luffon. repré-
sentent le Chrift, saint Pierre et saint Paul. Ce sont des œuvres à prétention
archaïque, d une sécheresse de deffin que rachète à peine un coloris affez vif.
Les fenêtres des collatéraux sont peintes en grifailles avec, au centre de
la verrière, une bande hiftonée reproduifant diverfes scènes de la vie de
l'apôtre saint Pierre, patron de l'églife. Nous n'infiftons pas sur ces tableaux,
dont la compofition et l'exécution sont abfolument dénués de toute valeur
artiftique. Par une louable penfée, on a peint dans les lobes des tympans
de ces fenêtres les armoiries des anciens évêques de Lifieux et des abbayes
dépendant de l'ancien diocèfe. Difons que ces vitraux, moins celui de
l'ange gardien, sont dus à la munificence de M"*" Renier, décédée à Lifieux
en 1883, et que leur exécution ne coûta pas moins de 17.300 francs.
Les vitraux de la chapelle de saint Joseph de Cupertino (1861) ont été
offerts par M. de Moidrey, avocat général à la cour de Caen. Avant d'occu-
per ce dernier pofte, M. de Moidrey avait été subftitut à Lifieux.
1. Guide du Voyageur dans la ville de Lijïeux, pp. 25-26.
2. De Cenival, Excurfon dans le Lieuvin et le pays d'Auge, p. 25, dans Bulletin de la Soc.
hijl. de l'Orne, 191 i, t. XXX.
3"
2-54 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Le vitrail de la chapelle dédiée à l'Ange gardien fut compofé et exécuté
en iSfi7 dans les ateliers de M. Duhamel, peintre verrier a Evreux. Du
berceau jufqu'à la tombe, lange gardien suit ses protégés : tel était le pro-
gramme. La compofition du peintre, trop chargée de détails, manque de
vigueur : le rayonnement de certaines couleurs affaiblit les autres. Malgré
sa tranfparence et sa luminofité, ce vitrail n eft qu un mauvais paftiche des
brillantes productions du moyen âge .
Vingt ans plus tard, un peintre verrier, doublé d un archéologue. Lau-
rent Gsell, s'engageait à décorer de verrières les fenêtres du déambulatoire.
Sa soumiffion fut approuvée, par 1 adminiftration des Beaux-Arts, le
12 août 1NS7. L œuvre de cet artiftc se compofe de médaillons, dans le
style du xiir siècle, infcrits dans des grifailles. Cédant à une pieufe penfee. il
a rcpréfenté un certain nombre de saints locaux, cjui prouve avec quel soin
on conferve le culte de nos saints. Dans nos cathédrales, les saints locaux
tiennent, après les apôtres, la première place. Chaque perfonnc retrouvait
ainfi. dans la maifon de Dieu, un peu de son paffc. Tout ce qui. suivant
les idées d alors, mentait d échapper a 1 oubli dans les annales d une ville,
semblait conferve là pour 1 éternité. L humble peuple avait devant ces monu-
ments une confufe idée de son hiftoire: il sentait qu il n était pas sans racine
sur la terre, qu il avait lui auffi ses aïeux.
Les médaillons de Gscll font aujourd hui 1 admiration des connailTeurs
et des artilles. précifément à caufe du soin scrupuleux apporté par le peintre
qui ne craignit pas de remonter directement aux sources de la tradition.
Connues dans le style du monument, dont elles sont la parure, ces compo-
sitions font grand honneur à 1 artille et demeurent un de ses plus beaux
travaux. V^oici les sujets reprélentés sur ces verrières, en suivant le déambu-
latoire du sud au nord : saint Victor, saint Clair, sainte Cécile, .saint 1 ho-
mas Bcckct. saint Aiiinan. saint Antoine de Padoue. sainte Elilabeth. saint
Ambroile. saint Dominique et la Vierge du Rolaire. saint François d As-
sifc. La Cène, saint Roch. saint Patrice, saint Urhn. saint Bertivin. saint
Sébaftien.
La simple énumcration de ces noms ne doit-elle pas rappeler aux Lexo-
vicns des chers souvenirs de leur paffé. Saints dont le culte se rattache à
I. Sur ce vitrail, voy. Le Normand, i" juin 1S07.
LES VITRAUX 235
de pieufes croyances, au souvenir d'affociations dont nos aieux étaient si
fiers ou à des fondations charitables dont on ferait bien de s infpirer encore
aujourd hui.
Dans les collatéraux du tranfept. notons encore deux intérefTantes
tentatives de réfurrection de ces verrières irisées dont le moyen âge avait
été si prodigue. Dans le croifillon Nord, au-deflus des deux derniers pan-
neaux du xiu* siècle qui soient parvenus jufqu'à nous, Albert Gsell a, en
1893, reconftitué deux autres parties de médaillons : la Cène et saint Jean
écrivant lApocalypfe. Amfi complétés, ces deux médaillons ont été enchàflés
dans une riche mosaïque où la combinaifon du bleu avec le rouge donne à
ces vitraux une nuance violacée un peu mélancolique.
Dans le croifillon Sud. au-deflus de lautel de saint Urfm. deux autres
verrières, œuvres du même artifte. et conçues dans cet admirable style du
xui^ siècle, repréfentent deux scènes de la vie de saint Germain et deux
scènes de la vie de saint Urfin.
Ces vitraux portent des légendes latines que nous reproduifons ici.
Sur celui de gauche, confacré à saint Urfin, on lit : Sancti Urfm invenhin-
tur reliqiiice. — Sdnctiis Urfnus fehricitdntem sdndt. Il s agit de l'invention
ou découverte des reliques du saint et de la guérifon d'un fiévreux, obtenue
par son interceffion ' .
Le vitrail de droite reproduit deux scènes de la vie de saint Germain,
évêque d Auxerre, en souvenir de Téglife détruite, dédiée sous le vocable de
ce saint, et qui s'élevait jadis non loin de la cathédrale. Ce vitrail porte les
infcriptions suivantes : Sdnctus Germdnus sdhdt Armoricos. — Sdnctiis Ger-
mdmis epifcopiis rejfiifcitdt mortem.
La première scène se rapporte à l'intervention du saint évèque en faveur
des Armoricains", en 44O, lorfque, à son retour de la Grande-Bretagne, il
se difpofait à rentrer dans son diocèfe : saint Germain arrêtant, à la tête de
son armée. Eocaric. roi des Allemnads. prince féroce et idolâtre, chargé par
le général romain Aétius de châtier les Bretons rebelles.
La seconde rappelle la réfurrection du fils de Volufien. chancelier du
patrice Sigifvulte, que saint Germain, par ses prières, rappel à la vie alors
I. Vie des saints Patrons, p. 179 et suiv.
2 . Godefcard, Vie des Saints, Paris, 1828, t. IX, pp. 300-371. — Vie des saints Patrons y^' . 227.
236
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
de son voyage à Ravenne. où il étiat venu, au nom des Bretons, implorer la
clémence de l'empereur Valentinien III.
On eut un moment la penfée de garnir de grifailles le tympan du
grand portail; le iN juin 1S8S, M. Sainte-Anne Louzier. architecte, écri-
vait à ce propos à M. Simon, préfident du confeil de fabrique : " Quant
ff au tvmpan de la grande porte, qui eft une difpofition appelée à difpa-
*f raitre quand on fera une reftauration de l'édifice, je suis d avis qu un
" vitrail en grifaille serait une dépenfe inutile. Vous pourriez très bien faire
" réparer le vitrage actuel: ce serait, je penfe. faire acte de bonne admi-
" niflration. // On a suivi le confeil de l'architecte, et on a eu bien raifon.
Le nombre des anciennes verrières diminuant de ]our en jour, leur
confcrvation devrait être lobjct d une sollicitude d autant plus confiante.
La deftruction aveugle de ces œuvres d'art du palTé ne saurait être imputée
qu'à une ignorance barbare qu on s'étonne de rencontrer encore de nos
jours. Devant la poffibilité des plus coupables pratiques, on ne peut que
souhaiter l intervention des moyens légaux de préfervation et. d abord, le
clafTement d'office des vitraux anciens, qui sont des monuments hiftonques.
au même titre que les édifices dont ils font partie.
'M Àk
CHAPITRE VIII
LES TABLEAUX
•INTÉRIELR de la cathédrale de Lifieux. n eut longtemps
d autre ornementation que les saillies ouvragées dans la
pierre de ses chapiteaux, le rude modelé de quelques
bas-rehefs intérelTants, les gravures hiératiques des pierres
tombales et 1 éblouiiTante parure de ses vitraux. En les
cherchant un peu. on pouvait voir auffi quelques craintives peintures à la
détrempe '.
Il faut arriver au premier quart du xvr siècle pour conftater la préfence
dans la cathédrale de Lifieux d un tableau peint à l'huile : celui du Mi-
racle de la Chàjfe de saint Urfin'.
I. En décembre 1866, dans l'ancienne chapelle Saint-Urfin. on a découvert des traces de
peintures à frefque sur lesquelles on pouvait diftinguer encore plufleurs évèques iAlmanach de
Lifieux. pour 1868).
En avril 1869, dans la chapelle du Sacré-Cœur, on a également retrouvé une peinture
murale repréfentant l'arbre de Jeffé ; un tableau moderne la dérobe au regard 1 Le Normand du
i""' mai 1809).
Quelques autres peintures murales se devment encore sur plufieurs colonnes de la nef:
mais elles sont si fruftes qu'on ne saurait rien précifer.
Dans la chapelle Saint-Martin, il exifte un refte de peinture à la détrempe du xiv^ siècle,
accompagnant une infcription obituaire d'un grainetier de Lifieux.
2. Ce chapitre des tableaux a été rédigé sur les notes prises par M. Salles au cours de ses
visites à la cathédrale Saint-Pierre.
2VS
SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
LE TABLEAU DU MIRACLE DE LA CHASSE DE SAINT URSIN
Il a connu bien des infortunes. Nai^uèrc haut placé, en 171»"; il prit
le chemin de lexil. quitta la cathédrale grandiofe et vint s échouer dans
un manafin d antiquailles. Après la signature du Concordat, un généreux
Lexovien lapcrçoit. le reconnaît ailément. 1 arrache à la désolation et le
fait accrocher au mur méridional de la chapelle de la Chanté en 1 églife
Saint-Jacques. Et c efl là qu'il faut se rendre pour deviner et comprendre
le secret du tableau avec lequel nous défirons lier connaiiTance.
A vrai dire, jamais présentation ne
fut plus désobligeante.
La lumière crue d une verrière ex-
trêmement tranfparente nuit beaucoup
à 1 afpect général de la toile. Elle se
trouve plongée dans une oblcurité si
profonde que le regard s exerce d abord
en vain à scruter ses ténèbres. Il faut
tenir, regarder sans laffitude et sans
hâte. Peu à peu. les v
habi
Un fiévreux implorant saint Urfm.
peu. les veux s nabituent
à la tonalité morne et verdatre. le ta-
bleau s anime, sa converlation bridée
se déride, elle devient inilructive et
captivante. Des silhouettes se dcllinent
sur le fond rembruni, le ciel se découvre, un payfage. puis un long delile.
des fiévreux chaudement enveloppés dans des couvertures, enfin et surtout
un sui
perbe reliq
,pp
reliquaire.
I . Avant I /M'i, le tableau de saint Urfin se trouvait dans la cathédrale Saint-Picrre dans
la chapelle dédiée aujourd'hui à saint Antoine de Padoue. à droite du maitre-autel. Sur les
piliers d'entrée de cette chapelle, à environ quatre mètres du sol, se remarcjuent encore des
traces de crampons. Ne serait-ce pas ceux sur lesquels était fixé le tableau?
En 1711, l'auteur de la l'ic des uiitts Patrons du dtocèfe de Lifieux. p. iS^, préfente ainfi
cette toile à ses lecteurs : * Il y a dans notre éçlife cathédrale une belle chapelle de Saint-UrTin,
en titre de bénéfice. On v voit un tableau en long, divifé en quatre carrés. au-deiTus defquels
on lit ces mots : COMMENT LES REUQIES DE M .SAINT IRSIN FIRENT .\PKmTEES PAR MIRACLE EN
CliTTL Vll.i.i; EN L AN m.-,>, PAR LES SOINS DE HIT.O EVr-SOlT DE l.lSIEfX -
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
239
Un peu d'histoire locale s impose pour pénétrer le sens de cette toile rapié-
ciée et maladroitement retouchée.
C était en lO")"). Depuis une cinquantaine d années, les architectes
bàtiflaient les grandes églises uniquement en pierre. Encouragés par l'évèque
Herbert et par Hugues d Eu son succeiTeur. les Lexoviens s empreflerent
d'édifier une cathédrale qui par sa physionomie grave et son immensité pro-
voqua bientôt 1 admiration des diocèses avoifinants.
Tout heureux du succès. 1 évèque Hugues d Eu
avait par avance arrêté les moindres détails de la dédi-
cace de ce merveilleux édifice, sublime abri pour la
méditation pieuse de ses fidèles.
Au moment où s achevaient les préparatifs de la
grandiose cérémonie, une cruelle épreuve, un frisson
de souffrance traversa le pays d Auge et le Lieuvin. La
peste noire creusa de larges vides dans tous les rangs
de la société. Quelles heures d angoiffe et d inexpri-
mable inquiétude, durent vivre les habitants de Lifieux
et des alentours ! Quel déchirement en particulier
pour 1 àme toute de douceur et de bonté de 1 évèque
Hugues! Ce qu il v avait de terrible, c eft que la
maladie était souvent foudroyante, on était bien
portant la veille, mort le lendemain.
Avec ferveur la population se recommandait à
Dieu. Eglifes et chapelles regorgeaient de monde. Dans
tout le pays, le bruit se répandit qu un saint très
honoré à Bourges, saint Urfm. possédait le privilège
de guérir les maladies contagieufes. Depuis un temps immémorial, les popu-
lations du Berrv lui donnaient leur confiance ainsi qu à saint Juft son com-
pagnon. Ses reliques opéraient partout d'éclatants prodiges. L évèque de
Lifieux trouva le moyen de décider le clergé et les habitants de Bourges à
lui confier momentanément les reliques du généreux guériffeur. A peine
arrivées à Lifieux elles firent merveille. Subitement la peste cessa d exercer
ses ravages, la loie de vivre prit rapidement la place de la désolation de
jadis. Les délégués de Bourges qui avaient accompagné jusqu à Lifieux les
Fig. S I . Statue de rëglife
Saint-Jacques.
240
SAINT-PIERKE DE LISIEUX
reliques de saint Urfin ne recevaient que remerciements chaleureux de la
part des nombreux malades revenus à la santé. Une place d honneur leur
fut réservée durant les fêtes de la Dédicace de la Cathédrale. Telle est. dans
ses grandes lignes, la fiction que le chapitre de la cathédrale lit repré-
senter par un peintre normand dont le nom n cft
^'S'^à //^N malheureusement point parvenu jusqu à nous. Mise en
Jf/y^.^^& \ r belle place, dans 1 église principale du diocèfe. la légende
tant jolie pourra plus sûrement pénétrer les efprits et
les cœurs. Mife à la portée de tous, elle ébranlera
davantage les foules, et durant de longs siècles encore,
les fiévreux viendront dévotement se recommander à
saint Urfin. pieufe figure incertaine dont 1 hiftorien
pourra peut-être quelque jour précifer le rôle tutélaire.
Des quatre scènes, formant jadis un tableau de
1 m. V) de largeur sur un mètre de hauteur, sorte
de frife divifée en quatre parties inégales par de frêles
colonnes imitant le marbre, il ne refte que les trois
de gauche.
Dam le premier pdnnenu. saint Urlin s entretient
familièrement avec le Maître de 1 Evanmle dont il avait
été le sur confident.
Dam le deuxième panucdii, le clergé et les habitants
de Lifieux accompagnent la chalTe de leur protecteur
jufqu à la sortie de la ville.
Ddus le troisième pAunedit. les glorieux relies de saint Uriin regagnent
Lifieux au milieu des chants d alléizrelTe de Li multitude.
Le aujtrième pdunedu. aujourd hui diiparu. reprélentait saint l rliii fai-
sant la lecture à la Cène. Par sympathie pour son difciple. Jésus lui avait
confié cette haute mission.
Que le Chrift eut fait à Aionfeur sji}ict Urfn l'honneur de le choilir
pour lecteur a la Cène, quil eut daigné s entretenir avec lui sous le figuier,
ces cpilodes savoureux de l hifioire de 1 archevêque de Bourges plaisaient
infiniment aux Lexovicns du xvi' siècle: mais ce qui les charmait plus encore
c était le souvenir des merveilles qu il avait accomplies parmi leurs ancêtres.
Pig. .Sa. Statue de léglife
Slint-Jacques.
PL 30
VUE GÉNÉRALE SUR LES CROISILLONS ET LE CHŒUR 1 Dessin de R. Salles)
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
241
^f Réconforter // la tradition locale, tel fut le noble but proposé à 1 artifte
parle fabriquier de la cathédrale Saint-Pierre'. Auffi. sur sa toile, les scènes
d'intérêt général n'occupent quune place limitée, tandis que les épifodes
d'intérêt local se déroulent sur la partie centrale du tableau et sont ainfi
judicieufement mis en valeur.
Après la sublime cérémonie, les délégués de Bourges se hâtèrent de
réclamer la reftitution du précieux dépôt dont ils avaient la garde. Quelques
jours plus tard, la chàfTe de saint Urfin ell: placée ^
sur un chariot. Le chapitre de la cathédrale, le clergé , r>>^
des autres paroifles. la population toute entière _, " "^^^^^
accompagne les reliques jusque sous les châtaigniers
séculaires de la forêt Rathouin. à peu de diftance
de la ville de Lifieux. sur la route de Pans. Les
belles mafTes de verdure de la forêt offraient un
cadre magnifique aux procefTions, les foules pou-
vaient s abriter sous les arches de feuillage.
Déjà le cortège atteignait presque le sommet
de la colline boifée. quand soudain le cheval qui
traînait le chariot s'arrêta brisé de fatigue. Im-
poffible de le faire avancer, tant le reliquaire
devenait pesant. Dans une ferme proche, les en-
voyés de Bourges vont chercher une géniiTe : peut-
être sera-t-elle plus docile à la voix des charretiers.-'
Le souffle précipité et les persévérants efforts de
la bête ne parviennent pas à faire démarrer le
véhicule. A la vue de ce prodige. 1 évêque Hugues
s écrie : '' O saint Urfin 1 si vous défirez refter
B(
ifeffe
parmi nous ou regagner courges, manireitez
votre volonté. // Le conducteur aiguillonne avec
plus d infiftance la géniffe épuifée. Encore un
effort, encore un. dit-il. la montée va s adoucir.
Pèlerins.
Les roues maffives du
I. En i(i8i. le chapitre de la cathédrale fit recopier le tableau de saint Urfin par un
peintre normand : " Payé à Villers painctre pour avoir rcfaict le tableau de l'hiftoire de saint
Urfin, 45 livres 7 sols. ,/ 1 Coinptes de la cathédrale, en loSi.)
242
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
lourd chariot iic tournent toujours pas. Quel parti prendre r Le soleil dé-
clinait a Ihorizon; les saintes reliques ne pouvaient refter la nuit expolées
à linclémence du temps, au milieu d une épaifTe forêt.
L évèque invite le cortège à faire demi-tour. Aullitot la génilTe se met
à marcher d un pas allègre. Donc plus de doute, au lieu de s en retourner
vers le Berrv'. Monsieur saint Uriin défire refter au
milieu des populations normandes. Le cortège rentre
immédiatement en ville frénétiquement acclamé par
la foule enthouiiafte. Interdits, stupéfaits, les délé-
gués de Bourges font la moue. Comment se pré-
senter devant leurs concitoyens, comment leur
raconter la vraie, la dramatique hiftoire." La joie des
uns devient souvent le malheur des autres!
Tout en haut du tableau, sur un étroit bandeau
blanc, le peintre a inlcrit en lettres noires cette inftruc-
tive devife : com.ment les reliques de monsieir s.\inct l'rsin
FURENT APPORTÉES PAR MIRACLE EN CETTE VILLE EN LAN lu•,^. PAR LES
SOINS DE HUGO EVESQUE DE LISIEUX
Tout en bas du tableau se lit cette curieufe et
pittorefque indication : ce tableau a esté refah- sur
LORIGINAL VIEL EN LAN k-Si. AUX DESPENS DE LA FABRIQUE
Le caractère archaïque des infcriptions précédentes n cft pas fait pour
nous déplaire, bien au contraire, en aiTemblant ces mots pre(que vieillis nous
nous sentons plus près de nos aïeux, nous redevenons leurs voisins d une
heure...
I-
L« Chri« (tj
•int Urftni
Le premier pjnnejii se présente en hauteur. Saint Urfin. vctu en
archevêque, s entretient avec le Sauveur.
La phvfionomic de saint Urfin cft pleine d attirance, de jcunclTc et
d'onction. Une ample chape faite d étoffe rouge et souple, fermée sur la
poitrine par une belle agrafe, enveloppe le saint archevêque. Le rochet et
la soutane violette paraifTcnt très riches. La tète cft coiffée d une mitre
c perles cl pierres précicufes. Les
alTcz haute ornée de valons d or. d
Fig. Sv - Saint Ursin
244
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
"Vf Ai
â#
fanons de cette mitre, terminés par des effilés d'or, retombent gracieufe-
ment sur les épaules. L'attitude de saint Urfin indique nettement qu il
prêche la foule. Le Chrift écoute et approuve son difciple... Ne dirait-on
pas que les rôles sont renverfés. Jé-
'^^'■^- " > sus. dans la circonftance. s'efface de-
vant saint Uriin. C eft une marque de
bienveillance sacrée, bien faite pour
imprefllonner les fidèles, et leur don-
ner une haute idée de la valeur intel-
lectuelle et morale de leur saint pa-
tron. L artifte a mis toutes les mo-
dèles reffources de sa science à donner
à ce pieux perfonnage un grand accent
de douceur et de bonté. Il a é^ale-
ment admirablement traduit le ca-
ractère divin de Notre-Seiijneur. Le
vifage. surtout, eft remarquable d cx-
preflion. de beaux veux profonds, un
front et un nez réguliers, une loniiuc
chevelure soiiineufcment étudiée, une
barbe soyeule : le drapé harmo-
nieux des vêtements . 1 attitude
digne, donnent au ChriR beaucoup
de noblelTe et de grandeur... Au
loin, sous un figuier. Jéfus s'entretient familièrement avec le saint évequc.
Le pavfage repréfentc une prairie légèrement mouvementée ; à 1 horizon
se détache une colline voilée de brume et un petit taillis. Dans le ciel un
peu tourmenté, une éclaircie agréable à 1 œil relève 1 aipect monotone de la
compolition.
Le grjnd pitnncdu de gjuchc repréfentc le Départ de la Challe de saint
Uriin pour Bourges.
Toute en bois doré, rehauffée de brillants et d émaux, clic repofe sur un
drap de couleur rouge. Il c(\ très intéreffant de pouvoir distinguer les détails
sculptés et gravés qui ornent les cotés et le deflus de cet incftimablc rcli-
.V .^'^
Fi^; si>. tiitretien de Jcsus et uint Uriin tous le figuier.
it-touclic L.iri IHIi
iCoiiiininl le- Kcliqiio De- ^'oiifitiir ShiikI \i fin furent Aiioiltc^ Pjr
FI. 5/
Miracle £n Ci Ile Ville .''" Lan. jo^j par Les Soins- De Hugo Euefque Ddifieux
Retouché. Lan 1815. 1 I Comment Les Reliques De Monfieur Saincl Vrfin furent Aporiees. Par
Miracle £n Celle Vaille .^" Lan. jo^>\ par Les SoinsDe Hugo Euefcjue Delifieux ^;
LE TABLEAU DE SAINT-
■^SIN, d'après un crayon de
. Salles. — Autrefois en pos-
(Tion de la cathédrale Saint-
:rre, ce précieux triptyque se
)uve actuellement dans l'églifc
int-Jacques de Lisieux.
■"i
Enlan. J63I, Auxdefpens. Delà. Fabricque
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
245
quaire. L'éclat brillant des ors. s'accrochant aux angles et aux saillies, forme
contrafle avec l'ombre des creux et affirme ainfi le relief des sculptures '.
La mort dans 1 àme. les habitants de Lifieux accompagnent les reliques
de saint Urfin jufqu'à la sortie de leur ville... Les habitants de Bourges, au
contraire, s'en retournent joyeux avec leur tréfor. Ils se redreffent avec fierté
sur leurs chevaux blancs, se cambrent dans leur pourpoint de velours aux
Fig. 87. — Départ des reliques pour Bourges.
couleurs éclatantes'. Sur leurs beaux 'r capels >/. des plumes soyeufes
ondulent gracieufement sous l'emprife difcrète d un vent très doux. C'eft
bien un drame qui plane sur ce cortège. D un côté, se devinent la tris-
tefle, l'amertume, les regrets; de 1 autre, rayonne le bonheur le plus vif et
le plus enthoufiafle.
Au point de vue iconographique, il convient d obferver que les geftes
de ces cavaliers, leurs coflumes, leur attitude, ainfi que le deffin, le mou-
1. Dans un procès verbal datant du 14 avril 1199. Guillaume d'Eftouteville donne la
defcription de la chàfTe : " C'eft, dit-il, une châffe d'environ six pieds de long, de deux pieds
de large, et de deux pieds de haut, sans y comprendre la couverture en forme de toit qui eft
auffi à peu près de deux pieds; elle eft couverte d'argent de tous cotez, dorée sur la couverture
et enrichie d'ailleurs de pierres précieufes et de différentes figures ou images, sçavoir eft à un
bout du coté droit : l'image de N.-S., repréfenté affis donnant d'une main la bénédiction et
tenant un livre de la main gauche; à l'autre bout, l'image de notre B. Patron saint Pierre auffi
repréfenté affis et tenant des clefs et un livre; au milieu du coté de l'autel, de l'image de la
Sainte Vierge portant son fils sur son sein; et au milieu de l'autre côté, de limage de notre
autre Patron, saint Urfin en habits pontificaux... // — Vïe des saints Patrons du diocèfe de Lifteux.
2. Remarquer l'anachronifme des coftumcs qui sont du xvi" siècle alors que la scène hifto-
riqiic se pafTe au xi' .
24b
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
vement et l'anatomie de leurs chevaux rappellent en tous points les détails
d un groupe de cavaliers des magnifiques bas-reliefs de 1 hôtel du Bourgthe-
roulde à Rouen repréfentant la célèbre Entrevue du Cjnip du Drjp d or \
uuMiv|i^*fSpr7m>
I ' * -1*
,;
^ -
^if.J
Groupe de cavaliers du tableau
lu L,
Fig.
.>.s.
Cavaliers du ba^-relief de l'hôtel Bourgtheroulde.
Il faut croire uuc le créateur du tableau de saint Urfin n ignorait pas le chef-
d'œuvre roucnnais que nous signalons. Peut-être en polTédait-il un croquis r'
Le rapprochement pourrait ctrc un point
e repère pour retrouver le nom
:pere p
del'
imagier
anonyme qui travailla pour le chapitre de
la cathédrale Samt-Picrre.
La cérémonie de la R^cjlitution de la
chdjfe de sdinct Urfn revêt un caractère
cHcnticlIcmcnt relii^ieux. Point de eucr-
riers bardés de fer, pas d archers ni d ar-
quebuliers mêlés à la foule. Tout )uftc
deux gardes, la lance sur I épaule, précè-
dent de quelques pas le chariot et iiui-
î->
PifÇ. H.»
Pclcrincs
lun
et
>afTent allcgrcmciit
dent le conducteur. Profondément péné-
trés de la iirandcur de leurs fonctions.
devant deux "' pèlerines // pieuiemcnt
autre panent aiicgrcmciit devant deux "' pèlerines //
agenouillées à I ombre d un pommier chargé de fruits
I. Bas-rciicfs exécutes après le mariii^c d'Elconor d'Autriche et de Fran<,-ois 1" en is^o.
Voir de la Qucrricre. Dcfcription htjïoTiquc des nuifons de I\oueii, t. I, p. 174 et suiv. —
Jules Adclinc, /. Hôtel Bourt^theroiildc dans /j Nornutidic ttionutuenule (Scinc- Inférieure j.
t. I. iSin. p. 1^.
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
247
Fig. ()o. — Retour des reliques à Lisieux.
^^^ii;.
Enfin, pour terminer sa compofition. l'auteur a peint les chanoines de
Lifieux marchant en bel ordre et chantant quelque litanie en l'honneur de
leur glorieux bienfaiteur.
Malgré ses imperfections, ce panneau nous plait. Y aurait-on songé .^
Les teintes afTombries du coloris achèvent d'attnfter,
très à propos, la scène, et la complètent par leur note
mélancolique.
Le second pannedii, nous détaille le retour im-
prévu de la chàlTe de saint Urfin à Lifieux.
Le cortège qui accompagnait les rehques de saint
Urfin vient d'arriver près de la forêt Rathouin.
Soudain le cheval qui emportait le précieux fardeau
s'eft arrêté, accablé par 1 incroyable lourdeur de la
chàffe. La foule anxieufe s alTocie avec une religieufe
ferveur aux prières de l'évèque Hugues. Saint Urfin,
ému de tant de spontanéité dans la supplication, se
rend aux vœux de cette multitude et fait comprendre
sa volonté de demeurer dans la paifible cité lexovienne.
C'efl; le moment choifi par 1 artifte pour peindre
la scène qui nous occupe.
Il montre la multitude dévalant la côte. La tête
de la colonne s apprête à franchir la porte de Pans.
Tout ce monde remplit 1 atmofphère du bruit de ses pas. Un chant grave,
lent, se fait entendre. Ce sont les chanoines tout là-bas, en queue, qui
Fig. 91. — Délégué de Bourges
avant le miracle.
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
chantent les louan^^es du Seigneur. Le maitre des céré-
en un clin d œil. eft pan'enu à reformer les rangs bnfés de
sion. Déjà la croix et les acolytes ont repris la tète du
r
m o n 1 e s .
la proces-
cortege.
'V-'
%-i^
u ^^
Fig. •)? - Chanoines ucoruni les reliques de saint Ursin.
La nouvelle du miracle s efl: vite ré-
pandue en ville, une femme a eu le temps de
faire transporter sur un matelas son mari alité
la fièvre. Comme ell
fe
1
par la nevre. v^omme elle implore avec ferveur et pitie
pour lui! Les conversations vont leur tram. A li porte
de Pans, des témoins du miracle 1 expliquent aux habi-
tants des faubourgs accourus dès 1 annonce de la
)oveufe nouvelle. Ils écoutent tout veux, tout oreilles,
tandis cjue sur la route la chafTe avance lentement,
traînée par la génifle et flanquée de ses deux gardes. Le
conducteur, désarçonné, est obligé de revenir pédes-
trcmcnt. Un riche Lexovien s attarde, par condefccn-
dancc. à consoler un des deux délégués de Bourges.
doul
ouloureusement
ifTcctés
ar les événements
qui
viennent de s accomplir.
L ordonnance très svmétriquc de cette scène, le
pittoresque des détails, enchantent nos regards. Cepen-
dant le travail pèche par excès d'auflérité et de mélan-
colie. Vraiment on voudrait plus d allêgreffe dans les
physionomies, plus de mouvement dans les attitudes.
A cette heure où les Lexoviens sont dans 1 enchante-
ment de savoir que la chàfTe de saint Urlm reliera
dans leur ville, comment le peintre n a-t-il pas compris qu un peu d en-
thoulialme était de mile et devait détendre et adoucir les gefles de ces
Pig 'Il Un délépuc de BmirLCt
4prés le miracle.
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LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
249
figures rigides ■r La couleur n aide pas non plus à faire comprendre le
sujet. Les tons sont vraiment trop mornes et trop éteints. Bref, heureux
yÇt
n"eft
iffi
comme mile en scène, ce panneau n eit pas auiii expre
dent, il manque d àme et de vérité. En fait, les
deux scènes du Miracle de la Châjfe se déroulent
sur un fond de pavfage prefque identique.
Il est manifefte que 1 artifte a cherché à camper
ses perfonnages dans un cadre vrai. Copier sur
nature la vue qu'on découvre du sommet de la
côte Saint-Urfin en regardant vers le Nord, tel fut
ffif
lue
le
)rece-
1
de 17/:
Me:
:dh
ui.
e premier soin ae 1 imdygier. Même aujourc
le tourifte qui voudra bien aller sur la vieille route
de Pans remarquera de suite que le pavfage n'a
guère changé depuis le seizième siècle. Si la topo-
graphie du tableau de saint Urfin refte très proche
de la nature, la coloration de la verdure et du
feuillage s en éloigne notablement. Les verts em-
ployés sont de couleurs sombres. Par places, ils
sont comme enfumés, brûlés, terreux. Ces tons
conventionnels ne rappellent en rien les couleurs
gaies et claires que 1 œil se plaît à contempler dans
les prés, les champs, les '^ clos // de notre mer-
veilleux pays normand.
Le coloris alTombri du tableau s explique par les
traditions picturales de 1 époque où il fut créé. En
Italie, nombre de peintres en renom employaient
la formule des fonds sombres. En acceptant cette
technique, en noyant dans une atmosphère ténébreufe
les taches claires réparties sur les perfonnages et les objets de la compofition.
1 auteur du tableau de saint Urfin chercha à imiter la manière des plus
savants théoriciens de l'efthétique nouvelle. Pourquoi lui en tenir rigueur ?
Malgré sa perspective défectueuse, malgré le manque de proportion
entre les êtres et les choses, malgré lanachronisme des costumes, le tableau
de saint Urfin reste une œuvre attachante.
iprr.t\ji.
Fig. .)4.
Les Lexoviens commentant le miracle.
2^n SAINT-PIEKKE DE LISIEL'X
Les yeux fureteurs des artiftes s attardent volontiers sur cette toile où
le sentiment n'est pas voilé par le métier. Point d effets inédits, mais quelle
simplicité dans le récit, quelle naïveté dans le décor ! Jolie légende inter-
prétée sans recherche par un peintre de chez nous. Ce tableau émeut
l'imagination autant que sa vue plait aux yeux : toujours le poète a guidé
la main de 1 artifte.
LES SIX GRANDS TABLEAUX
Dans la seconde moitié du xvii"' siècle le chœur de la cathédrale était
tendu de tapilTeries. Ce fut 1 officiai de Lilieux. le chanoine Lcrat. qui eut
lidée de les remplacer par six grands tableaux de mêmes dimenfions. Dans
une réunion extraordinaire du chapitre, le 27 avril ij'h». M. 1 abbé Lerat
fit savoir a la " Compagnie // qu il avait en mains une somme d argent
dcdinée à lâchât de six grands tableaux. Le vœu des donateurs était, après
affentiment du chapitre, de mettre ces œuvres d art dans le chœur de la
cathédrale, à la place des tapiiTeries déjà bien ufagées. Une pareille initia-
tive re^ut de chaleureufes approbations, surtout bAxcc auc. Jjns l exécution
dycelle. m Lt fdhnquc m les particuliers n en seraient grèves '.
D'ailleurs, c étaient les chanoines qui s étaient cotifés pour offrir à leur
églife cette décoration importante \ Les toiles furent commandées sans retard.
r. H^giflrc du Chapitre, dclibcration du 27 avril 17110.
2. Etat des sommes qui m ont ctc données par McfTieurs cv-nomnics pour être employées
à la décoration de la cathédrale de Lificux et à lâchât de six tableaux qui y sont pofcs :
M. I abbé Dufrefnc. doyen W I '• M. Friquicr de La Cau%inicrc ioi( I.
M. I abbé de la Villc-du-Boi$. chanoine M. Dubois, chanoine ; t I.
et tréforicr l.\»" I- M. Fontaine, chanoine 72 i.
M. de Méry. chanoine \on 1. j^j Defpana. chanoine 72 I.
M. Le Bourp, chanoine "«^ ' M. Monlaiiu. chanoine 21 l.
M. De Vi^neral, chanoine bo L
M. Godefroy, chanoine »î< L To"' ■ ^•'»^" ••
Le I octobre 1771 de M. Baillard DcsLOurs, chanoine. V" livres.
Le .) octobre 1771. reçu de Mgr lEvcque deLifieux, par les mains de M. Naudin. chanoine, la somme
de mille quarante livres que Sa Grandeur a bien voulu donner pour les ouvrages de la décoration du chœur,
laquelle somme avec le billet de M. Descours chanoine, faifant celle de 1 . ■j j» livres au moyen de quoi )e suis
rempli des avances par moi faites pour les ouvrages,
S,gnc I.E R.^T.
(Copie faite sur les quittances par M. Puchot. prcûdcnt de la Soactc htjloriquc Je Lifieux.)
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE 251
Prefque tous les guides, sur la foi des hiftonens normands les plus
qualifiés, attribuent à Lemonmer la paternité de ces six tableaux.
Le peintre rouennais n efl; l'auteur que d une seule de ces toiles, les
autres ont été peintes par des artiftes parifiens. élèves de Vien. ayant une
certaine notoriété. Les noms de ces artiftes figLiraient sur les quittances
autrefois confervées aux archives de la cathédrale. Aujourd hui, elles ont
malheureufement difparu. En 1895. M. Puchot en avait par bonheur pris
une fidèle copie et nous l'avait communiquée, en iqit.
Les sujets religieux impofés aux peintres devaient retracer les principaux
épifodes de la vie des deux glorieux apôtres saint Pierre et saint Paul. Ils
furent interprétés par Larrieu, de la Cour. H. Lagrenée, Taillaffon, Robin
et Lemonmer qui tous livrèrent leurs œuvres dans le courant de 1 7 7 t ,
sauf Robin, qui expédia la sienne le r ", juin 1772. Chaque tableau, de
C)'"70 de hauteur sur VvS de largeur, fut payé 350 livres, excepté celui
de Robin. Un léger supplément fut alloué à cet artifte en raifon du succès
marqué obtenu par sa toile au Salon du Louvre. Difcrètement, l'artifte
avait infinué que cette délicate attention du chapitre lui serait très senfible.
Une lettre adreffée à l'official de Lifieux par M. Chevalier, emballeur de
tableaux à Pans, nous apporte à cet égard quelques précifions : ^< Je viens
de faire encaifTer et emballer votre sixième tableau, la voiture sur laquelle
il sera chargé devant partir après-demain, vous le recevrez vers la fin de
la semaine. Je laifTe à M. Rambaud à rendre compte de ce que demande
M. Robin, notre peintre, et de ce qui a été promis. La place dans le
Salon sera un témoignage de la bonté de louvrage. »
Les tableaux parvinrent sans accident à Lifieux, chez M. l'abbé Cheva-
lier, chanoine de Saint-Honoré. qui était chargé de les recevoir. L emballage
avait été particulièrement surveillé. Les toiles étaient roulées sur des cyhn-
dres de bois, les châffis et les cadres soigneusement emprifonnés dans des
boîtes de i 3 pieds de long sur 2 pieds de large et 1 8 pouces de profon-
deur. Précautions utiles lorfqu'on songe qu'en route, pendant plufieurs
jours, ces précieux et fragiles objets seraient expofés aux intempéries de la
saifon et à la nonchalante infouciance des charretiers. Quelle déception
pour le chapitre de la cathédrale s il fût arrivé malheur à ses tableaux si
impatiemment attendus ! Cadres et toiles arrivèrent heureufement en bon
252 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
état. A la vue de ces richefTes artiftiques. les chanoines ne manquèrent pas
d exprimer hautement leur complète satiffaction et de faire diligence pour
les mettre en bonne place au-defTus des stalles du chœur. Les tableaux
furent appofés contre les piles dans 1 ordre suivant :
Entre les deux premiers piliers, du coté sud : la Converfon Je saint
Pdiil, par de la Cour : puis, sur une même ligne : Sduit Pierre guèrifj^dnt
les nuliides Je son ombre, par Robin : la PréJicdtion Je sjint Pierre, par
Larrieu. De lautre côté du chœur, en defcendant. on voyait : Saint Pierre
Jélivrê Je prifon. par TaillafTon : Saint Pierre reffiifcitant Thahite . par
Lcmonnier. et le tableau de H. Lagrenée repréfentant Saint Paul Jeyant
l Aréopage .
Confortablement affis pendant les offices dans les magnifiques stalles
du xiv' siècle, les chanoines, entre deux prières, avaient la douce satilfaction
de pouvoir admirer tout à leur aife ces impofantes peintures nées de leurs
deniers, et de méditer à loifir les scènes édifiantes qu elles reprélentaient.
Ils pouvaient être fiers de «'^ leur œuvre // ; c était un irréprochable spéci-
men de lart de leur temps. Ces vaftes pages religieules tenaient utilement
et largement la place des vieilles tapifTeries accrochées jadis aux piles du
cha-ur. Les tableaux liolaient complètement le chœur du déambulatoire et
avaient lavantage appréciable d intercepter les courants d air .
En ly»)";. les mains révolutionnaires ne relpectèrent pas ces nobles
productions d art. C cft aux soins et au zèle généreux de 1 artifie peintre
Duval Le Camus que nous devons 1 heureufe reftauration de ces tableaux '.
Actuellement. 1 un d eux eft placé dans le croifillon Sud. trois dans les cha-
pelles du collatéral Sud et deux dans les chapelles du collatéral Nord.
1. D'après les notes de M. l'abbé le Rat, les tableaux, lambris et peintures du chœur
revinrent ï 7.^20 livres.
2. Le Nornund, journal de Lifieux. année iN^.S.
NORD
n
Q D <
SLJO
Fig i)^. — Emplacement actuel des Tableaux.
A.
Prédication de saint Pierre.
G.
Marr.Te de saint Sébadien.
O.
B.
Saint Paul devant l'Aréopage.
H.
L'E.vtafe de saint Jérôme.
P.
C.
Délivrance de saint Pierre par
I.
Sainte Cécile.
Q.
l'Ange.
I.
La Cène.
R.
D.
R.éfurrection de Thabite.
K.
Sainte Anne faifant lire la Vierge.
E.
Converfion de saint Paul.
L.
Saint François-Xavier.
S.
F.
Saint Pierre guériffant les ma'ades
M.
L'Ange gardien.
L'Apotheofe de saint Charles.
T.
de son ombre.
N.
U.
Préfentation de la Vierge au Temple.
Pieta.
La Nativité du Sauveur.
.\pparition du Sacré-Cœur à la Bien-
heureufe Marguerite-Marie.
Préfenta:ion de Jéfus au Temple.
La Vifitation.
L'Annonciation.
2M
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
COLLATÈK,M SUD - PREMIER^E CHAPELLE
PRÉDICATION DE SAINT PIERRE
PAR LARRJEU •
L'Apôtre parle à un groupe attentif. Il est debout à lentrée d un
temple qui s'élève à côté des murailles de la ville. Larrieu la représenté avec
un vifage clafTique. le front dénudé avec une
lécrère mèche, une toiie bleue recouverte d un vafte
il "
manteau de teinte jaune biftre. Pour le recon-
naître, lartifte lui a mis à la main droite les clés
rmblématiques.
Un groupe de femmes et de quelques
hommes se tiennent à droite de 1 Apôtre. Un
vieillard et des disciples recueillent ses ensei-
gnements. Ce groupe de perfonnages
eft traité hâtivement, avec des fautes
marquées de compofition et de couleur.
Le perfonnagc le mieux rendu,
celui où 1 auteur a révélé sa mai-
trile. eft la femme habillée
de blanc, coiffée d un turban
Je la mcme couleur, afiife
au bas des degrés ; son
attitude attentive et
émue, remarquable-
ment tra-
duite, pro-
voque 1 ad-
miration de
Une femme écoute la prédication de laint Pierre
I . Le seul docunicnt concernant cet artifte eft le suivant : " Je reconnais avoir reçu de
M. Le Rat par les mains de M. Le Chevalier, chanoine de Saint-Honorc, la somme de trois
cent cinc]uantc livres pour le tabic.ui reprcfcntant la Prédication de saint Pierre, que | étais
chargé de faire pour la cathédrale de Lificux. *
A Pjris. le Ji Jvri7 i--i
Signé : LARRIEU.
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
255
tous les artiftes. Moins heureufes sont les deux femmes à gauche du tableau
et les cinq autres placées à la droite, leur gefte dramatique dépalTe la mefure.
Des erreurs anatomiques et techniques, trop nombreufes. enlèvent à l'en-
femble de sa valeur artiftique.
>{» ^ ^
DEUXIÈME CHAPELLE
SAINT PAUL DEVANT L'ARÉOPAGE
PAR LAGRENÉE LE JEUNE.
Le tableau qui orne la deuxième chapelle efi: de Jean-Jacques Lagrenée.
dit le Jeune, né à Pans en 1740 et
mort dans la même ville en 1821. Il
fut élu membre de 1 Académie des
Beaux- Arts, le 30 juin 1773. Dans
cette toile, il a repréfenté la prédication
de saint Paul devant 1 aréopage, en y
apportant une débauche de mouvement,
de couleur et de defTin contre laquelle
devait réagir David et son école.
Dans le monument italien où il fait
siéger Taréopage grec. Lagrenée a groupé
d une manière harmonieufe les savants
et vieillards de 1 aréopage au milieu des-
quels il a dispersé agréablement quelques
jeunes figures qui ne sont point les moins
charmantes, ni les moins bien traitées du
tableau. A gauche de la toile, monté sur
un énorme socle, le chef de l'aréopage,
vêtu de bleu, écoute Paul et manifefte
son attention par un gefte contenu qui
n'efl: pas sans éloquence. Auprès de lui. „• ç • d 1
r T. r Fig 1)7. — baint Paul.
un autre vieillard plus calme, prête aulfi
une grande attention aux propos de l'Apôtre. Aux pieds de ces deux
hommes, accoudé sur le bord de la tribune, un jeune éphèbe écoute avec
2^b SAINT-PIERRE DE LISIEUX
émotion 1 orateur. La robe rôle délicatement ouvrée, la pôle des mains
et leur deffin remarquable, font de cette figure qui occupe au deuxième
plan le centre de la compofition 1 une des panies les mieux traitées.
L apôtre Paul, le sujet principal de la toile, par la vulgarité de ses traits, le
manque de nobleiTe de son front, semble avoir trahi la conception de
1 auteur. Il parait de beaucoup moins bien étudié que les perfonnages acces-
soires. L œuvre de Lagrenée fut cependant eftimée lors de son apparition.
Elle figura au Salon de 1771. Cdtdlogiie n 21 j.) Voici en quels termes
on 1 appréciait : '' Saint Paul préchant dans 1 aréopage, de M. Lagrenée le
Jeune, quoique non terminé, semble aux connaifleurs de bon style. //
COLL.\TERj\L SUD — TRJDISIEME CHAPELLE
DÉLI\RANCE DE SAINT PIERRE PAR UN ANGE
T.\BLE.\U DE J. T.\lLL.\SSON
Le tableau qui orne la troifième chapelle cft de Jean Jofeph TaillalTon.
peintre d hiftoire et écrivain'. Né à Blave. en IJ)'». il mourut à Pans le
1 I novembre iScx). Il fut clu membre de 1 Académie, le "îo novembre
lyN»^. TallailTon repréfentc saint Pierre délivré par un ange et s infpirc
du récit des Actes des Apôtres, chapitre v verset 17-21.
Pierre efl éveillé, au milieu de la nuit, par 1 apparition du melTager divin.
Un rayon lumineux emplit sa cellule, et d un gefte un peu maniéré, mais
très harmonieux, lange porté sur une nuée lumineuie montre à 1 Apôtre
le chemin qu il doit suivre pour fuir de prilon. La tète de l'ange, ses ailes
déployées sont teintés avec une élégance, une légèreté, une harmonie qui
répondent remarquablement à 1 idéal que s en était forme 1 artillc. Cet en-
semble fait un contrafte charmant et heureux avec 1 Apôtre, vieillard aux
traits émaciés mais vigoureux. Ses traits, traduifant a la fois 1 admiration et
la reconnaiffance. sont peints avec une vigueur magidrale. Ces deux perfon-
nages suffiraient à emplir la toile : cependant 1 artifte a difpofé à gauche et
dans le coin deux gardes endormis qui. placés au premier plan, néccllitcnt
I. Mirionnciux, /•-_/• TjiUjjfon, Bordeaux. iSo:. in-8". — Bcllicr de la Chavigncnc.
Dictiotinjne iics > 'irtifta. t 11. p. \^.i).
Fig. 98. — La Résurrection de Tabithe. détail du ubieau de Letnonnier.
3^8 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
d'être traités avec vigueur; ils 1 ont été, dune manière heureufe. et la cou-
leur cuivre de leurs vêtements forme, avec celle du manteau de Pierre et
1 éclaira^fe doré qui règne autour de lange, une dégradation savante qu ac-
centue encore le bleu complémentaire qui orne le coftume des gardes et la
robe du mcHager célefte. L architecture s eftompe dans la nuit et difparait
heureufcmcnt. La mife en toile, l'arrangement de la compolition. 1 autorité
du defTin. 1 aifancc de la facture montrent qu à ;<> ans TaillalTon polTédait
des connaifTances techniques complètes et faifait honneur a 1 école de Vien.
dont il fut un des plus brillants élèves. Malhcureufcment. 1 humidité de
la cathédrale a terni d une manière irréparable le premier plan du tableau.
COLLATER^'XL SUD — SIXIEME CHAPELLE
LA RÉSURRECTION DE TABITHE
P.\R LEMONNIER
Le tableau qui garnit la sixième chapelle, eft une belle œuvre du peintre Le-
monnier né à Rouen le (> juin i 7 j "> . décédé à Pans, le i ~ août i n " )
dont la renommée artiftique a illulVé 1 école de Rouen au xviii' siècle.
Il eft, à jufte titre, conlidéré comme 1 un des plus grands peintres de cette
période. Oii lui avait injuftemcnt attribué tous les autres tableaux de la
cathédrale Saint-Pierre de Lifieux. On diflinirue sa lariie signature au
bas. à droite du tableau, alors que les signatures des autres toiles sont presque
difparucs. C eft à ce détail qu il faut attribuer 1 erreur qui a peHifté si long-
temps sur 1 origine des tableaux de Saint-Pierre de Lilieux.
La réfurrection de Tabithe c(ï une magnifique compolition à la fois,
par la beauté du dcilin et la couleur du procédé.
Une jeune femme morte efl couchée sur un lit. et autour d elle sa
famille se soulevé et fait des geftes de prière et de supplication dirigées vers
1 Apôtre qui se tient debout, au pied du lit. les bras écartés, le vifage tourné
vers le ciel dans un mouvement d imploration puifTante. La minute pathé-
tique a été admirablement traduite par une unité de sentiments et de
gcftcs qui domine dans le tableau. La richelTe des couleurs le ferait admirer
s il n avait pas d autres qualités efthétiques. Toutefois, on pourrait lui lepro-
LES TABLEAUX DE LA CATHÉDRALE 259
cher l'excessive multiplicité des draperies qui atténue la nobleiTe de lensemble.
Voici le paflage de l'Ecriture où l'artifte a puifé son sujet : // y avait
â Joppé. parmi les difciples. une femme nommée Tabithe: elle était riche en
bonnes œuvres et faifait beaucoup d aumônes. Elle tomba malade et mourut...
Les difciples ayant appris que Pierre se trouvait à Lydda à côté de Joppé, ils
envoyèrent deux hommes pour le prier de venir iufque cheT^ eux. Pierre par-
tit avec eux. Dès <ju'd fut arrivé, on le conduifit dans la chambre mortuaire...
Pierre ft sortir tout le monde, se mit à genoux et pria: puis, se tournant vers
le cadavre, il dit : '^ Tabithe, lève-toi/ „ Elle ouvrit les yeux, et ayant vu
Pierre, elle se mit sur son séant. (^ Actes des Apôtres, chap. IX, 3(3-43.)
Dans sa notice sur Lemonnier. A. de Lefpinois eftime que son tableau
de la réfurrection de Tabithe eft une œuvre de jeuneiTe. mais d'une jeunefTe
déjà mûre et qui donne la mefure de son avenir. Il parait que, dans sa
vieillefTe. Lemonnier vint revoir le tableau de Tabithe et le contempla long-
temps. C efl qu il avait pour lui une prédilection marquée, et qu il y retrou-
vait l'idée première du groupe des peftiférés de la pefte de Milan, son chef-
d'œuvre qu'il exécuta quatre ans après le tableau deftiné à Saint-Pierre de
Lifieux. Prix de Rome en 1770. Anicet-Charles-Gabriel Lemonnier con-
tribua efficacement à la création du mufée de Rouen. Il fut directeur de
la manufacture des Gobelins de 18 10 à i 8 1 0 . Parmi ses œuvres de choix,
quatre s infpirent des Actes des Apôtres : Saint Pierre guèriilant les para-
lytiques. 1770: la Miffion des Apôtres. 1777: la Réfurrection de Ta-
bithe, 1771 et la Prédication de saint Paul'.
CI{piSILLON SUD
LA CONVERSION DE SAINT PAUL
PAR DE LA COUR
Pierre de la Cour, élève de Vien. fut profelTeur à 1 Académie de Bor-
deaux pendant près d un demi-siècle. Il était auffi graveur et littérateur.
I. Pierre Marcel. Lj collection de defjîns de Lemonnier au mufée de R^uen, Paris. 1913,
in-8°, p. 467 et suiv. — A, Lemonnier. Notice hifîorique sur la vie et les ouvrages de H. Lemon-
nier, Paris, 1824, p. b et suiv. — A. de Lefpinois. Notice sur Lemonnier peintre d'hifloire,
Rouen, 1S70, in-8", pp. S-g.
2bo SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Né à Bordeaux, le l^ avril T 7 4 V '^ ^^ ^^^^ ^" ^<^"^ même ville le
2 N janvier i S i 4 .
Les Actes des Apôtres (ch. IX. i-^o) préfentent ainfi la converfion mira-
culcLife de Saul. plus connu sous le nom de Paul : SjuI ne rcfpirjnt (juc
haine et mendce contre les difciples du Seigneur. j/Ar trouver le gmnd prêtre
et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que. s il trou-
vait des gens de cette croyance, hommes ou femmes, il les amenât enchaînes
à Jcrufalem. Comme il était en chemin et cju il approchait de Damas, tout à
coup une lumière venant du ciel refplendit autour de lui. Il tomba par terre,
et entendit une voix oui lui difait ; Saul. Saul. pourquoi me perfècutes-tu r
Il répondit : Qui étes-vous. Seigneur. -■ Et le Seigneur dit ; Je suis Jcfus que
tu perfécutes. Lève-toi et entre dans la ville: là on te dim ce que tu dois
faire. Les compagnons de Saul demeurèrent saisis de stupeur: car ils perce-
vaient le son de la voix, mais ne voyaient perfonne. Saul se releva de terre,
et Lien que ses yeux fujfent ouverts, il ne voyait rien: on le prit par la mam
et on le conduift à Damas. Paul pa{Ta c|uclc|ues jours au milieu des chrétiens
de ce pays, recouvra la vue. fut baptifé. et auffitot il se mit à prêcher dans
les synagogues auc Jéfus cft le fils de Dieu.
Le peintre de la Cour avait à évoquer sur sa toile les péripéties de
cette scène dramatique. 1 émouvante grandeur de ce combat imprévu où se
rencontrent la volonté humaine et la volonté divine. Tache certainement
laborieufe et qui décourage les plus pathétiques des peintres.
De la Cour a repréfenté Saul. avec beaucoup de logique, au moment
même où le trait fulgurant de la lumière célcfte le frappe et 1 éblouit. Il
chancelle sur son cheval et étend les bras avec un geRe de détrelTe et
d abandon; le coursier s écroule également, de même les compagnons de
route du citoyen romain.
Le mouvement d effroi cherché par 1 artifte se traduit fatalement par
une regrettable confufion de lignes et de plans. Certains raccourcis, malgré
1 habileté avec laquelle ils sont exécutés, manquent d élégance. Le mouve-
ment des bras de Saul retire du mérite a la facture. Les fonds ont été
interprétés, en des couleurs affombries. pour donner plus d effet à la lu-
mière qui inonde le bufte de lapôtre. Les qualités du peintre s impolent
cependant au spectateur : couleur puiffante et riche, compolition pleine
PI. 3J
ii-uujuiimijujiif/
"t^t^JU
LE CROISILLON SUD
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE 261
d'imagination, draperies et coftumes somptueux, académie supérieurement
traitée. De la Cour a produit une œuvre séduifante pour les amateurs éclai-
rés d alors — adverfaires déterminés de toute innovation picturale — qui
ne se déclaraient satisfaits que par les œuvres cent fois répétées des élèves
appauvris de Rubens.
*J' -î" *î'
C0LLATÉRJ\L NORJ) — SIXIÈME CHAPELLE
SAINT PIERRE GUÉRISSANT LES MALADES DE SON OMBRE
TABLEAU DE I.-B. ROBIN.
Jean-Baptifte Robin, Fauteur du tableau accroché dans la sixième cha-
pelle du collatéral Nord naquit le 24 juillet 1734, il fut reçu à lAcadé-
mie des Beaux- Arts en avril 1772. Il mourut à Choufy (Loir-et-Cher) en
novembre 1818.
La scène se déroule au pied d'une colonnade monumentale qui. dans
l'efprit du peintre figure probablement les portiques du temple de Jérufa-
lem. Pierre, vêtu d'une tunique bleue recouverte d un manteau brun,
s'avance vers les nombreux malades avides de réconfort et de guérifon.
L'attitude de l'apôtre, son regard, le gefte si expreffif de ses mains donnent
une haute idée de sa puilTance.
Cependant, de toute évidence, le peintre a concentré tout son effort
artiftique sur un malade à demi enveloppé dans une couverture de laine
crème, rayée de bleu, bordée de rouge. Ce perfonnage de premier plan,
par sa pofe savamment étudiée et la vérité de son anatomie irréprochable,
nous montre que Jean-Baptifte Robin était un deffinateur étonnant de
précifion et de vie. La luminofité du tableau, quoique manquant de cha-
leur, refte néanmoins harmonieufe. Les effets de clair et d ombre sont
judicieufement équilibrés. En jetant discrètement quelques reflets sur les
maffes sombres, lartifte eut donné plus de relief à son œuvre.
Dès son apparition, en i 77 3 , le tableau de J.-B. Robin figura à 1 expo-
sition nationale des Beaux-Arts au Louvre. L un des critiques de l'époque
1 appréciait en ces termes : ^< Nous admirons le délire de M. R^bin, agréé,
(jui a pris pour son sujet de tableau de réception saint Pierre guérijfant les
2b2 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
mdlddes par son ombre. Lj première cjuepion cjii'on fdit en consiJérjnt cette
2rdnde machine c efl de se demander oit ejl l ombre du saint, cjui n en jette
cf aucun côté. Car il aurait fallu, pour exprimer cette action biT^arrc. surtout
en peinture, prendre le moment du lever ou du coucher du soleil, oit les
ombres sont très prolongées. diVifer les malades en trois plans, dont les guéris,
plus éclairés, annonceraient par leur joie, par leurs gejles de remerciement
et d acclamation, le miracle qui viendrait de se faire en eux : les autres
seraient suppofés dans le fort de l opération, et les derniers attefleraient
par l état défefpéré oii ils se trouveraient, quelle va être la puijfance de
l ami de Dieu, u
Le critiauc d art eu: obligé de s incliner devant 1 inconteflablc valeur
de lartifte ; '^ ^u rcjlc. en blâmant l extravagance et le défaut de bon sens
du compofteur. il faut applaudir à son talent. Des plans bien diflincts. de
grandes maffes et une touche affe:;^ ^'^^^^ f^'^^ ^'^'■^ '^"^ connaijfeurs que cet
ouvrage efl dans le bon style. //
Devant ce jui^ement plein de contradictions cjui ne soiii^era. comme
nous le faifons nous-mèmc. au mot du poète :
La criticjue cfï jifce et l'art efi difficile.
Que le chroniqueur du salon de 177"? formule des rélerves. rien de
plus naturel, mais au moins qu il détaille les nombreufes qualités indé-
niables de 1 oeuvre qu il apprécie.
+ •;• •;•
CRS>ISILLON NORJ)
LE MARTYRE DE SAINT SÉBASTIEN
TABl.E.M' ATTRIBIE A CARRACHE
C efl dans le croifillon Nord que se voit le plus précieux des tableaux
de la cathédrale. Il repréfcnte le martvrc de saint Scbaftien. thème que les
artiftcs normands des xvi'. xvii' et xviii' siècles abordèrent maintes fois.
AulTi bien la plupart des confréries de chanté de notre région avaient saint
Scbafticn pour patron. Le tableau de la cathédrale Saint-Picrre parait le plus
beau de tous ceux qui subliQent encore en Normandie.
LES TABLEAUX DE LA CATHÉDRALE
En 17(10. dans l'inventaire drefTé à la mort de Mgr de Brancas, un
Martyre de saint Sébaflien et un saint Jean au Défert furent eftimés 6.000
livres, somme élevée pour l'époque. Plufieurs érudits lexoviens affirment que
le saint Sébaftien de la cathédrale
ne serait autre que le remarquable
panneau inventorié au xviii* siècle.
Ce n'eft, en réalité, qu'une simple
suppofition. En effet, d ne faut
pas oublier qu à cette époque.
1 une des chapelles de Saint-Pierre
de Lifieux était dédiée à saint Sé-
baflien. Qlu nous garantit qu un
tableau repréfentant ce grand
saint n y était pas appendu ?
Saint Sébaftien nous apparaît
sous les traits d un jeune adoles-
cent, expirant, attaché à un arbre,
le corps percé de flèches. Pour le
maître, qui l'a traité dans la pofe
claffique, le sujet devint 1 occa-
fion d'une admirable académie.
L'ensemble des chairs, d'un ton
ivoirin, éclairées partie en pleine
lumière, partie en clair -obfcur
sent la technique dune grande
école. Les raccourcis des bras,
l'anatomie du bufl;e sont jufte-
ment appréciés des connaiffeurs.
La figure du jeune homme mourant, vue des
Fig. <}(). — Saint Sébaûien.
h
trois-quarts, exprime
suprême angoiffe dans le goût théâtral du temps. On peut toutefois
reprocher à ce remarquable morceau de peinture un excès de recherche
dans les lignes et les formes du corps, un manque de logique dans la pofe
du mourant qui défaille ; mais lœuvre garde les belles qualités décoratives,
1 émotion reffentie et rendue, Iheureufe compofition de 1 enfemble et
2(14
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
surtout la splendeur de la couleur malheureufement altérée par de nom-
breufes moifilTures. Il serait à souhaiter que des précautions exceptionnelles
soient prifes pour la confervation de cette belle œuvre.
AUTRES TABLEAUX
-t^ii
QUATRJÈME CHAPELLE DU COLLATÉf{,AL SUD
L EXTASE DE SAINT JEROME
Affis sur un tertre, saint Jérôme étudie la Bible non loin d un crucifix
bizarrement fixé dans un arbre
dépouillé de son feuillage. Une
Ionique barbe blanche donne de
la gravité à la fio:ure. Le bufte
se détache sur un fond d étoffe
de tonalité sombre. Derrière le
solitaire penlif . dans 1 ombre.
apparailTcnt vaijuemciu une
tète de lion et une tète de mort.
Médiocre toile, à demi effacée.
Les couleurs sont mornes. Seul,
un ravon lumineux donne du
relief au haut du front . à
1 épaule droite du saint et vient
careffer les feuillets du texte
sacré. Efl-cc une œuvre ita-
lienne au xvi' siècle ou une
simple copie ? L absence de
^^"N..
Siint Jérôme.
sif^natuic UL permet pas de réfoudre le problème. Toutefois au bas de
la toile se détachent ces mots : Ex donc D. D. Dcbonfils Cduonicus Lcxo-
victijis l J /(y.
Fig. 100*". — Sainte Cécile.
34
âbh SAINT-PIERKE DE LISIEUX
MÊME CHAPELLE
SAINTE CECILE
PAR P -H GUERIN '
Sainte Cécile, vêtue d une robe blanche serrée à la ceinture et d un
manteau bleu clair, doublé de rofe. pince de la harpe. L attitude de la
sainte semble indiquer qu elle prend part à un concert célefte. Elle accom-
pa'zne sans doute langelot. debout, à son côté. A terre deux hautbois et une
partition. Un cahier de mufique efl dépofé sur un meuble recouvert d un
tapis de velours vert frangé d or. La phvfionomie de sainte Cécile n cfl: point
d un modelé savant, mais la couleur doucement lumineufe repole les veux.
les égave. et fait valoir cette toile de petite dimenhon. Le pinceau de 1 artifte
ne se serait-il pas attardé complaifamment à imiter une tapilTeric du
xvui" siècle :' '
*!* + *!*
CINQUIÈME CHAPELLE DU COLLATÈR^\L SUD
LA CENE
PAR MICHEL-PIERRE DESCOURS
L auteur de ce tableau. Michel-Pierre Dclcours naquit a Pans, le
27 février 17 j i et mourut a Bernav (^Eure). le i<» mai iNi ) \
C cfl la Pàque ]uive que 1 artiflc a mise en toile. Sans souci d exacti-
tude locale et d époque, le peintre bernaven groupe autour d une table
ovale Jéfus et ses douze apôtres. Une salle circulaire ornée de hautes co-
lonnes rappelle vaguement le Cénacle. Quelques tètes, obfervées avec ]us-
tclle. intérencnt les amateurs éclairés; mais, même aux meilleures phviio-
nomics. 1 émotion et la douceur manquent. Prêt à tranlmettre aux siens
un souvenir très tendre, le Chrift laiila-t-il tianfparaitrc tant de dureté et
de froideur." Les janfénifles furent seuls à le croire fermement. Or. la Cène
de Deicours remonte a une époque ou leur doctrine av.iir encore de chauds
partifans. Elle date en elTet de I7''^V
I . Sur un tableau de 1 calife «Je Saint-Martin Je Mailloc iCalvadosi, nous avons lu cette
infcription ; * Pli. Gucrin, peintre à Pont-1 Evet^uc 1808. *
3. Sur cet artiAe, voir Chanoine Porce. Un peintre bernjyen. Michel-Hiihert Descours.
Paris, 1880. pp. 17-20.
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE 267
MEME CHAPELLE
SAINTE ANNE FAISANT LIRE LA VIERGE
L'auteur anonyme de cette toile aime les tons sans éclat. Son art
évoque 1 âpre saveur d œuvres efpagnoles. La Vierge et un angelot enveloppé
dans un nuage sont seuls traités en teintes lumineufes.
^< j\f. ^
SIXIÈME CHAPELLE DU COLLATÉRj\L SUD
SAINT FRANÇOIS XAVIER
Pauvre peinture. Elle ne mérite pas de retenir l'attention.
SEPTIÈME CHAPELLE DU COLLATÉRJÏL SUD
L'ANGE GARDIEN
PAR EDOUARD KRUG.
C'efl: en TSy^ qu'Edouard Krug compofa ce tableau pour la chapelle
de 1 Ange gardien, à la cathédrale Saint-Pierre. Krug naquit à Drubec (Cal-
vados) le *) juillet i(S33. Elève de L. Coignet. il créa de nombreufes
oeuvres d infpiration chrétienne. L églife Saint-Pierre de Maçon renferme
plufieurs de ses frefques. L Ange gardien de Krug a été scrupuleufement
étudié par le peintre Robert Salles. '^ Au milieu d un pavsage montagneux,
au bord de la mer. éclairée à 1 horizon par un soleil couchant très lointain,
un ange debout, tout en blanc, tient une croix lumineufe. Il sert de guide
à un ]eune voyageur portant sur 1 épaule un paquet au bout d un bâton.
Cet adolefcent eft vêtu d un manteau bleu qui flotte derrière lui.
^^ Peinture très endeuillée. Inconfciemment on évoque de suite la palette
de Prudhon et de Henner et 1 on en cherche vainement la vibrante émo-
I. Sur cet artifte voir Chanoine Porée. Un Peintre hernjyen, Michel-Hubert Descours.
Paris, i8Sg,pp. 17-20.
2..S SAINT-PIERRE DE LISIEUX
tivité. Cette croix noyée dans un halo crayeux et glacé, sorte de phare po-
laire, occupe trop d importance dans la compofition. Il efl étonnant qu un
artifte auffi avifé que Krug soit tombé dans une pareille erreur de goût. Le
bleu le rouée des étoffes et la note blanche des ailes de 1 ange forment
une harmonie de tons certainement choifis pour svmbolifer les couleurs du
drapeau français. Idée touchante qui complète le caractère romantique de
lœuvrc et cadre bien avec sa haute intention morale. »
HUITIÈME CHAPELLE DU COLLATEB^\L SUD
APOTHÉOSE DE SAINT CH.^RLES
Saint Charles, debout, un long crucifix en main, est accueilli par des
anges soutenant avec déférence son chapeau et sa cappa de cardinal.
Dans le haut de la compolition. un autre ange, pauvrement deffiné.
porte la couronne dcftinée à lélu du ciel. Malgré son cachet archaïque,
lapothéofc de saint Charles parait dater du xvni" siècle. La chaleur du colo-
ris ne parvient pas à voiler le convenu de la draperie et de la perfpcctive.
L artifte n a pas su rendre avec vigueur 1 impreffion d ardente extale d un
vifage de saint.
•î* •!* •!*
TABLEAUX DES CHAPELLES Dl COLLATERAL NORD
SIXIÈME CHAPELLE DU COLLATÈRJ\L NOIip
LA PRESENTATION DE LA VIERGE AL' TEMPLE
L auteur de cette Prélentation de la Vierge au Temple n a pas cherché
à imaginer une scène émouvante. Son pinceau interpréta simplement le
texte évangélique. Agenouillée sur les marches du siège du grand prêtre, la
Vierge enfant porte une robe blanche. Une blonde chevelure enferrée par
un ruban rofe s arrête à la naiffance des épaules. Le grand prêtre accueille
avec grâce celle qui va se con(acrer à Dieu. Saint Joachim et sainte Anne
la regardent avec tendrelTe. Le caractère )uif des perlonnagcs eft nettement
marqué surtout pour le grand prêtre et I un des servants du Temple. Il
TABLEAUX DE LA CATHÉDRALE 269
eft fâcheux que l'artifte n'ait point donné à la Vierge des traits plus dis-
tingués et un air moins vieillot. La tradition veut que ce tableau ait appar-
tenu à l'églife Saint-Germain. Un superbe cadre en chêne sculpté donne du
relief à la toile de couleurs aiTez ternes.
4* 4* 4*
CINQUIÈME CHAPELLE DU COLLATÉI{AL NORJ)
PIETA
Affife au pied de la montagne sur laquelle s'éleva la croix, la Vierge
des Douleurs tient sur ses genoux le corps inanimé de son divin Fils. Dans
le lointain, s'eftompent quelques monuments de Jérufalem. Peinture frufte,
sans émotion profonde et sans poéfie. Le bleu et le rouge dominent dans
les vêtements. C'efl: une œuvre du déclin du xvif siècle.
MÊME CHAPELLE
LA NATIVITÉ DU SAUVEUR
Adroitement compofé, ce panneau formant retable dénote une tran-
quille afTurance de métier. Que n'eft-il plus touchant de sentiment? La
vivacité du coloris difparaît sous une abondante couche de pouffière.
QUATBJEME CHAPELLE DU COLLATÉBJKL NORJ)
APPARITION DU SACRÉ-CŒUR A LA BIENHEUREUSE
MARGUERITE-MARIE
L'auteur de ce tableau. M"' Godard, une Lexovienne qui aimait beau-
coup la cathédrale Saint-Pierre, a fait preuve de bonne volonté en entrepre-
nant un tel travail. La rigueur du deffin. le modelé du vifage de Jéfus
s'impofent à l'attention des connaiiTeurs. mais n emportent pas leur
enthoufiafme.
270
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Il faut 1 avouer sans détour, 1 imagerie religieufe ne polTède pas de
repréfentation du Sacré-Cœur satiffaifante. L apparition du Christ à la
bienheureufe Marguerite-Marie attend toujours son peintre. Avec tout son
souffle de croyant. Maurice Denis a déjà amorcé le sujet. S'il y revient,
nul doute ciu il ne nous donne un chef-d œuvre.
TROISIÈME CHAPELLE DU COLLATÉR^\L XORJ)
LA PRÉSENTATION DE JÉSUS AU TEMPLE
Si 1 artifle anonyme de la Prcfcntation qui orne la troisième chapelle du
collatéral Nord ne comprenait guère la divine beauté de la lumière, il sai-
silTait à merveille le coté myllique d un sujet. Le souci du sentiment,
rexpreffion naïve des figures, les geftes vécus aident à oublier la pauvreté du
deilin et 1 exécution défectueuse de la draperie et des chairs. L attitude de
la Vierge rappelle les procédés de certains primitifs.
Un curieux défaut d arrangement provoque le sourire. Un cierge porté
par un perfonnage d arrière plan vient se planter bien d aplomb sur la tctc
d un perfonnage de premier plan. Détail pittorefquc et qui palTc inaperçu
d un iirand nombre de vditeurs. La toile remonte vrailcmblablement aux
premières années du xviii'' siècle.
*l* *l* •'*
DEUXIÈME CHAPELLE DU COLLATÈR^XL NORJ)
LA X'ISITATION
'' Toile d une belle cllhctique. très influencée par lait italien du milieu
du xvii' siècle. Un groupe de quatre pcrionnagcs se détache sur un fond
d architecture romaine, aux lignes savantes et harmonieuies. La Vierge occupe
le centre de la compolition. Son gede rappelle celui de la Vierge glorieuie
de Murillo. Le faire de cette figure eil très soigné: il v a même un peu
d'affectation dans le modelé. Le vi(a<re de Notre-Dame cil dune belle
n
cxpreffion. Sainte Ehlabeth et les deux autres femmes offrent des harmonies
de liizncs charmantes.
LES TABLEAUX DE LA CATHÉDRALE 271
'^ L enfenible du colons eft très monté de ton: celui du ciel bleu
affombri efl: d une richefTe incomparable. Quel dommage que le nom de
cette intéreiTante compofition ne nous soit pas connu! L autel placé tout
contre le bas de la toile empêche peut-être de le pofTéder '. ^/
*t«, jit* >t»
PB^MIÈB^ CHAPELLE DU COLLATÉI{AL NORJ)
L'ANNONCIATION
Les cheveux noués par un mince ruban rofe. un voile jaune biftre sur
la tète, la Vierge porte un manteau bleu et une robe rofe dont le drapé
manque d aifance et d harmonie.
Le profil de Notre-Dame rappelle celui de Louis XIV, et ses mains, d'une
grolTeur démefurée. seraient volontiers celles d'une payfanne. Autant l'attitude
de la Vierge révèle un métier héfitant et timide, autant 1 ange Gabriel inté-
reile par sa largeur de facture et son réalifme de bon aloi. Nous croyons
savoir que cette toile aiTez inégale et repréfentative de deux procédés
singulièrement différents fut donnée à la cathédrale, en 1802, par
F. Miftral. ancien imprimeur des derniers évèques de Lilieux.
Telles sont les toiles que nos aïeux léguèrent à 1 églife Saint-Pierre.
Plusieurs d entre elles seraient peut-être plus à leur place dans un vafte et
somptueux mufée. Qu importe, en les confervant. le clergé refpecte la
volonté de ceux qui. par amour de 1 idéal nouveau, les achetèrent à prix
d or, pour orner la cathédrale. Le temps et les éléments ont meurtri, ridé,
noirci certaines de ces œuvres d art. Couronnées d ans. chargées de souve-
nirs, embellies de la poéfie du paffé, elles ont pris un afpect qui achève à
nos yeux leur beauté affez inégale.
De tout cet héritage, la Vifitation de la Vierge et le martyre de saint
Sébaftien reftent les deux plus savants morceaux. Là se trouvent concentrées
toutes les nobles qualités du véritable artifle : la pureté des lignes, léqui-
I . Note de M. R. Salles,
272 SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
libre heureux de la compofition. 1 harmonie des tons. Comme les auteurs
anonymes de ces toiles peignaient bien, et jufte surtout!
Sans atteindre au même degré de perfection, les six grands tableaux
du xviii' siècle conftituent un document précieux pour indiquer les tendances
de lécole françaife à l'époque où ils parurent. De la Cour. Lagrenée.
Larrieu. Robin. TaillalTon. Lemonnier sont les derniers repréfentants d une
manière que David allait dépalTer à partir de IJ^V le fouillis décoratif de
Vien et de ses élèves : les Romains empanachés, les draperies faftueufes
soulevées par des zéphyrs importuns, la difperfion des lignes, les mouve-
ments maniérés, tout cela va difparaitre devant un sentiment plus sobre de
la compofition et de la couleur. Comme les peintres qui travaillèrent pour
le chapitre de la cathédrale Saint-Pierre. Louis David avait fréquenté 1 ate-
lier de Vien déjà vivement préoccupé du retour à la gravité antique. En
voulant eontinuer son maître, le difciple le surpalTa.
Par la perfection de ses reflitutions. il séduilit ses contemporains et
devint à son tour chef d école. De mcme que Vien. David aimait Rubens;
mais, dans les scènes grandiofes et mouvementées, il apporte davantage de
calcul, d application et de connaifTance de l antique.
David prétendait ne rien peindre que d après nature. Malheurcufcmcnt.
ses héros, ses perfonnages pofent et n agifTcnt. Il ne les regarde que pour
les rendre selon les formes de la statuaire iircco-romainc. Les six iirands
tableaux de Saint-Pierre de Lilieux permettent do comprendre en quel sens
lécole de David modifia la technique de \^en. déjà influencée par 1 art an-
tique, et réagit contre le maniénfme de Boucher et de Fragonard.
Trop vastes pour être minutieufement travaillées dans toute leur surface,
les six toiles préfentcnt néanmoins des détails bien venus et parfois très
poufTés. Créées par des .irtiflcs dont 1 Académie des Beaux-Arts avait confa-
cré la renommée, ces larges compoiitions rcligicufcs durent longuement
défrayer les commentaires du monde eccléfiaRiquc volontiers cauleur et
pétillant d'cfprit. hnaginez qu'à la Nocl de loi/ M. I archiprctrc de Saint-
Picrre commande pour 1 églifc six magnifiques toiles aux maîtres de 1 heure :
à Cormon. Dagnan-Bouvcrct. Flamcng. J-P Laurcns. Lhcrmittc. L.-O.
Mcrfon, quelle émotion ne serait-ce pas dans le clergé de Lilicux et dans le
PI u
Bibliothèque Nationale. Esumpes
LE CROISILLON NORD (Dessin de Thorigny^.
LES TABLEAUX DE LA CATHEDRALE
273
monde des artiftes! Certes, nos peintres modernes pourraient livrer de belles
œuvres, mais beaucoup moins apparentées entre elles que ne le furent les
travaux de Charles Lemonnier et de ses collègues de l Académie.
Plus franchement claffiques que les peintures modernes, certaines pro-
ductions du xviii" siècle avaient-elles le même accent de sincérité et d émo-
tion? Etaient-elles auffi uniperlonnelles? Queftion singulièrement attachante
et que nos lecteurs se feront un senfible plaifir de réfoudre.
3^
CHAPITRE IX
LES DEPENDANCES DE LA CATHÉDRALE
L'ANCIENNE SALLE CAPITULAIRE
ET LA BIBLIOTHÈQUE
Il exiftait encore au début du dix-neuvième siècle, au sud de la cathé-
drale, une vafte salle accolée au croifillon. C'était la salle capitulaire. Edifiée
dans la seconde moitié du treizième siècle '. après la^cS. elle occupait une
superficie double de celle des chapelles actuellement dédiées à Notre-Dame
de Grâces et à 1 Ange Gardien. Le bâtiment primitif comprenait deux
pièces superpofées. La première, voûtée sur croifées d ogives, au rez-de-
chauiTée, servait de salle de réunion aux membres du chapitre. En I7()0,
les commiiTaires du diftrict. chargés d appofer les scellés sur les portes du
chœur de la cathédrale et des lieux capitulaires. conftatent dans la salle du
chapitre la préfence de divers objets d or et d argent, plus le grand reli-
quaire de saint Urfin : « Pefée en fut faite par le sieur Courdemanche et
qui s eft trouvé d'un poids net de 2 2 marcs déduction faite par eftimation
d un marc pour les reliques qu il contient, d une plaque de cuivre servant
I. R^ghjirc des yifitcs de l'Archevêque Eudes B,igjud, édition Boniiin. n. j()().
27b SAINT-PIERRE DE LISIEUX
à soutenir les dites reliques et de quelques petits médaillons de verre attachés
au dit reliquaire, plus un médaillon en or orné de plulieurs pierres fines et
d un camée également attaché au dit reliquaire et dont le dit sieur Courde-
manche a évalué l or au poids d environ une once'. // Avant la Révolution,
le reliquaire de saint Uriin était bien déchu de son antique splendeur.
Jufqu en l«SS{). il était relativement facile de se rendre compte de la
phvfionomie primitive de la salle capitulairc. La bafe du pilier central sur
lequel venaient retomber les arcs ogives de la voûte était encore vifible. ainfi
qu un banc de pierre bordant le mur extérieur et le pavage '. La négligence
des couvreurs a laiffé récemment difparaitre ces veftiges anciens. Les tuiles
BIBLIOTHEQUE
Curavimus Volentibus Légère.
■:i.^yUac\\. -x.
Fig KM Inscription de U ponc d entrée de U bibliothèque du chapitre.
brifées s entafTant les unes sur les autres ont fini par les recouvrir entièrement.
La seconde pièce, située à 1 étage, serxait de chartrier et de bibliothèque.
Des fenêtres en tiers-point éclairaient les deu.x salles. Un elcalier loge dans
1 angle du croilillon Sud permettait au public de pénétrer dans '^ la librairie //
ou bibliothèque les mardis et jeudis de chaque semaine, de neuf heures à
midi. Au-dcllus du linteau de la porte d entrée se lit encore l infcnption
ci-dessus gravée sur une plaque de marbre noir.
La Révolution qui travaillait, difait-cllc. à répandre toutes les lumières,
commença par les éteindre toutes. La bibliothèque tut d abord fermée,
I . Etat du rcccnfcnicnt des effets mobiliers de b cv-dcvant cathédrale de Saint-Pierre de
Lifieux, drclTc par les commilTaires nommes à cet clfci par le département du Calvados pour
le dïArict de Lificux suivant leur procès-verbal des 14, i^. H», ' 7 et • î> décembre 1700. —
Archives du Cj/vjJoj, Rej^iftrc in-fol. de 72 pages.
3. Voir en appendice une defcription abrégée de la ^alic capitulairc et de la bibliothèque.
LES DEPENDANCES DE LA CATHEDRALE
puis inventoriée (14. I*). 16. 17 déc. 1700) et pillée. Nombre de livres
ornés de gravures sur bois, les manufcrits offerts par Thomas Basin se trou-
vèrent difperfés '. Combien à
1 heure préfente refte-t-il des
l.')8o volumes mis à la difpo-
fition des lecteurs avant la tour-
mente révolutionnaire, bien peu.
sans doute. Un bréviaire de
Lifieux in-4'' de 1018 pages
sur vélin richement illuftré. se
trouve à la bibliothèque pu-
blique de la ville de Caen. Le
cartulaire de Thomas Basin.
bel in-folio sur parchemin, avec
premières lettres enluminées .
efl: conferv'é à la bibliothèque
de Lifieux. Ce précieux docu-
ment d hiftoire locale, a été
analyfè par M. de Forme-
ville - et étudié avec soin par
M. Henri Moisy '. La perte des
autres manufcrits eft d autant
plus regrettable que plufieurs
avaient été copiés dans les
grandes abbayes bénédictines de
la contrée, et probablement dans
le prieuré de Sainte-Barbe-en-Auge. et sans doute dans sa succurfale de
Bequefort en Angleterre où séjournaient des copiftes d une indéniable
1 . Sur la Bibliothèque du chapitre, voir Thomas Bafin, Hifloire des règnes de Charles VII
et de Louis XI, édit. Quicherat, t. III. p. 207 et suiv.. t. IV. p. 107, 20S. — Etienne
Deville, Notices sur quelques manuscrits normands confer\és à la Bibliothèque Sainte-Gencviè\e.
Fasc. y. Manufcrits lexoviens. Evreux. i<-)0^, in-S.
2. Formeville. Hifloire de Lifieux, t. II, p. î i "i .
3. H. Moify, Notes pour servir à ihifîoire de Lifieux au xv" siècle dans Bulletin Société His-
torique de Lifieux, année 1874, n" 5.
Fig. 102. — Nicolas Orefme préfentant un livre à Charles V.
2-jS
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
habileté. La miniature anglaife a-t-elle été influencée au xu' et xiii' siècles par
la miniature continentale spécialement par la miniature normande." queftion
toujours en sufpens par suite de la difparition des travaux français de cette
période. Les révolutionnaires lexoviens se
préoccupaient peu de ces problèmes d in-
fluence artiflique ; ils préféraient voir les
luxueux travaux des callii^raphes s abîmer
dans les flammes avec les titres de propriété
du chapitre... Leur lourdeur d efprit ne pou-
vait s affiner pour comprendre la spontanéité,
le pittorefque. lintérct anecdotique. la tech-
nique léi^èrc et libre de ces vieilles imai;es '.
Après la renaifTancc du culte catholique,
officiellement confacrée par le concordat de
iN(>i. des réparations onéreufes devinrent
néccfTaires pour protéi^cr la salle capitulaire.
Le plomb des gouttières avait été volé, et la pluie, traverlant la toiture,
s infiltrait peu à peu dans les voûtes. Des lézardes et des crcvaHes pro-
fondes se vovaient dans les murs
extérieurs. La fabrique ne pouvait pas
grand chofe pour enrayer une telle
défolation. Un des marguilhers, an-
^K
cicn imprimeur de Mgr de la Fer-
ronays, F. Miftral. après avoir pris
lavis de deux experts en maçonnerie,
cnt.ini.i des pourparlers avec le pro-
pourp:
e p
0^<
.<'.
I. L inventaire Je décembre ijtiodonnc
|j liQc de la plupart des livres de la Biblio-
thct|uc dans l'ordre suivant : Ecriture Sainte.
Liturgie, Vies des Saints, Conciles. Droit civil ^^ffwins » «/v»/^*"
et canonique. Aux murs de la bibliothèque
étaient appendus * huit tableaux d'anciens
évcques encadres*. Parmi ces portraits figurait celui de l'évcquc Hcnnuycr. Cf. H^c^ijlrc des Dèli-
bérjttom du Chjpitrc. juillet 17SS. Une fois les scellés .ippofcs sur les titres et papiers du chapitre
tous ces objets furent » laifîés en charge et garde de Pierre Vivien et de Charles Cuillier. ,
LES DEPENDANCES DE LA CATHÉDRALE 279
priétaire de la cour la plus rapprochée de la salle capitulaire. M. Jean-
Jacques Lebrun. Celui-ci, '■< voulant manifefter tout son dévouement au
bien de l'églife //. se chargea volontiers défaire démolir de fond en comble
la salle capitulaire et de solder les dépenfes occafionnées par la réédification
des murs de clôture, des contreforts, des verrières et des couvertures. Le
samedi 13 septembre 1804 (28 fructidor an XII) un accord efl; conclu
entre les parties. Au dire des entrepreneurs, Miftral et Le Brun, la démolition
abfolue s'impofait à tous les égards. '-< Il serait très avantageux de retrouver
près du chœur deux chapelles qui n avaient été employées à un autre ufage
que par la néceffité des circonftances... l'ouverture de ces deux chapelles
procurerait à cette églife une grande commodité, rendrait au centre de ce
vafte édifice un beau jour et un coup d œil agréable, et rétablirait dans sa
diftribution et son enfemble. une régularité et une symétrie dont labfence
efl: choquante. // Ainfi raifonnaient les entrepreneurs et les fabriciens du
début du xix^ siècle, raifonnement intéreiTé mais médiocre au point de vue
artiftique. Les vitraux 'f à la moderne //. malgré leur tranfparence et leur puis-
sante armature de fer. étaient d un deffin aiTez mefquin: les deux nouvelles
chapelles semblaient bien pauvres de lignes pour quiconque voulait établir la
comparaifon avec les difpofitions architectoniques du bâtiment difparu.
Fidèle à sa promefTe. J. Lebrun employa les meilleurs matériaux à la
réfection et à 1 appareillage des murs, les colonnes furent sciées par les maçons
et noyées dans le blocage, au simple aspect, le vifiteur peut encore se rendre
parfaitement compte de ce curieux détail.
R li
LE CLOITRE
C'était une enclave de bâtiments situés le long de la nef de la cathédrale,
du côté sud. Un seul document, le cartulaire de Thomas Bafin. dans un
acte du g septembre 1436, signale 1 exiftence du " clouaiftre Saint-Pierre //.
Plus tard, la démolition de cette annexe de la cathédrale s impofa pour
conftituer un cimetière à l'ufage du perfonnel de 1 évèché.
Le cloitre se dreflait sur 1 efpace compris entre les chapelles du collaté-
ral sud et l'arrière des maifons de la Grande rue. terrain aujourd hui occupé
par une habitation particulière et un jardin d agrément. Nous savons, qu à
brève échéance, la municipalité de Lifieux se propofe d élargir 1 étroit pas-
sage qui borde la cathédrale du côté méridional. Ne pourrait-on pas donner
à cette rue le nom de 1 évèque Arnoul, dont la mémoire eft étroitement
liée à la conftruction de 1 églife Saint-Pierre? En accueillant avec bienveil-
lance ce défir qui fut à diverfes reprifes exprimé par des artiftes et des
hiftonens, le Confeil municipal donnera une preuve nouvelle de 1 intérêt
qu il porte au palTé de la ville de Lifieux.
3"
DOCUMENTS ANNEXES
I
Extraict d'un livre en parchemin attaché en une chaifne dans le Chapitre de l'églife cathé-
drale de Lifieux intitulé Secundiis liber cdrtarum capitidi au feuillet XCXV. Ce qui enfuit.
Univerfs présentes litterds inspecturis, frater Petrus, humilis dbbas Sti Fictoris Parifienfis totmque
ejufdem locï Conventus, sdlutem in Domino. Notum fdcimus quod nos, penfdtd utilitdte ecclefce nojirce
vendidimus et nomine venditionis perpétua conceffimus et quittdtniis venerdbili viro Guillelmo de Ponte
Arche, decdno Lexovienfi, executori, ut dicitur, tefldmenti defuncti Pétri Gdllici quonddm Lexo\ienfts
cdnonici, funddtoris, ut dicitur i dltdrium Bedti Dionifii et bedti Tdurini in ecclefid Lexovienfi dd opusi
dltdrium prcedictorum, undecim libras turonenfium dnnui redditus, quds hdbebdmus et percipiebdtnus
dnnudtim in epifcopdtu Lexovienft, ultra centum solidos turonenfum per mdnutn reverendiffimi pdtris
Lexovienfs epifcopi, et sex libras turonenfum in ecclejid de Gdceyo, per mdnum per fonce ejufdem loci,
habendds et percipiendds dnnudtim d dicto emptore \el db ipfo cdufdm poffdenti, hdbendds per mdnus
prcedicti epifcopi et rectoris, qui pro tempore fuerint in ecclefis dntedictis, pro undecim viginti libris
turonenfum nobis db eodem emptore solutis, tvdditis et libemtis in pecunid numeratd computdbili et
legdli et de qud tenemur nos pro nobis et ecclefd nofm bene pdgdtos, renuncidntes exceptioni non
numerutce pecunio, non hdbitce et non receptce, et promittimus bond fde et stipuldtione legitimd quod
contra venditionem et quittdcionem hujusmodi per nos \el per dlios non \eniemus in futurum, cedentes
et tranfferantes in dictum executorem, ad opus dictorum dltdrium, omne jus, dominium, proprietdtem
et pojfeffonem et omnem dctionem redlem et perfondlem, utilem et directdm, quce vel quds in dictis
undecim libris turonenfum dnnui redditus hdbebdmus vel hdbere potemmus et quce nobis et ecclefce
nofrce competebdnt et competere potemnt in eifdem quoquo jure seu rdtione qiurumque yel etidm omni
juris duxilio cdnonici et civilis et omni privilégia J sede dpofolicd \el legdto ejufdem pro nobis impe-
trato et impetmndo, benefcio refitutionis in integrum et omnibus dliis exceptionibus tdm juris qudm
fdcti, qudntum dd hcec renuntidndo penitus et exprejfe in hdc pdrte et per traditionem prefentis infru-
menti et dliorum inflrumentorum quœ super hoc hdbebdmus, scilicet litterce colldtionis, conceffonis et
confrmdcionis prcedicti redditus. Invejliffunus prefentcm emptorem, nomine quo supra, de undecim
284 SAINT-PIERRE DE LISIELX
ibris tiironenfitim :inmn redditits jntedictis. In cujus rei tefiimonium et perpettum ret niemorunu sigillj
nofï^n prefentibiii littcris duximus Jppoiienda. Datiim anno Domini millesimo ducentefimo octogefimo,
menfe Mjrtis.
Collation faite, signée : Taupin et L. Belot. chacun un saing et un paraphe.
Collation faite sur ledict regiftre par moi soubfigné Guillaume de La Flèche, p*'". notaire
apoftolique en rc%erchc de Lifieux. pour valloir et servir qu'il appartiendra, inftance et requeftc
de MMacques Flambart clerc pourveu de la'^. chapelle de Saint-Denis fondée en la^. églife cathé-
drale, ce vingtième jour de juin, l'an mil six cent cinquante.
de Laflèchc.
Archi\Ci du Cjlvjdos. G. Évcchc de Lificux. Cathédrale de Lifieux. Chapelle Saint-Denis.
II
Extrait d'un gros cartulaire en vclin attaché d'une chailne de fer au bureau du Chapitre de
l'églizc cathédralle de Saint-Pierre de Lifieux, intitulé : Tabula, seu calcndarium ad inveniendas
omnes et singulas cartas hujus cjrtularii per parrochias compiitando munerum m fine aijuslibet capituli
modo quo sequitiir. ce qui enfuit folios ccc. XXXIIIJ. recto.
Omnibus Chrifîi fidelibus prx fentes littcrjs mfpccturis U^illermus di\ina permiffione Lexo\ienfis
Epifcopus, salutem m Domino. Novcrit unixerfitas \efltn quod nos dedimus et conccffimus Capitula
Lcxovienfi duas partes dccimarum parrochix sancti Dtonifii de yannerxq habcndas et tenendas post
decejfiim O... thcfaumrii Lexovienfis, in puntm et perpetuam elcmofmam. ad proanationem capitulo et
clericis de choro in fejlo Assumptionis Beatj: Marix Firginis faciendam. Dedimus tnsuper et conces-
simus tertiam partem decimarum illius ecclefia prefbitero minijbranti ad altare Beatx Marix in ecclejia
Bcati Pétri Lexo\ienjis et tribus clericis cjuos, in celchtitionc miffcc. singularis diebus. coadjutores habebit,
habendam et poffidcndam in pumm et perpctuam clcmojinam pojl dcccffum dicti. O... thefaurii, qui
singulis annis , quamdiu \'txertt, dictis prefbytero et clericis per fohet septem libtas dimidium turonenfium.
Ut hoc autem m pojlerum nttum et stabile obfrrxetur, prxsenti scripto sigillum nofhrum duximus
apponendum. Actum anno gmtice millefimo ducentefimo trigefimo tertio, menfe novembri.
Collation faite, signée : Taupin et Belot avec paraphes.
Le préfent fait sur le dit gros cartulaire attaché comme dit eft et délivré à M. Robert Le
Roux, maiirc de mufique de la dite églife cathédralle. pour luy valloir qu'il appartiendra, par
moy soufTigné secrétaire ordinaire dudit chapitre de Lificux. ce quatriefme jour de fcbvner mil
sept cents cinq.
A. MoefTard, sec.
Arckhei du Cahados. G. f.vèchc de Lificux. Cathédrale de Lificux. Chapelle Notre-Dame.
DOCUMENTS ANNEXES . 2S5
III
VISITES DE L'ARCHEVEQUE DE ROUEN EUDES RIGAUD
f^ifte de 12=,() (n. st.) 12 Kdl. Fehructru I2^g.
'< Venimus LexovtJS. et recepti fiiimus d capitula, aint proceffwne et ecclefia paratj, et sermonem
fecimus in capitula congregato seu convocato in domo domini epifcopi-. Ibidem \ifitationem exerciiimus,
et inqiiifyimus iitrum epifcopus exerceret pontifcalid; responderunt qiiod in ecclefia Lexovienfi non cele-
btavit, anniu eji elapfm; nés fciunt quid faciat alibi, nec potefi exercer e pontificalia, ut pote dedicando
ecclefids et confecmndo crifma, benedicendo moniales et hujufmodi : item, nonsermocinat, licet peroptime
loquatur : non potefi celebntre. nec ecclefias \ifitdre. B^quifiti quomodo et quibiis confert bénéficia sua,
refponderiint quod aliquando contulit talibus qui fiiemnt infamati sua poftmodum refiituti. Decanatiis
runtles -venduntitr seu affrmdnturprocertoprecio'>. Magifier Nicholdus de Chievre\illa. archidiaconus,
non refidet in ecclefia. B^equifiti utrum epifcopus habeat familiam honefldm; refponderunt quod sicut
credunt. B^equifiti quomodo confer\dt jura et bona ecclefie : refponderunt quod nemoru sua multum
pejoratd sunt, propter stii impotenciam. Item, utrum capitulum yifitet: refponderunt quod sic. Item,
requifiti qualiter celebmtus offcium; refponderunt quod bene; et si fdt marrencia: bene levatur.
I^equifiti qualiter servantur ornamenta; refponderunt quod suffciencia ornamentorum ibi efl. sed minus
munda tenentur. Item, requifiti utrum in ecclefia sint aliqui clerici infamati: refponderunt quod bene
corriguntur per decanum. Item refponderunt quod statutum silencii bene ser\atur. Item, clerici et
canonici choriim exeunt et yadunt confabulando per ecclefiam, dum celebmtur offcium... },
Vifite de 725 A' (n. st.) S id. Janiidrii i2^y.
" Proceffone facta in ecclefia Lexovienf, et nobis prefentibiis. fecimus sermonem canonicis eccle-
sie et populo. Qito facto, magnam miffam celebmyimus in pontificalibus . Qiio facto canonicis et domino
epifcopo congregatis in re\estiario quo utuntur loco capituli, quia dliud cdpitidum non hdbent, vifitd\imus
eos... //
f^ifite de 1268 (n. st.) 2 non. Jamidrii 1 26J.
" Per graciam Dei intrayimus \eftibulum matricis ecclefie Lexoxienfis . et ibi canonicis et capella-
nis ac clericis chori ipfius ecclefie congregatis, proposuimus \erbum Dei in latino...
Inquifito autem de statu ipfius ecclefie, inyenimus per Dei graciam, ipfam in bono statu exiftere
et spiritualiter et temporaliter. et nihil in ea vice illa correctione dignum. „
I. D'après Th. Bonnin. Rjgefiriim vifitationum archiepifcopi I{othomagenf . Rouen, it^p, in-4.
:. Guillaume II, du Pont de l'Arche, 19' évèque de Lifieux.
■;. Les statuts arrêtes au synode de Rouen, en 1245, défendaient cxpreffcmcnt de trafiq^uer des
doyennes ruraux et d'affermer les églifes.
28o SAINT-PIERRE DE LISIEUX
IV
Djns un Inventaire des Titres et Ecritures de b Fondation de la cha-
pelle Sainte-Madeleine et Samt-Gatien. dreffé au xviii'' siècle, on lit :
Un cahier en papier et copies touchans lad. fondacion. La première eft une conceffion
accordée, le jour de samedy après l'Assomption de la Bienlieureufe Vierge Marie l'an 1270. par
Guy du Merle, cvcque de Lifieux, à Thibaut de Falaife, chanoine de Lificux, tout ou partie de
ce que ledit de Falaife a acheté et acquis dans le village des Coquerels, situé dans lad. banlieue
et domaine dans le fief de l'abbcsse de Lifieux, dans le fief des orfèvres et ailleurs, dans lad.
banlieue et domaine dudit évèque, tant en terres, maifons, pofîeffions, bois, qu'en revenus et
généralement quelconques, et que le tout fut amorty, ladite conceffion fut agréée et ratifiée
par les Doien et Chapitre de Lifieux, au mois d'août de l'année 1270, pour l'utilité de leur
églife.
La seconde est une copie de la fondation faite par Thibaut de Falaife, chanoine et archi-
diacre de l'églife de Lifieux, au mois de juillet de l'an 1277, d'une chapelle dans la principale
églife de Lifieux, dans l'aile du coté droit de la nef d'iccllc églife, en l'honneur de la Bienheu-
reufe Marie-Madeleine, et de saint Catien confeffeur, par l'acte de laquelle fondation il a donné
pour le vivre d'un prêtre deffervant continuellement, tous les achats et acquêts qu'il a faits dans
icelle fondation, par laquelle il est porté que ledit de Falaife veut et ordonne que le chapelain
pourvu de ladite chapelle célèbre tous les jours une mcfTe à l'autel de ladite chapelle, laquelle
copie de la dite fondation fut vidimée par Cuv, évèque dud. Lificux, le mercredi, fefte de saint
Cilles de l'année 1277, au mois de septembre, à Canapville.
tArchiyes du Cj/vj</oj, série G. Evcchc de Lificux. Cathédrale de Lificux. Chapelle Saintc-.MadcIcinc
et Saint-Gaticn.
EXTRAIT DU DEVIS
Drcjfè par Pierre Fontaine, architecte-expert, en 1 J "^ j ■
" Enfuite avons vifité le bâtiment de la bibliothèque, derrière led. bas coté (Sud 1 et la
chapelle de Saint-André, lequel contient trente-trois pieds de large sur trente de long, y com-
pris I emplacement de lelcaiicr de la Tour...
A la Bibliothèque au delTous (du comble) éclairée Je quatre croifécs à grands carreaux,
carrelée en carreaux de terre cuite et contenant vingt pieds de long sur trente un dans oeuvre,
dont le plancher supérieur eft supporté sur deux sommiers, le tout plafonné en bourre — avec
corniche - eft néccffaire de reprendre les lé/ardcs au plafond le long des sommiers, le surplus
en bon état. A lefcalier montant à la Bibliothèque et grenier au-defTus çft néccffaire de retailler
DOCUMENTS ANNEXES 287
douze marches qui sont ufées et d'en remplacer six qui sont hors d'état de servir, le tout en
pierre de longueur et dépaifTeur pareille aux anciennes.
Enfuite sommes defcendus au Chapitre, sous ladite Bibliothèque, voûtée en ogives avec
pendant en pierre et supportée par une colonne dans le milieu formant deux arcades. Eclairée
par deux croifées à chaffis à verre du coté du midi, carrelée en carreaux de terre cuite.
La porte d'entrée du Chapitre eft à deux vantaux et eft placée dans la chapelle de Saint-
André. Le dit Chapitre en bon état, toutes les quelles réparations portées au préfent article
nous avons eftimées à la somme de quatre cent douze livres, dont les deux tiers à la charge du
dit seigneur éveque sont de deux cent soixante-quatorze livres. // ^^ Article bS^ du devis. )
(In-folio de 272 pages. — Lifieux. Bibliothèque municipale. 1
VI
LA 'i CHAHUTÉ . DE LA CATHÉDRALE
" La dite Charité ayant été fondée sous 1 invocation des apôtres saint Pierre et saint Paul
et de saint Urfin, patron de la ville et de lad. cathédrale, dès le temps du transport miraculeux
des reliques dud. saint Urfln faict par les soins de Hugues, évesque dud. Lifieux, nepveu de
Richard, segond duc de Normandie, en l'an mil cinquante-cinq, et la preuve de tous les habi-
tants de lad. ville et banlieue, et dont on confervc la mémoire par une solennelle et généralle
proceffion qui se fait tous les ans en lad. ville. Laquelle Charité fut réformée en mil quatre cent
quarante-trois dont led. Evefque et le Chapitre et tous les plus confidérables sont et ont tou-
jours efté les premiers frères depuis lequel établifTement premier et de plus aud. qu'aucune de
lad. ville et banlieue elle a toujours jouy des honneurs et préférance. . . ' »
Bulle et martyrologe de la Charité de l'églife cathédrale de Saint-Pierre, laquelle bulle
était, en lôbb, reliée et attachée dans un livre servant à la dite Charité, couvert en cuir noir et
fermant à clef.
En l'an de grâce mil quatre cents et six, le jour de la fefte des Reliques de léglize Saint-
Pierre de Lifieux, qui furent le 4""^ jour du mois d'apvril, plufieurs bonnes perfonnes tant de
l'églize comme bourgeois et habitans de la ville et cité de Lifieux pour ce affemblez en lad.
églife de Lizieux, confidérant les grands miracles comme préfervaons d'ennemis et adverfaires,
reftituons de biens perdus, garifons de diverfes maladies et autres miracles plufieurs que
N''' Seigf a faictz et fait de jour en jour en lad. ville et cité de Lifieux et en plufieurs autres
lieux par les mérites de Monf" S"^ Pierre et S^ Paul apoftres de Dieu et patrons de léglize dud.
lieu et auffy par les mérites de Monf" S^ Urfin, duquel le corps et les reliques repofent en
lad. églize, défirant à la louange de la Benoîte Trinité et la véneraon et honneur que la Vierge
Marie et des defTufd. Monf" S' Pierre. S^ Paul et S^ Urfin, et qui vaille à effacer péchés et
grâces acquérir envers Dieu ont ordonné une Charité cftre faicte dorénavant en lad. Eglize de
Lizieux à la chapelle dud. Monf"" S^ Urfin en la manière qui enfuit.
I. Extrait de l'arrêt du Parlement, du 8 mars 1007, dont il va être question plus loin.
-).<;.^
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Item, cette prélcntc Charité fut reformée et innovée selon les articles cy après déclarez par
Mcfl" du Chapitre de lad. Eglize de Lizieux et les frères dicellc Charité concordablcment.
Laquelle Charité est fondée de Monf" S' Pierre. S' Paul ajoutez et mis aujourd'hui, avec la
première fondaon qui eftoit de Monfieur S' Urfln. Les articles furent accordez par mes dictz
seig" du Chapitre eux tenant leur Chapitre en laq. Eglize et lieu acouflumé. le mercredy vingt-
dcuxiefme jour de may l'an mil iiij'x liij. > 144 •5. )
Item, révérend père en Dieu Monf'' Guille Def^outcville par la grâce de Dieu Evclquc de
Lizieux, à tous ceux et celles qu'en lad. Charité, par dévotion ce rendront, ou charitablement
élargiront de leurs biens, en eftat de grâce soit par huict jours après octroie et donné XX jours
de vraie indulgence et de vray pardon.
Suit la teneur des nombreux articles de ce I^cglcmcnt. dont voici l'analyse :
1. — Kcccption : (> deniers pour I entrée.
2. — Frères quittant le dioccfc.
;. — I prcvoft, I cchcvin. 12 frères servants et
I clerc.
4. — Chaperon.
^. — Fctcs de la Charité en la chapelle St Urfin :
(on sonnera la cloche St Urfin).
:4-
2(1.
= 7-
— Décès d un frère : drap et bannière.
— Devoirs des chapelains.
— ProccI lions générales et du chef de Monf.
saint Urfin.
— Tcftamcnt en faveur de la Charité.
— Pèlerinage des affocics.
— Excommunication.
— Prières pour les alTocics.
6. — Proccffion à la croix Saint-Urfin.
■j. — MelTc de Requiem le lendemain des trois fctcs. 2S. — Frères dcccdcs hors la ville de Lificux
S. — Fètcs Saint-Pierre et Saint-Paul. H). — Habits convenables.
(). — Le lendemain, melTe solennelle. }o. — Recouvrement des deniers,
m. .VlclTc de Requiem. 31. — MciTel ou MelTelle (Lépreux).
II. — MelTcs de la Charité. î;. — Torches aux inhumations.
la. — Amendes. ', ■; . — Cierges aux inhumations.
n. — Décès des frères ou sœurs en la ville et fau- ,^. — Difficultés par suite de grande mortalité
bourg de Lificux.
14. — MclTc journalière pour la Charité.
1^. — Revenu de la Charité : son emploi.
1(1. Secours aux confrères nécclfitcux.
17. — Convoi de prcvofts.
iS. — Boite ou trclor de la Charité.
19. — Attributions de l'cchcvin.
30. — Décès d'un frère : soin et affiAancc.
?^. — Devoirs du crieur.
Th. — Patcnortres aux carrefours.
^7. — ObcilTance au prévoft et échevin.
V*<. — Défunts portés aux paroifTcs voifincs ^ornc-
ments de la Charité i.
V). — Rétribution aux chapelains et chantres.
40. — Rétribution aux diacre et sous-diacrc.
41. — Rétribution aux sous-chantres.
En mars idoo, la Charité de Saint-Germain empêche celle de Saint-Pierre de faire la levée
dun corps et de suivre l'ordre ordinaire du convoi. Appuyée par le Chapitre de la cathédrale,
la Charité intente une action judiciaire à celle de Saint-Germain; l'aiTaire. d'abord portée en
l'officialité, puis au bailliage d'Orbcc. se termine devant le Parlement de Rouen, lequel, par un
arrêt du S mars 10(17 ' donne gain de caufe à la Charité de Saint-Pierrc et la iiuinticnt dans ses
droits de préséance qu'elle cxenj-iit depuis un temps immémorial ^ .
I. Ce procès fut pourfuivi par les soins du Chapitre, et l'un des chanoines, M. Charles du Thiron, en
a recueilli toutes les pièces dont il forma un rcgiftrc actuellement dcpofé aux Archives départementales du
Calvados, série G. Evèchc.
3. E. Vcuclin. — Les six confrértcs fuiiératres ou Charités de u \ille de Lifteux. dans Bulletin Soc. hiji. de
LifteiLX. N' n>, iSya, p. 40-41. Voy. auJfi Vcuclin. Documents concernant les confréries de chanté normandes,
Evrcux, 1X1^3 in-S, p. 73 et suiv. dans l{ecucil des travaux de la Société libre de I Eure, \' série, t. L\.
DOCUMENTS ANNEXES
289
VII
Département du Cdhddos. Difhict de Lifieux.
Etat de l'argenterie trowvée dans les églifes et communautés supprimées, dont l'enyoi a été fait
à r Hôtel des Monnaies de B^uen pendant l'année I/Ç2.
Noms des
établijfaiients
dont l'argenterie
est provenue.
Situation
des
établilJements.
Détail
des objets d'argenterie.
Poids
de chaque objet.
Epoque
de l'envoi fait
à l'Hôtel des
Monnaies
de I{ouen.
Obfervations .
Églife de
Un plat
■) marcs 5 gr.
Le fourneau en tôle
Saint- Pierre ,
Un enccnfoir. sa na-
) — 4 onces, —
de l'encenfoir a été re-
cy-devant ca-
Lifieux.
vette et cuiller
tiré.
thédrale de Li -
Le bâton de la croix
3 — I — ■! >'
Le bois et autres ma-
sieux.
haute
tières du bâton de grand
Le bâton de grand
S — I — 6 >/
chantre ont été retirés.
chantre avec sa lan-
Le bois et autres ob-
terne
jets du bâton de la croix
6 chandeliers d'autel
1 3 — I — —
haute ont été retirés.
Deux bâtons d appa-
2 — I — —
Avril 1792.
Il y a eu cinq petits
riteur, une vieille
morceaux de cuivre de
coquille pour l'eau
forme triangulaire qui
bénite, deux petites
ont été retirés des six
cuftodes
chandeliers.
L'argent qui était au
bâton de la croffe
2 _ 6 — -j gr.'/,.
Il y a un peu de fer-
blanc de retiré des bâtons
Une croix en argent
<) — ) — c gr.
d'appariteurs.
Le surplus de la croffe
7' — ") — ygr.'A-
en cuivre.
Le présent état certifie véritable par nous, adminijlrateurs compofant le Directoire
du dijîrict de Lifieux, le j ç avril 1792, l'an IF de la liberté.
Signé : Delaunay, Cordier, Allaire, Brctheaume.
Collationné à loriginaL pour être, la préfente expédition, adrejfée
au Miniflre des Contributions publiques, à Paris,
à Cden, ce 2^ avril i']i)2, l'an IV de la liberté.
Sigtié : Bougon, secrétaire général.
(Bibl. Nat. Ms. franc. 7777.)
Communiqué par M. J. Bcranger.
37
2')0
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
VIII
ÈtJt des pierreries fines ou fjiisscs et matières étrangères aux objets d'or et d'argent troinées dans
les églises et communautés supprimées, dont la remise a été faite à M. Asselin, trésorier du district.
Églifc Saint-Pierre,
ci-devant cathédrale de
Lisieux.
j_,:icux.
Un bâton en bois de la croffc qui était garni
en argent, un autre bâton en bois de grand
chantre qui était garni en argent ; six petites
plaques en fer-blanc qui étaient sur les chandeliers
d'autel : deux petits bâtons de bois d'appariteur
qui étaient garnis d'argent : un petit bassin en
tôle qui était dans l'encenfoir: une couronne en
étolTe garnie en perles qui était sur la tctc de la
reliquaire de Saint-Urfm.
l'ne petite médaille en cuivre garnie de pierres
qui était attachée à la dite reliquaire.
Un petit morceau de fer-blanc et une petite vis
en fer et son écrou.
Un petit tuyau et une petite plaque en cuivre
battu.
Cinq petits triangles en cuivre très légers qui
étaient dans le pied des chandeliers d'autel.
:<i avril.
(Bibl. Nat. Loc. cit.)
Cet état ejî clos comme le précédent. )
Communique par M. J. Bcran(;cr.
IX
Etat des pièces d'or et d'argent doré trouvées dans les églifcs et communautés supprimées, dont l'envoi
a été fait à l'Hôtel des Monnaies, à Pans pendant l'année i/<j2, l'an l^ de la liberté.
Sutns dts ctMiiïementt
d'où Its pièces
dèiigntei sont
pTOMenuet.
Églife St-Picrrc,
ci - devant cathé -
drale de Lificux.
Situation
de cet
ctjbli/fementi
Lifieu.^
Dcsigiutioii
des diverfes eièces tjnr en or
(ju'en argent
Six calices dorés, six patcnncs
dorées, deux burettes en ver-
meil, deux instruments de paix
dorés, deux ciboires dorés, une
croix haute en vermeil, une pe-
tite croix d'autel, dont les extré-
mités sont dorées.
Un petit saint doré, lequel
était dans la lanterne du bâton
de grand chantre.
Un vafc de vermeil pour les
Saintes huiles.
Un grand reliquaire de Saint-
Urfm.
Epoque de l envoi
à [Hôtel de Ij
Monnaie
.\vril
iT'i:.
Ob
'te:\j:ij'i!
Tous les objets com-
pris au préfent état font
partie de l'argenterie trou-
vée dans l'églifc Saint-
Pierre, ci-devant cathé-
drale de Lifieux, lautrc
partie devant, aux termes
de la loi du r^mars i 7Q i ,
être envoyés i Rouen
comme n'ayant aucunes
dorures.
'Cet état est clos comme les précédents. 1
(Bibl. Nat Lot cit.) Communique par M J Béranger.
DOCUMENTS ANNEXES 291
17 prairial, an II (^ juin 1794).
Etat de l'argenterie trouvée dans les églifes du diftrict de Lifieux (Calvados/, dont l'envoi a été
fait à l'Hôtel des Monnaies de Paris ce jour ij prairial.
(Il comprend un total de 1002 marcs, 4 onces, 5 gros d'argenterie, 12- provenances y sont
indiquées avec détail j.
On y relève :
Cy-devant cathédrale et églife Saint-Germain de Lifieux.
Un soleil d'argent doré, orné d'une agathe et de pierres, 5 calices et leurs patennes. un ciboire
doré, deux autres ciboires, dont un très petit, une cujlode, trois vafes et une coquille, pefant enfemble
4c) marcs. 1 once, i gros.
(Bibl. Nat Ms franc. 7786.) Communiqué par M. J. Béranger.
XI
Lifieux, le 17 prairial l'an 2' de la Rép. fr. une et indivifible (5 juin 1794).
Les adminijlrateurs compofant le directoire du diftrict de Lifieux au citoyen Préfident de la
Convention Nationale.
Citoyen .
Nous t' avons annoncé précédemment r envoi de 1002 marcs d'argenterie provenant d'une partie
des ci-devant paroiffiales de notre diftrict.
Nous t'adrejfons aujourd'hui la ceinture du ci-devant évêque de Lifeux émigré, sa croix de
l'ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, son cachet et son cure-dent en or, un autre cachet en argent,
une cuillère, une fourchette auff en argent et trois portefeuilles brodés sur lesquels sont prodigués les
signes caractérijliques de l'orgueil féodal et eccléfiajïique qui parlait toujours d'humilité et de pauvreté,
preuve du honteux efclavage qui afflige encore l'humanité sur une grande partie du globe.
Ces objets ont été trouvés cachés, avec beaucoup d'autres du même genre, dans une maifon qu'il
avait fait louer par l'un de ses chanoines émigré comme lui, d'un autre émigré encore.
Les précautions qu'avaient prifes tous ces vampires ajfamés du bien et du sang des Français, et
dont la France fourmillait, prouvent l'efpoir qu'ils avaient de revenir et l'envie de frujhrer la Répu-
blique des rcjfources que nous offrent les biens qu'ils n'ont pu emporter avec eux, s'ils ne revenaient
point.
Signé : Lerebours, Foucquier, Gaunel. Caplain,
(Arch. Nat. C. 30^. 113S.) Communiqué par M. Béranger.
2 g 2
SAINT- PIERRE DE LISIEUX
XII
Le 22 vendémiaire an IV (14 octobre 174^).
Le dijhict de Lifieiix envoie à l'Hôtel des Montuies à Paris.
Objets des émigrés :
Jules-Bj:^ile Perron de la Peronnaye, évécjue de Lifietix,
Deux glands de ceinture, un cordon en or. au bas duquel sont deux glands, un cordon de canne.
une jarretière en or et soie verte, une petite boite ou poivrière en coco garnie en argent, un bord de
chapeau, un bouton, une ganfe en or, un petit cercle en fil d'argent, plufieurs croix, rofettes. boutons,
cachets, dont quelques-uns en cuivre, galon d'or et d'argent, bourfes à mettre de l'argent et bourfcs à
mettre sur les calices, cordons de montre et de canne, petites bagues, boucles d'oreilles à pierre noire.
Aucun poids ni évaluation ne sont donnes.
(Bibl. Nat. Ms. frinç JJV^. P >^<> ) Communique pjr M I. Bérjtii'er
XIII
Dans un procès-verbal dreffé le / / septembre i-i)h par Alexandre-Louis I^oettiers, M' de la
Monnaie de Paris et LaT^are-Salomon R^outier. membre de la Commifjion établie au dit hôtel, des
objets, diamants, pierres de couleur et autres, qui leur ont été remis par divers départements, on y
trouve la défignation suivante :
TV" /.S';. De la ci-devant cathédrale, difîrict de Lifieux, département du Calvados, perles reti-
rées du mittre, poids J onces.
(Bibl. N»t M$ fr»nç. 77S1.) Communiiiuc p»r M J Béringer
PL 6^
SŒUR THÉRÈSE DE LENFANT-JÉSUS ET SON PÈRE (Dessin de Jouvcnot^.
CONCLUSION
Telle ejl la vieille cathédrale, telle fut son hijloire. Relique précieiife des
âges lointains, confidente de nos aïeux, à ce titre elle intérejfe les poètes ^ les
hijloriens. La légende (j' l hijloire vont de compagnie sous ses hautes yoùtes.
Qiie d'érudits y sont venus méditer (jr devifer entre deux lectures.' Qiiand on a
paffé de longues heures à contempler les lignes de son architecture, il devient
plus facile de sympathifer avec la vie du Moyen <^ge. vie myjlique (j;^ sereine,
si laborieufe (^ si calme, en regard de notre vie moderne inquiète ^ févreufe.
Chef-d'œuvre de simplicité harmonieufe. la vieille cathédrale, tant de fois
lavée par les pluies (sr les neiges fondantes . avec son porche a trois portes, ter-
mine agréablement la plus spacieufe place de Lifieux. Souvent enveloppée d une
atmofphère grifatre qui se marie avec la couleur des vieilles demeures blotties
autour de son abfide, Saint-Pierre attire les artifles par l'afpect vigoureux de sa
silhouette extérieure ^ par la mâle beauté de son élévation intérieure. Tout est
prévu (j;' agencé pour produire une décoration sobre. Toutes les lignes concourent
à une même harmonie, elles ont un rythme (j' elles ont un ordre admirable.
Toutefois ce n est point affe-^ de pénétrer dans ce bel édifice ogival avec
l ardent défir de retrouver les formules appliquées par ses confhructeurs. Il peut
être agréable d'y éprouver de délicates senfations d art, d'y surprendre des effets
204 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
de colonnes C" ^^ neryures imprévus, des points de vue pittorcfques (j' vdxxès:
mais ce qui fdit sd suprême dttirdnce, c est d être une dme deflinèe d fdire
vivre les âmes. Ld cdthèdrdle est dvdnt tout l'dbri superbe du Mditre Eternel.
Les pierres s'effritetit du cours des dges. ddutres pierres viennent les rempLicer.
Lui, le Chrijl demeure. Pdr sd préfence perfonnelle. il dffurc / unité de ld
Cdthèdrdle. Aufji bien, elle n'd été consfhuite que pour lui (jr les dmcs qui le
cherchent ou le suivent. Pour ld mdifon de Dieu, ld grdnde défoldtion. l irré-
pdrdble mdlheur ce serdit d'être vide: sd plus précieufe pdrure c efl ld foule
qui sy pTejfc. Là. d dilleurs. efl sd sécurité. t ld dernière pdge de son livre
sur ld grdnde pitié des églifes de Frdnce. Mdiirice Bdrrès in f fie dvec rdifon sur cette
idée : *' Le jour où les églifes deviendrdient des objets refpectés d cduse de leur
pdffè, des monuments curieux... elles scrdient perdues. Ld solidité phyfque des
sdnctudires. c'efl d être mordlement féconds... Devdnt ces églifes. çd et ld dcmi-
défertées. demi-écroulées. je me surprends j murmurer ld grdude vérité, le mot
déciff.- les églifes de Frdnce ont bcfoin de sdints. >/ Telle efl. en effet, ld
condition ejfentiellc de leur durée çy- de leur confervdtion.
Aux heures les plus glorieufes de sd vie mouvementée, lorfque ld cité
tout entière empliffdit ses nefs, lorfque de puiffdnts évêques (^ un impofdnt
cortège de chdnoines (jr ^^ clercs pdjfdient devdnt ses colonnes drdpées de mersril-
leufes tdpifferies. l églife Sdint-Pierre n'eut point ld joie de voir ld solennelle
glorificdtion d'un sdint de Lifieux ou des dlcntours.
Ddns un prochdin dvenir. une telle confoldtion serd peut-être réfervée à
cette bonne dïeule. Elle mérite ce souverdin honneur. Les perfonnes pieufes qui
ont qudrdnte dns (j' plus se souviennent aifément d'dvoir mdintes fois rencontré,
ddns ld Cdthèdrdle. Thérèfe Mdrtiu. dujourd hui connue ddns le monde entier
sous le nom de Sœur Thérèfe de l Enfint-Jéfus. Pcnddnt une di^^dine d dnnécs.
de iSjj d iSSS. ld servdnte de Dieu vint entendre fréquemment ld meffe
mdtuidlc ddns ld chdpelle Notre-Ddme. Quelles supplicdtions recueillies, quelles
demdndes pleines d efpoir elle ddreffdit silencieufement d Celui qui sufcite, 0^
cncourdge 0- protège les sdints. Sd piété n dvdit rien d exubérdnt. C" pourtdnt
elle étdit dttirdute (j^ suggefive. Un chdrme mcr\'eilleux se dégdgedit de toute sd
perfonne: duff ceux qui ld virent prier ne trouvent qu un seul mot. pour
trdduire leur imprcffon: nuis quoi. Seigneur, est-ce donc si simple de vousdimcrr
Chdque dimdnchc. en compdgnic de son père 0- de ses sœurs, ld petite
CONCLUSION
295
Thérèse affilait à la mefje ^ aux yépres dans la chapelle de saint Joseph de
Ciipertino. ^vec sa blonde chevelure, avec sa toilette élégante ^ dif crête, son
attitude candide çy^ pure, elle provoquait la sympathie des fdèles, émus de tant de
réferye 0^ de suave difmction.
Comme elle lisait avec attention
les paroles si divines ^ si hu-
maines de la liturgie.' « Au
moment du sermon, écrit-elle ',
notre chapelle étant éloignée de
la chaire, il fallait de f cendre ^
trouver des places dans la nef: ce
qui n était pas très facile. Mais
pour la petite Thérèfe (jr son
père tout le monde s emprejfait
de leur offrir des chaifes. Mon
oncle (M. Guérin, margiiillier
de la cathédrale) se réjouijfait
en nous voyant arriver tous les
deux, il m appelait son petit
rayon de soleil, 0^ difait que.
de voir ce vénérable patriarche
conduifant par la main sa petite
file, c était un tableau qui le
ravijfait. Moi. je ne m inquié-
tais guère d être regardée, je ne
m occupais que d écouter atten-
tivement le prêtre, u Dans le
cadre grandiofe de la cathé-
drale, quel médaillon exquis, bien digne de tenter un peintre illufre. Les
grandes fêtes, comme le cœur de l'humble enfant les aimait! Elle n'était jamais
plus heureufe qu à la Fête-Dieu, lorfque. vêtue de blanc, elle levait ses yeux
I. Sœur Thérèfe de lEnfdnt-Jéfus et de b Sainte-Face, religieuse carmélite, iSj-^-jSqj.
Hifioire d'une âme écrite par elle-même. Bar-le-Duc, 189S. in-S", pp.28-2(;. — Sœur Thérèfe
of Lifieux, the Utile flo^ver ofjefus, London, 1913, in-S", pp. 35-30.
À
■•:J
l«i l;i|i
Fig. 103. — Aspect de la Cathédrale vers 1S40.
2qb SAINT-PIERRE DE LISIEUX
cldirs vers l'Hoflie viydnte c^-. selon Id Vieille coutume, jeuit des rofes effeuillées
près des reposoirs éblouijfdnts.
ff Vdimdis surtout les proceffions du Sdint-Sdcrement : quelle joie de semer
des fleurs sous les pas du Bon Dieu. Mdis. dvdnt de les y Idiffer tomber, je les Idn^dis
bien hdut, (^ y^ n'étdis jdmdis duffi heureufe qu en voydnt mes rofes effeuillées
toucher loflenfoir d or. /,
C'ef encore ddns Id cdthédrdle Sdint-Pierre. en Id chdpelle de Id Délivrdnde.
que Id sdinte enfdnt se confeffd pour Id première fois. Bien doux souvenir pour elle.
« le sortis fécrit-ellej du confeffonndl si contente (jr si légère que jdnuis
je n'dvdis senti dutdnt de joie. /,
En souvenir des pieufes émotions que votre cœur goiitd ddns Id vieille églife.
Saur Thérèfe de iEnfdnt-Jéfus. monte?;^ bonne gdrde sur elle, dprès les mdgni-
ficences d'dutrefois. il ne fdut pds quelle conudiffc l ifolemcnt. l dbdndon (^
Id ruine.
PL 64
>
Cliché du lieutenant Renault.
SOUVENIR DE LA GRANDE GUERRE
PL 66
Cl AbbéDebon.
LES CHARITÉS EN PROCESSION (Gouache de Léon Ledcrc).
BIBLIOGRAPHIE
I. — MANUSCRITS
tjfrchh'es départementales du Calvados. Liaffes non daffées concernant la cathédrale Saint-Pierre de Lifieux.
archives de la paroiffe Saint-Pierre de Lifieux.
t^frchives de la Société hijloriqiie de Lifieux. Séries H*. M*. N'\ P*.
Archives municipales de Lifieux.
Séries D*. Délibérations du confeil général et du corps municipal.
— E*. Procès verbal de remife. Actes de catholicité, 179-.
— AA. " Te Deum ^y et (êtes, 1703-178^.
— FF. Procédure au sujet des pillages des proteftants, 1377.
Bibliothèque municipale de Lifieux. Cf. spécialement. Cartulaire de Thomas Bafm, w' siècle. Ms. n° 3.
Chartes du dioccfe de Lifieux (Bibl. Nat., ms. lat., 9209).
Obituaire delà cathédrale de Lifieux. xvi' siècle (Bibl. Nat., nouv. acq. lat., n° 1778).
Statuts de l'évéché de Lifieux en 1^21 (Bibl. Nat.. ms. lat.. 15 172, fol. 137).
Minutes de M' Delarue. notaire à Lifieux.
Notes manufcrites de M. l'abbé Bofquain, ancien vicaire de la cathédrale Saint -Pierre : de A/A/. RJmy Du Vivier,
Ch. Puchot et Ch. Faffeur.
II.
PERIODIQUES
tAlmanach de Lifieux pour 1J64. LiCeu.x, J.-A. du Ronccray. in-S".
oflmanach de Lifieux pour les années l'J'Jy, 1774, 1777 et 17SJ . Lifieux, F.-B. .Miftral, in-8°
tAlmanach de la ville et du diflrict de Lifieux pour i7()i . Lifieux, chez Dclaunay, in-8".
Jîlmanach du Normand. iSôy et 187^. Lifieux, in-8".
^Imanach du Lexovien, Lifieux, 1904, in-8", pp. 14-13.
lAmi (/') du Clergé, année 19 10, in-8', pp. 902 et 910.
lAnnales archéologiques, par Didron aine. Paris, 1844-1881, 28 voL in-4".
38
2yS SAINT- PIHRRE DE LISIEL^X
BaiocJiiJ. KciiujH ut documents pour scnir à l'hiftoirc du dioccfc. in-8*.
Bulletin de b Société des ^'Intiqujires de Normandie, •?<> vol. in-S*.
Bulletin de b Société hiflorique de Lifteux. N*" 5, 6, 11, i:, 17, 16 et ::.
Bulletin monumental, publié sous les Jufpices de la Société fran^aife d\Archéologie .
Tomes II, if^5 6. p. 174 : — VI, 1 S 40, pp. ^4, 17, i 1 1 : — VII, 1841 . pp. ^8, 175. 2i»4,
V^o. ^81: — X, 1844, pp. 647, 048: — XIII. 1847, pp. u)o-i<)4, ^V'- — ^'^- '"*'4*'.
p. <i4^ : — XVIII, 1852, pp. 1^8-ibi : — XIX, iS)-i, p. ^78.
Journal Le Normand. Articles de M. Arthcme Pannier.
Cf. spécialement les numéros des 1 1» janvier, ; et ;>' mars. 1 4 septembre '-^i'-: 0 et
21 mai, 0 juillet i>*7<). Le numéro du 2 mars 1867 renferme un plan terrien de la cathédrale.
Mois iLci littéraire et pittorefque .
Articles de M. Fabre sur la généalogie des cathédrales.
I{e\He de l\Art chrétien, i 8()(i, in-4".
I{p;uc tllujirée du Calvados. Lifieux, in-4*.
III. — OUVRAGES IMPRIMÉS
ANTHVME SAINT-PAUL. — Hifioire monumentale de b France. Paris, hm i . in-4*.
L'auteur étudie les monumenu du moyen ige avec beaucoup de sagacité et trace d'une main sùrc leur généalo-
gie Les quelques réflexions qu'il confacre à la cathédrale de Lifieux montrent qu'il la connaît de vifu.
ARNOUL. — Éditions de ses Lettres.
EpifloU ^-frnulphi ep. Le.xow nunquam antehac in tucem editx. [Edit. Minos.| Paris, 1^85,
in-8*. Epifiols ad Henricum II... e alios e codice ms. Oxonienfi, édit. A. Giles. 0.\ford, 1844, in-8*.
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B.\SIN ^Thomasi. — Ilifloire de Charles l'II et de Louis XI, publiée pour la Société de l'Hiftoirc de France
par J. Quicherat. Paris, 183^-^», 4 vol. in-8'.
Dans le t. IV, pp. 11)9-303, extraits de deux registres de la iâbrique présentant le compte de travaux faits à la
cathédrale sous Thomas Bafin, en i4^i-<)3 et 1463-0).
BAUDOT (A. de). — La Sculpture françaife au moyen âge, 2* cdit.. Paris, i>i'>4, in-fol.
BAUDOT lA. de» et PERRAULT-DABOT (A.). — Les ^-frchives des Monuments hifioriques. t. II, Paris, s. d..
in-fol. Contient, p. d et pi. -, ^, un plan général et des coupes de la cathédrale.
BAVET (Cl. — Précis de l'Hifloire de l\Art. Paris, ii»o8. in-8".
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Détails curieux sur les grandes cérémonies funèbres à Lifieux au xvi* siècle.
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BETHUNE I baron dei. — La Cathédrale Saint-Pierre de Lifteux, dans Bulletin de b Gilde de Saint-Thomas et
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du croifillon nord.
BILLON (le docteur». - Notice sur une pierre sépulcrale découverte dans l Hotel-de-l'itle de Lifieux. dans Bulle-
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BREHIER (L.). — Les Eglifes gothiques. Paris, s. d., in-12.
Excellent travail où sont condenfees les plus judicieufes obfervations sur lart ogival.
BRUTAILS J.i. — Précis d'Archéologie du moyen âge. Paris, s. d., in-8°.
Livre de vulgarifation, net. subftantiel, d'une lecture facile.
CAUMONT (A. dei. — Statijlique monumentale du Cdhados, t. V. Caen, 1867, in-8".
Etude hiftoriquc et archéologique sur la cathédrale, pp. 200-23 ' ■ ^e te.xte. illuftré dune vue générale par E. Sagot.
a été rédigé par Ch. Vaffeur et A. Pannier.
CÉNIVAL (dei. — Excurfon dans le Lieuvin et le pays d'^Auge. Alençon, 191 i, in-8'. Extrait du Bulletin de
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Un beau deflin de F. Benoift. la façade occidentale, avec figures, par J. Galdrau.
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CLOQUET iL. I. — Les Cathédrales gothiques. Paris, s. d.. in-4".
Intéreffante étude sur la cathédrale, pp. 169-173: l'auteur fait de nombreux emprunts au travail de Lambin. Une
vue du bas-coté sud de la nef est reproduite.
Congrès archéologiques de France. XXXVII' seffion, tenue à Lifieux en iSjo. Caen. 1871, in-8'.
Congrès archéologiques de France. LXXV' seffion, tenue à Caen en içoS. T. I. Guide du Congrès. Paris, Caen,
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CORNEILLE iThomasi. — Dictionnaire uni\erfel. géographique et historique . Paris. 1708, in-foL
COTMAN rjohni. — Antiquités monumentales de la Normandie, notes hiftoriques de P. Louisv. Paris,
1881, in-fol.
Deux magnifiques planches defTinées et gravées par Cotman ; façade est et tranfept sud.
COURAJOD (L. I. — Levons profejfées à l'école du Louvre ( i8Sj-iSg6). Paris, 1899, 3 vol. in-8°.
DE LAPORTE. — Sur un caveau funéraire de iéglife Saint-Pierre de Lifeux, dans Bulletin de la Soc. des lAntiq.
de Normandie, t. VII. 1874, p. 245.
DELISLE (L. I. et MEYER iP.i. — L'Apocalypfe en français au xin* siècle. Paris. Société des anciens textes
français, 1901, in-8 et album in-fol.
DIDRON. — Iconographie chrétienne. Hifioire de Dieu. Paris. 1843, in-4'.
DIDYME iCharlcs). — La journée d'un Lexovien en //S'/. Etude de moeurs locales. Lifieu.x. 188S, in-8'.
La cavalcade des chanoines et l'hiAoire de saint Urfin intéreffent surtout l'auteur qui connaît bien son - vieux
Lisieux ».
DINGRE.MONT. — Mémoires sur la ville de Lifieux et sur les environs. S. 1. n. d., in-8'.
DUBOIS (Louis^ — Hifioire de Lifieux. Lifieu.x, 1845. 2 voL in-8*.
Pendant longtemps, cet ouvrage a fait autorité. Aujourd'hui, il convient de ne le confulier qu'avec précaution.
Ennemi de l'art médiéval, il en parle à tort et à travers, et ne comprend pas la beauté du ftvle ogival. Interprète et
modèle trop les faits avec ses idées perfonnelles. Parmi les lithographies illuftrant cet ouvrage, une vac de la cathédrale
d'après un defHn de Doefnard
-oo SAINT-PIERRE DE LISIEUX
DUCAREL. — antiquités anglo-normandes, traduction de Lcchaudc d'Anisy. Caen. iS;;, in-8".
Livre de seconde miin: 1 auteur ne s'eft point préoccupé des sources hiftoriques On y trouve, p. 7^. une litho-
graphie repréfentan: la cathédrale.
DUCHESNE (André'. — Hijloris Normannorum scriptores antiqui. Paris. r6io, in-fol.
DU MONSTIER'A.K — Neufhia pia. Rouen, i('(«-,. in-fol.. pp. •^fi^-^Sô.
DU MOULIN ( Gabriel I. — Hifloire générale de Normandie. Rouen, H)-, i, in-fol.
DURAND (Guillaumci. — {{ationale divinorum officiorum, cdit. Ch. Barthclciny. Paris, iS^i. ^ vol. in-î<".
ENGELHARD (Ch.u — Pierre Cauchon. Le Havre, i<)o6, in-ti*.
ie manoir Forme-ville. Paris, hm '. in-H". Extrait de Sociétés des Beaux-Arts des départements, t. XX.W.
p. 2»)^ et suiv.
Plans intéressants des xiv et xvm' siècles
— Ejfai sur Lifieux pendant le haut moyen âge. Caen, un ), in-S*.
L'auteur, longtemps capitaine à Lifieux. aimait à déchiffrer les parchemins intérelTant le palTé de la ville. Chacune
de ses études abonde en documents souvent inédits, mais il s'efforce trop de tirer des textes plus de renfeignements qu'ils
en contiennent en réalité Sa brochure sur le repentir de Cauchon eft d'une grande utilité pour l'étude de la chapelle
Notre-Dame dans la cathédrale
ENLART (G.). — Manuel d .Archéologie françaife, t. I. .Architecture religieuse. Paris. i<)02, in-S*.
— L\Architecture gothique au xui' siècle, dans Hijloire de l\Art, publiée sous la direction d'André Michel.
t. Il, 1" partie, p. ; et suiv.
Etudes lexoviennes, t. I, Paris, Caen, u>i v i"-S'.
EXPILLY (AbbéJ.-J. d). — Dictionnaire géographique des Gaules. Paris, I7(i0, in-fol., t. IV, p. ^24.
FABRE f Joseph I. — Les bourreaux de Jeanne d\Arc. Paris ii)i ^, in-8*.
FAROLET (Abbé). — Difcours... Notes pour ser\ir à l'hifloire de l ancienne cathédrale de Lifieux. Lifieux, 1S40,
in-S*.
Malgré le peu de documents i]u li iviii à sa difpoHtion. l'auteur donne une idée généralement jufte de Saint-
Pierre. Nous crovons savoir qu'il avait beaucoup profité des obfer\-ation$ orales de l'architecte Pie!
FIRMIN-DIDOT (Ambroifc). — Des .Apocalypfes figurées, manufcrites et xylographiques. Paris, iS^o, in-S*.
FORMEVILLE iH. dc^. — Sur les droits des chanoines de Lifieux, dans Bulletin de la Soc. des ^Antiq. de Nor-
mandie, t. III. r S(> (, p. 4:4.
— Notice sur les chanoines de l'ancienne cathédrale de Lifieux, dans Mémoires lus à la Sorbonne, Hijloire et
philologie, iS()^-66, pp. 477-4<)<>.
— Hifloire de l'ancien È\éché-comté de Lifieux. Lifieux, 187;, 2 vol. gr. in-S*.
De tous les hiftoriens de Lifieux. Formeville eft le plus précis, le plus sur. malheureufement le moins clair Le
second volume contient les Mèmoirci de Noël Dcshays. érudit impartial et généralement bien informe, qui écnvait
en 17^4 II avait confulté les archives de 1 évéché de Lifieux et profité des matériaux raflemblés par dom Bnce pour le
tome XI de la Gdllia cbriftijiij.
Gallia chrifliana, vetera édit., i<)^<>, t. II. 646-6^2: nova cdit., I7^<). t. XI, 7<>2-Si4; instr. lOQ-aiS.
Indifpenfible à confulter pour bien connaître l'hirtoire de la conftruction et de 1 entretien de la cathédrale
GALLY-KNIGHT. Relation d'un voyage archéologique fait en Normandie. Londres, iS^6, in-S".
Les paffages relatifs à Saint-Pierre sont empruntés k la bibliothèque de Caen Ouvrage d intérêt secondaire
GODESCARD. — fie des Saints, t. IX. Paris. i8aS, in-8*.
GONSE (Louis). — L'^Art gothique. Paris, s. d., in-fol.
L'auteur a le souci de se mettre à la portée de tout le inonde. Langue claire et uvourcufe Dam ce volume, il cft
queftion de .Saint-Pierre de Lifieux, pp. 306, 907 et 44.** Tendance exceffîse à rajeunir la cathédrale
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GOUDIER (Chanoine). — Efquiffe de l'hiftoire de Lifietix pendant le xix' siècle. Bayeux, i 9 i i , in-8°.
Renfeignements puifés dans les journaux locaux.
GREGOIRE DE TOURS. — Le Livre des miracles et autres opu feules, publiés pour la Société de Œiftoire de
France par H. Bordier. Paris, 1857-65, 4 vol. in-8°.
Guide du voyageur dans la ville de Lifieux. Lifieux, 1870, in-8°.
Guide illujiré. publié par le syndicat d'initiative de Lifieux. Lifieux, 1909, in-8*.
La plupan des indications techniques données par ce guide sont empruntées à la Statiflique monumentale du Calva-
dos de de Caumoni.
GUILMETH (Augufte). — Notices sur diverfes localités du Calvados. Rouen, s. d., in-8°.
Livre superficiel et bien infignifiant.
— Notice hijiorique sur la ville et les environs de Lifieux. Rouen, 1850, in-8".
Vue de la cathédrale, façade occidentale, lith. de Polyclès Langlois. d'après un deflin de T.-D. Joliment. 1845.
HOURTICQ_'Louis>. — Hiftoire générale de l\Art, 2' édit., Paris, 1914, in-8".
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— La Flore des grandes cathédrales de France. Paris, 1897. in-8°.
LASTEYRIE (R. de*. — L'Architecture religieufe en France à l'époque romane. Paris, ior2, gr. in-8°.
Le chapitre X est rempli de pénétrantes obfen-ations sur les principes effentiels du style gothique.
LE COURT (Henry). — Les Pojfeffions du chapitre de Chartres au pays d'A'uge. Vannes, 1901, in-S".
LELONG (Jacques». — Bibliothèque hijiorique de la France, édit. Fevrei de Fontette. T. I et IV. Paris, i7()8,
1775, in-fol, n" 1079, 1080, 4272, 6561, 6562, 9984-97.
LE PREVOST (Augufte). — Mémoires et notes pour servir à l'hiftoire du département de l'Eure, recueillis et
publiés sous les aufpices de la Société libre de l'Eure, par Léopold Delisle et Louis Passy. Evreux,
1862-1869, 7 ^°'' in-8'.
LE PREVOT (Chanoine J. ). — Les Vies des saints patrons du diocèfe de Lifieux. Lifieux [1740], in-12.
Livre très rare, rempli de renfeignements sur l'hiftoire de la cathédrale. Doit être confulté avec contrôle et précau-
tion à cause de ses tendances vraiment trop traditionnaliftes.
L'HOPITAL (J.;. — Le vieux Lifieux. Lifieux, 1903, in-4'.
Bien jolie plaquette où l'auteur a déployé son grand talent d'écrivain et mis tout son cœur de Normand. Sur
Saint-Pierre, pp. 10-14.
MALE (Emile). — L\Art religieux du xin' siècle en France. Paris, 1002, in-4°.
Ouvrage d'une érudition très sûre : excellente initiation à la symbolique du moyen âge.
MARIE (Abbé). — Saint-Pierre de Lifieux, dans La Normandie pittorefque et monumentale. Le Havre, iSt)6,
in-folio.
Une magnifique héliogravure de Dujardin et quelques jolis clichés du photographe caennais. H Magron, donnent
à cette étude de seconde main un certain afpcct artiftique.
•^02
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
MARIE-CARDINE. — Hiftoire de Lifieux. Lificux, 1899, in-8*.
Réfumé, i lufage des enfanu. dej ouvrages de de Caumont, Louis du Bois, de Forme\ille et Viffeur.
MARTIN-SABON (F.). — Catalogue des photographies archéologiques... Paris, igio. in-8*.
Vingt photographies inédites sur la cathédrale figurent dans ce catalogue, bien connu de ceux qui étudient lart du
moyen ige.
MAURY. — Psychoftafie dans Rjvue archéologique, 1S44, t. I. p. 2;^ et suiv.
MÉLY (F. de) et MONTAIGLON (A. de). — Hijloire et defcription du mufée de Lifieux. Paris. 1S9:, in-8'.
Extrait de l'Inventaire général des richeffes d'art de la France, province, monuments civils, t. VI. pp. 2 -,2
et suiv.
MILLIN lA.-L.). — ofntiquités nationales, t. II. xix, p. n. Paris. 17.(1, in-4V
MOLANUS. — De Hifloria sacrarum imaginum et picturarum , cdit. J.-N. Paquot. Lovanii, 1771, in-4'.
MONTFAUCON (Bernard de). — Les Monumens de la monarchie fran^oife, t 111. Paris. 1711. in-fol.
Nicolas Oresme préfentant un livre à Charles V. fig. p. ^î.
ORDHRIC \'1TAL Orderici l'italis .Angligena Uticenfis monachi, HiftorLx ecclefiaflics libri tredecim: ex
\eteris codicis Uticenfis coUatione emendavit et suas animadverftones adjecit .Augufïus Le Prévost. Paris.
Société de l Hiftoire de France. iS^S-rS^^, ) vol. in-S\
Traduction françaife par Louis du Bois, Hiftoire de Normandie, dans la Collection des mémoires sur l hiftoire de
France, publiées par Guizot Caen, iSaO-iSa;, 4 vol in-S".
OTTIN. — Le Vitrail, son hijloire, ses manifeflations à travers les âges. Paris, s. d.. in-4\
PANNIER (A.). - Notes sur les découvertes faites dans l'églife Saint-Pierre de Lifieux, dans Bulletin monumental.
t. XXXI, iS<»^, pp. 294-1"V
PIEL (Abbc). — Inventaire hiflorique des actes tranfcrits aux Infmuations eccléfiajliques de l'ancien diocèfe de
Lifieux. Lifieux, iS()i, 5 vol. in-S*.
Mine précieufe de rcnfeignements pour l'hiftoire de la cathédrale et du chapitre pendant le xviu* «iicle
PiEL (Alexandre). — MifceUanées. Lifieux, i8(i(), in-S*.
Pages intéreffantes du célèbre architecte sur les peintures et les vitraux
PORÉE (Chanoine). — L'Jtrt Normand. Paris, i.)i »• in-"**-
L'auteur connaît bien la cathédrale qu'il admire sans reftriction L'une des planches, p 34. repréfente la porte nord
du portail occidental de Saint-Pierre.
POUPARDIN (R.l. — Dix-huit lettres inédites d\Arnoul. Fans, iw'2, in-.S*. Extrait de la Bibliothèque de
l Ecole des Chartes, t. LXIII, i'c<3, pp. 1^2-17.^.
Ces lettres, publiées d'après le mi ()i>a4 du Vatican, avaient déji vu le jour dans un volume imprimé à Florence
en 186}, sous le titre de Spicileg,ium Libtrianum digtjfit et recenfuit Frjncifcut Hiverani
RIGAUD (Odon). — {{egeflrum vifttationum archiepifcopi l{pthomagenfis i i 2 jS-i 2«..,i, publie par rii. Bon-
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ROBFRT DE TORIGNI. — Chronique de R^obert de Torigni, abbé du Mont Sami- Michel, suivie de divers
opufcules hijlortques, public par Lcopold Delisie. Rouen. Société de l liiflotre de Normandie. 1873-
1871 , 2 vol. in-S*.
Contient des renfeignements très précis pour fixer l'ige de la cathédrale
ROBERTSON tJ.-C.). — Materials for the hifiory of Thomas Becl^et. London. 187^-1881, 7 vol. in-S*.
ROHAUT DE FLEl'RY. - L Evangile. Etudes iconographiques et archéologiques. Paris. 1X74. 2 vol. in-4V
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SERRAT (Louis I. — Guide du Congrès archéologique de Caen. Paris, 1909, in-8".
Etude deftinée aux archéologues de profeflion : le texte defcriptif néceflîte la plus grande attention. L'illuftration
comporte d intéreflantes photographies de M. Eug. Lefèvrc-Pontalis.
TASSIN. — Plans et propls des villes de France. Paris, 16:5 1 , 2 vol. in-4".
TAYLOR ( J. ., NODIER (Ch.), et CAILLEUX (A. de). — Foyages pittorefques et romantiques dans l'ancienne
France. Normandie, t. III. Paris, 1878, in-fol.
Contient pp. 4-(). quelques notes relatives à la cathédrale et cinq lithographies hors texte.
TEYSSIER lAm.l. — Notice biographique sur Louis-Alexandre Piel. Paris, 1843, in-4".
Theophili prefbyteri et monarchi libri III seu diverfarum artium schedula, cdit. de l'Efcalopier. Paris, 184^;, in-4*.
TRIGAN (Charles). — Hijîoire eccléfiajlique de Normandie. Caen. [759-1761, 4 vol. in-4°.
TURNER. — Account of a tour in Normandy. London, 1820, 2 vol. in-8°.
Ouvrage de vulgarifation. A la page 1^1 du tome II, une très curieufe gravure deJ.-S. Cotman repréfentant les
médaillons du croifillon nord.
VASSEUR (Charles). — Qttelques réflexions sur le tracé de l'enceinte gallo-romaine de Lifteux, dans Bulletin
monumental, t. XXVI, 1880, pp. •;i4--;22.
— Etudes hifloriques et archéologiques sur la cathédrale de Lifteux. Caen, 1882, in-8*. Extrait du Bulletin de la
Soc. des lAntiq. de Normandie, t. X, 1882, pp. 419-501.
Etude confciencieufe, très documentée, œuvre capitale au point de vue de 1 hilloire du monument.
VILLEMIN (N.-X,). — ■ Monumens français inédits pour servir à l'hifloire des arts. t. I, Paris, 1806, in-fol.
Contient, p. 44 et pi. 07 la defcription et la repréfentation des deux statues tombales qui se trouvent dans un des
enfeux du croifillon nord.
VIOLLET-LE-DUC. — Dictionnaire raifonné d'Architecture. Paris, 1854-1869, 10 vol. in-8°.
ZEILLER (Martin». — Topographia Gallice. Francofurti, 1657, in-fol.
-: f
*:
î ■: :
'i _ t I*— 'tw^^V
Dessin de Pnjqutt.
TABLE ONOMASTIQUE
II
TABLE DES ILLUSTRATIONS
III
TABLE DES MATIERES
+ + •»♦
■ YS^^^*t-.iq'^
39
TABLE ONOMASTIQUE
Abdias de Babvlone. 210- 220.
Abélard. io>.
Achén- (dom Luc d'). m. 114.
Adam de Saint-Victor. 227.
Adeline (Jules), graveur. 246.
Aimoin. moine. 10.
Alain de Dinan. 1 2.
Albi. cathédrale. 147.
Alexandre IH.pape. 108. loi). in
Aliéner d'Aquitaine. 106, in.
Amette (cardinal). 102, 14^.
Ammeville (église), 19^.
Aiidelys (I.t'S). église X.-D.. 2r.
Andrieu. horloger. 21.
Anquetil (Jacques). 47.
Anthyme Saint-Paul. i2=>.
ArJeiiiifs, abbave. 2'!.
.\rmandie, chaudronnier. ic)S.
Arnoul. évêque de I.isieux
2<Sl.
Arras. cathédrale, i^o.
Asselin. trésorier du district.
.\ubert (Jeani. fondeur de cloches
Aubert (Marcel). 107.
Auvillars. église, k)-;.
Avignon, école de peinture. 226.
Bach (Sébastien), i =,4.
Bailhird-Descours. chanoine. 2so.
Balande (Gaston), peintre.
Bâle. musée. 226,
Barbot (abbé \'.), iv.
114. I Kl.
8S. i>>?-i iS. 121.
\U
Barrés (Maurice), 209, 294.
Basin (Thomas), évêque de Lisieux. ^6. -57. ^-î.
i?i. isi, 212. 211.277. 2'6\.
Baudot (de), architecte. 2, -5.
Baudouin III. évêque de N'ovon. 124.
Baunard (Mgr». Si.
Baveux, cathédrale. 2. iS. 21. 24. ■?!. 69.71.
72-76. 12';. 210.
Ba^envi/le. église. 24.
Beaitmont-lc-Rnaer, \errerie. 4^. 214.
Beaunis (P. ». i.S-;.
Beauport. église. 6^.
Bec-Hilloititi. abbave. 20. .S^. \hz.
Bégule ( Lucien). 217.
Bellier de La Chavignerie. 2^0.
Bellot. entrepreneur. 74.
Benoit de Peterborough. 1 16.
Beranger (J.). 289-292.
Bernai-, église X.-D.-de-la-Couture. 22(1. 2-!2.
Berniircs. église. 24.
Béroult. appareilleur. -yU.
Berretta (P.). organiste. 1:^2.
Bertot (Jean), 1 lo. m.
Béthune (baron). ^. 6.
Bigot (Raymond), sculpteur. 142.
Billon (D'). (>2. is6.
Bloche. maire de Lisieux. 19S.
Blondel, curé de Saint-Pierre. 19, is6.
Blosset de Carrouges (Etienne), évêque de
Lisieux. 27, S4. 100. Son tombeau, 162, 181.
Blosset (Vincent), verrier, 214.
Bûismont (de), archidiacre Je Rouen. 189.
',oS
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Hollée. fondeur de cloches, i s6.
Bonnin (Th). 28^.
Boniiiiiix, académie. 2^1).
Bordier (H.». 7<».
Bossuet (J.-B.l. cvéque de Mcaux. 1 47.
Boucher (F.), peintre. 272.
Bouet. ;<i, 1)7. 160.
Boulav (Richard du), 2f2.
Boullaye (Laurent), peintre, ss.
Bouquet (doni). 12.
Bonrgcovs ( Marin), peintre. •?<>.
Hourjri-s. 2i«>-24i. 244, 24s. 24S.
— cathédrale. 7s.
Boutev (.1.). dessinateur, m.
Bouxin labbé). i2<j.
Braine. église Saint-Yved. 4^. «,2. dt».
Brancas (Mgr de), évéque de l.isieux. <)4. 102,
I s<). 172. 26^.
Brasnu. sculpteur. 14M.
Brault (Mgr), évéque de Baveux. ^i>. 207.
Breard ((ih.). m^. i.>.>.
Bréquigny. in.
Brice (doni). 121.
Britonis (Jean ). niacoii. i^. :=,.
Bniii, église. 147.
Bullet (Jehan), huchier. 1 îd.
Bulteau (abbé), r 24.
Bunel, curé constitutionnel. i<)2.
Biircl (J.-B.). fondeur de cli)chcs. \'>i>.
C.œfsin. maire de l.isieux. 21)4.
Cani. abbave aux liâmes, ^i.
— archives départementales. i<>. 21. 21). "(>.
\\. 1(h). 1S7. I.)l. Ii)|. 27<>. 2S4, 2S(i,
2SS.
hibliothéipie municipale. 27(>.
église Saint-Uticnne. iS. ■?!. 40. di). 71.
72. 7s. I2'?.
Jésuites. iSi.
— manoir des Gens d'.Xrmes. ^9.
Caffarelli (M- N.-l.). isd.
(lagniard (abbé), curé de Saint-Pierre. 66. So.
147. IS7.
CitvihridfTf. collège df la Trinité. 21S. 220. 221.
(^ampart ( M'" du). 142.
Chanel, loi^
(^iin/orhirv, cathédrale. 4s. 12(1.
(Parlez (.\.». organiste. is2.
(-aron (M"*i. \m.
(^arrache (.\nnihal), peintre. 2(0.
C^arrey (Olivier), tabellion, a»).
Cauchon (Pierre). évéi]Ue de Lisieux. 47, 7s.
<)')->)(>• <)i)-i<ia. ni. i(>i.
(^aumont (.\. de), s. 113.
(^availlé-C.oll. i«i2. 1 «.4.
(lavillicr (J.), fondeur de chu lu s nS.
Ccillier (dom). 10^.
liélcstin il. pape. i<i«..
Cénival (de). 23;.
Ci'stn-iJux-\i)rnts. 4=;.
Chamard (dom), g.
Charles V. roi de France. 1^4. 21 S.
(^iharles VII. roi de France. OK.
Charonton (Hnguerran). peintre. 2 2<>.
Chartraire (chanoine E.). 12S.
Chartres, cathédrale. 20. dg. 12?. 124. 127.
— chanoines de. 12.
(]héron (Henry). •50.
(Chevalier, chanoine. 2^1. 2S4.
Clhevalier. emballeur. 2^1.
(Chevalier, menuisier. 14s.
(Chevalier, orfèvre. SS.
(^hildcbert I". roi de France, n.
(^hristin. chanteur, is^.
CiviJale. église Santa-Maria in Valle. do.
Clément XIII. pape. Su.
Clerval. abbé. 124.
Coignet (Léon), peintre. 2(>7.
Coinbray. château. 1^7.
Couches, verrerie. 4^. 214.
C^ondorcet (Mgr de), évéque de Lisicux. 20.
loo. I ;,^-iss, isM.
Contel (J.-C^h.), peintre. S4.
Coppée ( F'ran^ois). 7().
Corbel. sculpteur. i^S.
Cormon. peintre. 27:
(^ospéan ( Philippe de). c\ (.que de Lisuiix. i j(>,
'47-
Cossart (André), maitre maison. S4.
(^ostard (Foulques), chanoine. 6^. (14.
(^otman (John). 2. do.
Courdemanche. \\>). 27*.. 276.
Coiirtiiiiiic. château. i(><>.
Coutan (H). 111. 42.
Coutaiices. cathédrale, ai. ^1. 74. 7^.
Créqui (abbé Fustache le Jeune de), isd. 207.
('uillier ((Charles), sonneur. iSi». 27S.
Oagnan-Bouvcret. peintre, 273.
Piinuts. adu.
Danjov. architecte. 21. 2;. •\\. 8S. 208.
Darccl. architecte. 14s.
Dairey. organiste. w\.
David, roi. (m.
David (Louis), peintre. 2«i^. 273.
Debontils. chanoine. ab4.
Oecq (.\.). organiste. is2.
De La Cour iI'iiTm \irinlri :>i. ;i.r. !?<,ii.
a6i. 372.
Delahave. sculpteur. 14s.
Delamare, abbe. 18^
Delaporte (A.j. a6, 160.
De La Rocque. architecte. 27. v>. isa. ao8.
Delarue. notaire, so. <Ȕ. 212.
Delaruc (Jules). 1^7.
Delauney (J.). imprimeur. n>4.
TABLE ONOMASTIQUE
309
Delauney (M""). is6.
Delisle (Léopold). 4^, in. iis- 217. 218.
Denis (Maurice), peintre. 270.
De Samaison (Guillemot), architecte. 33. S4.
Desbordes (M'")- -'^"'•
Descours (M. -H.), peintre, 266.
Descours (M. -P.). peintre, 266.
Deshays (Noël). 12. 04. 99, 100. 116. 119, 14s.
160. 169.
Despana, chanoine. 2^0.
Desportes (L.). \iv.
Desvergnes (Ch.), sculpteur. 102.
Deville (Etienne), 11. 277.
Didron (E.), 134. 135. 14=^, 216.
Dœnart (Thomas), verrier. 55, 214.
Domitien. empereur romain, 217, 218.
Dovnard (Abel). 21. 22. 29. 44, 136.
Drubec, 2b-].
Drusiana, 219, 221.
Dubois, chanoine, 2=io.
Dubois (Louis). 6. 7. 58, 114, 11^. 119. 175.
Dubosq. chanoine, iv.
Dubreuil. 21 r.
Ducange. 177.
Ducellier. curé de Saint-Pierre, ^o, 102.
Duchesne (André), 113.
Duchesne (Aug.), IS7.
Duchesne-Fournet. is2.
Dufresne. chanoine, 2=iO.
Duhamel, peintre verrier. 234.
Dumoulin (Gabriel), i r.
Dupaigne. organiste. 1^2.
Duprev. curé de Saint-Germain. 192.
Durand (Guillaume), évêque de Mendc. 216.
Dnrham. cathédrale, 63.
Duroy. architecte, xiii.
Du Thiron. chanoine, 288.
Duval Le Camus, peintre. 2^2.
Du Vert (dom Claude), 22.
Du Vivier (Rémy), m.
Echard. 17s.
Ecouis. église. I3'5, i'54.
Eléonor d'Autriche. 246.
Engelhard (Ch.), 94.
Enlart (C), 121, 130.
Envermeii, prieuré, 162.
Eocaric, roi, 23s.
Ephise^ 220. 221 .
Escalopier (de L'), 211.
Espouy (d'), 145.
Ethérius, évêque de Lisieux, 10, ir, 4=;.
Etienne, imagier. 21.
Etienne de Nemours, évêque de Noyon, 125.
Eu. église Saint-Laurent, 21, 31. 68.
l'iusèbe. é\êque de (^ésarée, 220.
Evraert. ferronnier d'art, 149.
Evreux^ cathédrale. =,4.
— • église Saint-Taurin, 20.
Fabre (Joseph), 204.
Farcy, menuisier. 208.
Farolet, curé de Saint-Pierre. 4. 88. los, 115.
Fauchet (Claude), évêque constitutionnel, 19,
Fauque, maire de Lisieux. 156.
Fccamp. église de la Trinité, m. in.
Fervaques. église, 185.
F'ervaques (Guillaume de Hautemer. maréchal
de), 102, 182-186, 199. 200.
Firmin-Didot, 220.
Flameng. peintre. 272.
Fleuriot (J.-A.), 157.
Fleury, abbé, 105, 113.
Fleury, organiste. is2.
Florence, bibliothèque. 223, 211.
Fontaine, chanoine, 250.
Fontaine (Pierre), architecte, 154, 286.
Formeville (H. de), 4, 58, 59, 62, 8^. 119. 120,
145» 15I5 171! ^75- 212, 277.
Fougé (Jacques), peintre. 160.
Foulques d'Astin, évêque de Lisieux, 161.
Fournet (Céline), 157.
Fournet (Jean-Lambert), 152, 1=56.
Fragonard (H.), peintre, 272.
Franck (César). 154.
François \". roi de France, 246.
Frazier-Soye. imprimeur, m.
Frémanger. 205.
Friquier de la Cauvinière. chanoine, 2So.
Gacé. église, 285.
Gaignières (Roger de), 68, 10 1.
Gaillard (Jehan), serrurier. iS3.
Galli-Knight. 2. 121.
Gallois (Pierre), chanoine, 283.
Garcin (A.), organiste. 153.
Garnier de Pont-Sainte-Maxence, 116.
Gauvin (Pierre), verrier, 214.
Geoffroy, comte d'Anjou, 12, 105, 113.
Gernez. peintre, xii.
Gilbert-Maminot, évêque de Lisieux. 13.
Giles(DO, 105.
Gillottin (.VI -«A.). 156.
Godard (M'"), peintre. 86. 269.
Godefroy. chanoine, 2so.
Gondouin. 206.
Gonse (L.). 121, 130, 134.
Goron, menuisier, 208.
Gosset. chanoine, 170.
Gosset (André), maçon, 28.
Gosset Denis, (maçon). s4. S5.
Granval, officier municipal, 202, 204.
Grégoire de Tours, 10, 4s, 76, 223.
Gresiaiii, abbave. los. 108. lot). 1(12.
lO
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Gsell (Albert), peintre verrier. 221. 22S. 234.
23 s.
Guérard (Guillaume), tabellion, «n. 212-
Gucrard (Jacques), tahcilioii. 212. 2n.
Gucrin. niarguillier. 2<>5.
Guérin (Ph.). peintre, 266.
Ciuéroult (Guillaume), ^d.
Guillaume, architecte. 122.
— d'Asnières. évêque de Lisieux. S»..
— de Caiitorbér) , ri6. iiS.
— d'Kstouteville, évéque de Lisieux.
2«>, 102, 160, 161. 24s. 288.
— de Graiuville, chanoine. 164.
— iiubaiid. abbé de Grestain. n>g.
— de la l'iéche. notaire. 2S4.
du Pont de IWrche. évêque de Li-
sieux. ^. 120. 121. 2S3. 284. 28^.
— de Sens, architecte. 4=.. i:(«.
Guilmant (A.), r S2. is;.
Guizot. ri)<).
Guy de Harcourt. évêque de Lisieux. n«.. 161.
Guv du Merle, évéque de Lisieux. 120. i(ti.
163. 38s.
Guyardon (Ciuy). m.
Haimon, abbé de Saint-Pierrc-sur-Dives. \.
//lin rt»/r/. château. i')r.
Haussaire. sculpteur. 1 iS. m.».
Henner. peintre. 267.
Henri II. roi dWngleterre. i >j. I06. iii. 11 T.
1 14, 1 16.
Herbert, évéque de Lisieux. ii-n. 2V>.
Hcrt^et. (M""). 117. 14s, is;.
//i n/orJ, église, h^.
Hfrmival, 44.
Hesbert (Pierre), peintre. 14S.
Heulte (Girot). huchicr, nd.
Hippeau (C). 1 16.
lliveraiii ( Fr. ), ii>i).
lloUniann. menuisier. nS.
ilonflfur. église S"-Catherine, xii.
musée, \ii.
Hotflli-ri,- (L'), lhi>.
Huard (Georges), m. ao. ^o. iid.
Hugonin (Mgr), évoque de Baveux et i.isieux.
14'», Isa.
Hugues d"Ku, évéque de Lisieux. 12. ;iS. a^<^.
241, a p. 2 (7. 3X7.
HiuMiiins (l.-K. ». I 2 (.
//>. t,k;ii-e. 24.
Innoient 111. pape. 17».
I 11 qncs d'Ai' ' ■-''. evêquc de Lisieux. ao.
I I' lues de \ .3 11». 3 3".
1 I ucK (\1.-R.(, aiS.
1< III !• . — ' I isicux. »>s. los, in.
'' m ïU V èquc de Séez. Ss.
Jean de Salisburg. 1 14.
Jehan le Meneschier. charpentier. 27.
Jeanne d'Arc. 7s. 1*4. 102. IS7. 204.
Jérusalem. 20<».
Joppc. 2 Si».
Jouenne de Longchamp. député. ii)8.
Jourdain du Honimet. évêque de Lisieux. •?.
114, I 19-121.
Jouvenot. dessinateur, xiii.
Klein (.Vloys). organiste. i=.2.
Krug ( Ldouard). peintre. 2(17. 2('8.
Lacordaire (le P.). 210.
La Ferronnays( Mgr de), évêque de Lisieux. 171.
iS.S. |S(), IQI. 207. 278. 2i»2.
La Ciouycre. tiei à Honneville-la-Louvet. 2<).
Lagrenée (H.), peintre. 25.1. :«.2. :>i. 2V(>.
272.
l.ahaye (V.). 11. 7s, 30;.
Lallier (Michel), tabellion. 2«».
Lamarck ( Henri-Robert de), duc Je Bouillon.
iSi.
Lambin ( H.). =.. <>. «.1. i2«>.
La Néelle (D'). iSo.
l.anticr ( Raymond). 2(1.
Zj"». cathédrale, ^i. ',4. p. }}. ir:. 12;. 127-
I 2t). 1^1.
La Querrière (de). 24h.
L.ircher, menuisier, hs.
l.arrieu. peintre. 2si. 2^2.2^). :.
Lasius (W'olfgang). a 20.
l.asnier (Jean), i s i.
Lassus. architecte, 7.
I.astevrie (R. de), xiv.
l.aurens (J.-P.). peintre. 372.
LitiiSiinnr. église, <>^.
La Ville du Bois, chanoine. as<>.
l.avisse (Krnest), 204.
Le Bourg, chanoine, aso.
Lebrun (Jean-Jacques). 271».
Le Charpentier (Laurent», verrier. 214.
Le Glerc (^Léon), peintre, n.
Le Court (H.), 19.
I.efèvre (tieo). peintre-sculpteur, xii.
I.efcvre-Pontalis (Lugeiiei. aj. 27. i<). 124. i2«..
Lelran(,ois (M"*). is6.
Le Grand (Jehan), verrier. 214.
l.egrand ( Ihoniasi, S4.
Le Hennuyer (J.). évêque de Lisieux. ms. i<)s.
ii)<>. 37S.
Lelioux I Adrien». 2S.
Lemainier, sculpteur. <>s.
Le Maréchal. 2<»»v
Le .Vlelaver des Planches. 180.
Leinonnier (.N|gr).évêque de Bayeiix et Lisieux.
io2, a 10.
Le Monnier ( Louis), ao.
TABLE ONOMASTIQUE
1 1
Lemonnier (G.-A.). peintre.
Î^I. "•^'^ "^^ 1 — "^
,<>.
■/ = •
=7-
109.
Leneveu (Jean), doyen. '^4. S=^.
Léon X. pape. isr. 1^8.
Léon d"Ostie. 2r i.
Leportiers (Thomas), charpentier.
Le Prévost (Auguste). 12. 13. 106.
Le Prévost (Jean), chanoine. 47.
Le Rat. chanoine. 2^0. 2S2. 2^4.
Le Rat, procureur. 187.
Leroux (Jacques), architecte. ^4.
Le Roux ( Robert I. maitre de musique de la ca-
thédrale.
Le Roy. maire de Lisieux. 1S7.
Le Roy. perruquier. 200.
Lespinois (A. de), 2S9.
Le Veneur (Jean IV). évéque de Lisieux. S4.
100. 144, 162. r8i.
Le Verdier (P.). i<S;.
Levesque (Pierre), 29. 44.
Lhermitte. peintre. 272.
L'Huillier (dom). 10;, 114.
Lichticld. église. 63.
Lincoln, église. 65.
Lisieux. Cathédrale :
— \ge. in^-n I.
— Armoiries. ■;<>.
— Aspect général, r-7.
— Autel majeur, r^o. isr.
— Bibliographie. 2<)7-;o5.
— Bibliothèque capitulaire. 6^. 18'». 276-
278, 286. 287.
— Cathédrale romane. 9-1';.
— Chaire à prêcher. 14^-147.
— Chaire épiscopale, 144, 14^.
— Chapelles des collatéraux. 79-81).
— Chapelles absidales. 74-76.
— Chapelle N'.-D.. 1. 47. 7s. 91-10:
12 I.
rS:
:oo.
■77-
de
131. 137. 149
Chapelles :
Ange-gardien. S7.
Sainte-Anne. 2<)<i.
Saint-.\ntoine-de-Padoue. 2;S.
Saint-.\ugustin ( Saint-Joseph
Cupertino). 89, 231.
Sainte-.\gnès (X.-D. de Lourdes).
Si. 83. S^.
Sainte-Catherine (N.-D. du Perpé-
tuel-Secours). 87.
Saint-Denis. 28. 214. 2S;.
Saint-Gilles. 121 .
Saint-Laurent (N'.-D. delà Salette),
89.
Saint-Léonard ( N.-D. des Victoires),
86.
Saint-Leu. r2i.
Lisieux. Chapelles :
Sainte-Madeleine et Saint-Gatien
(Sainte-Cécile). 88. 286.
Saint-Mandé (Enfant-Jésus), 81.
Saint-Martin. 214. 2^7.
Saint-.Vlaur (Sacré-Cœur), 85. 86,
=37-
Saint-Michel. 28. 89. 214.
Saint- Nicolas (Saint- François-de-
Sales, Saint - François - Xavier).
86. 213.
Saint-Ouen. 121.
Saint-Taurin. 214. 283.
Saint-Thomas. 88.
Saint-L'rsin. 76. 77, 121. [24. 2^7.
Saint-Vivien (N.-D. de la Déli-
vrande). 80. 81.
Chœur, 68-71.
Cloches, 36, 198. i')<}. .Vncienne son-
nerie. ts4-is6. Sonnerie actuelle.
1^6, rs8.
Cloitre. 281.
Collatéraux, 48-sr.
Confrérie N.-D. de la Délivrande.
79. 80.
Confrérie de Charité .287, 288.
Croisillons. ^5. 68.
Crosse de Guy du Merle. 162. r6;.
Déambulatoire. 73-77.
Dimensions. f8.
Enfeux du croisillon Nord, S7-63.
Extérieur, is-;7.
Façade occidentale. r9-24.
Fondation. 9.
Fonts baptismaux. 62, 6?.
Histoire anecdotique. i67-;[0.
Horloge. 21. 204.
Intérieur, 38, 89.
Jubé. 99, 147. 149.
.\Iobilier, ni- 16^.
-Vlurs latéraux, arcs-boutants. contre-
forts. M. ^2.
Narthex, 38-41.
>«eL 41-44.
Orgues. 1^2-1^4. 2<>o. 214.
Palais épiscopal. 2s. 26. 190.
Pavage du xi' siècle, i^.
Peintures, 86, 148. 2^7-27^.
Piscines, si.
Plafond de la tribune des musiciens.
6s. 66.
Portail du Paradis. ;2-;4.
Portails de la façade (jccidentale. 22.
Puits dans la chapelle Saint-Augustin.
S9.
Salle capitulaire. 274. 278. 279. 287.
Sanctuaire, 71-71.
I 2
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Lisiciix. Sculpture, ry. k). o<>, 2^. 24. ^<)-4î.
4^, SI, 5,9-62. 6S-67. 61), 72. 74.
86. 88, i)s. 96. 102. ns. 136. n8-
14s. 148. 149. 181.
— Stalles. 1^^-144.
— Tableaux. 2^7-27^. Leur emplacement
actuel. 2s^.
— Tombeaux. 4O. S9-64. <i7. 68. 81. 84.
8<>, 99. ii)2. is9-i6s, 181. 199.
Tours. 24-v>: tour-lanterne. ;s. ^7 :
tour du Sud. ■; : tour Saint-Martin.
7=1. 174; tour Saint-l'rsin. 7s.
— Transept, si. s^.
— Trésor. is8. 1S9. 162. 181. 181).
- Tribune des musiciens. 6s. 66.
— Tribune du * Gloria laus *. 22.
— Trif'oriuni. 44-4''^. 71. 72.
— Tuiles vernissées cou\rant autrefois
la cathédrale. -51.
Vitraux. 28. 4s. 4<). su. ss. 8s. 88.
89. 99, n<l. I s8, 2<»8. 211-2^6.
279.
N'oùtes. i'>-28, ^0. 41. 48. S2. 6'!. 71.
7'?. 7s. Si). 12s. 126, 127. I 2t).
Lisicux. Ville :
Abbaye de N.-D. du Pré. 174.
— Archives municipales. H)i. i')2. 11)4-197.
191). 204.
— Auberge de l'Hcu de France. S4.
— Banque de France. 64.
— Bibliothèque municipale. 21. IS4. 212,
276.
("apucins. i6t). 18;.
(Chapelle Saint-.\ignan. 10.
(iohue de l'évèque. 212.
(Collège. 174.
— Dominicains. 187.
l.glise Saint-Oesir. 184.
liglise Saint-Ciermain. n». i8s. n)2, 11)3,
19s. t<)8, 199, 2ns. 269.
Fglisc Saint-Jacques. r')2. tin. i')8. ii)<).
2<>s. 218-240.
Hospice. 1 19.
Hi'itel-de N'illc. 02. 20^.
\l.iison canoniale de Saiiiii -lî nlu (. (
Nlathurins. i m.
Musée. iu'>. \h\.
riace aux i'ruilages. 212.
— Place du Marché, ii»^.
— Portes de la ville. 171. 174.
— Rues: du Bouteillcr. 174; au (^crf. ii»i;
aux (Chanoines. 64; Htroitc. 11)4; aux
l'èvres. SI. 201; Cirandc-Rue. 281;
Pont-Mortain. 10; d'Ouville. viii; delà
Paix, vm,
— Siège de la ville par Geoffroy d'.Xnjou,
13.
Lisiciix. X'ille :
— Société historique, 30. 47, 9s. 14s. 148.
149. isi, 160, 171. 17s. 180. 214. 21S,
2SO.
Société * Le vieux Lisieux ». (>. 88.
Théâtre, nn.
Livarot, 18.
Loges (Les). 18. 5.4. 9s. 148.
Loir (abbé). 93, iss. IS9. 160. 17s.
Loiiilres. British Muséum. 2;-,.
Longpont. église. 43. <nj.
Longues, église. 6;.
Lonlav. abbave. 162.
Lorraine (Claude de», duc d'Aumale. 18;.
Louis VII. roi de France. IU7. i ii-i n.
Louis IX. roi de France. 122.
Louis XI. roi de France. bS.
Louis XII. roi de France, isi.
Louis XIII. roi de France. is8.
Louis XIV. roi de France. 271.
Louis XVI. roi de France. 186. 204.
Louis, comte de Flandre. 80.
Louis des Haulles. abbé de Bernav. 22(1.
Lourdes, pèlerinage.
L.ouviers, église X.-D.. 42. 81.
Lozout. notable. 201.
Lucas, architecte. 30.
Luchaire (.\.). in.
Lucius III. pape. loi).
Lusson. peintre verrier. 99. 2??.
LtiiJii. 2 Si).
Lj'on, église, i).
Lyre, abbaye. 162.
Màcou. église Saint-Pierre. 267.
Mâle (F^mile). 4. 62. 124. 217.
Malla\ s (Th.). maréchal, iss.
Mallet. n4.
MiiHs (Le), cathédrale. 10. 7s.
Miireugo. 210.
Marguerite- .Marie (Bienheureuse», 269, 270.
.\larie (abbé), s. <>. los. 109.
.Nlarie (J.). organiste. is2.
Marionneau. 2s6.
Marty (.\ndré). iv.
.^lasseIin (abbé), m. 220.
.\lasseville. 1 18, i n».
Matignon ( I.éonor I" de), évêquc de Lisicux.
102. isS. 171.
Matignon ( I.conor II de), cvèque de Lisicux.
46, i)S, 14s, I jS, i(i;-i6s. 160. 170.
.Nlauger. archevêque de Rouen, iî.
Manger (Joseph), organiste. IS4.
i^tivif^as. prieuré, 16a.
Maurv. 228.
Medavy (Pierre de). 184.
Mély (I". de). \h\.
.Xlercier, vitrier. 214.
TABLE ONOMASTIQUE
;•';>
Mérimée. 7.
Merlet (René). 124.
Merson (L.-O.), peintre, 272.
Méry (de), chanoine. 2^0.
Métaphraste. 223.
Meyer(P.). 218.
Michel (André). 226.
Michel (Jean). 178.
Migne (abbé), 113, 114.
Mignot (Jacques), trésorier. 148.
Mignot. tailleur. 200.
Milet (abbé), 207.
Millet, architecte, 37, 74.
Mistral, imprimeur, 17s, 271. 278. 279.
Mocquerie (Guillaume), verrier. 214,
Moidrey (de), 233.
Moisv (A.), m. 26.
Moisy (H.), 26. 277.
Molanus. 220.
Mommsen (Th.). 9.
Mondaye. abbaye, 120.
Monsabré (R.-P.). 146. 147.
Monsaint. chanoine, 2SO.
Montaiglon (A. de). 16-;.
Montassier. imprimeur, m.
Montfaucon (B. de), 20.
Montreuil-sur-Mcf. église. 7=..
Mont-Saint-Michel, abbaye. 162.
Mourret (F.), 109.
Moutier, serrurier, 13S.
Munich, églises. 4.
Murillo, peintre. 270.
Nantes, cathédrale, Oi).
Naples, architecte. 138. 208.
N'audin, chanoine. 2^0.
Nicolas de Cheffreville, archidiacre. 28s.
Nicolas d'Harcourt, trésorier, i^i.
Nicolas de Savigny. doven. 1)3.
Noirot-Biais, 14=,.
Norrey, église, 74.
Notre-Dame-de-Ja-Roche. stalles de l'église, n s.
Notrc-Dame-de-Liesse, i s8.
Nouvion-le-Vineux. église. 52.
Noyon. cathédrale. 21. 31, 44. 52, 69. 108. 112,
12 1. 125-12S. 127.
Odend'hal (Ch.), imprimeur, m.
Oraison (César d'^, gouverneur de Lisieux. lOi).
Orbec (Louis d'). bailli d'Evreux, 180, 18-;.
Orderic Vital. 11-13, "M- 'o^i ''4- "^•
Osmont (M°"), 1^4.
Pannier (Arthème). s. 26, 42. 49. ^3. 6^, 80, 97.
105. 109, 126. ■
Parc (Le), église N. D., 161,
Paris, .\bbaye de Saint-Germain-des-Prés. 20.
121. 126.
Paris. Académie des Beaux-Arts, 272.
— Archives nationales, 291 .
— Bibliothèque nationale, 20, 64, 102, 183,
218, 219, 221, 289, 292.
— Bibliothèque Sainte-Geneviève, 277.
— Chanoines de Saint-Victor, 110, m, 116.
— Cathédrale. 13, 43, 69, 112, 123, 128.
— Eglise Saint-Etienne-du-Mont, 147.
— Eglise Saint-Sulpice, 154.
— Hôtel des Monnaies, 290-292.
— Musée du Louvre, 226.
— Musée du Trocadéro, 41.
— Salon du Louvre, 251, 256. 261, 262.
Pasquet. peintre, xiii.
Pasquier de Vaux, évêque de Lisieux. 37.
Patou (Georges), sculpteur, 41.
Paul IV, pape, 29.
Paulmier (Guillaume), 181.
Périé, frères, 198.
Perrier (Léonor). 1^7.
Peterborough. cathédrale, 63.
Philippe-Auguste, roi de France. 113.
Philippe (Nicolas), imprimeur, 220.
Picot, cabaretier, 200.
Picot (Emile), 9.
Piel(abbé), 86. 171.
Piel (Alexandre), architecte, •;. 4. 7, 208-210,
224.
Piel (Jean). 212.
Pierre, abbé de Saint-Victor. 28 v
Pierre-le-A'énérable. 104.
Pierrefitte-en-Aiige. église, 68.
Pillion (M"^ Louise). 16.
Pin (Le), château. 189.
Pitt (Pol), dessinateur, xiii.
Plantin-Moretus, imprimeur, vi.
Porée (le chanoine). 17, 120-m. i';4, 226. 229,
266.
Porter. 2.
Poupardin (René). log.
Préaux, abbaye, 162.
Pré-d'Auge, pavés. 80.
Prévost, mav'on, 30.
Prou (Maurice), 11.
Prudhon. peintre. 267.
Prun, abbave, 22 s.
Puchot (Charles), 111, 2=jo, 2M.
Puvis de Chavannes. peintre, v.
Quesnel. ingénieur. 2<i2.
Quicherat (Jules), '-.b. 21-;. 27O.
Raguier (Antoine), évéque de Lisieux, 102.
Raoul Glaber. 1 1.
Raoul de Thiéville, évêque d'Avranches. 8s.
Rathoiiin (forêt). 241. 242. 247.
Ravcnne. 23(1.
Régnier (Louis). III. 13;.
40
3M
SAIiNT-PIERRE DE LISIEUX
Reims, cathédrale, (><;.
jglise Saint-Rémy. 42. 1 12.
kciKHiit (lieutenant). {Vn mot de M. Haries a
raiiteiiii.
Renier (Mi'*), 2^1.
Renoiil. abbé de Saint-Rvroiil, !<>«,.
Revnaïul (Marc), imprimeur. 220.
Richard 1. duc de Normandie. 12, in.
Richard II. duc de Normandie, ir-?. 287.
Rigaiid (Hudev). archevêque de Rouen, 121.
I 22. 27s. 28s.
Robert, nia^on. 1 1<>. 117.
Robert des .Vbléges. évêque de Baveux. 1;',.
Robert de Torigni. in. lis. 116.
Robertson (J.-l-.). 114. iiS.
Robespierre. 20^.
Robin (.^Igr). évêque de Baveux. |!^().
Robin (Jehan), verrier. 21-5.
Robin (J.-B.). peintre. 2s 1 . 2S2. 2(>i. 272.
Robin d'.Xrques. verrier. 2n.
Rochery. serrurier, 214.
Rochestfr, église. (»i.
Roettiers ( Louis). 21)2.
Roger, inason. j Mi. 117.
Roger de Jumièges, peintre verrier, so, 21 2. 2n.
Roiiaut de Meury. 22^. 2V-
Rohée. curé de Saint-Pierre. n8.
Rome, chapelle San Giovanni in Oleo, 217.
N'atiian. 2 •",2.
Rotrou. évêque dlivreux. ms.
Routier (L. S.). 2i>2 .
/^'//«•«. cathédrale. 1. 2',, ■51. ^4. 75,. 121. i2(>,
I 21). n". I S(). l(>2.
chapitre. 17S.
école de peinture. 2=.S.
— église Saint-Ouen. Si.
Ii()tel lie Moiirgtiieroulde. 24(1.
hôtel lie l.isieiix. <)i).
hôtel lies Monnaies. 281).
Musée, 2SC).
- Parlement. 172, i^-).
Rouxel de Médavy, évêque de l.isieux. |S',-|,S^.
Ro/.e (abbé), 220.
Ruhens ( P.-p.). pcinire. :(m
Kiiskin (John). 2. 22. 2^.
Saints :
.'Vignan, lu. a-)4.
- /■
Ainbroise. 2^4.
André. 143.
.\ntoine de Padoiie.
Augustin. 228.
Bernard. 104. 221.
Bertivin, 2^4.
Charles, a68.
Clair. 214.
Denis, Si).
Dominique. 2V|.
2^4.
Saints :
lïthelwold. 2^2.
Etienne. 142. 14^. 2^1.
François. 201. 2^4.
François-Xavier. 2(>7.
Gabriel. 141. 271 .
Gatien. 88.
Germain. 200. 2Ts, 2^6.
Germain, évêque de Gonstaniinopk. 22;.
"^ 27 .
Jacques, y6. 47. 142.
Jean Chrysostome. 22-!, 221).
Jean Damascéne, 22;.
Jean l'Evangéliste. 217-221. 2-=..
Jérôme. 264.
Joachim. 208.
Laurent. 143. 201.
Mandé. 81.
Martin, c». 7(1. 77. 1)7.
Michel. 1)7. 141. 201. 22S.
Patrice. 2^4.
Paul. (»(). 1)7, 142. 2',',. 2^1, 2SS. 2^1). 260.
Pierre, 142, 2^2. 2;^. 24=.. 2^1. 2^4. 2s«.. is^.
2S<). 261. 2<i2,
Roch. 214.
Sébastien. 67. 68. 1)7. 2^4. 262. 2(>^, 2O4. 371.
Taurin. <), 81).
Thomas de Gantorbéry. 8^. 10-,. 114, 1 id.
1 17. 1 18. 3^4.
L'rsin. 7(1. 1)7. 142. 14'. l'.i. 200, 2^". 2^4.
2^s. 257-2^0.
N'ictor. 2^4.
N'ictrice. i).
Saintes :
.\nne. 2(17. 268.
(Catherine. 06. 1)7.
(décile. (>>. 88. 2 ",4. 2(>s. 20(>.
Elisabeth. 2^4, 270.
Germaine. 81.
Madeleine. 88.
l'rsule. is8.
Saint-Anne Louzier. architecte. 138. ie,o. 20S.
Saint-Denis, église, di. 112.
Sainf-Dniis-ile-Mailloc. chÀicMi. Ih8, i6<).
Saiiil-Iivrniil. abbaye, 11. n. }8. lo^.
Sjint-CiCorgfs-de-BosKliervillc. église. 11.
Satn/-//if>f>olyti-Jii-/iouf-Jes-Pr('s. carrières, xi .
.Saint-Laurent (G. de», 212.
Siiint-Miirils-iie-I'resuf. église, \^t^•
Saiiil-Miirtiii-iif-Lt-l.ieuf. 18.
Siiinl-Omer. église N.-D.. 7s.
SaiNf-Piern--sitr-/)ives. église. 21. 24. 40.
SiUiit-Quftititi. église, (><».
Sjinl-.S.iuvi . église, 7*..
Sainte-.Nlarthe (de), lai.
Siilisbiirv. cathédrale, Oi.
TABLE ONOMASTIQUE
15
Salles (Robert), peintre. 76. 2^7. 267. 271.
Samson (D.-A.). rs7.
Samson (F.), serrurier. 214.
Sapincourt (D"^ de), xui.
Sauvage (R.-N.). m. isi. 170.
Sauvageot. architecte. 40. 1^=,. nô. ny.
Shongauer (Martin), peintre. 2^1.
Schopper (Jean). 160. 161.
Sée^. cathédrale. 23.
5^^«/'. cathédrale. 116.
Sentis, cathédrale, 69, 107, 112.
Sr/y^xathédrale. 21. 41. 4^, 112. 114. i2';-i26.
128.
Serbat (Louis), s. 27. 42. 67, 70. log. 114.
Serlon. abbé de Saint-Evroul. i^.
Sigebert, moine, us.
Sigisvulte. patrice romain. 2îs.
Simon, marguillier. 30. iiR. 2'(i.
Sixte IV. pape. 2^2.
Soissons. cathédrale, 6g.
Sophronius, 223.
Suger, abbé de Saint-Denis, f)^. 112. 11;.
Tabithe. 2=,7-2sq.
Taignier de La Bretesche (Nicolas), haut doyen.
170.
Taillasson. peintre. 2m. 2^2, 2^6. 2^8. 272.
Tassin (dom P.). 20. iSi.
Taylor. 2.
Théodose, empereur, g.
Théophile, moine. 211.
Thérèse de l'Enfant-Jésus (sœur). 294. 296.
Thibaud, évêque de Lisieux. 10. 171.
Thibaut, évêque de Senlis. 107.
Thibaut de Falaise, chanoine. 286.
Thiherville. g. 47.
Touchet ( Mgr), évêque d'Orléans. 102. 104. 146.
IS7.
Touques, vallée, 11. 18.
Tournaillon (Henri). is2.
Tours, église Saint-Martm. 76, 77.
Trembloy. professeur. 1^4.
Troyes. église Saint-Urbain. 147.
Turgis (Pierre), maçon. ^4.
Turner. 2, ^8.
Ussy. église. 21.
Valentinien III. empereur. 236.
Vassal (M'"). ;=^.
Vasseur (Charles 1. -. 26. 42. 69. 84. los, 107.
119. 134, 214.
\'audin (Simon), afficheur. 201.
Verneuil. église de la Madeleine. 232.
Veuclin (E.). 226. 288.
Vc\clay. église. 112.
Vien. peintre. 2^8, 2^0, 272.
Vierge (la Sainte). 18. 67, 79. 80, 9=5-99. 148.
isi. 177. 222-234. 246, 267-271.
Vierne. organiste. 1S4.
\'igneral (de), chanoine. 2^0.
^'illemin. 60.
\ tlleueuve-les-Avignon. musée. 226.
Villers, peintre, 241.
^'incent de Beauvais. 229.
VioUet-le-Duc. architecte. 2. •;. 2^. 31. 40. 41.
63. 1^0.
Vivien (Pierre), sonneur, 181.}, 204. 27.'^.
Volusien. chancelier romain. 23=;.
Vosgien. chanoine. 17^.
Vuaflart (Albert), m.
Waagen, 218.
Westminster, église, iiî.
W'idor (Ch.), 1^4.
Wurt^bourg. église. 4.
Yon, procureur. 187.
TABLE DES ILLUSTRATIONS
TABLE DES PLANCHES HORS TEXTE
I
2.
4-
V
b.
7-
8.
Q.
lO.
I I
I 2,
14,
ib.
17-
La Cathédrale vue du clocher de Saint-Jacques.
Les tours de la façade occidentale.
L'abfide de la chapelle Notre-Dame.
La Cathédrale, ses tableaux, son autel.
Vue extérieure de la Cathédrale.
La Cathédrale Saint-Pierre et l'églife Saint-Germain.
Afpect extérieur de la Cathédrale avant 1789.
Ordmation d'Orderic Vital. — Sceau de l'évèque Arnoul.
geois.
L'architecture gothique.
Le chevet du croifillon Nord et les tours.
Façade occidentale.
Portail du bas-côté Sud.
La tour du Nord. — La Cathédrale sous la neige.
La tour du Sud et sa flèche.
Arrière-chœur de la Cathédrale. — Le portail du Paradis.
Cul-de-lampe du bas-côté Sud.
La nef de la Cathédrale.
Portrait de Marin Bour-
3,8 SAINT-PIERRE DE LISIEUX
i8. — Détail du narthcx. — Le bas-corc Sud et la nef.
iq. Entrée du bas-coté Nord.
20. Intérieur de la tour-lanterne. — Le triforium du chœur. — Le déambulatoire du Nord.
21. Le croifillon Nord, ses enfeux ses statues.
22. Médaillons circulaires décorant le soubaffement d'un enfcu du croifillon Nord.
23. Le croifillon Nord et son collatéral.
24. Plafond de bois sculpté provenant de l'ancienne tribune des inuficiens. — Groupe
d'anges, bas-relief pierre, enfeu du croifillon Nord.
2V Monument funéraire d'un chanoine du titre de saint Sébaflien (croifillon Sud I. Monu-
ment funéraire d'un chanoine du titre de saint Michel chapelle Notre-Dame).
2(). Le triforium et les voûtes du chœur.
27. Les colonnes du chœur, coté nord.
28. Le déambulatoire et les colonnes du chœur, coté nord.
2ir La Cathédrale vue du narthcx.
30. Le déambulatoire, coté nord.
31. Vue générale : abfidc. croifillons, tours.
32. Statue de Jeanne-d'Arc. - L'intérieur de la chapelle Notre-Dame. — L'extérieur de
la chapelle Notre-Dame.
33. Monuments funéraires de la chapelle Notre-Dame. Monument funéraire d'un cha-
noine du titre de saint Jacques, chapelle Notre-Dame. — Monument funéraire d'un
chanoine du titre de saint Paul, chapelle Notre-Dame.
34. Monument funéraire d un chanoine, chapelle Notre-Dame. ■ — Fragments de l'ancien
jubé, chapelle Notre-Dame. Statue tombale, croifillon Nord.
3V Curieux écoini^ons de la chapelle Notre-Dame.
3(). Détail d un monument funéraire de la chapelle abfidale.
37. Arcatures du narthex. Le chevet de la Cathédrale.
38. Le chœur et le croifillon Sud.
31). Travée du chœur et croifillon Nord.
40. Sculptures du narthex. Chapiteaux du chœur.
4 I . Piles du chœur et de la nef. Piles de la nef. - Afpect primitif du collatéral Nord
de la nef. - Entrée du déambulatoire Sud.
42. Groupe de stalles du xiv" siècle.
41. La charité, saint Michel, le mendiant et sa bienfaitrice, panneaux des stalles.
44. Monfeigneur Hugonin. évcque de Baveux et Lifieux.
4 V La Cathédrale et son ancien autel.
4b. Vue générale de la Cathédrale, coté nord.
47. Le Chrifl en majcfté, vitrail du xu siècle.
45. Tètes d'apcStrcs. vitrail du xv' siècle.
41). La béatitude éternelle, vitrail du xv siècle.
^o. Vue générale sur les croifillons et le chœur.
^ î . Le tableau de saint Urfin.
^3. ChàfTe de saint Urfin. ciîai de reftitution.
•\^. Le croifillon Sud.
^4. Le croifillon Nord.
35
56
57
58
5^)
bo
6i
62
64
65
6 6
TABLE DES ILLUSTRATIONS 319
— La façade occidentale de la Cathédrale. — L'abfide de la Cathédrale.
— L'entrée de lévèque dans sa Cathédrale. — Le feu de joie de la fête Saint-Pierre.
— La cavalcade saint Urfm. — Les funérailles du maréchal de Fervaques.
— La Noël au xvni'' siècle. — La fête de la déefle Raifon.
— La prière de l'aïeule.
— L'églife Saint-Pierre et l'églife Saint-Jacques.
— Vue de l'églife Saint-Germain.
— Le vandalifme révolutionnaire, en octobre 1793. — La réouverture de la Cathédrale,
I •> août I 802 .
— Monfeigneur Lemonnier, évèque de Bayeux et Lifieux.
— Souvenir de la Grande Guerre.
— Sœur Thérèfe de l'Enfant-Jéfus et son père.
— Les charités en proceffion.
Couverture du volume : Vue de la Cathédrale, dans un encadrement emprunté à la chapelle
Notre-Dame. Deffm de Robert Salles.
Compofition décorative de Robert Salles, en tête du chapitre des tableaux.
Encadrement de la première page de la préface, emprunté à un monument funéraire de la
chapelle Notre-Dame. Deffm de Léon Leclerc.
Armoiries de Pierre Cauchon, chapelle Notre-Dame, second plat du volume. Deffm de
Jean Ch. Contel.
Plan en couleurs, gracieufement communiqué par la Société française d'Archéologie.
II. TABLE DES FIGURES DANS LE TEXTE
I
2
-I
;>
4
5
6
7
8
9
10
1 1
I 2
13
M
16
Pages
— Alexandre Piel 3
— Vue de la Cathédrale d'après un calendrier de 1832 i >.)
— Détail du portail du bas-côté Sud 22
— Arcatures de la salle gothique 26
— Pinacle fleuronné du chœur 32
— Arcature aveugle, croifillon Sud 34
— Arc de décharge, croifillon Sud 35
— Support du narthex allongé au xai« siècle 39
— Profil du doubleau du bas de la nef. 40
— Chapiteaux feuillages du narthex 40
— Rinceau de la figurine du narthex 41
— Collatéral Sud et narthex 4''
— Afpect général du collatéral Sud 50
— Chapiteaux du collatéral Nord *> i
— Arcatures aveugles de la lanterne 52
Th. Bafin, d'après un vitrail de Caudebec-en-Caux 33
", 2U
2<)
32
SAINT-PIERRE DE LISIEUX
Pages
Triforium du croifillon Nord 5^»
Croifillon Nord : figurines dur» cnfcu .58
La prcfcntation d'un défunt au tribunal de Dieu 01
21. Médaillon sculpte, cnfcu du croifillon Sud 05
22. Groupe funéraire, croifillon Sud <'7
23. — Groupe funéraire. croifillon Sud. détail 08
24. -" Triforium du chœur 7^
2^. — Entrée du déambulatoire 7 3
2(». - Ecoinçons des arcaturcs trilobées de la chapelle abfidalc 05
27. — Chapelle Notre-Dame : couronnement d'un bas-relief u(>
28. Un chanoine du titre de S"-Caiherinc prcfente une supplique à l'Enfant-Jéfus qb
Tombeau de Pierre Cauchon. d'après Gaii^nicres 101
L'évcque Arnoul 10'^
', I . Lifieux et sa cathédrale, d'après les Pbns et pTojil:^ de Normandie.- . . . loS
Corniche à modilloiis du bas-coté Sud 112
3-;. Travée de Saint-Pierre de Lifieux. Coupe longitudinale 122
14. Travcc de Chartres .123
■5^. Travée de Noyon 124
1,1 Travée de Sens 125
3; Profils de Saint-Pierre de Lifieux et des cathédrales de la même période. 127
3b. Travée de Notre-Dame de Paris i 2S
•\i). Travée de Laon 1 -*'
40. Lifieux : bafe du croifillon Sud . 1 30
41. Lilicux : chapiteau de la nef 13'
42. Une des stalles du chœur M^
43. Afpcct des stalles avant 1781» ' ^7
44-4S. Miféricordcs de stalles 1 >i»
.}('. L'imaygier des stalles (ri ... i 40
47. Ange des stalles de la cathédrale Saint-Pierre 141
48. Ecoinçons d'une parclofe : les rats 141
411. Couronnement d'une stalle i44
V Phihppc de Cofpéan. évctjue de Lifieux 14"
CrolTe épifcopale (Tréfor de la cathédrale) M»3
->;. Infcription tumulairc de Guillaume de Grainvillc. . . 1114
'J'î. La cote Saint-Urfin en 1 72.1 i «»8
^4. Léonor II de Matignon 1 "">
^ ^ . Léonor I" de Matignon ; 7 i
SI' Saint Urfin, patron de Lifieux 172
Arrivée de la cavalcade saint Urfin à la porte de Pari^ 1 7 .|
Pinacles fleuronnés de l'abfide.
')". La Cathédrale vue de l'ancienne gcndarmcMc . i^o
I'". Les piles de la nef " ^ "^
«' I . Rouxcl de Médavv, cvcque de Lifieux. i > .
02. Un cricur de patenôtres 184
TABLE DES ILLUSTRATIONS 321
Pages
63. — Le maréchal de Fervaques 185
64. — Les chanoines de Lifieux 187
65. — Mgr de La Ferronnays 189
66. — L'ancien évèché de Lifieux 190
67. Pile de la nef 192
68. — Léglife Saint-Germain 193
69. — Lifieux en 1785. . . . • 194
70. - Jean Le Hennuyer, évèque de Lifieux. • 196
71. — Lifieux au XVI® siècle 200
72. — Le portail du Paradis vers 18O0 201
73. — Vue de Lifieux, prife sur la route de Pont-l'Evèque. • 203
74. — Tombeau de M. de Créqui au cimetière de Saint-Défir de Lifieux. . . . 207
75. — M. Danjoy, architecte 208
76. — Détail du grand portail ^09
77. — La Vierge, vitrail de la Pentecôte 222
78. — Les Apôtres, vitrail de la Pentecôte 223
79. — Chanoines, vitrail du xv" siècle 225
80. Un fiévreux implorant saint Urfin 2^8
81. — Saint Urfin, statue de l'églife Saint-Jacques 239
82. — Saint Jufte, statue de l'églife Saint-Jacques 240
83. — Pèlerins ' 241
84. Le Chrift 242
85. — Saint Urfin 243
86. — Entretien de Jéfus et de saint Urfin sous le figuier 244
87. — Départ des reliques pour Bourges 243
88. — Groupe de cavaliers, tableau de saint Urfin et hôtel du Bourgtheroulde à Rouen. 246
89. -- Pèlerines 246
90. — Retour des reliques à Lifieux 247
91. — Délégué de Bourges avant le miracle 247
92. — Chanoines efcortant les reliques de saint Urfin 248
93. - — Un délégué de Bourges après le miracle 24S
94. — Les Lexoviens commentant le miracle 24g
95. — Emplacement actuel des tableaux 233
96. — Une femme écoute la prédication de saint Pierre 234
97. — Saint Paul 233
98. — La réfurrection de Tabithe, détail du tableau de Lemonnier 237
99. — Saint Sébafiiien 2(13
100. — Saint Jérôme 264
100*"— Sainte Cécile 263
ICI. Inscription de la porte d'entrée de la bibliothèque capitulaire 27b
102. Nicolas Oresme présentant un livre à Charles V 277
103. Ex-libris dvi Chapitre de Lisieux 27S
104. — Pinacles fleuronnés de l'abside 278
103. — Aspect de la Cathédrale vers 1840 . • 21)3
4'
122
SAINT-PIEKRE DE LISIEUX
III.
TABLE DES TETES DE CHAPITRES
I
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3-
4.
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7
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20.
Détail de bculpturc. chapelle Notre-Dame
Gargouilles du portail occidental
Détail du tableau de saint Urfm
Contrefort du chœur
Frife du narthex
Dalle tumulaire du chanoine Jouen
Les gardes endormis, scène de la Réfurrection, chapelle Notre-Dame .
Corniche à modillons, bas-côtés Sud
Les oiseaux des stalles
La Cathédrale, vue du clocher de Saint-Jacques
Détail dun vitrail, collatéral Sud . .
Ani^c peignant, compolition de Kobcrt Salles . ... 2^"^
Baluftrade de la tour Sud ..27^
Tête de chapitre. Rituel de Lijicux. 1744 28 1
Corniche à modillons .... 28^
Couronnement d un monument funéraire, chapelle N.-D 2g'î
Armoiries de Mi^"^^ de Matignon, de Brancas et de Condorcct 207
Détail du tableau de saint Urliii 305
Tête de chapitre. Rituel de Lificux. 1744 317
La Cathédrale vue de la cote Saint-Urfm .. 323
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TABLE DES ILLUSTRATIONS
323
IV. — TABLE DES CULS-DE-LAMPE
Pages
IV
7
3 7
77
1. — Miféricorde de stalle
2. — Miféricorde de stalle
3. — Afpect ancien du portail du Paradis
4. — Saint Urfin
5. — Armoiries de Pierre Cauchon, chapelle Notre-Dame 8q
6. — Miféricorde de stalle 165
7. — Groupe de chapiteaux, croifillon Nord 236
8. — Compofition décorative de Robert Salles 273
q. — Miféricorde de stalle 279
10. — Fleuron, Rituel de Lificiix. 1744 281
11. — Miféricorde de stalle. • • 205
12. — ■ Deux moines, vitrail du xv' siècle 2q(i
M. — Armoiries de Ms"" de La Ferronays 303
14. — Fleuron, Rituel de Lificux, 1744 307
I ") . — Fleuron, Mijfel de Lifieux. 1752 322
ib. — La Vierge, chapelle Notre-Dame -^23
17. — Miféricorde de stalle 325
TABLE DES MATIERES
Lettre de Mgr Lemonnier, évèque de Bayeux.
Lettre de Son Eminence le cardinal Amette.
Un mot de M. Maurice Barrés à l'auteur.
Avis au lecteur
Préface de M. L. Defportes
Introduction : Afpect général de la cathédrale. Ses hiftoriens
Chapitre l.
Chapitre H.
Chapitre III
Chapitre IV,
Chapitre V.
Chapitre VI.
Pages
— La Cathédrale romane
— La Cathédrale gothique : Etude defcriptive 15
— La chapelle Notre-Dame, par M. V. Lahaye c) i
— L'Age de la Cathédrale 10 1
— Le Mobilier 133
— Hiftoire anecdotique de la cathédrale 167
Chapitre VII. — Les Vitraux, par M. Etienne Deville 211
Chapitre VIII. — Les Tableaux 2^j
Chapitre IX. — Les Dépendances de la cathédrale 274
Documents annexes 283
Condufion 2c)3
Table onomaftique •...30")
Table des illuftrations 3^7
Table des matières 32^
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ACHEVE D IMPRIMER LE 15 OC-
TOBRE 1V17. AVEC LES CARAC-
TÈRES TORY - GARAMOND , SUR
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VARD DU MONTPARNASSE. PARIS.
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